* MIRUHO MutayubaraYohana Patience, Chercheur indépendant
et Chef de Bureau à l'ISDR-Uvira.
REVUE DE L'IRSA NUMERO 25, JUIN 2019 169
Dégradation des routes de desserte agricole et
production agricole dans la Chefferie des Bafuliiru en Territoire
d'Uvira
MIRUHO MutayubaraYohana
Patience*
Résumé
Dans la Chefferie des Bafuliiru, en Territoire d'Uvira,
Province du Sud-Kivu en République Démocratique du Congo, le
secteur agricole reste l'activité dominante. Cependant l'activité
agricole souffre étant donné que les routes pour assurer
l'écoulement de la production sont quasi inexistantes. Les effets de cet
état de chose se font sentir à la base : non seulement il y a
baisse de la production, mais aussi la misère de la population et la
famine dans les centres de consommation. L'agriculture qui devrait se
développer au même rythme que la croissance démographique
de la chefferie et ainsi accroitre ses revenus est au contraire
négligée et délaissée.
Mots-clés : Routes, desserte
agricole, produits agricoles, Bafuliiru, Agriculture.
Abstract
In the Bafuliiru Chiefdom in Uvira Territory, Province of
South Kivu in the Democratic Republic of Congo, the agricultral sector remains
the dominant activity. It is full of a great diversity of culture with
sufficient productions. However, agricultural activity suffers as roads to
ensure the flow of production are almost non-existent. The effects of this
state of affairs are felt not only at the base of decline in agricultural
production, but also at the proverty of the population and the famine in the
centers of consumption. Agriculture, which should grow at the same pace as the
population growth of the chieftaincy and thus increase its income, is on the
contrary neglected and neglected.
Keywords: Roads, agricultural service,
agricultural products, Bafuliiru, Agriculture.
Introduction
Le réseau routier comme un ensemble des routes
interconnectées et entrecroisées permettant le passage des
personnes et des biens, constitue un secteur important dans une
économie. Il participe et contribue au processus de création des
richesses dans un pays.
Les routes comme secteur porteur de croissance dans une
économie, agissent efficacement en amont et en aval sur le secteur
agricole, l'industrie manufacturière et les échanges en
permettant l'acheminement de l'input agricole vers les zones agricoles,
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l'évacuation de l'output des zones productrices vers
l'industrie manufacturière considérée comme le centre de
transformation de celui-ci en produit fini ou semi fini (octroi de la valeur
ajoutée) ainsi qu'en favorisant le démarrage du processus des
échanges (naissance du commerce).
Pour le cas sous étude, la réalité est
tout autre, c'est-à-dire le réseau routier congolais est dans un
état qui ne lui permet pas de jouer convenablement son rôle.
Concrètement, les routes en République démocratique du
Congo ne semblent pas constituer un réseau effectif parce qu'elles ne
sont pas interconnectées, ne permettent pas l'intégration et
même la liaison de l`arrière-pays considérée comme
la zone de production et les villes, comme le centre de consommation. Cet
état de choses prouve l'absence ou mieux la faible participation du
réseau routier dans le processus de création des richesses en
République démocratique du Congo.
Malgré la faible production agricole qu'offrent les
zones rurales, les voies de desserte agricole ne permettent pas
l'évacuation de cette production vers les centres de consommation
(villes). Aussi, ce réseau ne facilite-t-il pas l'acheminement des
moyens de production et des produits finis des villes vers les agriculteurs
ruraux.
Plusieurs études ont déjà abordé
cette problématique. HertinceNtomba 1 qui s'est
préoccupé de la compréhension et de l'analyse de
l'état des routes d'intérêt général et celles
de desserte agricole considérées comme pièce
maîtresse de la faible contribution de ce secteur dans le processus de
création des richesses en République démocratique du
Congo, a conclu que le réseau routier congolais ne joue pas
convenablement son rôle, il accuse des difficultés d'ordre
conjoncturel et structurel, et cela tant sur le plan économique,
technique, politique que social.
Justin Bitakwira, Ministre National de développement
Rural de la République démocratique du Congo, lors
d'une audition devant la Commission Aménagement du Territoire et
Infrastructures de l'Assemblée Nationale sur l'Etat des lieux des routes
de desserte agricole a affirmé qu' « il n'y a pas de
développement sans les voies d'évacuation des produits agricoles
ou des produits de pêche ou d'élevage ».2
Ainsi, il a déploré le fait que le financement est très
maigre dans le secteur. Et que cela fait plus d'une dizaine de mois que la
Direction des Voies de Desserte Agricole (DVDA) ne reçoit aucun franc,
ni du budget de l'Etat, ni du FONER (Fonds National d'Entretien Routier).
Pour leur part, Jimmy LinguleKayomba et Issomalambe
Mbombo3 ont établi un état des lieux de routes en
Province Orientale, les pesanteurs qui ont concouru à cet état
de
1NtombaHertince, Le rôle du réseau
routier dans l'intégration et la croissance économique : l'impact
des RING et des routes de desserte agricole dans la création des
richesses en RDC,Mémoire de Licence en sciences économiques,
Université de Kinshasa, 2010.
2www.mediacongo.net,
consulté le 19 janvier 2019.
3LinguleKayomba Jimmy et IssomalambeMbombo, «
Altération des routes en Province Orientale », In
Revue de l'IRSA, Numéro 23, Octobre, 2016, pp. 91-111.
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fait ainsi que les conséquences qui en
découlent. Cette recherche a montré qu'en dépit des
travaux de réhabilitation tant vantée par les autorités
depuis l'avènement de la troisième République, les routes
de la Province Orientale sont pour leur grande part dans un état de
détérioration et le travail ne semble pas véritablement
commencer. Les contraintes politiques, techniques, financières et
sociales sont des facteurs ayant déterminé la
détérioration de ces infrastructures. Cycliquement, les
conséquences de la détérioration de ces routes impactent
significativement les domaines politique, économique, socioculturel et
influence sensiblement le temps des voyages, etc.
Dans son étude sur la contribution de l'agriculture
dans l'amélioration des conditions sociales de l'homme, Claude Aubert
soutient que l'agriculture a été dans le monde entier jusqu'au
15e Siècle la principale activité productrice et la
seule source de revenus de l'homme. Il ajoute que promouvoir l'agriculture, est
une mesure de préserver les revenus et la santé de l'homme
rural.
Dans ce travail, notre préoccupation est centrée
sur la dégradation des routes de desserte agricole et ses effets sur la
production agricole dans la Collectivité Chefferie des Bafuliiru, en
Territoire d'Uvira dans la Province du Sud-Kivu.
Cette Chefferie regorge d'une grande diversité de
culture à des productions importantes, mais a assez de
difficultés liées à l'écoulement, parmi lesquelles
nous signalons l'insuffisance des marchés des produits agricoles et le
mauvais état des routes de desserte agricole. Les seuls grands
marchés sont : le marché de Lubarika, Luvungi, Rubanga et
Runingu. Tous ces marchés sont opérationnels, chacun, une fois
par semaine. Pour les atteindre, certains habitants sont obligés de
parcourir de très longues distances à pied, panier au dos, sac
sur la tête pour écouler leurs produits.
De ce fait, des localités entières sont
enclavées ; il n'y a ni route, ni marché. La production pourrit
dans les champs ou dans des greniers. Comme le fait observer Fernand
Vincent4 : « il est difficile sinon impossible de
gérer ou de stocker au village certains produits périssables.
Mais on peut le faire avec d'autres produits, d'où il suffit de
s'organiser ».
Etant donné que les paysans éprouvent
d'énormes difficultés d'écoulement et de stockage des
produits agricoles dans la Chefferie des Bafuliiru, ce sont des clients qui
viennent imposer les prix aux pauvres agriculteurs. En plus de cela,
l'agriculteur ne cesse d'être victime de plusieurs contributions en
nature de leurs produits, soumis à des multiples taxes, des tracasseries
policières et rationnement des militaires. Ainsi, l'homme rural n'est
considéré que comme source de ravitaillement.
4 VincentFernand, Manuel de gestion pratique des associations
de développement rural du tiers monde, Tome 1, Paris,
L'Harmattan,1987, pp.48-49.
5Defour Georges cité par Cibalinda,
Problématique de la prospérité du marché des
légumes dans la chefferie de Ngweshe, Mémoire de Licence,
ISDR-BUKAVU, 1999, p. 1 (Inédit).
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Partant de cette situation, George Defour5 essaie
de valoriser la vie du paysan en ces termes : « on a parfois voulu
réduire le rural au rôle de simple fournisseur des denrées
vivrières aux populations urbaines, sans prendre conscience qu'il a
lui-même ses objectifs, sa propre volonté d'épanouissement
et le mieux-être qu'il n'acceptera pas de jouer éternellement le
rôle de fournisseurs qu'il n'est pas lui-même satisfait ni
n'étant qu'un simple exécutant, sa dignité personnelle et
collective n'est pas reconnue, s'il ne dispose pas dans ses conditions
appropriées à son mode de vie, des établissements de
crédits,... qui lui permettent de vivre à l'aise ».
De ce qui précède, notre préoccupation
consiste à relever l'impact de la dégradation des routes de
desserte agricole sur la production agricole dans la Collectivité
Chefferie des Bafuliiru.
Les questions suivantes méritent d'être
posées :
- Pourquoi les routes de desserte agricole ne sont-elles pas
un atout pour la production agricole dans la Chefferie deBafuliiru ?
- Quels sont les facteurs explicatifs de la dégradation
des routes de desserte agricole dans cette Chefferie ?
- Quelles en sont les conséquences sur les
activités agricoles ?
Nous partons des hypothèses selon lesquelles les routes
de desserte agricole constitueraient un frein à la production agricole
dans la Chefferie de Bafuliiru du fait de leur état de
dégradation très avancée. L'absence des cantonniers,
l'insécurité, le conflit de pouvoir, l'incompétence et le
manque de volonté des autorités locales seraient les facteurs
explicatifs de la dégradation des routes dans la Collectivité
Chefferie des Bafuliiru. Cette situation aurait des conséquences
néfastes sur la quantité à produire et l'écoulement
des produits agricoles.
Les voies méthodologiques (analytique,
historico-comparative et descriptive), nous ont servi à découvrir
la véracité scientifique des données
récoltées en analysant la situation des agriculteurs, en
comparant l'évolution de la production et l'écoulement
après la descriptionde l'état des routes de desserte agricole de
la Chefferie des Bafuliiru. Ce qui permet de dégager les
problèmes auxquels les agriculteurs font face dans leur activité
principale. L'observation participative, l'interview et la technique
documentaire nous ont permis d'être en contact avec la population cible,
palper leur vécu quotidien, participer aux échanges, achats et
ventes des produits agricoles dans différents marchés, recueillir
et obtenir des renseignements fiables par témoignage de nos
interlocuteurs et consulter et exploité les écrits des
doctrinaires pour trouver des éléments pouvant enrichir cette
réflexion.
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Pour apprécier les conséquences de la
dégradation des routes sur la production agricole, nous avonschoisi un
échantillon de 101 habitants pour une population estimée à
390 979 âmes. Cet échantillon est tiré de cinq
groupementsqui composent la Chefferie des Bafuliiru, à savoir Lemera,
Itara, Kigoma, Runingu et Muhungu. L'échantillon a respecté la
proportion de deux sexes et tranches d'âge adulte. Le groupement d'Itara
a représenté un grand nombre d'enquêtés, suivi des
groupements de Lemera, de Kigoma, de Runingu et de Muhungu.
L'échantillon à choix raisonné
était composé de 80 agriculteurs, 8 enseignants, 9
élèves et étudiants et 4 infirmiers. Etant majoritaire par
rapport aux autres composantes, les agriculteurs nous ont permis de saisir
multiples difficultés auxquelles ils font face pendant le processus de
la production agricole.
Hormis l'introduction et la conclusion, la présente
investigation présente l'état des lieux des routes de desserte
agricole dans la Collectivité Chefferie des Bafuliiru (I), analyse les
facteurs explicatifs de la dégradation de ces routes (II) et
décrit les conséquences qui découlent de cette
dégradation sur les activités agricoles (III).
1. Etat des lieux des routes de desserte agricole dans
la Chefferie des Bafuliiru
La Chefferie des Bafuliiru6 est située en
territoire d'Uvira dans la Province du Sud-Kivu en République
démocratique du Congo. Elle est l'une des trois Chefferies (Chefferies
de la Plaine de la Ruzizi, des Bavira et celle des Bafuliiru) qui composent le
territoire jadis appelé Territoire de Bafuliiru. Elle est
approximativement située entre 2°42' de l'altitude sud entre
29°24' longitude Est, elle a une superficie de 1514,270
Km27.
L'agriculture est l'activité dominante dans la
Chefferie des Bafuliiru. Ses habitants. Ils pratiquent la culture
vivrière dont le manioc et le haricot sont les plus rependus, les
céréales (maïs, sorgho, blé...), les
oléagineux tels que : l'arachide et le soja. On y pratique
également la culture des arbres fruitiers de diverses
variétés (les orangers, les manguiers, les mandariniers, les
goyaviers, les avocatiers, ...). Les cultures maraichères sont aussi
pratiquées dans certaines parties de la chefferie. La culture de manioc
est très importante et est pratiquée presque sur toute
l'étendue de la chefferie sauf sur les hauts-plateaux, qui sont les
domaines de pommes de terre et de maïs. La culture de maïs et
d'arachide sont plus rentables dans la plaine, plus précisément
à Luvungi et Lubarika. Le haricot est produit à Lemera et ses
environs. La culture du café, l'une des cultures industrielles, est
pratiquée à Ndolera, Buheba, Lemera, Katala et Mugule.
Bafuliiruproduit également le riz à Luvungi et Rubanga.
6MusobwaMugorogo, La modernité et dot
chez les Bafuliiru, Cahiers du CERUKI, Nouvelle série,
Numéro 52, 2017. p. 187.
7 Monographie de la Chefferie des Bafuliru, in
http://www.africmemoire.com,
consulté le 23 mars 2019 ; Rapport annuel de la Chefferie, 2004, p.
2.
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Dans cette Chefferie, les paysans, qui vivent principalement de
l'agriculture, éprouvent d'énormes difficultés
liées à la production agricole, car les routes de desserte
agricole se trouvent dans un état de délabrement très
avancé.
Dans le processus de création des richesses dans une
économie, les routes permettent les transactions et les échanges
commerciaux entre les régions en accordant une sorte de valeur
ajoutée sur toutes les productions agricoles locales dans les milieux
urbains.
Les routes de desserte agricole de la Chefferie des Bafuliiru
peuvent être décrites selon leur praticabilité et selon
leur importance dans l'écoulement des produits agricoles dans le tableau
ci-après.
Tableau 1 : Les routes de desserte agricole dans
la chefferie des Bafuliiru en rapport avec leur praticabilité
N° Axes routiers Etat actuel Comité de
maintenance
Distance en Km
nce en
Nombre de ponts
de re
Nombre de caniveaux
de re
Partenaire financier
01 Kawizi-Muhungu NR NR NR En chantier
Population locale IRC-Tuungane
02 Katogota-Lubarika 7 0 1 Praticable Inexistant
ADRA
03 Luvungi-Lubarika 9 1 1 Non entretenue
Inexistant GIZ/ASCU
04 Luvungi-Ndolera 15 3 11 Impraticable
Inexistant -
05 Nyamutiri-Ndolera 11 3 5 Non entretenue
Inexistant AFPDE
06 Bwegera-Lemera 24 4 9 Praticable CLER
ADEPAE
07 Ndolera-Lubumba 1 1 0 Praticable - AFPDE
08 Lubarika-Ndolera 3 1 4 Impraticable
Inexistant -
09 Rubanga-Lemera 10 2 NR Praticable Inexistant
-
10 Rubanga-Kidote 10 4 NR Praticable Inexistant
-
11 Kidote-Mulenge 20 7 NR Praticable CLER -
12 Mulenge-Mashuba 5 1 NR Mauvais état
Inexistant NR
13 Ndolera-Buheba 14 2 15 Impraticable
Inexistant -
14 Mashuba-Katobo 5 0 NR Impraticable Inexistant
NR
15 Katobo-Runingu 35 2 NR Mauvais état
Inexistant NR
16 Runingu-Marungu 53 4 NR Impraticable
Inexistant -
17 Mulenge-Kahololo 20 3 NR Impraticable
Inexistant NR
18 Sange-Rukobero 5 1 NR Praticable CLER NR
19 Sange-Kahungwe 7 - NR Praticable CLER NR
20 Sange-Kigoma 9 1 NR Praticable CLER NR
Source : Rapport annuel cumulé de
l'Inspection de développement rural du Territoire d'Uvira, exercice
2016-2017. Données actualisées à la fin de
l'année 2018, pp.19-20.
De l'analyse de ce tableau, il ressort que sur plus de 263 km
de réseau routier repartis en 20 axes dans la Chefferie des Bafuliiru,
170 km, soit plus ou moins 65%
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représente le réseau routier
dégradé 110 km, soit 42% de routes impraticables, 40 km, soit 15%
des axes routiers en mauvais état et 20 km, soit 8% d'axes non
entretenus et 93 km, soit plus ou moins 35% représente le réseau
routier praticable. L'axe routier Kawizi-Muhungu, dont la distance n'est pas
encore connue, reste inachevé (en chantier) par manque de partenaires
financiers.
Certains axes routiers dégradés et praticables
sont dans l'état actuel grâce aux travaux communautaires de la
population locale et des comités locaux d'entretien routier. D'autres
avaient bénéficié des financements de partenaires
financiers, notamment IRC-Tuungane, ADRA, GIZ/ASCU, AFPDE, ADEPAE et AFPDE. Il
s'agit des axes routiers suivants : Katogota-Lubarika réhabilité
sans délégué à pied d'oeuvre (agent de l'Etat pour
surveiller les travaux) en 2013 par l'ONG ADRA dans son projet JENGA II,
Luvungi-Lubarika réhabilité en 2013 par l'organisation GIZ/ASCU,
Nyamutiri-Ndolera où l'ONGD locale AFPDE avait réhabilité
deux ponts et l'axe routier Runingu-Marungu où le projet ASCU de la GIZ
avait réhabilité un kilomètre entre Katobo et Ndegu sur la
route Runingu-Katobo.
Signalons en définitive que même parmi les axes
routiers déclarés `'praticables», certains ne les sont pas
par véhicules, à l'exception de l'axe qui va de Bwegera à
Lemera, Chef-lieu de la collectivité. A cause de l'état actuel de
ces routes, les opérateurs craignent d'y engager leurs véhicules.
Le tableau 2 ci-après présente les différentes routes
selon leur importance.
Tableau 2 : Les routes de desserte agricole
suivant leur importance.
N°
|
Axe routier
|
Km
|
Etat actuel
|
Production et considérations
diverses
|
01
|
Luvungi-Rugobagoba
|
5
|
Mauvais état
|
Vivres et élevage
|
02
|
Katobo-Mashuba-Kaholoholo
|
48
|
Impraticable
|
Vivres et élevage
|
03
|
Mimo-Rubarika-Luvungi
|
12
|
En réhabilitation
|
Marché, vivres et élevage
|
04
|
Lemera-Katobo-Runingu
|
28
|
A réhabiliter
|
Café, marché et élevage
|
05
|
Rubanga-Ndolera
|
12
|
Praticable
|
Café et marché
|
06
|
Itara-Kakumbakumbu
|
-
|
Mauvais état
|
Café et vivres
|
07
|
Lubarika-Kamonyi-Mimo
|
24
|
A réhabiliter
|
Café et vivres
|
08
|
Kiringye-Kanigo-Ndolera
|
10
|
Praticable
|
Café et vivres
|
Source : Rapport annuel de l'Inspection
de l'Agriculture, Pêche et Elevage du Territoire d'Uvira de
l'année 2018, pp. 56, 57.
De ce tableau, il ressort que l'Inspection de l'Agriculture,
Pêche et Elevage a retenu huit axes routiers, qui sont les principales
voies d'évacuation de produits vers le marché.
8Rapportage de Lucien Kanana, Journaliste à
la radio le Messager du Peuple émettant depuis la ville d'Uvira sur
105.3 FM.
REVUE DE L'IRSA NUMERO 25, JUIN 2019 176
Il sied de signaler que seuls les axes routiers
Kiringye-Kanigo-Ndolera et Rubanga-Ndolera sont praticables pendant que les
autres sont, soit en mauvais état, soit impraticables ou à
réhabiliter.
2. Facteurs de la dégradation des routes de
desserte agricole dans la Chefferie des Bafuliiru
Dans cette partie de notre réflexion, nous analysons
les facteurs explicatifs de délabrement des routes dans la Chefferie des
Bafuliiru. L'absence des cantonniers, l'insécurité, le confit de
pouvoir, l'incompétence et le manque de volonté des
autorités locales sont les facteurs explicatifs qui ont
été retenus dans ce travail.
2.1. Absence des cantonniers
Dans la Chefferie des Bafuliiru, les routes de desserte
agricole ne sont pas régulièrement entretenues étant
donné que les cantonniers qui devaient faire ce travail d'une
manière permanente par le remblayage des nids de poules et la
canalisation des eaux de ruissellement pour prévenir les érosions
n'existent pas.
Au tableau 1, il a été démontré
clairement que seuls les axes Kawizi-Muhungu, Bwegera-Lemera, Kidote-Mulenge,
Katobo-Runingu, Runingu-Marungu, Sange-Rukobero, Sange-Kahungwe et Sange-Kigoma
sont périodiquement entretenues soit par la population locale, soit par
les comités locaux d'entretien.
Selon Monsieur Mahire Medekero,8 responsable des
jeunes volontaires de la localité de Bulindwe, les jeunes volontaires se
sont mobilisés pour boucher certains trous à leur frais afin de
permettre le passage des véhicules. La population de ces
localités continue d'appeler les autorités territoriales à
réhabiliter cette route de desserte agricole d'une importance capitale
qui relie Katobo à Runingu, en passant par plusieurs localités et
qui permet le désenclavement de ces villages des hauts et moyens
plateaux d'Uvira.
2.2. Insécurité
La collectivité Chefferie des Bafuliiru comme toutes
autres entités du Territoire d'Uvira, souffre de la recrudescence de
l'insécurité. Des cas des vols, viols, dépouillement des
passagers dans certains axes routiers, braquages, cambriolages,
enlèvements et tueries sont perpétrées dans cette
région par des hommes armés. Dans cette collectivité, les
combats entre les groupes armés locaux (Maï-Maï, FDLR, FNL) et
les FARDC sont réguliers.
Les affrontements entre les miliciens Maï-Maï, FDLR,
FNL, les forces étrangères,... qui se pourchassent dans les
collines de Lemera depuis le début de la guerre de l'Alliance des Forces
Démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) en 1996,
REVUE DE L'IRSA NUMERO 25, JUIN 2019 177
continuent de provoquer les déplacements des paysans.
Les localités de Mulenge, Rushama, Kibungu, Kidote, Mushegereza, Katala,
Butole, Narunanga, Bushuju, Mahungubwe, Kibungu, Nyawera, Rubanga, Langala,
Kahange, Bulaga, Kibunga, Nyamutiri, Bubamba, Kahanda, Kigoma, Lungutu,
Rukobera, Kahungwe, Mubere, Rugeje, Kibenga se sont vus vider d'une grande
partie de ses habitants, voire de tous ses habitants àKigenge, Rudaga et
Kasima selon les informations qui nous ont été livrées par
Monsieur ButiyeRukika Ephrem.9
Cette situation est l'une des causes de la dégradation
des routes, étant donné qu'il est difficile d'assurer leur
entretien dans les villages vidés de leurs habitants. Même
là où il serait possible de le faire, les enlèvements, les
kidnappings, les tueries perpétrées par les forces
négatives sèment la terreur chez les cantonniers, les
comités locaux d'entretien routier, les bienfaiteurs et les agents des
services techniques de l'Etat.
2.3. Conflit de pouvoir coutumier
Le tenant du pouvoir dans la Chefferie des Bafuliiru est le
Chef de la collectivité communément appelé Mwami. Il est
le Chef de l'exécutif et le représentant de l'ordre et garant de
la coutume. Sa personne est sacrée.
A partir des données récoltées, il sied
de préciser que la Chefferie des Bafuliiru connaît un certain
nombre de problèmes sur le plan politique, économique,
socioculturel et organisationnel.
Sur le plan politique, il y a lieu de dire que cette Chefferie
traverse une crise de légitimité qui date de longtemps et affecte
son développement. Les différents documents administratifs et les
rapports qui remontent à l'époque Belge en République
démocratique du Congo montrent que cette Chefferie a connu des conflits
de succession au pouvoir coutumier. L'étude de BashendeBweyo
René10 sur « L'administration et les conflits de
succession au pouvoir coutumier dans la Chefferie des Bafuliiru »
révèle que les causes de ces conflits sont la polyginie des
Bami, la course au pouvoir des princes, la confusion entre la règle
coutumière et la légalité moderne,
l'incompréhension de la légitimité du choix du Mwami entre
les sages et les Banjoga, mais aussi entre les princes. Ils se battent pour le
pouvoir. Premièrement, chacun se considère comme un potentiel
successeur après la mort du père; d'où des conflits de
succession. Deuxièmement, les princes en conflit recourent à
l'administration pour être départagés et investis. Deux
sources de légitimité apparaissent : la coutume et la loi. Cette
dualité donne lieu à une confusion qui ne devrait pas exister en
principe, entre le droit coutumier et le droit moderne. Troisièmement,
il crée
9ButiyeRukika Ephrem, Assistant de pratique
professionnelle à l'ISDR-Uvira, originaire du village de Butole dans la
Chefferie des Bavira.
10BashendeBweyo René, L'administration
et les conflits de succession au pouvoir coutumier dans la Chefferie des
Bafuliiru, Annales de l'UEA, Numéro 5, Volume 4, Bukavu, Mai
2015.
REVUE DE L'IRSA NUMERO 25, JUIN 2019 178
une compétition entre l'élite traditionnelle et
l'élite moderne qui nourrit un projet de transformer la Chefferie en
Secteur pour mettre un terme au conflit de succession.
Dans son étude, BashendeBweyo Renésoutient que
huit conflits de pouvoir ont déjà eu lieu : les conflits entre
Kirunga et Nyamogira, Nyamogira II Shengeroet Ruguduka, pendant le règne
de Mukogabwe II Mahina, Muhogo et Matakambo, André Muzima et
SimbaNyamogira, SimbaNyamogira et Musa Marandura, SimbaNyamogira et
KayambaKabuya ainsi qu'entre Ndare et Albert MuzimawaSimba.
Le conflit entre Albert MuzimawaSimba et Adam Kalingishi tire
ses origines dans la succession de Simon NdareSimba, Chef de
collectivité décédé depuis le 22 décembre
2012, le premier étant son petit-frère et le second son fils
Aîné. Ce conflit a divisé les notables des Bafuliiru,
notamment les gardiens de la coutume, BulangalireMajagira Espoir,
BitakwiraBihonaHayi, MasumbukoRubota, Mubengwa,
MishoniowaRusati,
KwigwasaNakahuga, BitijulaMahimba, KanyegereLwaboshi,
BalibwaNdezi,
MwambaRugendusa, MatendoBagezi, MasineKinenwa,
Monseigneur KuyeNdondowaMulemera et les sages fuliiru (SelemaniBujaga,
Mujuguvya, Kawawa, MashimangoKateranya, DugaMuke, Lungwe Diallo,
MuchepeKirugira).
Ce conflit qui engage plusieurs acteurs a créé
deux tendances : le groupe de sages de « Lubunga » constitué
des Bafuliiru d'Uvira qui soutenaient Adam KalingishiNdare, Chef de
collectivité, pendant que les Banjoga (gardiens de la coutume)
insistaient qu'il aille d'abord étudier et qu'Albert MuzimawaSimba
dirige et assure l'Administration de la Collectivité. Quelques
élus du territoire et certains notables des Bafuliiru voudraient bien
que Monsieur Albert Muzima Wa Simba soit investi au pouvoir et assure
l'administration de la collectivité même si c'était Adam
KalingishiNdare qui détenait le pouvoir jusqu'à ce jour.
La persistance de ce conflit impacte négativement le
développement de la Chefferie des Bafuliiru. L'argent affecté par
le gouvernement central en termes de rétrocession pour la
réhabilitation des infrastructures et le fonctionnement, sert de peau de
vin que le Chef utilise pour se maintenir au pouvoir au lieu de s'occuper du
développement de son entité.
2.4. Incompétence et manque de volonté des
autorités locales
La Chefferie des Bafuliiru est une entité territoriale
décentralisée, qui perçoit plusieurs taxes parmi
lesquelles la taxe journalière, qui est obligatoire dans la chefferie
des Bafuliiru pour promouvoir le fonctionnement et contribuer à la
satisfaction des besoins ménagers des autorités de la chefferie.
Elle est payée sur chaque achat et vente d'une marchandise). Il y a
aussi la taxe unique instituée par le Décret-loi n°089 du 10
juillet 1998 portant fixation de la nomenclature des taxes, autorisées
aux entités administratives décentralisées, des recettes
administratives d'intérêt commun et des recettes fiscales
cédées par l'Etat aux entités.
REVUE DE L'IRSA NUMERO 25, JUIN 2019 179
Bien que cette Chefferie, comme toutes autres entités,
souffre de problèmes de la modicité du budget alloué par
l'Etat au secteur routier, (la non-exécution des crédits
alloués à ce secteur, les mauvaises affectations des ressources
suite aux mauvais diagnostics dans les travaux des routes, l'existence de la
hausse généralisée des prix entrainant la perte du pouvoir
d'achat des crédits prévus, les décaissements
irréguliers pour les dotations en matériels, les influences
politiques dans la gestion de la chose publique, la mauvaise gestion et
détournements des fonds alloués dans ce secteur suite au manque
de contrôle d'évaluation et de la présence des protections
de familles politiques), la charge d'exécution du budget de la chefferie
des Bafuliiru revient premièrement aux autorités locales.
En ce qui concerne la gestion financière de recettes
locales, les citoyens ne sont pas satisfaits de la manière dont les
finances publiques sont gérées. Non seulement la
rétrocession de 18 000 dollars accordée à cette Chefferie
ne participe pas à la réalisation des ouvrages publics, mais
aussi, il y a lieu de s'accorder sur le fait que les prévisions en
termes de rétrocession de la Province à la Chefferie (dont le
montant ne nous a pas été révélé) sont
gérées de manière discrétionnaire au
détriment de la satisfaction de la population. A ce niveau, il s'observe
un écart entre les prévisions et les réalisations de
l'ordre de 234 543 762 00 FC.11
Par rapport à cette gestion, il ressort de nos
entretiens avec la population, que les allocations financières
accordées à la Chefferie sont inférieures aux recettes
collectées par cette entité à travers les marchés
et les autres services générateurs des recettes oeuvrant au
niveau de la chefferie. Dans cette entité, tout en étant
considérée comme poumon du Territoire d'Uvira en termes de
recettes, les services générateurs des recettes sont
négligés. Il s'agit principalement des marchés de Runingu
et Rubanga où l'on ne parvient pas à mobiliser et à
canaliser les recettes faute de contrôle. S'agissant de la production
agricole, tout en soulignant la quasi-inexistence des routes de desserte
agricole, la production pourrit au niveau local faute d'atteindre le milieu de
consommation.
Malgré la rétrocession accordée chaque
année à la Chefferie de Bafuliiru évaluée à
18 000 dollars, la réalisation des programmes de la chefferie est
critiquée par les habitants.
En effet, les fonds rétrocédés sont
destinés à la construction et à la réhabilitation
des centres de santé, des écoles, des routes, des marchés.
Mais, il se fait remarquer que la population est victime de l'absence de
volonté politique étant donné que la Chefferie des
Bafuliiru n'a pas réalisé son programme dans différents
domaines pour son développement.
Il sied de signaler quelques réalisations, notamment :
? l'achat de fournitures de bureau pour l'administration de la
Chefferie (ordinateurs, imprimantes), et de quarante chaises plastiques, qui
n'existaient pas suite à la mauvaise gestion et les conflits de pouvoir
après la mort de Mwami NdareSimba ;
11http//
www.budget.gouv.fr/2009.
REVUE DE L'IRSA NUMERO 25, JUIN 2019 180
· la réhabilitation des axes routiers
Bwegera-Lemera et Lemera-Mulenge pour faciliter l'écoulement de produits
agricoles de zones de production ;
· le recrutement de taxateurs qui ont comme rôle
d'assurer la collecte de taxes au bénéfice de la Chefferie des
Bafuliiru ;
· l'achat des motos pour le suivi dans différents
marchés ;
· la contribution de 10% de la construction d'une salle
polyvalente ;
· la réhabilitation d'un marché de
Mirungu, un projet datant de Mwami NdareSimba,
· la construction des ponts en planches, à savoir
les ponts Munyovwe I et II, Kanabe I et II, II et Luberizi.
Cependant, la Chefferie de Bafuliiru n'a pas d'infrastructures
adéquates pouvant faciliter le commerce ou l'échange des biens
avec d'autres Chefferies du Territoire d'Uvira, en particulier et avec d'autres
territoires de la République démocratique du Congo, en
général. Ce qui fait que la rétrocession accordée
à cette entité ne soit pas perçue par la population ou les
habitants du milieu comme la solution aux problèmes qui entravent son
développement.
3. Conséquences de la dégradation des
routes de desserte agricole sur la production agricole
Six axes ont orienté notre recherche pour mesurer les
conséquences : la satisfaction relativeà la production, la
destination de la production, l'écoulement de la production,
l'organisation de ventes, l'existence des marchés d'écoulement
dans les milieux et l'arrivée des véhicules dans ces
marchés. Ci-après, le tableau 3 qui présente le sentiment
des enquêtés par rapport à la production locale.
Tableau 3 : Sentiment des enquêtés
par rapport à la production
Réponses
|
f
|
%
|
Satisfaits
|
60
|
59,40
|
Non satisfaits
|
41
|
40,59
|
Total
|
101
|
100
|
Dans l'ensemble, 59,4% de nos enquêtés sont
satisfaits de la production. Ceci s'explique par l'introduction des nouvelles
variétés des boutures et semences qui résistent aux
maladies. Il sied de signaler que la fertilité du sol surtout dans les
villages proches des hauts plateaux et dans les hauts plateaux eux-mêmes
est à la base de cette satisfaction. Les images qui suivent illustrent
la diversité de la production dans notre milieu d'étude.
REVUE DE L'IRSA NUMERO 25, JUIN 2019 181
![](Degradation-des-routes-de-desserte-agricole-et-production-agricole-dans-la-chefferie-des-Bafuliiru1.png)
Quelques produits agricoles vendus dans le marché
de Kawizi
Néanmoins, dans certains endroits les cultures sont
attaquées par diverses maladies. La population étant incapable
d'utiliser les produits phytosanitaires, produit moins. Raison pour laquelle
certains de nos enquêtés (40,59%) ont exprimé leur
sentiment d'insatisfaction par la production. Le tableau qui suit montre
comment les paysans utilisent leur production.
Tableau 4 : Utilisation de la production
|
|
|
Réponses
|
f
|
%
|
Alimentation
|
38
|
37,63
|
Vente
|
36
|
35,64
|
Semences
|
27
|
26,73
|
Total
|
101
|
100
|
De la totalité de la production, 37,63% d'agriculteurs
alimentent leurs familles, mais aussi ils vendent une autre partie pour
subvenir à d'autres besoins sociaux (35,64%), tout en réservant
une quantité aux semences pour la saison culturale suivante (26,73%) du
fait qu'il n'y a pas de marché de semences. Quant au moyen de transport
pour la recherche de débouché, le tableau ci-après nous
fournit des précisions.
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Tableau 5 : Moyen de transport pour
l'écoulement des produits agricoles
Réponses Effectifs %
La tête ou le dos 93 92,07
Pas de transport 5 4,95
Le vélo 3 2,97
Total 101 100
Pour écouler les produits agricoles, les agriculteurs
éprouvent beaucoup de difficultés liées au transport dans
la mesure où la majorité des enquêtés transportent
leurs produits sur la tête et/ou au dos (92,07%), moins nombreux sont
ceux qui utilisent les vélos (2,97%) et les autres ne supportent pas de
transport, car ils vendent à la maison.
Il existe des marchés d'écoulement des produits
agricoles qui sont parfois éloignés des centres de production.
Ils sont inégalement répartis dans les groupements au point que
certains villages de la Chefferie n'ont pas de marché. Ceci
étant, les agriculteurs éprouvent d'énormes
difficultés pour écouler leurs produits agricoles. Certains font
trois heures de marche à pieds pour atteindre certains marchés
qu'ils disent proches d'eux, d'autres marchent pendant cinq heures pour les
marchés dits éloignés. C'est le cas d'un agriculteur de la
Localité de Mulenge qui parcoure avec peine quarante kilomètres
à pieds en aller et quarante kilomètres au retour pour aller
vendre ses produits agricoles dans le marché de Rubanga. Il en est de
même pour un agriculteur de Namuziba/Ndolera qui est contraint de
parcourir vingt-cinq kilomètres à pieds avec ses produits sur la
tête pour les écouler au marché de Mirungu/Luvungi, comme
en témoignent les images suivantes:
![](Degradation-des-routes-de-desserte-agricole-et-production-agricole-dans-la-chefferie-des-Bafuliiru2.png)
Figure 2.Images des paysans dont trois femmes
originaires de la localité de Mugutu transportant les paniers de maniocs
aux dos. Ils font six heures de marche pour atteindre ce marché de
Kawizi.
|
Fig 3 Arrivée des paysans au
marché deKawizi
|
|
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La plupart des marchés de la Chefferie des Bafuliiru ne
sont pas accessibles par véhicules, situation qui crée des
difficultés à l'écoulement des produits agricoles. Chacun
de ces dix-huit marchés est opérationnel une fois par semaine.
Toutefois, la majorité de nos enquêtés
manifestent l'insatisfaction de la manière dont les ventes sont
organisées sur les marchés. Les prix des produits agricoles ne
sont pas fixes. Ils varient d'un marché à l'autre. Ils
évoquent le fait qu'il n'y a pas d'instrument de mesure
appropriés et souvent, ce sont les acheteurs qui viennent imposer leurs
prix sur le marché. N'ayant pas de choix, les agriculteurs
décident de vendre aux mêmes prix qui leur sont imposés par
les acheteurs de peur qu'ils ne rentrent pas mains vides ou bien que leurs
produits ne pourrissent.
L'état des routes nous a préoccupé, le
tableau 6 ci-après présente les avis des enquêtés
sur l'entretien de ces routes.
Tableau 6 : Existence de travaux communautaires
d'entretien des routes
Réponses
|
f
|
%
|
Oui
|
9
|
8,91
|
Non
|
92
|
91,08
|
Total
|
101
|
100
|
La quasi-totalité des enquêtés de la
Chefferie des Bafuliiru confirment l'existence de travaux communautaires
d'entretien routier. Pour désenclaver cette Collectivité, les
enquêtés ont proposé quelques pistes consignées dans
le tableau 7.
Tableau 7 : Stratégies à mettre en
place pour promouvoir la production agricole
Réponses Effectifs Pourcentages
Réhabiliter les routes existantes et créer d'autres
31 30,69
Créer de nouveaux marchés 26 25,74
Organiser les ventes des produits agricoles sur le marché
44 43,56
Total 101 100
Nos enquêtés ont proposé la
réhabilitation des routes existantes (30,69%), la création de
nouveaux marchés (25,74%) et l'organisation des ventes de produits
agricoles sur le marché (43,56%) comme stratégies à mettre
en place pour promouvoir la production agricole dans la Chefferie des
Bafuliiru. En fait, il est question de financer la Direction des voies de
desserte agricole (DVDA) par le FONER en vue de matérialiser ces
stratégies.
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Conclusion
Montrer les effets de la dégradation des routes de
desserte agricole sur la production agricole dans la Chefferie des Bafuliiru a
été la préoccupation de cette étude.
Les résultats de nos enquêtes suggèrent
que les agriculteurs éprouvent beaucoup des difficultés de
transport. Faute de conditionnement et la mauvaise conservation, les
récoltes pourrissent dans des greniers ; ceci décourage le paysan
à tel point qu'il ne souhaite plus beaucoup produire.
L'état de délabrements des routes tient à
l'absence des cantonniers pour entretenir les routes,
l'insécurité, le confit de pouvoir, l'incompétence et le
manque de volonté des autorités.
La production agricole étant assez suffisante dans
cette Chefferie, la mise en place de plusieurs stratégies est une
nécessité. Il faudrait l'engagement des cantonniers
appelés à entretenir régulièrement les routes de
desserte agricole tout en créant les conditions nécessaires
pouvant leur permettre un bon climat de travail.
Sur le plan sécuritaire, il serait nécessaire de
:
? soutenir les actions communautaires et populaires pour faire
échouer les groupes armés et dénoncer leurs complices ;
? former les groupes d'acteurs de transformation sociale ;
? rechercher la vraie information afin de prévenir la
population contre les manipulations visant la déstabilisation de la
chefferie ;
? encourager et faire l'extension des clubs des
réflexions des jeunes sur la paix dans tous les groupements et
localités qui composent la chefferie ;
? former les leaders locaux qui doivent maintenir en
éveil la population sur son destin et ses responsabilités dans la
participation à la lutte contre l'insécurité.
Pour mettre fin aux conflits de pouvoir coutumier, il serait
envisageable de réorganiser les comités de différentes
élites et la politique traditionnelle des Bafuliiru, créer un
bureau de consultation des gardiens de la coutume, instaurer un système
d'éducation à la culture fuliiru et à la paix, adopter les
coutumes aux lois du pays.
La mise en route de ces pistes de solutions exige une
véritable volonté politique tant au niveau national, provincial
que local.
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