WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le droit international est-il en crise


par Gbedokoun Eusebe SOSSOU
Université Amadou Hampaté Ba de Dakar - Master 2 en Droit public option Relation internationale et Management Public 2023
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

_

UNIVERSITE AMADOU HAMPATE BA DE DAKAR

*********************

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES

********************* DEPARTEMENT DES SCIENCES JURIDIQUES

MÉMOIRE DE MASTER

Domaine : Sciences Juridiques, politiques et de l'administration

Mention : Sciences Juridiques

SUJET : LE DROIT INTERNATIONAL EST-IL EN CRISE

.

Spécialité : MANAGEMENT PUBLIC ET RELATIONS INTERNATIONALES

Présenté et soutenu publiquement par :

M. SOSSOU GBEDOKOUN EUSÊBE Le : 30/12/2023

Directeur de Mémoire : Co-directeur : Dr Gory NDIAYE

Jury

Prénoms et Noms

Grade

Provenance

Fonction

Pr. Amadou Abdoulaye DIOP

Professeur assimilé

UCAD

Président

Dr. Alassane DIALLO

Maître de Conférence Assimilé

UAHB

Membre

Dr. Gory NDIAYE

Maitre de conférences Assimilé

UAHB

Membre

Année académique 2022-2023

MENTION REGLEMENTAIRE

« L'université AMADOU HAMPATE BA n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans le mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur ».

DEDICACE

Je dédie ce mémoire à :

Ø Mon Papa qui a toujours été pour moi l'exemple du père respectueux, humble, honnête, de la bonne personne méticuleuse. Je tiens à honorer l'homme que tu es. Grace à toi papa j'ai appris le sens du travail et de la responsabilité. Ton soutien fut une lumière dans tout mon parcours. Aucune dédicace ne saurait exprimer l'amour, l'estime et le respect que j'ai toujours pour toi. Ce modeste travail est le fruit de tous les sacrifices que tu as déployés pour mon éducation et ma formation. Tu es ma référence ;

Ø Ma chère Maman qui m'a entouré d'amour, d'affection et qui fait tout pour ma réussite. Que Dieu te garde en vie encore pour longtemps ! Jamais, je ne t'ai vu te plaindre, tu es pour moi ce qui est de plus cher dans la vie ;

Ø Mon Oncle TOSSOU Hyppolite, M. HILLAH, SOSSOU Orlog Didi, AYITTEY Ayi Felix, AYITTEY Roberta Ayoko, Anayisse, fidéle et Missoude ;

Ø Afonope Koudjo Benjamin, Eladam Mindhir et Folikoue Paula avec qu'eux j'ai un rapport intellectuel très dense ;

Ø Je dédie enfin ce travail à mes regrettés grands parents AYITTEY Ayittevi Andrews et Epe Patience.

REMERCIEMENTS

Mes remerciements vont d'abord au Dr. Gory NDIAYE, pour avoir accepté de suivre ce projet, s'être rendu disponible et pour m'avoir prodigué de précieux conseils tout au long de ce travail.

J'aimerais ensuite remercier M. PEMBA enseignant à UVS et UAHB, et M. MENDY pour leurs disponibilités et leurs précieux conseils.

Je remercie également le Pr. Ameth Ndiaye et le Dr Baye Samba DIOP, avec qui les échanges, sous fond de conseils et d'encouragements, ont suscité en nous les cavalcades frémissantes de l'intelligence et le désir ardent d'affermir nos connaissances juridiques pour toucher un degré de perfection inaltérable.

Je voudrais aussi remercier ma grande soeur Edith Bilao SOSSOU, qui a ménagé beaucoup d'effort et sacrifice pour ma réussite. Merci beaucoup d'avoir toujours cru en moi.

Enfin, je remercie mes amis, sans distinction. Merci d'avoir toujours répondu présent. Votre soutien inconditionnel et vos encouragements ont été d'une grande aide pour moi.

À toutes ces connaissances, je suis très reconnaissant et je présente mes plus sincères remerciements, mon ultime respect et ma profonde gratitude la plus absolue.

SIGLES, ABREVIATIONS ET ACRONYMES

A.F.D.I Annuaire Français du Droit International

A.J.I.L American Journal of International Law

AG Assemblée Générale

Art. Article

C.A.D.H.P Cour Africaine des Droit de l'Homme et des Peuples

C.E.D.H Cour Européen des Droit de l'Homme

C.I.J Cour Internationale de Justice

C.P.I Cour Pénale Internationale

C.P.J.I Cour Permanente de Justice Internationale

C.S Conseil de Sécurité

D.I.E Droit International de l'Environnement

Ed. Edition

EDICEF Editions Classique d'Expression Française

FMI Fonds Monétaire International

Ibid. Ibidem

LGDJ Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

Numéro

O.N.U Organisation des Nations Unies

O.U.A Organisation de l'Unité Africaine

Op.cit. : Opus-citatum

P. Page

P.V Procès-Verbal

Para. Paragraphe

P.U.F Presse Universitaire Française

R.C.A République Centrafricaine

R.D.C République Démocratique Du Congo

RES Résolution

RGDIP Revue Générale du Droit International public

U.A Union Africaine

U.P.C Unis Pour le Consensus

SOMMAIRE

INTRODUCTION

TITRE I : Une crise constatée du droit international

Chapitre I- une crise d'effectivité constatée

Section I - La défaillance de l'exercice de la souveraineté étatique Section II - Le déclin de l'interdiction du recours à la force

Chapitre II - Une crise de légitimité constatée Section I - Le cas de l'Organisation des Nations Unie Section II - Le cas de la justice internationales

TITRE II : Une crise à relativiser du droit international

Chapitre I- Des Efforts de résilience constatés

Section I - En matière de protection des individus Section II - En matière de protection de l'environnement

Chapitre II - Des perspectives de renaissance souhaitées

Section I - La réforme impérative du conseil de sécurité Section II - Le renforcement des mesures de paix

Conclusion générale

EPIGRAPHE

« Les États sont les acteurs principaux sur la scène internationale et leurs positions façonnent le destin du monde ».1

1 Ban Ki-moon est un diplomate et homme politique sud-coréen. Il fut le huitième secrétaire général des Nations unies et a occupé cette fonction du 01janvier 2007 au 31 décembre 2016. Il a prononcé cette phrase à l'occasion de la Journée internationale de la paix, le 21 septembre 2015.

INTRODUCTION

« Les transformations profondes survenues dans l'ordre des événements comme dans celui des idées obligent les internationalistes à repenser leur discipline dans son entier. Le formalisme juridique2 est vivement combattu, le droit international est invité à prendre contact avec la réalité »3. Cette assertion de Charles De Visscher vient relayer celle formulée, plus d'une décennie plus tôt, par Hersch Lauterpacht, en ces termes mémorables : « Le droit international est situé, pour ainsi dire, au point disparaissant "vanishing point" du droit »4. Selon l'adage latin, "ubi societas, ibi jus"5, toute société sécrète son propre droit. Un droit international existe dans la mesure même où une société internationale existe6. La société est faite d'échanges, d'alliances et de rivalités qui transcendent les frontières des systèmes étatiques. Les débats actuels sur les conséquences de la « mondialisation7 » ou sur les enjeux du « choc

2 Le formalisme juridique peut se définir comme « la technique selon laquelle la validité et l'efficacité des actes sont subordonnées à l'observation de certaines formes, à des formalités ». Lien : https:// www.ipeut.com/droit/loi- generale/375/la-notion-de-formalisme-juridi41167.php, consulté le 23 Aout 2023 à 10h25.

C'est une notion qui est souvent abordée par certains doctrinaires du droit international notamment François- Xavier LICARI qui dans son article « Le formalisme juridique comme science du matériau juridique pur » paru en 2019 dans la Revue de la Recherche Juridique - Droit prospectif, rappelle la célèbre conception de H. Levy- Bruh du formalisme juridique «le régime dans lequel la forme prédomine sur le fond, en ce sens que l'observation des formalités préétablies suffit à entraîner des effets recherchés, sans qu'aucune considération soit portée à aucun autre élément, notamment à l'intention de l'auteur de l'acte envisagé ». LEVY-BRUHL (Henri), « Réflexions sur le formalisme social », Cahiers internationaux de sociologie, vol. 15, Paris, PUF, 1953, p. 53.

3 DE VISSCHER (Charles), Théories et réalités en droit international public, Paris, Pedone, 1970, p. 101

4 KUNZ (Joseph), « La crise et les transformations du droit des sens », Recueil des Cours de l'Académie de droit international, Tome II, 1955, p. 42.

5 "Ubi societas, ubi jus" est une expression latine qui signifie «Là où il y a une société, il y a un droit». C'est un principe qui affirme que le droit est nécessaire pour réguler les relations entre les membres d'une société. Lien : https:// www.studocu.com/fr/document/universite-grenoble-alpes/introduction-au-droit/intro-droit-pdf/73487146, consulté le 23 Aout 2023 à 10h 29.

6 DECAUX (Emmanuel.) et DE FROUVILLE (Olivier), Droit international public, 12e édition Dalloz, Paris, 2020, p.54.

7 « La mondialisation, au sens général du terme, constitue à la fois le processus et le résultat du processus selon lequel les phénomènes de divers ordres (économie, environnement, politique, etc.) tendent à revêtir une dimension proprement planétaire. ». « L'Encyclopadia Universalis », vol. 15 : Météorologie-Néolithique, Paris, 2002, p. 416.

des civilisations8 » ne font que confirmer l'importance prise par la société internationale dans un monde fini où nul individu, comme nul État, ne peut vivre en autarcie, en s'affranchissant des règles communes9. L'équilibre politique du pouvoir mis en place par le droit international dans le cadre de l'ONU (droit institutionnel et matériel) se trouve remis en question suite aux grandes transformations de la société internationale. L'évolution récente de la politique mondiale suscite des interrogations quant à l'état du droit international. Cette question de savoir si le droit international est en crise est essentielle dans un monde marqué par des défis tels que les conflits10, le changement climatique, les inégalités et les tensions géopolitiques11. C'est dans cette optique que s'inscrit notre sujet qui s'intitule : le droit international est-il en en crise ?

L'analyse de l'objet de notre réflexion, ainsi déterminée, requiert le préalable du rappel de données théoriques éclairantes pour une meilleure appropriation. La sémantique et l'étymologie étant très importantes dans le droit, il convient alors de faire, sortir quelques approches définitoires de certaines notions clés composant la thématique. Ce travail de définition est d'un enjeu capital quant à la compréhension du sujet. Comme le fait remarquer Gérard Cornu, définir « c'est extraire l'essence et le sens qu'attache le Droit à un terme »12.

8 "Le choc des civilisations" est une théorie de Samuel Huntington, professeur américain de science politique, exposée dans son livre "The Clash of Civilizations" en 1996. Sa thèse centrale repose sur la description d'un monde divisé en huit civilisations : occidentale, slave-orthodoxe, islamique, africaine, hindoue, confucéenne, japonaise et latino-américaine. Une civilisation est, selon Huntington, « le mode le plus élevé de regroupement et le niveau le plus haut d'identité culturelle dont les humains ont besoin pour se distinguer ».

La notion de « choc » en découle : un conflit a plus de chance de devenir une crise majeure s'il met aux prises des États issus de civilisations différentes. Autrement dit, l'existence même de ces civilisations différentes annonce une conflictualité irréductible sur la scène internationale.

9 DECAUX (Emmanuel.) et DE FROUVILLE (Olivier), op.cit.

10 Hugo Grotius dans son ouvrage majeur, De jure belli ac pacis (Du droit de la guerre et de la paix), publié en 1625 définit le conflit comme « un état de guerre ouvert et armé entre des entités politiques, telles que des États souverains ». Il fait une distinction entre le jus ad bellum (le droit de recourir à la guerre) et le jus in bello (le droit applicable pendant la guerre) ». GROTIUS (Hugo), Le droit de la guerre et de la paix paru en 1625, traduit par PRADIER-FODERE (Paul), Paris, Guillaumin et Cie, 1867, 3 tomes, réédité par ALLAND (Denis) et GOYARD- FABRE (Simone), collection Léviathan, Paris, Presses universitaires de France,1999, pp.145.

11 Selon LACOSTE (Yves) professeur émérite de géopolitique à l'Université Paris-VIII, par géopolitique, il faut entendre « toute rivalité de pouvoirs sur ou pour du territoire. Toute rivalité de pouvoirs n'est pas nécessairement géopolitique. Pour qu'elle le soit, il faut que les protagonistes se disputent au premier chef l'influence ou la souveraineté d'un territoire ». Lien : https:// www.vie-publique.fr/parole-dexpert/277002-definir-la-geopolitique- par-yves-lacoste, consulté le 23 Aout 2023 à 11h 06.

12 CORNU (Gérard) (dir.), Vocabulaire juridique, Paris, P.U.F., coll. Quadrige, 2018, 12e éd., p. 13.

Une première donnée théorique conduit à une quête de sens, d'une part de l'expression "crise" et d'autre part du syntagme "le droit international". On voit s'offrir la possibilité d'une double extraction. Étymologiquement, l'expression crise est empruntée, par l'intermédiaire du latin médiéval crisis (manifestation grave d'une maladie) issu du grec "êñßóéò", krisis (jugement)13 qui a d'abord le sens d'action ou de faculté de choisir (d'où sont tirés les autres sens d'élection, de décision judiciaire et de dénouement) et celui d'accident d'ordre médical, brusque et inattendu14. En français, c'est essentiellement ce dernier sens qui est conservé, ainsi que ses emplois figurés, pour désigner un évènement soudain qui vient, comme l'altération brusque de la santé, troubler et bouleverser une situation jusqu'alors paisible. On parlera ainsi, à juste titre, de la crise financière de 192915. Pour sa part, le mot droit est issu du latin directum, neutre pris substantivement et de l'adjectif directus : ce qui est en ligne droite, direct, sans détour, droit16. International ,quant à lui renvoie à l'adjectif formé à l'aide du préfixe inter (entre) qui vient du latin et de l'adjectif national qui provient du mot latin nascere17. Le mot a été inventé en 1780 par Jeremy Bentham pour l'expression "international jurisprudence"18.

Sémantiquement, comme tout droit, le droit international est avant tout « un fait de langage »19, un ensemble de signes et de symboles, composé de concepts précis 20 (droit21 et international22).

13 Lien : https://fr.wiktionary.org/wiki/crise, consulté le 23 Aout 2023 à 16h 16.

14 Lien : https:// www.academie-francaise.fr/crise, consulté le 23 Aout à 16h21.

15 La crise de 1929 est la plus grave crise économique du XXe siècle, qui a commencé par un effondrement des cours boursiers à Wall Street, le 24 octobre 1929, le « jeudi noir ». Lien : https:// www.larousse.fr/encyclopedie/divers/la_crise_de_1929/187370, consulté le 23 Aout à 16h23. Elle a entraîné une récession mondiale, une forte augmentation du chômage et de la misère, et des bouleversements sociaux et politiques dans de nombreux pays. Lien : https:// www.universalis.fr/encyclopedie/crise-de- 1929/,consulté le 23 Aout à 16h25.

16 CORNU (Gérard) (dir.), op.cit., p. 817.

17 Lien : https:// www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/international, consulté le 23 Aout à 16h28

18 Lien : https:// www.etymonline.com/word/international, consulté le 23 Aout à 16h32

19 CAHIN (G.), « Apport du concept de mythification aux méthodes d'analyse du droit international », in Mélanges offerts à C. Chaumont, Pedone, 1984, p. 89

20 DUPUY (P.-M.), « L'unité de l'ordre juridique international. Cours général de droit international public », RCADI, vol. 297, 2002, p. 200.

21 « La règle de droit est l'ensemble des règles obligatoires qui régissent la vie en société et dont l'inobservation entraîne la mise en place de sanctions organisées ». RANJEVA (Raymond) et CADOUX (Charles), Droit international public, Edicef, Paris, 1993, p. 15.

22 « Qui concerne les relations entre nations (au sens d'État) ; s'applique tantôt à la source du Droit (celui-ci émanant non d'un seul État, mais de plusieurs, ou de la communauté internationale), tantôt à son objet (la règle

On entend généralement par droit international l'ensemble des normes et institutions destinées à régir la société internationale23. Cette étroite connexité entre droit international et société internationale n'est pas sans rappeler le célèbre adage ubi societas, ibi jus. Généralement, il se définit comme le droit applicable à la société internationale. Cette formule qui, à quelques différences près dans les termes, se retrouve aujourd'hui sous la plume de tous les auteurs, est la plus simple bien qu'elle ne soit pas pure constatation d'une évidence. Elle implique l'existence d'une société internationale distincte de la société nationale ou société interne, ou encore étatique24. Elle délimite, en même temps, les champs d'application respectifs du droit international et du droit interne. La dénomination « droit international » est aujourd'hui celle qui est la plus couramment employée pour désigner le droit de la société internationale25. Elle est la traduction de l'expression « International Law » dont la paternité revient à Bentham26. Dupuy et Kerbrat reprenant l'approche hegelienne27, qui présente le droit international comme

« une technique de formalisation des volontés souveraines, permettant d'établir une large mesure de stabilité et de prévisibilité aux relations établies entre les États, directement ou dans le cadre des organisations internationales », le conçoit comme « l'ensemble des normes et des institutions destinées à régir la société internationale »28. Cette conception normative du droit international repose sur l'idée selon laquelle le droit international est un ensemble de règles, d'accords et de traités qui sont contraignants entre les pays dans la mesure où ces derniers se

émanant d'un seul État mais visant des situations qui en intéressent plusieurs) ». CORNU (Gérard) (dir.), op.cit., p. 1215.

23 KADA (Nicolas) et MARTIAL (Mathieu) (dir.), Dictionnaire d'administration publique, coll. Droit et action publique , Grenoble, PUG, 2014, pp. 171 à 172.

24 NGYUEN (Quoc Dinh) et alii, Droit international public, 8e éd. Lextenso, Paris, L.G.D.J, 2009, p.43

25 Ibid.

26 Jeremy BENTHAM est un théoricien britannique majeur de la philosophie du droit, radicaliste dont les idées ont grandement influencé le développement du conséquentialisme, il est surtout reconnu comme étant le père de l'utilitarisme avec John Stuart Mill. Il est le premier à évoquer l'expression « International Law » dans son livre

« An introduction to the Principles of Moral and Législation » paru en 1780.

27 Georg Wilhelm Friedrich Hegel, un philosophe allemand et l'un des figures les plus influentes de l'idéalisme allemand et de la philosophie du XIXe siècle . Sa conception du droit international s'articule autour de l'idée traditionnelle selon laquelle le droit international traditionnel est souvent considéré comme une fiction inutile. Les hommes d'État ne suivent les stipulations juridiques que lorsqu'il est dans leur intérêt de le faire. Le droit international ne joue aucun rôle indépendant en politique mondiale car il peut toujours être réduit aux considérations plus fondamentales de la politique de puissance. Les intérêts nationaux ne se plient tout simplement pas aux exigences juridiques.

28 DUPUY (Pierre-Marie) et KERBRAT (Yann), Droit international public, 14e éd. Dalloz, Paris, p. 49.

réunissent pour établir des règles contraignantes qu'ils estiment bénéfiques pour les citoyens, aboutissant à un système de droit indépendant existant en dehors du cadre juridique d'un État particulier. Une grande partie de la doctrine internationale partage cette conception à l'instar de Jeremy Bentham « un ensemble de règles régissant les relations entre les États »29 . Cependant, cette définition n'inclut pas deux éléments importants qui montrent à quel point le droit international a évolué aujourd'hui : les individus et les organisations internationales. « Celui qui voudra s'en tenir au présent, à l'actuel, ne comprendra pas l'actuel »30. Cette remarque de Michelet est pleinement justifiée à l'égard du droit international qui, plus que toute autre branche du droit, est inséparable de son histoire parce qu'il est un droit essentiellement évolutif. Dans cette optique, il est important de rappeler que jusqu'au XIXe siècle, le droit international présentait deux caractéristiques. D'une part, organiquement, il était un droit purement interétatique, c'est-à-dire qu'il ne régissait que les activités des États, considérés comme les seuls sujets de droit. Cette conception stato-centrée du droit international s'expliquait par la sacralisation de la souveraineté étatique reconnue par les traités de Westphalie de 164831. D'autre part, matériellement, son champ d'application se limitait, pour l'essentiel, à certaines thématiques, telles que le droit diplomatique, le droit de la paix et de la guerre ou encore le droit de la navigation maritime. Le droit international contemporain a subi des évolutions significatives. Dans sa dimension organique, il s'est diversifié. Le monopole étatique a disparu avec l'institutionnalisation de la société internationale et l'apparition d'organisations internationales dotées de la personnalité juridique. Par ailleurs, le droit international, sans en faire de véritables sujets de droit, prend en considération notamment les individus, les organisations non gouvernementales, la société civile. La crise, selon CORNU Gérard, c'est une situation troublée (souvent conflictuelle) qui à raison de sa gravité, justifie des mesures

29 "A collection of rules governing relations between states». Lien : https:// www.ourlegalworld.com/definition-of- international-law, consulté le 24 Aout à 11h10

30 MICHELET (Jules), le Peuple, Calmann-Lévy, Paris, 1846, p.x.

31 Ces traités mirent fin à la guerre de Trente Ans qui ensanglanta l'Allemagne. À l'origine, celle-ci était autant religieuse que politique. À partir de 1635, cette guerre s'orienta vers une lutte d'influence entre la Maison de France et celle d'Espagne à laquelle devaient participer d'autres nations. La guerre se termina par la conclusion de deux traités, les 14-24 octobre 1648, celui d'Osnabrück et celui de Münster qui constituaient les traités dits de Westphalie. Le Traité d'Osnabrück fut conclu entre la reine de Suède et ses alliés dont la France, d'une part, et, d'autre part, l'empereur et les princes d'Allemagne. Les parties au Traité de Münster étaient aussi au nombre de deux : d'une part, la France et ses alliés dont la reine de Suède et, d'autre part, l'empereur et les princes d'Allemagne. Ainsi, ces deux traités revêtirent la forme bilatérale car à l'époque, la technique des traités collectifs était encore inconnue. NGYUEN (Quoc Dinh), op.cit., p. 61.

d'exceptions32, que ce soit en sociologie, en économie ou en relations internationales33, révèle la difficulté à en cerner de façon générique les causes, caractéristiques et conséquences pour l'environnement dans lequel elle prend place. En termes généraux, la crise est une situation d'anomie34 provoquée par le changement. La notion de « crise » s'oppose en principe à celle de « normalité ». Une situation est qualifiée de crise si elle présente des caractéristiques considérées comme anormales sur une période donnée et si, sur cette période, les outils de régulation existants s'avèrent inadéquats. Ainsi une situation présentant des signes d'anomalie ne devient crise que si les organisations compétentes faillissent à restaurer la normalité. La crise connaît donc une dynamique qui est en partie fonction de sa gestion et des processus de décision qui se mettent en place pour y faire face35. À l'origine, le terme de crise est lié à l'univers médical. Cela signifie un changement brutal de l'état de santé d'un patient. La notion de crise est aujourd'hui présente dans de nombreux domaines. On connaît notamment les crises sanitaires, juridiques, cybernétiques, environnementales, sociétales, médiatiques, etc. Généralement elle désigne une période, un phénomène critique où il est nécessaire de faire un choix pour faire face à un changement majeur. Une crise est alors une situation intenable, inattendue et qui est une menace pour un système. Elle peut intervenir dans n'importe quel cadre. Elle peut se dérouler dans un temps court, mais également dans un temps long36. Selon le dictionnaire le Robert, elle peut être perçue comme « phase grave dans une évolution (évènements, idées) »37.

Toute étude, pour que sa pertinence soit mieux saisie, commande que son champ soit délimité avec précision, ce qui permettra de mieux comprendre ses contours. La présente étude

32 CORNU (Gérard) (dir.), op.cit., p. 637.

33 « Ensemble des rapports de fait ou de droit qui se créent ou sont établis entre les États ». Lien : https:// www.thesaurus.gouv.qc.ca/tag/terme.do?id=10857, consulté le 24 Aout 2023 à 11h13

34 « Désorganisation sociale résultant de l'absence de normes communes dans une société ». C'est une notion élaborée par Durkheim en 1893 dans sa thèse intitulé la Division du travail social (1893), plus précisément dans le livre III consacré aux formes anormales de la division du travail, que l'on trouve une première version du concept d'anomie.

35 TARDY (Thierry), Gestion de crise, maintien et consolidation de la paix, De Boeck Supérieur, Paris, 2009, https:// www.cairn.info/gestion-de-crise-maintien-et-consolidation--9782804116392.htm, consulté le 24 Aout 2023 à 11h17

36 Lien : https:// www.anfh.fr/thematiques/gestion-de-crise/definition-de-la-crise, consulté le 24 Aout 2023 à 11h25.

37 Lien : https://dictionnaire.lerobert.com/definition/crise, consulté le 24 Aout 2023 à 11h27

ne fera pas une exception. Cette délimitation porte tant sur le champ matériel que sur le champ temporel. Sur le premier élément de cette délimitation, le point central de notre étude s'inscrira dans la dynamique actuelle du droit international qui subordonne à des multitudes de réflexions dans la mesure où il est censé encadré la conduite des États (sujets principaux du droit international) et les sujets dérivés dans le but de sauvegarder la paix et la sécurité internationale mais fait preuve d'une obsolescence notoire. Ainsi on analysera les indicateurs (l'émergence de plusieurs acteurs dont l'évolution considérable empiète sur l'ordre international préétabli, non-respect des normes internationales , les conflits internationaux dont l'issue paralyse le système juridictionnel international, l'inefficacité de certaines institutions nationales et la question de représentativité des États à l'ONU38 qui est jugé par bon nombre de doctrinaires en déphasage avec la réalité internationale). Ce qui rappelle le paradoxe de Borell39 qui disait

« plus de fauve moins de barrière ». Sur le plan temporel, notre étude tire son assise de la période marquant la création de la Société Des Nations40 (SDN) jusqu'à nos jours.

Ainsi, en bon droit, il serait question dans le cas de ce sujet de s'interroger sur une crise du droit international.

Telle est l'articulation qui justifie l'enjeu de notre étude. Mais avant de répondre à cette interrogation, il est important de préciser que ce travail d'étude comporte un double intérêt : il

38 L'Organisation des Nations Unies (ONU) est une organisation internationale regroupant 193 États membres depuis le 14 juillet 2011. Elle a été instituée (sous le président américain Franklin Delano Roosevelt le 24 octobre 1945 par la ratification de la Charte des Nations Unies signée le 26 juin 1945 par les représentants de 51 États. Elle remplace alors la Société des Nations. La Charte des Nations Unies définit six organes principaux : l'Assemblée générale, le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social, le Conseil de tutelle, la Cour internationale de justice et le Secrétariat. Le système des Nations unies inclut plus largement des programmes, fonds, institutions spécialisées et apparentées. Les six langues officielles de l'ONU sont l'anglais, l'arabe, l'espagnol, le français, le mandarin et le russe.

39. Josep Borrell, le maître d'oeuvre de la politique étrangère de l'Union européenne (UE) « Plus le monde compte de pays puissants, catégories poids lourds et poids moyens, moins il est régi par la règle de droit ». Lien : https:// www.ifri.org/fr/espace-media/lifri-medias/lordre-international-ne-1945-obsolete-propositions-lamender- remplacer-ne, consulté le 24 Aout 2023 à 11h35

40 La Société des Nations (SDN) était une organisation internationale introduite par le traité de Versailles en 1919, et dissoute en 1946. Ce même traité est élaboré au cours de la conférence de paix de Paris, pendant laquelle est signé le Covenant ou le Pacte qui établit la SDN, afin de préserver la paix en Europe après la fin de la Première Guerre mondiale. Basée à Genève, dans le palais Wilson puis le palais des Nations, elle est remplacée en 1945 par l'Organisation des Nations Unies, qui reprend un certain nombre de ses agences. Le principal promoteur de la SDN est le président des États-Unis Woodrow Wilson.

s'agit d'un intérêt théorique et d'un intérêt pratique. D'un point de vue théorique, cette étude s'inscrit dans le même sens que d'autres qui ont posé le problème de crise du droit international. Les opinions divergent dans la mesure où certains juristes estiment que le droit international est inefficace, voire contre-productif, face aux crises actuelles. Ils dénoncent le manque de légitimité, de cohérence et de respect du droit international, ainsi que son instrumentalisation par les puissances dominantes ou les intérêts particuliers. Ils remettent en cause les fondements étatiques du droit international, et proposent des alternatives plus radicales ou innovantes, comme le recours à la société civile, au droit comparé ou au pluralisme juridique. Dans cette optique, Anne-Marie Slaughter41 a publié un article sur la dégradation généralisée du respect au droit international42, dans lequel elle a analysé les causes et les conséquences de cette situation, et appelé à une refondation du droit international sur la base des valeurs communes de l'humanité. Elle identifie trois causes principales de cette crise : la montée du nationalisme, la fragmentation du droit international et la faiblesse des mécanismes de sanction. Elle appelle à une refondation du droit international sur la base des valeurs communes de l'humanité, en renforçant le rôle des acteurs non étatiques, comme les organisations non gouvernementales, les entreprises ou les citoyens. Elle se fera rejoindre dans sa vision par Philippe Sands43 « Le droit international est confronté à des défis sans précédent, qui menacent son autorité et son effectivité. Il doit s'adapter aux nouvelles réalités du monde, qui sont marquées par la diversité des acteurs, des intérêts et des normes. Il doit aussi renforcer la protection des valeurs universelles, qui sont le fondement de la dignité humaine et de la paix mondiale. » et Julia Grignon44 qui a dénoncé les violations du droit international humanitaire commises par la

41 Anne-Marie Slaughter, professeur émérite de politique et d'affaires internationales à l'Université de Princeton, où elle a été doyenne de l'École des affaires publiques et internationales de 2002 à 2009

42 « La dégradation généralisée du respect au droit international ». Lien : https:// www.cairn.info/revue- internationale-et-strategique-2005-4-page-43.htm, consulté le 25 Aout 2023 à 08h04

43 Philippe Joseph Sands, est un écrivain et avocat franco-britannique et professeur de droit et directeur du Centre des cours et tribunaux internationaux à l'University College de Londres . Spécialiste du droit international , il intervient comme conseil et avocat devant de nombreuses cours et tribunaux internationaux, notamment la Cour internationale de Justice , le Tribunal international du droit de la mer , la Cour européenne de Justice , la Cour européenne des Droits de l'Homme. Les droits humains et la Cour pénale internationale.

44 Julia Grignon, professeure agrégée à la Faculté de droit de l'Université Laval et chercheuse en droit des conflits armés à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM), qui a répondu à trois questions sur le droit international face à la guerre en Ukraine dans une interview publiée par l'Institut Montaigne en 20222.Lien : https:// www.institutmontaigne.org/expressions/le-droit-international-face-la-guerre-en-ukraine, consulté le 25 Aout 2023 à 08h10

Russie et ses alliés, et souligné les limites du système juridique international pour sanctionner les responsables et protéger les victimes. Elle a également évoqué les pistes possibles pour renforcer le respect du droit international dans les conflits armés.

Á l'opposé, il y a des juristes qui pensent que le droit international n'est pas en crise et que ce droit est un outil indispensable et efficace pour réguler les relations internationales et faire face aux défis actuels du monde. Ils affirment que le droit international repose sur des principes et des institutions qui sont adaptés aux besoins et aux aspirations des États et des autres acteurs, et qui garantissent la sécurité, la justice et la coopération. Ils reconnaissent également les progrès et les innovations du droit international, qui témoignent de sa capacité d'évolution et d'adaptation. Ils défendent donc le respect et le renforcement du droit international, en s'appuyant sur le dialogue, la négociation et le règlement pacifique des différends. Á cet effet, dans son discours sur la thématique "Comment le droit international fonctionne en temps de crise"45, Jean-Marc Sauvé46 a présenté une vision pragmatique et réaliste du droit international, fondée sur l'analyse des faits et des situations concrètes. Il a souligné le rôle essentiel du droit international pour assurer la stabilité et la prévisibilité des relations internationales, pour protéger les droits fondamentaux et les intérêts communs de l'humanité, et pour favoriser le dialogue et la coopération entre les États et les organisations internationales. Il y a aussi certains auteurs qui ont gardé une posture mixte à l'instar d'Emmanuelle Jouannet47 « le droit international est à la fois en crise et en progrès. Il est en crise parce qu'il est souvent ignoré, violé ou contourné par les puissants. Il est en progrès parce qu'il est sans cesse enrichi, développé et renforcé par les efforts des juristes, des diplomates, des organisations

45 Discours de clôture par Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État lors de la 12ème conférence annuelle de la Société européenne de droit international (SEDI), qui s'est tenue à Riga en Lettonie du 8 au 10 septembre 2016. Lien : https://conseil-etat.fr/site/publications-colloques/discours-et-interventions/comment-le-droit- international-fonctionne-en-temps-de-crise, consulté le 25 Aout 2023 à 08h16

46 Diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris et titulaire d'une maîtrise de sciences économiques, Jean-Marc Sauvé est ancien élève de l'École nationale d'administration. Il a rejoint le Conseil d'État en 1977. Il a présidé cette institution de 2006 à 2018, ainsi que parallèlement, le conseil d'administration de l'ENA et la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Il est l'auteur de deux célèbres articles publiés respectivement en 2012 (Le juge administratif face au défi de l'efficacité. Retour sur les pertinents propos d'un Huron au Palais- Royal et sur la « critique managériale », RFDA, 2012, n°4) et 2016 (« De l'abolition de la peine de mort au droit à la vie, ou le visage serein de Minerve » vu du Conseil d'État, in Mélanges en l'honneur de Robert Badinter, L'exigence de justice, Dalloz, juillet 2016, p. 669-690)

47 Emmanuelle Jouannet, une juriste française et professeure de droit international. Auteur de l'ouvrage Qu'est-ce que la société internationale juste ? publié en 2011.

internationales et de la société civile »48, de Hersch Lauterpacht49 « Le droit international n'est ni en crise ni en mutation, il est en permanence en construction. Il est le produit de l'interaction entre les normes juridiques, les faits politiques, les valeurs morales et les intérêts stratégiques. Il est le reflet de la diversité et de la complexité du monde »50.

D'un point de vue pratique, cette étude nous permet de réfléchir aux fondements, aux fonctions et aux limites du droit dans un contexte de changements et de tensions sur la scène internationale. Comme le soulignent certains auteurs², le droit international n'est pas un phénomène isolé ou abstrait, mais il est le reflet des rapports de force, des intérêts et des valeurs des acteurs qui le créent et qui le mettent en oeuvre. Ainsi, la crise du droit international révèle les contradictions, les défis et les opportunités qui caractérisent la société internationale51 contemporaine. Il offre une occasion unique de réfléchir sur comment le droit international peut assurer la régulation des conflits et la protection des droits humains dans un monde marqué par la domination d'une seule puissance, par l'émergence de nouveaux acteurs non étatiques, par la multiplication des menaces à la paix et à la sécurité, ou encore par la diversité culturelle et normative. Il permet aussi de s'interroger sur les modalités, les critères de l'effectivité, de la légitimité du droit international, ainsi que sur les moyens de renforcer sa crédibilité, son autorité face aux violations, aux remises en cause dont il fait l'objet, explorer les pistes, les solutions possibles pour adapter et réformer le droit international face à la crise.

Pour ensemencer les graines d'une féconde réflexion, notre présente étude sera articulée autour d'une part d'une crise constatée du droit international (TITRE I) et d'autre part une crise à relativiser du droit international (TITRE II).

48 JOUANNET (Emmanuelle), Qu'est-ce qu'une société internationale juste ? éd. Pedone, Paris, Presses Universitaires de France, 2001, p. 7

49 Hersch Lauterpacht, un juriste britannique d'origine polonaise et juge à la Cour internationale de justice (1955- 1960). Il est auteur du livre The Function of Law in the International Community publié en 1933.

50 LAUTERPACHT (Hersch), The Function of Law in the International Community, Oxford, Clarendon Press, 1933, p. 3

51 Une société internationale se définit comme l'ensemble des rapports ou relations sociales possibles entre les différents êtres sociaux - notamment les États - qui la composent, ainsi que comme l'ensemble des attitudes sociales possibles et aussi comme l'ensemble des formes sociales qui rendent possibles la socialité. Lien : https:// www.erudit.org/en/journals/ei/2007-v38-n1-ei1703/015704ar.pdf, consulté le 26 Aout 2023 à 12h32

TITRE I : UNE CRISE CONSTATÉE DU DROIT INTERNATIONAL

Le droit international est le fruit de luttes d'intérêts dont il vise à réguler les rapports. Le XXe siècle a été marqué par une accélération de la production normative devant réguler la société internationale. Ainsi, le droit international a connu un phénomène d'expansion incontestable. Cette évolution normative étant le reflet de facteurs macro-économiques et sociopolitiques qui ont permis l'émergence au-devant de la scène internationale de certains acteurs considérés comme les peuples sans voix de la communauté internationale de revenir au- devant de la scène. Cette mutation du droit international appelle au préalable une plus grande interdépendance entre les acteurs sur la scène internationale. De nombreux écrits se sont penchés sur un phénomène de crise en dirigeant leur analyse sur la concurrence exercée par les État entre eux et l'inobservation de certaines règles qui sous-tendent le droit international. Outre la mauvaise conduite des États, l'ONU qui est l'appareil institutionnel par excellence dont le but le principal est d'assurer la paix et la sécurité internationales est objet aujourd'hui de vives controverses. Plus rien n'est sûr en effet, et les principes les mieux établis sont désormais mis en cause, tandis que les situations depuis fort longtemps acquises ne sont plus véritablement protégées.

La théorie d'une crise constatée du droit international postule l'idée d'une crise d'effectivité (chapitre I) et une crise de légitimité (chapitre II).

Chapitre I - Une crise d'effectivité constatée

Le droit international est un ensemble de règles et de principes qui régissent les relations entre les États et les autres sujets de la communauté internationale. Il vise à assurer la paix, la sécurité, la coopération et le respect des droits de l'homme dans le monde. Parmi les principes fondamentaux du droit international, on peut citer la souveraineté des États, le principe du non recours à la force, l'égalité juridique des États, le règlement pacifique des différends, la non- intervention dans les affaires intérieures des États et le respect des obligations internationales.

Toutefois, dans ces principes fondamentaux il y'en a qui sont sacrosaints dans la mesure où ils abritent les autres. S'inscrivant dans cette logique, on peut évoquer le principe de la souveraineté étatique et le principe du non recours à la force qui ont fait l'objet de plusieurs consécrations, et dont leurs mises à mal aujourd'hui par des réalités politiques, économiques caractérisent le monde contemporain. On assiste ainsi à une crise d'effectivité du droit international, c'est-à-dire à un décalage entre les normes juridiques et leur application concrète. Face à cette situation, nous analyserons d'abord la défaillance de l'exercice la souveraineté étatique (section I) et nous étudierons ensuite le déclin de l'interdiction du recours à la (section II).

Section I - La défaillance de l'exercice de la souveraineté étatique

La souveraineté de l'État est aussi ancienne que l'État lui-même52. À l'origine, son rôle était essentiellement de consolider l'existence des États qui s'affirmaient en Europe contre la double tutelle du Pape et du Saint-Empire romain germanique. Jusqu'au XVIII siècle, approuvés et encouragés par Jean Bodin53, Vattel54 et les plus grands philosophes de leurs temps, les monarques y puisèrent la justification de leur absolutisme. De ce fait, la souveraineté était généralement définie comme un pouvoir suprême et illimité. Cette conception trouvait au siècle dernier une éclatante consécration dans la science juridique allemande qui, sous l'influence de Hegel, liait étroitement la notion de souveraineté à la toute-puissance de l'État. Jellinek la définissait comme « la compétence de la compétence », entendant par là qu'elle constituait le pouvoir originaire, illimité et inconditionné de l'État, de déterminer sa propre compétence. Ainsi comprise, la souveraineté de l'État ouvre toute grande la porte à des excès qui n'ont pas disparu avec l'État princier. Pour ne parler que de l'ordre international, si l'État a le droit de s'attribuer librement ses compétences, plus rien, à part sa propre volonté d'autolimitation, ne l'empêche d'empiéter sur la volonté des autres États. Cette volonté d'autolimitation tend souvent à disparaitre dans la conduite des États tant que ça s'aligne contre leurs intérêts confirmant cette assertion de Henry John TEMPLE « L'Angleterre n'a pas d'amis ou d'ennemis permanents ;

52 NGYUEN (Quoc Dinh), op.cit., p. 466.

53 Jean Bodin (1530-1596) est un royaliste « engagé », son dessein est de trouver un support juridique à l'action du roi en vue de la construction de l'État. Sa conceptualisation de l'État est destinée à servir et affermir le pouvoir royal. Il désigne l'État par l'expression Res publica : République et État sont pour lui des mots synonymes. Ses vues systématiques sont exposées dans sa grande oeuvre publiée en 1576 : Les six livres de la République. Jean Bodin définit la République (donc, l'État) : « Le droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur est commun avec puissance souveraine ». La puissance « souveraine », voilà la caractéristique essentielle de l'État. Pas d'État sans souveraineté. Ibid.

54 Vattel (1714-1768) est un précurseur du positivisme. Né en Suisse, à Neuchâtel, sujet du roi de Prusse, Vattel est bien placé pour observer cette pratique dans l'exercice de sa fonction de diplomate au service du roi de Saxe. Son principal ouvrage : Le droit des gens ou principes de la loi naturelle appliquée à la conduite et aux affaires des nations et des souverains est écrit en français et publié en 1758. Cet ouvrage conserve aujourd'hui encore une place de choix dans la science et dans la pratique. D'après Vattel, la société internationale est par nature la « grande société des nations ». Les membres de cette société sont uniquement des États souverains. « Toute nation qui se gouverne elle-même sans dépendance d'aucun État étranger est un État souverain ».

elle n'a que des intérêts permanents »55. Par ailleurs, la souveraineté désigne en droit international public l'indépendance, l'égalité. Ainsi pour une bonne appréhension, il conviendra de relever la souveraineté comme un principe consacré en droit international (paragraphe 1) et comme un principe restructuré par les États puissants (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Un principe consacré en droit international

La souveraineté est le critère de l'État qui lui permet de se distinguer des autres collectivités publiques. À cet égard, l'État dispose, comme toute collectivité distincte des membres qui la composent, de la personnalité juridique qui exprime la permanence de ses intérêts issus des politiques variables de ses gouvernants56. La notion est polysémique ce qui lui confère une équivocité sémantique, ainsi avant toute analyse de ses contours, il sied de faire un rappel du principe (A) et les corollaires (B).

A : Rappel du principe

Qu'est-ce que la souveraineté ? Il n'est aucune réponse que nous puissions apporter à cette question qui soit susceptible de rendre compte de toutes celles déjà formulées par les auteurs, tant elles sont nombreuses et opposées. Non sans une certaine frustration, nous ne nous écarterons donc pas de la voie principale, largement balisée, et conduisant à une définition convenue de la souveraineté. Tout naturellement, c'est, d'abord, vers la pensée de Jean Bodin qu'il convient de se tourner. Dans son ouvrage, intitulé les six livres de la république, celui que l'on présente, bien souvent, comme l'inventeur de la notion de souveraineté la définit comme

« la puissance absolue et perpétuelle d'une République, c'est-à-dire la plus grande puissance

55 « We have no eternal allies, and we have no perpetual enemies. Our interests are eternal and perpetual, and those interests it is our duty to follow». Henry John Temple, Lord Palmerston, Speech to the House of Commons (1848).

56 BASUE BABU KAZADI, G., Introduction générale à l'étude du droit partie droit public, Cours polycopié, 1er graduat, Fac Droit, UNIKIN, Kinshasa, 2005 - 2006, p. 9

de commander »57. Jean Bodin introduit ici l'idée que la souveraineté consisterait en une sorte de Summa potestas, soit le pouvoir le plus élevé dans une société. Cette définition fonde plus celle du père du droit international Hugo GROTIUS58 qui définit la puissance souveraine comme « celle dont les actes sont indépendants de tout autre pouvoir supérieur et ne pouvait être annulés par aucune autre volonté humaine ». Rousseau incline en ce sens lorsqu'il écrit, un siècle et demi plus tard, « il est de l'essence de la puissance souveraine de ne pouvoir être limitée : elle peut tout ou elle n'est rien »59. Bien que la théorie de la souveraineté soit l'objet de multiples controverses, les auteurs, qu'ils soient affiliés à la doctrine jusnaturaliste ou positiviste, sont, néanmoins, d'accord sur un point : la souveraineté est cette qualité que possède une entité qui s'incarne, pour les uns dans une autorité, pour les autres dans un système normatif, à n'être coiffée par aucune autre. Carré de Malberg exprime parfaitement cette idée lorsqu'il affirme que « dans son acception précise [...] la souveraineté, c'est le caractère suprême d'un pouvoir : suprême, en ce que ce pouvoir n'en admet aucun autre ni au-dessus de lui, ni en concurrence de lui. Quand donc on dit que l'État est souverain il faut entendre par là que, dans la sphère où son autorité est appelée à s'exercer, il détient une puissance qui ne relève d'aucun autre pouvoir et qui ne peut être égalée par aucun autre pouvoir »60. La notion est l'une des plus controversées et équivoques du vocabulaire juridique international en raison de ses différentes conceptions dans diverses époques historiques et dans diverses branches scientifiques61, à savoir les relations internationales, l'économie et surtout la science juridique. Elle est conçue selon CORNU Gerard62 comme « Caractère suprême d'une puissance qui n'est

57 BODIN (Jean), Les six livres de la république, Liv. I, Chap. VIII, in BEHRENDT (Christian), BOUHON (Frédéric), Introduction à la théorie générale de l'État, Larcier, coll. « Faculté de droit de l'université de Liège », 2009, p. 82.

58 Hugo Grotius, Le droit de la guerre et de la paix paru en 1625, traduit par P. Pradier-Fodéré, Paris, Guillaumin

et Cie, 1867, 3 tomes, réédité par Denis Alland et Simone Goyard-Fabre, Paris, Presses universitaires de France, collection « Léviathan », 1999, in NGYUEN (Quoc Dinh), op.cit., p. 65.

59 ROUSSEAU (Jean-Jacques), Lettres écrites de la montagne, OEuvres complètes, T. III, Paris, 1817, p. 177.

60 CARRE DE MALBERG (Raymond), Contribution à la théorie générale de l'État, Paris, CNRS Éditions, n° 26, 1920, p. 79

61 Pour souligner le caractère equivoque de la notion, L. Henkin écrit que « sovereignty is a bad word, not only because it has served terrible national mythologies; in international relations, and even in international law, it is often a catchword, a substitute for thinking and precision. It means many things, some essential, some insignificant; some agreed, some controversial; some that are not warranted and should not be accepted ». HENKIN (Louis), « International Law: Politics, Values and Functions: General Course on Public International Law », RCADI, vol. 216, 1989, p. 24-25.

62 CORNU (Gérard) (dir.), op.cit., p. 2075.

soumise à aucune autre. Ex. la souveraineté de l'État, de la loi. Puissance suprême et inconditionnée dans laquelle l'ordre international reconnaît un attribut essentiel de l'État mais qui est aussi reconnue, par exception, à certaines entités ».

Traditionnellement, la souveraineté de l'État est présentée comme pouvant être de deux sortes. Elles forment, selon Olivier Beaud, les deux faces d'une même pièce63 : souveraineté interne et souveraineté externe. La première face de cette pièce porte la marque de la souveraineté que l'on qualifie généralement d'externe64. Externe, parce qu'est ici visée l'idée que l'État souverain n'est soumis à aucune puissance étrangère ; qu'il n'est subordonné à aucune autre sorte de pouvoir et qu'il ne se fait dicter sa conduite par personne65. En d'autres termes, « dans l'expression souveraineté externe, le mot souveraineté est au fond synonyme d'indépendance »66. Parce qu'il est titulaire de cette souveraineté externe, les « frontières de l'État forment un véritable sanctuaire dressé à la face du monde extérieur »67. L'indépendance de l'État est cependant limitée par ses propres engagements dans des traités internationaux68. Cette compétence à participer à la production du droit international est une des caractéristiques de la souveraineté externe.

S'agissant de la souveraineté interne, elle renvoie à une autre dimension du pouvoir de l'État. On la qualifie de « puissance d'action »69. Pour Jellinek, l'État dispose, selon sa célèbre

63 BEAUD (Olivier), La puissance de l'État, PUF, coll. Léviathan, Paris, 1994, p. 15.

64 RIALS (Stéphane), « La puissance étatique et le Droit dans l'ordre international ; éléments d'une critique de la notion externe de souveraineté externe », APD, 1987, p. 189- 208.

65 Cette vision de la souveraineté prend sa source à une époque très lointaine où le pouvoir temporel voulait s'affranchir une fois pour toutes du pouvoir spirituel. Ainsi comme le soulignent des auteurs « il s'agissait [...] au XVIe siècle et principalement dans le royaume de France, d'affirmer la suprématie du Roi sur les grands feudataires, en un mot de récuser la conception patrimoniale du pouvoir, ainsi que l'indépendance de la Couronne vis-à-vis du Saint-Siège et du Saint-Empire romain germanique ». GICQUEL (Jean), GICQUEL (Jean- Éric), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Montchrestien, 26e éd., 2012, p. 66

66 CARRE DE MALBERG (Raymond), op.cit., p. 71.

67 DE BECHILLON (Denys), Hiérarchie des normes et hiérarchie des fonctions normatives de l'État, thèse, Economica, Paris, 1996, p. 104.

68 « L'expression traité s'entend d'un accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le droit international, qu'il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière ». Article 2 alinéa 1.a de la convention de vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969. Lien : https://legal.un.org/ilc/texts/instruments/french/conventions/1_1_1969.pdf, consulté le 26 aout à 15h36

69 DE BECHILLON (Denys), op.cit., p. 105.

formule, de « la compétence de sa compétence ». La souveraineté interne de l'État serait « la capacité exclusive de déterminer l'étendue de son propre ordre juridique »70. Pour Carré de Malberg, la souveraineté interne « implique [...] que l'État possède, soit dans ses rapports avec les individus qui sont ses membres ou qui se trouvent sur son territoire, soit dans ses rapports avec tous autres groupements publics ou privés formés au-dedans de lui, une autorité suprême, en ce sens que sa volonté prédomine sur toutes les volontés de ces individus ou groupes, celles- ci ne possédant qu'une puissance inférieure à la sienne »71. L'État n'est en concurrence avec ni subordonné à aucune autre entité, sa volonté prévalant sur toutes les personnes morales ou physiques. Il détient seul "la compétence de la compétence" et dispose de ce fait de prérogatives, en particulier : la capacité à s'organiser lui-même, le monopole de la production du droit, la légitimité de l'autorité (pouvoir de la violence légitime sur son territoire) et du contrôle sur la population, le monopole de la force publique. Il doit aussi assurer certaines tâches comme le maintien de l'ordre public, la justice, la défense nationale, la monnaie, l'administration publique etc. En définitive, souveraineté interne et souveraineté externe renvoient à une même idée : il n'est rien de supérieur au pouvoir de l'État. L'État ne se fait commander par aucune puissance étrangère, tout autant qu'il commande à ceux qui évoluent à l'intérieur de ses frontières.

En droit international, la notion est consacrée par l'article 2 § 1 et 7 de la Charte des Nations unies qui dispose respectivement « l'Organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses Membres », « aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État ni n'oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l'application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII » . Á la lumière de ces deux articles ont peut envisager que l'organisation onusienne a placé la souveraineté comme baromètre de la conduite des États, ce qui pousse certains auteurs à l'assimiler à l'indépendance. C'était le cas de l'arbitre Max HUBERT72 qui disait « La souveraineté dans les relations entre États signifie l'indépendance ». Cette consécration s'est faite remarquée au niveau de plusieurs chartes régionales à l'instar de la charte de l'Organisation de l'Unité Africaine qui la consacre dans son article 3 alinéa 373.

70JELLINEK (GEORG), L'État moderne et son droit : THEORIE GENERALE DE L'ETAT, Olivier Jouanjan (Préface), éd. PANTHEON ASSAS, Paris, 2005, p. 136.

71 CARRE DE MALBERG (Raymond), ibid.

72 CPA, affaire de l'Île des Palmes, 4 avril 1928, RSA, II, p. 838

73 « Les États Membres, pour atteindre les objectifs énoncés à l'Article

B : Les corollaires du principe

Le principe de la souveraineté des États admet plusieurs corollaires. Parmi ces corollaires on relève le principe de l'égalité souveraine et la liberté d'action.

Le principe de l'égalité souveraine à la différence de la situation de droit interne caractérisée par l'existence d'une puissance publique, l'absence d'autorité supérieure à l'État souverain en droit international implique l'égalité de statut juridique des États de la société internationale.

À partir de 1945, une première consécration expresse du principe de l'égalité juridique se trouve à l'article 2 paragraphe 1 de la Charte des Nations Unies : « L'Organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses Membres ». À San Francisco, le President de la Conference s'exprima ainsi « the four ideas that are incorporated in the term «sovereign equality»: that states are juridically equal; that each state enjoys the right inherent in full sovereignty; that the personality of the state is respected, as well as its territorial integrity and political independence; that the state should, under international order, comply faithfully with its international duties and obligations »74.

Cette liste d'éléments est reprise par certains auteurs75, mais en 197076, l'AG de l'ONU, par une résolution à caractère interprétatif, donnait quant à elle une indication plus précise de la définition du principe de l'égalité souveraine contenu à l'article 2 susmentionné. La déclaration relative aux principes du droit international énumère les éléments qui comportent le principe de l'égalité souveraine de façon détaillée : Tous les États jouissent de l'égalité souveraine. Ils ont des droits et des devoirs égaux et sont des membres égaux de la communauté internationale, nonobstant les différences d'ordre économique, social, politique ou d'une autre nature. En particulier, l'égalité souveraine comprend les éléments suivants : les États sont

II, affirment solennellement les principes suivants : Respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de chaque État et de son droit inaliénable à une existence indépendante » article 3 alinéa 3 de la charte de l'OUA (Organisation de l'unité africaine) signée le 25 mai 1963 à Addis-Abeba en Éthiopie par trente États africains indépendants.

74 ONU, Documents de la Conférence des Nations Unies sur l'Organisation Internationale, San Francisco, 1945, p. 70.

75 KOHEN (Gustavo), « Article 2 Paragraphe 1 », in PELLET (Alain), dir., La Charte des Nations Unies : commentaire article par article, 3e éd., Paris, Economica, 2005, p. 407.

76 Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, Rés. AG 2625 (XXV), Doc. off. AG NU, 25e sess., supp. no 28, Doc. NU A/8082 (1970) 131 à la p. 134

juridiquement égaux ; chaque État jouit des droits inhérents à la pleine souveraineté ; chaque État a le devoir de respecter la personnalité des autres États ; l'intégrité territoriale et l'indépendance politique de l'État sont inviolables ; chaque État a le droit de choisir et de développer librement son système politique, social, économique et culturel. Cette résolution clarifie, en raison de son caractère déclaratoire, la portée et le contenu de l'article. Comme l'explique la Cour internationale de justice « les résolutions de l'Assemblée générale, même si elles n'ont pas force obligatoire, peuvent parfois avoir une valeur normative. Elles peuvent, dans certaines circonstances, fournir des éléments de preuve importants pour établir l'existence d'une règle ou l'émergence d'une opinio juris. Pour savoir si cela est vrai d'une résolution donnée de l'Assemblée générale, il faut en examiner le contenu ainsi que les conditions d'adoption ; il faut en outre vérifier s'il existe une opinio juris quant à son caractère normatif. Par ailleurs des résolutions successives peuvent illustrer l'évolution progressive de l'opinio juris nécessaire à l'établissement d'une règle nouvelle »77.

Il est repris dans toutes les chartes institutives des organisations régionales de coopération. Il est plus implicite dans les traités créant des organisations dites d'intégration comme la charte de l'OUA à l'article 3 alinéa 1 « Les États Membres, pour atteindre les objectifs énoncés à l'Article II, affirment solennellement les principes suivants : Égalité souveraine de tous les États membres ». L'Acte final de la Conférence d'Helsinki (CSCE, 1975)78 tente d'en préciser les implications dans les relations Est-Ouest : « Dans le cadre du droit international, tous les États participants ont des droits et des devoirs égaux. Ils respectent le droit de chacun d'entre eux de définir et de conduire à son gré ses relations avec les autres États conformément au droit international [...]. Ils ont aussi le droit d'appartenir ou de ne pas appartenir à des organisations internationales, d'être partie ou non à des traités bilatéraux ou multilatéraux, y compris le droit d'être partie ou non à des traités d'alliance ; ils ont également le droit à la neutralité » (point I de la Déclaration sur les principes régissant les relations mutuelles des États participants). Comme la Déclaration d'Helsinki, tous les États ont les mêmes droits et obligations internationaux. Le droit international est réducteur et négateur des différences réelles entre États. Ne permettant pas, la plupart du temps, de prévenir ou de corriger

77 Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, Avis consultatif, C.I.J. 1996 rec. 226, para. 70.

78 Signés le 1er août 1975 à l'issue de la CSCE, les accords d'Helsinki, ou « Acte final » de la Conférence d'Helsinki, consacrent l'inviolabilité des frontières européennes, rejettent tout recours à la force et toute ingérence dans les affaires intérieures et engagent les signataires à respecter les droits de l'Homme.

les inégalités de dimension, de richesse, de puissance, il constitue un obstacle à toutes les tentatives pour faire consacrer juridiquement une typologie inégalitaire des statuts.

La liberté d'action quant à elle, s'observe dans l'autonomie constitutionnelle que dispose les États. Cette autonomie constitutionnelle résulte de l'indifférence du droit international à l'égard des formes politiques internes, dès lors que les institutions nationales disposent de la capacité d'engager l'État dans les relations internationales. La CIJ l'a rappelé clairement dans l'affaire du Sahara occidental : « Aucune règle de droit international n'exige que l'État ait une structure déterminée comme le prouve la diversité des structures étatiques qui existent actuellement dans le monde »79. Plus récemment, la Cour a réaffirmé le corollaire de la souveraineté en une formule particulièrement nette : « L'adhésion d'un État à une doctrine particulière ne constitue pas une violation du droit international coutumier ; conclure autrement reviendrait à priver de son sens le principe fondamental de la souveraineté des États sur lequel repose tout le droit international, et la liberté qu'un État a de choisir son système politique, social, économique et culturel »80.

Le libre choix par chaque peuple de son régime politique, économique et social est du reste la principale conséquence concrète du principe d'autodétermination, au moins pour les peuples déjà constitués en États comme l'a précisé la Déclaration de 1970 précitée, qui formule le principe de façon très générale : « chaque État a le droit de choisir et de développer librement son système politique, social, économique et culturel ».

Paragraphe 2 : Un principe redéfini par les États puissants.

« Le droit international n'est qu'un instrument aux mains des grandes puissances qui peuvent le remodeler ou le modifier à leur propre guise »81, « à l'instar de toute politique, la politique internationale est une lutte pour le pouvoir ». Qui dit droit international fait référence à ces grands principes qui le transcendent. Ainsi à la lumière de cette pensée on peut d'ores et déjà présager les diverses modification ou réadaptation que certains États à catégorie moyenne ou super puissance font de ce droit dans l'unique but de satisfaire leurs intérêts faussant ainsi

79 Affaire du Sahara occidental, avis du 16 octobre 1975, CIJ Rec. 1975, p. 43-44

80Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), arrêt du 27 juin 1986, CIJ Rec. 1986, p. 133

81MORGENTHAU (Hans), Politics Among Nations: The Struggle for Power and Peace, New York, Knopf, 1948, p. 13.

le postulat de départ qui est la sauvegarde de la paix et la sécurité en gardant le principe de la souveraineté à l'élixir dans les rapports entre État. Une bonne structuration nous permet de dégager comment les États sont passés de la non-ingérence à l'ingérence (A) et du devoir d'ingérence à la responsabilité de protéger (B) qui dont tous deux contraires à l'esprit de la souveraineté étatique.

A : De la non-ingérence à l'ingérence

Le principe de non-ingérence est défini de différentes façons, selon les auteurs et selon les domaines. En droit administratif, on doit partir de la définition de l'ingérence pour mieux définir la non-ingérence. L'ingérence c'est le fait pour une autorité administrative de prendre une décision dans le domaine qui ne relève pas de ses compétences ou de ses attributions ; la non-ingérence devient alors l'interdiction faite à toute autorité administrative de prendre des mesures dans le domaine qui n'entre pas dans ses attributions sans qu'il n'en reçoive préalablement un mandat82. En droit international, l'ingérence est tout acte qui interfère avec la conduite des affaires intérieures de l'État, sans emploie de la force ; la non-ingérence devient alors l'interdiction faite à tout État et à toute organisation internationale de poser tout acte qui interfère avec la conduite des affaires intérieures de l'État83. Selon Jean Salmon, « la non- ingérence est le fait que les États ne peuvent pas accomplir des actes d'ingérence dans les affaires d'autres États, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent exercer une influence de nature contraignante dans les affaires des autres États ou exiger d'eux l'exécution ou l'inexécution d'actes qui ne relèvent pas du droit international »84.

Une distinction est à faire entre intervention et ingérence. Parfois les termes sont utilisés indifféremment, y compris par la CIJ, mais l'intervention est une opération matérielle, c'est dans ce sens que le terme a été employé dans un arrêt de la CIJ du 9 avril 1949 sur le détroit de Corfou. En espèce le Royaume-Uni est venu déminer le détroit de Corfou, que l'Albanie refusait de faire - intervention. L'ingérence est tout acte qui interfère avec la conduite des affaires intérieures de l'État, mais cela sans emploi de la force. Ce qui fait qu'une ingérence peut prendre la forme d'une pression, économique ou politique à titre d'exemple on peut prendre une prise

82 KABILA (Jerry Nkulu), Droit administratif, 3e de graduat, Faculté de droit, Université de Likasi, 2017, p.45.

83 DAVID (Eric), Portée et limites du principe de la non-ingérence, éd. Buylant, Bruxelles, 1990, p.252.

84 SALOMON (Jean), dictionnaire du droit international public, Bruxelles, éd. Bruyant, 2001, p.456.

de position officielle d'un État prend position sur la procédure électorale d'un autre État qu'il juge frauduleuse. Dans un cas pareil, il y a l'ingérence.

Le principe de la non-ingérence trouve son fondement dans la Charte des Nations-unies plus spécialement en son article 2 §7 qui stipule qu' : « aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations-unies à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État ni n'oblige les membres à soumettre les affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente charte ; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l'application des mesures de coercition prévues au chapitre VII ». De l'exégèse de ces principales lignes, il ressort que le principe ne concerne que l'organisation. Mais les questions tournent autour de son applicabilité à l'égard des États en relation entre eux. Tel était la conception du principe de non-ingérence, telle conception a créé des controverses depuis l'adoption de la Charte jusqu'à faire un débat dans les années 1970. De ce débat, on est arrivé à déduire que la prohibition de l'ingérence s'imposait non seulement à l'organisation des Nations- unies en tant qu'institution, mais aussi à tous les sujets du droit international dont les États et les organisations internationales85. Malgré cette conclusion, les représentants britanniques à l'époque ont soulevé une opposition disant qu'ils voyaient dans le principe « toute intervention illicite pouvant être soumise à un organe de l'ONU auquel il appartient de décider »86, ainsi ils ont proposé deux critères notamment : chaque État a droit à l'indépendance politique et à l'intégrité territoriale et chaque État a le devoir de respecter les droits dont jouissent les autres conformément au droit international et de ne pas intervenir dans les affaires relevant de la compétence nationale d'un autre État. Ainsi, le principe de la non-ingérence s'impose à l'organisation des Nations-unies, aux États et à toutes les organisations internationales en tant que sujets du droit international. Il est à noter que ce principe s'applique dans un cadre bien circonscrit et déterminé dans les relations entre les États. Ce principe ayant fait l'unanimité au départ, lors de la 21e session de l'Assemblée générale des Nations-unies, les États ont abouti à la Résolution 213187 qui, finalement, donna naissance en 1970 à l'insertion de ce dispositif dans la Résolution 2625 du 24 octobre 1970 portant Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la charte des Nations-unies. Dans le contenu du principe de la non-ingérence, il est interdit : toute

85 RANJAVA (Raymond) et CADOUX (Charles), op.cit., p.86.

86 NOEL (Jacques), le principe de la non-ingérence : théorie et pratique des États, Bruxelles, éd. Bruyant, 1981, p.66.

87 Résolution 2131 DE L'ASSEMBLÉ GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES, adoptée le 21 DÉCEMBRE 1965

portant sur la Déclaration sur L'Inadmissibilité de l'intervention dans les affaires intérieures des États et la protection de leur indépendance et de leur souveraineté.

action d'un État tiers dans les affaires relavant de la compétence exclusive de l'autre État ; toute intervention de quelle nature que ce soit touchant un domaine exclusivement interne ; l'usage de la force ou des menaces ou contraindre un État à une volonté extérieure ; toute injonction extérieure vers un État. Á l'unanimité, les États et les organisations internationales, parties prenantes à cette session de l'Assemblée générale des Nations-Unies se sont engagés, non seulement de respecter ce contenu du principe de la non-ingérence mais aussi à dénoncer tout acte d'ingérence sur le territoire d'un autre État.

Force est de constater, que plusieurs décennies déjà, nous assistons à une tendance vers une ingérence qui atteint son paroxysme sur la scène internationale. Ainsi deux sortes d'ingérences sont à relever : l'ingérence directe et l'ingérence déguisée. L'ingérence directe nous la définissons comme le fait pour un État ou une organisation internationale d'exercer une pression par des propos ou des actions, dans un État, dans les affaires qui relèvent de la compétence exclusivement interne. Plusieurs exemples peuvent être soulevés, qui constituent des actes d'ingérence directe. Le premier cas qu'on peut évoquer est celui d'une résolution, celle du 2 juillet 2016 adopté par la Chambre des représentants belges selon laquelle, les élus belges ont menacé de couper l'aide bilatérale directe à la République démocratique du Congo au cas où le pays n'organise pas le scrutin présidentiel dans le délai constitutionnel. Ce qui va à l'encontre de la Résolution 2625 de l'Assemblée générale des Nations unies relative aux principes du droit international touchant les rapports amicaux, diplomatiques et de la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations-Unies qui stipule que : « Aucun État ou groupe d'États n'a le droit d'intervenir directement ou indirectement pour quelque raison que ce soit dans les affaires intérieures ou extérieures d'un autre État. En conséquence, non seulement l'intervention armée mais aussi toute autre forme d'ingérence ou toute menace dirigée contre la personnalité d'un État ou contre ses éléments politiques, économiques et culturels sont contraires au droit international. Aucun État ne peut appliquer ni encourager l'usage des mesures économiques politiques ou de toute autre nature pour contraindre un autre État à subordonner l'exercice de ses droits souverains et pour obtenir de lui les avantages de quelque ordre que ce soit »88. Au regard du principe, la résolution de la chambre des représentants Belges constitue un acte d'ingérence directe. Il en est de même du ministre français des affaires étrangères qui a déclaré en septembre 2016 avoir appuyer les États-Unis sur la possibilité de sanctionner les responsables de la R.D.C et demander en même temps au président de la RDC de l'époque de « respecter la constitution et de ne pas se présenter

88 Op.cit.

aux élections à venir ». Cela constitue, à notre avis, un acte d'ingérence directe car ces propos sont directement adressés aux autorités congolaises et sont de nature à menacer les autorités congolaises afin de les subordonner à la volonté de la France. Également, il y a d'autres exemples qui s'apparentent à l'ingérence directe comme celui de 2014, la France et les États- Unis ont soutenu le coup d'État contre le président burkinabé Blaise Compaoré, qui était au pouvoir depuis 27 ans. Les deux pays ont salué la transition démocratique initiée par les militaires, qui ont promis d'organiser des élections libres et transparentes89 ; de 2019, les États- Unis ont reconnu le chef de l'opposition vénézuélienne Juan Guaidó comme président par intérim du Venezuela, en contestant la légitimité du président élu Nicolás Maduro. La France a suivi cette position, ainsi que plusieurs pays européens et latino-américains. Cette ingérence a été condamnée par le gouvernement vénézuélien, qui a dénoncé une tentative de coup d'État orchestrée par les États-Unis pour s'emparer des ressources pétrolières du pays90.

L'ingérence peut être déguisée et ça s'observe souvent dans la recherche des solutions dans les Affaires purement internes des États. En effet, ce sont les organisations internationales ou la communauté internationale qui cherchent à s'approprier un conflit interne d'opinion politique en voulant trouver une solution. Cette recherche de solution constitue de l'ingérence lorsque l'affaire relève de la souveraineté nationale de l'État ; encore, l'organisation ou la communauté qui intervient va chercher à imposer indirectement ses points de vue qui doivent s'appliquer à l'intérieure de l'État. C'est en ça que sa constitue une ingérence déguisée en ce sens que l'orientation de la situation se fait à la volonté de l'organisation qui intervient. C'est le cas de l'Union Africaine qui a envoyé un facilitateur du dialogue entre l'opposition congolaise et le pouvoir congolais sur l'organisation des élections en R.D.C en juillet 2016. Cela n'a pas de fondement et constitue une ingérence déguisée en acte caritatif. Il sied de rappeler une nouvelle forme d'ingérence qui s'observe sur le plan économique et qui bloque le développement des pays. Cette ingérence s'observe par le fait que les institutions financières internationales dont la Banque mondiale, le Fonds monétaire internationale ou encore les institutions de Breton-Wood, commencent à s'ingérer de plus en plus dans les situations politiques nationales et participent à une opération de d'homogénéisation des critères de fonctionnement économique et social qui

89 Lien : https:// www.vie-publique.fr/rapport/289824-ingerences-politiques-economiques-financieres-de- puissances-etrangeres?ssp=1&setlang=fr-XL&safesearch=moderate, consulté le 30 aout à 14h36

90 Lien : https://frontpopulaire.fr/international/contents/ingerence-et-droit-international-lexemple-des-etats-unis- et-de-l-ukraine_co566675?ssp=1&setlang=fr-XL&safesearch=moderate, consulté le 30 aout à 14h39

nie les spécificités de chaque pays91. En effet, ces institutions financières internationales créées en 1944, sont dominées par les États-Unis et quelques grandes puissances alliées qui agissent pour généraliser des politiques contraires aux réalités des peuples. Elles ont systématiquement prêté aux États afin influencer leurs politiques internes. L'endettement extérieur est encore un moyen utilisé comme un instrument de subordination des pays débiteurs. Depuis leur création, le FMI et la BM ont violés les pactes internationaux sur les droits humains et n'hésitent pas à s'ingérer dans les politiques intérieures des États débiteurs92. Il est de principe sociologiquement parlant : « la main qui donne est supérieure ou au-dessus de la main qui reçoit », les États Africains qui bénéficient de l'aide et des prêts de ces institutions, sont contraints à des obligations de celles-ci, lesquelles obligations constituent à l'ingérence parce que touchant des domaines de la compétence exclusive interne des États. Dans ce contexte, les projets de ces institutions ont un fort contenu politique qui est d'endiguer le développement des États qui remettent en cause la domination exercée par les grandes puissances capitalistes.

Avec l'ingérence ou le non-respect du principe fondamental du droit international qui est celui de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États, la conséquence est que le droit international a perdu sa crédibilité vis-à-vis des États membres dans la mesure où, plus les États se rendent compte que sur base du droit international les États considérés comme grandes puissances utilisent les organisations internationales et la communauté internationale pour s'ingérer dans leurs affaires internes, plus ils chercheront à limiter cela ; et pour se faire les États chercheront à priori à ne plus s'adonner à la ratification ou à l'adhésion des organisations internationales et aux coopérations internationales ; par les suite on pourra aller jusqu' à envisager le retrait des États des organisations, ce qui va faire perdre au droit international son vrai sens et sa raison d'être. Elle met également en cause le principe de l'égalité souveraine car les organisations internationales, les traités et accords internationaux se dégagent comme des pièges symboliques des grandes puissances pour exploiter les petits États. Dès lors qu'un État obéit à une autre volonté que la sienne, il cesse d'être souverain vis-à-vis de cette volonté parce que c'est un pouvoir, une puissance absolue et perpétuelle qui ne peut en aucun cas être aliéné. Lorsqu'un chef d'Etat enseigne à un autre ce qu'il doit faire pour gérer son propre pays, cela prouve qu'entre les deux pays, il y a l'un qui se croit supérieur à l'autre alors que la souveraineté c'est l'égalité de tous les États. Dans la théorie de la souveraineté, aucun État n'est moins

91 L'HERITEAU (Marie France), Le Fonds monétaire international et les Etats du tiers-monde, éd. P.U.F., paris, 1986, p.205.

92 TOUSSAINT (Eric), La Banque mondiale : coup d'État permanent, éd. Syllepse Paris, 2006, p.94.

souverain que l'autre ni plus souverain que l'autre ; tous les États sont égaux avec le même degré de souveraineté93. Ces situations ont tendance à fragiliser l'autorité de l'État devant une situation donnée pour asseoir de façon légitime celle des puissances extérieures pour que ces puissances contrôlent le pays dans toutes les dimensions. Un cas pratique de cet aspect, dans les années 1988, la forte mobilisation consécutive au tremblement de terre en Arménie, devant l'impuissance de l'Union soviétique à laquelle appartenait alors cette république, les États-Unis ont pris le devant pour s'emparer de la gouvernance de cet État ; ou encore, le sauvetage par la coalition États-Unis, Royaume-Unis, France, des kurdes d'Irak pourchassés par l'armée de Saddam Hussein au printemps 199194. Ces interventions avaient pour mission de prendre la possession et la direction de l'Union soviétique dans le premier cas et de l'Irak dans le second cas, ce qui aboutira à une déstabilisation socio-politique des deux États.

L'ingérence s'abrite aujourd'hui sous d'autre forme en occurrence la forme militaire comme on l'a eu à observer dans le conflit Russo-Ukrainien et Rwanda-RDC. Dans le premier cas, la Russie a envoyé des forces militaires en Ukraine sans une autorisation préalable des autorités ukrainienne. Le gouvernement russe évoque la légitime défense préventive et collective du fait que les minorités russes dans la région de Donbass et Donetsk en Ukraine seraient victimes des répressions arbitraires de la part de des autorités ukrainiennes. C'est le même cas entre le Rwanda et la RDC caractérisé par la présence des forces militaires rwandaises au-delà des frontières de la RDC dans l'optique d'une hypothétique protection des minorités rwandaises en RDC.

B : Du devoir d'ingérence à la responsabilité de protéger

Dès le XIX e siècle, la notion d'intervention d'humanité a été consacrée pour permettre à une grande puissance de protéger ses propres ressortissants ou des sujets protégés, notamment des minorités religieuses. Mais ces interventions ont souvent également servi de prétexte à la

93 BALANDA MUKUIN (Leliel), le Droit des organisations internationales : Théorie générale, Paris, éd. CEDI, 2006, p.42.

94 DEFARGE MOREAU (Philippe), De l'ingérence impériale à l'ingérence démocratique, éd. Presses de Sciences Po, Paris, 2006, p.9.

« politique de la canonnière95 » des États européens pour étendre leurs empires coloniaux ou leurs intérêts commerciaux. Aujourd'hui ce type d'intervention reste le plus souvent limité à l'évacuation militaire des nationaux en cas de crise comme dans l'opération de Kolwesi96 menée par la France en 1978 au Zaïre au bénéfice de tous les Européens mais peut également justifier une véritable occupation du territoire avec le débarquement américain dans l'île de la Grenade en 1983 pour protéger les étudiants américains sur place.

Dans les années 1980, le débat a été posé sur un autre terrain, avec la consécration progressive par l'Assemblée générale d'un « droit d'ingérence »97. Dans un premier temps, la résolution n° 43/131 du 8 décembre 1988 « relative à l'assistance humanitaire aux victimes de catastrophes naturelles et situations d'urgence du même ordre », insiste sur « l'accès aux victimes » pour les « organisations non gouvernementales agissant dans un but strictement humanitaire ». Tout en réaffirmant rituellement la « souveraineté, l'intégrité territoriale et l'unité nationale des États », la résolution n'en ouvre pas moins une brèche dans le rempart de la souveraineté, en ne laissant pas les victimes aux seules mains de l'État national. Bien plus, elle admet implicitement qu'à côté des « catastrophes naturelles », il puisse exister des urgences humanitaires créées par les hommes (man-made disaster). Presque aussitôt un tremblement de terre en Arménie sera l'occasion pour l'URSS d'inviter les premiers secours des États et des ONG. Mais l'hypothèse d'une crise interne ou d'une guerre civile reste en filigrane de la résolution. Ainsi lors de la « révolution » roumaine en décembre 1989, le ministre français des Affaires étrangères, Roland Dumas, n'hésitera pas à demander à l'URSS d'intervenir en Roumanie. Deux ans après la résolution n° 43/131, une nouvelle résolution n° 45/100 du 14 décembre 1990 est venue compléter le dispositif en prévoyant la mise en place de « couloirs

95 L'expression « politique de la canonnière » rappelle encore à quel point la canonnière était symbole de la projection de puissance jusqu'au début du XXe siècle. La « politique de la canonnière » consistait à tirer depuis la mer au canon sur les côtes des États qui ne payaient pas leurs dettes financières. Lien : https://fr.wikipedia.org/wiki/Diplomatie_de_la_canonni%C3%A8re; consulté le 01 septembre 2023 à 03h40

96 La bataille de Kolwezi est une opération aéroportée baptisée « Opération Bonite », menée par une unité de la Légion étrangère française, le 2e régiment étranger de parachutistes (2e REP), ainsi que par des troupes belges et zaïroises. Elle se déroule en mai 1978 au Zaïre, actuelle République démocratique du Congo (RDC), pour délivrer des otages européens retenus dans la ville minière de Kolwezi par des rebelles katangais. Lien : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Kolwezi, ; consulté le 01 septembre 2023 à 03h46

L'opération est déclenchée par le massacre de 700 Africains et de 170 Européens et réussit à libérer des otages avec des pertes militaires légères.

97BETTATI (MARIO), Le droit d'ingérence, éd. Odile Jacob, Paris,1996, in DECAUX (Emmanuel.) et DE FROUVILLE (Olivier), op.cit., para.413.

d'urgence humanitaire ». Mais à côté de la mission des ONG qui est ainsi confirmée, c'est le rôle des Nations Unies et des États qui va être mis en relief par la suite, à travers des résolutions de plus en plus audacieuses du Conseil de sécurité. Cependant, le qualificatif de « droit » prête à confusion, car cette notion n'est pas adossée à des textes juridiques contraignants, le droit international consacrant par ailleurs la notion de souveraineté. L'effectivité de ce « droit » dépend dès lors de l'application qu'en font les États. Or la notion est controversée. Les pays en développement en particulier soupçonnent, derrière un prétexte d'ingérence sous sa forme humanitaire, que son usage réponde à des motivations politiques. La déclaration en 2000 à l'issue du sommet du « Groupe des 77 »98 proclame ainsi le rejet du « soi-disant «droit» d'intervention humanitaire, qui n'a aucun fondement juridique dans la Charte des Nations Unies et dans les principes généraux du droit international ». Tout en s'en distanciant, l'établissement d'une responsabilité de protéger s'inspire de ces débats. Si elle repose sur l'idée que la situation humanitaire peut entrer dans la catégorie des menaces à la paix et à la sécurité internationales, elle requiert l'exploration de moyens pacifiques, l'adoption d'une résolution du Conseil de sécurité (donc sans qu'un veto ne soit posé), évitant ainsi la notion controversée d'ingérence.

Koffi Annan secrétaire général de l'ONU à l'époque a voulu concilier le principe de souveraineté fondant le droit international avec l'impérative nécessité de réagir face aux massacres de populations. En réponse à cet appel, le Canada a suscité la création d'une commission indépendante, la « commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des États » coprésidée par Gareth Evans et Mohamed Sahnoun, dont le rapport est paru en décembre 2001 sous le titre la responsabilité de protéger. Cette réflexion a trouvé son prolongement dans un cadre officiel avec « le groupe de personnalité de haut niveau sur les menaces, les défis et les changements nécessaires », mis en place par le secrétaire général, qui a rendu son rapport le 02 décembre 2004, sous le titre Un monde plus sûr : notre responsabilité partagée (A/59/565). Sur cette base, le secrétaire général a lui-même fait des propositions dans un rapport publié le 21 mars 2005, Dans une liberté plus grande : Développement, sécurité et droits de l'homme pour tous (A/59/2005). Même si le document final du sommet mondial (A/RES/60/1) n'a pas repris à son compte toutes les propositions formulées, la responsabilité

98 Le Groupe des 77 (G77) aux Nations unies est une coalition de pays en développement, conçue pour promouvoir les intérêts économiques et politiques collectifs de ses membres et créer une capacité de négociation accrue aux Nations unies. Il symbolise l'engagement des Nations unies à promouvoir la démocratisation des relations internationales et en constitue un facteur essentiel1. Il s'agit d'unir tous les pays en développement afin que, en dépit de leur diversité, ils puissent peser sur les décisions internationales. Créée par 77 pays, l'organisation a grandi et comptait 133 pays membres en 2014. Néanmoins, elle continue à être désignée comme le G77 dans les négociations et sessions de l'ONU. Lien : https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_des_77, consulté le 02 septembre à 11h09

collective de protéger les populations civiles a été fortement affirmée. Cette responsabilité, dite souvent « R2P », incombe en premier lieu aux États, d'abord à l'État concerné, mais aussi à la communauté internationale des États, à travers les organes de l'ONU et notamment le Conseil de sécurité.

Sous le nouveau vocable de la « responsabilité collective de protéger », les Nations Unies se sont fixées une obligation de résultat, sans pour autant déterminer une obligation de moyen. Dès lors est reconnue à la communauté internationale une compétence en cas de

« défaillance manifeste » d'un État à protéger sa population. Il s'agit d'une responsabilité de protéger les populations civiles victimes de crimes de génocide, crimes contre l'humanité, nettoyage ethnique et crimes de guerre. Cette responsabilité subsidiaire, activée par le Conseil de sécurité, peut prendre la forme d'une intervention coercitive, telle que prévue par le Chapitre VII de la Charte, mais aussi d'une palette d'autres mesures, pacifiques, diplomatiques ou humanitaires. En 2009, le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki Moon, précise ainsi que

« l'action résolue » attendue ne désigne pas le seul recours à la force.

Récemment, des crises majeures ayant donné lieu à l'activation de la responsabilité de protéger a aussi constitué un frein à sa généralisation. On l'a vu lorsque saisi en 2007 par les Occidentaux de la situation au Myanmar, à la suite de la répression sanglante de manifestations pacifiques de moines bouddhistes, le Conseil de sécurité a été paralysé par le double veto de la Chine et de la Russie, soutenues par le vote négatif de l'Afrique du Sud.

De même, l'intervention de l'OTAN en 2011 en Libye, avec un feu vert du Conseil de sécurité, a donné une nouvelle dimension à la responsabilité de protéger les populations civiles. Mais le fait que le mandat initial dans le strict cadre de la « responsabilité de protéger » soit vite devenu en mandat de « transformation de régime » a suscité de nouvelles méfiances de la part de la Russie et de la Chine, paralysant le Conseil de sécurité face à la crise syrienne, par une série de « doubles vetos ». Dans le contexte de répression du soulèvement populaire par le régime libyen en 2011, le Conseil de sécurité adopte deux résolutions : de manière graduelle, la résolution 197099 rappelle aux autorités libyennes qu'elles ont la responsabilité de protéger

99 S/RES/1970 (2011) du 26 février 2011 Imposant un embargo sur les armes, une interdiction de voyager et un gel des avoirs en rapport avec la situation en Jamahiriya arabe libyenne. Lien : https:// www.un.org/securitycouncil/fr/s/res/1970-%282011%29, consulté le 02 septembre à 11h19

leur peuple, exigeant l'arrêt immédiat de la violence ; la résolution 1973100 autorise les États membres à prendre « toutes les mesures nécessaires » pour protéger les populations et décide, avec le soutien de la Ligue arabe, l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne. C'est dans ce cadre qu'est mise en place une opération militaire sous l'égide de l'OTAN. Or l'enchaînement des événements jusqu'à la mort de Mouammar Kadhafi (20 octobre 2011) est critiqué par certains États, qui soupçonnent une volonté déguisée de changement de régime. Dès lors, comme son activation dépend de la volonté des États, la responsabilité de protéger ne peut être mise en oeuvre, par exemple, dans la crise syrienne, en dépit de l'ampleur des massacres perpétrés par le régime Assad.

« Si nous interrogeons la pratique internationale, nous constatons que les États ont tour à tour invoqué ou repoussé le devoir d'intervention selon leurs intérêts bien ou mal compris. Ils n'ont en général obéi qu'à des calculs égoïstes. Quand ils ont jugé profitable à leur politique, à leur ambition, de se mêler des affaires d'un autre État, ils ont revendiqué le droit d'intervenir. Ont-ils cru trouver leurs ventages à écarter ou à empêcher l'intervention active d'autres États, ils leurs ont contesté la faculté d'intervenir »101. Cette citation ne fait que traduire la sélectivité qui caractérise la pratique des États dans le cadre de la responsabilité de protéger. On peut parler d'une mise en oeuvre à géométrie variable. Si l'on suit la pratique des États, il semble que la protection de certaines vies humaines prévaut sur d'autre. En effet, au moment où l'OTAN menait des opérations contre les forces armées libyennes, ses pays membres font proportionnellement très peu pour venir en aide aux réfugiés somaliens souffrant de la famine et de la crise humanitaire qui faisait rage dans la corne de l'Afrique. Alors que les estimations les plus crédibles évaluaient que la répression de Tripoli avait fait entre 600 et 800 morts au moment de l'adoption de la Résolution 1973 du Conseil de sécurité qui permettait l'intervention de l'OTAN, l'ONU annonçait que la crise humanitaire somalienne aurait déjà coûté la vie à près de 30 000 enfants de moins de cinq ans102. La vie des 800 morts vaudrait-elle mieux que celles des 30 000 ? Nous ne le croyons pas. Alors pour quoi deux poids deux mesures ? Les intérêts

100 S/RES/1973 (2011) du 17 mars 2011. Lien : https:// www.un.org/securitycouncil/fr/s/res/1973-%282011%29#, consulté le 02 septembre à 11h22

101 CROUZATIER (Jean-Marie), « le Principe de la responsabilité de protéger : Avancé de la solidarité internationale ou Ultime Avatar de l'impérialisme », Revue ASPECTS, Vol. 2, 2008, p. 13-14.

102 GAUTIER-AUDEBERT (Agnès), « La Responsabilité de Protéger : Une Obligation Collective en quête d'application par la communauté internationale », Revue Ubuntou, Vol. 1, 2013, p. 53.

en jeux. Il convient de préciser que cette sélectivité de la responsabilité de protéger lui a fait perdre le consensus qu'elle avait gagné lors de sa consécration en 2005.

Aujourd'hui l'on se demande pourquoi la responsabilité de protéger n'est jamais mentionné pour la Palestine face à l'Israël, ou un nettoyage ethnique est activement mené depuis des décennies jusqu'à nos jours où la région de la Bande de Gaza est victime de barbarisme et des atrocités qui échappent à l'entendement humain, dérogeant à tous les principes érigés par le droit international. Il est clair que toute résolution tendant à faire appliquer cette responsabilité dans ce conflit serait systématiquement bloqué par le veto des États Unis, outre la France et l'Angleterre. Alors en même temps ces États n'ont pas hésité à violer la souveraineté de l'Irak et de l'Afghanistan sous couvert de la protection des populations. Là aussi se pose la question de savoir si les vies des populations Irakiennes ou afghanes sont plus importantes que celles des populations palestiniennes. Cette responsabilité illusoire se manifeste aussi par le fait que la responsabilité de protéger ne puisse être invoqué qu'envers certaines catégories d'États. En effet, il est affirmé que la responsabilité de protéger ne saurait être invoqué contre l'un des cinq membres du Conseil de sécurité. Ce qui fait que, dès le départ ceux qui sont censé voter des résolutions pour la mise en oeuvre de la responsabilité sont exclus de son champ d'action. Ainsi même si ces puissances violent ouvertement la Charte des Nations Unies et font des centaines de morts lors de leurs guerres, ils restent au-dessus des lois et ne peuvent faire l'objet de la responsabilité de protéger.

Pour tout humaniste la responsabilité de protéger est l'un des meilleurs mécanismes créés par la communauté internationale pour venir en aide à des populations en situation de détresse. Cependant, l'usage fait de ce mécanisme par la communauté internationale en l'instrumentalisant conduit à son discrédit auprès des certains États. Ce discrédit conduit inévitablement à son immobilisme, à son rejet et par conséquent un manque de réponse de la part de la communauté internationale à des populations en besoin de protection. La Syrie, la Palestine, le Taiwan, l'Iraq et l'Iran subissent aujourd'hui les conséquences de l'instrumentalisation de la responsabilité de protéger par certains États à des fins autres qu'humanitaire.

Section II - Le déclin de l'interdiction du recours à la force

Á priori, la force et le droit sont inconciliables puisque, de manière générale, le droit interdit le recours à la force et que de manière plus particulière, le système international de sécurité collective est fondé sur l'interdiction du recours à la force, même si dans les faits les conflits armés restent omniprésents.

Le principe de l'interdiction du recours à la force est une pièce maîtresse dans l'édifice du système de sécurité collective mis en place après la seconde guerre mondiale. Transgressé à différentes reprises, la question de sa valeur se pose aujourd'hui. En effet, d'aucuns estiment que les multiples atteintes à ce principe ont eu pour effet d'en altérer sa valeur, de le faire tomber en désuétude. S'inscrivant dans cette logique, il convient de dégager le principe de non recours à la force comme un principe affirmé en droit international (paragraphe 1) et de relever d'autre part ce principe comme un principe transgressé (paragraphe 2)

Paragraphe 1 : Un principe affirmé en droit international

Pour une bonne structuration, il conviendra de distinguer d'une part le sens du principe

(A) et d'autre part les exceptions admises au principe (B)

A : Le sens du principe

Jusqu'au début du vingtième siècle, le recours à la force constituait le mode de régulation des rapports inter-étatiques, l'usage de la guerre constituant un attribut de la souveraineté des États. La première tentative de limitation du recours à la force est due à la Convention Drago-Porter103 de 1907 dont la portée était bien modeste puisqu'elle limitait l'emploi de la force pour le recouvrement de dettes contractuelles. La seconde limitation du droit de recourir à la force est issue du Pacte de la SDN qui distingue les guerres illicites, celles d'agression, des guerres licites, c'est-à-dire toutes celles qui n'entrent pas dans cette première

103 La doctrine Drago, énoncée en 1902 par le ministre des affaires étrangères argentin Luis María Drago, est une extension de la doctrine Monroe qui affirme qu'aucun pouvoir étranger, y compris les États-Unis, ne peut utiliser la force contre les nations américaines afin de recouvrer des dettes. Comme Drago l'énonçait :

« Le principe que je voudrais voir reconnu est celui selon lequel la dette publique ne peut donner lieu à une intervention armée, et encore moins à l'occupation physique du sol des nations américaines par une puissance européenne ». Lien : https://fr.wikipedia.org/wiki/Doctrine_Drago, consulté le 02 septembre 2023 à 11h26

catégorie, en prévoyant le respect de procédures dans l'usage de la force. Un pas décisif a été fait par le célèbre Pacte Briand-Kellog du 26 août 1928104 qui met fin à la règle de la compétence discrétionnaire de guerre des États, sans interdire pour autant de manière générale et absolue le recours à la force. Le Rubicon a été franchi par la Charte des Nations Unies, élaborée pendant la seconde guerre mondiale, qui prévoit dans son article 2, § 4 que « Les membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ». En interdisant ainsi l'utilisation de la menace et le recours à la force armée dans les relations internationales, l'article 2 paragraphe 4 de la Charte des Nations Unies constitue, à lui seul, une véritable révolution dans l'ordre juridique international105. En mettant un terme à la reconnaissance d'un droit subjectif à la guerre, il contribue à l'abandon du modèle westphalien. Ainsi, les États décident de s'entendre pour ne plus faire du recours à la guerre un acte discrétionnaire. Il ne s'agit toutefois pas d'une interdiction absolue. Un bémol, d'inégale importance, doit d'emblée y être ajouté.

D'abord, le recours à la force vise à la fois, dans une symétrie parfaite, la menace et l'emploi de la force comme l'a d'ailleurs souligné la Cour internationale de justice dans son avis de 1996 relatif à la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires106. Ensuite, comme le souligne l'article 2, § 4 de la Charte des Nations Unies, les États doivent s'abstenir de recourir à la force « dans leurs relations internationales » ce qui signifie que ce principe n'est pas applicable à des situations internes même si la frontière est floue entre les domaines international et interne d'autant plus que beaucoup de conflits internes sont internationalisés.

104 Le pacte Briand-Kellogg, ou pacte de Paris, est un traité de paix signé en 1928 par soixante-trois pays qui « condamnent le recours à la guerre pour le règlement des différends internationaux et y renoncent en tant qu'instrument de politique nationale dans leurs relations mutuelles ».L'initiative de ce pacte revient à Aristide Briand, ministre français des Affaires étrangères, et Frank Kellogg, secrétaire d'État américain. Signé le 27 août 1928 à Paris, il entra en vigueur le 24 juillet 1929. C'est le climat détendu des relations internationales qui permet la signature de ce pacte, par 15 puissances dont la France, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Italie, l'Allemagne et le Japon, pour la renonciation générale à la guerre. Lien https://fr.wikipedia.org/wiki/Pacte_Briand-Kellogg, consulté le 02 septembre 2023 à 11h29

105 Selon M. Viraly, l'article 2 § 4 constitue « une véritable mutation du droit international, un changement qu'il n'est pas excessif de qualifier de révolutionnaire » : « Article 2 paragraphe 4 » in, PELLET (Alain) et alii, La Charte des Nations Unies : Commentaire article par article, Paris, Economica, 2e éd., 1991, p. 115

106 Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, op.cit., para. 42

De plus, le recours à la force n'est prohibé que s'il vise à atteindre certaines fins. Même si l'article 2 paragraphe 4 ne vise que l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État et de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies, Il ne peut être déduit de cet article, par un raisonnement à contrario, que le recours à la force serait licite dans certaines circonstances et par rapport à certaines fins, ce qui légaliserait le recours à la force et constituerait un retour en arrière à l'époque où le droit de faire la guerre était seulement limité. Ainsi, l'argument selon lequel l'attaque armée des États Unis contre l'Irak ne serait pas illégale dans la mesure où elle ne remettait pas en cause l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de cet État, mais à rétablir la démocratie et le respect des droits de l'homme, doit être, à notre sens, catégoriquement rejeté. Ce principe d'interdiction du recours à la force fait d'ailleurs l'objet d'une application récurrente. Il est constamment réaffirmé aussi bien par les organes onusiens, que par les États.

Dans le cadre onusien, à titre principal le Conseil de sécurité, dans le cadre du Chapitre VII de la Charte et l'Assemblée générale, à titre subsidiaire, selon les articles 12 et 14 de ce texte, se réfèrent fréquemment au principe d'interdiction du recours à la force107. Ces nombreux précédents ont renforcé l'autorité du principe. La condamnation concerne soit la violation de la souveraineté, de l'intégrité territoriale, de l'indépendance politique ou des frontières d'un État, soit les actions militaires, même si le terme d'agression est le plus souvent évité alors même que la résolution 3314 de l'Assemblée générale la définit comme « l'emploi de la force armée par un État contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies »108.

107 L'article 12 dispose que « Tant que le Conseil de sécurité remplit, à l'égard d'un différend ou d'une situation quelconque, les fonctions qui lui sont attribuées par la présente Charte, l'Assemblée générale ne doit faire aucune recommandation sur ce différend ou cette situation, à moins que le Conseil de sécurité ne le lui demande » Cependant, comme le précise la Cour internationale de justice dans son avis consultatif sur les Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé du 9 juillet 2004, (voir www.cij-icj.org), il existe « une tendance croissante à voir l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité examiner parallèlement une même question relative au maintien de la paix et de la sécurité internationales » (para. 27). Quant à l'article 14, il prévoit que « Sous réserve des dispositions de l'article 12, l'Assemblée générale peut recommander les mesures propres à assurer l'ajustement pacifique de toute situation, qu'elle qu'en soit l'origine, qui lui semble de nature à nuire au bien général ou à compromettre les relations amicales entre nations, y compris les situations résultant d'une infraction aux dispositions de la présente Charte où sont énoncés les buts et les principes des Nations Unies».

108 Résolution 3314 (XXIX) de l'Assemblée générale des Nations Unies : Définition de l'agression, in P.-M. Dupuy, « Les grands textes de droit international public », Dalloz, 2ème éd., 2000, p. 238.

Quant à la Cour internationale de justice, elle a renforcé l'application normative du principe de non-emploi de la force en considérant dans l'affaire des activités militaires au Nicaragua que « le principe de non-emploi de la force peut être considéré comme un principe de droit international coutumier, non conditionné par les dispositions relatives à la sécurité collective109. Ce principe d'interdiction du recours à la force est aussi réaffirmé, de manière presque constante par les États.

Si les États commettent des violations à l'égard du principe d'interdiction du recours à la force, néanmoins, ils prennent toujours soin de justifier juridiquement ces atteintes ce qui, comme l'a souligné la Cour internationale de justice dans l'affaire des activités militaires au Nicaragua, confirme plus que ne l'affaiblit sa valeur « et cela que l'attitude de cet État puisse ou non se justifier en fait sur cette base »110 . En raison de sa valeur conventionnelle et coutumière, et de son application récurrente aussi bien par les organes onusiens que par les États, le principe d'interdiction du recours à la force est considéré par la majorité de la doctrine comme une norme impérative du droit international, qualifiée aussi de jus cogens, c'est-à-dire, selon l'article 53 de la Convention de Vienne de 1969 « une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère... »111. Mais, ce caractère de jus cogens est contestable puisqu'il existe des exceptions à la règle prohibant le recours à la force qui sont, cependant, strictement définies.

B : Les exceptions admises au principe

Ces exceptions sont de deux types. En effet, à une légitime défense conditionnée, s'ajoute une action du Conseil de sécurité encadrée.

Selon l'article 51 de la Charte « aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des

109 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), op.cit., para. 189.

110 Ibid., para.186.

111 Sur le concept de jus cogens, voir VIRALLY (MICHEL), « Réflexions sur le jus cogens », AFDI, 1966, p. 5

Nations Unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales »112 . Le recours à la légitime défense est à la fois conditionné (ratione materiae) et ratione temporis. Suivant les termes de l'article 51 de la Charte, c'est uniquement une agression armée qui justifie le recours à la force au titre de la légitime défense. Or, c'est près de trente ans après l'entrée en vigueur de la Charte que l'agression a été définie par la résolution 3314 de l'Assemblée générale. Cette définition est très incomplète car l'Assemblée générale n'établit pas une liste exhaustive des actes d'agression, se contentant de donner une liste non limitative comprenant l'invasion, l'attaque territoriale, le bombardement, le blocus maritime ou l'attaque par les forces armées d'un État contre les forces armées d'un autre État. Ce droit de légitime défense, qu'il soit exercé de manière individuelle ou dans le cadre d'une alliance militaire permettant à un État qui n'est pas directement atteint d'intervenir au nom d'un accord de défense le liant au pays agressé, ce qui peut être un alibi à une intervention non consentie, est un droit naturel selon la Charte ce qui signifie que l'article 51 ne fait que reconnaître son existence dans un cadre conventionnel mais qu'il a aussi une valeur coutumière. À ce titre, la Cour internationale de justice dans l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua l'a reconnu en précisant que « la Charte n'en réglemente pas directement la substance sous tous ses aspects et ne comporte pas la règle spécifique, pourtant bien établie en droit international coutumier, selon laquelle la légitime défense ne justifierait que des mesures proportionnées à l'agression armée subie, et nécessaires pour y mettre fin ». Dans son arrêt du 6 novembre 2003, Affaire des plates-formes pétrolières (République islamique d'Iran c. États-Unis d'Amérique), la Cour internationale de justice a d'ailleurs réaffirmé que les caractères de nécessité et de proportionnalité constituaient deux conditions sine qua non dans l'exercice de la légitime défense113, tout en écartant implicitement, puisqu'elle n'y fait pas allusion, le concept de légitime défense préventive, cette interprétation étant d'ailleurs confirmée par l'avis de la Cour internationale de justice relatif aux conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé. Ces conditions restrictives renforcent le caractère d'exception de la légitime défense qui ne peut être invoqué qu'aussi longtemps que le Conseil de sécurité n'a pas pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix, selon l'article 51 de la Charte. N'ayant qu'un caractère provisoire, la légitime défense est, par conséquent, aussi limitée par le temps.

112 CASSESE (Antonio), in PELLET (Alain) et alii, La Charte des Nations Unies : Commentaire article par article, 2ème éd. Economica, 1991, p. 777.

113 Affaire des plates-formes pétrolières (République islamique d'Iran c. Etats-Unis d'Amérique), 6 novembre 2003. Lien : https:// www.icj-cij.org/fr/affaire/90, consulté le 02 septembre 2023 à 18H46

Les rédacteurs de la Charte des Nations Unies ont conçu la légitime défense comme une sorte de parenthèse limitée dans le temps, permettant aux États de réagir immédiatement face à une agression armée jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait eu le temps de prendre les mesures nécessaires au maintien de la paix, qu'elles soient coercitives ou non. En outre, et toujours selon l'article 51 de la Charte, les mesures prises par les Membres dans l'exercice de ce droit de légitime défense doivent être immédiatement portées à la connaissance de cet organe afin qu'il puisse exercer un contrôle sur ces mesures.

L'une des exceptions au principe de non recours à la force est l'action du Conseil de Sécurité de l'ONU en vertu du chapitre VII qui peut se présenter sous plusieurs formes. En tant qu'organe principal du maintien de la paix, il se voit investi de toute une série de compétences relatives au système de sécurité collective.

D'abord, selon l'article 39 de la Charte, il peut constater « l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix, ou d'un acte d'agression »114. Cette qualification juridique des faits est parfois équivoque, la frontière entre la menace contre la paix et la rupture contre la paix n'étant pas, en particulier, des plus étanches, d'autant plus que le Conseil de sécurité a élargi cette notion de menace contre la paix aux domaines humanitaire et sanitaire115.

Les mesures prises par le Conseil de sécurité peuvent revêtir deux formes différentes. La première, prévue par l'article 41 de la Charte, a un caractère non coercitif116. Il s'agit de mesures telles que l'interruption complète ou partielle des relations économiques, des communications ou la rupture des relations diplomatiques. En principe, ces mesures ont un caractère obligatoire pour les États mais peuvent faire aussi l'objet de recommandations et visent les « menaces à la paix » même si des « ruptures » à la paix ont également justifié leur utilisation. La seconde catégorie est celle des mesures coercitives. En effet, selon l'article 42 de la Charte, le Conseil peut « entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres toutes actions qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix »117, ces forces

114 SICILIANOS (Linos-Alexandre), « L'autorisation par le Conseil de sécurité de recourir à la force : une tentative d'évaluation », RGDIP, n°1, 2001, p.7.

115 SOREL (Jean-Marc), « L'élargissement de la notion de menace contre la paix », in S.F.D.I., Colloque de Rennes, « Le chapitre VII de la charte des Nations Unies et les nouveaux aspects de la sécurité collective », éd. Pedone, 1995, p. 3-57.

116 EISEMANN (Pierre-Michel), in PELLET (Alain) et alii, La Charte des Nations Unies : Commentaire article par article, Economica, 2ème éd., 1991, p. 691-704.

117 SICILIANOS (Linos-Alexandre), op.cit., p. 18.

étant issues des contingents nationaux, sans toutefois que le Comité d'État-major, prévu par l'article 45 de la Charte et chargé de leur préparation, n'ait jamais été mis en place118. Ce pouvoir de sanctions reconnu au Conseil de sécurité résulte de l'abandon par les États membres de leur droit individuel de recourir à la force, puisque ce dernier s'est reconnu, dans la pratique, le droit d'autoriser le recours à la force, alors que formellement la Charte ne lui reconnaît pas une telle compétence à l'égard des États, et d'encadrer les opérations de maintien de la paix subséquentes. Ces sanctions sont d'ailleurs tout à fait symptomatiques des finalités du système de sécurité collective onusien qui vise à la limitation du recours à la force par le droit et à faire primer l'institutionnel sur le relationnel, selon une terminologie chère à René-Jean Dupuy119. Mais la pratique la plus récente en la matière montre que le relationnel prime sur l'institutionnel et que, par conséquent, le recours à la force transgresse le droit international.

Paragraphe 2 : Un principe Transgressé

Les actes terroristes du 11 septembre 2001 et l'attaque armée des États-Unis contre l'Irak posent respectivement les questions de l'imputation de la violation du non recours à la force à une entité non étatique et à une entité étatique. Ainsi, on dégagera d'une part une transgression par des acteurs non étatique (A) et d'autre part une transgression par des acteurs étatiques (B)

A : Une transgression par des acteurs non étatiques

L'article 2 paragraphe 4 dispose « Les membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ». Á la lumière de cet article une question mérite d'être posée : est-ce que les acteurs non étatiques sont-ils exclus du champ d'application de cet article ? où si eux peuvent recourir à la force ou à l'emploi de la menace sans faire objet d'aucune mesure coercitive ?

118 « Le Conseil de sécurité, avec l'aide du Comité d'état-major, fixe l'importance et le degré de préparation de ces contingents et établit des plans prévoyant leur action combinée »

119 DUPUY (René-Jean), Le droit international, ,11ème éd. Que-sais-je ? PUF, Paris, 2001, p. 38.

Une question qui a suscité beaucoup d'intérêt au lendemain des attaques terroristes de

2001.

Les acteurs non étatiques se définissent comme des individus ou des groupes qui n'agissent pas pour le compte d'un État. On peut prendre l'exemple du Boko Haram au Nigeria, Al-Shabaab en Somalie, Ansar Dine au Mali, et les Forces de défense et de résistance de l'Islam (FDRI)en Côte d'Ivoire, le Daesh et Al-Qaïda. Les acteurs non étatiques qui violent le principe d'interdiction du recours à la force peuvent mener des actions variées. Par exemple, ils peuvent mener des attaques contre des cibles militaires ou civiles, des enlèvements, des assassinats, des sabotages, des actes de terrorisme, des pillages, des viols, des recrutements forcés, des trafics d'armes et de drogues, et des extorsions.

I Il peuvent recourir à la force pour atteindre leurs objectifs politiques, économiques ou sociaux, ou pour se défendre contre des menaces perçues.

Si nous restons dans le contexte de l'attentat du 11 septembre 2001, en raison de leur ampleur, ils ont posé avec acuité les questions de la définition et de la prise en compte du terrorisme par la Communauté internationale. S'il n'existe pas de définition unanimement acceptée de cette notion120, selon le Président G. Guillaume121, trois éléments invariants la caractérisent : un élément matériel consistant en des actes de violence de nature à provoquer la mort ou à causer des dommages corporels graves, un élément intentionnel qui consiste à créer la terreur dans le public et un élément méthodologique puisque les actes terroristes nécessitent une entreprise individuelle ou collective pour la perpétration de ces actes122.

Au lendemain des actes terroristes commis par Al-Qaida, entité non-étatique, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 1368 qui assimile « tout acte de terrorisme international » à « une menace à la paix et à la sécurité internationales »123 , qualification très

120 SOREL (Jean-Marc), « Existe-t-il une définition universelle du terrorisme », in CHRISKATIS (Théodore), dir., Le droit international face au terrorisme, CEDIN, Pedone, Paris, 2002, p. 35-68.

121 Gilbert Guillaume, né le 4 décembre 1930 à Bois-Colombes, est un juriste français, président de la Cour internationale de justice de 2000 à 2003.

122 GUILLAUME (Gilbert), Terrorisme et droit international, R.C.A.D.I, Tome III, vol. 215, 1989, p. 306.

123 Cette résolution a fait l'objet de nombreux commentaires. Voir en particulier P.-M. Dupuy, « La Communauté internationale et le terrorisme », in J.-M. Thouvenin et C. Tomuschat, dir., « Le droit international face aux nouvelles formes de menaces contre la paix et la sécurité internationales », Paris, Pedone, 2004, pp. 35-45 et L. Condorelli, « Les attentats du 11 septembre et leurs suites : où va le droit international ? », RGDIP, 2001, n° 4, p. 829-848.

générale et très imprécise, tout en reconnaissant « le droit inhérent à la légitime défense individuelle ou collective conformément à la Charte », ce qui implique que les États-Unis aient été victimes d'une agression, qualification que le Conseil de sécurité n'a pas employée puisque dans le cadre onusien elle s'applique uniquement à l'action menée par un État contre un autre à moins de considérer que le réseau terroriste Al-Qaida soit un État, hypothèse infondée, ou que cette action ait été orchestrée par l'Afghanistan contrôlé par les Taliban ce qui aurait pour effet d'imputer les faits illicites à un État, même défaillant124 , et non à une entité non étatique.

Mais, cette hypothèse n'est pas non plus juridiquement recevable en raison du manque de preuves d'un lien de rattachement entre Al-Qaida et le régime des Talibans. Or, selon la Commission du droit international, qui a adopté en 2001 un texte codifiant le droit de la responsabilité internationale des États, l'imputabilité de l'action d'une personne ou d'un groupe de personnes à un fait de l'État ne peut être admise que « si cette personne ou ce groupe de personnes, en adoptant ce comportement, agit en fait sur les instructions ou les directives où sous le contrôle de cet État »125. Ainsi, le soutien apporté par le régime des Talibans au réseau Al-Qaida ne peut, en aucun cas, avoir le caractère d'une agression, confirmant la jurisprudence dégagée par la Cour internationale de justice dans l'affaire Nicaragua c/États Unies.

Les conséquences de ces violations sont graves et peuvent avoir un impact sur le droit international. Tout d'abord, cela peut affaiblir l'autorité de l'État et sa capacité à protéger ses citoyens. De plus, cela peut entraîner des violations des droits de l'homme, des déplacements forcés de populations et des pertes de vies humaines. Enfin, cela peut remettre en question la légitimité du droit international et de ses institutions, car il est difficile de faire respecter le droit international lorsque les acteurs non étatiques sont impliqués.

B : Une transgression par des Acteurs Étatiques

Cette transgression s'observe dans l'émergence d'un nouveau principe qui ne s'adosse sur aucun texte ou convention juridique internationale le légitimant. Ce principe est la légitime

124 Voir sur cette notion, C.D. Classen, « Failed States » and the prohibition of the use of force », in J.-M. Thouvenin et C. Tomuschat, dir., « Le droit international face aux nouvelles formes de menaces contre la paix et la sécurité international », Paris, Pedone, 2004, pp. 129-140.

125 CONDORELLI (Luigi), « L'imputation à l'Etat d'un fait internationalement illicite : solutions classiques et nouvelles tendances », RCADI, t. 189, 1984, p. 13-221.

défense préventive érigée par les États Unis d'Amérique. Cette légitime défense préventive peut être appréhendée sous le vocable de la guerre préventive ou sous son appellation ancienne : la guerre préemptive.

En effet, l'attaque armée des États-Unis contre l'Irak est symptomatique du recours à la force unilatérale qui transgresse les règles de droit international applicables en la matière. Les États-Unis ont attaqué l'Irak ni en se fondant sur la légitime défense prévue par l'article 51 de la Charte, ni sur le fondement d'une action militaire décidée par le Conseil de sécurité dans le cadre du Chapitre VII, qui sont les deux cas de recours licite à la force armée.

La justification américaine du recours à la force est fondée sur la résolution 1441 du Conseil de sécurité qui autoriserait explicitement ou implicitement les États-Unis à recourir à la force en constatant que la résolution 687 imposant des obligations à l'Irak n'a pas été respectée, notamment s'agissant du désarmement, et que par conséquent la résolution 678 autorisant les États Membres à user de tous les moyens nécessaires pour faire respecter les résolutions précédentes visant à rétablir la paix et la sécurité internationales serait toujours applicable. Mais, en aucun cas la résolution 1441 ne saurait justifier le recours unilatéral à la force des États-Unis et de leurs alliés puisque dans le paragraphe 4 de ce texte le Conseil réaffirme qu'en cas de « nouvelle violation patente des obligations de l'Irak, il sera saisi aux fins de qualification », pouvant en particulier autoriser le recours à la force.

L'attaque armée des États-Unis contre l'Irak doit donc être qualifiée d'agression puisqu'il s'agit bien d'une invasion « du territoire d'un État par les forces armées d'un autre État » selon les termes de la résolution 3314 définissant l'agression et qui constitue un crime en tant que violation de la règle impérative de l'interdiction du recours à la force126. Mais, plutôt que de procéder à une telle qualification, le Conseil de sécurité des Nations Unies a pris acte de l'occupation américaine en Irak, par l'intermédiaire de sa résolution 1511127. Or, si l'on suivait la logique du système de sécurité collective onusien, c'est l'Irak qui aurait dû invoquer son droit à la légitime défense. Mais, celle-ci est devenue un instrument aux mains des États-Unis qui

126 Selon l'article 19 § 3 du projet d'articles de la C.D.I sur la responsabilité des Etats, « un crime international peut notamment résulter : (a) d'une violation grave d'une obligation internationale d'importance essentielle pour 2ème le maintien de la paix et de la sécurité internationales, comme celle interdisant l'agression », A.C.D.I, 2e partie, 1976, p. 89.

127 NGUYEN- ROUAULT (Florence), « L'intervention armée en Irak et son occupation au regard du droit international », RGDIP, n° 4, 2003, p. 835-864.

l'utilisent, de manière préventive, contre les soi-disant États voyous128, provoquant ainsi une dénaturation.

En se basant sur les résolutions 1368 et 1373 du Conseil de sécurité qui réaffirment, respectivement, le droit inhérent et naturel à la légitime défense, les États-Unis ont développé une conception extensive de la légitime défense qui s'inscrit dans la guerre contre le terrorisme menée par l'administration Bush, qui s'est concrétisée par l'attaque de l'Afghanistan des Talibans, considéré comme un berceau du terrorisme. Mais, cette sorte d'application du principe de précaution au recours à la force n'est pas reconnue par le droit international qui exige une agression armée comme condition préalable au droit de légitime défense. Il n'existe d'ailleurs aucun précédent qui validerait la thèse américaine puisque par exemple le bombardement, par l'aviation israélienne du réacteur irakien d'Osiraq, le 7 juin 1981, au titre de la légitime défense préventive, a été violemment condamné par le Conseil de sécurité129.

Une conception extensive de la légitime défense peut aussi être assimilée à des représailles armées, en raison de ses caractères préventif et répressif, qui sont interdites par le droit international130. S'il est certain que le droit positif ne reconnaît pas la notion de légitime défense préventive, il est aussi évident que le droit international est inadapté face à la menace terroriste. Ne faudrait-il pas alors que la communauté internationale définisse les conditions de mise en oeuvre de la légitime défense préventive, qui nous paraît être le seul moyen de lutter efficacement contre les nouvelles formes de terrorisme international.

Mais aujourd'hui force est de constater que nous assistons à une prolifération de ce principe de légitime défense préventive. Le dernier exemple en date est l'attaque de l'Ukraine par la Russie. En espèce le 24 février 2022, la Fédération de Russie engageait une « opération militaire spéciale » sur le territoire ukrainien en invoquant diverses justifications, lesquelles sont précisément au coeur des enjeux juridiques principaux attachés à la situation. Parmi ces justifications se trouve la légitime défense préventive.

La légitime défense préventive reste une notion controversée en droit international. Bien que certains États aient invoqué la légitime défense préventive pour justifier l'emploi de la force armée contre des menaces imminentes, cette pratique est généralement considérée comme

128 DERRIDA (Jacques), « Voyous », éd. Galilée, 2003, p. 115.

129 Dans une résolution 487 du 19 juin 1981, le Conseil de sécurité a qualifié cette attaque de « violation claire de la Charte des Nations Unies et des normes de conduite internationales »

130 Voir VENEZIA (Jean-Claude), « La notion de représailles en droit international public », RGDIP, 1960, p. 465- 498

contraire au droit international, car elle remet en question le principe d'interdiction du recours à la force et peut conduire à une escalade des tensions internationales. En outre, l'emploi de la force armée pour prévenir des menaces imminentes renforce l'hégémonie des États les plus puissants et affaiblit l'effectivité du droit international.

Chapitre II - Une crise de légitimité constatée

La mission du droit international est d'assurer et de maintenir des rapports pacifiques entre les sujets de la communauté internationale avec la mise en oeuvre de ses propres moyens et techniques. Pour ce faire, il convient de mettre en place des institutions internationales qui vont mettre en place des moyens et mécanismes tendant à réglementer de manière stricte le recours à la force et créer un cadre juridique à l'intérieur duquel les sujets du droit international peuvent tenter de résoudre leurs différends et essayer d'en trouver des solutions adéquates. Mais aujourd'hui, c'est avec amertume que nous constatons la défaillance de certaines instances internationales face aux diverses mutations du droit international entrainant la perte de confiance des acteurs internationaux. On assiste alors à une remise en question de la validité de l'ordre préétabli avec certaines institutions. Ainsi dans ce chapitre on analysera la défaillance de certaines institutions internationales notamment le cas de l'Organisation des Nations Unies (section I) et le cas de la justice internationale (section II) qui sont sans incidence sur le caractère fébrile qu'on observe du droit international.

Section I - Le cas de L'Organisation des Nations Unies

En 1954, Dag Hammarskjöld, deuxième secrétaire général des Nations unies prononçait, une phrase audacieuse, dans un contexte de guerre froide et à une époque où les Nations unies avaient tout à prouver : « L'ONU n'a pas été créée pour emmener l'humanité au paradis, mais pour sauver l'humanité de l'enfer »131. Qu'en est-il en 2023 ? Depuis la création de l'ONU, les guerres et les conflits se sont succédé à un rythme effréné. Les crises environnementales ont forcé les populations à fuir leur pays. Les violations des droits de l'homme sont en hausse dans de nombreux pays. Un constat amer, que le Secrétaire général Antonio Guterres résumait en ces termes : « aujourd'hui, un vent de folie balaie le globe. De la Libye au Yémen en passant par la Syrie et au-delà - l'escalade est de retour. Les armes circulent et les offensives se multiplient [...] Pendant ce temps, les résolutions du Conseil de sécurité sont bafouées avant même que l'encre ne soit sèche ». Face à ces crises qu'elles n'ont sue ni prévoir ni endiguer, les institutions internationales ont perdu chaque jour, un peu plus de leur crédibilité auprès des populations qui doutent que l'ONU serve leurs intérêts. Á la lumière de ce qui précède, on peut présager dans la sphère onusienne, des difficultés endogènes (A) et les difficultés exogènes en (B).

Paragraphe 1 : Des difficultés endogènes : le cas du Conseil de Sécurité

Les difficultés organiques du conseil de sécurité laissent apparaître deux aspects. Une composition inégalitaire décriée (A) et la défaillance du système de sécurité collective (B)

A : Une composition décriée

Le Conseil de Sécurité est l'organe le plus puissant du système des Nations Unies. Il est seul compétent pour constater la violation par un État de ses obligations en matière de respect de la paix et de la sécurité internationale. Il peut décider d'un embargo économique132 ou, dans

131 DELAVARENE (Celhia), « L'ONU est-elle toujours la caisse de résonnance des problèmes du monde ? »,

Recherches internationales, n° 119, 2021, p.135.

132 Á titre d'exemple l'embargo des États-Unis contre Cuba, également sous le terme el bloqueo qui signifie « le blocus » en espagnol, est un embargo économique, commercial et financier mis en place par les États-Unis contre Cuba à partir du 3 février 1962, à la suite de nationalisations expropriant des compagnies américaines.

les cas les plus extrêmes, des actions militaires. Ces prérogatives sont exercées par un organe composé de 15 représentants des États membres.

La caractéristique principale du Conseil de Sécurité est d'être composé de cinq membres permanents133. Cela représente également une particularité. On aurait en effet pu s'attendre à voir une tournante totale au sein de ce Conseil, afin que tous les États bénéficient de la possibilité d'influencer les questions concernant la sécurité internationale. Enfin, cerise sur le gâteau, ces cinq membres permanents disposent d'un véritable droit de veto. L'article 27, § 3 de la Charte des Nations Unies prévoit en effet que « Les décisions du Conseil de Sécurité (sur des questions autres que de procédure) sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont constituées les voix de tous les membres permanents (...) »134. Cette exigence de vote affirmatif de tous les membres permanents fut adoucie par la suite, l'abstention d'un membre permanent n'empêchant pas l'adoption d'une décision135. Les cinq membres permanents se voient reconnaître cependant un pouvoir exorbitant par la Charte. Ce pouvoir est à même, et il l'a toujours été, de paralyser complètement l'action des Nations Unies sur certaines questions importantes de sécurité internationale. Si l'article 27, § 3 in fine de la Charte prévoit par ailleurs qu'un État partie à un différend s'abstiendra de voter si une procédure de règlement pacifique des différends est en cours 136, la pratique a, par ailleurs, montré que cette disposition avait été tournée plus souvent de son objectif137. On comprend librement que, face à une telle situation, des voix se seront toujours élevées pour exiger une modification du système, soit par la suppression des prérogatives des membres permanents, soit, le plus souvent, par l'augmentation du nombre de ceux-ci.

133 Il s'agit de la Chine, de la France, du Royaume-Uni, de la Russie (issu de l'éclatement de l'URSS en 1991) et des Etats-Unis.

134 L'article 108 de la Charte prévoit par ailleurs qu'un amendement au texte de celle-ci n'entrera en vigueur qu'après avoir été ratifié par 2/3 des Etats membres de l'Assemblée générale, dont tous les membres permanents du Conseil de Sécurité.

135 Cour internationale de Justice, avis du 21 juin 1971 sur les Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de Sécurité (Recueil 1971, p. 13, § 22).

136 Paradoxalement, chaque membre du Conseil de Sécurité retrouve son droit de vote si une décision relative à

l'usage de la force est en jeu, même s'il est l'agresseur !

137 Pour la période 1948-1990, dix-huit cas de non application de la règle ont été relevés. Voir BLUM (Yehuda), Eroding the United Nations, Dordrecht, Martinus Nijhoff, 1993, pp. 207-211).

Cette composition a été évolutive, en effet en 1945, l'ONU comptait 51 États membres. Le Conseil de Sécurité était composé à cette époque de onze membres : les cinq permanents et six non permanents138. Les différentes vagues de décolonisation augmentent rapidement le nombre d'États membres de l'ONU. Ils étaient 76 en 1955, 99 en 1960 et 135 en 1973. A l'heure actuelle, l'ONU compte 193 États membres. L'équilibre des forces au sein de l'Assemblée générale, en faveur du Nord en 1945, est aujourd'hui largement en faveur des pays du Sud. Dès le début des années 60, ceux-ci réclamèrent une modification de la composition du Conseil de Sécurité, afin d'y être plus équitablement représentés. Le 16 septembre 1963, 43 États membres demandèrent à l'Assemblée générale d'inscrire à son ordre du jour la question d'une représentation équitable au Conseil de Sécurité, la résolution 1991 (XVIII) sera adoptée le 17 septembre 1963 par 96 voix pour, onze contre (dont celles de la France et de l'URSS) et quatre abstentions (dont celles des États-Unis et de la Grande-Bretagne). Le texte de la Charte des Nations Unies prévoit qu'un amendement au texte de celle-ci n'entrera en vigueur qu'après ratification par 2/3 des États membres, y comprenant les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité. Les conditions d'adoption de la résolution 1991 (XVIII) ne laissaient pas présager une issue favorable à la demande de révision. Pourtant, à la dernière minute, les cinq permanents votèrent en faveur de celle-ci. La composition du Conseil de Sécurité prend sa configuration actuelle le 1 er janvier 1966 : 15 États membres, dont cinq permanents. Les dix membres non permanents sont élus par l'Assemblée générale pour des mandats de deux ans non immédiatement renouvelables (article 23, § 2 de la Charte). Trois (03) d'entre eux doivent être des pays africains, deux (02) des pays asiatiques, deux (02) appartenir à l'Amérique latine, deux

(02) autres au groupe Europe occidentale et un (01) à l'Europe orientale.

Les critiques à l'encontre du système en place, malgré la réforme de 1965, furent nombreuses. Celles-ci provenaient essentiellement de deux types de pays. Les pays en développement, qui représentent depuis les années 1960 la majorité des États membres de l'ONU, s'estimaient insuffisamment représentés au sein du Conseil de Sécurité. Ils disposent certes de huit sièges sur 15, mais d'un seul permanent, celui de la Chine. Dans cette perspective on peut prendre l'exemple du continent Africain qui dans l'optique de sa participation effective à la gouvernance mondiale, n'a cessé, depuis de nombreuses années déjà, de revendiquer un rééquilibrage, à son avantage, du pouvoir au sein des institutions mondiales notamment la place

138 Quoique non inscrit dans le texte de la Charte, la répartition des sièges des six membres non permanents suivrait généralement cette répartition : deux sièges (02) pour l'Amérique latine (qui représentait en 1945, 20 Etats membres sur 51) et un (01) pour chacun des groupes suivants : Europe occidentale ; Europe orientale ; Proche- Orient ; Commonwealth.

d'un membre permanent disposant du Veto au sein du Conseil de Sécurité. Elle évoque, à l'appui de sa requête, son exclusion en matière de prise de décision dans les instances internationales, notamment financières (FMI et la Banque mondiale). Le mode de décision dans celles-ci, qui rappelle le vote censitaire, est favorable aux grandes puissances.

L'Afrique n'a pas, jusqu'ici, réussi à faire changer ce fonctionnement malgré ses multiples appels dans ce sens. Mais c'est sans conteste la place subalterne qu'elle occupe au Conseil de sécurité des Nations unies qui capitalise ses frustrations quant au rôle marginal qui lui est assigné dans la conduite des affaires du monde. C'est dans cette optique son excellence

M. Macky Sall, président en exercice de l'Union africaine à l'époque, se faisait une fois de plus l'écho de l'insatisfaction et de l'indignation des Africains par rapport à cette situation, qu'il jugeait anachronique et injuste. Il abondait en ce sens « Près de quatre-vingts ans après la naissance du système des Nations Unies et des Institutions de Bretton Woods, il est temps d'instaurer une gouvernance mondiale plus juste, plus inclusive et plus adaptée aux réalités de notre temps. Il est temps de vaincre les réticences et déconstruire les narratifs qui persistent à confiner l'Afrique à la marge des cercles décisionnels. Il est temps de faire droit à la juste et légitime revendication africaine sur la réforme du Conseil de Sécurité »139.

D'autres pays notamment l'Allemagne en tant que première puissance économique en Europe, le Japon, l'Inde et le Brésil s'estiment frustrés d'un siège auquel ils auraient légitimement droit en raison de leur poids économique ou démographique, et dont seuls les aléas de l'histoire les auraient privés. Pour rappel, seules les nations qui ont gagné la deuxième guerre mondiale disposent d'un siège permanent assorti du droit de Veto au sein du Conseil de Sécurité.

B : Une défaillance du système de sécurité collective

La sécurité collective conçue comme le système mondial spécifique d'organisation des relations internationales, ayant pour fins la paix et la sécurité internationales avec à la clé des mécanismes spécifiques (sécurité pour tous, sécurité contre tous et sécurité par tous)140. La

139 Discours prononcé le 20 septembre 2022, lors de la 77e session ordinaire de l'Assemblée générale de l'organisation des Nations Unies

140 STERN (Brigitte), « La sécurité collective : historique, bilan, perspectives », in Sécurité collective et crises internationales, SGDN, La documentation française, 1994, p. 145.

sécurité collective, comme l'appréhendent Patrick Daillier et Alain Pellet, « ne consiste pas en une coalition a priori de certains États partageant une philosophie commune contre d'autres, ni en des alliances fluides et pragmatiques ; c'est l'engagement pris par chaque État d'apporter son appui à une décision collective de s'opposer à tout État coupable141, au jugement de la majorité, d'une agression ou d'une menace à la paix »142.

En effet, l'idée de base de la sécurité collective, est celle d'une conception de la paix et de la sécurité constituant un ensemble indissociable143, et qui requiert l'effort et la participation de tous. Ce duo - paix et sécurité - revient 28 fois dans le texte de la Charte des Nations unies144. Dans le système contemporain de sécurité collective, instauré par ladite Charte, l'objectif est d'éviter par tous les moyens, « tout retour à une autre guerre mondiale. À cette fin, une menace ou une agression contre un État ou un peuple constitue une menace contre tous, et chaque nation doit participer activement à garantir la sécurité du continuum »145

Le droit de la sécurité collective perd de l'autorité et de la légitimité face aux politiques de force collectives ou unilatérales. Et pourtant, si la dernière décennie du XXe siècle était passée dans le nouvel ordre mondial, revitalisant l'esprit et la lettre des dispositions du chapitre VII de la Charte de 1945, le XXIe siècle semble épouser une stagnation des actions du Conseil de sécurité des Nations Unies en matière de situations de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agression qui justifieraient de rétablir la paix et la sécurité internationales146.

En effet, le pari sur lequel repose le nouveau système de sécurité collective est que l'entente fondamentale entre les Grands, qui avait permis de gagner la guerre, permettrait de

141 FORTEAU (MATHIAS), Droit de lé sécurité collective et droit de la responsabilité internationale de l'État, Paris, Pedone, 2006, p. 423

142 DAILLIER (Patrick) et PELLET (Alain), Droit international public, LGDJ, 6e éd. Lextenso, Paris, 1999, p. 991

143 AIVO (Joel), « Défi sécuritaire, droits de l'homme et droits des réfugiés », Communication à la 14e session régionale de formation sur les droits de l'homme et les droits des réfugiés, Chaire Unesco des droits de la personne et de la démocratie, Université d'Abomey-Calavi (UAC), Cotonou-Bénin, juillet 2013, p. 5-20.

144 SLIM (Habib), « La Charte et la sécurité collective : de San Francisco à Baghdâd », dans SFDI (dir.), Les métamorphoses de la sécurité collective, Paris, Pedone, 2005, p. 13

145 Cf. Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau désignées par le Secrétaire général pour rédiger un rapport sur la responsabilité collective et la réforme de l'ONU, décembre 2004

146 KOKOROKO (Dodzi), « La nécessité devant le Conseil de sécurité des Nations Unies », Afrilex, janvier 2013,

p. 1.

conserver la paix 147. Mais comme on a pu le constater, la guerre froide a démenti une telle réalité. Il était certes établi, subrepticement dans la Charte, précisent Patrick Daillier et Alain Pellet, « que l'ONU ne pourrait rien entreprendre contre les grandes puissances dotées du véto et engagées dans un conflit qui constituerait une rupture de la paix. Mais les États en cause sont, en raison de leur désaccord très vite apparent, allés plus loin »148. Dans tout conflit, poursuivent les auteurs, « le Conseil de sécurité n'a pu entreprendre une action quelconque que si les membres permanents le lui demandaient, et dans la mesure où ils le lui demandaient. Faisant application de leurs privilèges dans des situations conflictuelles où elles n'étaient qu'indirectement impliquées, les grandes puissances ont réduit comme peau de chagrin le champ d'application de la sécurité collective ». Dès lors, la sécurité collective est revêtue du manteau politique qui lui confère un état d'inertie. Le cas de l'Iraq en 2003 en est une parfaite illustration.

En effet, Il y a maintenant deux décennies, le 20 mars 2003, le gouvernement américain, soutenu par certains pays européens dont l'Espagne, le Royaume-Uni et l'Italie, déclarait la guerre à l'Irak. Une guerre-éclair qui a duré 26 jours et dont le caractère illégal a contribué à la mort du principe de sécurité collective qui était au coeur de la création des Nations unies en 1945. Les arguments juridiques développés pour la justifier ont été divers, aucun n'étant recevable. Ce qui fait que le mécanisme était tombé de son piédestal.

Une chose aussi très importante à relever, La sécurité collective ne bénéficie pas d'une construction aisée. Elle est notamment caractérisée par l'ambiguïté149 de sa conceptualisation.

« Elle emprunte d'un côté certains traits à l'esprit d'un super-État, et de l'autre reste enracinée dans une société composée d'États souverains ». L'univers juridique dans lequel baigne la sécurité collective, est façonné par les spécificités de la société internationale et partant, celles du droit international. Les particularités de la société internationale influencent la configuration du droit international. En effet, contrairement à l'ordre interne, la société internationale est dépourvue de toute autorité supra étatique, capable de s'imposer aux États.

Cependant, ce mécanisme a connu de nombreux échecs et limites, notamment à cause du désaccord entre les grandes puissances, du droit de veto au Conseil de sécurité, de la montée

147 DAILLIER (Patrick) et PELLET (Alain), op.cit., p. 992.

148 Ibid.

149 SMOUTS, « La sécurité collective : histoire et bilan d'une doctrine équivoque », in Sécurité collective et crises internationales, Actes des journées d'études de Toulon, Secrétariat Général de la Défense Nationale, 1994, p. 175. L'auteur parle notamment de notion « floue », en référence à la sécurité collective.

des révisionnismes et des totalitarismes, de la diversité des menaces et des conflits, et de la faiblesse des moyens d'action collective. Certains auteurs ont même parlé d'un «mythe paralysant» de la sécurité collective, qui aurait empêché de réagir efficacement aux agressions et aux violations du droit international.

Aujourd'hui, la sécurité collective fait face à de nouveaux défis, tels que le terrorisme, les armes de destruction massive, les cyberattaques, les changements climatiques, les migrations, les pandémies, etc. Ces défis nécessitent des réponses adaptées, qui impliquent une coopération renforcée entre les États, les organisations internationales, la société civile et les acteurs non étatiques. Ils appellent également à une réforme du système de sécurité collective, afin de le rendre plus efficace, plus légitime et plus inclusif.

Paragraphe 2 : Des difficultés exogènes

Les difficultés endogènes s'observent dans le caractère multiple des conflits et l'émergence de nouveaux acteurs sur la scène internationale (A) et la morosité des bilans des missions de maintien de la paix (B).

A : La multiplicité des acteurs et conflits

L'ONU fait face à un paysage géopolitique en constante évolution, marqué par l'émergence de nouvelles puissances, acteurs et formes de conflit. Cette évolution a des répercussions importantes sur le fonctionnement et l'efficacité de l'ONU. S

Si on s'inscrit dans la dynamique de l'émergence de nouvelles puissances, des pays comme la Chine, l'Inde, le Brésil et la Russie sont devenus des acteurs majeurs sur la scène mondiale en termes de puissance économique, militaire et politique. Leur montée en puissance remet en question la domination traditionnelle des anciennes puissances, en particulier les États- Unis et l'Europe occidentale. Ce qui crée une nouvelle multipolarisation avec le mouvement des BRICS150d'une part et d'autre part les résidus des occidentaux qui sont sous la houlette des

150 Les BRICS sont un groupe de cinq pays qui se réunissent depuis 2011 en sommets annuels : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud. Ce groupe succède à celui plus restreint des BRIC, qui s'est réuni à partir de 2009 sans l'Afrique du Sud. Ce terme BRIC est forgé dès 2001 par un économiste de Goldman Sachs. En août 2023,

Etas Unis. Cette émergence de nouvelles « puissances »151 a contribué à une distribution plus équilibrée du pouvoir dans le système international, ce qui a conduit à une forme de multipolarité. Cela signifie que l'ONU doit composer avec un plus grand nombre d'acteurs influents qui ont des intérêts et des priorités parfois divergents. Ce qui complique la prise de décision à l'ONU, en particulier au sein du Conseil de Sécurité. Les rivalités géopolitiques et les intérêts contradictoires rendent parfois difficile la recherche de consensus.

En plus des États, de nombreux acteurs non étatiques, tels que les entreprises multinationales, les ONG, les groupes terroristes et les mouvements sociaux, jouent un rôle de plus en plus important dans les affaires mondiales. Ils peuvent influencer les décisions politiques et économiques à l'échelle mondiale. L'ONU est confrontée à un plus grand nombre de parties prenantes qui exigent des comptes rendus et une plus grande transparence. La montée en puissance des médias sociaux et des réseaux d'information signifie que l'ONU est sous un plus grand contrôle public.

Outre la multiplicité des acteurs, il y'a la multiplicité des conflits qui entravent l'organisation onusienne. En effet les conflits à cause de leurs natures changeantes affectent de nombreuses régions du monde et l'ONU en tant que l'organisation de maintien de la paix par excellence doit être présente pour apaiser les hostilités. Le problème ne se pose pas si c'est un ou deux conflits mais quand les conflits sont multiples dans le monde et se rajoutent aux plus anciens qui perdurent, l'organisation est éprouvée.

Á titre d'exemple, on peut prendre le conflit syrien, qui dure depuis plus de 10 ans, qui a fait plus de 350 000 morts et a provoqué une grave crise humanitaire. L'ONU a tenté de faire avancer le processus de paix, mais a rencontré un "fossé de méfiance" entre les parties belligérantes et a dénoncé les fréquentes attaques contre les civils152. Le conflit au Yémen, qui a débuté en 2015, est considéré comme la pire crise humanitaire au monde. Plus de la moitié de la population yéménite est confrontée à l'extrême pauvreté, à la malnutrition et au risque de famine. L'ONU a nommé un nouvel Envoyé spécial pour le Yémen, Hans Grunberg, qui a pour

lors du 15e sommet des BRICS, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a annoncé que l'Arabie saoudite, l'Argentine, l'Égypte, les Émirats arabes unis, l'Éthiopie et l'Iran ont été invités à rejoindre le bloc1. Leur adhésion pleine et entière prendra effet le 1er janvier 2024.

151 Pour Raymond Aron la puissance constitue «la capacité d'une unité politique d'imposer sa volonté aux autres unités, in ARON (Raymond), Paix et guerre entre les Nations, Calmann-Lévy, Paris, 1962, pp. 16-17.

152 Conflit et violence : une ère nouvelle | Nations Unies. Lien : https:// www.un.org/fr/un75/new-era-conflict-and- violence, consulté le 6 septembre 2023 à 10h34

tâche d'apporter la paix et la stabilité au pays153 mais fait face manque de ressources limitées. Le conflit en Afghanistan, qui s'est aggravé en 2021 avec la prise de pouvoir des talibans après le retrait des troupes internationales. L'ONU a fait face à une augmentation sensible de la violence, qui a fait de nombreuses victimes parmi les civils, notamment les femmes et les enfants. L'ONU a également maintenu son aide humanitaire malgré la situation, car des millions de personnes risquaient de mourir de faim en hiver154. La criminalité organisée, la violence urbaine et les violences domestiques, qui font plus de victimes que les conflits armés. En 2017, près d'un demi-million de personnes dans le monde avaient été victimes d'homicides, un chiffre qui dépasse de très loin les 89 000 personnes tuées dans les conflits armés en cours et les 19 000 victimes d'attentats terroristes. L'ONU a pour objectif de réduire nettement, partout dans le monde, toutes les formes de violence et les taux de mortalité qui y sont associés, d'ici à 2030.

Ces exemples montrent que l'ONU doit faire face à des conflits et des violences de plus en plus complexes, qui nécessitent des solutions adaptées et innovantes. Mais cette dernière ne peut pas être à tout endroit et à tout moment, l'étirement de ressource se fait ressentir du fait de la nature croissante des conflits, ce qui entraîne une pression sur ses ressources financières, humaines et logistiques pour répondre à ces crises. Surcroit, elle doit prioriser ses efforts en fonction de l'urgence et de la gravité des conflits, ce qui peut entraîner des compétitions pour les ressources de l'organisation.

B : Un bilan morose des missions de maintien de paix

L'organisation des Nations Unies souffre d'un autre problème : l'incapacité d'agir promptement lorsqu'une crise éclate et de déployer rapidement des forces de maintien de la paix.

Certains organes politiques fonctionnent selon le principe du consensus et sont régis par d'importantes institutions bureaucratiques. Leurs décisions peuvent donc se faire attendre

153 Retour sur l'année 2021 : l'action de l'ONU dans les pays en conflit. Lien : https://unric.org/fr/retour-sur- lannee-2021-laction-de-lonu-dans-les-pays-en-conflit/, consulté le 6 septembre 2023 à 10h36

154 Les conséquences des conflits armés sur la paix et le développement.

Lien : https:// www.un.org/fr/chronicle/article/les-consequences-des-conflits-armes-sur-la-paix-et-le- developpement-durables-en-amerique-latine, consulté le 6 septembre 2023 à 10h39

même si des signaux indiquant que des crises menacent. Même lorsqu'il existe en principe la volonté de mettre sur pied une opération onusienne de maintien de la paix, il est extrêmement difficile de mettre en place les accords nécessaires et de mobiliser les forces pour atteindre à temps la zone de conflit. L'ONU (ni aucun autre organe multilatéral) ne dispose d'une force permanente d'intervention rapide pouvant être utilisée dans de telles situations.

Le système de maintien de la paix s'organise autour des chapitres VI et VII de la Charte des Nations Unies. L'articulation entre ces chapitres avait été conçue par les auteurs de la Charte de manière à rechercher, selon une certaine harmonie, les meilleures adaptations et réactions possibles aux diverses situations à la fois en ouvrant un éventail gradué allant des modes classiques de règlement des différends. Jusqu'au système sophistiqué de sécurité collective s'agissant des procédures utilisables. Il faut noter que les mécanismes n'ont pas toujours fonctionné comme prévu. Les blocages du conseil de sécurité sont dans une moindre mesure liée au manque de personnel mais aussi au refus de certains bailleurs d'appuyer financièrement les actions de rétablissement de la paix dans certaines zones de conflits. Un recours à des palliatifs est encore nécessaire et l'obstacle majeur à une action dépassant le simple maintien de la paix n'est pas seulement l'étendue des besoins en hommes et en matériels et donc le coût de l'opération mais surtout la résistance des États à engager des vies155.

Le conseil de sécurité de l'ONU n'étant pas une entité étatique dotée d'une « autonomie » financière et d'une indépendance décisionnelle, reste très souvent cloué en temps de conflits. Il s'agit en fait d'une organisation universelle de paix qui reçoit le concours d'un certain nombre d'États et d'institutions internationales pour pouvoir faire face aux conflits qui sévissent dans le monde. Le conseil de sécurité ne dispose pas de forces d'attente ou encore moins de ressources financières suffisantes pour engager promptement les actions de paix dans le monde.

Si nous partons de l'exemple africain, aujourd'hui, le Mali constitue un bel exemple. Le constat est que les rebelles Touaregs joints aux combattants d'Ansardine ont envahi le pays en occupant d'abord le nord et la communauté internationale à l'instar du conseil de sécurité, de l'UA et de la CEDEAO, se mure dans un silence presque total. L'ONU par la mise en place de la MINUSMA156 a essayé d'apaiser les tensions. Mais, force est de constater qu'en plus de 10

155 Cf. « actualités des conflits internationaux », colloque des 4 et 5 décembre 1992.

156 Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali est une opération de maintien de la paix des Nations unies au Mali. Elle intervient dans le cadre de la guerre du Mali et est la composante principale de l'intervention militaire au Mali.

ans de présence au Nord du Mali, il n'y a pas eu d'avancée majeure en termes de lutte contre le terrorisme, ce qui pousse aujourd'hui les instances de gouvernance maliennes à demander le retrait des forces de la MINUSMA et de prendre en main leur propre destin. Le même cas aujourd'hui en République Démocratique du Congo.

Ce qui est souvent décrié c'est le manque de neutralité des organes de l'ONU. Par définition, la neutralité signifie pour une force de maintien de la paix, le fait de s'abstenir de prendre parti pour un des belligérants. Les forces d'interposition de l'ONU ne doivent en aucun cas prendre position pour l'une ou l'autre des parties aux conflits. C'est cette neutralité qui fait la force du conseil de sécurité. Ainsi, avec cette neutralité respectée, l'Organisation des Nations Unies, de par ses organes, obtient plus de crédibilité à l'égard des parties. A cet effet, le Conseil accède à toutes les informations détenues par les belligérants. Toutefois, il faut souligner que la neutralité n'est pas nécessairement passivité. Le conseil de sécurité doit avoir la capacité de traiter équitablement les conflits dans lesquels il intervient. Pour pouvoir trancher les litiges, le conseil doit accorder aux belligérants les mêmes possibilités de concertations et doit être équidistant, c'est-à-dire sans influence aucune en faveur de l'une ou de l'autre des parties.

Malgré toutes ces recommandations constatées, on note très souvent des manquements, de la part des forces de sécurité dans leurs actions d'intervention dans la région Ouest- africaine. Du point de vue des déploiements de la force de paix de l'ONU, on note parfois que ceux-ci sont parfois faits dans des circonstances de guerre ou de tension extrême résultant d'une dégradation de l'État et de la confiance des acteurs. Dans ces types d'interventions, la cohabitation entre les forces de l'ONU et les belligérants n'est pas des meilleures du fait que la force d'intervention est souvent vue comme une ingérence faite de façon illégale.

Dans ce contexte, la force de paix sera confrontée à une opposition avec d'autres forces soit rebelles soit forces loyalistes de l'État comme ce fut le cas en Côte d'Ivoire avec les forces loyales au Président Laurent Gbagbo et les forces de sécurité déployée sous l'impulsion de la France. Dans le conflit Sierra Léonais ou encore Libérien, les forces de sécurité ont dû faire face à l'opposition des groupes armés qui considéraient que ces opérations étaient dirigées contre eux. Cette situation fait obstacle au règlement des crises car elle avait favorisé un manque de confiance entre la force de paix de l'ONU et certaines factions.

Toutefois, il faut noter que le manque de neutralité n'est pas toujours efficace. Ce sont tout simplement les belligérants véritables qui, parfois, imputent à tort à la force de sécurité de l'Organisation des Nations Unies son manque de neutralité dans ses interventions. Des fois

même, la proximité des mandataires de l'ONU avec une des parties au conflit est parfois source de méfiance. Dans d'autres cas, c'est la difficulté pour la force de paix d'identifier les interlocuteurs, à négocier avec de nombreux belligérants qui sont considérés par certains d'entre eux comme une partialité. En effet, les parties ne sont pas souvent faciles à identifier. Par exemple dans des conflits tels que celui de la Sierra Léone et du Libéria, les parties étaient tellement nombreuses qu'on pouvait se perdre dans les négociations.

Á titre illustratif pour justifier la morosité des missions de paix, on dénote quelques échecs cuisants à l'instar de la mission de l'ONU en Corée (UNCMAC) qui n'a pas réussi à mettre fin à la guerre de Corée, qui a duré de 1950 à 1953 et qui a fait plus de 3 millions de morts. Le conflit s'est terminé par un armistice, mais pas par un traité de paix, et la péninsule coréenne reste divisée et sous tension jusqu'à aujourd'hui n'est pas l'abris d'une probable guerre d'annexion. Également, la mission de l'ONU au Rwanda (MINUAR) n'a pas pu empêcher le génocide de 1994, qui a fait environ 800 000 victimes. Les Casques bleus ont été confrontés à un manque de mandat, de ressources et de soutien politique pour intervenir face aux massacres. Le Conseil de sécurité a même réduit les effectifs de la mission au moment où la violence atteignait son paroxysme. Même son de cloche en Bosnie-Herzégovine (FORPRONU) n'a pas réussi à protéger les civils lors de la guerre de 1992-1995, qui a fait plus de 100 000 morts. Les Casques bleus ont été incapables de faire respecter les zones de sécurité déclarées par le Conseil de sécurité, et ont été témoins du siège de Sarajevo et du massacre de Srebrenica, où plus de 8 000 hommes et garçons musulmans ont été tués par les forces serbes. La mission de l'ONU en Somalie (ONUSOM) n'a pas réussi à stabiliser le pays après la chute du régime de Siad Barre en 1991, qui a plongé le pays dans la guerre civile et la famine. Les Casques bleus ont été confrontés à la résistance des factions armées, qui ont attaqué et tué plusieurs soldats de la paix. L'opération a été marquée par l'échec de la bataille de Mogadiscio en 1993, où 18 soldats américains et plus de 1 000 Somaliens ont été tués. Ces exemples montrent à suffisance que le maintien de la paix de l'ONU n'est pas une garantie de succès, et qu'il dépend de nombreux facteurs, tels que le mandat, les ressources, le soutien politique, la coopération des parties au conflit, et le respect du droit international humanitaire. La mission de l'ONU au Soudan (MINUS) n'a pas réussi à prévenir la sécession du Soudan du Sud en 2011, ni à mettre fin aux violences qui ont éclaté dans le pays après son indépendance. La mission a été remplacée par la MINUSS, qui fait face à une guerre civile depuis 2013, avec plus de 400 000 morts et 4

millions de déplacés157. La mission de l'ONU en Haïti (MINUSTAH) n'a pas réussi à stabiliser le pays après le coup d'État de 2004, ni à assurer la transition démocratique. La mission a été critiquée pour son implication dans des violations des droits de l'homme, notamment le viol de femmes et de filles, et pour avoir introduit le choléra dans le pays, qui a tué plus de 10 000 personnes. La mission de l'ONU en Syrie (MISNUS) n'a pas réussi à mettre en oeuvre le plan de paix de Kofi Annan en 2012, qui prévoyait un cessez-le-feu, un dialogue politique et un accès humanitaire. La mission a été suspendue après seulement quatre mois, en raison de l'escalade du conflit et du manque de coopération des parties. La guerre en Syrie a fait plus de 500 000 morts et 13 millions de déplacés158.

157 Le maintien de la paix de l'ONU fonctionne-t-il ? Voici ce que disent. Lien : https://news.un.org/fr/story/2022/12/1130427 consulté le 06 septembre à 12h08

158 Conflits : derrière l'échec des interventions internationales. IFRI. Lien : https:// www.ifri.org/fr/publications/publications-ifri/articles-ifri/conflits-derriere-lechec-interventions- internationales. Consulté le 06 septembre à 12h09

Section II - Le cas de la justice internationales

Les juridictions internationales sont essentielles au maintien de la sécurité mondiale et à la protection des droits de l'homme. Ils fournissent un cadre pour résoudre les différends et tenir les individus responsables de leurs actes. Cependant, ces dernières années, on a assisté à une tendance croissante à la paralysie au sein de ces juridictions, ce qui constitue une menace importante pour leur efficacité et la sécurité du monde. Cette paralysie peut se manifester de diverses manières, comme l'incapacité de s'entendre sur des décisions, le manque de volonté politique pour faire appliquer les décisions ou la manipulation des systèmes juridiques par des nations puissantes. Les conséquences de cette paralysie sont considérables, permettant aux auteurs de violations des droits humains d'agir en toute impunité et sapant les efforts visant à promouvoir la paix et la stabilité à l'échelle mondiale. Ainsi, on se propose d'analyser la problématique de l'indépendance de la cour internationale de justice (paragraphe 1) qui est au coeur des débats sur la scène internationale et la question de l'impartialité de la cour pénale internationale (paragraphe 2)

Paragraphe 1 : La problématique de l'indépendance de la CIJ

Aux termes de l'article 2 du statut de la C IJ, « La Cour est un corps de magistrats, indépendants élus, sans égard à leur nationalité, parmi les personnes jouissant de la plus haute considération morale et qui réunissent les conditions requises pour l'exercice possédant une compétence notoire en matière de droit international ». Ainsi, l'article 2 du statut de la CIJ implante solidement l'une des vertus essentielles à toute juridiction : l'indépendance. L'indépendance d'une juridiction est la clé de voûte de son existence. Elle en est la condition primordiale. Sa maitrise s'impose alors. Étant l'unique organe judiciaire permanent du système des Nations Unies. Elle a été établie en 1946 dans le but de régler les litiges internationaux et de promouvoir la paix et la sécurité internationales. Cependant, depuis sa création, le CIJ est confronté à plusieurs défis qui ont mis en question son indépendance et sa capacité à remplir ses fonctions de manière impartiale et efficace. L'indépendance de la CIJ est un principe fondamental de son fonctionnement. Cependant, cette indépendance est souvent compromise par les intérêts politiques et économiques des États membres, qui peuvent influencer les décisions de la Cour. S'inscrivant dans cette logique nous aborderons d'une part l'indépendance critiquée (A) et d'autre part une indépendance limitée (B).

A : Une indépendance critiquée

L'indépendance statutaire entend affranchir son bénéficiaire des liens avec des institutions ou avec les États et elle est garantie en coupant ces liens vis-à-vis des puissances territoriales. Une fois cette indépendance garantie, il importe que les décisions de la Cour reflètent cette émancipation. Malheureusement, on assiste à des décisions contestées, ce qui entraine de la part des États une certaine méfiance.

En principe, la composition de la Cour devrait garantir l'indépendance et l'impartialité de celle-ci. Car, non seulement elle est composée de magistrats indépendants possédant « une compétence notoire en droit international », mais aussi sa composition est sujette à une représentation équitable des différents systèmes juridiques ainsi qu'à une représentation géographique équitable. On ne devrait donc pas avoir de suspicions par rapport aux décisions qu'elle rend normalement en toute indépendance.

Malheureusement, il est des affaires dans lesquelles les États ont ouvertement critiqué la décision retenue par les juges de La Haye. Or, chaque fois que sa décision est critiquée, c'est son indépendance qui est mise en doute. En effet, les États insatisfaits pourront tout faire pour voir leurs prétentions être satisfaites. En 2006 par exemple, la cour a rendu son arrêt dans l'affaire du Génocide introduite par la Bosnie-Herzégovine contre la Serbie treize ans plus tôt. Elle a qualifié de génocide les massacres de Srebrenica de juillet 1995 et jugé que la Serbie, en ne cherchant ni à empêcher, ni à punir ce crime, avait enfreint la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Seulement, l'écart entre les conclusions des juges et la cause plaidée par la Bosnie-Herzégovine, qui alléguait que la Serbie était directement responsable d'un génocide commis sur tout son territoire depuis 1992 au moins, a suscité des critiques radicales de la décision rendue159. La raison est simple : elle n'a pas pu aller jusqu'au bout de sa logique. Ce que l'ancien Président du Tribunal pénal international pour l'ex- Yougoslavie (TPIY), Antonio Cassese a qualifié de « Massacre judiciaire ».

Il faut également rappeler que les décisions de la Cour, dans les années 1970 spécialement celle portant sur les essais nucléaires français ; et en 1986 concernant l'affaire opposant les

159 CONDE (Pierre-Yves), « L'Affaire du génocide. Bosnie et Serbie devant la Cour internationale de Justice ou la dénonciation à l'épreuve du droit international », Droit et cultures], 2009.

Lien : http://droitcultures.revues.org/2126, consulté le 23 septembre 2023 à 11h08

États-Unis au Nicaragua ont été critiquées par la France et les États-Unis160 . Il ne faut pas non plus oublier l'action du Tiers-Monde à l'ONU en faveur du droit au développement qui ne trouvera aucun écho juridictionnel161 : c'est paradoxalement la Belgique162 qui donnera très indirectement l'occasion à certains juges favorables aux thèses tiers-mondistes en la matière d'en rappeler la teneur et la portée.

Des décennies plus tôt, c'est l'affaire du Sud-Ouest africain qui avait défrayé la chronique163. Que de critiques ! Les États africains indépendants ont ouvertement critiqué le fait que la Cour s'est bornée à statuer sur la qualité des parties alors qu'elle devait le faire sur le fond. L'Égypte déclarait « il est vraiment regrettable que cette institution mondiale (la Cour), en manquant à son devoir, ait ébranlé notre foi ».

Dans le cadre de la méfiance à l'égard de la cour, la plus retentissante vient des États du tiers Monde surtout ceux d'Afrique. Devenus membres de l'organisation des Nations Unies et de ses institutions spécialisées, les États africains ont vite réalisé qu'ils devaient trouver leur

160 Durant les années 1970, beaucoup d'États ont même refusé de comparaître devant la CIJ ; d'autres ont retiré leur déclaration facultative de juridiction obligatoire après des décisions leur ayant été défavorables (France en 1974 après Essais nucléaires et États-Unis en 1986 après Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci).

161 DEHARBE (David.) « Le bon recours au juge dans les relations internationales, les avis de la CIJ sur la licéité de l'arme nucléaire », in CURAPP, La politique ailleurs, Paris, PUF, 1998. P 137.

162 C'est l'affaire dite de la Barcelona Traction entre la Belgique et l'Espagne qui donnera lieux à deux arrêts en 1964 et 1970.

163 Cf. Fischer (G.), « Les réactions devant la CIJ concernant le Sud-Ouest africain », in AFDI, volume 12, 1966. pp. 144-154. Le 4 novembre 1960, l'Ethiopie et le Libéria introduisirent auprès de la Cour Internationale de Justice deux requêtes demandant à la Cour de déclarer que les mesures prises et la politique adoptée dans le Sud-Ouest africain par l'Afrique du Sud étaient contraires aux obligations que ce pays assumait en tant que mandataire. Le 21 décembre 1962, la Cour rendit un premier arrêt portant sur les quatre exceptions préliminaires et se déclara compétente pour statuer sur le fond (C.I.J., Recueil 1962, p. 313. « La Cour conclut que l'article 7 du Mandat est un traité ou une convention encore en vigueur au sens de l'article 37 du Statut de la Cour, que le différend est de ceux qui sont prévus audit article 7 et qu'il n'est pas susceptible d'être réglé par des négociations »). Le 18 juillet 1966, la Cour a rendu un second arrêt qui, à la surprise générale, n'aborde pas le fond. Il examine exclusivement

« une question relevant du fond mais ayant un caractère prioritaire : elle concerne la qualité des demandeurs en la phase actuelle de la procédure ; en fait, il s'agit non pas de la question de l'aptitude des demandeurs à se présenter devant la Cour, qui a été tranchée par l'arrêt de 1962, mais de la question de fond de leur droit ou intérêt juridique au regard de l'objet de la demande telle qu'elle est énoncée dans leurs conclusions finales » (2). Estimant que manquait précisément un tel droit ou intérêt juridique, la Cour a rejeté les requêtes des demandeurs

propre voie afin de ne pas être à nouveau les victimes d'un jeu international subtil. Cependant, cette prudence légitime s'est rapidement transformée en une hostilité de principe à l'égard de la CIJ. Ainsi, après l'indépendance politique des États africains, on constate que ces derniers manifestent une méfiance, voire une réticence soutenue envers la CIJ qui perdure jusqu'à nos jours. La raison est connue. Toutes les critiques auxquelles la Cour a dû faire face conduisent littéralement à cette attitude : la perte de confiance en la Cour. On ne peut donc pas dire que les États nouvellement indépendants, en occurrence les États africains, aient souvent recours à la Cour pour le règlement des différends. Cette réaction africaine correspondait à celle des État du Tiers Monde en général. Ils voyaient la Cour comme un organe travaillant à la conservation d'un droit ressenti comme injuste et contestable voire ennemi du fait d'avoir légitimé l'emprise coloniale ainsi que l'ensemble de ses conséquences164. Elle ne semblait plus indépendante. La Cour semble alors subir le poids de ses membres puissants. C'est la raison pour laquelle ces États ont estimé à une époque donnée, que la Cour était trop occidentale.

En somme, il y a non seulement une réticence quantitative (faible adhésion à l'article 36 paragraphe 2165 du statut de la Cour), mais également une réticence qualitative caractérisée par des déclarations d'acceptation encadrées par d'énormes réserves. Chaque État jouit ainsi d'une liberté plus étendue soit dans le choix de la forme de sa déclaration, soit dans les limites de ses effets personae, materiae et temporis. Cette double liberté est consacrée par l'alinéa 3 de l'article 36 qui dispose que « les déclarations ci-dessus visées pourront être faites purement et simplement ou sous condition de réciprocité de la part de plusieurs ou de certains États, ou pour un délai déterminé ». Elle se trouve uniquement dans le statut de la CIJ et c'est elle qui semble consacrer la domination du politique sur le juridique. En conséquence, les États faibles à l'instar des États africains profitent de cette pirouette offerte par l'article 36 alinéa 3 pour se prémunir contre certaines éventualités dans un environnement qui leur est défavorable. On peut dire en la matière, qu'ils ne sont pas seul. Même le camp occidental a éprouvé à un moment donné, une véritable répulsion envers celle-ci à l'issue de sa décision sur les essais nucléaires français et l'intervention américaine au Nicaragua.

164 Condorelli (Luigi.), « les lendemains qui chantent pour la justice internationale ? », in l'optimisme de raison, éd. Pedone, Paris, 2013, p. 206.

165 Article 36 alinéa 2 du statut de la CIJ « Les Etats parties au présent Statut pourront, à n'importe quel moment, déclarer reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l'égard de tout autre État acceptant la même obligation (...) »

B : Une indépendance limitée

La CIJ est composée au nombre de quinze juges, ils sont élus par l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies sur une liste présentée par les États. Le statut vise à garantir leur indépendance et à assurer leur représentativité. Cela n'a pas permis d'éviter la représentation automatique des cinq membres permanents du Conseil de sécurité (États-Unis, Royaume-Uni, France, Russie, Chine) ni la surreprésentation de l'Europe, qui dispose du tiers des sièges.

Comme on l'a fait remarquer, le pouvoir des juges internationaux leur a été donné par les États eux-mêmes. Et, même si cela ne signifie pas que les juges et les États ne soient pas parfois en lutte explicite au niveau international notamment à travers les organes judiciaire et exécutif d'une même institution internationale comme à l'ONU, il se joue pour l'instant plutôt une sorte « de jeu à somme positive dont les gains sont profitables à tous »166. Si bien que les choses semblent plus claires et transparentes en droit international comme si d'emblée on savait que dans ce jeu international, les juges ne peuvent être totalement indépendants de leurs États.

Comme elle a été définie, l'indépendance de la CIJ signifie qu'elle ne devrait pas subir d'influence d'où qu'elle vienne, que ce soit de l'État ou des autres organes de l'organisation. La première incursion des organes politiques dans le champ d'action de la CIJ est l'élection des juges de la Cour. Quel est par conséquent le sens qu'il convient de donner à l'indépendance du juge international ? selon certains doctrinaires, les Etats ont en ce sens fait état des limites résultant de l'élection du détenteur du pouvoir de juger. Ils remarquaient en effet que « l'aspiration naturelle de ceux qui ont le pouvoir de nommer les juges en qui ils ont confiance, et qui sont des sympathisants de leurs objectifs et idéaux sociaux, ne va pas toujours de pair avec le désir naturel pour une indépendance de la magistrature »167. Il en ressort de cette affirmation que les juges sont sous l'influence politiques des États qui les proposent et ces derniers ressentent un devoir de gratitude envers eux ce qui dénature leur lucidité ou vicie leurs raisonnements quand ils sont appelés à statuer sur les intérêts de leurs États d'origines. On assiste à l'invitation de la politique dans l'appareil juridictionnel international.

166 MAUPAS (Stéphanie.) ; Juges, bourreaux, victimes. Voyages dans les prétoires de la justice internationale, Paris ; Autrement ; 2008 ; p. 17.

167 The World Court: What It Is and How It Works, Dordrecht, Boston, Londres; M. Nijhoff Publishers, 5th ed., 1995, p. 51.

Mais la préoccupation majeure est ailleurs. Elle a été identifiée par le professeur Alioun SALL qui a montré les voies par lesquelles la politique s'invite dans l'activité du juridictionnel pour le dénier168. D'une part, la politique s'invite dans le procès international lorsque les États, dans une sorte de sursaut de dénégation de la fonction juridictionnelle, arguent des données intrinsèques du litige pour dénier au juge le droit d'en connaître. C'est alors la question de la justiciabilité même du différend qui se pose.

La seconde modalité par laquelle le juge international est invité à prendre en compte le facteur politique est maniée avec plus de subtilité par les États. Elle ne consiste pas tant à remettre en cause la juridiction dans son principe, que d'en limiter l'ambition ou la portée, en lui opposant précisément, peu ou prou, un autre mode de règlement, qui est alors « politique ». Se pose alors un problème de concurrence des modes de règlement car il arrive que les États plaideurs gardent « deux fers au feu » et ne renoncent point, en saisissant un juge, à continuer à rechercher une solution extra-judiciaire à leur différend. Ces modalités telles que montrées par le professeur Sall, sont détectées dans les relations entre la CIJ et le Conseil de sécurité. En effet, l'idée de base qui inspire le chapitre VI de la Charte est qu'en cas de différend dont la prolongation est susceptible de menacer la paix et aussi d'impasse entre les parties quant aux moyens pacifiques à utiliser, les organes politiques de l'ONU en particulier le Conseil de sécurité sont appelés à intervenir et ce, conformément au premier paragraphe de l'article 36169de la Charte. En principe, le Conseil de sécurité n'est compétent que pour recommander les moyens de règlement pacifique des différends. Cependant, dans la pratique, le Conseil de sécurité n'a pas souvent limité ses recommandations à un choix pur et simple d'un moyen de règlement pacifique quelconque énuméré à l'article 33 de la Charte. Il a été tenté de faire des recommandations de fond contenant des termes de règlement au lieu d'indiquer un moyen d'ajustement de différend. Cela a développé énormément l'activité du Conseil de sécurité et a eu des conséquences fâcheuses170quant au volume d'affaires portées devant la Cour.

En vertu de l'article 36 paragraphe 3, le Conseil de sécurité devrait normalement, d'une manière générale, acheminer les différends d'ordre juridique à la Cour. Une fois seulement, dans l'affaire du détroit de Corfou, le Conseil a suivi cette règle. Et même dans ce cas, le Conseil

168 SALL (Alioun), « le juge international et la politique : réflexion sur l'incidence de la politique sur la juridiction de la Cour de justice de la Haye », Lien : www.afrilex.u-bordeaux4.fr consulté le 24 septembre 2023 à 15h08.

169 Article 36 1. « Le Conseil de sécurité peut, à tout moment de l'évolution d'un différend de la nature mentionnée à l'Article 33 ou d'une situation analogue, recommander les procédures ou méthodes d'ajustement appropriées ». 170 BADINTER (Robert.), « Une si longue défiance », in Pouvoirs, Les Juges ; n° 74 ; 1995 ; p. 9.

n'a recommandé aux parties d'aller devant la Cour qu'après avoir rencontré un échec dans la tentative d'agir en tant que juge, de recevoir des témoignages et d'arriver à certaines déterminations de faits comme base pour le règlement du différend. Suite à l'invasion du Koweït par l'Irak, l'occasion s'offrit une nouvelle fois au Conseil de sécurité de recommander aux parties directement intéressées de recourir à la Cour internationale de justice pour régler les aspects juridiques du litige. Tel aurait pu être le cas du différend qui les opposait sur le tracé de leur frontière terrestre. Le Conseil de sécurité préféra néanmoins, dans le cadre de la résolution 687 du 3 avril 1991, s'en remettre à la médiation du Secrétaire général. Lors des débats qui ont suivi l'adoption de cette résolution, l'Équateur regrettait que le Conseil de sécurité n'ait pas eu recours au paragraphe 3 de l'article 36, estimant que ce différend présentait toutes les caractéristiques d'un différend d'ordre juridique. ·Pour se défendre des critiques avancées, les États-Unis ont estimé que le Conseil a agi pour rétablir la paix et ne cherchait nullement à s'approprier un tel rôle171. Auparavant, le Conseil de sécurité avait poussé très loin son audace en demandant à la Cour, dans l'affaire Lockerbie, de sursoir à exercer son devoir judiciaire et de s'incliner devant le Conseil.

Même si la Cour internationale de Justice est conçue pour être un arbitre indépendant et impartial des différends internationaux, son indépendance est limitée de plusieurs manières. Les décisions de la Cour peuvent être influencées par des considérations politiques, et sa capacité à faire appliquer ses décisions est soumise aux caprices des États concernés. De plus, la compétence de la Cour est limitée aux affaires qui lui sont soumises par les États ou par le Conseil de sécurité de l'ONU, ce qui signifie qu'elle ne peut pas se saisir d'affaires de sa propre initiative. Malgré ces limites, la CIJ reste une institution importante pour promouvoir le droit international et régler les différends entre États. Son existence et son efficacité dépendent de la volonté des États de respecter ses décisions et de coopérer avec elle dans la poursuite de la justice et de la paix.

Paragraphe 2 : La question de l'impartialité de la CPI

171 COT (Jean-Pierre) PELLET (Alain) FORTEAU (Mathias.), Charte des Nations Unies, commentaire article par article, 3e éd. Economica, tome II, Paris, 2005, p 1106.

La Cour pénale internationale (CPI) a été créée en 2002 en tant que tribunal international permanent chargé de poursuivre les individus pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité, génocide et crime d'agression. L'un des principes clés qui sous-tendent le mandat de la CPI est la notion d'impartialité. L'impartialité fait référence à la notion selon laquelle le tribunal doit être neutre et impartial dans son processus décisionnel et qu'il ne doit pas favoriser une partie par rapport à une autre. Cependant, la CPI a été confrontée à des critiques et à des défis concernant son impartialité, en particulier ces dernières années. Certains pays ont accusé la CPI d'être partiale en faveur de certaines régions ou groupes, tandis que d'autres ont remis en question l'autorité et la légitimité de la Cour. En outre, la CPI a rencontré des difficultés pour enquêter et poursuivre les crimes dans les zones de conflit, où l'accès aux preuves et aux témoins peut être limité. Dans cette partie on analysera l'impartialité qui a été décriée de la cour (A) et l'impunité récurrente de certains auteurs (A)

A : Une impartialité décriée

La mise en place d'une cour pénale internationale à vocation universelle a constitué une évolution très importante dans l'histoire de l'humanité et aussi dans le cadre de la lutte contre l'impunité pour des crimes graves. Les attentes à l'égard de cette justice sont particulièrement fortes dès lors qu'il s'agit de sanctionner des crimes caractérisés par la violation grave des valeurs de la communauté internationale et par l'atteinte qu'ils portent à la paix et à la sécurité régionale et internationale172. La Cour pénale internationale, ainsi créée, marquait une véritable révolution dans la sphère du droit international et une avancée décisive au sein du droit international pénal et du droit international humanitaire. La responsabilité pénale des chefs d'États est mise en cause ; on ne pouvait plus tuer à l'ombre de la souveraineté. C'est la fin de la culture de l'impunité173. Pour le Secrétaire général de l'ONU, l'objet du Statut de Rome est

172 En effet, selon le Professeur Rafäa Ben Achour, « Aussi rudimentaires soient-elles, les juridictions internationales sont un élément d'ordre et d'institutionnalisation de la société internationale », Ben Achour (Rafäa),

« Quel rôle pour la justice internationale ? », in BEN ACHOUR (Rafäa) et LAGHMANI (Slim), Justice et juridictions internationales, FSJPST, Paris, Pedone 2000, p. 20.

173 KRAIEM-DRIDI (Mouna), La responsabilité du chef de l'Etat, Thèse de doctorat, sous la direction du Prof. Rafâa Ben Achour, FSJPST, Tunis, 2005

« de mettre fin à la culture générale de l'impunité - culture dans laquelle il était plus facile de traduire un individu en justice pour avoir tué une personne que pour avoir tué 100.000 »174.

Toutes les garanties statutaires et fonctionnelles étaient mises en oeuvre pour que cette cour puisse mener à bien ses missions.

La réalité de la cour pénale internationale a démontré le contraire, force est de constater qu'elle fait face depuis des décennies à des critiques quant à son impartialité, y compris des allégations de partialité en faveur des pays occidentaux et de leurs alliés, ainsi que des préoccupations concernant la représentativité des juges et des procureurs au sein de la Cour.

Son manque d'impartialité est souvent au coeur des critiques phares dirigés contre la cour, et ces détracteurs en majeur partie sont les États africains. Ce qui démontre les relations tendues entre la CPI et certains gouvernements africains, qui estiment que le tribunal s'acharne injustement sur le continent, tout en ignorant des crimes commis ailleurs. Et ce ne sont pas des propos non fondés au regard des affaires pendantes devant la cour. En effet depuis que la cour a commencé à fonctionner en 2002, sur ses dix-sept enquêtes, dix sont toutes portées sur des pays africains. Ce qui fait qu'à plusieurs reprises, l'Union africaine a violemment critiqué la CPI et a demandé à ses membres de ne pas se conformer à ses exigences, dans la mesure où elle est conçue au sein des grandes instances africaines comme ``une justice à sens unique''.

La manifestation de cette justice à sens unique va dans le sens d'une focalisation des principales affaires devant la CPI sur le continent africain, ce qui a poussé ces États à afficher une attitude hostile à l'égard de la Cour, à ne pas coopérer avec elle. En dix situations d'enquêtes 09 africaines font l'objet d'une procédure devant la Cour des premières heures de fonctionnement175: au Soudan (Darfour), en Ouganda, en République démocratique du Congo, en République centrafricaine, au Kenya, en Libye, en Côte d'Ivoire, au Mali et en Burundi. Cette liste explique, à elle seule, les attaques répétées de la CPI contre l'UA depuis plusieurs années : alors que la Cour est censée être universelle, elle ne poursuit de fait que des Africains.

174 Rapport du Secrétaire général sur l'activité de l'Organisation. Assemblée générale. Documents officiels. 53ème session. Supplément N°1 (A/53/1) § 180).

175 31 affaires dans le contexte de 10 situations africaines ont été ouvertes devant la Cour. Lien : https://www.icc- cpi.int/fr/about/thecourt#:~:text=Si%C3%A8ge%20%3A%20La%20Haye%20(Pays%2D,d%C3%A9livr%C3% A9%2040%20mandats%20d'arr%C3%AAt, consulté le 28 septembre 2023 à 13h09.

Alors qu'elle est censée être internationale, elle serait en réalité une « Cour pénale africaine »176 disait l'expert du droit international, AMBOS Kai. D'où la défiance Croissante des chefs d'États africains, ce qui affecte la légitimité de la justice pénale internationale en général. L'état actuel de la coopération entre la Cour pénale internationale et certains États africains témoigne ainsi de l'allergie, voire de l'hostilité de ces États à l'égard de la Cour. Il importe alors d'en dégager les causes et en comprendre les raisons.

En réalité, cette dégradation des relations de coopération entre la Cour pénale internationale et les États africains remonte à l'année 2005, en réaction à la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité de l'ONU au sujet du Darfour, mais c'était réellement développé par l'émission des mandats d'arrêt contre El-Béchir (2009-2010)177. Elle a ensuite été ravivée par l'affaire Laurent Gbagbo, arrêté et transféré à la Haye en 2011 (lui et sa femme Simone) étant accusés d'avoir commis des crimes contre l'humanité en Côte d'Ivoire. Et aussi le transfert de Charles Blé Goudé à la CPI le 22 mars 2014 à la Cour, l'offensive majeure est venue d'Afrique de l'Est (notamment du Kenya et son intense lobbying exercé sur les États de l'UA contre la

176 AMBOS (Kai), « Expanding the Focus of the 'African Criminal Court'», in SCHABAS (Wa), MCDERMOTT (Yvonne) et HAYES (Naihm) (dir.), Perspectives, Burlington, Ashgate, 2013, pp. 499-529.

177 « Aussi réalisant la vanité de leurs démarches, les Etats africains ont fini par adopter une résolution portant interdiction de coopérer avec la Cour pénale internationale dans l'arrestation et la remise du Président soudanais El-Bechir, le 4 juillet 2009. Cette résolution d'impunité est d'autant plus étonnante que non seulement elle invite les Etats africains à manquer à leur obligation de coopération à l'égard de ladite cour, les exposant par le fait même à engager leur responsabilité internationale devant l'Assemblé des Etats parties de ladite Cour ou le Conseil de sécurité, mais en plus elle méconnait l'Acte constitutif de l'Union africaine qui consacre le principe de l'obligation de l'intervention de l'Union dans les Etats membres, en cas de Commission des crimes internationaux les plus graves. Faisant suite au mandat d'arrêt décerné par la Cour pénale internationale à charge de leur homologue soudanais Omar Hassan El-Béchir, les chefs d'Etat africains ne cessent de multiplier les initiatives à l'encontre de la procédure en cours contre leur pair et même contre la Cour en tant que telle. Pour contrer la procédure à charge de leur pair, la stratégie de l'Union africaine a consisté d'abord dans des démarches auprès du Conseil de sécurité des Nations unies aux fins de l'application de l'article 16 du Statut de Rome. L'échec de ces démarches a été à la base de la stratégie actuelle de l'adoption d'une résolution d'impunité. Ce genre de dispositions fait l'objet de critiques de la part des Etats soucieux de la lutte contre l'impunité. Nous pensons alors qu'il est très difficile que cette situation connaisse une évolution notable. En effet, il sera mal vu que le Conseil de sécurité qui a déféré les crimes internationaux les plus graves commis au Soudan se dédire en adoptant une résolution aux fins de mettre fin, ne serait-ce que momentanément, aux enquêtes qui s'en sont suivies ». In GUELDICH (Hajer), « La Cour pénale internationale : une justice trébuchante », in Recueil d'études offert en l'honneur de Pr. Rafaa Ben Achour, Mouvances du Droit, Simpact, 2015, Tome III, pp.89-130.

Cour178), ainsi que la visite de Omar El Béchir en Afrique du Sud lors du 25° Sommet de l'Union africaine en juin 2015, sans être arrêté et remis à la Cour"179, ont été des occasions intéressantes pour ranimer le débat et focaliser l'hostilité africaine à l'égard de la Cour"180. S'y ajoute l'obstination tant de la République démocratique du Congo181 que de l'Ouganda182dans leur refus d'exécuter les demandes de coopération de la Cour relatives à l'arrestation et à la remise respectivement de Bosco Ntanganda et d'autres personnes poursuivies devant la Cour pénale internationale.

Plusieurs raisons, militent à cette hostilité des États africains à l'égard de la CPI. La plus importante d'entre elles est la sauvegarde de la paix menacée par les poursuites judiciaires, y compris par la Cour pénale internationale. En effet, « Que ce soit dans le cas de l'Ouganda, celui de la République démocratique du Congo ou du Soudan, le refus opposé par les États africains aux demandes de coopération de la Cour pénale internationale trouve sa justification dans la volonté de sceller la réconciliation nationale, mieux de faire la paix »183. Autrement dit, le manquement par les États africains à leur obligation de coopération avec la Cour pénale

178 La Cour pénale internationale "n'est plus le lieu de la justice mais le jouet des pouvoirs impérialistes en déclin" a préféré analyser Uhuru Kenyatta à la tribune de l'UA. "Cette Cour agit sur demande des gouvernements européens et américain, contre la souveraineté des États et peuples africains. (...) des gens ont qualifié cette situation de chasse raciale, j'ai de grandes difficultés à être en désaccord". Le président kényan a mis en cause les États-Unis et la Grande-Bretagne, voir « Faire bloc face à la CPI ». Lien : http://information.tv5monde.com/info/l- union-africaine-s-oppose-la-cour-penale-internationale-4601, consulté le 28 septembre 2023 à 13h34

179 Présent à Johannesburg pour le 25e Sommet de l'Union africaine, le président soudanais a quitté librement L'Afrique du Sud, pourtant tenue de l'extrader par la Cour pénale internationale, voir « Omar el-Béchir défie (Encore) la CPI. Lien : https:// www.liberation.fr/planete/2015/06/15/omar-el-bechir-defie-encore-la- cpi_1330087/, consulté le 28 septembre 2023 à 13h50

180 Cf. Sanji Mmasenono Monageng, (première vice-présidente et juge à la CPI), originaire du Botswana, estime que les relations entre l'UA et la CPI « n'ont probablement jamais été aussi tendues et soumises à rude épreuve qu'aujourd'hui ».

181 Après s'être fait passer pour le modèle, en matière de coopération entre la Cour et les Etats parties en arrêtant et en remettant à la Cour trois de ses ressortissants prés rappelés, la République démocratique du Congo a malheureusement fini par s'obstiner de coopérer, en refusant d'arrêter et de remettre un autre de ses ressortissants, en l'occurrence Bosco Ntanganda.

182 Premier État à avoir renvoyé les crimes commis sur son territoire à la Cour pénale internationale, l'Ouganda est également le premier à avoir mis en échec l'exécution des demandes de la même Cour relatives à l'arrestation et à la remise de ses ressortissants.

183 WETSH'OKONDA KOSO (Marcel), « Vers l'émergence du droit communautaire pénal africain ? », in Justice Internationale. Lien : http://www.grotius.fr/vers-l%E2%80%99emergence-du-droit-communautairepenal- africain, consulté le 28 septembre 2023 à 14h11

internationale passe pour le prix à payer pour l'instauration de la paix. Mais normalement, ces États africains auraient dû, avant de ratifier le Statut de la Cour pénale internationale, s'assurer de l'adéquation de cet instrument à leur stratégie de paix. En dehors de l'impératif de la paix, un autre argument derrière lequel se retranchent certains États africains pour expliquer la dégradation de leurs relations de coopération avec la Cour pénale internationale est celui de l'instrumentalisation de la Cour à des fins politiques.

La CPI doit-elle être considérée comme une institution partialisée ? En tout cas nous pensons que les faits parlent d'eux-mêmes.

B : Une abondance d'impunités

Ces dernières années, la Cour pénale internationale (CPI) a été confrontée à une surveillance croissante quant à sa capacité à rendre justice et à demander des comptes aux auteurs de crimes internationaux. L'un des défis les plus importants auxquels est confrontée la CPI est la question de l'impunité, grâce à laquelle les individus accusés de crimes graves ne peuvent échapper aux poursuites et aux sanctions. Force est de constater que plusieurs acteurs contre lesquels la CPI a délivré des mandats pour leurs arrestations sont toujours en libertés. Si l'argument de la partialité de la cour à l'égard des supers puissances de l'occident est réitéré, il y a lieu de relever que les actions de la cour réellement sont à géométrie variable.

Les causes sont nombreuses, en effet les États puissants, comme les États-Unis, la Russie, la Chine ou Israël, se sont dotés de mécanismes juridiques ou politiques pour échapper à la compétence de la CPI, comme le refus de ratifier le Statut de Rome, l'usage du veto au Conseil de sécurité de l'ONU, ou la non-reconnaissance de la CPI par certains États. Á titre d'exemple on peut prendre les mandats d'arrêts délivrés depuis le 17 mars 2023, par la Chambre préliminaire II de la Cour pénale internationale l'encontre de deux personnes dans le cadre de la situation en Ukraine : le président russe Vladimir Vladimirovitch Poutine et Maria Alekseïevna Lvova-Belova184 et qui par la nature des choses sont toujours en liberté. Outre l'argument de l'incidence politique que ça pouvait engendrer, si ces personnalités furent

184 « Situation en Ukraine : les juges de la CPI délivrent des mandats d'arrêt contre Vladimir Vladimirovitch Poutine et Maria Alekseïevna Lvova-Belova ». Lien : https:// www.icc-cpi.int/fr/news/situation-en-ukraine-les- juges-de-la-cpi-delivrent-des-mandats-darret-contre-vladimir, consulté le 29 septembre 2023 à 12h17

arrêtées, il y a aussi l'obstacle de la ratification du statut de la CPI que la Russie n'a pas fait et le refus de certains États de coopérer à l'instar de la Hongrie185.

Á titre d'exemple, on peut prendre le cas de la Géorgie qui en 2016, une enquête a été autorisée sur les crimes commis lors du conflit de 2008 entre la Russie et la Géorgie en Ossétie du Sud. Cette enquête comportait cependant de nombreux risques pour la CPI dans la mesure où elle semblerait irresponsable si elle se contente de porter plainte contre les Géorgiens, qui après tout ont été victimes de l'agression russe dans ce conflit. Mais s'il cherchait à poursuivre en justice des responsables du gouvernement ou de l'armée russe, il serait confronté à un tout autre ensemble de risques. La Russie n'a jamais ratifié le Statut de Rome et a clairement exprimé son hostilité à l'égard de la CPI. Vladimir Poutine n'a probablement pas besoin de l'encouragement d'une loi d'invasion de La Haye pour défendre les intérêts de la Russie s'il les estime sérieusement menacés par la CPI. Également la Bangladesh (Myanmar) en 2019, une enquête a été autorisée sur le traitement réservé par le Myanmar à sa minorité ethnique Rohingya. La portée juridictionnelle de la Cour est toutefois ténue, étant donné que le Myanmar n'a pas ratifié le Statut de Rome et que les actions du gouvernement se déroulent sur le territoire du Myanmar. Le Procureur affirme que le fait que des Rohingyas soient expulsés vers le Bangladesh - pays partie au Statut de Rome suffit à conférer compétence à la Cour, mais cette affirmation sera certainement contestée si des accusations étaient portées un jour. Ensuite le cas de l'État de la Palestine. En effet en 2015, l'État de Palestine a déclaré avoir ratifié le Statut de Rome et, s'appuyant sur cela ainsi que sur une décision de la Chambre préliminaire , le Procureur a annoncé en mars 2021 l'ouverture d'une enquête sur la situation en Palestine. Aux fins de cette enquête, la Palestine est définie comme la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est. Bien que le Procureur ait trouvé lors de l'examen préliminaire une base raisonnable de croire que des crimes avaient été commis par des acteurs israéliens et palestiniens, l'objectif clair de cette enquête est de porter des accusations contre les Israéliens bien qu'Israël n'ait pas ratifié le Statut de Rome en relation avec la politique israélienne. L'occupation de la Cisjordanie et ses engagements militaires épisodiques avec les forces palestiniennes à Gaza. La compétence de la CPI dans cette affaire est encore plus fragile qu'au Myanmar, étant donné que la Palestine n'est

185 « Mandat d'arrêt contre Poutine : la Hongrie ne livrerait pas le président russe à la CPI, dit son

gouvernement ». Lien : https:// www.lefigaro.fr/flash-actu/mandat-d-arret-contre-poutine-la-hongrie-ne-livrerait- pas-le-president-russe-a-la-cpi-dit-son-gouvernement-20230323, consulté le 29 septembre 2023 à 12h21

pas membre des Nations Unies et n'est pas reconnue comme un État par la plupart des gouvernements occidentaux, mais ces préoccupations ont été écartées par la CPI.

Certes, l'ouverture d'une enquête de la CPI n'équivaut pas au lancement d'accusations pénales, et il reste donc possible que la Cour décide finalement de ne pas exercer la compétence pénale qu'elle prétend avoir sur les accusés potentiels dans ces affaires. Mais des considérations politiques suggèrent qu'il sera extrêmement difficile pour la Cour de ne pas porter plainte dans au moins certaines de ces affaires. Si la CPI devait porter plainte contre des Américains pour leurs actions en Afghanistan, une confrontation politique avec les États-Unis serait assurée. Rien n'indique que l'administration du président Biden s'écartera de la politique de tous les présidents américains précédents consistant à rejeter la compétence de la CPI sur les Américains au motif que les États-Unis n'ont pas ratifié le Statut de Rome. Et aussi Si la CPI devait porter plainte contre des Israéliens qui, comme les Américains, sont originaires d'un pays qui n'a pas ratifié le Statut de Rome les conséquences politiques en Amérique seraient presque aussi importantes.

Pour rappel, l'année dernière, un groupe bipartisan de 69 sénateurs a envoyé une lettre fustigeant la CPI pour avoir repris le cas de la Palestine et affirmant que « les États Unis devraient s'opposer pleinement à toute enquête biaisée sur Israël ». En plus d'affirmer que la CPI n'a pas qualité pour décider si la Palestine est un État et quelles sont ses frontières, la lettre déplore que les actions de la CPI « entraveraient davantage le chemin vers la paix »186.

En somme, malgré les avancées réalisées par la Cour pénale internationale dans la poursuite des criminels de guerre et des responsables de crimes internationaux, il règne encore beaucoup d'impunité dans le monde. La CPI fait face à de nombreux défis, notamment en ce qui concerne la ratification de son statut, la coopération des États, la protection des témoins et la gestion des preuves.

186 « Les défauts fondamentaux de conception de la CPI sont devenus encore plus évidents ». Lien : https:// www.international-criminal-justice-today.org/arguendo/the-iccs-fundamental-design-flaws-have-only- become-more-evident/, consulté le 29 septembre 2023 à 13h 38

TITRE II : UNE CRISE Á RELATIVISER DU DROIT INTERNATIONAL

« Le droit international est un système juridique robuste qui a traversé de nombreuses crises au fil des siècles. Il a toujours réussi à s'adapter et à évoluer pour répondre aux nouveaux défis qui se posent »187, « Bien que confronté à des défis importants, le droit international dispose de mécanismes de résilience qui lui permettent de s'adapter et de survivre. Les principes fondamentaux du droit international, tels que la souveraineté étatique et la non- ingérence, restent pertinents et continuent à être respecté »188. Á la lumière de ces deux pensées se dégage le caractère de résilience que revête le droit international.

En effet, au fil des ans, le droit international a connu une série de défis qui ont érodé sa légitimité et son efficacité. La crise du système juridique international se manifeste de diverses manières, du nombre croissant de violations du droit international à la fragmentation de la juridiction internationale et la politisation des organisations internationales. Cependant, malgré cette crise, il existe encore des domaines dans lesquels le droit international continue de fonctionner efficacement. Par exemple, le régime international des droits de l'homme a réalisé des progrès significatifs au cours des dernières décennies, avec la création de cours et tribunaux internationaux, l'adoption de nombreux traités et conventions et le développement d'un cadre solide pour la protection des droits de l'homme. De même, le droit commercial international a continué d'évoluer et de s'adapter aux réalités économiques changeantes, offrant ainsi un cadre juridique stable au commerce et aux investissements internationaux. En outre, les nouvelles technologies et les médias sociaux ont permis aux individus et aux organisations de la société civile de jouer un rôle plus important dans la promotion de la responsabilité et du respect du droit international en mettant en oeuvre de véritables perspectives. Cela a contribué à contrebalancer certaines des tendances négatives du système juridique international et a fourni de nouvelles opportunités de plaidoyer et d'activisme.

187CASSESE (Antonio), « La clause Martens et les lois de la guerre », Presse de l'Université d'Oxford, 1991, p. 12.

188 SCHWEBEL (Stephen Myron), « L'avenir du droit international », Presse de l'Université d'Oxford, 1994, p. 178.

Cette partie s'inscrira scrupuleusement dans cette logique, ce qui nous subordonne à mettre en exergue la survivance du droit international de par les efforts constatés dans certains domaines précis (Chapitre I) et on discutera également des stratégies potentielles pour revitaliser l'état de droit international au niveau mondial dans le cadre des perspectives de solution qui sont envisagées (Chapitre II).

Chapitre I- Des efforts de résilience constatés

La légitimité du droit international a été remise en question ces dernières années, certains affirment qu'il n'est plus adapté à son objectif dans le monde actuel en évolution rapide. Cependant, malgré ces critiques, le droit international reste un outil essentiel pour promouvoir la paix, la stabilité et la coopération entre les nations. La normativité du droit international lui a permis de perdurer et de s'adapter aux nouveaux défis, réaffirmant ainsi sa pertinence et son importance à l'ère moderne. Dans cette partie, nous examinerons sa capacité de résilience à l'évolution de la dynamique mondiale. S'inscrivant dans la logique que le droit international reste une composante essentielle du système international et que sa force normative continue de façonner le comportement des États et des autres acteurs sur la scène mondiale, on abordera le cas de la protection des Individus (section I) et le cas de la protection de l'environnement (section II).

Section I - En matière de protection des individus

Dans un monde de plus en plus interconnecté, la protection des individus est devenue une préoccupation pressante pour la communauté internationale. Avec la montée de la mondialisation et la prolifération des menaces transnationales, la nécessité d'un cadre juridique solide pour sauvegarder les droits de l'homme et prévenir les violations n'a jamais été aussi évidente. Dans ce contexte, le droit international s'est révélé être un outil crucial dans la quête de protection des individus contre les abus de pouvoir, l'exploitation et surtout dans le cadre du phénomène migratoire. Malgré de nombreux défis et critiques, le droit international a fait preuve d'une résilience et d'une adaptabilité remarquables, continuant à évoluer et s'adapter pour répondre aux besoins changeants d'un monde en évolution rapide. Cette partie explorera les efforts d'adaptation du droit international dans le domaine de la protection individuelle notamment en matière des réfugiés et apatrides (paragraphe 1), et des investisseurs étrangers (paragraphe 2) tout en examinant les divers mécanismes et instruments qui ont été développés pour protéger les personnes de tout danger et faire respecter leurs droits fondamentaux. De la jurisprudence des cours et tribunaux internationaux à la prolifération des traités et conventions, cette partie démontrera que le droit international reste un rempart vital contre les forces qui cherchent à porter atteinte à la dignité humaine et à la sécurité.

Paragraphe 1 : En matière de protection des réfugiés et des apatrides

La protection des réfugiés et des apatrides s'observe par le cadre conventionnel qui est adapté (A) et le cadre juridictionnel qui est dynamisé (B) par l'abondance des décisions tendant à la sauvegarde des droits des réfugiés et des apatrides.

A : Un cadre conventionnel adapté

Avant tout propos, il sied de rappeler, l'approche définitoire des deux notions. Ainsi , le terme « réfugié » s'appliquera à toute personne « qui, par suite d'événements survenus avant le premier janvier 1951 et craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels

événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner »189. Cette définition du refugié a été élargie par la Convention de l'Organisation de l'Unité africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, un traité régional adopté en 1969, pour y inclure une considération plus objectivement fondée, à savoir ,toute personne qui, « du fait d'une agression, d'une occupation extérieure, d'une domination étrangère ou d'événements troublant gravement l'ordre public dans une partie ou la totalité de son pays d'origine ou du pays dont elle a la nationalité , est obligée de quitter sa résidence habituelle pour chercher refuge dans un autre endroit à l'extérieur de son pays d'origine ou du pays dont elle a la nationalité »190. Quant aux apatrides, ils se définissent comme « Aux fins de la présente Convention, le terme "apatride" désigne une personne qu'aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation »191.

La première convention précitée consacre un principe très cardinal en matière de protection des réfugiés et des apatrides. Ce principe c'est le principe de non refoulement qui est énoncé comme suite « Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques »192. Le refoulement est également interdit, explicitement ou implicitement, par la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants193, la Quatrième Convention de Genève de 1949194, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques195, la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, et les Principes relatifs à la prévention

189 Article 1 A 2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le droit des réfugiés, p.14.

190 Article 1 alinéa 2 de la Convention de l'Organisation de l'Unité africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique entrée en vigueur le 20 juin 1974.

191 Article 1 de la convention de New York relative au statut des apatrides du 28 septembre 1954, p.3.

192 Convention de Genève sur le droit des réfugiés, op.cit., article 33 alinéa 1

193 « Aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture ». Article 3 alinéa 1 de Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1984.

194 « Une personne protégée ne pourra, en aucun cas, être transférée dans un pays où elle peut craindre des persécutions en raison de ses opinions politiques ou religieuses », article 45 paragraphe 4 du quatrième Convention de Genève relative À LA PROTECTION DES PERSONNES CIVILES EN TEMPS DE GUERRE DU 12 AOÛT 1949.

195 « Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une expérience médicale ou scientifique ». Article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 23 mars 1976.

efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires. Le refoulement est aussi interdit, explicitement ou implicitement, par un certain nombre d'instruments régionaux des droits de l'homme, dont la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales196,la Convention américaine relative aux droits de l'homme197, la Convention de l'OUA sur les réfugiés198, et la Déclaration du Caire sur la protection des réfugiés et des personnes déplacées dans le monde. Il est largement admis que l'interdiction du refoulement s'inscrit dans le cadre du droit international coutumier. Cela signifie que même les États qui ne sont pas parties à la Convention de 1951 doivent respecter le principe du non- refoulement.

Outre ces convenions de base de la protection des réfugiés et apatrides qui ont pour point de départ la déclaration universelle des droits de l'homme adoptée en 1948, il y' a eu des avancées majeures, évolutives par rapport aux exigences et aux diverses mutations de la société internationale en matière de protection des réfugiés et apatrides. Nous pouvons prendre comme exemple la déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants de 2016199, le pacte

196 « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales entrée en vigueur le 01 aout 2021.

197 « Toute personne a le droit, en cas de persécution pour délits politiques ou pour délits de droits commun connexes à des délits politiques, de rechercher et de recevoir asile en territoire étranger conformément à la loi de chaque État et aux conventions internationales » et « En aucun cas l'étranger ne peut être refoulé ou renvoyé dans un autre pays, que ce soit son pays d'origine ou non, lorsque son droit à la vie ou à la liberté individuelle risque de faire l'objet de violation en raison de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de sa condition sociale ou en raison de ses opinions politiques ». Alinéa 7 et 8 de l'article 22 de la Convention américaine relative aux droits de l'homme entrée en vigueur le 18 juillet 1978

198 Les États membres de l'OUA s'engagent à faire tout ce qui est en leur pouvoir, dans le cadre de leurs législations respectives, pour accueillir les réfugiés, et assurer l'établissement de ceux d'entre eux qui, pour des raisons sérieuses, ne peuvent ou ne veulent pas retourner dans leurs pays d'origine ou dans celui dont ils ont la nationalité. Article 2 alinéa 1 de La Convention de l'OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, adopté par la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement lors de la Sixième Session Ordinaire, Addis-Abeba, 10 septembre 1969

199 Cette déclaration a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies et décrit une approche globale pour répondre aux besoins des réfugiés et des migrants. Il comprend des engagements visant à protéger les droits des réfugiés et des migrants, à accroître l'accès à l'éducation et aux opportunités d'emploi et à renforcer la gouvernance mondiale des migrations.

mondial sur les réfugiés et des migrations sûres de 2018200 et la convention de Kampala de l'Union africaine de 2009201. Également aussi les stratégies du HCR sur l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes et des filles (Stratégie 2018)202 et la Politique du HCR sur la protection des personnes LGBTIQ+ (Politique 2019)203.

Au regard de tout ce qui précède, même s'il existe certainement des défis et des lacunes dans la mise en oeuvre du cadre conventionnel international pour la protection des réfugiés et des apatrides, celui-ci reste un outil vital et efficace pour fournir protection et soutien à ceux qui en ont le plus besoin. Ce cadre repose sur les principes des droits de l'homme et de la dignité humaine et représente un engagement commun de la communauté internationale à protéger et à assister ceux qui sont contraints de fuir leur foyer ou qui sont sans nationalité. Par conséquent, malgré les débats et controverses en cours autour de la question de la protection des réfugiés, il est clair qu'il existe un cadre conventionnel adéquat garanti par le droit international pour la protection des réfugiés et des apatrides. Ce cadre constitue une base essentielle pour les efforts visant à s'attaquer aux causes profondes de la migration forcée et de l'apatridie, et à garantir que les personnes touchées par ces problèmes soient traitées avec la dignité et le respect qu'elles méritent.

B : Un cadre juridictionnel dynamisé

200 Ce pacte fait suite à la Déclaration de New York et fournit un cadre permettant aux pays de travailler ensemble pour faire face aux crises de réfugiés. Il comprend des mesures visant à améliorer la protection des réfugiés, à accroître l'accès à des solutions durables et à établir des partenariats plus solides entre les gouvernements, la société civile et d'autres parties prenantes, et à promouvoir une migration sûre, ordonnée et régulière, tout en protégeant les droits des migrants et en s'attaquant aux causes profondes de la migration.

201 Cette convention est un instrument régional qui traite de la protection des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays (PDI) en Afrique. Il fournit un cadre permettant aux personnes déplacées d'accéder à la protection et à l'assistance, et aux États de prévenir et de répondre aux déplacements internes

202 Cette stratégie reconnaît les défis spécifiques au genre auxquels sont confrontées les femmes et les filles dans les contextes de réfugiés et vise à promouvoir leur autonomisation et leur protection

203: Cette politique reconnaît les risques spécifiques auxquels sont confrontés les lesbiennes, les gays, les bisexuels, les transgenres, les queer et autres personnes qui peuvent être marginalisés ou victimes de discrimination en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.

Aujourd'hui face au flux migratoire et aux conflits qui sévissent dans le monde entier, la protection des réfugiés, migrants et des apatrides sont les fers de lance de la justice internationale. On assiste à une tendance accrue vers la protection et la sauvegarde des droits des réfugiés. Ce que témoigne l'abondance des jurisprudences des cours communautaires en la matière. Une décision rendue par la cour européenne des droits de l'homme en est une parfaite illustration du moins un meilleur aboutissement jurisprudentiel sur cette tendance. Il s'agit de l'affaire Hirsi Jamaa contre l'Italie204.

En espèce, les requérants, ressortissants somaliens et érythréens, ont fait partie d'un groupe d'environ 200 personnes qui a quitté à bord de trois embarcations la Libye pour rejoindre les côtes italiennes. Après avoir été interceptés en haute mer par les autorités italiennes en mai 2009, ils ont été reconduits immédiatement et directement en Libye sur le fondement d'un accord bilatéral italo-libyen en vigueur depuis février 2009 sans qu'aucune procédure d'identification des personnes concernées n'ait eu lieu. Les requérants invoquaient l'article 3 de la Convention de Genève sur le droit des réfugiés en soutenant que la décision des autorités italiennes de les renvoyer vers la Libye les avait exposés au risque d'y être soumis à de mauvais traitements mais également au risque de subir le mauvais agissements en cas de rapatriement vers leurs pays d'origine. Ils invoquaient également l'article 4 du Protocole n°4 qui interdit les expulsions collectives.

La Cour conclut, à l'unanimité, qu'il y a eu violation de ces articles. Elle estime en s'appuyant sur les observations de plusieurs organisations internationales faisant état des conditions de détention inhumaines des migrants irréguliers et demandeurs d'asile en Libye que les autorités italiennes savaient ou devaient savoir que les requérants y seraient exposés à des traitements contraires à la Convention. En les transférant en pleine connaissance de cette cause, les autorités italiennes ont exposé les requérants au traitement inhumain et dégradant. Elle juge également qu'au moment de leur transfert vers la Libye, les autorités savaient ou devaient savoir qu'il n'existait pas de garanties suffisantes protégeant les requérants du risque d'être renvoyés arbitrairement dans leurs pays d'origine. Le transfert vers la Libye ayant lieu sans examen des situations individuelles des requérants, l'éloignement des requérants a eu un caractère collectif contraire à l'article 4 du Protocole n°4 relatifs au statut des réfugiés.

204 CEDH, Arrêt relatif au refoulement de migrant sans examen de leur situation individuelle constitutif d'une expulsion collective les exposant à un risque de traitement inhumain et dégradant (HIRSI JAMAA ET A. C. Italie, du 23 février 2012

Pour prendre, cette décision la cour a rappelé à l'Italie sa signature de la convention européenne des droits de l'homme, et certaines conventions communautaires et internationales qui encadrent la protection des réfugiés et à rappeler l'obligation qui découle de l'application de ces conventions par les États parties en se référant à la note sur la protection internationale du HCR, qui a pour mandat de veiller à la manière dont les États parties appliquent la Convention de Genève205.

Outre cette affaire, il existe d'autres affaires remarquables dans lesquelles les cours de justices ont rendu une décision remarquable en la matière notamment : l'affaire ``Ma'' contre l'État de Danemark206 dans laquelle la Cour Européenne des Droits de l'Homme a conclu que la détention d'un réfugié pendant plus de six mois était excessive et violait son droit à la liberté et à la sécurité personnelle ; l'affaire ``MK contre France''207 dans laquelle la CEDH a condamné la France pour avoir expulsé un ressortissant congolais sans prendre en compte les risques de torture et de traitements inhumains qu'il encourait dans son pays d'origine. L'arrêt a rappelé que les États membres ont une obligation de garantir le respect des droits de l'homme, y compris lors de l'adoption de mesures de sécurité ; l'affaire Usmanov contre la Russie208 où la CEDH a condamné la Russie pour avoir expulsé un ressortissant tadjik sans lui offrir une procédure régulière pour examiner sa demande d'asile ; dans d'autres affaires notamment celle opposant Khalifa à l'Italie, la CEDH209 a condamné l'Italie pour avoir maintenu des conditions carcérales pour des migrants arrivés illégalement sur son sol, limitant la sécurité que cela violait

205 A/AC.96/951, § ; 16 du 13 septembre 2001. Dans cette note le HCR a indiqué que le principe énoncé à l'article 33, dit du « non-refoulement », était : « un principe de protection cardinal (...) ne tolérant aucune réserve. A bien des égards, ce principe est le complément logique du droit de chercher asile reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Ce droit en est venu à être considéré comme une règle de droit international coutumier liant tous les États. En outre, le droit international des droits de l'homme a établi le non-refoulement comme un élément fondamental de l'interdiction absolue de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants. L'obligation de ne pas refouler est également reconnue comme s'appliquant aux réfugiés indépendamment de leur reconnaissance officielle, ce qui inclut de toute évidence les demandeurs d'asile dont le statut n'a pas encore été déterminé. Elle couvre toute mesure attribuable à un Etat qui pourrait avoir pour effet de renvoyer un demandeur d'asile ou un réfugié vers les frontières d'un territoire où sa vie ou sa liberté serait menacés, et où il risquerait une persécution. Cela inclut le rejet aux frontières, l'interception et le refoulement indirect, qu'il s'agisse d'un individu en quête d'asile ou d'un afflux massif ».

206 CEDH, M.A. c. DANEMARK, 09 juillet 2021, 001-211258.

207 CEDH, MK c. la France, 2018, n° 72711/11.

208 CEDH, Usmanov c. Russie, 2020, n° 43936/18

209 CEDH, KHLAIFIA ET AUTRES c. Italie,2019, 16483/12

leur droit à la liberté et à la personne. L'arrêt a rappelé que les États membres doivent respecter les droits fondamentaux des étrangers, y compris ceux qui entrent illégalement sur leur territoire. Il en est de même de l'affaire AC contre la Belgique210, où la cour a condamné la Belgique pour avoir refusé d'examiner la demande d'asile d'un ressortissant irakien, considérant que cela violait son droit à une procédure régulière pour examiner sa demande d'asile. L'arrêt a souligné que les États membres doivent garantir un accès efficace à une procédure pour examiner les demandes d'asile.

La Cour africaine des droits de l'homme a rendu des décisions très importantes en matière de protections des droits des réfugiés et apatrides. On relève l'Affaire Anudo Ochieng Anudo c. République-Unie de Tanzanie211 dans laquelle elle a condamné la Tanzanie pour avoir violé le droit à la nationalité et le droit à un recours effectif de M. Anudo, qui a été expulsé de force vers le Kenya, où il a été détenu comme apatride. La CADH a ordonné à la Tanzanie de lui restituer sa nationalité ou de lui en accorder une nouvelle, de lui permettre de rentrer sur le territoire tanzanien et de lui verser une indemnisation. Il en de même de l'Affaire actions pour la protection des droits de l'homme (APDH) contre République de Côte d'Ivoire212 où la cours a condamné la Côte d'Ivoire pour avoir violé le droit à l'égalité devant la loi et le droit à la participation politique des personnes d'origine étrangère ou supposée telle, qui sont souvent victimes de discrimination et d'exclusion. Elle a ordonné ensuite la Côte d'Ivoire de réviser sa loi électorale et de prendre des mesures pour garantir l'inscription sur les listes électorales et la délivrance des cartes d'identité à ces personnes.

Á cela s'ajoute, des jurisprudences nationales en matière de protection de droit de l'homme. C'est le cas de l'affaire R (JS) c. Secretary of State for the Home Department213 dans laquelle la Cour Suprême du Royaume-Uni a statué que les réfugiés ont un droit à une décision équitable sur leur demande d'asile et que les autorités britanniques doivent prendre en compte les risques potentiels de persécution pour les réfugiés retournant dans leur pays d'origine.

210 CEDH, Abdoulaye Camara c. Belgique, 2023, 49255/22.

211 CADH, 02 décembre 2021, ANUDO OCHIENG ANUDO C. RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE, REQUÊTE N° 012/2015.

212 CADH, 18 NOVEMBRE 2016, ACTIONS POUR LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME (APDH) c. LA REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE, REQUETE N°001/2014.

213 UKSC, R (JS) c. Secrétaire d'État au ministère de l'Intérieur,19 octobre 2016, UKSC 2016/0161.

En somme, le cadre juridictionnel dynamique représente une avancée importante pour la protection des réfugiés et apatrides, en offrant une voie judiciaire pour défendre leurs droits et libertés fondamentales.

Paragraphe 2 : En matière de protection des investisseurs étrangers

Les investisseurs étrangers cherchent des conditions d'opération qui les protègent face à l'instabilité économique. Une protection juridique consistante des investissements étrangers, de préférence sous la forme de règles internationales uniformes, s'impose donc d'autant plus. Ainsi, il parait utile qu'un tel système de protection ait vu le jour. Les États d'accueil sont en effet liés par des normes internationales visant à protéger les investisseurs étrangers des aléas politiques. La bonne application de ces normes, peut généralement être vérifiée à l'initiative des investisseurs, par des tribunaux d'arbitrage internationaux. L'État voit ainsi son action soumise à un contrôle extrême. Le droit international des investissements, évolue dans un sens favorable aux investisseurs, car il fait entrer dans son champ d'application toute la panoplie de l'action publique. Ce qui nous subordonne pour une bonne appréhension à évoquer les garanties juridiques (A) concourant à une protection accrue des investisseurs étrangers et dans un autre volet aborder les garanties juridictionnelles (B).

A : Des garanties juridiques

La protection des attentes légitimes des investisseurs étrangers a été assurée par l'ensemble des traités d'investissements qui ont été le plus souvent des traités bilatéraux d'investissements conclus entre les pays d'origine des investisseurs ou de l'investissement et les pays hôtes de l'investissement. En effet, cette protection a été à l'origine rudimentaire c'est-à-dire peu développée. Les traités bilatéraux d'investissement (TBI) font partie d'un régime d'investissement international encadrant la manière selon laquelle un pays et son gouvernement peuvent établir des règles applicables aux avoirs étrangers. Au Canada, les TBI sont appelés accords de promotion et de protection de l'investissement étranger (APIE). Par ailleurs, les accords bilatéraux de libre-échange contiennent des dispositions presque identiques à celles des TBI qui prennent la forme de chapitres sur l'investissement et s'ajoutent à d'autres dispositions

sur le commerce (par exemple le chapitre 11 de l'Accord de libre-échange nord-américain214). Ce régime d'investissement relève d'une application du droit international qui assure aux investisseurs étrangers (individus et sociétés) un haut niveau de protection contre le traitement arbitraire des États où ils possèdent des actifs. On compte plus de 2 600 traités bilatéraux dans le monde. Ces traités régissent l'action des gouvernements de façon rigoureuse, mais n'imposent pas ou imposent peu de responsabilités aux investisseurs.

Il y'a aussi des conventions bilatérales d'encouragement et de protection réciproque des investissements qui sont des traités internationaux, conclus sur la base de la réciprocité, entre deux États, afin de : définir les principes et les règles de traitement et de protection qui régiront les investissements des ressortissants d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante. Parmi les règles de traitement de l'investissement, les traités peuvent prévoir les règles du traitement national et/ou les règles de la Nation la plus favorisée215 (clause NPF). Le principe du traitement national consiste pour l'État d'accueil à fixer la même règle de traitement pour l'investisseur étranger et pour l'investisseur national. Selon la clause NPF, un investisseur étranger ne saurait recevoir un traitement moins favorable que l'investisseur ressortissant de la nation la plus favorisée. Les traités ne concernent généralement que la phase post-implantation, sauf ceux signés par les États-Unis qui abordent la question de la phase d'implantation. S'agissant de la protection des investissements, les traités comprennent les règles applicables aux mesures de dépossession, aux sinistres ou dommages provoqués par les événements politiques, au transfert des investissements. De choisir les mécanismes qui permettront de régler les différends entre ces parties. Les accords de protection de l'investissement consacrent l'arbitrage comme mode privilégié de règlement des différends, si les parties ne sont pas parvenues à un accord au terme d'un règlement amiable. Ils permettent aux parties d'invoquer cette clause et de recourir au système qu'elles prévoient en dehors du contexte contractuel.

214 Le chapitre 11 de L'Accord de Libre Echange Nord-Américain entrée en vigueur le 01 janvier 1994 se divise en trois sections : la section A - Obligations en matière d'investissement dont les Parties à l'Accord ont convenu. (Articles 1101 à 1114), la section B - Procédures de règlement lorsqu'un différend survient entre une Partie et un investisseur d'une autre Partie. (Articles 1115 à 1138) ; la section C - Définition de certains termes employés dans ce chapitre. (Article 1139).

215 La clause de la nation la plus favorisée est une clause fréquente des traités de commerce international « par laquelle chaque État signataire s'engage à accorder à l'autre tout avantage qu'il accorderait à un État tiers ». KOULICHER (Joseph), « Les traités de commerce et la clause de la nation la plus favorisée du, XVIe au XVIIe siècle », Revue d'histoire moderne et contemporaine, Paris, Belin / CNRS, nos 6-31, 1931, p. 3-29.

Dans la sphère africaine, il y'a le Protocole d'investissement de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) signé en 2008 qui vise à promouvoir et à protéger les investissements au sein de la région de la CEDEAO. Il fournit un cadre pour le traitement des investisseurs étrangers, y compris des garanties de traitement juste et équitable, une protection contre l'expropriation et un libre transfert de fonds et beaucoup de convention.

Ces conventions posent des principes cardinaux, qui concourent à la protection des investisseurs estrangers. On note le principe de non-discrimination qui impose aux États le devoir de traiter sans discrimination les investisseurs étrangers mais aussi les investissements nationaux. Á cet égard il faut admettre que la discrimination est interdite, elle doit l'être aussi bien à l'égard des individus et des sociétés étrangères qu'à l'égard des filiales de sociétés étrangères domiciliées sur place mais contrôlées par l'étranger. Des questions qui se posent apparaissent dès qu'il s'agit d'en poser les termes : le traitement de l'investisseur étranger doit- il être rapproché de celui de l'investisseur national, ou de celui des investisseurs étrangers d'autres nationalités ? Et, dans le cadre de cette double comparaison, en quoi consiste l'égalité

?

Tout d'abord, on doit noter que le principe de la non-discrimination est limité au régime applicable à l'investissement étranger autorisé comme le précise l'article I alinéa 3 de la résolution 1803 (XVII) de l'Assemblée Générale des Nations Unies qui dispose que : « Dans les cas où une autorisation sera accordée, les capitaux importés et les revenus qui en proviennent seront régis par les termes de cette autorisation, par la loi nationale en vigueur et par le droit international216».

Ce principe repose sur des clauses contingentes qui proscrivent la discrimination. D'une part, on trouve la clause du traitement national217 qui constitue un obstacle à la discrimination

216Résolution 1803 (XVII), AG/NU, du 14 décembre 1962 sur la Déclaration sur la souveraineté permanente des peuples et des Nations sur les ressources naturelles, l'article I paragraphe 3. « Dans les cas où une autorisation sera accordée, les capitaux importés et les revenus qui en proviennent seront régis par les termes de cette autorisation, par la loi nationale en vigueur et par le droit international. Les bénéfices obtenus devront être répartis dans la proportion librement convenue, dans chaque cas, entre les investisseurs et l'Etat où ils investissent, étant entendu qu'on veillera à ne pas restreindre, pour un motif quelconque, le droit de souveraineté dudit Etat sur ses richesses et ses ressources naturelles ».

217 Le traitement national est l'obligation de considérer les investisseurs étrangers et/ou leurs investissements d'une façon qui ne soit pas moins favorable que celle qui est réservée aux investisseurs nationaux dans des situations semblables. C'est une norme relative qui compare le traitement accordé aux investisseurs et/ou aux

entre investisseur étranger et investisseur national. D'autre part, la clause de la nation la plus favorisée précitée qui fait obstacle à la discrimination entre les investisseurs étrangers.

En somme, la garantie d'une protection juridique pour les investisseurs étrangers est la pierre angulaire d'une économie mondiale saine et dynamique. En offrant un environnement sûr et sécurisé pour l'investissement, les pays peuvent libérer tout le potentiel des investissements transfrontaliers, promouvoir la croissance économique et créer un avenir meilleur pour tous. À mesure que l'économie mondiale continue d'évoluer, l'importance de cette garantie ne fera que croître, ce qui en fera une préoccupation majeure pour les décideurs politiques, les chefs d'entreprise et les investisseurs.

B : Des garanties juridictionnelles

La protection des investissements étrangers est un élément crucial pour encourager les flux d'investissement internationaux et promouvoir la croissance économique durable. Dans ce contexte, les garanties institutionnelles jouent un rôle essentiel de protections des investisseurs étrangers dans la mesure où ils auront accès à des recours juridiques impartiaux et efficaces en cas de litige ou d'expropriation. Au cours de ces dernières décennies des institutions importantes comme le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), la cour internationale de justice, la Société financière internationale (SFI) de la Banque mondiale ont joué un rôle très important allant dans ce sens.

Le CIRDI est une organisation intergouvernementale créée en 1965218 pour régler les différends entre les États et les investisseurs étrangers. Il offre une plateforme pour la négociation et la médiation des conflits liés aux investissements étrangers, ainsi que pour l'arbitrage des différends qui ne peuvent être résolus par des moyens amiables. Le CIRDI est doté d'un système d'arbitrage conforme au droit international public, qui permet de trancher les litiges entre les États et les investisseurs étrangers de manière équitable et transparente. Á cet effet la CIRDI a rendu plusieurs décisions salvatrices au cours de ces dernières décennies.

investissements d'un pays étranger à celui qui est accordé aux investisseurs/investissements dans le pays d'accueil.

218 Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) a été créé par la Convention de Washington du 18 mars 1965.

Comme exemple la sentence du 13 novembre 2000, Maffezini contre Espagne219 dans laquelle le centre a rappelé encore une fois la portée de la clause de la nation la plus favorisée et aussi la décision sur la compétence du centre du 1er décembre 2000, Ceskoslovenska Obchodni220 par laquelle, le centre a adopté une approche large et flexible de la notion d'investissement, en tenant compte des caractéristiques objectives de l'opération, telles que la durée, le risque, la contribution et la régularité, ainsi que des intentions subjectives des parties, telles que l'existence d'un consentement à l'arbitrage et la protection du traité bilatéral d'investissement. Cette décision a également reconnu la personnalité juridique distincte des investisseurs étrangers par rapport à leur État d'origine, en permettant aux binationaux de recourir à l'arbitrage du CIRDI si l'une de leurs nationalités est celle d'un État contractant autre que l'État hôte. Cette décision a été suivie par de nombreux tribunaux arbitraux du CIRDI, qui ont appliqué les mêmes critères pour affirmer leur compétence sur des différends relatifs à des investissements variés221, tels que des prêts, des concessions, des contrats de construction, des licences, des actions, des obligations, etc.

La SFI, quant à elle, est une institution financière internationale créée en 1947 pour contribuer au développement économique et social des pays en voie de développement. Elle fournit des financements et des conseils techniques aux gouvernements et aux entreprises pour soutenir leur développement économique et social. Elle est également active dans la promotion de l'investissement international et dans la gestion des différends liés aux investissements étrangers.

Les responsabilités des deux institutions sont donc complémentaires dans la mesure où le CIRDI se concentre principalement sur la résolution des différends liés aux investissements étrangers, tandis que la SFI se focalise sur la promotion de l'investissement international et la fourniture de financements et de conseils techniques aux gouvernements et aux entreprises. L'analyse de leurs rôles respectifs montre que ces institutions internationales jouent un rôle important dans la résolution des différends liés aux investissements étrangers. Elles offrent des mécanismes de protections des investissements étrangers, en particulier ceux des petits et moyens entrepreneurs contre les risques politiques et commerciaux. Ces garanties encouragent

219 CIRDI, Sentence du 13 novembre 2000, Maffezini c. Espagne, Aff. N° ARB/97/7

220 CIRDI, décision sur la compétence, 1er décembre 2000, Ceskoslovenska Obchodni Banka, A.S. c./ République Slovaque, Aff. N° ARB/97/4.

221 CIRDI, sentence du 10 mars 2014, Tulip Real Estate Investment and Development Netherlands B.V. c. Turquie, Aff. N° ARB/11/28.

les investisseurs à investir dans des projets productifs et rentables, ce qui contribue considérablement à la croissance économique et sociale des pays en développement.

Outre ces deux institutions ; il y'a la cour internationale de justice qui a joué un rôle salvateur par le biais de ces décisions rendues en matière de protection des investisseurs étrangers. Dans cette optique, il y l'affaire Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée contre République Démocratique du Congo)222.

Il ressort des faits que, le 28 décembre 1998, la Guinée a déposé une requête introductive d'instance contre la République démocratique du Congo au sujet d'un différend relatif à de « graves violations du droit international » qui auraient été commises sur la personne de M. Ahmadou Sadio Diallo, ressortissant guinéen. Dans sa requête, la Guinée soutenait que Monsieur Ahmadou Sadio Diallo, homme d'affaires de nationalité guinéenne, avait été, après trente-deux (32) ans passés en République démocratique du Congo, injustement incarcéré par les autorités de cet État, spolié de ses importants investissements, entreprises et avoirs mobiliers, immobiliers et bancaires puis expulsé. La Guinée y ajoutait que « cette expulsion était intervenue à un moment où M. Ahmadou Sadio Diallo poursuivait le recouvrement d'importantes créances détenues par ses entreprises Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre sur l'État congolais et les sociétés pétrolières qu'il abritait et dont il était actionnaire ».Dans sa requête, la Guinée invoquait, pour fonder la compétence de la Cour, les déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de celle-ci faites par les deux États au titre du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour.

D'abord dans son arrêt sur le fond du 30 novembre 2010, la Cour a jugé que, eu égard aux conditions dans lesquelles M. Diallo avait été expulsé le 31 janvier 1996, la RDC avait violé l'article 13 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que le paragraphe 4 de l'article 12 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Elle a également jugé que, eu égard aux conditions dans lesquelles M. Diallo avait été arrêté et détenu entre 1995 et 1996 en vue de son expulsion, la RDC avait violé les paragraphes 1 et 2 de l'article 9 du Pacte et l'article 6 de la Charte africaine. La Cour en bon droit a conclu que « la République démocratique du Congo avait l'obligation de fournir une réparation appropriée, sous la forme d'une indemnisation, à la République de Guinée pour les conséquences préjudiciables résultant des violations d'obligations internationales visées aux points 2 et 3 du dispositif » et ensuite

222 Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), indemnisation, arrêt,

C.I.J. Recueil 2012, p. 324.

dans sa décision du 19 juin 2012, La cour a conclu que l'indemnité à verser à la Guinée s'élevait donc à un total de 95 000 dollars, payable le 31 août 2012 au plus tard. Elle a décidé que, en cas de paiement tardif, des intérêts moratoires sur la somme principale courraient, à compter du 1er septembre 2012, au taux annuel de 6 pour cent. La Cour a décidé que chaque Partie supporterait ses frais de procédure.

Cette affaire est intéressante également à d'autres égards et est d'une pertinence notoire dans la mesure où la CIJ n'est compétente que pour connaitre des litiges purement étatiques223. Mais là il s'agit d'un individu qui saisit la cour par le biais de son État et cette dernière y fait référence à la jurisprudence des autres juridictions internationales et régionales des droits de l'Homme. Des questions peuvent être soulevées sur l'interaction et l'influence mutuelle entre la CIJ et ces juridictions ainsi que sur la position qu'adopterait la Cour s'il s'agissait de questions « plus controversées touchant à la souveraineté étatique »224. La Cour adopterait-elle la position des juridictions de protection des droits de l'Homme qui sont plus protectrices ?

Toutefois, on doit relever que cette posture qu'a pris la cour n'est pas soudaine. Depuis des années déjà la cours rendait déjà des décisions remarquables en remarquable en matière de protection des investisseurs étrangers comme on l'a eu à observer dans l'arrêt CIJ, arrêt Nottebohm en 1955225 et Barcelona traction en 1970226

En somme, ces garanties institutionnelles de protection des investissements étrangers encadrées par le droit international sont un élément clé pour les particuliers qui souhaitent investir à l'étranger, et participer ainsi à la promotion de la stabilité et de la croissance économique mondiale, même si les règles sont toujours en pleine mutation.

223 Article 34-1 du statut de la cour internationale de justice.

224 EL BOUDOUHI (Saida), « Affaire Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République Démocratique du Congo), Fond : La CIJ est-elle devenue une juridiction des droits de l'Homme ? », Annuaire français du droit international, N°56, 2010, pp. 277-299.

225 CIJ, arrêt, 6 avril 1955, Nottebohm, Rec. CIJ, 1955.

226 CIJ, arrêt, 5 février 1970, Barcelona Traction (Belgique c/ Espagne), (fond), Rec. CIJ, 1970.

Section II - En matière de protection de l'environnement

La Cour internationale de justice (CIJ) déclare que : « l'environnement n'est pas une abstraction, mais bien l'espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie et de leur santé, y compris pour les générations à venir. L'obligation générale qu'ont les États de veiller à ce que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle respectent l'environnement dans d'autres États ou dans des zones ne relevant d'aucune juridiction nationale fait maintenant partie du corps de règles du droit international de l'environnement »227. Dans sa décision rendue un an plus tard dans l'affaire Gabcikovo Nagymaros, la Cour internationale de justice rappellera qu' « elle a récemment eu l'occasion de souligner dans les termes suivants toute l'importance que le respect de l'environnement revêt à son avis, non seulement pour les États mais aussi pour l'ensemble du genre humain »228. Ces deux positions de la juridiction internationale permanente montrent que les enjeux de l'environnement ont gagné la sphère des relations internationales229. À l'époque contemporaine, la protection et la préservation de l'environnement sont devenues une préoccupation mondiale. Les questions environnementales relatives aux conséquences liées à l'effet de serre, à la couche d'ozone, à la pollution atmosphérique, aux risques liés aux catastrophes nucléaires, à la montée des eaux, à l'appauvrissement de la diversité biologique ou encore à la désertification, etc. interpellent la communauté internationale dans son ensemble230. Á cet égard, de multiples sommets et rencontres internationaux sont consacrés à l'environnement. Ainsi, les Sommets de Stockholm231, de Rio5232, de Tokyo, de

227 CIJ, Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, Op.cit., p. 241-242, par. 29.

228 CIJ, affaire Gabcikovo Nagymaros, arrêt du 25 septembre 1997, Recueil 1997, p.3, par. 53.

229 SFDI, Colloque d'Aix-en-Provence, Le droit international face aux enjeux de l'environnement, Paris, éditions Pedone, 2010, 488 p.

230 OMAR (El Hadji), « Les juridictions internationales et le contentieux de l'environnement », Afrilex, mai 2021, p.1.

231KISS (Alexandre) et SICAULT (Jean-Didier), « La Conférence des Nations Unies sur l'environnement (Stockholm, 5/16 juin 1972) », in, Annuaire français de droit international, volume 18, 1972. pp. 603-628.

232 KISS 5Alexanre) et DOUMBE-BILLE (Stéphane), « Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (Rio de Janeiro-juin 1992), », Annuaire français de droit international (AFDI), volume 38, 1992, pp. 823-843.

Johannesburg233, de New York, ou celui de Paris234 ont été l'occasion pour les États d'adopter des normes internationales pour encadrer leurs actions dans ce domaine.

Il y a lieu de rappeler qu'au début du XXe siècle, quelques aspects de la protection de l'environnement étaient affirmés par certains instruments internationaux notamment, dans les domaines de la conservation des espèces et de la réglementation des activités de pêche et de Chasse235. Ainsi ces avancés sont les fruits d'un solidarisme des États (paragraphe 1) qui érigent comme principe cardinal la notion de patrimoine commun de l'humanité et aussi la réparation des dommages environnementaux qui plusieurs décennies en arrière n'était qu'un mythe. Aujourd'hui on assite à une abondance de contentieux en droit environnemental (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Une remarquable solidarité des États

La solidarité des États en matière de protection de l'environnement s'observe dans la recherche d'une répartition équitable des efforts (A) et dans la régulation par les instruments économiques (B)

A : Une obligation collective

Plusieurs principes de la Déclaration de Rio de 1992 concernent le principe essentiel de responsabilités communes mais différenciées : les principes 6, 7, 8 et 11. Sans entrer dans le détail de ces principes, il est tout de même indispensable d'apporter certaines précisions. Le principe 6 reconnaît la situation et les besoins particuliers des pays en développement, spécialement ceux des pays les moins avancés (PMA), en matière d'environnement, en raison de leur vulnérabilité sur ce plan à titre illustratif on peut prendre la COP 28236 au sommet de

233 Le 4 septembre 2002 s'est ouvert à Johannesburg le Sommet mondial pour le développement durable

234 BOISSON DE CHAZOURNES (Laurence), « Regards sur l'Accord de Paris - Un accord qui bâtit le futur », in TORRE-SCHAUB (Marta) & DELMAS-MARTY (Mireille), Bilan et perspectives de l'Accord de Paris (COP 21), IRJS Editions Regards croisés, Paris, 2017. p. 97-106.

235 BOISSON DE CHAZOURNES (Laurence), « Chapitre 15 - Droit de l'environnement », in, ALLAND (Denis),

Droit international public, Paris, PUF, 2000, p. 727.

236 La Conférence de Dubaï de 2023 sur les changements climatiques, ou COP 28, est une conférence internationale de l'Organisation des Nations unies se déroulant du 30 novembre au 12 décembre 2023.

Dubaï ou la plaidoirie des Etats Africains tourne autour du solidarisme étatique en matière de protection de l'environnement. Au contraire, le principe 7, qui consacre expressément le principe de responsabilités communes mais différenciées, met l'accent sur la responsabilité particulière des pays développés afin de parvenir à un développement durable, « eu égard aux pressions que leurs sociétés exercent sur l'environnement mondial et aux technologies et ressources financières dont ils disposent ». Le principe 11 reconnaît notamment que les normes écologiques appliquées dans certains pays industrialisés peuvent imposer un coût économique et social injustifié aux pays en développement.

La CCNUCC consacre ce principe de responsabilités communes mais différenciées, en affirmant « qu'il incombe aux parties de préserver le système climatique dans l'intérêt des générations présentes et futures, sur la base de l'équité et en fonction de leurs responsabilités communes mais différenciées et de leurs capacités respectives. Il appartient, en conséquence, aux pays développés parties d'être à l'avant-garde de la lutte contre les changements climatiques et leurs effets néfastes »237. Il s'agit d'un principe qui « appelle à une action universelle puisque chaque pays engagé par la Convention reconnaît explicitement porter une part de responsabilité, mais dans le respect des règles d'équité du fait de l'inégale distribution des responsabilités et des vulnérabilités face aux changements du climat ». Il se traduit par une double exigence pour les économistes : « les instruments économiques à mettre en oeuvre pour stabiliser la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre doivent être déployés au plan global. Mais leur déploiement à grande échelle implique que les accords sur le climat répondent aux principes d'équité en respectant notamment le droit au développement des économies les moins avancées »238.

Le sentiment général à propos du principe de responsabilités communes mais différenciées est qu'il est « théoriquement juste », mais « pratiquement d'une utilisation délicate et il constitue la source d'impasses observées dans les négociations internationales pour l'application de la Convention-cadre sur les changements climatiques »239. Á travers ce principe, le droit international de l'environnement fait naître le soupçon que les pays les plus développés

237 CNUCC, article 3-1 ; v. égal. CCNUCC, préambule et article 4 ; Protocole de Kyoto, article 10 ; Plan d'action de Bali, Décision 1/CP.13, 1. a) ; Accord de Copenhague, paragraphe 1.

238DE PERTHUIS (Christian), DELBOSC (Anaïs) et LEGUET (Benoit), « La place des instruments

économiques dans les négociations internationales sur le climat », Conseil d'analyse économique n° 87, Politique climatique : une nouvelle architecture internationale, La Documentation française, 2009, p. 115. 239 BEDJAOUI (Mohammed), L'humanité en quête de paix et de développement (II), Haye, 2008, p. 361.

pourraient ralentir le développement de ceux qui le sont moins, et devenir potentiellement « une manière pour les pays "riches" de continuer à imposer, pour des motifs environnementaux en apparence incontestables, des règles, des formes de gestion des ressources, une vision du monde, des valeurs, un modèle du bien-être qui serait le leur à leur stade de développement et en fonction des crises qu'ils traversent »240

B : Une exigence économique

La réglementation par les instruments économiques en matière de droit international de l'environnement est un ensemble de mesures destinées à encadrer les activités économiques pour préserver l'environnement et promouvoir le développement durable. Ces mesures visent à créer un cadre économique qui encourage les pratiques durables et décourage les comportements néfastes. Plusieurs instruments économiques sont utilisés dans la réglementation environnementale, notamment les taxes, les subventions, les politiques commerciales et les mécanismes basés sur le marché tels que la tarification du carbone et les obligations vertes. Ces instruments peuvent être utilisés pour internaliser les externalités négatives de la dégradation de l'environnement, telles que la pollution et le changement climatique, et pour promouvoir des pratiques durables. Comme exemple, il y a la tarification du carbone qui est un mécanisme fondé sur le marché qui fixe un prix aux émissions de carbone. Cela crée une incitation économique pour les entreprises et les particuliers à réduire leur empreinte carbone. La tarification du carbone peut prendre la forme de taxes sur le carbone ou de systèmes de plafonnement et d'échange. Également, il y a les obligations vertes241 qui sont des instruments financiers qui mobilisent des capitaux pour des projets présentant des avantages environnementaux positifs. Ils offrent aux investisseurs la possibilité de soutenir des projets durables tout en obtenant un retour sur investissement. Ensuite, la politique joue un rôle dans la promotion de pratiques durables en imposant des droits de douane sur les produits ayant des impacts environnementaux négatifs ou en offrant des incitations aux exportations durables.

240 EWALD (François), « Le droit de l'environnement : un droit de riches ? », revue Pouvoirs n° 127, 2008, p. 14.

« L'auteur estime même que le principe de précaution est utilisé comme une sorte de clause de sauvegarde permettant à chaque pays de lutter contre ce qu'il estime être une menace grave pour son environnement, le droit de l'environnement apparaissant alors comme « un droit protecteur qui, dans un monde globalisé, fournit des instruments de restauration des souverainetés nationales au nom de la protection des populations ».

241 Une obligation verte est un emprunt émis sur le marché par une entreprise ou une entité publique auprès d'investisseurs pour lui permettre de financer ses projets contribuant à la transition écologique.

Sans refaire l'historique de l'utilisation des instruments économiques dans le domaine environnemental242, il convient tout de même de rappeler que le principe 16 de la Déclaration de Rio de 1992 y fait référence en déclarant que « les autorités nationales devraient s'efforcer de promouvoir l'internalisation des coûts de protection de l'environnement et l'utilisation d'instruments économiques, (...) ». Sur le plan conventionnel, le traité décisif a été le Protocole de Kyoto, avec lequel on est passé « d'une régulation de l'environnement par les normes à une régulation par les instruments économiques (taxes et marchés des droits) »243. Le Protocole

« correspond à la conception anglo-saxonne individualiste et jurisprudentielle, confiante dans les instruments économiques, pour gérer avec la souplesse nécessaire les rapports entre les êtres humains »244. Les trois mécanismes de flexibilité introduits par le Protocole de Kyoto, et désormais célèbres, l'échange de droits d'émission, l'application conjointe et le mécanisme pour un développement propre ont pour but de permettre aux parties de remplir leurs obligations d'une manière qui assure le meilleur rapport coût-efficacité, efficacité environnementale et efficacité économique allant de pair245.

La réglementation par les instruments économiques peut contribuer à atteindre les objectifs de développement durable et de protection de l'environnement, mais cela nécessite une coordination et une coopération internationale soutenues, ainsi qu'une mise en oeuvre responsable et équitable de ces politiques. L'effort des États dans des initiatives allant dans ce sens est remarquable même s'il y a encore des efforts à faire.

Paragraphe 2 : Une contribution remarquable de la justice internationale

« (...) Il n'existe aucune garantie qu'une éventuelle demande de réparation par un État envers un autre, responsable pour un dommage transfrontière puisse réussir dans un tribunal international. En fait, il est fort probable qu'elle n'aboutisse, au moins initialement, nulle part. Malgré les avancées en matière de protection de l'environnement, le droit international est encore axé sur le paradigme de la souveraineté. La logique internationale est encore étroitement attachée à la structure frontalière ; à un concept de division géographique, dont le

242 MALJEAN-DUBOIS (Sandrine), L'outil économique en droit international et européen de l'environnement, 2002. In Revue Européenne de Droit de l'Environnement, n°2, 2002. p. 247. 243 BACACHE-BEAUVALLET (Maya), « Marché et droit : la logique économique du droit de l'environnement », revue Pouvoirs n° 127, 2008, p. 35.

244 MALJEAN-DUBOIS (Sandrine), « La mise en oeuvre du droit international de l'environnement », Publications de l'IDDRI, Analyses, n° 3, 2003, p. 15.

245 Protocole de Kyoto, articles 6, 12 et 17 ; voir MALJEAN-DUBOIS (Sandrine), La mise en route du Protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, Analyses, n° 4, 2003, p. 436.

dépassement est nécessaire pour qu'un État puisse être responsabilisé internationalement ». Cette pensée émane de d'Adolpho Paiva Faria NETTO246 qui faisait partie de ceux qui ne prédisaient aucun avenir au contentieux de réparation transfrontalière en matière de dommage environnementaux. Mais l'avenir nous a édifié sur le contraire. Comme le disait le juriste américain HOLMES247 « Ici, comme ailleurs il ne faut jamais injurier l'avenir ». Ici nous dégagerons la contribution remarquable de la justice internationale dans la promotion des principes du D.I.E (A) et dans la réparation des dommages environnementaux (B).

A : Dans la promotion des principes du D.I.E

Le litige du droit international de l'environnement fait apparaitre une panoplie de considérations sur le rôle du juge international dans le développement du droit international de l'environnement248 qui, faudrait-il le rappeler, est relativement jeune et son insertion et son acceptation dans l'ossature des règles internationales demeurent tout à fait problématique. Avec la soumission des contentieux relevant de l'environnement à l'appréciation de la CIJ, il est permis de s'attendre ou d'assister à une consécration novatrice, à travers des décisions de justice, de lois prescrivant essentiellement les nombreuses atteintes à la stabilité de l'environnement mondial249. Des nombreuses décisions de la CIJ dans ce domaine démontrent la reconnaissance de l'importance de la protection de l'environnement et de la nécessité de remédier aux dommages environnementaux. Cela envoie un message fort aux États et aux autres acteurs : la protection de l'environnement est une préoccupation fondamentale qui doit être prise au sérieux.

Il faudrait rappeler que l'ossature du droit international de l'environnement est composée des règles souples non contraignantes de telle manière que certains auteurs le caractérisent de

246 Adolpho Paiva Faria NETTO, « La responsabilité internationale pour le dommage transfrontière médiat », mémoire présenté à la Faculté des études supérieures en vue de l'obtention du grade de Maitrise en droit (LI.M), Université de Montréal. Faculté de droit. pp.161-162

247 Olivier Wendel HOLMES Jr. (08 mars 1841- mars 1935), est un juriste américain qui fut juge à la Cour suprême des Etats-Unis de 1902 à 1932.

248 Sandrine MALJEAN-DUBOIS. « Juge (s) et développement du droit de l'environnement.

Des juges passeurs de frontières pour un droit cosmopolite ? » In Le rôle du juge dans le développement du droit de l'environnement, Bruylant, Bruxelles, 2008, p.17.

249 Ndiaye (Ameth), « la CIJ et la réparation des dommages environnementaux », Revue africaine des sciences juridiques, N° spécial, janvier 2020, p.461-487.

``soft law''250, ainsi il repose sur des ``principes''251. Ces principes contenus dans les instruments juridiques internationaux soient constatés ou conciliés par le juge jouent un rôle important dans l'affirmation du droit de l'environnement comme discipline juridique et c'est là que survient le rôle capital joué par la CIJ pour assurer la promotion de ces principes ans le cadre de ces décisions rendues.

Ainsi, il s'agit du principe d'utilisation non dommageable du territoire, du principe de prévention, du principe de précaution, et les autres règles dérivées. En premier lieu, le principe d'utilisation non dommageable du territoire « traduit l'idée que, dans l'exercice de ses droits souverains sur son territoire, l'État devra respecter l'intégrité du territoire de l'État voisin et son environnement. Un État ne peut donc permettre que des activités sises sur son territoire engendrent ou causent des dommages résultant de la pollution transfrontière. Ainsi, l'État est tenu de réparer les dommages causés à un État contigu par un acte illicite commis sur son territoire »252. La cour internationale de justice a fixé le caractère obligatoire de ce principe. Dans son avis consultatif du 8 juillet 1996 relatif à la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, la CIJ confirme la force obligatoire du principe « L'environnement n'est pas une abstraction, mais bien l'espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie et leur santé, y compris pour les générations à venir. L'obligation générale qu'ont les États de veiller à ce que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle respectent l'environnement dans d'autre États ou dans des zones ne relevant d'aucune juridiction nationale fait maintenant partie du corps de règles du droit international de l'environnement »253. Auparavant, la jurisprudence internationale l'a affirmé en termes éloquents dans la sentence rendue le 11 avril 1941 dans l'affaire de la fonderie de Trail par le

250 La notion de « soft law » a été évoquée pour la première fois dans le contexte de l'environnement et du développement durable à la Conférence des Nations Unies sur l'Environnement de Stockholm en 1972.

251 Selon le professeur Maurice Kamto, « un principe est une règle ou une norme générale de caractère non juridique d'où peuvent être déduites des normes [...] soit une règle juridique établie par un texte en termes assez généraux destinée à inspirer diverses applications et s'imposant avec une autorité supérieure ». In Les nouveau principes du droit international de l'environnement », RJE, 1995, p. 14.

252 NDIAYE (Tafsir-Malick), « Le juge international et la protection de l'environnement marin », Revue Africaine de droit de l'environnement, n°4-2019, p. 141.

253 Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, op.cit., p. 226. ; voir en outre l'affaire relative au projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie) du 25 septembre 1997, CIJ, Recueil 1997, p. 7, spec. p. 41, § 53. Dans l'affaire du Détroit de Corfou, la CIJ proclamait déjà « l'obligation, pour tout État, de ne pas laisser utiliser son territoire aux fins d'actes contraires aux droits d'autres États », CIJ Recueil 1949, p. 22.

Tribunal arbitral254. Aux termes de cette sentence, « Aucun État n'a le droit d'user de son territoire ou d'en permettre l'usage, de manière que des fumées provoquent un préjudice sur le territoire d'un autre État voisin ou aux propriétés des personnes qui s'y trouvent, s'il s'agit de conséquences sérieuses et si le préjudice est prouvé par des preuves claires et convaincantes

». Ce principe trouvera sa résonnance dans plusieurs affaires notamment dans l'affaire du Lac Lanoux255et dans celle du Gut Dam. En second lieu, le principe de coopération qui est consacré comme une l'obligation de coopération pour les États en vue d'empêcher à tout dommage préjudiciable l'environnement marin. Dans plusieurs décisions, le TIDM s'est prononcé sur l'obligation de coopération : « Les États Parties ont l'obligation de coopérer, directement ou par l'intermédiaire des organisations internationales appropriées, en vue d'assurer la conservation des grands migrateurs et de promouvoir leur exploitation optimale »256. De même, le Tribunal fera remarquer que : « L'obligation de coopérer constitue, en vertu de la partie XII de la Convention et du droit international général, un principe fondamental en matière de prévention de la pollution du milieu marin »257 . De plus, le Tribunal précisera le contenu du principe de coopération en invoquant la consultation, l'échange d'informations, l'évaluation de l'impact des activités sur l'environnement, la coordination pour l'adoption de mesures de prévention des atteintes au milieu marin, la réaction face aux situations critiques. En troisième lieu, les juridictions internationales ont donné consistance au principe de prévention. Ce principe trouve un écho retentissant dans la jurisprudence de la CIJ. Dans l'affaire du projet Gabcikovo-Nagymaros, la CIJ dit qu'elle : « ne perd pas de vue que, dans le domaine de la protection de l'environnement, la vigilance et la prévention s'imposent en raison du caractère souvent irréversible des dommages causés à l'environnement et des limites inhérentes au mécanisme même de réparation de ce type de dommages. Au cours des âges, l'homme n'a cessé d'intervenir dans la nature pour des raisons économiques ou autres. Dans le passé, il l'a souvent fait sans tenir compte des effets sur l'environnement. Grâce aux

254 Tribunal arbitral institué entre les États-Unis et le Canada par le compromis du 15 avril 1935 et relatif aux dommages causés aux propriétaires américains de l'État de Washington par des fumées délétères émanant d'une fonderie située en Colombie britannique à 7 milles de la frontière. Texte dans RSA, vol. III, pp. 1938-1981.

255 Sentence arbitrale du 16 novembre 1957 réglant le litige Franco-Espagnol relatif à l'utilisation des Eaux du Lac Lanoux. Lien : L'affaire du Lac Lanoux - Persée (persee.fr), consulté le 06 octobre à 11h09

256 Affaires n°3 et 4, ordonnance du 27 août 1999, § 48.

257 Affaire de l'Usine Mox (Irlande c. Royaume Uni), affaire n°10, ordonnance du 3 décembre 2001, § 82 ; voir aussi l'affaire relative aux travaux de poldérisation par Singapour à l'intérieur et à proximité du détroit de Johor (Malaisie c. Singapour), affaire n°12, ordonnance du 8 octobre 2003, §§ 91-92.

nouvelles perspectives qu'offre la science et à une conscience des risques que la poursuite de ces interventions à un rythme inconsidéré et soutenu représenterait pour l'humanité - qu'il s'agisse des générations actuelles ou futures -, de nouvelles normes et exigences ont été mises au point, qui ont été énoncées dans un grand nombre d'instruments au cours de ces deux dernières décennies. Ces normes nouvelles doivent être prises en considération et ces exigences nouvelles convenablement appréciées non seulement lorsque les États envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu'ils poursuivent des activités qu'ils ont engagées dans le passé. Le concept de développement durable traduit bien cette nécessité de concilier développement économique et protection de l'environnement. Aux fins de la présente espèce, cela signifie que les Parties devraient, ensemble, examiner à nouveau les effets sur l'environnement de l'exploitation de la centrale de Gabcikovo-Nagymaros. En particulier, elles doivent trouver une solution satisfaisante en ce qui concerne le volume d'eau à déverser dans l'ancien lit du Danube et dans les bras situés de part et d'autre du fleuve »258. En outre, « le principe de prévention oblige les États à la vigilance nécessaire en fonction de standards internationaux de façon à éviter que les activités menées sur le territoire national affectent l'environnement transfrontière ». En quatrième lieu, le développement durable est aussi reconnu par les juridictions internationales. En 1997, la CIJ a fait allusion au développement durable qu'elle a considéré comme « un concept » : « Au cours des âges, l'homme n'a cessé d'intervenir dans la nature pour des raisons économiques et autres. Dans le passé, il l'a souvent fait sans tenir compte des effets sur l'environnement. Grâce aux nouvelles perspectives qu'offrent la science et à une conscience croissante pour l'humanité - qu'il s'agisse des générations actuelles ou futures-, de nouvelles normes et exigences ont été mises au point, qui ont été énoncés dans un grand nombre d'instruments au cours des deux dernières décennies. Ces normes nouvelles doivent être prises en considération et ces exigences nouvelles considérablement appréciées, non seulement lorsque les États envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu'ils poursuivent des activités dans le passé. Le concept de développement durable traduit bien cette nécessité de concilier le développement économique et la protection de l'environnement... »259.

B : Dans la réparation des dommages environnementaux

258 Projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), CIJ Recueil 1997, p. 7, spéc. pp. 74-75, § 140.

259 Ibid., p. 38.

Dès lors qu'il n'est pas possible d'identifier une victime, il convient de sortir du carcan de la responsabilité civile, tout en permettant une réparation efficace des atteintes à l'environnement dont la nomenclature des préjudices environnementaux montre la réalité.

En vertu du principe de la responsabilité des États pour des faits internationalement illicites, tout dommage causé par un État à un autre État conduit à une sanction allant dans le sens d'une réparation du préjudice260. En d'autres termes il s'agit du principe bien dégagé et selon lequel « la violation d'un engagement entraîne l'obligation de réparer dans une forme adéquate ». La réparation a pour finalité le rétablissement de la situation initiale. C'est pourquoi la Cour Permanente de Justice Internationale dans l'affaire de l'Usine de Chorzów n'a point manqué de relever que: « le principe essentiel, qui découle de la notion même d'acte illicite et qui semble se dégager de la pratique internationale, notamment de la jurisprudence des tribunaux arbitraux, est que la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conséquences de l'acte illicite et rétablir l'état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n'avait pas été commis »261. Ainsi en ce qui concerne l'environnement toujours, l'article 4 de la Charte de l'environnement énonce que « toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi »262. Cette variété de texte juridiques offre à la CIJ la possibilité de s'intéresser à la réunion de plusieurs critères en particulier ceux ayant trait à l'établissement d'un lien de causalité entre le fait illicite commis et le dommage environnemental occasionné, ainsi que l'évaluation des dommages environnementaux, qui entrainent directement la mise en oeuvre d'une réparation des dommages portés à l'environnement.

Ainsi les ``règles spéciales d'indemnisation''263 ont fait l'objet d'élargissement à toute sorte d'activité susceptible de nuire à l'environnement. Pour autant, il est au départ important de souligner que « la jurisprudence n'avait jusqu'à présent statué que sur le caractère indemnisable des préjudices économiques consécutifs à la dégradation de l'environnement »264,

260 Usine de Chorzów, sur la compétence, arrêt de 1927, C.P.J.I. p. 21.

261 Usine de Chorzów, Sur le fond, arrêt numéro 13. 1928, C.P.J.L, p. 47. Voir également l'affaire Avena et autres ressortissants mexicains, Mexique c/. Etats-Unis d'Amérique, arrêt. C.I.J.

262 Cf. article 4. Charte de l'environnement. Lien : https:// www.elysee.fr/la-presidence/la-charte-de-l-

environnement#, consulté le 06 octobre à 11h48

263 HUGUES FOUA (Hermann), « L'environnement devant la Cour Internationale de Justice », thèse, Université Felix Houphouët-Boigny d'Abidjan,2017-2018, p.247.

264 BEURRIER (Jean Pierre) et KISS (Alexandre), Droit international de l'environnement. 4e éd., Pedone, Paris, 2010, p.527.

mais pas sur celui du dommage écologique pur même s'il était arrivé qu'un organe comme la Commission d'indemnisation des Nations Unies pour l'Irak pour les dommages à l'environnement causé par l'Irak sur le territoire du Koweït, soit spécialement investi de la compétence d'accorder une indemnité pour de tels dommages.

Cependant progressivement dans la jurisprudence en matière environnementale de la Cour internationale de justice, celle-ci a officié dans le cadre d'une indemnisation ou d'une réparation demandée par une partie à un litige environnemental. C'est le cas dans l'affaire de Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua). Cet arrêt, qui marque un tournant décisif265 est présenté comme la vitrine jurisprudentielle et la décision historique266 et révolutionnaire qui est exactement liée aux questions de réparation et d'indemnisation suite aux atteintes environnementales, la réparation et l'indemnisation suite aux atteintes environnementales, la juridiction de la Haye soutient en termes clairs qu' « il est conforme aux principes du droit international régissant les conséquences de faits internationalement illicites, et notamment au principe de la réparation intégrale, de conclure que les dommages environnementaux ouvrent en eux-mêmes droit à indemnisation, en sus de dépenses engagées par l'État lésé en conséquence de tels dommages »267. L'intérêt principal de la décision est l'affirmation de cette idée selon laquelle la réparation du dommage environnemental réside dans l'obligation de réparation intégrale du dommage.

La réparation posée dans l'affaire Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) se divise selon la Cour en deux sous-parties. La première est relative à la dégradation, à la perte des biens et services. La seconde, quant à elle, est relative à la restauration du milieu si la régénération ne suffit pas. C'est pourquoi dans le paragraphe 42 de l'arrêt, la Cour mentionne que « les dommages causés à l'environnement, ainsi que la dégradation ou la perte consécutive de la capacité de celui-ci de fournir des biens et services, sont susceptibles d'indemnisation en droit international. Cette indemnisation peut comprendre

265 MASOUMI (Khazar), « Préjudice environnemental ». In Revue juridique de l'environnement, vol.43/3. 2018.

p. 2.

266MAUREL (Raphael), « Une décision historique : l'indemnisation du dommage environnemental par la Cour internationale de justice ». Note sous l'arrêt de la CIJ du 2 février 2018. Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), Le Commentaire, La revue du centre Michel de l'Hospital- édition électronique, 2018. N° 13. pp. 51-61

267 Affaire de certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière Costa Rica

c. Nicaragua. CIJ. Arrêt du 2 février 2018. p. 14. Para. 41.

une indemnité pour la dégradation ou la perte de biens et services environnementaux subie pendant la période précédant la reconstitution, et une indemnité pour la restauration de l'environnement endommagé »268.

Une affaire ayant opposé l'Équateur à la Colombie à propos des épandages aériens d'herbicide en cours devant la cour internationale de Justice enrichit également la pratique internationale en ce qui concerne la réparation des dommages environnementaux. Il s'agit dans cette affaire d'une demande d'indemnisation par l'Équateur « pour tout dommage ou perte causée par ses actes internationalement illicites (les actes de la Colombie), à savoir l'utilisation d'herbicides, y compris par épandage aérien, notamment pour les dommages causés à l'environnement ou à l'amenuisement des ressources naturelles ; pour les coûts liés aux études visant à déterminer et apprécier les risques futurs pour la santé publique, les droits de l'homme et l'environnement de l'utilisation d'herbicides par la Colombie »269

Pour autant, en matière de réparation des dommages environnementaux, il est tout de même essentiel de clarifier que l'exercice de réparation des dommages ne constitue guerre une tâche facile dans la mesure où il existe une réelle complexité liée notamment à la conformité entre le dommage commis et la compensation de ce dommage. Parfois il peut être difficile de déterminer et d'identifier les dommages réparables de ceux qui ne le sont pas en ce sens que plusieurs facteurs comme la difficulté de quantifier les victimes, la précision du dommage direct, légitime, personnel et certain, peuvent entrer en jeu et influencer l'exactitude et l'efficience de la réparation des dommages270.

Malgré les critiques adressés au droit international public, pour sans certains en le considérant comme étant en crise, le droit international public s'est résolument investi aujourd'hui dans certains domaines tel que la protection des droits de l'homme, la protection de l'environnement qui justifie aujourd'hui de sa résilience. Ces foultitudes de perspectives présagées témoignent encore une fois que le droit international tant bien que mal ne se resigne pas.

268 Ibid.

269 CIJ, Affaire épandages aériens d'herbicide, Equateur c/. Colombie, 2013, N° 17526.

270 Ndiaye (Ameth), « la CIJ et la réparation des dommages environnementaux », op.cit., p.480.

Chapitre II - Des perspectives de renaissance souhaitées

Les partisans de la thèse de résilience du droit international voient la crise actuelle comme une opportunité de réformer et de mettre à jour le cadre juridique existant pour qu'il reflète mieux la nouvelle réalité d'un monde multipolaire. Selon eux, le système actuel est dépassé et ne sert pas également les besoins de tous les États, et qu'une approche plus souple et plus responsable du droit international est nécessaire. C'est dans cette logique que nous aborderons d'une part la question de la réforme impérative du conseil de sécurité (section I) et d'autre part un renforcement des mesures de paix (section II).

Section 1- Une réforme impérative du conseil de sécurité

Comme l'écrit Jean Daniel, les cinq puissances qui siègent de façon permanente au sein du Conseil de sécurité « incarnent le gouvernement du monde, sa conscience et sa force ; elles sont à l'origine de décisions considérables et leurs représentants ont entre eux des complémentarités, des complicités, des connivences qui font d'eux les diplomates les plus sollicités de la planète et qui créent une homogénéité insoupçonnée de détermination »271. Pour beaucoup cette sorte de « gouvernement » n'est pas suffisamment représentative de la société internationale. Dans cet esprit, souhaiter la modification de la composition du Conseil de sécurité constitue une manière de condamner la gestion oligarchique ou aristocratique des Nations Unies, incarnée par cet organe et qui s'avère peu compatible avec la proclamation d'idéaux démocratiques par la Charte. Dans cette logique, nous allons faire un rappel des anciennes propositions de réforme du conseil (paragraphe 1) et après faire une proposition dite novatrice (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Des propositions existantes

Les propositions existantes de réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies sont aussi nombreuses que leurs auteurs. Il en existait deux types, à savoir les propositions émanant des groupes de travail (A) et celles provenant des groupes d'États (B)

A : Les propositions des Groupes de travail

Les propositions de réforme n'ont pas manqué depuis 1965. Le débat a cependant été relancé avec une certaine vigueur en 1992, lorsque l'Assemblée générale adopta la résolution A/47/62 intitulée "Question de représentation équitable et d'augmentation de la composition du Conseil de Sécurité"272. Le Secrétaire général des Nations Unies produisit un rapport sur la question le 20 juillet 1993. Suite à cela, l'Assemblée générale adopta la résolution A/48/26 par laquelle elle créait un groupe de travail ouvert chargé d'étudier la problématique.

271 DANIEL (Jean), « Une bombe pour un fauteuil », Le Nouvel Observateur, 1997, p. 59.

272 A/RES/47/62 du 11 décembre 1992 intitulée "Question de représentation équitable et d'augmentation de la composition du Conseil de Sécurité".

Après plusieurs mois, ce Groupe, ouvert à tous les États membres de l'Organisation, a produit en 1997 le « Plan Razali »273 qui prônait l'élargissement de la composition du Conseil. Tenant compte du premier paragraphe de l'article 23 de la Charte des Nations Unies 274 qui fixe les critères de « contribution des Membres de l'Organisation au maintien de la paix et de la sécurité internationales, et aussi d'une répartition géographique équitable », le Groupe de travail avait proposé de porter de 15 à 24 membres la composition du Conseil. Les nouveaux membres bénéficieraient d'un statut permanent et quatre membres seraient non permanents. Les membres permanents passeraient ainsi de cinq à dix et les membres non permanents de dix à quatorze. Afin de satisfaire les exigences de la « répartition géographique équitable », le plan proposait de distribuer ainsi les cinq nouveaux sièges permanents : trois pays en développement, dont l'Afrique, l'Asie et l'Amérique latine et les Caraïbes, ainsi que deux États industrialisés. Pour ce qui concerne les sièges non permanents, les États en développement se partageraient également chacun un siège, un État d'Europe orientale se verrait attribuer également une telle catégorie de siège.

En outre, le Plan Razali affirmant en son point 4a) que l'existence du droit de véto est « contraire aux principes démocratiques », et ce, conformément à la position de la quasi-totalité des États membres de l'organisation. De ce fait, il propose d'en décourager son usage « en engageant les membres permanents initiaux du Conseil de sécurité à en limiter l'exercice aux mesures prises en vertu du Chapitre VII ». L'expérience précédente de l'utilisation abusive du droit de véto par ses détenteurs initiaux, explique certainement le refus du Groupe de travail de conférer ce privilège aux cinq nouveaux membres permanents. Ces derniers ne pourraient jouir de toutes les prérogatives découlant du double privilège, et ce, contrairement aux membres initiaux qui conservent leur pouvoir.

Si elles étaient adoptées par un vote des deux tiers des membres de l'Assemblée Générale, les mesures de ce plan ne seraient pas fondamentalement différentes des changements adoptés lors

273 Ismail Razali est un diplomate malaisien et présidait le Groupe de travail sur la réforme du Conseil.

274 « Le Conseil de sécurité se compose de quinze Membres de l'Organisation. La République de Chine, la France, l'Union des Républiques socialistes soviétiques, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, et les États-Unis d'Amérique sont membres permanents du Conseil de sécurité. Dix autres Membres de l'Organisation sont élus, à titre de membres non permanents du Conseil de sécurité, par l'Assemblée générale qui tient spécialement compte, en premier lieu, de la contribution des Membres de l'Organisation au maintien de la paix et de la sécurité internationales et aux autres fins de l'Organisation, et aussi d'une répartition géographique équitable. » article 23 du chapitre V de la charte.

du premier élargissement survenu à la suite de l'amendement de la Charte en 1963. Puisque celui-ci suggère que les nouveaux membres permanents ne détiennent pas de droit de véto, sa réalisation ne peut avoir de conséquence notable sur les pouvoirs des membres permanents initiaux. La proposition contenue dans ce Plan viendrait ainsi réduire un peu l'écart du déséquilibre entre les pays du Nord et ceux du Sud puisqu'on passera, pour le Sud, d'un siège sur quatre, soit 25% de la composition actuelle des membres permanents à quatre sur dix, soit 40% de l'ensemble des membres. Le Plan Razali ne suggère toutefois aucune véritable réallocation de pouvoir (le droit de véto) et les membres permanents devraient s'avérer plus favorables ou plus conciliants. Le plan ne tranche pas de manière courageuse la question du droit de véto. Les cinq membres permanents continueront d'en être titulaires, en dépit de la volonté du groupe de vouloir en limiter son exercice. Le Plan ne définit pas clairement les situations qui pourraient faire l'objet de ces genres de mesure de limitation de l'usage du droit de véto et les modalités de son application. De ce fait, il demeure un flou total autour de la question.

Depuis sa présentation en 1997, le Plan Razali ne parvient pas à faire l'objet d'un consensus. Cela semble s'expliquer en partie par l'existence même du droit de véto, car comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent l'amendement de la Charte requiert l'accord préalable de tous les membres permanents. Et les membres permanents ne sont pas favorables au Plan Razali.

B : Les propositions des groupes d'États

Plusieurs groupes d'États ont également cherché à formuler des propositions sur la question de la réforme du Conseil. Ainsi, nous intéressons successivement aux propositions du G4 (Allemagne, Japon, Brésil et Inde), à celle de l'Union Africaine ainsi qu'à celle du groupe Uniting For Consensus (Unis Pour le Consensus) (UPC).

En 2005, le G4 a fait une proposition d'élargissement du Conseil à 25 membres, c'est à dire six nouveaux sièges permanents sans droit de véto dont les quatre pays du groupe et deux aux représentants des pays d'Afrique. Quatre sièges non permanents ont été également repartis

de manière équitable entre chacune des régions. Soutenue par une quinzaine de pays275, la proposition possède un caractère à la fois objectif et ambigu. Le caractère objectif de la proposition réside dans le fait que le projet nourrit les ambitions des pays initiateurs. Pour notre part, nous trouvons leurs ambitions bien fondées. En effet, sur la base de leur poids économique et de fourniture de contingents, ces pays répondent véritablement aux attentes de l'organisation. De plus, l'article 23 de la Charte légitime leur revendication.

En revanche, le caractère ambigu de la formule s'explique par le fait qu'elle ne clarifie pas avec exactitude les critères de sélection pour les deux sièges permanents des représentants africains et qu'elle ne le fait non plus pour les quatre sièges non permanents. À l'instar du G4, l'Union africaine envisage également un élargissement de la catégorie des membres permanents, mais avec droit de véto. Ces pays africains se sont rassemblés derrière « le Consensus Ezulwini »276 pour exiger deux sièges permanents, mais cette fois avec droit de véto et deux sièges supplémentaires non permanents aux trois déjà existants. L'organisation régionale africaine ne donne pas davantage d'information sur la répartition du reste des sièges permanents puisqu'elle demande une augmentation de cinq, ni sur les critères de sélection de ces titulaires. L'Union africaine explique que sa région détient le record du plus grand nombre de conflits armés au monde depuis ces dernières décennies. De ce fait, sa présence renforcée au sein du Conseil de sécurité serait bénéfique à la gestion et la résolution desdits conflits.

Au demeurant, des questions d'ordre culturel ont également été soulevées pour soutenir la revendication. Étant donné que plusieurs auteurs accordent une place primordiale aux facteurs culturels comme facteurs de déclenchement de plusieurs conflits. La Charte des Nations Unies ne prévoit toutefois pas un tel critère dans l'élection des membres du Conseil, mais plutôt dans les dispositions de l'article 23. Au regard de cet obstacle, nous estimons que le chemin semble encore long pour que l'Union africaine obtienne un consensus international autour de leur proposition.

Contrairement aux deux précédents groupes, les pays rassemblés au sein du groupe « Unis pour le Consensus » (UPC) et soutenant l'initiative de l'Italie, de l'Argentine, du Pakistan et du Mexique, militent en faveur de l'augmentation du nombre de membres non permanents.

275 La quinzaine de pays soutenant la proposition sont : Afghanistan, Belgique, Bhoutan, Danemark, Fidji, France, Géorgie, Haïti, Honduras, Îles Salomon, Island, Kiribati, Lettonie, Maldives, Nauru, Palaos, Uruguay, Pologne, Portugal, République Tchèque, Tuvalu et Ukraine.

276 Le Consensus d'Ezulwini est une position sur les relations internationales et la réforme des Nations Unies , convenue par l'Union africaine. Il appelle à un Conseil de sécurité plus représentatif et démocratique, dans lequel l'Afrique, comme toutes les autres régions du monde, est représentée.

Comme ils l'ont fait savoir en marge de la 65e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, ce groupe d'États s'opposent à l'élargissement des membres permanents, mais proposent par la même occasion dix sièges supplémentaires pour les membres non permanents. C'est une proposition à laquelle les membres permanents pourraient se rallier dans la mesure où elle ne modifie aucun de leurs privilèges. Une formule analogue avait déjà été proposée et acceptée sans résistance véritable, en 1963, lorsque les membres non permanents sont passés de six à dix. Nous nous interrogeons toutefois sur le bien-fondé d'une telle proposition si elle ne plaide pas pour un élargissement dans la catégorie des membres permanents.

Nous constatons l'existence de diverses propositions de modifications du nombre de membres pour les deux catégories de membres du Conseil. Contrairement au groupe « Unis pour le Consensus », la quasi-totalité des formules proposées militent ardemment en faveur d'un élargissement à la fois des membres non permanents et des membres permanents, en fonction d'une répartition équitable régionale.

Cependant, l'élargissement du Conseil de sécurité soulève également des difficultés et des controverses. Certains pays craignent que l'augmentation du nombre de membres ne rende l'institution moins efficace et plus difficile à gérer. D'autres soulignent la nécessité d'une représentation plus équitable des pays en développement et des régions marginalisées. Enfin, il y a des discussions sur la manière dont les nouveaux membres seront choisis et comment leur sera accordée une représentation adéquate. Le manque d'harmonisation des propositions ou le défaut de consensus a rendu la mise en oeuvre très latente pour ne pas dire inexistante.

Paragraphes 2 : Des propositions novatrices

Les propositions novatrices de réforme du conseil de sécurité s'articulent autour de deux aspects anciens notamment l'élargissement du Conseil de Sécurité (A) et la question du droit de veto (B).

A : L'élargissement du Conseil de Sécurité

Il faut reconnaître, avec Jean Daniel, que « on n 'a pas idée [...] du degré de convoitise que suscite ce siège à un Conseil dont les dispositions sont pourtant loin d'être toujours respectées par les peuples et les nations »277. Si l'intérêt est aussi vif de la part de tous les États concernés c'est que l'admission ou l'exclusion du Conseil de sécurité consacrera, en fait le rang et l'influence relative de chaque pays à l'aube du XXIe siècle.

Actuellement, le Conseil de sécurité compte 15 membres, dont 5 membres permanents (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie) et 10 membres non permanents élus pour deux ans. Cependant, cette composition n'est pas représentative de la réalité géopolitique actuelle, où de nombreux pays émergents ont acquis une importance croissante dans la scène internationale. Un élargissement de la composition du Conseil de Sécurité se révèle comme la voie idoine pour estomper la crise.

Souvent envisager, mais pas appliqué à cause du défaut de volonté des 5 grands qui se rangent sous le verrou de l'article 108278 et 109279 de la charte.

De nos jours, l'élargissement peut s'imaginer de plusieurs manières. Ça pourrait se faire de manière graduelle proportionnellement aux défis auxquels sont confrontés les États. La première serait d'augmenter le nombre des membres permanents avec l'attribution d'un siège permanent à l'Afrique qui fait souvent face à des défis d'insécurité. Pourquoi de manière graduelle ? parce qu'aujourd'hui la configuration des États puissants a changé. Une adhésion massive des puissances émergentes fragilisera les anciennes dans la mesure où ces dernières sont acculées sur le plan économique et militaire à causes des conflits récents et la seule chose qui leur reste pour avoir la main mise sur le monde actuel c'est le veto. Ainsi ouvert le droit veto à des puissances émergentes c'est se conduire à l'abattoir.

277 DANIEL (Jean), « Une bombe pour un fauteuil », op.cit., p. 59.

278 « Les amendements à la présente Charte entreront en vigueur pour tous les Membres des Nations Unies quand ils auront été adoptés à la majorité des deux tiers des membres de l'Assemblée générale et ratifiés, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives, par les deux tiers des Membres de l'Organisation, y compris tous les membres permanents du Conseil de sécurité »

279 Ici nous faisons référence à l'alinéa 2 de l'article 109 qui dispose « Toute modification à la présente Charte recommandée par la conférence à la majorité des deux tiers prendra effet lorsqu'elle aura été ratifiée, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives, par les deux tiers des Membres des Nations Unies, y compris tous les membres permanents du Conseil de sécurité ».

La deuxième solution envisageable serait d'augmenter également le nombre de sièges non permanents. Une composition plus représentative des différentes zones géographiques permettra une meilleure prise en compte de certains conflits "oubliés", par exemple en Afrique.

Ainsi, ça permettrait également un certain nombre de pays n'ayant aucune chance d'obtenir un siège permanent, mais qui redoutent l'attribution d'un tel siège à un "poids lourd" de la région (Pakistan et Indonésie par rapport à l'Inde ; Argentine par rapport au Brésil ; Italie par rapport à l'Allemagne). Selon eux, « l'augmentation du nombre des membres permanents ne peut que servir les intérêts de quelques pays, au détriment des petits et moyens pays, qui constituent l'immense majorité des membres de l'ONU »280.

Une troisième proposition à définir qui consisterait à créer des mandats non permanents mais de plus longue durée (par exemple cinq ans) qui seraient attribués aux États particulièrement représentatifs d'un groupe régional. Elle présenterait l'avantage de satisfaire les États qui ne souhaitent pas la création de nouveaux sièges permanents et ceux qui souhaitent se voir reconnaître un statut spécial au sein du Conseil de Sécurité.

Une quatrième solution envisageable serait une combinaison des deux précédentes, à savoir la création concomitante de sièges permanents et de sièges non permanents, selon des modalités à définir.

Il faut remarquer par ailleurs qu'il existera toujours une certaine réticence dans le chef des cinq membres permanents actuels du Conseil de Sécurité à accepter une réforme de celui- ci qui diminuerait leur influence. Si la plupart d'entre eux seraient d'accord d'augmenter le nombre de sièges non permanents, la composition totale du Conseil de Sécurité ne devrait guère dépasser 20 membres, sous peine de voir celui-ci perdre son efficacité281 . En ce qui concerne l'augmentation du nombre de sièges permanents, seuls les États-Unis se sont clairement prononcés en faveur de l'élargissement à l'Allemagne et au Japon. La candidature japonaise fait l'objet de fortes réserves de la part de la Chine et de la Russie ; celle de l'Allemagne de la part de la France et de la Grande-Bretagne, jalouses de leurs prérogatives actuelles282 .

280 Déclaration du 27 mars 1996 de l'ambassadeur pakistanais Kamal devant le Groupe de travail, et de l'ambassadeur italien Futci à la 50 ème session de l'Assemblée générale des Nations Unies.

281 FASSBENDER (Bardo), « La réforme du Conseil de sécurité de l'ONU et le droit de veto », La Haye, Kluwer,

1998, pp. 236-237.

282 Ibid., p. 237-240.

Toutefois, la solution proposée par le Groupe UPC avec un élargissement à 20 membres, sans nouveau détenteur de droit de véto et une voie qui porte davantage l'accent sur la sauvegarde des « valeurs communes de démocratie, de responsabilité, de souplesse et d'équité

». Ce qui permet de contourner en présentant un projet moins « extrême » et plus souple qui évite d'engager le bras de fer avec le cercle des membres permanents qui garde toute sa pertinence et envisageable de par sa posture de souplesse.

B : Le réaménagement du droit de veto

Il existe de nombreux États selon lesquels le veto est anachronique et antidémocratique. La situation géopolitique actuelle ne justifie plus la reconnaissance d'un tel droit à certains États283. Un problème important se pose néanmoins. Le vote positif des cinq membres permanents du Conseil de sécurité est indispensable pour une révision du texte de la Charte. Il semble exclu que les cinq membres permanents actuels renoncent à cette prérogative284.

Par conséquent, la question du maintien et des modalités actuelles du droit de veto ne semble pas devoir se poser. Seule l'extension de celui-ci à d'éventuels nouveaux membres permanents est négociable.

Ceux-ci devraient-ils se voir reconnaître un droit de veto ? La question est délicate. Augmenter le nombre d'États disposant du droit de veto risque de rendre le Conseil de Sécurité encore plus inefficace. Ne pas le faire reviendrait à créer une sous-catégorie de membres permanents que rien ne justifierait. Il est cependant probable que bien des États seraient prêts à renoncer à ce droit en échange d'un siège permanent.

Une solution conciliatrice peut être envisagée. Il n'y aura pas d'extension du droit de veto à d'autre États mais plutôt un réaménagement de son utilisation par les États détenteurs actuels ce qui permettra du moins d'avoir une évolution même si c'est à minima sur la question.

 cet effet il faut instaurer le système de la « double majorité » pour toutes les décisions du conseil de sécurité. Selon ce règlement, les membres permanents peuvent toujours utiliser leur droit de veto pour bloquer une décision, mais ils doivent maintenant être accompagnés par au moins un autre membre permanent ou par un groupe de pays membres de l'ONU représentant

283 Ibid., pp. 263-266.

284 Idem., pp. 273-274.

au moins 60% des votes possibles. Si cela ne peut pas être fait, la décision peut être prise malgré l'opposition du membre permanent.

La double majorité va permettre d'asseoir une représentation plus large et diverse au sein du Conseil ce qui peut aider à garantir que les intérêts de tous les membres de l'ONU soient mieux représentés. En limitant le pouvoir de veto des membres permanents, la double majorité peut contribuer à réduire l'influence des grandes puissances et à donner plus de poids aux opinions des autres membres de l'ONU. Cela peut aider à créer un environnement plus égalitaire dans lequel les petits Etats ont une voix plus forte car il faudra une majorité qualifiée pour approuver une décision, plutôt que simplement un vote majoritaire. Cela peut aider à garantir que les décisions prises soient plus largement acceptées et soutenues par les membres de l'ONU.

Mais toutefois, l'introduction d'une double majorité pour toutes les décisions peut rendre le processus de prise de décisions plus complexe et plus difficile à comprendre pour les observateurs extérieurs. Cela peut conduire à une diminution de la transparence et de l'efficacité du Conseil de sécurité, à une possibilité de blocage accru des décisions car il peut être plus difficile de trouver une majorité qualifiée pour approuver une décision. Cela peut empêcher le Conseil de sécurité de prendre des mesures efficaces pour répondre à des situations de crise internationales. Et aussi, elle peut également entraîner un épuisement des ressources, car les négociations pour atteindre une majorité qualifiée peuvent être plus longues et plus difficiles.

Section II - Un renforcement des mesures de paix

La paix est un bien précieux qui nécessite la collaboration et la coordination de tous les acteurs internationaux pour être maintenue et renforcée. Dans un monde où les conflits armés, les violences et les tensions persistent, il est essentiel de prendre des mesures pour promouvoir la paix et prévenir les conflits. Dans ce contexte, le renforcement des mesures de paix est plus important que jamais. Les Nations Unies ont un rôle à jouer dans la promotion de la paix et de la sécurité internationales, en particulier en utilisant leur autorité morale et leur influence pour encourager les États à adopter des politiques et des pratiques pacifiques.

Dans ce chapitre, nous allons examiner les mesures de paix existantes et les possibilités de les renforcer. Nous allons également analyser les défis et les obstacles qui doivent être surmontés pour atteindre cet objectif, ainsi que les stratégies pour y parvenir. Enfin, nous allons réfléchir aux moyens de renforcer la coopération internationale et de promouvoir une culture de la paix à l'échelle globale. Ainsi pour une bonne structuration il conviendra de relever d'une part le renforcement des mesures pacifiques (paragraphe 1) et d'autre part le renforcement des mesures coercitives (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les mesure pacifiques

Le renforcement des mesures pacifiques s'observes dans le redéveloppement de la diplomatie préventive (A) et la promotion du règlement pacifique des conflits (B)

A : la promotion de la diplomatie préventive

La diplomatie préventive a pour objet d'éviter que des différends ne surgissent entre les parties, d'empêcher où qu'un différend existant ne se transforme en conflit ouvert et, si un conflit se déclenche, de faire en sorte qu'il s'étende le moins possible285. Elle a véritablement constitué le credo de Boutros Boutros-Ghali lorsqu'il était encore Secrétaire général de l'Organisation286. Pour ce dernier, « la diplomatie préventive a pour objet d'éviter que des différends ne surgissent

285 Philippe Moreau DEFARGES, « La diplomatie préventive », Revue de la Défense Nationale, Janvier 1997, p. 39.

286 Cf. Boutros Boutros-Ghali (entretien), « L'ONU et la nouvelle diplomatie de la paix ». Le Trimestre du Monde, n° 18, 1992/11, pp. 9.

entre les parties, d'empêcher qu'un différend existant ne se transforme en conflit ouvert et, si un conflit éclate, de faire en sorte qu'il s'étende le moins possible »287. En fait, le véritable objectif que doit se fixer la diplomatie préventive reste de « régler les conflits avant que la violence n'éclate »288, à la différence du rétablissement et du maintien de la paix qui ont eu « pour objet de mettre fin aux conflits et de préserver la paix une fois qu'elle a été instaurée »289.

Employée avec un certain succès au sein d'organisations régionales290, la diplomatie préventive devait permettre de régler la majeure partie des nouveaux conflits secouant la société internationale avec, à la fois, des chances de réussite importantes et l'avantage de réaliser de substantielles économies en hommes et en moyens matériels et financiers par rapport à la technique traditionnelle des interventions a posteriori291. Pour Boutros Boutros-Ghali, en effet

« ces nouveaux conflits, dont le règlement est souvent long, difficile et complexe, ne sont pas des conflits imprévisibles, bien au contraire. La plupart d'entre eux couvent longtemps avant d'exploser. Ces tensions latentes sont connues de tous. Pourtant, force est de reconnaître que la communauté internationale ne se mobilise que très rarement pour les contenir lorsqu'il serait encore temps de le faire »292. Anticiper sur l'apparition d'un différend représente, bien entendu, l'idéal mais la diplomatie préventive trouve aussi et surtout son application au tout début d'une crise tant que celle-ci n'a pas dépassé un stade critique293.

Aujourd'hui face à la pluralité des conflits qui fragilisent la communauté internationale, la diplomatie préventive est la voie royale pour les prévenir. Tous les conflits qui se sont déclenchés ont laissé au préalable des traces qui pourraient permettre de les présager ou de faire

287 Boutros Boutros-Ghali, Agenda pour la paix, Report of the Secretary-General pursuant to the statement adopted by the Summit Meeting of the Security Council, 1992, p. 11, para. 20.

288 Ibid., para. 21.

289 Ibid.

290 Notamment au sein de la CSCE, puis de l'OSCE. Le 26 Mai 1994, par exemple, s'est tenue à Paris une conférence visant à instaurer un mécanisme de diplomatie préventive entre les parties à cette future organisation régionale. Celui-ci repose sur la mise en place de tables régionales de négociation et l'obligation faite, à tout Etat qui souhaite régler une contestation de minorités ou de frontières, d'inscrire celle-ci dans un cadre régional et de permettre ainsi l'intervention de ses partenaires.

291 En faveur d'un développement de la diplomatie préventive, voir AYISSI (ANATOLE), Le défi de la sécurité régionale en Afrique après la guerre froide : vers la diplomatie préventive et la sécurité collective, (Unidir/94/27) Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement, Genève, 1994.

292 Boutros Boutros-Ghali, "L'ONU et les nouveaux conflits internationaux". Relations Internationales et Stratégiques, n° 20, Hiver 1995, p. 16.

293 BERTRAND (Maurice), « Vers une stratégie de prévention des conflits ? », Politique Étrangère, 1/97, p. 111.

une prévision sur leur probable éclatement. Nous pouvons prendre le cas du Conflit Russo- Ukrainien. Depuis l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, les tensions ne se sont pas apaisées malgré la signature du protocole de Minsk294 de 2014. Plusieurs étaient ces accusations allant d'un camp à un autre295 et laissaient entrevoir que l'idée d'un probable effritement entre ces eux pays avant les évènements du 24 février 2022.

Ainsi, les États doivent allier aujourd'hui, d'une part la volonté dans la mesure où l'intervention ne nécessite guère de moyens de renseignement spécifiques, ce qui manque souvent c'est la volonté politique de s'en occuper296. Et comme l'avait souligné Boutros Boutros-Ghali, le combat se situait essentiellement dans ce cadre et demeure toujours aussi pertinent : pour que la diplomatie préventive se développe, il faut que les mentalités évoluent, celles des États susceptibles de faire l'objet de crises internes ou internationales comme celles des grandes puissances297. Il faudrait notamment, ainsi que le préconise Alvaro De Soto, que l'Organisation soit perçue par la majorité des États d'avantage comme une instance de médiation, que comme un tribunal plus ou moins partial et, surtout que les grandes puissances, membres permanents ou non du Conseil de sécurité, reconnaissent la nécessité de prévenir tous les affrontements potentiels, qu'ils menacent ou non leurs intérêts immédiats298. Ce n'est qu'à

294 Le protocole de Minsk (ou Minsk I) est un accord signé le 5 septembre 2014 par les représentants de l'Ukraine, de la Russie, des autoproclamées république populaire de Donetsk et république populaire de Lougansk et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dont l'objectif est de mettre fin à la guerre du Donbass, qui a éclaté en avril 2014 en Ukraine orientale, après que la guerre russo-ukrainienne a elle-même éclaté en février 2014. Il est signé après de longues négociations à Minsk, capitale de la Biélorussie.

295 La Russie accusait l'Ukraine de manipuler l'opinion internationale pour ne pas reconnaitre l'indépendances de Donetsk et de Lougansk et aussi de manifester un intérêt de rejoindre L'OTAN ce qu'il jugeait contraire à l'esprit du traité de Belovej de 1991 et d'une part l'Ukraine déplorait la présence des forces Russes sur son territoire ce qui était une violation de sa souveraineté et d'inciter les territoires prorusses de l'Ukraine à des idées séparatiste 296 Cf. ANNAN (Kofi), à propos de la situation au Kosovo : « Le Kosovo est effectivement sur la table depuis des années. Ce qui manque, c'est la volonté politique d'agir. S'il n'y a pas la volonté d'agir des gouvernements et des peuples, aucun système d'alerte ou d'information ne peut aider ». Kofi Annan, entretien accordé à Libération du 18 mars 1998.

297 Cf. Virginie Raisson : « Comme toute décision internationale, une politique visant à empêcher les guerres ne peut tenir son efficacité que de la volonté des États de la mettre en oeuvre, ensemble ou séparément, et d'utiliser à cette fin "tous les moyens nécessaires" dont ils disposent déjà ». RAISSON (Virginie), « Le défi de la prévention des conflits », Le Monde Diplomatique, n° 527, Février 1998, p. 3.

298 Cf. Alvaro De Soto, "Le Secrétaire général", in Aspects du système des Nations unies dans le cadre d'un nouvel ordre mondial, Pedone, Paris, 1992, p. 75.

ce prix que « l'action préventive »299 pourra véritablement s'imposer et se substituer à la pratique de la sous-traitance. À condition, toutefois que cette volonté politique s'accompagne d'autre part à des moyens concrets nécessaires à son accomplissement.et un minimum de moyen matériel pour sa mise en oeuvre.

B : La promotion du règlement pacifique des différends

« Il faut que ceux qui ont des griefs les uns contre les autres commencent à trouver leurs voisins, leurs amis, aussi bien ceux qui sont au courant des actes sur lesquels porte la contestation, qu'ils aillent vers les Tribunaux dans le cas seulement où d'aventure on n'aura pas reçu de ces gens-là une décision qui règle convenablement leur différend »300. De cette pensée de Platon, découle la position importante du règlement pacifique des conflits dans la quête de la paix.

Le principe est consacré par le chapitre IV et de manière plus explicite par les articles 33301et 34302de la charte des nations unies. C'est un procédé qui a fait ces preuves par le passé et on en retient les bons offices de l'ex-URSS dans le conflit entre la Turquie et la Bulgarie (ayant abouti au Traité de non-agression de 1941), celui des États Unis entre l'Inde et le cachemire, des États Unis et de la Grande Bretagne entre la France et la Thaïlande (1946), des États Unis et de la Grande Bretagne entre l'Italie et l'Éthiopie (1951), de la Suisse entre la France et l'Algérie (entre 1960 et 1962). L'offre de médiation collective de la France, l'Allemagne, la Grande Bretagne et l'ex-URSS dans le conflit entre l'Italie et la Turquie en 1972 a abouti à la signature d'un Traité de paix en, celle de l'Algérie entre l'Iran et les États

299 CHAUVANCY (François), « Le Rapport 1996 du Secrétaire général de l'ONU », Revue de la Défense Nationale, Décembre 1996, p. 149. Selon François Chauvancy « le terme employé désormais n'est plus celui de diplomatie préventive mais celui de {'action préventive. En effet, la prévention des conflits ne se limite pas à une simple action diplomatique ; elle fait appel non seulement à des déploiements de forces, à l'organisation du désarmement, à des actions humanitaires, mais aussi à la good governance, aux droits de l'homme et au développement ».

300 Platon, Les lois, VI 767.

301 « 1. Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix. 2. Le Conseil de sécurité, s'il le juge nécessaire, invite les parties à régler leur différend par de tels moyens ».

302 « Le Conseil de sécurité peut enquêter sur tout différend ou toute situation qui pourrait entraîner un désaccord entre nations ou engendrer un différend, afin de déterminer si la prolongation de ce différend ou de cette situation semble devoir menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales ».

Unis en 1979 a donné naissance à la signature des accords d'Alger en 1981, celle du Secrétaire général des Nations unies dans l'affaire Rainbow Warrior en 1986, opposant la France à la Nouvelle Zélande a entrainé une paix entre les deux Etats etc.

Aujourd'hui, on doit promouvoir et redonner une portée obligatoire au règlement pacifique des conflits. Et ces actions doivent émaner des efforts conjugués des acteurs régionaux et internationaux. Nous pouvons prendre l'exemple de l'espace régional Ouest- Africain qui depuis des années dont la médiation303 s'est révélé comme le mode privilégié pour résoudre les différends entre les États. Á titre d'exemple nous pouvons prendre la crise Ivoiro- malienne récente de 2022 ou le président de la République Togolaise son excellence Faure Gnassingbé a joué un grand rôle de médiateur entre les deux nations pour apaiser les tensions et éviter l'affrontement. Par ailleurs la réussite de cette médiation s'est soldée par la libération de ces 49 soldats ivoiriens détenus au Mali pour atteinte à la sureté d'un État souverain.

Il est essentiel de renforcer et de rénover le règlement pacifique des conflits pour garantir la paix et la stabilité à l'échelle mondiale. Pour ce faire, il faut prendre en compte : le renforcement des institutions internationales telles que les Nations Unies, la Cour internationale de justice et l'Organisation mondiale du commerce qui jouent un rôle crucial dans la promotion de la paix et de la stabilité en fournissant un cadre pour que les pays résolvent pacifiquement leurs différends. Il est donc important de renforcer ces institutions en augmentant leur financement, en élargissant leur membreships et en améliorant leur efficacité. Promouvoir le dialogue et la diplomatie en encourageant la communication ouverte et honnête entre les pays pour prévenir les malentendus et les communications erronées qui pourraient conduire au conflit.

Paragraphe 2 : Les mesures coercitives

Parmi les solutions existantes, celles qui ont retenues notre attention et semblent plus pertinentes, sont celles proposées par Boutros Boutros-Ghali dans son agenda en 1992 notamment la création d'une armée pour l'ONU (A) qui va permettre d'éviter la sous-traitance

303 Le terme «médiation» désigne tout processus, quelle que soit son appellation, dans lequel les parties demandent à un tiers de les aider à parvenir à un règlement amiable d'un litige, d'un rapport conflictuel ou d'un désaccord (ci-après le «différend») découlant d'un rapport juridique, contractuel ou autre ou lié à un tel rapport, impliquant des personnes physiques ou morales, y compris des entités publiques ou des États. In Acte uniforme relatif à la médiation, 23 novembre 2017, JO (entrée en vigueur : 23 février 2018).

des opérations coercitives aux États et aussi mettre en place un système dénommé « système de ressources en attente » (B).

A : La nécessité de la création d'une armée pour l'ONU

« Je recommande que le Conseil envisage de faire appel, dans des circonstances clairement définies, à des unités d'imposition de la paix dont le mandat serait défini à l'avance

»304. Cette recommandation de Boutros Boutros-Ghali reflétait son idée de doter l'Organisation d'unités d'imposition de la paix, destinées à remplir les tâches excédant la mission traditionnelle des forces de maintien de la paix et capables de mener par exemple, des « interventions préventives pour protéger les populations avant la consolidation de la paix »305.

Á la différence avec les forces de Casques bleus classiques, ces unités seraient fournies par des États membres et composées de militaires volontaires et stationnés en réserve sur le sol de leur pays. Eu égard à la difficulté présumée des missions qu'elles auraient eu à accomplir, ces forces devaient être lourdement armées et particulièrement bien entraînées. Sur le plan juridique il était prévu que leur déploiement et leur fonctionnement seraient autorisés par le Conseil de sécurité, au titre de l'article 40 de la Charte mais qu'à la différence des forces habituées ces unités seraient placées sous le commandement en chef du seul Secrétaire général.

En l'occurrence, Boutros Boutros-Ghali ne faisait que ressusciter un projet remontant à la résolution 377/V de 1950, par laquelle l'Assemblée générale avait adopté une recommandation prévoyant pour tous les États membres le maintien, sous le nom « d'Unités des Nations Unies », de contingents pouvant être rapidement disponibles. Cette suggestion demeura à l'état de projet, pour les mêmes raisons qui ont conduit les membres de l'Organisation à laisser en sommeil la proposition de Brian Urquhart. Comme l'observe Jean-Pierre Colin, en effet, « cette idée [...] susceptible de rappeler aux uns les Brigades internationales, [...] fait aux yeux des autres planer sur la force le spectre du mercenariat »306. Or, pour la plupart des États membres et, en tout cas pour les grandes puissances, si mercenariat il doit y avoir, autant qu'il soit à leur avantage. De la même façon, s'il faut prêter à l'ONU des troupes, pour parfois

304 Boutros Boutros-Ghali, Agenda pour la paix, op.cit., par.44.

305 SMOUTS (Marie-Claude), « Pour qui sont ces soldats ? », in L'ONU et la guerre : La diplomatie en kaki, Editions Complexe, Bruxelles, 1994, p. 24.

306 COLIN (Jean-Pierre), « Le leadership américain et révolution actuelle de la sécurité collective », Presses

universitaires de Nancy, Nancy, 1992, p. 131.

imposer la paix, autant en conserver le commandement direct, sans passer par le Secrétaire général. Toutes choses au demeurant, qu'autorise la pratique de la sous-traitance mais que n'aurait pas permis le système des unités d'imposition de la paix. Un système qui reste, de ce fait, à l'état de projet, comme, d'ailleurs, la plupart des autres mesures proposées par Boutros Boutros-Ghali et visant à « militariser » l'ONU.

Même si aujourd'hui, les temps ont changé, la réalité est peu probable de voir les États membres accepter de mettre au service de l'ONU, et surtout sous les ordres du Secrétaire général, des forces disposant d'un mandat coercitif et donc susceptibles d'être utilisées dans des actions de contrainte armée militairement dangereuses et politiquement délicates, force est de contester le projet est louable et doit être pris en considération.

À cet égard, la proposition de Brian Urquhart de créer une force d'imposition de la paix de 5 000 hommes environ composée de volontaires recrutés spécialement et directement par l'Organisation307s'avère sans doute plus réaliste. Elle ne fait elle aussi, que reprendre une idée énoncée en 1950 par Trygve Lie lui-même. Ce dernier avait alors proposé la création d'une brigade internationale composée de tous les volontaires compétents, issus de tous les États de la société internationale, liés à l'Organisation par « des engagements valables deux ou trois ans

» et dotés d'un uniforme particulier et distinctif. Cette « Brigade des Nations Unies », mise « à la disposition du Conseil de sécurité », aurait été chargée des tâches coercitives, sous la direction de cet organe et au nom des Nations Unies308.

Même s'il existe un risque qu'une force militaire de l'ONU soit manipulée par des nations puissantes pour leurs propres intérêts, compromettant ainsi sa légitimité et son efficacité elle pourrait éviter les interférences nationalistes et les conflits d'intérêts qui peuvent surgir lorsque les États utilisent leur propre militaire pour poursuivre des objectifs nationaux. Elle pourrait également aider à réduire les tensions entre les États et à promouvoir une culture de la coopération et de la Diplomatie.

B : La nécessité de mettre en place un système de ressources en attente

L'idée là avait été émise par Javier Ferez de Cuellar dès 1990, qui avait prié les États membres d'indiquer le personnel militaire qu'ils seraient prêts à mettre à la disposition de

307 URQUHART (Brian), «For a UN Volunteer military Force», New York Rewiew of Books, 10 juin 1993.

308 LIE (Trygve), Au service de la paix, collection Mémoire du temps présent, Gallimard, Paris, 1957, p. 380.

l'Organisation. Cette idée a été reprise par Boutros qui a créé, pour l'occasion dans le temps, un groupe spécial de sept officiers conduit par le colonel français Gérard Gambiez. Ce groupe s'est fixé pour objectif de « développer un système de ressources en attente capable d'être déployé en entier ou en partie, dès le début de 1994, n 'importe où dans le monde, à la demande du Secrétaire général, dans un délai convenu, pour des missions au service des Nations Unies, en exécution d'un mandat du Conseil de sécurité »309. Ce système des ressources en attente pour l'ONU et non de l'ONU dit « un Stand-by System »310 s'avère, à bien des égards plus réalistes que le projet de création d'un corps permanent de Casques bleus, à la disposition du Secrétaire général de l'ONU parfois évoqué par divers observateurs des relations internationales311.

Comme l'avait expliqué Boutros Boutros-Ghali « le système des forces et moyens de réserve vise à permettre de se faire une idée précise des forces et autres moyens que tout État Membre pourrait tenir prêts comme convenu, pour les mettre éventuellement à la disposition d'une opération de maintien de la paix »312. Il s'agirait donc d'établir à l'avance un stock d'hommes et de matériel313 sur lequel le Secrétaire général serait certain de pouvoir compter et qui lui permettrait d'évaluer, au mieux les capacités réelles d'intervention de l'Organisation.

L'intérêt principal de ce projet, par rapport au système antérieur, réside dans le gain de temps supposé réalisé par l'Organisation. Le Secrétaire général doit certes toujours obtenir un

309 Colonel Gérard Gambiez, cité par COLIN (Jean-Pierre), « Le leadership américain et révolution actuelle de la sécurité collective », Presses universitaires de Nancy, Nancy, 1992, p. 132.

310 GAMBIEZ (Gérard), « Les ressources `'en attente'' d'es Nations Unies », Droit et Défense, N° 94/4, octobre

1994, pp. 50 et ss.

311 Cet hypothétique corps permanent diverge fondamentalement des forces théoriquement prévues à l'article

43 de la charte. Il s'agirait en espèce d'un corps de Casques bleus, soumis à des conditions d'engagement restrictives et dont l'avantage principal tiendrait dans la Possibilité d'éviter au Secrétaire générales marchandages auxquels il doit se livrer pour obtenir des troupes, avant de pouvoir lancer la moindre opération, pourtant décidée par le Conseil de sécurité. Sur ce projet, qui a débouché sur la notion des ressources en attente.

312 Rapport du Secrétaire général du 30 juin 1994, Arrangements relatifs à des forces et moyens de réserve pour le maintien de la paix, S/1994/777, para. 2.

313 D'après ce même rapport (paragraphe 3), « ces moyens peuvent consister en des formations militaires. Une police civile, des personnels (civils et militaires) spécialisés, du matériel spécialisé et d'autres moyens ». L'Agenda pour la paix suggérait déjà la constitution d'un stock de matériel de base (véhicules, matériel de transmission, etc.), dans lequel il pourrait être puisé dès le lancement d'une opération. La constituons d'un tel stock permettait de résoudre le Problème du manque de matériel de certains contingents très mal équipés, qui oblige les Nations Unies à en acheter sur place ou à solliciter constamment les contributions volontaires d'autres États membres. Boutros Boutros-Ghali, Agenda pour la paix, op.cit., para 45.

accord des États, mais celui-ci a été pour partie déjà donner. Il sait donc à quoi s'en tenir et vers quels États prioritairement se tourner pour un acquiescement qui devrait être de principe, sauf circonstances très particulières.

Actuellement, très peu d'opérations peuvent démarrer immédiatement après avoir été autorisées par le Conseil de sécurité, il faut d'abord, évaluer le coût de l'opération établir un budget prévisionnel et obtenir le financement ; ce qui peut prendre plusieurs semaines. Il faut ensuite, obtenir des États membres les hommes et la logistique nécessaires. Le Secrétariat général doit, à ce stade se livrer à de véritables marchandages qui prennent du temps. Le système des ressources en attente permettrait, sinon de supprimer, du moins d'atténuer les conséquences de ces immanquables tractations et ainsi de gagner de précieuses semaines. Un tel système garantirait également au Secrétariat général de gérer au mieux les ressources que sont prêts à lui fournir les États membres si le stock s'avère314 insuffisant, il s'abstiendra d'initier une nouvelle opération. Il l'autoriserait, enfin à compter sur du personnel immédiatement opérationnel et dont l'équipement et la spécialisation correspondraient parfaitement aux besoins de la mission315.

Ce serait là une innovation qui apparaît donc des plus intéressantes sur le papier mais qu'il faudra encore traduire en pratique mais s'il présente en effet de notre point de vue, comme de celui de David Ruzié « une faiblesse essentielle : celle d'être, en dernière analyse, tributaire de l'acceptation des États de participer à une opération donnée »316.

314 Sur les trop longs délais que nécessité la mise en place d'une opération de maintien de la paix. Voir ZACKLIN (Ralph), « capacités financières et techniques des organisations internationales : financement et gestion des opérations de maintien de la paix de l'Organisation des Nations Unies », in SGDN, « Sécurité collective et crises 'internationales », SGDN/La Documentation Française, Paris, 1994, pp. 415-416.

315 Cf. le rapport du Secrétaire général du 30 juin 1994, sur les arrangements relatifs à des forces et moyens de réserve pour le maintien de la paix : « Les effectifs fournis dans le cadre du système de forces et moyens de réserve doivent être pleinement opérationnels, y compris disposer du matériel dont ils ont besoin pour fonctionner ». S/1994/777, para. 4.

316 David Ruzié, « Le cadre juridique des interventions françaises au Rwanda », Droit et Défense, Octobre 1994,

p. 5.

CONCLUSION GENERALE

L'environnement international actuel, marqué par de graves soubresauts politiques et géopolitiques laisse à penser que la société internationale va entrer dans une nouvelle phase de conflit perpétuel des États souverains entre eux. Le droit international public qui est censé ériger les règles qui vont régir les relations entre les sujets du droit international montre un visage de fébrilité qui se révèle rédhibitoire à la conduite des bonnes relations sur la scène internationale.

Le constat est préoccupant. La notion de paix est restée lettre morte et se resigne dorénavant qu'à la place des grands principes illusoires des hautes sphères de gouvernance mondiale. De l'absentéisme de volonté des États en occurrence les super puissances aux violations massives des règles cardinales qui sous-tendent, les raisons sont nombreuses et nous permettent d'affirmer que le droit international est en crise.

Ainsi, la première partie s'est donnée pour objectif d'évaluer la crise du droit international. À ce titre, il convenait d'étudier les facteurs clés qui démontrent cet état de crise. Il est apparu nettement dans la conduite de la communauté internationale des atteintes massives au principes sacrosaints du droit international ce qui fausse l'effectivité de ces principes et les fait tomber de leur piédestal et aussi certaines institutions en l'occurrence l'Organisation des Nations Unies qui a le monopole de la conduite des relations internationales perdent leur légitimité.

L'étude de cette situation a alors conduit au constat suivant : d'une part la défaillance de la notion de souveraineté qui est l'un des principes cardinaux du droit international à cause de sa double consécration notamment conventionnelle et jurisprudentielle et sa présence dans toutes les chartes communautaires lui conférant un statut de pierre angulaire des rapports interétatiques et d'autre part le déclin de l'interdiction du recours à la force. Le recours non autorisé à la force militaire, les sanctions économiques et les opérations secrètes ne sont que quelques exemples de la manière dont les États violent ces principes.

Au demeurant, leur mépris conduit à une rupture de la confiance et de la communication entre les États, créant ainsi un environnement propice aux conflits et à l'instabilité. De plus, le recours à des forces par procuration, à des groupes terroristes et à des cyberattaques comme outils de politique étrangère érode encore davantage le principe de souveraineté et l'interdiction

du recours à la force, rendant de plus en plus difficile la distinction entre les affaires intérieures et internationales.

En outre, l'application sélective de ces principes, selon lesquels certains États bénéficient d'une plus grande protection que d'autres, suscitent du ressentiment et de la méfiance entre les nations. Ce double standard s'observe dans la manière dont certains États s'empressent de défendre leurs propres intérêts tout en ignorant la souveraineté des autres. Le respect du principe de souveraineté des États est crucial pour maintenir la stabilité et l'intégrité du système international. Cependant, la tendance croissante à l'interventionnisme et l'estompage des frontières entre les affaires intérieures et internationales pose des défis importants à ce principe fondamental. L'utilisation non autorisée de la force militaire, les sanctions économiques et la cyber ingérence menacent toutes la souveraineté des nations, sapant les fondements mêmes de l'ordre international.

Un constat très important à faire aussi c'est la paralysie institutionnelle que nous observons auprès de l'ONU qui est censé assurer, garantir la paix et la sécurité internationale. Pour comprendre cette posture latente affichée par l'ONU et ses organes, il faut examiner la nomenclature de ces organes dont les supers et hypers puissances ont le monopole des décisions ce qui soumet les États tiers à faible incidence politique à des rôles ou des marges de manoeuvre résiduelles. Ainsi, les actions de l'ONU ont toujours une portée politique qui sans doute respecte les intérêts des grandes puissances. L'organe le plus décrié aujourd'hui c'est le Conseil de sécurité, qui fait objet d'une captivité notoire par le mécanisme de membre permanent et de Veto dont dispose certains États. Ce qui ne répond, par ailleurs, à la nouvelle configuration du Monde. Il y'a ce syntagme de "géométrie variable" qui encadre les actions du conseil de sécurité de l'ONU sinon comment peut-on condamner les actions de la Russie en Ukraine avec une grande ferveur et rester passif face aux multiples violations de l'Israël en Palestine. Le droit international humanitaire s'applique-t-il à géométrie variable ? En tout cas, ce n'est pas ce que postule l'esprit des quatre conventions de Genève et leurs protocoles additionnels mais les actions des États et les institutions qu'ils incarnent, s'écartent de la réalité. Comme le dit si bien Richard K. Betts, « les interventions qui refusent de tenir compte des causes du problème et tendent à être impartiales, deviennent des compromis qui tuent. Elles empêchent la paix qu'elles cherchent à établir d'être créée »317.

317 BETTS (Richard Kevin), «Thé Delusion of Impartial Intervention», Foreign Affairs, Vol. 73, n° 6, December

1994, pp.20 et ss. (traduction non juridique).

Toutefois, quelle que soit la voie à suivre, il est clair que le système international se trouve à un tournant critique. Les choix faits par les décideurs politiques, les universitaires et les acteurs de la société civile dans les années à venir auront des implications significatives sur l'avenir de la gouvernance mondiale et sur la capacité de la communauté internationale à relever les défis pressants de notre époque. Il est donc essentiel que nous abordions ce moment avec courage, créativité et un profond engagement envers les principes de justice, d'égalité et de dignité humaine.

Quant à la deuxième partie, elle nous a permis de jauger la résilience de ce droit qui tant bien que mal, essaie de survivre, de réaffirmer son existence de par sa normativité dans certains domaines comme la protection des droits de l'Homme (réfugiés, apatrides, les investisseurs à l'étranger, diplomatique et consulaire) et aussi dans la protection de l'environnement en l'occurrence la réparation des dommages environnementaux. Également, le droit international réaffirme sa résilience de par les perspectives de solutions qui sont présagées. Même si la mise en oeuvre n'est pas manifeste, du moins ça renvoie à l'idée selon laquelle les penseurs de cette discipline et même les États ne se resignent pas face à cette crise.

En fin de compte, la survie du droit international dépend de l'engagement collectif des États et des autres parties prenantes à faire respecter et à renforcer l'État de droit au niveau mondial. En travaillant ensemble, nous pouvons garantir que le droit international continuera de jouer un rôle essentiel dans la promotion de la paix, de la justice et des droits de l'homme, et qu'il reste un outil puissant pour construire un avenir meilleur pour tous. La seule chose qui manque, c'est la culture de l'intérêt général de la part des États.

Dans une communauté internationale ou les rapports de force prennent de jour en jour la place des rapports de droit, peut-on nourrir l'espoir encore qu'un jour, le droit international reprendra t'il sa lettre de noblesse ? En tout état de cause ça reste l'énigme à déchiffrer au fil du temps. Mais nous sommes loin d'annoncer son glas final. Comme nous l'avait enseigné Olivier HOLMES Wendel Junior « Ici, comme ailleurs il ne faut jamais injurier l'avenir ».

BIBLIOGRAPHIE

I. Ouvrages généraux

ü ALLAND (Denis), Droit international public, 1er éd., Paris, PUF, 2000, 808p.

ü COMBACAU Jean et SUR Serge, Droit international public, 13è éd., Précis Domat, Montchrestien, Paris, 2019, 896p.

ü DAILLIER (Patrick) et PELLET (Alain), Droit international public, LGDJ, 6e éd. Lextenso, Paris, 1999, 1456p.

ü DECAUX (Emmanuel.) et DE FROUVILLE (Olivier), Droit international public, 12e édition Dalloz, Paris, 2020, 702p.

ü DUPUY (Pierre-Marie) et KERBRAT (Yann), Droit international public, 14e éd. Dalloz, Paris, 2018, 956p.

ü DUPUY (René-Jean), Le droit international, ,11ème éd. Que-sais-je ? PUF, Paris, 2001, 128p.

ü NGYUEN (Quoc Dinh) et alii, Droit international public, 8e éd. Lextenso, Paris, L.G.D.J, 2009,1709p.

ü RANJEVA (Raymond) et CADOUX (Charles), Droit international public, Edicef, Paris, 1993, 271p.

II. Ouvrages spéciaux

ü ARON (Raymond), Paix et guerre entre les Nations, Calmann-Lévy, Pérennes, Paris, 832p.

ü BEAUD (Olivier), La puissance de l'État, PUF, coll. Léviathan, Paris, 1994, 512p.

ü BEDJAOUI (Mohammed), L'humanité en quête de paix et de développement (II), Hague Academy of International Law, Haye, 2008, 542p.

ü BEHRENDT (Christian), BOUHON (Frédéric), Introduction à la théorie générale de l'État, Larcier, coll. « Faculté de droit de l'université de Liège », 2009, 520p.

ü BETTATI (MARIO), Le droit d'ingérence, éd. Odile Jacob, Paris, 1996, 384p.

ü BEURRIER (Jean Pierre) et KISS (Alexandre), Droit international de l'environnement, 4e éd., Pedone, Paris, 2010, 588p.

ü BUIRETTE (Patrice.), LAGRANGE (Philippe.), Le droit international humanitaire, Paris, éd. La Découverte, 2008, 495 p

ü CARRE DE MALBERG (Raymond), Contribution à la théorie générale de l'État, Paris, CNRS Éditions, n° 26, 1920.

ü DAVID (Eric), Portée et limites du principe de la non-ingérence, éd. Buylant, Bruxelles, 1990, 563p.

ü DAVID (Eric.), Principes de droit des conflits armés, Bruxelles, 5è édition, Bruylant, 2012, 1151p.

ü DEFARGE MOREAU (Philippe), De l'ingérence impériale à l'ingérence démocratique, éd. Presses de Sciences Po, Paris, 2006, 120p.

ü DELMAS (Philippe), Le bel avenir de la guerre, Gallimard, Paris, 1995, 283p.

ü DELPAL Marie-Christine (Dir.), Politique extérieure et diplomatie morale. Le droit d'ingérence humanitaire en question, F.E.D.N., Paris, 1992, 208p.

ü DE VISSCHER (Charles), Théories et réalités en droit international public, Paris, Pedone, 1970, 450p.

ü DUFOUR (Jean-Louis), Les crises internationales de Pékin-1900 à Samjevo-1995, Questions au XXe siècle, Editions Complexe, Bruxelles, 1996, 286p.

ü FORTEAU (MATHIAS), Droit de lé sécurité collective et droit de la responsabilité internationale de l'État, Paris, Pedone, 2006, 699p.

ü HUET (André) et KOERING-JOULAIN (Renée), Droit pénal international, Paris, PUF, 2005, 544p.

ü JELLINEK (GEORG), L'État moderne et son droit : THEORIE GENERALE DE L'ETAT, Olivier Jouanjan (Préface), éd. PANTHEON ASSAS, Paris, 2005, 655p.

ü JOUANNET (Emmanuelle), Qu'est-ce qu'une société internationale juste ? éd. Pedone, Paris, Presses Universitaires de France, 2001, 326p.

ü FERNANDEZ (Julien), PACREAU (Xavier), Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale commentaire article par article, Tom 1, éd., Pedone, Paris, 2012, 2943p.

ü LAUTERPACHT (Hersch), The Function of Law in the International Community, Oxford, Clarendon Press, 1933, 528p.

ü LIE (Trygve), Au service de la paix, collection Mémoire du temps présent, Gallimard, Paris, 1957, 540p.

ü L'HERITEAU (Marie France), Le Fonds monétaire international et les Etats du tiers- monde, éd. P.U.F., paris, 1986, 278p.

ü MALJEAN-DUBOIS (Sandrine), L'outil économique en droit international et européen de l'environnement, coll. Monde européen et international, CERIC, Université Aix-Marseille III, 2002, 487p.

ü MAUPAS (Stéphanie.) ; Juges, bourreaux, victimes. Voyages dans les prétoires de la justice internationale, Paris ; Autrement ; 2008 ; 200p.

ü MICHELET (Jules), le Peuple, Calmann-Lévy, Paris, 1846, 246p.

ü MORGENTHAU (Hans), Politics Among Nations: The Struggle for Power and Peace, New York, Knopf, 1948, 688p.

ü NOEL (Jacques), le principe de la non-ingérence : théorie et pratique des Etats, Bruxelles, éd. Bruyant, 1981, 253p.

ü PELLET (Alain), dir., La Charte des Nations Unies : commentaire article par article, 3e éd., Paris, Economica, 2005, 2263p.

ü ROSENNE (Shabtai), The World Court: What It Is and How It Works, Dordrecht, Boston, Londres; M. Nijhoff Publishers, 3th ed., 1973, 252p.

ü TOUSSAINT (Eric), La Banque mondiale : coup d'Etat permanent, éd. Syllepse Paris, 2006, 310p.

III. Articles

ü AIVO (Joel), « Défi sécuritaire, droits de l'homme et droits des réfugiés », Communication à la 14e session régionale de formation sur les droits de l'homme et les droits des réfugiés, Chaire Unesco des droits de la personne et de la démocratie, Université d'Abomey-Calavi (UAC), Cotonou-Bénin, juillet 2013, pp. 5-20.

ü Alvaro De Soto, « Le Secrétaire général », in Aspects du système des Nations unies dans le cadre d'un nouvel ordre mondial, Pedone, Paris, 1992, p. 75.

ü AMBOS (Kai), « Expanding the Focus of the 'African Criminal Court», in SCHABAS (Wa), MCDERMOTT (Yvonne) et HAYES (Naihm) (dir.), Perspectives, Burlington, Ashgate, 2013, pp. 499-529.

ü BADINTER (Robert.), « Une si longue défiance », in Pouvoirs, Les Juges ; n° 74 ;

1995 ; pp. 9-28.

ü BOISSON DE CHAZOURNES (Laurence), « Regards sur l'Accord de Paris - Un accord qui bâtit le futur », in TORRE-SCHAUB (Marta) & DELMAS-MARTY (Mireille), Bilan et perspectives de l'Accord de Paris (COP 21), IRJS Editions Regards croisés, Paris, 2017. pp. 97-106.

ü Boutros Boutros-Ghali, « L'ONU et les nouveaux conflits internationaux », Relations Internationales et Stratégiques, n° 20, Hiver 1995, pp. 176 -198.

ü Boutros Boutros-Ghali (entretien), « L'ONU et la nouvelle diplomatie de la paix ». Le

Trimestre du Monde, n° 18, 1992/11, pp. 9-12.

ü CASSESE (Antonio), « La clause Martens et les lois de la guerre », Presse de l'Université d'Oxford, 1991, pp. 12-17.

ü CHAUVANCY (François), « Le Rapport 1996 du Secrétaire général de l'ONU »,

Revue de la Défense Nationale, Décembre 1996, pp.147-151.

ü CHEMILLIER-GENDREAU (Monique), « L'ONU devant la guerre : l'esprit et la lettre », Revue d'Études Palestiniennes, n° 40, Été 1991, pp. 41 et ss.

ü CHEMILLIER-GENDREAU Monique, « La solution de la crise des Nations-Unies : application de la Charte plutôt que révision », Revue Belge de Droit international, 1987-1, pp. 28 et ss.

ü CHILTON (Patricia), « Maintien de la paix et puissance : les nouveaux concepts stratégiques et les organisations internationales », Relations Internationales et Stratégiques, n° 17, Printemps 1995, pp. 15 et ss.

ü COICAUD (Jean-Marc), « L'ONU et l'ex-Yougoslavie : actions et acteurs », Le Trimestre du Monde, n° 24, 1993/IV , pp. 89 et ss.

ü COLIN (Jean-Pierre), « Le leadership américain et révolution actuelle de la sécurité collective », Relations Internationales, n° 86, Eté 1996, pp. 119 et ss.

ü CONDORELLI (Luigi), « L'imputation à l'Etat d'un fait internationalement illicite : solutions classiques et nouvelles tendances », RCADI, t. 189, 1984, p.13-221.

ü CONDORELLI (Luigi), « Les attentats du 11 septembre et leurs suites : où va le droit international ? », RGDIP, 2001, n° 4, pp. 829-848.

ü CONDORELLI (Luigi.), « les lendemains qui chantent pour la justice internationale ?

», in l'optimisme de raison, éd. Pedone, Paris, 2013, pp. 206-208.

ü CORTEN (Olivier), « Quelques réflexions sur la juridicité du droit international à la lumière de la crise yougoslave », Revue Belge de Droit international, 1996-1, pp. 216 et ss.

ü CROUZATIER (Jean-Marie), « le Principe de la responsabilité de protéger : Avancé de la solidarité internationale ou Ultime Avatar de l'impérialisme », Revue ASPECTS, Vol. 2, 2008, pp. 13-14.

ü DANIEL (Jean), « Une bombe pour un fauteuil », Le Nouvel Observateur, 14-20 Mai 1997, pp. 59.

ü DAVID (Ruzié), « Le cadre juridique des interventions françaises au Rwanda », Droit et Défense, Octobre 1994, pp. 5-10.

ü DEFARGES MOREAU (Philippe), « La diplomatie préventive », Revue de la Défense Nationale, Janvier 1997, pp. 37 et ss.

ü DEHARBE (David.) « Le bon recours au juge dans les relations internationales, les avis de la CIJ sur la licéité de l'arme nucléaire », in CURAPP, La politique ailleurs, Paris, PUF, 1998, pp.137.

ü DELAVARENE (Celhia), « L'ONU est-elle toujours la caisse de résonnance des problèmes du monde ? », Recherches internationales, n° 119, 2021, pp.135-140.

ü EL BOUDOUHI (Saida), « Affaire Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République Démocratique du Congo), Fond : La CIJ est-elle devenue une juridiction des droits de l'Homme ? », Annuaire français du droit international, N°56, 2010, pp. 277-299.

ü EWALD (François), « Le droit de l'environnement : un droit de riches ? », revue Pouvoirs, n° 127, 2008, pp. 13-21.

ü FISCHER (Georges), « Les réactions devant la CIJ concernant le Sud-Ouest africain

», in AFDI, volume 12, 1966. pp. 144-154

ü GAMBIEZ (Gérard), « Les ressources `'en attente'' d'es Nations Unies », Droit et Défense, N° 94/4, octobre 1994, pp. 50 et ss.

ü GAUTIER-AUDEBERT (Agnès), « La Responsabilité de Protéger : Une Obligation Collective en quête d'application par la communauté internationale », Revue Ubuntou, Vol. 1, 2013, p. 53

ü KISS (Alexandre) et SICAULT (Jean-Didier), « La Conférence des Nations Unies sur l'environnement (Stockholm, 5/16 juin 1972) », Annuaire français de droit international, volume 18, 1972. pp. 603-628.

ü KISS (Alexandre) et DOUMBE-BILLE (Stéphane), « La Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (Rio de Janeiro-juin 1992), », Annuaire français de droit international (AFDI), volume 38, 1992, pp. 823-843.

ü KOKOROKO (Dodzi), « La nécessité devant le Conseil de sécurité des Nations Unies

», Afrilex, janvier 2013, pp.17-19.

ü MALJEAN-DUBOIS (Sandrine), « La mise en oeuvre du droit international de l'environnement », Publications de l'IDDRI, Analyses, n° 3, 2003, pp. 15-17.

ü MASOUMI (Khazar), « Préjudice environnemental ». In Revue juridique de l'environnement, vol, 43/3, 2018, pp. 21-29.

ü NDIAYE (Ameth), « la CIJ et la réparation des dommages environnementaux »,

Revue africaine des sciences juridiques, N° spécial, janvier 2020, pp.461-487.

ü NDIAYE (Tafsir-Malick), « Le juge international et la protection de l'environnement marin », Revue Africaine de droit de l'environnement, n°4-2019, pp. 138-176.

ü NGUYEN- ROUAULT (Florence), « L'intervention armée en Irak et son occupation au regard du droit international », RGDIP, n° 4, 2003, pp. 835-864.

ü OMAR (El Hadji), « Les juridictions internationales et le contentieux de l'environnement », Afrilex, mai 2021, pp.24-32

ü RIALS (Stéphane), « La puissance étatique et le Droit dans l'ordre international ; éléments d'une critique de la notion externe de souveraineté externe », APD, 1987, pp. 189- 208.

ü SALL (Alioun), « le juge international et la politique : réflexion sur l'incidence de la politique sur la juridiction de la Cour de justice de la Haye », Afrilex, janvier 2012, pp.21-28

ü SCHWEBEL (Stephen Myron), « L'avenir du droit international », Presse de l'Université d'Oxford, 1994, pp. 178-182.

ü SICILIANOS (Linos-Alexandre), « L'autorisation par le Conseil de sécurité de recourir à la force : une tentative d'évaluation », RGDIP, n°1, 2001, pp.74-32.

ü SLIM (Habib), « La Charte et la sécurité collective : de San Francisco à Baghdâd », dans SFDI (dir.), Les métamorphoses de la sécurité collective, Paris, Pedone, 2005, pp. 13-15

ü SMOUTS (Marie-Claude), « La sécurité collective : histoire et bilan d'une doctrine équivoque », in SGDN Sécurité collective et crises internationales, SGDN/La Documentation Française, Paris, 1994, pp. 175 et ss.

ü SMOUTS (Marie-Claude), « Pour qui sont ces soldats ? », in L'ONU et la guerre : La diplomatie en kaki, Editions Complexe, Bruxelles, 1994, pp. 24-54.

ü SOREL (Jean-Marc), « Existe-t-il une définition universelle du terrorisme », in CHRISKATIS (Théodore), dir., Le droit international face au terrorisme, CEDIN, Pedone, Paris, 2002, pp. 35-68.

ü STERN (Brigitte), « La sécurité collective : historique, bilan, perspectives », in Sécurité collective et crises internationales, SGDN, La documentation française, 1994, pp. 145.

ü SUR (Serge), « La conduite des hostilités et les aspects militaires du conflit », in Brigitte STERN (Dir.), Les aspects juridiques de la crise et de la guerre du Golfe, CEDIN, Montchrestien, Paris, 1991, pp. 217 et ss.

ü VENEZIA (Jean-Claude), « La notion de représailles en droit international public »,

RGDIP, 1960, pp. 465- 498.

ü VERWEIJEN (Judith.) et WAKENGE (Iguma Claude.), « Comprendre la prolifération des Groupes armés dans l'Est du Congo », Rift Valley Institute PSRP Briefing 7, décembre 2015, pp.213-247.

ü VIRALLY (MICHEL), « Réflexions sur le jus cogens », AFDI, 1966, pp. 5-9

ü ZACKLIN (Ralph), « capacités financières et techniques des organisations internationales : financement et gestion des opérations de maintien de la paix de l'Organisation des Nations Unies », in SGDN, « Sécurité collective et crises 'internationales », SGDN/La Documentation Française, Paris, 1994, pp. 415-416.

IV. Thèses et Mémoires

ü ALASSANI (Zéinatou), L'évolution du droit de recourir à la force : vers une reconnaissance de l'autorisation implicite, Thèse de doctorat, sous la direction de Philippe Lagrange , Philippe Guillot et de Dodzi Kokoroko, Université de Normandie, 2019.

ü DIOP (Abdou-Khadre), la notion d'Etat en droit international et en droit européen : de l'impossible approche conceptuelle au nécessaire approche fonctionnelle, thèse de doctorat en cotutelle avec l'université de Bordeau et Laval, sous la direction de

Messieurs les Professeurs Loïc GRARD et Olivier DELAS soutenue publiquement le 17 juin 2017.

ü HUGUES FOUA (Hermann), « L'environnement devant la Cour Internationale de Justice », thèse de doctorat, Université Felix Houphouët-Boigny d'Abidjan,2017- 2018.

ü KOFFI (Kouadio), la compétence universelle des juridictions nationales en matière de crimes internationaux, mémoire de master, sous la direction de MELEDJE DJEDJRO Francisco, Institut de la Dignité et des Droits Humains, 2016.

ü KRAIEM-DRIDI (Mouna), La responsabilité du chef de l'Etat, Thèse de doctorat, sous la direction du Prof. Rafâa Ben Achour, FSJPST, Tunis, 2005.

ü LAGRANGE (Philippe), La sous-traitance de la gestion coercitive des crises par le Conseil de sécurité des Nations Unies, thèse de doctorat, sous la direction de Patricia BUIRETTE , Université de Poitier, 1999.

ü MORTIER (Pauline), Les métamorphoses de la souveraineté, sous la direction M. Armel PECHEUL, thèse de doctorat, Université d'Anger, 2011.

ü PLI (Dougbo Abel), La réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies, mémoire de master, sous la direction de Daniel TURP, UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL, 2014.

ü QUIRICO (OLIVIER), Réflexion sur le système du droit international pénal, thèse de doctorat, sous la direction de Jean marie CROUZATIER, Université Toulouse 1, 2005.

V. Jurisprudences et Avis

§ Cour internationale de justice

ü CIJ, activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), arrêt du 27 juin 1986, Rec. 1986.

ü CIJ, affaire du Sahara occidental, avis du 16 octobre 1975, Rec. 1975.

ü CIJ, certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica

c. Nicaragua), 02 février 2018.

ü CIJ, avis consultatif sur l'affaire du Détroit de Corfou, Recueil 1949,

ü CIJ, arrêt, 6 avril 1955, Nottebohm, Rec. CIJ, 1955.

ü CIJ, arrêt, 5 février 1970, Barcelona Traction (Belgique c/ Espagne), (fond), Rec., 1970.

ü CIJ, affaire épandages aériens d'herbicide, Equateur c/. Colombie, 2013, N° 17526.

ü CIJ, affaire Gabcikovo Nagymaros, arrêt du 25 septembre 1997, Rec., 1997.

ü CIJ, affaire des plates-formes pétrolières (République islamique d'Iran c. Etats-Unis d'Amérique), 6 novembre 2003

ü CIJ, avis consultatif sur les Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, 09 juillet 2004.

ü CIJ, avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, rec. 226, 1996.

ü CIJ, avis consultatif sur les Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain), 21 juin 1971.

§ Cour européenne des droits de l'homme (et ancienne Commission européenne des droits de l'homme

ü CEDH, Arrêt relatif au refoulement de migrant sans examen de leur situation individuelle constitutif d'une expulsion collective les exposant à un risque de traitement inhumain et dégradant (HIRSI JAMAA ET A. C. Italie), du 23 février 2012.

ü CEDH, M.A. c. DANEMARK, 09 juillet 2021, 001-211258.

ü CEDH, MK c. la France, 2018, n° 72711/11.

ü CEDH, Usmanov c. Russie, 2020, n° 43936/18.

ü CEDH, KHLAIFIA ET AUTRES c. Italie,2019, 16483/12

ü CEDH, Abdoulaye Camara c. Belgique, 2023, 49255/22.

§ Cour africaine des droits de l'homme et des peuples

ü CADH, 02 décembre 2021, Anudo Ochieng C. RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE, REQUÊTE N° 012/2015.

ü CADH, 18 NOVEMBRE 2016, Action Pour la Protection des Droit de l'Homme (APDH) c. LA REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE, REQUETE N°001/2014.

§ Autres juridictions et instances arbitrales

-Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie.

ü TPIY, affaire Numéro IT-95-17/1-7, 10 décembre 1998, Le Procureur c. Anto Furundzija.

ü TPIY, Chambre d'appel, Procureur c. Tadic, IT-94-1-AR72, par.94-127, 2 octobre 1995.

-Tribunal militaire International de Nuremberg

ü Tribunal militaire international, Nuremberg, 14 novembre 1945 - 1er octobre 1946, Nuremberg, 1947, vol. I.

-Tribunal Spécial pour la Sierra Leonne

ü Tribunal Spécial pour la Sierra Leone (T.S.S.L.), Le Procureur contre Issa Hassan Sesay, Morris Kallon, Augustine Gbao, SCSL-2004-15-PT, 13 mai 2004.

§ Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements

ü CIRDI, Sentence du 13 novembre 2000, Maffezini c. Espagne, Aff. N° ARB/97/7

ü CIRDI, décision sur la compétence, 1er décembre 2000, Ceskoslovenska Obchodni Banka, A.S. c./ République Slovaque, Aff. N° ARB/97/4.

ü CIRDI, sentence du 10 mars 2014, Tulip Real Estate Investment and Development Netherlands B.V. c. Turquie, Aff. N° ARB/11/28.

VI. Dictionnaires

ü CORNU (Gérard) (dir.), Vocabulaire juridique, Paris, P.U.F., coll. Quadrige, 2018, 12e éd., 1152p.

ü Dictionnaire de sociologie, revu par MADKOUR (I), Institut égyptien public du livre, Egypte, 2008.

ü Dictionnaire du vocabulaire juridique, 6ème éd., LexisNexis, Paris, 2015.

ü Dictionnaire LAROUSSE, éd. 2009

ü SALOMON (Jean), Dictionnaire de droit international public, éd. Bruylant, 2001, 1200p.

TABLE DES MATIERES

SIGLES, ABREVIATIONS et ACRONYMES iv

SOMMAIRE v

EPIGRAPHE vi

INTRODUCTION 1

TITRE I - Une crise constatée du droit international 11

Chapitre I - une crise d'effectivité constatée 12

Section I - La défaillance de l'exercice de la souveraineté étatique 13

Paragraphe 1 : Un principe consacré en droit international 14

A : Le Rappel du principe 14

B : Les corollaires du principe 18

Paragraphe 2 : Un principe redéfini par les Etats puissants 20

A : De la non-ingérence à l'ingérence 20

B : Du devoir d'ingérence à la responsabilité de protéger 26

Section II - Le déclin de l'interdiction du recours à la force 32

Paragraphe 1 : Un principe affirmé en droit international 32

A : Le sens du principe 32

B : Les exceptions admises au principe 35

Paragraphe 2 : Un principe Transgressé 38

A : Une transgression par des acteurs non étatiques 38

B : Une transgression par des Acteurs Étatiques 40

Chapitre II - Une crise de légitimité constatée 44

Section I - Le cas de l'Organisation des Nations Unies 45

Paragraphe 1 : Des difficultés endogènes : le cas du Conseil de Sécurité 45

A : Une composition décriée 45

B : Une défaillance du système de sécurité collective 48

Paragraphe 2 : Des difficultés exogènes 51

A : La multiplicité des acteurs et conflits 51

B : Le bilan morose des missions de maintien de paix 53

Section II - Le cas de la justice internationale 58

Paragraphe 1 : La problématique de l'indépendance de la CIJ 58

A : Une indépendance critiquée 59

B : Une indépendance limitée 62

Paragraphe 2 : La question de l'impartialité de la CPI 64

A : Une impartialité décriée 65

B : Une abondance d'impunités 69

TITRE II - Une crise à relativiser du droit international 70

Chapitre I- Des Efforts de résilience constatés 74

Section I - En matière de protection des individus 75

Paragraphe 1 : En matière de protection des réfugiés et des apatrides 75

A : Un cadre conventionnel adapté 75

B : Un cadre juridictionnel dynamisé 78

Paragraphe 2 : En matière de protection des investisseurs étrangers 82

A : Des garanties juridiques 82

B : Des garanties juridictionnelles 85

Section II - En matière de protection de l'environnement 89

Paragraphe 1 : Une remarquable solidarité des États 90

A : Une obligation collective 91

B : Une exigence économique 92

Paragraphe 2 : Une contribution remarquable de la justice internationale 94

A : Dans la promotion des principes du D.I.E 94

B : Dans la réparation des dommages environnementaux 97

Chapitre II - Des perspectives de renaissance souhaitées 101

Section I - La réforme impérative du conseil de sécurité 102

Paragraphe 1 : Des propositions existantes 102

A : Les propositions des Groupes de travail 102

B : Les propositions des groupes d'États 104

Paragraphes 2 : Des propositions novatrices 106

A : L'élargissement du Conseil de Sécurité 106

B : Le réaménagement du droit de veto 109

Section II - Le renforcement des mesures de paix 111

Paragraphe 1 : Les mesures pacifiques 111

A : La promotion de la diplomatie préventive 111

B : La promotion du règlement pacifique des différends 114

Paragraphe 2 : Les mesures coercitives 115

A : La nécessité de création d'une armée propre l'ONU 116

B : La nécessité de mettre en place un système de ressources en attente 117

CONCLUSION GENERALE 120

BIBLIOGRAPHIE 123

TABLE DES MATIERES viii

Nom et Prénom : SOSSOU Gbedokoun Eusêbe

Titre du mémoire : Le Droit International est-il en crise ?

Résumé :

Ce travail de mémoire porte sur le sujet « le droit international est-il en crise ? », La dénomination « droit international » est aujourd'hui celle qui est la plus couramment employée pour désigner le droit de la société internationale. Elle est la traduction de l'expression « International Law » dont la paternité revient à Jeremy BENTHAM. La crise, selon CORNU Gérard, c'est une situation troublée (souvent conflictuelle) qui à raison de sa gravité, justifie des mesures d'exceptions, que ce soit en sociologie, en économie ou en relations internationales, révèle la difficulté à en cerner de façon générique les causes, caractéristiques et conséquences pour l'environnement dans lequel elle prend place.

Cette étude a donc été menée dans un environnement international actuel, marqué par des graves soubresauts politiques et géopolitiques qui laissent à penser que la société internationale va entrer dans une nouvelle phase de conflit perpétuel des États souverains entre eux. Le droit international public qui est censé ériger les règles qui vont régir les relations entre les sujets de la communauté internationale montre un visage de fébrilité qui se révèle rédhibitoire à la conduite des bonnes relations sur la scène internationale.

Il s'agit alors, à travers cette étude d'analyser l'hégémonie du droit international par rapport à l'évolution de la société internationale.

Dès lors, cela a fait ressortir dans un premier temps, une crise constatée de ce droit qui s'est fait ressentir sur le plan de la légitimité et de l'effectivité. Dans un second temps à relativiser la crise, grâce à la normativité remarquable que montre le droit international public dans certains domaines comme l'environnement et la protection des individus.

Mots clés : Droit, international, et Crise.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite