Année académique 2020- 2022
UNIVERSITE DE KINSHASA
FACULTE DES SCIENCES SOCIALES, ADMINISTRATIVES ET
POLITIQUES
DEPARTEMENT DES SCIENCES POLITIQUES ET
ADMINISTRATIVES
PAIX ET DEVELOPPEMENT DANS LE
TERRITOIRE DE KALEHE AU SUD-KIVU
Identification des Acteurs, Atouts et
Enjeux
Par
Norbert MUCHIGA ZIHINDULA
Licencié en Sciences Politiques et Administratives
Mémoire présenté et défendu en vue
de l'obtention du Diplôme d'Etudes Supérieures en Sciences
Politiques et Administratives
Promoteur : Jean-Gérard BAENDE
EKUNGOLA
Professeur Ordinaire
Co-promoteurs : - Bienvenu MUCHUKIWA NGUSU
Professeur
- Patience KAMANDA LONDO Professeur
i
EPIGRAPHE
« La paix a un prix à payer. Elle
coûte cher. Il faut absolument la préserver par tous les voies et
moyens... ».
DAG HAMMARSKJÖLD
ii
IN MEMORIAM
Nos parents MUCHIGA Alexandre et M'CHIRABUKO ZANABE Francisca
;
Nos frères et soeurs MUCHIGA BUHORHO Stéphanie,
MUCHIGA BONABIRHU, MUCHIGA Martin, Françoise CHIBALONZA et SIKUZANI
Jacqueline d'heureuses mémoires.
Si bien que les blessures de vos différents et
mystérieux départs soient encore fraiches et douloureuses, nous
tachons du jour au lendemain de faire preuve du courage que vous nous avez
transmis ; ce courage qui ne fléchit pas devant la peur, mais qui la
combat pour la vaincre.
Auprès du Père où vous êtes,
intercédez pour nous.
Norbert MUCHIGA ZIHINDULA
Norbert MUCHIGA ZIHINDULA
iii
DEDICACE
A notre frère aîné, le Sénateur
Professeur Modeste BAHATI LUKWEBO qui s'était montré très
généreux à notre endroit en nous offrant, non seulement
les moyens matériels nécessaires mais aussi l'appui moral
à notre démarche scientifique.
A la digne mère de nos enfants, Madame Célestine
Faïda MFUNE pour son inlassable sollicitude pendant la période
difficile de quête des données sur le terrain ;
A nos enfants, dont MUCHIGA AMANI Muyu (et sa descendance :
Alvy, Ruthiana, Grady, Esther), MUCHIGA BAHATI Mamie (et sa descendance Kelaya
Mbwakiem, Marco, Blessing, Winnie), MUCHIGA AKILIMALI Prince (et sa descendance
: Daniel, Destinée, Délive et ZIHINDULA Norbert), MUCHIGA
Francine (et sa descendance Erick BARAKA), MUCHIGA Rodrigue (et sa descendance
Faïda), MUCHIGA FEZA Rachel (et sa descendance Ashuza), MUCHIGA CHINAMULA
Rufin (et sa descendance Maël et MUKENGWA Milan), MUCHIGA BITAKUYA
Moïse, MUCHIGA ZIHINDULA Raoul, MUCHIGA Raïssa et MUCHIGA KIPONDA
Roddy pour le témoignage de leur vive affection ;
A nos frères et soeurs ainsi que leur nombreuse
progéniture pour leurs encouragements multiformes, entre autres :
MUCHIGA BUHORHO Stéphanie (et sa descendance : MUTULA Hortense, Mwinja,
Francine, Eugène, Guylaine, MUCHIGA BONABIRHU (et sa descendance NKINZO
Papy, Dada, Junior, Gloire), MUCHIGA À NAMAZUBA (et sa descendance
Lydia, Christian, Dany, Joël et Josué), MUCHIGA Martin (et sa
descendance Aimée, Tandrice, Obed, Benjamin, Grady, Mickelange,
Namazuba), MUCHIGA NAMINANI (et sa descendance Fallone, Agnès, Solange
et Norbert), MASIRIKA Mulumeoderhwa et sa descendance (Alexandre, Enoch,
Euphrasie et Françoise), Françoise CHIBALONZA (et sa descendance
Alain, Vikson, Bijoux, Bénie) et SIKUZANI Jacqueline (et sa descendance
Serge, Gisèle, Charline, Tony, Alain, Fiston, Bijoux, Blaise, Sylvie,
Carine), ...
iv
REMERCIEMENTS
Le présent travail marque le mi-parcours de nos
études au sein de la Faculté de Sciences Sociales,
Administratives et Politiques de l'Université de Kinshasa.
Plusieurs personnes, d'une manière ou d'une autre, de
près ou de loin, ont concouru à notre formation intellectuelle
ainsi qu'à la réalisation du présent travail par leur
appui qui varie du tout au tout. Il s'agit notamment d'un appui spirituel qui
n'a pas faibli à travers leurs prières, d'un réarmement
moral ou encore d'une participation matérielle qui méritent
d'être cités, accompagnés de nos chaleureux
remerciements.
Bannissant l'esprit d'ingratitude notoire, nous tenons, de
prime abord, à remercier l'Eternel Dieu, Créateur du ciel et de
la terre, pour le souffle de vie, sans lequel la réalisation de cet
ouvrage ne parviendrait pas à son comble.
Nous pensons ici plus particulièrement aux
autorités académiques et scientifiques ainsi qu'au corps
professoral de l'Université de Kinshasa avec une note
particulière soulignant l'apport très apprécié de
la Faculté de Sciences Sociales, Administratives et Politiques, pour la
formation de qualité que nous avons reçue tout au long de notre
parcourt.
Nous remercions, d'une manière exceptionnelle, le
professeur Jean-Gérard BAENDE EKUNGOLA qui a généreusement
accepté la direction de ce mémoire, nous introduisant ainsi dans
la cour de grands par le truchement d'une rédaction de qualité
qui mérite nos applaudissements à bien d'égards.
Nous pensons également aux distingués
professeurs Bienvenu MUCHUKIWA NGUSU et Patience KAMANDA LONDA, Codirecteurs de
ce travail, pour leur suivi très éclairé et leurs
précieux conseils de connaisseurs avertis en Sciences Politiques et
Administratives mais aussi et surtout pour nous avoir amené à
rendre ce travail plus attrayant au double plan de la forme et du fond.
Nous serions incomplet dans notre longue citation si nous
terminions celle-ci sans devoir présenter nos vifs et sincères
remerciements à Sa Majesté notre Grand Mwami Shosho Kamirogosa
III Ntale Franck ainsi qu'à toute la lignée royale de la
Chefferie de BUHAVU dont nous faisons partie intégrante. A tous les
ressortissants du territoire de Kalehe qui résident à
l'intérieur comme à
v
l'extérieur du pays nous disons également grand
merci pour leur apport très apprécié à
l'accomplissement de ce travail.
Nous tournons, enfin, notre regard en direction de nos
camarades de la Faculté des Sciences Politiques et Administratives, plus
précisément LUABEYA MBALA, DIENDA MAKENGO Jean-Marc, le CP
Emmanuel NIMI NGOMA, le professeur MAKESE qui ont été beaucoup
dans notre formation académique et pratique en nous intégrant
dans les différents groupes de travail avec
générosité et un esprit d'équipe digne de notre
Université, je dis également grand merci.
Aux uns et aux autres, recevez l'expression sincère de
toute notre
gratitude.
Norbert MUCHIGA ZIHINDULA
vi
PRINCIPAUX SIGLES ET ACRONYMES
- ADF-MTM : Allied Democratic Front (Front Démocratique
Allié)-
Madina at Tauheed wau Mujahedeen
- ADP : Alliance Démocratique des Peuples
- AFDL : Alliance des Forces Démocratiques pour la
Libération du
Congo-Zaïre
- ANC : Armée Nationale Congolaise
- APR : Armée Patriotique Rwandaise
- CIJ : Cour Internationale de Justice
- CIRGL : Conférence Internationale de la Région
des Grands Lacs
- CNDP : Congrès National pour la Défense du
Peuple
- CNRD : Conseil National de la Résistance pour la
Démocratie
- CNS : Conférence Nationale Souveraine
- COMESA : Common Market for Eastern and Southern Africa
(Marché Commun de l?Afrique orientale et Australe)
- EIC : Etat Indépendant du Congo
- FAC : Forces Armées Congolaises
- FAR : Forces Armées Rwandaises
- FARDC : Forces Armées de la République
Démocratique du Congo
- FAZ : Forces Armées Zaïroises
- FDD : Forces pour la Défense de la Démocratie au
Burundi
- FDLR : Forces Démocratiques pour la Libération du
Rwanda
- FPU : Fédération pour la Paix Universelle
vii
- FOREBU : Forces Républicaines du Burundi
- FPR : Front Patriotique Rwandais
- FRODEBU : Front pour la Démocratie au Burundi
- M23 : Mouvement du 23 mars 2009
- MLC : Mouvement de Libération du Congo
- MONUC : Mission de l'Organisation des Nations-Unies au
Congo
- MONUSCO : Mission de l'Organisation des Nations-Unies pour
la
Stabilisation de la République Démocratique du
Congo
- OIM : Organisation Internationale pour les Migrations
- ONG : Organisation Non Gouvernementale
- ONU : Organisation des Nations-Unies
- RCD-Goma : Rassemblement Congolais pour la
Démocratie/Goma
- RCD-N : Rassemblement Congolais pour la Démocratie
National
- RDC : République Démocratique du Congo
- SOMINKI : Société Minière du Kivu
1
RESUME
La présente etude se propose d'analyser la question de
la paix et du développement dans le territoire de kalehe dans la
province du Sud-Kivu. Nous y identifions des acteurs, des atouts et des
enjeux
Elle élucide la dynamique de conflits qui explosent
dans ce territoire et propose des pistes des solutions pouvant aider à
sa pacification pour envisager son développement. Cette étude
pivote autour de la question centrale qui est celle de savoir les
mécanismes qu'il faut mettre sur pieds pour instaurer la paix et
envisager le développement du territoire de Kalehe.
Il en va de cette question la réponse selon laquelle
pour instaurer la paix et envisager le développement dans le territoire
de Kalehe, il faut des réformes de gouvernance locale et la
réconciliation communautaire ; il faut mettre en valeur les richesses
dont dispose le territoire de Kalehe au profit de la population locale. Nous
pensons aux ressources naturelles, au poids démographique, à
l'intelligence locale, etc...
Pour la compréhension de l'étude, nous avons
fait recours à la démarche dialectique, qui est aussi celle de
l'action réciproque ou la loi de la connexion universelle. Par celle-ci,
nous avons compris que le sous-développement de la province du Sud-Kivu,
en général, et du territoire de Kalehe, en particulier,
mérite d'être inclus dans un tout qu'on peut considérer
comme la République Démocratique du Congo. Les contextes
sécuritaire, politique, social, géographique et
démographique du pays influent sur l'émergence des facteurs
principaux qui freinent le développement de ce territoire, par
conséquent de toute la République.
Nous avons mené cette étude en quatre chapitres.
Le chapitre premier s'est focalisé sur l'encrage théorique et la
compréhension des concepts de conflits, paix et développement.
Pour le deuxième chapitre a procédé
à la présentation de la province du Sud-kivu en
général, et du territoire de Kalehe en particulier. Au
troisième chapitre, nous présentons les différents atouts
et obstacles au développement du territoire de Kalehe. Cette partie de
la République est traversée par des richesses qui sont
sollicitées partout dans le monde entier.
2
Pour pallier à ces difficultés, le
quatrième chapitre donne une série des stratégies
appropriées parmi lesquelles les réformes de la gouvernance
locale (politique, économique, sociale, judiciaire et
sécuritaire).
En définitive, nous estimons que nous n'avons pas
abordé la totalité du problème relatif au conflit
armé, à la paix et au développement en R.D.C, étant
donné que les données sont nombreuses et que nous n'avons pas pu
les coucher toutes dans ce travail. Toutefois, nous demandons à d'autres
chercheurs qui pourront aborder le même problème ayant trait
à notre thème, une façon de continuer la recherche pour
une évolution de la science et éclairer davantage les acteurs.
3
SUMMARY
This study is focused on analyzing the question of »
Peace and Development in the territory of Kalehe in South Kivu». We
identify the actors, the assets and the challenges.
It elucidates the dynamics of conflicts which explode in this
territory and proposes issues of solutions which can contribute to peace
leading to its development. This study pivots around the central question
related to mechanism for peace restoration and think about the development of
the territory of Kalehe.
This question calls to an answer to peace restoration and the
development of the territory of Kalehe, reforms of the local government and
community reconciliation are needed, territory richness must be put in value
and profitable to the local population. We think about natural resources,
demographic weight, local intelligence, etc.
For the understanding of this study, we required to the
dialectic issue, which is also that of reciprocal action, or the connection
universal law. By this, we understood the underdevelopment of south Kivu
province, in general, and that of the Kalehe territory in particular, which
must be included in whole which must be considered as the Democratic Republic
of the Congo. The security, political, social, geographic and demographic
contexts of the country influence the emergence of the main factors that hinder
the development of this territory and, consequently, of the entire Republic.
We have realized this study in four chapters. The first
chapter focuses on the theoretical understanding of the concepts related to
this study. Concepts such as conflict, peace and development are developed.
For the second chapter, we presented the province of South
Kivu, in general, and the Territory of Kalehe, in particular. For this chapter,
it is a question of situating ourselves geographically, given that scientific
work must be limited in time and space.
4
In the third chapter, we present the various advantages and
obstacles to the development of the Territory of Kalehe. This part of the
Republic is blessed with enormous wealth, needed in the entire world.
To overcome these difficulties, the fourth chapter gives a
series of appropriate strategies, including local governance reforms
(political, economic, social, judicial and security, etc.)
Definitely, we estimate that we didn?t attend the entire
problem related to armed conflicts, peace and development, considering that
there are many, we cannot claim to have covered all what was needed in this
work. We invite other researcher to concentrate on this basic problem related
to our theme, one way to continue the research for the evolution of Science and
clear out more deeply actors.
A propos de l'intérêt de cette étude,
notons qu'il se révèle à trois dimensions, à savoir
l'intérêt personnel, scientifique et pratique.
5
INTRODUCTION
Kalehe, est l'un des huit (8) territoires qui constituent la
province du Sud-Kivu. Il est à la croisée des défis de
paix et enjeux de développement. La paix et le développement
s'avèrent être un remède aux différentes exactions
dont est victime la population de cette zone géographique de la
République Démocratique du Congo. Telle est la substance de notre
étude intitulée « Paix et développement
dans le Territoire de Kalehe dans la province du Sud-Kivu : Identification des
acteurs, atouts et enjeux ».
I. Choix, objectifs et intérêts de
l'étude
Le choix de notre étude est justifié par
plusieurs faits. D'abord, parce que nous sommes originaires du territoire de
Kalehe, situé dans la Province du Sud Kivu. Ensuite, parce que, d'une
part, nous avons été plusieurs fois témoin et victime des
exactions dont la population est l'objet à répétition de
la part de nombreux acteurs et, d'autre part, nous n'avons pas
ménagé le moindre effort pour apporter notre petite pierre
à l'édification du développement de ce territoire.
Aussi, est-il besoin de souligner le désengagement
général des acteurs politiques, des faiseurs d'opinions et
même des responsables des confessions religieuses face à l'ampleur
de crises, manquant au devoir de mobiliser les populations dans le cadre d'une
lutte commune pour le changement au sein des organisations de défense de
droits civiques et politiques.
Ainsi, nous sommes-nous résolus à mener des
recherches afin de trouver des voies et moyens pour parvenir au changement
souhaité. L'apport du territoire de Kalehe (l'un des greniers de la
province du Sud-Kivu, avec ses importantes ressources minières) au
développement de notre pays, la République Démocratique du
Congo, a aussi pour fondement le développement des entités de
base. Et pour ce faire, les gouvernants devront assurer les conditions minima,
c'est-à-dire mettre en relief la part du territoire de Kalehe à
ce grand rendez-vous de l'émergence de la République
Démocratique du Congo.
Plusieurs auteurs et spécialistes de la question
liée à la guerre, à la paix et au développement
dans le Grand Kivu, et en particulier dans le territoire de Kalehe,
6
1. Intérêt personnel
Au plan personnel, cette étude a permis de renforcer
nos capacités intellectuelles et notre culture politique à force
des données collectées, en ce sens que travailler sur la gestion
de la paix vient pratiquement conforter nos aspirations et nos convictions
profondes ainsi que nos penchants de tous les temps.
2. Intérêt scientifique
Nous pensons que la présente étude constitue un
complément d'informations pour nous et pour d'autres chercheurs. En
même temps elle pose en toute humilité les jalons de nouvelles
recherches pour les générations à venir sur le territoire
de Kalehe et, bien plus, sur les 144 autres territoires de la RDC.
3. Intérêt pratique
Au plan pratique et, du reste, politique, notre étude
apporte un nouveau registre de solutions aux diverses crises que connaissent
les populations du territoire de Kalehe au Sud-Kivu. Depuis un temps, en raison
de notre position de ressortissant d'une entité territoriale où
règnent des conflits de tous genres, nous nous sommes
déterminé à devenir un acteur pour le règlement
pacifique des conflits en vue de l'instauration de la paix ;
élément catalyseur de tout développement.
C'est dans ce cadre que d'autres acteurs
intéressés au rétablissement de la paix dans notre pays,
en général, dans la province du SudÀKivu et dans le
territoire de Kalehe, singulièrement, nous avaient
décerné, il y a 5 ans, le titre d'Ambassadeur pour la paix par le
biais de la Fédération pour la Paix Universelle (en sigle
FPU).
L'objectif d'une telle étude est double :
l'instauration de la paix et un regain de confiance au sein des populations,
l'une et l'autre étant des ferments de l'idéal du
développement.
II. Etat de la question
7
y ont examiné les causes de l'instabilité,
chacun selon son regard. Des pistes de solutions ont été mises en
évidence, autant que des théories sur la pacification.
Considérant que le thème de la guerre et de la
paix a déjà fait l'objet de plusieurs réflexions
antérieures, nous avons jugé nécessaire d'effectuer une
revue de la littérature préalable afin de nous inspirer du
contenu des travaux réalisés par nos prédécesseurs
; l'objectif à atteindre étant, bien entendu, de construire
l'originalité de notre étude.
Comme l'indique le préambule de l'UNESCO, « c'est
dans l'esprit des hommes que naissent les guerres, c'est dans leur esprit qu'il
faut ériger les barrières de la paix »1.
Mathieu P. et Willame J.C.2 démontrent que
l'instabilité dans la région de Grands Lacs africains est
fondée sur des questions identitaires et des ressources naturelles comme
la terre qui devient un bien rare. Comme effet, les conflits et guerres mettent
en scène de nouveaux acteurs sociaux que sont des bandes des jeunes
armés et des seigneurs de guerre. L'auteur démontre les
faiblesses des institutions de la République Démocratique du
Congo à contrôler son propre territoire. Cela a eu pour
résultat l'une des plus longues et des plus violentes guerres du
monde.
Aussi, Bosco Muchukiwa Aurakiza, dans son ouvrage
intitulé : identités territoriales et conflit dans la Province du
Sud-Kivu, R.D. Congo, affirme que la résurgence des conflits dans les
différents territoires de la Province du Sud-Kivu a comme source les
problèmes identitaires entre les différentes communautés.
Quelques pistes susceptibles d'orienter des actions pour la paix sociale sont
exposées ; elles passent par l'exigence éthique préalable
d'une reconnaissance réciproque des organisations territoriales, de
l'histoire des peuples et d'une prise en considération des normes de
droit3.
1 UNESCO, Constitution de l'Organisation des
Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture, 16 Novembre 1945, p.
1.
2 MATHIEU, P. et WILLAME, J.C., Conflits et guerres
au Kivu et dans la région des Grands Lacs, L'harmattan, Paris, 1999.
3 MUCHUKIWA RUKAKIZA B.,
Identités territoriales et conflits dans la province du
Sud-Kivu, RDC, document en ligne sur In
https://
www.globethics.net/document. Consulté le 12 février 2021
à 14h40'
8
Mukoka Nsenda et Kankwenda Mbaya, dans leur ouvrage
intitulé : la République Démocratique du Congo face au
complot de balkanisation4, présentent la République
Démocratique du Congo comme « un Etat en faillite ». En
même temps, ils retracent l'histoire de la migration des peuples
rwandais, ougandais et burundais sur le sol congolais depuis 1937
jusqu'à la décennie 1990- 2000, en complicité avec de
grandes puissances américaines et européennes.
L'auteur constate que le Kivu est victime d'un complot
international. Il donne un aperçu sur la guerre de la RDC comme un
mouvement politique ayant ses acteurs, actes et ses relations avec les
alliés qui sont les agresseurs contre la RDC, qui veulent occuper
définitivement le Congo. Il aboutit à la conclusion selon
laquelle pendant la période de cette occupation, les Congolais
souffraient d'injustice internationale.
Kankwenda Mbaya, dans son oeuvre personnelle, aborde ce qu'il
qualifie d'économie politique de la prédation au Congo-Kinshasa.
Il développe l'idée selon laquelle le régime de la
colonisation belge, comme toute colonisation, était aussi un
régime de prédation des ressources du pays, au
bénéfice d'un groupe restreint, le monarque belge avec autour de
lui sa famille et ses amis à qui il avait octroyé des concessions
immenses pour la prédation. Ce qui fait que le système de
prédation léopoldien, souvent présenté par certains
africains comme une particularité africaine, s'est opéré
pourtant sous le mode d'une violence macabre.
Quant à Biyoya Makutu5, il aborde le concept
et enjeu de la gouvernance en RDC. Il reconnait les déficits de la
gouvernance comme source de plusieurs maux qui rongent la RDC, à savoir
l'instabilité politique, le marasme économique, la
sous-administration et la persistance des conflits.
Dans sa conclusion, l'auteur recommande la bonne gouvernance
dans tous les domaines pour amener le pays au stade des pays émergents
sans guerre.
4 MBAYA KANKWENDA, J. et MUKOKA NSENDA, F., La
République Démocratique du Congo face au complot de
balkanisation, Ed. ICREDES, Kinshasa, 2013.
5 BIYOYA MAKUTU KAHANDJA, P., De la gouvernance :
concept et enjeu, in problématique de la gouvernance en RDC,
consulté le 22 Janvier 2022 sur
www.lepotentielonline.
Com/indexphp.
9
Mathieu Kalele Ka-Bila, dans son ouvrage intitulé :
Richesses naturelles, pauvreté et défis pour le
développement humain durable6, constate que la guerre qui
sévit en RDC est une guerre fondamentalement économique, une
guerre d'agression, une guerre de reconquête coloniale. Les
multinationales et les Etats occidentaux qui l'ont concoctée, qui en
sont à la base, ne combattent pas directement sur le terrain. Ils se
cachent derrière des pays voisins comme le Burundi, l'Ouganda et surtout
le Rwanda, qui se cachent à leur tour derrière des «
collabos congolais » non autrement identifiés.
Bosco Muchukiwa Rukakiza, dans un autre ouvrage
intitulé : la recherche, action participative sur les conflits :
spécificités méthodologique, théorique et
épistémologique7, souligne que cette méthode
(R.A.P.), appliquée aux dimensions locales des conflits, est
développée par les ONG internationales et nationales. Celles-ci
organisent les formations, les recherches et les services à la
communauté en dehors des universités et institutions des
recherches. Aussi, l'auteur réaffirme-t-il que développer le
partenariat serait bénéfique aux unes et aux autres. La RAP sur
les conflits est à la fois une pratique émergente et une
innovation introduite récemment à l'Est de la R.D. Congo et dans
la région des Grands Lacs Africains.
L'Action pour la Paix et la Concorde, en sigle ACP, dans son
rapport de la « Table ronde » sur la paix et la
sécurité en territoire de Kalehe démontre combien la
relation entre la population et les Forces Armées Congolaises
était déjà compromise et qu'après les assises
tenues il y a eu renouvellement de confiance entre les deux parties en
présence8.
Peace Direct, dans son rapport diffusé sur la paix
intitulé : perspective et enseignements des artisans de la paix dans
l'Est de la RDC9, parvient à plusieurs conclusions quant au
rôle des artisans de la paix locaux dans la prévention des
atrocités. Il montre que les acteurs locaux ne sont pas des
bénéficiaires passifs de la
6 KALELE KA-BILA, M., Richesses naturelles,
pauvreté et défis pour le développement humain
durable, Kinshasa, 2009.
7 MUCHUKIWA, B. et ali., L'Etat africain et les
mécanismes culturels de transformation des conflits, , document en
ligne sur In
https://
www.globethics.net/document. Consulté le 12 février 2021
à 14h40'
8 Action pour la paix et la concorde, rapport de la
table-ronde sur la paix et la sécurité en territoire de Kalehe,
Bukavu, juillet 2009, p. 45.
9 PEACE DIRECT, « Perspective et enseignements
des artisans de la paix dans l'Est de la RDC », dans le rapport sur
une consultation en ligne de trois jours avec 158 militants, décideurs,
universitaire et journalistes, en Novembre 2020.
10 ABEMBA, J., Essaie d'une théorie de
la reconnaissance du génocide congolais, DEA, SPA, FSSAP, UNIKIN,
2022, p. 108.
10
protection. Au contraire, ils jouent un rôle actif dans
la prévention, la réponse et la guérison. Au-delà
de cela, les artisans locaux de la paix de l'Est de la RDC ont certains atouts
qui font d'eux des acteurs essentiels, à savoir : des atouts de
prévention des atrocités pour s'attaquer aux causes de la
violence. Ces rapports présentent des recommandations au gouvernement,
aux acteurs de la sécurité ainsi qu'aux acteurs
internationaux.
Contrairement à nos prédécesseurs qui ont
eu à aborder la question de paix et de développement, en relevant
chacun à sa manière les différents défis et enjeux
de gouvernance en plus de ceux sécuritaires et humanitaires, nous allons
dans le cadre de cette étude, proposer quelques réformes de
gouvernance et quelques mécanismes de réconciliation
communautaire pour la paix et le développement durable dans le
territoire de Kalehe.
III. PROBLEMATIQUE
A l'accession de la RDC à l'indépendance, le
territoire de Kalehe qui fait l'objet de la présente étude
était un havre de paix, créateur de richesses pour toutes ses
populations burundais, nande, hutu, importées pour travailler dans les
plantations de café, de thé. Ceux-ci vivaient en harmonie avec
les Havu locaux.
De nos jours, ce territoire est devenu méconnaissable,
au motif que son sol est devenu le théâtre des affrontements
armés, occasionnant des pillages des ressources naturelles, des pertes
en vies humaines, des blessés, des déplacements massifs des
populations, etc.
Certes, avant même que l'EIC soit constitué,
l'Est de la RDC, en général, a toujours été le
bastion de l'insécurité causée par les incursions
armées. Les historiens des guerres de l'Est de la République
Démocratique du Congo ont raison de prendre l'ancienne Province
Orientale, l'ancien Kivu et le Nord-Katanga comme étant le principal
foyer de ces guerres10. C'est à partir de ces provinces
préalablement conquises et occupées par les armées
d'agression que ces guerres se sont répandues dans le reste du
territoire congolais, c'est-à-dire le centre qui
11
coïncide avec le Grand Kasaï et l'Ouest qui couvre
l'ancienne province de l'Equateur, la province du Kongo Central et la province
du Kwango11.
A ce sujet, il y a lieu de rappeler que c'est à partir
de l'Est du pays que les arabo swahilis pénétraient le territoire
qui constitue aujourd'hui la RDC pour capturer des esclaves et les acheminer en
Occident. Sous l'EIC, des groupes armés, cependant, venant de
l'extérieur, se livrant à des razzias, à des pillages,
échappaient à l'autorité de Léopold II et lui
faisaient une dangereuse concurrence en prélevant pour eux ce qui
constituait encore les ressources essentielles de l'Etat congolais de
l'époque : le caoutchouc, l'ivoire, etc. , et la main-d'oeuvre
forcée des autochtones12.
Après l'accession du pays à
l'indépendance, la situation est restée presqu'identique, bien
que caractérisée par des moments d'accalmie.
En effet, après l'accession du pays à sa
souveraineté nationale et internationale, les provinces de l'Est, tout
comme leurs territoires, n'ont pas été et ne sont pas
épargnés de l'insécurité et affrontements
armés. Déjà, 11 jours seulement après le 30 juin
1960, une des provinces importantes de la partie Est du pays,
précisément le Katanga, déclare la sécession. Elle
fut proclamée par Tshombe et le collège des Ministres du
Katanga.
Le 11 juillet 1960, Moïse Tshombe commença par
proclamer l'Etat d'exception sur l'ensemble du territoire de la province du
Katanga13... Il présenta le Katanga comme un Etat
complètement indépendant, en union économique avec la
Belgique qui y garantissait le rétablissement de l'ordre et de la
sécurité publique. Cette indépendance est totale. Elle fut
consolidée sur le terrain par les forces d'intervention militaire
belges14. Plus tard en 1963, ce sera la province orientale qui sera
soustraite du reste du Congo par les Lumumbistes ayant comme chef de fil
Antoine Gizenga.
Mais s'agissant du Nord et du Sud-Kivu, en
général, et de Kalehe en particulier, c'est surtout à la
suite de l'entrée de l'AFDL, en 1997, et du RCD, en 1998, que ce
territoire a connu et continue à connaitre des scénarios de
conflits
11 ABEMBA, J., Op.cit., p. 108.
12 LIBOIS, J.G. et VERHAEGEN, B., « Le Congo
du domaine de Léopold II à l'indépendance »,
CRISP, « Courrier hebdomadaire du CRISP », n°1077, 1985,
pp. 1-34.
13LIBOIS, J.G., Sécession katangaise,
CRISP-ENEP, Bruxelles-Léopoldville, pp. 718-719.
14DUMONT, O., Histoire de la Belgique, Club
France Loisirs, Paris, 1977, p. 526.
Au regard des questions soulevées au niveau de la
problématique, il nous importe d'aligner les différentes
réponses présupposées de la manière suivante :
12
violents et d'insécurité sans
précédent. Ici, les conflits de territoire et des terres opposent
des groupes ethniques bien connus. C'est les cas, par exemple, des : Batembo et
Bahavu ; Banyarwanda (Batutsi et Bahutu) contre les Bahavu et Batembo.
Au coeur de ces événements se trouvent, d'une
part, des conflits fonciers et identitaires entre communautés, et,
d'autre part, des problèmes d'exploitation des ressources
minières, et d'inégalité de partage des revenus issus de
ladite exploitation. A ces maux s'ajoutent aussi l'impact des dynamiques
régionales sur la cohabitation communautaire et la quasi-absence de
l'autorité de l'Etat.
Cette situation ne permet pas à la population et au
territoire lui-même de vivre un moment de paix à cause de
nombreuses conséquences que les affrontements entrainent sur les plans :
économique, politique, géographique et humain. Ces
conséquences freinent sérieusement l'émergence et le
processus de développement de cette entité territoriale
déconcentrée de la RDC.
De ce qui précède, cette étude cherche
à comprendre la dynamique de conflits qui s'explosent dans ce territoire
afin de proposer des pistes de solutions pouvant aider à sa pacification
pour envisager son développement.
Pour ce faire, la question centrale de notre recherche
consiste à savoir : Quels sont les mécanismes qu'il faut mettre
sur pied pour instaurer la paix et envisager le développement du
territoire de Kalehe ? De cette question principale, nous nous posons deux
questions subsidiaires. Il s'agit des questions ci-après :
- Quels facteurs qui sont à la base de
l'insécurité permanente dans le Sud-Kivu, en
général, et le territoire de Kalehe, en particulier ?
- Quels sont les atouts dont dispose le territoire de Kalehe
susceptibles d'assurer son développement ?
IV. HYPOTHESES
13
- Pour instaurer la paix et envisager le développement
dans le territoire de Kalehe, il faut des réformes de gouvernance locale
et la réconciliation communautaire ; il faut mettre en valeur les
richesses dont dispose le territoire de Kalehe au profit de la population
locale. Nous pensons aux ressources naturelles, au poids démographique,
à l'intelligence locale, etc.
- Les réformes de gouvernance locale (politique,
économique, sociale, judiciaire et sécuritaire,) et la
réconciliation communautaire seraient des stratégies
appropriées pour ramener la paix et le développement durables
dans le territoire de Kalehe grâce à une approche participative de
divers acteurs.
- Pour ce faire, plusieurs atouts que dispose le territoire de
Kalehe peuvent être mis à contribution. Nous pensons aux
ressources naturelles, au poids démographique. Les types d'acteurs
appelés à l'idéal de paix et du développement
seraient aussi l'oeuvre de la population du Territoire de Kalehe (les
différentes communautés ethniques : autochtones et
immigrées.), les groupes armés, l'armée et la Police
Nationale Congolaise, les notables, la société civile et les
autorités politico-administratives.
V. METHODOLOGIE 1. Méthode dialectique
Pour démontrer, vérifier et expliquer les
hypothèses émises dès le départ et atteindre les
objectifs que nous nous sommes fixés, nous avons fait recours la
méthode dialectique.
La méthode dialectique, oeuvre de Karl Max et F. Engel,
appartient au courant du matérialisme historique et prend très
souvent à contre-pied les autres méthodes15. Cette
méthode est associée à la logique de la totalité en
niant l'isolement entre les ensembles et leurs parties tout en soulignant que
la réalité sociale est faite de l'ensemble de contradictions
entre les différents éléments16.
«
15MARX, K., cité par BONGELI YEIKELO, Y.,
Méthodes des sciences sociales et juridiques, Cours G1 Droit,
2001 - 2002, p. 21.
16LAPASSADE, G., Groupes, organisations et
institutions, Gautier Villars, Paris, 1970, p. 5.
14
Elle considère que les faits sociaux et humains
traversent une évolution dans le sens du changement social qui conduit
au progrès. Ce qui sous-entend le fait que toute réalité
sociale est traversée par des éléments contraires qui
exigent leur dépassement. Cela permet de découvrir le lien
d'origine et de développement des leurs contradictions ainsi que la
manière dont les groupes ou les individus tentent de les surmonter
»17.
Cette méthode tourne autour de quatre lois principales
que l'on appelle habituellement postulats. Il s'agit de : la loi de la
connexion universelle, la loi de la contradiction, la loi du changement
dialectique et la loi du changement quantitatif en qualitatif ou la loi du
progrès18. Dans cette logique, elle recommande une
façon visant à recueillir les données et les situer dans
l'ensemble tout en mettant l'accent sur les conflits, mieux les contradictions.
Cet accent mis sur les conflits, sur les contradictions, permet de s'approcher
de la réalité et de mieux la comprendre19.
La première loi de la dialectique, c'est celle de
l'action réciproque20 que d'autres auteurs nomment la loi de
la connexion universelle. Par action réciproque, on entend le fait que
l'existence d'un élément est conçue comme le
résultat de l'enchainement de plusieurs processus. Donc la
compréhension d'un fait social exige de le situer dans son ensemble.
Puisque les phénomènes sociaux sont interconnectés les uns
aux autres ; ils ne peuvent être isolés, ils doivent être
placés dans un tout, dans l'ensemble que constitue la
société21. C'est le principe de la totalité.
Dans cet ordre d'idées, l'appréhension du
sous-développement de la province du Sud-Kivu, en général,
et du territoire de Kalehe mérite d'inclure le processus du
développement de cette contrée dans un tout qu'on peut
considérer à la fois comme la RDC et la partie orientale de la
RDC. Les contextes politique, économique, social, géographique et
démographique du pays influent sur l'émergence des facteurs
principaux qui freinent le développement de ce territoire.
17MULUMA MUNANGA, A., Le guide de la recherche
scientifique, théories et pratiques, SOGEDES, Kinshasa, 2017, p.
105.
18TSHISHIMBI KATUMUMONYI, Le paradigme
dialectique dans la méthodologie de recherche en sciences sociales,
l'Avenir africain, Kinshasa, 2016, p. 116 -135.
19MUKE ZIHISIRE, M., La recherche en sciences
sociales et humaine, Guide pratique, méthodologie et cas concrets,
L'Harmattan, Paris, 2011, p 71.
20TSHISHIMBI KATUMUMONYI, Op.cit., p. 121.
21MULUMA MUNANGA, Op.cit., p. 106.
15
C'est dire autrement que ces contextes agissent directement ou
indirectement sur la naissance des conflits et l'insécurité qui
en découle.
A ce sujet, il faut voir que les richesses du sol et du
sous-sol, la constitution de la population, les activités
économiques ainsi que le mode de gestion du territoire de Kalehe sont en
grande partie à la base des conflits et l'insécurité qui
pèsent sur le processus de développement de celui-ci. A titre
illustratif, nous pouvons signaler que ce sont les rivalités entre
différents groupes qui composent la population de Kalehe qui ont
donné lieu à la naissance du Mouvement Katuku dans ce coin.
La loi de la contradiction est la deuxième de la
dialectique. « ... Dès que nous considérons les choses dans
leur mouvement, dans leur changement, leur vie ou leur action réciproque
l'une sur l'autre, là, nous tombons immédiatement dans la
contradiction »22. Celle-ci suppose que chaque chose a son
contraire car toute chose se transforme continuellement en son contraire dans
l'une ou dans l'autre ...23. Cette loi nous permet de comprendre que
les contradictions qui opposent les ethnies, notamment Banyarwanda et
autochtones sont des facteurs importants qui déterminent la lente
croissance et le sous-développement de la province du Sud-Kivu, en
général, et le territoire de Kalehe, en particulier.
L'autre contradiction qu'il faut relever est que le sol et le
sous-sol de la partie orientale du pays en général et ceux du
territoire de Kalehe disposent de beaucoup de richesses alors que sa population
demeure pauvre jusqu'à ce jour. Cette contradiction a hanté les
esprits à telle enseigne que nombre de penseurs ont fini par chercher
des explications de ce contraste jusqu'à initier aussi pas mal de
projets de développement qui se sont presque tous soldés par un
échec cuisant.
La troisième loi est celle du changement. Cette loi
commence par constater qu'il n'y a rien de définitif, d'absolu ou de
sacré ; elle montre la caducité de toute chose et en toute chose
et rien n'existe pour elle que le processus ininterrompu du devenir et du
transitoire24. Raison pour laquelle on affirme que « tout
passe, que rien ne demeure »25. Cela signifie que rien ne
demeure là où il
22ENGEL, F., Anti-Dühring,
3ème édition du progrès, Paris, 1956, p.
175.
23TSHISHIMBI KATUMUMONYI, Op.cit., 127.
24ENGEL, F., Ludwig Feuerbach et la fin de la
philosophie classic allemande, Ed. Sociales, Paris, 1996, pp. 7-8.
25KARL MAX, Contribution à la critique de
l'économie politique, Ed. OEuvre, Paris, 1859, p. 24.
16
est, rien ne demeure ce qu'il est, puisque qui dit dialectique
entend mouvement ou changement''26. Partant de cette
évidence, comprenons que le territoire de Kalehe n'a pas toujours
existé sous ce statut actuel. C'est à la suite de
différents découpages territoriaux et nombre de réformes
administratives opérés sur l'ancienne province du Kivu que cet
espace acquit le statut de territoire, une entité
déconcentrée de l'Etat congolais.
La dernière loi est celle de la transformation de la
quantité en qualité. Cette loi met en vedette le principe du
changement par bonds successifs qui finissent par produire un changement
qualitatif27. Grace à elle, nous sommes parvenus à
nous rendre compte que ce sont les différentes petites réformes
initiées pour pallier aux difficultés liées à la
gestion du pays qui ont conduit à l'institution de Kalehe comme
entité territoriale déconcentrée.
2. Techniques
La première technique à laquelle nous avons
recouru pour collecter les données de notre travail est celle
documentaire. Cette technique nous a permis de compulser certains documents
ayant trait aux conflits, à la paix et au développement en RDC
ainsi que sous d'autres cieux. Grace à elle, nous avons
été incités à la lecture des documents officiels
tel que la constitution de la République, certains arrêtés
ministériels et textes légaux, notamment les accords de paix, les
ouvrages, les articles, les travaux scientifiques et autres document, ayant
trait à notre thème d'étude et de façon
générale.
Par rapport à la technique d'observation ordinaire, il
est important de noter de prime abord qu'il est intéressant de nous
poser les questions ci-après : avons-nous observé quoi et/ou qui
? Où ? Quand ? Et comment ? Nous avons directement observé le
déroulement des incursions rebelles, parfois appuyées par les
pays voisins de la RDC, à l'Est du pays. Toute chose restant
égale par ailleurs, ceci nous a permis d'avoir une vision globale sur la
question de l'insécurité à l'Est du pays.
26TSHISHIMBI KATUMUMONYI, Op.cit., p. 116.
27TSHISHIMBI KATUMUMONYI, Op.cit., p. 140.
17
Par cette technique, nous avons eu l'occasion d'observer
comment la guerre est utilisée comme canal par lequel les
multinationales et bien d'autres acteurs passent pour piller les ressources
naturelles du pays.
Quant à la question de savoir le moment où notre
observation se faisait, trois moments étaient bien indiqués :
matin, jour et soir. Le matin : nous regardons la manière dont les
populations, y compris les autorités civiles et militaires, de
différentes localités du territoire vont dans leurs
activités quotidiennes. Le jour nous assistons aux activités
d'extraction et transport de ressources naturelles vers les frontières
qui séparent la RDC du Rwanda. Le soir, nous rencontrons les familles ou
les personnes qui sont ou ont risqué d'être victimes des exactions
des entreprises de violences.
Par la technique d'entretien, nous sommes entrés en
contact avec les acteurs et les professionnels de service de
sécurité ainsi que des autorités administratives du
territoire pour nous imprégner de leur façon de percevoir les
événements. Nous nous sommes entretenus aussi avec les victimes
des affres d'incursions et activités militaires auprès de qui
nous avons récolté les différents points de vue.
L'interview portait sur les causes de l'insécurité, des conflits
ainsi que sur les différents processus de pacification de l'Est du pays,
en général, et du territoire de Kalehe, en particulier. Bref :
cette technique nous a facilité de recueillir des informations
pertinentes sur les raisons d'être de l'insécurité et ses
impacts sur le processus de pacification et de développement
durables.
VI. DELIMITATION DU TRAVAIL
La présente dissertation a eu pour champ
d'investigation la province du Sud-Kivu, en général, et le
territoire de Kalehe, en particulier. Le choix de cet espace a
été motivé par le fait qu'en tant que natif de ce
territoire, nous sommes à la fois victime directe ou indirecte des
évènements malheureux qui sèment la désolation dans
la partie orientale du pays en général et
précisément dans ce territoire.
18
Dans le temps, l'étude porte sur une période qui
va de 2015 à 2021, étant donné que cette période
s'était distinguée d'autres par le fait que c'est pendant son
déroulement que les mouvements terroristes étaient devenus de
plus en plus actifs dans la partie orientale de la RDC, tuant parfois à
armes blanches des milliers de civils sans aucun moyen de défense. Alors
que depuis 1998 à 2015 plusieurs accords de paix entre le gouvernement
congolais et les principales entreprises de violences, notamment les groupes
rebelles, avaient été conclus en vue d'instaurer une paix
positive suivie d'un développement durable.
VII. SUBDIVISION DU TRAVAIL
Hormis l'introduction et la conclusion
générale, cette dissertation a été
structurée en quatre chapitres. Le premier étant
théorique, il est axé sur une congruence logique conceptuelle et
théorique. Le deuxième chapitre a décrit le champ
d'étude, notamment le Sud-Kivu, ainsi que le territoire de Kalehe. Le
troisième chapitre présente les atouts du territoire de Kalehe
pour son développement et les obstacles à celui-ci. Le
quatrième chapitre est consacré à la paix et au
développement durable à Kalehe.
VIII. DIFFICULTES RENCONTREES.
Toute recherche scientifique est coûteuse aussi bien par
rapport au temps, aux finances et au milieu d'étude. Il s'en suit que
nous avons connu des difficultés de deux ordres, à savoir des
difficultés d'ordre financier et des difficultés d'ordre
environnemental.
Les difficultés d'ordre financier en ce sens que pour
effectuer une descente sur le terrain qui constitue notre champ d'étude
(Le territoire de Kalehe dans la Province du Sud-Kivu), il nous fallait faire
face à de grosses dépenses en termes de billets d'avion
Kinshasa-Bukavu et des frais de passage à bord des véhicules, de
Bukavu jusqu'au fin fond du territoire de Kalehe.
Les difficultés liées au milieu d'étude
sont intimement liées à l'insécurité qui y
règne de temps en temps. Nous avons pris de grands risques au
péril de notre vie en nous rendant sur le terrain afin d'être en
contact avec certaines autorités politico-administratives et
coutumières sans oublier les notabilités locales dont les
19
témoins privilégiés que sont des Chefs
religieux, des Représentants des organisations de la
société civile et tant d?autres encore.
20
CHAPITRE I. CONSIDERATIONS GENERALES
SECTION 1. CADRE CONCEPTUEL §1.
Développement
1.1. Notion et évolution
Le concept développement est vaste et vague. Chaque
auteur le définit conformément à sa discipline
scientifique, d'après l'objectif qu'il poursuit, selon l'état ou
le niveau de connaissances qu'il constate. Soulignons également «
qu'il est un terme qui aura connu, dans l'histoire des sciences du
20ème siècle, une fortune théorique et pratique
oscillant de la logique historique et pratique au galvaudage idéologique
»28. Ainsi, le concept « développement », dans
son évolution théorique, est devenu à la fois un
thème de l'idéologie officielle, voire professionnelle, et
même un slogan !
Dans sa pratique, le développement devient un
procès historique qui est à la fois technologique,
économique, culturel, social, etc., dont ses théorisations aussi
bien socialistes (prépondérance de l'Etat et de la classe
ouvrière comme agents principaux de l'histoire), que dans la variante
dominante capitaliste (rôle prépondérant du capital autour
duquel l'Etat et toutes les forces sociales doivent se mobiliser), s'est
défini à partir de l'expérience historique occidentale. En
dépit du fait qu'aujourd'hui les considérations analytiques
tirées de la praxis des nations « développées »
d'Asie viennent compléter les canons capitalistes
occidentaux29.
C'est pourquoi, avant de tenter de circonscrire le contour de
ce concept et de dresser l'état de savoir sur ce dernier, il convient de
présenter, en grandes lignes, son historique.
1.2. Historique du concept30
« Tout commence avec la religion et le commerce. Certains
Européens se révoltent contre l'Eglise Catholique et se
constituent en protestants en Amérique.
28 BOLIMA BOLITSI, W., Op.cit, p. 48.
29 LOMBEYA BOSONGO, L., cité par BOLIMA
BOLITSI, W., Idem.
30 Pour plus d'informations, lire à ce sujet
MWAKA BWENGE, A., Aspect Politique et Administratif de
Développement, cours Inédit, L2 SPA, FSSAP, UNIKIN, 2017, p.
4-16.
21
Ici, leur pratique et leur croyance religieuse se trouvent
fondées sur l'idée capitaliste. Une façon de leur
permettre d'avoir une économie élevée et une nation forte.
Cependant, face à 1ère guerre mondiale qui frappait
l'Europe, ces protestants se sont donnés la peine d'aider les
Européens en stoppant la guerre et en les faisant développer
à travers le Plan Marshall : la croissance de l'économie
»31.
De plus, « le Président Harry Truman, lors de son
discours d'investiture en 1949 en Amérique dit : nous devons aider
les pays sous-développés à se développer.
C'est ici que le concept apparaît. De ce fait, le concept sous-entend
l'idée d'avancée de l'Amérique et que les Européens
et les Américains devaient se ressembler économiquement et
technologiquement »32.
Donc, c'est une réalité économique,
boostée par la 2ème révolution industrielle
(1950). Cette révolution agricole qui provient d'une
réforme gouvernementale en matière de la propriété
terrienne. En ces temps, le développement signifiait atteindre la
croissance économique ou la croissance de production. Cette
conception va avoir d'impacts sur l'enseignement, la recherche scientifique,
les rapports sociaux, etc. Par exemple Loucou, J.C., et Wondji C. qui restent
dans cette philosophie en abordant la question de développement en se
basant sur le caractère purement économique. Ces deux auteurs
pensent que « le développement serait la seule croissance
matérielle, économique, ... vers une société
nouvelle et dynamique procurant à ses membres le maximum de
bien-être »33. Dans ce même ordre d'idées
que Gosselin, G.34 définit le développement en se
référant à Franc, G., et Perroux, F., en soutenant qu'il
implique, en premier lieu, la croissance, et en particulier, l'accroissement
des ressources productives globales, de revenus monétaires globaux et de
la productivité moyenne.
En effet, dans l'optique de ses promoteurs, il désigne
le processus de passage des sociétés traditionnelles vers
l'industrialisation. Il renvoie donc presque exclusivement au
développement économique, à l'aspect économique du
développement. C'est dans cette optique que Touraine pense que le
développement c'est cet « ensemble des actions qui fait passer une
collectivité d'un type de société
31 TRUMAN, H., cité par MWAKA BWENGE, A.,
Idem, p. 4.
32 Ibidem
33 LOUCOU, J.N., et WONDJI, J.N., cités par
BOLIMA BOLITSI., W., Op.cit, p. 51.
34 GOSSELIN, G., cité par BOLIMA BOLITSI, W.,
Idem.
22
à un autre, défini par un degré le plus
élevé d'intervention de société sur elle-même
»35.
Les autres aspects du développement, à savoir le
développement politique, l'administration de développement,
l'Etat de droit, le développement culturel n'étaient ni
pratiquement usités ni, encore moins, scientifiquement
élaborés.
En 1961, suite à une proposition du Président
Kennedy J.,36 l'Assemblée Générale des
Nations-Unies a lancé l'idée selon laquelle les années
1960 seront la décennie du développement. Lorsque l'O.N.U.
proclama cette première décennie du développement, 1960
suffirait pour que la plupart des pays en voie de développement comblent
leur retard, c'est-à-dire qu'ils augmentent leur production.
En 197037, constatant que la croissance de plus de
5 % de pays du Tiers Monde n'a pas suffi à entraîner un
décalage satisfaisant, l'Assemblée Générale des
Nations-Unies a proclamé l'ouverture de la deuxième
décennie pour le développement.
De 1970 à 1980, « cette décennie fixe les
objectifs de 6 à 8 % de croissance pour les années à
venir. Au début des années 1980, la crise inattendue a
frappé le Nord, elle s'est propagée plus tard dans les pays du
Sud. Ceux-ci se sont endettés et la pauvreté n'a pas
été éradiquée »38.
Dès lors, il fallait lancer pour les années 1980
une nouvelle décennie. La troisième du développement,
1980-1990. L'Afrique, par exemple, sera touchée par le Programme
d'Ajustement Structurel (PAS) et les pays de l'Afrique subsaharienne, au cours
de cette période, ont connu un très fort désengagement de
l'Etat, en particulier dans les secteurs sociaux. Certains experts de la
communauté internationale affirment que « les pays auraient
appliqué sérieusement les principes
35 TOURAINE, A., Les sociétés
dépendantes, Eds. Duculot, Paris, p. 9.
36 KENNEDY, J., cité par VIRALLY, M., «
La deuxième décennie des Nations Unies pour le
développement. Essai d'interprétation para-juridique »,
Annuaire Français de Droit International, Paris, 1970, pp.
9-33.
37 WAGNER, L.J., « Les décennies du
développement de l'ONU 1960-1990. Réduction des rapports de
domination structurels Nord-Sud ou manifestation au grand jour de ces rapports
? », Hypothèses, Ed. De la Sorbonne, 2013, pp. 327-338.
38 I WAGNER, L.J., Op.cit., p.
20.
23
des réformes nécessaires à leur
ajustement structurel, assistent à une amélioration de leur
situation »39.
Une affirmation qui sera contredite par certains auteurs, par
exemple Ambroise Zagre qui proclame que tout se passait, à cette
période, comme si la croissance était une condition
nécessaire et suffisante pour faire reculer la pauvreté. Aussi
les PAS ont-ils été initiés sans prêter grande
attention à l'aspect redistribution des fruits de la croissance ou
à leur impact sur la pauvreté. Surtout que, pense l'auteur, la
pauvreté ne sera jamais combattue efficacement par l'extérieur,
par contre par les efforts intérieurs en se basant sur ses propres
réalités. D'où la nécessité d'une nouvelle
stratégie de développement qui n'est rien d'autre qu'un «
auto-développement humain »40.
Cependant, il se révèle également que les
progrès remarquables ont été notés sur l'ensemble
de la planète. Au Sommet de Millénium tenu à New York en
septembre 200041, les Chefs de 189 Etats membres de l'Organisation
des Nations Unies, l'ONU en sigle, se sont réunis pour adopter la
déclaration de Millénium dans laquelle huit objectifs du
développement pour le XXIème siècle ont
été établis42. La déclaration cite les
valeurs principales de relations internationales pour le siècle en
cours. Il s'agit de : « ...la liberté, la solidarité, la
tolérance, le respect de la nature et le partage de la
responsabilité »43.
Bref, le développement devient un besoin, une
nécessité qui pousse les pays, les sociétés
à améliorer leur mode de vie tout en restant cohérent,
avec les valeurs prônées à l'échelle mondiale mais
aussi en tenant compte des moyens, des ressources qu'on dispose
déjà ou qui sont à notre portée et en fonction des
réalités de chaque milieu !
Cela étant dit, il y a lieu de retenir que se
développer est avant tout compter sur ses propres moyens, ses propres
forces et sa propre volonté. Ceci est loin de signifier « refuser
toutes les technologies qui nous sont étrangères » ; mais
39 ZAGRE, A., Op.cit, p. 128.
40 ZAGRE, A., Op.cit
41 BOLIMA BOLITSI, W., Op.cit, p. 49.
42 TRKULJA, S., Analyse comparative des
politiques du développement territorial, Thèse de doctorat
en cotutelle, Institut des sciences et industries du vivant et de
l'environnement. Agro-Paris-Tech, (version abrégée), Belgrade,
Serbie, 2009, P. 16.
43 Idem.
24
plutôt utilisation de ses potentialités doit se
gérer de façon rationnelle pour l'intérêt public,
pour la promotion du bien-être social collectif.
Il est un processus de changement multiforme auquel
participent toutes les forces vives d'une communauté bien
déterminée en tenant compte des réalités
endogènes et initiatives locales visant l'amélioration des
conditions de vie humaine. De ce fait, le développement est un effort de
soi sur soi, effort qui s'appuie sur l'environnement naturel pour arriver
à couvrir les besoins essentiels au niveau de la famille et par la
solidarité au niveau du groupe. Dans ce sens, le développement ne
peut avoir d'autres bases que l'homme lui-même.
1.3. Différentes constructions théoriques
sur le concept développement
Il y a deux catégories principales de
théoriciens, dont la démarche tend, directement ou indirectement,
à élucider le développement :
? Les théoriciens qui se placent hors de la
problématique marxiste ; ? Les théoriciens qui se situent dans la
problématique marxiste.
Ces derniers théoriciens se divisent en deux groupes :
ceux qui conçoivent le système marxiste comme un ensemble
donné et pratiquement complet de catégories et de concepts
permettant d'analyser l'ensemble des situations historiques passées et
présentes. Ceux qui considèrent les catégories et concepts
marxistes comme un point de départ dont il faut créer et
actualiser les prolongements, dans une démarche critique ouverte et sans
cesse renouvelée devant le surgissement de l'histoire inédite.
Il ne peut être question de procéder à un
inventaire approfondi et complet. Nous retiendrons les données les plus
représentatives des principales écoles, en prenant comme
référence les positions exprimées sur l'origine et les
mécanismes du changement social et en tenant compte de la place
donnée au jeu des facteurs et au jeu des acteurs.
Nous examinons successivement les systèmes d'explications
des données par deux grands courants de recherches que nous
évoquions, au regard de la problématique que nous avons
posée comme point de départ.
25
1.3.1. Théories placées du système
marxiste
Le groupe des fonctionnalistes, à partir de Malinowski,
et en dépassant le dogmatisme de ce dernier, a été
illustré spécialement dans la période récente par
Radcliffe-Brown qui a marqué profondément la recherche
théorique anglo-saxonne. Le fonctionnalisme de Radcliffe-Brown annonce
par certains côtés le structuralisme actuel : en particulier par
l'attention portée aux systèmes, aux modèles ; mais le
problème du développement qui implique le changement social n'est
pas, pour lui, la question fondamentale. Radcliffe-Brown ne l'élucide
pas, cependant, il s'appuie sur la notion de dysfonction''. Pour
lui, « le changement c'est un ensemble du système répondant
à l'ajustement nécessité par la dysfonction qui affecte
à un moment donné un ou plusieurs de ses éléments.
Dans cette perspective, l'attention portée aux facteurs du
système social est prédominante »44.
Radcliffe Brown, selon Mercier45, pense qu'il
était important de considérer, pour interpréter les
phénomènes de développement, tous les contours de
l'histoire. Certes, sa conciliation du synchronique et du diachronique n'est
pas entièrement convaincante, et ses hypothèses d'histoire
culturelle sont parfois légères mais sa conception d'origine
durkheimienne, d'une tendance évolutive vers les sociétés
plus complexes et à plus grande échelle, est acceptable mais
guère explicative.
Les structuralistes, dans la ligne de Claude
Lévi-Strauss consacrent la part la plus importante de leur
démarche à la construction du système de modèles
structurels, non plus directement définis par le jeu des fonctions des
éléments qui les composent, mais en vertu d'une logique
décelée à l'intérieur des ensembles des
données culturelles, logique appartenant à l'ordre des
inconscients sociaux, de façon comparable à la structure du
langage. En définitive, pour Lévi-Strauss, le tracé de
cette logique s'expliquerait par l'omniprésence de ce qu'il appelle
l'esprit humain'' dans les faits de culture. Mais il ne dit pas si
l'esprit humain change ou plus exactement, il ne considère pas,
puisqu'il est évident qu'il y a changement, la façon dont se
produit le changement dans l'histoire concrète inscrite dans le
temps.
44 ROMEO, P., Increasing Recturs and leads run growth,
disponible sur
http://www.wipedia.org/wiki/Armandcolin,
consulté le 30 janvier 2018 à 11h55.
45 MERCIER, P., Histoire de l'anthropologie,
PUF, Paris, 1966, p. 43.
26
Le discours structuraliste reste sensible aux transformations
de modèles mais sans établir la relation avec la culture
historique vécue.
Les démarches fonctionnalistes et structuralistes
peuvent nous aider, dans notre approche d'analyse du jeu des facteurs dans la
société, en nous incitant à la considérer comme
système de structures régies entre elles par des relations, des
interactions qu'il est important de connaître. Mais nous devons nous
interdire de donner une valeur d'abstraction totalitaire à ces
modèles qu'il faut corriger en les situant dans un champ
socioculturel travaillé par l'histoire et peuplé
d'événements et d'acteurs sociaux porteurs de forces de
changement qui est la base du développement.
L'illustration la plus typique et la plus vulnérable
aux critiques que nous évoquons à titre historique nous est
donnée par la théorie de Rostow qui entreprend de définir
les étapes nécessaires que doit parcourir toute
société pour accéder à la modernité
avancée. Ces étapes seraient au nombre de cinq46 :
a) Société traditionnelle ;
b) Préconditions du développement ;
c) Décollage ;
d) Progrès vers maturité ;
e) Consommation de masses dans un parcours universellement
défini et unilinéaire.
1) Société
traditionnelle
C'est une société stationnaire dont
l'agriculture, activité principale (75% au minimum de la population
active est engagée dans la production de denrées alimentaires), a
imposé une structure sociale fondée sur la
propriété foncière. Elle se réfère à
un système de valeurs fondé sur le fatalisme et n'aspire pas au
changement. « Du point de vue historique, nous groupons donc sous le terme
de société traditionnelle tout le monde pré-newtonien :
les dynasties chinoises, la civilisation du Moyen-Orient du bassin
méditerranéen, le monde de l'Europe médiévale. Et
nous y ajoutons la société post-newtoniennes qui, pendant un
certain temps, demeurèrent étrangères ou
indifférentes à la capacité nouvelle qu'avait
46 ROSTOW, W.W., Les étapes de la
croissance économique, Seuil, Paris, 1962, p. 12.
27
l'homme d'utiliser systématiquement son milieu physique
pour améliorer sa condition économique
»47. Hormis la consommation, le revenu
national est dépensé à des fins non-productives. La
société est hiérarchisée lorsque le pouvoir est
concentré entre les mains des propriétaires terriens ou
incarnée dans une autorité centrale qui s'appuie sur
l'armée et les fonctionnaires.
2) Préconditions du
développement48
Si l'Angleterre a atteint cette étape par le fait de
causes internes, Rostow estime qu'il n'en est plus de même depuis car ces
conditions sont nées d'une impulsion extérieure venue
ébranler l'édifice traditionnel !
Cette étape se caractérise par de profondes
mutations dans les trois acteurs non industriels : les transports,
l'agriculture et le commerce extérieur. On assiste à la mise en
place de structures favorables au développement, notamment par le
développement du système bancaire et la création de
l'infrastructure nécessaire au développement industriel. Rostow
souligne le rôle «moteur'' dévolu au secteur agricole qui,
par les gains de productivité qu'il enregistre, permet de nourrir une
population croissante, assurer les exportations nécessaires à
l'équilibre des échanges extérieurs et autorise la
réunion des conditions nécessaires au développement
industriel. « Dans le domaine des échanges extérieurs, le
changement se manifeste par l'augmentation des importations financée par
la meilleure mise en valeur et l'exportation des ressources naturelles ou
encore l'importation de capitaux ». Le développement des transports
et de moyens de communication s'opère généralement en
liaison avec la commercialisation des matières premières qui
« présentent un intérêt économique pour
d'autres pays », et souvent financé par des capitaux
étrangers ». On note également une évolution des
mentalités et des méthodes de travail : à
l'intérieur du pays s'opère une prise de conscience d'une
possible action de mise en valeur des ressources naturelles dans un but de
«dignité nationale, profits privés, meilleures conditions de
vie pour les générations futures». Au cours de cette
période, Rostow voit l'apparition de l'entrepreneur
schumpétérien qui par son action va révolutionner les
méthodes de travail.
47 ROSTOW, W.W., Op.cit., p. 12.
48 Idem, pp. 12-15.
28
La notion de progrès économique émane
généralement de l'extérieur et se diffuse à travers
les élites nationales.
3) Décollage
« Le décollage est la période pendant
laquelle la société finit par renverser les obstacles et les
barrages qui s'opposaient à sa croissance régulière. Les
facteurs de progrès économique qui, jusqu'ici, n'ont agi que
sporadiquement et avec une efficacité restreinte, élargissent
leur action et en viennent à dominer la société. La
croissance devient la fonction normale de l'économie. Les
intérêts composés intègrent dans les coutumes et
dans la structure même des institutions »49. Cette
étape cruciale est d'une durée relativement brève : une
à deux décennies.
W. Rostow50 pose trois conditions essentielles au
décollage :
? Le taux d'investissement productif passe de moins de 5
pourcent à plus de 10 pourcent du revenu national, de ce fait « il
déborde nettement la pression démographique ». Cette
augmentation de l'investissement se fera par un large appel aux capitaux
extérieurs ;
? La création d'industries motrices susceptibles
d'entraîner l'apparition d'industries d'amont et d'aval. Ces industries
pourront être stimulées dans leur croissance par le
développement du commerce extérieur ou encore la substitution de
la production nationale aux importations. Par ailleurs, une large diffusion des
innovations et des taux d'intérêt faibles facilite le mouvement
d'industrialisation ;
? La mise en place rapide d'un appareil politique, social et
institutionnel axé vers le développement afin que «le taux
de croissance de l'économie puisse, par la suite, rester constant».
Comme l'écrit T. Szentes : « le décollage est
accompagné d'une victoire politique, sociale et culturelle,
décisive, de futurs responsables de la modernisation de
l'économie sur les partisans de la société traditionnelle
ou ceux qui poursuivaient d'autres buts ».
W. W. Rostow tente de dater historiquement le décollage
de certains pays : « On peut situer approximativement le décollage
de l'économie britannique aux
49 ROSTOW, W.W., Op.ci, p. 19.
50Idem, p. 20.
29
vingt dernières années du
XVIIIème siècle ; celui de la France et des
Etats-Unis, à la période de 1830 à 1860 ; celui de
l'Allemagne, au troisième quart du XIXème
siècle celui du Japon, aux vingt-cinq dernières années du
XIXème siècle »51
4) Progrès vers la
maturité
C'est une période de progrès soutenu au cours
de laquelle la croissance gagne l'ensemble des secteurs de l'économie et
on assiste à une mise en oeuvre plus générale des
techniques modernes. Elle se caractérise par :
- Un nouvel accroissement du taux d'investissement qui passe
de 10 à 20 pourcent du niveau national ;
- Une diversification de la production : l'économie
prouve qu'elle est en mesure d'aller au-delà des industries qui l'ont
fait démarrer à l'origine par l'apparition de nouveaux secteurs
dominant, dans l'industrie ;
- La structure de la population active se modifie (la main
d'oeuvre devient plus urbaine) et on note un phénomène
d'urbanisation croissant ;
- « La notion de dirigeant d'entreprise évolue
également et le gestionnaire, avec ses connaissances et sa vision plus
large de choses prend de plus en plus d'importance (pas de vision pas de
mission). Les objectifs de la société commencent à ne plus
se borner à l'application de la technologie moderne aux ressources.
L'expansion de 1'industrialisation cesse d'être la considération
majeure qui l'emporte sur toutes les autres ».
5) Ere de la consommation de masses
« La production de biens de consommation durables et les
services deviennent progressivement les principaux secteurs de
l'économie ». Les objectifs de la société
évoluent vers la consommation et le bien-être. A ce stade, les
Etats peuvent privilégier trois différentes politiques :
- La recherche de la puissance et de l'influence
extérieure (c'est le soft power) ;
- La création d'un Etat providence, (et d'un Etat
propulseur) ;
51ROSTOW, W.W., Op.ci, p. 20.
30
- L'élévation des niveaux de consommation «
dépassant les besoins alimentaires, le logement et les vêtements
nécessaires ».
Après s'être laissés brièvement et
superficiellement tentés par l'hégémonie mondiale au
tournant du siècle, les Etats-Unis ont, selon Rostow, choisi
sincèrement et de tout coeur la voie de la consommation de masses dans
les années 20 et connaissent depuis ce stade la croissance. D'autre
part, alors que l'Europe occidentale et le Japon entrent dans l'ère de
la consommation de masses et que l'Union soviétique « folâtre
à la zone limitrophe », on peut dire que les Etats-Unis ont
dépassé ce stade dans la mesure où, par suite de la «
marche des intérêts composés », la
société du pays «se rapproche du point où la
quête de la nourriture, du toit, des vêtements ainsi que des biens
de consommation durables et des services publics et privés ne commande
plus son existence ». De nouvelles perspectives se sont ouvertes
au-delà de la consommation de masses et la Société se
tourne aujourd'hui vers de nouveaux objectifs plus élevés. Rostow
en veut pour preuve le fait qu'aux Etats-Unis la natalité a
augmenté ainsi que la proportion de familles nombreuses52.
? Critiques de la théorie des étapes
linéaires
On ne peut qu'adhérer à la critique
formulée par Georges Balandier53 en ces termes :
cette manière de voir implique un déterminisme
technico-économique simpliste et un politico-centrisme'' fort
vulnérable. Elle adhère sans inquiétude excessive à
un développement unilinéaire qui condamne les
sociétés en développement à répéter
les processus ayant assuré le progrès de certaines des
sociétés aujourd'hui avancées. Elle leur dénie la
possibilité de faire naître des sociétés et des
économies inédites.
Au-delà de Rostow, la grande majorité des
néo-évolutionnistes actuels semble avoir renoncé à
la conception d'une loi historique déterminant un processus
unilinéaire obligatoire.
L'évolutionnisme multilinéaire oriente les
recherches consacrées aux procès de changement culturel ; il
commence à réduire le socio-centrisme des politicologues
envisageant le développement des sociétés politiques ; il
affecte
52 SZENTES, T., Op.cit., pp. 94-95
53 BALANDIER, G., Sens et puissance, Ed.
Seuil, Paris, 1971, p. 6.
31
moins, par contre, l'étude des changements agissant au
sein des formations spéciales et provoquant leur transformation. D'autre
part, la comparaison des processus de développement et de modernisation
a imposé l'abandon de modèles théoriques trop simplistes.
Elle fait mieux apparaître les discontinuités, les ruptures de
modernisation, le mouvement différentiel de chacun des systèmes
constitutifs d'une même société globale qui ne se
transforme pas en bloc, la diversité structurelle de
l'industrialisation.54
Balandier55 cite en particulier Shalins comme
exemple néo-évolutionniste ouvert'': l'un et l'autre
admettant que le progrès a souvent tendance à passer d'une
étape peu développée à une étape
comparativement très développée, procédant alors
par mutation. Quant à Talcott Persons que Balandier range
également dans ce groupe, il distingue trois états principaux de
l'évolution sociale : l'état primitif, état
intermédiaire et l'état moderne mais en portant l'accent sur les
sous-états et les variations structurelles qui se manifestent dans
chaque phase.
Le courant développementaliste est l'un des plus
représentatifs des lignes de recherches actuelles. R.
Nisbet56 en a présenté un panorama assez complet et
lui-même se situant sur des positions très profondément
différentes. La pensée développementaliste est
insérée jusque dans les origines de la civilisation occidentale.
Les Grecs d'abord puis Saint Augustin et la philosophie chrétienne, et
jusqu'à Karl Marx, en passant par Rousseau, Kant, Regel et surtout
Leibniz. Pour Nisbet, il faut entendre le verbe développer au sens
intransitif, c'est-à-dire évoquer le développement en
procédant du sujet et non pas comme résultat d'une force externe.
Le développement est, en ce sens, une priorité intrinsèque
de la structure, et à ce titre se différencie de la simple notion
de changement qui peut se rapporter à des facteurs extérieurs. Il
analyse de la façon suivante les concepts qui se rattachent aux
données fondamentales du développementalisme :
a. Immanence
54 BALANDIER, G., Op.cit., p. 6.
55 Idem, p. 8.
56 NISBET, R., « Dévelopementalisme A
critical& analysis », in KINNEY et TIRYAKAN, Theoretical
sociology: Perspectives and developments, New-York, 1970, pp. 167-204.
32
Ce qui donne au développement son caractère
distinctif par rapport à tout autre ; c'est essentiellement son
immanence, c'est-à-dire son émergence ou sa manifestation
à partir des forces qui résident à l'intérieur du
système qui nous intéresse. Ceci ne veut pas dire que des forces
ou des événements extérieurs ne puissent interférer
mais sans constituer la source du changement considéré.
b. Continuité
Ce concept est à prendre dans son acception
Leibnizienne : la nature ne fait pas de sauts, Nisbet marque l'analogie que
retiennent les développementalistes entre le changement dans la
société et la croissance d'un organisme (dans le domaine
biologique). Pour Marx lui-même, la révolution est dans la stricte
continuité de la phase sociale qui la précède. Et Nisbet
cite la réponse de Marx dans la préface de la seconde
édition du capital à ceux qui contestaient l'application à
d'autres pays de ce que Marx avait analysé du capitalisme à
partir de matériaux anglais : le pays qui est industriellement le plus
développé et le seul a développé l'image de son
propre futur.
c. Uniformitarité
L'auteur susmentionné déclare qu'il ne se
réfère pas à la notion d'uniformité des
étapes du développement d'une région à une autre
mais à l'idée de causes uniformes ou de mécanismes de
changement situés à l'intérieur de systèmes
identiques ou similaires. C'est-à-dire l'idée que le capitalisme,
la parenté, la caste ou la communauté procèdent dans leur
développement normal, à travers des mécanismes qui sont
les mêmes en tout temps et en tous lieux. En ce sens, bien que
procédant de l'intérieur, l'explication théorique du
développement ne peut se confondre avec la vision plus récente du
développement endogène qui, elle, récuse tout
déterminisme mais se réfère à l'identité
culturelle.
d. Différenciation
En se référant à des observations
très comparables à celles de la biologie, on peut appliquer aux
phénomènes sociaux une loi de différenciation constante :
plus un système est hautement différencié, plus il doit
être avancé dans le temps.
33
Nisbet,57 ensuite, étudiant le
néo-développementalisme contemporain, affirme que, durant les
dernières décades, surtout en Amérique et en Angleterre,
ce courant s'est incarné spécialement dans le fonctionnalisme. Il
s'élève contre l'accusation portée à l'encontre des
fonctionnalistes de n'avoir point de théorie au changement : ils
rapportent l'origine du changement aux éléments qui composent
l'intériorité du système : rôle, statuts, fonction,
par le jeu des dysfonctions. Et, il étudie des positions
défendues par trois néo-développementalistes
fonctionnalistes : Merton, Marion Levy et Tacoltt Persons.
Sans ouvrir la discussion sur le bien-fondé de cette
classification qui n'entre pas dans notre propos, nous devons mentionner les
données essentielles de la critique faite par Nisbet au
développementalisme dans son ensemble.
Au premier chef, il récuse la possibilité de
traiter d'un système social comme système indépendant,
autonome sur le plan abstrait. Dans la réalité, les
systèmes ne traduisent pas des conduites humaines, des faits, des
événements qu'il est hors de portée de faire entrer dans
les concepts de base du développementalisme.
e. Persistance sociale
Toutes les données sociales révèlent une
constante activité, un mouvement constant mais il ne faut pas confondre
activité persistante, mouvement'', avec
changement''. La première erreur majeure des
développementalistes est de négliger ou plutôt de
déformer les phénomènes de persistance et de
fixité. Pour Nisbet donc, on observe ces deux ordres de données :
la persistance et le changement. Le changement n'est pas la donnée
constante et universelle.
1.3.2. Théories marxistes et le
développement
Nous avions distingué, au seuil de cette investigation,
deux types d'analyse marxiste : celle qui s'est bloquée dans le
dogmatisme en considérant la théorie comme pratiquement
achevée et celle qui s'appuie sur une théorie plus ouverte et
à partir d'une utilisation critique de l'appareil conceptuel
établi, s'efforce
57 NISBET, R., Op.cit., p. 50.
34
de trouver des réponses nouvelles aux problèmes
nouveaux qui permettent par là-même d'éclairer davantage
les démarches précédentes.
Nous ne pouvons pas nous attarder sur le marxisme dogmatique
qui, la plupart du temps, ne peut échapper aux critiques dont est
justiciable tout développementalisme unilinéaire conçu
comme système étroit et rivé sur une orthodoxie''
construite par référence au passé.
Il est inutile d'épiloguer sur la
stérilisation stalinienne'' et ses effets sur un certain
nombre d'écoles marxistes s'attachant aux sciences humaines.
On a présenté, et on continue encore de
présenter, une théorie 'marxiste'' qui serait en
quelque sorte le pendant progressiste'' de l'analyse de Rostow
déterminant les stades de développement
obligé'' de toute société pour passer du
communisme primitif'' au socialisme. La critique en a
déjà été faite.
Sans pouvoir entrer dans le détail d'une analyse des
recherches et des développements néo-marxistes, nous retiendrons
tout spécialement les points qui peuvent contribuer à
éclaircir notre recherche.
En premier lieu, sur la conception marxiste du
développement et du dynamisme social, il faut noter l'apport du groupe
de L. Althusser et de E. Balibar58 qui admettent au point de
départ la distinction nécessaire en rejoignant par l'analyse
dynamiste, entre le dynamisme inhérent à la structure et le
dynamisme qui s'applique au changement et à son développement. Le
dynamisme interne aux structures, fond sur la contradiction, ne tend pas au
dépassement de cette contradiction mais sa reproduction. Par contre le
dynamisme qui produit le développement des structures conduit à
des seuils de rupture d'équilibre interne entre les structures dans leur
articulation qui aboutit à une transformation du système, en
passant par une phase de transition. Dans cette phase de transition, les
structures libérées de leur assemblage antérieur peuvent
se combiner en de nouveaux assemblages : ainsi divers modes de production
coexistent au sein d'une même formation sociale avec l'un deux en
situation dominante.
58 ALTHUSSER, E., et AL., Le capital, Tome
II, Maspero, Paris, 1966, p. 15.
35
Il convient de souligner que l'ouverture de la théorie
marxiste à ces problèmes de transition''
présente un intérêt certain pour toute recherche concernant
des mutations sociales liées au développement.
En second lieu, on doit prendre acte du renouveau de l'analyse
marxiste appliquant aux formes néo-occidentales d'évolution des
formations sociales évoquées par Marx à propos du concept
mode de production asiatique. On a cherché à adapter à
l'Afrique la notion de mode de production asiatique.
Eu égard à ce qui précède, les
analystes marxistes ont été amenés à s'attacher
à l'étude de développement et de formations sociales
africaines dans leur stade précapitaliste puis dans la période
marquée par l'impact de l'économie marchande dans le stade de
transition au capitalisme.
Au-delà de Godelier et dans les lignes de travail qui
divergent entre elles sur plus d'un point, on voit paraître ainsi la
description faite par Claude Meillassoux de la société Gouro de
Côte d'Ivoire qui est interprétée comme un mode de
production cynégétique et lignager.59
Terray60 reprend le problème par la suite et tout en rendant
hommage au caractère fécond et novateur de l'ouvrage de
Meillassoux, lui reproche de n'avoir pas, dans la ligne d'Althusser,
recherché à dépasser la perspective du mode de production
unique. En utilisant les matériaux de Meillassoux, il montre la
coexistence de deux modes de production, l'un réalisé dans le
cadre du système tribalo-villageois, l'autre dans le cadre de
lignager.
Dans cette démarche, Terray61 s'efforce de
mettre en place une méthodologie permettant de déterminer les
modes de production au sein des sociétés dites primitives.
Pierre-Philippe Rey, quant à lui, a rassemblé un
important dossier sur trois études sur le
Congo-Brazzaville62, fondement de son analyse en quatre
chaînons : le système lignager, la traite, le système
colonial et le néo-colonialisme. Il s'écarte sensiblement de
Godelier qui lui semble trop marqué par l'idéologie
structuraliste plus proche de Terray en défendant cependant un point de
vue
59 GODELIER, M., L'idée du réel et
le réel, Fayard, Paris, 1984, p. 14.
60 TERRAY, E., Le marxisme devant les
sociétés primitives : deux études, Maspéro,
Paris, 1969, p. 14.
61 .TERRAY, E., Op.cit., p. 15.
62 REY, P. Ph., Colonialisme,
néo-colonialisme et transition au capitalisme : exemple de la Camilog au
Congo-Brazza, Maspéro, Paris, 1971, p. 7.
36
différent de ce dernier en considérant notamment
que les clans, les sociétés lignagères, les classes
d'âge fonctionnent comme des classes sociales. Ce dernier point semble
particulièrement contestable du fait que les classes d'âge sont
les points de transition nécessairement importantes alors que les
classes sociales fiant les individus dans les rapports dont ils ne sortent pas
nécessairement.
Il faut ajouter aux recherches appliquant les
catégories marxistes aux sociétés précapitalistes
africaines, une autre dimension du courant néo-marxiste tendant à
rompre avec la réduction du système explicatif du changement et
du développement de la théorie de l'impérialisme de
Lénine, s'est constituée, à une théorie de
l'impérialisme néo-capitaliste et du système mondial de
l'économie marchande, à la suite notamment des travaux de Baran
et Paul Sweezy sur le capitalisme monopoliste63.
1.4. D'autres théories sur le concept
développement
1.4.1. Théories sur le développement local
et développement durable64
Il y a plusieurs théories attachées au concept
« développement ». Certains parlent de développement
endogène ou exogène, de développement local, de
développement communautaire, etc., et d'autres, par contre, parlent de
développement durable, développement intégral, etc.
Plusieurs adjectifs sont à cet effet attachés à ce concept
pour lui donner, d'une manière ou d'une autre, un contenu particulier
par rapport à la compréhension de chaque auteur. Nous allons nous
attarder actuellement sur le développement local et durable.
En ce qui concerne le développement local, nous pouvons
retenir que c'est « un processus de diversification et d'enrichissement
des activités économiques et sociales sur un territoire à
partir de la mobilisation et de la coordination de ses ressources et de ses
énergies. Il sera donc le produit des efforts de sa population ; il
mettra en cause l'existence d'un projet de développement
intégrant ses composantes économiques, sociales et culturelles ;
il fera d'un espace de contiguïté un espace de solidarité
active »65. Il est également « une dynamique
63 BARAN, P., et SWEEZY, Le capitalisme,
Maspéro, Paris, 1968, p. 11.
64 Lire à ce sujet BOLIMA BOLITSI, W.,
Op.cit, pp. 66-77.
65 PELLISSIER, J.P., FRAYSSIGNES, et J., AHMED, Z.,
Les territoires ruraux en Méditerranée, quelle politique
publique pour accompagner les dynamiques de développement ? IAMM et
IRAM, Paris, 2018, p. 5.
37
économique et sociale concertée et
impulsée par des acteurs individuels et collectifs À
collectivités locales, acteurs économiques, organisations de la
société civile, services de proximité et administrations
déconcentrées de l'Etat, etc. À sur un territoire
donné »66. Les populations aspirent à être
dorénavant actives et responsables de leur propre développement.
Les interventions d'appui au développement local se fondent ainsi sur la
gestion concertée d'un territoire par ses habitants en intégrant
plus en amont leurs besoins et attentes spécifiques et en valorisant
leurs projets et leurs initiatives.
C'est pourquoi les préceptes du développement
local, au même titre que le néo-institutionnalisme, sont avant
tout l'expression d'une critique envers une économie composée
d'agents indépendants, analysant les phénomènes d'un point
de vue purement quantitatif et a-territorial, c'est-à-dire sans accorder
d'importance aux influences provenant du milieu.
Pour Pecqueur B. la notion de territoire ne peut se
départir d'une volonté de développement local. Il affirme
que : « ni mode, ni modèle, le développement local est une
dynamique qui met en évidence l'efficacité des relations non
exclusivement marchandes entre les hommes pour valoriser les richesses dont ils
disposent »67. Ces relations non exclusivement marchandes
reposent sur la participation d'acteurs locaux, sur leur prise de conscience de
la nécessité de fonctionner en réseaux qui, peut favoriser
la production de compromis autour des enjeux liés à la
revitalisation et à la viabilité du développement.
Cependant, pour certains auteurs, le mot local pose un
sérieux problème de par son contenu. C'est le cas de Serge
Latouche68, en référant de la réalité
française, démontre comment le concept local accolé au
développement, masquerait la réalité et pouvait servir
à la paupérisation de la masse paysanne. Ce qui s'est
passé avec les banques est révélateur, pense l'auteur.
Avec « ...local », on utilisait la créativité
populaire, voire, locale, et les ressources diverses pour le
développement du Nord. A ce sujet, Cane, E. et Rawe, J. écrivent
qu' : « au siècle dernier, il y avait une foule de petites banques
locales et régionales, fortement
66 IRAM, « Développement local et
décentralisation », in Iram, Paris, 2018, p. 2. Article en
ligne consulté sur le lien : www. Iram-fr.org/
développement-local-et-décentralisation. Html, le 5 juillet 2018,
à 10 heures.
67 PECQUEUR, B., La ressource territoire : une
réponse émergente à la crise en milieu rural ?,
MRSHC, Grenoble, 2017, pp. 2-4.
68 LATOUCHE, S., cité par BOLIMA BOLITSI, W.,
Op.cit, p. 67.
38
enracinées dans l'économie locale. Le
développement des banques nationales les a fait disparaître pour
les remplacer par des agences qui drainent l'épargne locale et le
financement de la grande industrie nationale. Aujourd'hui ce sont les banques
transnationales qui font disparaître à leur tour les banques
nationales au profit des firmes multinationales. Si l'argent est le nerf de
l'économie, la disparition des banques locales signifie sans doute la
fin de l'économie locale. Comme l'écrivent les théoriciens
de time dollars d'Ithaca, l'économie assure sa croissance en se
nourrissant de la chair et des muscles qui maintiennent soudée la
société. Pardessus tout, le marché a fortement
marginalisé des aires importantes tant au Sud qu'au Nord
»69.
En effet, le mot « local » pose problème non
pas du fait qu'il soit à son tour accolé à celui de «
développement » mais le « local » semble « ambigu en
raison de son extension géographique à géométrie
variable-de la localité à la région transnationale, du
micro, en passant par le méso-, il renvoie de façon non
équivoque au territoire, voire au terroir et plus encore aux patrimoines
installés (matériels, culturels, relationnels), donc aux limites,
aux frontières et à l'enracinement »70. De
l'autre côté, nous devons rappeler que le développement se
veut un concept attrape-tout, hautement mystificateur, mieux, un concept
à proscrire. Si le « local » émerge aujourd'hui, il
n'émerge pas (ou ne devrait pas émerger) comme «
développement » mais plutôt comme cadre d'un «
après-développement », d'un « au-delà du
développement », soutient, serge Latouche71.
Pour répondre à cette critique, Greffe
X.72 s'inscrit en contre-courant en soutenant que le mot «
local » n'est pas ambigu. Attaché au développement, il forme
ensemble un paradigme. Il amènerait, peut-être, le territoire
à mener une stratégie de développement qui exclurait toute
réflexion d'ensemble ou toute harmonisation avec le milieu dans lequel
se trouve le territoire. Cependant, ce qui est important et qu'il mène
à la prise en considération d'un certain nombre d'objectifs et de
contraintes générales lors de l'élaboration de projets
locaux.
En plus, un territoire ne se traduit pas en territoire
économique. Il est aussi, fondamentalement, un construit historique. Il
est non seulement un espace
69 CANE, E. ET RAWE, J., cité par BOLIMA
BOLITSI, W., Idem, p. 68.
70 BOLIMA BOLITSI, W., Op.cit., p. 68.
71 LATOUCHE, S., Faut-il refuser le
développement ? PUF, Paris, 1986, p. 216.
72 GREFFE, X., Le développement local,
L'Aube, Datar, Paris, 2002, p. 200.
39
économique mais aussi un espace écologique,
juridique et un espace vécu73. Le développement local
est avant tout un développement territorial. Il se base sur un «
espace vécu », c'est-à-dire un espace actif qui
dépasse, en quelque sorte, la somme de ses composantes. Celles-ci sont
représentées notamment par une identité culturelle, un
système de valeurs communes qui créent des interactions et des
effets de synergie. Ce sont des espaces où, en général, la
contiguïté a débouché sur une solidarité :
selon les termes de P. Aydalot « donner aux « milieux » le
rôle essentiel, c'est faire du « territoire » la source du
développement »74.
Cette nouvelle précision sera en face d'une nouvelle
critique selon laquelle le concept de développement local
n'échappe donc pas à la colonisation de l'imaginaire
économique. Accolé au développement, le local est tout
juste alors, comme le social et le durable, ce qui permet au
développement de survivre à sa propre disparition. Le
développement a détruit le local en se focalisant toujours plus
sur les pouvoirs industriels et financiers.
Au-delà de cette nouvelle critique, le premier courant
de pensée reprécise qu'il était plus qu'important de
considérer le territoire comme un objet spatial qui dépasse le
simple concept de surface et non le réduire à l'expression
étendue neutre sur laquelle se déroulent les fonctions
économiques. Il n'est pas qu'un lieu plus ou moins bien pourvu en
dotations initiales de facteurs. Le territoire ne saurait donc être
considéré comme une « boîte noire », un simple
stock ou réservoir de ressources disponibles pour chaque
Etat75.
Le territoire est clairement le produit « d'une
proximité géographique et culturelle résultant du partage
d'une convention socialisant les individus selon une dynamique d'apprentissage
où chaque acteur se reconnaît et peut avoir un sentiment
d'appartenance à partager avec d'autres dans des cadres qui lui sont
familiers (famille, clan, milieu professionnel, espace d'habitudes et de rites
communs, etc.) »76.
73 GREFFE, X., Op.cit, p. 201.
74 Idem
75 CANDELEARE, E., ARFINI, F., BELLETI, G., et
MARESCOTI, A., (sous dir.), Territoires, produits et acteurs locaux : des
liens de qualité. Guide pour promouvoir la qualité liée
à l'origine et des indications géographiques durables,
SINER-GI, FAO, 2009, pp. 23-100. Consulté en ligne sur :
www.fao.org, le 05 juillet 2019,
à 16 heures.
76 CANDELEARE, E., ARFINI, F., BELLETI, G., et
MARESCOTI, A., (sous dir.), Op.cit., pp. 24- 100.
40
Ces cadres sont définis par des cadres cognitifs au
sein desquels se réalisent des phénomènes d'apprentissage
collectif qui s'appuient sur la valorisation des savoir-faire locaux, la
circulation de l'information sur les technologies et les marchés, le
partage de connaissances tacites et le développement de réseaux
de coopération77.
Au-delà de toutes ces précisions, Luisa Bonesio
souligne que : « la croissance des systèmes locaux répondant
à des logiques globales ne peut pas être appelée
développement local »78. Il y a lieu de dire que «
le localisme » et/ou « le développement local » nous met
en face de territoires sans pouvoir à la merci de pouvoirs sans
territoire. « En facilitant une gestion à distance, écrit
Jean-Pierre Garnier, à la fois décentralisée et
unifiée, d'unités dispersées dans l'espace, les nouvelles
technologies de la communication permettent aux grandes firmes de superposer un
espace organisationnel hors sol dont la structure et le fonctionnement
obéissent à des stratégies d'entreprise de plus en plus
autonomes à l'égard des activités et des politiques
autocentrées sur des territoires déterminés
»79.
Par ailleurs, le paradigme de développement local ne
répond pas au principe d'universalité ou d'internationalisation.
Quoique considéré d'une nouvelle théorie de
développement, « le développement local » n'a pas
touché au principe de libre-échange mondial, ainsi
l'émergence du concept développement durable. Alors, qu'est-ce
que le développement durable ?
L'expression est apparue pour la première fois dans un
cadre diplomatique international en 1980, lors d'une conférence
intitulée "Stratégie mondiale de la conservation : la
conservation de ressources au service du développement durable". En 1987
elle acquit une notoriété plus large en étant
intégrée dans le "rapport Brundtland" de la commission mondiale
sur l'environnement et le développement de l'Unesco,
présidée à l'époque par l'ancienne Première
ministre norvégienne Gro Brundtland80.
77 LATOUCHE, C., cité par BOLIMA BOLITSI, W.,
Op.cit, p. 68.
78 BONESIO, L., cité par BOLIMA BOLITSI, W.,
Idem, p. 169.
79 BOLIMA BOLITSI, W., Op.cit, p.
68.
80 PARTOUNE, C., et ERICX, M., « Le
développement durable - analyse critique », in
"Diversité culturelle", répertoire d'outils
créés par les formateurs de l'Institut d'Eco-Pédagogie
(IEP), actualisé en septembre 2011, URL :
http://www.institut-eco-pedagogie.be/spip/?article
59, consulté le 20 Avril 2019.
41
Ce rapport en donnait une définition qui fait
aujourd'hui autorité en affirmant le principe de "satisfaire les besoins
des générations présentes sans compromettre la
possibilité pour les générations futures de satisfaire
leurs propres besoins". Concrètement, le développement durable
est une façon d'organiser la société de manière
à lui permettre d'exister sur le long terme. Cela implique de prendre en
compte à la fois les impératifs présents mais aussi ceux
du futur, comme la préservation de l'environnement et des ressources
naturelles ou l'équité sociale et économique.
Ainsi, il est possible et nécessaire aujourd'hui
d'opérer un bilan du développement durable (DD) en s'appuyant sur
les formes concrètes qu'il a prises depuis plus de vingt ans.
Malgré les discussions, interrogations ou critiques que le terme a
suscitées, il est sans conteste, depuis la conférence de Rio en
1992, dans l'horizon normatif des projets, les programmes et politiques d'aide
publique au développement qui s'opèrent concrètement sur
les territoires et il accompagne maintenant les stratégies
d'entreprise81.
Ses principes fondamentaux sont : la solidarité entre
les pays, entre les peuples, entre les générations et entre les
membres d'une société. Par exemple : économiser les
matières premières pour que le plus grand nombre en profite ; la
précaution dans les décisions afin de ne pas causer des
catastrophes quand on sait qu'il existe des risques pour la santé ou
l'environnement. Par exemple : limiter les émissions de CO2 pour freiner
le changement climatique ; la participation de chacun, quels que soient sa
profession ou son statut social, afin d'assurer la réussite de projets
durables. Par exemple : mettre en place des conseils d'enfants et de jeunes ;
la responsabilité de chacun, citoyen, industriel ou agriculteur. Pour
que celui qui abîme, dégrade et pollue répare. Par exemple
: faire payer une taxe aux industries qui polluent beaucoup82.
Contrairement au développement économique, le
« développement durable est un développement qui prend en
compte trois dimensions : économique, environnementale et sociale. Les
trois piliers du développement durable qui sont traditionnellement
utilisés pour le définir sont donc : l'économie, le social
et
81 COX, K.R., et NEGI, R., « L'Etat et la
question du développement en Afrique Subsaharienne », in
L'Espace Politique, Revue en ligne de Géographie Politique et de
Géopolitique, mis en ligne le 20 Août 2009, consulté le 13
décembre 2019 à 13 heure 20.
82 PARTOUNE, C., et ERICX, M., Op.cit, p.
22.
42
l'environnement. La particularité du
développement durable est de se situer au carrefour de ces 3 piliers
»83.
En effet, « le développement durable est devenu un
concept à la mode que l'on intègre à toutes les analyses.
Derrière cette idée de durabilité se cachent plusieurs
conceptions. Une conception d'activistes, d'écologistes, d'humanistes,
d'enseignants, de chercheurs, d'entrepreneurs, de salariés, de
politiques, etc. Bref, à tous les niveaux de la société,
des individus profondément convaincus par la nécessité de
changer les choses. De l'autre, une conception plus utilitariste,
inhérente à des institutions et non plus à des personnes
dont l'intérêt est la récupération du concept.
L'objectif étant d'assurer la reproduction du pouvoir en place et de ne
rien changer aux règles de la domination »84.
Selon les écrits du courant post-
développementiste85, et en particulier ceux de Serge
Latouche86, l'utilisation du qualificatif durable est
intéressante pour les partisans du développement dans le sens
où il contribue à nous faire croire que le développement
peut s'inscrire dans la durabilité. Or, s'il continue de la sorte, en
matière de dégradation des équilibres économiques,
écologiques et sociaux, à l'évidence, le
développement durable ne peut précisément l'être !
Dans la réalité, le développement serait-il contre la
durabilité ?
Il s'agit d'interroger le concept de développement
durable et sa récupération par les institutions (multinationales,
gouvernements, collectivités locales...) afin de préserver le
statu quo et de poursuivre des pratiques totalement « non durables ».
L'idée est de révéler l'idéologie présente
dans le qualificatif durable attaché au mot développement. Cette
nouvelle qualification n'est-elle pas une façon de ne pas s'interroger
sur l'urgence ? La question de la durabilité nous donne l'illusion d'un
changement. Cela rassure la conscience des citoyens mais, finalement, rien, ou
pas grand -chose, ne change réellement : les équilibres
écologiques continuent à être fragilisés, les
inégalités sociales poursuivent leur progression. Ces
déséquilibres justifient le fait qu'on s'interroge sur la
notion
83 LATOUCHE, S., « Le développement
durable, un concept alibi », in MASINI, J., Débat sur le
développement durable, Revue tiers Monde, tome 35, Paris, 1994, pp.
77-94.
84 RODHAIN, F., LLENA, C., « Le mythe du
développement durable », Le développement durable,
Préventique
Sécurité, 2006, pp. 1-3.
85 Voir le site
www.apres-developpement.org
et la charte du Réseau des objecteurs de croissance pour un après
développement (ROCAD), consulté le 20 Avril 2019, à 10
heures.
86 LATOUCHE, S., Faut-il refuser le
développement ?, PUF, Paris, 1986, p. 216.
43
même de développement qui, selon de nombreux
auteurs87, est porteuse de ces dysfonctionnements. Et c'est
là que l'idéologie du développement durable est puissante
: ce nouveau concept n'est-il pas une aubaine dans la mesure où il
permet de faire l'économie de cette interrogation ? N'autorise- t-il pas
que l'on passe sous silence ce qui, précisément, doit être
mis en débat : le développement lui-même ? La preuve en est
: que les dirigeants se le sont appropriés très rapidement,
quitte à en faire un concept creux, vide de sens. Pour un courant de
chercheurs et d'économistes, la durabilité est un nouveau domaine
permettant de continuer à faire du développement en toute
impunité88.
En effet, étant elle-même floue, car pouvant se
rapporter soit au développement humain, soit à la croissance
économique, la notion de développement attachée à
l'adjectif durable crée plus de confusion. De prime abord, le concept de
développement durable peut rallier à peu près tous les
suffrages, à condition souvent de ne pas recevoir de contenu trop
explicite ; certains retenant surtout de cette expression. Le premier mot
« développement », entendant par-là que le
développement tel que mené jusqu'alors doit se poursuivre et
s'amplifier ; et, de plus, durablement, d'autres percevant dans l'adjectif
« durable » la remise en cause des excès du
développement actuel, à savoir, l'épuisement des
ressources naturelles, la pollution, les émissions
incontrôlées de gaz à effets de serre, etc.
L'équivoque de l'expression « développement durable »
garantit son succès, y compris, voire surtout, dans les
négociations internationales d'autant que, puisque le
développement est proclamé durable, donc implicitement sans
effets négatifs, il est consacré comme le modèle absolu
à généraliser sur l'ensemble de la planète.
Selon Serge Latouche89, quand on parle de
développement durable, « on a affaire à une
monstruosité verbale du fait de l'antinomie mystificatrice de
l'expression. En effet, le développement étant, à l'heure
actuelle et tel qu'il est pratiqué, par essence, non durable, lui
accoler le mot « durable » devient une
87 L'association La ligne d'horizon-Les amis de
FRANÇOIS PARTANT a organisé en mars 2002, au Palais de l'Unesco
à Paris, un colloque international sur le thème : «
Défaire le développement, refaire le monde ». De nombreux
chercheurs et acteurs du Nord et du Sud se reconnaissent aujourd'hui dans une
réflexion qui procède à une véritable
déconstruction de la pensée économique qui se qualifie de
post-développementiste. À la suite de ce colloque un ouvrage
collectif a été publié, il présente la
réflexion de 35 chercheurs et acteurs sur la question du
développement et sa remise en cause : Défaire le
développement, refaire le monde, Éd. Parangon, 2003, p. 412.
88 RODHAIN, F., et LLENA, C., Op.cit., p.
34.
89 LATOUCHE, S., Survivre au
développement, Éditions Mille et une nuits, Paris, 2004, p.
51.
44
imposture qui hérisse nombre d'écologistes,
d'activistes, d'intellectuels et autres anciens hauts fonctionnaires
d'institutions internationales telles la Banque mondiale ou le FMI.
Cependant, dans le même temps, ce concept de
développement durable a le mérite d'interroger la
société civile, de créer des débats et
peut-être de parvenir à un certain niveau de conscience des
problèmes écologiques. Le développement durable peut
conduire au décloisonnement des disciplines, à la collaboration
entre chercheurs et enseignants de différents horizons ; il peut donc
être porteur de réflexions productives et judicieuses. Pour cela,
il est nécessaire que les acteurs de l'enseignement et de la recherche
apportent une approche critique de la notion de développement avant de
s'intéresser à celle de développement
durable90.
De fait, le problème avec le développement
soutenable n'est pas avec le mot « soutenable » qui est plutôt
une belle expression mais avec le concept de développement qui est
complexe. Le soutenable, si on le prend au sérieux, signifie que
l'activité humaine ne doit pas créer un niveau de pollution
supérieur à la capacité de
régénération de la biosphère. Mais, il sied de
reconnaitre que cela n'est que l'application du principe de
responsabilité énoncé par le philosophe Hans Jonas :
« Agis de telle façon que les effets de ton action soient
compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur la terre
»91. Certes, la signification historique et pratique du
développement liée au programme de la modernité est
fondamentalement contraire à la durabilité ainsi conçue.
Seulement, toute l'idéologie et pensée unique dominante
s'efforcent avec un certain succès d'occulter cette
réalité. La main invisible et l'équilibre des
intérêts nous garantissent que tout est pour le mieux dans le
meilleur des mondes possibles. Personne ne devrait se faire du souci pour ce
faire.
Certainement, le développement durable ou soutenable
est pavé de bonnes intentions. Il comporte, non seulement des
défis mais aussi et surtout des incertitudes. Si, aujourd'hui, la survie
de tous, développés et non développés, passe par la
sauvegarde de la biodiversité, il faut reconnaitre que l'utilisation du
concept de développement durable est, belle et bien, imposée par
la « tyrannie des
90 RODHAIN, F., LLENA, C., Op.cit., p. 60.
91 LATOUCHE, S., Survivre au développement,
Op.cit., p. 23.
45
circonstances dans toute sa sévérité
»92, selon l'expression de John Galbraith. Le
développement durable auquel tous sont conviés
inconditionnellement soulève beaucoup de problèmes pour les pays
en voie de développement.
Ces problèmes ou déficits déterminent et
pourraient être des difficultés sur le chemin du
développement durable. Il s'agit par exemple : « à
l'intérieur : une réduction de pauvreté qui ne se fait pas
voir ; des insuffisances d'une gouvernance qui peine à prendre les
besoins des populations en charge. A l'extérieur : des échanges
inégaux séculaires, encore et toujours actuels
»93. Ainsi, « que feront par exemple les pays en
développement d'un marché mondial basé sur un avantage
comparatif lui-même basé sur leurs ressources naturelles mais qui
n'apporte pas d'avantage ? Le développement durable nous sauvera-t-il
d'une théorie et d'un ensemble de politiques qui, malgré la
durée, présentent des résultats douteux ? Quid du
Mécanisme de développement Propre (M.D.P) qu'implique une
proposition de compensation ? Onze à dix-neuf milliards de dollars
américains par an comme valeur potentielle des échanges de gaz
à effet de serre au profit des P.E.D. Les pollueurs, nonobstant des
efforts internes, n'établissent pas là une nouvelle
légitimité pour rester pollueurs en achetant aux pauvres leur
incapacité de polluer ? »94.
On peut conclure cette partie en soutenant que la contestation
à l'égard du développement durable est également
fondée sur le fait que l'ONU le présente comme un projet de
société, voire un projet de civilisation qu'il faudrait appliquer
à toute la planète. La lecture que Sylvie Brunel95
nous propose est la suivante : à la fin des années 80, le
développement durable serait venu à point nommé pour
remplacer les notions de développement, de sous-développement et
de "en voie de développement", devenues obsolètes avec la chute
du communisme soviétique et qui faisaient l'apologie de la croissance,
de la science et de la technique comme salvatrices du monde !
Dès lors, pour toute une série d'observateurs
critiques, le développement durable s'apparenterait plutôt
à un programme politico-économique promu par certains types
d'acteurs sociaux qui siègent à l'ONU (dont des dirigeants
92 LOMBEYA BOSONGO, L., cité par BOLIMA
BOLITSI, W., Op.cit., p. 65.
93 BOLIMA BOLITSI, W., Idem, p. 74.
94 LOMBEYA BOSONGO, L., cité par BOLIMA
BOLITSI, W., Op.cit., p. 76.
95 BRUNEL, S., cité par PARTOUNE, C., et ERICX,
M., Op.cit., p. 35.
46
de pays non démocratiques), avec le credo suivant : le
développement économique va résoudre les problèmes
sociaux et environnementaux à condition qu'un nouvel ordre mondial
impose des règles fondées sur le libre marché.
Dans ce programme, l'environnement correspond à
l'ensemble de la planète comme un réservoir de ressources qui
doit être globalement administré par des organisations
régionales ou mondiales, d'après le Calgary Latin American
Group96.
Le caractère hégémonique du
développement durable se perçoit aussi à la façon
dont il est désormais posé comme une référence
"sacrée", une "nouvelle religion"97. En effet, s'il a le
mérite de poser une vision du monde sur la table, celle-ci est rarement
mise en débat, bien au contraire : émettre l'idée qu'elle
doive y être soumise provoque souvent incompréhension, opposition,
voire anathème à l'encontre de la personne qui s'y autorise.
§2. Paix
2.1. Notion et développement du
concept
Le champ de la paix est plus vaste et chaque auteur
s'amène avec sa compréhension. Dans un premier temps, la paix
s'adresse prioritairement à l'individu. Elle fait
référence à un état intérieur, empreint de
calme ou de tranquillité, à l'écart de toute perturbation
ou agitation. C'est la paix de l'esprit et celle du coeur. Elle est souhaitable
pour soi-même ainsi que pour les autres, au point de devenir une
salutation : « Que la paix soit avec toi ! », une philosophie de la
vie98.
Cette notion va connaître une évolution, surtout
dans le monde occidental, en ayant une conception plus collective et
extérieure à l'individu. Elle peut être définie
comme l'absence de guerre, comme la suspension plus ou moins longue de la
rivalité violente ou des conflits entre entités politiques ou
encore comme l'intervalle qui sépare deux moments de
guerre99.
96 BRUNEL, S., cité par PARTOUNE, C., et ERICX,
M., Op.cit., p. 35.
97 LATOUCHE, S., cité par PARTOUNE, C., et
ERICX, M., Op.cit. p. 37.
98 COLLECTIF, Paroles de paix en temps de
guerre, Privat, Toulouse, 2006, pp. 7- 9.
99 MERLE, M., (sous dir), Pacifisme et
internationalisme, XVIIe-XXe siècles. Paris, A. Colin, 1966, p.
81.
47
Elle peut aussi être considérée comme une
activité, pas une passivité. Elle est un engagement qui se
pratique tous les jours dans toutes nos interactions. Être un spectateur
passif face aux interactions violentes des autres tue la paix. Rester passif
envoie le mauvais signal. Cela autorise les violents à augmenter la
violence. C'est en formant un contrepoids, majoritaire, où la paix prime
dans les interactions humaines qu'on peut susciter une remise en cause de
violents et les éveiller au meilleur d'eux-mêmes. En restant
passif, on se désolidarise de cet effort de contrepoids, on fait le
choix de la violence des autres même si on est le plus doux des
êtres100.
Sociologiquement, la paix désigne l'entente amicale de
tous les individus qui composent une ou des sociétés civiles
et/ou militaires. Elle n'implique pas l'absence de conflits mais une
résolution systématiquement calme et mesurée de toute
difficulté conséquente à la vie en communauté,
principalement par l'écoute, la compréhension, le dialogue, la
négociation ou par des échanges de biens tel le commerce ou le
troc. La paix implique également le goût pour le calme, ainsi que
la capacité à vivre sereinement avec l'autre : individu ou
société. En cela, la paix est l'intérêt commun pour
le développement qui prend ses racines dans la
prospérité101.
Si cet intérêt n'est pas partagé, c'est
qu'il n'y a pas existence d'une capacité visionnaire et avant-gardiste
pour un développement enrichissant, quel qu'il soit : économique,
innovation, culturel, durable, connaissance, social. La paix n'est ni un
idéal, ni une utopie. Elle est principalement une donnée sine qua
non au développement économique et tout ce qui en découle
: culture, éducation, dynamisme... Elle est le coeur d'une
économie. Sans paix il ne peut exister une économie
prospère102. En cela, nous pouvons dire que la paix est
l'économie et que l'économie est la paix. Les guerres sont le
dysfonctionnement même de l'économie. La source de
l'économie est la prospérité. La prospérité
est la source de l'économie. La guerre est le chaos qui empêche
l'existence de l'économie. L'économie ne peut
100MAMON, D., Pour Graines de la Paix, 6
mars, 2007, pp. 1- 2. Article en ligne sur
https://www.grainenesdepaix.org/fr/ressources/concepts-de-paix/definitions/comment-definir-la-paix,
consulté le 09 mars 2021 à 14 heures 12
101 BOUCHER, F. E., SYLVAIN, D., et JANUSZ P., (dir.), La
Paix. Esthétiques d'une éthique, Bruxelles, New York, Bern,
Berlin, Frankfurt am Main, Wien, Peter Lang, 2007, p. 227.
102 BOURNIER, I., et POTTIER, M., La Grande
Encyclopédie de la Paix, Casterman, Bruxelles, 2007, p. 96.
48
être définie selon le principe du bien-être
de quelques individus mais de l'ensemble des individus et des
sociétés103.
En effet, la paix demande une combativité positive dans
nos relations et tout autant face à nos propres impulsions. Mais
définir la paix comme le combat gagné de la raison contre les
instincts est faux. Ce n'est pas par le combat qu'on atteint la paix
intérieure mais en cultivant un état intérieur
d'apaisement. A l'opposé d'un combat, c'est une relation à
construire ; avec soi-même, puis avec les autres, où la raison ne
suffit pas, il faut aussi le coeur. Elle est un tissage perpétuel de
relations chaleureuses de bon voisinage basée sur les valeurs humaines
et la créativité des uns et des autres pour dépasser les
difficultés, les heurts et ses propres frustrations104.
La paix est un choix de vie où les interactions
humaines se fondent sur des élans d'humanité capables d'inverser
les tendances à la violence des puissants, de vindicatifs et de
personnes en colère, en touchant leur coeur et leur raison. Un choix de
vie à la fois individuel, collectif, économique et politique.
Au demeurant, l'articulation entre la paix et son
opposé (guerre, violence, conflit, colère, etc.) est une des
clés de nombreuses doctrines, religieuses ou politiques, clé
fondamentale, bien que généralement non explicite. Mais la paix
peut se définir par le fait non pas politique ou religieux mais bien
plus par le fait qu'elle est une condition à l'évidence à
la vie105.
Dans le yi-king, l'hexagramme opposé à celui de
la paix est celui de la stagnation. Symboliquement, cela indique que la paix
n'est pas un absolu mais une recherche permanente. Et que « le conflit
» n'est pas l'opposé de la paix. Il convient dans une
démarche de paix de transformer un conflit pour le résoudre sans
répondre par la violence, non pas de le supprimer. Les démarches
non-violentes incarnent cette démarche de transformation pacifique d'un
conflit106. Car, comme l'indique le
103BOUCHER, F. E., SYLVAIN, D., et JANUSZ P., (dir.),
Op.cit., p. 227.
104 MAMON, D., Op.cit, p. 1.
105 BOURNIER, I., et POTTIER, M., Op.cit., pp. 96-
98.
106 OFFENSTADT, N., Faire la paix au Moyen Age. Discours
et gestes de paix pendant la Guerre de Cent ans, Paris, Odile Jacob, 2007,
p. 502.
49
préambule de l'UNESCO, « c'est dans l'esprit des
hommes que naissent les guerres, c'est dans leur esprit qu'il faut
ériger les défenses de la paix »107.
Cependant, il se peut que dans la psyché collective,
individuelle ou sociale, le calme soit une conception insupportable pour ceux
qui n'ont pas eu accès à cet état très tôt.
Leurs repères environnementaux sont de ce fait celui du conflit et du
chaos. Ce qui nous fait dire qu'il manque de structure psychique, voir
cérébrale, peut-être même biologique à
l'Homme. Néanmoins, il a été remarqué que l'Homme
est sujet à l'évolution psychique, biologique et
cérébrale plus ou moins rapide avec des rechutes parfois à
l'état "préhistorique" qui semble pouvoir être de mieux en
mieux contenu jusqu'à ce qu'il soit stabilisé et par
conséquent structurant et structuré sainement. C'est ce que nous
pourrons nommer l'Homme rationnel108.
2.2. Conception de la paix selon qu'elle est positive ou
négative
Parmi les nombreuses tentatives de définition de la
paix, il en est cependant une qui, au cours des deux dernières
décennies, s'est progressivement imposée. C'est celle de Johan
Galtung qui, en opposition à la notion de « paix négative
», introduit celle de « paix positive »109.
La notion de « paix négative » traduit
simplement l'absence de guerre ou de conflit violent, tant entre États
qu'à l'intérieur d'un même État. Définir
ainsi la paix est aussi réducteur que de définir la santé
par l'absence de maladies. Une telle définition ne décrit pas la
paix, ne dit pas à quoi elle ressemble, encore moins comment elle
s'établit et comment il est possible d'oeuvrer à sa promotion et
à sa préservation110.
Avec le concept de « paix positive », Johan Galtung
introduit les notions d'équité, de justice et de
développement. Il la décrit comme « un état de la
société dans lequel l'exploitation est entièrement
éliminée ou, tout du moins, minimisée et où aucune
violence manifeste d'origine structurelle ou individuelle ne vient
dénier au peuple l'exercice de ses droits fondamentaux
»111.
107 OFFENSTADT, N., Op.cit, p. p. 502.
108 BOUCHER, F. E., SYLVAIN, D., et JANUSZ P., (dir.),
Op.cit., p. 227.
109 MUCHUKIWA, B., Op.cit., pp. 4- 5.
110 BOURNIER, I., et POTTIER, M., Op.cit., pp. 96-
98.
111 MERLE, M., Op.cit., p. 7.
50
L'histoire nous enseigne, elle nous l'a démontré
à de multiples reprises, que les conditions réelles de la paix,
après un conflit, sont indissociables de la reconstruction du ou des
pays concernés, de la mise sur pied de structures garantes de justice
sociale et propices au développement harmonieux de toutes les couches de
populations touchées par ce conflit. La combinaison du concept de «
paix positive » avec celui de « paix négative » semble
être la meilleure approche possible pour tenter de comprendre ce qu'est
la paix et pour déterminer les domaines essentiels dont seront
tirés les différents indicateurs qui vont constituer l'indice
recherché112.
2.3. Émergence et institutionnalisation de la
notion de paix positive
En introduisant la notion de paix positive, Johan Galtung n'a
fait que traduire une évolution entamée le 24 octobre 1945,
à la création des Nations Unies. Les effroyables et massives
violations des droits de l'homme auxquelles a donné lieu la
Deuxième Guerre mondiale et le traumatisme profond qui en a
résulté, ont fortement influencé les rédacteurs de
la Charte des Nations Unies. Si le Préambule et le Chapitre 1 de cette
Charte traduisent bien le désir commun d'instaurer la paix, c'est
l'article 55 qui cerne au plus près les contours de cette
paix113 :
« En vue de créer les conditions de
stabilité et de bien-être nécessaires pour assurer entre
les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect
du principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit
à disposer d'eux-mêmes, les Nations Unies
favoriseront114 :
- Le relèvement de niveaux de
vie, le plein emploi et des conditions de progrès et de
développement dans l'ordre économique et social ;
- La solution de problèmes
internationaux dans les domaines économique, social, de la santé
publique et autres domaines connexes, et la coopération internationale
dans les domaines de la culture intellectuelle et de l'éducation
;
112 WERLY, N., Paix : l'insaisissable définition, in
Ela. Etudes de linguistique appliquée, 2002/4, n°128, pp.
481495.
113 CLINTON., B., Paix et démocratie,
Organisation des Nations Unies, Paris, 2004, p. 42.
114 WERLY, N., Op.cit., pp. 481- 495.
51
- Le respect universel et effectif
des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans
distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ».
Alors même qu'au travers de l'Histoire, la paix et les
droits de l'homme ont pu apparaître comme des termes
hétérogènes, parfois antagonistes ou diamétralement
opposés, ils se retrouvent ensemble à la base d'une nouvelle
alliance pour un « ordre international ». La paix, prise comme
l'absence de guerre, résultant de la fin des hostilités et
inscrite dans des traités internationaux, n'implique pas
nécessairement les exigences de dignité et de justice qui sont
les conditions de sa durée et de sa stabilité. Pour ne pas avoir
pris en compte ces exigences, le traité de Versailles portait, en ses
clauses, les gènes de la Seconde Guerre mondiale115.
Il aura fallu attendre la fin de ce conflit pour que se tisse
un lien puissant entre la notion de paix et celle de droits de l'homme.
Initialement consacré, en 1945, par la Charte des Nations Unies, ce lien
est ensuite renforcé, trois ans plus tard, par la Déclaration
Universelle des Droits de l'homme qui met l'accent sur l'indispensable «
exigence de protection des droits de l'homme par un régime de droit,
afin de ne pas contraindre les individus à la révolte contre la
tyrannie et l'oppression »116.
Les droits de l'homme, leur culture et leur respect font
désormais partie des conditions nécessaires à
l'instauration d'un état de paix. Quant au « droit à la paix
», il rejoint la troisième génération des droits de
l'homme, celle de l'ensemble des droits liés à la
solidarité.
En 1994, Federico Mayor, alors Secrétaire
général de l'UNESCO, lance un appel mondial pour l'instauration
d'un droit à la paix. Trois ans plus tard, une proposition de
déclaration incluant la paix dans les droits de l'homme est soumise,
sans succès, à la Conférence générale de
l'UNESCO. Malgré cet échec, le droit à la paix demeure
à l'ordre du jour du programme des Nations Unies. Début 2001,
la
115 CLINTON., B., Op.cit., pp. 42- 44.
116 WERLY, N., Op.cit., pp. 481- 495.
52
Commission des droits de l'homme adopte une résolution
pour la promotion du « droit des peuples à la paix
»117.
Il est maintenant communément admis que la paix est le
résultat d'un certain nombre de facteurs au sein desquels les droits de
l'homme, le développement économique et social, la justice et
l'équité, la gouvernance, la culture et la spiritualité
occupent une place beaucoup plus importante que celle tenue par les indicateurs
d'absence de guerres ou de conflits118.
2.4. Outils et organisation de moyens en faveur de la
paix
Au cours des dernières années, plusieurs
universités de paix ont été fondées, comme
l'université pour la paix de l'ONU, au Costa Rica (UPEACE [archive]),
l'université de la paix de Brasilia (UNIPAZ), ou l'Université de
Paix de Namur, le Centre mondial de la paix1 à Verdun119.
Elles dispensent un enseignement et contribuent à des
échanges de savoir et savoir-faire visant à étendre
l'action individuelle et collective sur et pour la paix (chef-d'oeuvre de paix
inspirée par le compagnonnage à UNIPAZ). Ces formations touchent
à l'écologie globale, autant qu'à l'écologie
intérieure, sociale et environnementale. Elles intègrent aussi la
notion de résilience pour sortir du cycle infernal de la vengeance ou
vendetta120.
De nombreuses ONG dites « humanitaires » travaillent
aussi au commerce équitable, à plus de justice, à la
réconciliation des peuples et à la réparation des
dégâts de catastrophes naturelles, économiques, militaires
ou sociales, dont Green cross2 fondée par Mikhaïl Gorbatchev
après la Glasnost et la fin de l'URSS121.
Des associations pacifistes existent dans plusieurs pays. En
France le Mouvement de la Paix a été créé le 22
février 1948. Il reste la principale ONG pacifiste française dont
l'action se tourne de plus en plus vers la jeunesse.
117 NATIONS UNIES, « Paix, dignité et
égalité sur une planète saine », in
Nations-unies, article en ligne sur
www.un.org/fr/global-issues/peace-and-security,
consulté en ligne le 10 août 2022 à 14 heures 30.
118 CLINTON., B., Op.cit., pp. 42- 44.
119 BOURNIER, I., et POTTIER, M., Op.cit., pp. 96-
98.
120 OFFENSTADT, N., Op.cit., pp. 502- 506.
121 Médaille Christofle, éditée pour le
IXème congrès Universel de la Paix, Paris en 1900.
53
Les mouvements pacifistes contre les armes nucléaires
se développent dans les années cinquante, présents dans le
monde entier encore aujourd'hui. Le célèbre symbole peace and
love en est issu, il sera largement utilisé contre la guerre du Vietnam
et demeure un des symboles les plus utilisés pour la
paix122.
Nous pouvons également citer en tant qu'outils
l'importance de l'Histoire et les souvenirs des guerres passées. C'est
en se souvenant de ses erreurs que l'Homme se corrige et évite de les
reproduire. Parmi ces outils nous pouvons mettre en avant les quelques 30.000
monuments aux morts érigés en France entre 1920 et 1925 en
souvenir des victimes de la Première Guerre mondiale ou encore
l'instauration de journées commémoratives, comme les
célébrations annuelles de l'Armistice. Enfin, pour ne pas les
oublier et mettre des mots sur ces souvenirs, vestiges de notre Histoire, les
conflits sont très largement évoqués dès le
primaire dans les programmes scolaires français. Gandhi affirmait
d'ailleurs à ce propos : « Si nous voulons enseigner la paix
véritable en ce monde et si nous voulons entrer en guerre contre la
guerre, c?est avec les enfants que nous devons commencer
»123.
Néanmoins, la paix ne peut être atteinte au sein
d'un ou de plusieurs peuples que par la contribution absolument volontaire de
tous ceux qui composent ces peuples. La paix est donc, à cause de cette
nécessité, une vertu aussi noble que difficile à
atteindre. Aussi, au-delà des organisations humanitaires et
internationales, se trouvent des hommes et des femmes qui espèrent que
le lendemain sera meilleur que la veille124.
2. 5. Personnalités engagées pour la
Paix
De nombreux artistes se sont engagés en faveur de la
Paix, à travers leurs actions ou leurs oeuvres, comme Picasso et sa
Colombe de la paix, John Lennon et son album Imagine3, ou Carl Fredrik
Reuterswärd et sa sculpture Nonviolence, le pistolet noué,
exposé sur le parvis de l'ONU à New York125.
122 BOUCHER, F. E., SYLVAIN, D., et JANUSZ P., (dir.),
Op.cit., p. 224.
123 BOURNIER, I., et POTTIER, M., Op.cit., pp. 98-
99.
124 OFFENSTADT, N., Op.cit., pp. 502- 506.
125 BOUCHER, F. E., SYLVAIN, D., et JANUSZ P., (dir.),
Op.cit., p. 227.
54
2.6. Paix internationale
La paix entre les nations est la mission fondatrice des
Nations unies. La paix mondiale est l'objectif premier de l'unité
européenne, comme en témoignent les premiers mots de la
Déclaration du 9 mai 1950, dite déclaration Schuman, en fait
essentiellement due à la plume de Jean Monnet : "La paix mondiale ne
saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs
à la mesure des dangers qui la menacent. La contribution qu'une Europe
organisée et vivante peut apporter à la civilisation est
indispensable au maintien des relations pacifiques"126.
La Journée internationale de la paix est
célébrée chaque année le 21 septembre à
l'initiative des Nations unies. Elle est dédiée à la paix
et particulièrement à l'absence de guerre, qui doit se manifester
par un cessez-le-feu dans les zones de combats. Elle est observée dans
de nombreux pays depuis sa création en 1981127.
§3. Conflit
3.1. Notion et développement du
concept
Etymologiquement, le mot conflit est tiré du mot latin
« conflictus », qui veut dire choc, lutte et combat128.
Raison pour laquelle les premières recherches effectuées dans ce
domaine portaient essentiellement sur la guerre. Pourtant, le mot combat ne
signifie pas seulement faire la guerre à quelqu'un pour avoir son
élimination physique et définitive mais,
généralement, à « une opposition contre quelqu'un,
ses opinions, et aussi à une lutte contre un mal ou un danger. Ce qui
explique parfois l'emploi de l'expression « combat d'idées
»129.
Pour certains auteurs, comme Yvan Potin, un conflit est une
rencontre de sentiments ou d'intérêts qui s'opposent : querelles,
désaccords, la lutte de pouvoir. Si cette opposition
d'intérêts n'est pas traitée, elle peut entraîner un
conflit ouvert130. Mais aussi un conflit, c'est le choc. Autrement,
il signifie heurter, ce qui
126 OFFENSTADT, N., Op.cit., pp. 502- 506.
127 BOUCHER, F. E., SYLVAIN, D., et JANUSZ P., (dir.),
Op.cit., p. 228.
128 PAUL, R., Dictionnaire le petit Robert, Le
Robert, Paris, 1013. Lire aussi ALBERT THOMAS, Cité par CHAVANIS, J.L.,
et GAVA, M.J., Op.cit., p. 18 ; YVAN POTIN, Op.cit., p. 5.
129 THOMAS, A., cité par CHAVANIS, J.L., et GAVA, M.J.,
Op.cit., p. 18.
130 POTIN, Y., Op. cit., p. 5.
55
implique une opposition qui se transforme
éventuellement parfois en crise. Il est à la fois
événement, c'est-à-dire ce qui vient d'ailleurs, et,
visiblement, contradiction. C'est donc parce qu'un conflit est constitué
de ce qui est étranger qu'il représente un danger, la peur,
l'angoisse de l'inconnu, mais aussi un élément
d'ouverture131.
Notons que le conflit est un fait naturel de l'homme. Il est
toujours lié à l'être humain. Le mal du conflit, c'est
quand il amène à des incompatibilités. Il est permanent
dans tous les secteurs de la vie sociale à différents niveaux et
dans des contextes aussi variés. Il n'est pas un accident dans la
société, il en fait partie132. Donc, faisant partie de
la nature humaine133, le conflit est une réalité
inéluctable134.
Pour cette raison, Thomas Albert précise qu'un
organisme n'est vivant que dans la mesure où il provoque
involontairement ou non des conflits135. S'alignant à cette
conception, Jean-Luc Chavanis et G. Marie-José affirment que les
conflits sont le signe qu'une organisation vit et évolue136.
Pour dire autrement, il n'y a pas d'organisations ou de communautés sans
conflit137.
De manière stricte, quand on parle d'un conflit, on
fait allusion à un contentieux sur un ou des points de droit. On entend
par conflit, au sens profond ou authentique du terme, l'affrontement de deux ou
plusieurs volontés individuelles ou collectives qui manifestent les unes
à l'égard des autres une intention hostile et une volonté
d'agression, à cause d'un droit à retrouver ou à
maintenir138. Ces volontés essaient de briser la
résistance de l'autre, éventuellement par le recours à la
violence. En ce sens, la guerre est l'exemple paradigmatique d'un conflit
armé139.
131 FLORO, M., Pratique de classe et gestion des conflits,
IUFM d'Aix, Marseille, 1998, p. 8. 132SIMMEL, G., Le
conflit, Circé, Paris, 1992, p. 8.
133 NIYAKIRE, A., IRANYIBUKA, T., et NDACAYISABA, R.,
Résolution pacifique des conflits. Guide de formation
destinée aux leaders communautaires « Imboneza », CDFC, 2013,
p. 7.
134 DECKERS, J.L., et VAN DEN STEEN, H., Petit guide
pratique pour l'usager potentiel de la médiation en entreprise, dans le
non marchand, dans les organisations, les institutions et les
administrations, UBMP, SL, SD, p. 5.
135 THOMAS, A., cité par CHAVANIS, J.L., et GAVA, M.J.,
Outils et pratique de la médiation : Dénouer et
prévenir les conflits dans et «hors les murs»,
Interdiction, Paris, 2014, p. 18.
136Idem, p. 11.
137 ALINSKY, S., cité par GATELIER, K., et Ali.,
Transformation de conflit. Retrouver une capacité d'action face
à la violence. Charles Léopold Mayer, p. 19.
138 LETHIERRY, H., Des conflits à l'école,
les risques du métier, Chronique sociale, 2005, p. 14.
139 DOMINIQUE PICARD, E.M., Petit traité des conflits
ordinaires, Le Seuil, Paris, p. 8.
56
Le terme de conflit est aussi utilisé au sens
figuré ou métaphorique. On parlera ainsi de conflit de devoirs,
de conflit d'horaires ou encore de conflit d'intérêts. De
même, par extension, le terme « conflit » est utilisé
pour qualifier de vagues rivalités, des compétitions, des
désaccords ou des antagonismes qui ne donnent pas lieu à un
heurt140.
Pour John Burton, un conflit est un élément
essentiel dans les relations humaines. Il permet d'opérer des
changements et de promouvoir les valeurs sociales141. Certes, les
conflits sont souvent douloureux et inconfortables mais ils sont aussi
nécessaires ; ils sont capables de transformer des situations et
d'engendrer une croissance positive s'ils sont gérés
correctement. C'142est donc une étape
naturelle de la vie143.
Au demeurant, on pense souvent qu'un conflit entre des
personnes est une mauvaise relation. Pourtant, de nombreux sociologues, comme
Georg Simmel, et philosophes, comme Hegel ou Nietzsche, développent une
vision plus positive d'un conflit comme mode de relation entre
individus144.
Pour Dominique Picard et Edmond Marc, les conflits ne sont pas
des erreurs de la communication mais qu'il est aussi normal et banal de se
disputer que de bien s'entendre : « les problèmes relationnels sont
inhérents à la nature et à la dynamique d'une relation
parce que vivre ensemble et communiquer, c'est compliqué et difficile
»145. Cependant, le conflit est souvent vécu dans la
souffrance et, contrairement à la bonne entente, il empêche la
relation de progresser et d'être productive et les partenaires de
s'épanouir146.
C'est pourquoi il est souvent nécessaire de le
réguler et de le résoudre. Mais pour cela, il est plus important
de permettre aux partenaires de comprendre ce qui se passe entre eux et de
conduire leur relation (au lieu de se laisser conduire par elle) que de les
amener (par la contrainte ou la persuasion) vers une « bonne entente
» qui ne tiendrait pas compte de la réalité de leurs
divergences.
140 DOMINIQUE PICARD, E.M., Op.cit., 8.
141BURTON, J., Conflict: Resolution and
prevention, St. Martin's Press, New York, 1990, p. 36.
142 DOMINIQUE PICARD, E.M., Op.cit., pp. 9-- 10.
143ACCORD, Manuel d'ACCORD sur la consolidation de
la paix, 2ème édition, 2015, Durban, 2015, p.
29.
144 DOMINIQUE PICARD, E.M., Op.cit., pp. 10-- 11.
145 LETHIERRY, H., Op.cit., p. 15.
146 ALBERT THOMAS, Cité par CHAVANIS, J.L., et GAVA, M.J.,
Op.cit., p. 18.
57
Un conflit survient généralement lorsque des
individus poursuivent des objectifs opposés ou incompatibles. Raison
pour laquelle il est défini, par certains, comme une relation entre deux
ou plusieurs parties qui ont ou croient avoir des intérêts ou des
objectifs incompatibles147. Ce qui sous-entend que la coexistence et
la difficulté de concilier les intérêts, visions,
pensées, désirs (objet) et procédures contradictoires et
incompatibles dans une organisation humaine constituent des sources
potentielles des conflits.
Ainsi, les conflits naissent, évoluent et peuvent
disparaître ou réapparaitre. Tout dépend des circonstances
qui contribuent à la longévité de la coexistence et de la
difficile conciliation de ces éléments. Il peut prendre une forme
ou une autre.
En parlant des origines, notons qu'elles sont complexes et
variées. Chaque conflit a une histoire et une évolution qui lui
sont propres, avec des phases et des degrés d'intensité divers.
S'inscrivant dans la même optique, Kuna Maba indique que chaque crise a
sa propre nature, sa ou ses causes, ses conséquences, ses acteurs
clés, ses spécificités ainsi que son
intensité148.
Néanmoins, notons que le concept « conflit »
n'est pas à confondre avec celui de « l'affrontement ». Il
n'est pas non plus un jeu à somme nulle où ce qui est
gagné par l'un, est perdu par l'autre. C'est un rapport entre des
adversaires qui partagent certaines références culturelles,
c'est, dit Simmel, « une synthèse d'éléments, un
contre autrui qu'il faut ranger avec un pour autrui sous un
seul concept supérieur »149.
Cette conception amène à ce jeu de mots un
élément fondamental qui se trouve au centre d'un conflit. Il
s'agit ici des prédispositions mentales des adversaires sans lesquelles
aucun conflit ne saurait voir le jour. Elles sont représentées
dans cette définition par « les références
culturelles ». Car, si les actions d'un acteur ne heurtent pas les
prédispositions mentales de l'autre, un conflit ne peut naître.
Les prédispositions mentales de l'individu constituent le coeur
même du conflit qui s'en suit.
147ANTONIA ENGEL et BENEDIKT KORF, Techniques
de négociation et de médiation appliquées à la
gestion des ressources naturelles, LSP, FAO, Rome, 2006, p. 41.
148KUNA MABA, G., La République
Démocratique du Congo à l'épreuve de l'alternance
pacifique. Les enjeux d'une lutte de recomposition de l'espace autoritaire,
Terabyes, Kinshasa, 201., p. 17.
149SIMMEL, G., Cité par WIEVIORKA, M.,
Op.cit., p. 3.
58
Notons avec H. Touzard que deux situations différentes
peuvent se rapporter au mot « conflit ». D'une part, soit les acteurs
interdépendants sont liés par des objectifs opposés et
incompatibles ou adhèrent à des valeurs contradictoires. De
l'autre, soit les acteurs interdépendants sont en compétition,
c'est-à-dire visent un même but mais ne pouvant être atteint
que par l'un d'eux150. Dans la première
partie de cette définition l'auteur évoque
l'incompatibilité des objectifs comme conflit. Cependant, étant
donné que la pluralité d'acteurs et de besoins dans une
organisation n'entraînent pas forcément la convergence des buts et
leur convergence n'est pas toujours évidente, cette conception reste
relative151.
En parlant du conflit, on peut aussi imaginer « une
confrontation entre une ou plusieurs parties aspirant à des moyens
incompatibles ou compétitifs de parvenir à leurs fins
»152. Néanmoins, cette définition accuse quelques
faiblesses, parce qu'elle met l'accent sur l'incompatibilité des moyens.
Pourtant, il y a des cas où on trouve un riche et un pauvre être
de part et d'autre auteurs directs d'un conflit sans tenir compte de leurs
moyens respectifs.
De tout ce qui précède, il est clairement
démontré qu'il existe une grande variété dans la
description du concept « conflit ». Cependant, l'évidence est
celle que tous les conflits ont en commun d'être le résultat de la
rencontre d'intérêts ou de positions contradictoires et
incompatibles entre eux. En cela, ils se construisent sur trois
éléments fondateurs : une perception, un comportement et une
incompatibilité153. La perception négative de l'autre,
voire l'hostilité envers lui, nourrit un comportement malveillant
à son égard ; on n'imagine aucune compatibilité possible
entre ses propres intérêts et ceux de l'autre.
L'incompatibilité est bien à la base du conflit et c'est ce en
quoi il se distingue du désaccord154.
En ce qui nous concerne, nous allons plus parler du conflit
armé. Pour plus de précision, il s'agit d'un conflit armé
international et d'un conflit armé non international. Mais bien avant le
développement de ces deux conceptions de
150TOUZARD, H., cité par KANGA, Conflit et
identité, actes des journées philosophiques de Canisius,
avril 1997, p.
58.
151 SIMMEL, G., Cité par WIEVIORKA, M., Op.cit.,
p. 3.
152MILLER, C.E., cite par ACCORD, Op.cit., p.
29.
153J GALTUNG, J., cité par GATELIER, K., et Al.,
Op.cit., p. 17.
154KARINE GATELIER et Al., Op.cit., p.
17.
59
conflits armés, nous allons d'abord parler de la
catégorisation de conflits selon qu'ils sont interpersonnels,
intragroupes et intergroupes.
3.2. Types ou sortes de conflits
Les conflits sont catégorisés selon plusieurs
manières et en fonction de plusieurs variables. On parle de
l'appréciation de l'auteur, du contexte, des moyens utilisés, de
la nature de l'objet du conflit, etc. Ces multiples variables s'inscrivent et
s'expliquent souvent dans des contextes particuliers. On peut alors parler des
conflits inter-groupes, intragroupes et intergroupes ; des conflits
armés (internationaux et non internationaux) ; des conflits politiques ;
des conflits fonciers ; des conflits coutumiers, etc.
Toutefois, il y a lieu également de distinguer les
conflits symétriques à ceux asymétriques. Les premiers
font référence aux affrontements dans lesquels les antagonistes
combattent pour des objectifs de même ordre, avec les mêmes moyens,
en utilisant les mêmes modes d'actions sur le terrain155. Les
seconds se rapportent aux divergences entre les buts, les moyens et les voies
des parties en présence au conflit156.
3.2.1. Types de conflits selon les rapports individuel ou
collectif 3.2.1.1. Conflits interpersonnels
D'entrée de jeu, retenons qu'un conflit entre des
personnes apparaît lorsque des parties s'affrontent. À ce niveau,
il implique le rapport de deux personnes au moins. Il peut s'agir d'un couple,
des voisins, d'amis, d'un piéton et d'un automobiliste, de deux
piétons, de personnes qui font la queue à la poste, qui se
précipitent sur un même objet en solde, etc. Dans ces cas
l'appartenance à un groupe précis n'est pas
déterminante157.
Ce genre de conflits peut partir d'une seule des parties en
présence. Ainsi, son histoire est souvent difficile à
décrire. Un conflit peut commencer par une divergence d'opinion, un
constat de comportements différents, la recherche
155LABANA LASAY, Le conflit en relations
internationales, analyse des concepts de base, MES, Kinshasa, 2004, p.
8.
156Idem, p. 9.
157 POTIN, Y., Op. cit., p. 5.
60
d'appropriation, la jalousie, une confrontation à
l'inconnu, être seulement chargé de la peur de l'inconnu, se
développer par des propos de rejet, jusqu'à l'exclusion,
s'articuler autour des conceptions d'intérêts opposés,
être justifié par les parties par des questions de valeurs ou de
croyances, etc.158
Très présent au coeur des débats
philosophiques, dans les relations maître-esclaves, Platon rapportait
dans La République la problématique conflictuelle en soi par
l'énoncé de la relation maître-esclave en
soi159.
3.2.1.2. Conflits intra-groupes
Les conflits intra-groupes font référence
à des conflits entre deux membres ou plus du même groupe ou
équipe160. Au cours des dernières années, les
conflits intra-groupes ont capté l'attention du domaine
littéraire sur les conflits et la dynamique des groupes161.
Cet intérêt pour l'étude du conflit intra-groupe peut
être liée à l'utilisation omniprésente des groupes
de travail et des équipes de travail dans de nombreuses organisations, y
compris les groupes de travail décisionnels, les groupes de projets ou
les équipes de production. John a identifié deux types principaux
de conflit intra-groupe : les conflits de travail et les conflits
relationnels.
En effet, les mobiles justificatifs des conflits intra-groupes
sont nombreux et variés. Ils peuvent être dus à
l'incertitude des tâches ou des objectifs, l'augmentation de la taille du
groupe, l'évolution de la diversité, le manque de partage
d'informations et de l'interdépendance des tâches
élevées162.
Dans un groupe constitué, par exemple le service
commercial d'une entreprise, les conflits peuvent relever de diverses causes :
luttes de pouvoir, conflits structurels dus à l'inégale
distribution des ressources selon les fonctions, ancienneté, etc.
Cependant, dans certaines communautés, le conflit fait
partie intégrante du groupe. Il en est même
l'élément central. On peut prendre le cas des communautés
de joueurs de jeux vidéo où l'objectif est de créer une
rivalité au sein
158 CHAVANIS, J.L., et GAVA, M.J., Op.cit., p. 19.
159 YVAN POTIN, Op.cit., p. 7.
160 CHAVANIS, J.L., et GAVA, M.J., Op.cit., p. 22.
161 WIEVIORKA, M., Op.cit., p. 3.
162 YVAN POTIN, Op.cit., p. 9.
61
du jeu afin d'embellir l'expérience de jeux. Cela
permet ainsi d'avoir des confrontations virtuelles comparables aux rencontres
sportives. On peut alors parler de conflit légitime car il y a consenti
des joueurs163.
3.2.1.3. Conflits intergroupes
Conflit impliquant au moins deux groupes ou communautés
ayant une culture et/ou une idéologie différente. Entre des
groupes ethniques ou raciaux par exemple, des conflits armés ou une
lutte intellectuelle idéologique ayant ou non recours à la
violence pour des raisons de droits, de pratique de l'ensemble des principes et
coutumes d'une religion ou pour la suprématie de celle-ci.
À cette question, la psychologie sociale suggère
que les « groupes sont généralement plus compétitifs
et agressifs que les individus »164. Deux principales sources
de conflits inter-groupes ont été identifiées : « la
compétition pour les ressources matérielles précieuses,
selon la théorie du conflit réaliste ou pour les
récompenses sociales comme le respect et l'estime... comme décrit
dans la théorie de la frustration relative »165. Les
conflits de groupe peuvent facilement entrer dans une spirale
d'hostilité croissante marquée par le clivage du moi des points
de vue166.
Cette compréhension du conflit inter-groupe permet
d'expliquer les conflits qui opposent des groupes ethniques et qui naissent de
l'identification et de l'appartenance à un espace primaire ou national.
Notons, par ailleurs, que dans les territoires de FIZI, KALEHE et UVIRA au
Sud-Kivu, des conflits naissent de la confusion entre deux
réalités ou passage d'un territoire ethnique à un
territoire étatique167.
3.2.2. Types selon l'objet de conflit 3.2.2.1. Conflits
d'intérêt et d'identité.
- Conflit d'intérêt :
l'enjeu se trouve limité à un objet, un avantage, à
l'exercice d'un pouvf oir.
163 CHAVANIS, J.L., et GAVA, M.J., Op.cit., p. 18.
164 BURTON, J., Op.cit., pp. 36- 37.
165 MUCHUKIWA, B., Identités territoriales et conflits
dans la province du Sud-Kivu, R.D. Congo,
Globethics.net, Genève, 2016,
pp. 4- 5.
166 CHAVANIS, J.L., et GAVA, M.J., Op.cit., pp. 18-
20.
167 MUCHUKIWA, B., Op.cit., pp. 4- 5.
62
- Conflit d'identité : il
s'agit, non pas d'acquérir un avantage mais de rejeter l'autre en tant
que tel, l'objectif est l'élimination de l'ennemi pour ce qu'il est et
pour ce qu'il représente en tant que personne physique ou en tant que
personne morale.
3.2.2.2. Conflits d'autorité et les conflits de
pouvoir
Les conflits d'autorité apparaissent entre des
personnes de même rang hiérarchique qui s'opposent suite à
l'empiètement par l'un sur les compétences de l'autre. Ceci
rappelle immédiatement la nécessité de bien définir
les compétences de chacun dès le départ afin
d'éviter ce type de conflit assez souvent observable168.
3.2.2.3. Conflits de concurrence ou de
rivalité
Ils sont principalement perceptibles dans certains
métiers où la compétitivité, la recherche du
résultat et sa quantification sont rendus nécessaires. On
parvient dans ce cas à une sorte de jeu qui peut rapidement devenir une
drogue où le conflit est banalisé mais jusqu'à un certain
point169.
3.2.2.4. Conflits de génération
Ils sont très souvent observables dans les
organisations et leur nombre ne cesse de croître avec l'augmentation de
la mobilité professionnelle et les avancées
technologiques170.
3.2.3. Types de conflits selon l'intention des acteurs
3.2.3.1. Conflits constructifs ou destructifs
- Constructifs
Lorsqu'il entraîne de l'expérience qui permet
d'éviter les futurs conflits. Ce qui entraine un climat
coopératif lorsqu'il : place les buts du groupe avant les objectifs
personnels, il améliore le niveau des évaluations, il est source
de
168 LETHIERRY, H., Op.cit., p. 15.
169 Idem., p. 16.
170 POTIN, Y., Op. cit., p. 5.
63
production d'idées créatives, il permet le
réexamen des opinions et des buts, il permet l'accroissement des prises
de risques, il augmente la cohérence du groupe171.
- Destructifs
Lorsqu'il entraine un climat compétitif à
outrance. On peut voir les conflits comme des mécanismes de
régulation inévitables mais qu'il faut affronter et qui doivent
être néanmoins les moins visibles pour l'extérieur (comme
dans le problème de la qualité)172.
3.2.3.2. Conflit latent, ouvert et conflit
violent173 - Conflit latent
Une ou plusieurs personnes affectées par un
problème sont mécontentes de la situation présente et la
tension monte. Ici il n'y a pas des luttes car les parties ne perçoivent
pas directement l'opposition des intérêts, des besoins ou des
valeurs, ou elles ne sont pas en mesure d'y faire face, soit par faiblesse,
soit par manque de conscience174.
- Conflit ouvert
Les parties en conflit s'accusent ouvertement les unes les
autres, sans s'estimer responsables de leur rôle dans le conflit et
cherchant à « gagner ». Le pseudo-conflit qui inclut la lutte
mais il n'y a pas des problèmes réels. Ce sont les parties qui
pensent qu'il existe un problème. De tels conflits relèvent
généralement des situations de malentendu, de suspicions et d'une
mauvaise communication.
- Conflit violent
Les parties en conflit utilisent à présent la
violence ou l'agressivité pour vaincre l'autre.
171 WIEVIORKA, M., Op.cit., p. 3.
172 LETHIERRY, H., Op.cit., p. 15.
173 CHAVANIS, J.L., et GAVA, M.J., Op.cit., p. 18.
174 LETHIERRY, H., Op.cit., p. 15.
64
3.3. Différentes constructions théoriques
sur le concept conflits
3.3.1. Théorie de la méthode heuristique
d'essais et d'erreurs (HEE) et d'échange d'informations
(développée par Pruitt)
Dean a toujours eu un engagement précoce pour la paix,
raison qui justifie ses différentes recherches sur les solutions
durables aux dilemmes de négociation. Au coeur de cette exploration se
situe l'idée que la résolution des conflits doit chercher des
solutions intégratives175.
Et de son côté, en concentrant son attention sur
les gains communs lors d'une négociation à variables multiples,
Pruitt reprend les travaux de Mary Parker Follett, Walton et
McKersie176. Pour des raisons de rappel, notons qu'on accorde
souvent à Follett l'invention du concept de négociation
intégrative que Walton et McKersie développèrent sous la
forme d'un modèle applicable et d'études de
.
cas177
Dans la continuité de ses prédécesseurs,
Pruitt, aidé par ses disciples, a mis en place plusieurs
stratégies de résolution de conflits qu'il a
complétés par la mise en place d'expériences permettant
l'évaluation de ces mêmes stratégies. Les lignes qui
suivent donnent les différentes stratégies
développées par l'auteur178.
Pour l'auteur, deux approches sont nécessaires pour
générer des gains communs. Dans un premier temps, il estime qu'il
faille garder une approche ouverte de résolution de problèmes
tout au long du processus de négociation. Dans la seconde, l'ensemble
des négociateurs doit faire montre d'une détermination commune
tout en maintenant une attente élevée quant à leurs
objectifs. Ensemble, ces approches relèvent de la « rigidité
flexible » : elles sont relativement rigides sur les objectifs initiaux
mais flexibles quant aux stratégies employées pour aboutir aux
objectifs prédéfinis179.
175 DRUCKMAN, D., « Théories de conflits et
recherche en négociation : hommage aux contributions de Dean Pruitt
», in Négociations, 2015/1, n°23, pp. 123- 136,
article en ligne sur www.cair.info/revue-negociations-2015-123.htm,
consulté le 1 mai 2022 à 10 heures 10.
176 Idem, p. 124.
177 DRUCKMAN, D., Op.cit, p. 125.
178 PRUITT, D., « Some research frontiers in the study of
conflict and its resolution », in DEUTSCH, M., COLEMAN, P.T., MARCUS,
E.C., The handbook of conflict resolution, San Francisco, 2nd
ed., pp. 849 - 866.
179 DRUCKMAN, D., Op.cit., pp. 123- 136.
65
Il estime également que la résolution de
problèmes peut prendre la forme de deux stratégies : la
méthode Heuristique d'Essais et ou l'Échange
d'Informations180. La mise en oeuvre de la
première nécessite d'apprécier les réactions
à une diversité d'options proposées que l'on peut
considérer comme des « ballons d'essai ». La deuxième
méthode, l'Échange d'Informations, consiste à demander et
fournir des informations sur les besoins et valeurs des négociateurs.
Ces deux stratégies sont vectrices de flexibilité. Elles
contrastent avec les stratégies dites distributives qui apportent une
rigidité au processus de recherche de résultats favorables. Les
deux stratégies, utilisées simultanément ou en
parallèle, ont montré leur efficacité ainsi que certaines
limites.
La difficulté avec cette méthode est que les
négociateurs utilisent l'information présente pour bâtir
les différentes solutions ou options intégratives. Cependant,
lorsque ces options ne sont pas connues, les négociateurs peuvent
essayer de reconceptualiser les possibilités ou en optant pour d'autres
approches. Ce qui revient à dire qu'une certaine forme d'Échange
d'Informations est possible. Débattre des valeurs et priorités
éclaire la structure accordée aux
résultats181.
Néanmoins, ce surcroît d'informations peut, soit
encourager le processus de négociation, soit ensabler les parties dans
une impasse durable. La première issue est plus probable lorsque les
deux négociateurs se sont engagés dans une démarche de
résolution de problèmes. La seconde est plus probable lorsque les
parties sont résolument déterminées. Pruitt est clair sur
la manière de surmonter ce défi : séparer le processus
pour lequel la flexibilité est encouragée, même lorsque
certaines incompatibilités sont claires, des objectifs finaux, pour
lesquels des attentes exigeantes sont de
mise182.
3.3.2. Théorie de la readiness
Les recherches expérimentales de Pruitt ont posé
les fondations de ses études de cas plus récentes. Sa «
readiness theory » en est un parfait exemple. Il développa cette
théorie à travers plusieurs études de cas de conflits
jugés
180 PRUITT, D., Op.cit., pp. 849- 866.
181 DRUCKMAN, D., Op.cit., pp. 123- 136.
182 FERRERES, E., « L'approche sociologique de Dean
Pruitt pour comprendre pourquoi le conflit social à la SNCF perdure
», in LinkedIn, 8 juin 2016, article en ligne sur
www.likedien.com/pulse/lapproche-sociologique-de-dean-pruitt-pour-comprendre-éric-ferreres,
consulté le 3 août 2022 à 10 heures 50.
66
insolubles, comme le conflit Israélo-Palestinien,
l'indépendance du Zimbabwe, ou le conflit entre les Tigres Tamouls et le
gouvernement du Sri Lanka. En portant son attention sur les
antécédents de l'entrée en négociations dans ces
cas, Pruitt identifie un ensemble de variables clés qui préparent
l'entrée en négociations183.
Deux de ces facteurs sont la motivation de mettre fin au
conflit et l'optimisme quant au résultat de la négociation. Cette
motivation dépend de trois conditions : d'abord la perception que le
conflit n'est pas en passe d'être gagné, ensuite la prise de
conscience de coûts et de risques du conflit, enfin la pression
exercée par un tiers pour mettre fin au conflit. Ces trois conditions
étaient réunies dans chacun des cas analysés par Pruitt.
L'optimisme trouvait sa source dans les interactions des
pré-négociations, en particulier durant la phase de communication
exploratoire, en général secrète184.
Il est plus probable que les parties suspendent une approche
unilatérale durant des discussions exploratoires qu'au cours d'une
négociation formelle185. À ces deux variables, Pruitt
vient d'ajouter l'interdépendance positive et un sentiment
d'urgence186. Toujours réaliste, Pruitt reconnaît que
le prérequis pour ces variables est un accord sur un cessez-le-feu. Et
toujours expérimentaliste, il construit toujours ses concepts en tant
que variables, qu'il considère comme la voie la plus crédible
vers l'avancement des théories.
L'expérience de Pruitt avec les études de cas
l'a amené à apprécier leur valeur, pas seulement en tant
que complément des expériences, mais aussi comme une source
alternative d'idées : contrairement aux expériences pures, les
études de cas offrent une opportunité pour accumuler des
résultats dans les deux directions, depuis les cas les plus
récents jusqu'aux cas les plus anciens et vice versa, un focus sur les
événements importants (négociations ayant abouti
plutôt qu'échoué), des comparaisons d'un seul facteur entre
plusieurs cas et la valeur de l'interprétation basée sur des
préférences théoriques187.
183 MUCHUKIWA, B., Op.cit., pp. 4- 5.
184 FERRERES, E., Op.cit., pp. 7- 8.
185 DRUCKMAN cité par DRUCKMAN, D., Op.cit., pp.
123- 136.
186 PRUITT, D., cité par DRUCKMAN, D., Idem., pp.
123- 136.
187 BURTON, J., Op.cit., pp. 36- 37.
67
Ces caractéristiques sont propices à
l'élaboration d'un champ de réflexions en plein
développement théorique plutôt que déjà
mûres pour l'évaluation de ces théories. C'est pourtant la
formation d'expérimentaliste de Pruitt qui lui a fourni la
sensibilité nécessaire à la compréhension de ces
différences188.
3.3.3. Modèles d'escalade, de points de non-retour
et de désescalade d'un conflit
Dans son travail le plus récent avec Nowak, Pruitt
fournit une base formelle à partir de laquelle il est possible de
dériver des hypothèses quant aux antécédents menant
à l'escalade ou à la désescalade d'un
conflit189. Ces hypothèses sont générées
à partir des tentatives pour développer deux modèles de
dynamiques des escalades, respectivement appelés attractor
landscape model ''190. Ces modèles sont
considérés comme complémentaires : le concept de
résistance à l'emballement est fourni par le premier de ces
modèles tandis que le modèle en S présente les facteurs
d'escalade et de désescalade. Pris ensemble, ces modèles
fournissent une base théorique rigoureuse pour la mise en place des
hypothèses suivantes relatives aux conditions d'emballement (escalade
ayant atteint un point de non-retour) ; et le cas inverse, c'est-à-dire
la désescalade191.
3.3.4. Théorie aristotélicienne sur
l'origine de conflits
La justice est la mère de toutes les vertus et les
injustices sociales génèrent des violences et conflits. Pour
cette raison Aristote considère la justice comme étant le
fondement ou la condition « sine qua non » d'une
société viable. Pourtant la question de justice se pose avec
acuité en Afrique d'autant plus que son indépendance n'est pas du
tout garantie. Ainsi, il n'y aura pas de paix en République
Démocratique du Congo sans justice192.
188 DRUCKMAN, D., Op.cit., pp. 123- 136.
189 DRUCKMAN, D., Op.cit., pp. 123- 136.
190 Idem., pp. 123- 134.
191MUCHUKIWA, B., Op.cit., pp. 4- 5.
192 TOCQUEVILLE, A., « De la démocratie en
Amérique (1835-1840) », in Encyclopédie de la
philosophie, La Pochothèque Garzanti, Librairie
Générale française, 2002, p. 1603-1604.
68
Dans le même sens, le Starigite souligne l'importance
des conditions matérielles pour qu'un homme soit heureux. Cette
théorie sera reprise par Abraham Maslow qui propose la théorie de
besoins humains. Celle-ci stipule que tout être humain, dépourvu
en moyens primaires (par exemple : Pour manger, s'habiller, loger,
éducation, la santé), est porté à la violence. En
effet, l'homme peut s'exprimer de manière violente lorsqu'il se sent
bafoué et opprimé dans ses droits. À en croire Maslow, les
motivations des êtres humains naissent dans des besoins à
satisfaire, hiérarchisés en cinq niveaux parmi lesquels les plus
bas dans la pyramide doivent être satisfaits en priorité (besoins
physiologiques). Donc, d'après Maslow, le conflit commence par
l'insatisfaction de besoins193.
3.3.5. Théorie marxiste de la lutte des classes
sociales
En tant que théorie de la vie humaine, le
matérialisme dialectique affirme que le fondement de tout
développement dans la société est la contradiction dans la
production. La plus importante des contradictions de ce type est la lutte entre
les classes dans la société. Ce conflit ne saurait être
résolu que par une « négation de la négation »,
c'est-à-dire par des changements révolutionnaires dans lesquels
les classes existantes sont détruites et remplacées par une
synthèse « à un niveau supérieur ». Pour
l'auteur, le conflit entre la classe dominante établie et celle qui est
en germe, est la source de « tous les conflits dans l'histoire
»194.
Dans le même sens, Hegel n'en dit pas moins lorsqu'il
soutient que l'État naît d'un conflit et qu'il est à son
tour le théâtre et la source de nombreux conflits virtuels. La
relation originelle des hommes entre eux est une relation de conflit, ce
conflit met en jeu les deux passions fondamentales, à savoir la
vanité et la crainte de la mort violente. La dialectique
Maître-Esclave en est le modèle. Puisque la contradiction est
fondamentale pour le changement historique, Héraclite disait : « un
conflit est le père de toute chose, roi de toute chose ». Pour lui,
le conflit est géniteur et organisateur de choses195.
193 TOCQUEVILLE, A., Op.cit., p. 1603-1604.
194 Marx, K., Le Capital, cité par CROPSEY,
J., Histoire de la philosophie politique, Puf, 2e éd., Paris,
2010, p. 891-919.
195 HEGEL, Philosophie du droit, cité par
STRAUSS, L., (sous dir), Histoire de la philosophie politique,
éd. Originale 1963, Puf, 3e éd., Paris, 2013, p. 814.
69
Darwin, dans sa réflexion, soutient que la lutte pour
la vie entre humains est l'état naturel de relations sociales et que les
conflits sont aussi la source fondamentale du progrès et de
l'amélioration de l'être humain ; et donc, de la
société. Certes, la vie est un combat mais l'ouvrier
mérite son juste salaire. En somme, le marxisme combat l'exploitation
ouvrière du capitalisme. Les injustices sociales sont à la base
de revendications et tensions dans les institutions et sociétés
contemporaines196.
3.2.2. Objet de conflit
En parlant de l'objet de conflit, retenons qu'il est de
plusieurs ordres. Il peut s'agir de l'intérêt personnel ou
identitaire, de l'autorité ou du pouvoir, de la concurrence ou de la
rivalité,... selon qu'on est dans une circonstance particulière
ou un milieu donnée.
3.2.2.1. Conflits d'intérêt et
d'identité.
- Conflit d'intérêt :
l'enjeu se trouve limité à un objet, un avantage, à
l'exercice d'un pouvoir.
- Conflit d'identité : il
s'agit, non pas d'acquérir un avantage mais de rejeter l'autre en tant
que tel, l'objectif est l'élimination de l'ennemi pour ce qu'il est et
pour ce qu'il représente en tant que personne physique ou en tant que
personne morale.
3.2.2.2. Conflits d'autorité et les conflits de
pouvoir
Les conflits d'autorité apparaissent entre des
personnes de même rang hiérarchique qui s'opposent suite à
l'empiètement par l'un sur les compétences de l'autre. Ceci
rappelle immédiatement la nécessité de bien définir
les compétences de chacun dès le départ afin
d'éviter ce type de conflit assez souvent observable197.
3.2.2.3. Conflits de concurrence ou de
rivalité
Ils sont principalement perceptibles dans certains
métiers où la compétitivité, la recherche du
résultat et sa quantification sont rendus nécessaires.
196 CROPSEY, J., Op.cit, p. 891-919.
197 LETHIERRY, H., Op.cit., p. 15.
70
On parvient dans ce cas à une sorte de jeu qui peut
rapidement devenir une drogue où le conflit est banalisé mais
jusqu'à un certain point198.
3.2.2.4. Conflits de génération
Ils sont très souvent observables dans les
organisations et leur nombre ne cesse de croître avec l'augmentation de
la mobilité professionnelle et les avancées
technologiques199.
1.4. Modes de résolution de
conflits200
Il y a plusieurs modes de résolution de conflits, mais
dans le cadre de ce travail, nous avons opté pour quelques-uns.
1.4.1. Résolution par transformation de
conflits
La transformation est l'étape plus approfondie de la
gestion d'un conflit. Elle part de l'idée qu'un conflit est lié
à la structure sociale (loi, coutumes, préjugés) et la
gestion durable nécessite un changement de ces lois201.
Dans la transformation de conflits, on distingue :
1.4.1.1. Transformation personnelle
En tant que médiateur, il faut accepter d'abord
soi-même la transformation. Ce changement doit s'opérer d'abord au
niveau personnel202 :
- au niveau émotionnel : commence par la maîtrise de
soi ;
- au niveau perceptuel : prendre le temps de comprendre ce que
veut dire l'autre avant de le voir tel que je le perçois. Certains ont
tendance à voir les choses de façon négative. Il faut
accepter l'autre, s'ouvrir aux autres ; - au niveau spirituel : on aime
contribuer au bonheur et à l'épanouissement des autres ;
198 Idem., p. 16.
199 POTIN, Y., Op. cit., p. 5.
200 STRAUSS, L., (sous dir), Op.cit., p. 815.
201 TOCQUEVILLE, A., Op.cit., p. 1603-1604.
202 CHAVANIS, J.L., et GAVA, M.J., Op.cit., p. 18.
71
- au niveau physique : la façon de s'habiller, de parler,
la simplicité de gestes doivent être de nature à rassurer
l'autre.
1.4.1.2. Transformation culturelle
Il faut permettre la transformation de règles et
coutumes qui oppriment et qui ne valorisent pas les autres203.
1.4.1.3. Transformation structurelle
Il faut transformer le système, les lois et les
règlements dont les organisations ou personnes mettent en place. Il faut
voir si les structures mises en place valorisent l'être humain.
1.4.1.4. Transformation relationnelle
Nous devons accepter que les relations jouent un rôle
important dans la vie. Notre façon d'aborder et de traiter les gens peut
en faire des amis ou des ennemis. La communication est très importante
dans la transformation relationnelle204.
Les participants ont identifié les principales formes
de violences qui nécessitent d'être transformées au niveau
local. Il s'agit notamment de l'excision, le mariage forcé, le viol, le
rejet et abandon de filles enceintes.
1.4.2. Résolution par le dépassement de
conflits
Il existe différentes méthodes de
résolutions de conflits. Le choix doit être effectué en
fonction de l'importance du conflit et de la volonté de
résolution des acteurs205.
1.4.3. Recours hiérarchique
Il permet de résoudre un problème rapidement et
sans discussion. Il fait appel à un supérieur hiérarchique
qui va trancher de manière autoritaire (avec ou
203STRAUSS, L., (sous dir), Op.cit., p.
816.
204 DRUCKMAN, D., Op.cit, p. 125.
205 HARTWICK, J., et BARKI, H., « Conceptualizing the
Construct of Interpersonal Conflict », Cahier du GreSI,
n°02-04, Avril, 2002, p. 5.
72
sans partie pris) et de manière définitive. Ce
type de résolution de conflit est nécessaire dans des situations
d'urgence mais pose le problème de la durée de son effet. En
effet, la plupart du temps ces recours hiérarchiques imposent une
solution sans résoudre le problème de l'animosité entre
les individus. On débouche ainsi souvent sur un conflit
latent206.
1.4.4. Arbitrage
Par rapport au recours hiérarchique, l'arbitrage
implique les parties en leur demandant de choisir chacune un arbitre qui,
généralement, désignera lui-même un troisième
arbitre. Dans ce cas, les parties se trouvent impliquées dans la
résolution du problème et le conflit peut trouver une fin
apaisée sans rebondissements. Néanmoins, cette solution
nécessite que le conflit ne soit pas trop avancé car les parties
doivent donner leur consentement ; ce qui est en soi un premier pas vers la
« réconciliation »207.
1.4.5. Médiation
Par rapport à l'arbitrage, l'intervenant
extérieur désigné par les deux parties est unique ; ce qui
nécessite une véritable volonté de négociation
dès le départ. Dans ce cas, le médiateur n'est qu'un
« relais » qui facilite la discussion, guide la conversation ou la
provoque208.
1.4.6. Négociation
La négociation est la prise en charge du conflit ;
c'est une solution pour concilier les points de vue opposés.
1.5. Différents types de
négociations
- Une négociation peut être
conflictuelle
C'est le cas lorsque des préjugés concernant
l'un ou l'autre des individus existent ou lorsque les intérêts
semblent totalement opposés.
- Une négociation peut être
coopérative (gagnant - gagnant).
206 DRUCKMAN, D., Op.cit, p. 125.
207 STRAUSS, L., (sous dir), Op.cit., p. 815.
208 HARTWICK, J., et BARKI, H., Op.cit., pp. 6- 7.
73
C'est le cas lorsqu'on assiste à un consensus
(adhésion commune à une solution satisfaisant les deux
personnes), une concession (renoncement à une partie de ses
prétentions par l'une des personnes) ou un compromis (concession
réciproque des personnes)209.
1.5.1. Différentes techniques de
négociations - La technique de pivots
Elle consiste à obliger l'adversaire à
négocier sur des objectifs en fait secondaires mais formulés de
manière exigeante. On cède alors sur ces objectifs secondaires et
en contrepartie on exige des concessions sur l'objectif
principal210.
- Les techniques de maniement du
temps
Elles consistent à jouer en allongeant la durée
d'une négociation pour user l'adversaire puis brutalement d'exiger des
délais et de fixer des ultimatums. C'est une sorte de "guerre des nerfs"
où des contraintes de temps se superposent pour déstabiliser
l'adversaire211.
209 TOCQUEVILLE, A., Op.cit., p. 1603-1604.
210 DRUCKMAN, D., Op.cit, p. 125.
211 HARTWICK, J., et BARKI, H., Op.cit., pp. 6- 7.
74
- La technique "point par point"
Elle consiste à découper la négociation
point par point, thème par thème, et à chercher des
séries de compromis. Cette technique permet de ne pas effrayer
l'adversaire et de "grignoter" petit à petit ses
positions212.
- La technique de jalons
Consiste à faire admettre des points apparemment sans
rapport avec le thème principal de la négociation pour finalement
raccorder tous ces "petits jalons" et mettre l'adversaire devant le fait
accompli. C'est une technique qui s'inspire du jeu de go et qui est
d'orientation intégrative : le désaccord n'est jamais
ouvert213.
- La technique de bilans :
Consiste à faire établir par l'adversaire la
liste de ses prétentions en les traduisant immédiatement en
termes d'avantages pour lui et d'inconvénients pour soi. Puis, dans un
deuxième temps, on présente des solutions pour
rééquilibrer ce bilan tout en respectant les
intérêts des deux interlocuteurs. Bien entendu, les solutions
présentées alors sont les véritables objectifs que l'on
poursuivait.
- La technique de quatre marches
Il s'agit d'un jeu de repli dans lequel il évoque les
solutions de manière progressive. Il s'agit de présenter
d'emblée quatre solutions et non pas deux comme c'est souvent fait de
manière caricaturale. La première solution est au-delà de
son propre seuil de rupture ; elle est beaucoup trop avantageuse pour l'autre
et dramatique pour soi. C'est en fait une solution de pure
forme214.
1.5.2. Relation entre la résolution de conflit et
le maintien de la paix
A la fin de la Guerre froide, le maintien de la paix est
devenu un élément central de la réponse de la
communauté internationale face à un grand nombre de conflits
complexes et violents. De nouveaux rôles et profils d?intervention ont vu
le
212 BURTON, J., Op.cit., pp. 36- 37.
213 STRAUSS, L., (sous dir), Op.cit., p. 815.
214 BURTON, J., Op.cit., pp. 36- 37.
75
jour, que ce soit en matière d'intervention au sein des
zones de guerre active ou encore de consolidation de la paix dans un contexte
post-conflit215.
Par conséquent, il est devenu plus ordinaire pour les
théoriciens de la Résolution de conflits de faire
référence au maintien de la paix comme un instrument important de
transformation positive de conflits. Dans ce sens, les gardiens de la paix
(militaires et civils) sont mis en demeure d'utiliser un plus grand nombre de
stratégies psychologiques ou de communication au lieu de la simple force
militaire. De la même façon, l'une des tendances les plus
importantes qui ressort des analyses récentes publiées par des
praticiens du maintien de la paix a été l'augmentation de
références que ces derniers font de différents aspects
liés à la résolution de conflits216.
Même si les objectifs et buts finaux du maintien de la
paix peuvent être définis comme militaires (contrôle de la
fin des violences, sécurisation de l'environnement), humanitaires
(livraison de l'assistance humanitaire), politiques (restauration du
gouvernement légitime), et économiques (aider aux efforts de
reconstruction et de développement), le maintien de la paix sur le
terrain est essentiellement une activité de gestion de conflits et de
communications. Les principes originaux du maintien de la paix (le
consentement, l'impartialité, l'usage minimum de la force et la conduite
légitime) peuvent être respectés seulement à la
condition d'une intégration plus étroite de stratégies de
communication et de résolution des problèmes, ceci en conjonction
avec la résolution de conflit en matière de doctrine et de
pratique du maintien de la paix217.
Il est important de noter combien la doctrine militaire du
maintien de la paix intègre le langage de la résolution de
conflits. Ceci comprend, par exemple, la doctrine du maintien de la paix de
l'Armée britannique ; le Maintien de la paix élargi («Wider
peace keeping»), ou encore sa plus récente doctrine, en
matière d'Opérations de soutien à la paix («Peace
Support Operations»). La même approche se retrouve dans la doctrine
américaine en matière d'opérations d'appui à la
paix218.
215 TOCQUEVILLE, A., Op.cit., p. 1603-1604.
216 BURTON, J., Op.cit., pp. 36- 37.
217 HARTWICK, J., et BARKI, H., Op.cit., pp. 6- 7.
218 LAZARTE-HOYLE, A., et CUNNIAH, D., Prévention
et règlement des conflits violents et armés, Manuel de
formation à l'usage des organisations syndicales, ILO/CRISIS,
Genève, 2010, p. 6.
76
Chapitre II.
PRESENTATION DE LA PROVINCE DU SUD-KIVU ET
DU TERRITOIRE DE KALEHE
Ce chapitre porte sur la description de notre cadre
d'étude qui est le territoire de Kalehe. Cependant, comme le territoire
est une composante de la province selon le découpage et la subdivision
politico-administrative de la RDC, il est important de présenter d'abord
la province du Sud-Kivu elle-même pour ensuite bien présenter et
appréhender cette circonscription administrative. Pour ce faire, ce
chapitre est structuré en trois sections dont la première porte
sur la description du Sud-Kivu. Il est question de présenter
l'historique de la province, son cadre géographique, l'aspect
démographique ainsi que son organisation politique et administrative.
La deuxième section décrit les problèmes
de développement du Sud-Kivu. Il est donc question d'identifier les
facteurs qui inhibent le processus de développement de cette province.
Dans cette perspective, un accent particulier est mis sur
l'insécurité et son impact sur le processus de
développement.
La troisième section, quant à elle, porte sur la
présentation du territoire de Kalehe. Ici il est question de parler, de
manière détaillée, de ce territoire qui fait l'objet de
notre étude. Nous décrivons de manière singulière
son aspect géographique, son cadre démographique, sa situation
économique et administrative. Le souci est d'identifier les facteurs qui
impactent négativement sur son développement et
répertorier les atouts dont il dispose pour voir dans quelle mesure les
exploiter pour améliorer les conditions de vie de ses habitants.
77
Section 1. Description du Sud-Kivu
1.1. Bref historique de la province du
Sud-Kivu
La province du Sud-Kivu, tout comme la RDC elle-même,
n'ont pas toujours existé. Justement, c'est à partir du
19ème siècle qu'il faut situer leur origine. Certes,
avant d'être érigée en entité politique moderne,
l'espace qui constitue aujourd'hui la RDC avait fait naître beaucoup de
royaumes et empires traditionnels. A cette époque, le Sud-Kivu
était mal connu. En fait, pendant de longues périodes, le Nil
avait été au centre des préoccupations des milieux
européens, ce qui les ont poussés à découvrir ses
sources. Mais celles-ci sont restées mystérieuses.
Face à cette situation, c'est la Ruzizi qui fut alors
prise comme source du Nil car supposée drainer les eaux du lac
Tanganyika vers le nord. Mais avec le temps, une mission expéditionnaire
finit par conclure que la Ruzizi était l'affluant du lac Tanganyika
plutôt qu'elle n'était son émissaire219.
Il fallut attendre l'arrivée de Livingston en 1867
à Uvira qu'il apprenne auprès de la population le nom Kivu pour
que celui-ci se familiarise avec et soit d'usage dans les milieux
européens. C'est surtout à la suite de la subdivision
administrative du 1er août par l'EIC qu'un territoire
dénommé Ruzizi-Kivu sera une partie intégrante du district
de Stanley-Falls220.
En plus, même quand cet espace de 20345000
Km2 a même été édifié en Etat, la
RDC n'avait pas toujours une province appelée Sud-Kivu. Certes, c'est en
1912 que le Kivu apparait en grandes lettres dans la subdivision administrative
du pays. En réalité, c'est par l'arrêté royal du 28
mars 1912 que 22 districts de la colonie seront créés. Et celui
du Kivu comprenait trois secteurs, à savoir : lac Edouard, Chef-lieu de
Beni, Tanganyika, Chef-lieu d'Uvira et Rutshuru, Chef-lieu de
Rutshuru221.
Il a fallu attendre le découpage intervenu à la
suite de la réforme de 1988 pour assister à la création de
cette province. Elle est ainsi appelée car elle se situe au Sud-Ouest du
Lac Kivu. C'est dire que l'histoire de la province du Sud-Kivu est
219BISHIKWABO, A., « L'évolution
administrative du Kivu », in cahier du CERUKI : acte du
troisième colloque sur la géographie physique et humaine du
Kivu, Bukavu, mai-juin 1974, p. 9.
220 SHAMAVU, G., Op.cit., p. 30.
221221Idem., p. 33 .
78
précédée d'une préhistoire qui
mérite d'être passée brièvement en revue dans cette
étude. Le Kivu (prononcer Kivou) est une région et une province
de l'Est de la République Démocratique du Congo. Cette
région fut connue au 19ème siècle sous le nom
de Maniema. La province a existé dès l'année 1933 à
l'année 1962 (sous le nom de province de Costermansville jusqu'en 1947,
du nom de sa capitale) et de l'année 1966 à celle de 1988. La
province fut divisée en 1988 en trois provinces, à savoir : le
Nord-Kivu, le Sud-Kivu et le Maniema222.
1.1.1. Préhistoire de la province du
Sud-Kivu
La préhistoire de la province du Sud-Kivu nous renvoi
à la cession du Congo par le Roi belge, Léopold II à son
pays, la Belgique. En fait, après la cession du Congo par le roi
Léopold II à la Belgique, qui transforme la
propriété privée du roi en colonie de la Belgique, le
territoire national fut découpé pour la première fois en
province en 1914. A cette époque, le Congo-Belge comprenait 4 provinces,
à savoir : la province du Kasaï, la province de l'Equateur, la
province du Katanga et la province orientale. Le Kivu, sans être
érigé en province, faisait partie de la province Orientale dans
le District de Stanley-falls qui englobait le Kivu-Maniema223.
Mais à la suite du découpage de 1951, le
district du Kivu sera scindé en deux : le Nord et le Sud faisant de
Bukavu le Chef-lieu du dernier district.
1.1.2. Naissance de la province du Sud-Kivu
Tout avait commencé avec l'accession de la RDC à
l'indépendance nationale. En effet, lors de son accession à la
souveraineté nationale et internationale le 30 juin 1960, la RDC
était structurée politiquement et administrativement en six
provinces, en occurrence : la province de Léopoldville, la province de
l'Equateur, la province Orientale, la province du Katanga, la province du
Kasaï et la province du Kivu. C'est par la loi du 27 avril 1962 qui
organisa la
222 KABAMBA, P., Interrégionalité des pays
des Grands Lacs africains. Elaboration d'un modèle d'intégration
régionale et son application à la région des Grands Lacs
africains, Thèse de doctorat en sciences politiques, Faculté
de Droit, Université de Liège, Novembre 2000, p. 176.
223MUTABAZI, N., « Politique
d'intégration économique des pays des grands lacs : lecture d'un
échec », in Reconstruction de la République
Démocratique du Congo. Le rôle de la société
civile, Cahiers des droits de l'homme et de la paix en région des
grands lacs, vol. 1, n° 1, 2004, pp. 116-127.
79
création de nouvelles provinces que celle-ci fut
institutionnalisée en province. Disons que jusqu'en 1962224,
cette province était composée de trois districts.
Le Congo fut, de ce fait, subdivisé en 21 provincettes.
Ainsi, le 18 mai 1963 naquit la province du Sud-Kivu sous la
dénomination du Kivu Central, dotée d'un gouvernement provincial
et d'une Assemblée provinciale. Elle comprenait à l'époque
les territoires de : Bukavu, Kabare, Kalehe, Goma, Fizi, Rutshuru, Shabunda et
Uvira225.
1.2. Contexte géographique du
Sud-Kivu
La province du Sud-Kivu est constituée d'une superficie
de 69.130 km2 du territoire national congolais, et est située
à l'Est du pays, approximativement entre le 21° 1'30 et
29°14'10 » de la longitude Est, entre le 1°44'13 » et
4°51'21 » de latitude-Sud et les 5° de
latitude-Sud226.
Les confins de la province à l'Est sont marqués
par la République du Rwanda dont elle est séparée par la
rivière Ruzizi et le lac Kivu ; la République du Burundi et celle
de la Tanzanie qui se séparent du Sud-Kivu par le lac Tanganyika. Au
Sud-Est, elle est limitée par la province du Tanganyika. Au Sud,
à l'Ouest et au Nord-Ouest, c'est la province du Maniema qui la limite.
Au Nord, c'est plutôt la province du Nord-Kivu227.
Toutefois, il y a lieu d'indiquer que les
événements qui s'y sont déroulés durant ces deux
dernières décennies du troisième milénaire ont
démontré que ces Etats limitrophes de la province sous examen
expriment certaines prétentions géopolitiques par rapport
à son étendue territoriale et les ressources minérales
qu'elle régorge.
224 DE SAINT MOULIN, L., Histoire de l'Organisation
Administrative du Zaïre-Afrique, n°224, avril 1988, pp.
197222.
225Idem., p. 206.
226Cirée de la monographie de la
Province du Sud-Kivu (Draft 4), Ministere du Plan, Kinshasa, mars 2005, 10 et
12 ; COUROUX, P., Atlas Zaïre, Paris, Hachette, 1978, p. 62.
227Gilbert SHAMAVU, Les groupes armés du
Sud-Kivu : organisation, motivation et relation avec les groupes ethniques de
la province (1997-2010), DEA, SPA, FSSAP, UNIKIN, 2015, p. 25.
80
1.2.1. Localisation de la province du
Sud-Kivu
Le Sud-Kivu, l'une des 26 provinces de la RDC telles que
consacrées par la constitution de sa troisième République,
a comme Chef-lieu la ville de Bukavu. Elle est limitée au Septentrion
par la province du Nord-Kivu et à l'Occident par les provinces du
Maniema et du Tanganyika. A l'Orient, elle est frontalière avec la
Republique du Rwanda, la République du Burundi et la République
de Tanzanie,
81
trois pays limitrophes qui partagent la frontière avec
elle et avec lesquels elle partage le lac Kivu, la rivière Ruzizi et le
lac Tanganyika228.
Le Sud-Kivu est l'un des espaces qui forment la RDC et occupe,
à elle seule, 3% de la surface du pays avec une superficie de
69.130km2. Sa population est éstimée à environ
3,9 millions d'habitants229, soit une densité moyenne de 60
habitants par Km2.
1.2.2. Potentiel climatique du Sud-Kivu
La province du Sud-Kivu connait deux types de climats,
à savoir : un climat équatorial avec des pluies tout au long de
l'année dans une partie de la province et un climat tropical avec une
saison des pluies et une saison sèche dans une autre partie. Dans les
zones de basse altitude, la saison de pluies couvre une période de neuf
mois. Les températures moyennes annuelles varient entre 11°C et
25°C230. L'Est de la province du Sud-Kivu jouit d'un climat de
montagne aux températures douces où la saison sèche dure 3
à 4 mois, c'est-à-dire de juin à septembre. Parfois, la
saison sèche s'observe aussi pendant 15 jours du mois de janvier
à celui de février. Quant aux espaces comme : Minembwe, Mulenge,
Kalonge et les montagnes de Kahuzi-Biega, leurs températures sont encore
plus frais. Dans ces contrées poussent une végétation
montagnarde étagée et à prédominance
herbeuse231.
Par contre, dans les zones de haute altitude, on trouve un
climat tempéré et humide ainsi que des précipitations
atteignant 1800mm. Les températures sont de 19°c à 20°c
sur le versant ouest du bord congolais du graben. La pluviosité est
très élevée et varie entre 2400 et 3000mm232.
Le Centre et surtout l'Ouest du Sud-Kivu, en particulier les territoires de
Shabunda et de Mwenga connaissent un climat équatorial, domaine de la
forêt équatoriale. Car il y pleut abondamment et presque toute
l'année.
228Situation tirée dans le document final de
stratégie de Réduction de la pauvreté (DSRP)
intitulé Monographie de la
province du Sud-Kivu élaborée par les experts
nationaux et les membres du comité provincial de lutte contre la
pauvreté et publié par l'Unité de Pilotage du processus
DSRP à Kinshasa/Gombe.
229Idem.
230Rapport du programme des nations Unies pour le
développement, Unité de lutte contre la pauvreté,
Mars 2009. 231LAGRANGE, M-A., Economie de la paix,
Conférence au Café Diplomatique - Ecole d'été
de transformation des
conflits, Chaire Culture de la Paix & Ministère des
Affaires Etrangères, Kinshasa, 13 septembre 2014. 232 SHAMAVU,
G., Op.cit., p. 26.
82
Cependant, la plaine de la Ruzizi connait un microclimat, un
climat tropical à tendance sèche et où les pluies sont
quelque peu faibles (+ ou À 1.000mm/an), la végétation
étant une savane herbeuse à épines parsemée des
cactus cierges. C'est ainsi que la riche flore du Sud-Kivu héberge l'un
de meilleurs parcs au monde, celui de Kahuzi-Biega où l'on rencontre des
gorilles de montagne et une luxuriante forêt des bambous au-delà
de 2600m. La végétation est composée de forêt
d'altitude, savanes herbeuses, bambous boisés et des forêts
denses233 C'est dire que le sol du Sud-Kivu offre de grandes
réserves forestières qui sont le Parc National de Kahuzi-Biega
(PNKB) et la Réserve Forestière d'Itombwe dont les principaux
animaux déclarés de sa faune sont des gorilles de montagnes, des
lions, des léopards, des zèbres, des
éléphants...
1.2.3. Relief de la province du Sud-Kivu
Le relief de la province du Sud-Kivu est très
varié. Dans sa majeure partie, le Kivu est constitué des
montagnes. Il comprend à l'Est le haut relief constitué des
montagnes, notamment la chaine de Mitumba qui domine les rives du lac Kivu et
du lac Tanganyika dont les sommets ont une altitude qui varie entre 1800 et
2800m234. La montagne la plus importante est le sommet de
Kahuzi-Biega avec 3.340m d'altitude. On y observe également un
bas-relief dans la plaine de Ruzizi depuis Kamanyola (Kamanyula) jusqu'à
Uvira dans les territoires de Walungu et Uvira235. Mais le point
culminant de la province est à une altitude qui dépasse 400m. Ce
relief se rencontre principalement dans les territoires suivants : Kabare,
Kalehe, Walungu, Uvira, Fizi et dans une partie du territoire de
Mwenga236.
Les hauts et les bas plateaux propices à
l'élevage, notamment au centre et à l'Ouest de la province. Les
plateaux d'Itombwe constituent un excellent exemple. Dans les territoires de
Shabunda et Mwenga commence la cuvette centrale. La frontière orientale
du Sud-Kivu correspond au rift valley occidental, dans son fossé
d'effondrement logent les lacs Kivu et Tanganyika.
233www.Nord-Kivu, Wikipédia. Climat,
consulté le 07 janvier 2021 à 11 h 10. 234 SHAMAVU, G.,
Op.cit., p. 26.
235www.Nord-Kivu, wikipedia. Relief,
consulté le 07 janvier 2021 à 11 h 17'. 236 SHAMAVU, G.,
Op.cit., p. 26.
83
Quant aux terrains qu'on y trouve, ils peuvent être
groupés en deux ensembles principaux, à savoir : les terrains du
socle et les terrains volcaniques auxquels il faut ajouter un troisième
ensemble : les terrains de couverture que l'on trouve au fond des lacs Kivu,
Tanganyika ainsi que dans la plaine de la Ruzizi. Le socle réunit tous
les terrains antérieurs au carbonifère moyen et couvre
pratiquement tout l'Ouest et le centre de la province. On estime à plus
de 70 % de l'étendue de la province occupée par ces terrains. Ces
derniers sont riches en minerais.
1.2.4. Sol et potentialités de la province du
Sud-Kivu
Le sol du Sud-Kivu présente des caractéristiques
très hétérogènes. A certains endroits il est de
plus en plus pauvre à cause des érosions et de la surpopulation.
C'est ce qui justifie aussi nombre des conflits de terres dans la plupart de
ses territoires car la nature du sol influence considérablement
l'élevage et la culture. A Idjwi le sol est encore riche pour
l'agriculture mais le problème de surpopulation rend de plus en plus
difficile la gestion terrienne. Il est argileux à Kabare, Kalehe, Idjwi
et Walungu.
Disons qu'à Kalehe le sol est riche à cause
surtout de sa proximité avec les forêts. Les territoires de Fizi,
Mwenga, Shabunda et Uvira ont un sol sablonneux très riche pour la
culture vivrière à travers laquelle sont produits des :
légumes, tubercules, fruits, bananes, du riz, des haricots, du manioc et
des cultures industrielles produisant la betterave, le caoutchouc, le cacao, le
quinquina, le thé, le café, l'huile de palme, le coton, le
cocotier, la canne à sucre, le tabac, le soja, etc.
Cette situation est favorisée par le fait que le
Sud-Kivu contient nombre de cours d'eaux éparpillés dans tous les
territoires. Ils appartiennent au bassin hydrographique du fleuve Congo. La
plupart d'entre eux prennent leurs sources dans les montagnes de l'Est et
coulent pour la plupart vers l'Ouest où ils débouchent dans le
fleuve Lualaba tandis que d'autres se jettent dans les lacs.
On peut aussi voir que les : café robusta et arabica,
thé, coton, pyrèthre, canne à sucre, cacao, tabac, palmier
à huile, quinquina, etc., faisaient principalement l'objet d'une culture
industrielle du secteur moderne. Malheureusement, la situation des
années qui suivirent l'indépendance de notre pays,
aggravée par les mesures de zaïrianisation, a entrainé la
régression de cette
237CHIRISHUNGU CHIZA DIEUDONNE, Renaissance de la
République Démocratique du Congo et métamorphose
économique et sociale du Sud-Kivu, Ed. Bushiru, Kinshasa, 2008, p.
25.
84
activité au fil des ans. Aujourd'hui les plantations
acquises par les nationaux sont soit abandonnées ou mal entretenues ou
encore transformées en champs de cultures vivrières. Quant aux
usines de transformation, elles sont soit démolies soit en pannes ou
soit inexistantes.
En plus, les hauts plateaux avec un climat très doux
qui composent ces territoires sont plutôt favorables à
l'élevage. Celui-ci est le second poumon le plus important pour la
population qui se passionne pour des fermes des vaches, l'élevage de
lapins, de la volaille, de porcs, etc.
Trois sortes principales d'élevages sont
pratiquées dans cette province. Il s'agit d'abord de l'élevage
extensif individuel où l'éleveur dispose d'un, de deux ou trois
bovins qu'il nourrit aux alentours de son habitation ou qu'il
élève dans la même maison que lui et sa famille !
Ensuite, l'élevage extensif collectif où chaque
éleveur ne possède que d'un troupeau souvent composé de
plus de huit têtes. Les propriétaires se mutualisent en en
partageant les frais d'exploitation. Celui-ci est l'expérience des
territoires de Kalehe, Kabare et Walungu, où les éleveurs
disposent en commun de certaines infrastructures. C'est le cas par exemple de
la ferme de « Mulume-Munene » !
Au-delà de ce qui précède, le sous-sol de
cette province est aussi riche en ressources minérales. A ce sujet,
Chirishungu, il va du plus connu et déjà exploité, des
minerais aux richesses minières dont le potentiel n'est pas encore
suffisamment établi et l'exploitation non encore entamée
»237. En d'autres termes, la plupart de territoires du Sud-Kivu
recèlent de grandes richesses minières. Les gisements de la
cassitérite sont plus importants que ceux du colombo-tantalite (coltan).
La province régorge également de diamants, de minerais de fer, le
wolfram, le calcaire, l'améthyste, l'étain, le pétrole, le
gaz méthane, etc.
Toutefois, il faut reconnaitre la place particulière de
l'or de Kamituga en territoire de Shabunda, de Twangiza en territoire de
Mwenga, de Bunyakiri en territoire de Kalehe et de Fizi en territoire de Fizi
dont le potentiel est immense,
85
plaçant le Sud-Kivu parmi les provinces de tête
dans le potentiel et la production du métal jaune en RDC.
1.3. Cadre démographique
Sans avoir établi une liste exhaustive des groupes
ethniques qui composent la province du Sud-Kivu, sa population est
constituée principalement des tribus et ethnies de la manière
suivante : Kalehe et Idjwi sont occupés par les Bahavu ; Kabare et
Walungu par les Bashi ; les Bafulero et les Bavira occupent le terrritoire
d'Uvira où on trouve également les Barundi surtout dans la plaine
de la Ruzizi et sur les hautes montagnes de Mulenge y sont installés les
pasteurs transplantés d'origine Tutsi rwandais, appelés
désormais Banyamulenge. Les Babembe occupent le territoire de Fizi (voir
Baraka) tandis que les Barega se trouvent dans les territoires de Mwenga et
Shabunda238.
De ce qui précède, il y a lieu de signaler que
comme toutes les populations africaines, la structuration de la
démographie du Sud-Kivu renvoie aux
caractéristiques de la population des pays en
développement avec une forte proportion de jeunes (51,1% des moins de 15
ans) et une faible proportion de personnes âgées (9,9%
âgés de 50 ans ou plus)239.
Même si le recensement scientifique
général ou partiel de la population n'a encore été
réalisé depuis plusieurs décennies, il faut noter que
certaines sources estiment à près de 3,9 millions d'habitants en
2005, la population de la province du Sud Kivu représente environ 7,1%
de toute la population de la RDC. La population est essentiellement rurale
(78,4%). La population urbaine de la province représente seulement 5%
des citadins du pays240. Le recensement administratif de 2007 a
chiffré la population de ce territoire à 462 465
habitants241.
Grosso modo, nous pouvons retenir que la province du Sud-Kivu
est composée des populations de plusieurs groupes ethniques, notamment
les :
- Babembe : en Territoire de Fizi ; - Bafuliro : en Territoire
d'Uvira ;
238 SHAMAVU, G., Op.cit., p. 26.
239www.undp.org/content/dam/dem_rep_congo/docs/povred/UNDP-CD-Profil-PRO,
consulté le 20 juillet 2022, à 15 h 40'.
240 Idem., p. 41.
241 MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 21.
86
- Bahavu : en Territoires de Kalehe et Idjwi ;
- Balega : en Territoires de Mwenga, Shabunda, FIZI ;
- Banyindu : en Territoires de Walungu et Mwenga ;
- Bashi : en Territoires de Walungu, Kabare, Kalehe et Mwenga
;
- Bavira : en Territoire d'Uvira ;
- Batwa : en Territoires de Kalehe, Idjwi, Kabare et
Walungu.
1.4. Situation politico-administrative
Sur le plan politique et administratif, la province du
Sud-Kivu est administrée par un gouvernement provincial avec, à
sa tête, un gouverneur assisté d'un Vice-Gouverneur, tous deux
élus par l'Assemblée provinciale.
Le gouvernement provincial compte 10 Ministres provinciaux
nommés par le gouverneur de la province à la tête de chaque
ministère. L'Assemblée provinciale est dirigée par un
président secondé par un vice-Président, tous deux
élus par leurs pairs. Elle est composée de 36
députés provinciaux élus au suffrage universel direct pour
représenter leurs territoires et les communes où ils ont
été choisis242.
Comme la province du Sud-Kivu a un chef-lieu dans la ville de
Bukavu qui en constitue la seule ville statutaire, toutes les institutions y
sont installées. Le milieu urbain de la province comporte
également 6 cités. Le Sud-Kivu n'est pas subdivisé en
districts et son milieu rural est subdivisé en 8 territoires qui
regroupent 23 secteurs et chefferies243.
Section 2. Problèmes de développement du
Sud-Kivu
Le Kivu, en général et la province du Sud-Kivu,
en particulier, est une des composantes territoriales et administratives de la
RDC. A ce titre, son développement est totalement lié à
celui de la RDC toute entière. Voilà pourquoi parler de son
développement implique ipso facto de le submerger dans ce grand
système qu'est la RDC pour bien appréhender son niveau de
développement. Car, en tant que sous-système du grand
système qui est la RDC, la province du Sud-
242Programme des Nations Unies pour le
Développement Unité de lutte contre la pauvreté, province
du Sud-Kivu, Mars 2009, p. 7.
243Programme des Nations Unies pour le
Développement Unité de lutte contre la pauvreté, province
du Sud-Kivu, Mars 2009, p. 8.
87
Kivu entretient nombre d'interactions économiques,
politiques, administratives, etc., avec celle-ci. C'est dire que pour bien
parler des problèmes du développement de la province du Sud-Kivu,
il est important de saisir avant tout les problèmes
généraux du développement de la RDC.
2.1. Problèmes généraux du
développement de la RDC
Comme l'ont démontré bien d'auteurs, en
l'occurrence Olofio Ben Olomy, le développement est un processus
multidimensionnel destiné à améliorer les conditions de
vie dans le domaine économique, politique, social et culturel, partant
de la production des biens et services et les autres choses de valeurs au sein
d'une communauté donnée244.
Mais, selon J. F. Bayart, la manière de penser ou de
vivre le phénomène développement est contingente à
l'esprit d'une époque245. Elle est aussi le reflet de
l'intelligence sociale de l'homme par rapport à son environnement et
à son temps, pour son devenir246. Puisque
l'intelligibilité du phénomène « développement
» reste dépendante des inflexions historiques. Le contenu de son
discours et sa rationalité sémantique restent ambigu, car
étant largement influencés par des préoccupations
idéologiques et géostratégiques.
De ce qui précède, si nous prenons la
définition de François Perroux, nous comprenons que le
développement est en réalité la combinaison des
changements mentaux et sociaux d'une population, changement qui rend apte
à accroître cumulativement et durablement son produit réel
global247. De manière concrète, le
développement, c'est bien manger, bien se vêtir, bien se promener,
bien dormir, ... Il est le résultat d'une série des changements
qualitatifs et quantitatifs. Ces changements qualitatifs qui ne soient pas
éphémères mais plutôt durables pourraient être
assimilables au développement durable248.
244OLOFIO BEN OLOMY, Economie de
Développement, G3 SPA, FSSAP, UNIKIN, 2006-2007, inédit.
245 BAYART, J.F., Le gouvernement du monde. Une critique
politique de la globalisation, Fayard, Paris, 2004, p. 14.
246 COPANS, J., Développement mondial et mutations
de sociétés contemporaines, Armand Colin, Paris, 2006, pp.
23-25.
247PERROUX, J., cité par KABENGELE DIBWE,
Géographie économique, Syllabus de G1RI, FSSAP, UNIKIN,
2005-2006.
248Propos recueillis auprès de NSAMAN-o-LUTU
lors d'une communication scientifique au Campus de l'Université du
CEPROMAD, le 14 mai 2009, entre 17 heures 00' et 18 heures 30'.
249UNESCO, Les interrelations entre
l'économique, le social, le politique, le culturel et le spirituel dans
une approche multidimensionnelle, Rapport, novembre 1984, p. 43.
88
C'est autrement dire que le développement de la RDC, en
général, et celui de la Province du Sud-Kivu, en particulier,
sont égaux au bonheur ou au mieux-être des congolais en
général et des Kivutiens en particulier. Pourtant, le bonheur a
toujours été fonction de la combinaison de plusieurs facteurs et
à différents niveaux. Voilà pourquoi il convient
d'identifier d'abord les différents facteurs du développement,
ensuite faire un raisonnement par absurdité pour saisir, enfin, les
vrais problèmes que le pays, en général, et la province du
Sud-Kivu, en particulier, connaissent dans le processus du
développement.
2.1.1. Facteurs du développement
Nombre de facteurs concourent à la
matérialisation du projet de développement. Mais comme nous ne
pouvons pas les énumérer tous de manière exhaustive, nous
présentons les facteurs suivants : facteurs socio-culturels, facteurs
technologiques, facteurs économiques, facteurs politiques, facteurs
familiaux, facteurs idéologiques et facteurs constitutifs de la
personne.
2.1.1.1. Facteurs socio-culturels
Ces facteurs se conjuguent avec les facteurs composant la
société humaine''. En effet, la société
est à la fois système de rapports sociaux et système de
production culturelle. Ce concept de culture est pris ici dans son sens
anthropologique, c'est-à-dire en tant qu'ensemble de productions
appropriées d'un groupe humain déterminé pour satisfaire
ses besoins. La culture concerne, ainsi comprise, tous les étages de la
vie humaine249.
On peut explorer les principaux facteurs constitutifs de ce
que l'on doit appeler la socio-culture'', système de rapports
sociaux au sein desquels prennent place les différents facteurs de la
culture. Car il est difficile d'imaginer, par définition, des facteurs
culturels ou socioculturels qui ne soient reliés à l'homme et ce
lien ne peut être qu'un lien d'appropriation ou de production.
89
2.1.1.2. Facteurs technologiques
Les travaux approfondis de paléontologues ont
montré le cheminement concomitant entre «l'hominisation» et le
développement technologique. Les outils et les systèmes
technologiques sont les points d'appuis à partir desquels une
société transforme les données de
l'écosystème pour en faire surgir les réponses à
ses besoins. L'une des illustrations les plus impressionnantes concerne les
techniques de production et de transformation tendant à la satisfaction
de besoins alimentaires. Lorsqu'il y a rupture entre ces techniques et le
potentiel de l'écosystème comme actuellement dans les pays
africains du Sahel naît le risque de la famine.
2.1.1.3. Facteurs économiques
Dans la socio-culture ils représentent les arrangements
sociaux et culturels par lesquels le groupe humain organise, gère
l'ajustement entre ses besoins et les moyens qui lui sont accessibles pour les
satisfaire. Les facteurs économiques touchent donc l'appréciation
de produits de la technologie en fonction de leur utilité sociale. On
mesure, par eux-mêmes, qu'il est impossible de fixer une valeur
d'utilité sociale indépendamment des références que
se fixe le groupe humain.
A ce sujet il y a lieu de constater que certaines
sociétés donnent plus d'importance à la recherche de la
satisfaction de besoins du groupe à partir de sa production directe
(autosubsistance), alors que d'autres jouent sur la division du travail
élargie et sur les échanges extérieurs (économie de
marché). Les principaux facteurs du système économique
sont les facteurs de production (qui commandent les «rapports de
production»), les facteurs d'échange ou de répartition et
les facteurs de consommation250.
2.1.1.4. Facteurs politiques
Tout système tend à la satisfaction de besoins,
met en jeu, dans une société donnée, des rapports de
pouvoirs entre individus et groupes constituant cette société.
Les facteurs politiques'' prennent forme à travers, notamment
des institutions. Mais il peut y avoir aussi des
contre-institutions'' ou des facteurs politiques
informels'', non formalisés, qui n'en sont pas pour autant
moins
250MARSHALL SAHUNS, Age de plein, âge
d'abondance, NRF, Paris, 1976, p. 13.
90
puissants. Au coeur de la problématique du jeu des
facteurs politiques, spécialement dans la période contemporaine,
on note le poids de l'Etat et celui de la société
civile'' ou le décalage entre les systèmes de
référence de l'une ou l'autre de ces entités.
2.1.1.5. Facteurs familiaux
La famille a été et reste la cellule de base de
toute société. Disons que l'organisation familiale est, à
partir des fondements biologiques de la reproduction des sociétés
humaines, un système de base'' de la société,
implanté plus profond que le système politique''. Les
facteurs du système familial qui sont, entre autres, la filiation et le
mariage, jouent un rôle de première importance dans la
régulation sociale''.
2.1.1.6. Facteurs constitutifs de la personne
On a souvent minimisé, dans les démarches de
l'analyse sociale des dernières décennies, la portée de
l'individu'' humain comme particule
élémentaire'' de toute société. On y revient
à présent. « Le facteur individuel est, certes,
conditionné socialement et culturellement, dans ses aspects somatiques,
affectifs, cognitifs (le corps, les sentiments, l'intelligence), mais il permet
aussi d'introduire une marge de non détermination dans le jeu social. Il
peut ouvrir la porte au désordre, venant rompre la
géométrie des ordres sociaux théorisés et
légitimés pour faire droit à d'autres modes de
société ou de socialité' »251. Ce constat
a été repris avec vigueur par Serge Christophe : « on a
vécu sur cette illusion à la fois vraie et fausse, qu'en
changeant les conditions sociales, on allait changer l'homme, sans voir que,
pour un homme, ses conditions sociales ce sont d'autres hommes
»252.
2.1.1.7. Facteurs idéologiques
La clé de voûte qui maintient en place un
système socioculturel au niveau des consciences humaines ce sont les
représentations du monde ; les idéologies.
251BOUDON, R., La place du désordre,
PUF, Paris, 1984, p. 8.
252KOLM, S.Ch., « Entretien avec Pruno Matte
», in Le Monde, Dimanche, 23 octobre 1983, p. 15.
91
A la fois elles procèdent de l'ensemble des autres
facteurs (facteurs extra-sociaux, écosystémiques, autant que les
facteurs socioculturels) et jouent fortement sur eux, facteurs mythiques :
explication du monde par un récit plongeant ses racines dans un
au-delà'', on est alors dans le monde religieux, facteur
rationnel : explication du monde par l'expérimentation, la raison aux
prises avec les choses et les êtres : philosophie et sciences.
2.1.2. Problèmes de développement de la
RDC
Les problèmes de développement de la RDC peuvent
être identifiés à différents niveaux et dans des
domaines aussi variés. Il s'agit, par exemple, des domaines suivants :
politique, économique, sécuritaire, social, infrastructurel,
etc.
2.1.2.1. Problème politique
Comme nous l'avons signalé un peu plus haut, les
facteurs politiques qui impactent sur le développement d'un pays font
référence aux institutions. Les institutions politiques jouent un
rôle capital dans le processus de développement. Leur
stabilité est un gage pour toute dynamique allant dans le sens de
croitre cumulativement l'économie d'une nation et améliorer les
conditions socio-économiques des citoyens.
S'agissant de la RDC, il y a lieu de remarquer que depuis sa
naissance comme acteur politique international, ses institutions politiques,
mécanismes et organes, ont vécu pendant de longues
périodes dans une situation d'instabilité sans
précédent, excepté l'époque de la deuxième
République où une relative stabilité a été
constatée.
En fait, les institutions ont joué un rôle
fondamental dans l'origine et la perpétuation des conflits en
RDC253. Les institutions crées sous le régime colonial
et après l'indépendance ont produit et perpétué des
antagonismes au sujet du contrôle de l'État et des ressources
naturelles tout en semant les graines des conflits interrégionaux et
interethniques254. Les sécessions, les rébellions, les
crises politiques et les agressions étrangères, emportant parfois
les institutions politiques
253Nations unies, Commission économique
pour l'Afrique, Conflits en République Démocratique du Congo.
Causes,impact et implications pour la région de Grands Lacs,
Addis-Abeba, S.L., 2015, p.VIII.
254
92
du moment, qui ont garni presque tout son parcours en tant
qu'Etat, ont été occasionnées d'une manière ou
d'une autre par les institutions. Il s'agit, par exemple, de la
rébellion, du coup d'Etat militaire du 24 novembre 1965 qui a
été occasionné par la crise institutionnelle entre le Chef
de l'Etat Kasa-Vubu et le premier ministre Lumumba. Il s'agit aussi, par
exemple, de la rébellion, l'agression du 2 août 1998,
causée par la rupture de relations entre le Chef de l'Etat L.D. Kabila
et ses partenaires de l'AFDL.
Les violences occasionnées par ces faits ont largement
administré des coups fatals à l'élan du
développement dont le pays avait fait montre au moment où il
venait d'accéder à l'indépendance. C'est ici le lieu
d'indiquer que les guerres ont porté un coup dur à
l'économie de la RDC et à celle de l'ensemble de la
région. Au niveau macroéconomique et sectoriel, les conflits ont
accentué la détérioration de l'économie qui avait
commencé dans les années 1980 et s'était poursuivie
jusqu'au milieu des années 1990255. Les conflits ont
aggravé l'instabilité macroéconomique et l'incertitude
liée à l'investissement et détérioré les
finances publiques aussi bien en termes d'équilibres budgétaires
que d'efficacité de la gestion des finances publiques256.
Ce qui fait que le pays, en général, et ses
différentes provinces, en particulier, ne donnent pas l'image du
développement correspondant aux innombrables ressources que leur sol et
sous-sol regorgent. Il a fallu attendre l'érection de la
3ème République pour ne pas voir les institutions
politiques être emportées par ces faits politiques.
2.1.2.2. Problèmes sécuritaires
L'insécurité est aussi un facteur qui entrave le
développement de la RDC, en général, et celui de ses
provinces, en particulier. Elle est causée par les guerres,
rébellions ou insurrections que le pays connait depuis longtemps dans sa
partie Est. C'est dire que les guerres possèdent une dimension qui
relève du développement257.
En effet, les conflits en RDC et leurs conséquences
restent une source de préoccupation majeure, dans la mesure où
ils constituent un défi multidimensionnel
255MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 41.
256SHAMAVU, G., Op.cit., p. 126. 257 MUCHUKIWA, B.,
Op.cit., p. 43.
93
au développement économique et humain dans le
pays et la région258. D'une part, dans une certaine mesure,
le manque de développement a généré un
environnement propice aux guerres et aux conflits. Les stratégies de
développement mises en oeuvre depuis l'indépendance ne sont pas
parvenues à améliorer de manière significative le
bien-être de la population congolaise tout en permettant dans un
même temps l'accumulation d'une fortune personnelle par les élites
économiques et politiques259. Les guerres en RDC proviennent
des causes multiples tournant autour de quatre séries de facteurs:
économiques, institutionnels, régionaux et géopolitiques
mondiaux260.
D'autre part, les conflits et guerres chroniques ont
freiné le développement économique. La République
démocratique du Congo se positionne, en effet, au bas de
l'échelle des pays en développement en termes de
développement social et humain (elle occupait la 186e place sur 187 pays
et territoires en 2012), avec un indice de développement humain de 0,304
contre une moyenne de 0,466 pour les pays du groupe à
développement humain faible et de 0,475 pour l'Afrique subsaharienne
(PNUD, 2013, Profil de pays de la République démocratique du
Congo). Les guerres ont perturbé l'activité économique
dans des secteurs clés tels que l'agriculture et l'industrie en raison
de l'insécurité, des déplacements de populations et de la
détérioration des infrastructures matérielles. Elles ont
également engendré la dégradation de la gouvernance et des
institutions nationales, empêchant le pays de tirer pleinement parti de
l'important potentiel de croissance associé aux abondantes ressources
naturelles dont le pays est doté et à son emplacement
stratégique au sein de la région261.
Un autre facteur institutionnel important à l'origine
de conflits est la manipulation par les dirigeants des lois sur la
citoyenneté et la nationalité, politisant ainsi la question de
l'ethnicité et de l'identité congolaise, ce qui a eu pour effet
la marginalisation d'une partie de la population, notamment celle d'origine
rwandaise, et l'exacerbation des antagonismes entre eux et les autres groupes
tout en compro-
258SHAMAVU, G., Op.cit., p. 126.
259ASKIN, S. et COLLINS, C., « External
Collusion with Kleptocracy: Can Zaire Recapture Its Stolen Wealth »,
Review of African Political Economy, 1993, p. 57 et 7285 ; NDIKUMANA,
L. et BOYCE, J. K., « Congo's Odious Debt: External Borrowing and Capital
Flight in Zaire », Development and Change, 1998.
260 MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 41.
261 SHAMAVU, G., Op.cit., p. 126.
94
mettant les relations entre l'État et les citoyens,
d'une part, et les relations entre la RDC et ses voisins à l'Est,
d'autre part262.
2.1.2.3. Problèmes économiques
Sur le plan économique, la RDC accuse un retard sans
précédent. Certes, la RDC a traversé une longue
période des tumultes mais elle dispose aussi de nombreuses ressources
qui pouvaient l'aider à rattraper le retard. Ce qui n'a pas
été le cas. L'impact de décennies de mauvaise gestion
économique apparaît dans les niveaux élevés de
pauvreté.
En effet, il est d'ores et déjà connu qu'en
Afrique subsaharienne plus de 45% des pauvres, soit 266 millions d'habitants
sur 590 millions, souffrent de pauvreté monétaire263.
En RDC, les estimations disponibles montrent que plus de trois tiers de la
population sont pauvres en termes de revenus. Ici, comme dans d'autres pays
d'Afrique, la pauvreté est un phénomène essentiellement
rural: les taux de pauvreté sont bien plus élevés dans les
villages que dans les centres urbains264. La croissance
économique réalisée entre 2006-10 s'est située sur
un plateau inférieur à 8% fixé265. En RDC, sept
ménages sur dix sont pauvres avec une disparité entre milieu
rural À où environ huit ménages sur dix sont pauvres - et
milieu urbain - où moins de sept ménages sur dix sont
pauvres266.
Les simulations faites sur base des données des
enquêtes menées après 2005 (en supposant le même
comportement de consommation des ménages et en utilisant un
modèle linéaire simple) indiquent que la pauvreté a
légèrement baissé de 71 à 70% entre 2005 et
2007267. Les dépenses de ménages congolais sont
dominées par l'alimentation qui représente 62,3% des
dépenses totales268. Entre 2006 et 2010, la situation
macroéconomique de la RDC a été marquée par : (i)
les effets de la crise économique et financière internationale,
(ii) l'allègement de la dette, (iii) la maîtrise de l'inflation,
et (iv) la rigueur budgétaire. Les effets de la crise économique
et financière internationale ont ralenti la croissance en 2009.
262MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 42..
263 ODIMULA LOFUNGUSO, L., Manuel des idées et des
faits politiques, économiques et sociaux. Fondement de la bonne
gouvernance, l'Harmattan, Paris, 2016, p. 197.
264 P. 30.
265 DSRP, p. 24
266 MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 41.
267 DSRP, p. 24.
268MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 42.
95
L'accélération de la croissance
économique amorcée depuis 2002 a subi un coup d'arrêt en
2009269.
2.1.2.4. Problèmes sociaux
Sur le plan social en RDC, il faut constater que la
période précédant les guerres de 1997-1998 a
été caractérisée par une situation sociale
précaire sur l'ensemble du territoire national, étant
donné la dégradation de l'économie à
l'échelle macroéconomique et sectorielle, de l'effondrement du
secteur public et de l'atrophie du secteur privé. Disons que le
détournement et l'exploitation non réglementée du secteur
de ressources naturelles, le délaissement de l'agriculture et la
désindustrialisation ont entraîné un déclin continu
de revenus de ménages, une augmentation du chômage et des
pénuries systématiques dans la fourniture de biens et services de
base en sont des indicateurs probants. Cette situation s'est aggravée
à mesure que le régime de Mobutu s'est affaibli, notamment au
début des années 1990270.
En effet, il y a lieu de voir que même après le
départ de Mobutu, le Congolais a eu du mal à accéder aux
biens et services de première nécessité pour sa vie et sa
survie. Nous faisons allusion ici à la santé, l'éducation,
le logement, etc.
Déjà, notons que s'agissant de la santé,
le budget de l'Etat consacré à ce secteur de la vie nationale est
resté faible et largement inférieur aux engagements pris par les
Chefs d'Etat à Abuja (15%). Dans la plupart des cas, il est
inférieur à 5% du budget global de l'Etat et son taux de
décaissement est en moyenne de 70% (exercice 2008 et 2009). Son
affectation ne tient pas compte des priorités du
secteur271.
Le secteur de l'éducation, surtout le sous-secteur de
l'éducation primaire, n'est resté à exempter de cette
analyse. Ce (...) secteur montre une amélioration au cours des dix
dernières années (2005-2015) en lien avec un financement
269 DSRP, p. 40
270NDIKUMANA, L. et KISANGANI, E., « The
Economics of Civil War: The Case of the Democratic Republic of Congo »,
In N. Sambanis et P. Collier (Eds.), Understanding Civil War:
Evidence and Analysis, Washington DC: Banque mondiale, 2005, p. 6388.
271RDC, Document de Stratégies de
Croissance et Réduction de la Pauvreté (DCSRP),
deuxième génération, volume I, Ministère du plan,
2011, p. 28.
96
appréciable du secteur par l'Etat, les ménages
et les Partenaires Techniques et Financiers272.
Mais, l'accès à l'eau potable reste très
faible. Les statistiques disponibles indiquent que, malgré les richesses
en eau douce du pays, l'accès à l'eau potable reste faible,
même si elle passe de 22% à 26% entre 2005 et 2010. Le taux de
couverture de l'approvisionnement en eau potable en milieu rural est
resté largement derrière celui du milieu urbain du fait que ce
sous-secteur n'a pas bénéficié de la même attention
au niveau des investissements consentis273.
En ce qui concerne le logement et l'habitat, la grande
majorité de Congolais sont propriétaires de leur principal
logement selon l'enquête 1-2-3 (75,5%), chiffre qui semble être en
conformité avec les données du MICS (74% selon les MICS 2 et 4).
Ceci reste toutefois un phénomène essentiellement rural avec
environ 85% de propriétaires contre 50% en milieu urbain. Cependant,
remarquons que 81% de ces logements sont en terre battue ou en paille avec des
toitures en paille (60%) ou en tôle (33%) selon l'enquête 1-2-3. En
milieu urbain, la plupart de ces habitations sont en banlieue
périurbaine. On observe un phénomène d'habitation sauvage
dans les villes ; ce qui crée un problème d'érosion et de
fragilisation des sols (dégradation de l'environnement), ainsi qu'en
termes d'aménagement du territoire et d'efficience de villes en tant
qu'outil de promotion de développement274.
2.1.2.5. Problèmes infrastructurels
La RDC ne dispose pas des infrastructures nécessaires
sur lesquelles pouvait se fonder son économie. L'infrastructure de
santé s'était détériorée du fait de
dépenses insuffisantes pour l'élargissement et l'entretien. Le
pays dépensait, en effet, moins de 1 % de son PIB dans les domaines de
la santé (0,15 %), contre une moyenne de 2,3 % pour l'Afrique
subsaharienne. La plupart des dépenses de santé faisaient l'objet
d'un financement privé pesant sur les ménages et constituant un
autre exemple de l'échec du gouvernement275.
272Idem, P. 28.
273 MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 44.
274RDC, Document de Stratégies de
Croissance et Réduction de la Pauvreté (DCSRP),
deuxième génération, volume
I, Ministère du plan, 2011, p. 33.
275Idem, p. 30.
97
2.2. Problèmes de développement du
Sud-Kivu
Les problèmes de développement du Sud-Kivu sont
concomitants à ceux de la RDC. Ces problèmes touchent presque
tous les secteurs de la vie de la province. Mais les plus importants sont
l'enclavement, l'insécurité et le manque d'infrastructures.
2.2.1. Insécurité
Parmi les problèmes que le Sud-Kivu connait dans son
processus de développement figure aussi l'insécurité.
Celle-ci est l'oeuvre des groupes armés locaux et étrangers. De
manière générale, la mobilisation armée dans ce qui
constitue aujourd'hui l'Est de la RDC est antérieure au colonialisme.
Déjà, pendant la seconde moitié du 19ème
siècle, les négociateurs arabo-swahili qui contrôlaient de
grandes étendues de terres, avaient créé des milices qui
ont concouru à l'édification d'une culture de résistance
populaire276. De même, les tendances expansionnistes du roi
Tutsi rwandais sur le Kivu dans les années 1890 avaient
entraîné une contre-mobilisation, c'est-à-dire une
auto-prise en charge de la population277 autochtone dont
l'expression farouche s'est poursuivie à travers des
générations montantes jusqu'à ce jour.
A ce jour, le phénomène « groupe
armé » s'est généralisé partout dans la partie
orientale du pays. Le Sud-Kivu qui est une composante essentielle de la partie
orientale du pays, n'est pas épargné de ce fléau. Des
groupes armés, étranger et locaux y sévissent, semant
ainsi la terreur et la désolation. C'est pourquoi Paul Byabuze note que
l'activisme militaire des ex-Far et des Interahamwe semble être la
principale cause de l'insécurité régnant dans les
frontières de la RDC et du Rwanda278.
Par groupes armés locaux il faut entendre les groupes
armés créés par les Congolais d'origine. Les plus
célèbres d'entre eux sont les groupes Maï-Maï qui sont
aussi variés. On peut à ce sujet citer : le groupe
Maï-Maï ya Kutumba, le groupe Maï-Maï Nyakiriba, etc. Et
par groupe armé étranger, nous entendons les
276SHAMAVU, G., Les groupes armés du
Sud-Kivu : organisation, motivation et relations avec les groupes
ethniques de la province (1997-2010), DEA, SPA, FSSAP,
UNIKIN, 2015, p. 79. 277Idem.
278 BYABUZE, P., Le Kivu : espace vital, espace de vie ou
champ de bataille. Approche géopolitico-économique pour une paix
durable, Thèse de Doctorat, SPA, FSSAP, UNIKIN, 2020, p. 213.
98
groupes armés créés par les
étrangers, notamment les pays voisins de la RDC dont l'Ouganda, le
Rwanda et le Burundi. Il s'agit, par exemple, du M23, CNDP, RCD, etc.
Cette insécurité entraîne pas mal de
conséquences sur le processus de développement de la province du
Sud-Kivu. Le fait est que nul n'ignore que les capitaux fuient la guerre !
2.2.2. Enclavement
Le terme enclavement est souvent utilisé sans
définition précise. Il est assimilé à une distance
avec le centre et à l'absence des voies de communication. Cette
façon de voir peut directement expliquer la situation du Sud-Kivu par
rapport à la capitale ; ce qui nous permet de la qualifier directement
comme étant enclavée. Le fait est que plus de 1.200km la
séparent de Kinshasa à cause du manque des voies de communication
(routière, ferroviaire ou lacustre) pouvant les relier.
En effet, l'état de délabrement avancé
des infrastructures de transport rend difficile la circulation de personnes et
de biens d'une province à une autre. C'est dire que le problème
de connexion de la capitale congolaise aux provinces du pays est l'un des
défis majeurs pour la RDC, en général, et la province du
Sud-Kivu en particulie279.
A ce sujet, rappelons que de par sa composition, le Sud-Kivu
est un espace géographique formé des montagnes, des plateaux, des
forets, des lacs, etc. Ces éléments physiques constituent des
obstacles naturels contre tout accès, la rupture qu'ils marquent, en
coupant le Sud-Kivu des territoires environnants, constitue ainsi une
barrière ou un frein à la mobilité de personnes et des
biens.
En clair, disons qu'il n'existe pas une route viable pouvant
relier la province du Sud-Kivu et les provinces voisines, à savoir : le
Maniema, le Katanga, moins encore Kinshasa, la capitale qui se situe à
des milliers de Kilomètres. Même les routes
d'intérêts provinciaux entre son chef-lieu, Bukavu, et autres
territoires n'existent presque plus. Cette situation n'encourage pas la
production paysanne car il n'y a pas moyen d'écouler les marchandises.
L'aéroport de Kavumu et quelques pistes d'atterrissage qui restaient le
seul espoir sont pour la plupart en état de délabrement
très avancé. Cette situation impose aux habitants de Bukavu de
tourner
279BYABUZE, P., Op.cit., p. 213.
99
les yeux vers les pays voisins non seulement pour
s'approvisionner en denrées alimentaires mais aussi pour profiter de la
proximité existant entre le Sud-Kivu et les capitales de ces pays pour y
immigrer dans le cade de la recherche des conditions de vie plus
acceptables280.
2.2.3. Manque d'infrastructures
Le manque d'infrastructures est un problème
sérieux non seulement pour le Sud-Kivu mais aussi pour toutes les autres
provinces de la RDC. Les routes sont parmi les principales infrastructures qui
posent problème dans cette importante région du pays et entravent
son développement. Les quelques routes qui existent, en quantité
encore non-suffisante, sont pour la majorité non-bitumées. Ce qui
fait que la province reste enclavée et réduit la mobilité
de personnes et de leurs biens. Pourtant, c'est la mobilité qui facilite
les échanges.
2.2.4. Convoitise
En Afrique des Grands Lacs, des conflits plus graves durent
depuis maintenant plusieurs années et ont entraîné
déjà plusieurs millions de morts. Dans différents cas, il
s'agit tout d'abord de conflits internes entre des communautés plus ou
moins voisines qui sont parfois imbriquées les unes aux autres
(...)281. Mais, parfois (...) les États s'invitent dans de
telles dynamiques. C'est le cas, par exemple, du Congo Kinshasa, notamment dans
sa partie orientale y compris la province du Sud-Kivu.
En effet, la problématique de ressources naturelles
dans la région des Grands Lacs africains démontre la quasi
absence de l'État et explique cette dynamique. Le rôle de
l'État, en l'occurrence en RDC, dans la gestion de ses richesses est
remis en cause.
La fragilité de l'État congolais et la puissance
des États limitrophes de la région des Grands Lacs africains (le
Rwanda, le Burundi et l'Ouganda) qui vivent des conflits internes illustre la
complexité de cette question. A partir de l'année 1996, les
Nations-Unies ont mis sur pied des missions d'enquête et des panels
280Rapport du programme des nations Unies pour le
développement, Unité de lutte contre la pauvreté,
Mars 2009.
281 LACOSTE, Y., Géopolitique des stratégies
africaines, Hérodote n°111, Tragédies africaines,
4ème trimestre 2003.
100
d'enquêteurs pour faire la lumière sur
l'exploitation illégale des ressources naturelles du Congo. Ces
enquêtes ont mis à nu l'étendue des crimes et des pillages
systématiques menés par des puissances étrangères,
des sociétés multinationales, des pays voisins du Congo mais
aussi des élites congolaises et des personnalités nationales et
étrangères282.
Le rapport du Groupe de recherches sur les activités
minières en Afrique (GRAMA) intitulé :« La route commerciale
du Coltan congolais» précise que les États-Unis
s'approvisionnent en Coltan en grande partie au Burundi, au Rwanda, en RDC et
en Ouganda. Il décrit le parcours du Coltan depuis les creuseurs
artisanaux jusqu'à l'armée américaine en montrant
brièvement les implications de différentes sociétés
minières installées au Congo et opérant sous une
couverture étrangère. Chose qui s'observe en ces jours sous une
forme beaucoup plus perfectionnée car, les mêmes étrangers
pillent en se couvrant dans des branches armées ou des
rébellions. Retenons toutefois que si la sous-région de Grands
Lacs souffre des situations conflictuelles dans lesquelles la RDC se trouve
impliquée, elle n'y est pas toujours étrangère ni victime
innocente. Les ressources naturelles acquièrent une importance
stratégique du fait de leur valeur économique et la position de
force qu'elles confèrent aux pays qui y ont accès, affaiblit
davantage la nation assiégée.
Claske Dijkema considère que : {« si le conflit
dans l'est de la RDC a été déclenché par L. Kabila
pour des mobiles politiques, son enlisement pourrait cependant être
attribué au contrôle de rebelles sur les ressources (or, diamant,
coltan, etc). »283 Par ailleurs, de nombreuses mesures ont
été prises pour stopper l'exploitation illicite de ces minerais.
A l'issue de recherches stratégiques menées par Paul Collier et
Anke Hoeffler dans différents pays, ces derniers ont avancé la
thèse selon laquelle les États dépendant fortement de
l'exportation des matières premières étaient davantage
exposés aux risques de guerres orchestrées par les États
pauvres en ressources naturelles mais politiquement et militairement
forts284 !
282 Centre d'Etudes, de Documentation et Animation
Civique(CEDAC), Janvier 2009, pp.3-6.
283 DIJKEMA C., (Sous dir), Ressources naturelles
stratégiques, fossiles et minières, Ellipses, Paris, 2011,
p.133.
284 COLLIER, P. et HOEFFLER, A, On economic causes of civil
conflict, in Oxford Economic Papers 50(4); 563573, 1998.
101
Section 3. Territoire de Kalehe
Le territoire de Kalehe est situé dans la province du
Sud-Kivu, précisément au Nord de la ville de Bukavu285
et il est établi sur une superficie de 369km2. Ce territoire
est l'un des sept circonscriptions administratives qui constituent la
collectivité chefferie de Buhavu en territoire de Kalehe avec une
population de 112816 habitants. Son altitude est comprise entre 1° 45' et
2° 10 Sud, alors que sa longitude se trouve entre 23° 40' et 29°
Est. Il comprend 10 localités : Bushushu, Cibanda, Cibanja, Ihoka, Iko,
Munanira, Kasheke, Ishovu, Tchofi et Muhongoza. Il est limité à
(au) :
- L'Est par le lac Kivu ;
- L'Ouest par le groupement d'Irhambi Katana ;
- Nord par le groupement Mbinga Nord ; - Sud, c'est par la
province du Maniema.
285
https://fr.wikipedia.org/wiki/Kalehe,
consulté le 16 juillet 2022, à 15 heures.
102
3.1. Cadre géographique286
Le territoire de Kelehe jouit d'un climat de montagne avec une
altitude qui va de 1.300 à 2.000 m et émet une alternance de deux
saisons dont l'une pluvieuse qui dure 8 mois et l'autre sèche de 4 mois.
Ce qui lui ouvre des facilités agricoles sur un sol très
fertile.
Son relief est montagneux, c'est-à-dire composé
d'une chaine de montagnes de l'Est de la RDC. Sa superficie est de 5707
Km2 et est répartie en
286MUCHIGA ZIHINDULA, N., Les effets des
mouvements migratoires sur la sécurité et le développement
durable à l'Est de la R.D. Congo. Cas du Territoire de Kalehe,
Mémoire de licence, L2 SPA, FSSAP, UNIKIN, 2018-2019,
inédit, p. 34.
103
deux chefferies dont Buhavu 5.160 Km,2 et Buloho,
547 Km,2 la suite tout au long du Lac--Kivu qui jalonne le grand
faussé tectonique (sic !)287.
La population du territoire de Kalehe est estimée
à 485.320 âmes réparties en six principales
communautés, à savoir : les Bahavu, les Batembo, les
Barongeronge, les deux communautés rwandophones, Hutu et Tutsi, et les
Batwa ou pygmées288.
Toutefois, signalons que les Rwandophones habitent les hauts
plateaux dont les conditions climatiques s'avèrent favorables à
leurs activités pastorales (Elevage du gros bétail), tandis que
les autres communautés habitent généralement les bas
plateaux. Les Batembo se retrouvent en grande partie à Bunyakiri, les
Bahavu se situent majoritairement dans les bas plateaux et les Batwa sont
éparpillés sur l'ensemble du territoire mais essentiellement dans
les zones éloignées de grands centres.
3.2. Aspects administratif et juridique de
Kalehe
Sur le plan administratif, le territoire de Kalehe est
constitué des deux collectivités ou chefferies, à savoir :
le Buhavu qui compte sept groupements administratifs : Buzi, Kalonge, Kalima,
Mbinga Nord, Mbinga Sud, Mubungu et Ziralo. Il couvre la majeure partie du
territoire avec une superficie de 353.523 hectares pour 451.938 habitants ;
celle de Buloho qui comprend 8 groupements administratifs qui sont : Bitale,
Musenyi, Ndando, Mulonge, Lubengera, Munyandjiro, Bagana et Karali. Celle-ci ne
s'étend que sur une petite portion du territoire en sa partie centrale,
représentant quelques 54.652 hectares pour 33.382 habitants !
L'appartenance à une identité socio--culturelle
ne se décrète pas. C'est un fait naturel justifiant l'existence
de chaque habitant à Kelehe sous la forme d'une mosaïque de tribus
consacrant, par ailleurs, sa spécificité et sa
considération à part. En remontant le cours de l'histoire
lointaine de Buhavu, nous constatons si heureusement que cette entité
coutumière intégrante était placée sous
l'autorité d'un seul chef.
287MUCHIGA ZIHINDULA, N., Op.cit.,
p. 35.
288Selon les statistiques de 2008 établies par
le service d'Etat civil du territoire de Kelehe.
104
En vue d'alléger la direction de cette vaste
juridiction coutumière, ce chef avait procédé à la
décentralisation de son administration en nommant ses enfants (les
Princes) de sang à la tête des structures secondaires de
gouvernance que sont : Bunyakiri (les Batembo), Idjwi, Kalonge et Buziziralo
qui se référaient toujours à son leadership.
Il nous revient de préciser que la collectivité
de Buhavu était longtemps victime d'une inadmissible amalgame
alimentée par l'imagination féconde des faussaires de l'histoire
qui prétendent que l'île d'Idjwi c'est le Buhavu alors que c'est
le contraire qui est vrai. Car, Idjwi tire ses origines coutumières,
psychologiques, émotionnelles authentiques de la chefferie de Buhavu.
Il est utile de signaler que l'importance démographique
de Buhavu est notoire face à d'autres composantes sociologiques locales.
Ce qui donne à penser que les Bahavu sont appelés à
être différemment traités, surtout lorsqu'il s'agit des
quotas représentant le poids des populations locales dans tous les
domaines. Il s'agit, par exemple, de la représentation au sein des
Assemblées, les quotas de réalisation en termes d'investissement,
etc.
Si les chefferies constituent des entités
administratives décentralisées, elles sont aussi par excellence
les sièges du véritable pouvoir coutumier et sont dirigées
par le Mwami (Chef souverain) de la communauté.
3.3. Situation sécuritaire et
économique
Une analyse approfondie des conflits actuels vécus dans
le territoire de Kalehe met en exergue deux éléments majeurs.
Premièrement, les conflits locaux sont de nature diverse. Ils sont
à la fois liés aux questions foncières, au pouvoir local
et à l'identité. Ils se trouvent exacerbés par des replis
et manipulations identitaires. Deuxièmement, du fait de cette
diversité, ces conflits voient naitre et se développe, donnant
ainsi lieu à l'implication d'une multitude d'acteurs : civils,
autorités politiques et coutumières, élus locaux,
militaires et, dans une large mesure, celle des membres des clans des milices
locales actives dans la zone. Deux multiplicateurs des conflits qui ont
été identifiés, à savoir l'impunité et la
circulation d'armes à feu.
105
Dans le contexte d'impunité, il est clair que la
majorité de la population locale n'a ni le sentiment d'être
protégée par la justice ni confiance en elle-même. Les
armes alimentent les conflits et sont également un important
multiplicateur des conflits. Dans les hauts plateaux, par exemple, les
populations se plaignent au sujet de leur sécurité, étant
donné la circulation licencieuse de celles-ci. Comme conséquence,
elles cherchent refuge dans les villages du littoral. Là aussi, comme
expliqué dans les paragraphes précédents, elles souffrent
de toutes sortes des stigmatisations liées à leur appartenance
à telle ou telle communauté.
Les points ci-dessous donnent une analyse de
différentes dynamiques de conflits et leur potentiel degré de
déstabilisation.
3.3.1. Dilemmes sécuritaires
La présence relativement nombreuse de membres du groupe
rebelle Raia Mutomboki dans Kalehe est devenue une source
d'insécurité chronique dans certains villages. Les villages de :
Mutale, Cholobera, Keshesha, Mihinga, Butwashenge, Sati et lvlushingi sont ceux
qui sont plus concernés par ce risque d'insécurité. C'est
dire en d'autres termes que les soupçons de complicité de la
population locale avec ces Raia Mutomboki alimentent largement
l'insécurité causée par certains éléments
incontrôlables des FARDC.
En fait, bien qu'étant mandatées
constitutionnellement pour garantir l'intégrité territoriale du
pays, certains éléments des FARDC causent
l'insécurité, en mettant en place des barrages illégaux. A
Kalonge, par exemple, où déjà les effectifs des FARDC sont
sensiblement réduits (16 éléments au centre du
groupement), on enregistre plus de 7 barrières érigées par
des éléments de ces forces loyalistes.
En plus, l'inaccessibilité de nombreux villages suite
au mauvais état des routes ne permet pas à l'Etat d'apporter des
réponses rapides et efficaces aux situations d'insécurité
et de violations des droits humains vécues au quotidien.
3.3.2. Mobilisation autour de la terre et de
l'identité
Dans le territoire de Kalehe, la terre est aussi source de
mobilisation à la fois individuelle et collective. Les conflits fonciers
ont un impact négatif sur la cohabitation pacifique intercommunautaire.
En effet, ces dernières années, il est
106
observé une recrudescence de cas d'assassinats
ciblés dont les mobiles principaux sont intimement liés à
la gestion foncière. Ce qui laisse présumer des liens
étrois entre le foncier et les activités d'hommes
armés.
Le fait est qu'il existe deux types de concessions
foncières. Premièrement, celles exploitées par des
personnes riches qui ont acquis de vastes étendues de terres.
Deuxièmement, celles mises en valeur par de petits paysans. Selon
plusieurs témoignages, les concessionnaires riches et puissants spolient
facilement la terre de petits paysans ou débordent les limites à
travers la pratique appelée « Kuhumanya (littéralement
"rassembler")289.
Dans ces dynamiques, les veuves et les orphelins sont souvent
discriminés car d'après les us et coutumes d'ici les femmes ne
participent pas à la gestion des terres. Pire encore, à la mort
du mari les veuves sont exclues de l'héritage lorsque le mari n'a pas
laissé d'héritier mâle. Par conséquent, lorsque les
biens laissés par le défunt sont spoliés par ses
frères, cela se fait aussi au détriment des femmes et des
orphelins.
En plus, la procédure d'obtention de titres fonciers
par les populations locales est souvent longue et coûteuse. A Kalehe,
l'absence de ces titres alimente les conflits des limites entre
propriétaires et entre populations et concessionnaires, de telle sorte
que toutes les parties réclament la légitimité de
jouissance sur les terres sans parfois en fournir les preuves.
Bien que les violences autour des conflits fonciers soient
latentes dans certains clans, il s'observe cependant que certaines
communautés ne se font pas toujours confiance. A Nyabibwe et Numbi, par
exemple, elles se soupçonnent mutuellement de détention
illégale d'armes à feu, qui, tôt ou tard, serviraient
à des actes de violence.
3.3.3. Exploitation de ressources naturelles
Dans le territoire de Kalehe, l'exploitation minière
artisanale pose cinq types de problèmes :
- Le premier problème est que l'exploitation
minière artisanale contribue à la destruction de l'environnement.
Les arbres sont abattus en désordre dans les carrés
289MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 44.
107
miniers et les endroits où les minerais sont
exploités deviennent à la longue de moins en moins propices
à l'agriculture ;
- Le deuxième problème est celui de
déstructuration de la famille. Lorsqu'ils réalisent des revenus,
notamment monétaires, les creuseurs s'adonnent à la consommation
des boissons fortement alcoolisées au point que l'ivresse les pousse
souvent à des bagarres ;
- Le troisième type de problème est celui des
conditions de travail. L'exploitation minière étant artisanale,
les creuseurs sont souvent exposés à des multiples dangers,
notamment : les noyades et effondrements des puits causant ainsi mort d'hommes
de manière répétitive ;
- Le quatrième problème concerne la faible
contribution du secteur minier au développement local. A Nyabibwe, par
exemple, malgré la création du Comité local de
Surveillance des Sites miniers et d'Actes de Corruption (CSAC) qui
détermine les pourcentages destinés à chaque entité
en raison de 75% des taxes perçues pour le développement local et
25% pour le fonctionnement du Comité Provincial de Suivi des actions
minières (CPS), le développement est resté un voeu pieux
;
- Le cinquième est lié au partage
inéquitable des revenus issus de l'exploitation minière. En
effet, la majorité des creuseurs se sentent abusés par les
propriétaires des puits en ce sens que ces derniers ne les
rémunèrent pas convenablement. Cette frustrante situation
crée régulièrement un climat de tensions entre ces deux
groupes.
Bien qu'elles contribuent de manière substantielle
à l'essor financier de certains ménages, l'exploitation d'autres
ressources, en particulier le bois, ne manque pas de poser des problèmes
dans le territoire de Kalehe. De nombreux conflits opposent opérateurs
économiques et exploitants forestiers à cause des
inégalités dans le processus de vente et achat d'arbres pouvant
être invariablement utilisés à la production de planches et
de braises.
3.3.4. Les dynamiques régionales
L'un des aspects-clés des dynamiques régionales
est le trafic transfrontalier, principalement entre Kalehe et le Rwanda. Ce
trafic peut être mis en lien avec la dynamique de « Mobilisation
autour de l'identité . En effet, alors que le commerce transfrontalier
assure la survie des familles ; participe à l'économie
108
locale et contribue au renforcement des relations sociales
entre le Rwanda et la RDC ; il alimente aussi toutes sortes de rumeurs sur base
des replis identitaires, poussant ainsi les membres des communautés
locales à faire prévaloir la thèse de l'invasion du
territoire de Kalehe par des sujets rwandais.
Le trafic de vaches se passe entre le Rwanda et les
hauts-plateaux, zone favorable par excellence à l'élevage des
bovins. Ce trafic alimente les conflits au niveau local. En effet, ce commerce
entretient la peur au sein des populations locales en ce sens qu'une
présence considérable des vaches envenime les conflits
déjà existant entre agriculteurs et éleveurs.
De ce qui précède, il y a lieu de noter aussi
que l'impact de dynamiques régionales sur la cohabitation communautaire
est assez significatif. Le retour de populations rwandophones (en exil au
Rwanda entre 1994-1996) est de plus en plus perçu comme une menace
à la paix sociale. La population du territoire de Kalehe indique qu'elle
éprouve une certaine peur au sujet du retour des Rwandais qui, jadis,
habitaient dans le territoire et dont toutes les parcelles nues et les champs
avaient été vendus en leur absence par les chefs coutumiers !
3.3.5. Le système de conflit
La zone prioritaire de stabilisation de Kalehe connait une
présence de toutes les quatre grandes dynamiques de conflits : les
dilemmes sécuritaires, la mobilisation autour de la terre et de
l'identité, l'exploitation des ressources naturelles et les dynamiques
régionales. Ces dynamiques se caractérisent par les
manifestations, causes et facteurs favorisants suivants :
109
Problématique
|
Manifestation
|
Causes et sous causes
|
Dilemmes sécuritaires
|
Présences des groupes armés
|
Enrôlement des jeunes dans le groupe armé
:
|
> Taux de chômage élevé parmi les jeunes
;
> Insuffisance d'activités génératrices
de revenus pour le les jeunes ;
> Manipulations politiques des jeunes.
Autoprotection ethnique :
|
> Conflits intercommunautaires ;
> Stéréotypes et préjugés
identitaires.
Faible présence des services de l'Etat
:
|
> Insuffisance des effectifs de police,
armée et service de renseignements dans certa
zones ;
> Enclavement de certains milieux ;
> Faible encadrement d'agents de l'Etat.
La mobilisation autour de l'identité :
|
> Autoprotection ethnique
|
Mobilisations autour de la terre
|
Conflits fonciers
|
> Dualité des régimes fonciers,
> Cupidité des certains chefs coutumiers dans la
distribution des terres ;
> Absence des cadres juridiques portant statut des chefs
coutumiers,
> Mauvaises répartitions des terres.
|
xploitations des ressources naturelles
|
Exploitation illégale des ressources
naturelles
|
Mauvaises gouvernances minière Faiblesse de
l'Etat
|
>
> Inefficacité des services de l'Etat ;
> Insuffisance de niveau d'instruction de
|
110
|
|
certains agents de l'Etat.
|
xploitations des ressources Naturelles
|
Destruction de l'environnement
|
? Exploitation abusive des ressources Naturelles ;
? Aires d'exploitation non
délimitées. Lien avec les dilemmes sécuritaires
:
|
? Implications des groupes Armés dans l'exploitation
illicite des ressources naturelles.
|
Dynamique Régionale
|
Enrichissement illégal et exploitation
illicite des ressources naturelles par les
étrangers
|
Protocole des frontières de la RDC
|
par
Inefficacité ou insuffisance des services
de l'Etat aux frontières.
|
Source : tableau conçu à partir de nos informations
collectées sur terrain du 20 Mars 2020 au 18 Janvier 2022.
290Le CENADEP est l'acronyme du centre national
d'appuis au développement et à la participation populaire dont
l'antenne du SudÀKivu est basée à Bukavu.
111
3.3.6. Priorités stratégiques
Sur le plan stratégique, quelles actions
méritent-t-elles d'être priorisées ? De libres penseurs au
sein de l'élite intellectuelle de la province ont pris le devant de la
scène en émettant les propositions ci-après :
- Renforcer la présence et l'autorité de l'Etat
(surtout des services de l'ordre et sécurité), dans les zones
où sont actifs les groupes armés pour assurer la
sécurité des populations ;
- Promouvoir une gestion et accès à la terre
juste et équitable, y compris une meilleure réglementation dans
le secteur agraire ;
- Promouvoir la cohabitation pacifique dans le territoire de
Kalehe ;
- Promouvoir la sécurisation, la gestion et le
contrôle des sites miniers par l'Etat en assurant également le
respect des normes de protection de l'environnement et
écosystèmes ;
- Améliorer la sécurité
transfrontalière ;
- Renforcer les mécanismes d'autonomisation des femmes
et promouvoir leur participation politique ;
- Améliorer la protection des femmes et filles contre
les violations des droits humains, en particulier les violences sexuelles
basées sur le genre.
Pour aborder ce sujet extrêmement délicat qui
consiste à lever les voiles sur la situation peu luisante qui
empêche le territoire de Kalehe de sortir de son obscurantisme actuel, il
nous a été malaisé de nous délester de notre triple
qualité de membre de la lignée du Chef traditionnel qui
règne sur la collectivité de Buhavu, de Président de
l'Association de Ressortissants du Territoire de Kalehe, en sigle A.R.T.K, et,
enfin d'Ambassadeur pour la paix ...
En effet, comme on peut le constater, cette triple
qualité nous présente invariablement aux yeux de l'opinion
publique comme acteur indiscutable dans les événements qui
marquent aujourd'hui cette partie névralgique de la province du Sud-Kivu
mais aussi et surtout dans la recherche des solutions susceptibles de mettre
d'accord toutes les parties aux conflits observés jusqu'à ce
jour.
S'agissant précisément des conflits qui existent
dans le territoire de Kalehe, le Centre National d'Appuis au
Développement et à la participation populaire290,
CENADEP en sigle, qui avait enquêté sur la question, retient
112
principalement des conflits fonciers entre individus ou
groupes d'individus et des conflits identitaires entre les communautés
coexistantes. Tout en procédant à l'examen de causes et effets de
tous ces conflits, le CENADEP avait procédé à
l'identification des initiatives en cours pour une paix durable, la
réconciliation et la cohésion sociale sur l'ensemble du
territoire de Kalehe.
En ce qui concerne le règlement de conflits fonciers
existants en territoire de Kalehe, les pouvoirs publics recourent, selon le
cas, à l'interprétation des dispositions (non codifiées)
de la coutume représentée par les « Bami » (Rois, Chefs
traditionnels) et à la loi foncière en vigueur en RDC. Mais
est-il que les flagrantes contradictions apparaissant entre les modes
d'accès coutumiers et modernes à la terre dans ce territoire et
celles-ci posent énormément de problèmes.
Pour ce qui est des conflits identitaires et
intercommunautaires, l'enquête du CENADEP signale en passant qu'il s'agit
souvent des conflits entre personnes d'origine « Hutu et Tutsi »
congolais d'expression « Kinyarwanda » dits rwandophones mais aussi
et surtout entre ces dernières et des personnes qui se prévalent
de la qualité de « Congolais authentiques » par rapport
à d'autres communautés coexistantes !
A propos des groupes armés, au-delà des conflits
cités plus haut, il y a lieu de signaler ceux auxquels font parties des
groupes armés nationaux ou étrangers opérant en Territoire
de Kalehe pour leur propre compte, pour le compte des individus en intensifiant
de ce fait les risques d'affrontement au détriment des efforts de paix
et de réconciliation existants. Parmi les plus remuants en
l'espèce, il y a lieu de citer les groupes Maï-Maï, Raïa
Mutomboki, le Conseil National pour le Renouveau et la Démocratie, CNRD
en sigle ; le Front de Libération du Rwanda, FDLR en sigle ; Kirikicho
et Kalume, Nyatura dont les éléments sadonnent
impunément à l'exploitation de minerais pour des raisons faciles
à imaginer ! On signale à titre d'anecdote que le CNRD et les
FARDC se disputent la gestion de sites miniers comme ce fut le cas dans la
localité de Mudugudu, en mars 2019, en faisant plusieurs morts dans les
deux camps !
113
CHAPITRE III.
ATOUTS ET OBSTACLES AU DEVELOPPEMENT DU TERRITOIRE
DE KALEHE
Section 1. Les atouts de développement du
territoire de Kalehe 1.1. Du point de vue physique
Comme précisé ci-dessus, Kalehe est l'un de 8
territoires de la Province du Sud Kivu, situé au nord de la Ville de
Bukavu. Habité par 752 571 personnes, il a une superficie de 4.082
km2. En termes de délimitation, Kalehe est bordé au
Nord par les territoires de Masisi et Walikale (marquant la frontière
avec la province du NordKivu), à l'Est par le Lac Kivu qui constitue une
frontière naturelle avec le territoire d'Idjwi et le Rwanda ; à
l'Ouest par le territoire de Shabunda et, au Sud, par le territoire de
Kabare291. Avec cette position stratégique, le territoire de
Kalehe est ouvert au développement car il a l'accès facile
à d'autres territoires et au pays voisin immédiat pour la
circulation des marchandises.
Du point de vue infrastructure, le territoire de Kalehe a des
spécificités qui lui confèrent une place
stratégique et lui permettent ainsi d'amplifier son développement
:
La position géographique de Kalehe lui donne l'avantage
d'être accessible via trois routes nationales. Il s'agit de la RN2
(tronçon Kazingo-Kabamba), la RN3 (tronçon Miti-Tshivanga) et la
RN5 (tronçon Kasihe-Mumosho).
1.2. Du point de vue
énergétique
Il y a la centrale hydroélectrique Ruzizi 2 dans le
groupement de Mumosho. Signalons cependant que ce barrage est une
copropriété du Rwanda, du Burundi et de la RDC dans le cadre de
la Communauté économique des pays des Grands Lacs
(CEPGL)292. Le territoire de Kabare abrite aussi l'usine de la
291 PROGRAMME TUJENGE AMANI, Analyse du contexte du territoire
de Kalehe en route vers les changements, cas de Bunyakiri, Kalonge et Mubugu,
Action pour la Paix et la Concorde, 2015, p. 14., article en ligne sur
file:///C:/Users/bryfl/OneDrive/Bureau/Rapport-Analyse-du-contexteTujenge-Amani-APC.,
consulté le 14 juin 2022.
292 MAMBO CHAMUNDURA, O., Les nouvelles technologies de
l'information et de la communication et leur application au
développement rural. Cas du territoire de Kalehe en République
Démocratique du Congo,
114
REGIDESO de Murhundu. C'est cette usine qui permet d'alimenter
toute la ville de Bukavu en eau potable.
1.2.1. Configuration énergétique,
opportunité de développement
Le territoire de Kalehe est longé par le lac Kivu qui
représente une opportunité de développement non seulement
pour celui-ci mais aussi pour la République Démocratique du
Congo. En effet, il est important de souligner que ce lac contient du gaz
méthane qui servirait de source énergétique dans plusieurs
domaines. A noter que la RDC est largement en retard dans son exploitation par
rapport au Rwanda voisin qui a déjà développé
plusieurs techniques d'extraction (sic !) et d'utilisation de gaz en
collaboration avec des partenaires occidentaux.
Plusieurs enquêtes ont permis d'y repérer
approximativement 60 kilomètres cubes de méthane (CH4) et 300
kilomètres cubes de dioxyde de carbone (CO2). Les deux gaz sont
prisonniers dans les couches profondes du lac. L'extraction de ces ressources
pourrait être la première étape d'une production massive
d'électricité, équivalente à plus de 100 milliards
de kilowattheure. Au-delà de l'aspect économique, un autre enjeu
pousse les scientifiques à prôner une exploitation du
méthane : une trop grande concentration de ce gaz pourrait, en effet,
provoquer à terme une éruption aux conséquences
catastrophiques293.
De même que dans les couches supérieures du lac,
une biodiversité jusqu'il y a peu insoupçonnée
évolue et permet une pêche relativement importante. A l'aune d'une
extraction massive du CH4, une équipe de chercheurs pluridisciplinaire
et internationale, emmenée par Jean-Pierre Descy de l'Université
de Namur, Martin Schmid de l'Institut Fédéral Suisse de Science
et Technologie Aquatique, et François Darchambeau de l'Université
de Liège, a décidé de compiler l'ensemble des
connaissances du lac dans un ouvrage de référence, y abordant ses
aspects physiques, chimiques, géologiques et biologiques294.
Outre l'ambition de prévoir les conséquences d'une extraction du
CH4 irrespectueuse du lac, les chercheurs dressent un portrait complet de
cet
mémoire en ligne consulté sur
https://www.memoireonline.com/10/18/10391/m_Les-nouvelles-technologies-de-l-information-et-de-la-communication-et-leur-application-au-developpe17.html,
le 14 juin 2022 à 14 heures 30.
293 BYABUZE BADESIRE, P., Le Kivu montagneux : espace vital ou
champ de bataille. Approche géopolitico-économique pour une paix
durable, Thèse de doctorat en Sciences Politiques et Administratives,
Unikin, SSAP, SPA, 2021, pp. 151-157.
294 BYABUZE BADESIRE, P., Op.cit., pp. 151 À
157.
115
écosystème et affichent la volonté d'en
faire un véritable ouvrage de référence d'étude de
la limnologie tropicale295.
1.2.1.1. Dioxyde de carbone et le
méthane
D'après le dernier rapport, le CH4 et le CO2 sont
dissous et stockés dans les couches d'eaux en dessous de ce «
couvercle ». Le CO2 serait hypothétiquement d'origine volcanique.
Cinq sources d'eau profondes ont un débit suffisamment important pour
être observées et elles apportent la majorité de ce gaz.
« Pour le méthane, c'est un peu plus complexe à
déterminer, explique le chercheur. Le CH4 pourrait, comme le CO2,
provenir d'une activité volcanique mais nous n'avons jamais
réussi à le démontrer. Les sources d'eau en surface ne
sont, en effet, pas chargées en méthane. On peut donc
légitimement penser que les sources profondes ne le sont pas non plus.
Le CH4 doit donc être biogénique, c'est-à-dire d'origine
biologique. L'hypothèse la plus vraisemblable serait que ce
méthane viendrait de la décomposition anaérobique de la
matière organique. Nous savons qu'en anaérobiose, la
matière organique, en se décomposant, va libérer du
carbone qui, pour moitié, se transformera en CO2, et pour moitié
en CH4, selon la formule CH3COOH (acétate) CO2 + CH4. » Ce
processus biogénique de dégradation anaérobique de la
matière organique serait, au lac Kivu, responsable d'approximativement
un tiers de la formation du CH4296.
Les autres matières proviendraient d'une
réduction bactérienne du CO2 présent dans le lac. «
Pour que cette réduction ait lieu, il faut qu'il y ait un agent
réducteur. Dans le cas de la formation du méthane, il s'agit le
plus communément du dihydrogène. Cet hydrogène, dans le
lac Kivu, pourrait lui aussi avoir deux origines. Il pourrait être
volcanique, ce qui permettrait d'expliquer la formation de ces deux tiers de
méthane sans apport de matière organique provenant du lac.
L'autre hypothèse, la plus vraisemblable, viendrait, encore une fois, de
la décomposition de la matière organique297. Il est
connu qu'avant la formation d'acétate, il peut y avoir lors de la phase
de dégradation de la matière organique formation de
dihydrogène, qui pourrait dès lors produire du méthane via
la réduction du dioxyde de carbone. Ainsi, bien que les deux tiers du
carbone intégré dans le méthane proviendraient d'une
activité
295 DESCK, J.P., et alii, Lake Kivu, Limnology and
biochemistry of a tropical great lake, Springer, 2012, pp. 1030.
296 BYABUZE BADESIRE, P., Op.cit., pp. 151- 157.
297 DESCY, J.P., et alii, Op.cit., pp. 10- 30.
116
volcanique, une production biologique de matière
organique serait nécessaire pour qu'ils apparaissent ».
1.2.1.2. Autres sources d'Energie
À Kabare c'est plus le bois de chauffage et les braises
qui sont utilisés comme source d'énergie. Principalement pour la
cuisson des aliments mais également dans la fabrication de certains
produits tels que les briques, le savon, etc. une bonne partie de la population
utilise également le pétrole surtout pour l'éclairage. Une
minorité de la population a accès au courant électrique.
En cas de disponibilité d'électricité, certaines
activités seraient envisageables telles que les moulins et les
minoteries pour le manioc et le maïs, développement des usines de
transformation de certains produits agricoles industriels comme le thé
et le café, développement des activités liées
à la technologie telles que le secrétariat public, Cyber
café, la ventes d'outils informatiques, etc.298
Pour pallier au manque de cette énergie, certains
ménages, bureaux de quelques institutions font recours aux groupes
électrogènes et aux panneaux solaires. Les hôpitaux
réhabilités, par exemple, utilisent l'énergie solaire
surtout pour l'éclairage299.
1.2.2. Exploitation du gaz et problème
d'eutrophisation du lac
Le risque d'explosion gazeuse, toutefois, doit être pris
au sérieux. Une extraction du gaz peut donc désamorcer cette
bombe à retardement. Parallèlement, l'exploitation d'une telle
quantité de méthane offre des perspectives de rentabilité
assurées et certains industriels rwandais et américains lorgnent
sur ces eaux avec envie. « Il y a actuellement quelques projets pilotes
qui n'ont pas une puissance d'extraction très élevée et
qui n'ont pour le moment aucun impact sensible sur l'écosystème
du lac, explique François Darchambeau. Dans un premier temps, ils
servent davantage à développer et à tester des
technologies qu'à en faire une exploitation rentable. Mais un gros
projet américain devrait être opérationnel à la fin
de l'année 2012. Il faut dès lors, dès maintenant, bien
réfléchir à la manière d'extraire ce gaz.
»300
298 MAMBO CHAMUNDURA, O., Op.cit., p. 30.
299 Idem., p. 31.
300 BYABUZE BADESIRE, P., Op.cit., pp. 151- 157.
117
L'extraction en soi se révèle être
relativement simple. Car, naturellement, l'eau en remontant à la
surface, retrouve peu à peu une pression atmosphérique, qui n'est
plus suffisante pour maintenir le gaz dissous à de telles
quantités, et qui, à la manière d'une bouteille de soda,
s'échappe du liquide, se décompresse pour reprendre son volume
normal, et entraîne le liquide vers le haut, ce qui explique notamment le
risque d'éruption. Le prélèvement jouit du même
processus naturel. « En remontant, l'eau se dégaze donc
naturellement. Il suffit de placer un long tube dans le lac. De plus, les
exploitants profitent de ce qu'on appelle le phénomène de siphon.
Au fur et à mesure que l'eau remonte, les bulles créées
vont elles-mêmes entraîner une remontée de l'eau, un peu
à la manière des systèmes de filtration d'eau dans les
aquariums. Il suffit donc d'un simple amorçage au départ, et puis
après cent mètres d'ascension, les bulles se forment, et l'eau
remonte toute seule. »301
A la surface, il reste un mélange eau-gaz dans la
proportion d'1 litre d'eau pour 2-3 litres de gaz. Ce qui signifie que ces 2-3
litres de gaz, dans les eaux profondes, sont compressés et dissous dans
un seul litre d'eau, et qu'ils retrouvent, à la surface, leur volume en
condition atmosphérique. Mais le mélange reste humide. Il est
donc passé à travers un séparateur qui aura pour fonction
de séparer le gaz du liquide. La phase gazeuse est
préservée, la phase liquide rejetée. Cette phase gazeuse
contient 80% de CO2, 15% de méthane et 5% d'azote. Pour obtenir le plus
grand pourcentage de méthane possible, ce gaz passe alors par une phase
de lessivage : le flux de gaz passe à travers une colonne d'eau dans
laquelle le CO2, extrêmement soluble, va se redissoudre naturellement. A
la sortie, le mélange obtenu contient entre 80 et 90% de méthane
et peut être utilisé comme combustible pour produire, par exemple,
de l'électricité302.
1.3. Du point de vue culturel
La population habitant le Territoire de Kabare est
composée majoritairement de la tribu « SHI » pour les deux
chefferies et une minorité de la tribu « Batembo » dans la
chefferie de Nindja et une poignée des pygmées au Nord de la
Chefferie de Kabare dans les groupements de Mudaka, Miti, Bugorhe et
Irhambi.
301 MAMBO CHAMUNDURA, O., Op.cit., pp. 30 À
32.
302 Idem., pp. 151-157.
118
Les principaux clans qu'on y rencontre sont les Banyamocha
constitués des princes et des dirigeants. Les autres clans sont entre
autres les Balinja, les Banyintu, les Basheke, les Bashaza, etc.
Il y a également une autre catégorie de la
population d'origine rwandaise qui habite le haut-plateau ; il s'agit des Hutu
et Tutsi généralement installés dans la crête de
cinq groupements, à savoir Mbinga-Sud, MbingaNord, Buzi sur le littoral
du lac-Kivu, et les crêtes des groupements de Ziralo et de Mubugu sur
l'axe Bunyakiri.
Ces groupements sont dirigés coutumièrement par
les Havu sur le littoral et par les Tembo sur l'axe Bunyakiri. Ces crêtes
sont communément qualifiées de « hauts plateaux de Kalehe
»303. Les Batwa sont, quant à eux,
éparpillés sur l'ensemble du territoire, dans les zones
éloignées des grands centres. Enfin, les Barongeronge sont
présents dans le groupement de Kalonge, au sud de Bunyakiri.
En effet, il est possible qu'il y ait une cohabitation
pacifique et échange culturel si chaque peuple se reconnaît en
d'autres sans céder aux manipulations politiciennes et à
l'injustice communautaire. Ça permettrait aux uns et aux autres de vivre
en paix et de participer aux efforts de développement.
Malheureusement, ces régions présentent des
spécificités en termes de diversité démographique
qui, au lieu d'être la source de développement, devient l'origine
de tensions communautaires. Ces peuples partagent aussi certaines dynamiques
locales. Par exemple, au cours des quinze dernières années, ces
régions ont connu des situations d'instabilité chronique
liées soit aux activités militaires des FARDC, soit à
celles des milices locales et le groupe armé rwandais Bahutu, les Forces
Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR)304.
En dépit des efforts en vue du rétablissement de la paix, la
violence liée aux stigmates de guerres et à la persistance de ces
milices restent d'actualité. Ces quelques éléments donnent
l'image d'un territoire naviguant entre violence et stabilité.
Les caractéristiques culturelles sont les suivantes :
303 Dans la série des craintes et des
éléments de conflictualité, cette appellation «
Hauts-Plateaux » est souvent décriée par les Chefs
coutumiers Batembo et Bahavu sous prétexte qu'à la longue,
celle-ci ne constitue, une justification ou une motivation pour la
revendication d'une autonomie politique par les Rwandophones sur des espaces
qu'ils avaient pourtant acquis coutumièrement soient des Havu ou des
Tembo.
304 PROGRAMME TUJENGE AMANI, Op.cit., p. 8.
119
Le pouvoir traditionnel est détenu par le « Mwami
». Le patriarcat est le système de parenté sur toute
l'étendue du Territoire.
Pour qu'il y ait mariage entre un garçon et une fille,
la famille du garçon doit donner la dot à la famille de la fille.
La dot se discute toujours en termes de « vache », mais il arrive des
fois qu'elle soit convertie en monnaie fiduciaire (en dollars américain
le plus souvent) et cela, après accord avec la famille de la jeune
épouse305.
Presque tous les habitants pratiquent l'agriculture et
l'élevage. Quant à la pêche, elle est pratiquée
surtout par les habitants de 5 groupements dont les côtes sont
longées par le lac Kivu.
1.4. Du point de vue environnemental et
écologique
Il est essentiellement constitué des terrains
habités, de l'eau et de la forêt qui se situe en amont des
montagnes. Ceux-ci (c'est-à-dire, les terrains habités, l'eau et
la forêt) constituent l'environnement du territoire de Kalehe et lui
offrent toutes les opportunités pour son développement à
tous les niveaux, étant donné que l'agriculture, la pêche
et l'élevage sont le fondement par excellence d'un développement
durable.
1.4.1. La terre ferme comme atout de
développement
Bien qu'ayant des cours d'eaux, le territoire de Kalehe est
bâti sur une terre ferme et riche, puisqu'il a été
remarqué que tout pousse moyennant parfois certains aménagements.
L'on y cultive facilement le bananier, les haricots, le manioc, le maïs,
l'igname, la patate douce, le palmier à huile et tant d'autres encore
que nous ne saurons citer faute d'espace.
C'est une terre riche et fertile regorgeant plusieurs
qualités et favorable à l'exploitation d'une gamme variée
de spéculations agricoles. Elle permet également de faire
l'élevage de tout animal domestique. Une terre ouverte à toute
activité vouée au développement306.
En effet, la terre de Kalehe donne la possibilité de
faire l'agriculture et l'élevage sur toute l'étendue du
territoire. L'agriculture qui ne peut pas seulement être vivrière
mais aussi industrielle. Actuellement, sur l'ensemble du
305 KASEREKA KAZURA, L., La guerre à l'Est de la
République Démocratique du Congo. Les enjeux cachés d'une
guerre asymétrique, L'harmattan, Paris, 2022, pp. 35 À 46
306 MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 44.
120
territoire, on compte environ 101 plantations et 82 marais
où sont cultivées différentes plantes. Plus ou moins 60
marais sur les 82 existants sont drainés et
exploités307. Environ 28 ont chacun la superficie moyenne de
5 à 15 hectares. Cependant, les maraîchers se butent aux
difficultés d'approvisionnement en semences améliorées. On
rappelle qu'à l'époque coloniale le territoire de Kalehe avait
six Centres de Multiplication dénommés techniquement CAPSA ou
Centres d'adaptation et de production des semences améliorées
dont les superficies variaient entre 5 et 10 hectares308.
Il faut noter que l'un de ces centres,
précisément le CM Lwami, qui fonctionne encore avait accueilli
durant la campagne agricole A de 2013 les semences de haricot Bio fortifiant du
gouvernement central et 3 ha étaient emblavés309. Les
autres problèmes auxquels font face les maraîchers, en
particulier, et tous les agriculteurs, en général, c'est le
manque de débouchés pour les récoltes ; le manque des
produits phytosanitaires et les matériels aratoires/drainage. Suite
à certaines difficultés, les agriculteurs se servent de leurs
activités uniquement pour assurer leur survie.
Pour le haricot et la patate douce, la production est souvent
destinée à la consommation locale pour une partie et la vente
pour une autre partie. Le maïs et le manioc servent pour la consommation
locale une fois transformés. Pour la banane, il y en a de deux sortes ;
la banane à table et la banane à bière. Comme les noms
l'indiquent, la première catégorie est souvent consommée
comme fruit tandis que la seconde est souvent utilisée dans la
fabrication de la bière traditionnelle locale (KASIGISI).
Par ailleurs, la terre de Kalehe donne également la
possibilité de faire l'élevage de toutes sortes, notamment
industriel. Actuellement il est pratiqué dans différents coins du
territoire. Notons, cependant, que sur les 52 pâturages communautaires
qui existaient dans le temps, la plupart sont déjà spoliés
et transformés en champs et parcelles résidentielles. Les
quelques pâturages naturels qui restent sont situés dans les
montagnes pastorales dénommées Lulamboluli et Kajeje en
groupement de Bushwira et Mudaka et c'est là où se pratiquent
encore l'élevage extensif des bovins, caprins et ovins310.
307 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46.
308 ZIMUNGU KIPULA, F., Guerre du Kivu, un complot
international, L'Harmattan, Paris, 2020, pp. 51- 73.
309 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46.
310 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.
311 Idem.., pp. 51- 73.
121
1.4.1.1. Forêt
Parmi ses richesses et autres opportunités de
développement, il y a également la forêt. On y trouve, le
diamant, l'or, les cuivres, les coltans, etc. En 2010, Kalehe avait 400kha de
couverture arborée s'étendant sur sa superficie terrestre. En
2021, elle a perdu 4.82kha de couverture arborée, ce qui équivaut
à 3.13 Mt émissions de CO2. Notons que ces riches étendues
de terre, au lieu de servir d'escalier pour atteindre le développement
deviennent plutôt des sources de tensions entre
populations311.
En effet, après de longues années de coexistence
pacifique, les différentes communautés qui constituent le tissu
démographique du territoire de Kalehe sont actuellement sur le pied de
guerre. A la base : le clivage socioéconomique qui se dessine
très nettement aujourd'hui entre les communautés vivant autour
d'importantes ressources minières stratégiques que regorge la
région de hauts plateaux de Kalehe et celle habitant la vaste plaine
herbeuse qui tapisse le littoral du lac Kivu sur une distance de plusieurs
kilomètres.
Il est important de souligner que les communautés
vivant dans les hauteurs surplombant le lac Kivu à Kalehe alternent
leurs activités agropastorales d'origine avec l'exploitation artisanale
de gisements du colombo tantalite (coltant), de la cassitérite et de
l'or qui augmentent très nettement leurs avoirs en argent et tant
d'autres biens désirables par le reste de la population.
1.4.1.2. Richesse de sol
Le sol du territoire de Kalehe dans ses variantes
s'étend en sol argileux, sol argilo sablonneux et en sol humide
caractéristique des vallées marécageuses vers les bords de
petites rivières et dans les bassins de colline. Ces sols sont
importants et arables en ce sens qu'ils sont efficaces pour la production de
produits vivriers et maraîchers, tel que le manioc, le haricot,
l'arachide, le maïs, le sorgho, les tomates, les aubergines, l'oignon et
les cultures pérennes.
122
Sur certains versants de collines, le sol est lessivé,
ce qui compromet la fertilité du sol pour une bonne activité
agricole.
1.4.2. L'eau comme atout de
développement
Les disponibilités hydrographiques de la RDC, les
ressources en pétrole, en charbon et en gaz naturel à
côté du bois de chauffe sont autant de ressources
énergétiques, nombreuses et aussi diversifiées que les
ressources minières312. Les plans d'eau couvrent environ 3,5%
de la superficie nationale. Ils se composent de 15 lacs couvrant une superficie
de 180.000 Km2, des formations aquifères souterraines et au
moins de 30 rivières, totalisant 20.000 km de berge et constituant une
source de pêcherie inestimable et d'approvisionnement en poissons pour
les populations313.
Le fleuve Congo qui a donné son nom au pays est le
cinquième par son débit moyen, le plus important du globe, soit
50.000 m 3 / seconde à l'embouchure. Il présente, avec les
affluents qu'il draine depuis sa source dans l'ex-province du Katanga, un
potentiel énergétique énorme, soit 13% du potentiel
mondial, réparti entre les barrages de Lukuga, Tshopo, Ruzizi, Zongo et
surtout celui d'Inga sur le fleuve Congo, avec une capacité de 44.000
Mégawatts314.
Dans le territoire de Kalehe, le lac Kivu est la plus grande
étendue d'eau. Au-delà de la variété
végétale qu'on y trouve, il y a, comme détaillé
ci-dessus, plusieurs matières premières susceptibles d'amplifier
le développement.
1.4.2.1. Lac Kivu comme atout de développement du
territoire de Kalehe
Un minimum de calme s'avère nécessaire lorsqu'on
s'arrache de ces paysages bruyants et vertigineux. Ernest Hemingway soutenait
que rien ne se repose mieux qu'un grand lac315, et la RDC en compte
une quinzaine répartis à travers tout son territoire. Les plus
importants, et sans doute les plus beaux, sont les lacs de montagne
créés comme pour donner une leçon d'harmonie et de
couleurs à quelques peintres de génie. A cette catégorie
appartiennent le lac Tanganyika, 32.000 Km2, deuxième du
monde pour sa profondeur (1.470 m) après le lac sibérien
Baïkal ; le lac Kivu, le plus haut d'Afrique, puisque situé
à
312 KAZUMBA K. TSHITEYA, A., cité par BYABUZE BADESIRE,
P., Op.cit., pp. 151- 157.
313 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46.
314 BYABUZE BADESIRE, P., Op.cit., pp. 151- 157.
315 DIALLO, S., Le Zaïre aujourd'hui, Ed. Jeune
Afrique, Paris, 1984, p.37.
123
1.400 m d'altitude ; les lacs Edouard et Albert, reliés
entre eux par le déversoir de la Semliki, et tous deux tributaires du
Nil.
Le lac Kivu et la rivière Ruzizi dans certains
groupements donne la possibilité de développer des
activités de pêche et activer le développement du
territoire. Malheureusement, pour des raisons multiples, elle n'est pas
très valorisée.
En effet, la pêche et la pisciculture sont
pratiquées comme des activités secondaires dans cette partie du
territoire national. D'après nos enquêtes, aucun pêcheur ou
pisciculteur ne vit exclusivement de la pêche ou de la pisciculture. Dans
le territoire de Kalehe seule la pêche dans le lac Kivu est
pratiquée alors que dans le Minova la pêche se fait en
rivière dans 25% des cas et en lac dans 75% des cas. Notons que dans
cette partie du territoire, une association locale (APROS/asbl), est en train
d'expérimenter la pisciculture lacustre intégrée à
l'élevage des porcs : cette association dispose des cages dans le lac, y
met des alevins et les nourris avec du lisier316.
L'accès à un équipement de pêche
adéquat reste un sérieux problème pour les pêcheurs
dans le territoire de Kalehe. L'usage de filets maillants par certains
pêcheurs crée souvent des conflits entre pêcheurs car la
population pense que ce genre de filet compromet l'avenir de la pêche en
capturant les alevins, ce qui diminue le taux de capture.
Les pisciculteurs ne sont pas formés sur les
méthodes et techniques piscicoles et beaucoup se buttent au
problème de manque d'alevins.
a. Couvercle permanent à 250
mètres
Au-delà de ce qui est décrit supra, le lac Kivu
est aussi un lac méromictique. C'est-à-dire un lac dont les eaux
de surface et les eaux profondes ne se mélangent jamais. Si ces eaux ne
se mélangent pas, c'est principalement pour deux types de raison. Tout
d'abord, leur profondeur et leur faible exposition aux vents, empêchant
la convection par la force du vent d'y mélanger les eaux au-delà
de quelques dizaines de mètres de profondeur. « Actuellement les
eaux de surface, bien que plus froides, sont, en effet, moins riches en sel que
les eaux profondes, développe François Darchambeau, chargé
de recherche à l'Unité d'Océanographie Chimique de l'ULG
et coéditeur de l'ouvrage317.
316 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46.
317 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.
124
Les eaux profondes sont d'environ 2°C plus chaudes que
les eaux de surface mais elles sont surtout beaucoup plus riches en sel
(jusqu'à 6 grammes par litre). Cette richesse en sel joue sur la
densité de l'eau et augmente considérablement l'énergie
nécessaire pour provoquer un mélange complet des eaux du lac.
Comme celui-ci se situe à 1400 mètres d'altitude, coincé
au milieu d'une chaîne volcanique dont les sommets dépassent les
4000 mètres et bloquent donc partiellement les vents, cette
énergie n'est pas présente. Ainsi, seuls les 60 premiers
mètres du lac se mélangent régulièrement lors de
chaque saison sèche. »318
Cette augmentation constante de la salinité avec la
profondeur a deux origines. Premièrement, la sédimentation.
« Les éléments qui se trouvent en surface se mettent peu
à peu à couler. Une fois en dessous des 250 mètres, ces
sédiments sont bloqués, ne peuvent plus remonter, comme s'il y
avait un couvercle à cette profondeur. Ainsi, peu à peu, les eaux
profondes s'enrichissent de tous ces éléments qui se trouvaient
en surface, notamment des sels nutritifs. » Cet apport est dit
biogénique. C'est-à-dire qu'il résulte de la
sédimentation de matières biologiques, qui « meurent »
et qui plongent dans les eaux profondes319.
Un deuxième apport en sel est géogénique,
d'origine terrestre. A environ 250 mètres en dessous de la surface, le
lac Kivu est alimenté par de l'eau de source probablement
infiltrée dans des failles du sol d'origine volcanique. Cette eau est
plus chaude. Elle devrait donc être moins dense par sa chaleur et
remonter en surface. Mais elle est fortement chargée en sel. Sa
densité est donc plus forte et elle plonge également.
b. Dangereux prisonniers des couches
profondes
Ces eaux fortement concentrées en méthane sont
une richesse potentielle considérable. Ce gaz peut, en effet, être
utilisé comme combustible pour, par exemple, produire de
l'électricité. Mais une telle quantité de gaz dissoute par
la pression de l'eau profonde, ajoutée à celle encore plus
importante du CO2, constitue également une véritable bombe
à retardement et peut être dévastatrice.
Deux lacs camerounais contiennent également de grandes
quantités de CO2 dissous, en bien moindre quantité toutefois que
le lac Kivu. Le lac Monoun
318 Idem., pp. 51- 73.
319 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46.
125
a connu une éruption gazeuse en 1984 et le lac Nyos,
dont l'éruption date de 1986, a tué près de 2000
personnes320.
Une éruption limnique peut être provoquée
de multiples manières. La première serait une accumulation et
donc une concentration trop grande de gaz qui ne pourrait plus se dissoudre
dans une eau déjà saturée et qui remonterait dès
lors en grandes quantités à la surface sous forme de bulles. Une
autre remontée éruptive de gaz pourrait également
être causée par un déclencheur (comme une éruption
volcanique, un glissement de terrain ou un tremblement de terre), qui
créerait des vagues d'eau internes contenant des gaz dissous, eaux qui
remonteraient à des pressions inférieures et libéreraient
ainsi soudainement les gaz en sursaturation, à mesure que la pression
hydrostatique baisserait.
Dans le cas du lac Kivu, la libération à la
surface de l'entièreté du méthane et du CO2 actuellement
dissous dans ces eaux créerait un nuage de gaz s'élevant
jusqu'à plus de 100 mètres au-dessus du niveau actuel du lac. Ce
nuage recouvrirait entièrement la région et, donc, entre autres
les importantes villes congolaises de Goma et de Bukavu. Le nuage toucherait
ainsi au minimum deux millions de personnes. Elles décèderaient
soit par l'éruption elle-même, soit à cause du nuage de
gaz. Outre sa toxicité directe, le CO2 étant plus lourd que
l'air, celui-ci stagnerait au niveau du sol et chasserait l'oxygène vers
le haut, asphyxiant toutes formes de vie aérobie, incluant donc les
êtres humains321.
Cependant, le chercheur rassure d'emblée en stipulant
qu'il ne sert à rien de tenir des propos catastrophistes. L'eau à
275 mètres de profondeur contient actuellement une concentration en gaz
dissous de 50 à 60% de la saturation. Cette concentration augmente avec
la profondeur mais la pression hydrostatique augmente également et
autorise une plus grande quantité de gaz dissous322. Le point
le plus critique se trouve à 275 mètres de profondeur. C'est
là où, dans le cas d'une éruption gazeuse, les
premières bulles pourraient se former. Une étude récente
montre que la concentration en CH4 dans le lac aurait augmenté de 10
à 15% entre 1974 et 2004.
Malgré une certaine marge d'erreur, il est possible
d'estimer à un siècle la période qui resterait avant que
les eaux du lac n'arrivent à saturation. D'ici là, les eaux
seront en grande partie dégazées par l'exploitation industrielle
qui se sera sans doute mise en place. Actuellement, seul un
événement majeur qui provoquerait une remontée des eaux
d'une centaine de mètres pourrait
320 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.
321 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46.
322 Idem., pp. 35 -- 46.
126
provoquer un dégazage naturel significatif. Et ces
événements sont particulièrement rares. « A priori,
la dernière éruption gazeuse du lac Kivu, selon l'étude
des sédiments, remonterait à près de 5 000 ans »,
rassure le chercheur. Cependant, une baie située au nord-ouest du lac,
à proximité de la ville de Goma, la baie de Kabuno,
suscite-t-elle des inquiétudes plus immédiates. Aucune
étude récente n'a, en effet, fait le point sur l'évolution
des concentrations en gaz qu'elle peut contenir. Cette étude, urgente,
devrait pouvoir se faire très prochainement323.
1.4. Du point de vue économique
La vie socio-économique des villages s'articule
principalement autour des activités agro-pastorales, suivi par le petit
commerce puis, dans une moindre mesure, de l'extraction artisanale de la
tourmaline et de l'or. Bien que vivant en majorité de l'agriculture, la
population connaît d'énormes problèmes conjoncturels. En
effet, selon les agriculteurs, la production agricole a fortement
diminué de par les mouvements de population chroniques et la
présence d'hommes en armes.
De manière générale, 70-80% de la
population hôte semblent tirer principalement leurs revenus de la vente
des récoltes tandis que moins de 20% disposent de quelques têtes
de bétail et vendent donc des produits d'élevage (viande et lait
de vache)324. La population déplacée est quant
à elle davantage orientée vers les activités
journalières telles que les transports de marchandises (pour les petits
commerçants) ou les travaux agricoles dans les champs d'un tiers. Les
principales sources de revenus de la majorité de la population sont
précaires car elles sont liées à des activités
périodiques ou dépendantes non seulement de l'accès
à la terre mais des échéances du calendrier agricole :
vente de récoltes, transport de marchandises pour approvisionner les
marchés ou les travaux champêtres.
En ce qui concerne l'accès à la terre pour des
activités agricoles, notons qu'il est à la source de plusieurs
conflits intercommunautaires. Plusieurs concessions sont entre les mains de
quelques personnes et crée la frustration au sein de la population
moyenne qui n'a pas accès à ces terres.
Cependant, il est possible de développer des
activités économiques dans le domaine agricole pour
déclencher le processus de développement espéré.
323 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46.
324 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.
127
1.4.1. Commerce
Le territoire de Kalehe, pour son interconnexion et son
ouverture aux pays voisins, donne la possibilité d'exercer de petits et
grands commerces. Il peut s'agir de la vente en gros et en détail des
produits agricoles, des produits manufacturés (le lait en poudre, le
sucre, savons, eau minérale, etc.), de la vente des médicaments
(pharmacie), de ventes des matériaux de construction (quincaillerie) et
la vente des produits Bralima et autres. Le commerce est surtout
développé dans la partie Nord (Mudaka, Miti, Kavumu et Katana)
mais également vers le Sud (Mumosho et Nyatende)325.
1.4.2. Principales activités des
PME/PMI
- Fermes et plantations locales
- Dépôt relais Bralima et autres boissons
- Dépôt des produits agricoles tels que le Manioc,
l'Huile de palme, etc.
- Dépôt de ciment, dépôt de
matériaux de construction (quincaillerie),
- Menuiserie, Tannerie, scierie et atelier de couture
- Les activités liées aux fermes et aux plantations
sont les plus nombreuses.
On peut citer par exemple la ferme Mudumbi à Kavumu, la
plantation
Kanonzi, la plantation Kidumbi de Kasaza à Mudaka, etc.
Pour le dépôt
relais, on peut citer Tems et Baba Africa, tous à
Mudaka.
Les activités liées à la tannerie
permettent la fabrication de ceintures, des sacs, etc.
I.5. Du point de vue démographique ou
humain
Le développement d'un milieu dépend en premier
lieu des ressources humaines et naturelles (eau, pétrole, gaz, diamant,
or, coltan, faune et flore, etc.).
C'est dans cette optique que Tabah nous démontre
à travers les extraits de la déclaration de Mexico sur la
population et le développement que pour être réalistes, les
politiques, les plans et les programmes de développement doivent tenir
compte des liens inextricables qui unissent la population, les ressources et
l'environnement au développement326.
325 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46.
326 TABAH, L., « conférence Mondiale et Plan Mondial
pour la population », in Dossier technique, UNESCO, n°5,
1985, pp. 3-6.
128
Pour ce qui est de la population du territoire de Kalehe, elle
est actuellement estimée à plus ou moins 752 571 habitants, avec
une densité de 180 hab. /Km2 et se compose des autochtones
pour peu d'étrangers. La grande majorité de la population est
jeune et donne la possibilité au territoire d'avoir une main d'oeuvre
jeune et capable de travailler à la hauteur de défis de
développement à relever.
1.6. De l'organisation sociale
L'organisation sociale du territoire de Kalehe donne la
possibilité de promouvoir le développement. Pour comprendre cela,
nous avons cherché à savoir comment étaient
organisés les villages ; comment était réparti le pouvoir
au sein d'un village et si les villageois se regroupaient ou non pour exercer
des activités communes.
Chaque entité est, d'une façon administrative,
gérée par un chef de poste d'encadrement administratif qui
représente l'administrateur du territoire. Chaque poste d'encadrement
administratif compte plusieurs localités dirigées chacune par un
chef de localité qui gère aussi les chefs de villages de sa
juridiction. Ces derniers sont désignés de façon
héréditaire.
On observe peu de travaux communautaires dans ce territoire,
néanmoins il existe de petites activités organisées par
certains groupes religieux qui essaient de venir en aide à leurs membres
dans le cadre de l'entraide mutuelle et quelque fois aux autres membres de la
communauté mais moyennant paiement de quelques frais au profit de la
caisse de ladite organisation pour son fonctionnement.
Sections 2. Quelques obstacles au développement du
territoire de Kalehe 2.1. Conflit entre originaires et non
originaires
Dans le territoire de Kalehe les conflits de territoire et des
terres opposent les groupes ethniques bien connus. Ce territoire est
constitué de deux chefferies agrandies par l'administration coloniale,
à savoir le Buhavu et le Buloho. La chefferie de Buhavu formée de
sept groupements est officiellement reconnue et attribuée aux Bahavu.
Sur les sept groupements ils en occupent trois, à savoir : Buzi, Mbinga
Nord et Mbinga Sud. Les Bahavu sont à égalité avec les
Batembo qui occupent trois autres groupements dont Kalima, Mubuku
129
et Ziralo. Le groupement de Kalonge est occupé par les
Barongeronge. A la période postcoloniale, ces derniers avaient
été détachés du territoire de Kabare pour
être annexés à celui de Kalehe327.
Le chef Kalonge arborant tous les symboles du pouvoir
traditionnel réclame l'autonomie et l'érection de son groupement
en « chefferie » de Kalonge. La demande d'autonomie est source de
tensions avec les Bahavu qui perdraient ainsi une partie du territoire, des
contribuables et des marchés. Aussi, l'autonomie est-elle
réclamée par les Batembo qui ambitionnent de reconstituer leur
unité culturelle perdue à partir de 1945 de s'assurer le
contrôle des ressources et leur développement. Ces derniers sont
dispersés dans la province du Sud-Kivu et localisés dans la
chefferie de Buhavu, dans le groupement de Kalonge, dans la chefferie de Nindja
en territoire de Kabare et, enfin, à Luyuyu en territoire de
Shabunda.
Dans la province du Nord-Kivu, les Batembo vivent à
Ufamandu et Katoyi dans la chefferie de Batembo en territoire de Masisi et dans
le groupement de Walowa Loanda en chefferie de Wanyanga dans le territoire de
Walikale.
Le conflit de territoire entre Batembo et Bahavu est devenu
ouvert en septembre 1999 quand le mouvement politico-militaire connu sous le
nom de Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) occupait l'Est
du pays. Pendant la rébellion contre le gouvernement central de
Kinshasa, le RCD avait érigé à titre provisoire Bunyakiri
en territoire par un arrêté départemental. L'existence
définitive de ce territoire a été confirmée par un
arrêté départemental du 22 juillet 2002. Ces modifications
faisaient perdre aux Bahavu une zone importante d'influence, des sites miniers
mais aussi la paix par la recrudescence des conflits interethniques entre
groupes autochtones.
Enfin, les conflits interethniques sur fond territorial
opposent le groupe de Banyarwanda (Batutsi et Bahutu) contre les Bahavu et
Batembo dans les moyens et hauts plateaux en territoire de Kalehe. Ces conflits
ont commencé sur fond de contestation de la nationalité des
Bahutu et Batutsi qu'ils seraient des étrangers installés dans
cette partie du territoire favorable à l'agriculture et à
l'élevage de gros bétail328.
327 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46.
328 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46.
130
A l'épineuse question de nationalité est venue
se greffer la question foncière. Ces deux facteurs font que les Batembo
et Bahavu nient le droit de nationalité et de contrôle des terres
aux Banyarwanda car ils les considèrent comme des étrangers
à part entière. Ils situent leur présence au Congo en
1959, jetant ainsi dans les oubliettes l'existence des chefferies
traditionnelles des Bahutu et la Mission d'Immigration de Banyarwanda
organisée par l'administration coloniale au Gishali et Jomba en 1936 au
Nord-Kivu.
Les Banyarwanda rejettent ces allégations et disent
qu'ils ont rompu tout lien d'attache avec le Rwanda et sont donc congolais ;
leur nationalité étant pour ainsi dire reconnue et couverte par
la constitution du 18 février 2006. Pour ces différentes raisons,
ils exigent la révision des limites des entités
héritées de la colonisation pour les constituer également
en chefferie agrandie et leur reconnaître l'exercice effectif du pouvoir
coutumier au même titre que les autres groupes ethniques établis
au Congo. Ces revendications ont poussé le RCD à instituer les
hauts plateaux de Buzi en chefferie et à confier sa direction aux
Banyarwanda. Par cet acte, le RCD a envenimé les relations entre groupes
ethniques locaux329.
2.2. Présence des groupes armés
étrangers et militarisation des communautés locales
Les différents conflits militaires dans le Sud-Kivu ont
favorisé l'émergence des milices (Mai-mai, Audacieux, Ngomino,
Twirwanire, Batiri, Bakobwa, etc.) qui sont de véritables machines de
destruction de la vie et des actions du développement. Cette logique est
encouragée par les différentes ethnies et leurs enfants qui
contribuent de manière consciente ou inconsciente à affaiblir
l'Etat congolais et à alimenter l'instabilité politique par des
revendications des territoires ethniques et de l'autochtonie. Ces
revendications attisent les tensions sociales et alimentent les divisions : le
travail de l'Etat congolais consiste à démilitariser les
communautés et à initier des actions susceptibles de renforcer
l'unité et la paix sociales330.
Qu'est-ce qui explique la militarisation des
communautés locales dans le territoire de Kalehe ? Quelques
éléments justifient cette réalité qui ne permet pas
à ce territoire de déclencher un véritable processus de
développement.
329 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.
330 Selon une enquête de PADEBU de juin 2007 menée
auprès des acteurs locaux et des FDLR.
131
2.2.1. Présence des groupes armés
étrangers dans le territoire
Les conflits armés à l'Est commencent à
partir du génocide rwandais en 1994. Dès lors, plusieurs
mouvements politico-militaires s'installèrent à l'Est et plus
particulièrement dans le territoire de Kalehe. Les Forces
Démocratiques de Libération du Rwanda constituent le plus
important mouvement politico-militaire étranger encore présent
à l'est de la RDC, une présence estimée de 6000 à
7000 combattants pour les deux Kivu et environ 2000 dans le seul territoire de
Kalehe. Ce groupe armé est essentiellement composé de Hutus
rwandais issus des ex-FAR, des Interahamwe et des populations civiles qui
fuirent le Rwanda en 1994 suite à la progression foudroyante et
irrésistible du FPR au lendemain du génocide331.
Outre les forces combattantes, les FDLR comptent plusieurs
milliers de civils, communément appelés « dépendants
», principalement constitués des femmes et enfants des combattants.
Si les premières ambitions des mouvements mis en place par les Hutus
rwandais étaient de renverser militairement le gouvernement rwandais
pour y restaurer un pouvoir hutu, aujourd'hui les FDLR ne concentrent plus
suffisamment de puissance militaire pour constituer une réelle menace
pour le pouvoir en place à Kigali. Ils continuent toutefois de
dénoncer ce régime comme « une dictature sanguinaire »
et exigent comme condition à leur retour l'organisation d'un dialogue
politique inter-rwandais qui devrait permettre aux membres du mouvement
d'accéder à des postes politiques et militaires de
responsabilité au Rwanda332.
A partir de là, après le
démantèlement des camps de réfugiés, les ex-FAR et
Interahamwe réorganisés en ALIR, deviendront à partir de
1998 les alliés de Laurent Désiré Kabila et des mouvements
Maï-Maï dans la lutte contre la rébellion du RCD à
l'Est du pays. Dans le territoire de Kalehe, l'ALIR et, ensuite, les FDLR
cohabiteront et combattront aux côtés des éléments
Maï-Maï de Padiri jusqu'en 2003, occupant avec ces derniers les
vastes forêts et milieux ruraux du territoire, tandis que le RCD en
contrôlait les centres urbains333.
A partir de 2003, avec les accords de paix et la mise en place
d'un gouvernement de transition impliquant tous les belligérants,
Maï-Maï y compris,
331 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.
332 Le Rapport final du Groupe d'experts du Conseil de
Sécurité des Nations Unies du 12 décembre 2008
(S/2008/773) relève plusieurs cas de livraisons d'armes et de munitions
par des officiers FARDC au groupe PARECO (pp. 32-34).
333 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.
132
les FDLR, qualifiés désormais de « forces
négatives », occuperont la grande partie de l'espace
abandonné par les Maï-Maï. Ils contrôlaient, c'est
encore le cas dans certains coins du territoires, une vaste zone du territoire
de Kalehe et de nombreux villages, dont les principaux sont Ngokwe, Kauma,
Kaciri, Lai-Lai et Ramba dans le groupement de Mubugu ; Lumendge, Ekingi,
Mangaa, Cinene et Bushibwambombo dans le groupement de Kalima ; Chibinda,
Bugaru, Mutale dans le groupement de Kalonge et la forêt de Chinono,
Chambombo dans le groupement de Ziralo ainsi qu'une grande partie du groupement
de Musenyi en chefferie de Buloho. Les FDLR du territoire de Kalehe
opèrent à partir de quatre bases principales dont Ekingi
(groupement de Kalima), Ngokwe (groupement de Mubugu), Bugaru (groupement de
Kalonge) et Chambombo (groupement de Ziralo)334.
Tous ces groupes armés ont tué, pillé et
exploité les matières précieuses minérales et
autres de la RDC. Les frustrations consécutives à leurs
activités avaient amené certaines communautés à se
militariser et à faire face à l'envahissement étranger.
C'est le cas jusqu'aujourd'hui.
2.2.2. Les Patriotes Résistants Congolais
(PARECO)
Créé dans le Masisi en mars 2007 à partir
de différents groupes armés Hutu, Tembo, Hunde et Nande de
Masisi, Rutshuru et Walikale, le PARECO est rapidement devenu l'un des groupes
armés congolais les plus importants du Kivu (le troisième selon
le rapport des experts du Conseil de Sécurité) et certainement le
premier groupe armé congolais (GAC) du territoire de
Kalehe335. Le PARECO s'y est implanté en deux temps : d'abord
à partir de septembre 2007 dans certains villages du groupement de
Ziralo (Lumbishi, Shandje et Chambombo) et ensuite dès 2008 sur
l'ensemble de hauts plateaux de Kalehe.
Réunis sous la bannière de la lutte contre le
CNDP de Laurent Nkunda, les miliciens du PARECO ont
bénéficié de la collaboration et du soutien direct de
certains officiers FARDC avec lesquels ils collaborèrent dans les
affrontements contre le CNDP jusqu'en décembre 2008. Ces miliciens
proviennent entres autres des groupes armés de Mugabo (un Hutu de Masisi
qui est devenu le chef d'état-major du mouvement), de Lafontaine (un
Nande de
334 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46.
335 Le Rapport final du Groupe d'experts du Conseil de
Sécurité des Nations Unies du 12 décembre 2008
(S/2008/773) relève plusieurs cas de livraisons d'armes et de munitions
par des officiers FARDC au groupe PARECO (pp. 32-34).
133
Rutshuru), de Limenzi (un Tembo de Remeka, dans le territoire
de Masisi) et, enfin, de Bigembe (un autre Hutu de Remeka)336.
Toutefois, dans les hauts plateaux de Kalehe, le PARECO
était composé exclusivement de Hutus rwandophones et est de ce
fait considéré comme un groupe de défense des
intérêts hutus par les autres communautés de Kalehe. Le
PARECO est organisé en une division du Nord-Kivu et en une division du
Sud-Kivu, elle-même constituée de deux « bataillons »,
celui du colonel Wegamiye, un ex-capitaine FARDC de la 15ème BI qui
contrôle la partie Sud de hauts plateaux de Kalehe (Bushaku, Nyamugari et
Nyawaronga) et celui du colonel Gwigwi qui contrôle la partie Nord de
hauts plateaux (Shandje, Lumbishi, Ramba et Chambombo)337.
2.2.3. Les Mal-Mal Kirikicho
Il est une milice essentiellement composée des Batembo
des groupements de Ziralo et Ufamandu (Walikale), groupements qui constituent
les zones d'occupation du groupe. Ancien capitaine Maï-Maï de Padiri,
Kirikicho, frustré par le grade de major qui lui fut attribué au
moment de l'intégration des forces belligérantes en 2003, refusa
de rejoindre les FARDC et préféra regagner la forêt de son
groupement natal de Ziralo avec quelques-uns de ses éléments. De
2003 à 2005, Kirikicho et ses hommes étaient dans une phase
d'organisation et de recrutement de telle sorte que les populations semblaient
ignorer les motivations du groupe338.
Ce n'est qu'à partir de 2006 que Kirikicho commence
à se faire connaître comme groupe armé congolais par les
organisations locales de développement ainsi que par la 10ème
Région Militaire FARDC (Sud-Kivu) : les acteurs de la
société civile, d'une part, et des officiers FARDC, d'autre part,
entrent alors en contact avec le groupe pour le sensibiliser au processus
d'intégration dans les FARDC. Kirikicho accepte d'intégrer les
FARDC à la mi-2007 et se regroupe avec ses combattants à Nyabibwe
où il est récupéré pour être amené
à la 10ème Région Militaire339.
336 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.
337 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46.
338 Le Rapport final du Groupe d'experts du Conseil de
Sécurité des Nations Unies du 12 décembre 2008
(S/2008/773) relève plusieurs cas de livraisons d'armes et de munitions
par des officiers FARDC au groupe PARECO (pp. 32-34).
339 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.
134
Au-delà de la reconnaissance par la
10ème Région Militaire du grade de lieutenant-colonel,
l'homme retourna en forêt avec ses hommes sous prétexte que ses
doléances n'avaient pas été considérées par
la 10ème Région Militaire, à savoir son
remplacement à Ziralo par des militaires FARDC afin de protéger
la population civile des exactions des FDLR, le paiement du solde de ses
hommes, et enfin, la reconnaissance d'un grade supérieur. De son
côté, la 10ème Région affirma qu'elle avait
laissé Kirikicho retourner à Ziralo afin qu'il rassemble ses
hommes et les amène tous au brassage mais ce dernier ne revînt
jamais. Le groupe occupe depuis lors les forêts de Ufamandu et de Ziralo,
son état-major étant basé à Biriko (Ufamandu)
jusqu'en janvier 2009340.
Jusqu'aujourd'hui ces groupes armés oeuvrent dans le
territoire de Kalehe et ne facilitent pas la tâche à cette
entité pour déclencher le processus de développement.
C'est à ce niveau que l'Etat congolais doit intervenir avec
efficacité pour faire face à ces multiples menaces militaires.
2.3. Intégration mitigée des
communautés par le territoire
Les cas étudiés révèlent que
l'intégration par le territoire est partiellement une réussite
pour les Babuyu, Barongeronge et Batembo. Ils se sentent en
insécurité par rapport aux groupes majoritaires qui leur imposent
une sorte de domination politique, économique et culturelle ;
d'où les revendications d'autonomie territoriale. D'une part, les
revendications vont dans le sens de réclamations de réparation de
pouvoir, de partage de diverses ressources et de promotion de l'identité
culturelle de chaque ethnie. D'autre part, et en cas de persistance des
conflits interethniques, il s'agira de procéder à des
enquêtes pour statuer sur les questions saillantes liées au
regroupement des habitants et au démembrement des entités pour
autonomie.
L'intégration par le territoire est une réussite
totale pour les Babembe, Bafuliru, Bahavu et Bavira. La lutte contre la
pauvreté rurale est indiquée pour les occuper. Pour les Barundi
de la plaine de la Ruzizi, leur intégration par le territoire n'est pas
irrésoluble. Leur entité est légalement
délimitée et cadrée. Le rôle de l'Etat consiste
à faire cesser les ambitions hégémonistes et les
340 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46.
135
contestations de leurs voisins au sujet de l'existence du
pouvoir coutumier et de la chefferie agrandie des Barundi341.
Retenons que la question de l'intégration
mitigée est à la base de plusieurs conflits interethniques,
même armés. Il est, d'ailleurs, la question principale qui se pose
au niveau national et qui, jusqu'à nos jours, reste encore
énigmatique. Pour répondre à cette problématique,
plusieurs options sont proposées. Il y a ceux qui pensent que pour
répondre à cette question, il faut procéder par l'approche
multiculturaliste. C'est-à-dire, l'Etat doit mettre en place, en
collaboration avec les communautés locales, un mécanisme qui
consistera à amener les différentes communautés à
vivre avec les différences que proposent d'autres communautés.
C'est-à-dire vivre dans une société multiculturelle. Cette
approche met l'accent sur la tolérance mutuelle que doivent
développer les différentes communautés qui sont
obligées de vivre ensemble.
D'autres, en revanche, proposent-ils une approche
assimilative.
Cette approche responsabilise plus l'Etat qui a la noble
mission de rassurer, que cela se réalise sur les plans
sécuritaire, économique et sanitaire pour toutes les
communautés, minoritaires ou majoritaires. En effet, pour cette
approche, l'Etat doit imposer un style de vie qui oblige toutes les
sociétés à vivre ensemble et dans l'harmonie. C'est cette
approche qui était utilisée sous la deuxième
République par le Président Mobutu, qui, pour la cohérence
et la concorde nationale, avait opté pour la politique de gouvernance
des non originaires. Notons, cependant, que cette approche est contestée
par d'autres auteurs. Par exemple Mulambu Mvuluya qui pense que l'approche
assimilative est vouée d'avance à l'échec parce qu'elle ne
touche pas l'âme de la population. Celle-ci, par crainte de
répression, peut obéir en faisant semblant de vivre ensemble mais
quand l'occasion se présente elle succombe.
Enfin, il y a l'approche circonstancielle. D'après
cette approche, l'intégration est liée aux
événements. Il y a des circonstances qui obligent les peuples
à vivre ensemble et à se surpasser. Par exemple les guerres, les
calamités naturelles et tant d'autres événements qui
peuvent provoquer l'intégration spontanée.
341 Le Rapport final du Groupe d'experts du Conseil de
Sécurité des Nations Unies du 12 décembre 2008
(S/2008/773) relève plusieurs cas de livraisons d'armes et de munitions
par des officiers FARDC au groupe PARECO (pp. 32-34).
136
En ce qui concerne le territoire de Kalehe,
l'intégration n'est pas encore effective et, à ce niveau, son
absence est à la base de toutes les tensions intercommunautaires
observées à ce jour.
2.4. Conflits fonciers
Le genre de conflits que nous analysons ici oppose des voisins
propriétaires de terres situées en territoire de Kalehe. Il
s'agit d'une région qui compte une population évaluée
à 752 571 habitants que l'UNESCO classe dans la catégorie de
régions faisant partie du patrimoine mondial de l'humanité. Par
sa position stratégique, ses terres fertiles, le territoire de Kalehe
continue de faire l'objet d'un accaparement de terres. Cette situation est au
centre de tensions, voire de conflits entre communautés et agents du
cadastre foncier et pouvoir coutumier342.
Précisons que le territoire de Kalehe est certes un
site urbano-rural et peuplé par des paysans agriculteurs mais des
centaines de personnes y vivent et y ont acheté des terres.
L'intérêt pour ce site a commencé en 1994 lors de
l'entrée massive des réfugiés. Cependant, notons que la
migration rwandaise commence déjà à partir des
années soixante quand il y a eu des mouvements migratoires des Hutu vers
les hauts plateaux. Pendant cette période, la population locale n'en
faisait pas un problème parce que l'actuel haut plateau de Kalehe
était considéré par les autochtones comme un lieu non
habitable. Il faisait trop froid et les conditions de vie étaient
très difficiles. Plus tard ces derniers vont se rendre compte que
l'ensemble de leurs richesses étaient sur le lieu qu'ils ont
cédé aux nouveaux venus pour s'y installer. Ces envahisseurs,
d'après nos enquêtés, en tirent plus de profit que les
peuples autochtones et ne partagent pas les bénéfices avec
d'autres peuples pourtant véritables propriétaires de terres
disponibles.
Au-delà de cette revendication, les populations locales
se rendent compte que la grande partie de leurs terres, héritage des
aïeux, est entre les mains d'une minorité, de surcroit
étrangère. Cette dernière exploite ces terres et
deviennent de plus en plus riches tandis que les bas peuples vivent dans une
misère extrême.
En effet, pour la coutume locale, les terres appartiennent au
Mwami. Le seul pouvant en confier le droit de jouissance aux gens qui lui en
expriment
342 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.
137
le besoin. Le mode d'acquisition est régi par des
procédures coutumières dont les plus importantes
sont343 :
- Le KALINZI : c'est un prix payé pour le droit
d'utilisation de terres. Ce prix est toujours exigé en nature,
généralement en vaches ou en chèvres. L'acquisition de ces
terres reste par héritage ;
- Le BWASA : pour ce contrat, l'exploitant agricole prend la
terre en location (champ) auprès d'un autre cultivateur pour une courte
durée. Cette localisation se fait aussi en nature et ne fait pas partie
de l'héritage, seules les cultures vivrières étant
concernées.
Notons qu'en Mbinga-Sud, le système de Kalinzi n'est
plus prise en considération par le simple fait qu'il y a vente des
plantation à des privés par l'Etat, par exemple à la
PHARMAKINA, au comité Anti Bwaki, etc.
Tous les cultivateurs appliquent le système de Bwasa
pendant une saison renouvelable avec une mesure appelée « piquet
» de 50m2 et cela moyennant quelque chose comme gage.
Au niveau du territoire, il y a le système de cadastre
qui a vendu officiellement des parcelles avec contact sans tenir compte de la
coutume. Cette façon de faire est également au centre des
conflits fonciers et ne facilite pas un bon climat de collaboration entre le
pouvoir coutumier et l'Etat qui est considéré par les autochtones
comme corrompu et complice de l'injustice sociale observée dans le
territoire de Kalehe.
2. 4. Fragilité de l'Etat
La résurgence des conflits de territoire est une
résultante de la fragilité de l'Etat congolais. À ce
propos, l'élite de Banyamulenge note dans son document que l'Etat est
entièrement responsable de la dégradation de la situation sur ces
conflits naissants pour n'y avoir pas apporté des solutions
appropriées en temps utiles. Quand son autorité sera
restaurée, l'Etat congolais devrait afficher une position nette à
ce sujet et initier un programme de lutte contre la pauvreté et
d'éducation à la paix sociale344.
Cependant, les cas analysés montrent qu'ils continuent
à exister sur le plan anthropologique et sociologique. Les groupes
ethniques territorialisés ou non à l'époque coloniale
continuent à se définir par rapport à l'espace
343 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46.
344 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46.
138
identitaire, à s'affirmer et à réclamer
les appartenances aux territoires ethniques. Ces appartenances, affirmations et
revendications des territoires primaires ou culturels constituent les
identités territoriales qui sont à la base des conflits entre les
groupes ethniques au Sud-Kivu. Elles opèrent selon quatre
modalités stratégiques, à savoir345 :
- La pratique d'autodéfense du territoire
étatique par la formation des
milices, la transmission aux générations futures
par la socialisation ; - La justification de l'existence antérieure
à l'espace par un discours de
légitimation ;
- La négation et l'exclusion du groupe ethniques
voisin.
Notons que les identités territoriales opèrent
sur base du principe de négation et d'exclusion du groupe ethnique
voisin. Les groupes ethniques en conflits se définissent et
s'identifient à un espace bien délimité par la puissance
publique, ils le privatisent et s'en approprient dans le contexte de
fragilité de l'Etat congolais pour nier l'occupation et l'existence
antérieures de la partie adverse sur l'espace avant la colonisation. La
négation et l'exclusion provoquent des conflits de territoire. Les cas
étudiés sont autant des illustrations à ce sujet.
En effet, les identités territoriales s'expriment en
termes de légitimation. Chaque groupe ethnique cherche à
justifier son existence antérieure à la colonisation sur l'espace
disputé. Le discours de légitimation qu'il tient, nie l'histoire
de la réorganisation territoriale et administrative que le territoire
primaire a subie au fil des années. Ce discours magnifie les
qualités du territoire ethnique et lui attribue les
propriétés d'un espace d'existence propre. C'est de cette
façon que le discours d'exclusion devient une source des conflits de
territoire en distinguant les originaires et les non originaires, les
autochtones et les allochtones. Ces catégories conceptuelles voilent les
enjeux de nationalité et d'organisation politique à base
coutumière (pouvoir coutumier)346.
En définitive, les ethnies dans ces différents
territoires se disputent le territoire qui relève de la
souveraineté de l'Etat congolais. Elles entrent en conflit pour les
enjeux géopolitiques dont l'autonomie, le territoire, les ressources, le
pouvoir qui sont autant des facteurs qui motivent la revendication du
remembrement ou du démembrement : deux modalités reconnues
uniquement à l'Etat congolais par la constitution citée plus
haut.
345 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.
346 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46.
139
Section 3. Enjeux de développement de Kalehe 3.1.
Enjeux Politiques
La guerre chasse les capitaux, dit-on. C'est-à-dire on
ne peut pas envisager le développement sans paix. Voilà pourquoi
sur le plan politique, les acteurs doivent se concerter pour chercher une paix
durable. Et au centre de cette concertation, il y a la justice. Mais
malheureusement les enjeux politiques, motivés par l'égoïsme
de la population, ont toujours été au coeur du maintien ou de la
création des groupes armés.
La conférence de Goma et le lancement du programme
Amani en janvier 2008 ont renforcé de manière accrue les gains
politiques et économiques qu'il était possible d'obtenir de la
part des leaders des groupes armés congolais. En les incluant au sein
des discussions politiques d'envergure qui leur confèrent une
légitimité nouvelle et plus particulièrement encore en
définissant des critères précis (tels que le nombre
d'hommes) qui justifieront les gains politiques (tels que la reconnaissance des
grades) offerts aux leaders de groupes armés en échange de leur
intégration, le programme Amani participa malgré lui à une
redynamisation de fait de ces mouvements347.
Par exemple dans le territoire de Kalehe, alors même
qu'ils s'engageaient officiellement à désarmer et à
intégrer l'armée nationale, se sont depuis lors lancés
dans une course au recrutement de nouveaux combattants, ciblant les
démobilisés et les jeunes (sinon des enfants) des entités
sous leur contrôle mais aussi en dehors de celles-ci. Toujours dans
l'objectif d'augmenter leur capacité de pression et de
négociation au sein du programme Amani, ils initièrent de
nouvelles stratégies telles que la négociation de nouvelles
alliances entre groupes armés, l'intégration de certains groupes
armés réduits en termes d'effectifs au sein d'autres groupes,
tentatives d'expansion du territoire sous leur contrôle. Le territoire de
Kalehe qui n'abritait plus qu'une seule milice congolaise, celle de Kirikicho,
cette redynamisation de groupes armés aura concerné pas moins de
cinq groupes armés dans Kalehe depuis mars 2008, à savoir les
Maï-Maï Kifuafua, les Maï-Maï Kirikicho, les
Maï-Maï Sido, les Maï-Maï Simba et le
Pareco348.
Cette réalité va impacter sur la situation
sécuritaire du territoire de Kalehe. L'Etat congolais, pour
répondre à cette problématique, a initié
d'autres
347 Idem., 35 À 46.
348 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73.
140
cadres de concertation avec les groupes armés afin
d'amener la paix. Tel est le cas de la négociation de Nairobi et tant
d'autres. Malheureusement, la tension reste la même et les groupes
armés ne cessent d'abuser de tout, de tuer et piller la population
civile.
Nadine Abemba349 pense que le véritable
enjeu consiste à détacher la partie orientale de la
République et à mettre tout ou partie du Kivu et de l'Ituri sous
tutelles étatiques rwandaise et ougandaise. Il s'agirait, à
travers le morcellement de l'Est de la RDC, d'arriver à opérer
l'anéantissement du pays et de restructurer les territoires
étatiques connus et reconnus à la conférence de Berlin en
1885 et celui de la colonie belge. Tel est l'objectif stratégique des
guerres de l'Est avec leurs prolongations actuelles. Les résultats
d'autres guerres (civiles, ethniques, luttes pour la démocratie, etc.)
constituent des compléments intermédiaires et
collatéraux.
Malheureusement pour tous ceux-là, les populations
locales restent farouchement attachées à leurs terres et sont
capables de se défendre jusqu'au sacrifice suprême. En effet,
l'occupation de terres et leurs conséquences dans la sous-région
de Grands lacs africains ont une grande importance dans la mémoire
collective de populations pour qui la terre est le seul moyen de production et
la seule richesse ; de même qu'elle est source de vie. Il n'existe aucune
autre catégorie de la population qui comprend ces vérités
avec les mêmes sentiments.
Il y a aussi une autre vérité que nos
populations ont intégrée dans leur conception de la terre et que
l'on retrouve au niveau des Etats-Nations au lendemain des guerres mondiales.
Il s'agit de cette relation existentielle entre l'homme ou un groupe d'hommes
avec la terre, le sol. L'homme confirme son existence et son identité
par rapport au sol qu'il occupe depuis toujours, au sol qui le nourrit et le
fait respirer. Dans les sociétés traditionnelles africaines la
famille, le lignage et le clan n'existent socialement que par rapport à
la terre dont ils sont propriétaires ou non. C'est pour ainsi dire la
raison pour laquelle, dans un espace géographique donné, tout le
monde est propriétaire d'un morceau de terre, à l'exception des
étrangers. On comprend dès lors pourquoi, en Afrique, on est
prêt à mourir pour la sauvegarde de son droit foncier et
territorial.
349 ABEMBA FATUMA, N., « Guerre au centre-Est de la RD
Congo : de l'immigration corrosive à l'immigration érosive.
Esquisse d'une théorie ou d'une culture de résistance populaire
», in Analyses Sociales, Laboratoire d'Analyses Sociales de
Kinshasa, Numéro spécial Juin 2021, pp. 287 À 294.
141
La légitimité de celui-ci est confirmée
par la mondialisation, au niveau des nations, en Occident et partout ailleurs.
Les deux dernières guerres mondiales n'avaient d'autre objectif
stratégique que la conservation et même l'extension de l'espace
territorial. Aujourd'hui, ne peuvent être reconnus comme membres de
l'Organisation des Nations Unies que les propriétaires d'un espace
territorial déterminé, connu et reconnu.
À cette question la thèse de Nadine
Abemba350 est que les guerres de l'Est de la RDC ont
été inspirées par la nécessité de la
résistance pour conserver les terres face à la menace
d'occupation étrangère. Cela résulte du fait qu'il ne
s'agit pas seulement d'une lecture des faits matériels qui disent leurs
vérités par leur seule matérialité objective.
Celle-ci a eu le temps d'être prise en charge par la conscience
collective et individuelle ainsi que par un discours tout aussi collectif
qu'individuel invitant à la résistance contre l'envahisseur
étranger.
Devant cette réalité, l'Etat congolais a
l'obligation de mettre en place des mécanismes pouvant faire
régner la paix. Face aux communautés locales, encourager les uns
et les autres à se supporter mutuellement et à la
communauté internationale à agir en conséquence en
fonction des enjeux et défis présents.
3.2. Enjeux Economiques
L'Est de la République Démocratique du Congo,
particulièrement le territoire de Kalehe, est très riche en
minerais et autres richesses décrits ci-dessus. Ces ressources,
d'après certains auteurs, sont à la base des conflits
armés où chaque acteur, national ou international, cherche
à tirer profit. De l'autre côté, nous avons l'Etat
congolais, le propriétaire naturel, parce que le sol et le sous-sol lui
appartiennent, cherche à protéger ses ressources tant
sollicitées et enviées par tous.
Par exemple, pour leur survie les groupes armés
contrôlent un certain nombre de ressources locales qui leur permettent de
financer leurs activités, voir s'enrichir matériellement. Et ces
ressources locales font parfois l'objet de discussion entre eux. En effet, le
contrôle de ressources économiques locales du territoire de Kalehe
est, en effet, l'objet d'une compétition permanente entre
communautés, groupes armés et certaines forces invisibles qui
agissent quotidiennement pour avoir de l'influence sur cette partie du
territoire national. D'ailleurs, ces ressources déterminent largement la
localisation des positions
350 ABEMBA FATUMA, N., Op.cit., pp. 287 À 294.
142
occupées par les différents groupes armés
et les zones de tensions. Il arrive également que certains groupes
armés contrôlent certains marchés et s'arrangent entre eux
sur les modalités de perception et de partage de recettes provenant des
taxes imposées sur les transactions commerciales et sur l'accès
au marché. Tout cela, au détriment de la population locale qui,
jusqu'aujourd'hui, demeure dans une extrême pauvreté.
Devant cette réalité qui laisse les populations
dans la confusion totale et boycotte l'avenir du pays, l'Etat congolais a
l'obligation de faire régner la paix par tous les moyens à sa
disposition. Car, il n'y a pas de développement sans paix, affirme-t-on.
Il doit également rassurer toutes les communautés, minoritaires
et majoritaires, afin d'éviter toute sorte de tensions entre elles. Pour
y parvenir, la justice sociale doit être de mise partout.
3.3. Stratégiques
(sécuritaires)
Comme nous venons de le démonter,
l'insécurité est l'ennemie du développement. L'Etat
congolais a alors l'obligation de tout faire pour imposer la paix afin de
parvenir au développement attendu par tous.
En effet, les enjeux du maintien de la sécurité
et de la protection des populations constituent, tel que décrit dans la
constitution, une préoccupation centrale de l'Etat. Cependant, l'Est de
la RDC en général, le Territoire de Kalehe, en particulier,
étant une zone au monopole éclaté, les groupes
armés, pour légitimer leur action, tienne également les
mêmes discours et autour desquels les différentes forces en
présence peuvent, soit collaborer, soit s'opposer.
Par exemple, les groupes armés entendent, en effet,
protéger leurs populations contre différentes menaces
extérieures, mais proches, que constituent le M23, les FDLR, les autres
groupes armés communautaires, l'indiscipline de certains
éléments FARDC ou simplement le banditisme. D'une manière
générale, lorsqu'un incident sécuritaire se produit dans
la zone, tel qu'un pillage, par exemple, un assassinat ou un viol, les forces
en présence doivent se montrer face aux populations, du moins
concernées, et tenter (éventuellement de manière
remarquable) d'en réprimer les autres351.
À partir de ce principe, plusieurs logiques peuvent se
mettre en branle à l'intérieur même d'un groupe armé
comme entre les différents groupes armés
351 ABEMBA FATUMA, N., Op.cit., pp. 287 À 294.
143
concernés par un incident sécuritaire. Ainsi,
par exemple, au début 2008, lorsque des FDLR incontrôlés
semèrent la panique parmi les populations de Musenyi en se rendant
coupables de pillages, le commandant du Groupe FARDC insista directement
auprès du major Guillaume (FDLR) pour que ce dernier rétablisse
la discipline parmi ses hommes. Une opération FDLR, à laquelle un
officier FARDC prit part en tant qu'observateur, fut alors lancée par
Guillaume au mois de mars 2008, ce qui permit de démanteler le groupe
d'incontrôlés et rétablir la sécurité
à Musenyi352.
Au demeurant, la guerre à l'Est de la RDC est une face
à deux réalités. D'un côté, elle est
l'expression de l'envahissement des forces étrangères et de
l'autre, l'expression de la résistance populaire. L'enjeu des
envahisseurs est l'obtention de la balkanisation tout en pillant les ressources
locales. Et, pour y parvenir, ils appliquent la politique du chao
généralisé. C'est-à-dire, créer plusieurs
zones de tensions afin de déplacer les populations locales qui souffrent
et périssent dans ces conflits armés. Face à cette
réalité, l'Etat doit mettre en place des stratégies
militaires et idéologiques pour défendre son territoire national
menacé depuis 1994.
Il y a aussi la résistance populaire qui commence avec
la révolte de Batetela de 1892-1900, le mouvement Watch Tower (KITAWALA)
de 1961, le Phénomène Mulele-Maï de 1963-1964 et, enfin, les
Maï-Maï des années 19962000. Tous ces mouvements ont
constitué de véritables boucliers de résistance contre les
menaces venant de l'extérieur. La présence durant un
demi-siècle des arabo-swahili à l'Est du pays, les deux
révoltes des Batetela des années 1890, de même que
l'ouverture du territoire congolais au Watch Tower ainsi que la naissance de
l'église Kimbanguiste, tout cela a construit l'héritage de la
résistance des communautés autochtones de l'Est de la
RDC353.
C'est cet héritage de résistance qui a rendu
effective l'intervention des Maï-Maï avant l'Accord global et
inclusif de Pretoria, une des ressources pour barrer la route à
l'envahisseur et pour préserver les terres ancestrales. L'Etat
congolais, au-lieu de faire la guerre à ces résistants
volontaires doit plutôt les encadrer et les intégrer pour
résister à la guerre d'agression.
352 Le Rapport final du Groupe d'experts du Conseil de
Sécurité des Nations Unies du 12 décembre 2008
(S/2008/773) relève plusieurs cas de livraisons d'armes et de munitions
par des officiers FARDC au groupe PARECO (pp. 32-34).
353 ABEMBA FATUMA, N., Op.cit., pp. 287 À 294.
144
3.4. Cohabitation entre groupes et forces armés,
autorités et
populations
Le maintien fragile des équilibres sécuritaires
du milieu, les dynamiques qui lient les différents groupes et
différentes forces armés entre eux ainsi qu'aux autorités
locales et aux populations, se déploient autour de trois types d'enjeux
spécifiques, à savoir les enjeux sécuritaires, les enjeux
économiques et les enjeux politiques. Ces enjeux se situent au coeur de
l'exercice du pouvoir qui se voit de facto partagé de manière
toujours provisoire, fragile et précaire par cette pluralité
d'acteurs et de forces en présence. La détention d'armes et le
recours à la violence ayant depuis longtemps acquis un rôle
prépondérant dans ces équilibres, illustrent la
manière dont la violence peut surgir lorsque les relations entre groupes
armés en viennent à se tendre et à se rompre autour de la
gestion de ces enjeux dans le territoire de Kalehe.
354 PAUL N'DA, Méthodologie de la Recherche de la
problématique à la discussion des résultats. Comment
réaliser un mémoire, une thèse d'un bout à
l'autre, EDUCI, Abidjan, 2006, p. 100.
145
Chapitre IV
POUR LA PAIX ET LE DEVELOPPEMENT DURABLE A
KALEHE
Comme l'indique son intitulé, ce chapitre met en
lumière quelques actions pouvant concourir à l'instauration de la
paix dans le territoire de Kalehe, car elles sont susceptibles de
résoudre les causes racines à l'origine des conflits et leurs
conséquences alors que ceux-là (conflits) sont en grande partie
à la base de l'insécurité et même du
sous-développement qui caractérise ce pays. C'est dire que ce
chapitre propose des mécanismes susceptibles de contribuer à
l'éradication des facteurs qui entraînent
l'insécurité et l'absence de la paix dans ce coin du Sud-Kivu.
Puisque la paix est avant tout un gage de développement. Le fait est que
sans la paix, c'est difficile pour la population de vaquer à ses
occupations et conjuguer des efforts pour impulser des mutations positives dans
ce territoire. En plus, l'absence de la paix ne facilite pas la croissance de
la production et les échanges alors que la croissance est une
étape essentielle du développement.
SECTION 1. PRESENTATION DES DONNEES DE L'ENQUETE
§.1. Description du milieu, de la population et de
l'échantillon
1.1. Milieu
Les recherches qui se font en dehors du laboratoire prennent
le nom d'études en milieu naturel ou sur le terrain. Le chercheur doit
alors préciser les caractéristiques du milieu où
l'étude sera conduite354. Ça permet aux lecteurs
d'avoir une idée du milieu sur lequel l'auteur a fait ses
investigations, parce que chaque milieu à ses éléments
particuliers qui peuvent d'une manière ou d'une autre influencés
les résultats de l'enquête.
En ce qui concerne notre milieu d'étude, nous l'avons
déjà précisé ci-dessus. A titre de rappel, le
territoire de Kalehe. A ce qui concerne ses caractéristiques, nous les
avons largement détaillées supra.
146
1.2. Population
C'est une collection d'individus (humain ou non),
c'est-à-dire un ensemble d'unités élémentaires (une
personne, un groupe, une ville, un pays) qui partagent des
caractéristiques communes précises par un ensemble de
critères. Les critères peuvent concerner par exemple
l'étendue, l'âge, le sexe, la scolarité, le revenu,
etc.355
La population dans l'analyse statistique c'est le groupe
d'individus dont l'étude est destinée afin de comprendre leurs
points de vue, leur sentiment, leur perception, ... sur tel ou tel autre sujet
qui intéresse le chercheur. Celle-ci peut être saisie
individuellement ou en groupe, tout dépend de la technique
utilisée par le chercheur hanté par la compréhension du
phénomène nouveau ou de la nouvelle manifestation du
phénomène.
En ce qui concerne cette étude, notre population est
composée des sujets ressortissants du territoire de Kalehe
présents à Kinshasa et au territoire de Kalehe.
1.3. Choix de l'échantillon
Nous attendons par échantillon, le groupe
d'unité que nous avons choisi et qui sera étudié au cours
de notre enquête. Autrement dit, il s'agit d'un nombre limité
d'unités, supposé être représentatif de l'ensemble
du phénomène examiné. Pour le cas d'espèce, il
s'est agi pour nous de privilégier l'échantillon par quotas
compte tenu de la composition de notre population à deux strates qui
sont les chefferies de Buloho et Buhavu. Le choix de nos enquêtés
répondait également à un certain nombre de critères
vu que la majorité de la population sur terrain n'avait pas la maitrise
des questions sur le développement, la paix et le conflit. Voilà
pourquoi les variables ci-après étaient au rendez-vous :
l'âge, le niveau d'études, la nationalité et le sexe.
La méthode choisie pour établir notre
échantillon était la méthode non probabiliste. En effet,
la méthode non probabiliste nous amène à
distinguer au départ de l'analyse entre sondage au hasard et sondage par
choix raisonné. Certains auteurs comme Théodore Caplow
considèrent comme faut tout échantillon qui n'est pas soumis aux
lois de calcul de probabilité.
355 PAUL N'DA, Op.cit, p. 101.
147
L'échantillonnage par choix raisonné ou
échantillonnage qui se fait par la méthode de quota en est
l'exemple. Si cette technique d'échantillonnage par choix
raisonné est souvent utilisée par le chercheur, c'est parce
qu'elle induit la subjectivité du choix de l'échantillon,
laquelle subjectivité interdit toute mesure d'erreur ou
d'incertitude356.
Ensuite, un quota au sens habituel est une quote-part, un
pourcentage, une fraction d'un ensemble. C'est parce que la méthode de
quota consiste précisément à choisir un échantillon
qui soit la plus fidèle représentation possible de la population
compte tenu du fait que la réparation de la population selon telle ou
telle caractéristique est déterminée d'avance de
manière suffisamment précise357.
1.4. Unité d'analyse
Par unité d'analyse, nous entendons le type
d'entité que l'on désire enquêter au moyen de
l'enquête358. Dans cette étude, l'unité
d'analyse a porté essentiellement des notables et des élites
intellectuelles du territoire de Kalehe, étant donné que la
majorité de la population reste, jusqu'à la preuve du contraire,
incapable de répondre à nos questions.
SECTION 2. PRESENTATION ET INTERPRETATION DES RESULTATS
DE L'ENQUETE
Dès l'entrée du jeu, nous devons souligner que,
dans le souci de répondre à l'exigence de diversification des
points de vue et de la fiabilité des informations étant
donné que la population sous-étude fait preuve d'un grand nombre
avec une composition à deux pôles (les deux chefferies qui
composent le territoire de Kalehe), notre échantillon a
été composé de 160 sujets, ressortissants du territoire de
Kalehe.
356 KATUNDA MUNDUNDU, J., Refondation de l'Etat après
MOBUTU. Implication de la communauté internationale, Thèse
de Doctorat, SPA, FSSAP, UNIKIN, 2015, p. 378.
357 KATUNDA MUNDUNDU, J., Op.cit, p. 378.
358 Idem
Le taux de répartition de nos
enquêtés selon les tranches d'âge
18%
11%
5%
26%
39%
De 40 à 40 ans De 40 à 50 ans De 50 à 60 ans
De 60 à 70 ans De 70 à 80 ans De 80 à 90 ans
148
Tableau n°1 : Identification de nos enquêtés
selon les tranches d'âge Item n°1 : Quel est votre âge
?
N°
|
L'âge des enquêtés
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
1.
|
De 30 à 40 ans
|
62
|
39
|
2.
|
De 40 à 50 ans
|
42
|
26
|
3.
|
De 50 à 60 ans
|
28
|
18
|
4.
|
De 60 à 70 ans
|
18
|
11
|
5.
|
De 70 à 80 ans
|
8
|
5
|
6.
|
De 80 à 90 ans
|
2
|
1
|
|
|
TOTAL
|
160
|
100
|
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5
Mars 2023.
Il ressort de ce tableau les informations selon lesquelles 62
sujets équivalent 39% de 160, soit 100%, sont de la tranche d'âge
de 30 à 40 ans, 42 soit 26% de nos enquêtés sont de la
tranche d'âge de 40 à 50 ans, 28 soit 18% sont de la tranche
d'âge de 50 à 60 ans, 18 soit 11% sont de la tranche d'âge
de 60 à 70 ans, 8 équivalent 5% sont de la tranche d'âge 70
à 80 et en fin 2 soit 1% sont de la tranche d'âge de 80 à
90 ans.
La figure ci-dessus donne des explications plus
détaillées de ce
tableau.
Figure N°1 : le taux de répartition de nos
enquêtés selon les tranches d'âge
Il se dégage de ce tableau les informations selon
lesquelles 70 de nos enquêtés, soit 43, 75 % de 160
enquêtés soit 100% de nos enquêtés, sont les
149
La population du territoire de Kalehe est à grande
partie constituée des jeunes. Selon les informations recueillies, plus
de septante pourcents des ressortissants du territoire de Kalehe auraient moins
de trente ans. Ce qui fait que la grande partie de nos enquêtés
font partie de la tranche d'âge trente à quarante ans. Cette
catégorie sera suivie de celle allant de quarante à cinquante
ans. Justement, parce que la plupart d'élites intellectuelles sont dans
ce panier. Par contre, la tranche d'âge cinquante à soixante a un
nombre aussi remarquable parce que la majorité des notables sont dans
cette catégorie. Les tranches d'âge soixante à septante ans
et septante à quatre-vingt ans sont constituées des notables qui
maitrisent la culture et histoire du territoire de Kalehe.
Cependant, les enquêtés de la dernière
tranche d'âge ont été faiblement représentés
dans l'échantillon (1,25 %) parce que nous éprouvions des
difficultés pour les contacter. C'est parmi eux que nous entendions
avoir des témoignages vivants sur l'évolution de ce
territoire.
Tableau N°2 : Identification de nos enquêtés
selon leur sexe Item n°2 : Le sexe des enquêtés.
N°
|
Le sexe de nos enquêtés
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
1.
|
Féminin
|
8
|
5
|
2.
|
Masculin
|
152
|
95
|
|
|
TOTAL
|
160
|
100
|
Source : nos enquêtes su terrain, du 20 Novembre 2022 au 5
Mars 2023
Dans ce tableau, il se dégage des informations selon
lesquelles 8 soit 5% de 160 soit 100% de nos enquêtés
appartiennent au genre féminin. Et, 152 soit 95% de nos
enquêtés appartiennent au genre masculin.
Tableau N°3 : Identification des enquêtés selon
leur chefferie respective Item n°3 : Quelle est votre chefferie
?
N°
|
Différentes chefferies qui composent le
territoire de Kalehe
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
1.
|
Buloho
|
70
|
43,75
|
2.
|
Bahavu
|
90
|
56, 25
|
|
|
TOTAL
|
160
|
100
|
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5
Mars 2023.
150
ressortissants de la chefferie de Buloho et 90 sujets soit 56,
25 % de nos enquêtés sont les ressortissants de la chefferie de
Bahavu. Pourquoi ce déséquilibre du nombre, c'est parce que la
chefferie qui est située le long du lac Kivu, est la plus peuplé
de Kalehe.
Tableau N°4 : Identification de nos enquêtés
par rapport à leur niveau
d'études
Item n°4: Quel est votre niveau d'études
?
N°
|
Niveau d'études de
nos enquêtés
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
|
Diplôme d'Etat
|
16
|
10
|
|
Gradué
|
34
|
21, 25
|
|
Licencié
|
100
|
62, 5
|
|
Diplôme d'études Supérieures
|
5
|
3, 125
|
|
Docteurs en thèse
|
5
|
3, 125
|
|
TOTAL
|
160
|
100
|
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5
Mars 2023.
Comme nous pouvons lire dans ce tableau, 16 de nos
enquêtés, soit 10% de 160 qui est le nombre total de nos
enquêtés, sont diplômés d'Etat, 34 équivalent
de 21, 25 % sont gradués, 100 soit 62, 5 % ont une licence, 5 soit 3,
125 % sont doctorant et, enfin, 5 équivalent toujours de 3, 125 ont une
thèse de doctorat. La figure ci-dessous donne une explication plus
détaillée de ce tableau.
151
Figure N°2 : Identification des
enquêtés selon les niveaux d'études
120
100
40
80
60
20
0
Diplômés d'Etat
Gradués Licenciés Doctorants Docteurs en
Thèse
Fréquence Pourcentage
La grande partie de notre échantillon est
constituée des jeunes qui sont des Licenciés. Le mobile
explicatif de ce déséquilibre est que la majorité des
intellectuelles du territoire de Kalehe sont des licenciés. Suivis de
gradués qui sont aussi nombreux et qui nous ont été utiles
pendant la production des données, parmi lesquels certains notables du
territoire de Kalehe. Il y a également des diplômés d'Etat
qui, au-delà des études faites et formations
réalisées, ont une expérience de gestion communautaire, et
sont des véritables témoins de différents
événements qui caractérisent l'histoire de cette
entité. Leurs témoignages nous ont permis à comprendre les
différents phénomènes pris en charge par cette
étude. A part ces catégories d'enquêtés, nous avons
eu également des doctorants et docteurs en thèse qui nous ont
aidés à comprendre certaines questions liés au
développement, la paix et conflit dans le territoire de Kalehe. Chacun,
selon son expérience, sa vision et sa compréhension des
phénomènes, nous a donnés sa version des faits.
152
§1. Niveau de connaissance des enquêtés
sur le concept « développement »
Notre démarche à ce niveau était de
connaître le niveau de connaissance de nos enquêtés sur le
concept « développement », et aussi savoir le
contexte d'acquisition des connaissances sur ce concept, afin de recueillir
leurs opinions sur les questions de développement, paix et conflit.
Tableau N°5 : La connaissance de nos
enquêtés sur le concept « développement
»
Item n°5 : Avez-vous de connaissance sur le concept
développement ?
N°
|
Réponses des enquêtés
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
1.
|
Oui
|
156
|
97, 5
|
2.
|
Non
|
4
|
2,5
|
|
|
TOTAL
|
160
|
100
|
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5
Mars 2023.
Ci-dessus nous avons démontré qu'il n'y a pas de
développement sans l'implication de la population locale, peu importe
les stratégies qu'on peut mettre en place. Et est possible d'atteindre
le développement si la population est consciente de son état et
de la nécessité de son développement. Voilà
pourquoi nous avons voulu savoir si les ressortissants du territoire de Kalehe
ont des connaissances sur le concept développement. A cette question,
sur 160 enquêtés soit 100% de nos enquêtés, 156 soit
97, 5% de nos enquêtés ont des connaissances sur ce concept et 2
soit 2, 5 % de nos enquêtés n'ont pas des connaissances sur ce
concept.
153
Tableau N°6 : Le contexte d'acquisition des connaissances du
concept développement endogène par nos enquêtés
Item n°6 : Dans quel contexte avez-vous entendu parler
du développement endogène ?
N°
|
Réponses de nos enquêtés
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
1.
|
Ecole
|
150
|
93,75
|
2.
|
Atelier de formation
|
5
|
3,125
|
3.
|
Eglise
|
2
|
1,25
|
4.
|
A travers la presse
|
3
|
1,875
|
|
TOTAL
|
160
|
100
|
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5
Mars 2023.
Il se dégage dans ce tableau les informations selon
lesquelles 150 de nos enquêtés, soit 93, 75 % de 160 soit 100 %,
ont acquis la notion de développement à l'école, suivis 5,
soit 3, 125 %, qui l'ont acquis lors des ateliers de formation, 2 de nos
enquêtés, soit 1, 25 % à l'église et enfin 3
équivalents de 1, 875 % l'ont acquis à travers la presse.
La figure ci-dessous donne une explication plus
détaillée de ce
tableau.
154
Figure N°3 : Le contexte d'acquisition de la
notion de développement endogène par nos
enquêtés
160
140
120
100
80
60
40
20
0
Ecole
Atelier de Eglise
formation A travers la
presse
Fréquence
Pourcentage
Fréquence Pourcentage
La quasi-totalité de nos enquêtés ont
acquis la connaissance du concept développement à l'école,
suivis de ceux qui l'ont acquis dans des ateliers de formation et enfin
à l'église et à travers la presse. Le nombre
élevé de ceux qui l'ont appris à l'école se
justifie par le fait que la quasi-totalité de nos enquêtés
sont composés des universitaires qui manipulent au quotidien ce concept.
Parmi eux, les enseignants d'université (Professeurs, chef de travaux et
Assistants). Notons cependant que leur compréhension du concept
développement varie. Chacun d'eux essaie de donner un contenu
particulier à ce concept.
155
Tableau N°7 : La compréhension des
enquêtés sur le concept développement endogène
Item n°7 : Selon votre entendement, le
développement endogène renvoie à quoi ?
N°
|
Compréhension des enquêtés
du concept développement endogène
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
1.
|
A la transformation de l'environnement
|
2
|
1
|
2.
|
A la transformation de l'homme
|
8
|
5
|
2.
|
A la transformation qualitative de l'homme et de
l'environnement
|
8
|
5
|
3.
|
A la transformation qualitative et
quantitative de l'homme et de l'environnement
|
30
|
19
|
|
5.
|
A la valorisation maximale des ressources locales disponibles
|
112
|
70
|
|
TOTAL
|
160
|
100
|
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5
Mars 2023.
Ce tableau nous indique que 112 personnes, équivalent
de 70% de nos enquêtés, pensent que le développement nous
renvoie à la valorisation maximale des ressources locales disponibles,
suivis 30, soit 19%, qui pensent que ce concept nous renvoie à la
transformation qualitative et quantitative de l'homme et de l'environnement.
Tandis que 8, soit 5%, renvoient ce concept à la transformation
qualitative de l'homme et de l'environnement, 8 autres le définissent
par la transformation de l'homme et enfin 2, équivalent 1% de nos
enquêtés, pensent que ce concept nous renvoie à la
transformation exclusive de l'environnement.
La figure ci-dessous nous donne une explication plus
détaillée de ce
tableau.
156
Figure N°4 : La compréhension des
enquêtés sur le concept développement.
120
100
40
80
60
20
0
Fréquence Pourcentage
La majorité des enquêtés ont des
connaissances sur le concept développement, cependant à des
degrés différents. Car, dans toutes les réponses
données ci-dessus, on trouve un ou des aspects de développement.
Néanmoins, en examinant ce dernier dans la conception de Joseph K-Zerbo,
la réponse qui a une grande fréquence est la plus
complète. Parce que, d'après l'auteur précité, le
développement renvoie d'abord à la valorisation des ressources
locales en mettant l'homme et la culture au centre de toute transformation. Et,
ce développement est possible si l'homme, celui qui est censé se
développer, participe politiquement et socialement à son propre
développement.
157
Tableau N°8 : La possibilité de parler de
développement dans le territoire de Kalehe
Item 7 : Pensez-vous qu'il est possible, au stade actuel, de
parler de développement dans le territoire de Kalehe ?
N°
|
Réponses des enquêté
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
1.
|
Oui
|
6
|
4
|
2.
|
Non
|
133
|
83
|
|
4.
|
Indécis
|
21
|
13
|
|
TOTAL
|
160
|
100
|
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5
Mars 2023.
On peut lire dans ce tableau les informations selon lesquelles
133, soit 83% de 160 soit 100 de nos enquêtés, pensent qu'au stade
actuel le territoire de Kalehe n'est pas développé parce que la
population vit dans la misère et dans l'insécurité qui
caractérise l'Est de la République Démocratique du Congo.
Et 6, soit 4% de nos enquêtés, disent le contraire. Pour eux, on
peut parler du développement dans le territoire de Kalehe parce qu'au
stade actuel ce territoire regorge plus d'intellectuel capables de transformer
le devenir de cette entité. Et en fin 21, soit 13% de nos
enquêtés, étaient perplexes face à cette
question.
La figure ci-dessous nous donne une explication plus
détaillée de ce
tableau.
Pensez-vous qu'il est possible, au stade actuel, de parler
du développement dans le territoire de Kalehe ?
100% 80% 60% 40% 20%
0%
|
|
|
|
|
|
|
|
|
NOM OUI INDECIS
|
|
|
NOM OUI INDECIS
|
Figure n°5 : La possibilité de parler de
développement dans le territoire de Kalehe
158
La lecture de ce graphique démontre clairement que la
population du territoire de Kalehe est consciente de son état de
sous-développement. Ce qui est un bon départ, parce que le
développement commence par la conscience de son état de
sous-développement. Ladite conscience permet aux concernés de
revoir leur mode de vie, afin de se fixer des nouveaux objectifs du
développement.
Tableau N°9 : L'aspiration de développement par la
population de Kalehe Item 9 : La population de Kalehe aspire-t-elle au
développement ?
N°
|
Réponses des enquêtés
|
Fréquences
|
%
|
1.
|
Oui
|
143
|
89
|
2.
|
Non
|
6
|
4
|
|
|
Indécis
|
11
|
7
|
|
TOTAL
|
160
|
100
|
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5
Mars 2023.
La population de Kalehe, comme tous les peuples en mouvement,
aspire au développement. Ledit développement doit alors jaillir
des efforts et des ressources locales. En effet, la quasi-totalité de
nos enquêtés, soit 89% de 160 qui est le nombre total des
enquêtés, partagent ce point de vue. Et 6 de nos
enquêtés, soit 4%, ont émis un point de vue contraire.
D'après ces derniers, en faisant la lecture du mode vie de la population
de Kalehe en particulier et de l'Est en général, nous avons
l'impression que les ressortissants de cette partie du territoire nationale ne
sont pas pour le développement. Ils soutiennent les mêmes
personnes qui sont derrière les différents conflits armés,
qui déstabilisent le pays et ne sont pas exigeants pour réclamer
à l'Etat ce dont ils ont besoin pour s'épanouir. Tandis que 11,
soit 7% de nos enquêtés, n'avaient pas de réponses.
La figure ci-dessous donne une explication plus
détaillée de ce
tableau.
159
Figure N°6 : L'aspiration du
développement par la population de Kalehe
Fréquences
Oui Non Indécis
Toutes les sociétés du monde cherchent à
être développées, le Territoire de Kalehe n'en fait pas
l'exception. La population de cette partie du territoire nationale, à
croire nos enquêtés, a besoin de voir ses conditions de vie
s'améliorer, cependant il se pose une question de comment y parvenir.
A cette question, nous passons que la paix est une condition
sine qua none pour le développement d'un pays. Ceci passe
généralement par la pacification qui implique
l'éradication des causes à la base des conflits et
l'insécurité qui en découle. Mais comme il existe un
dicton selon lequel : « Ce qui se fait sans nous c'est contre nous »,
il est impossible d'envisager une pacification sans avoir pensé à
faire intervenir les acteurs impliqués et ceux concernés par le
conflit.
Voilà pourquoi il est d'une impérieuse
nécessité d'identifier au préalable les acteurs du
conflit. Sur ce (...), l'analyse des parties prenantes sert à cerner la
complexité des conflits (...), les intérêts des parties
prenantes et leurs objectifs et les relations d'interdépendance, souvent
difficiles, qui existent entre elles. Il est question (...) d'analyser et de
décrire les parties prenantes (acteurs principaux) en fonction de leurs
caractéristiques, de leurs relations d'interdépendance et de
leurs intérêts dans chaque conflit (...). Par exemple,
évoquant le cas du Sahel, Mireille Affa démontre que (...)
l'implication des
tableau.
160
femmes dans les initiatives de paix et de prévention
des conflits dans le Sahel est une condition essentielle de stabilité et
de développement dans la région. Ensuite, proposer un
schéma de résolution des conflits pour instaurer la paix. A ce
stade nous pensons que la paix est la première condition pour parler
développement''. En parlant du processus de pacification,
voici les acteurs qui peuvent être impliqués : les acteurs
impliqués dans le conflit et les acteurs venus pour aider à la
résolution de conflit.
Tableau N°10 : Les atouts ou opportunités du
développement dans le territoire de Kalehe
Item 10 : Quels sont les atouts ou les opportunités
de développement dans le territoire de Kalehe ?
N°
|
Les atouts ou opportunités
du développement du peuple Enya
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
1.
|
Ressources économiques, écologiques et
environnementales.
|
101
|
63
|
2.
|
Ressources humaines ou poids démographique
|
18
|
11
|
3.
|
Potentialités culturelles (musique,
éducation, pouvoir et organisation traditionnelle,
etc.)
|
27
|
17
|
4.
|
Indécis
|
14
|
9
|
|
|
TOTAL
|
180
|
100
|
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5
Mars 2023.
De ce tableau, il se dégage les informations selon
lesquelles 63% de nos enquêtés pensent que le territoire de Kalehe
a besoin seulement de son environnement physique et écologique pour se
développer ; 11% pensent qu'avec ses ressources humaines et son poids
démographique, le territoire de Kalehe peut se développer ; 17%
pensent plutôt qu'avec la culture et l'éducation, le
développement du territoire de Kalehe est possible ; et afin 9% de nos
enquêtés sont restés perplexes à cette question.
La figure ci-dessous donne une explication plus
détaillée de ce
161
Figure N° 7 : Les atouts ou opportunités
du développement du territoire de Kalehe
Quels sont les atouts ou les opportunités du
développement du territoire
de Kalehe ?
70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0%
|
|
|
|
Res éco, écol et envir Res hum ou poinds
démog
|
Potiential culltur Indécis
|
Res éco, écol et envir Res hum et poinds
démog Potential cultur Indécis
A des positions différentes, la population de Kalehe a
conscience des richesses qui composent son milieu et qui caractérisent
sa société. Cependant, comme nous l'avions précisé
ci-dessus, la conscience, même si c'est le début même du
développement, ne suffit pas pour atteindre le développement. Il
faudrait ajouter à cette conscience la volonté et l'action. La
population de Kalehe doit s'impliquer courageusement à son
développement, si elle a besoin de voir ses conditions de vie
s'améliorer. Pour y parvenir, elle aura besoin d'instaurer une culture
de la paix. Et la société civile peut également jouer un
rôle dans le processus de la paix. Par exemple, en servant de passerelles
entre l'État et ses citoyens, les organisations de la
société civile peuvent jouer un rôle important dans
l'autonomisation des femmes et des jeunes et la promotion d'un message de
paix.
Et au Niger, les organisations de la société
civile ont développé des stratégies de suivi de l'adoption
et de la mise en oeuvre des budgets par les collectivités locales. Tous
les ans, une session budgétaire citoyenne est organisée afin de
permettre l'analyse de la mise en oeuvre du budget de l'année
précédente et de demander au gouvernement d'expliquer les
écarts constatés, de définir les projections
budgétaires et de faire des recommandations au ministère du
Budget. S'agissant de la RDC, par exemple, pour conjurer le démon de
violence due à l'action d'Etoko dans l'ancienne province de l'Equateur
en RDC, l'ONG Search for Common Ground avait initié des
cérémonies traditionnelles à
- Promouvoir la stabilité économique et la
création d'emplois ;
162
Bokonzi, à Munzaya et à Enyele en 2011 pour
établir le dialogue entre ces deux groupes ethniques en conflit .
Pour ce faire, elle avait installé des comités
locaux de réconciliation dans les villages ci-dessus. Sa démarche
combinait les pratiques traditionnelles et les techniques modernes de
transformations des conflits. Les autorités politiques, les leaders de
la société civile et les notables qui instrumentalisent les deux
groupes ethniques à partir de Gemena et de Kinshasa ont
été sensibilisés et impliqués dans le processus de
paix.
Toutefois, et de manière synthétique, la
société civile locale est appelée à jouer quelques
rôles spécifiques ci-après :
- La protection des citoyens contre la marginalisation de
toutes
les parties ;
- Le suivi des violations des droits de l'homme et de la mise
en
oeuvre des accords de paix, entre autres ;
- Le plaidoyer en faveur de la paix et des droits de l'homme ;
- La socialisation aux valeurs de paix et de démocratie
ainsi
que le développement des identités des groupes
marginalisés ;
- La cohésion sociale intergroupe instaurée en
rassemblant des
membres de groupes opposés ;
- La facilitation du dialogue aux niveaux local et national
entre plusieurs parties prenantes ;
- La prestation de services en aidant l'État à
fournir de la
nourriture, des soins de santé et du travail facilement
accessible aux personnes vulnérables dans les sociétés
sortant d'un conflit.
Les rôles de l'acteur local dans
l'intégralité du processus de pacification incluent :
- Améliorer la sécurité ;
- Encourager le secteur privé à exploiter,
élargir et se
réapproprier les marchés domestiques ;
163
- Encourager les processus de consolidation de la paix à
travers
la justice, le dialogue et la réconciliation ;
- Générer un dividende de paix pour la population
locale ;
- Maintenir la fourniture d'équipements sociaux ;
- Bâtir et entretenir des relations avec d'autres
acteurs.
La société civile internationale peut aussi
jouer d'autres rôles. A titre illustratif, nombre d'OING se sont
spécialisées dans des domaines spécifiques et sont
essentiellement conviées pour jouer les rôles spécifiques,
à savoir : secourir, faire le plaidoyer et développer,
rôles dont les activités se concentrent lors de la phase de
stabilisation du conflit. Elles contribuent en général au
redressement et à la réhabilitation des sociétés
post-conflit. C'est dire que le secteur privé international joue aussi
un rôle important en investissant dans différents secteurs des
économies des sociétés post-conflit ; ce qui
génère des recettes pour l'État, créée des
emplois et stimule l'activité et la croissance économiques. Pour
ce faire, ce secteur est appelé à s'abstenir d'agir sur la
politique locale du pays concerné.
Le fait est que lorsque le secteur privé international
essaye d'influencer la politique locale à son avantage, ou lorsque ses
activités sont perçues comme avantageant l'une ou l'autre des
parties au conflit, cela peut impacter négativement sur les efforts de
pacification entamés. C'est dire que le secteur privé est donc un
partenaire important de la consolidation de la paix et sa participation
précoce peut contribuer à améliorer les facteurs
économiques susceptibles d'engendrer des dividendes de paix pour les
populations locales . Il s'agit, par exemple, des donateurs, une autre
catégorie importante d'acteurs externes qui joue parfois des rôles
non négligeables.
Nous pensons ici aux organismes comme :l'Union
européenne (UE), l'Agence de coopération internationale du Japon,
l'Agence des États-Unis pour le développement international
(USAID), le Département du Royaume-Uni pour le développement
international (DFID), le Deutsche Gesellschaft für Internationale
Zusammenarbeit (GIZ) allemand, l'Agence norvégienne pour le
développement international (NORAD), l'Agence suédoise de
coopération internationale pour le développement (SIDA), l'Agence
canadienne pour le développement international CIDA), et l'organisme
irlandais GOAL.
164
Généralement, ces partenaires ont une
présence dans le pays mais ne manquent pas les programmes
eux-mêmes. Ils mettent plutôt des ressources à la
disposition du système de l'ONU et des ONG qui travaillent sur le
terrain. Nombre d'organismes de l'ONU sous-traitent aussi le travail à
des ONG en ce sens que la plupart d'activités programmatiques sur le
terrain sont menées par des ONG.
De ce qui précède, nous ne pouvons pas aussi
ignorer les rôles de nouveaux acteurs émergents. Il s'agit, par
exemple, de la nouvelle Banque de développement des BRICS. Car ces
acteurs disposent des approches, des mobiles et des méthodologies
différentes et ne tiennent pas souvent compte des conseils du
Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation pour la
coopération et le développement économiques (OCDE). Ils
s'intéressent plus aux partenariats pour le développement des
infrastructures et l'échange d'expertise technique. Ils ont une
théorie du changement à long terme qui soutient que la
stabilité et le développement contribueront à instaurer
une paix durable dans le temps.
Tableau N°11 : Participation de la population de Kalehe dans
l'exploitation de ses atouts du développement
Item 11 : Comment la population de Kalehe participe-t-elle
dans l'exploitation de ses atouts du développement ?
N°
|
Les réponses des enquêtés
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
1.
|
Par l'exploitation des potentiels que recèle son milieu
(Eau et Terre)
|
133
|
83
|
2.
|
Par l'exploitation de ses atouts culturels (musique, coutume,
éducation)
|
5
|
3
|
3.
|
Les deux à la fois
|
10
|
6
|
|
|
Indécis
|
12
|
8
|
|
TOTAL
|
160
|
100
|
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2017 au 5
Mars 2018.
Dans ce tableau, il ressort les informations selon lesquelles
133 personnes, soit 83% de 160 enquêtés, pensent que la population
de Kalehe s'implique à l'exploitation de ses atouts du
développement en exploitant les potentiels que recèle son milieu.
Et 5, soit 3% de nos enquêtés, pensent que la population de Kalehe
exploite ses atouts culturels pour se développer, tandis que
165
10, soit 6% de nos enquêtés, pensent que pour son
développement la population de Kalehe exploite les deux à la fois
(les potentialités que recèle son milieu et les atouts
culturels). Et enfin 12 sujets, soit 8% de nos enquêtés, n'ont pas
donné des réponses claires.
La figure ci-dessous donne une explication
détaillée de ce tableau :
La Figure N°8 : Implication de la population de
Kalehe dans l'exploitation de ses atouts du
développement.
Comment la population de Kalehe s'implique-t-elle
à l'exploitation de ses atouts du développement ?
8%
83%
En exploitant les potentiaités que recèle son
milieu
En exploitant ses atouts culturels
Les deux à la fois
Indécis
Le développement, au-delà du fait que c'est un
phénomène provoqué par l'homme, est d'abord naturel et
normal. Toutes les sociétés du monde connaissent les effets du
développement avec le temps. Seulement, c'est le degré de
développement qui diffère selon que l'on participe ou pas
à celui-ci. Dans cette optique que nous avons voulu savoir, à
travers nos enquêtés, comment la population de Kalehe
participe-t-elle à son développement endogène. Ces
derniers, en quasi-totalité, pensent que la population de Kalehe
participe à son développement en exploitant les
potentialités que recèle son milieu. La minorité, quand
elle, pense que celui-ci s'implique à son développement en
exploitant ses atouts culturels et ses potentialités
environnementales.
166
Tableau N°12 : Les entraves à la participation de la
population locale de
Kalehe dans la quête de son développement
Item n°12 : Quels sont facteurs qui entravent la
participation de population locale de Kalehe dans la quête de son
développement ?
N°
|
Réponses des enquêtés
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
1.
|
Attentisme
|
5
|
3,125
|
2.
|
Manque d'ambition à grande échelle
|
5
|
3,125
|
3.
|
Conservatisme
|
4
|
2,5
|
4.
|
Désorganisation sociale
|
4
|
2,5
|
5.
|
Mauvaise gouvernance
|
3
|
1,875
|
6.
|
Manque de volonté politique
|
7
|
4,375
|
7.
|
Conflit
|
132
|
82,5
|
|
|
TOTAL
|
160
|
100
|
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5
Mars 2023.
D'entrée de jeu, nous devons souligner que les
différents facteurs repris dans le tableau ne s'excluent pas. Cependant,
chacun d'eux garde une particularité. En effet, dans ce tableau, nous
pouvons lire les informations selon lesquelles 5 personnes, soit 3,125% de 160
soit 100% de nos enquêtés, confirment que l'attentisme, comme
attitude d'attendre tout des autres, serait la raison qui ne favorise pas
l'implication de la population de Kalehe dans le processus de son
développement, suivis également de 5 autres personnes qui pensent
que le manque d'ambition à grande échelle serait la raison qui
freine la participation cette population dans le processus de son
développement. Tandis que 4 de nos enquêtés, soit 2,5%,
pensent le conservatisme serait la raison qui ne pousse pas la population de
Kalehe à participer au processus de son développement. Il y a
également 4 autres enquêtés, soit 2,5%, qui pensent que la
désorganisation sociale serait le frein qui bloque la participation de
la population de Kalehe dans le processus de développement, suivis de 3
enquêtés, soit 1,875 %, qui confirment par contre que la mauvaise
gouvernance qui serait l'obstacle à la participation de la population de
Kalehe dans le processus de développement. Ces opinions
précédentes seront suivies par celle partagée par 7 de nos
enquêtés, soit 4,375%, qui pensent que la mauvaise gouvernance
favoriserait également la
359 REYNTIENS, F., cité par FETHERSTON, A.B.,
Towards a Theory of a United Nations Peacekeeping, Op.cit. p. 94.
167
non-participation de la population locale de Kalehe à
son développement. Et enfin 132 enquêtés, soit 82,5%,
pensent que c'est le conflit qui favorise la non-participation politique de la
population de Kalehe dans le processus de son développement.
La figure ci-dessous donne une explication plus clairement de
ce
tableau.
Figure N°9 : Les entraves à la
participation de la population locale de Kalehe dans le processus de
développement
140
120
100
80
60
40
20
0
Fréquence
Fréquence Pourcentage
A des points de vue différents, la population de Kalehe
est consciente des obstacles qui entravent sa participation au processus de
développement. Cependant, le facteur conflit est plus
élevé que d'autres.
A ce sujet, nous connaissons d'ores et déjà
qu'un conflit affecte toujours plusieurs types d'acteurs. C'est dans cette
logique que, parlant de la guerre du 2 août 1998, Filip Reyntiens note
que le Congo est devenu le champ de bataille où des acteurs militaires,
des armées gouvernementales aussi bien que des groupes armés
non-gouvernementaux, livrent leurs guerres
extra-territorialement359.
168
Les parties prenantes à un conflit peuvent être
définies comme étant les individus ou les groupes qui sont
affectés par le résultat d'un conflit et ceux qui influencent ce
résultat. Les parties prenantes peuvent avoir en commun une
identité collective (liens de voisinage, parenté, membres de
groupes d'utilisateurs des ressources) ou une caractéristique (par
exemple utiliser la même ressource ou résider dans la même
zone). Il s'agit des personnes et/ou les groupes qui ont un
intérêt dans un fonds et dans ses ressources naturelles.
De ce fait, pour les identifier, il est important d'analyser
le degré d'implication de chacun. Car l'analyse des parties prenantes
(...) permet de comprendre un système social en identifiant ses
principaux acteurs ou parties prenantes et en évaluant leurs
intérêts respectifs dans un contexte donné. De ce fait, on
distingue :
Les parties principales
Il s'agit des protagonistes directs. Personnes opposées
dans un conflit. On les appelle les parties primaires ou parties visibles, ce
sont les personnes directement concernées par le conflit. Les parties
prenantes directement impliquées dans un conflit sont celles dont les
intérêts et les besoins sont véritablement au coeur du
conflit. Elles sont impliquées directement si leurs
intérêts et leurs besoins font partie de l'objet du conflit et si
elles y participent activement. Chacune voit l'autre comme un ennemi dont elle
veut la défaite. Les adversaires (ou parties adverses) sont aussi
appelés opposants ou parties opposées, ou tout simplement
parties. L'adoption d'une approche compétitive conduit à des
stratégies de confrontation compétitive.
Dans le cas d'espèce, il s'agit des groupes
armés et des communautés ethniques. A ce sujet, et comme nous
avons dit un peu plus haut, dans le souci de voir comment
récupérer leurs terres perdues et d'arracher leurs droits, les
accrochages se sont produits entre les autochtones et les immigrés. Dans
ce territoire, les conflits (...) opposent les groupes ethniques bien connus.
Il s'agit, par exemple, de : Banyarwanda (Batutsi et Bahutu) contre les Bahavu
et Batembo. Nous pouvons aussi évoquer le cas de Batembo et Bahavu.
C'est aussi le cas avec les Kalonge et les Bahavu autour du fait que les
premiers ont eu à réclamer l'autonomie.
Les parties secondaires
De ce qui précède, nous pouvons aussi noter que
ces acteurs peuvent être locaux ou externes. Ce qui signifie que parmi
les acteurs primaires nous
169
Ce sont des acteurs mobilisés en renfort pour soutenir
les parties principales. Les parties secondaires ou parties invisibles sont
celles qui poussent les parties en conflit et qui souvent ont des
intérêts dans le conflit . Dans le cas d'espèce, nous
faisons allusion aux autres groupes ethniques qui viennent en aide aux groupes
en conflit. Nous rangeons aussi dans cette catégorie les pays voisins de
la RDC qui ne font qu'attiser le feu dans la partie orientale de la RDC, en
général et au Sud-Kivu et à Kalehe, en particulier. Il
s'agit, dans le cas d'espèce, du Rwanda, de l'Ouganda et du Burundi dont
le renfort aux groupes rebelles n'est pas à éluder. A ce sujet,
nombreux sont des ouvrages, des articles et rapports des organismes qui
témoignent de l'implication de ces pays dans l'insécurité
qui ravage cette partie du territoire congolais.
Les parties périphériques
Les tierces personnes sont celles qui sont plus ou moins
neutres, non directement concernés par le conflit mais peuvent jouer un
rôle pour aider les parties au conflit à le résoudre. Il
s'agit ici des personnes qui ne sont pas concernées directement par les
hostilités mais qui subissent les effets du conflit et ont un
intérêt certain à l'accord qui sera trouvé. Il
s'agit des populations environnantes du lieu où se déroulent les
conflits. Nous pensons ici aux femmes et enfants de Kalehe qui sont pour la
plupart de principales victimes des hostilités. A ce sujet, parlant de
la situation du bassin du Nil, montre que les jeunes enfants n'échappent
pas aux conflits. Ils sont recrutés par les milices qui s'aventurent
même dans les camps de réfugiés pour faire de nouvelles
recrues. Nombreux sont également des cas d'harcèlements sexuels,
de viols. Plus de 320 000 personnes ont dû se déplacer dans le
Nord-Kivu à cause des conflits.
Mais aux côtés de ces acteurs figurent aussi des
tireurs des ficelles. Nous pensons ici à ceux qui sont impliqués
directement dans le conflit mais qui ont intérêt à ce que
le conflit persiste. Il s'agit par exemple dans le cas d'un conflit armé
des commerçants et de trafiquants d'armes et minutions. Ceux-ci ne
peuvent oeuvrer en faveur de la paix qui risque de les appauvrir. Pour eux, la
guerre est une bonne chose. Car ils font fortune grâce à la
guerre. Sinon on ne saura pas expliquer comment, par exemple, le Nord-Kivu est
depuis 20 ans en insécurité à cause des conflits
armés mais des maisons en étages ne cessent d'être
érigées.
170
pouvons trouver des locaux et des étrangers, tout comme
nous pouvons aussi trouver des locaux et des étrangers parmi les parties
périphériques et ainsi de suite.
Tableau N°13 : Les points de vue des enquêtés
sur ce que peut être l'apport de l'Etat congolais au développement
du territoire de Kalehe Item n°15 : Quel peut être l'apport de
l'Etat congolais dans le développement du territoire de Kalehe ?
N°
|
Réponses des enquêtés
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
1.
|
Dans la formation des jeunes de Kalehe
|
72
|
45
|
2.
|
Dans la règlementation des conflits
|
44
|
28
|
3.
|
Dans les constructions des hôpitaux, des écoles et
d'autres édifices favorisant le développement
|
19
|
12
|
4.
|
Dans la sensibilisation de la population de Kalehe
|
10
|
6
|
5.
|
Dans l'investissement dans le milieu communautaire
|
8
|
5
|
6.
|
Indécis
|
7
|
4
|
|
|
TOTAL
|
160
|
100
|
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5
Mars 2023.
A la lumière du tableau ci-dessus, il convient de
remarquer que 72 de nos enquêtés, soit 45 % de 160 soit 100%,
pensent que pour aider le territoire de Kalehe à se développer,
l'Etat congolais doit former les jeunes de Kalehe. Suivis de 44 personnes, soit
28%, qui pensent que le développement de Kalehe est possible que s'il y
a absence de conflit. 19 personnes, soit 12% d'entre eux,
préfèrent la construction des hôpitaux, des écoles
et autres édifices de développement pour développer le
territoire de Kalehe. Tandis que 10, soit 6%, pensent que le vrai
problème la population de Kalehe est dans son mental, et la meilleure
façon de l'aider serait de le sensibiliser, et enfin 8, soit 5%, pensent
qu'il faille investir dans le territoire de Kalehe pour attendre
l'évolution de la population qui habite son milieu. 7 personnes, soit 4
%, n'ont pas donné des réponses claires.
171
La figure ci-dessous donne des explications
détaillées de ce tableau.
La figure N°10 : Les points de vue des
enquêtés sur ce que peut être
l'apport de l'Etat congolais pour faciliter le
développement du territoire de Kalehe.
Fréquence
Dans les constructions des Hôp, des écoles et
d'autres édifices fav. le dvt
Dans la règlementation des conflits
Dans la formation des jeunes de Kalehe
Dans la sensibilisation de la population de Kalehe
Dans l'investissement dans le milieu com.
Pour développer le territoire de Kalehe, l'Etat
congolais comme acteur majeur doit mener des actions positives. Parmi ces
actions, il y a la sécurisation des personnes et de leurs biens, qui est
d'ailleurs sa mission régalienne. Cependant, en ce qui concerne le
conflit, armé ou autre, d'autres acteurs ont aussi de rôles
à jouer. Dans le processus de pacification, par exemple, plusieurs
acteurs interviennent pour aider à mettre fin aux conflits. Leurs
rôles dépendent même du mode de résolution du conflit
choisi. Dans une procédure judicaire, les acteurs ne vont pas jouer les
mêmes rôles qu'ils auraient pu jouer dans un mécanisme
d'arbitrage. De même, les rôles que les acteurs sont appelés
à jouer dans une négociation ne sont pas forcément les
mêmes que ceux qu'ils auraient pu jouer dans une procédure de
réconciliation.
Pour mieux cerner ces rôles, il est important de
comprendre qu'il existe actuellement deux conceptions de paix : l'une positive
et l'autre négative. La paix négative est entendue comme
l'absence de conflits.
172
S'agissant de la paix positive, signalons qu'elle est
proactive. Il est question ici de favoriser la mise en place des structures
permettant la résolution de conflits et le développement positif.
Reprenant la formule de Galtung, nous pouvons assimiler la paix positive au
renforcement de l'organisme dans le but d'éviter que celui-ci ne tombe
malade. C'est dans cette même logique que Marullo et
Hlavacek360 estiment qu'il faut cesser de considérer le
militarisme et la guerre comme faisant partie intégrante du patrimoine
humain pour faire du monde un endroit plus sûr. La paix positive cherche
à garantir le respect des besoins et droits humains fondamentaux ou
encore la justice sociale afin de prévenir, éventuellement les
conflits.
Pour ce faire, il faut un leadership efficace. Car la gestion
d'un conflit est donc bien du ressort du leadership. A ce sujet,
évoquant les cas des entreprises, Christian Faivre note que les leaders
efficaces se sentent responsables de la mise en place d'un environnement
apportant la sécurité et le respect tout en aidant les
entreprises à atteindre leurs objectifs professionnels et financiers ;
ce qui est le but d'une gestion efficace du conflit.
Dans cette perspective, les acteurs doivent jouer des
rôles beaucoup plus importants afin de pacifier d'abord le territoire de
Kalehe, ensuite instaurer la paix pour enfin assurer son
développement.
En effet, pour pacifier une zone ou un espace en proie aux
conflits et à l'insécurité, l'action de deux types
d'acteurs reste l'élément moteur sans lequel aucun effort de
pacification ne saurait aboutir aux résultats escomptés. Il
s'agit ici des parties prenantes au conflit.
Certes, il est toujours extrêmement difficile
d'établir une liste bien équilibrée et de
sélectionner les parties prenantes. Mais comme nous l'avons
expliqué un peu plus haut, les parties impliquées dans un conflit
sont : les parties primaires, les parties secondaires et les tierces (acteurs
périphériques). Chacune d'elles est appelée à jouer
des rôles spécifiques.
De ce qui précède, pour que les acteurs
s'inscrivent au schéma de résolution des conflits au sein du
groupe, il est capital d'envisager et d'adopter quelques conseils. En fait,
nombre de mécanismes suggérés mettent en lumière un
engagement face à la recherche d'une solution raisonnable. Cependant, le
leader doit retenir que derrière des positions incompatibles se
camouflent des
360 MARULLO et HLAVACEK, cité par FETHERSTON, A.B.,
Op.cit., p. 96.
173
intérêts compatibles qui nécessitent de
gratter un peu la surface pour s'en rendre compte. Car tout acteur ou partie
impliqués dans un conflit a toujours quelque chose de valable à
dire et qui le conduit à prêter une oreille tout aussi attentive
aux deux parties et entendre leurs précieuses idées.
De ce fait, comme les désagréments
engendrés par des divergences de points de vue, d'expertises,
d'accès à l'information et de focalisation stratégique
génèrent la plus grande partie de la valeur ajoutée de la
collaboration entre différentes divisions de l'entreprise, la meilleure
solution pour un leader avisé est d'embrasser le conflit et d'encourager
la multiplication des différences pour permettre à l'entreprise
de rester en tête . Puisque les heurts entre les différents
départements sont le creuset dans lequel sont élaborées
des solutions créatives et les compromis astucieux entre des objectifs
concurrentiels.
La situation s'aggrave généralement lorsqu'il y
a peu de dialogue ou qu'il n'y en a pas du tout. De ce fait, il est
nécessaire d'amorcer la discussion et le dialogue en prenant soin
d'encourager la participation. Toutefois, notons que les émotions fortes
rendent la situation explosive. Ainsi importe-t-il de créer un milieu
où tous peuvent exprimer leurs sentiments et leurs
préoccupations.
Malgré cela, les parties auront tendance à
s'attarder aux différences. Dans ce contexte, il faut demander aux
parties : d'identifier leurs points communs ; leur rappeler ces points et faire
état des progrès réalisés. Elles peuvent aussi
adopter une stratégie défensive et chercher à
protéger, à justifier et à expliquer leur position. A ce
niveau, il faut rechercher des solutions : essayer de comprendre mais leur
rappeler qu'il faut aller de l'avant.
Les parties voudront immédiatement discuter de leurs
besoins respectifs. Ce n'est qu'une fois la communication et la bonne
volonté installées que l'on pourra aborder les besoins de chacun
ou chacune.
- Rôles des acteurs d'après la localisation
Signalons que les acteurs peuvent être regroupés
en deux grands blocs, à savoir : les acteurs internes et externes. Par
rapport à cette localisation, les acteurs peuvent jouer des rôles
différents, amis complémentaires. C'est dire que sans l'apport
des acteurs externes, tout processus de pacification mené par les
acteurs locaux a beaucoup de chances de se solder par un échec.
- Rôles des acteurs internes (locaux) dans la
pacification
Conformément au mode de résolution choisi pour
mettre fin aux conflits, les acteurs locaux doivent s'impliquer, dès le
début, dans la conception
174
De manière générale, ce sont les
organisations et les acteurs locaux qui subissent directement les effets des
conflits qui, en réalité, sont les principaux concernés
des processus de paix sur lesquels ils comptent beaucoup et cherchent à
influencer. Ils ont beaucoup d'intérêts à capitaliser dans
la paix que dans la récurrence des conflits et
l'insécurité.
D'un point de vue externe, les acteurs locaux sont ceux dont
les voix détermineront si la paix est durable. C'est dans cette optique
que nombre d'initiatives externes visent donc à influencer le
comportement des acteurs locaux. Ce groupe est constitué d'une multitude
de parties prenantes représentant chaque élément et niveau
de la société. Il est question dans le cas d'espèce de :
des institutions provinciales du Sud-Kivu, du gouvernement central, des
institutions du territoire de Kalehe, des ethnies et communautés en
conflit, des groupes armés, des organisations de la
société civile locale comme des églises et associations
diverses, des commerçants et immigrés rwandophones.
Comme nous pouvons nous en rendre compte, cette
catégorie d'acteurs n'est pas composée des acteurs formant un
groupe homogène. Tous ne sont pas forcément pacificateurs.
Nombreux peuvent recourir à la violence pour réaliser leurs
objectifs alors que d'autres peuvent en profiter pour poser des actes
criminels. D'ailleurs, même ceux qui sont favorables à la paix ne
s'accorderont pas nécessairement sur la meilleure façon de
l'atteindre.
C'est dire que les acteurs locaux sont essentiels à la
paix durable mais peuvent aussi être affaiblis, fragiles et
fragmentés suite au conflit. Il est donc important qu'ils soient
aidés avec sensibilité et bienveillance de manière qu'ils
puissent recouvrer leur capacité de gérer leurs propres affaires.
Les institutions sociales locales sont probablement affaiblies pendant le
conflit et restent fragiles pendant un certain temps dans la période qui
suit le conflit.
De ce qui précède, soulignons qu'un processus
local de pacification nécessite d'identifier les acteurs locaux qui sont
prêts à le prendre en charge, même si cela comporte son lot
de problèmes du fait que les locaux peuvent, au départ, se
trouver dans des situations extrêmement précaires. Car en tant que
riverains, ceux-ci sont voués à s'impliquer dans toutes les
étapes du processus de pacification.
- Clarification des problèmes : Que s'est-il donc
passé, où, quand ; qui l'a fait, comment et quelles en sont les
conséquences ? ;
175
des programmes en participant aux évaluations de
besoins, à l'analyse du conflit, à la planification, à la
coordination et au suivi. Leur participation garantira une conception de projet
plus efficace et plus pertinente parce que la stratégie aura
incorporé les connaissances locales et sa mise en oeuvre
bénéficiera aussi de leur participation et de leur prise en
charge locale. Mais l'appropriation locale est un concept et un principe
fondamental dans le cadre de la consolidation de la paix, ce qui veut dire que
l'orientation future d'un pays donné devrait se trouver entre les mains
des citoyens de ce pays.
C'est dire que les acteurs locaux, plus
précisément des parties prenantes secondaires, peuvent jouer un
rôle déterminant dans la gestion d'un conflit dans les domaines
suivants :
- Collecte et analyse d'informations en fournissant un appui
technique, en obtenant des informations ou en donnant des conseils à ce
sujet, en participant à la recherche de points de vue sur des solutions
possibles ou en rendant plus acceptables les divers résultats ;
- Plaidoyer en travaillant aux côtés des parties
plus faibles pour bâtir un processus transparent ou en aidant les
décideurs dans la promotion d'une plus grande équité ;
- Médiation en servant d'intermédiaires entre
d'autres groupes en
conflit ;
- Suivi et mise en application en garantissant le respect des
accords en aidant à mettre en application ceux qui auraient
été enfreints.
Les parties prenantes secondaires peuvent avoir un rôle
efficace sans intervenir directement dans des négociations formelles.
Elles peuvent par exemple prendre part à des discussions de groupe,
à des groupes consultatifs ou à des groupes de travail, à
des enquêtes ou à des entretiens et à des réunions
communautaires.
Dans cette démarche, les parties
périphériques, notamment les médiateurs, peuvent guider
les parties prenantes à travers les étapes suivantes de l'analyse
du conflit :
176
- Analyse des causes profondes : Décomposition d'un
conflit complexe en enchaînements de causes à effets simples. Ceci
permet de déterminer quelles sont les causes les plus importantes et les
moins importantes et d'identifier les principaux problèmes à
traiter ;
- Analyse des parties prenantes : Identification des parties
prenantes impliquées dans le conflit, de leur pouvoir relatif et de
leurs relations mutuelles ;
- Exploration et analyse des droits, responsabilités et
avantages que les parties prenantes du conflit retirent des ressources en jeu
et examen de leurs relations mutuelles ;
- Modèle des niveaux du conflit: Identification des
différences À puis des points communs À entre les parties
prenantes, au niveau des positions, des intérêts et des
besoins.
C'est à ces tâches que les groupes rebelles
opérant à Kalehe, les ethnies et communautés en conflits,
les commerçants et les hommes politiques impliqués dans ces
conflits, les organisations de la société civile, les
institutions politiques de la province du Sud-Kivu, celles du territoire et du
pouvoir central sont conviés. Car une solution holistique du
problème est mieux placée que toute autre. Le souci est que les
protagonistes parviennent à prendre leurs propres décisions, tout
en reconnaissant que leur système local est en interaction avec celui
international. Ce qui les inclut dans un système beaucoup plus vaste,
avec des normes, des structures et certains types de comportements attendus,
qui agit comme une contrainte et qui déterminera les paramètres
dans lesquels les acteurs locaux peuvent prendre des décisions
concernant leur avenir.
En somme, disons que les processus facilités par une
médiation qui repose sur l'engagement des parties prenantes du conflit
favorisent ou renforcent
:
- Le consensus et la prise en charge des processus ; ce qui se
traduit habituellement par un renforcement de l'efficacité À les
probabilités de parvenir à des résultats positifs sont
plus grandes ;
- L'efficacité À l'énergie, les
ressources et les activités investies dans le processus ont plus de
probabilités de déboucher sur des résultats positifs si
les connaissances et les aptitudes des parties prenantes sont mises à
contribution ;
Pour ce faire, elle avait installé des comités
locaux de réconciliation dans les villages ci-dessus. Sa démarche
combinait les pratiques traditionnelles
177
- L'équité, dans la mesure où tous les
besoins et tous les intérêts des parties prenantes sont pris en
compte ;
- La transparence et la responsabilité, dans la mesure
où les parties prenantes du conflit ont un pouvoir de décision
sur leur vie présente et future ;
- La durabilité et l'impact À un accord a plus
de chances d'être respecté s'il a été
élaboré par des personnes directement concernées.
- Rôles des acteurs externes dans la pacification
Les acteurs externes sont nombreux comme nous l'avons
signalé un peu plus haut. Leurs rôles dans la pacification ne sont
pas à négliger. Car l'art de la consolidation de la paix
réside dans la poursuite du bon équilibre entre le soutien
international et les solutions locales et adaptées au contexte à
travers l'appropriation locale. Dans certains cas une stratégie
spécifique de pacification ou un cadre prémédité
sera élaborée et parfois facilitée par la participation de
ceux-là.
- Rôles spécifiques de la société
civile dans le processus de pacification
La société civile peut jouer de nombreux
rôles dans la consolidation de la paix. Par exemple, en servant de
passerelles entre l'État et ses citoyens, les organisations de la
société civile peuvent jouer un rôle important dans
l'autonomisation des femmes et des jeunes et la promotion d'un message de paix
(...) .Et au Niger, les organisations de la société civile ont
développé des stratégies de suivi de l'adoption et de la
mise en oeuvre des budgets par les collectivités locales. Tous les ans,
une session budgétaire citoyenne est organisée afin de permettre
l'analyse de la mise en oeuvre du budget de l'année
précédente et de demander au gouvernement d'expliquer les
écarts constatés, de définir les projections
budgétaires et de faire des recommandations au ministère du
Budget.
S'agissant de la RDC, par exemple, pour conjurer le
démon de violence due à l'action d'Etoko dans l'ancienne province
de l'Equateur en RDC, l'ONG Search for Common Ground avait initié des
cérémonies traditionnelles à Bokonzi, à Munzaya et
à Enyele en 2011 pour établir le dialogue entre ces deux groupes
ethniques en conflit .
178
et les techniques modernes de transformations des conflits.
Les autorités politiques, les leaders de la société civile
et les notables qui instrumentalisent les deux groupes ethniques à
partir de Gemena et de Kinshasa ont été sensibilisés et
impliqués dans le processus de paix.
Toutefois, et de manière synthétique, la
société civile locale est appelée à jouer quelques
rôles spécifiques ci-après :
- La protection des citoyens contre la marginalisation de toutes
les parties ;
- Le suivi des violations des droits de l'homme et de la mise
en oeuvre des accords de paix, entre autres ;
- Le plaidoyer en faveur de la paix et des droits de l'homme ;
- La socialisation aux valeurs de paix et de démocratie
ainsi que le développement des identités des groupes
marginalisés ;
- La cohésion sociale intergroupe instaurée en
rassemblant des membres de groupes opposés ;
- La facilitation du dialogue aux niveaux local et national
entre plusieurs parties prenantes ;
- La prestation de services en aidant l'État à
fournir de la nourriture, des soins de santé et du travail facilement
accessible aux personnes vulnérables dans les sociétés
sortant d'un conflit.
Les rôles de l'acteur local dans
l'intégralité du processus de pacification incluent :
- Améliorer la sécurité ;
- Encourager le secteur privé à exploiter,
élargir et se réapproprier les marchés domestiques ;
- Promouvoir la stabilité économique et la
création d'emplois ;
- Encourager les processus de consolidation de la paix
à travers la justice, le dialogue et la réconciliation ;
- Générer un dividende de paix pour la population
locale ; - Maintenir la fourniture d'équipements sociaux ;
- Bâtir et entretenir des relations avec d'autres
acteurs.
179
La société civile internationale peut aussi
jouer d'autres rôles. A titre illustratif, nombre d'OING se sont
spécialisées dans des domaines spécifiques et sont
essentiellement conviées pour jouer les rôles spécifiques,
à savoir : secourir, faire le plaidoyer et développer,
rôles dont les activités se concentrent lors de la phase de
stabilisation du conflit. Elles contribuent en général au
redressement et à la réhabilitation des sociétés
post-conflit. C'est dire que le secteur privé international joue aussi
un rôle important en investissant dans différents secteurs des
économies des sociétés post-conflit ; ce qui
génère des recettes pour l'État, créée des
emplois et stimule l'activité et la croissance économiques. Pour
ce faire, ce secteur est appelé à s'abstenir d'agir sur la
politique locale du pays concerné.
Le fait est que lorsque le secteur privé international
essaye d'influencer la politique locale à son avantage, ou lorsque ses
activités sont perçues comme avantageant l'une ou l'autre des
parties au conflit, cela peut impacter négativement sur les efforts de
pacification entamés. C'est dire que le secteur privé est donc un
partenaire important de la consolidation de la paix et sa participation
précoce peut contribuer à améliorer les facteurs
économiques susceptibles d'engendrer des dividendes de paix pour les
populations locales . Il s'agit, par exemple, des donateurs, une autre
catégorie importante d'acteurs externes qui joue parfois des rôles
non négligeables.
Nous pensons ici aux organismes comme :l'Union
européenne (UE), l'Agence de coopération internationale du Japon,
l'Agence des États-Unis pour le développement international
(USAID), le Département du Royaume-Uni pour le développement
international (DFID), le Deutsche Gesellschaft für Internationale
Zusammenarbeit (GIZ) allemand, l'Agence norvégienne pour le
développement international (NORAD), l'Agence suédoise de
coopération internationale pour le développement (SIDA), l'Agence
canadienne pour le développement international CIDA), et l'organisme
irlandais GOAL.
Généralement, ces partenaires ont une
présence dans le pays mais ne manquent pas les programmes
eux-mêmes. Ils mettent plutôt des ressources à la
disposition du système de l'ONU et des ONG qui travaillent sur le
terrain. Nombre d'organismes de l'ONU sous-traitent aussi le travail à
des ONG en ce sens que la plupart d'activités programmatiques sur le
terrain sont menées par des ONG.
180
De ce qui précède, nous ne pouvons pas aussi
ignorer les rôles de nouveaux acteurs émergents. Il s'agit, par
exemple, de la nouvelle Banque de développement des BRICS. Car ces
acteurs disposent des approches, des mobiles et des méthodologies
différentes et ne tiennent pas souvent compte des conseils du
Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation pour la
coopération et le développement économiques (OCDE). Ils
s'intéressent plus aux partenariats pour le développement des
infrastructures et l'échange d'expertise technique. Ils ont une
théorie du changement à long terme qui soutient que la
stabilité et le développement contribueront à instaurer
une paix durable dans le temps.
- Rôles de la femme dans le processus de pacification
Les rôles dévolus à chaque sexe au sein
d'une société ont une incidence sur l'équité, la
richesse, le pouvoir et le bien-être. Les rôles et les relations
des hommes et des femmes sont dynamiques et changeants. Les changements peuvent
survenir brusquement à l'issue de guerres, de famines et de catastrophes
naturelles, ou progressivement au fil du temps.
Cependant, un changement peut être perçu comme
une opportunité ou comme une menace, aussi bien par les hommes que par
les femmes, et être une source de conflit. Des conflits peuvent aussi
découler des mesures imposées par des hommes et des femmes pour
rétablir un équilibre dans des rôles et des processus qui
ont une incidence sur les conditions de vie des femmes.
Dans le cadre des conflits fonciers, par exemple, en tant que
groupe de parties prenantes, les femmes ont souvent de grandes
difficultés à faire reconnaître leurs droits fonciers. Cela
tient principalement à deux raisons: leur condition sociale et leur
identité. Ainsi, (...) il est nécessaire de tenir compte des
questions de genre et des problèmes qui découlent de la
répartition des rôles et des responsabilités, ou encore des
relations entre les hommes et les femmes.
Disons que (...) l'affaiblissement continuel des institutions
publiques et l'échec de ces dernières à restaurer une
certaine cohésion sociale face à l'intensification des tensions
montrent le besoin d'une participation effective des citoyens à la vie
publique, en particulier les femmes et les jeunes, pour une paix, une
sécurité et un développement durables aux niveaux local,
national et régional.
181
Section 3. ACTION COLLECTIVE DES ACTEURS POUR LA
SECURITE, LA PAIX ET LE DEVELOPPEMENT DE KALEHE
Nous avons déjà identifié les causes de
l'absence la paix dans le territoire de Kalehe. Nous avons également
épinglé les rôles des acteurs dans le processus de
pacification tout en effleurant quelques idées forces sur ce processus.
A présent, nous voulons démontrer l'importance de la paix si l'on
envisage le développement de ce territoire.
3.1. Actions préconisées pour la paix et le
développement de Kalehe
De manière générale, il existe plusieurs
voies de sortie d'un conflit, c'est-à-dire qu'il existe nombre de
mécanismes pouvant aider à résoudre les conflits que nous
regroupons en deux catégories. Dans la première catégorie
nous avons les mécanismes dits non consensuels/informels. Il s'agit ici
de : l'adjudication et l'arbitrage. Ces deux mécanismes renvoient
à l'intervention d'une tierce partie habilitée (formelle ou
informelle) et chargée de prendre la décision
finale361.
La seconde catégorie est celle des mécanismes
dits consensuels/formels de conflit. Ce sont des méthodes alternatives
de gestion de conflit, notamment : l'action communautaire et consultation, la
négociation, la facilitation, la conciliation et la
médiation362. Contrairement aux premiers, les
mécanismes de la seconde catégorie regroupent tous les processus
allant dans le sens de la recherche d'un consensus. Dans le cadre de ceux-ci,
ce sont les parties, elles-mêmes, qui décident ensemble comment
gérer ou trouver une solution à leur conflit.
S'agissant de la situation de l'Est de la RDC, en
général, et du territoire de Kalehe en particulier, les actions
menées de 2000 jusqu'à nos jours sont légion. Sur le plan
interne, on peut, à ce sujet, citer :
- Le dialogue intercommunautaire ;
361 HERRERA, A. et GUGLIELMA DA PASSANO, M., Op.cit.,
pp. 80-84. 362Idem, p. 87.
Certes, la paix ne signifie pas absence de conflits ; mais il
faut un processus qui privilégie le dialogue constructif et inclusif
aboutissant à la
182
- L'activité économique pacificatrice, comme la
distribution des chèvres, réconciliation à plusieurs
membres de différentes ethnies pour favoriser les échanges, les
dialogues et le suivi concerté ;
- Les activités culturelles : théâtres,
ballets, foot pour les jeunes ;
- Les ateliers de réflexion sur les thèmes comme
: l'éducation civique, la gestion des conflits, la démocratie et
la paix, le genre et le développement, la femme et la bonne gouvernance
;
- L'amendement du code de la femme, participation à
l'élaboration de la loi sur les viols et violences faites à la
femme ;
- Les émissions à la radio ;
- Les concertations synergiques avec d'autres acteurs de paix ; -
Les plaidoyers auprès des autorités locales, nationales ;
- La sensibilisation des chefs des bandes armées
à l'Est de la RDC (Laurent N'Kunda, etc.) ;
- Les actions de démobilisation.
Sur le plan externe, on peut retenir :
- Les concertations régionales avec les organisations
du Rwanda, du Burundi au sein de la dynamique régionale de la
société civile ;
- Les voyages d'échanges d'expériences des
acteurs et actrices de la société civile de la région ;
- La sensibilisation des acteurs sur la gestion de conflits,
la démocratie et la paix, la femme et la paix, la femme et la bonne
gouvernance.
Malgré la présence de la Monusco et
malgré l'application de divers mécanismes proposés par
d'autres organismes nationaux et internationaux, l'Est de la RDC, en
général, et le territoire de Kalehe, en particulier, n'est pas
toujours en paix. Les groupes rebelles, tout comme les communautés,
continuent à vivre dans des tensions. Car toutes les solutions
proposées se sont soldées par un échec cuisant.
183
résolution d'un conflit entre individus à
travers un comportement de compréhension mutuelle et de
complémentarité des idées363.
Puisque les conflits jalonnent nos existences et nos
relations364. Quand des conflits surviennent, en temps de paix, ils
sont résolus sans usage de la force. Chez un individu la paix est
caractérisée par des sentiments de dignité, de
quiétude, sans angoisse, sans intimidation et sans mauvaises
idées365. Pour ces raisons, on préfère
éviter tout conflit, sans forcément réaliser qu'on pose
ainsi les bases d'un refoulement qui cultive ses dynamiques destructrices.
Pourtant, quand il émerge, un conflit pourrait aussi être vu comme
un marqueur du besoin de porter une attention particulière là
où apparaissent les premières tensions ; il serait donc un
révélateur366. Et parce que ces tensions peuvent
conduire à la souffrance, à la perte ou à la destruction,
un conflit signale le besoin d'une intervention.
Voilà pourquoi nous estimons qu'il faut mener de
manière concomitante la consultation, la facilitation, la
réconciliation et la négociation à Kalehe pour pouvoir
trouver une issue à favorable des conflits. Toutes ces démarches
doivent commencer par le changement de la perception que l'on a d'un conflit.
Il est bon de le considérer comme un phénomène normal de
la vie en société : celle-ci étant fondée sur la
multitude et donc la diversité, elle produit des tensions, des
frictions, voire des incompatibilités entre les collectifs et les
individus qui la composent. Légitimer un conflit signifie l'accepter
comme un phénomène normal des sociétés humaines
tout en prenant conscience de son potentiel de destruction qui exige d'agir
pour rechercher une transformation vers des rapports plus équitables.
C'est dans ces conditions qu'un conflit détient un potentiel de
transformation sociale, de changement dans le sens d'un progrès à
réaliser.
A partir de cette nouvelle perception, nous pouvons ainsi
fonder le processus de pacification sur la doctrine et la philosophie de la
Fédération pour la Paix Universelle, « FPU », en sigle.
En effet, selon cette Fédération, l'ONU
363 NIYAKIRE, A. et Ali., Résolution pacifique des
conflits, Guide de formation destinée aux leaders communautaires
« Imboneza », Centre de Dévelloppement Familial et
Communautaire (CDFC) de la Province de Gitega, 2013, p. 9.
364 GATELIER, K., et Ali., Op.cit., p. 15.
365 NIYAKIRE, A. et Ali., Op.cit., p. 9.
366 GATELIER, K. et Ali., Op.cit., p. 15.
184
qui a été instituée après la
seconde guerre mondiale pour éviter que les sociétés
sombrent encore une fois de plus dans des violences, comme c'était les
cas en 1914-1918 et 1940-1945, a lamentablement échoué et n'est
pas parvenue à atteindre le but ultime pour lequel elle a
été créée. Car dans presque tous les continents,
les conflits sont restés omniprésents. Les cas les plus
emblématiques sont nombreux. On peut, à ce sujet, évoquer
quelques cas : l'Israël et la Palestine sont loin de s'accorder sur les
enjeux qui les opposent ; l'Ethiopie et l'Erythrée sont loin de vivre en
harmonie ; la Russie et l'Ukraine sont plongées dans les affrontements ;
la RDC et ses voisins, principalement le Rwanda, baignent dans une opposition
ouverte sans précédent.
A la base de cet échec de l'ONU figurent des
éléments ci-après, à
savoir :
- L'absence de Dieu : selon la FPU, les nations ont
institué l'ONU pour instaurer la paix ; elles ont mis tout à sa
disposition, mais il faut remarquer qu'aucune place n'a été
réservée à Dieu dans cette organisation. Il se
révèle ici que l'aspect divin découle de la source
spirituelle du conflit et de la guerre. En effet, dans ses recherches sur
l'origine des conflits et s'interrogeant : « Pourquoi le monde est-il en
conflit ? », l'UNESCO réalise que ceux-ci résultent de la
séparation de nos ancêtres originels de Dieu et de l'influence
négative des forces spirituelles du mal. Elle explique ceci par un
portrait fait de la relation illicite d'Adam et Eve ainsi que de l'esprit de
meurtre et de violence qui animait Caïn contre son frère Abel.
- L'imperfection des hommes : Pour l'UNESCO, cette
imperfection n'est ne découle de rien d'autre que de
l'égoïsme avec ses corollaires que sont la convoitise,
l'exploitation, l'arrogance, la vengeance, le préjudice et l'avarie qui
animent l'esprit humain ; tout ceci parce que l'homme ne veut vivre que pour
soi-même.
C'est dans cette convergence que l'Acte Constitutif de
l'UNESCO souligne dans son préambule que « les guerres prenant
naissance dans l'esprit des hommes, c'est dans l'esprit des hommes que doivent
être élevées les
défenses de la paix. L'incompréhension
mutuelle des peuples a toujours été, au cours de l'histoire,
à l'origine de la suspicion et de la méfiance entre nations, par
où leurs désaccords
185
ont
trop souvent dégénéré en guerres
».367
Elle poursuit par l'affirmation que la grande et terrible
guerre qui vient de finir a été rendue possible par le reniement
de l'idéal démocratique de dignité,
d'égalité et de respect de la personne humaine et par la
volonté de lui substituer, en exploitant l'ignorance et le
préjugé, le dogme de l'inégalité des races et des
hommes.
Cela étant, elle soutient que la dignité de
l'homme exigeant la diffusion de la culture et l'éducation de tous en
vue de la justice, de la liberté et de la paix, il y a là, pour
toutes les nations, des devoirs sacrés à remplir dans un esprit
de mutuelle assistance.
Elle conclue, pour ce faire, qu'une paix fondée sur les
seuls accords économiques et politiques des Gouvernements ne saurait
entraîner l'adhésion unanime, durable et sincère des
peuples et que, par conséquent, cette paix doit être
établie sur le fondement de la solidarité intellectuelle et
morale de l'humanité.
Par ailleurs, certains libres penseurs estiment que la paix
est comprise avant tout par les différentes lettres qui composent ce mot
« paix ». La lettre « P » signifie pain,
c'est-à-dire à manger selon la culture de chaque peuple. La
lettre « A » renvoie à l'amour, c'est-à-dire un plaisir
d'adoration pour tous les autres hommes qui t'entourent. La lettre « I
» égale à l'injustice. Et la lettre « X » fait
référence à la xénophobie.
Eu égard à ce qui précède, la FPU
met en lumière une philosophie et une doctrine qui se fondent sur cinq
principes fondamentaux tels qu'expliqués ci-dessous. Il s'agit de :
- La dualité ;
- Le donner et le recevoir ;
- Le but d'ensemble et les buts individuels ;
- La croissance dans les trois stades successifs ;
- La liberté à travers la responsabilité.
367 Constitution de l'Organisation des Nations Unies pour
l'Education, la Science et la Culture, Londres, Novembre 1945,
https://www.droitcongolais.info/files/0.5.11.45-Constitution-de-l-UNESCO.pdf
186
S'agissant du premier principe, la FPU démontre
qu'instaurer la paix dans le monde, en général, et dans le
territoire de Kalehe, il importe que tous les acteurs reconnaissent avant tout
que le monde fonctionne selon ce principe de dualité,
c'est-à-dire que Dieu a créé tout ce qui est dans
l'univers par deux : l'homme et la femme, le jour et la nuit, le soleil et la
lune, etc. aucune des créations ne peut se suffire à elle seule
sans la présence de l'autre. Cest dire que l'homme doit
reconnaitre que sa vie est intimement liée à celle de son
prochain. Au cas contraire, ni lui ni son prochain, personne ne saura vivre et
avancer. Il y a là la logique d'interdépendance et de
complémentarité universelle. C'est la maitrise et
compréhension de ce principe qui permettra au monde, en
général, et à Kalehe de construire une paix durable.
Pour ce qui est du deuxième principe du donner et du
recevoir, la FPU note qu'il découle du premier. Celui-ci met en vedette
l'idée selon laquelle il faut savoir interagir avec les autres. C'est
là que se cache la bénédiction. L'homme doit savoir bien
donner pour bien recevoir. Le fait de donner est un moyen nécessaire
pour instaurer la paix entre les humains. L'égoïsme est en
réalité l'origine des frustrations et conflits qui naissent au
jour le jour entre les humains. Car personne ne peut se suffire à
elle-même.
A propos du troisième principe qui parle du but
d'ensemble et des buts individuels, la FPU situe aussi des conflits dans ces
deux types de buts, c'est-à-dire le bien commun et le bien individuel.
La poursuite et la priorisation du but individuel par les acteurs est une
source importante des conflits. Certes, les besoins ne sont pas identiques chez
tous les hommes mais il faut signaler qu'il existe des besoins fondamentaux
communs à tous les êtres et qui nécessitent une action
collective pour leur satisfaction. Ce qui implique qu'il faut avant tout
privilégier ces besoins que ceux individuels pour ne pas faciliter
l'émergence des conflits dans le territoire de Kalehe. L'Etat, à
travers ses structures, notamment : le gouvernement provincial,
l'assemblée provinciale du Sud-Kivu, le chef du territoire et son
adjoint, doivent faire le minimum pour aider la population de Kalehe à
satisfaire ces besoins. C'est dire que la paix ne peut être possible que
si le but commun ou l'intérêt général est mis en
avant plan.
Le quatrième principe est celui de croissance dans les
trois stades successifs. Selon celui-ci, la FPU pense que l'homme doit croitre
à travers les trois stades de manière réciproque. Au cas
contraire, ça sera l'hécatombe. Le premier stade est celui de la
formation. Ici, elle met l'accent sur l'éducation comme étant le
facteur principal qui permet d'inculquer à l'homme des valeurs
187
de la société sans lesquelles il sera semblable
à un animal. Le deuxième stade est celui de la croissance. Ici la
FPU note que c'est le niveau où l'homme est appelé à
prendre des connaissances qui vont le rendre utile à la
société. Il s'agit des connaissances scientifiques. Le dernier
stade est celui de l'accomplissement.
Le dernier principe est celui en rapport avec la
liberté à travers la responsabilité. La liberté
réside dans l'effort incessant de l'homme de surmonter les entraves et
les contraintes. Pour la Déclaration des droits de l'homme, à son
article 4, « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui
ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque
homme n'a de bornes que celles
qui assurent aux autres membres de la société la
jouissance de ces mêmes droits.
»368
La responsabilité, quant à elle, sous-tend la
capacité de répondre de ses actes et en assumer les
conséquences. C'est dans ce sens que Maurice Blondel déclare que
« La responsabilité est la solidarité de la personne humaine
avec ses actes... »
Somme toute, la responsabilité est ce par quoi l'homme
pose sur son oeuvre ses empreintes de liberté. L'homme responsable est
celui qui prend conscience des actes qu'il pose et est prêt d'en assumer
les conséquences car nier ses actes c'est refuser sa dignité et
sa liberté. Ainsi, tout sujet qui possède un élan de
responsabilité a le devoir de bien choisir, autrement, de rechercher le
bien collectif. C'est ce qui fait dire à J-P Sartre que « notre
responsabilité est beaucoup plus que nous ne pourrions le supposer car
elle engage l'humanité entière (...) ainsi, je suis responsable
pour moi-même et pour tous »369.
368 Déclaration Universelle des Droits de l'Homme,
https://data.over-blog-
kiwi.com/0/97/97/62/20140423/ob_1dfba7_12-liberte-et-responsabilite.pdf
369 Sartre J.P., l'existentialisme est un humanisme,
https://data.over-blog-
kiwi.com/0/97/97/62/20140423/ob
1dfba7 12-liberte-et-responsabilite.pdf
188
BIBLIOGRAPHIE
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édition, 1999.
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- TABAH, L., « conférence Mondiale et Plan Mondial
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Amérique (1835-1840) », in Encyclopédie de la
philosophie, La Pochothèque Garzanti, Librairie
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- DRUCKMAN, D., « Théories de conflits et recherche
en négociation : hommage aux contributions de Dean Pruitt », in
Négociations, 2015/1, n°23.
III. COURS ET TRAVAUX ACADEMIQUES INEDITS
- ABEMBA B-J., Cours de géopolitique, L2
Sciences Politiques et Administratives, Faculté des Sciences Sociales,
Administratives et Politiques, Université de Kinshasa, 2018-2019.
- ABEMBA B-J., Séminaire des Sciences Politiques,
L1 SPA, FSSAP, UNIKIN, 2013.
192
- KAYEMBE, N., Gouvernance des conflits liés aux
ressources pastorales (eaux, terre et pâturage). Acteurs, enjeux et
perspectives de la transhumance Mbororo au Nord-Est de la RD. Congo,
DEA/DES, SPA, FSSAP, UNIKIN, 2021-2022.
- MUSAO K-M., Cours d'Histoire Politique de la
République Démocratique du Congo, G1 SPA, FSSAP, UNIKIN,
2012-2013.
- MWAKA B., Conflit, conflictualité et processus
identitaires au Nord-Kivu. Comprendre l'institutionnalisation de violences,
Thèse de doctorat en Sciences Politiques et Administratives, Ecole
des Hautes Études en Sciences Sociales, 2012-2013.
- TSAMBU L., Lutte symbolique et enjeux de domination sur
l'espace de la musique populaire à Kinshasa, critique
praxéologique des sociabilités de la scène musicale
kinoise, Thèse de doctorant en Sociologie, Faculté des
Sciences Sociales, Administratives et Politiques, Université de
Kinshasa, 2011-2012.
IV. DOCUMENTS OFFICIELS
- COLLA et DALLEMAGNE, Rapport de la Commission
d'enquête parlementaire chargée d'enquête sur l'exploitation
et le commerce légaux et illégaux de richesses naturelles dans la
région des Grands Lacs au vu de la situation conflictuelle actuelle et
de l'implication de la Belgique, session 20022003, février 2003.
- FEC, Synthèse de rapport d'activités du
conseil d'administration à l'assemblée générale
ordinaire élective exercice 2013, Avril 2014.
- Loi n°11/022 du 24 décembre 2011 portant
principes fondamentaux relatifs à l'agriculture.
- Ministère des Droits Humains de la RDC,
Livre Blanc sur les violations massives des Droits de l'Homme et des
règles de base du droit international humanitaire par les pays
agresseurs à l'Est de la RDC, couvrant la période du 02
août au 02 novembre 1998, Tome I, Kinshasa, 1998.
- Rapport Afrique N°188-11 juillet 2012.
- Rapport de Conférence-Etats fragiles en Afrique,
Observatoire de l'Afrique, août 2008.
193
- Rapport des travaux de la commission spéciale,
Assemblée Nationale chargée de l'examen de la validité des
conventions à caractère économique et financier conclues
pendant les guerres de 1996-1997 et de 1998, publié en 2005.
- Rapport du Groupe d'Experts des Nations Unies (Rapport
Mahmoud KASSEM) présenté au Conseil de Sécurité de
l'ONU le 15 octobre 2002.
- Rapport du Secrétariat exécutif sur la
région des Grands Lacs Africains, Naïrobi, 2002.
- Rapport final du groupe d'experts de l'ONU publié le
24 octobre 2002.
- Rapport final du groupe d'experts de l'ONU sur
l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de
richesse de la République Démocratique du Congo publié le
24 octobre 2002 sous la cote S/2002/1146.
- Rapport sur les ressources minérales et le
développement de l'Afrique, Commission économique pour l'Afrique
publié en 2011.
V. WEBOGRAPHIE
- http//
www.reseauvoltaire.net
-
http://fr.internationalism.org
-
http://www.african-union.org
-
http://www.amisdenicholasarkozy.fr
-
http://www.irenees.net
-
http://www.irenees.net
-
http://www.la-croix.com.
-
http://www.operationspaix.net.
-
http://www.planetoscope.net
-
http://www.reflexions.uliege.be
-
http://www.rfi.fr
-
http://www.ritimo.org
-
http://www.savoirnews.net
-
http://www.usip.org/online-courses/conflict-analysis
-
http://www.veritasinfo.fr
-
https://
www.globethics.net/document
194
-
https://
www.globethics.net/document
-
https://
www.globethics.net/document
-
https://habarirdc.net
-
https://www.grainenesdepaix.org/fr/ressources/concepts-de-
paix/definitions/comment-definir-la-paix
- www.cair.info/revue-negociations-2015-123.htm
-
www.un.org/fr/global-issues/peace-and-security
195
TABLE DES MATIERES
EPIGRAPHE I
IN MEMORIAM II
DEDICACE III
REMERCIEMENTS IV
PRINCIPAUX SIGLES ET ACRONYMES VI
INTRODUCTION 5
I. CHOIX, OBJECTIFS ET INTERETS DE L'ETUDE
5
1. Intérêt personnel
6
2. Intérêt scientifique
6
3. Intérêt pratique
6
II. Etat de la question
6
III. PROBLEMATIQUE 10
IV. HYPOTHESES 12
V. METHODOLOGIE 13
1. METHODE DIALECTIQUE 13
2. TECHNIQUES 16
VI. DELIMITATION DU TRAVAIL 17
VII. SUBDIVISION DU TRAVAIL 18
VIII. DIFFICULTES RENCONTREES. 18
CHAPITRE I. CONSIDERATIONS GENERALES 1
SECTION 1. NOTIONS DES CONFLITS 20
1.1. Définition Erreur I Signet non
défini.
1.2. Types ou sortes de conflits 59
1.2.1. Types de conflits selon les rapports individuel ou
collectif 59
1.2.1.1. Conflits interpersonnels 59
1.2.1.2. Conflits intra-groupes 60
1.2.1.3. Conflits intergroupes 61
1.2.2. Types de conflits selon l'objet 61
1.2.2.1. Conflits d'intérêt et
d'identité. 61
1.2.2.2. Conflits d'autorité et les conflits de
pouvoir 62
1.2.2.3. Conflits de concurrence ou de rivalité
62
1.2.2.4. Conflits de génération 62
1.2.3. Types de conflits selon l'intention des acteurs
62
1.2.3.1. Conflits constructifs ou destructifs 62
- Constructifs 62
- Destructifs 63
1.2.3.2. Conflit latent, ouvert et conflit violent
63
196
- Conflit latent 63
- Conflit ouvert 63
- Conflit violent 63
1.3. Quelques théoriciens de conflits 64 1.3.1.
Théorie de la méthode heuristique d'essais et d'erreurs (HEE) et
d'échange d'informations (développée
par Pruitt) 64
1.3.2. Théorie de la readiness 65
1.3.3. Modèles d'escalade, de points de non-retour et
de désescalade d'un conflit 67
1.3.4. Théorie aristotélicienne sur l'origine
de conflits 67
1.3.5. Théorie marxiste de la lutte des classes
sociales 68
1.4. Modes de résolution de conflits 70
1.4.1. Résolution par transformation de conflits
70
1.4.1.1. Transformation personnelle 70
1.4.1.2. Transformation culturelle 71
1.4.1.3. Transformation structurelle 71
1.4.1.4. Transformation relationnelle 71
1.4.2. Résolution par le dépassement de
conflits 71
1.4.3. Recours hiérarchique 71
1.4.4. Arbitrage 72
1.4.5. Médiation 72
1.4.6. Négociation 72
1.5. Différents types de négociations
72
1.5.1. Différentes techniques de négociations
73
- La technique de pivots 73
- Les techniques de maniement du temps
73
- La technique "point par point"
74
- La technique de jalons 74
- La technique de bilans :
74
- La technique de quatre marches
74
1.5.2. Relation entre la résolution de conflit et le
maintien de la paix 74
SECTION 2. NOTION DE LA PAIX 46
2.1. Définition 46
2.2. Conception de la paix selon qu'elle est positive ou
négative 49
3.3. Émergence et institutionnalisation de la notion
de paix positive 50
2.4. Outils et organisation de moyens en faveur de la paix
52
2. 5. Personnalités engagées pour la Paix
53
2.6. Paix internationale 54
Section 3. Théorie sur le développement
Erreur I Signet non défini.
3.1. Historique du concept Erreur I Signet non
défini.
3.2. Différentes constructions théoriques du
développement Erreur I Signet non
défini.
3.2.1. Théories placées du système
marxiste Erreur I Signet non défini.
1) Société traditionnelle Erreur I
Signet non défini.
2) Préconditions du développement
Erreur I Signet non défini.
3) Décollage Erreur I Signet non
défini.
197
4) Progrès vers la maturité
Erreur I Signet non défini.
5) Ere de la consommation de masses Erreur I
Signet non défini.
3.2.2. Théories marxistes et le
développement Erreur I Signet non
défini.
3.3. D'autres théories sur le développement
Erreur I Signet non défini.
2.1. Théories sur le développement local et
développement durable Erreur I Signet non
défini.
CHAPITRE II.
PRESENTATION DE LA PROVINCE DU SUD-KIVU ET DU TERRITOIRE
DE KALEHE
SECTION 1. DESCRIPTION DU SUD-KIVU
|
|
76
76
77
|
1.1. Bref historique de la province du Sud-Kivu
|
77
|
|
1.1.1. Préhistoire de la province du Sud-Kivu
|
78
|
|
1.1.2. Naissance de la province du Sud-Kivu
|
78
|
|
1.2. Contexte
géographique du Sud-Kivu
|
79
|
|
1.2.1. Localisation de la province du Sud-Kivu
|
80
|
|
1.2.2. Potentiel climatique du Sud-Kivu
|
81
|
|
1.2.3. Relief de la province du Sud-Kivu
|
82
|
|
1.2.4. Sol et potentialités de la province du Sud-Kivu
|
83
|
|
1.3. Cadre démographique
|
85
|
|
1.4. Situation politico-administrative
|
86
|
|
SECTION 2. PROBLEMES DE DEVELOPPEMENT DU SUD-KIVU
|
|
86
|
2.1. Problèmes généraux du
développement de la RDC
|
87
|
|
2.1.1. Facteurs du développement
|
88
|
|
2.1.1.1. Facteurs socio-culturels
|
88
|
|
2.1.1.2. Facteurs technologiques
|
89
|
|
2.1.1.3. Facteurs économiques
|
89
|
|
2.1.1.4. Facteurs politiques
|
89
|
|
2.1.1.5. Facteurs familiaux
|
90
|
|
2.1.1.6. Facteurs constitutifs de la personne
|
90
|
|
2.1.1.7. Facteurs idéologiques
|
90
|
|
2.1.2. Problèmes de développement de la RDC
|
91
|
|
2.1.2.1. Problème politique
|
91
|
|
2.1.2.2. Problèmes sécuritaires
|
92
|
|
2.1.2.3. Problèmes économiques
|
94
|
|
2.1.2.4. Problèmes sociaux
|
95
|
|
2.1.2.5. Problèmes infrastructurels
|
96
|
|
2.2. Problèmes de développement du Sud-Kivu
|
97
|
|
2.2.1. Insécurité
|
97
|
|
2.2.2. Enclavement
|
98
|
|
2.2.3. Manque d'infrastructures
|
99
|
|
2.2.4. Convoitise
|
99
|
|
SECTION 3. TERRITOIRE DE KALEHE
|
|
101
|
3.1. CADRE GEOGRAPHIQUE
|
|
102
|
3.2. Aspects administratif et juridique de Kalehe
|
103
|
|
3.3. Situation sécuritaire et économique
|
104
|
|
198
3.3.1. Dilemmes sécuritaires
|
105
|
|
3.3.2. Mobilisation autour de la terre et de
l'identité
|
105
|
|
3.3.3. Exploitation de ressources naturelles
|
106
|
|
3.3.4. Les dynamiques régionales
|
107
|
|
3.3.5. Le système de conflit
|
108
|
|
3.3.6. Priorités stratégiques
|
111
|
|
CHAPITRE III.
|
|
113
|
ATOUTS ET OBSTACLES AU DEVELOPPEMENT DU TERRITOIRE DE
KALEHE
|
|
113
|
SECTION 1. LES ATOUTS DE DEVELOPPEMENT DU TERRITOIRE DE KALEHE
|
|
113
|
1.1. Du point de vue physique
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113
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1.2. Du point de vue énergétique
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113
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1.2.1. Configuration énergétique,
opportunité de développement
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114
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1.2.1.1. Dioxyde de carbone et le méthane
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115
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1.2.1.2. Autres sources d'Energie
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116
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1.2.2. Exploitation du gaz et problème
d'eutrophisation du lac
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116
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1.3. Du point de vue culturel
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117
|
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1.4. Du point de vue environnemental et écologique
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119
|
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1.4.1. La terre ferme comme atout de développement
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119
|
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1.4.1.1. Forêt
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121
|
|
1.4.1.2. Richesse de sol
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121
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Sur certains versants de collines, le sol est lessivé,
ce qui compromet la fertilité du sol pour une bonne
activité
agricole.
1.4.2. L'eau comme atout de développement
1.4.2.1. Lac Kivu comme atout de développement du
territoire de Kalehe
|
122
122
122
|
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a. Couvercle permanent à 250 mètres
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123
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b. Dangereux prisonniers des couches profondes
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124
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1.4. Du point de vue économique
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126
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1.4.1. Commerce
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127
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1.4.2. Principales activités des PME/PMI
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127
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I.5. Du point de vue démographique ou humain
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127
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1.6. De l'organisation sociale
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128
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SECTIONS 2. QUELQUES OBSTACLES AU DEVELOPPEMENT DU TERRITOIRE DE
KALEHE
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128
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2.1. Conflit entre originaires et non originaires
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128
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2.2. Présence des groupes armés
étrangers et militarisation des communautés locales
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130
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2.2.1. Présence des groupes armés
étrangers dans le territoire
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131
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2.2.2. Les Patriotes Résistants Congolais (PARECO)
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132
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2.2.3. Les Maï-Maï Kirikicho
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133
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2.3. Intégration mitigée des communautés
par le territoire
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134
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2.4. Conflits fonciers
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136
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2. 4. Fragilité de l'Etat
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137
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SECTION 3. ENJEUX DE DEVELOPPEMENT DE KALEHE
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139
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3.1. Enjeux Politiques
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139
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3.2. Enjeux Economiques
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141
|
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199
3.3. Stratégiques (sécuritaires) 142
3.4. Cohabitation entre groupes et forces armés,
autorités et populations 144
CHAPITRE IV ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.
POUR LA PAIX ET LE DEVELOPPEMENT DURABLE A KALEHE
ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.
SECTIONS 1. NECESSITE DE LA SECURITE ET LA PAIX POUR LE
DEVELOPPEMENT DE KALEHE ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.
1.1. Causes spécifiques de
l'insécurité à Kalehe Erreur ! Signet non
défini.
1.1.1. Causes des conflits communautaires et armés
à Kalehe Erreur ! Signet non défini.
1.1.1.1. Question foncière au centre des conflits
entre communautés Erreur ! Signet non
défini.
1.1.1.2. Transplantations des populations rwandophones
Erreur ! Signet non défini.
1.1.1.3. Question de nationalité Erreur !
Signet non défini.
1.1.2. Place de la paix dans le processus de
développement de Kalehe Erreur ! Signet non
défini.
SECTION 2. ROLES DES ACTEURS DANS LE PROCESSUS DE PACIFICATION
ET DEVELOPPEMENT DE KALEHE ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.
2.1. Acteurs impliqués dans le processus de
pacification Erreur ! Signet non défini.
2.2.1. Acteurs impliqués dans les conflits à
Kalehe Erreur ! Signet non défini.
2.2. Rôles des acteurs dans le processus de
pacification Erreur ! Signet non défini.
2.3. Rôles des acteurs d'après la
localisation Erreur ! Signet non défini.
2.3.1. Rôles des acteurs internes (locaux) dans la
pacification Erreur ! Signet non défini.
2.3.2. Rôles des acteurs externes dans la
pacification Erreur ! Signet non défini.
2.3.3. Rôles spécifiques de la
société civile dans le processus de pacification Erreur !
Signet non défini.
2.3.4. Rôles de la femme dans le processus de
pacification Erreur ! Signet non défini.
SECTION 3 : ACTION COLLECTIVE DES ACTEURS POUR LA SECURITE, LA
PAIX ET LE DEVELOPPEMENT DE KALEHE 181
3.1. Actions préconisées pour la paix et le
développement de Kalehe 181
CONCLUSION ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.
BIBLIOGRAPHIE 188
I. OUVRAGES 188
II. ARTICLES 190
III. COURS ET TRAVAUX ACADEMIQUES INEDITS 191
IV. DOCUMENTS OFFICIELS 192
V. WEBOGRAPHIE 193
TABLE DES MATIERES 195
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