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Paix et developpement dans le territoire de kalehe au sud-kivu : identification des acteurs, atouts et enjeux


par Norbert MUCHIGA ZIHINDULA
Université de Kinshasa - Diplome d'Etudes Supérieures en Sciences Politiques et Administratives 2020
  

Disponible en mode multipage

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Année académique 2020- 2022

UNIVERSITE DE KINSHASA

FACULTE DES SCIENCES SOCIALES,
ADMINISTRATIVES ET POLITIQUES

DEPARTEMENT DES SCIENCES POLITIQUES ET ADMINISTRATIVES

PAIX ET DEVELOPPEMENT DANS LE

TERRITOIRE DE KALEHE AU SUD-KIVU

Identification des Acteurs, Atouts et Enjeux

Par

Norbert MUCHIGA ZIHINDULA

Licencié en Sciences Politiques et Administratives

Mémoire présenté et défendu en vue de l'obtention du Diplôme d'Etudes Supérieures en Sciences Politiques et Administratives

Promoteur : Jean-Gérard BAENDE EKUNGOLA

Professeur Ordinaire

Co-promoteurs : - Bienvenu MUCHUKIWA NGUSU

Professeur

- Patience KAMANDA LONDO Professeur

i

EPIGRAPHE

« La paix a un prix à payer. Elle coûte cher. Il faut absolument la préserver par tous les voies et moyens... ».

DAG HAMMARSKJÖLD

ii

IN MEMORIAM

Nos parents MUCHIGA Alexandre et M'CHIRABUKO ZANABE Francisca ;

Nos frères et soeurs MUCHIGA BUHORHO Stéphanie, MUCHIGA BONABIRHU, MUCHIGA Martin, Françoise CHIBALONZA et SIKUZANI Jacqueline d'heureuses mémoires.

Si bien que les blessures de vos différents et mystérieux départs soient encore fraiches et douloureuses, nous tachons du jour au lendemain de faire preuve du courage que vous nous avez transmis ; ce courage qui ne fléchit pas devant la peur, mais qui la combat pour la vaincre.

Auprès du Père où vous êtes, intercédez pour nous.

Norbert MUCHIGA ZIHINDULA

Norbert MUCHIGA ZIHINDULA

iii

DEDICACE

A notre frère aîné, le Sénateur Professeur Modeste BAHATI LUKWEBO qui s'était montré très généreux à notre endroit en nous offrant, non seulement les moyens matériels nécessaires mais aussi l'appui moral à notre démarche scientifique.

A la digne mère de nos enfants, Madame Célestine Faïda MFUNE pour son inlassable sollicitude pendant la période difficile de quête des données sur le terrain ;

A nos enfants, dont MUCHIGA AMANI Muyu (et sa descendance : Alvy, Ruthiana, Grady, Esther), MUCHIGA BAHATI Mamie (et sa descendance Kelaya Mbwakiem, Marco, Blessing, Winnie), MUCHIGA AKILIMALI Prince (et sa descendance : Daniel, Destinée, Délive et ZIHINDULA Norbert), MUCHIGA Francine (et sa descendance Erick BARAKA), MUCHIGA Rodrigue (et sa descendance Faïda), MUCHIGA FEZA Rachel (et sa descendance Ashuza), MUCHIGA CHINAMULA Rufin (et sa descendance Maël et MUKENGWA Milan), MUCHIGA BITAKUYA Moïse, MUCHIGA ZIHINDULA Raoul, MUCHIGA Raïssa et MUCHIGA KIPONDA Roddy pour le témoignage de leur vive affection ;

A nos frères et soeurs ainsi que leur nombreuse progéniture pour leurs encouragements multiformes, entre autres : MUCHIGA BUHORHO Stéphanie (et sa descendance : MUTULA Hortense, Mwinja, Francine, Eugène, Guylaine, MUCHIGA BONABIRHU (et sa descendance NKINZO Papy, Dada, Junior, Gloire), MUCHIGA À NAMAZUBA (et sa descendance Lydia, Christian, Dany, Joël et Josué), MUCHIGA Martin (et sa descendance Aimée, Tandrice, Obed, Benjamin, Grady, Mickelange, Namazuba), MUCHIGA NAMINANI (et sa descendance Fallone, Agnès, Solange et Norbert), MASIRIKA Mulumeoderhwa et sa descendance (Alexandre, Enoch, Euphrasie et Françoise), Françoise CHIBALONZA (et sa descendance Alain, Vikson, Bijoux, Bénie) et SIKUZANI Jacqueline (et sa descendance Serge, Gisèle, Charline, Tony, Alain, Fiston, Bijoux, Blaise, Sylvie, Carine), ...

iv

REMERCIEMENTS

Le présent travail marque le mi-parcours de nos études au sein de la Faculté de Sciences Sociales, Administratives et Politiques de l'Université de Kinshasa.

Plusieurs personnes, d'une manière ou d'une autre, de près ou de loin, ont concouru à notre formation intellectuelle ainsi qu'à la réalisation du présent travail par leur appui qui varie du tout au tout. Il s'agit notamment d'un appui spirituel qui n'a pas faibli à travers leurs prières, d'un réarmement moral ou encore d'une participation matérielle qui méritent d'être cités, accompagnés de nos chaleureux remerciements.

Bannissant l'esprit d'ingratitude notoire, nous tenons, de prime abord, à remercier l'Eternel Dieu, Créateur du ciel et de la terre, pour le souffle de vie, sans lequel la réalisation de cet ouvrage ne parviendrait pas à son comble.

Nous pensons ici plus particulièrement aux autorités académiques et scientifiques ainsi qu'au corps professoral de l'Université de Kinshasa avec une note particulière soulignant l'apport très apprécié de la Faculté de Sciences Sociales, Administratives et Politiques, pour la formation de qualité que nous avons reçue tout au long de notre parcourt.

Nous remercions, d'une manière exceptionnelle, le professeur Jean-Gérard BAENDE EKUNGOLA qui a généreusement accepté la direction de ce mémoire, nous introduisant ainsi dans la cour de grands par le truchement d'une rédaction de qualité qui mérite nos applaudissements à bien d'égards.

Nous pensons également aux distingués professeurs Bienvenu MUCHUKIWA NGUSU et Patience KAMANDA LONDA, Codirecteurs de ce travail, pour leur suivi très éclairé et leurs précieux conseils de connaisseurs avertis en Sciences Politiques et Administratives mais aussi et surtout pour nous avoir amené à rendre ce travail plus attrayant au double plan de la forme et du fond.

Nous serions incomplet dans notre longue citation si nous terminions celle-ci sans devoir présenter nos vifs et sincères remerciements à Sa Majesté notre Grand Mwami Shosho Kamirogosa III Ntale Franck ainsi qu'à toute la lignée royale de la Chefferie de BUHAVU dont nous faisons partie intégrante. A tous les ressortissants du territoire de Kalehe qui résident à l'intérieur comme à

v

l'extérieur du pays nous disons également grand merci pour leur apport très apprécié à l'accomplissement de ce travail.

Nous tournons, enfin, notre regard en direction de nos camarades de la Faculté des Sciences Politiques et Administratives, plus précisément LUABEYA MBALA, DIENDA MAKENGO Jean-Marc, le CP Emmanuel NIMI NGOMA, le professeur MAKESE qui ont été beaucoup dans notre formation académique et pratique en nous intégrant dans les différents groupes de travail avec générosité et un esprit d'équipe digne de notre Université, je dis également grand merci.

Aux uns et aux autres, recevez l'expression sincère de toute notre

gratitude.

Norbert MUCHIGA ZIHINDULA

vi

PRINCIPAUX SIGLES ET ACRONYMES

- ADF-MTM : Allied Democratic Front (Front Démocratique Allié)-

Madina at Tauheed wau Mujahedeen

- ADP : Alliance Démocratique des Peuples

- AFDL : Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du

Congo-Zaïre

- ANC : Armée Nationale Congolaise

- APR : Armée Patriotique Rwandaise

- CIJ : Cour Internationale de Justice

- CIRGL : Conférence Internationale de la Région des Grands Lacs

- CNDP : Congrès National pour la Défense du Peuple

- CNRD : Conseil National de la Résistance pour la Démocratie

- CNS : Conférence Nationale Souveraine

- COMESA : Common Market for Eastern and Southern Africa

(Marché Commun de l?Afrique orientale et Australe)

- EIC : Etat Indépendant du Congo

- FAC : Forces Armées Congolaises

- FAR : Forces Armées Rwandaises

- FARDC : Forces Armées de la République Démocratique du Congo

- FAZ : Forces Armées Zaïroises

- FDD : Forces pour la Défense de la Démocratie au Burundi

- FDLR : Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda

- FPU : Fédération pour la Paix Universelle

vii

- FOREBU : Forces Républicaines du Burundi

- FPR : Front Patriotique Rwandais

- FRODEBU : Front pour la Démocratie au Burundi

- M23 : Mouvement du 23 mars 2009

- MLC : Mouvement de Libération du Congo

- MONUC : Mission de l'Organisation des Nations-Unies au Congo

- MONUSCO : Mission de l'Organisation des Nations-Unies pour la

Stabilisation de la République Démocratique du Congo

- OIM : Organisation Internationale pour les Migrations

- ONG : Organisation Non Gouvernementale

- ONU : Organisation des Nations-Unies

- RCD-Goma : Rassemblement Congolais pour la Démocratie/Goma

- RCD-N : Rassemblement Congolais pour la Démocratie National

- RDC : République Démocratique du Congo

- SOMINKI : Société Minière du Kivu

1

RESUME

La présente etude se propose d'analyser la question de la paix et du développement dans le territoire de kalehe dans la province du Sud-Kivu. Nous y identifions des acteurs, des atouts et des enjeux

Elle élucide la dynamique de conflits qui explosent dans ce territoire et propose des pistes des solutions pouvant aider à sa pacification pour envisager son développement. Cette étude pivote autour de la question centrale qui est celle de savoir les mécanismes qu'il faut mettre sur pieds pour instaurer la paix et envisager le développement du territoire de Kalehe.

Il en va de cette question la réponse selon laquelle pour instaurer la paix et envisager le développement dans le territoire de Kalehe, il faut des réformes de gouvernance locale et la réconciliation communautaire ; il faut mettre en valeur les richesses dont dispose le territoire de Kalehe au profit de la population locale. Nous pensons aux ressources naturelles, au poids démographique, à l'intelligence locale, etc...

Pour la compréhension de l'étude, nous avons fait recours à la démarche dialectique, qui est aussi celle de l'action réciproque ou la loi de la connexion universelle. Par celle-ci, nous avons compris que le sous-développement de la province du Sud-Kivu, en général, et du territoire de Kalehe, en particulier, mérite d'être inclus dans un tout qu'on peut considérer comme la République Démocratique du Congo. Les contextes sécuritaire, politique, social, géographique et démographique du pays influent sur l'émergence des facteurs principaux qui freinent le développement de ce territoire, par conséquent de toute la République.

Nous avons mené cette étude en quatre chapitres. Le chapitre premier s'est focalisé sur l'encrage théorique et la compréhension des concepts de conflits, paix et développement.

Pour le deuxième chapitre a procédé à la présentation de la province du Sud-kivu en général, et du territoire de Kalehe en particulier. Au troisième chapitre, nous présentons les différents atouts et obstacles au développement du territoire de Kalehe. Cette partie de la République est traversée par des richesses qui sont sollicitées partout dans le monde entier.

2

Pour pallier à ces difficultés, le quatrième chapitre donne une série des stratégies appropriées parmi lesquelles les réformes de la gouvernance locale (politique, économique, sociale, judiciaire et sécuritaire).

En définitive, nous estimons que nous n'avons pas abordé la totalité du problème relatif au conflit armé, à la paix et au développement en R.D.C, étant donné que les données sont nombreuses et que nous n'avons pas pu les coucher toutes dans ce travail. Toutefois, nous demandons à d'autres chercheurs qui pourront aborder le même problème ayant trait à notre thème, une façon de continuer la recherche pour une évolution de la science et éclairer davantage les acteurs.

3

SUMMARY

This study is focused on analyzing the question of » Peace and Development in the territory of Kalehe in South Kivu». We identify the actors, the assets and the challenges.

It elucidates the dynamics of conflicts which explode in this territory and proposes issues of solutions which can contribute to peace leading to its development. This study pivots around the central question related to mechanism for peace restoration and think about the development of the territory of Kalehe.

This question calls to an answer to peace restoration and the development of the territory of Kalehe, reforms of the local government and community reconciliation are needed, territory richness must be put in value and profitable to the local population. We think about natural resources, demographic weight, local intelligence, etc.

For the understanding of this study, we required to the dialectic issue, which is also that of reciprocal action, or the connection universal law. By this, we understood the underdevelopment of south Kivu province, in general, and that of the Kalehe territory in particular, which must be included in whole which must be considered as the Democratic Republic of the Congo. The security, political, social, geographic and demographic contexts of the country influence the emergence of the main factors that hinder the development of this territory and, consequently, of the entire Republic.

We have realized this study in four chapters. The first chapter focuses on the theoretical understanding of the concepts related to this study. Concepts such as conflict, peace and development are developed.

For the second chapter, we presented the province of South Kivu, in general, and the Territory of Kalehe, in particular. For this chapter, it is a question of situating ourselves geographically, given that scientific work must be limited in time and space.

4

In the third chapter, we present the various advantages and obstacles to the development of the Territory of Kalehe. This part of the Republic is blessed with enormous wealth, needed in the entire world.

To overcome these difficulties, the fourth chapter gives a series of appropriate strategies, including local governance reforms (political, economic, social, judicial and security, etc.)

Definitely, we estimate that we didn?t attend the entire problem related to armed conflicts, peace and development, considering that there are many, we cannot claim to have covered all what was needed in this work. We invite other researcher to concentrate on this basic problem related to our theme, one way to continue the research for the evolution of Science and clear out more deeply actors.

A propos de l'intérêt de cette étude, notons qu'il se révèle à trois dimensions, à savoir l'intérêt personnel, scientifique et pratique.

5

INTRODUCTION

Kalehe, est l'un des huit (8) territoires qui constituent la province du Sud-Kivu. Il est à la croisée des défis de paix et enjeux de développement. La paix et le développement s'avèrent être un remède aux différentes exactions dont est victime la population de cette zone géographique de la République Démocratique du Congo. Telle est la substance de notre étude intitulée « Paix et développement dans le Territoire de Kalehe dans la province du Sud-Kivu : Identification des acteurs, atouts et enjeux ».

I. Choix, objectifs et intérêts de l'étude

Le choix de notre étude est justifié par plusieurs faits. D'abord, parce que nous sommes originaires du territoire de Kalehe, situé dans la Province du Sud Kivu. Ensuite, parce que, d'une part, nous avons été plusieurs fois témoin et victime des exactions dont la population est l'objet à répétition de la part de nombreux acteurs et, d'autre part, nous n'avons pas ménagé le moindre effort pour apporter notre petite pierre à l'édification du développement de ce territoire.

Aussi, est-il besoin de souligner le désengagement général des acteurs politiques, des faiseurs d'opinions et même des responsables des confessions religieuses face à l'ampleur de crises, manquant au devoir de mobiliser les populations dans le cadre d'une lutte commune pour le changement au sein des organisations de défense de droits civiques et politiques.

Ainsi, nous sommes-nous résolus à mener des recherches afin de trouver des voies et moyens pour parvenir au changement souhaité. L'apport du territoire de Kalehe (l'un des greniers de la province du Sud-Kivu, avec ses importantes ressources minières) au développement de notre pays, la République Démocratique du Congo, a aussi pour fondement le développement des entités de base. Et pour ce faire, les gouvernants devront assurer les conditions minima, c'est-à-dire mettre en relief la part du territoire de Kalehe à ce grand rendez-vous de l'émergence de la République Démocratique du Congo.

Plusieurs auteurs et spécialistes de la question liée à la guerre, à la paix et au développement dans le Grand Kivu, et en particulier dans le territoire de Kalehe,

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1. Intérêt personnel

Au plan personnel, cette étude a permis de renforcer nos capacités intellectuelles et notre culture politique à force des données collectées, en ce sens que travailler sur la gestion de la paix vient pratiquement conforter nos aspirations et nos convictions profondes ainsi que nos penchants de tous les temps.

2. Intérêt scientifique

Nous pensons que la présente étude constitue un complément d'informations pour nous et pour d'autres chercheurs. En même temps elle pose en toute humilité les jalons de nouvelles recherches pour les générations à venir sur le territoire de Kalehe et, bien plus, sur les 144 autres territoires de la RDC.

3. Intérêt pratique

Au plan pratique et, du reste, politique, notre étude apporte un nouveau registre de solutions aux diverses crises que connaissent les populations du territoire de Kalehe au Sud-Kivu. Depuis un temps, en raison de notre position de ressortissant d'une entité territoriale où règnent des conflits de tous genres, nous nous sommes déterminé à devenir un acteur pour le règlement pacifique des conflits en vue de l'instauration de la paix ; élément catalyseur de tout développement.

C'est dans ce cadre que d'autres acteurs intéressés au rétablissement de la paix dans notre pays, en général, dans la province du SudÀKivu et dans le territoire de Kalehe, singulièrement, nous avaient décerné, il y a 5 ans, le titre d'Ambassadeur pour la paix par le biais de la Fédération pour la Paix Universelle (en sigle FPU).

L'objectif d'une telle étude est double : l'instauration de la paix et un regain de confiance au sein des populations, l'une et l'autre étant des ferments de l'idéal du développement.

II. Etat de la question

7

y ont examiné les causes de l'instabilité, chacun selon son regard. Des pistes de solutions ont été mises en évidence, autant que des théories sur la pacification.

Considérant que le thème de la guerre et de la paix a déjà fait l'objet de plusieurs réflexions antérieures, nous avons jugé nécessaire d'effectuer une revue de la littérature préalable afin de nous inspirer du contenu des travaux réalisés par nos prédécesseurs ; l'objectif à atteindre étant, bien entendu, de construire l'originalité de notre étude.

Comme l'indique le préambule de l'UNESCO, « c'est dans l'esprit des hommes que naissent les guerres, c'est dans leur esprit qu'il faut ériger les barrières de la paix »1.

Mathieu P. et Willame J.C.2 démontrent que l'instabilité dans la région de Grands Lacs africains est fondée sur des questions identitaires et des ressources naturelles comme la terre qui devient un bien rare. Comme effet, les conflits et guerres mettent en scène de nouveaux acteurs sociaux que sont des bandes des jeunes armés et des seigneurs de guerre. L'auteur démontre les faiblesses des institutions de la République Démocratique du Congo à contrôler son propre territoire. Cela a eu pour résultat l'une des plus longues et des plus violentes guerres du monde.

Aussi, Bosco Muchukiwa Aurakiza, dans son ouvrage intitulé : identités territoriales et conflit dans la Province du Sud-Kivu, R.D. Congo, affirme que la résurgence des conflits dans les différents territoires de la Province du Sud-Kivu a comme source les problèmes identitaires entre les différentes communautés. Quelques pistes susceptibles d'orienter des actions pour la paix sociale sont exposées ; elles passent par l'exigence éthique préalable d'une reconnaissance réciproque des organisations territoriales, de l'histoire des peuples et d'une prise en considération des normes de droit3.

1 UNESCO, Constitution de l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture, 16 Novembre 1945, p. 1.

2 MATHIEU, P. et WILLAME, J.C., Conflits et guerres au Kivu et dans la région des Grands Lacs, L'harmattan, Paris, 1999.

3 MUCHUKIWA RUKAKIZA B., Identités territoriales et conflits dans la province du Sud-Kivu, RDC, document en ligne sur In https:// www.globethics.net/document. Consulté le 12 février 2021 à 14h40'

8

Mukoka Nsenda et Kankwenda Mbaya, dans leur ouvrage intitulé : la République Démocratique du Congo face au complot de balkanisation4, présentent la République Démocratique du Congo comme « un Etat en faillite ». En même temps, ils retracent l'histoire de la migration des peuples rwandais, ougandais et burundais sur le sol congolais depuis 1937 jusqu'à la décennie 1990- 2000, en complicité avec de grandes puissances américaines et européennes.

L'auteur constate que le Kivu est victime d'un complot international. Il donne un aperçu sur la guerre de la RDC comme un mouvement politique ayant ses acteurs, actes et ses relations avec les alliés qui sont les agresseurs contre la RDC, qui veulent occuper définitivement le Congo. Il aboutit à la conclusion selon laquelle pendant la période de cette occupation, les Congolais souffraient d'injustice internationale.

Kankwenda Mbaya, dans son oeuvre personnelle, aborde ce qu'il qualifie d'économie politique de la prédation au Congo-Kinshasa. Il développe l'idée selon laquelle le régime de la colonisation belge, comme toute colonisation, était aussi un régime de prédation des ressources du pays, au bénéfice d'un groupe restreint, le monarque belge avec autour de lui sa famille et ses amis à qui il avait octroyé des concessions immenses pour la prédation. Ce qui fait que le système de prédation léopoldien, souvent présenté par certains africains comme une particularité africaine, s'est opéré pourtant sous le mode d'une violence macabre.

Quant à Biyoya Makutu5, il aborde le concept et enjeu de la gouvernance en RDC. Il reconnait les déficits de la gouvernance comme source de plusieurs maux qui rongent la RDC, à savoir l'instabilité politique, le marasme économique, la sous-administration et la persistance des conflits.

Dans sa conclusion, l'auteur recommande la bonne gouvernance dans tous les domaines pour amener le pays au stade des pays émergents sans guerre.

4 MBAYA KANKWENDA, J. et MUKOKA NSENDA, F., La République Démocratique du Congo face au complot de balkanisation, Ed. ICREDES, Kinshasa, 2013.

5 BIYOYA MAKUTU KAHANDJA, P., De la gouvernance : concept et enjeu, in problématique de la gouvernance en RDC, consulté le 22 Janvier 2022 sur www.lepotentielonline. Com/indexphp.

9

Mathieu Kalele Ka-Bila, dans son ouvrage intitulé : Richesses naturelles, pauvreté et défis pour le développement humain durable6, constate que la guerre qui sévit en RDC est une guerre fondamentalement économique, une guerre d'agression, une guerre de reconquête coloniale. Les multinationales et les Etats occidentaux qui l'ont concoctée, qui en sont à la base, ne combattent pas directement sur le terrain. Ils se cachent derrière des pays voisins comme le Burundi, l'Ouganda et surtout le Rwanda, qui se cachent à leur tour derrière des « collabos congolais » non autrement identifiés.

Bosco Muchukiwa Rukakiza, dans un autre ouvrage intitulé : la recherche, action participative sur les conflits : spécificités méthodologique, théorique et épistémologique7, souligne que cette méthode (R.A.P.), appliquée aux dimensions locales des conflits, est développée par les ONG internationales et nationales. Celles-ci organisent les formations, les recherches et les services à la communauté en dehors des universités et institutions des recherches. Aussi, l'auteur réaffirme-t-il que développer le partenariat serait bénéfique aux unes et aux autres. La RAP sur les conflits est à la fois une pratique émergente et une innovation introduite récemment à l'Est de la R.D. Congo et dans la région des Grands Lacs Africains.

L'Action pour la Paix et la Concorde, en sigle ACP, dans son rapport de la « Table ronde » sur la paix et la sécurité en territoire de Kalehe démontre combien la relation entre la population et les Forces Armées Congolaises était déjà compromise et qu'après les assises tenues il y a eu renouvellement de confiance entre les deux parties en présence8.

Peace Direct, dans son rapport diffusé sur la paix intitulé : perspective et enseignements des artisans de la paix dans l'Est de la RDC9, parvient à plusieurs conclusions quant au rôle des artisans de la paix locaux dans la prévention des atrocités. Il montre que les acteurs locaux ne sont pas des bénéficiaires passifs de la

6 KALELE KA-BILA, M., Richesses naturelles, pauvreté et défis pour le développement humain durable, Kinshasa, 2009.

7 MUCHUKIWA, B. et ali., L'Etat africain et les mécanismes culturels de transformation des conflits, , document en ligne sur In https:// www.globethics.net/document. Consulté le 12 février 2021 à 14h40'

8 Action pour la paix et la concorde, rapport de la table-ronde sur la paix et la sécurité en territoire de Kalehe, Bukavu, juillet 2009, p. 45.

9 PEACE DIRECT, « Perspective et enseignements des artisans de la paix dans l'Est de la RDC », dans le rapport sur une consultation en ligne de trois jours avec 158 militants, décideurs, universitaire et journalistes, en Novembre 2020.

10 ABEMBA, J., Essaie d'une théorie de la reconnaissance du génocide congolais, DEA, SPA, FSSAP, UNIKIN, 2022, p. 108.

10

protection. Au contraire, ils jouent un rôle actif dans la prévention, la réponse et la guérison. Au-delà de cela, les artisans locaux de la paix de l'Est de la RDC ont certains atouts qui font d'eux des acteurs essentiels, à savoir : des atouts de prévention des atrocités pour s'attaquer aux causes de la violence. Ces rapports présentent des recommandations au gouvernement, aux acteurs de la sécurité ainsi qu'aux acteurs internationaux.

Contrairement à nos prédécesseurs qui ont eu à aborder la question de paix et de développement, en relevant chacun à sa manière les différents défis et enjeux de gouvernance en plus de ceux sécuritaires et humanitaires, nous allons dans le cadre de cette étude, proposer quelques réformes de gouvernance et quelques mécanismes de réconciliation communautaire pour la paix et le développement durable dans le territoire de Kalehe.

III. PROBLEMATIQUE

A l'accession de la RDC à l'indépendance, le territoire de Kalehe qui fait l'objet de la présente étude était un havre de paix, créateur de richesses pour toutes ses populations burundais, nande, hutu, importées pour travailler dans les plantations de café, de thé. Ceux-ci vivaient en harmonie avec les Havu locaux.

De nos jours, ce territoire est devenu méconnaissable, au motif que son sol est devenu le théâtre des affrontements armés, occasionnant des pillages des ressources naturelles, des pertes en vies humaines, des blessés, des déplacements massifs des populations, etc.

Certes, avant même que l'EIC soit constitué, l'Est de la RDC, en général, a toujours été le bastion de l'insécurité causée par les incursions armées. Les historiens des guerres de l'Est de la République Démocratique du Congo ont raison de prendre l'ancienne Province Orientale, l'ancien Kivu et le Nord-Katanga comme étant le principal foyer de ces guerres10. C'est à partir de ces provinces préalablement conquises et occupées par les armées d'agression que ces guerres se sont répandues dans le reste du territoire congolais, c'est-à-dire le centre qui

11

coïncide avec le Grand Kasaï et l'Ouest qui couvre l'ancienne province de l'Equateur, la province du Kongo Central et la province du Kwango11.

A ce sujet, il y a lieu de rappeler que c'est à partir de l'Est du pays que les arabo swahilis pénétraient le territoire qui constitue aujourd'hui la RDC pour capturer des esclaves et les acheminer en Occident. Sous l'EIC, des groupes armés, cependant, venant de l'extérieur, se livrant à des razzias, à des pillages, échappaient à l'autorité de Léopold II et lui faisaient une dangereuse concurrence en prélevant pour eux ce qui constituait encore les ressources essentielles de l'Etat congolais de l'époque : le caoutchouc, l'ivoire, etc. , et la main-d'oeuvre forcée des autochtones12.

Après l'accession du pays à l'indépendance, la situation est restée presqu'identique, bien que caractérisée par des moments d'accalmie.

En effet, après l'accession du pays à sa souveraineté nationale et internationale, les provinces de l'Est, tout comme leurs territoires, n'ont pas été et ne sont pas épargnés de l'insécurité et affrontements armés. Déjà, 11 jours seulement après le 30 juin 1960, une des provinces importantes de la partie Est du pays, précisément le Katanga, déclare la sécession. Elle fut proclamée par Tshombe et le collège des Ministres du Katanga.

Le 11 juillet 1960, Moïse Tshombe commença par proclamer l'Etat d'exception sur l'ensemble du territoire de la province du Katanga13... Il présenta le Katanga comme un Etat complètement indépendant, en union économique avec la Belgique qui y garantissait le rétablissement de l'ordre et de la sécurité publique. Cette indépendance est totale. Elle fut consolidée sur le terrain par les forces d'intervention militaire belges14. Plus tard en 1963, ce sera la province orientale qui sera soustraite du reste du Congo par les Lumumbistes ayant comme chef de fil Antoine Gizenga.

Mais s'agissant du Nord et du Sud-Kivu, en général, et de Kalehe en particulier, c'est surtout à la suite de l'entrée de l'AFDL, en 1997, et du RCD, en 1998, que ce territoire a connu et continue à connaitre des scénarios de conflits

11 ABEMBA, J., Op.cit., p. 108.

12 LIBOIS, J.G. et VERHAEGEN, B., « Le Congo du domaine de Léopold II à l'indépendance », CRISP, « Courrier hebdomadaire du CRISP », n°1077, 1985, pp. 1-34.

13LIBOIS, J.G., Sécession katangaise, CRISP-ENEP, Bruxelles-Léopoldville, pp. 718-719.

14DUMONT, O., Histoire de la Belgique, Club France Loisirs, Paris, 1977, p. 526.

Au regard des questions soulevées au niveau de la problématique, il nous importe d'aligner les différentes réponses présupposées de la manière suivante :

12

violents et d'insécurité sans précédent. Ici, les conflits de territoire et des terres opposent des groupes ethniques bien connus. C'est les cas, par exemple, des : Batembo et Bahavu ; Banyarwanda (Batutsi et Bahutu) contre les Bahavu et Batembo.

Au coeur de ces événements se trouvent, d'une part, des conflits fonciers et identitaires entre communautés, et, d'autre part, des problèmes d'exploitation des ressources minières, et d'inégalité de partage des revenus issus de ladite exploitation. A ces maux s'ajoutent aussi l'impact des dynamiques régionales sur la cohabitation communautaire et la quasi-absence de l'autorité de l'Etat.

Cette situation ne permet pas à la population et au territoire lui-même de vivre un moment de paix à cause de nombreuses conséquences que les affrontements entrainent sur les plans : économique, politique, géographique et humain. Ces conséquences freinent sérieusement l'émergence et le processus de développement de cette entité territoriale déconcentrée de la RDC.

De ce qui précède, cette étude cherche à comprendre la dynamique de conflits qui s'explosent dans ce territoire afin de proposer des pistes de solutions pouvant aider à sa pacification pour envisager son développement.

Pour ce faire, la question centrale de notre recherche consiste à savoir : Quels sont les mécanismes qu'il faut mettre sur pied pour instaurer la paix et envisager le développement du territoire de Kalehe ? De cette question principale, nous nous posons deux questions subsidiaires. Il s'agit des questions ci-après :

- Quels facteurs qui sont à la base de l'insécurité permanente dans le Sud-Kivu, en général, et le territoire de Kalehe, en particulier ?

- Quels sont les atouts dont dispose le territoire de Kalehe susceptibles d'assurer son développement ?

IV. HYPOTHESES

13

- Pour instaurer la paix et envisager le développement dans le territoire de Kalehe, il faut des réformes de gouvernance locale et la réconciliation communautaire ; il faut mettre en valeur les richesses dont dispose le territoire de Kalehe au profit de la population locale. Nous pensons aux ressources naturelles, au poids démographique, à l'intelligence locale, etc.

- Les réformes de gouvernance locale (politique, économique, sociale, judiciaire et sécuritaire,) et la réconciliation communautaire seraient des stratégies appropriées pour ramener la paix et le développement durables dans le territoire de Kalehe grâce à une approche participative de divers acteurs.

- Pour ce faire, plusieurs atouts que dispose le territoire de Kalehe peuvent être mis à contribution. Nous pensons aux ressources naturelles, au poids démographique. Les types d'acteurs appelés à l'idéal de paix et du développement seraient aussi l'oeuvre de la population du Territoire de Kalehe (les différentes communautés ethniques : autochtones et immigrées.), les groupes armés, l'armée et la Police Nationale Congolaise, les notables, la société civile et les autorités politico-administratives.

V. METHODOLOGIE 1. Méthode dialectique

Pour démontrer, vérifier et expliquer les hypothèses émises dès le départ et atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, nous avons fait recours la méthode dialectique.

La méthode dialectique, oeuvre de Karl Max et F. Engel, appartient au courant du matérialisme historique et prend très souvent à contre-pied les autres méthodes15. Cette méthode est associée à la logique de la totalité en niant l'isolement entre les ensembles et leurs parties tout en soulignant que la réalité sociale est faite de l'ensemble de contradictions entre les différents éléments16. «

15MARX, K., cité par BONGELI YEIKELO, Y., Méthodes des sciences sociales et juridiques, Cours G1 Droit, 2001 - 2002, p. 21.

16LAPASSADE, G., Groupes, organisations et institutions, Gautier Villars, Paris, 1970, p. 5.

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Elle considère que les faits sociaux et humains traversent une évolution dans le sens du changement social qui conduit au progrès. Ce qui sous-entend le fait que toute réalité sociale est traversée par des éléments contraires qui exigent leur dépassement. Cela permet de découvrir le lien d'origine et de développement des leurs contradictions ainsi que la manière dont les groupes ou les individus tentent de les surmonter »17.

Cette méthode tourne autour de quatre lois principales que l'on appelle habituellement postulats. Il s'agit de : la loi de la connexion universelle, la loi de la contradiction, la loi du changement dialectique et la loi du changement quantitatif en qualitatif ou la loi du progrès18. Dans cette logique, elle recommande une façon visant à recueillir les données et les situer dans l'ensemble tout en mettant l'accent sur les conflits, mieux les contradictions. Cet accent mis sur les conflits, sur les contradictions, permet de s'approcher de la réalité et de mieux la comprendre19.

La première loi de la dialectique, c'est celle de l'action réciproque20 que d'autres auteurs nomment la loi de la connexion universelle. Par action réciproque, on entend le fait que l'existence d'un élément est conçue comme le résultat de l'enchainement de plusieurs processus. Donc la compréhension d'un fait social exige de le situer dans son ensemble. Puisque les phénomènes sociaux sont interconnectés les uns aux autres ; ils ne peuvent être isolés, ils doivent être placés dans un tout, dans l'ensemble que constitue la société21. C'est le principe de la totalité.

Dans cet ordre d'idées, l'appréhension du sous-développement de la province du Sud-Kivu, en général, et du territoire de Kalehe mérite d'inclure le processus du développement de cette contrée dans un tout qu'on peut considérer à la fois comme la RDC et la partie orientale de la RDC. Les contextes politique, économique, social, géographique et démographique du pays influent sur l'émergence des facteurs principaux qui freinent le développement de ce territoire.

17MULUMA MUNANGA, A., Le guide de la recherche scientifique, théories et pratiques, SOGEDES, Kinshasa, 2017, p. 105.

18TSHISHIMBI KATUMUMONYI, Le paradigme dialectique dans la méthodologie de recherche en sciences sociales, l'Avenir africain, Kinshasa, 2016, p. 116 -135.

19MUKE ZIHISIRE, M., La recherche en sciences sociales et humaine, Guide pratique, méthodologie et cas concrets, L'Harmattan, Paris, 2011, p 71.

20TSHISHIMBI KATUMUMONYI, Op.cit., p. 121.

21MULUMA MUNANGA, Op.cit., p. 106.

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C'est dire autrement que ces contextes agissent directement ou indirectement sur la naissance des conflits et l'insécurité qui en découle.

A ce sujet, il faut voir que les richesses du sol et du sous-sol, la constitution de la population, les activités économiques ainsi que le mode de gestion du territoire de Kalehe sont en grande partie à la base des conflits et l'insécurité qui pèsent sur le processus de développement de celui-ci. A titre illustratif, nous pouvons signaler que ce sont les rivalités entre différents groupes qui composent la population de Kalehe qui ont donné lieu à la naissance du Mouvement Katuku dans ce coin.

La loi de la contradiction est la deuxième de la dialectique. « ... Dès que nous considérons les choses dans leur mouvement, dans leur changement, leur vie ou leur action réciproque l'une sur l'autre, là, nous tombons immédiatement dans la contradiction »22. Celle-ci suppose que chaque chose a son contraire car toute chose se transforme continuellement en son contraire dans l'une ou dans l'autre ...23. Cette loi nous permet de comprendre que les contradictions qui opposent les ethnies, notamment Banyarwanda et autochtones sont des facteurs importants qui déterminent la lente croissance et le sous-développement de la province du Sud-Kivu, en général, et le territoire de Kalehe, en particulier.

L'autre contradiction qu'il faut relever est que le sol et le sous-sol de la partie orientale du pays en général et ceux du territoire de Kalehe disposent de beaucoup de richesses alors que sa population demeure pauvre jusqu'à ce jour. Cette contradiction a hanté les esprits à telle enseigne que nombre de penseurs ont fini par chercher des explications de ce contraste jusqu'à initier aussi pas mal de projets de développement qui se sont presque tous soldés par un échec cuisant.

La troisième loi est celle du changement. Cette loi commence par constater qu'il n'y a rien de définitif, d'absolu ou de sacré ; elle montre la caducité de toute chose et en toute chose et rien n'existe pour elle que le processus ininterrompu du devenir et du transitoire24. Raison pour laquelle on affirme que « tout passe, que rien ne demeure »25. Cela signifie que rien ne demeure là où il

22ENGEL, F., Anti-Dühring, 3ème édition du progrès, Paris, 1956, p. 175.

23TSHISHIMBI KATUMUMONYI, Op.cit., 127.

24ENGEL, F., Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classic allemande, Ed. Sociales, Paris, 1996, pp. 7-8. 25KARL MAX, Contribution à la critique de l'économie politique, Ed. OEuvre, Paris, 1859, p. 24.

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est, rien ne demeure ce qu'il est, puisque qui dit dialectique entend mouvement ou changement''26. Partant de cette évidence, comprenons que le territoire de Kalehe n'a pas toujours existé sous ce statut actuel. C'est à la suite de différents découpages territoriaux et nombre de réformes administratives opérés sur l'ancienne province du Kivu que cet espace acquit le statut de territoire, une entité déconcentrée de l'Etat congolais.

La dernière loi est celle de la transformation de la quantité en qualité. Cette loi met en vedette le principe du changement par bonds successifs qui finissent par produire un changement qualitatif27. Grace à elle, nous sommes parvenus à nous rendre compte que ce sont les différentes petites réformes initiées pour pallier aux difficultés liées à la gestion du pays qui ont conduit à l'institution de Kalehe comme entité territoriale déconcentrée.

2. Techniques

La première technique à laquelle nous avons recouru pour collecter les données de notre travail est celle documentaire. Cette technique nous a permis de compulser certains documents ayant trait aux conflits, à la paix et au développement en RDC ainsi que sous d'autres cieux. Grace à elle, nous avons été incités à la lecture des documents officiels tel que la constitution de la République, certains arrêtés ministériels et textes légaux, notamment les accords de paix, les ouvrages, les articles, les travaux scientifiques et autres document, ayant trait à notre thème d'étude et de façon générale.

Par rapport à la technique d'observation ordinaire, il est important de noter de prime abord qu'il est intéressant de nous poser les questions ci-après : avons-nous observé quoi et/ou qui ? Où ? Quand ? Et comment ? Nous avons directement observé le déroulement des incursions rebelles, parfois appuyées par les pays voisins de la RDC, à l'Est du pays. Toute chose restant égale par ailleurs, ceci nous a permis d'avoir une vision globale sur la question de l'insécurité à l'Est du pays.

26TSHISHIMBI KATUMUMONYI, Op.cit., p. 116. 27TSHISHIMBI KATUMUMONYI, Op.cit., p. 140.

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Par cette technique, nous avons eu l'occasion d'observer comment la guerre est utilisée comme canal par lequel les multinationales et bien d'autres acteurs passent pour piller les ressources naturelles du pays.

Quant à la question de savoir le moment où notre observation se faisait, trois moments étaient bien indiqués : matin, jour et soir. Le matin : nous regardons la manière dont les populations, y compris les autorités civiles et militaires, de différentes localités du territoire vont dans leurs activités quotidiennes. Le jour nous assistons aux activités d'extraction et transport de ressources naturelles vers les frontières qui séparent la RDC du Rwanda. Le soir, nous rencontrons les familles ou les personnes qui sont ou ont risqué d'être victimes des exactions des entreprises de violences.

Par la technique d'entretien, nous sommes entrés en contact avec les acteurs et les professionnels de service de sécurité ainsi que des autorités administratives du territoire pour nous imprégner de leur façon de percevoir les événements. Nous nous sommes entretenus aussi avec les victimes des affres d'incursions et activités militaires auprès de qui nous avons récolté les différents points de vue. L'interview portait sur les causes de l'insécurité, des conflits ainsi que sur les différents processus de pacification de l'Est du pays, en général, et du territoire de Kalehe, en particulier. Bref : cette technique nous a facilité de recueillir des informations pertinentes sur les raisons d'être de l'insécurité et ses impacts sur le processus de pacification et de développement durables.

VI. DELIMITATION DU TRAVAIL

La présente dissertation a eu pour champ d'investigation la province du Sud-Kivu, en général, et le territoire de Kalehe, en particulier. Le choix de cet espace a été motivé par le fait qu'en tant que natif de ce territoire, nous sommes à la fois victime directe ou indirecte des évènements malheureux qui sèment la désolation dans la partie orientale du pays en général et précisément dans ce territoire.

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Dans le temps, l'étude porte sur une période qui va de 2015 à 2021, étant donné que cette période s'était distinguée d'autres par le fait que c'est pendant son déroulement que les mouvements terroristes étaient devenus de plus en plus actifs dans la partie orientale de la RDC, tuant parfois à armes blanches des milliers de civils sans aucun moyen de défense. Alors que depuis 1998 à 2015 plusieurs accords de paix entre le gouvernement congolais et les principales entreprises de violences, notamment les groupes rebelles, avaient été conclus en vue d'instaurer une paix positive suivie d'un développement durable.

VII. SUBDIVISION DU TRAVAIL

Hormis l'introduction et la conclusion générale, cette dissertation a été structurée en quatre chapitres. Le premier étant théorique, il est axé sur une congruence logique conceptuelle et théorique. Le deuxième chapitre a décrit le champ d'étude, notamment le Sud-Kivu, ainsi que le territoire de Kalehe. Le troisième chapitre présente les atouts du territoire de Kalehe pour son développement et les obstacles à celui-ci. Le quatrième chapitre est consacré à la paix et au développement durable à Kalehe.

VIII. DIFFICULTES RENCONTREES.

Toute recherche scientifique est coûteuse aussi bien par rapport au temps, aux finances et au milieu d'étude. Il s'en suit que nous avons connu des difficultés de deux ordres, à savoir des difficultés d'ordre financier et des difficultés d'ordre environnemental.

Les difficultés d'ordre financier en ce sens que pour effectuer une descente sur le terrain qui constitue notre champ d'étude (Le territoire de Kalehe dans la Province du Sud-Kivu), il nous fallait faire face à de grosses dépenses en termes de billets d'avion Kinshasa-Bukavu et des frais de passage à bord des véhicules, de Bukavu jusqu'au fin fond du territoire de Kalehe.

Les difficultés liées au milieu d'étude sont intimement liées à l'insécurité qui y règne de temps en temps. Nous avons pris de grands risques au péril de notre vie en nous rendant sur le terrain afin d'être en contact avec certaines autorités politico-administratives et coutumières sans oublier les notabilités locales dont les

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témoins privilégiés que sont des Chefs religieux, des Représentants des organisations de la société civile et tant d?autres encore.

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CHAPITRE I. CONSIDERATIONS GENERALES

SECTION 1. CADRE CONCEPTUEL §1. Développement

1.1. Notion et évolution

Le concept développement est vaste et vague. Chaque auteur le définit conformément à sa discipline scientifique, d'après l'objectif qu'il poursuit, selon l'état ou le niveau de connaissances qu'il constate. Soulignons également « qu'il est un terme qui aura connu, dans l'histoire des sciences du 20ème siècle, une fortune théorique et pratique oscillant de la logique historique et pratique au galvaudage idéologique »28. Ainsi, le concept « développement », dans son évolution théorique, est devenu à la fois un thème de l'idéologie officielle, voire professionnelle, et même un slogan !

Dans sa pratique, le développement devient un procès historique qui est à la fois technologique, économique, culturel, social, etc., dont ses théorisations aussi bien socialistes (prépondérance de l'Etat et de la classe ouvrière comme agents principaux de l'histoire), que dans la variante dominante capitaliste (rôle prépondérant du capital autour duquel l'Etat et toutes les forces sociales doivent se mobiliser), s'est défini à partir de l'expérience historique occidentale. En dépit du fait qu'aujourd'hui les considérations analytiques tirées de la praxis des nations « développées » d'Asie viennent compléter les canons capitalistes occidentaux29.

C'est pourquoi, avant de tenter de circonscrire le contour de ce concept et de dresser l'état de savoir sur ce dernier, il convient de présenter, en grandes lignes, son historique.

1.2. Historique du concept30

« Tout commence avec la religion et le commerce. Certains Européens se révoltent contre l'Eglise Catholique et se constituent en protestants en Amérique.

28 BOLIMA BOLITSI, W., Op.cit, p. 48.

29 LOMBEYA BOSONGO, L., cité par BOLIMA BOLITSI, W., Idem.

30 Pour plus d'informations, lire à ce sujet MWAKA BWENGE, A., Aspect Politique et Administratif de Développement, cours Inédit, L2 SPA, FSSAP, UNIKIN, 2017, p. 4-16.

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Ici, leur pratique et leur croyance religieuse se trouvent fondées sur l'idée capitaliste. Une façon de leur permettre d'avoir une économie élevée et une nation forte. Cependant, face à 1ère guerre mondiale qui frappait l'Europe, ces protestants se sont donnés la peine d'aider les Européens en stoppant la guerre et en les faisant développer à travers le Plan Marshall : la croissance de l'économie »31.

De plus, « le Président Harry Truman, lors de son discours d'investiture en 1949 en Amérique dit : nous devons aider les pays sous-développés à se développer. C'est ici que le concept apparaît. De ce fait, le concept sous-entend l'idée d'avancée de l'Amérique et que les Européens et les Américains devaient se ressembler économiquement et technologiquement »32.

Donc, c'est une réalité économique, boostée par la 2ème révolution industrielle (1950). Cette révolution agricole qui provient d'une réforme gouvernementale en matière de la propriété terrienne. En ces temps, le développement signifiait atteindre la croissance économique ou la croissance de production. Cette conception va avoir d'impacts sur l'enseignement, la recherche scientifique, les rapports sociaux, etc. Par exemple Loucou, J.C., et Wondji C. qui restent dans cette philosophie en abordant la question de développement en se basant sur le caractère purement économique. Ces deux auteurs pensent que « le développement serait la seule croissance matérielle, économique, ... vers une société nouvelle et dynamique procurant à ses membres le maximum de bien-être »33. Dans ce même ordre d'idées que Gosselin, G.34 définit le développement en se référant à Franc, G., et Perroux, F., en soutenant qu'il implique, en premier lieu, la croissance, et en particulier, l'accroissement des ressources productives globales, de revenus monétaires globaux et de la productivité moyenne.

En effet, dans l'optique de ses promoteurs, il désigne le processus de passage des sociétés traditionnelles vers l'industrialisation. Il renvoie donc presque exclusivement au développement économique, à l'aspect économique du développement. C'est dans cette optique que Touraine pense que le développement c'est cet « ensemble des actions qui fait passer une collectivité d'un type de société

31 TRUMAN, H., cité par MWAKA BWENGE, A., Idem, p. 4.

32 Ibidem

33 LOUCOU, J.N., et WONDJI, J.N., cités par BOLIMA BOLITSI., W., Op.cit, p. 51.

34 GOSSELIN, G., cité par BOLIMA BOLITSI, W., Idem.

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à un autre, défini par un degré le plus élevé d'intervention de société sur elle-même »35.

Les autres aspects du développement, à savoir le développement politique, l'administration de développement, l'Etat de droit, le développement culturel n'étaient ni pratiquement usités ni, encore moins, scientifiquement élaborés.

En 1961, suite à une proposition du Président Kennedy J.,36 l'Assemblée Générale des Nations-Unies a lancé l'idée selon laquelle les années 1960 seront la décennie du développement. Lorsque l'O.N.U. proclama cette première décennie du développement, 1960 suffirait pour que la plupart des pays en voie de développement comblent leur retard, c'est-à-dire qu'ils augmentent leur production.

En 197037, constatant que la croissance de plus de 5 % de pays du Tiers Monde n'a pas suffi à entraîner un décalage satisfaisant, l'Assemblée Générale des Nations-Unies a proclamé l'ouverture de la deuxième décennie pour le développement.

De 1970 à 1980, « cette décennie fixe les objectifs de 6 à 8 % de croissance pour les années à venir. Au début des années 1980, la crise inattendue a frappé le Nord, elle s'est propagée plus tard dans les pays du Sud. Ceux-ci se sont endettés et la pauvreté n'a pas été éradiquée »38.

Dès lors, il fallait lancer pour les années 1980 une nouvelle décennie. La troisième du développement, 1980-1990. L'Afrique, par exemple, sera touchée par le Programme d'Ajustement Structurel (PAS) et les pays de l'Afrique subsaharienne, au cours de cette période, ont connu un très fort désengagement de l'Etat, en particulier dans les secteurs sociaux. Certains experts de la communauté internationale affirment que « les pays auraient appliqué sérieusement les principes

35 TOURAINE, A., Les sociétés dépendantes, Eds. Duculot, Paris, p. 9.

36 KENNEDY, J., cité par VIRALLY, M., « La deuxième décennie des Nations Unies pour le développement. Essai d'interprétation para-juridique », Annuaire Français de Droit International, Paris, 1970, pp. 9-33.

37 WAGNER, L.J., « Les décennies du développement de l'ONU 1960-1990. Réduction des rapports de domination structurels Nord-Sud ou manifestation au grand jour de ces rapports ? », Hypothèses, Ed. De la Sorbonne, 2013, pp. 327-338.

38 I WAGNER, L.J., Op.cit., p. 20.

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des réformes nécessaires à leur ajustement structurel, assistent à une amélioration de leur situation »39.

Une affirmation qui sera contredite par certains auteurs, par exemple Ambroise Zagre qui proclame que tout se passait, à cette période, comme si la croissance était une condition nécessaire et suffisante pour faire reculer la pauvreté. Aussi les PAS ont-ils été initiés sans prêter grande attention à l'aspect redistribution des fruits de la croissance ou à leur impact sur la pauvreté. Surtout que, pense l'auteur, la pauvreté ne sera jamais combattue efficacement par l'extérieur, par contre par les efforts intérieurs en se basant sur ses propres réalités. D'où la nécessité d'une nouvelle stratégie de développement qui n'est rien d'autre qu'un « auto-développement humain »40.

Cependant, il se révèle également que les progrès remarquables ont été notés sur l'ensemble de la planète. Au Sommet de Millénium tenu à New York en septembre 200041, les Chefs de 189 Etats membres de l'Organisation des Nations Unies, l'ONU en sigle, se sont réunis pour adopter la déclaration de Millénium dans laquelle huit objectifs du développement pour le XXIème siècle ont été établis42. La déclaration cite les valeurs principales de relations internationales pour le siècle en cours. Il s'agit de : « ...la liberté, la solidarité, la tolérance, le respect de la nature et le partage de la responsabilité »43.

Bref, le développement devient un besoin, une nécessité qui pousse les pays, les sociétés à améliorer leur mode de vie tout en restant cohérent, avec les valeurs prônées à l'échelle mondiale mais aussi en tenant compte des moyens, des ressources qu'on dispose déjà ou qui sont à notre portée et en fonction des réalités de chaque milieu !

Cela étant dit, il y a lieu de retenir que se développer est avant tout compter sur ses propres moyens, ses propres forces et sa propre volonté. Ceci est loin de signifier « refuser toutes les technologies qui nous sont étrangères » ; mais

39 ZAGRE, A., Op.cit, p. 128.

40 ZAGRE, A., Op.cit

41 BOLIMA BOLITSI, W., Op.cit, p. 49.

42 TRKULJA, S., Analyse comparative des politiques du développement territorial, Thèse de doctorat en cotutelle, Institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement. Agro-Paris-Tech, (version abrégée), Belgrade, Serbie, 2009, P. 16.

43 Idem.

24

plutôt utilisation de ses potentialités doit se gérer de façon rationnelle pour l'intérêt public, pour la promotion du bien-être social collectif.

Il est un processus de changement multiforme auquel participent toutes les forces vives d'une communauté bien déterminée en tenant compte des réalités endogènes et initiatives locales visant l'amélioration des conditions de vie humaine. De ce fait, le développement est un effort de soi sur soi, effort qui s'appuie sur l'environnement naturel pour arriver à couvrir les besoins essentiels au niveau de la famille et par la solidarité au niveau du groupe. Dans ce sens, le développement ne peut avoir d'autres bases que l'homme lui-même.

1.3. Différentes constructions théoriques sur le concept développement

Il y a deux catégories principales de théoriciens, dont la démarche tend, directement ou indirectement, à élucider le développement :

? Les théoriciens qui se placent hors de la problématique marxiste ; ? Les théoriciens qui se situent dans la problématique marxiste.

Ces derniers théoriciens se divisent en deux groupes : ceux qui conçoivent le système marxiste comme un ensemble donné et pratiquement complet de catégories et de concepts permettant d'analyser l'ensemble des situations historiques passées et présentes. Ceux qui considèrent les catégories et concepts marxistes comme un point de départ dont il faut créer et actualiser les prolongements, dans une démarche critique ouverte et sans cesse renouvelée devant le surgissement de l'histoire inédite.

Il ne peut être question de procéder à un inventaire approfondi et complet. Nous retiendrons les données les plus représentatives des principales écoles, en prenant comme référence les positions exprimées sur l'origine et les mécanismes du changement social et en tenant compte de la place donnée au jeu des facteurs et au jeu des acteurs.

Nous examinons successivement les systèmes d'explications des données par deux grands courants de recherches que nous évoquions, au regard de la problématique que nous avons posée comme point de départ.

25

1.3.1. Théories placées du système marxiste

Le groupe des fonctionnalistes, à partir de Malinowski, et en dépassant le dogmatisme de ce dernier, a été illustré spécialement dans la période récente par Radcliffe-Brown qui a marqué profondément la recherche théorique anglo-saxonne. Le fonctionnalisme de Radcliffe-Brown annonce par certains côtés le structuralisme actuel : en particulier par l'attention portée aux systèmes, aux modèles ; mais le problème du développement qui implique le changement social n'est pas, pour lui, la question fondamentale. Radcliffe-Brown ne l'élucide pas, cependant, il s'appuie sur la notion de dysfonction''. Pour lui, « le changement c'est un ensemble du système répondant à l'ajustement nécessité par la dysfonction qui affecte à un moment donné un ou plusieurs de ses éléments. Dans cette perspective, l'attention portée aux facteurs du système social est prédominante »44.

Radcliffe Brown, selon Mercier45, pense qu'il était important de considérer, pour interpréter les phénomènes de développement, tous les contours de l'histoire. Certes, sa conciliation du synchronique et du diachronique n'est pas entièrement convaincante, et ses hypothèses d'histoire culturelle sont parfois légères mais sa conception d'origine durkheimienne, d'une tendance évolutive vers les sociétés plus complexes et à plus grande échelle, est acceptable mais guère explicative.

Les structuralistes, dans la ligne de Claude Lévi-Strauss consacrent la part la plus importante de leur démarche à la construction du système de modèles structurels, non plus directement définis par le jeu des fonctions des éléments qui les composent, mais en vertu d'une logique décelée à l'intérieur des ensembles des données culturelles, logique appartenant à l'ordre des inconscients sociaux, de façon comparable à la structure du langage. En définitive, pour Lévi-Strauss, le tracé de cette logique s'expliquerait par l'omniprésence de ce qu'il appelle l'esprit humain'' dans les faits de culture. Mais il ne dit pas si l'esprit humain change ou plus exactement, il ne considère pas, puisqu'il est évident qu'il y a changement, la façon dont se produit le changement dans l'histoire concrète inscrite dans le temps.

44 ROMEO, P., Increasing Recturs and leads run growth, disponible sur http://www.wipedia.org/wiki/Armandcolin, consulté le 30 janvier 2018 à 11h55.

45 MERCIER, P., Histoire de l'anthropologie, PUF, Paris, 1966, p. 43.

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Le discours structuraliste reste sensible aux transformations de modèles mais sans établir la relation avec la culture historique vécue.

Les démarches fonctionnalistes et structuralistes peuvent nous aider, dans notre approche d'analyse du jeu des facteurs dans la société, en nous incitant à la considérer comme système de structures régies entre elles par des relations, des interactions qu'il est important de connaître. Mais nous devons nous interdire de donner une valeur d'abstraction totalitaire à ces modèles qu'il faut corriger en les situant dans un champ socioculturel travaillé par l'histoire et peuplé d'événements et d'acteurs sociaux porteurs de forces de changement qui est la base du développement.

L'illustration la plus typique et la plus vulnérable aux critiques que nous évoquons à titre historique nous est donnée par la théorie de Rostow qui entreprend de définir les étapes nécessaires que doit parcourir toute société pour accéder à la modernité avancée. Ces étapes seraient au nombre de cinq46 :

a) Société traditionnelle ;

b) Préconditions du développement ;

c) Décollage ;

d) Progrès vers maturité ;

e) Consommation de masses dans un parcours universellement défini et unilinéaire.

1) Société traditionnelle

C'est une société stationnaire dont l'agriculture, activité principale (75% au minimum de la population active est engagée dans la production de denrées alimentaires), a imposé une structure sociale fondée sur la propriété foncière. Elle se réfère à un système de valeurs fondé sur le fatalisme et n'aspire pas au changement. « Du point de vue historique, nous groupons donc sous le terme de société traditionnelle tout le monde pré-newtonien : les dynasties chinoises, la civilisation du Moyen-Orient du bassin méditerranéen, le monde de l'Europe médiévale. Et nous y ajoutons la société post-newtoniennes qui, pendant un certain temps, demeurèrent étrangères ou indifférentes à la capacité nouvelle qu'avait

46 ROSTOW, W.W., Les étapes de la croissance économique, Seuil, Paris, 1962, p. 12.

27

l'homme d'utiliser systématiquement son milieu physique pour améliorer sa condition économique »47. Hormis la consommation, le revenu national est dépensé à des fins non-productives. La société est hiérarchisée lorsque le pouvoir est concentré entre les mains des propriétaires terriens ou incarnée dans une autorité centrale qui s'appuie sur l'armée et les fonctionnaires.

2) Préconditions du développement48

Si l'Angleterre a atteint cette étape par le fait de causes internes, Rostow estime qu'il n'en est plus de même depuis car ces conditions sont nées d'une impulsion extérieure venue ébranler l'édifice traditionnel !

Cette étape se caractérise par de profondes mutations dans les trois acteurs non industriels : les transports, l'agriculture et le commerce extérieur. On assiste à la mise en place de structures favorables au développement, notamment par le développement du système bancaire et la création de l'infrastructure nécessaire au développement industriel. Rostow souligne le rôle «moteur'' dévolu au secteur agricole qui, par les gains de productivité qu'il enregistre, permet de nourrir une population croissante, assurer les exportations nécessaires à l'équilibre des échanges extérieurs et autorise la réunion des conditions nécessaires au développement industriel. « Dans le domaine des échanges extérieurs, le changement se manifeste par l'augmentation des importations financée par la meilleure mise en valeur et l'exportation des ressources naturelles ou encore l'importation de capitaux ». Le développement des transports et de moyens de communication s'opère généralement en liaison avec la commercialisation des matières premières qui « présentent un intérêt économique pour d'autres pays », et souvent financé par des capitaux étrangers ». On note également une évolution des mentalités et des méthodes de travail : à l'intérieur du pays s'opère une prise de conscience d'une possible action de mise en valeur des ressources naturelles dans un but de «dignité nationale, profits privés, meilleures conditions de vie pour les générations futures». Au cours de cette période, Rostow voit l'apparition de l'entrepreneur schumpétérien qui par son action va révolutionner les méthodes de travail.

47 ROSTOW, W.W., Op.cit., p. 12.

48 Idem, pp. 12-15.

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La notion de progrès économique émane généralement de l'extérieur et se diffuse à travers les élites nationales.

3) Décollage

« Le décollage est la période pendant laquelle la société finit par renverser les obstacles et les barrages qui s'opposaient à sa croissance régulière. Les facteurs de progrès économique qui, jusqu'ici, n'ont agi que sporadiquement et avec une efficacité restreinte, élargissent leur action et en viennent à dominer la société. La croissance devient la fonction normale de l'économie. Les intérêts composés intègrent dans les coutumes et dans la structure même des institutions »49. Cette étape cruciale est d'une durée relativement brève : une à deux décennies.

W. Rostow50 pose trois conditions essentielles au décollage :

? Le taux d'investissement productif passe de moins de 5 pourcent à plus de 10 pourcent du revenu national, de ce fait « il déborde nettement la pression démographique ». Cette augmentation de l'investissement se fera par un large appel aux capitaux extérieurs ;

? La création d'industries motrices susceptibles d'entraîner l'apparition d'industries d'amont et d'aval. Ces industries pourront être stimulées dans leur croissance par le développement du commerce extérieur ou encore la substitution de la production nationale aux importations. Par ailleurs, une large diffusion des innovations et des taux d'intérêt faibles facilite le mouvement d'industrialisation ;

? La mise en place rapide d'un appareil politique, social et institutionnel axé vers le développement afin que «le taux de croissance de l'économie puisse, par la suite, rester constant». Comme l'écrit T. Szentes : « le décollage est accompagné d'une victoire politique, sociale et culturelle, décisive, de futurs responsables de la modernisation de l'économie sur les partisans de la société traditionnelle ou ceux qui poursuivaient d'autres buts ».

W. W. Rostow tente de dater historiquement le décollage de certains pays : « On peut situer approximativement le décollage de l'économie britannique aux

49 ROSTOW, W.W., Op.ci, p. 19. 50Idem, p. 20.

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vingt dernières années du XVIIIème siècle ; celui de la France et des Etats-Unis, à la période de 1830 à 1860 ; celui de l'Allemagne, au troisième quart du XIXème siècle celui du Japon, aux vingt-cinq dernières années du XIXème siècle »51

4) Progrès vers la maturité

C'est une période de progrès soutenu au cours de laquelle la croissance gagne l'ensemble des secteurs de l'économie et on assiste à une mise en oeuvre plus générale des techniques modernes. Elle se caractérise par :

- Un nouvel accroissement du taux d'investissement qui passe de 10 à 20 pourcent du niveau national ;

- Une diversification de la production : l'économie prouve qu'elle est en mesure d'aller au-delà des industries qui l'ont fait démarrer à l'origine par l'apparition de nouveaux secteurs dominant, dans l'industrie ;

- La structure de la population active se modifie (la main d'oeuvre devient plus urbaine) et on note un phénomène d'urbanisation croissant ;

- « La notion de dirigeant d'entreprise évolue également et le gestionnaire, avec ses connaissances et sa vision plus large de choses prend de plus en plus d'importance (pas de vision pas de mission). Les objectifs de la société commencent à ne plus se borner à l'application de la technologie moderne aux ressources. L'expansion de 1'industrialisation cesse d'être la considération majeure qui l'emporte sur toutes les autres ».

5) Ere de la consommation de masses

« La production de biens de consommation durables et les services deviennent progressivement les principaux secteurs de l'économie ». Les objectifs de la société évoluent vers la consommation et le bien-être. A ce stade, les Etats peuvent privilégier trois différentes politiques :

- La recherche de la puissance et de l'influence extérieure (c'est le soft power) ;

- La création d'un Etat providence, (et d'un Etat propulseur) ;

51ROSTOW, W.W., Op.ci, p. 20.

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- L'élévation des niveaux de consommation « dépassant les besoins alimentaires, le logement et les vêtements nécessaires ».

Après s'être laissés brièvement et superficiellement tentés par l'hégémonie mondiale au tournant du siècle, les Etats-Unis ont, selon Rostow, choisi sincèrement et de tout coeur la voie de la consommation de masses dans les années 20 et connaissent depuis ce stade la croissance. D'autre part, alors que l'Europe occidentale et le Japon entrent dans l'ère de la consommation de masses et que l'Union soviétique « folâtre à la zone limitrophe », on peut dire que les Etats-Unis ont dépassé ce stade dans la mesure où, par suite de la « marche des intérêts composés », la société du pays «se rapproche du point où la quête de la nourriture, du toit, des vêtements ainsi que des biens de consommation durables et des services publics et privés ne commande plus son existence ». De nouvelles perspectives se sont ouvertes au-delà de la consommation de masses et la Société se tourne aujourd'hui vers de nouveaux objectifs plus élevés. Rostow en veut pour preuve le fait qu'aux Etats-Unis la natalité a augmenté ainsi que la proportion de familles nombreuses52.

? Critiques de la théorie des étapes linéaires

On ne peut qu'adhérer à la critique formulée par Georges Balandier53 en ces termes : cette manière de voir implique un déterminisme technico-économique simpliste et un politico-centrisme'' fort vulnérable. Elle adhère sans inquiétude excessive à un développement unilinéaire qui condamne les sociétés en développement à répéter les processus ayant assuré le progrès de certaines des sociétés aujourd'hui avancées. Elle leur dénie la possibilité de faire naître des sociétés et des économies inédites.

Au-delà de Rostow, la grande majorité des néo-évolutionnistes actuels semble avoir renoncé à la conception d'une loi historique déterminant un processus unilinéaire obligatoire.

L'évolutionnisme multilinéaire oriente les recherches consacrées aux procès de changement culturel ; il commence à réduire le socio-centrisme des politicologues envisageant le développement des sociétés politiques ; il affecte

52 SZENTES, T., Op.cit., pp. 94-95

53 BALANDIER, G., Sens et puissance, Ed. Seuil, Paris, 1971, p. 6.

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moins, par contre, l'étude des changements agissant au sein des formations spéciales et provoquant leur transformation. D'autre part, la comparaison des processus de développement et de modernisation a imposé l'abandon de modèles théoriques trop simplistes. Elle fait mieux apparaître les discontinuités, les ruptures de modernisation, le mouvement différentiel de chacun des systèmes constitutifs d'une même société globale qui ne se transforme pas en bloc, la diversité structurelle de l'industrialisation.54

Balandier55 cite en particulier Shalins comme exemple néo-évolutionniste ouvert'': l'un et l'autre admettant que le progrès a souvent tendance à passer d'une étape peu développée à une étape comparativement très développée, procédant alors par mutation. Quant à Talcott Persons que Balandier range également dans ce groupe, il distingue trois états principaux de l'évolution sociale : l'état primitif, état intermédiaire et l'état moderne mais en portant l'accent sur les sous-états et les variations structurelles qui se manifestent dans chaque phase.

Le courant développementaliste est l'un des plus représentatifs des lignes de recherches actuelles. R. Nisbet56 en a présenté un panorama assez complet et lui-même se situant sur des positions très profondément différentes. La pensée développementaliste est insérée jusque dans les origines de la civilisation occidentale. Les Grecs d'abord puis Saint Augustin et la philosophie chrétienne, et jusqu'à Karl Marx, en passant par Rousseau, Kant, Regel et surtout Leibniz. Pour Nisbet, il faut entendre le verbe développer au sens intransitif, c'est-à-dire évoquer le développement en procédant du sujet et non pas comme résultat d'une force externe. Le développement est, en ce sens, une priorité intrinsèque de la structure, et à ce titre se différencie de la simple notion de changement qui peut se rapporter à des facteurs extérieurs. Il analyse de la façon suivante les concepts qui se rattachent aux données fondamentales du développementalisme :

a. Immanence

54 BALANDIER, G., Op.cit., p. 6.

55 Idem, p. 8.

56 NISBET, R., « Dévelopementalisme A critical& analysis », in KINNEY et TIRYAKAN, Theoretical sociology: Perspectives and developments, New-York, 1970, pp. 167-204.

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Ce qui donne au développement son caractère distinctif par rapport à tout autre ; c'est essentiellement son immanence, c'est-à-dire son émergence ou sa manifestation à partir des forces qui résident à l'intérieur du système qui nous intéresse. Ceci ne veut pas dire que des forces ou des événements extérieurs ne puissent interférer mais sans constituer la source du changement considéré.

b. Continuité

Ce concept est à prendre dans son acception Leibnizienne : la nature ne fait pas de sauts, Nisbet marque l'analogie que retiennent les développementalistes entre le changement dans la société et la croissance d'un organisme (dans le domaine biologique). Pour Marx lui-même, la révolution est dans la stricte continuité de la phase sociale qui la précède. Et Nisbet cite la réponse de Marx dans la préface de la seconde édition du capital à ceux qui contestaient l'application à d'autres pays de ce que Marx avait analysé du capitalisme à partir de matériaux anglais : le pays qui est industriellement le plus développé et le seul a développé l'image de son propre futur.

c. Uniformitarité

L'auteur susmentionné déclare qu'il ne se réfère pas à la notion d'uniformité des étapes du développement d'une région à une autre mais à l'idée de causes uniformes ou de mécanismes de changement situés à l'intérieur de systèmes identiques ou similaires. C'est-à-dire l'idée que le capitalisme, la parenté, la caste ou la communauté procèdent dans leur développement normal, à travers des mécanismes qui sont les mêmes en tout temps et en tous lieux. En ce sens, bien que procédant de l'intérieur, l'explication théorique du développement ne peut se confondre avec la vision plus récente du développement endogène qui, elle, récuse tout déterminisme mais se réfère à l'identité culturelle.

d. Différenciation

En se référant à des observations très comparables à celles de la biologie, on peut appliquer aux phénomènes sociaux une loi de différenciation constante : plus un système est hautement différencié, plus il doit être avancé dans le temps.

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Nisbet,57 ensuite, étudiant le néo-développementalisme contemporain, affirme que, durant les dernières décades, surtout en Amérique et en Angleterre, ce courant s'est incarné spécialement dans le fonctionnalisme. Il s'élève contre l'accusation portée à l'encontre des fonctionnalistes de n'avoir point de théorie au changement : ils rapportent l'origine du changement aux éléments qui composent l'intériorité du système : rôle, statuts, fonction, par le jeu des dysfonctions. Et, il étudie des positions défendues par trois néo-développementalistes fonctionnalistes : Merton, Marion Levy et Tacoltt Persons.

Sans ouvrir la discussion sur le bien-fondé de cette classification qui n'entre pas dans notre propos, nous devons mentionner les données essentielles de la critique faite par Nisbet au développementalisme dans son ensemble.

Au premier chef, il récuse la possibilité de traiter d'un système social comme système indépendant, autonome sur le plan abstrait. Dans la réalité, les systèmes ne traduisent pas des conduites humaines, des faits, des événements qu'il est hors de portée de faire entrer dans les concepts de base du développementalisme.

e. Persistance sociale

Toutes les données sociales révèlent une constante activité, un mouvement constant mais il ne faut pas confondre activité persistante, mouvement'', avec changement''. La première erreur majeure des développementalistes est de négliger ou plutôt de déformer les phénomènes de persistance et de fixité. Pour Nisbet donc, on observe ces deux ordres de données : la persistance et le changement. Le changement n'est pas la donnée constante et universelle.

1.3.2. Théories marxistes et le développement

Nous avions distingué, au seuil de cette investigation, deux types d'analyse marxiste : celle qui s'est bloquée dans le dogmatisme en considérant la théorie comme pratiquement achevée et celle qui s'appuie sur une théorie plus ouverte et à partir d'une utilisation critique de l'appareil conceptuel établi, s'efforce

57 NISBET, R., Op.cit., p. 50.

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de trouver des réponses nouvelles aux problèmes nouveaux qui permettent par là-même d'éclairer davantage les démarches précédentes.

Nous ne pouvons pas nous attarder sur le marxisme dogmatique qui, la plupart du temps, ne peut échapper aux critiques dont est justiciable tout développementalisme unilinéaire conçu comme système étroit et rivé sur une orthodoxie'' construite par référence au passé.

Il est inutile d'épiloguer sur la stérilisation stalinienne'' et ses effets sur un certain nombre d'écoles marxistes s'attachant aux sciences humaines.

On a présenté, et on continue encore de présenter, une théorie 'marxiste'' qui serait en quelque sorte le pendant progressiste'' de l'analyse de Rostow déterminant les stades de développement obligé'' de toute société pour passer du communisme primitif'' au socialisme. La critique en a déjà été faite.

Sans pouvoir entrer dans le détail d'une analyse des recherches et des développements néo-marxistes, nous retiendrons tout spécialement les points qui peuvent contribuer à éclaircir notre recherche.

En premier lieu, sur la conception marxiste du développement et du dynamisme social, il faut noter l'apport du groupe de L. Althusser et de E. Balibar58 qui admettent au point de départ la distinction nécessaire en rejoignant par l'analyse dynamiste, entre le dynamisme inhérent à la structure et le dynamisme qui s'applique au changement et à son développement. Le dynamisme interne aux structures, fond sur la contradiction, ne tend pas au dépassement de cette contradiction mais sa reproduction. Par contre le dynamisme qui produit le développement des structures conduit à des seuils de rupture d'équilibre interne entre les structures dans leur articulation qui aboutit à une transformation du système, en passant par une phase de transition. Dans cette phase de transition, les structures libérées de leur assemblage antérieur peuvent se combiner en de nouveaux assemblages : ainsi divers modes de production coexistent au sein d'une même formation sociale avec l'un deux en situation dominante.

58 ALTHUSSER, E., et AL., Le capital, Tome II, Maspero, Paris, 1966, p. 15.

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Il convient de souligner que l'ouverture de la théorie marxiste à ces problèmes de transition'' présente un intérêt certain pour toute recherche concernant des mutations sociales liées au développement.

En second lieu, on doit prendre acte du renouveau de l'analyse marxiste appliquant aux formes néo-occidentales d'évolution des formations sociales évoquées par Marx à propos du concept mode de production asiatique. On a cherché à adapter à l'Afrique la notion de mode de production asiatique.

Eu égard à ce qui précède, les analystes marxistes ont été amenés à s'attacher à l'étude de développement et de formations sociales africaines dans leur stade précapitaliste puis dans la période marquée par l'impact de l'économie marchande dans le stade de transition au capitalisme.

Au-delà de Godelier et dans les lignes de travail qui divergent entre elles sur plus d'un point, on voit paraître ainsi la description faite par Claude Meillassoux de la société Gouro de Côte d'Ivoire qui est interprétée comme un mode de production cynégétique et lignager.59 Terray60 reprend le problème par la suite et tout en rendant hommage au caractère fécond et novateur de l'ouvrage de Meillassoux, lui reproche de n'avoir pas, dans la ligne d'Althusser, recherché à dépasser la perspective du mode de production unique. En utilisant les matériaux de Meillassoux, il montre la coexistence de deux modes de production, l'un réalisé dans le cadre du système tribalo-villageois, l'autre dans le cadre de lignager.

Dans cette démarche, Terray61 s'efforce de mettre en place une méthodologie permettant de déterminer les modes de production au sein des sociétés dites primitives.

Pierre-Philippe Rey, quant à lui, a rassemblé un important dossier sur trois études sur le Congo-Brazzaville62, fondement de son analyse en quatre chaînons : le système lignager, la traite, le système colonial et le néo-colonialisme. Il s'écarte sensiblement de Godelier qui lui semble trop marqué par l'idéologie structuraliste plus proche de Terray en défendant cependant un point de vue

59 GODELIER, M., L'idée du réel et le réel, Fayard, Paris, 1984, p. 14.

60 TERRAY, E., Le marxisme devant les sociétés primitives : deux études, Maspéro, Paris, 1969, p. 14.

61 .TERRAY, E., Op.cit., p. 15.

62 REY, P. Ph., Colonialisme, néo-colonialisme et transition au capitalisme : exemple de la Camilog au Congo-Brazza, Maspéro, Paris, 1971, p. 7.

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différent de ce dernier en considérant notamment que les clans, les sociétés lignagères, les classes d'âge fonctionnent comme des classes sociales. Ce dernier point semble particulièrement contestable du fait que les classes d'âge sont les points de transition nécessairement importantes alors que les classes sociales fiant les individus dans les rapports dont ils ne sortent pas nécessairement.

Il faut ajouter aux recherches appliquant les catégories marxistes aux sociétés précapitalistes africaines, une autre dimension du courant néo-marxiste tendant à rompre avec la réduction du système explicatif du changement et du développement de la théorie de l'impérialisme de Lénine, s'est constituée, à une théorie de l'impérialisme néo-capitaliste et du système mondial de l'économie marchande, à la suite notamment des travaux de Baran et Paul Sweezy sur le capitalisme monopoliste63.

1.4. D'autres théories sur le concept développement

1.4.1. Théories sur le développement local et développement durable64

Il y a plusieurs théories attachées au concept « développement ». Certains parlent de développement endogène ou exogène, de développement local, de développement communautaire, etc., et d'autres, par contre, parlent de développement durable, développement intégral, etc. Plusieurs adjectifs sont à cet effet attachés à ce concept pour lui donner, d'une manière ou d'une autre, un contenu particulier par rapport à la compréhension de chaque auteur. Nous allons nous attarder actuellement sur le développement local et durable.

En ce qui concerne le développement local, nous pouvons retenir que c'est « un processus de diversification et d'enrichissement des activités économiques et sociales sur un territoire à partir de la mobilisation et de la coordination de ses ressources et de ses énergies. Il sera donc le produit des efforts de sa population ; il mettra en cause l'existence d'un projet de développement intégrant ses composantes économiques, sociales et culturelles ; il fera d'un espace de contiguïté un espace de solidarité active »65. Il est également « une dynamique

63 BARAN, P., et SWEEZY, Le capitalisme, Maspéro, Paris, 1968, p. 11.

64 Lire à ce sujet BOLIMA BOLITSI, W., Op.cit, pp. 66-77.

65 PELLISSIER, J.P., FRAYSSIGNES, et J., AHMED, Z., Les territoires ruraux en Méditerranée, quelle politique publique pour accompagner les dynamiques de développement ? IAMM et IRAM, Paris, 2018, p. 5.

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économique et sociale concertée et impulsée par des acteurs individuels et collectifs À collectivités locales, acteurs économiques, organisations de la société civile, services de proximité et administrations déconcentrées de l'Etat, etc. À sur un territoire donné »66. Les populations aspirent à être dorénavant actives et responsables de leur propre développement. Les interventions d'appui au développement local se fondent ainsi sur la gestion concertée d'un territoire par ses habitants en intégrant plus en amont leurs besoins et attentes spécifiques et en valorisant leurs projets et leurs initiatives.

C'est pourquoi les préceptes du développement local, au même titre que le néo-institutionnalisme, sont avant tout l'expression d'une critique envers une économie composée d'agents indépendants, analysant les phénomènes d'un point de vue purement quantitatif et a-territorial, c'est-à-dire sans accorder d'importance aux influences provenant du milieu.

Pour Pecqueur B. la notion de territoire ne peut se départir d'une volonté de développement local. Il affirme que : « ni mode, ni modèle, le développement local est une dynamique qui met en évidence l'efficacité des relations non exclusivement marchandes entre les hommes pour valoriser les richesses dont ils disposent »67. Ces relations non exclusivement marchandes reposent sur la participation d'acteurs locaux, sur leur prise de conscience de la nécessité de fonctionner en réseaux qui, peut favoriser la production de compromis autour des enjeux liés à la revitalisation et à la viabilité du développement.

Cependant, pour certains auteurs, le mot local pose un sérieux problème de par son contenu. C'est le cas de Serge Latouche68, en référant de la réalité française, démontre comment le concept local accolé au développement, masquerait la réalité et pouvait servir à la paupérisation de la masse paysanne. Ce qui s'est passé avec les banques est révélateur, pense l'auteur. Avec « ...local », on utilisait la créativité populaire, voire, locale, et les ressources diverses pour le développement du Nord. A ce sujet, Cane, E. et Rawe, J. écrivent qu' : « au siècle dernier, il y avait une foule de petites banques locales et régionales, fortement

66 IRAM, « Développement local et décentralisation », in Iram, Paris, 2018, p. 2. Article en ligne consulté sur le lien : www. Iram-fr.org/ développement-local-et-décentralisation. Html, le 5 juillet 2018, à 10 heures.

67 PECQUEUR, B., La ressource territoire : une réponse émergente à la crise en milieu rural ?, MRSHC, Grenoble, 2017, pp. 2-4.

68 LATOUCHE, S., cité par BOLIMA BOLITSI, W., Op.cit, p. 67.

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enracinées dans l'économie locale. Le développement des banques nationales les a fait disparaître pour les remplacer par des agences qui drainent l'épargne locale et le financement de la grande industrie nationale. Aujourd'hui ce sont les banques transnationales qui font disparaître à leur tour les banques nationales au profit des firmes multinationales. Si l'argent est le nerf de l'économie, la disparition des banques locales signifie sans doute la fin de l'économie locale. Comme l'écrivent les théoriciens de time dollars d'Ithaca, l'économie assure sa croissance en se nourrissant de la chair et des muscles qui maintiennent soudée la société. Pardessus tout, le marché a fortement marginalisé des aires importantes tant au Sud qu'au Nord »69.

En effet, le mot « local » pose problème non pas du fait qu'il soit à son tour accolé à celui de « développement » mais le « local » semble « ambigu en raison de son extension géographique à géométrie variable-de la localité à la région transnationale, du micro, en passant par le méso-, il renvoie de façon non équivoque au territoire, voire au terroir et plus encore aux patrimoines installés (matériels, culturels, relationnels), donc aux limites, aux frontières et à l'enracinement »70. De l'autre côté, nous devons rappeler que le développement se veut un concept attrape-tout, hautement mystificateur, mieux, un concept à proscrire. Si le « local » émerge aujourd'hui, il n'émerge pas (ou ne devrait pas émerger) comme « développement » mais plutôt comme cadre d'un « après-développement », d'un « au-delà du développement », soutient, serge Latouche71.

Pour répondre à cette critique, Greffe X.72 s'inscrit en contre-courant en soutenant que le mot « local » n'est pas ambigu. Attaché au développement, il forme ensemble un paradigme. Il amènerait, peut-être, le territoire à mener une stratégie de développement qui exclurait toute réflexion d'ensemble ou toute harmonisation avec le milieu dans lequel se trouve le territoire. Cependant, ce qui est important et qu'il mène à la prise en considération d'un certain nombre d'objectifs et de contraintes générales lors de l'élaboration de projets locaux.

En plus, un territoire ne se traduit pas en territoire économique. Il est aussi, fondamentalement, un construit historique. Il est non seulement un espace

69 CANE, E. ET RAWE, J., cité par BOLIMA BOLITSI, W., Idem, p. 68.

70 BOLIMA BOLITSI, W., Op.cit., p. 68.

71 LATOUCHE, S., Faut-il refuser le développement ? PUF, Paris, 1986, p. 216.

72 GREFFE, X., Le développement local, L'Aube, Datar, Paris, 2002, p. 200.

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économique mais aussi un espace écologique, juridique et un espace vécu73. Le développement local est avant tout un développement territorial. Il se base sur un « espace vécu », c'est-à-dire un espace actif qui dépasse, en quelque sorte, la somme de ses composantes. Celles-ci sont représentées notamment par une identité culturelle, un système de valeurs communes qui créent des interactions et des effets de synergie. Ce sont des espaces où, en général, la contiguïté a débouché sur une solidarité : selon les termes de P. Aydalot « donner aux « milieux » le rôle essentiel, c'est faire du « territoire » la source du développement »74.

Cette nouvelle précision sera en face d'une nouvelle critique selon laquelle le concept de développement local n'échappe donc pas à la colonisation de l'imaginaire économique. Accolé au développement, le local est tout juste alors, comme le social et le durable, ce qui permet au développement de survivre à sa propre disparition. Le développement a détruit le local en se focalisant toujours plus sur les pouvoirs industriels et financiers.

Au-delà de cette nouvelle critique, le premier courant de pensée reprécise qu'il était plus qu'important de considérer le territoire comme un objet spatial qui dépasse le simple concept de surface et non le réduire à l'expression étendue neutre sur laquelle se déroulent les fonctions économiques. Il n'est pas qu'un lieu plus ou moins bien pourvu en dotations initiales de facteurs. Le territoire ne saurait donc être considéré comme une « boîte noire », un simple stock ou réservoir de ressources disponibles pour chaque Etat75.

Le territoire est clairement le produit « d'une proximité géographique et culturelle résultant du partage d'une convention socialisant les individus selon une dynamique d'apprentissage où chaque acteur se reconnaît et peut avoir un sentiment d'appartenance à partager avec d'autres dans des cadres qui lui sont familiers (famille, clan, milieu professionnel, espace d'habitudes et de rites communs, etc.) »76.

73 GREFFE, X., Op.cit, p. 201.

74 Idem

75 CANDELEARE, E., ARFINI, F., BELLETI, G., et MARESCOTI, A., (sous dir.), Territoires, produits et acteurs locaux : des liens de qualité. Guide pour promouvoir la qualité liée à l'origine et des indications géographiques durables, SINER-GI, FAO, 2009, pp. 23-100. Consulté en ligne sur : www.fao.org, le 05 juillet 2019, à 16 heures.

76 CANDELEARE, E., ARFINI, F., BELLETI, G., et MARESCOTI, A., (sous dir.), Op.cit., pp. 24- 100.

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Ces cadres sont définis par des cadres cognitifs au sein desquels se réalisent des phénomènes d'apprentissage collectif qui s'appuient sur la valorisation des savoir-faire locaux, la circulation de l'information sur les technologies et les marchés, le partage de connaissances tacites et le développement de réseaux de coopération77.

Au-delà de toutes ces précisions, Luisa Bonesio souligne que : « la croissance des systèmes locaux répondant à des logiques globales ne peut pas être appelée développement local »78. Il y a lieu de dire que « le localisme » et/ou « le développement local » nous met en face de territoires sans pouvoir à la merci de pouvoirs sans territoire. « En facilitant une gestion à distance, écrit Jean-Pierre Garnier, à la fois décentralisée et unifiée, d'unités dispersées dans l'espace, les nouvelles technologies de la communication permettent aux grandes firmes de superposer un espace organisationnel hors sol dont la structure et le fonctionnement obéissent à des stratégies d'entreprise de plus en plus autonomes à l'égard des activités et des politiques autocentrées sur des territoires déterminés »79.

Par ailleurs, le paradigme de développement local ne répond pas au principe d'universalité ou d'internationalisation. Quoique considéré d'une nouvelle théorie de développement, « le développement local » n'a pas touché au principe de libre-échange mondial, ainsi l'émergence du concept développement durable. Alors, qu'est-ce que le développement durable ?

L'expression est apparue pour la première fois dans un cadre diplomatique international en 1980, lors d'une conférence intitulée "Stratégie mondiale de la conservation : la conservation de ressources au service du développement durable". En 1987 elle acquit une notoriété plus large en étant intégrée dans le "rapport Brundtland" de la commission mondiale sur l'environnement et le développement de l'Unesco, présidée à l'époque par l'ancienne Première ministre norvégienne Gro Brundtland80.

77 LATOUCHE, C., cité par BOLIMA BOLITSI, W., Op.cit, p. 68.

78 BONESIO, L., cité par BOLIMA BOLITSI, W., Idem, p. 169.

79 BOLIMA BOLITSI, W., Op.cit, p. 68.

80 PARTOUNE, C., et ERICX, M., « Le développement durable - analyse critique », in "Diversité culturelle", répertoire d'outils créés par les formateurs de l'Institut d'Eco-Pédagogie (IEP), actualisé en septembre 2011, URL : http://www.institut-eco-pedagogie.be/spip/?article 59, consulté le 20 Avril 2019.

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Ce rapport en donnait une définition qui fait aujourd'hui autorité en affirmant le principe de "satisfaire les besoins des générations présentes sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire leurs propres besoins". Concrètement, le développement durable est une façon d'organiser la société de manière à lui permettre d'exister sur le long terme. Cela implique de prendre en compte à la fois les impératifs présents mais aussi ceux du futur, comme la préservation de l'environnement et des ressources naturelles ou l'équité sociale et économique.

Ainsi, il est possible et nécessaire aujourd'hui d'opérer un bilan du développement durable (DD) en s'appuyant sur les formes concrètes qu'il a prises depuis plus de vingt ans. Malgré les discussions, interrogations ou critiques que le terme a suscitées, il est sans conteste, depuis la conférence de Rio en 1992, dans l'horizon normatif des projets, les programmes et politiques d'aide publique au développement qui s'opèrent concrètement sur les territoires et il accompagne maintenant les stratégies d'entreprise81.

Ses principes fondamentaux sont : la solidarité entre les pays, entre les peuples, entre les générations et entre les membres d'une société. Par exemple : économiser les matières premières pour que le plus grand nombre en profite ; la précaution dans les décisions afin de ne pas causer des catastrophes quand on sait qu'il existe des risques pour la santé ou l'environnement. Par exemple : limiter les émissions de CO2 pour freiner le changement climatique ; la participation de chacun, quels que soient sa profession ou son statut social, afin d'assurer la réussite de projets durables. Par exemple : mettre en place des conseils d'enfants et de jeunes ; la responsabilité de chacun, citoyen, industriel ou agriculteur. Pour que celui qui abîme, dégrade et pollue répare. Par exemple : faire payer une taxe aux industries qui polluent beaucoup82.

Contrairement au développement économique, le « développement durable est un développement qui prend en compte trois dimensions : économique, environnementale et sociale. Les trois piliers du développement durable qui sont traditionnellement utilisés pour le définir sont donc : l'économie, le social et

81 COX, K.R., et NEGI, R., « L'Etat et la question du développement en Afrique Subsaharienne », in L'Espace Politique, Revue en ligne de Géographie Politique et de Géopolitique, mis en ligne le 20 Août 2009, consulté le 13 décembre 2019 à 13 heure 20.

82 PARTOUNE, C., et ERICX, M., Op.cit, p. 22.

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l'environnement. La particularité du développement durable est de se situer au carrefour de ces 3 piliers »83.

En effet, « le développement durable est devenu un concept à la mode que l'on intègre à toutes les analyses. Derrière cette idée de durabilité se cachent plusieurs conceptions. Une conception d'activistes, d'écologistes, d'humanistes, d'enseignants, de chercheurs, d'entrepreneurs, de salariés, de politiques, etc. Bref, à tous les niveaux de la société, des individus profondément convaincus par la nécessité de changer les choses. De l'autre, une conception plus utilitariste, inhérente à des institutions et non plus à des personnes dont l'intérêt est la récupération du concept. L'objectif étant d'assurer la reproduction du pouvoir en place et de ne rien changer aux règles de la domination »84.

Selon les écrits du courant post- développementiste85, et en particulier ceux de Serge Latouche86, l'utilisation du qualificatif durable est intéressante pour les partisans du développement dans le sens où il contribue à nous faire croire que le développement peut s'inscrire dans la durabilité. Or, s'il continue de la sorte, en matière de dégradation des équilibres économiques, écologiques et sociaux, à l'évidence, le développement durable ne peut précisément l'être ! Dans la réalité, le développement serait-il contre la durabilité ?

Il s'agit d'interroger le concept de développement durable et sa récupération par les institutions (multinationales, gouvernements, collectivités locales...) afin de préserver le statu quo et de poursuivre des pratiques totalement « non durables ». L'idée est de révéler l'idéologie présente dans le qualificatif durable attaché au mot développement. Cette nouvelle qualification n'est-elle pas une façon de ne pas s'interroger sur l'urgence ? La question de la durabilité nous donne l'illusion d'un changement. Cela rassure la conscience des citoyens mais, finalement, rien, ou pas grand -chose, ne change réellement : les équilibres écologiques continuent à être fragilisés, les inégalités sociales poursuivent leur progression. Ces déséquilibres justifient le fait qu'on s'interroge sur la notion

83 LATOUCHE, S., « Le développement durable, un concept alibi », in MASINI, J., Débat sur le développement durable, Revue tiers Monde, tome 35, Paris, 1994, pp. 77-94.

84 RODHAIN, F., LLENA, C., « Le mythe du développement durable », Le développement durable, Préventique

Sécurité, 2006, pp. 1-3.

85 Voir le site www.apres-developpement.org et la charte du Réseau des objecteurs de croissance pour un après développement (ROCAD), consulté le 20 Avril 2019, à 10 heures.

86 LATOUCHE, S., Faut-il refuser le développement ?, PUF, Paris, 1986, p. 216.

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même de développement qui, selon de nombreux auteurs87, est porteuse de ces dysfonctionnements. Et c'est là que l'idéologie du développement durable est puissante : ce nouveau concept n'est-il pas une aubaine dans la mesure où il permet de faire l'économie de cette interrogation ? N'autorise- t-il pas que l'on passe sous silence ce qui, précisément, doit être mis en débat : le développement lui-même ? La preuve en est : que les dirigeants se le sont appropriés très rapidement, quitte à en faire un concept creux, vide de sens. Pour un courant de chercheurs et d'économistes, la durabilité est un nouveau domaine permettant de continuer à faire du développement en toute impunité88.

En effet, étant elle-même floue, car pouvant se rapporter soit au développement humain, soit à la croissance économique, la notion de développement attachée à l'adjectif durable crée plus de confusion. De prime abord, le concept de développement durable peut rallier à peu près tous les suffrages, à condition souvent de ne pas recevoir de contenu trop explicite ; certains retenant surtout de cette expression. Le premier mot « développement », entendant par-là que le développement tel que mené jusqu'alors doit se poursuivre et s'amplifier ; et, de plus, durablement, d'autres percevant dans l'adjectif « durable » la remise en cause des excès du développement actuel, à savoir, l'épuisement des ressources naturelles, la pollution, les émissions incontrôlées de gaz à effets de serre, etc. L'équivoque de l'expression « développement durable » garantit son succès, y compris, voire surtout, dans les négociations internationales d'autant que, puisque le développement est proclamé durable, donc implicitement sans effets négatifs, il est consacré comme le modèle absolu à généraliser sur l'ensemble de la planète.

Selon Serge Latouche89, quand on parle de développement durable, « on a affaire à une monstruosité verbale du fait de l'antinomie mystificatrice de l'expression. En effet, le développement étant, à l'heure actuelle et tel qu'il est pratiqué, par essence, non durable, lui accoler le mot « durable » devient une

87 L'association La ligne d'horizon-Les amis de FRANÇOIS PARTANT a organisé en mars 2002, au Palais de l'Unesco à Paris, un colloque international sur le thème : « Défaire le développement, refaire le monde ». De nombreux chercheurs et acteurs du Nord et du Sud se reconnaissent aujourd'hui dans une réflexion qui procède à une véritable déconstruction de la pensée économique qui se qualifie de post-développementiste. À la suite de ce colloque un ouvrage collectif a été publié, il présente la réflexion de 35 chercheurs et acteurs sur la question du développement et sa remise en cause : Défaire le développement, refaire le monde, Éd. Parangon, 2003, p. 412.

88 RODHAIN, F., et LLENA, C., Op.cit., p. 34.

89 LATOUCHE, S., Survivre au développement, Éditions Mille et une nuits, Paris, 2004, p. 51.

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imposture qui hérisse nombre d'écologistes, d'activistes, d'intellectuels et autres anciens hauts fonctionnaires d'institutions internationales telles la Banque mondiale ou le FMI.

Cependant, dans le même temps, ce concept de développement durable a le mérite d'interroger la société civile, de créer des débats et peut-être de parvenir à un certain niveau de conscience des problèmes écologiques. Le développement durable peut conduire au décloisonnement des disciplines, à la collaboration entre chercheurs et enseignants de différents horizons ; il peut donc être porteur de réflexions productives et judicieuses. Pour cela, il est nécessaire que les acteurs de l'enseignement et de la recherche apportent une approche critique de la notion de développement avant de s'intéresser à celle de développement durable90.

De fait, le problème avec le développement soutenable n'est pas avec le mot « soutenable » qui est plutôt une belle expression mais avec le concept de développement qui est complexe. Le soutenable, si on le prend au sérieux, signifie que l'activité humaine ne doit pas créer un niveau de pollution supérieur à la capacité de régénération de la biosphère. Mais, il sied de reconnaitre que cela n'est que l'application du principe de responsabilité énoncé par le philosophe Hans Jonas : « Agis de telle façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur la terre »91. Certes, la signification historique et pratique du développement liée au programme de la modernité est fondamentalement contraire à la durabilité ainsi conçue. Seulement, toute l'idéologie et pensée unique dominante s'efforcent avec un certain succès d'occulter cette réalité. La main invisible et l'équilibre des intérêts nous garantissent que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Personne ne devrait se faire du souci pour ce faire.

Certainement, le développement durable ou soutenable est pavé de bonnes intentions. Il comporte, non seulement des défis mais aussi et surtout des incertitudes. Si, aujourd'hui, la survie de tous, développés et non développés, passe par la sauvegarde de la biodiversité, il faut reconnaitre que l'utilisation du concept de développement durable est, belle et bien, imposée par la « tyrannie des

90 RODHAIN, F., LLENA, C., Op.cit., p. 60.

91 LATOUCHE, S., Survivre au développement, Op.cit., p. 23.

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circonstances dans toute sa sévérité »92, selon l'expression de John Galbraith. Le développement durable auquel tous sont conviés inconditionnellement soulève beaucoup de problèmes pour les pays en voie de développement.

Ces problèmes ou déficits déterminent et pourraient être des difficultés sur le chemin du développement durable. Il s'agit par exemple : « à l'intérieur : une réduction de pauvreté qui ne se fait pas voir ; des insuffisances d'une gouvernance qui peine à prendre les besoins des populations en charge. A l'extérieur : des échanges inégaux séculaires, encore et toujours actuels »93. Ainsi, « que feront par exemple les pays en développement d'un marché mondial basé sur un avantage comparatif lui-même basé sur leurs ressources naturelles mais qui n'apporte pas d'avantage ? Le développement durable nous sauvera-t-il d'une théorie et d'un ensemble de politiques qui, malgré la durée, présentent des résultats douteux ? Quid du Mécanisme de développement Propre (M.D.P) qu'implique une proposition de compensation ? Onze à dix-neuf milliards de dollars américains par an comme valeur potentielle des échanges de gaz à effet de serre au profit des P.E.D. Les pollueurs, nonobstant des efforts internes, n'établissent pas là une nouvelle légitimité pour rester pollueurs en achetant aux pauvres leur incapacité de polluer ? »94.

On peut conclure cette partie en soutenant que la contestation à l'égard du développement durable est également fondée sur le fait que l'ONU le présente comme un projet de société, voire un projet de civilisation qu'il faudrait appliquer à toute la planète. La lecture que Sylvie Brunel95 nous propose est la suivante : à la fin des années 80, le développement durable serait venu à point nommé pour remplacer les notions de développement, de sous-développement et de "en voie de développement", devenues obsolètes avec la chute du communisme soviétique et qui faisaient l'apologie de la croissance, de la science et de la technique comme salvatrices du monde !

Dès lors, pour toute une série d'observateurs critiques, le développement durable s'apparenterait plutôt à un programme politico-économique promu par certains types d'acteurs sociaux qui siègent à l'ONU (dont des dirigeants

92 LOMBEYA BOSONGO, L., cité par BOLIMA BOLITSI, W., Op.cit., p. 65.

93 BOLIMA BOLITSI, W., Idem, p. 74.

94 LOMBEYA BOSONGO, L., cité par BOLIMA BOLITSI, W., Op.cit., p. 76.

95 BRUNEL, S., cité par PARTOUNE, C., et ERICX, M., Op.cit., p. 35.

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de pays non démocratiques), avec le credo suivant : le développement économique va résoudre les problèmes sociaux et environnementaux à condition qu'un nouvel ordre mondial impose des règles fondées sur le libre marché.

Dans ce programme, l'environnement correspond à l'ensemble de la planète comme un réservoir de ressources qui doit être globalement administré par des organisations régionales ou mondiales, d'après le Calgary Latin American Group96.

Le caractère hégémonique du développement durable se perçoit aussi à la façon dont il est désormais posé comme une référence "sacrée", une "nouvelle religion"97. En effet, s'il a le mérite de poser une vision du monde sur la table, celle-ci est rarement mise en débat, bien au contraire : émettre l'idée qu'elle doive y être soumise provoque souvent incompréhension, opposition, voire anathème à l'encontre de la personne qui s'y autorise.

§2. Paix

2.1. Notion et développement du concept

Le champ de la paix est plus vaste et chaque auteur s'amène avec sa compréhension. Dans un premier temps, la paix s'adresse prioritairement à l'individu. Elle fait référence à un état intérieur, empreint de calme ou de tranquillité, à l'écart de toute perturbation ou agitation. C'est la paix de l'esprit et celle du coeur. Elle est souhaitable pour soi-même ainsi que pour les autres, au point de devenir une salutation : « Que la paix soit avec toi ! », une philosophie de la vie98.

Cette notion va connaître une évolution, surtout dans le monde occidental, en ayant une conception plus collective et extérieure à l'individu. Elle peut être définie comme l'absence de guerre, comme la suspension plus ou moins longue de la rivalité violente ou des conflits entre entités politiques ou encore comme l'intervalle qui sépare deux moments de guerre99.

96 BRUNEL, S., cité par PARTOUNE, C., et ERICX, M., Op.cit., p. 35.

97 LATOUCHE, S., cité par PARTOUNE, C., et ERICX, M., Op.cit. p. 37.

98 COLLECTIF, Paroles de paix en temps de guerre, Privat, Toulouse, 2006, pp. 7- 9.

99 MERLE, M., (sous dir), Pacifisme et internationalisme, XVIIe-XXe siècles. Paris, A. Colin, 1966, p. 81.

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Elle peut aussi être considérée comme une activité, pas une passivité. Elle est un engagement qui se pratique tous les jours dans toutes nos interactions. Être un spectateur passif face aux interactions violentes des autres tue la paix. Rester passif envoie le mauvais signal. Cela autorise les violents à augmenter la violence. C'est en formant un contrepoids, majoritaire, où la paix prime dans les interactions humaines qu'on peut susciter une remise en cause de violents et les éveiller au meilleur d'eux-mêmes. En restant passif, on se désolidarise de cet effort de contrepoids, on fait le choix de la violence des autres même si on est le plus doux des êtres100.

Sociologiquement, la paix désigne l'entente amicale de tous les individus qui composent une ou des sociétés civiles et/ou militaires. Elle n'implique pas l'absence de conflits mais une résolution systématiquement calme et mesurée de toute difficulté conséquente à la vie en communauté, principalement par l'écoute, la compréhension, le dialogue, la négociation ou par des échanges de biens tel le commerce ou le troc. La paix implique également le goût pour le calme, ainsi que la capacité à vivre sereinement avec l'autre : individu ou société. En cela, la paix est l'intérêt commun pour le développement qui prend ses racines dans la prospérité101.

Si cet intérêt n'est pas partagé, c'est qu'il n'y a pas existence d'une capacité visionnaire et avant-gardiste pour un développement enrichissant, quel qu'il soit : économique, innovation, culturel, durable, connaissance, social. La paix n'est ni un idéal, ni une utopie. Elle est principalement une donnée sine qua non au développement économique et tout ce qui en découle : culture, éducation, dynamisme... Elle est le coeur d'une économie. Sans paix il ne peut exister une économie prospère102. En cela, nous pouvons dire que la paix est l'économie et que l'économie est la paix. Les guerres sont le dysfonctionnement même de l'économie. La source de l'économie est la prospérité. La prospérité est la source de l'économie. La guerre est le chaos qui empêche l'existence de l'économie. L'économie ne peut

100MAMON, D., Pour Graines de la Paix, 6 mars, 2007, pp. 1- 2. Article en ligne sur https://www.grainenesdepaix.org/fr/ressources/concepts-de-paix/definitions/comment-definir-la-paix, consulté le 09 mars 2021 à 14 heures 12

101 BOUCHER, F. E., SYLVAIN, D., et JANUSZ P., (dir.), La Paix. Esthétiques d'une éthique, Bruxelles, New York, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, Wien, Peter Lang, 2007, p. 227.

102 BOURNIER, I., et POTTIER, M., La Grande Encyclopédie de la Paix, Casterman, Bruxelles, 2007, p. 96.

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être définie selon le principe du bien-être de quelques individus mais de l'ensemble des individus et des sociétés103.

En effet, la paix demande une combativité positive dans nos relations et tout autant face à nos propres impulsions. Mais définir la paix comme le combat gagné de la raison contre les instincts est faux. Ce n'est pas par le combat qu'on atteint la paix intérieure mais en cultivant un état intérieur d'apaisement. A l'opposé d'un combat, c'est une relation à construire ; avec soi-même, puis avec les autres, où la raison ne suffit pas, il faut aussi le coeur. Elle est un tissage perpétuel de relations chaleureuses de bon voisinage basée sur les valeurs humaines et la créativité des uns et des autres pour dépasser les difficultés, les heurts et ses propres frustrations104.

La paix est un choix de vie où les interactions humaines se fondent sur des élans d'humanité capables d'inverser les tendances à la violence des puissants, de vindicatifs et de personnes en colère, en touchant leur coeur et leur raison. Un choix de vie à la fois individuel, collectif, économique et politique.

Au demeurant, l'articulation entre la paix et son opposé (guerre, violence, conflit, colère, etc.) est une des clés de nombreuses doctrines, religieuses ou politiques, clé fondamentale, bien que généralement non explicite. Mais la paix peut se définir par le fait non pas politique ou religieux mais bien plus par le fait qu'elle est une condition à l'évidence à la vie105.

Dans le yi-king, l'hexagramme opposé à celui de la paix est celui de la stagnation. Symboliquement, cela indique que la paix n'est pas un absolu mais une recherche permanente. Et que « le conflit » n'est pas l'opposé de la paix. Il convient dans une démarche de paix de transformer un conflit pour le résoudre sans répondre par la violence, non pas de le supprimer. Les démarches non-violentes incarnent cette démarche de transformation pacifique d'un conflit106. Car, comme l'indique le

103BOUCHER, F. E., SYLVAIN, D., et JANUSZ P., (dir.), Op.cit., p. 227.

104 MAMON, D., Op.cit, p. 1.

105 BOURNIER, I., et POTTIER, M., Op.cit., pp. 96- 98.

106 OFFENSTADT, N., Faire la paix au Moyen Age. Discours et gestes de paix pendant la Guerre de Cent ans, Paris, Odile Jacob, 2007, p. 502.

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préambule de l'UNESCO, « c'est dans l'esprit des hommes que naissent les guerres, c'est dans leur esprit qu'il faut ériger les défenses de la paix »107.

Cependant, il se peut que dans la psyché collective, individuelle ou sociale, le calme soit une conception insupportable pour ceux qui n'ont pas eu accès à cet état très tôt. Leurs repères environnementaux sont de ce fait celui du conflit et du chaos. Ce qui nous fait dire qu'il manque de structure psychique, voir cérébrale, peut-être même biologique à l'Homme. Néanmoins, il a été remarqué que l'Homme est sujet à l'évolution psychique, biologique et cérébrale plus ou moins rapide avec des rechutes parfois à l'état "préhistorique" qui semble pouvoir être de mieux en mieux contenu jusqu'à ce qu'il soit stabilisé et par conséquent structurant et structuré sainement. C'est ce que nous pourrons nommer l'Homme rationnel108.

2.2. Conception de la paix selon qu'elle est positive ou négative

Parmi les nombreuses tentatives de définition de la paix, il en est cependant une qui, au cours des deux dernières décennies, s'est progressivement imposée. C'est celle de Johan Galtung qui, en opposition à la notion de « paix négative », introduit celle de « paix positive »109.

La notion de « paix négative » traduit simplement l'absence de guerre ou de conflit violent, tant entre États qu'à l'intérieur d'un même État. Définir ainsi la paix est aussi réducteur que de définir la santé par l'absence de maladies. Une telle définition ne décrit pas la paix, ne dit pas à quoi elle ressemble, encore moins comment elle s'établit et comment il est possible d'oeuvrer à sa promotion et à sa préservation110.

Avec le concept de « paix positive », Johan Galtung introduit les notions d'équité, de justice et de développement. Il la décrit comme « un état de la société dans lequel l'exploitation est entièrement éliminée ou, tout du moins, minimisée et où aucune violence manifeste d'origine structurelle ou individuelle ne vient dénier au peuple l'exercice de ses droits fondamentaux »111.

107 OFFENSTADT, N., Op.cit, p. p. 502.

108 BOUCHER, F. E., SYLVAIN, D., et JANUSZ P., (dir.), Op.cit., p. 227.

109 MUCHUKIWA, B., Op.cit., pp. 4- 5.

110 BOURNIER, I., et POTTIER, M., Op.cit., pp. 96- 98.

111 MERLE, M., Op.cit., p. 7.

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L'histoire nous enseigne, elle nous l'a démontré à de multiples reprises, que les conditions réelles de la paix, après un conflit, sont indissociables de la reconstruction du ou des pays concernés, de la mise sur pied de structures garantes de justice sociale et propices au développement harmonieux de toutes les couches de populations touchées par ce conflit. La combinaison du concept de « paix positive » avec celui de « paix négative » semble être la meilleure approche possible pour tenter de comprendre ce qu'est la paix et pour déterminer les domaines essentiels dont seront tirés les différents indicateurs qui vont constituer l'indice recherché112.

2.3. Émergence et institutionnalisation de la notion de paix positive

En introduisant la notion de paix positive, Johan Galtung n'a fait que traduire une évolution entamée le 24 octobre 1945, à la création des Nations Unies. Les effroyables et massives violations des droits de l'homme auxquelles a donné lieu la Deuxième Guerre mondiale et le traumatisme profond qui en a résulté, ont fortement influencé les rédacteurs de la Charte des Nations Unies. Si le Préambule et le Chapitre 1 de cette Charte traduisent bien le désir commun d'instaurer la paix, c'est l'article 55 qui cerne au plus près les contours de cette paix113 :

« En vue de créer les conditions de stabilité et de bien-être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, les Nations Unies favoriseront114 :

- Le relèvement de niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progrès et de développement dans l'ordre économique et social ;

- La solution de problèmes internationaux dans les domaines économique, social, de la santé publique et autres domaines connexes, et la coopération internationale dans les domaines de la culture intellectuelle et de l'éducation

;

112 WERLY, N., Paix : l'insaisissable définition, in Ela. Etudes de linguistique appliquée, 2002/4, n°128, pp. 481495.

113 CLINTON., B., Paix et démocratie, Organisation des Nations Unies, Paris, 2004, p. 42.

114 WERLY, N., Op.cit., pp. 481- 495.

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- Le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ».

Alors même qu'au travers de l'Histoire, la paix et les droits de l'homme ont pu apparaître comme des termes hétérogènes, parfois antagonistes ou diamétralement opposés, ils se retrouvent ensemble à la base d'une nouvelle alliance pour un « ordre international ». La paix, prise comme l'absence de guerre, résultant de la fin des hostilités et inscrite dans des traités internationaux, n'implique pas nécessairement les exigences de dignité et de justice qui sont les conditions de sa durée et de sa stabilité. Pour ne pas avoir pris en compte ces exigences, le traité de Versailles portait, en ses clauses, les gènes de la Seconde Guerre mondiale115.

Il aura fallu attendre la fin de ce conflit pour que se tisse un lien puissant entre la notion de paix et celle de droits de l'homme. Initialement consacré, en 1945, par la Charte des Nations Unies, ce lien est ensuite renforcé, trois ans plus tard, par la Déclaration Universelle des Droits de l'homme qui met l'accent sur l'indispensable « exigence de protection des droits de l'homme par un régime de droit, afin de ne pas contraindre les individus à la révolte contre la tyrannie et l'oppression »116.

Les droits de l'homme, leur culture et leur respect font désormais partie des conditions nécessaires à l'instauration d'un état de paix. Quant au « droit à la paix », il rejoint la troisième génération des droits de l'homme, celle de l'ensemble des droits liés à la solidarité.

En 1994, Federico Mayor, alors Secrétaire général de l'UNESCO, lance un appel mondial pour l'instauration d'un droit à la paix. Trois ans plus tard, une proposition de déclaration incluant la paix dans les droits de l'homme est soumise, sans succès, à la Conférence générale de l'UNESCO. Malgré cet échec, le droit à la paix demeure à l'ordre du jour du programme des Nations Unies. Début 2001, la

115 CLINTON., B., Op.cit., pp. 42- 44.

116 WERLY, N., Op.cit., pp. 481- 495.

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Commission des droits de l'homme adopte une résolution pour la promotion du « droit des peuples à la paix »117.

Il est maintenant communément admis que la paix est le résultat d'un certain nombre de facteurs au sein desquels les droits de l'homme, le développement économique et social, la justice et l'équité, la gouvernance, la culture et la spiritualité occupent une place beaucoup plus importante que celle tenue par les indicateurs d'absence de guerres ou de conflits118.

2.4. Outils et organisation de moyens en faveur de la paix

Au cours des dernières années, plusieurs universités de paix ont été fondées, comme l'université pour la paix de l'ONU, au Costa Rica (UPEACE [archive]), l'université de la paix de Brasilia (UNIPAZ), ou l'Université de Paix de Namur, le Centre mondial de la paix1 à Verdun119.

Elles dispensent un enseignement et contribuent à des échanges de savoir et savoir-faire visant à étendre l'action individuelle et collective sur et pour la paix (chef-d'oeuvre de paix inspirée par le compagnonnage à UNIPAZ). Ces formations touchent à l'écologie globale, autant qu'à l'écologie intérieure, sociale et environnementale. Elles intègrent aussi la notion de résilience pour sortir du cycle infernal de la vengeance ou vendetta120.

De nombreuses ONG dites « humanitaires » travaillent aussi au commerce équitable, à plus de justice, à la réconciliation des peuples et à la réparation des dégâts de catastrophes naturelles, économiques, militaires ou sociales, dont Green cross2 fondée par Mikhaïl Gorbatchev après la Glasnost et la fin de l'URSS121.

Des associations pacifistes existent dans plusieurs pays. En France le Mouvement de la Paix a été créé le 22 février 1948. Il reste la principale ONG pacifiste française dont l'action se tourne de plus en plus vers la jeunesse.

117 NATIONS UNIES, « Paix, dignité et égalité sur une planète saine », in Nations-unies, article en ligne sur www.un.org/fr/global-issues/peace-and-security, consulté en ligne le 10 août 2022 à 14 heures 30.

118 CLINTON., B., Op.cit., pp. 42- 44.

119 BOURNIER, I., et POTTIER, M., Op.cit., pp. 96- 98.

120 OFFENSTADT, N., Op.cit., pp. 502- 506.

121 Médaille Christofle, éditée pour le IXème congrès Universel de la Paix, Paris en 1900.

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Les mouvements pacifistes contre les armes nucléaires se développent dans les années cinquante, présents dans le monde entier encore aujourd'hui. Le célèbre symbole peace and love en est issu, il sera largement utilisé contre la guerre du Vietnam et demeure un des symboles les plus utilisés pour la paix122.

Nous pouvons également citer en tant qu'outils l'importance de l'Histoire et les souvenirs des guerres passées. C'est en se souvenant de ses erreurs que l'Homme se corrige et évite de les reproduire. Parmi ces outils nous pouvons mettre en avant les quelques 30.000 monuments aux morts érigés en France entre 1920 et 1925 en souvenir des victimes de la Première Guerre mondiale ou encore l'instauration de journées commémoratives, comme les célébrations annuelles de l'Armistice. Enfin, pour ne pas les oublier et mettre des mots sur ces souvenirs, vestiges de notre Histoire, les conflits sont très largement évoqués dès le primaire dans les programmes scolaires français. Gandhi affirmait d'ailleurs à ce propos : « Si nous voulons enseigner la paix véritable en ce monde et si nous voulons entrer en guerre contre la guerre, c?est avec les enfants que nous devons commencer »123.

Néanmoins, la paix ne peut être atteinte au sein d'un ou de plusieurs peuples que par la contribution absolument volontaire de tous ceux qui composent ces peuples. La paix est donc, à cause de cette nécessité, une vertu aussi noble que difficile à atteindre. Aussi, au-delà des organisations humanitaires et internationales, se trouvent des hommes et des femmes qui espèrent que le lendemain sera meilleur que la veille124.

2. 5. Personnalités engagées pour la Paix

De nombreux artistes se sont engagés en faveur de la Paix, à travers leurs actions ou leurs oeuvres, comme Picasso et sa Colombe de la paix, John Lennon et son album Imagine3, ou Carl Fredrik Reuterswärd et sa sculpture Nonviolence, le pistolet noué, exposé sur le parvis de l'ONU à New York125.

122 BOUCHER, F. E., SYLVAIN, D., et JANUSZ P., (dir.), Op.cit., p. 224.

123 BOURNIER, I., et POTTIER, M., Op.cit., pp. 98- 99.

124 OFFENSTADT, N., Op.cit., pp. 502- 506.

125 BOUCHER, F. E., SYLVAIN, D., et JANUSZ P., (dir.), Op.cit., p. 227.

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2.6. Paix internationale

La paix entre les nations est la mission fondatrice des Nations unies. La paix mondiale est l'objectif premier de l'unité européenne, comme en témoignent les premiers mots de la Déclaration du 9 mai 1950, dite déclaration Schuman, en fait essentiellement due à la plume de Jean Monnet : "La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent. La contribution qu'une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques"126.

La Journée internationale de la paix est célébrée chaque année le 21 septembre à l'initiative des Nations unies. Elle est dédiée à la paix et particulièrement à l'absence de guerre, qui doit se manifester par un cessez-le-feu dans les zones de combats. Elle est observée dans de nombreux pays depuis sa création en 1981127.

§3. Conflit

3.1. Notion et développement du concept

Etymologiquement, le mot conflit est tiré du mot latin « conflictus », qui veut dire choc, lutte et combat128. Raison pour laquelle les premières recherches effectuées dans ce domaine portaient essentiellement sur la guerre. Pourtant, le mot combat ne signifie pas seulement faire la guerre à quelqu'un pour avoir son élimination physique et définitive mais, généralement, à « une opposition contre quelqu'un, ses opinions, et aussi à une lutte contre un mal ou un danger. Ce qui explique parfois l'emploi de l'expression « combat d'idées »129.

Pour certains auteurs, comme Yvan Potin, un conflit est une rencontre de sentiments ou d'intérêts qui s'opposent : querelles, désaccords, la lutte de pouvoir. Si cette opposition d'intérêts n'est pas traitée, elle peut entraîner un conflit ouvert130. Mais aussi un conflit, c'est le choc. Autrement, il signifie heurter, ce qui

126 OFFENSTADT, N., Op.cit., pp. 502- 506.

127 BOUCHER, F. E., SYLVAIN, D., et JANUSZ P., (dir.), Op.cit., p. 228.

128 PAUL, R., Dictionnaire le petit Robert, Le Robert, Paris, 1013. Lire aussi ALBERT THOMAS, Cité par CHAVANIS, J.L., et GAVA, M.J., Op.cit., p. 18 ; YVAN POTIN, Op.cit., p. 5.

129 THOMAS, A., cité par CHAVANIS, J.L., et GAVA, M.J., Op.cit., p. 18.

130 POTIN, Y., Op. cit., p. 5.

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implique une opposition qui se transforme éventuellement parfois en crise. Il est à la fois événement, c'est-à-dire ce qui vient d'ailleurs, et, visiblement, contradiction. C'est donc parce qu'un conflit est constitué de ce qui est étranger qu'il représente un danger, la peur, l'angoisse de l'inconnu, mais aussi un élément d'ouverture131.

Notons que le conflit est un fait naturel de l'homme. Il est toujours lié à l'être humain. Le mal du conflit, c'est quand il amène à des incompatibilités. Il est permanent dans tous les secteurs de la vie sociale à différents niveaux et dans des contextes aussi variés. Il n'est pas un accident dans la société, il en fait partie132. Donc, faisant partie de la nature humaine133, le conflit est une réalité inéluctable134.

Pour cette raison, Thomas Albert précise qu'un organisme n'est vivant que dans la mesure où il provoque involontairement ou non des conflits135. S'alignant à cette conception, Jean-Luc Chavanis et G. Marie-José affirment que les conflits sont le signe qu'une organisation vit et évolue136. Pour dire autrement, il n'y a pas d'organisations ou de communautés sans conflit137.

De manière stricte, quand on parle d'un conflit, on fait allusion à un contentieux sur un ou des points de droit. On entend par conflit, au sens profond ou authentique du terme, l'affrontement de deux ou plusieurs volontés individuelles ou collectives qui manifestent les unes à l'égard des autres une intention hostile et une volonté d'agression, à cause d'un droit à retrouver ou à maintenir138. Ces volontés essaient de briser la résistance de l'autre, éventuellement par le recours à la violence. En ce sens, la guerre est l'exemple paradigmatique d'un conflit armé139.

131 FLORO, M., Pratique de classe et gestion des conflits, IUFM d'Aix, Marseille, 1998, p. 8. 132SIMMEL, G., Le conflit, Circé, Paris, 1992, p. 8.

133 NIYAKIRE, A., IRANYIBUKA, T., et NDACAYISABA, R., Résolution pacifique des conflits. Guide de formation destinée aux leaders communautaires « Imboneza », CDFC, 2013, p. 7.

134 DECKERS, J.L., et VAN DEN STEEN, H., Petit guide pratique pour l'usager potentiel de la médiation en entreprise, dans le non marchand, dans les organisations, les institutions et les administrations, UBMP, SL, SD, p. 5.

135 THOMAS, A., cité par CHAVANIS, J.L., et GAVA, M.J., Outils et pratique de la médiation : Dénouer et prévenir les conflits dans et «hors les murs», Interdiction, Paris, 2014, p. 18.

136Idem, p. 11.

137 ALINSKY, S., cité par GATELIER, K., et Ali., Transformation de conflit. Retrouver une capacité d'action face à la violence. Charles Léopold Mayer, p. 19.

138 LETHIERRY, H., Des conflits à l'école, les risques du métier, Chronique sociale, 2005, p. 14.

139 DOMINIQUE PICARD, E.M., Petit traité des conflits ordinaires, Le Seuil, Paris, p. 8.

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Le terme de conflit est aussi utilisé au sens figuré ou métaphorique. On parlera ainsi de conflit de devoirs, de conflit d'horaires ou encore de conflit d'intérêts. De même, par extension, le terme « conflit » est utilisé pour qualifier de vagues rivalités, des compétitions, des désaccords ou des antagonismes qui ne donnent pas lieu à un heurt140.

Pour John Burton, un conflit est un élément essentiel dans les relations humaines. Il permet d'opérer des changements et de promouvoir les valeurs sociales141. Certes, les conflits sont souvent douloureux et inconfortables mais ils sont aussi nécessaires ; ils sont capables de transformer des situations et d'engendrer une croissance positive s'ils sont gérés correctement. C'142est donc une étape naturelle de la vie143.

Au demeurant, on pense souvent qu'un conflit entre des personnes est une mauvaise relation. Pourtant, de nombreux sociologues, comme Georg Simmel, et philosophes, comme Hegel ou Nietzsche, développent une vision plus positive d'un conflit comme mode de relation entre individus144.

Pour Dominique Picard et Edmond Marc, les conflits ne sont pas des erreurs de la communication mais qu'il est aussi normal et banal de se disputer que de bien s'entendre : « les problèmes relationnels sont inhérents à la nature et à la dynamique d'une relation parce que vivre ensemble et communiquer, c'est compliqué et difficile »145. Cependant, le conflit est souvent vécu dans la souffrance et, contrairement à la bonne entente, il empêche la relation de progresser et d'être productive et les partenaires de s'épanouir146.

C'est pourquoi il est souvent nécessaire de le réguler et de le résoudre. Mais pour cela, il est plus important de permettre aux partenaires de comprendre ce qui se passe entre eux et de conduire leur relation (au lieu de se laisser conduire par elle) que de les amener (par la contrainte ou la persuasion) vers une « bonne entente » qui ne tiendrait pas compte de la réalité de leurs divergences.

140 DOMINIQUE PICARD, E.M., Op.cit., 8.

141BURTON, J., Conflict: Resolution and prevention, St. Martin's Press, New York, 1990, p. 36.

142 DOMINIQUE PICARD, E.M., Op.cit., pp. 9-- 10.

143ACCORD, Manuel d'ACCORD sur la consolidation de la paix, 2ème édition, 2015, Durban, 2015, p. 29.

144 DOMINIQUE PICARD, E.M., Op.cit., pp. 10-- 11.

145 LETHIERRY, H., Op.cit., p. 15.

146 ALBERT THOMAS, Cité par CHAVANIS, J.L., et GAVA, M.J., Op.cit., p. 18.

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Un conflit survient généralement lorsque des individus poursuivent des objectifs opposés ou incompatibles. Raison pour laquelle il est défini, par certains, comme une relation entre deux ou plusieurs parties qui ont ou croient avoir des intérêts ou des objectifs incompatibles147. Ce qui sous-entend que la coexistence et la difficulté de concilier les intérêts, visions, pensées, désirs (objet) et procédures contradictoires et incompatibles dans une organisation humaine constituent des sources potentielles des conflits.

Ainsi, les conflits naissent, évoluent et peuvent disparaître ou réapparaitre. Tout dépend des circonstances qui contribuent à la longévité de la coexistence et de la difficile conciliation de ces éléments. Il peut prendre une forme ou une autre.

En parlant des origines, notons qu'elles sont complexes et variées. Chaque conflit a une histoire et une évolution qui lui sont propres, avec des phases et des degrés d'intensité divers. S'inscrivant dans la même optique, Kuna Maba indique que chaque crise a sa propre nature, sa ou ses causes, ses conséquences, ses acteurs clés, ses spécificités ainsi que son intensité148.

Néanmoins, notons que le concept « conflit » n'est pas à confondre avec celui de « l'affrontement ». Il n'est pas non plus un jeu à somme nulle où ce qui est gagné par l'un, est perdu par l'autre. C'est un rapport entre des adversaires qui partagent certaines références culturelles, c'est, dit Simmel, « une synthèse d'éléments, un contre autrui qu'il faut ranger avec un pour autrui sous un seul concept supérieur »149.

Cette conception amène à ce jeu de mots un élément fondamental qui se trouve au centre d'un conflit. Il s'agit ici des prédispositions mentales des adversaires sans lesquelles aucun conflit ne saurait voir le jour. Elles sont représentées dans cette définition par « les références culturelles ». Car, si les actions d'un acteur ne heurtent pas les prédispositions mentales de l'autre, un conflit ne peut naître. Les prédispositions mentales de l'individu constituent le coeur même du conflit qui s'en suit.

147ANTONIA ENGEL et BENEDIKT KORF, Techniques de négociation et de médiation appliquées à la gestion des ressources naturelles, LSP, FAO, Rome, 2006, p. 41.

148KUNA MABA, G., La République Démocratique du Congo à l'épreuve de l'alternance pacifique. Les enjeux d'une lutte de recomposition de l'espace autoritaire, Terabyes, Kinshasa, 201., p. 17.

149SIMMEL, G., Cité par WIEVIORKA, M., Op.cit., p. 3.

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Notons avec H. Touzard que deux situations différentes peuvent se rapporter au mot « conflit ». D'une part, soit les acteurs interdépendants sont liés par des objectifs opposés et incompatibles ou adhèrent à des valeurs contradictoires. De l'autre, soit les acteurs interdépendants sont en compétition, c'est-à-dire visent un même but mais ne pouvant être atteint que par l'un d'eux150. Dans la première partie de cette définition l'auteur évoque l'incompatibilité des objectifs comme conflit. Cependant, étant donné que la pluralité d'acteurs et de besoins dans une organisation n'entraînent pas forcément la convergence des buts et leur convergence n'est pas toujours évidente, cette conception reste relative151.

En parlant du conflit, on peut aussi imaginer « une confrontation entre une ou plusieurs parties aspirant à des moyens incompatibles ou compétitifs de parvenir à leurs fins »152. Néanmoins, cette définition accuse quelques faiblesses, parce qu'elle met l'accent sur l'incompatibilité des moyens. Pourtant, il y a des cas où on trouve un riche et un pauvre être de part et d'autre auteurs directs d'un conflit sans tenir compte de leurs moyens respectifs.

De tout ce qui précède, il est clairement démontré qu'il existe une grande variété dans la description du concept « conflit ». Cependant, l'évidence est celle que tous les conflits ont en commun d'être le résultat de la rencontre d'intérêts ou de positions contradictoires et incompatibles entre eux. En cela, ils se construisent sur trois éléments fondateurs : une perception, un comportement et une incompatibilité153. La perception négative de l'autre, voire l'hostilité envers lui, nourrit un comportement malveillant à son égard ; on n'imagine aucune compatibilité possible entre ses propres intérêts et ceux de l'autre. L'incompatibilité est bien à la base du conflit et c'est ce en quoi il se distingue du désaccord154.

En ce qui nous concerne, nous allons plus parler du conflit armé. Pour plus de précision, il s'agit d'un conflit armé international et d'un conflit armé non international. Mais bien avant le développement de ces deux conceptions de

150TOUZARD, H., cité par KANGA, Conflit et identité, actes des journées philosophiques de Canisius, avril 1997, p.

58.

151 SIMMEL, G., Cité par WIEVIORKA, M., Op.cit., p. 3.

152MILLER, C.E., cite par ACCORD, Op.cit., p. 29.

153J GALTUNG, J., cité par GATELIER, K., et Al., Op.cit., p. 17.

154KARINE GATELIER et Al., Op.cit., p. 17.

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conflits armés, nous allons d'abord parler de la catégorisation de conflits selon qu'ils sont interpersonnels, intragroupes et intergroupes.

3.2. Types ou sortes de conflits

Les conflits sont catégorisés selon plusieurs manières et en fonction de plusieurs variables. On parle de l'appréciation de l'auteur, du contexte, des moyens utilisés, de la nature de l'objet du conflit, etc. Ces multiples variables s'inscrivent et s'expliquent souvent dans des contextes particuliers. On peut alors parler des conflits inter-groupes, intragroupes et intergroupes ; des conflits armés (internationaux et non internationaux) ; des conflits politiques ; des conflits fonciers ; des conflits coutumiers, etc.

Toutefois, il y a lieu également de distinguer les conflits symétriques à ceux asymétriques. Les premiers font référence aux affrontements dans lesquels les antagonistes combattent pour des objectifs de même ordre, avec les mêmes moyens, en utilisant les mêmes modes d'actions sur le terrain155. Les seconds se rapportent aux divergences entre les buts, les moyens et les voies des parties en présence au conflit156.

3.2.1. Types de conflits selon les rapports individuel ou collectif 3.2.1.1. Conflits interpersonnels

D'entrée de jeu, retenons qu'un conflit entre des personnes apparaît lorsque des parties s'affrontent. À ce niveau, il implique le rapport de deux personnes au moins. Il peut s'agir d'un couple, des voisins, d'amis, d'un piéton et d'un automobiliste, de deux piétons, de personnes qui font la queue à la poste, qui se précipitent sur un même objet en solde, etc. Dans ces cas l'appartenance à un groupe précis n'est pas déterminante157.

Ce genre de conflits peut partir d'une seule des parties en présence. Ainsi, son histoire est souvent difficile à décrire. Un conflit peut commencer par une divergence d'opinion, un constat de comportements différents, la recherche

155LABANA LASAY, Le conflit en relations internationales, analyse des concepts de base, MES, Kinshasa, 2004, p. 8.

156Idem, p. 9.

157 POTIN, Y., Op. cit., p. 5.

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d'appropriation, la jalousie, une confrontation à l'inconnu, être seulement chargé de la peur de l'inconnu, se développer par des propos de rejet, jusqu'à l'exclusion, s'articuler autour des conceptions d'intérêts opposés, être justifié par les parties par des questions de valeurs ou de croyances, etc.158

Très présent au coeur des débats philosophiques, dans les relations maître-esclaves, Platon rapportait dans La République la problématique conflictuelle en soi par l'énoncé de la relation maître-esclave en soi159.

3.2.1.2. Conflits intra-groupes

Les conflits intra-groupes font référence à des conflits entre deux membres ou plus du même groupe ou équipe160. Au cours des dernières années, les conflits intra-groupes ont capté l'attention du domaine littéraire sur les conflits et la dynamique des groupes161. Cet intérêt pour l'étude du conflit intra-groupe peut être liée à l'utilisation omniprésente des groupes de travail et des équipes de travail dans de nombreuses organisations, y compris les groupes de travail décisionnels, les groupes de projets ou les équipes de production. John a identifié deux types principaux de conflit intra-groupe : les conflits de travail et les conflits relationnels.

En effet, les mobiles justificatifs des conflits intra-groupes sont nombreux et variés. Ils peuvent être dus à l'incertitude des tâches ou des objectifs, l'augmentation de la taille du groupe, l'évolution de la diversité, le manque de partage d'informations et de l'interdépendance des tâches élevées162.

Dans un groupe constitué, par exemple le service commercial d'une entreprise, les conflits peuvent relever de diverses causes : luttes de pouvoir, conflits structurels dus à l'inégale distribution des ressources selon les fonctions, ancienneté, etc.

Cependant, dans certaines communautés, le conflit fait partie intégrante du groupe. Il en est même l'élément central. On peut prendre le cas des communautés de joueurs de jeux vidéo où l'objectif est de créer une rivalité au sein

158 CHAVANIS, J.L., et GAVA, M.J., Op.cit., p. 19.

159 YVAN POTIN, Op.cit., p. 7.

160 CHAVANIS, J.L., et GAVA, M.J., Op.cit., p. 22.

161 WIEVIORKA, M., Op.cit., p. 3.

162 YVAN POTIN, Op.cit., p. 9.

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du jeu afin d'embellir l'expérience de jeux. Cela permet ainsi d'avoir des confrontations virtuelles comparables aux rencontres sportives. On peut alors parler de conflit légitime car il y a consenti des joueurs163.

3.2.1.3. Conflits intergroupes

Conflit impliquant au moins deux groupes ou communautés ayant une culture et/ou une idéologie différente. Entre des groupes ethniques ou raciaux par exemple, des conflits armés ou une lutte intellectuelle idéologique ayant ou non recours à la violence pour des raisons de droits, de pratique de l'ensemble des principes et coutumes d'une religion ou pour la suprématie de celle-ci.

À cette question, la psychologie sociale suggère que les « groupes sont généralement plus compétitifs et agressifs que les individus »164. Deux principales sources de conflits inter-groupes ont été identifiées : « la compétition pour les ressources matérielles précieuses, selon la théorie du conflit réaliste ou pour les récompenses sociales comme le respect et l'estime... comme décrit dans la théorie de la frustration relative »165. Les conflits de groupe peuvent facilement entrer dans une spirale d'hostilité croissante marquée par le clivage du moi des points de vue166.

Cette compréhension du conflit inter-groupe permet d'expliquer les conflits qui opposent des groupes ethniques et qui naissent de l'identification et de l'appartenance à un espace primaire ou national. Notons, par ailleurs, que dans les territoires de FIZI, KALEHE et UVIRA au Sud-Kivu, des conflits naissent de la confusion entre deux réalités ou passage d'un territoire ethnique à un territoire étatique167.

3.2.2. Types selon l'objet de conflit 3.2.2.1. Conflits d'intérêt et d'identité.

- Conflit d'intérêt : l'enjeu se trouve limité à un objet, un avantage, à l'exercice d'un pouvf oir.

163 CHAVANIS, J.L., et GAVA, M.J., Op.cit., p. 18.

164 BURTON, J., Op.cit., pp. 36- 37.

165 MUCHUKIWA, B., Identités territoriales et conflits dans la province du Sud-Kivu, R.D. Congo, Globethics.net, Genève, 2016, pp. 4- 5.

166 CHAVANIS, J.L., et GAVA, M.J., Op.cit., pp. 18- 20.

167 MUCHUKIWA, B., Op.cit., pp. 4- 5.

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- Conflit d'identité : il s'agit, non pas d'acquérir un avantage mais de rejeter l'autre en tant que tel, l'objectif est l'élimination de l'ennemi pour ce qu'il est et pour ce qu'il représente en tant que personne physique ou en tant que personne morale.

3.2.2.2. Conflits d'autorité et les conflits de pouvoir

Les conflits d'autorité apparaissent entre des personnes de même rang hiérarchique qui s'opposent suite à l'empiètement par l'un sur les compétences de l'autre. Ceci rappelle immédiatement la nécessité de bien définir les compétences de chacun dès le départ afin d'éviter ce type de conflit assez souvent observable168.

3.2.2.3. Conflits de concurrence ou de rivalité

Ils sont principalement perceptibles dans certains métiers où la compétitivité, la recherche du résultat et sa quantification sont rendus nécessaires. On parvient dans ce cas à une sorte de jeu qui peut rapidement devenir une drogue où le conflit est banalisé mais jusqu'à un certain point169.

3.2.2.4. Conflits de génération

Ils sont très souvent observables dans les organisations et leur nombre ne cesse de croître avec l'augmentation de la mobilité professionnelle et les avancées technologiques170.

3.2.3. Types de conflits selon l'intention des acteurs 3.2.3.1. Conflits constructifs ou destructifs

- Constructifs

Lorsqu'il entraîne de l'expérience qui permet d'éviter les futurs conflits. Ce qui entraine un climat coopératif lorsqu'il : place les buts du groupe avant les objectifs personnels, il améliore le niveau des évaluations, il est source de

168 LETHIERRY, H., Op.cit., p. 15.

169 Idem., p. 16.

170 POTIN, Y., Op. cit., p. 5.

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production d'idées créatives, il permet le réexamen des opinions et des buts, il permet l'accroissement des prises de risques, il augmente la cohérence du groupe171.

- Destructifs

Lorsqu'il entraine un climat compétitif à outrance. On peut voir les conflits comme des mécanismes de régulation inévitables mais qu'il faut affronter et qui doivent être néanmoins les moins visibles pour l'extérieur (comme dans le problème de la qualité)172.

3.2.3.2. Conflit latent, ouvert et conflit violent173 - Conflit latent

Une ou plusieurs personnes affectées par un problème sont mécontentes de la situation présente et la tension monte. Ici il n'y a pas des luttes car les parties ne perçoivent pas directement l'opposition des intérêts, des besoins ou des valeurs, ou elles ne sont pas en mesure d'y faire face, soit par faiblesse, soit par manque de conscience174.

- Conflit ouvert

Les parties en conflit s'accusent ouvertement les unes les autres, sans s'estimer responsables de leur rôle dans le conflit et cherchant à « gagner ». Le pseudo-conflit qui inclut la lutte mais il n'y a pas des problèmes réels. Ce sont les parties qui pensent qu'il existe un problème. De tels conflits relèvent généralement des situations de malentendu, de suspicions et d'une mauvaise communication.

- Conflit violent

Les parties en conflit utilisent à présent la violence ou l'agressivité pour vaincre l'autre.

171 WIEVIORKA, M., Op.cit., p. 3.

172 LETHIERRY, H., Op.cit., p. 15.

173 CHAVANIS, J.L., et GAVA, M.J., Op.cit., p. 18.

174 LETHIERRY, H., Op.cit., p. 15.

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3.3. Différentes constructions théoriques sur le concept conflits

3.3.1. Théorie de la méthode heuristique d'essais et d'erreurs (HEE) et d'échange d'informations (développée par Pruitt)

Dean a toujours eu un engagement précoce pour la paix, raison qui justifie ses différentes recherches sur les solutions durables aux dilemmes de négociation. Au coeur de cette exploration se situe l'idée que la résolution des conflits doit chercher des solutions intégratives175.

Et de son côté, en concentrant son attention sur les gains communs lors d'une négociation à variables multiples, Pruitt reprend les travaux de Mary Parker Follett, Walton et McKersie176. Pour des raisons de rappel, notons qu'on accorde souvent à Follett l'invention du concept de négociation intégrative que Walton et McKersie développèrent sous la forme d'un modèle applicable et d'études de

.

cas177

Dans la continuité de ses prédécesseurs, Pruitt, aidé par ses disciples, a mis en place plusieurs stratégies de résolution de conflits qu'il a complétés par la mise en place d'expériences permettant l'évaluation de ces mêmes stratégies. Les lignes qui suivent donnent les différentes stratégies développées par l'auteur178.

Pour l'auteur, deux approches sont nécessaires pour générer des gains communs. Dans un premier temps, il estime qu'il faille garder une approche ouverte de résolution de problèmes tout au long du processus de négociation. Dans la seconde, l'ensemble des négociateurs doit faire montre d'une détermination commune tout en maintenant une attente élevée quant à leurs objectifs. Ensemble, ces approches relèvent de la « rigidité flexible » : elles sont relativement rigides sur les objectifs initiaux mais flexibles quant aux stratégies employées pour aboutir aux objectifs prédéfinis179.

175 DRUCKMAN, D., « Théories de conflits et recherche en négociation : hommage aux contributions de Dean Pruitt », in Négociations, 2015/1, n°23, pp. 123- 136, article en ligne sur www.cair.info/revue-negociations-2015-123.htm, consulté le 1 mai 2022 à 10 heures 10.

176 Idem, p. 124.

177 DRUCKMAN, D., Op.cit, p. 125.

178 PRUITT, D., « Some research frontiers in the study of conflict and its resolution », in DEUTSCH, M., COLEMAN, P.T., MARCUS, E.C., The handbook of conflict resolution, San Francisco, 2nd ed., pp. 849 - 866.

179 DRUCKMAN, D., Op.cit., pp. 123- 136.

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Il estime également que la résolution de problèmes peut prendre la forme de deux stratégies : la méthode Heuristique d'Essais et ou l'Échange d'Informations180. La mise en oeuvre de la première nécessite d'apprécier les réactions à une diversité d'options proposées que l'on peut considérer comme des « ballons d'essai ». La deuxième méthode, l'Échange d'Informations, consiste à demander et fournir des informations sur les besoins et valeurs des négociateurs. Ces deux stratégies sont vectrices de flexibilité. Elles contrastent avec les stratégies dites distributives qui apportent une rigidité au processus de recherche de résultats favorables. Les deux stratégies, utilisées simultanément ou en parallèle, ont montré leur efficacité ainsi que certaines limites.

La difficulté avec cette méthode est que les négociateurs utilisent l'information présente pour bâtir les différentes solutions ou options intégratives. Cependant, lorsque ces options ne sont pas connues, les négociateurs peuvent essayer de reconceptualiser les possibilités ou en optant pour d'autres approches. Ce qui revient à dire qu'une certaine forme d'Échange d'Informations est possible. Débattre des valeurs et priorités éclaire la structure accordée aux résultats181.

Néanmoins, ce surcroît d'informations peut, soit encourager le processus de négociation, soit ensabler les parties dans une impasse durable. La première issue est plus probable lorsque les deux négociateurs se sont engagés dans une démarche de résolution de problèmes. La seconde est plus probable lorsque les parties sont résolument déterminées. Pruitt est clair sur la manière de surmonter ce défi : séparer le processus pour lequel la flexibilité est encouragée, même lorsque certaines incompatibilités sont claires, des objectifs finaux, pour lesquels des attentes exigeantes sont de mise182.

3.3.2. Théorie de la readiness

Les recherches expérimentales de Pruitt ont posé les fondations de ses études de cas plus récentes. Sa « readiness theory » en est un parfait exemple. Il développa cette théorie à travers plusieurs études de cas de conflits jugés

180 PRUITT, D., Op.cit., pp. 849- 866.

181 DRUCKMAN, D., Op.cit., pp. 123- 136.

182 FERRERES, E., « L'approche sociologique de Dean Pruitt pour comprendre pourquoi le conflit social à la SNCF perdure », in LinkedIn, 8 juin 2016, article en ligne sur www.likedien.com/pulse/lapproche-sociologique-de-dean-pruitt-pour-comprendre-éric-ferreres, consulté le 3 août 2022 à 10 heures 50.

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insolubles, comme le conflit Israélo-Palestinien, l'indépendance du Zimbabwe, ou le conflit entre les Tigres Tamouls et le gouvernement du Sri Lanka. En portant son attention sur les antécédents de l'entrée en négociations dans ces cas, Pruitt identifie un ensemble de variables clés qui préparent l'entrée en négociations183.

Deux de ces facteurs sont la motivation de mettre fin au conflit et l'optimisme quant au résultat de la négociation. Cette motivation dépend de trois conditions : d'abord la perception que le conflit n'est pas en passe d'être gagné, ensuite la prise de conscience de coûts et de risques du conflit, enfin la pression exercée par un tiers pour mettre fin au conflit. Ces trois conditions étaient réunies dans chacun des cas analysés par Pruitt. L'optimisme trouvait sa source dans les interactions des pré-négociations, en particulier durant la phase de communication exploratoire, en général secrète184.

Il est plus probable que les parties suspendent une approche unilatérale durant des discussions exploratoires qu'au cours d'une négociation formelle185. À ces deux variables, Pruitt vient d'ajouter l'interdépendance positive et un sentiment d'urgence186. Toujours réaliste, Pruitt reconnaît que le prérequis pour ces variables est un accord sur un cessez-le-feu. Et toujours expérimentaliste, il construit toujours ses concepts en tant que variables, qu'il considère comme la voie la plus crédible vers l'avancement des théories.

L'expérience de Pruitt avec les études de cas l'a amené à apprécier leur valeur, pas seulement en tant que complément des expériences, mais aussi comme une source alternative d'idées : contrairement aux expériences pures, les études de cas offrent une opportunité pour accumuler des résultats dans les deux directions, depuis les cas les plus récents jusqu'aux cas les plus anciens et vice versa, un focus sur les événements importants (négociations ayant abouti plutôt qu'échoué), des comparaisons d'un seul facteur entre plusieurs cas et la valeur de l'interprétation basée sur des préférences théoriques187.

183 MUCHUKIWA, B., Op.cit., pp. 4- 5.

184 FERRERES, E., Op.cit., pp. 7- 8.

185 DRUCKMAN cité par DRUCKMAN, D., Op.cit., pp. 123- 136.

186 PRUITT, D., cité par DRUCKMAN, D., Idem., pp. 123- 136.

187 BURTON, J., Op.cit., pp. 36- 37.

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Ces caractéristiques sont propices à l'élaboration d'un champ de réflexions en plein développement théorique plutôt que déjà mûres pour l'évaluation de ces théories. C'est pourtant la formation d'expérimentaliste de Pruitt qui lui a fourni la sensibilité nécessaire à la compréhension de ces différences188.

3.3.3. Modèles d'escalade, de points de non-retour et de désescalade d'un conflit

Dans son travail le plus récent avec Nowak, Pruitt fournit une base formelle à partir de laquelle il est possible de dériver des hypothèses quant aux antécédents menant à l'escalade ou à la désescalade d'un conflit189. Ces hypothèses sont générées à partir des tentatives pour développer deux modèles de dynamiques des escalades, respectivement appelés attractor landscape model ''190. Ces modèles sont considérés comme complémentaires : le concept de résistance à l'emballement est fourni par le premier de ces modèles tandis que le modèle en S présente les facteurs d'escalade et de désescalade. Pris ensemble, ces modèles fournissent une base théorique rigoureuse pour la mise en place des hypothèses suivantes relatives aux conditions d'emballement (escalade ayant atteint un point de non-retour) ; et le cas inverse, c'est-à-dire la désescalade191.

3.3.4. Théorie aristotélicienne sur l'origine de conflits

La justice est la mère de toutes les vertus et les injustices sociales génèrent des violences et conflits. Pour cette raison Aristote considère la justice comme étant le fondement ou la condition « sine qua non » d'une société viable. Pourtant la question de justice se pose avec acuité en Afrique d'autant plus que son indépendance n'est pas du tout garantie. Ainsi, il n'y aura pas de paix en République Démocratique du Congo sans justice192.

188 DRUCKMAN, D., Op.cit., pp. 123- 136.

189 DRUCKMAN, D., Op.cit., pp. 123- 136.

190 Idem., pp. 123- 134.

191MUCHUKIWA, B., Op.cit., pp. 4- 5.

192 TOCQUEVILLE, A., « De la démocratie en Amérique (1835-1840) », in Encyclopédie de la philosophie, La Pochothèque Garzanti, Librairie Générale française, 2002, p. 1603-1604.

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Dans le même sens, le Starigite souligne l'importance des conditions matérielles pour qu'un homme soit heureux. Cette théorie sera reprise par Abraham Maslow qui propose la théorie de besoins humains. Celle-ci stipule que tout être humain, dépourvu en moyens primaires (par exemple : Pour manger, s'habiller, loger, éducation, la santé), est porté à la violence. En effet, l'homme peut s'exprimer de manière violente lorsqu'il se sent bafoué et opprimé dans ses droits. À en croire Maslow, les motivations des êtres humains naissent dans des besoins à satisfaire, hiérarchisés en cinq niveaux parmi lesquels les plus bas dans la pyramide doivent être satisfaits en priorité (besoins physiologiques). Donc, d'après Maslow, le conflit commence par l'insatisfaction de besoins193.

3.3.5. Théorie marxiste de la lutte des classes sociales

En tant que théorie de la vie humaine, le matérialisme dialectique affirme que le fondement de tout développement dans la société est la contradiction dans la production. La plus importante des contradictions de ce type est la lutte entre les classes dans la société. Ce conflit ne saurait être résolu que par une « négation de la négation », c'est-à-dire par des changements révolutionnaires dans lesquels les classes existantes sont détruites et remplacées par une synthèse « à un niveau supérieur ». Pour l'auteur, le conflit entre la classe dominante établie et celle qui est en germe, est la source de « tous les conflits dans l'histoire »194.

Dans le même sens, Hegel n'en dit pas moins lorsqu'il soutient que l'État naît d'un conflit et qu'il est à son tour le théâtre et la source de nombreux conflits virtuels. La relation originelle des hommes entre eux est une relation de conflit, ce conflit met en jeu les deux passions fondamentales, à savoir la vanité et la crainte de la mort violente. La dialectique Maître-Esclave en est le modèle. Puisque la contradiction est fondamentale pour le changement historique, Héraclite disait : « un conflit est le père de toute chose, roi de toute chose ». Pour lui, le conflit est géniteur et organisateur de choses195.

193 TOCQUEVILLE, A., Op.cit., p. 1603-1604.

194 Marx, K., Le Capital, cité par CROPSEY, J., Histoire de la philosophie politique, Puf, 2e éd., Paris, 2010, p. 891-919.

195 HEGEL, Philosophie du droit, cité par STRAUSS, L., (sous dir), Histoire de la philosophie politique, éd. Originale 1963, Puf, 3e éd., Paris, 2013, p. 814.

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Darwin, dans sa réflexion, soutient que la lutte pour la vie entre humains est l'état naturel de relations sociales et que les conflits sont aussi la source fondamentale du progrès et de l'amélioration de l'être humain ; et donc, de la société. Certes, la vie est un combat mais l'ouvrier mérite son juste salaire. En somme, le marxisme combat l'exploitation ouvrière du capitalisme. Les injustices sociales sont à la base de revendications et tensions dans les institutions et sociétés contemporaines196.

3.2.2. Objet de conflit

En parlant de l'objet de conflit, retenons qu'il est de plusieurs ordres. Il peut s'agir de l'intérêt personnel ou identitaire, de l'autorité ou du pouvoir, de la concurrence ou de la rivalité,... selon qu'on est dans une circonstance particulière ou un milieu donnée.

3.2.2.1. Conflits d'intérêt et d'identité.

- Conflit d'intérêt : l'enjeu se trouve limité à un objet, un avantage, à l'exercice d'un pouvoir.

- Conflit d'identité : il s'agit, non pas d'acquérir un avantage mais de rejeter l'autre en tant que tel, l'objectif est l'élimination de l'ennemi pour ce qu'il est et pour ce qu'il représente en tant que personne physique ou en tant que personne morale.

3.2.2.2. Conflits d'autorité et les conflits de pouvoir

Les conflits d'autorité apparaissent entre des personnes de même rang hiérarchique qui s'opposent suite à l'empiètement par l'un sur les compétences de l'autre. Ceci rappelle immédiatement la nécessité de bien définir les compétences de chacun dès le départ afin d'éviter ce type de conflit assez souvent observable197.

3.2.2.3. Conflits de concurrence ou de rivalité

Ils sont principalement perceptibles dans certains métiers où la compétitivité, la recherche du résultat et sa quantification sont rendus nécessaires.

196 CROPSEY, J., Op.cit, p. 891-919.

197 LETHIERRY, H., Op.cit., p. 15.

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On parvient dans ce cas à une sorte de jeu qui peut rapidement devenir une drogue où le conflit est banalisé mais jusqu'à un certain point198.

3.2.2.4. Conflits de génération

Ils sont très souvent observables dans les organisations et leur nombre ne cesse de croître avec l'augmentation de la mobilité professionnelle et les avancées technologiques199.

1.4. Modes de résolution de conflits200

Il y a plusieurs modes de résolution de conflits, mais dans le cadre de ce travail, nous avons opté pour quelques-uns.

1.4.1. Résolution par transformation de conflits

La transformation est l'étape plus approfondie de la gestion d'un conflit. Elle part de l'idée qu'un conflit est lié à la structure sociale (loi, coutumes, préjugés) et la gestion durable nécessite un changement de ces lois201.

Dans la transformation de conflits, on distingue : 1.4.1.1. Transformation personnelle

En tant que médiateur, il faut accepter d'abord soi-même la transformation. Ce changement doit s'opérer d'abord au niveau personnel202 :

- au niveau émotionnel : commence par la maîtrise de soi ;

- au niveau perceptuel : prendre le temps de comprendre ce que veut dire l'autre avant de le voir tel que je le perçois. Certains ont tendance à voir les choses de façon négative. Il faut accepter l'autre, s'ouvrir aux autres ; - au niveau spirituel : on aime contribuer au bonheur et à l'épanouissement des autres ;

198 Idem., p. 16.

199 POTIN, Y., Op. cit., p. 5.

200 STRAUSS, L., (sous dir), Op.cit., p. 815.

201 TOCQUEVILLE, A., Op.cit., p. 1603-1604.

202 CHAVANIS, J.L., et GAVA, M.J., Op.cit., p. 18.

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- au niveau physique : la façon de s'habiller, de parler, la simplicité de gestes doivent être de nature à rassurer l'autre.

1.4.1.2. Transformation culturelle

Il faut permettre la transformation de règles et coutumes qui oppriment et qui ne valorisent pas les autres203.

1.4.1.3. Transformation structurelle

Il faut transformer le système, les lois et les règlements dont les organisations ou personnes mettent en place. Il faut voir si les structures mises en place valorisent l'être humain.

1.4.1.4. Transformation relationnelle

Nous devons accepter que les relations jouent un rôle important dans la vie. Notre façon d'aborder et de traiter les gens peut en faire des amis ou des ennemis. La communication est très importante dans la transformation relationnelle204.

Les participants ont identifié les principales formes de violences qui nécessitent d'être transformées au niveau local. Il s'agit notamment de l'excision, le mariage forcé, le viol, le rejet et abandon de filles enceintes.

1.4.2. Résolution par le dépassement de conflits

Il existe différentes méthodes de résolutions de conflits. Le choix doit être effectué en fonction de l'importance du conflit et de la volonté de résolution des acteurs205.

1.4.3. Recours hiérarchique

Il permet de résoudre un problème rapidement et sans discussion. Il fait appel à un supérieur hiérarchique qui va trancher de manière autoritaire (avec ou

203STRAUSS, L., (sous dir), Op.cit., p. 816.

204 DRUCKMAN, D., Op.cit, p. 125.

205 HARTWICK, J., et BARKI, H., « Conceptualizing the Construct of Interpersonal Conflict », Cahier du GreSI, n°02-04, Avril, 2002, p. 5.

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sans partie pris) et de manière définitive. Ce type de résolution de conflit est nécessaire dans des situations d'urgence mais pose le problème de la durée de son effet. En effet, la plupart du temps ces recours hiérarchiques imposent une solution sans résoudre le problème de l'animosité entre les individus. On débouche ainsi souvent sur un conflit latent206.

1.4.4. Arbitrage

Par rapport au recours hiérarchique, l'arbitrage implique les parties en leur demandant de choisir chacune un arbitre qui, généralement, désignera lui-même un troisième arbitre. Dans ce cas, les parties se trouvent impliquées dans la résolution du problème et le conflit peut trouver une fin apaisée sans rebondissements. Néanmoins, cette solution nécessite que le conflit ne soit pas trop avancé car les parties doivent donner leur consentement ; ce qui est en soi un premier pas vers la « réconciliation »207.

1.4.5. Médiation

Par rapport à l'arbitrage, l'intervenant extérieur désigné par les deux parties est unique ; ce qui nécessite une véritable volonté de négociation dès le départ. Dans ce cas, le médiateur n'est qu'un « relais » qui facilite la discussion, guide la conversation ou la provoque208.

1.4.6. Négociation

La négociation est la prise en charge du conflit ; c'est une solution pour concilier les points de vue opposés.

1.5. Différents types de négociations

- Une négociation peut être conflictuelle

C'est le cas lorsque des préjugés concernant l'un ou l'autre des individus existent ou lorsque les intérêts semblent totalement opposés.

- Une négociation peut être coopérative (gagnant - gagnant).

206 DRUCKMAN, D., Op.cit, p. 125.

207 STRAUSS, L., (sous dir), Op.cit., p. 815.

208 HARTWICK, J., et BARKI, H., Op.cit., pp. 6- 7.

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C'est le cas lorsqu'on assiste à un consensus (adhésion commune à une solution satisfaisant les deux personnes), une concession (renoncement à une partie de ses prétentions par l'une des personnes) ou un compromis (concession réciproque des personnes)209.

1.5.1. Différentes techniques de négociations - La technique de pivots

Elle consiste à obliger l'adversaire à négocier sur des objectifs en fait secondaires mais formulés de manière exigeante. On cède alors sur ces objectifs secondaires et en contrepartie on exige des concessions sur l'objectif principal210.

- Les techniques de maniement du temps

Elles consistent à jouer en allongeant la durée d'une négociation pour user l'adversaire puis brutalement d'exiger des délais et de fixer des ultimatums. C'est une sorte de "guerre des nerfs" où des contraintes de temps se superposent pour déstabiliser l'adversaire211.

209 TOCQUEVILLE, A., Op.cit., p. 1603-1604.

210 DRUCKMAN, D., Op.cit, p. 125.

211 HARTWICK, J., et BARKI, H., Op.cit., pp. 6- 7.

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- La technique "point par point"

Elle consiste à découper la négociation point par point, thème par thème, et à chercher des séries de compromis. Cette technique permet de ne pas effrayer l'adversaire et de "grignoter" petit à petit ses positions212.

- La technique de jalons

Consiste à faire admettre des points apparemment sans rapport avec le thème principal de la négociation pour finalement raccorder tous ces "petits jalons" et mettre l'adversaire devant le fait accompli. C'est une technique qui s'inspire du jeu de go et qui est d'orientation intégrative : le désaccord n'est jamais ouvert213.

- La technique de bilans :

Consiste à faire établir par l'adversaire la liste de ses prétentions en les traduisant immédiatement en termes d'avantages pour lui et d'inconvénients pour soi. Puis, dans un deuxième temps, on présente des solutions pour rééquilibrer ce bilan tout en respectant les intérêts des deux interlocuteurs. Bien entendu, les solutions présentées alors sont les véritables objectifs que l'on poursuivait.

- La technique de quatre marches

Il s'agit d'un jeu de repli dans lequel il évoque les solutions de manière progressive. Il s'agit de présenter d'emblée quatre solutions et non pas deux comme c'est souvent fait de manière caricaturale. La première solution est au-delà de son propre seuil de rupture ; elle est beaucoup trop avantageuse pour l'autre et dramatique pour soi. C'est en fait une solution de pure forme214.

1.5.2. Relation entre la résolution de conflit et le maintien de la paix

A la fin de la Guerre froide, le maintien de la paix est devenu un élément central de la réponse de la communauté internationale face à un grand nombre de conflits complexes et violents. De nouveaux rôles et profils d?intervention ont vu le

212 BURTON, J., Op.cit., pp. 36- 37.

213 STRAUSS, L., (sous dir), Op.cit., p. 815.

214 BURTON, J., Op.cit., pp. 36- 37.

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jour, que ce soit en matière d'intervention au sein des zones de guerre active ou encore de consolidation de la paix dans un contexte post-conflit215.

Par conséquent, il est devenu plus ordinaire pour les théoriciens de la Résolution de conflits de faire référence au maintien de la paix comme un instrument important de transformation positive de conflits. Dans ce sens, les gardiens de la paix (militaires et civils) sont mis en demeure d'utiliser un plus grand nombre de stratégies psychologiques ou de communication au lieu de la simple force militaire. De la même façon, l'une des tendances les plus importantes qui ressort des analyses récentes publiées par des praticiens du maintien de la paix a été l'augmentation de références que ces derniers font de différents aspects liés à la résolution de conflits216.

Même si les objectifs et buts finaux du maintien de la paix peuvent être définis comme militaires (contrôle de la fin des violences, sécurisation de l'environnement), humanitaires (livraison de l'assistance humanitaire), politiques (restauration du gouvernement légitime), et économiques (aider aux efforts de reconstruction et de développement), le maintien de la paix sur le terrain est essentiellement une activité de gestion de conflits et de communications. Les principes originaux du maintien de la paix (le consentement, l'impartialité, l'usage minimum de la force et la conduite légitime) peuvent être respectés seulement à la condition d'une intégration plus étroite de stratégies de communication et de résolution des problèmes, ceci en conjonction avec la résolution de conflit en matière de doctrine et de pratique du maintien de la paix217.

Il est important de noter combien la doctrine militaire du maintien de la paix intègre le langage de la résolution de conflits. Ceci comprend, par exemple, la doctrine du maintien de la paix de l'Armée britannique ; le Maintien de la paix élargi («Wider peace keeping»), ou encore sa plus récente doctrine, en matière d'Opérations de soutien à la paix («Peace Support Operations»). La même approche se retrouve dans la doctrine américaine en matière d'opérations d'appui à la paix218.

215 TOCQUEVILLE, A., Op.cit., p. 1603-1604.

216 BURTON, J., Op.cit., pp. 36- 37.

217 HARTWICK, J., et BARKI, H., Op.cit., pp. 6- 7.

218 LAZARTE-HOYLE, A., et CUNNIAH, D., Prévention et règlement des conflits violents et armés, Manuel de formation à l'usage des organisations syndicales, ILO/CRISIS, Genève, 2010, p. 6.

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Chapitre II.

PRESENTATION DE LA PROVINCE DU SUD-KIVU ET DU
TERRITOIRE DE KALEHE

Ce chapitre porte sur la description de notre cadre d'étude qui est le territoire de Kalehe. Cependant, comme le territoire est une composante de la province selon le découpage et la subdivision politico-administrative de la RDC, il est important de présenter d'abord la province du Sud-Kivu elle-même pour ensuite bien présenter et appréhender cette circonscription administrative. Pour ce faire, ce chapitre est structuré en trois sections dont la première porte sur la description du Sud-Kivu. Il est question de présenter l'historique de la province, son cadre géographique, l'aspect démographique ainsi que son organisation politique et administrative.

La deuxième section décrit les problèmes de développement du Sud-Kivu. Il est donc question d'identifier les facteurs qui inhibent le processus de développement de cette province. Dans cette perspective, un accent particulier est mis sur l'insécurité et son impact sur le processus de développement.

La troisième section, quant à elle, porte sur la présentation du territoire de Kalehe. Ici il est question de parler, de manière détaillée, de ce territoire qui fait l'objet de notre étude. Nous décrivons de manière singulière son aspect géographique, son cadre démographique, sa situation économique et administrative. Le souci est d'identifier les facteurs qui impactent négativement sur son développement et répertorier les atouts dont il dispose pour voir dans quelle mesure les exploiter pour améliorer les conditions de vie de ses habitants.

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Section 1. Description du Sud-Kivu

1.1. Bref historique de la province du Sud-Kivu

La province du Sud-Kivu, tout comme la RDC elle-même, n'ont pas toujours existé. Justement, c'est à partir du 19ème siècle qu'il faut situer leur origine. Certes, avant d'être érigée en entité politique moderne, l'espace qui constitue aujourd'hui la RDC avait fait naître beaucoup de royaumes et empires traditionnels. A cette époque, le Sud-Kivu était mal connu. En fait, pendant de longues périodes, le Nil avait été au centre des préoccupations des milieux européens, ce qui les ont poussés à découvrir ses sources. Mais celles-ci sont restées mystérieuses.

Face à cette situation, c'est la Ruzizi qui fut alors prise comme source du Nil car supposée drainer les eaux du lac Tanganyika vers le nord. Mais avec le temps, une mission expéditionnaire finit par conclure que la Ruzizi était l'affluant du lac Tanganyika plutôt qu'elle n'était son émissaire219.

Il fallut attendre l'arrivée de Livingston en 1867 à Uvira qu'il apprenne auprès de la population le nom Kivu pour que celui-ci se familiarise avec et soit d'usage dans les milieux européens. C'est surtout à la suite de la subdivision administrative du 1er août par l'EIC qu'un territoire dénommé Ruzizi-Kivu sera une partie intégrante du district de Stanley-Falls220.

En plus, même quand cet espace de 20345000 Km2 a même été édifié en Etat, la RDC n'avait pas toujours une province appelée Sud-Kivu. Certes, c'est en 1912 que le Kivu apparait en grandes lettres dans la subdivision administrative du pays. En réalité, c'est par l'arrêté royal du 28 mars 1912 que 22 districts de la colonie seront créés. Et celui du Kivu comprenait trois secteurs, à savoir : lac Edouard, Chef-lieu de Beni, Tanganyika, Chef-lieu d'Uvira et Rutshuru, Chef-lieu de Rutshuru221.

Il a fallu attendre le découpage intervenu à la suite de la réforme de 1988 pour assister à la création de cette province. Elle est ainsi appelée car elle se situe au Sud-Ouest du Lac Kivu. C'est dire que l'histoire de la province du Sud-Kivu est

219BISHIKWABO, A., « L'évolution administrative du Kivu », in cahier du CERUKI : acte du troisième colloque sur la géographie physique et humaine du Kivu, Bukavu, mai-juin 1974, p. 9.

220 SHAMAVU, G., Op.cit., p. 30.

221221Idem., p. 33 .

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précédée d'une préhistoire qui mérite d'être passée brièvement en revue dans cette étude. Le Kivu (prononcer Kivou) est une région et une province de l'Est de la République Démocratique du Congo. Cette région fut connue au 19ème siècle sous le nom de Maniema. La province a existé dès l'année 1933 à l'année 1962 (sous le nom de province de Costermansville jusqu'en 1947, du nom de sa capitale) et de l'année 1966 à celle de 1988. La province fut divisée en 1988 en trois provinces, à savoir : le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et le Maniema222.

1.1.1. Préhistoire de la province du Sud-Kivu

La préhistoire de la province du Sud-Kivu nous renvoi à la cession du Congo par le Roi belge, Léopold II à son pays, la Belgique. En fait, après la cession du Congo par le roi Léopold II à la Belgique, qui transforme la propriété privée du roi en colonie de la Belgique, le territoire national fut découpé pour la première fois en province en 1914. A cette époque, le Congo-Belge comprenait 4 provinces, à savoir : la province du Kasaï, la province de l'Equateur, la province du Katanga et la province orientale. Le Kivu, sans être érigé en province, faisait partie de la province Orientale dans le District de Stanley-falls qui englobait le Kivu-Maniema223.

Mais à la suite du découpage de 1951, le district du Kivu sera scindé en deux : le Nord et le Sud faisant de Bukavu le Chef-lieu du dernier district.

1.1.2. Naissance de la province du Sud-Kivu

Tout avait commencé avec l'accession de la RDC à l'indépendance nationale. En effet, lors de son accession à la souveraineté nationale et internationale le 30 juin 1960, la RDC était structurée politiquement et administrativement en six provinces, en occurrence : la province de Léopoldville, la province de l'Equateur, la province Orientale, la province du Katanga, la province du Kasaï et la province du Kivu. C'est par la loi du 27 avril 1962 qui organisa la

222 KABAMBA, P., Interrégionalité des pays des Grands Lacs africains. Elaboration d'un modèle d'intégration régionale et son application à la région des Grands Lacs africains, Thèse de doctorat en sciences politiques, Faculté de Droit, Université de Liège, Novembre 2000, p. 176.

223MUTABAZI, N., « Politique d'intégration économique des pays des grands lacs : lecture d'un échec », in Reconstruction de la République Démocratique du Congo. Le rôle de la société civile, Cahiers des droits de l'homme et de la paix en région des grands lacs, vol. 1, n° 1, 2004, pp. 116-127.

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création de nouvelles provinces que celle-ci fut institutionnalisée en province. Disons que jusqu'en 1962224, cette province était composée de trois districts.

Le Congo fut, de ce fait, subdivisé en 21 provincettes. Ainsi, le 18 mai 1963 naquit la province du Sud-Kivu sous la dénomination du Kivu Central, dotée d'un gouvernement provincial et d'une Assemblée provinciale. Elle comprenait à l'époque les territoires de : Bukavu, Kabare, Kalehe, Goma, Fizi, Rutshuru, Shabunda et Uvira225.

1.2. Contexte géographique du Sud-Kivu

La province du Sud-Kivu est constituée d'une superficie de 69.130 km2 du territoire national congolais, et est située à l'Est du pays, approximativement entre le 21° 1'30 et 29°14'10 » de la longitude Est, entre le 1°44'13 » et 4°51'21 » de latitude-Sud et les 5° de latitude-Sud226.

Les confins de la province à l'Est sont marqués par la République du Rwanda dont elle est séparée par la rivière Ruzizi et le lac Kivu ; la République du Burundi et celle de la Tanzanie qui se séparent du Sud-Kivu par le lac Tanganyika. Au Sud-Est, elle est limitée par la province du Tanganyika. Au Sud, à l'Ouest et au Nord-Ouest, c'est la province du Maniema qui la limite. Au Nord, c'est plutôt la province du Nord-Kivu227.

Toutefois, il y a lieu d'indiquer que les événements qui s'y sont déroulés durant ces deux dernières décennies du troisième milénaire ont démontré que ces Etats limitrophes de la province sous examen expriment certaines prétentions géopolitiques par rapport à son étendue territoriale et les ressources minérales qu'elle régorge.

224 DE SAINT MOULIN, L., Histoire de l'Organisation Administrative du Zaïre-Afrique, n°224, avril 1988, pp. 197222.

225Idem., p. 206.

226Cirée de la monographie de la Province du Sud-Kivu (Draft 4), Ministere du Plan, Kinshasa, mars 2005, 10 et 12 ; COUROUX, P., Atlas Zaïre, Paris, Hachette, 1978, p. 62.

227Gilbert SHAMAVU, Les groupes armés du Sud-Kivu : organisation, motivation et relation avec les groupes ethniques de la province (1997-2010), DEA, SPA, FSSAP, UNIKIN, 2015, p. 25.

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1.2.1. Localisation de la province du Sud-Kivu

Le Sud-Kivu, l'une des 26 provinces de la RDC telles que consacrées par la constitution de sa troisième République, a comme Chef-lieu la ville de Bukavu. Elle est limitée au Septentrion par la province du Nord-Kivu et à l'Occident par les provinces du Maniema et du Tanganyika. A l'Orient, elle est frontalière avec la Republique du Rwanda, la République du Burundi et la République de Tanzanie,

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trois pays limitrophes qui partagent la frontière avec elle et avec lesquels elle partage le lac Kivu, la rivière Ruzizi et le lac Tanganyika228.

Le Sud-Kivu est l'un des espaces qui forment la RDC et occupe, à elle seule, 3% de la surface du pays avec une superficie de 69.130km2. Sa population est éstimée à environ 3,9 millions d'habitants229, soit une densité moyenne de 60 habitants par Km2.

1.2.2. Potentiel climatique du Sud-Kivu

La province du Sud-Kivu connait deux types de climats, à savoir : un climat équatorial avec des pluies tout au long de l'année dans une partie de la province et un climat tropical avec une saison des pluies et une saison sèche dans une autre partie. Dans les zones de basse altitude, la saison de pluies couvre une période de neuf mois. Les températures moyennes annuelles varient entre 11°C et 25°C230. L'Est de la province du Sud-Kivu jouit d'un climat de montagne aux températures douces où la saison sèche dure 3 à 4 mois, c'est-à-dire de juin à septembre. Parfois, la saison sèche s'observe aussi pendant 15 jours du mois de janvier à celui de février. Quant aux espaces comme : Minembwe, Mulenge, Kalonge et les montagnes de Kahuzi-Biega, leurs températures sont encore plus frais. Dans ces contrées poussent une végétation montagnarde étagée et à prédominance herbeuse231.

Par contre, dans les zones de haute altitude, on trouve un climat tempéré et humide ainsi que des précipitations atteignant 1800mm. Les températures sont de 19°c à 20°c sur le versant ouest du bord congolais du graben. La pluviosité est très élevée et varie entre 2400 et 3000mm232. Le Centre et surtout l'Ouest du Sud-Kivu, en particulier les territoires de Shabunda et de Mwenga connaissent un climat équatorial, domaine de la forêt équatoriale. Car il y pleut abondamment et presque toute l'année.

228Situation tirée dans le document final de stratégie de Réduction de la pauvreté (DSRP) intitulé Monographie de la

province du Sud-Kivu élaborée par les experts nationaux et les membres du comité provincial de lutte contre la pauvreté et publié par l'Unité de Pilotage du processus DSRP à Kinshasa/Gombe.

229Idem.

230Rapport du programme des nations Unies pour le développement, Unité de lutte contre la pauvreté, Mars 2009. 231LAGRANGE, M-A., Economie de la paix, Conférence au Café Diplomatique - Ecole d'été de transformation des

conflits, Chaire Culture de la Paix & Ministère des Affaires Etrangères, Kinshasa, 13 septembre 2014. 232 SHAMAVU, G., Op.cit., p. 26.

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Cependant, la plaine de la Ruzizi connait un microclimat, un climat tropical à tendance sèche et où les pluies sont quelque peu faibles (+ ou À 1.000mm/an), la végétation étant une savane herbeuse à épines parsemée des cactus cierges. C'est ainsi que la riche flore du Sud-Kivu héberge l'un de meilleurs parcs au monde, celui de Kahuzi-Biega où l'on rencontre des gorilles de montagne et une luxuriante forêt des bambous au-delà de 2600m. La végétation est composée de forêt d'altitude, savanes herbeuses, bambous boisés et des forêts denses233 C'est dire que le sol du Sud-Kivu offre de grandes réserves forestières qui sont le Parc National de Kahuzi-Biega (PNKB) et la Réserve Forestière d'Itombwe dont les principaux animaux déclarés de sa faune sont des gorilles de montagnes, des lions, des léopards, des zèbres, des éléphants...

1.2.3. Relief de la province du Sud-Kivu

Le relief de la province du Sud-Kivu est très varié. Dans sa majeure partie, le Kivu est constitué des montagnes. Il comprend à l'Est le haut relief constitué des montagnes, notamment la chaine de Mitumba qui domine les rives du lac Kivu et du lac Tanganyika dont les sommets ont une altitude qui varie entre 1800 et 2800m234. La montagne la plus importante est le sommet de Kahuzi-Biega avec 3.340m d'altitude. On y observe également un bas-relief dans la plaine de Ruzizi depuis Kamanyola (Kamanyula) jusqu'à Uvira dans les territoires de Walungu et Uvira235. Mais le point culminant de la province est à une altitude qui dépasse 400m. Ce relief se rencontre principalement dans les territoires suivants : Kabare, Kalehe, Walungu, Uvira, Fizi et dans une partie du territoire de Mwenga236.

Les hauts et les bas plateaux propices à l'élevage, notamment au centre et à l'Ouest de la province. Les plateaux d'Itombwe constituent un excellent exemple. Dans les territoires de Shabunda et Mwenga commence la cuvette centrale. La frontière orientale du Sud-Kivu correspond au rift valley occidental, dans son fossé d'effondrement logent les lacs Kivu et Tanganyika.

233www.Nord-Kivu, Wikipédia. Climat, consulté le 07 janvier 2021 à 11 h 10. 234 SHAMAVU, G., Op.cit., p. 26.

235www.Nord-Kivu, wikipedia. Relief, consulté le 07 janvier 2021 à 11 h 17'. 236 SHAMAVU, G., Op.cit., p. 26.

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Quant aux terrains qu'on y trouve, ils peuvent être groupés en deux ensembles principaux, à savoir : les terrains du socle et les terrains volcaniques auxquels il faut ajouter un troisième ensemble : les terrains de couverture que l'on trouve au fond des lacs Kivu, Tanganyika ainsi que dans la plaine de la Ruzizi. Le socle réunit tous les terrains antérieurs au carbonifère moyen et couvre pratiquement tout l'Ouest et le centre de la province. On estime à plus de 70 % de l'étendue de la province occupée par ces terrains. Ces derniers sont riches en minerais.

1.2.4. Sol et potentialités de la province du Sud-Kivu

Le sol du Sud-Kivu présente des caractéristiques très hétérogènes. A certains endroits il est de plus en plus pauvre à cause des érosions et de la surpopulation. C'est ce qui justifie aussi nombre des conflits de terres dans la plupart de ses territoires car la nature du sol influence considérablement l'élevage et la culture. A Idjwi le sol est encore riche pour l'agriculture mais le problème de surpopulation rend de plus en plus difficile la gestion terrienne. Il est argileux à Kabare, Kalehe, Idjwi et Walungu.

Disons qu'à Kalehe le sol est riche à cause surtout de sa proximité avec les forêts. Les territoires de Fizi, Mwenga, Shabunda et Uvira ont un sol sablonneux très riche pour la culture vivrière à travers laquelle sont produits des : légumes, tubercules, fruits, bananes, du riz, des haricots, du manioc et des cultures industrielles produisant la betterave, le caoutchouc, le cacao, le quinquina, le thé, le café, l'huile de palme, le coton, le cocotier, la canne à sucre, le tabac, le soja, etc.

Cette situation est favorisée par le fait que le Sud-Kivu contient nombre de cours d'eaux éparpillés dans tous les territoires. Ils appartiennent au bassin hydrographique du fleuve Congo. La plupart d'entre eux prennent leurs sources dans les montagnes de l'Est et coulent pour la plupart vers l'Ouest où ils débouchent dans le fleuve Lualaba tandis que d'autres se jettent dans les lacs.

On peut aussi voir que les : café robusta et arabica, thé, coton, pyrèthre, canne à sucre, cacao, tabac, palmier à huile, quinquina, etc., faisaient principalement l'objet d'une culture industrielle du secteur moderne. Malheureusement, la situation des années qui suivirent l'indépendance de notre pays, aggravée par les mesures de zaïrianisation, a entrainé la régression de cette

237CHIRISHUNGU CHIZA DIEUDONNE, Renaissance de la République Démocratique du Congo et métamorphose économique et sociale du Sud-Kivu, Ed. Bushiru, Kinshasa, 2008, p. 25.

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activité au fil des ans. Aujourd'hui les plantations acquises par les nationaux sont soit abandonnées ou mal entretenues ou encore transformées en champs de cultures vivrières. Quant aux usines de transformation, elles sont soit démolies soit en pannes ou soit inexistantes.

En plus, les hauts plateaux avec un climat très doux qui composent ces territoires sont plutôt favorables à l'élevage. Celui-ci est le second poumon le plus important pour la population qui se passionne pour des fermes des vaches, l'élevage de lapins, de la volaille, de porcs, etc.

Trois sortes principales d'élevages sont pratiquées dans cette province. Il s'agit d'abord de l'élevage extensif individuel où l'éleveur dispose d'un, de deux ou trois bovins qu'il nourrit aux alentours de son habitation ou qu'il élève dans la même maison que lui et sa famille !

Ensuite, l'élevage extensif collectif où chaque éleveur ne possède que d'un troupeau souvent composé de plus de huit têtes. Les propriétaires se mutualisent en en partageant les frais d'exploitation. Celui-ci est l'expérience des territoires de Kalehe, Kabare et Walungu, où les éleveurs disposent en commun de certaines infrastructures. C'est le cas par exemple de la ferme de « Mulume-Munene » !

Au-delà de ce qui précède, le sous-sol de cette province est aussi riche en ressources minérales. A ce sujet, Chirishungu, il va du plus connu et déjà exploité, des minerais aux richesses minières dont le potentiel n'est pas encore suffisamment établi et l'exploitation non encore entamée »237. En d'autres termes, la plupart de territoires du Sud-Kivu recèlent de grandes richesses minières. Les gisements de la cassitérite sont plus importants que ceux du colombo-tantalite (coltan). La province régorge également de diamants, de minerais de fer, le wolfram, le calcaire, l'améthyste, l'étain, le pétrole, le gaz méthane, etc.

Toutefois, il faut reconnaitre la place particulière de l'or de Kamituga en territoire de Shabunda, de Twangiza en territoire de Mwenga, de Bunyakiri en territoire de Kalehe et de Fizi en territoire de Fizi dont le potentiel est immense,

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plaçant le Sud-Kivu parmi les provinces de tête dans le potentiel et la production du métal jaune en RDC.

1.3. Cadre démographique

Sans avoir établi une liste exhaustive des groupes ethniques qui composent la province du Sud-Kivu, sa population est constituée principalement des tribus et ethnies de la manière suivante : Kalehe et Idjwi sont occupés par les Bahavu ; Kabare et Walungu par les Bashi ; les Bafulero et les Bavira occupent le terrritoire d'Uvira où on trouve également les Barundi surtout dans la plaine de la Ruzizi et sur les hautes montagnes de Mulenge y sont installés les pasteurs transplantés d'origine Tutsi rwandais, appelés désormais Banyamulenge. Les Babembe occupent le territoire de Fizi (voir Baraka) tandis que les Barega se trouvent dans les territoires de Mwenga et Shabunda238.

De ce qui précède, il y a lieu de signaler que comme toutes les populations africaines, la structuration de la démographie du Sud-Kivu renvoie aux caractéristiques de la population des pays en développement avec une forte proportion de jeunes (51,1% des moins de 15 ans) et une faible proportion de personnes âgées (9,9% âgés de 50 ans ou plus)239.

Même si le recensement scientifique général ou partiel de la population n'a encore été réalisé depuis plusieurs décennies, il faut noter que certaines sources estiment à près de 3,9 millions d'habitants en 2005, la population de la province du Sud Kivu représente environ 7,1% de toute la population de la RDC. La population est essentiellement rurale (78,4%). La population urbaine de la province représente seulement 5% des citadins du pays240. Le recensement administratif de 2007 a chiffré la population de ce territoire à 462 465 habitants241.

Grosso modo, nous pouvons retenir que la province du Sud-Kivu est composée des populations de plusieurs groupes ethniques, notamment les :

- Babembe : en Territoire de Fizi ; - Bafuliro : en Territoire d'Uvira ;

238 SHAMAVU, G., Op.cit., p. 26.

239www.undp.org/content/dam/dem_rep_congo/docs/povred/UNDP-CD-Profil-PRO, consulté le 20 juillet 2022, à 15 h 40'.

240 Idem., p. 41.

241 MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 21.

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- Bahavu : en Territoires de Kalehe et Idjwi ;

- Balega : en Territoires de Mwenga, Shabunda, FIZI ;

- Banyindu : en Territoires de Walungu et Mwenga ;

- Bashi : en Territoires de Walungu, Kabare, Kalehe et Mwenga ;

- Bavira : en Territoire d'Uvira ;

- Batwa : en Territoires de Kalehe, Idjwi, Kabare et Walungu.

1.4. Situation politico-administrative

Sur le plan politique et administratif, la province du Sud-Kivu est administrée par un gouvernement provincial avec, à sa tête, un gouverneur assisté d'un Vice-Gouverneur, tous deux élus par l'Assemblée provinciale.

Le gouvernement provincial compte 10 Ministres provinciaux nommés par le gouverneur de la province à la tête de chaque ministère. L'Assemblée provinciale est dirigée par un président secondé par un vice-Président, tous deux élus par leurs pairs. Elle est composée de 36 députés provinciaux élus au suffrage universel direct pour représenter leurs territoires et les communes où ils ont été choisis242.

Comme la province du Sud-Kivu a un chef-lieu dans la ville de Bukavu qui en constitue la seule ville statutaire, toutes les institutions y sont installées. Le milieu urbain de la province comporte également 6 cités. Le Sud-Kivu n'est pas subdivisé en districts et son milieu rural est subdivisé en 8 territoires qui regroupent 23 secteurs et chefferies243.

Section 2. Problèmes de développement du Sud-Kivu

Le Kivu, en général et la province du Sud-Kivu, en particulier, est une des composantes territoriales et administratives de la RDC. A ce titre, son développement est totalement lié à celui de la RDC toute entière. Voilà pourquoi parler de son développement implique ipso facto de le submerger dans ce grand système qu'est la RDC pour bien appréhender son niveau de développement. Car, en tant que sous-système du grand système qui est la RDC, la province du Sud-

242Programme des Nations Unies pour le Développement Unité de lutte contre la pauvreté, province du Sud-Kivu, Mars 2009, p. 7.

243Programme des Nations Unies pour le Développement Unité de lutte contre la pauvreté, province du Sud-Kivu, Mars 2009, p. 8.

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Kivu entretient nombre d'interactions économiques, politiques, administratives, etc., avec celle-ci. C'est dire que pour bien parler des problèmes du développement de la province du Sud-Kivu, il est important de saisir avant tout les problèmes généraux du développement de la RDC.

2.1. Problèmes généraux du développement de la RDC

Comme l'ont démontré bien d'auteurs, en l'occurrence Olofio Ben Olomy, le développement est un processus multidimensionnel destiné à améliorer les conditions de vie dans le domaine économique, politique, social et culturel, partant de la production des biens et services et les autres choses de valeurs au sein d'une communauté donnée244.

Mais, selon J. F. Bayart, la manière de penser ou de vivre le phénomène développement est contingente à l'esprit d'une époque245. Elle est aussi le reflet de l'intelligence sociale de l'homme par rapport à son environnement et à son temps, pour son devenir246. Puisque l'intelligibilité du phénomène « développement » reste dépendante des inflexions historiques. Le contenu de son discours et sa rationalité sémantique restent ambigu, car étant largement influencés par des préoccupations idéologiques et géostratégiques.

De ce qui précède, si nous prenons la définition de François Perroux, nous comprenons que le développement est en réalité la combinaison des changements mentaux et sociaux d'une population, changement qui rend apte à accroître cumulativement et durablement son produit réel global247. De manière concrète, le développement, c'est bien manger, bien se vêtir, bien se promener, bien dormir, ... Il est le résultat d'une série des changements qualitatifs et quantitatifs. Ces changements qualitatifs qui ne soient pas éphémères mais plutôt durables pourraient être assimilables au développement durable248.

244OLOFIO BEN OLOMY, Economie de Développement, G3 SPA, FSSAP, UNIKIN, 2006-2007, inédit.

245 BAYART, J.F., Le gouvernement du monde. Une critique politique de la globalisation, Fayard, Paris, 2004, p. 14.

246 COPANS, J., Développement mondial et mutations de sociétés contemporaines, Armand Colin, Paris, 2006, pp. 23-25.

247PERROUX, J., cité par KABENGELE DIBWE, Géographie économique, Syllabus de G1RI, FSSAP, UNIKIN, 2005-2006.

248Propos recueillis auprès de NSAMAN-o-LUTU lors d'une communication scientifique au Campus de l'Université du CEPROMAD, le 14 mai 2009, entre 17 heures 00' et 18 heures 30'.

249UNESCO, Les interrelations entre l'économique, le social, le politique, le culturel et le spirituel dans une approche multidimensionnelle, Rapport, novembre 1984, p. 43.

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C'est autrement dire que le développement de la RDC, en général, et celui de la Province du Sud-Kivu, en particulier, sont égaux au bonheur ou au mieux-être des congolais en général et des Kivutiens en particulier. Pourtant, le bonheur a toujours été fonction de la combinaison de plusieurs facteurs et à différents niveaux. Voilà pourquoi il convient d'identifier d'abord les différents facteurs du développement, ensuite faire un raisonnement par absurdité pour saisir, enfin, les vrais problèmes que le pays, en général, et la province du Sud-Kivu, en particulier, connaissent dans le processus du développement.

2.1.1. Facteurs du développement

Nombre de facteurs concourent à la matérialisation du projet de développement. Mais comme nous ne pouvons pas les énumérer tous de manière exhaustive, nous présentons les facteurs suivants : facteurs socio-culturels, facteurs technologiques, facteurs économiques, facteurs politiques, facteurs familiaux, facteurs idéologiques et facteurs constitutifs de la personne.

2.1.1.1. Facteurs socio-culturels

Ces facteurs se conjuguent avec les facteurs composant la société humaine''. En effet, la société est à la fois système de rapports sociaux et système de production culturelle. Ce concept de culture est pris ici dans son sens anthropologique, c'est-à-dire en tant qu'ensemble de productions appropriées d'un groupe humain déterminé pour satisfaire ses besoins. La culture concerne, ainsi comprise, tous les étages de la vie humaine249.

On peut explorer les principaux facteurs constitutifs de ce que l'on doit appeler la socio-culture'', système de rapports sociaux au sein desquels prennent place les différents facteurs de la culture. Car il est difficile d'imaginer, par définition, des facteurs culturels ou socioculturels qui ne soient reliés à l'homme et ce lien ne peut être qu'un lien d'appropriation ou de production.

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2.1.1.2. Facteurs technologiques

Les travaux approfondis de paléontologues ont montré le cheminement concomitant entre «l'hominisation» et le développement technologique. Les outils et les systèmes technologiques sont les points d'appuis à partir desquels une société transforme les données de l'écosystème pour en faire surgir les réponses à ses besoins. L'une des illustrations les plus impressionnantes concerne les techniques de production et de transformation tendant à la satisfaction de besoins alimentaires. Lorsqu'il y a rupture entre ces techniques et le potentiel de l'écosystème comme actuellement dans les pays africains du Sahel naît le risque de la famine.

2.1.1.3. Facteurs économiques

Dans la socio-culture ils représentent les arrangements sociaux et culturels par lesquels le groupe humain organise, gère l'ajustement entre ses besoins et les moyens qui lui sont accessibles pour les satisfaire. Les facteurs économiques touchent donc l'appréciation de produits de la technologie en fonction de leur utilité sociale. On mesure, par eux-mêmes, qu'il est impossible de fixer une valeur d'utilité sociale indépendamment des références que se fixe le groupe humain.

A ce sujet il y a lieu de constater que certaines sociétés donnent plus d'importance à la recherche de la satisfaction de besoins du groupe à partir de sa production directe (autosubsistance), alors que d'autres jouent sur la division du travail élargie et sur les échanges extérieurs (économie de marché). Les principaux facteurs du système économique sont les facteurs de production (qui commandent les «rapports de production»), les facteurs d'échange ou de répartition et les facteurs de consommation250.

2.1.1.4. Facteurs politiques

Tout système tend à la satisfaction de besoins, met en jeu, dans une société donnée, des rapports de pouvoirs entre individus et groupes constituant cette société. Les facteurs politiques'' prennent forme à travers, notamment des institutions. Mais il peut y avoir aussi des contre-institutions'' ou des facteurs politiques informels'', non formalisés, qui n'en sont pas pour autant moins

250MARSHALL SAHUNS, Age de plein, âge d'abondance, NRF, Paris, 1976, p. 13.

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puissants. Au coeur de la problématique du jeu des facteurs politiques, spécialement dans la période contemporaine, on note le poids de l'Etat et celui de la société civile'' ou le décalage entre les systèmes de référence de l'une ou l'autre de ces entités.

2.1.1.5. Facteurs familiaux

La famille a été et reste la cellule de base de toute société. Disons que l'organisation familiale est, à partir des fondements biologiques de la reproduction des sociétés humaines, un système de base'' de la société, implanté plus profond que le système politique''. Les facteurs du système familial qui sont, entre autres, la filiation et le mariage, jouent un rôle de première importance dans la régulation sociale''.

2.1.1.6. Facteurs constitutifs de la personne

On a souvent minimisé, dans les démarches de l'analyse sociale des dernières décennies, la portée de l'individu'' humain comme particule élémentaire'' de toute société. On y revient à présent. « Le facteur individuel est, certes, conditionné socialement et culturellement, dans ses aspects somatiques, affectifs, cognitifs (le corps, les sentiments, l'intelligence), mais il permet aussi d'introduire une marge de non détermination dans le jeu social. Il peut ouvrir la porte au désordre, venant rompre la géométrie des ordres sociaux théorisés et légitimés pour faire droit à d'autres modes de société ou de socialité' »251. Ce constat a été repris avec vigueur par Serge Christophe : « on a vécu sur cette illusion à la fois vraie et fausse, qu'en changeant les conditions sociales, on allait changer l'homme, sans voir que, pour un homme, ses conditions sociales ce sont d'autres hommes »252.

2.1.1.7. Facteurs idéologiques

La clé de voûte qui maintient en place un système socioculturel au niveau des consciences humaines ce sont les représentations du monde ; les idéologies.

251BOUDON, R., La place du désordre, PUF, Paris, 1984, p. 8.

252KOLM, S.Ch., « Entretien avec Pruno Matte », in Le Monde, Dimanche, 23 octobre 1983, p. 15.

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A la fois elles procèdent de l'ensemble des autres facteurs (facteurs extra-sociaux, écosystémiques, autant que les facteurs socioculturels) et jouent fortement sur eux, facteurs mythiques : explication du monde par un récit plongeant ses racines dans un au-delà'', on est alors dans le monde religieux, facteur rationnel : explication du monde par l'expérimentation, la raison aux prises avec les choses et les êtres : philosophie et sciences.

2.1.2. Problèmes de développement de la RDC

Les problèmes de développement de la RDC peuvent être identifiés à différents niveaux et dans des domaines aussi variés. Il s'agit, par exemple, des domaines suivants : politique, économique, sécuritaire, social, infrastructurel, etc.

2.1.2.1. Problème politique

Comme nous l'avons signalé un peu plus haut, les facteurs politiques qui impactent sur le développement d'un pays font référence aux institutions. Les institutions politiques jouent un rôle capital dans le processus de développement. Leur stabilité est un gage pour toute dynamique allant dans le sens de croitre cumulativement l'économie d'une nation et améliorer les conditions socio-économiques des citoyens.

S'agissant de la RDC, il y a lieu de remarquer que depuis sa naissance comme acteur politique international, ses institutions politiques, mécanismes et organes, ont vécu pendant de longues périodes dans une situation d'instabilité sans précédent, excepté l'époque de la deuxième République où une relative stabilité a été constatée.

En fait, les institutions ont joué un rôle fondamental dans l'origine et la perpétuation des conflits en RDC253. Les institutions crées sous le régime colonial et après l'indépendance ont produit et perpétué des antagonismes au sujet du contrôle de l'État et des ressources naturelles tout en semant les graines des conflits interrégionaux et interethniques254. Les sécessions, les rébellions, les crises politiques et les agressions étrangères, emportant parfois les institutions politiques

253Nations unies, Commission économique pour l'Afrique, Conflits en République Démocratique du Congo. Causes,impact et implications pour la région de Grands Lacs, Addis-Abeba, S.L., 2015, p.VIII.

254

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du moment, qui ont garni presque tout son parcours en tant qu'Etat, ont été occasionnées d'une manière ou d'une autre par les institutions. Il s'agit, par exemple, de la rébellion, du coup d'Etat militaire du 24 novembre 1965 qui a été occasionné par la crise institutionnelle entre le Chef de l'Etat Kasa-Vubu et le premier ministre Lumumba. Il s'agit aussi, par exemple, de la rébellion, l'agression du 2 août 1998, causée par la rupture de relations entre le Chef de l'Etat L.D. Kabila et ses partenaires de l'AFDL.

Les violences occasionnées par ces faits ont largement administré des coups fatals à l'élan du développement dont le pays avait fait montre au moment où il venait d'accéder à l'indépendance. C'est ici le lieu d'indiquer que les guerres ont porté un coup dur à l'économie de la RDC et à celle de l'ensemble de la région. Au niveau macroéconomique et sectoriel, les conflits ont accentué la détérioration de l'économie qui avait commencé dans les années 1980 et s'était poursuivie jusqu'au milieu des années 1990255. Les conflits ont aggravé l'instabilité macroéconomique et l'incertitude liée à l'investissement et détérioré les finances publiques aussi bien en termes d'équilibres budgétaires que d'efficacité de la gestion des finances publiques256.

Ce qui fait que le pays, en général, et ses différentes provinces, en particulier, ne donnent pas l'image du développement correspondant aux innombrables ressources que leur sol et sous-sol regorgent. Il a fallu attendre l'érection de la 3ème République pour ne pas voir les institutions politiques être emportées par ces faits politiques.

2.1.2.2. Problèmes sécuritaires

L'insécurité est aussi un facteur qui entrave le développement de la RDC, en général, et celui de ses provinces, en particulier. Elle est causée par les guerres, rébellions ou insurrections que le pays connait depuis longtemps dans sa partie Est. C'est dire que les guerres possèdent une dimension qui relève du développement257.

En effet, les conflits en RDC et leurs conséquences restent une source de préoccupation majeure, dans la mesure où ils constituent un défi multidimensionnel

255MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 41. 256SHAMAVU, G., Op.cit., p. 126. 257 MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 43.

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au développement économique et humain dans le pays et la région258. D'une part, dans une certaine mesure, le manque de développement a généré un environnement propice aux guerres et aux conflits. Les stratégies de développement mises en oeuvre depuis l'indépendance ne sont pas parvenues à améliorer de manière significative le bien-être de la population congolaise tout en permettant dans un même temps l'accumulation d'une fortune personnelle par les élites économiques et politiques259. Les guerres en RDC proviennent des causes multiples tournant autour de quatre séries de facteurs: économiques, institutionnels, régionaux et géopolitiques mondiaux260.

D'autre part, les conflits et guerres chroniques ont freiné le développement économique. La République démocratique du Congo se positionne, en effet, au bas de l'échelle des pays en développement en termes de développement social et humain (elle occupait la 186e place sur 187 pays et territoires en 2012), avec un indice de développement humain de 0,304 contre une moyenne de 0,466 pour les pays du groupe à développement humain faible et de 0,475 pour l'Afrique subsaharienne (PNUD, 2013, Profil de pays de la République démocratique du Congo). Les guerres ont perturbé l'activité économique dans des secteurs clés tels que l'agriculture et l'industrie en raison de l'insécurité, des déplacements de populations et de la détérioration des infrastructures matérielles. Elles ont également engendré la dégradation de la gouvernance et des institutions nationales, empêchant le pays de tirer pleinement parti de l'important potentiel de croissance associé aux abondantes ressources naturelles dont le pays est doté et à son emplacement stratégique au sein de la région261.

Un autre facteur institutionnel important à l'origine de conflits est la manipulation par les dirigeants des lois sur la citoyenneté et la nationalité, politisant ainsi la question de l'ethnicité et de l'identité congolaise, ce qui a eu pour effet la marginalisation d'une partie de la population, notamment celle d'origine rwandaise, et l'exacerbation des antagonismes entre eux et les autres groupes tout en compro-

258SHAMAVU, G., Op.cit., p. 126.

259ASKIN, S. et COLLINS, C., « External Collusion with Kleptocracy: Can Zaire Recapture Its Stolen Wealth », Review of African Political Economy, 1993, p. 57 et 7285 ; NDIKUMANA, L. et BOYCE, J. K., « Congo's Odious Debt: External Borrowing and Capital Flight in Zaire », Development and Change, 1998.

260 MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 41.

261 SHAMAVU, G., Op.cit., p. 126.

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mettant les relations entre l'État et les citoyens, d'une part, et les relations entre la RDC et ses voisins à l'Est, d'autre part262.

2.1.2.3. Problèmes économiques

Sur le plan économique, la RDC accuse un retard sans précédent. Certes, la RDC a traversé une longue période des tumultes mais elle dispose aussi de nombreuses ressources qui pouvaient l'aider à rattraper le retard. Ce qui n'a pas été le cas. L'impact de décennies de mauvaise gestion économique apparaît dans les niveaux élevés de pauvreté.

En effet, il est d'ores et déjà connu qu'en Afrique subsaharienne plus de 45% des pauvres, soit 266 millions d'habitants sur 590 millions, souffrent de pauvreté monétaire263. En RDC, les estimations disponibles montrent que plus de trois tiers de la population sont pauvres en termes de revenus. Ici, comme dans d'autres pays d'Afrique, la pauvreté est un phénomène essentiellement rural: les taux de pauvreté sont bien plus élevés dans les villages que dans les centres urbains264. La croissance économique réalisée entre 2006-10 s'est située sur un plateau inférieur à 8% fixé265. En RDC, sept ménages sur dix sont pauvres avec une disparité entre milieu rural À où environ huit ménages sur dix sont pauvres - et milieu urbain - où moins de sept ménages sur dix sont pauvres266.

Les simulations faites sur base des données des enquêtes menées après 2005 (en supposant le même comportement de consommation des ménages et en utilisant un modèle linéaire simple) indiquent que la pauvreté a légèrement baissé de 71 à 70% entre 2005 et 2007267. Les dépenses de ménages congolais sont dominées par l'alimentation qui représente 62,3% des dépenses totales268. Entre 2006 et 2010, la situation macroéconomique de la RDC a été marquée par : (i) les effets de la crise économique et financière internationale, (ii) l'allègement de la dette, (iii) la maîtrise de l'inflation, et (iv) la rigueur budgétaire. Les effets de la crise économique et financière internationale ont ralenti la croissance en 2009.

262MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 42..

263 ODIMULA LOFUNGUSO, L., Manuel des idées et des faits politiques, économiques et sociaux. Fondement de la bonne gouvernance, l'Harmattan, Paris, 2016, p. 197.

264 P. 30.

265 DSRP, p. 24

266 MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 41.

267 DSRP, p. 24.

268MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 42.

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L'accélération de la croissance économique amorcée depuis 2002 a subi un coup d'arrêt en 2009269.

2.1.2.4. Problèmes sociaux

Sur le plan social en RDC, il faut constater que la période précédant les guerres de 1997-1998 a été caractérisée par une situation sociale précaire sur l'ensemble du territoire national, étant donné la dégradation de l'économie à l'échelle macroéconomique et sectorielle, de l'effondrement du secteur public et de l'atrophie du secteur privé. Disons que le détournement et l'exploitation non réglementée du secteur de ressources naturelles, le délaissement de l'agriculture et la désindustrialisation ont entraîné un déclin continu de revenus de ménages, une augmentation du chômage et des pénuries systématiques dans la fourniture de biens et services de base en sont des indicateurs probants. Cette situation s'est aggravée à mesure que le régime de Mobutu s'est affaibli, notamment au début des années 1990270.

En effet, il y a lieu de voir que même après le départ de Mobutu, le Congolais a eu du mal à accéder aux biens et services de première nécessité pour sa vie et sa survie. Nous faisons allusion ici à la santé, l'éducation, le logement, etc.

Déjà, notons que s'agissant de la santé, le budget de l'Etat consacré à ce secteur de la vie nationale est resté faible et largement inférieur aux engagements pris par les Chefs d'Etat à Abuja (15%). Dans la plupart des cas, il est inférieur à 5% du budget global de l'Etat et son taux de décaissement est en moyenne de 70% (exercice 2008 et 2009). Son affectation ne tient pas compte des priorités du secteur271.

Le secteur de l'éducation, surtout le sous-secteur de l'éducation primaire, n'est resté à exempter de cette analyse. Ce (...) secteur montre une amélioration au cours des dix dernières années (2005-2015) en lien avec un financement

269 DSRP, p. 40

270NDIKUMANA, L. et KISANGANI, E., « The Economics of Civil War: The Case of the Democratic Republic of Congo », In N. Sambanis et P. Collier (Eds.), Understanding Civil War: Evidence and Analysis, Washington DC: Banque mondiale, 2005, p. 6388.

271RDC, Document de Stratégies de Croissance et Réduction de la Pauvreté (DCSRP), deuxième génération, volume I, Ministère du plan, 2011, p. 28.

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appréciable du secteur par l'Etat, les ménages et les Partenaires Techniques et Financiers272.

Mais, l'accès à l'eau potable reste très faible. Les statistiques disponibles indiquent que, malgré les richesses en eau douce du pays, l'accès à l'eau potable reste faible, même si elle passe de 22% à 26% entre 2005 et 2010. Le taux de couverture de l'approvisionnement en eau potable en milieu rural est resté largement derrière celui du milieu urbain du fait que ce sous-secteur n'a pas bénéficié de la même attention au niveau des investissements consentis273.

En ce qui concerne le logement et l'habitat, la grande majorité de Congolais sont propriétaires de leur principal logement selon l'enquête 1-2-3 (75,5%), chiffre qui semble être en conformité avec les données du MICS (74% selon les MICS 2 et 4). Ceci reste toutefois un phénomène essentiellement rural avec environ 85% de propriétaires contre 50% en milieu urbain. Cependant, remarquons que 81% de ces logements sont en terre battue ou en paille avec des toitures en paille (60%) ou en tôle (33%) selon l'enquête 1-2-3. En milieu urbain, la plupart de ces habitations sont en banlieue périurbaine. On observe un phénomène d'habitation sauvage dans les villes ; ce qui crée un problème d'érosion et de fragilisation des sols (dégradation de l'environnement), ainsi qu'en termes d'aménagement du territoire et d'efficience de villes en tant qu'outil de promotion de développement274.

2.1.2.5. Problèmes infrastructurels

La RDC ne dispose pas des infrastructures nécessaires sur lesquelles pouvait se fonder son économie. L'infrastructure de santé s'était détériorée du fait de dépenses insuffisantes pour l'élargissement et l'entretien. Le pays dépensait, en effet, moins de 1 % de son PIB dans les domaines de la santé (0,15 %), contre une moyenne de 2,3 % pour l'Afrique subsaharienne. La plupart des dépenses de santé faisaient l'objet d'un financement privé pesant sur les ménages et constituant un autre exemple de l'échec du gouvernement275.

272Idem, P. 28.

273 MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 44.

274RDC, Document de Stratégies de Croissance et Réduction de la Pauvreté (DCSRP), deuxième génération, volume

I, Ministère du plan, 2011, p. 33.

275Idem, p. 30.

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2.2. Problèmes de développement du Sud-Kivu

Les problèmes de développement du Sud-Kivu sont concomitants à ceux de la RDC. Ces problèmes touchent presque tous les secteurs de la vie de la province. Mais les plus importants sont l'enclavement, l'insécurité et le manque d'infrastructures.

2.2.1. Insécurité

Parmi les problèmes que le Sud-Kivu connait dans son processus de développement figure aussi l'insécurité. Celle-ci est l'oeuvre des groupes armés locaux et étrangers. De manière générale, la mobilisation armée dans ce qui constitue aujourd'hui l'Est de la RDC est antérieure au colonialisme. Déjà, pendant la seconde moitié du 19ème siècle, les négociateurs arabo-swahili qui contrôlaient de grandes étendues de terres, avaient créé des milices qui ont concouru à l'édification d'une culture de résistance populaire276. De même, les tendances expansionnistes du roi Tutsi rwandais sur le Kivu dans les années 1890 avaient entraîné une contre-mobilisation, c'est-à-dire une auto-prise en charge de la population277 autochtone dont l'expression farouche s'est poursuivie à travers des générations montantes jusqu'à ce jour.

A ce jour, le phénomène « groupe armé » s'est généralisé partout dans la partie orientale du pays. Le Sud-Kivu qui est une composante essentielle de la partie orientale du pays, n'est pas épargné de ce fléau. Des groupes armés, étranger et locaux y sévissent, semant ainsi la terreur et la désolation. C'est pourquoi Paul Byabuze note que l'activisme militaire des ex-Far et des Interahamwe semble être la principale cause de l'insécurité régnant dans les frontières de la RDC et du Rwanda278.

Par groupes armés locaux il faut entendre les groupes armés créés par les Congolais d'origine. Les plus célèbres d'entre eux sont les groupes Maï-Maï qui sont aussi variés. On peut à ce sujet citer : le groupe Maï-Maï ya Kutumba, le groupe Maï-Maï Nyakiriba, etc. Et par groupe armé étranger, nous entendons les

276SHAMAVU, G., Les groupes armés du Sud-Kivu : organisation, motivation et relations avec les groupes

ethniques de la province (1997-2010), DEA, SPA, FSSAP, UNIKIN, 2015, p. 79. 277Idem.

278 BYABUZE, P., Le Kivu : espace vital, espace de vie ou champ de bataille. Approche géopolitico-économique pour une paix durable, Thèse de Doctorat, SPA, FSSAP, UNIKIN, 2020, p. 213.

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groupes armés créés par les étrangers, notamment les pays voisins de la RDC dont l'Ouganda, le Rwanda et le Burundi. Il s'agit, par exemple, du M23, CNDP, RCD, etc.

Cette insécurité entraîne pas mal de conséquences sur le processus de développement de la province du Sud-Kivu. Le fait est que nul n'ignore que les capitaux fuient la guerre !

2.2.2. Enclavement

Le terme enclavement est souvent utilisé sans définition précise. Il est assimilé à une distance avec le centre et à l'absence des voies de communication. Cette façon de voir peut directement expliquer la situation du Sud-Kivu par rapport à la capitale ; ce qui nous permet de la qualifier directement comme étant enclavée. Le fait est que plus de 1.200km la séparent de Kinshasa à cause du manque des voies de communication (routière, ferroviaire ou lacustre) pouvant les relier.

En effet, l'état de délabrement avancé des infrastructures de transport rend difficile la circulation de personnes et de biens d'une province à une autre. C'est dire que le problème de connexion de la capitale congolaise aux provinces du pays est l'un des défis majeurs pour la RDC, en général, et la province du Sud-Kivu en particulie279.

A ce sujet, rappelons que de par sa composition, le Sud-Kivu est un espace géographique formé des montagnes, des plateaux, des forets, des lacs, etc. Ces éléments physiques constituent des obstacles naturels contre tout accès, la rupture qu'ils marquent, en coupant le Sud-Kivu des territoires environnants, constitue ainsi une barrière ou un frein à la mobilité de personnes et des biens.

En clair, disons qu'il n'existe pas une route viable pouvant relier la province du Sud-Kivu et les provinces voisines, à savoir : le Maniema, le Katanga, moins encore Kinshasa, la capitale qui se situe à des milliers de Kilomètres. Même les routes d'intérêts provinciaux entre son chef-lieu, Bukavu, et autres territoires n'existent presque plus. Cette situation n'encourage pas la production paysanne car il n'y a pas moyen d'écouler les marchandises. L'aéroport de Kavumu et quelques pistes d'atterrissage qui restaient le seul espoir sont pour la plupart en état de délabrement très avancé. Cette situation impose aux habitants de Bukavu de tourner

279BYABUZE, P., Op.cit., p. 213.

99

les yeux vers les pays voisins non seulement pour s'approvisionner en denrées alimentaires mais aussi pour profiter de la proximité existant entre le Sud-Kivu et les capitales de ces pays pour y immigrer dans le cade de la recherche des conditions de vie plus acceptables280.

2.2.3. Manque d'infrastructures

Le manque d'infrastructures est un problème sérieux non seulement pour le Sud-Kivu mais aussi pour toutes les autres provinces de la RDC. Les routes sont parmi les principales infrastructures qui posent problème dans cette importante région du pays et entravent son développement. Les quelques routes qui existent, en quantité encore non-suffisante, sont pour la majorité non-bitumées. Ce qui fait que la province reste enclavée et réduit la mobilité de personnes et de leurs biens. Pourtant, c'est la mobilité qui facilite les échanges.

2.2.4. Convoitise

En Afrique des Grands Lacs, des conflits plus graves durent depuis maintenant plusieurs années et ont entraîné déjà plusieurs millions de morts. Dans différents cas, il s'agit tout d'abord de conflits internes entre des communautés plus ou moins voisines qui sont parfois imbriquées les unes aux autres (...)281. Mais, parfois (...) les États s'invitent dans de telles dynamiques. C'est le cas, par exemple, du Congo Kinshasa, notamment dans sa partie orientale y compris la province du Sud-Kivu.

En effet, la problématique de ressources naturelles dans la région des Grands Lacs africains démontre la quasi absence de l'État et explique cette dynamique. Le rôle de l'État, en l'occurrence en RDC, dans la gestion de ses richesses est remis en cause.

La fragilité de l'État congolais et la puissance des États limitrophes de la région des Grands Lacs africains (le Rwanda, le Burundi et l'Ouganda) qui vivent des conflits internes illustre la complexité de cette question. A partir de l'année 1996, les Nations-Unies ont mis sur pied des missions d'enquête et des panels

280Rapport du programme des nations Unies pour le développement, Unité de lutte contre la pauvreté, Mars 2009.

281 LACOSTE, Y., Géopolitique des stratégies africaines, Hérodote n°111, Tragédies africaines, 4ème trimestre 2003.

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d'enquêteurs pour faire la lumière sur l'exploitation illégale des ressources naturelles du Congo. Ces enquêtes ont mis à nu l'étendue des crimes et des pillages systématiques menés par des puissances étrangères, des sociétés multinationales, des pays voisins du Congo mais aussi des élites congolaises et des personnalités nationales et étrangères282.

Le rapport du Groupe de recherches sur les activités minières en Afrique (GRAMA) intitulé :« La route commerciale du Coltan congolais» précise que les États-Unis s'approvisionnent en Coltan en grande partie au Burundi, au Rwanda, en RDC et en Ouganda. Il décrit le parcours du Coltan depuis les creuseurs artisanaux jusqu'à l'armée américaine en montrant brièvement les implications de différentes sociétés minières installées au Congo et opérant sous une couverture étrangère. Chose qui s'observe en ces jours sous une forme beaucoup plus perfectionnée car, les mêmes étrangers pillent en se couvrant dans des branches armées ou des rébellions. Retenons toutefois que si la sous-région de Grands Lacs souffre des situations conflictuelles dans lesquelles la RDC se trouve impliquée, elle n'y est pas toujours étrangère ni victime innocente. Les ressources naturelles acquièrent une importance stratégique du fait de leur valeur économique et la position de force qu'elles confèrent aux pays qui y ont accès, affaiblit davantage la nation assiégée.

Claske Dijkema considère que : {« si le conflit dans l'est de la RDC a été déclenché par L. Kabila pour des mobiles politiques, son enlisement pourrait cependant être attribué au contrôle de rebelles sur les ressources (or, diamant, coltan, etc). »283 Par ailleurs, de nombreuses mesures ont été prises pour stopper l'exploitation illicite de ces minerais. A l'issue de recherches stratégiques menées par Paul Collier et Anke Hoeffler dans différents pays, ces derniers ont avancé la thèse selon laquelle les États dépendant fortement de l'exportation des matières premières étaient davantage exposés aux risques de guerres orchestrées par les États pauvres en ressources naturelles mais politiquement et militairement forts284 !

282 Centre d'Etudes, de Documentation et Animation Civique(CEDAC), Janvier 2009, pp.3-6.

283 DIJKEMA C., (Sous dir), Ressources naturelles stratégiques, fossiles et minières, Ellipses, Paris, 2011, p.133.

284 COLLIER, P. et HOEFFLER, A, On economic causes of civil conflict, in Oxford Economic Papers 50(4); 563573, 1998.

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Section 3. Territoire de Kalehe

Le territoire de Kalehe est situé dans la province du Sud-Kivu, précisément au Nord de la ville de Bukavu285 et il est établi sur une superficie de 369km2. Ce territoire est l'un des sept circonscriptions administratives qui constituent la collectivité chefferie de Buhavu en territoire de Kalehe avec une population de 112816 habitants. Son altitude est comprise entre 1° 45' et 2° 10 Sud, alors que sa longitude se trouve entre 23° 40' et 29° Est. Il comprend 10 localités : Bushushu, Cibanda, Cibanja, Ihoka, Iko, Munanira, Kasheke, Ishovu, Tchofi et Muhongoza. Il est limité à (au) :

- L'Est par le lac Kivu ;

- L'Ouest par le groupement d'Irhambi Katana ;

- Nord par le groupement Mbinga Nord ; - Sud, c'est par la province du Maniema.

285 https://fr.wikipedia.org/wiki/Kalehe, consulté le 16 juillet 2022, à 15 heures.

102

3.1. Cadre géographique286

Le territoire de Kelehe jouit d'un climat de montagne avec une altitude qui va de 1.300 à 2.000 m et émet une alternance de deux saisons dont l'une pluvieuse qui dure 8 mois et l'autre sèche de 4 mois. Ce qui lui ouvre des facilités agricoles sur un sol très fertile.

Son relief est montagneux, c'est-à-dire composé d'une chaine de montagnes de l'Est de la RDC. Sa superficie est de 5707 Km2 et est répartie en

286MUCHIGA ZIHINDULA, N., Les effets des mouvements migratoires sur la sécurité et le développement durable à l'Est de la R.D. Congo. Cas du Territoire de Kalehe, Mémoire de licence, L2 SPA, FSSAP, UNIKIN, 2018-2019, inédit, p. 34.

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deux chefferies dont Buhavu 5.160 Km,2 et Buloho, 547 Km,2 la suite tout au long du Lac--Kivu qui jalonne le grand faussé tectonique (sic !)287.

La population du territoire de Kalehe est estimée à 485.320 âmes réparties en six principales communautés, à savoir : les Bahavu, les Batembo, les Barongeronge, les deux communautés rwandophones, Hutu et Tutsi, et les Batwa ou pygmées288.

Toutefois, signalons que les Rwandophones habitent les hauts plateaux dont les conditions climatiques s'avèrent favorables à leurs activités pastorales (Elevage du gros bétail), tandis que les autres communautés habitent généralement les bas plateaux. Les Batembo se retrouvent en grande partie à Bunyakiri, les Bahavu se situent majoritairement dans les bas plateaux et les Batwa sont éparpillés sur l'ensemble du territoire mais essentiellement dans les zones éloignées de grands centres.

3.2. Aspects administratif et juridique de Kalehe

Sur le plan administratif, le territoire de Kalehe est constitué des deux collectivités ou chefferies, à savoir : le Buhavu qui compte sept groupements administratifs : Buzi, Kalonge, Kalima, Mbinga Nord, Mbinga Sud, Mubungu et Ziralo. Il couvre la majeure partie du territoire avec une superficie de 353.523 hectares pour 451.938 habitants ; celle de Buloho qui comprend 8 groupements administratifs qui sont : Bitale, Musenyi, Ndando, Mulonge, Lubengera, Munyandjiro, Bagana et Karali. Celle-ci ne s'étend que sur une petite portion du territoire en sa partie centrale, représentant quelques 54.652 hectares pour 33.382 habitants !

L'appartenance à une identité socio--culturelle ne se décrète pas. C'est un fait naturel justifiant l'existence de chaque habitant à Kelehe sous la forme d'une mosaïque de tribus consacrant, par ailleurs, sa spécificité et sa considération à part. En remontant le cours de l'histoire lointaine de Buhavu, nous constatons si heureusement que cette entité coutumière intégrante était placée sous l'autorité d'un seul chef.

287MUCHIGA ZIHINDULA, N., Op.cit., p. 35.

288Selon les statistiques de 2008 établies par le service d'Etat civil du territoire de Kelehe.

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En vue d'alléger la direction de cette vaste juridiction coutumière, ce chef avait procédé à la décentralisation de son administration en nommant ses enfants (les Princes) de sang à la tête des structures secondaires de gouvernance que sont : Bunyakiri (les Batembo), Idjwi, Kalonge et Buziziralo qui se référaient toujours à son leadership.

Il nous revient de préciser que la collectivité de Buhavu était longtemps victime d'une inadmissible amalgame alimentée par l'imagination féconde des faussaires de l'histoire qui prétendent que l'île d'Idjwi c'est le Buhavu alors que c'est le contraire qui est vrai. Car, Idjwi tire ses origines coutumières, psychologiques, émotionnelles authentiques de la chefferie de Buhavu.

Il est utile de signaler que l'importance démographique de Buhavu est notoire face à d'autres composantes sociologiques locales. Ce qui donne à penser que les Bahavu sont appelés à être différemment traités, surtout lorsqu'il s'agit des quotas représentant le poids des populations locales dans tous les domaines. Il s'agit, par exemple, de la représentation au sein des Assemblées, les quotas de réalisation en termes d'investissement, etc.

Si les chefferies constituent des entités administratives décentralisées, elles sont aussi par excellence les sièges du véritable pouvoir coutumier et sont dirigées par le Mwami (Chef souverain) de la communauté.

3.3. Situation sécuritaire et économique

Une analyse approfondie des conflits actuels vécus dans le territoire de Kalehe met en exergue deux éléments majeurs. Premièrement, les conflits locaux sont de nature diverse. Ils sont à la fois liés aux questions foncières, au pouvoir local et à l'identité. Ils se trouvent exacerbés par des replis et manipulations identitaires. Deuxièmement, du fait de cette diversité, ces conflits voient naitre et se développe, donnant ainsi lieu à l'implication d'une multitude d'acteurs : civils, autorités politiques et coutumières, élus locaux, militaires et, dans une large mesure, celle des membres des clans des milices locales actives dans la zone. Deux multiplicateurs des conflits qui ont été identifiés, à savoir l'impunité et la circulation d'armes à feu.

105

Dans le contexte d'impunité, il est clair que la majorité de la population locale n'a ni le sentiment d'être protégée par la justice ni confiance en elle-même. Les armes alimentent les conflits et sont également un important multiplicateur des conflits. Dans les hauts plateaux, par exemple, les populations se plaignent au sujet de leur sécurité, étant donné la circulation licencieuse de celles-ci. Comme conséquence, elles cherchent refuge dans les villages du littoral. Là aussi, comme expliqué dans les paragraphes précédents, elles souffrent de toutes sortes des stigmatisations liées à leur appartenance à telle ou telle communauté.

Les points ci-dessous donnent une analyse de différentes dynamiques de conflits et leur potentiel degré de déstabilisation.

3.3.1. Dilemmes sécuritaires

La présence relativement nombreuse de membres du groupe rebelle Raia Mutomboki dans Kalehe est devenue une source d'insécurité chronique dans certains villages. Les villages de : Mutale, Cholobera, Keshesha, Mihinga, Butwashenge, Sati et lvlushingi sont ceux qui sont plus concernés par ce risque d'insécurité. C'est dire en d'autres termes que les soupçons de complicité de la population locale avec ces Raia Mutomboki alimentent largement l'insécurité causée par certains éléments incontrôlables des FARDC.

En fait, bien qu'étant mandatées constitutionnellement pour garantir l'intégrité territoriale du pays, certains éléments des FARDC causent l'insécurité, en mettant en place des barrages illégaux. A Kalonge, par exemple, où déjà les effectifs des FARDC sont sensiblement réduits (16 éléments au centre du groupement), on enregistre plus de 7 barrières érigées par des éléments de ces forces loyalistes.

En plus, l'inaccessibilité de nombreux villages suite au mauvais état des routes ne permet pas à l'Etat d'apporter des réponses rapides et efficaces aux situations d'insécurité et de violations des droits humains vécues au quotidien.

3.3.2. Mobilisation autour de la terre et de l'identité

Dans le territoire de Kalehe, la terre est aussi source de mobilisation à la fois individuelle et collective. Les conflits fonciers ont un impact négatif sur la cohabitation pacifique intercommunautaire. En effet, ces dernières années, il est

106

observé une recrudescence de cas d'assassinats ciblés dont les mobiles principaux sont intimement liés à la gestion foncière. Ce qui laisse présumer des liens étrois entre le foncier et les activités d'hommes armés.

Le fait est qu'il existe deux types de concessions foncières. Premièrement, celles exploitées par des personnes riches qui ont acquis de vastes étendues de terres. Deuxièmement, celles mises en valeur par de petits paysans. Selon plusieurs témoignages, les concessionnaires riches et puissants spolient facilement la terre de petits paysans ou débordent les limites à travers la pratique appelée « Kuhumanya (littéralement "rassembler")289.

Dans ces dynamiques, les veuves et les orphelins sont souvent discriminés car d'après les us et coutumes d'ici les femmes ne participent pas à la gestion des terres. Pire encore, à la mort du mari les veuves sont exclues de l'héritage lorsque le mari n'a pas laissé d'héritier mâle. Par conséquent, lorsque les biens laissés par le défunt sont spoliés par ses frères, cela se fait aussi au détriment des femmes et des orphelins.

En plus, la procédure d'obtention de titres fonciers par les populations locales est souvent longue et coûteuse. A Kalehe, l'absence de ces titres alimente les conflits des limites entre propriétaires et entre populations et concessionnaires, de telle sorte que toutes les parties réclament la légitimité de jouissance sur les terres sans parfois en fournir les preuves.

Bien que les violences autour des conflits fonciers soient latentes dans certains clans, il s'observe cependant que certaines communautés ne se font pas toujours confiance. A Nyabibwe et Numbi, par exemple, elles se soupçonnent mutuellement de détention illégale d'armes à feu, qui, tôt ou tard, serviraient à des actes de violence.

3.3.3. Exploitation de ressources naturelles

Dans le territoire de Kalehe, l'exploitation minière artisanale pose cinq types de problèmes :

- Le premier problème est que l'exploitation minière artisanale contribue à la destruction de l'environnement. Les arbres sont abattus en désordre dans les carrés

289MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 44.

107

miniers et les endroits où les minerais sont exploités deviennent à la longue de moins en moins propices à l'agriculture ;

- Le deuxième problème est celui de déstructuration de la famille. Lorsqu'ils réalisent des revenus, notamment monétaires, les creuseurs s'adonnent à la consommation des boissons fortement alcoolisées au point que l'ivresse les pousse souvent à des bagarres ;

- Le troisième type de problème est celui des conditions de travail. L'exploitation minière étant artisanale, les creuseurs sont souvent exposés à des multiples dangers, notamment : les noyades et effondrements des puits causant ainsi mort d'hommes de manière répétitive ;

- Le quatrième problème concerne la faible contribution du secteur minier au développement local. A Nyabibwe, par exemple, malgré la création du Comité local de Surveillance des Sites miniers et d'Actes de Corruption (CSAC) qui détermine les pourcentages destinés à chaque entité en raison de 75% des taxes perçues pour le développement local et 25% pour le fonctionnement du Comité Provincial de Suivi des actions minières (CPS), le développement est resté un voeu pieux ;

- Le cinquième est lié au partage inéquitable des revenus issus de l'exploitation minière. En effet, la majorité des creuseurs se sentent abusés par les propriétaires des puits en ce sens que ces derniers ne les rémunèrent pas convenablement. Cette frustrante situation crée régulièrement un climat de tensions entre ces deux groupes.

Bien qu'elles contribuent de manière substantielle à l'essor financier de certains ménages, l'exploitation d'autres ressources, en particulier le bois, ne manque pas de poser des problèmes dans le territoire de Kalehe. De nombreux conflits opposent opérateurs économiques et exploitants forestiers à cause des inégalités dans le processus de vente et achat d'arbres pouvant être invariablement utilisés à la production de planches et de braises.

3.3.4. Les dynamiques régionales

L'un des aspects-clés des dynamiques régionales est le trafic transfrontalier, principalement entre Kalehe et le Rwanda. Ce trafic peut être mis en lien avec la dynamique de « Mobilisation autour de l'identité . En effet, alors que le commerce transfrontalier assure la survie des familles ; participe à l'économie

108

locale et contribue au renforcement des relations sociales entre le Rwanda et la RDC ; il alimente aussi toutes sortes de rumeurs sur base des replis identitaires, poussant ainsi les membres des communautés locales à faire prévaloir la thèse de l'invasion du territoire de Kalehe par des sujets rwandais.

Le trafic de vaches se passe entre le Rwanda et les hauts-plateaux, zone favorable par excellence à l'élevage des bovins. Ce trafic alimente les conflits au niveau local. En effet, ce commerce entretient la peur au sein des populations locales en ce sens qu'une présence considérable des vaches envenime les conflits déjà existant entre agriculteurs et éleveurs.

De ce qui précède, il y a lieu de noter aussi que l'impact de dynamiques régionales sur la cohabitation communautaire est assez significatif. Le retour de populations rwandophones (en exil au Rwanda entre 1994-1996) est de plus en plus perçu comme une menace à la paix sociale. La population du territoire de Kalehe indique qu'elle éprouve une certaine peur au sujet du retour des Rwandais qui, jadis, habitaient dans le territoire et dont toutes les parcelles nues et les champs avaient été vendus en leur absence par les chefs coutumiers !

3.3.5. Le système de conflit

La zone prioritaire de stabilisation de Kalehe connait une présence de toutes les quatre grandes dynamiques de conflits : les dilemmes sécuritaires, la mobilisation autour de la terre et de l'identité, l'exploitation des ressources naturelles et les dynamiques régionales. Ces dynamiques se caractérisent par les manifestations, causes et facteurs favorisants suivants :

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Problématique

Manifestation

Causes et sous causes

Dilemmes sécuritaires

Présences des groupes armés

Enrôlement des jeunes dans le groupe armé :

> Taux de chômage élevé parmi les jeunes ;

> Insuffisance d'activités génératrices de revenus pour le les jeunes ;

> Manipulations politiques des jeunes.

Autoprotection ethnique :

> Conflits intercommunautaires ;

> Stéréotypes et préjugés identitaires.

Faible présence des services de l'Etat :

> Insuffisance des effectifs de police,

armée et service de renseignements dans certa

zones ;

> Enclavement de certains milieux ;

> Faible encadrement d'agents de l'Etat.

La mobilisation autour de l'identité :

> Autoprotection ethnique

Mobilisations
autour de la terre

Conflits fonciers

> Dualité des régimes fonciers,

> Cupidité des certains chefs coutumiers dans la distribution des terres ;

> Absence des cadres juridiques portant statut des chefs coutumiers,

> Mauvaises répartitions des terres.

xploitations des ressources naturelles

Exploitation illégale des ressources naturelles

Mauvaises gouvernances minière Faiblesse de l'Etat

>

> Inefficacité des services de l'Etat ;

> Insuffisance de niveau d'instruction de

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certains agents de l'Etat.

xploitations des ressources Naturelles

Destruction de l'environnement

? Exploitation abusive des ressources Naturelles ;

? Aires d'exploitation non délimitées.
Lien avec les dilemmes sécuritaires :

? Implications des groupes Armés dans l'exploitation illicite des ressources naturelles.

Dynamique Régionale

Enrichissement illégal et exploitation

illicite des ressources naturelles
par les étrangers

Protocole des frontières de la RDC

par

Inefficacité ou insuffisance des services

de l'Etat aux frontières.

Source : tableau conçu à partir de nos informations collectées sur terrain du 20 Mars 2020 au 18 Janvier 2022.

290Le CENADEP est l'acronyme du centre national d'appuis au développement et à la participation populaire dont l'antenne du SudÀKivu est basée à Bukavu.

111

3.3.6. Priorités stratégiques

Sur le plan stratégique, quelles actions méritent-t-elles d'être priorisées ? De libres penseurs au sein de l'élite intellectuelle de la province ont pris le devant de la scène en émettant les propositions ci-après :

- Renforcer la présence et l'autorité de l'Etat (surtout des services de l'ordre et sécurité), dans les zones où sont actifs les groupes armés pour assurer la sécurité des populations ;

- Promouvoir une gestion et accès à la terre juste et équitable, y compris une meilleure réglementation dans le secteur agraire ;

- Promouvoir la cohabitation pacifique dans le territoire de Kalehe ;

- Promouvoir la sécurisation, la gestion et le contrôle des sites miniers par l'Etat en assurant également le respect des normes de protection de l'environnement et écosystèmes ;

- Améliorer la sécurité transfrontalière ;

- Renforcer les mécanismes d'autonomisation des femmes et promouvoir leur participation politique ;

- Améliorer la protection des femmes et filles contre les violations des droits humains, en particulier les violences sexuelles basées sur le genre.

Pour aborder ce sujet extrêmement délicat qui consiste à lever les voiles sur la situation peu luisante qui empêche le territoire de Kalehe de sortir de son obscurantisme actuel, il nous a été malaisé de nous délester de notre triple qualité de membre de la lignée du Chef traditionnel qui règne sur la collectivité de Buhavu, de Président de l'Association de Ressortissants du Territoire de Kalehe, en sigle A.R.T.K, et, enfin d'Ambassadeur pour la paix ...

En effet, comme on peut le constater, cette triple qualité nous présente invariablement aux yeux de l'opinion publique comme acteur indiscutable dans les événements qui marquent aujourd'hui cette partie névralgique de la province du Sud-Kivu mais aussi et surtout dans la recherche des solutions susceptibles de mettre d'accord toutes les parties aux conflits observés jusqu'à ce jour.

S'agissant précisément des conflits qui existent dans le territoire de Kalehe, le Centre National d'Appuis au Développement et à la participation populaire290, CENADEP en sigle, qui avait enquêté sur la question, retient

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principalement des conflits fonciers entre individus ou groupes d'individus et des conflits identitaires entre les communautés coexistantes. Tout en procédant à l'examen de causes et effets de tous ces conflits, le CENADEP avait procédé à l'identification des initiatives en cours pour une paix durable, la réconciliation et la cohésion sociale sur l'ensemble du territoire de Kalehe.

En ce qui concerne le règlement de conflits fonciers existants en territoire de Kalehe, les pouvoirs publics recourent, selon le cas, à l'interprétation des dispositions (non codifiées) de la coutume représentée par les « Bami » (Rois, Chefs traditionnels) et à la loi foncière en vigueur en RDC. Mais est-il que les flagrantes contradictions apparaissant entre les modes d'accès coutumiers et modernes à la terre dans ce territoire et celles-ci posent énormément de problèmes.

Pour ce qui est des conflits identitaires et intercommunautaires, l'enquête du CENADEP signale en passant qu'il s'agit souvent des conflits entre personnes d'origine « Hutu et Tutsi » congolais d'expression « Kinyarwanda » dits rwandophones mais aussi et surtout entre ces dernières et des personnes qui se prévalent de la qualité de « Congolais authentiques » par rapport à d'autres communautés coexistantes !

A propos des groupes armés, au-delà des conflits cités plus haut, il y a lieu de signaler ceux auxquels font parties des groupes armés nationaux ou étrangers opérant en Territoire de Kalehe pour leur propre compte, pour le compte des individus en intensifiant de ce fait les risques d'affrontement au détriment des efforts de paix et de réconciliation existants. Parmi les plus remuants en l'espèce, il y a lieu de citer les groupes Maï-Maï, Raïa Mutomboki, le Conseil National pour le Renouveau et la Démocratie, CNRD en sigle ; le Front de Libération du Rwanda, FDLR en sigle ; Kirikicho et Kalume, Nyatura dont les éléments sadonnent impunément à l'exploitation de minerais pour des raisons faciles à imaginer ! On signale à titre d'anecdote que le CNRD et les FARDC se disputent la gestion de sites miniers comme ce fut le cas dans la localité de Mudugudu, en mars 2019, en faisant plusieurs morts dans les deux camps !

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CHAPITRE III.

ATOUTS ET OBSTACLES AU DEVELOPPEMENT DU
TERRITOIRE DE KALEHE

Section 1. Les atouts de développement du territoire de Kalehe 1.1. Du point de vue physique

Comme précisé ci-dessus, Kalehe est l'un de 8 territoires de la Province du Sud Kivu, situé au nord de la Ville de Bukavu. Habité par 752 571 personnes, il a une superficie de 4.082 km2. En termes de délimitation, Kalehe est bordé au Nord par les territoires de Masisi et Walikale (marquant la frontière avec la province du NordKivu), à l'Est par le Lac Kivu qui constitue une frontière naturelle avec le territoire d'Idjwi et le Rwanda ; à l'Ouest par le territoire de Shabunda et, au Sud, par le territoire de Kabare291. Avec cette position stratégique, le territoire de Kalehe est ouvert au développement car il a l'accès facile à d'autres territoires et au pays voisin immédiat pour la circulation des marchandises.

Du point de vue infrastructure, le territoire de Kalehe a des spécificités qui lui confèrent une place stratégique et lui permettent ainsi d'amplifier son développement :

La position géographique de Kalehe lui donne l'avantage d'être accessible via trois routes nationales. Il s'agit de la RN2 (tronçon Kazingo-Kabamba), la RN3 (tronçon Miti-Tshivanga) et la RN5 (tronçon Kasihe-Mumosho).

1.2. Du point de vue énergétique

Il y a la centrale hydroélectrique Ruzizi 2 dans le groupement de Mumosho. Signalons cependant que ce barrage est une copropriété du Rwanda, du Burundi et de la RDC dans le cadre de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL)292. Le territoire de Kabare abrite aussi l'usine de la

291 PROGRAMME TUJENGE AMANI, Analyse du contexte du territoire de Kalehe en route vers les changements, cas de Bunyakiri, Kalonge et Mubugu, Action pour la Paix et la Concorde, 2015, p. 14., article en ligne sur file:///C:/Users/bryfl/OneDrive/Bureau/Rapport-Analyse-du-contexteTujenge-Amani-APC., consulté le 14 juin 2022.

292 MAMBO CHAMUNDURA, O., Les nouvelles technologies de l'information et de la communication et leur application au développement rural. Cas du territoire de Kalehe en République Démocratique du Congo,

114

REGIDESO de Murhundu. C'est cette usine qui permet d'alimenter toute la ville de Bukavu en eau potable.

1.2.1. Configuration énergétique, opportunité de développement

Le territoire de Kalehe est longé par le lac Kivu qui représente une opportunité de développement non seulement pour celui-ci mais aussi pour la République Démocratique du Congo. En effet, il est important de souligner que ce lac contient du gaz méthane qui servirait de source énergétique dans plusieurs domaines. A noter que la RDC est largement en retard dans son exploitation par rapport au Rwanda voisin qui a déjà développé plusieurs techniques d'extraction (sic !) et d'utilisation de gaz en collaboration avec des partenaires occidentaux.

Plusieurs enquêtes ont permis d'y repérer approximativement 60 kilomètres cubes de méthane (CH4) et 300 kilomètres cubes de dioxyde de carbone (CO2). Les deux gaz sont prisonniers dans les couches profondes du lac. L'extraction de ces ressources pourrait être la première étape d'une production massive d'électricité, équivalente à plus de 100 milliards de kilowattheure. Au-delà de l'aspect économique, un autre enjeu pousse les scientifiques à prôner une exploitation du méthane : une trop grande concentration de ce gaz pourrait, en effet, provoquer à terme une éruption aux conséquences catastrophiques293.

De même que dans les couches supérieures du lac, une biodiversité jusqu'il y a peu insoupçonnée évolue et permet une pêche relativement importante. A l'aune d'une extraction massive du CH4, une équipe de chercheurs pluridisciplinaire et internationale, emmenée par Jean-Pierre Descy de l'Université de Namur, Martin Schmid de l'Institut Fédéral Suisse de Science et Technologie Aquatique, et François Darchambeau de l'Université de Liège, a décidé de compiler l'ensemble des connaissances du lac dans un ouvrage de référence, y abordant ses aspects physiques, chimiques, géologiques et biologiques294. Outre l'ambition de prévoir les conséquences d'une extraction du CH4 irrespectueuse du lac, les chercheurs dressent un portrait complet de cet

mémoire en ligne consulté sur https://www.memoireonline.com/10/18/10391/m_Les-nouvelles-technologies-de-l-information-et-de-la-communication-et-leur-application-au-developpe17.html, le 14 juin 2022 à 14 heures 30.

293 BYABUZE BADESIRE, P., Le Kivu montagneux : espace vital ou champ de bataille. Approche géopolitico-économique pour une paix durable, Thèse de doctorat en Sciences Politiques et Administratives, Unikin, SSAP, SPA, 2021, pp. 151-157.

294 BYABUZE BADESIRE, P., Op.cit., pp. 151 À 157.

115

écosystème et affichent la volonté d'en faire un véritable ouvrage de référence d'étude de la limnologie tropicale295.

1.2.1.1. Dioxyde de carbone et le méthane

D'après le dernier rapport, le CH4 et le CO2 sont dissous et stockés dans les couches d'eaux en dessous de ce « couvercle ». Le CO2 serait hypothétiquement d'origine volcanique. Cinq sources d'eau profondes ont un débit suffisamment important pour être observées et elles apportent la majorité de ce gaz. « Pour le méthane, c'est un peu plus complexe à déterminer, explique le chercheur. Le CH4 pourrait, comme le CO2, provenir d'une activité volcanique mais nous n'avons jamais réussi à le démontrer. Les sources d'eau en surface ne sont, en effet, pas chargées en méthane. On peut donc légitimement penser que les sources profondes ne le sont pas non plus. Le CH4 doit donc être biogénique, c'est-à-dire d'origine biologique. L'hypothèse la plus vraisemblable serait que ce méthane viendrait de la décomposition anaérobique de la matière organique. Nous savons qu'en anaérobiose, la matière organique, en se décomposant, va libérer du carbone qui, pour moitié, se transformera en CO2, et pour moitié en CH4, selon la formule CH3COOH (acétate) CO2 + CH4. » Ce processus biogénique de dégradation anaérobique de la matière organique serait, au lac Kivu, responsable d'approximativement un tiers de la formation du CH4296.

Les autres matières proviendraient d'une réduction bactérienne du CO2 présent dans le lac. « Pour que cette réduction ait lieu, il faut qu'il y ait un agent réducteur. Dans le cas de la formation du méthane, il s'agit le plus communément du dihydrogène. Cet hydrogène, dans le lac Kivu, pourrait lui aussi avoir deux origines. Il pourrait être volcanique, ce qui permettrait d'expliquer la formation de ces deux tiers de méthane sans apport de matière organique provenant du lac. L'autre hypothèse, la plus vraisemblable, viendrait, encore une fois, de la décomposition de la matière organique297. Il est connu qu'avant la formation d'acétate, il peut y avoir lors de la phase de dégradation de la matière organique formation de dihydrogène, qui pourrait dès lors produire du méthane via la réduction du dioxyde de carbone. Ainsi, bien que les deux tiers du carbone intégré dans le méthane proviendraient d'une activité

295 DESCK, J.P., et alii, Lake Kivu, Limnology and biochemistry of a tropical great lake, Springer, 2012, pp. 1030.

296 BYABUZE BADESIRE, P., Op.cit., pp. 151- 157.

297 DESCY, J.P., et alii, Op.cit., pp. 10- 30.

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volcanique, une production biologique de matière organique serait nécessaire pour qu'ils apparaissent ».

1.2.1.2. Autres sources d'Energie

À Kabare c'est plus le bois de chauffage et les braises qui sont utilisés comme source d'énergie. Principalement pour la cuisson des aliments mais également dans la fabrication de certains produits tels que les briques, le savon, etc. une bonne partie de la population utilise également le pétrole surtout pour l'éclairage. Une minorité de la population a accès au courant électrique. En cas de disponibilité d'électricité, certaines activités seraient envisageables telles que les moulins et les minoteries pour le manioc et le maïs, développement des usines de transformation de certains produits agricoles industriels comme le thé et le café, développement des activités liées à la technologie telles que le secrétariat public, Cyber café, la ventes d'outils informatiques, etc.298

Pour pallier au manque de cette énergie, certains ménages, bureaux de quelques institutions font recours aux groupes électrogènes et aux panneaux solaires. Les hôpitaux réhabilités, par exemple, utilisent l'énergie solaire surtout pour l'éclairage299.

1.2.2. Exploitation du gaz et problème d'eutrophisation du lac

Le risque d'explosion gazeuse, toutefois, doit être pris au sérieux. Une extraction du gaz peut donc désamorcer cette bombe à retardement. Parallèlement, l'exploitation d'une telle quantité de méthane offre des perspectives de rentabilité assurées et certains industriels rwandais et américains lorgnent sur ces eaux avec envie. « Il y a actuellement quelques projets pilotes qui n'ont pas une puissance d'extraction très élevée et qui n'ont pour le moment aucun impact sensible sur l'écosystème du lac, explique François Darchambeau. Dans un premier temps, ils servent davantage à développer et à tester des technologies qu'à en faire une exploitation rentable. Mais un gros projet américain devrait être opérationnel à la fin de l'année 2012. Il faut dès lors, dès maintenant, bien réfléchir à la manière d'extraire ce gaz. »300

298 MAMBO CHAMUNDURA, O., Op.cit., p. 30.

299 Idem., p. 31.

300 BYABUZE BADESIRE, P., Op.cit., pp. 151- 157.

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L'extraction en soi se révèle être relativement simple. Car, naturellement, l'eau en remontant à la surface, retrouve peu à peu une pression atmosphérique, qui n'est plus suffisante pour maintenir le gaz dissous à de telles quantités, et qui, à la manière d'une bouteille de soda, s'échappe du liquide, se décompresse pour reprendre son volume normal, et entraîne le liquide vers le haut, ce qui explique notamment le risque d'éruption. Le prélèvement jouit du même processus naturel. « En remontant, l'eau se dégaze donc naturellement. Il suffit de placer un long tube dans le lac. De plus, les exploitants profitent de ce qu'on appelle le phénomène de siphon. Au fur et à mesure que l'eau remonte, les bulles créées vont elles-mêmes entraîner une remontée de l'eau, un peu à la manière des systèmes de filtration d'eau dans les aquariums. Il suffit donc d'un simple amorçage au départ, et puis après cent mètres d'ascension, les bulles se forment, et l'eau remonte toute seule. »301

A la surface, il reste un mélange eau-gaz dans la proportion d'1 litre d'eau pour 2-3 litres de gaz. Ce qui signifie que ces 2-3 litres de gaz, dans les eaux profondes, sont compressés et dissous dans un seul litre d'eau, et qu'ils retrouvent, à la surface, leur volume en condition atmosphérique. Mais le mélange reste humide. Il est donc passé à travers un séparateur qui aura pour fonction de séparer le gaz du liquide. La phase gazeuse est préservée, la phase liquide rejetée. Cette phase gazeuse contient 80% de CO2, 15% de méthane et 5% d'azote. Pour obtenir le plus grand pourcentage de méthane possible, ce gaz passe alors par une phase de lessivage : le flux de gaz passe à travers une colonne d'eau dans laquelle le CO2, extrêmement soluble, va se redissoudre naturellement. A la sortie, le mélange obtenu contient entre 80 et 90% de méthane et peut être utilisé comme combustible pour produire, par exemple, de l'électricité302.

1.3. Du point de vue culturel

La population habitant le Territoire de Kabare est composée majoritairement de la tribu « SHI » pour les deux chefferies et une minorité de la tribu « Batembo » dans la chefferie de Nindja et une poignée des pygmées au Nord de la Chefferie de Kabare dans les groupements de Mudaka, Miti, Bugorhe et Irhambi.

301 MAMBO CHAMUNDURA, O., Op.cit., pp. 30 À 32.

302 Idem., pp. 151-157.

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Les principaux clans qu'on y rencontre sont les Banyamocha constitués des princes et des dirigeants. Les autres clans sont entre autres les Balinja, les Banyintu, les Basheke, les Bashaza, etc.

Il y a également une autre catégorie de la population d'origine rwandaise qui habite le haut-plateau ; il s'agit des Hutu et Tutsi généralement installés dans la crête de cinq groupements, à savoir Mbinga-Sud, MbingaNord, Buzi sur le littoral du lac-Kivu, et les crêtes des groupements de Ziralo et de Mubugu sur l'axe Bunyakiri.

Ces groupements sont dirigés coutumièrement par les Havu sur le littoral et par les Tembo sur l'axe Bunyakiri. Ces crêtes sont communément qualifiées de « hauts plateaux de Kalehe »303. Les Batwa sont, quant à eux, éparpillés sur l'ensemble du territoire, dans les zones éloignées des grands centres. Enfin, les Barongeronge sont présents dans le groupement de Kalonge, au sud de Bunyakiri.

En effet, il est possible qu'il y ait une cohabitation pacifique et échange culturel si chaque peuple se reconnaît en d'autres sans céder aux manipulations politiciennes et à l'injustice communautaire. Ça permettrait aux uns et aux autres de vivre en paix et de participer aux efforts de développement.

Malheureusement, ces régions présentent des spécificités en termes de diversité démographique qui, au lieu d'être la source de développement, devient l'origine de tensions communautaires. Ces peuples partagent aussi certaines dynamiques locales. Par exemple, au cours des quinze dernières années, ces régions ont connu des situations d'instabilité chronique liées soit aux activités militaires des FARDC, soit à celles des milices locales et le groupe armé rwandais Bahutu, les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR)304. En dépit des efforts en vue du rétablissement de la paix, la violence liée aux stigmates de guerres et à la persistance de ces milices restent d'actualité. Ces quelques éléments donnent l'image d'un territoire naviguant entre violence et stabilité.

Les caractéristiques culturelles sont les suivantes :

303 Dans la série des craintes et des éléments de conflictualité, cette appellation « Hauts-Plateaux » est souvent décriée par les Chefs coutumiers Batembo et Bahavu sous prétexte qu'à la longue, celle-ci ne constitue, une justification ou une motivation pour la revendication d'une autonomie politique par les Rwandophones sur des espaces qu'ils avaient pourtant acquis coutumièrement soient des Havu ou des Tembo.

304 PROGRAMME TUJENGE AMANI, Op.cit., p. 8.

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Le pouvoir traditionnel est détenu par le « Mwami ». Le patriarcat est le système de parenté sur toute l'étendue du Territoire.

Pour qu'il y ait mariage entre un garçon et une fille, la famille du garçon doit donner la dot à la famille de la fille. La dot se discute toujours en termes de « vache », mais il arrive des fois qu'elle soit convertie en monnaie fiduciaire (en dollars américain le plus souvent) et cela, après accord avec la famille de la jeune épouse305.

Presque tous les habitants pratiquent l'agriculture et l'élevage. Quant à la pêche, elle est pratiquée surtout par les habitants de 5 groupements dont les côtes sont longées par le lac Kivu.

1.4. Du point de vue environnemental et écologique

Il est essentiellement constitué des terrains habités, de l'eau et de la forêt qui se situe en amont des montagnes. Ceux-ci (c'est-à-dire, les terrains habités, l'eau et la forêt) constituent l'environnement du territoire de Kalehe et lui offrent toutes les opportunités pour son développement à tous les niveaux, étant donné que l'agriculture, la pêche et l'élevage sont le fondement par excellence d'un développement durable.

1.4.1. La terre ferme comme atout de développement

Bien qu'ayant des cours d'eaux, le territoire de Kalehe est bâti sur une terre ferme et riche, puisqu'il a été remarqué que tout pousse moyennant parfois certains aménagements. L'on y cultive facilement le bananier, les haricots, le manioc, le maïs, l'igname, la patate douce, le palmier à huile et tant d'autres encore que nous ne saurons citer faute d'espace.

C'est une terre riche et fertile regorgeant plusieurs qualités et favorable à l'exploitation d'une gamme variée de spéculations agricoles. Elle permet également de faire l'élevage de tout animal domestique. Une terre ouverte à toute activité vouée au développement306.

En effet, la terre de Kalehe donne la possibilité de faire l'agriculture et l'élevage sur toute l'étendue du territoire. L'agriculture qui ne peut pas seulement être vivrière mais aussi industrielle. Actuellement, sur l'ensemble du

305 KASEREKA KAZURA, L., La guerre à l'Est de la République Démocratique du Congo. Les enjeux cachés d'une guerre asymétrique, L'harmattan, Paris, 2022, pp. 35 À 46

306 MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 44.

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territoire, on compte environ 101 plantations et 82 marais où sont cultivées différentes plantes. Plus ou moins 60 marais sur les 82 existants sont drainés et exploités307. Environ 28 ont chacun la superficie moyenne de 5 à 15 hectares. Cependant, les maraîchers se butent aux difficultés d'approvisionnement en semences améliorées. On rappelle qu'à l'époque coloniale le territoire de Kalehe avait six Centres de Multiplication dénommés techniquement CAPSA ou Centres d'adaptation et de production des semences améliorées dont les superficies variaient entre 5 et 10 hectares308.

Il faut noter que l'un de ces centres, précisément le CM Lwami, qui fonctionne encore avait accueilli durant la campagne agricole A de 2013 les semences de haricot Bio fortifiant du gouvernement central et 3 ha étaient emblavés309. Les autres problèmes auxquels font face les maraîchers, en particulier, et tous les agriculteurs, en général, c'est le manque de débouchés pour les récoltes ; le manque des produits phytosanitaires et les matériels aratoires/drainage. Suite à certaines difficultés, les agriculteurs se servent de leurs activités uniquement pour assurer leur survie.

Pour le haricot et la patate douce, la production est souvent destinée à la consommation locale pour une partie et la vente pour une autre partie. Le maïs et le manioc servent pour la consommation locale une fois transformés. Pour la banane, il y en a de deux sortes ; la banane à table et la banane à bière. Comme les noms l'indiquent, la première catégorie est souvent consommée comme fruit tandis que la seconde est souvent utilisée dans la fabrication de la bière traditionnelle locale (KASIGISI).

Par ailleurs, la terre de Kalehe donne également la possibilité de faire l'élevage de toutes sortes, notamment industriel. Actuellement il est pratiqué dans différents coins du territoire. Notons, cependant, que sur les 52 pâturages communautaires qui existaient dans le temps, la plupart sont déjà spoliés et transformés en champs et parcelles résidentielles. Les quelques pâturages naturels qui restent sont situés dans les montagnes pastorales dénommées Lulamboluli et Kajeje en groupement de Bushwira et Mudaka et c'est là où se pratiquent encore l'élevage extensif des bovins, caprins et ovins310.

307 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46.

308 ZIMUNGU KIPULA, F., Guerre du Kivu, un complot international, L'Harmattan, Paris, 2020, pp. 51- 73.

309 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46.

310 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.

311 Idem.., pp. 51- 73.

121

1.4.1.1. Forêt

Parmi ses richesses et autres opportunités de développement, il y a également la forêt. On y trouve, le diamant, l'or, les cuivres, les coltans, etc. En 2010, Kalehe avait 400kha de couverture arborée s'étendant sur sa superficie terrestre. En 2021, elle a perdu 4.82kha de couverture arborée, ce qui équivaut à 3.13 Mt émissions de CO2. Notons que ces riches étendues de terre, au lieu de servir d'escalier pour atteindre le développement deviennent plutôt des sources de tensions entre populations311.

En effet, après de longues années de coexistence pacifique, les différentes communautés qui constituent le tissu démographique du territoire de Kalehe sont actuellement sur le pied de guerre. A la base : le clivage socioéconomique qui se dessine très nettement aujourd'hui entre les communautés vivant autour d'importantes ressources minières stratégiques que regorge la région de hauts plateaux de Kalehe et celle habitant la vaste plaine herbeuse qui tapisse le littoral du lac Kivu sur une distance de plusieurs kilomètres.

Il est important de souligner que les communautés vivant dans les hauteurs surplombant le lac Kivu à Kalehe alternent leurs activités agropastorales d'origine avec l'exploitation artisanale de gisements du colombo tantalite (coltant), de la cassitérite et de l'or qui augmentent très nettement leurs avoirs en argent et tant d'autres biens désirables par le reste de la population.

1.4.1.2. Richesse de sol

Le sol du territoire de Kalehe dans ses variantes s'étend en sol argileux, sol argilo sablonneux et en sol humide caractéristique des vallées marécageuses vers les bords de petites rivières et dans les bassins de colline. Ces sols sont importants et arables en ce sens qu'ils sont efficaces pour la production de produits vivriers et maraîchers, tel que le manioc, le haricot, l'arachide, le maïs, le sorgho, les tomates, les aubergines, l'oignon et les cultures pérennes.

122

Sur certains versants de collines, le sol est lessivé, ce qui compromet la fertilité du sol pour une bonne activité agricole.

1.4.2. L'eau comme atout de développement

Les disponibilités hydrographiques de la RDC, les ressources en pétrole, en charbon et en gaz naturel à côté du bois de chauffe sont autant de ressources énergétiques, nombreuses et aussi diversifiées que les ressources minières312. Les plans d'eau couvrent environ 3,5% de la superficie nationale. Ils se composent de 15 lacs couvrant une superficie de 180.000 Km2, des formations aquifères souterraines et au moins de 30 rivières, totalisant 20.000 km de berge et constituant une source de pêcherie inestimable et d'approvisionnement en poissons pour les populations313.

Le fleuve Congo qui a donné son nom au pays est le cinquième par son débit moyen, le plus important du globe, soit 50.000 m 3 / seconde à l'embouchure. Il présente, avec les affluents qu'il draine depuis sa source dans l'ex-province du Katanga, un potentiel énergétique énorme, soit 13% du potentiel mondial, réparti entre les barrages de Lukuga, Tshopo, Ruzizi, Zongo et surtout celui d'Inga sur le fleuve Congo, avec une capacité de 44.000 Mégawatts314.

Dans le territoire de Kalehe, le lac Kivu est la plus grande étendue d'eau. Au-delà de la variété végétale qu'on y trouve, il y a, comme détaillé ci-dessus, plusieurs matières premières susceptibles d'amplifier le développement.

1.4.2.1. Lac Kivu comme atout de développement du territoire de Kalehe

Un minimum de calme s'avère nécessaire lorsqu'on s'arrache de ces paysages bruyants et vertigineux. Ernest Hemingway soutenait que rien ne se repose mieux qu'un grand lac315, et la RDC en compte une quinzaine répartis à travers tout son territoire. Les plus importants, et sans doute les plus beaux, sont les lacs de montagne créés comme pour donner une leçon d'harmonie et de couleurs à quelques peintres de génie. A cette catégorie appartiennent le lac Tanganyika, 32.000 Km2, deuxième du monde pour sa profondeur (1.470 m) après le lac sibérien Baïkal ; le lac Kivu, le plus haut d'Afrique, puisque situé à

312 KAZUMBA K. TSHITEYA, A., cité par BYABUZE BADESIRE, P., Op.cit., pp. 151- 157.

313 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46.

314 BYABUZE BADESIRE, P., Op.cit., pp. 151- 157.

315 DIALLO, S., Le Zaïre aujourd'hui, Ed. Jeune Afrique, Paris, 1984, p.37.

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1.400 m d'altitude ; les lacs Edouard et Albert, reliés entre eux par le déversoir de la Semliki, et tous deux tributaires du Nil.

Le lac Kivu et la rivière Ruzizi dans certains groupements donne la possibilité de développer des activités de pêche et activer le développement du territoire. Malheureusement, pour des raisons multiples, elle n'est pas très valorisée.

En effet, la pêche et la pisciculture sont pratiquées comme des activités secondaires dans cette partie du territoire national. D'après nos enquêtes, aucun pêcheur ou pisciculteur ne vit exclusivement de la pêche ou de la pisciculture. Dans le territoire de Kalehe seule la pêche dans le lac Kivu est pratiquée alors que dans le Minova la pêche se fait en rivière dans 25% des cas et en lac dans 75% des cas. Notons que dans cette partie du territoire, une association locale (APROS/asbl), est en train d'expérimenter la pisciculture lacustre intégrée à l'élevage des porcs : cette association dispose des cages dans le lac, y met des alevins et les nourris avec du lisier316.

L'accès à un équipement de pêche adéquat reste un sérieux problème pour les pêcheurs dans le territoire de Kalehe. L'usage de filets maillants par certains pêcheurs crée souvent des conflits entre pêcheurs car la population pense que ce genre de filet compromet l'avenir de la pêche en capturant les alevins, ce qui diminue le taux de capture.

Les pisciculteurs ne sont pas formés sur les méthodes et techniques piscicoles et beaucoup se buttent au problème de manque d'alevins.

a. Couvercle permanent à 250 mètres

Au-delà de ce qui est décrit supra, le lac Kivu est aussi un lac méromictique. C'est-à-dire un lac dont les eaux de surface et les eaux profondes ne se mélangent jamais. Si ces eaux ne se mélangent pas, c'est principalement pour deux types de raison. Tout d'abord, leur profondeur et leur faible exposition aux vents, empêchant la convection par la force du vent d'y mélanger les eaux au-delà de quelques dizaines de mètres de profondeur. « Actuellement les eaux de surface, bien que plus froides, sont, en effet, moins riches en sel que les eaux profondes, développe François Darchambeau, chargé de recherche à l'Unité d'Océanographie Chimique de l'ULG et coéditeur de l'ouvrage317.

316 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46.

317 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.

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Les eaux profondes sont d'environ 2°C plus chaudes que les eaux de surface mais elles sont surtout beaucoup plus riches en sel (jusqu'à 6 grammes par litre). Cette richesse en sel joue sur la densité de l'eau et augmente considérablement l'énergie nécessaire pour provoquer un mélange complet des eaux du lac. Comme celui-ci se situe à 1400 mètres d'altitude, coincé au milieu d'une chaîne volcanique dont les sommets dépassent les 4000 mètres et bloquent donc partiellement les vents, cette énergie n'est pas présente. Ainsi, seuls les 60 premiers mètres du lac se mélangent régulièrement lors de chaque saison sèche. »318

Cette augmentation constante de la salinité avec la profondeur a deux origines. Premièrement, la sédimentation. « Les éléments qui se trouvent en surface se mettent peu à peu à couler. Une fois en dessous des 250 mètres, ces sédiments sont bloqués, ne peuvent plus remonter, comme s'il y avait un couvercle à cette profondeur. Ainsi, peu à peu, les eaux profondes s'enrichissent de tous ces éléments qui se trouvaient en surface, notamment des sels nutritifs. » Cet apport est dit biogénique. C'est-à-dire qu'il résulte de la sédimentation de matières biologiques, qui « meurent » et qui plongent dans les eaux profondes319.

Un deuxième apport en sel est géogénique, d'origine terrestre. A environ 250 mètres en dessous de la surface, le lac Kivu est alimenté par de l'eau de source probablement infiltrée dans des failles du sol d'origine volcanique. Cette eau est plus chaude. Elle devrait donc être moins dense par sa chaleur et remonter en surface. Mais elle est fortement chargée en sel. Sa densité est donc plus forte et elle plonge également.

b. Dangereux prisonniers des couches profondes

Ces eaux fortement concentrées en méthane sont une richesse potentielle considérable. Ce gaz peut, en effet, être utilisé comme combustible pour, par exemple, produire de l'électricité. Mais une telle quantité de gaz dissoute par la pression de l'eau profonde, ajoutée à celle encore plus importante du CO2, constitue également une véritable bombe à retardement et peut être dévastatrice.

Deux lacs camerounais contiennent également de grandes quantités de CO2 dissous, en bien moindre quantité toutefois que le lac Kivu. Le lac Monoun

318 Idem., pp. 51- 73.

319 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46.

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a connu une éruption gazeuse en 1984 et le lac Nyos, dont l'éruption date de 1986, a tué près de 2000 personnes320.

Une éruption limnique peut être provoquée de multiples manières. La première serait une accumulation et donc une concentration trop grande de gaz qui ne pourrait plus se dissoudre dans une eau déjà saturée et qui remonterait dès lors en grandes quantités à la surface sous forme de bulles. Une autre remontée éruptive de gaz pourrait également être causée par un déclencheur (comme une éruption volcanique, un glissement de terrain ou un tremblement de terre), qui créerait des vagues d'eau internes contenant des gaz dissous, eaux qui remonteraient à des pressions inférieures et libéreraient ainsi soudainement les gaz en sursaturation, à mesure que la pression hydrostatique baisserait.

Dans le cas du lac Kivu, la libération à la surface de l'entièreté du méthane et du CO2 actuellement dissous dans ces eaux créerait un nuage de gaz s'élevant jusqu'à plus de 100 mètres au-dessus du niveau actuel du lac. Ce nuage recouvrirait entièrement la région et, donc, entre autres les importantes villes congolaises de Goma et de Bukavu. Le nuage toucherait ainsi au minimum deux millions de personnes. Elles décèderaient soit par l'éruption elle-même, soit à cause du nuage de gaz. Outre sa toxicité directe, le CO2 étant plus lourd que l'air, celui-ci stagnerait au niveau du sol et chasserait l'oxygène vers le haut, asphyxiant toutes formes de vie aérobie, incluant donc les êtres humains321.

Cependant, le chercheur rassure d'emblée en stipulant qu'il ne sert à rien de tenir des propos catastrophistes. L'eau à 275 mètres de profondeur contient actuellement une concentration en gaz dissous de 50 à 60% de la saturation. Cette concentration augmente avec la profondeur mais la pression hydrostatique augmente également et autorise une plus grande quantité de gaz dissous322. Le point le plus critique se trouve à 275 mètres de profondeur. C'est là où, dans le cas d'une éruption gazeuse, les premières bulles pourraient se former. Une étude récente montre que la concentration en CH4 dans le lac aurait augmenté de 10 à 15% entre 1974 et 2004.

Malgré une certaine marge d'erreur, il est possible d'estimer à un siècle la période qui resterait avant que les eaux du lac n'arrivent à saturation. D'ici là, les eaux seront en grande partie dégazées par l'exploitation industrielle qui se sera sans doute mise en place. Actuellement, seul un événement majeur qui provoquerait une remontée des eaux d'une centaine de mètres pourrait

320 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.

321 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46.

322 Idem., pp. 35 -- 46.

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provoquer un dégazage naturel significatif. Et ces événements sont particulièrement rares. « A priori, la dernière éruption gazeuse du lac Kivu, selon l'étude des sédiments, remonterait à près de 5 000 ans », rassure le chercheur. Cependant, une baie située au nord-ouest du lac, à proximité de la ville de Goma, la baie de Kabuno, suscite-t-elle des inquiétudes plus immédiates. Aucune étude récente n'a, en effet, fait le point sur l'évolution des concentrations en gaz qu'elle peut contenir. Cette étude, urgente, devrait pouvoir se faire très prochainement323.

1.4. Du point de vue économique

La vie socio-économique des villages s'articule principalement autour des activités agro-pastorales, suivi par le petit commerce puis, dans une moindre mesure, de l'extraction artisanale de la tourmaline et de l'or. Bien que vivant en majorité de l'agriculture, la population connaît d'énormes problèmes conjoncturels. En effet, selon les agriculteurs, la production agricole a fortement diminué de par les mouvements de population chroniques et la présence d'hommes en armes.

De manière générale, 70-80% de la population hôte semblent tirer principalement leurs revenus de la vente des récoltes tandis que moins de 20% disposent de quelques têtes de bétail et vendent donc des produits d'élevage (viande et lait de vache)324. La population déplacée est quant à elle davantage orientée vers les activités journalières telles que les transports de marchandises (pour les petits commerçants) ou les travaux agricoles dans les champs d'un tiers. Les principales sources de revenus de la majorité de la population sont précaires car elles sont liées à des activités périodiques ou dépendantes non seulement de l'accès à la terre mais des échéances du calendrier agricole : vente de récoltes, transport de marchandises pour approvisionner les marchés ou les travaux champêtres.

En ce qui concerne l'accès à la terre pour des activités agricoles, notons qu'il est à la source de plusieurs conflits intercommunautaires. Plusieurs concessions sont entre les mains de quelques personnes et crée la frustration au sein de la population moyenne qui n'a pas accès à ces terres.

Cependant, il est possible de développer des activités économiques dans le domaine agricole pour déclencher le processus de développement espéré.

323 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46.

324 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.

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1.4.1. Commerce

Le territoire de Kalehe, pour son interconnexion et son ouverture aux pays voisins, donne la possibilité d'exercer de petits et grands commerces. Il peut s'agir de la vente en gros et en détail des produits agricoles, des produits manufacturés (le lait en poudre, le sucre, savons, eau minérale, etc.), de la vente des médicaments (pharmacie), de ventes des matériaux de construction (quincaillerie) et la vente des produits Bralima et autres. Le commerce est surtout développé dans la partie Nord (Mudaka, Miti, Kavumu et Katana) mais également vers le Sud (Mumosho et Nyatende)325.

1.4.2. Principales activités des PME/PMI

- Fermes et plantations locales

- Dépôt relais Bralima et autres boissons

- Dépôt des produits agricoles tels que le Manioc, l'Huile de palme, etc.

- Dépôt de ciment, dépôt de matériaux de construction (quincaillerie),

- Menuiserie, Tannerie, scierie et atelier de couture

- Les activités liées aux fermes et aux plantations sont les plus nombreuses.

On peut citer par exemple la ferme Mudumbi à Kavumu, la plantation

Kanonzi, la plantation Kidumbi de Kasaza à Mudaka, etc. Pour le dépôt

relais, on peut citer Tems et Baba Africa, tous à Mudaka.

Les activités liées à la tannerie permettent la fabrication de ceintures, des sacs, etc.

I.5. Du point de vue démographique ou humain

Le développement d'un milieu dépend en premier lieu des ressources humaines et naturelles (eau, pétrole, gaz, diamant, or, coltan, faune et flore, etc.).

C'est dans cette optique que Tabah nous démontre à travers les extraits de la déclaration de Mexico sur la population et le développement que pour être réalistes, les politiques, les plans et les programmes de développement doivent tenir compte des liens inextricables qui unissent la population, les ressources et l'environnement au développement326.

325 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46.

326 TABAH, L., « conférence Mondiale et Plan Mondial pour la population », in Dossier technique, UNESCO, n°5, 1985, pp. 3-6.

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Pour ce qui est de la population du territoire de Kalehe, elle est actuellement estimée à plus ou moins 752 571 habitants, avec une densité de 180 hab. /Km2 et se compose des autochtones pour peu d'étrangers. La grande majorité de la population est jeune et donne la possibilité au territoire d'avoir une main d'oeuvre jeune et capable de travailler à la hauteur de défis de développement à relever.

1.6. De l'organisation sociale

L'organisation sociale du territoire de Kalehe donne la possibilité de promouvoir le développement. Pour comprendre cela, nous avons cherché à savoir comment étaient organisés les villages ; comment était réparti le pouvoir au sein d'un village et si les villageois se regroupaient ou non pour exercer des activités communes.

Chaque entité est, d'une façon administrative, gérée par un chef de poste d'encadrement administratif qui représente l'administrateur du territoire. Chaque poste d'encadrement administratif compte plusieurs localités dirigées chacune par un chef de localité qui gère aussi les chefs de villages de sa juridiction. Ces derniers sont désignés de façon héréditaire.

On observe peu de travaux communautaires dans ce territoire, néanmoins il existe de petites activités organisées par certains groupes religieux qui essaient de venir en aide à leurs membres dans le cadre de l'entraide mutuelle et quelque fois aux autres membres de la communauté mais moyennant paiement de quelques frais au profit de la caisse de ladite organisation pour son fonctionnement.

Sections 2. Quelques obstacles au développement du territoire de Kalehe 2.1. Conflit entre originaires et non originaires

Dans le territoire de Kalehe les conflits de territoire et des terres opposent les groupes ethniques bien connus. Ce territoire est constitué de deux chefferies agrandies par l'administration coloniale, à savoir le Buhavu et le Buloho. La chefferie de Buhavu formée de sept groupements est officiellement reconnue et attribuée aux Bahavu. Sur les sept groupements ils en occupent trois, à savoir : Buzi, Mbinga Nord et Mbinga Sud. Les Bahavu sont à égalité avec les Batembo qui occupent trois autres groupements dont Kalima, Mubuku

129

et Ziralo. Le groupement de Kalonge est occupé par les Barongeronge. A la période postcoloniale, ces derniers avaient été détachés du territoire de Kabare pour être annexés à celui de Kalehe327.

Le chef Kalonge arborant tous les symboles du pouvoir traditionnel réclame l'autonomie et l'érection de son groupement en « chefferie » de Kalonge. La demande d'autonomie est source de tensions avec les Bahavu qui perdraient ainsi une partie du territoire, des contribuables et des marchés. Aussi, l'autonomie est-elle réclamée par les Batembo qui ambitionnent de reconstituer leur unité culturelle perdue à partir de 1945 de s'assurer le contrôle des ressources et leur développement. Ces derniers sont dispersés dans la province du Sud-Kivu et localisés dans la chefferie de Buhavu, dans le groupement de Kalonge, dans la chefferie de Nindja en territoire de Kabare et, enfin, à Luyuyu en territoire de Shabunda.

Dans la province du Nord-Kivu, les Batembo vivent à Ufamandu et Katoyi dans la chefferie de Batembo en territoire de Masisi et dans le groupement de Walowa Loanda en chefferie de Wanyanga dans le territoire de Walikale.

Le conflit de territoire entre Batembo et Bahavu est devenu ouvert en septembre 1999 quand le mouvement politico-militaire connu sous le nom de Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) occupait l'Est du pays. Pendant la rébellion contre le gouvernement central de Kinshasa, le RCD avait érigé à titre provisoire Bunyakiri en territoire par un arrêté départemental. L'existence définitive de ce territoire a été confirmée par un arrêté départemental du 22 juillet 2002. Ces modifications faisaient perdre aux Bahavu une zone importante d'influence, des sites miniers mais aussi la paix par la recrudescence des conflits interethniques entre groupes autochtones.

Enfin, les conflits interethniques sur fond territorial opposent le groupe de Banyarwanda (Batutsi et Bahutu) contre les Bahavu et Batembo dans les moyens et hauts plateaux en territoire de Kalehe. Ces conflits ont commencé sur fond de contestation de la nationalité des Bahutu et Batutsi qu'ils seraient des étrangers installés dans cette partie du territoire favorable à l'agriculture et à l'élevage de gros bétail328.

327 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46.

328 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46.

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A l'épineuse question de nationalité est venue se greffer la question foncière. Ces deux facteurs font que les Batembo et Bahavu nient le droit de nationalité et de contrôle des terres aux Banyarwanda car ils les considèrent comme des étrangers à part entière. Ils situent leur présence au Congo en 1959, jetant ainsi dans les oubliettes l'existence des chefferies traditionnelles des Bahutu et la Mission d'Immigration de Banyarwanda organisée par l'administration coloniale au Gishali et Jomba en 1936 au Nord-Kivu.

Les Banyarwanda rejettent ces allégations et disent qu'ils ont rompu tout lien d'attache avec le Rwanda et sont donc congolais ; leur nationalité étant pour ainsi dire reconnue et couverte par la constitution du 18 février 2006. Pour ces différentes raisons, ils exigent la révision des limites des entités héritées de la colonisation pour les constituer également en chefferie agrandie et leur reconnaître l'exercice effectif du pouvoir coutumier au même titre que les autres groupes ethniques établis au Congo. Ces revendications ont poussé le RCD à instituer les hauts plateaux de Buzi en chefferie et à confier sa direction aux Banyarwanda. Par cet acte, le RCD a envenimé les relations entre groupes ethniques locaux329.

2.2. Présence des groupes armés étrangers et militarisation des communautés locales

Les différents conflits militaires dans le Sud-Kivu ont favorisé l'émergence des milices (Mai-mai, Audacieux, Ngomino, Twirwanire, Batiri, Bakobwa, etc.) qui sont de véritables machines de destruction de la vie et des actions du développement. Cette logique est encouragée par les différentes ethnies et leurs enfants qui contribuent de manière consciente ou inconsciente à affaiblir l'Etat congolais et à alimenter l'instabilité politique par des revendications des territoires ethniques et de l'autochtonie. Ces revendications attisent les tensions sociales et alimentent les divisions : le travail de l'Etat congolais consiste à démilitariser les communautés et à initier des actions susceptibles de renforcer l'unité et la paix sociales330.

Qu'est-ce qui explique la militarisation des communautés locales dans le territoire de Kalehe ? Quelques éléments justifient cette réalité qui ne permet pas à ce territoire de déclencher un véritable processus de développement.

329 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.

330 Selon une enquête de PADEBU de juin 2007 menée auprès des acteurs locaux et des FDLR.

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2.2.1. Présence des groupes armés étrangers dans le territoire

Les conflits armés à l'Est commencent à partir du génocide rwandais en 1994. Dès lors, plusieurs mouvements politico-militaires s'installèrent à l'Est et plus particulièrement dans le territoire de Kalehe. Les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda constituent le plus important mouvement politico-militaire étranger encore présent à l'est de la RDC, une présence estimée de 6000 à 7000 combattants pour les deux Kivu et environ 2000 dans le seul territoire de Kalehe. Ce groupe armé est essentiellement composé de Hutus rwandais issus des ex-FAR, des Interahamwe et des populations civiles qui fuirent le Rwanda en 1994 suite à la progression foudroyante et irrésistible du FPR au lendemain du génocide331.

Outre les forces combattantes, les FDLR comptent plusieurs milliers de civils, communément appelés « dépendants », principalement constitués des femmes et enfants des combattants. Si les premières ambitions des mouvements mis en place par les Hutus rwandais étaient de renverser militairement le gouvernement rwandais pour y restaurer un pouvoir hutu, aujourd'hui les FDLR ne concentrent plus suffisamment de puissance militaire pour constituer une réelle menace pour le pouvoir en place à Kigali. Ils continuent toutefois de dénoncer ce régime comme « une dictature sanguinaire » et exigent comme condition à leur retour l'organisation d'un dialogue politique inter-rwandais qui devrait permettre aux membres du mouvement d'accéder à des postes politiques et militaires de responsabilité au Rwanda332.

A partir de là, après le démantèlement des camps de réfugiés, les ex-FAR et Interahamwe réorganisés en ALIR, deviendront à partir de 1998 les alliés de Laurent Désiré Kabila et des mouvements Maï-Maï dans la lutte contre la rébellion du RCD à l'Est du pays. Dans le territoire de Kalehe, l'ALIR et, ensuite, les FDLR cohabiteront et combattront aux côtés des éléments Maï-Maï de Padiri jusqu'en 2003, occupant avec ces derniers les vastes forêts et milieux ruraux du territoire, tandis que le RCD en contrôlait les centres urbains333.

A partir de 2003, avec les accords de paix et la mise en place d'un gouvernement de transition impliquant tous les belligérants, Maï-Maï y compris,

331 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.

332 Le Rapport final du Groupe d'experts du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 12 décembre 2008 (S/2008/773) relève plusieurs cas de livraisons d'armes et de munitions par des officiers FARDC au groupe PARECO (pp. 32-34).

333 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.

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les FDLR, qualifiés désormais de « forces négatives », occuperont la grande partie de l'espace abandonné par les Maï-Maï. Ils contrôlaient, c'est encore le cas dans certains coins du territoires, une vaste zone du territoire de Kalehe et de nombreux villages, dont les principaux sont Ngokwe, Kauma, Kaciri, Lai-Lai et Ramba dans le groupement de Mubugu ; Lumendge, Ekingi, Mangaa, Cinene et Bushibwambombo dans le groupement de Kalima ; Chibinda, Bugaru, Mutale dans le groupement de Kalonge et la forêt de Chinono, Chambombo dans le groupement de Ziralo ainsi qu'une grande partie du groupement de Musenyi en chefferie de Buloho. Les FDLR du territoire de Kalehe opèrent à partir de quatre bases principales dont Ekingi (groupement de Kalima), Ngokwe (groupement de Mubugu), Bugaru (groupement de Kalonge) et Chambombo (groupement de Ziralo)334.

Tous ces groupes armés ont tué, pillé et exploité les matières précieuses minérales et autres de la RDC. Les frustrations consécutives à leurs activités avaient amené certaines communautés à se militariser et à faire face à l'envahissement étranger. C'est le cas jusqu'aujourd'hui.

2.2.2. Les Patriotes Résistants Congolais (PARECO)

Créé dans le Masisi en mars 2007 à partir de différents groupes armés Hutu, Tembo, Hunde et Nande de Masisi, Rutshuru et Walikale, le PARECO est rapidement devenu l'un des groupes armés congolais les plus importants du Kivu (le troisième selon le rapport des experts du Conseil de Sécurité) et certainement le premier groupe armé congolais (GAC) du territoire de Kalehe335. Le PARECO s'y est implanté en deux temps : d'abord à partir de septembre 2007 dans certains villages du groupement de Ziralo (Lumbishi, Shandje et Chambombo) et ensuite dès 2008 sur l'ensemble de hauts plateaux de Kalehe.

Réunis sous la bannière de la lutte contre le CNDP de Laurent Nkunda, les miliciens du PARECO ont bénéficié de la collaboration et du soutien direct de certains officiers FARDC avec lesquels ils collaborèrent dans les affrontements contre le CNDP jusqu'en décembre 2008. Ces miliciens proviennent entres autres des groupes armés de Mugabo (un Hutu de Masisi qui est devenu le chef d'état-major du mouvement), de Lafontaine (un Nande de

334 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46.

335 Le Rapport final du Groupe d'experts du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 12 décembre 2008 (S/2008/773) relève plusieurs cas de livraisons d'armes et de munitions par des officiers FARDC au groupe PARECO (pp. 32-34).

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Rutshuru), de Limenzi (un Tembo de Remeka, dans le territoire de Masisi) et, enfin, de Bigembe (un autre Hutu de Remeka)336.

Toutefois, dans les hauts plateaux de Kalehe, le PARECO était composé exclusivement de Hutus rwandophones et est de ce fait considéré comme un groupe de défense des intérêts hutus par les autres communautés de Kalehe. Le PARECO est organisé en une division du Nord-Kivu et en une division du Sud-Kivu, elle-même constituée de deux « bataillons », celui du colonel Wegamiye, un ex-capitaine FARDC de la 15ème BI qui contrôle la partie Sud de hauts plateaux de Kalehe (Bushaku, Nyamugari et Nyawaronga) et celui du colonel Gwigwi qui contrôle la partie Nord de hauts plateaux (Shandje, Lumbishi, Ramba et Chambombo)337.

2.2.3. Les Mal-Mal Kirikicho

Il est une milice essentiellement composée des Batembo des groupements de Ziralo et Ufamandu (Walikale), groupements qui constituent les zones d'occupation du groupe. Ancien capitaine Maï-Maï de Padiri, Kirikicho, frustré par le grade de major qui lui fut attribué au moment de l'intégration des forces belligérantes en 2003, refusa de rejoindre les FARDC et préféra regagner la forêt de son groupement natal de Ziralo avec quelques-uns de ses éléments. De 2003 à 2005, Kirikicho et ses hommes étaient dans une phase d'organisation et de recrutement de telle sorte que les populations semblaient ignorer les motivations du groupe338.

Ce n'est qu'à partir de 2006 que Kirikicho commence à se faire connaître comme groupe armé congolais par les organisations locales de développement ainsi que par la 10ème Région Militaire FARDC (Sud-Kivu) : les acteurs de la société civile, d'une part, et des officiers FARDC, d'autre part, entrent alors en contact avec le groupe pour le sensibiliser au processus d'intégration dans les FARDC. Kirikicho accepte d'intégrer les FARDC à la mi-2007 et se regroupe avec ses combattants à Nyabibwe où il est récupéré pour être amené à la 10ème Région Militaire339.

336 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.

337 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46.

338 Le Rapport final du Groupe d'experts du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 12 décembre 2008 (S/2008/773) relève plusieurs cas de livraisons d'armes et de munitions par des officiers FARDC au groupe PARECO (pp. 32-34).

339 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.

134

Au-delà de la reconnaissance par la 10ème Région Militaire du grade de lieutenant-colonel, l'homme retourna en forêt avec ses hommes sous prétexte que ses doléances n'avaient pas été considérées par la 10ème Région Militaire, à savoir son remplacement à Ziralo par des militaires FARDC afin de protéger la population civile des exactions des FDLR, le paiement du solde de ses hommes, et enfin, la reconnaissance d'un grade supérieur. De son côté, la 10ème Région affirma qu'elle avait laissé Kirikicho retourner à Ziralo afin qu'il rassemble ses hommes et les amène tous au brassage mais ce dernier ne revînt jamais. Le groupe occupe depuis lors les forêts de Ufamandu et de Ziralo, son état-major étant basé à Biriko (Ufamandu) jusqu'en janvier 2009340.

Jusqu'aujourd'hui ces groupes armés oeuvrent dans le territoire de Kalehe et ne facilitent pas la tâche à cette entité pour déclencher le processus de développement. C'est à ce niveau que l'Etat congolais doit intervenir avec efficacité pour faire face à ces multiples menaces militaires.

2.3. Intégration mitigée des communautés par le territoire

Les cas étudiés révèlent que l'intégration par le territoire est partiellement une réussite pour les Babuyu, Barongeronge et Batembo. Ils se sentent en insécurité par rapport aux groupes majoritaires qui leur imposent une sorte de domination politique, économique et culturelle ; d'où les revendications d'autonomie territoriale. D'une part, les revendications vont dans le sens de réclamations de réparation de pouvoir, de partage de diverses ressources et de promotion de l'identité culturelle de chaque ethnie. D'autre part, et en cas de persistance des conflits interethniques, il s'agira de procéder à des enquêtes pour statuer sur les questions saillantes liées au regroupement des habitants et au démembrement des entités pour autonomie.

L'intégration par le territoire est une réussite totale pour les Babembe, Bafuliru, Bahavu et Bavira. La lutte contre la pauvreté rurale est indiquée pour les occuper. Pour les Barundi de la plaine de la Ruzizi, leur intégration par le territoire n'est pas irrésoluble. Leur entité est légalement délimitée et cadrée. Le rôle de l'Etat consiste à faire cesser les ambitions hégémonistes et les

340 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46.

135

contestations de leurs voisins au sujet de l'existence du pouvoir coutumier et de la chefferie agrandie des Barundi341.

Retenons que la question de l'intégration mitigée est à la base de plusieurs conflits interethniques, même armés. Il est, d'ailleurs, la question principale qui se pose au niveau national et qui, jusqu'à nos jours, reste encore énigmatique. Pour répondre à cette problématique, plusieurs options sont proposées. Il y a ceux qui pensent que pour répondre à cette question, il faut procéder par l'approche multiculturaliste. C'est-à-dire, l'Etat doit mettre en place, en collaboration avec les communautés locales, un mécanisme qui consistera à amener les différentes communautés à vivre avec les différences que proposent d'autres communautés. C'est-à-dire vivre dans une société multiculturelle. Cette approche met l'accent sur la tolérance mutuelle que doivent développer les différentes communautés qui sont obligées de vivre ensemble.

D'autres, en revanche, proposent-ils une approche assimilative.

Cette approche responsabilise plus l'Etat qui a la noble mission de rassurer, que cela se réalise sur les plans sécuritaire, économique et sanitaire pour toutes les communautés, minoritaires ou majoritaires. En effet, pour cette approche, l'Etat doit imposer un style de vie qui oblige toutes les sociétés à vivre ensemble et dans l'harmonie. C'est cette approche qui était utilisée sous la deuxième République par le Président Mobutu, qui, pour la cohérence et la concorde nationale, avait opté pour la politique de gouvernance des non originaires. Notons, cependant, que cette approche est contestée par d'autres auteurs. Par exemple Mulambu Mvuluya qui pense que l'approche assimilative est vouée d'avance à l'échec parce qu'elle ne touche pas l'âme de la population. Celle-ci, par crainte de répression, peut obéir en faisant semblant de vivre ensemble mais quand l'occasion se présente elle succombe.

Enfin, il y a l'approche circonstancielle. D'après cette approche, l'intégration est liée aux événements. Il y a des circonstances qui obligent les peuples à vivre ensemble et à se surpasser. Par exemple les guerres, les calamités naturelles et tant d'autres événements qui peuvent provoquer l'intégration spontanée.

341 Le Rapport final du Groupe d'experts du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 12 décembre 2008 (S/2008/773) relève plusieurs cas de livraisons d'armes et de munitions par des officiers FARDC au groupe PARECO (pp. 32-34).

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En ce qui concerne le territoire de Kalehe, l'intégration n'est pas encore effective et, à ce niveau, son absence est à la base de toutes les tensions intercommunautaires observées à ce jour.

2.4. Conflits fonciers

Le genre de conflits que nous analysons ici oppose des voisins propriétaires de terres situées en territoire de Kalehe. Il s'agit d'une région qui compte une population évaluée à 752 571 habitants que l'UNESCO classe dans la catégorie de régions faisant partie du patrimoine mondial de l'humanité. Par sa position stratégique, ses terres fertiles, le territoire de Kalehe continue de faire l'objet d'un accaparement de terres. Cette situation est au centre de tensions, voire de conflits entre communautés et agents du cadastre foncier et pouvoir coutumier342.

Précisons que le territoire de Kalehe est certes un site urbano-rural et peuplé par des paysans agriculteurs mais des centaines de personnes y vivent et y ont acheté des terres. L'intérêt pour ce site a commencé en 1994 lors de l'entrée massive des réfugiés. Cependant, notons que la migration rwandaise commence déjà à partir des années soixante quand il y a eu des mouvements migratoires des Hutu vers les hauts plateaux. Pendant cette période, la population locale n'en faisait pas un problème parce que l'actuel haut plateau de Kalehe était considéré par les autochtones comme un lieu non habitable. Il faisait trop froid et les conditions de vie étaient très difficiles. Plus tard ces derniers vont se rendre compte que l'ensemble de leurs richesses étaient sur le lieu qu'ils ont cédé aux nouveaux venus pour s'y installer. Ces envahisseurs, d'après nos enquêtés, en tirent plus de profit que les peuples autochtones et ne partagent pas les bénéfices avec d'autres peuples pourtant véritables propriétaires de terres disponibles.

Au-delà de cette revendication, les populations locales se rendent compte que la grande partie de leurs terres, héritage des aïeux, est entre les mains d'une minorité, de surcroit étrangère. Cette dernière exploite ces terres et deviennent de plus en plus riches tandis que les bas peuples vivent dans une misère extrême.

En effet, pour la coutume locale, les terres appartiennent au Mwami. Le seul pouvant en confier le droit de jouissance aux gens qui lui en expriment

342 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.

137

le besoin. Le mode d'acquisition est régi par des procédures coutumières dont les plus importantes sont343 :

- Le KALINZI : c'est un prix payé pour le droit d'utilisation de terres. Ce prix est toujours exigé en nature, généralement en vaches ou en chèvres. L'acquisition de ces terres reste par héritage ;

- Le BWASA : pour ce contrat, l'exploitant agricole prend la terre en location (champ) auprès d'un autre cultivateur pour une courte durée. Cette localisation se fait aussi en nature et ne fait pas partie de l'héritage, seules les cultures vivrières étant concernées.

Notons qu'en Mbinga-Sud, le système de Kalinzi n'est plus prise en considération par le simple fait qu'il y a vente des plantation à des privés par l'Etat, par exemple à la PHARMAKINA, au comité Anti Bwaki, etc.

Tous les cultivateurs appliquent le système de Bwasa pendant une saison renouvelable avec une mesure appelée « piquet » de 50m2 et cela moyennant quelque chose comme gage.

Au niveau du territoire, il y a le système de cadastre qui a vendu officiellement des parcelles avec contact sans tenir compte de la coutume. Cette façon de faire est également au centre des conflits fonciers et ne facilite pas un bon climat de collaboration entre le pouvoir coutumier et l'Etat qui est considéré par les autochtones comme corrompu et complice de l'injustice sociale observée dans le territoire de Kalehe.

2. 4. Fragilité de l'Etat

La résurgence des conflits de territoire est une résultante de la fragilité de l'Etat congolais. À ce propos, l'élite de Banyamulenge note dans son document que l'Etat est entièrement responsable de la dégradation de la situation sur ces conflits naissants pour n'y avoir pas apporté des solutions appropriées en temps utiles. Quand son autorité sera restaurée, l'Etat congolais devrait afficher une position nette à ce sujet et initier un programme de lutte contre la pauvreté et d'éducation à la paix sociale344.

Cependant, les cas analysés montrent qu'ils continuent à exister sur le plan anthropologique et sociologique. Les groupes ethniques territorialisés ou non à l'époque coloniale continuent à se définir par rapport à l'espace

343 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46.

344 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46.

138

identitaire, à s'affirmer et à réclamer les appartenances aux territoires ethniques. Ces appartenances, affirmations et revendications des territoires primaires ou culturels constituent les identités territoriales qui sont à la base des conflits entre les groupes ethniques au Sud-Kivu. Elles opèrent selon quatre modalités stratégiques, à savoir345 :

- La pratique d'autodéfense du territoire étatique par la formation des

milices, la transmission aux générations futures par la socialisation ; - La justification de l'existence antérieure à l'espace par un discours de

légitimation ;

- La négation et l'exclusion du groupe ethniques voisin.

Notons que les identités territoriales opèrent sur base du principe de négation et d'exclusion du groupe ethnique voisin. Les groupes ethniques en conflits se définissent et s'identifient à un espace bien délimité par la puissance publique, ils le privatisent et s'en approprient dans le contexte de fragilité de l'Etat congolais pour nier l'occupation et l'existence antérieures de la partie adverse sur l'espace avant la colonisation. La négation et l'exclusion provoquent des conflits de territoire. Les cas étudiés sont autant des illustrations à ce sujet.

En effet, les identités territoriales s'expriment en termes de légitimation. Chaque groupe ethnique cherche à justifier son existence antérieure à la colonisation sur l'espace disputé. Le discours de légitimation qu'il tient, nie l'histoire de la réorganisation territoriale et administrative que le territoire primaire a subie au fil des années. Ce discours magnifie les qualités du territoire ethnique et lui attribue les propriétés d'un espace d'existence propre. C'est de cette façon que le discours d'exclusion devient une source des conflits de territoire en distinguant les originaires et les non originaires, les autochtones et les allochtones. Ces catégories conceptuelles voilent les enjeux de nationalité et d'organisation politique à base coutumière (pouvoir coutumier)346.

En définitive, les ethnies dans ces différents territoires se disputent le territoire qui relève de la souveraineté de l'Etat congolais. Elles entrent en conflit pour les enjeux géopolitiques dont l'autonomie, le territoire, les ressources, le pouvoir qui sont autant des facteurs qui motivent la revendication du remembrement ou du démembrement : deux modalités reconnues uniquement à l'Etat congolais par la constitution citée plus haut.

345 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.

346 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46.

139

Section 3. Enjeux de développement de Kalehe 3.1. Enjeux Politiques

La guerre chasse les capitaux, dit-on. C'est-à-dire on ne peut pas envisager le développement sans paix. Voilà pourquoi sur le plan politique, les acteurs doivent se concerter pour chercher une paix durable. Et au centre de cette concertation, il y a la justice. Mais malheureusement les enjeux politiques, motivés par l'égoïsme de la population, ont toujours été au coeur du maintien ou de la création des groupes armés.

La conférence de Goma et le lancement du programme Amani en janvier 2008 ont renforcé de manière accrue les gains politiques et économiques qu'il était possible d'obtenir de la part des leaders des groupes armés congolais. En les incluant au sein des discussions politiques d'envergure qui leur confèrent une légitimité nouvelle et plus particulièrement encore en définissant des critères précis (tels que le nombre d'hommes) qui justifieront les gains politiques (tels que la reconnaissance des grades) offerts aux leaders de groupes armés en échange de leur intégration, le programme Amani participa malgré lui à une redynamisation de fait de ces mouvements347.

Par exemple dans le territoire de Kalehe, alors même qu'ils s'engageaient officiellement à désarmer et à intégrer l'armée nationale, se sont depuis lors lancés dans une course au recrutement de nouveaux combattants, ciblant les démobilisés et les jeunes (sinon des enfants) des entités sous leur contrôle mais aussi en dehors de celles-ci. Toujours dans l'objectif d'augmenter leur capacité de pression et de négociation au sein du programme Amani, ils initièrent de nouvelles stratégies telles que la négociation de nouvelles alliances entre groupes armés, l'intégration de certains groupes armés réduits en termes d'effectifs au sein d'autres groupes, tentatives d'expansion du territoire sous leur contrôle. Le territoire de Kalehe qui n'abritait plus qu'une seule milice congolaise, celle de Kirikicho, cette redynamisation de groupes armés aura concerné pas moins de cinq groupes armés dans Kalehe depuis mars 2008, à savoir les Maï-Maï Kifuafua, les Maï-Maï Kirikicho, les Maï-Maï Sido, les Maï-Maï Simba et le Pareco348.

Cette réalité va impacter sur la situation sécuritaire du territoire de Kalehe. L'Etat congolais, pour répondre à cette problématique, a initié d'autres

347 Idem., 35 À 46.

348 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.

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cadres de concertation avec les groupes armés afin d'amener la paix. Tel est le cas de la négociation de Nairobi et tant d'autres. Malheureusement, la tension reste la même et les groupes armés ne cessent d'abuser de tout, de tuer et piller la population civile.

Nadine Abemba349 pense que le véritable enjeu consiste à détacher la partie orientale de la République et à mettre tout ou partie du Kivu et de l'Ituri sous tutelles étatiques rwandaise et ougandaise. Il s'agirait, à travers le morcellement de l'Est de la RDC, d'arriver à opérer l'anéantissement du pays et de restructurer les territoires étatiques connus et reconnus à la conférence de Berlin en 1885 et celui de la colonie belge. Tel est l'objectif stratégique des guerres de l'Est avec leurs prolongations actuelles. Les résultats d'autres guerres (civiles, ethniques, luttes pour la démocratie, etc.) constituent des compléments intermédiaires et collatéraux.

Malheureusement pour tous ceux-là, les populations locales restent farouchement attachées à leurs terres et sont capables de se défendre jusqu'au sacrifice suprême. En effet, l'occupation de terres et leurs conséquences dans la sous-région de Grands lacs africains ont une grande importance dans la mémoire collective de populations pour qui la terre est le seul moyen de production et la seule richesse ; de même qu'elle est source de vie. Il n'existe aucune autre catégorie de la population qui comprend ces vérités avec les mêmes sentiments.

Il y a aussi une autre vérité que nos populations ont intégrée dans leur conception de la terre et que l'on retrouve au niveau des Etats-Nations au lendemain des guerres mondiales. Il s'agit de cette relation existentielle entre l'homme ou un groupe d'hommes avec la terre, le sol. L'homme confirme son existence et son identité par rapport au sol qu'il occupe depuis toujours, au sol qui le nourrit et le fait respirer. Dans les sociétés traditionnelles africaines la famille, le lignage et le clan n'existent socialement que par rapport à la terre dont ils sont propriétaires ou non. C'est pour ainsi dire la raison pour laquelle, dans un espace géographique donné, tout le monde est propriétaire d'un morceau de terre, à l'exception des étrangers. On comprend dès lors pourquoi, en Afrique, on est prêt à mourir pour la sauvegarde de son droit foncier et territorial.

349 ABEMBA FATUMA, N., « Guerre au centre-Est de la RD Congo : de l'immigration corrosive à l'immigration érosive. Esquisse d'une théorie ou d'une culture de résistance populaire », in Analyses Sociales, Laboratoire d'Analyses Sociales de Kinshasa, Numéro spécial Juin 2021, pp. 287 À 294.

141

La légitimité de celui-ci est confirmée par la mondialisation, au niveau des nations, en Occident et partout ailleurs. Les deux dernières guerres mondiales n'avaient d'autre objectif stratégique que la conservation et même l'extension de l'espace territorial. Aujourd'hui, ne peuvent être reconnus comme membres de l'Organisation des Nations Unies que les propriétaires d'un espace territorial déterminé, connu et reconnu.

À cette question la thèse de Nadine Abemba350 est que les guerres de l'Est de la RDC ont été inspirées par la nécessité de la résistance pour conserver les terres face à la menace d'occupation étrangère. Cela résulte du fait qu'il ne s'agit pas seulement d'une lecture des faits matériels qui disent leurs vérités par leur seule matérialité objective. Celle-ci a eu le temps d'être prise en charge par la conscience collective et individuelle ainsi que par un discours tout aussi collectif qu'individuel invitant à la résistance contre l'envahisseur étranger.

Devant cette réalité, l'Etat congolais a l'obligation de mettre en place des mécanismes pouvant faire régner la paix. Face aux communautés locales, encourager les uns et les autres à se supporter mutuellement et à la communauté internationale à agir en conséquence en fonction des enjeux et défis présents.

3.2. Enjeux Economiques

L'Est de la République Démocratique du Congo, particulièrement le territoire de Kalehe, est très riche en minerais et autres richesses décrits ci-dessus. Ces ressources, d'après certains auteurs, sont à la base des conflits armés où chaque acteur, national ou international, cherche à tirer profit. De l'autre côté, nous avons l'Etat congolais, le propriétaire naturel, parce que le sol et le sous-sol lui appartiennent, cherche à protéger ses ressources tant sollicitées et enviées par tous.

Par exemple, pour leur survie les groupes armés contrôlent un certain nombre de ressources locales qui leur permettent de financer leurs activités, voir s'enrichir matériellement. Et ces ressources locales font parfois l'objet de discussion entre eux. En effet, le contrôle de ressources économiques locales du territoire de Kalehe est, en effet, l'objet d'une compétition permanente entre communautés, groupes armés et certaines forces invisibles qui agissent quotidiennement pour avoir de l'influence sur cette partie du territoire national. D'ailleurs, ces ressources déterminent largement la localisation des positions

350 ABEMBA FATUMA, N., Op.cit., pp. 287 À 294.

142

occupées par les différents groupes armés et les zones de tensions. Il arrive également que certains groupes armés contrôlent certains marchés et s'arrangent entre eux sur les modalités de perception et de partage de recettes provenant des taxes imposées sur les transactions commerciales et sur l'accès au marché. Tout cela, au détriment de la population locale qui, jusqu'aujourd'hui, demeure dans une extrême pauvreté.

Devant cette réalité qui laisse les populations dans la confusion totale et boycotte l'avenir du pays, l'Etat congolais a l'obligation de faire régner la paix par tous les moyens à sa disposition. Car, il n'y a pas de développement sans paix, affirme-t-on. Il doit également rassurer toutes les communautés, minoritaires et majoritaires, afin d'éviter toute sorte de tensions entre elles. Pour y parvenir, la justice sociale doit être de mise partout.

3.3. Stratégiques (sécuritaires)

Comme nous venons de le démonter, l'insécurité est l'ennemie du développement. L'Etat congolais a alors l'obligation de tout faire pour imposer la paix afin de parvenir au développement attendu par tous.

En effet, les enjeux du maintien de la sécurité et de la protection des populations constituent, tel que décrit dans la constitution, une préoccupation centrale de l'Etat. Cependant, l'Est de la RDC en général, le Territoire de Kalehe, en particulier, étant une zone au monopole éclaté, les groupes armés, pour légitimer leur action, tienne également les mêmes discours et autour desquels les différentes forces en présence peuvent, soit collaborer, soit s'opposer.

Par exemple, les groupes armés entendent, en effet, protéger leurs populations contre différentes menaces extérieures, mais proches, que constituent le M23, les FDLR, les autres groupes armés communautaires, l'indiscipline de certains éléments FARDC ou simplement le banditisme. D'une manière générale, lorsqu'un incident sécuritaire se produit dans la zone, tel qu'un pillage, par exemple, un assassinat ou un viol, les forces en présence doivent se montrer face aux populations, du moins concernées, et tenter (éventuellement de manière remarquable) d'en réprimer les autres351.

À partir de ce principe, plusieurs logiques peuvent se mettre en branle à l'intérieur même d'un groupe armé comme entre les différents groupes armés

351 ABEMBA FATUMA, N., Op.cit., pp. 287 À 294.

143

concernés par un incident sécuritaire. Ainsi, par exemple, au début 2008, lorsque des FDLR incontrôlés semèrent la panique parmi les populations de Musenyi en se rendant coupables de pillages, le commandant du Groupe FARDC insista directement auprès du major Guillaume (FDLR) pour que ce dernier rétablisse la discipline parmi ses hommes. Une opération FDLR, à laquelle un officier FARDC prit part en tant qu'observateur, fut alors lancée par Guillaume au mois de mars 2008, ce qui permit de démanteler le groupe d'incontrôlés et rétablir la sécurité à Musenyi352.

Au demeurant, la guerre à l'Est de la RDC est une face à deux réalités. D'un côté, elle est l'expression de l'envahissement des forces étrangères et de l'autre, l'expression de la résistance populaire. L'enjeu des envahisseurs est l'obtention de la balkanisation tout en pillant les ressources locales. Et, pour y parvenir, ils appliquent la politique du chao généralisé. C'est-à-dire, créer plusieurs zones de tensions afin de déplacer les populations locales qui souffrent et périssent dans ces conflits armés. Face à cette réalité, l'Etat doit mettre en place des stratégies militaires et idéologiques pour défendre son territoire national menacé depuis 1994.

Il y a aussi la résistance populaire qui commence avec la révolte de Batetela de 1892-1900, le mouvement Watch Tower (KITAWALA) de 1961, le Phénomène Mulele-Maï de 1963-1964 et, enfin, les Maï-Maï des années 19962000. Tous ces mouvements ont constitué de véritables boucliers de résistance contre les menaces venant de l'extérieur. La présence durant un demi-siècle des arabo-swahili à l'Est du pays, les deux révoltes des Batetela des années 1890, de même que l'ouverture du territoire congolais au Watch Tower ainsi que la naissance de l'église Kimbanguiste, tout cela a construit l'héritage de la résistance des communautés autochtones de l'Est de la RDC353.

C'est cet héritage de résistance qui a rendu effective l'intervention des Maï-Maï avant l'Accord global et inclusif de Pretoria, une des ressources pour barrer la route à l'envahisseur et pour préserver les terres ancestrales. L'Etat congolais, au-lieu de faire la guerre à ces résistants volontaires doit plutôt les encadrer et les intégrer pour résister à la guerre d'agression.

352 Le Rapport final du Groupe d'experts du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 12 décembre 2008 (S/2008/773) relève plusieurs cas de livraisons d'armes et de munitions par des officiers FARDC au groupe PARECO (pp. 32-34).

353 ABEMBA FATUMA, N., Op.cit., pp. 287 À 294.

144

3.4. Cohabitation entre groupes et forces armés, autorités et

populations

Le maintien fragile des équilibres sécuritaires du milieu, les dynamiques qui lient les différents groupes et différentes forces armés entre eux ainsi qu'aux autorités locales et aux populations, se déploient autour de trois types d'enjeux spécifiques, à savoir les enjeux sécuritaires, les enjeux économiques et les enjeux politiques. Ces enjeux se situent au coeur de l'exercice du pouvoir qui se voit de facto partagé de manière toujours provisoire, fragile et précaire par cette pluralité d'acteurs et de forces en présence. La détention d'armes et le recours à la violence ayant depuis longtemps acquis un rôle prépondérant dans ces équilibres, illustrent la manière dont la violence peut surgir lorsque les relations entre groupes armés en viennent à se tendre et à se rompre autour de la gestion de ces enjeux dans le territoire de Kalehe.

354 PAUL N'DA, Méthodologie de la Recherche de la problématique à la discussion des résultats. Comment réaliser un mémoire, une thèse d'un bout à l'autre, EDUCI, Abidjan, 2006, p. 100.

145

Chapitre IV

POUR LA PAIX ET LE DEVELOPPEMENT DURABLE A KALEHE

Comme l'indique son intitulé, ce chapitre met en lumière quelques actions pouvant concourir à l'instauration de la paix dans le territoire de Kalehe, car elles sont susceptibles de résoudre les causes racines à l'origine des conflits et leurs conséquences alors que ceux-là (conflits) sont en grande partie à la base de l'insécurité et même du sous-développement qui caractérise ce pays. C'est dire que ce chapitre propose des mécanismes susceptibles de contribuer à l'éradication des facteurs qui entraînent l'insécurité et l'absence de la paix dans ce coin du Sud-Kivu. Puisque la paix est avant tout un gage de développement. Le fait est que sans la paix, c'est difficile pour la population de vaquer à ses occupations et conjuguer des efforts pour impulser des mutations positives dans ce territoire. En plus, l'absence de la paix ne facilite pas la croissance de la production et les échanges alors que la croissance est une étape essentielle du développement.

SECTION 1. PRESENTATION DES DONNEES DE L'ENQUETE §.1. Description du milieu, de la population et de l'échantillon

1.1. Milieu

Les recherches qui se font en dehors du laboratoire prennent le nom d'études en milieu naturel ou sur le terrain. Le chercheur doit alors préciser les caractéristiques du milieu où l'étude sera conduite354. Ça permet aux lecteurs d'avoir une idée du milieu sur lequel l'auteur a fait ses investigations, parce que chaque milieu à ses éléments particuliers qui peuvent d'une manière ou d'une autre influencés les résultats de l'enquête.

En ce qui concerne notre milieu d'étude, nous l'avons déjà précisé ci-dessus. A titre de rappel, le territoire de Kalehe. A ce qui concerne ses caractéristiques, nous les avons largement détaillées supra.

146

1.2. Population

C'est une collection d'individus (humain ou non), c'est-à-dire un ensemble d'unités élémentaires (une personne, un groupe, une ville, un pays) qui partagent des caractéristiques communes précises par un ensemble de critères. Les critères peuvent concerner par exemple l'étendue, l'âge, le sexe, la scolarité, le revenu, etc.355

La population dans l'analyse statistique c'est le groupe d'individus dont l'étude est destinée afin de comprendre leurs points de vue, leur sentiment, leur perception, ... sur tel ou tel autre sujet qui intéresse le chercheur. Celle-ci peut être saisie individuellement ou en groupe, tout dépend de la technique utilisée par le chercheur hanté par la compréhension du phénomène nouveau ou de la nouvelle manifestation du phénomène.

En ce qui concerne cette étude, notre population est composée des sujets ressortissants du territoire de Kalehe présents à Kinshasa et au territoire de Kalehe.

1.3. Choix de l'échantillon

Nous attendons par échantillon, le groupe d'unité que nous avons choisi et qui sera étudié au cours de notre enquête. Autrement dit, il s'agit d'un nombre limité d'unités, supposé être représentatif de l'ensemble du phénomène examiné. Pour le cas d'espèce, il s'est agi pour nous de privilégier l'échantillon par quotas compte tenu de la composition de notre population à deux strates qui sont les chefferies de Buloho et Buhavu. Le choix de nos enquêtés répondait également à un certain nombre de critères vu que la majorité de la population sur terrain n'avait pas la maitrise des questions sur le développement, la paix et le conflit. Voilà pourquoi les variables ci-après étaient au rendez-vous : l'âge, le niveau d'études, la nationalité et le sexe.

La méthode choisie pour établir notre échantillon était la méthode non probabiliste. En effet, la méthode non probabiliste nous amène à distinguer au départ de l'analyse entre sondage au hasard et sondage par choix raisonné. Certains auteurs comme Théodore Caplow considèrent comme faut tout échantillon qui n'est pas soumis aux lois de calcul de probabilité.

355 PAUL N'DA, Op.cit, p. 101.

147

L'échantillonnage par choix raisonné ou échantillonnage qui se fait par la méthode de quota en est l'exemple. Si cette technique d'échantillonnage par choix raisonné est souvent utilisée par le chercheur, c'est parce qu'elle induit la subjectivité du choix de l'échantillon, laquelle subjectivité interdit toute mesure d'erreur ou d'incertitude356.

Ensuite, un quota au sens habituel est une quote-part, un pourcentage, une fraction d'un ensemble. C'est parce que la méthode de quota consiste précisément à choisir un échantillon qui soit la plus fidèle représentation possible de la population compte tenu du fait que la réparation de la population selon telle ou telle caractéristique est déterminée d'avance de manière suffisamment précise357.

1.4. Unité d'analyse

Par unité d'analyse, nous entendons le type d'entité que l'on désire enquêter au moyen de l'enquête358. Dans cette étude, l'unité d'analyse a porté essentiellement des notables et des élites intellectuelles du territoire de Kalehe, étant donné que la majorité de la population reste, jusqu'à la preuve du contraire, incapable de répondre à nos questions.

SECTION 2. PRESENTATION ET INTERPRETATION DES RESULTATS DE L'ENQUETE

Dès l'entrée du jeu, nous devons souligner que, dans le souci de répondre à l'exigence de diversification des points de vue et de la fiabilité des informations étant donné que la population sous-étude fait preuve d'un grand nombre avec une composition à deux pôles (les deux chefferies qui composent le territoire de Kalehe), notre échantillon a été composé de 160 sujets, ressortissants du territoire de Kalehe.

356 KATUNDA MUNDUNDU, J., Refondation de l'Etat après MOBUTU. Implication de la communauté internationale, Thèse de Doctorat, SPA, FSSAP, UNIKIN, 2015, p. 378.

357 KATUNDA MUNDUNDU, J., Op.cit, p. 378.

358 Idem

Le taux de répartition de nos enquêtés selon les tranches d'âge

18%

11%

5%

26%

39%

De 40 à 40 ans De 40 à 50 ans De 50 à 60 ans De 60 à 70 ans De 70 à 80 ans De 80 à 90 ans

148

Tableau n°1 : Identification de nos enquêtés selon les tranches d'âge Item n°1 : Quel est votre âge ?

L'âge des enquêtés

Fréquence

Pourcentage

1.

De 30 à 40 ans

62

39

2.

De 40 à 50 ans

42

26

3.

De 50 à 60 ans

28

18

4.

De 60 à 70 ans

18

11

5.

De 70 à 80 ans

8

5

6.

De 80 à 90 ans

2

1

 
 

TOTAL

160

100

Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023.

Il ressort de ce tableau les informations selon lesquelles 62 sujets équivalent 39% de 160, soit 100%, sont de la tranche d'âge de 30 à 40 ans, 42 soit 26% de nos enquêtés sont de la tranche d'âge de 40 à 50 ans, 28 soit 18% sont de la tranche d'âge de 50 à 60 ans, 18 soit 11% sont de la tranche d'âge de 60 à 70 ans, 8 équivalent 5% sont de la tranche d'âge 70 à 80 et en fin 2 soit 1% sont de la tranche d'âge de 80 à 90 ans.

La figure ci-dessus donne des explications plus détaillées de ce

tableau.

Figure N°1 : le taux de répartition de nos enquêtés selon les tranches d'âge

Il se dégage de ce tableau les informations selon lesquelles 70 de nos enquêtés, soit 43, 75 % de 160 enquêtés soit 100% de nos enquêtés, sont les

149

La population du territoire de Kalehe est à grande partie constituée des jeunes. Selon les informations recueillies, plus de septante pourcents des ressortissants du territoire de Kalehe auraient moins de trente ans. Ce qui fait que la grande partie de nos enquêtés font partie de la tranche d'âge trente à quarante ans. Cette catégorie sera suivie de celle allant de quarante à cinquante ans. Justement, parce que la plupart d'élites intellectuelles sont dans ce panier. Par contre, la tranche d'âge cinquante à soixante a un nombre aussi remarquable parce que la majorité des notables sont dans cette catégorie. Les tranches d'âge soixante à septante ans et septante à quatre-vingt ans sont constituées des notables qui maitrisent la culture et histoire du territoire de Kalehe.

Cependant, les enquêtés de la dernière tranche d'âge ont été faiblement représentés dans l'échantillon (1,25 %) parce que nous éprouvions des difficultés pour les contacter. C'est parmi eux que nous entendions avoir des témoignages vivants sur l'évolution de ce territoire.

Tableau N°2 : Identification de nos enquêtés selon leur sexe Item n°2 : Le sexe des enquêtés.

Le sexe de nos enquêtés

Fréquence

Pourcentage

1.

Féminin

8

5

2.

Masculin

152

95

 
 

TOTAL

160

100

Source : nos enquêtes su terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023

Dans ce tableau, il se dégage des informations selon lesquelles 8 soit 5% de 160 soit 100% de nos enquêtés appartiennent au genre féminin. Et, 152 soit 95% de nos enquêtés appartiennent au genre masculin.

Tableau N°3 : Identification des enquêtés selon leur chefferie respective Item n°3 : Quelle est votre chefferie ?

Différentes chefferies qui
composent le territoire de Kalehe

Fréquence

Pourcentage

1.

Buloho

70

43,75

2.

Bahavu

90

56, 25

 
 

TOTAL

160

100

Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023.

150

ressortissants de la chefferie de Buloho et 90 sujets soit 56, 25 % de nos enquêtés sont les ressortissants de la chefferie de Bahavu. Pourquoi ce déséquilibre du nombre, c'est parce que la chefferie qui est située le long du lac Kivu, est la plus peuplé de Kalehe.

Tableau N°4 : Identification de nos enquêtés par rapport à leur niveau

d'études

Item n°4: Quel est votre niveau d'études ?

Niveau d'études de nos
enquêtés

Fréquence

Pourcentage

 

Diplôme d'Etat

16

10

 

Gradué

34

21, 25

 

Licencié

100

62, 5

 

Diplôme d'études Supérieures

5

3, 125

 

Docteurs en thèse

5

3, 125

 

TOTAL

160

100

Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023.

Comme nous pouvons lire dans ce tableau, 16 de nos enquêtés, soit 10% de 160 qui est le nombre total de nos enquêtés, sont diplômés d'Etat, 34 équivalent de 21, 25 % sont gradués, 100 soit 62, 5 % ont une licence, 5 soit 3, 125 % sont doctorant et, enfin, 5 équivalent toujours de 3, 125 ont une thèse de doctorat. La figure ci-dessous donne une explication plus détaillée de ce tableau.

151

Figure N°2 : Identification des enquêtés selon les niveaux d'études

120

100

40

80

60

20

0

Diplômés d'Etat

Gradués Licenciés Doctorants Docteurs en

Thèse

Fréquence Pourcentage

La grande partie de notre échantillon est constituée des jeunes qui sont des Licenciés. Le mobile explicatif de ce déséquilibre est que la majorité des intellectuelles du territoire de Kalehe sont des licenciés. Suivis de gradués qui sont aussi nombreux et qui nous ont été utiles pendant la production des données, parmi lesquels certains notables du territoire de Kalehe. Il y a également des diplômés d'Etat qui, au-delà des études faites et formations réalisées, ont une expérience de gestion communautaire, et sont des véritables témoins de différents événements qui caractérisent l'histoire de cette entité. Leurs témoignages nous ont permis à comprendre les différents phénomènes pris en charge par cette étude. A part ces catégories d'enquêtés, nous avons eu également des doctorants et docteurs en thèse qui nous ont aidés à comprendre certaines questions liés au développement, la paix et conflit dans le territoire de Kalehe. Chacun, selon son expérience, sa vision et sa compréhension des phénomènes, nous a donnés sa version des faits.

152

§1. Niveau de connaissance des enquêtés sur le concept « développement »

Notre démarche à ce niveau était de connaître le niveau de connaissance de nos enquêtés sur le concept « développement », et aussi savoir le contexte d'acquisition des connaissances sur ce concept, afin de recueillir leurs opinions sur les questions de développement, paix et conflit.

Tableau N°5 : La connaissance de nos enquêtés sur le concept « développement »

Item n°5 : Avez-vous de connaissance sur le concept développement ?

Réponses des enquêtés

Fréquence

Pourcentage

1.

Oui

156

97, 5

2.

Non

4

2,5

 
 

TOTAL

160

100

Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023.

Ci-dessus nous avons démontré qu'il n'y a pas de développement sans l'implication de la population locale, peu importe les stratégies qu'on peut mettre en place. Et est possible d'atteindre le développement si la population est consciente de son état et de la nécessité de son développement. Voilà pourquoi nous avons voulu savoir si les ressortissants du territoire de Kalehe ont des connaissances sur le concept développement. A cette question, sur 160 enquêtés soit 100% de nos enquêtés, 156 soit 97, 5% de nos enquêtés ont des connaissances sur ce concept et 2 soit 2, 5 % de nos enquêtés n'ont pas des connaissances sur ce concept.

153

Tableau N°6 : Le contexte d'acquisition des connaissances du concept développement endogène par nos enquêtés

Item n°6 : Dans quel contexte avez-vous entendu parler du développement endogène ?

Réponses de nos enquêtés

Fréquence

Pourcentage

1.

Ecole

150

93,75

2.

Atelier de formation

5

3,125

3.

Eglise

2

1,25

4.

A travers la presse

3

1,875

 

TOTAL

160

100

Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023.

Il se dégage dans ce tableau les informations selon lesquelles 150 de nos enquêtés, soit 93, 75 % de 160 soit 100 %, ont acquis la notion de développement à l'école, suivis 5, soit 3, 125 %, qui l'ont acquis lors des ateliers de formation, 2 de nos enquêtés, soit 1, 25 % à l'église et enfin 3 équivalents de 1, 875 % l'ont acquis à travers la presse.

La figure ci-dessous donne une explication plus détaillée de ce

tableau.

154

Figure N°3 : Le contexte d'acquisition de la notion de développement endogène par nos enquêtés

160

140

120

100

80

60

40

20

0

Ecole

Atelier de Eglise

formation A travers la

presse

Fréquence

Pourcentage

Fréquence Pourcentage

La quasi-totalité de nos enquêtés ont acquis la connaissance du concept développement à l'école, suivis de ceux qui l'ont acquis dans des ateliers de formation et enfin à l'église et à travers la presse. Le nombre élevé de ceux qui l'ont appris à l'école se justifie par le fait que la quasi-totalité de nos enquêtés sont composés des universitaires qui manipulent au quotidien ce concept. Parmi eux, les enseignants d'université (Professeurs, chef de travaux et Assistants). Notons cependant que leur compréhension du concept développement varie. Chacun d'eux essaie de donner un contenu particulier à ce concept.

155

Tableau N°7 : La compréhension des enquêtés sur le concept développement endogène

Item n°7 : Selon votre entendement, le développement endogène renvoie à quoi ?

Compréhension des enquêtés du
concept développement endogène

Fréquence

Pourcentage

1.

A la transformation de l'environnement

2

1

2.

A la transformation de l'homme

8

5

2.

A la transformation qualitative de l'homme et de l'environnement

8

5

3.

A la transformation qualitative et

quantitative de l'homme et de
l'environnement

30

19

 

5.

A la valorisation maximale des ressources locales disponibles

112

70

 

TOTAL

160

100

Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023.

Ce tableau nous indique que 112 personnes, équivalent de 70% de nos enquêtés, pensent que le développement nous renvoie à la valorisation maximale des ressources locales disponibles, suivis 30, soit 19%, qui pensent que ce concept nous renvoie à la transformation qualitative et quantitative de l'homme et de l'environnement. Tandis que 8, soit 5%, renvoient ce concept à la transformation qualitative de l'homme et de l'environnement, 8 autres le définissent par la transformation de l'homme et enfin 2, équivalent 1% de nos enquêtés, pensent que ce concept nous renvoie à la transformation exclusive de l'environnement.

La figure ci-dessous nous donne une explication plus détaillée de ce

tableau.

156

Figure N°4 : La compréhension des enquêtés sur le concept développement.

120

100

40

80

60

20

0

Fréquence Pourcentage

La majorité des enquêtés ont des connaissances sur le concept développement, cependant à des degrés différents. Car, dans toutes les réponses données ci-dessus, on trouve un ou des aspects de développement. Néanmoins, en examinant ce dernier dans la conception de Joseph K-Zerbo, la réponse qui a une grande fréquence est la plus complète. Parce que, d'après l'auteur précité, le développement renvoie d'abord à la valorisation des ressources locales en mettant l'homme et la culture au centre de toute transformation. Et, ce développement est possible si l'homme, celui qui est censé se développer, participe politiquement et socialement à son propre développement.

157

Tableau N°8 : La possibilité de parler de développement dans le territoire de Kalehe

Item 7 : Pensez-vous qu'il est possible, au stade actuel, de parler de développement dans le territoire de Kalehe ?

Réponses des enquêté

Fréquence

Pourcentage

1.

Oui

6

4

2.

Non

133

83

 

4.

Indécis

21

13

 

TOTAL

160

100

Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023.

On peut lire dans ce tableau les informations selon lesquelles 133, soit 83% de 160 soit 100 de nos enquêtés, pensent qu'au stade actuel le territoire de Kalehe n'est pas développé parce que la population vit dans la misère et dans l'insécurité qui caractérise l'Est de la République Démocratique du Congo. Et 6, soit 4% de nos enquêtés, disent le contraire. Pour eux, on peut parler du développement dans le territoire de Kalehe parce qu'au stade actuel ce territoire regorge plus d'intellectuel capables de transformer le devenir de cette entité. Et en fin 21, soit 13% de nos enquêtés, étaient perplexes face à cette question.

La figure ci-dessous nous donne une explication plus détaillée de ce

tableau.

Pensez-vous qu'il est possible, au stade actuel, de parler du
développement dans le territoire de Kalehe ?

100% 80% 60% 40% 20%

0%

 
 
 
 
 
 
 
 

NOM OUI INDECIS

 
 

NOM OUI INDECIS

Figure n°5 : La possibilité de parler de développement dans le territoire de Kalehe

158

La lecture de ce graphique démontre clairement que la population du territoire de Kalehe est consciente de son état de sous-développement. Ce qui est un bon départ, parce que le développement commence par la conscience de son état de sous-développement. Ladite conscience permet aux concernés de revoir leur mode de vie, afin de se fixer des nouveaux objectifs du développement.

Tableau N°9 : L'aspiration de développement par la population de Kalehe Item 9 : La population de Kalehe aspire-t-elle au développement ?

Réponses des enquêtés

Fréquences

%

1.

Oui

143

89

2.

Non

6

4

 
 

Indécis

11

7

 

TOTAL

160

100

Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023.

La population de Kalehe, comme tous les peuples en mouvement, aspire au développement. Ledit développement doit alors jaillir des efforts et des ressources locales. En effet, la quasi-totalité de nos enquêtés, soit 89% de 160 qui est le nombre total des enquêtés, partagent ce point de vue. Et 6 de nos enquêtés, soit 4%, ont émis un point de vue contraire. D'après ces derniers, en faisant la lecture du mode vie de la population de Kalehe en particulier et de l'Est en général, nous avons l'impression que les ressortissants de cette partie du territoire nationale ne sont pas pour le développement. Ils soutiennent les mêmes personnes qui sont derrière les différents conflits armés, qui déstabilisent le pays et ne sont pas exigeants pour réclamer à l'Etat ce dont ils ont besoin pour s'épanouir. Tandis que 11, soit 7% de nos enquêtés, n'avaient pas de réponses.

La figure ci-dessous donne une explication plus détaillée de ce

tableau.

159

Figure N°6 : L'aspiration du développement par la population de Kalehe

Fréquences

Oui Non Indécis

Toutes les sociétés du monde cherchent à être développées, le Territoire de Kalehe n'en fait pas l'exception. La population de cette partie du territoire nationale, à croire nos enquêtés, a besoin de voir ses conditions de vie s'améliorer, cependant il se pose une question de comment y parvenir.

A cette question, nous passons que la paix est une condition sine qua none pour le développement d'un pays. Ceci passe généralement par la pacification qui implique l'éradication des causes à la base des conflits et l'insécurité qui en découle. Mais comme il existe un dicton selon lequel : « Ce qui se fait sans nous c'est contre nous », il est impossible d'envisager une pacification sans avoir pensé à faire intervenir les acteurs impliqués et ceux concernés par le conflit.

Voilà pourquoi il est d'une impérieuse nécessité d'identifier au préalable les acteurs du conflit. Sur ce (...), l'analyse des parties prenantes sert à cerner la complexité des conflits (...), les intérêts des parties prenantes et leurs objectifs et les relations d'interdépendance, souvent difficiles, qui existent entre elles. Il est question (...) d'analyser et de décrire les parties prenantes (acteurs principaux) en fonction de leurs caractéristiques, de leurs relations d'interdépendance et de leurs intérêts dans chaque conflit (...). Par exemple, évoquant le cas du Sahel, Mireille Affa démontre que (...) l'implication des

tableau.

160

femmes dans les initiatives de paix et de prévention des conflits dans le Sahel est une condition essentielle de stabilité et de développement dans la région. Ensuite, proposer un schéma de résolution des conflits pour instaurer la paix. A ce stade nous pensons que la paix est la première condition pour parler développement''. En parlant du processus de pacification, voici les acteurs qui peuvent être impliqués : les acteurs impliqués dans le conflit et les acteurs venus pour aider à la résolution de conflit.

Tableau N°10 : Les atouts ou opportunités du développement dans le territoire de Kalehe

Item 10 : Quels sont les atouts ou les opportunités de développement dans le territoire de Kalehe ?

Les atouts ou opportunités du
développement du peuple Enya

Fréquence

Pourcentage

1.

Ressources économiques, écologiques et environnementales.

101

63

2.

Ressources humaines ou poids démographique

18

11

3.

Potentialités culturelles (musique,

éducation, pouvoir et organisation
traditionnelle, etc.)

27

17

4.

Indécis

14

9

 
 

TOTAL

180

100

Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023.

De ce tableau, il se dégage les informations selon lesquelles 63% de nos enquêtés pensent que le territoire de Kalehe a besoin seulement de son environnement physique et écologique pour se développer ; 11% pensent qu'avec ses ressources humaines et son poids démographique, le territoire de Kalehe peut se développer ; 17% pensent plutôt qu'avec la culture et l'éducation, le développement du territoire de Kalehe est possible ; et afin 9% de nos enquêtés sont restés perplexes à cette question.

La figure ci-dessous donne une explication plus détaillée de ce

161

Figure N° 7 : Les atouts ou opportunités du développement du territoire de Kalehe

Quels sont les atouts ou les opportunités du développement du territoire

de Kalehe ?

70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0%

 
 
 

Res éco, écol et envir Res hum ou poinds

démog

Potiential culltur Indécis

Res éco, écol et envir Res hum et poinds démog Potential cultur Indécis

A des positions différentes, la population de Kalehe a conscience des richesses qui composent son milieu et qui caractérisent sa société. Cependant, comme nous l'avions précisé ci-dessus, la conscience, même si c'est le début même du développement, ne suffit pas pour atteindre le développement. Il faudrait ajouter à cette conscience la volonté et l'action. La population de Kalehe doit s'impliquer courageusement à son développement, si elle a besoin de voir ses conditions de vie s'améliorer. Pour y parvenir, elle aura besoin d'instaurer une culture de la paix. Et la société civile peut également jouer un rôle dans le processus de la paix. Par exemple, en servant de passerelles entre l'État et ses citoyens, les organisations de la société civile peuvent jouer un rôle important dans l'autonomisation des femmes et des jeunes et la promotion d'un message de paix.

Et au Niger, les organisations de la société civile ont développé des stratégies de suivi de l'adoption et de la mise en oeuvre des budgets par les collectivités locales. Tous les ans, une session budgétaire citoyenne est organisée afin de permettre l'analyse de la mise en oeuvre du budget de l'année précédente et de demander au gouvernement d'expliquer les écarts constatés, de définir les projections budgétaires et de faire des recommandations au ministère du Budget. S'agissant de la RDC, par exemple, pour conjurer le démon de violence due à l'action d'Etoko dans l'ancienne province de l'Equateur en RDC, l'ONG Search for Common Ground avait initié des cérémonies traditionnelles à

- Promouvoir la stabilité économique et la création d'emplois ;

162

Bokonzi, à Munzaya et à Enyele en 2011 pour établir le dialogue entre ces deux groupes ethniques en conflit .

Pour ce faire, elle avait installé des comités locaux de réconciliation dans les villages ci-dessus. Sa démarche combinait les pratiques traditionnelles et les techniques modernes de transformations des conflits. Les autorités politiques, les leaders de la société civile et les notables qui instrumentalisent les deux groupes ethniques à partir de Gemena et de Kinshasa ont été sensibilisés et impliqués dans le processus de paix.

Toutefois, et de manière synthétique, la société civile locale est appelée à jouer quelques rôles spécifiques ci-après :

- La protection des citoyens contre la marginalisation de toutes

les parties ;

- Le suivi des violations des droits de l'homme et de la mise en

oeuvre des accords de paix, entre autres ;

- Le plaidoyer en faveur de la paix et des droits de l'homme ;

- La socialisation aux valeurs de paix et de démocratie ainsi

que le développement des identités des groupes marginalisés ;

- La cohésion sociale intergroupe instaurée en rassemblant des

membres de groupes opposés ;

- La facilitation du dialogue aux niveaux local et national

entre plusieurs parties prenantes ;

- La prestation de services en aidant l'État à fournir de la

nourriture, des soins de santé et du travail facilement accessible aux personnes vulnérables dans les sociétés sortant d'un conflit.

Les rôles de l'acteur local dans l'intégralité du processus de pacification incluent :

- Améliorer la sécurité ;

- Encourager le secteur privé à exploiter, élargir et se

réapproprier les marchés domestiques ;

163

- Encourager les processus de consolidation de la paix à travers

la justice, le dialogue et la réconciliation ;

- Générer un dividende de paix pour la population locale ;

- Maintenir la fourniture d'équipements sociaux ;

- Bâtir et entretenir des relations avec d'autres acteurs.

La société civile internationale peut aussi jouer d'autres rôles. A titre illustratif, nombre d'OING se sont spécialisées dans des domaines spécifiques et sont essentiellement conviées pour jouer les rôles spécifiques, à savoir : secourir, faire le plaidoyer et développer, rôles dont les activités se concentrent lors de la phase de stabilisation du conflit. Elles contribuent en général au redressement et à la réhabilitation des sociétés post-conflit. C'est dire que le secteur privé international joue aussi un rôle important en investissant dans différents secteurs des économies des sociétés post-conflit ; ce qui génère des recettes pour l'État, créée des emplois et stimule l'activité et la croissance économiques. Pour ce faire, ce secteur est appelé à s'abstenir d'agir sur la politique locale du pays concerné.

Le fait est que lorsque le secteur privé international essaye d'influencer la politique locale à son avantage, ou lorsque ses activités sont perçues comme avantageant l'une ou l'autre des parties au conflit, cela peut impacter négativement sur les efforts de pacification entamés. C'est dire que le secteur privé est donc un partenaire important de la consolidation de la paix et sa participation précoce peut contribuer à améliorer les facteurs économiques susceptibles d'engendrer des dividendes de paix pour les populations locales . Il s'agit, par exemple, des donateurs, une autre catégorie importante d'acteurs externes qui joue parfois des rôles non négligeables.

Nous pensons ici aux organismes comme :l'Union européenne (UE), l'Agence de coopération internationale du Japon, l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), le Département du Royaume-Uni pour le développement international (DFID), le Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) allemand, l'Agence norvégienne pour le développement international (NORAD), l'Agence suédoise de coopération internationale pour le développement (SIDA), l'Agence canadienne pour le développement international CIDA), et l'organisme irlandais GOAL.

164

Généralement, ces partenaires ont une présence dans le pays mais ne manquent pas les programmes eux-mêmes. Ils mettent plutôt des ressources à la disposition du système de l'ONU et des ONG qui travaillent sur le terrain. Nombre d'organismes de l'ONU sous-traitent aussi le travail à des ONG en ce sens que la plupart d'activités programmatiques sur le terrain sont menées par des ONG.

De ce qui précède, nous ne pouvons pas aussi ignorer les rôles de nouveaux acteurs émergents. Il s'agit, par exemple, de la nouvelle Banque de développement des BRICS. Car ces acteurs disposent des approches, des mobiles et des méthodologies différentes et ne tiennent pas souvent compte des conseils du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). Ils s'intéressent plus aux partenariats pour le développement des infrastructures et l'échange d'expertise technique. Ils ont une théorie du changement à long terme qui soutient que la stabilité et le développement contribueront à instaurer une paix durable dans le temps.

Tableau N°11 : Participation de la population de Kalehe dans l'exploitation de ses atouts du développement

Item 11 : Comment la population de Kalehe participe-t-elle dans l'exploitation de ses atouts du développement ?

Les réponses des enquêtés

Fréquence

Pourcentage

1.

Par l'exploitation des potentiels que recèle son milieu (Eau et Terre)

133

83

2.

Par l'exploitation de ses atouts culturels (musique, coutume, éducation)

5

3

3.

Les deux à la fois

10

6

 
 

Indécis

12

8

 

TOTAL

160

100

Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2017 au 5 Mars 2018.

Dans ce tableau, il ressort les informations selon lesquelles 133 personnes, soit 83% de 160 enquêtés, pensent que la population de Kalehe s'implique à l'exploitation de ses atouts du développement en exploitant les potentiels que recèle son milieu. Et 5, soit 3% de nos enquêtés, pensent que la population de Kalehe exploite ses atouts culturels pour se développer, tandis que

165

10, soit 6% de nos enquêtés, pensent que pour son développement la population de Kalehe exploite les deux à la fois (les potentialités que recèle son milieu et les atouts culturels). Et enfin 12 sujets, soit 8% de nos enquêtés, n'ont pas donné des réponses claires.

La figure ci-dessous donne une explication détaillée de ce tableau :

La Figure N°8 : Implication de la population de Kalehe dans l'exploitation de ses atouts du développement.

Comment la population de Kalehe s'implique-t-elle à l'exploitation de ses atouts du développement ?

8%

83%

En exploitant les potentiaités que recèle son milieu

En exploitant ses atouts culturels

Les deux à la fois

Indécis

Le développement, au-delà du fait que c'est un phénomène provoqué par l'homme, est d'abord naturel et normal. Toutes les sociétés du monde connaissent les effets du développement avec le temps. Seulement, c'est le degré de développement qui diffère selon que l'on participe ou pas à celui-ci. Dans cette optique que nous avons voulu savoir, à travers nos enquêtés, comment la population de Kalehe participe-t-elle à son développement endogène. Ces derniers, en quasi-totalité, pensent que la population de Kalehe participe à son développement en exploitant les potentialités que recèle son milieu. La minorité, quand elle, pense que celui-ci s'implique à son développement en exploitant ses atouts culturels et ses potentialités environnementales.

166

Tableau N°12 : Les entraves à la participation de la population locale de

Kalehe dans la quête de son développement

Item n°12 : Quels sont facteurs qui entravent la participation de population locale de Kalehe dans la quête de son développement ?

Réponses des enquêtés

Fréquence

Pourcentage

1.

Attentisme

5

3,125

2.

Manque d'ambition à grande échelle

5

3,125

3.

Conservatisme

4

2,5

4.

Désorganisation sociale

4

2,5

5.

Mauvaise gouvernance

3

1,875

6.

Manque de volonté politique

7

4,375

7.

Conflit

132

82,5

 
 

TOTAL

160

100

Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023.

D'entrée de jeu, nous devons souligner que les différents facteurs repris dans le tableau ne s'excluent pas. Cependant, chacun d'eux garde une particularité. En effet, dans ce tableau, nous pouvons lire les informations selon lesquelles 5 personnes, soit 3,125% de 160 soit 100% de nos enquêtés, confirment que l'attentisme, comme attitude d'attendre tout des autres, serait la raison qui ne favorise pas l'implication de la population de Kalehe dans le processus de son développement, suivis également de 5 autres personnes qui pensent que le manque d'ambition à grande échelle serait la raison qui freine la participation cette population dans le processus de son développement. Tandis que 4 de nos enquêtés, soit 2,5%, pensent le conservatisme serait la raison qui ne pousse pas la population de Kalehe à participer au processus de son développement. Il y a également 4 autres enquêtés, soit 2,5%, qui pensent que la désorganisation sociale serait le frein qui bloque la participation de la population de Kalehe dans le processus de développement, suivis de 3 enquêtés, soit 1,875 %, qui confirment par contre que la mauvaise gouvernance qui serait l'obstacle à la participation de la population de Kalehe dans le processus de développement. Ces opinions précédentes seront suivies par celle partagée par 7 de nos enquêtés, soit 4,375%, qui pensent que la mauvaise gouvernance favoriserait également la

359 REYNTIENS, F., cité par FETHERSTON, A.B., Towards a Theory of a United Nations Peacekeeping, Op.cit. p. 94.

167

non-participation de la population locale de Kalehe à son développement. Et enfin 132 enquêtés, soit 82,5%, pensent que c'est le conflit qui favorise la non-participation politique de la population de Kalehe dans le processus de son développement.

La figure ci-dessous donne une explication plus clairement de ce

tableau.

Figure N°9 : Les entraves à la participation de la population locale de Kalehe dans le processus de développement

140

120

100

80

60

40

20

0

Fréquence

Fréquence Pourcentage

A des points de vue différents, la population de Kalehe est consciente des obstacles qui entravent sa participation au processus de développement. Cependant, le facteur conflit est plus élevé que d'autres.

A ce sujet, nous connaissons d'ores et déjà qu'un conflit affecte toujours plusieurs types d'acteurs. C'est dans cette logique que, parlant de la guerre du 2 août 1998, Filip Reyntiens note que le Congo est devenu le champ de bataille où des acteurs militaires, des armées gouvernementales aussi bien que des groupes armés non-gouvernementaux, livrent leurs guerres extra-territorialement359.

168

Les parties prenantes à un conflit peuvent être définies comme étant les individus ou les groupes qui sont affectés par le résultat d'un conflit et ceux qui influencent ce résultat. Les parties prenantes peuvent avoir en commun une identité collective (liens de voisinage, parenté, membres de groupes d'utilisateurs des ressources) ou une caractéristique (par exemple utiliser la même ressource ou résider dans la même zone). Il s'agit des personnes et/ou les groupes qui ont un intérêt dans un fonds et dans ses ressources naturelles.

De ce fait, pour les identifier, il est important d'analyser le degré d'implication de chacun. Car l'analyse des parties prenantes (...) permet de comprendre un système social en identifiant ses principaux acteurs ou parties prenantes et en évaluant leurs intérêts respectifs dans un contexte donné. De ce fait, on distingue :

Les parties principales

Il s'agit des protagonistes directs. Personnes opposées dans un conflit. On les appelle les parties primaires ou parties visibles, ce sont les personnes directement concernées par le conflit. Les parties prenantes directement impliquées dans un conflit sont celles dont les intérêts et les besoins sont véritablement au coeur du conflit. Elles sont impliquées directement si leurs intérêts et leurs besoins font partie de l'objet du conflit et si elles y participent activement. Chacune voit l'autre comme un ennemi dont elle veut la défaite. Les adversaires (ou parties adverses) sont aussi appelés opposants ou parties opposées, ou tout simplement parties. L'adoption d'une approche compétitive conduit à des stratégies de confrontation compétitive.

Dans le cas d'espèce, il s'agit des groupes armés et des communautés ethniques. A ce sujet, et comme nous avons dit un peu plus haut, dans le souci de voir comment récupérer leurs terres perdues et d'arracher leurs droits, les accrochages se sont produits entre les autochtones et les immigrés. Dans ce territoire, les conflits (...) opposent les groupes ethniques bien connus. Il s'agit, par exemple, de : Banyarwanda (Batutsi et Bahutu) contre les Bahavu et Batembo. Nous pouvons aussi évoquer le cas de Batembo et Bahavu. C'est aussi le cas avec les Kalonge et les Bahavu autour du fait que les premiers ont eu à réclamer l'autonomie.

Les parties secondaires

De ce qui précède, nous pouvons aussi noter que ces acteurs peuvent être locaux ou externes. Ce qui signifie que parmi les acteurs primaires nous

169

Ce sont des acteurs mobilisés en renfort pour soutenir les parties principales. Les parties secondaires ou parties invisibles sont celles qui poussent les parties en conflit et qui souvent ont des intérêts dans le conflit . Dans le cas d'espèce, nous faisons allusion aux autres groupes ethniques qui viennent en aide aux groupes en conflit. Nous rangeons aussi dans cette catégorie les pays voisins de la RDC qui ne font qu'attiser le feu dans la partie orientale de la RDC, en général et au Sud-Kivu et à Kalehe, en particulier. Il s'agit, dans le cas d'espèce, du Rwanda, de l'Ouganda et du Burundi dont le renfort aux groupes rebelles n'est pas à éluder. A ce sujet, nombreux sont des ouvrages, des articles et rapports des organismes qui témoignent de l'implication de ces pays dans l'insécurité qui ravage cette partie du territoire congolais.

Les parties périphériques

Les tierces personnes sont celles qui sont plus ou moins neutres, non directement concernés par le conflit mais peuvent jouer un rôle pour aider les parties au conflit à le résoudre. Il s'agit ici des personnes qui ne sont pas concernées directement par les hostilités mais qui subissent les effets du conflit et ont un intérêt certain à l'accord qui sera trouvé. Il s'agit des populations environnantes du lieu où se déroulent les conflits. Nous pensons ici aux femmes et enfants de Kalehe qui sont pour la plupart de principales victimes des hostilités. A ce sujet, parlant de la situation du bassin du Nil, montre que les jeunes enfants n'échappent pas aux conflits. Ils sont recrutés par les milices qui s'aventurent même dans les camps de réfugiés pour faire de nouvelles recrues. Nombreux sont également des cas d'harcèlements sexuels, de viols. Plus de 320 000 personnes ont dû se déplacer dans le Nord-Kivu à cause des conflits.

Mais aux côtés de ces acteurs figurent aussi des tireurs des ficelles. Nous pensons ici à ceux qui sont impliqués directement dans le conflit mais qui ont intérêt à ce que le conflit persiste. Il s'agit par exemple dans le cas d'un conflit armé des commerçants et de trafiquants d'armes et minutions. Ceux-ci ne peuvent oeuvrer en faveur de la paix qui risque de les appauvrir. Pour eux, la guerre est une bonne chose. Car ils font fortune grâce à la guerre. Sinon on ne saura pas expliquer comment, par exemple, le Nord-Kivu est depuis 20 ans en insécurité à cause des conflits armés mais des maisons en étages ne cessent d'être érigées.

170

pouvons trouver des locaux et des étrangers, tout comme nous pouvons aussi trouver des locaux et des étrangers parmi les parties périphériques et ainsi de suite.

Tableau N°13 : Les points de vue des enquêtés sur ce que peut être l'apport de l'Etat congolais au développement du territoire de Kalehe Item n°15 : Quel peut être l'apport de l'Etat congolais dans le développement du territoire de Kalehe ?

Réponses des enquêtés

Fréquence

Pourcentage

1.

Dans la formation des jeunes de Kalehe

72

45

2.

Dans la règlementation des conflits

44

28

3.

Dans les constructions des hôpitaux, des écoles et d'autres édifices favorisant le développement

19

12

4.

Dans la sensibilisation de la population de Kalehe

10

6

5.

Dans l'investissement dans le milieu communautaire

8

5

6.

Indécis

7

4

 
 

TOTAL

160

100

Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023.

A la lumière du tableau ci-dessus, il convient de remarquer que 72 de nos enquêtés, soit 45 % de 160 soit 100%, pensent que pour aider le territoire de Kalehe à se développer, l'Etat congolais doit former les jeunes de Kalehe. Suivis de 44 personnes, soit 28%, qui pensent que le développement de Kalehe est possible que s'il y a absence de conflit. 19 personnes, soit 12% d'entre eux, préfèrent la construction des hôpitaux, des écoles et autres édifices de développement pour développer le territoire de Kalehe. Tandis que 10, soit 6%, pensent que le vrai problème la population de Kalehe est dans son mental, et la meilleure façon de l'aider serait de le sensibiliser, et enfin 8, soit 5%, pensent qu'il faille investir dans le territoire de Kalehe pour attendre l'évolution de la population qui habite son milieu. 7 personnes, soit 4 %, n'ont pas donné des réponses claires.

171

La figure ci-dessous donne des explications détaillées de ce tableau.

La figure N°10 : Les points de vue des enquêtés sur ce que peut être

l'apport de l'Etat congolais pour faciliter le développement du territoire de Kalehe.

Fréquence

Dans les constructions des Hôp, des écoles et d'autres édifices fav. le dvt

Dans la règlementation des conflits

Dans la formation des jeunes de Kalehe

Dans la sensibilisation de la population de Kalehe

Dans l'investissement dans le milieu com.

Pour développer le territoire de Kalehe, l'Etat congolais comme acteur majeur doit mener des actions positives. Parmi ces actions, il y a la sécurisation des personnes et de leurs biens, qui est d'ailleurs sa mission régalienne. Cependant, en ce qui concerne le conflit, armé ou autre, d'autres acteurs ont aussi de rôles à jouer. Dans le processus de pacification, par exemple, plusieurs acteurs interviennent pour aider à mettre fin aux conflits. Leurs rôles dépendent même du mode de résolution du conflit choisi. Dans une procédure judicaire, les acteurs ne vont pas jouer les mêmes rôles qu'ils auraient pu jouer dans un mécanisme d'arbitrage. De même, les rôles que les acteurs sont appelés à jouer dans une négociation ne sont pas forcément les mêmes que ceux qu'ils auraient pu jouer dans une procédure de réconciliation.

Pour mieux cerner ces rôles, il est important de comprendre qu'il existe actuellement deux conceptions de paix : l'une positive et l'autre négative. La paix négative est entendue comme l'absence de conflits.

172

S'agissant de la paix positive, signalons qu'elle est proactive. Il est question ici de favoriser la mise en place des structures permettant la résolution de conflits et le développement positif. Reprenant la formule de Galtung, nous pouvons assimiler la paix positive au renforcement de l'organisme dans le but d'éviter que celui-ci ne tombe malade. C'est dans cette même logique que Marullo et Hlavacek360 estiment qu'il faut cesser de considérer le militarisme et la guerre comme faisant partie intégrante du patrimoine humain pour faire du monde un endroit plus sûr. La paix positive cherche à garantir le respect des besoins et droits humains fondamentaux ou encore la justice sociale afin de prévenir, éventuellement les conflits.

Pour ce faire, il faut un leadership efficace. Car la gestion d'un conflit est donc bien du ressort du leadership. A ce sujet, évoquant les cas des entreprises, Christian Faivre note que les leaders efficaces se sentent responsables de la mise en place d'un environnement apportant la sécurité et le respect tout en aidant les entreprises à atteindre leurs objectifs professionnels et financiers ; ce qui est le but d'une gestion efficace du conflit.

Dans cette perspective, les acteurs doivent jouer des rôles beaucoup plus importants afin de pacifier d'abord le territoire de Kalehe, ensuite instaurer la paix pour enfin assurer son développement.

En effet, pour pacifier une zone ou un espace en proie aux conflits et à l'insécurité, l'action de deux types d'acteurs reste l'élément moteur sans lequel aucun effort de pacification ne saurait aboutir aux résultats escomptés. Il s'agit ici des parties prenantes au conflit.

Certes, il est toujours extrêmement difficile d'établir une liste bien équilibrée et de sélectionner les parties prenantes. Mais comme nous l'avons expliqué un peu plus haut, les parties impliquées dans un conflit sont : les parties primaires, les parties secondaires et les tierces (acteurs périphériques). Chacune d'elles est appelée à jouer des rôles spécifiques.

De ce qui précède, pour que les acteurs s'inscrivent au schéma de résolution des conflits au sein du groupe, il est capital d'envisager et d'adopter quelques conseils. En fait, nombre de mécanismes suggérés mettent en lumière un engagement face à la recherche d'une solution raisonnable. Cependant, le leader doit retenir que derrière des positions incompatibles se camouflent des

360 MARULLO et HLAVACEK, cité par FETHERSTON, A.B., Op.cit., p. 96.

173

intérêts compatibles qui nécessitent de gratter un peu la surface pour s'en rendre compte. Car tout acteur ou partie impliqués dans un conflit a toujours quelque chose de valable à dire et qui le conduit à prêter une oreille tout aussi attentive aux deux parties et entendre leurs précieuses idées.

De ce fait, comme les désagréments engendrés par des divergences de points de vue, d'expertises, d'accès à l'information et de focalisation stratégique génèrent la plus grande partie de la valeur ajoutée de la collaboration entre différentes divisions de l'entreprise, la meilleure solution pour un leader avisé est d'embrasser le conflit et d'encourager la multiplication des différences pour permettre à l'entreprise de rester en tête . Puisque les heurts entre les différents départements sont le creuset dans lequel sont élaborées des solutions créatives et les compromis astucieux entre des objectifs concurrentiels.

La situation s'aggrave généralement lorsqu'il y a peu de dialogue ou qu'il n'y en a pas du tout. De ce fait, il est nécessaire d'amorcer la discussion et le dialogue en prenant soin d'encourager la participation. Toutefois, notons que les émotions fortes rendent la situation explosive. Ainsi importe-t-il de créer un milieu où tous peuvent exprimer leurs sentiments et leurs préoccupations.

Malgré cela, les parties auront tendance à s'attarder aux différences. Dans ce contexte, il faut demander aux parties : d'identifier leurs points communs ; leur rappeler ces points et faire état des progrès réalisés. Elles peuvent aussi adopter une stratégie défensive et chercher à protéger, à justifier et à expliquer leur position. A ce niveau, il faut rechercher des solutions : essayer de comprendre mais leur rappeler qu'il faut aller de l'avant.

Les parties voudront immédiatement discuter de leurs besoins respectifs. Ce n'est qu'une fois la communication et la bonne volonté installées que l'on pourra aborder les besoins de chacun ou chacune.

- Rôles des acteurs d'après la localisation

Signalons que les acteurs peuvent être regroupés en deux grands blocs, à savoir : les acteurs internes et externes. Par rapport à cette localisation, les acteurs peuvent jouer des rôles différents, amis complémentaires. C'est dire que sans l'apport des acteurs externes, tout processus de pacification mené par les acteurs locaux a beaucoup de chances de se solder par un échec.

- Rôles des acteurs internes (locaux) dans la pacification

Conformément au mode de résolution choisi pour mettre fin aux conflits, les acteurs locaux doivent s'impliquer, dès le début, dans la conception

174

De manière générale, ce sont les organisations et les acteurs locaux qui subissent directement les effets des conflits qui, en réalité, sont les principaux concernés des processus de paix sur lesquels ils comptent beaucoup et cherchent à influencer. Ils ont beaucoup d'intérêts à capitaliser dans la paix que dans la récurrence des conflits et l'insécurité.

D'un point de vue externe, les acteurs locaux sont ceux dont les voix détermineront si la paix est durable. C'est dans cette optique que nombre d'initiatives externes visent donc à influencer le comportement des acteurs locaux. Ce groupe est constitué d'une multitude de parties prenantes représentant chaque élément et niveau de la société. Il est question dans le cas d'espèce de : des institutions provinciales du Sud-Kivu, du gouvernement central, des institutions du territoire de Kalehe, des ethnies et communautés en conflit, des groupes armés, des organisations de la société civile locale comme des églises et associations diverses, des commerçants et immigrés rwandophones.

Comme nous pouvons nous en rendre compte, cette catégorie d'acteurs n'est pas composée des acteurs formant un groupe homogène. Tous ne sont pas forcément pacificateurs. Nombreux peuvent recourir à la violence pour réaliser leurs objectifs alors que d'autres peuvent en profiter pour poser des actes criminels. D'ailleurs, même ceux qui sont favorables à la paix ne s'accorderont pas nécessairement sur la meilleure façon de l'atteindre.

C'est dire que les acteurs locaux sont essentiels à la paix durable mais peuvent aussi être affaiblis, fragiles et fragmentés suite au conflit. Il est donc important qu'ils soient aidés avec sensibilité et bienveillance de manière qu'ils puissent recouvrer leur capacité de gérer leurs propres affaires. Les institutions sociales locales sont probablement affaiblies pendant le conflit et restent fragiles pendant un certain temps dans la période qui suit le conflit.

De ce qui précède, soulignons qu'un processus local de pacification nécessite d'identifier les acteurs locaux qui sont prêts à le prendre en charge, même si cela comporte son lot de problèmes du fait que les locaux peuvent, au départ, se trouver dans des situations extrêmement précaires. Car en tant que riverains, ceux-ci sont voués à s'impliquer dans toutes les étapes du processus de pacification.

- Clarification des problèmes : Que s'est-il donc passé, où, quand ; qui l'a fait, comment et quelles en sont les conséquences ? ;

175

des programmes en participant aux évaluations de besoins, à l'analyse du conflit, à la planification, à la coordination et au suivi. Leur participation garantira une conception de projet plus efficace et plus pertinente parce que la stratégie aura incorporé les connaissances locales et sa mise en oeuvre bénéficiera aussi de leur participation et de leur prise en charge locale. Mais l'appropriation locale est un concept et un principe fondamental dans le cadre de la consolidation de la paix, ce qui veut dire que l'orientation future d'un pays donné devrait se trouver entre les mains des citoyens de ce pays.

C'est dire que les acteurs locaux, plus précisément des parties prenantes secondaires, peuvent jouer un rôle déterminant dans la gestion d'un conflit dans les domaines suivants :

- Collecte et analyse d'informations en fournissant un appui technique, en obtenant des informations ou en donnant des conseils à ce sujet, en participant à la recherche de points de vue sur des solutions possibles ou en rendant plus acceptables les divers résultats ;

- Plaidoyer en travaillant aux côtés des parties plus faibles pour bâtir un processus transparent ou en aidant les décideurs dans la promotion d'une plus grande équité ;

- Médiation en servant d'intermédiaires entre d'autres groupes en

conflit ;

- Suivi et mise en application en garantissant le respect des accords en aidant à mettre en application ceux qui auraient été enfreints.

Les parties prenantes secondaires peuvent avoir un rôle efficace sans intervenir directement dans des négociations formelles. Elles peuvent par exemple prendre part à des discussions de groupe, à des groupes consultatifs ou à des groupes de travail, à des enquêtes ou à des entretiens et à des réunions communautaires.

Dans cette démarche, les parties périphériques, notamment les médiateurs, peuvent guider les parties prenantes à travers les étapes suivantes de l'analyse du conflit :

176

- Analyse des causes profondes : Décomposition d'un conflit complexe en enchaînements de causes à effets simples. Ceci permet de déterminer quelles sont les causes les plus importantes et les moins importantes et d'identifier les principaux problèmes à traiter ;

- Analyse des parties prenantes : Identification des parties prenantes impliquées dans le conflit, de leur pouvoir relatif et de leurs relations mutuelles ;

- Exploration et analyse des droits, responsabilités et avantages que les parties prenantes du conflit retirent des ressources en jeu et examen de leurs relations mutuelles ;

- Modèle des niveaux du conflit: Identification des différences À puis des points communs À entre les parties prenantes, au niveau des positions, des intérêts et des besoins.

C'est à ces tâches que les groupes rebelles opérant à Kalehe, les ethnies et communautés en conflits, les commerçants et les hommes politiques impliqués dans ces conflits, les organisations de la société civile, les institutions politiques de la province du Sud-Kivu, celles du territoire et du pouvoir central sont conviés. Car une solution holistique du problème est mieux placée que toute autre. Le souci est que les protagonistes parviennent à prendre leurs propres décisions, tout en reconnaissant que leur système local est en interaction avec celui international. Ce qui les inclut dans un système beaucoup plus vaste, avec des normes, des structures et certains types de comportements attendus, qui agit comme une contrainte et qui déterminera les paramètres dans lesquels les acteurs locaux peuvent prendre des décisions concernant leur avenir.

En somme, disons que les processus facilités par une médiation qui repose sur l'engagement des parties prenantes du conflit favorisent ou renforcent

:

- Le consensus et la prise en charge des processus ; ce qui se traduit habituellement par un renforcement de l'efficacité À les probabilités de parvenir à des résultats positifs sont plus grandes ;

- L'efficacité À l'énergie, les ressources et les activités investies dans le processus ont plus de probabilités de déboucher sur des résultats positifs si les connaissances et les aptitudes des parties prenantes sont mises à contribution ;

Pour ce faire, elle avait installé des comités locaux de réconciliation dans les villages ci-dessus. Sa démarche combinait les pratiques traditionnelles

177

- L'équité, dans la mesure où tous les besoins et tous les intérêts des parties prenantes sont pris en compte ;

- La transparence et la responsabilité, dans la mesure où les parties prenantes du conflit ont un pouvoir de décision sur leur vie présente et future ;

- La durabilité et l'impact À un accord a plus de chances d'être respecté s'il a été élaboré par des personnes directement concernées.

- Rôles des acteurs externes dans la pacification

Les acteurs externes sont nombreux comme nous l'avons signalé un peu plus haut. Leurs rôles dans la pacification ne sont pas à négliger. Car l'art de la consolidation de la paix réside dans la poursuite du bon équilibre entre le soutien international et les solutions locales et adaptées au contexte à travers l'appropriation locale. Dans certains cas une stratégie spécifique de pacification ou un cadre prémédité sera élaborée et parfois facilitée par la participation de ceux-là.

- Rôles spécifiques de la société civile dans le processus de pacification

La société civile peut jouer de nombreux rôles dans la consolidation de la paix. Par exemple, en servant de passerelles entre l'État et ses citoyens, les organisations de la société civile peuvent jouer un rôle important dans l'autonomisation des femmes et des jeunes et la promotion d'un message de paix (...) .Et au Niger, les organisations de la société civile ont développé des stratégies de suivi de l'adoption et de la mise en oeuvre des budgets par les collectivités locales. Tous les ans, une session budgétaire citoyenne est organisée afin de permettre l'analyse de la mise en oeuvre du budget de l'année précédente et de demander au gouvernement d'expliquer les écarts constatés, de définir les projections budgétaires et de faire des recommandations au ministère du Budget.

S'agissant de la RDC, par exemple, pour conjurer le démon de violence due à l'action d'Etoko dans l'ancienne province de l'Equateur en RDC, l'ONG Search for Common Ground avait initié des cérémonies traditionnelles à Bokonzi, à Munzaya et à Enyele en 2011 pour établir le dialogue entre ces deux groupes ethniques en conflit .

178

et les techniques modernes de transformations des conflits. Les autorités politiques, les leaders de la société civile et les notables qui instrumentalisent les deux groupes ethniques à partir de Gemena et de Kinshasa ont été sensibilisés et impliqués dans le processus de paix.

Toutefois, et de manière synthétique, la société civile locale est appelée à jouer quelques rôles spécifiques ci-après :

- La protection des citoyens contre la marginalisation de toutes les parties ;

- Le suivi des violations des droits de l'homme et de la mise en oeuvre des accords de paix, entre autres ;

- Le plaidoyer en faveur de la paix et des droits de l'homme ;

- La socialisation aux valeurs de paix et de démocratie ainsi que le développement des identités des groupes marginalisés ;

- La cohésion sociale intergroupe instaurée en rassemblant des membres de groupes opposés ;

- La facilitation du dialogue aux niveaux local et national entre plusieurs parties prenantes ;

- La prestation de services en aidant l'État à fournir de la nourriture, des soins de santé et du travail facilement accessible aux personnes vulnérables dans les sociétés sortant d'un conflit.

Les rôles de l'acteur local dans l'intégralité du processus de pacification incluent :

- Améliorer la sécurité ;

- Encourager le secteur privé à exploiter, élargir et se réapproprier les marchés domestiques ;

- Promouvoir la stabilité économique et la création d'emplois ;

- Encourager les processus de consolidation de la paix à travers la justice, le dialogue et la réconciliation ;

- Générer un dividende de paix pour la population locale ; - Maintenir la fourniture d'équipements sociaux ;

- Bâtir et entretenir des relations avec d'autres acteurs.

179

La société civile internationale peut aussi jouer d'autres rôles. A titre illustratif, nombre d'OING se sont spécialisées dans des domaines spécifiques et sont essentiellement conviées pour jouer les rôles spécifiques, à savoir : secourir, faire le plaidoyer et développer, rôles dont les activités se concentrent lors de la phase de stabilisation du conflit. Elles contribuent en général au redressement et à la réhabilitation des sociétés post-conflit. C'est dire que le secteur privé international joue aussi un rôle important en investissant dans différents secteurs des économies des sociétés post-conflit ; ce qui génère des recettes pour l'État, créée des emplois et stimule l'activité et la croissance économiques. Pour ce faire, ce secteur est appelé à s'abstenir d'agir sur la politique locale du pays concerné.

Le fait est que lorsque le secteur privé international essaye d'influencer la politique locale à son avantage, ou lorsque ses activités sont perçues comme avantageant l'une ou l'autre des parties au conflit, cela peut impacter négativement sur les efforts de pacification entamés. C'est dire que le secteur privé est donc un partenaire important de la consolidation de la paix et sa participation précoce peut contribuer à améliorer les facteurs économiques susceptibles d'engendrer des dividendes de paix pour les populations locales . Il s'agit, par exemple, des donateurs, une autre catégorie importante d'acteurs externes qui joue parfois des rôles non négligeables.

Nous pensons ici aux organismes comme :l'Union européenne (UE), l'Agence de coopération internationale du Japon, l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), le Département du Royaume-Uni pour le développement international (DFID), le Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) allemand, l'Agence norvégienne pour le développement international (NORAD), l'Agence suédoise de coopération internationale pour le développement (SIDA), l'Agence canadienne pour le développement international CIDA), et l'organisme irlandais GOAL.

Généralement, ces partenaires ont une présence dans le pays mais ne manquent pas les programmes eux-mêmes. Ils mettent plutôt des ressources à la disposition du système de l'ONU et des ONG qui travaillent sur le terrain. Nombre d'organismes de l'ONU sous-traitent aussi le travail à des ONG en ce sens que la plupart d'activités programmatiques sur le terrain sont menées par des ONG.

180

De ce qui précède, nous ne pouvons pas aussi ignorer les rôles de nouveaux acteurs émergents. Il s'agit, par exemple, de la nouvelle Banque de développement des BRICS. Car ces acteurs disposent des approches, des mobiles et des méthodologies différentes et ne tiennent pas souvent compte des conseils du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). Ils s'intéressent plus aux partenariats pour le développement des infrastructures et l'échange d'expertise technique. Ils ont une théorie du changement à long terme qui soutient que la stabilité et le développement contribueront à instaurer une paix durable dans le temps.

- Rôles de la femme dans le processus de pacification

Les rôles dévolus à chaque sexe au sein d'une société ont une incidence sur l'équité, la richesse, le pouvoir et le bien-être. Les rôles et les relations des hommes et des femmes sont dynamiques et changeants. Les changements peuvent survenir brusquement à l'issue de guerres, de famines et de catastrophes naturelles, ou progressivement au fil du temps.

Cependant, un changement peut être perçu comme une opportunité ou comme une menace, aussi bien par les hommes que par les femmes, et être une source de conflit. Des conflits peuvent aussi découler des mesures imposées par des hommes et des femmes pour rétablir un équilibre dans des rôles et des processus qui ont une incidence sur les conditions de vie des femmes.

Dans le cadre des conflits fonciers, par exemple, en tant que groupe de parties prenantes, les femmes ont souvent de grandes difficultés à faire reconnaître leurs droits fonciers. Cela tient principalement à deux raisons: leur condition sociale et leur identité. Ainsi, (...) il est nécessaire de tenir compte des questions de genre et des problèmes qui découlent de la répartition des rôles et des responsabilités, ou encore des relations entre les hommes et les femmes.

Disons que (...) l'affaiblissement continuel des institutions publiques et l'échec de ces dernières à restaurer une certaine cohésion sociale face à l'intensification des tensions montrent le besoin d'une participation effective des citoyens à la vie publique, en particulier les femmes et les jeunes, pour une paix, une sécurité et un développement durables aux niveaux local, national et régional.

181

Section 3. ACTION COLLECTIVE DES ACTEURS POUR LA SECURITE, LA PAIX ET LE DEVELOPPEMENT DE KALEHE

Nous avons déjà identifié les causes de l'absence la paix dans le territoire de Kalehe. Nous avons également épinglé les rôles des acteurs dans le processus de pacification tout en effleurant quelques idées forces sur ce processus. A présent, nous voulons démontrer l'importance de la paix si l'on envisage le développement de ce territoire.

3.1. Actions préconisées pour la paix et le développement de Kalehe

De manière générale, il existe plusieurs voies de sortie d'un conflit, c'est-à-dire qu'il existe nombre de mécanismes pouvant aider à résoudre les conflits que nous regroupons en deux catégories. Dans la première catégorie nous avons les mécanismes dits non consensuels/informels. Il s'agit ici de : l'adjudication et l'arbitrage. Ces deux mécanismes renvoient à l'intervention d'une tierce partie habilitée (formelle ou informelle) et chargée de prendre la décision finale361.

La seconde catégorie est celle des mécanismes dits consensuels/formels de conflit. Ce sont des méthodes alternatives de gestion de conflit, notamment : l'action communautaire et consultation, la négociation, la facilitation, la conciliation et la médiation362. Contrairement aux premiers, les mécanismes de la seconde catégorie regroupent tous les processus allant dans le sens de la recherche d'un consensus. Dans le cadre de ceux-ci, ce sont les parties, elles-mêmes, qui décident ensemble comment gérer ou trouver une solution à leur conflit.

S'agissant de la situation de l'Est de la RDC, en général, et du territoire de Kalehe en particulier, les actions menées de 2000 jusqu'à nos jours sont légion. Sur le plan interne, on peut, à ce sujet, citer :

- Le dialogue intercommunautaire ;

361 HERRERA, A. et GUGLIELMA DA PASSANO, M., Op.cit., pp. 80-84. 362Idem, p. 87.

Certes, la paix ne signifie pas absence de conflits ; mais il faut un processus qui privilégie le dialogue constructif et inclusif aboutissant à la

182

- L'activité économique pacificatrice, comme la distribution des chèvres, réconciliation à plusieurs membres de différentes ethnies pour favoriser les échanges, les dialogues et le suivi concerté ;

- Les activités culturelles : théâtres, ballets, foot pour les jeunes ;

- Les ateliers de réflexion sur les thèmes comme : l'éducation civique, la gestion des conflits, la démocratie et la paix, le genre et le développement, la femme et la bonne gouvernance ;

- L'amendement du code de la femme, participation à l'élaboration de la loi sur les viols et violences faites à la femme ;

- Les émissions à la radio ;

- Les concertations synergiques avec d'autres acteurs de paix ; - Les plaidoyers auprès des autorités locales, nationales ;

- La sensibilisation des chefs des bandes armées à l'Est de la RDC (Laurent N'Kunda, etc.) ;

- Les actions de démobilisation.

Sur le plan externe, on peut retenir :

- Les concertations régionales avec les organisations du Rwanda, du Burundi au sein de la dynamique régionale de la société civile ;

- Les voyages d'échanges d'expériences des acteurs et actrices de la société civile de la région ;

- La sensibilisation des acteurs sur la gestion de conflits, la démocratie et la paix, la femme et la paix, la femme et la bonne gouvernance.

Malgré la présence de la Monusco et malgré l'application de divers mécanismes proposés par d'autres organismes nationaux et internationaux, l'Est de la RDC, en général, et le territoire de Kalehe, en particulier, n'est pas toujours en paix. Les groupes rebelles, tout comme les communautés, continuent à vivre dans des tensions. Car toutes les solutions proposées se sont soldées par un échec cuisant.

183

résolution d'un conflit entre individus à travers un comportement de compréhension mutuelle et de complémentarité des idées363.

Puisque les conflits jalonnent nos existences et nos relations364. Quand des conflits surviennent, en temps de paix, ils sont résolus sans usage de la force. Chez un individu la paix est caractérisée par des sentiments de dignité, de quiétude, sans angoisse, sans intimidation et sans mauvaises idées365. Pour ces raisons, on préfère éviter tout conflit, sans forcément réaliser qu'on pose ainsi les bases d'un refoulement qui cultive ses dynamiques destructrices. Pourtant, quand il émerge, un conflit pourrait aussi être vu comme un marqueur du besoin de porter une attention particulière là où apparaissent les premières tensions ; il serait donc un révélateur366. Et parce que ces tensions peuvent conduire à la souffrance, à la perte ou à la destruction, un conflit signale le besoin d'une intervention.

Voilà pourquoi nous estimons qu'il faut mener de manière concomitante la consultation, la facilitation, la réconciliation et la négociation à Kalehe pour pouvoir trouver une issue à favorable des conflits. Toutes ces démarches doivent commencer par le changement de la perception que l'on a d'un conflit. Il est bon de le considérer comme un phénomène normal de la vie en société : celle-ci étant fondée sur la multitude et donc la diversité, elle produit des tensions, des frictions, voire des incompatibilités entre les collectifs et les individus qui la composent. Légitimer un conflit signifie l'accepter comme un phénomène normal des sociétés humaines tout en prenant conscience de son potentiel de destruction qui exige d'agir pour rechercher une transformation vers des rapports plus équitables. C'est dans ces conditions qu'un conflit détient un potentiel de transformation sociale, de changement dans le sens d'un progrès à réaliser.

A partir de cette nouvelle perception, nous pouvons ainsi fonder le processus de pacification sur la doctrine et la philosophie de la Fédération pour la Paix Universelle, « FPU », en sigle. En effet, selon cette Fédération, l'ONU

363 NIYAKIRE, A. et Ali., Résolution pacifique des conflits, Guide de formation destinée aux leaders communautaires « Imboneza », Centre de Dévelloppement Familial et Communautaire (CDFC) de la Province de Gitega, 2013, p. 9.

364 GATELIER, K., et Ali., Op.cit., p. 15.

365 NIYAKIRE, A. et Ali., Op.cit., p. 9.

366 GATELIER, K. et Ali., Op.cit., p. 15.

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qui a été instituée après la seconde guerre mondiale pour éviter que les sociétés sombrent encore une fois de plus dans des violences, comme c'était les cas en 1914-1918 et 1940-1945, a lamentablement échoué et n'est pas parvenue à atteindre le but ultime pour lequel elle a été créée. Car dans presque tous les continents, les conflits sont restés omniprésents. Les cas les plus emblématiques sont nombreux. On peut, à ce sujet, évoquer quelques cas : l'Israël et la Palestine sont loin de s'accorder sur les enjeux qui les opposent ; l'Ethiopie et l'Erythrée sont loin de vivre en harmonie ; la Russie et l'Ukraine sont plongées dans les affrontements ; la RDC et ses voisins, principalement le Rwanda, baignent dans une opposition ouverte sans précédent.

A la base de cet échec de l'ONU figurent des éléments ci-après, à

savoir :

- L'absence de Dieu : selon la FPU, les nations ont institué l'ONU pour instaurer la paix ; elles ont mis tout à sa disposition, mais il faut remarquer qu'aucune place n'a été réservée à Dieu dans cette organisation. Il se révèle ici que l'aspect divin découle de la source spirituelle du conflit et de la guerre. En effet, dans ses recherches sur l'origine des conflits et s'interrogeant : « Pourquoi le monde est-il en conflit ? », l'UNESCO réalise que ceux-ci résultent de la séparation de nos ancêtres originels de Dieu et de l'influence négative des forces spirituelles du mal. Elle explique ceci par un portrait fait de la relation illicite d'Adam et Eve ainsi que de l'esprit de meurtre et de violence qui animait Caïn contre son frère Abel.

- L'imperfection des hommes : Pour l'UNESCO, cette imperfection n'est ne découle de rien d'autre que de l'égoïsme avec ses corollaires que sont la convoitise, l'exploitation, l'arrogance, la vengeance, le préjudice et l'avarie qui animent l'esprit humain ; tout ceci parce que l'homme ne veut vivre que pour soi-même.

C'est dans cette convergence que l'Acte Constitutif de l'UNESCO souligne dans son préambule que « les guerres prenant naissance dans l'esprit des hommes, c'est dans l'esprit des hommes que doivent être élevées les

défenses de la paix.
L'incompréhension mutuelle des peuples a toujours été, au cours de l'histoire, à l'origine de la suspicion et de la méfiance entre nations, par où leurs désaccords

185

ont

trop souvent dégénéré en guerres ».367

Elle poursuit par l'affirmation que la grande et terrible guerre qui vient de finir a été rendue possible par le reniement de l'idéal démocratique de dignité, d'égalité et de respect de la personne humaine et par la volonté de lui substituer, en exploitant l'ignorance et le préjugé, le dogme de l'inégalité des races et des hommes.

Cela étant, elle soutient que la dignité de l'homme exigeant la diffusion de la culture et l'éducation de tous en vue de la justice, de la liberté et de la paix, il y a là, pour toutes les nations, des devoirs sacrés à remplir dans un esprit de mutuelle assistance.

Elle conclue, pour ce faire, qu'une paix fondée sur les seuls accords économiques et politiques des Gouvernements ne saurait entraîner l'adhésion unanime, durable et sincère des peuples et que, par conséquent, cette paix doit être établie sur le fondement de la solidarité intellectuelle et morale de l'humanité.

Par ailleurs, certains libres penseurs estiment que la paix est comprise avant tout par les différentes lettres qui composent ce mot « paix ». La lettre « P » signifie pain, c'est-à-dire à manger selon la culture de chaque peuple. La lettre « A » renvoie à l'amour, c'est-à-dire un plaisir d'adoration pour tous les autres hommes qui t'entourent. La lettre « I » égale à l'injustice. Et la lettre « X » fait référence à la xénophobie.

Eu égard à ce qui précède, la FPU met en lumière une philosophie et une doctrine qui se fondent sur cinq principes fondamentaux tels qu'expliqués ci-dessous. Il s'agit de :

- La dualité ;

- Le donner et le recevoir ;

- Le but d'ensemble et les buts individuels ;

- La croissance dans les trois stades successifs ;

- La liberté à travers la responsabilité.

367 Constitution de l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture, Londres, Novembre 1945, https://www.droitcongolais.info/files/0.5.11.45-Constitution-de-l-UNESCO.pdf

186

S'agissant du premier principe, la FPU démontre qu'instaurer la paix dans le monde, en général, et dans le territoire de Kalehe, il importe que tous les acteurs reconnaissent avant tout que le monde fonctionne selon ce principe de dualité, c'est-à-dire que Dieu a créé tout ce qui est dans l'univers par deux : l'homme et la femme, le jour et la nuit, le soleil et la lune, etc. aucune des créations ne peut se suffire à elle seule sans la présence de l'autre. Cest dire que l'homme doit reconnaitre que sa vie est intimement liée à celle de son prochain. Au cas contraire, ni lui ni son prochain, personne ne saura vivre et avancer. Il y a là la logique d'interdépendance et de complémentarité universelle. C'est la maitrise et compréhension de ce principe qui permettra au monde, en général, et à Kalehe de construire une paix durable.

Pour ce qui est du deuxième principe du donner et du recevoir, la FPU note qu'il découle du premier. Celui-ci met en vedette l'idée selon laquelle il faut savoir interagir avec les autres. C'est là que se cache la bénédiction. L'homme doit savoir bien donner pour bien recevoir. Le fait de donner est un moyen nécessaire pour instaurer la paix entre les humains. L'égoïsme est en réalité l'origine des frustrations et conflits qui naissent au jour le jour entre les humains. Car personne ne peut se suffire à elle-même.

A propos du troisième principe qui parle du but d'ensemble et des buts individuels, la FPU situe aussi des conflits dans ces deux types de buts, c'est-à-dire le bien commun et le bien individuel. La poursuite et la priorisation du but individuel par les acteurs est une source importante des conflits. Certes, les besoins ne sont pas identiques chez tous les hommes mais il faut signaler qu'il existe des besoins fondamentaux communs à tous les êtres et qui nécessitent une action collective pour leur satisfaction. Ce qui implique qu'il faut avant tout privilégier ces besoins que ceux individuels pour ne pas faciliter l'émergence des conflits dans le territoire de Kalehe. L'Etat, à travers ses structures, notamment : le gouvernement provincial, l'assemblée provinciale du Sud-Kivu, le chef du territoire et son adjoint, doivent faire le minimum pour aider la population de Kalehe à satisfaire ces besoins. C'est dire que la paix ne peut être possible que si le but commun ou l'intérêt général est mis en avant plan.

Le quatrième principe est celui de croissance dans les trois stades successifs. Selon celui-ci, la FPU pense que l'homme doit croitre à travers les trois stades de manière réciproque. Au cas contraire, ça sera l'hécatombe. Le premier stade est celui de la formation. Ici, elle met l'accent sur l'éducation comme étant le facteur principal qui permet d'inculquer à l'homme des valeurs

187

de la société sans lesquelles il sera semblable à un animal. Le deuxième stade est celui de la croissance. Ici la FPU note que c'est le niveau où l'homme est appelé à prendre des connaissances qui vont le rendre utile à la société. Il s'agit des connaissances scientifiques. Le dernier stade est celui de l'accomplissement.

Le dernier principe est celui en rapport avec la liberté à travers la responsabilité. La liberté réside dans l'effort incessant de l'homme de surmonter les entraves et les contraintes. Pour la Déclaration des droits de l'homme, à son article 4, « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles

qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits.

»368

La responsabilité, quant à elle, sous-tend la capacité de répondre de ses actes et en assumer les conséquences. C'est dans ce sens que Maurice Blondel déclare que « La responsabilité est la solidarité de la personne humaine avec ses actes... »

Somme toute, la responsabilité est ce par quoi l'homme pose sur son oeuvre ses empreintes de liberté. L'homme responsable est celui qui prend conscience des actes qu'il pose et est prêt d'en assumer les conséquences car nier ses actes c'est refuser sa dignité et sa liberté. Ainsi, tout sujet qui possède un élan de responsabilité a le devoir de bien choisir, autrement, de rechercher le bien collectif. C'est ce qui fait dire à J-P Sartre que « notre responsabilité est beaucoup plus que nous ne pourrions le supposer car elle engage l'humanité entière (...) ainsi, je suis responsable pour moi-même et pour tous »369.

368 Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, https://data.over-blog-

kiwi.com/0/97/97/62/20140423/ob_1dfba7_12-liberte-et-responsabilite.pdf

369 Sartre J.P., l'existentialisme est un humanisme, https://data.over-blog-

kiwi.com/0/97/97/62/20140423/ob 1dfba7 12-liberte-et-responsabilite.pdf

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- NDIKUMANA, L. et KISANGANI, E., « The Economics of Civil War: The Case of the Democratic Republic of Congo », In N. Sambanis et P. Collier (Eds.), Understanding Civil War: Evidence and Analysis, Washington DC: Banque Mondale, 2005.

- PETTITI, L., « Paix, développement et droits de l'homme », Les Cahiers de droit, vol. 28, n° 3, 1987.

- POURTIER R., « Les Camps du Kivu ou la gestion de l'éphémère », in Déplacés et réfugiés : La mobilité sous contrainte, Quesnel, IRD édition, 1999.

- PRUNIER G., « L'Ouganda et les guerres congolaises », in Politique africaine,

- TABAH, L., « conférence Mondiale et Plan Mondial pour la population », in Dossier technique, UNESCO, n°5, 1985.

- TOCQUEVILLE, A., « De la démocratie en Amérique (1835-1840) », in Encyclopédie de la philosophie, La Pochothèque Garzanti, Librairie Générale française, 2002.

- DRUCKMAN, D., « Théories de conflits et recherche en négociation : hommage aux contributions de Dean Pruitt », in Négociations, 2015/1, n°23.

III. COURS ET TRAVAUX ACADEMIQUES INEDITS

- ABEMBA B-J., Cours de géopolitique, L2 Sciences Politiques et Administratives, Faculté des Sciences Sociales, Administratives et Politiques, Université de Kinshasa, 2018-2019.

- ABEMBA B-J., Séminaire des Sciences Politiques, L1 SPA, FSSAP, UNIKIN, 2013.

192

- KAYEMBE, N., Gouvernance des conflits liés aux ressources pastorales (eaux, terre et pâturage). Acteurs, enjeux et perspectives de la transhumance Mbororo au Nord-Est de la RD. Congo, DEA/DES, SPA, FSSAP, UNIKIN, 2021-2022.

- MUSAO K-M., Cours d'Histoire Politique de la République Démocratique du Congo, G1 SPA, FSSAP, UNIKIN, 2012-2013.

- MWAKA B., Conflit, conflictualité et processus identitaires au Nord-Kivu. Comprendre l'institutionnalisation de violences, Thèse de doctorat en Sciences Politiques et Administratives, Ecole des Hautes Études en Sciences Sociales, 2012-2013.

- TSAMBU L., Lutte symbolique et enjeux de domination sur l'espace de la musique populaire à Kinshasa, critique praxéologique des sociabilités de la scène musicale kinoise, Thèse de doctorant en Sociologie, Faculté des Sciences Sociales, Administratives et Politiques, Université de Kinshasa, 2011-2012.

IV. DOCUMENTS OFFICIELS

- COLLA et DALLEMAGNE, Rapport de la Commission d'enquête parlementaire chargée d'enquête sur l'exploitation et le commerce légaux et illégaux de richesses naturelles dans la région des Grands Lacs au vu de la situation conflictuelle actuelle et de l'implication de la Belgique, session 20022003, février 2003.

- FEC, Synthèse de rapport d'activités du conseil d'administration à l'assemblée générale ordinaire élective exercice 2013, Avril 2014.

- Loi n°11/022 du 24 décembre 2011 portant principes fondamentaux relatifs à l'agriculture.

- Ministère des Droits Humains de la RDC, Livre Blanc sur les violations massives des Droits de l'Homme et des règles de base du droit international humanitaire par les pays agresseurs à l'Est de la RDC, couvrant la période du 02 août au 02 novembre 1998, Tome I, Kinshasa, 1998.

- Rapport Afrique N°188-11 juillet 2012.

- Rapport de Conférence-Etats fragiles en Afrique, Observatoire de l'Afrique, août 2008.

193

- Rapport des travaux de la commission spéciale, Assemblée Nationale chargée de l'examen de la validité des conventions à caractère économique et financier conclues pendant les guerres de 1996-1997 et de 1998, publié en 2005.

- Rapport du Groupe d'Experts des Nations Unies (Rapport Mahmoud KASSEM) présenté au Conseil de Sécurité de l'ONU le 15 octobre 2002.

- Rapport du Secrétariat exécutif sur la région des Grands Lacs Africains, Naïrobi, 2002.

- Rapport final du groupe d'experts de l'ONU publié le 24 octobre 2002.

- Rapport final du groupe d'experts de l'ONU sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République Démocratique du Congo publié le 24 octobre 2002 sous la cote S/2002/1146.

- Rapport sur les ressources minérales et le développement de l'Afrique, Commission économique pour l'Afrique publié en 2011.

V. WEBOGRAPHIE

- http// www.reseauvoltaire.net

- http://fr.internationalism.org

- http://www.african-union.org

- http://www.amisdenicholasarkozy.fr

- http://www.irenees.net

- http://www.irenees.net

- http://www.la-croix.com.

- http://www.operationspaix.net.

- http://www.planetoscope.net

- http://www.reflexions.uliege.be

- http://www.rfi.fr

- http://www.ritimo.org

- http://www.savoirnews.net

- http://www.usip.org/online-courses/conflict-analysis

- http://www.veritasinfo.fr

- https:// www.globethics.net/document

194

- https:// www.globethics.net/document

- https:// www.globethics.net/document

- https://habarirdc.net

- https://www.grainenesdepaix.org/fr/ressources/concepts-de-

paix/definitions/comment-definir-la-paix

- www.cair.info/revue-negociations-2015-123.htm

- www.un.org/fr/global-issues/peace-and-security

195

TABLE DES MATIERES

EPIGRAPHE I

IN MEMORIAM II

DEDICACE III

REMERCIEMENTS IV

PRINCIPAUX SIGLES ET ACRONYMES VI

INTRODUCTION 5

I. CHOIX, OBJECTIFS ET INTERETS DE L'ETUDE 5

1. Intérêt personnel 6

2. Intérêt scientifique 6

3. Intérêt pratique 6

II. Etat de la question 6

III. PROBLEMATIQUE 10

IV. HYPOTHESES 12

V. METHODOLOGIE 13

1. METHODE DIALECTIQUE 13

2. TECHNIQUES 16

VI. DELIMITATION DU TRAVAIL 17

VII. SUBDIVISION DU TRAVAIL 18

VIII. DIFFICULTES RENCONTREES. 18

CHAPITRE I. CONSIDERATIONS GENERALES 1

SECTION 1. NOTIONS DES CONFLITS 20

1.1. Définition Erreur I Signet non défini.

1.2. Types ou sortes de conflits 59

1.2.1. Types de conflits selon les rapports individuel ou collectif 59

1.2.1.1. Conflits interpersonnels 59

1.2.1.2. Conflits intra-groupes 60

1.2.1.3. Conflits intergroupes 61

1.2.2. Types de conflits selon l'objet 61

1.2.2.1. Conflits d'intérêt et d'identité. 61

1.2.2.2. Conflits d'autorité et les conflits de pouvoir 62

1.2.2.3. Conflits de concurrence ou de rivalité 62

1.2.2.4. Conflits de génération 62

1.2.3. Types de conflits selon l'intention des acteurs 62

1.2.3.1. Conflits constructifs ou destructifs 62

- Constructifs 62

- Destructifs 63

1.2.3.2. Conflit latent, ouvert et conflit violent 63

196

- Conflit latent 63

- Conflit ouvert 63

- Conflit violent 63

1.3. Quelques théoriciens de conflits 64
1.3.1. Théorie de la méthode heuristique d'essais et d'erreurs (HEE) et d'échange d'informations (développée

par Pruitt) 64

1.3.2. Théorie de la readiness 65

1.3.3. Modèles d'escalade, de points de non-retour et de désescalade d'un conflit 67

1.3.4. Théorie aristotélicienne sur l'origine de conflits 67

1.3.5. Théorie marxiste de la lutte des classes sociales 68

1.4. Modes de résolution de conflits 70

1.4.1. Résolution par transformation de conflits 70

1.4.1.1. Transformation personnelle 70

1.4.1.2. Transformation culturelle 71

1.4.1.3. Transformation structurelle 71

1.4.1.4. Transformation relationnelle 71

1.4.2. Résolution par le dépassement de conflits 71

1.4.3. Recours hiérarchique 71

1.4.4. Arbitrage 72

1.4.5. Médiation 72

1.4.6. Négociation 72

1.5. Différents types de négociations 72

1.5.1. Différentes techniques de négociations 73

- La technique de pivots 73

- Les techniques de maniement du temps 73

- La technique "point par point" 74

- La technique de jalons 74

- La technique de bilans : 74

- La technique de quatre marches 74

1.5.2. Relation entre la résolution de conflit et le maintien de la paix 74

SECTION 2. NOTION DE LA PAIX 46

2.1. Définition 46

2.2. Conception de la paix selon qu'elle est positive ou négative 49

3.3. Émergence et institutionnalisation de la notion de paix positive 50

2.4. Outils et organisation de moyens en faveur de la paix 52

2. 5. Personnalités engagées pour la Paix 53

2.6. Paix internationale 54

Section 3. Théorie sur le développement Erreur I Signet non défini.

3.1. Historique du concept Erreur I Signet non défini.

3.2. Différentes constructions théoriques du développement Erreur I Signet non défini.

3.2.1. Théories placées du système marxiste Erreur I Signet non défini.

1) Société traditionnelle Erreur I Signet non défini.

2) Préconditions du développement Erreur I Signet non défini.

3) Décollage Erreur I Signet non défini.

197

4) Progrès vers la maturité Erreur I Signet non défini.

5) Ere de la consommation de masses Erreur I Signet non défini.

3.2.2. Théories marxistes et le développement Erreur I Signet non défini.

3.3. D'autres théories sur le développement Erreur I Signet non défini.

2.1. Théories sur le développement local et développement durable Erreur I Signet non défini.

CHAPITRE II.

PRESENTATION DE LA PROVINCE DU SUD-KIVU ET DU TERRITOIRE DE KALEHE

SECTION 1. DESCRIPTION DU SUD-KIVU

 

76

76

77

1.1. Bref historique de la province du Sud-Kivu

77

 

1.1.1. Préhistoire de la province du Sud-Kivu

78

 

1.1.2. Naissance de la province du Sud-Kivu

78

 

1.2. Contexte géographique du Sud-Kivu

79

 

1.2.1. Localisation de la province du Sud-Kivu

80

 

1.2.2. Potentiel climatique du Sud-Kivu

81

 

1.2.3. Relief de la province du Sud-Kivu

82

 

1.2.4. Sol et potentialités de la province du Sud-Kivu

83

 

1.3. Cadre démographique

85

 

1.4. Situation politico-administrative

86

 

SECTION 2. PROBLEMES DE DEVELOPPEMENT DU SUD-KIVU

 

86

2.1. Problèmes généraux du développement de la RDC

87

 

2.1.1. Facteurs du développement

88

 

2.1.1.1. Facteurs socio-culturels

88

 

2.1.1.2. Facteurs technologiques

89

 

2.1.1.3. Facteurs économiques

89

 

2.1.1.4. Facteurs politiques

89

 

2.1.1.5. Facteurs familiaux

90

 

2.1.1.6. Facteurs constitutifs de la personne

90

 

2.1.1.7. Facteurs idéologiques

90

 

2.1.2. Problèmes de développement de la RDC

91

 

2.1.2.1. Problème politique

91

 

2.1.2.2. Problèmes sécuritaires

92

 

2.1.2.3. Problèmes économiques

94

 

2.1.2.4. Problèmes sociaux

95

 

2.1.2.5. Problèmes infrastructurels

96

 

2.2. Problèmes de développement du Sud-Kivu

97

 

2.2.1. Insécurité

97

 

2.2.2. Enclavement

98

 

2.2.3. Manque d'infrastructures

99

 

2.2.4. Convoitise

99

 

SECTION 3. TERRITOIRE DE KALEHE

 

101

3.1. CADRE GEOGRAPHIQUE

 

102

3.2. Aspects administratif et juridique de Kalehe

103

 

3.3. Situation sécuritaire et économique

104

 

198

3.3.1. Dilemmes sécuritaires

105

 

3.3.2. Mobilisation autour de la terre et de l'identité

105

 

3.3.3. Exploitation de ressources naturelles

106

 

3.3.4. Les dynamiques régionales

107

 

3.3.5. Le système de conflit

108

 

3.3.6. Priorités stratégiques

111

 

CHAPITRE III.

 

113

ATOUTS ET OBSTACLES AU DEVELOPPEMENT DU TERRITOIRE DE KALEHE

 

113

SECTION 1. LES ATOUTS DE DEVELOPPEMENT DU TERRITOIRE DE KALEHE

 

113

1.1. Du point de vue physique

113

 

1.2. Du point de vue énergétique

113

 

1.2.1. Configuration énergétique, opportunité de développement

114

 

1.2.1.1. Dioxyde de carbone et le méthane

115

 

1.2.1.2. Autres sources d'Energie

116

 

1.2.2. Exploitation du gaz et problème d'eutrophisation du lac

116

 

1.3. Du point de vue culturel

117

 

1.4. Du point de vue environnemental et écologique

119

 

1.4.1. La terre ferme comme atout de développement

119

 

1.4.1.1. Forêt

121

 

1.4.1.2. Richesse de sol

121

 

Sur certains versants de collines, le sol est lessivé, ce qui compromet la fertilité du sol pour une bonne activité

agricole.

1.4.2. L'eau comme atout de développement

1.4.2.1. Lac Kivu comme atout de développement du territoire de Kalehe

122

122

122

 

a. Couvercle permanent à 250 mètres

123

 

b. Dangereux prisonniers des couches profondes

124

 

1.4. Du point de vue économique

126

 

1.4.1. Commerce

127

 

1.4.2. Principales activités des PME/PMI

127

 

I.5. Du point de vue démographique ou humain

127

 

1.6. De l'organisation sociale

128

 

SECTIONS 2. QUELQUES OBSTACLES AU DEVELOPPEMENT DU TERRITOIRE DE KALEHE

 

128

2.1. Conflit entre originaires et non originaires

128

 

2.2. Présence des groupes armés étrangers et militarisation des communautés locales

130

 

2.2.1. Présence des groupes armés étrangers dans le territoire

131

 

2.2.2. Les Patriotes Résistants Congolais (PARECO)

132

 

2.2.3. Les Maï-Maï Kirikicho

133

 

2.3. Intégration mitigée des communautés par le territoire

134

 

2.4. Conflits fonciers

136

 

2. 4. Fragilité de l'Etat

137

 

SECTION 3. ENJEUX DE DEVELOPPEMENT DE KALEHE

 

139

3.1. Enjeux Politiques

139

 

3.2. Enjeux Economiques

141

 

199

3.3. Stratégiques (sécuritaires) 142

3.4. Cohabitation entre groupes et forces armés, autorités et populations 144

CHAPITRE IV ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.

POUR LA PAIX ET LE DEVELOPPEMENT DURABLE A KALEHE ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.

SECTIONS 1. NECESSITE DE LA SECURITE ET LA PAIX POUR LE DEVELOPPEMENT DE KALEHE ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.

1.1. Causes spécifiques de l'insécurité à Kalehe Erreur ! Signet non défini.

1.1.1. Causes des conflits communautaires et armés à Kalehe Erreur ! Signet non défini.

1.1.1.1. Question foncière au centre des conflits entre communautés Erreur ! Signet non défini.

1.1.1.2. Transplantations des populations rwandophones Erreur ! Signet non défini.

1.1.1.3. Question de nationalité Erreur ! Signet non défini.

1.1.2. Place de la paix dans le processus de développement de Kalehe Erreur ! Signet non défini.

SECTION 2. ROLES DES ACTEURS DANS LE PROCESSUS DE PACIFICATION ET DEVELOPPEMENT DE KALEHE ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.

2.1. Acteurs impliqués dans le processus de pacification Erreur ! Signet non défini.

2.2.1. Acteurs impliqués dans les conflits à Kalehe Erreur ! Signet non défini.

2.2. Rôles des acteurs dans le processus de pacification Erreur ! Signet non défini.

2.3. Rôles des acteurs d'après la localisation Erreur ! Signet non défini.

2.3.1. Rôles des acteurs internes (locaux) dans la pacification Erreur ! Signet non défini.

2.3.2. Rôles des acteurs externes dans la pacification Erreur ! Signet non défini.

2.3.3. Rôles spécifiques de la société civile dans le processus de pacification Erreur ! Signet non défini.

2.3.4. Rôles de la femme dans le processus de pacification Erreur ! Signet non défini.

SECTION 3 : ACTION COLLECTIVE DES ACTEURS POUR LA SECURITE, LA PAIX ET LE DEVELOPPEMENT DE KALEHE 181

3.1. Actions préconisées pour la paix et le développement de Kalehe 181

CONCLUSION ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.

BIBLIOGRAPHIE 188

I. OUVRAGES 188

II. ARTICLES 190

III. COURS ET TRAVAUX ACADEMIQUES INEDITS 191

IV. DOCUMENTS OFFICIELS 192

V. WEBOGRAPHIE 193

TABLE DES MATIERES 195






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