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UNIVERSITE AMADOU HAMPATE BA DE
DAKAR
*********************
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET
POLITIQUES
********************* DEPARTEMENT DES SCIENCES
JURIDIQUES
MÉMOIRE DE MASTER
Domaine : Sciences Juridiques, politiques et de
l'administration
Mention : Sciences Juridiques
SUJET : LE DROIT INTERNATIONAL EST-IL EN
CRISE
.
Spécialité : MANAGEMENT PUBLIC
ET RELATIONS INTERNATIONALES
Présenté et soutenu publiquement par :
M. SOSSOU GBEDOKOUN EUSÊBE Le :
30/12/2023
Directeur de Mémoire : Co-directeur
: Dr Gory NDIAYE
Jury
Prénoms et Noms
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Grade
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Provenance
|
Fonction
|
Pr. Amadou Abdoulaye DIOP
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Professeur assimilé
|
UCAD
|
Président
|
Dr. Alassane DIALLO
|
Maître de Conférence
Assimilé
|
UAHB
|
Membre
|
Dr. Gory NDIAYE
|
Maitre de conférences
Assimilé
|
UAHB
|
Membre
|
Année académique 2022-2023
MENTION REGLEMENTAIRE
« L'université AMADOU HAMPATE BA n'entend
donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans le
mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme
propres à leur auteur ».
DEDICACE
Je dédie ce mémoire à :
Ø Mon Papa qui a toujours
été pour moi l'exemple du père respectueux, humble,
honnête, de la bonne personne méticuleuse. Je tiens à
honorer l'homme que tu es. Grace à toi papa j'ai appris le sens du
travail et de la responsabilité. Ton soutien fut une lumière dans
tout mon parcours. Aucune dédicace ne saurait exprimer l'amour, l'estime
et le respect que j'ai toujours pour toi. Ce modeste travail est le fruit de
tous les sacrifices que tu as déployés pour mon éducation
et ma formation. Tu es ma référence ;
Ø Ma chère Maman
qui m'a entouré d'amour, d'affection et qui fait tout pour
ma réussite. Que Dieu te garde en vie encore pour longtemps ! Jamais, je
ne t'ai vu te plaindre, tu es pour moi ce qui est de plus cher dans la vie ;
Ø Mon Oncle TOSSOU Hyppolite, M. HILLAH, SOSSOU Orlog
Didi, AYITTEY Ayi Felix, AYITTEY Roberta Ayoko, Anayisse, fidéle et
Missoude ;
Ø Afonope Koudjo Benjamin, Eladam Mindhir et Folikoue
Paula avec qu'eux j'ai un rapport intellectuel très dense ;
Ø Je dédie enfin ce travail à mes
regrettés grands parents AYITTEY Ayittevi Andrews et Epe Patience.
REMERCIEMENTS
Mes remerciements vont d'abord au Dr. Gory NDIAYE, pour avoir
accepté de suivre ce projet, s'être rendu disponible et pour
m'avoir prodigué de précieux conseils tout au long de ce
travail.
J'aimerais ensuite remercier M. PEMBA enseignant à UVS
et UAHB, et M. MENDY pour leurs disponibilités et leurs précieux
conseils.
Je remercie également le Pr. Ameth Ndiaye et le Dr Baye
Samba DIOP, avec qui les échanges, sous fond de conseils et
d'encouragements, ont suscité en nous les cavalcades frémissantes
de l'intelligence et le désir ardent d'affermir nos connaissances
juridiques pour toucher un degré de perfection inaltérable.
Je voudrais aussi remercier ma grande soeur Edith Bilao
SOSSOU, qui a ménagé beaucoup d'effort et sacrifice pour ma
réussite. Merci beaucoup d'avoir toujours cru en moi.
Enfin, je remercie mes amis, sans distinction. Merci d'avoir
toujours répondu présent. Votre soutien inconditionnel et vos
encouragements ont été d'une grande aide pour moi.
À toutes ces connaissances, je suis très
reconnaissant et je présente mes plus sincères remerciements, mon
ultime respect et ma profonde gratitude la plus absolue.
SIGLES, ABREVIATIONS ET ACRONYMES
A.F.D.I Annuaire Français du Droit
International
A.J.I.L American Journal of International Law
AG Assemblée Générale
Art. Article
C.A.D.H.P Cour Africaine des Droit de l'Homme et
des Peuples
C.E.D.H Cour Européen des Droit de
l'Homme
C.I.J Cour Internationale de Justice
C.P.I Cour Pénale Internationale
C.P.J.I Cour Permanente de Justice
Internationale
C.S Conseil de Sécurité
D.I.E Droit International de l'Environnement
Ed. Edition
EDICEF Editions Classique d'Expression
Française
FMI Fonds Monétaire International
Ibid. Ibidem
LGDJ Librairie Générale de Droit
et de Jurisprudence
N° Numéro
O.N.U Organisation des Nations Unies
O.U.A Organisation de l'Unité
Africaine
Op.cit. : Opus-citatum
P. Page
P.V Procès-Verbal
Para. Paragraphe
P.U.F Presse Universitaire Française
R.C.A République Centrafricaine
R.D.C République Démocratique Du
Congo
RES Résolution
RGDIP Revue Générale du Droit
International public
U.A Union Africaine
U.P.C Unis Pour le Consensus
SOMMAIRE
INTRODUCTION
TITRE I : Une crise
constatée du droit international
Chapitre I- une crise
d'effectivité constatée
Section I - La défaillance de l'exercice de la
souveraineté étatique Section II - Le déclin de
l'interdiction du recours à la force
Chapitre II - Une crise de légitimité
constatée Section I - Le cas de l'Organisation des Nations Unie
Section II - Le cas de la justice internationales
TITRE II : Une crise à relativiser du droit
international
Chapitre I- Des Efforts de résilience
constatés
Section I - En matière de protection des individus Section
II - En matière de protection de l'environnement
Chapitre II - Des perspectives de renaissance
souhaitées
Section I - La réforme impérative du conseil de
sécurité Section II - Le renforcement des mesures de paix
Conclusion générale
EPIGRAPHE
« Les États sont les acteurs principaux
sur la scène internationale et leurs positions façonnent le
destin du monde ».1
1 Ban Ki-moon est un
diplomate et homme politique sud-coréen. Il fut le huitième
secrétaire général des Nations unies et a occupé
cette fonction du 01janvier 2007 au 31 décembre 2016. Il a
prononcé cette phrase à l'occasion de la Journée
internationale de la paix, le 21 septembre 2015.
INTRODUCTION
« Les transformations profondes survenues dans
l'ordre des événements comme dans celui des idées obligent
les internationalistes à repenser leur discipline dans son entier. Le
formalisme juridique2 est vivement combattu, le droit international
est invité à prendre contact avec la réalité
»3. Cette assertion de Charles De Visscher vient relayer
celle formulée, plus d'une décennie plus tôt, par Hersch
Lauterpacht, en ces termes mémorables : « Le droit
international est situé, pour ainsi dire, au point disparaissant
"vanishing point" du droit »4. Selon l'adage latin, "ubi
societas, ibi jus"5, toute société
sécrète son propre droit. Un droit international existe dans la
mesure même où une société internationale
existe6. La société est faite d'échanges,
d'alliances et de rivalités qui transcendent les frontières des
systèmes étatiques. Les débats actuels sur les
conséquences de la « mondialisation7 » ou sur les
enjeux du « choc
2 Le formalisme juridique peut se définir
comme « la technique selon laquelle la validité et
l'efficacité des actes sont subordonnées à l'observation
de certaines formes, à des formalités ». Lien : https://
www.ipeut.com/droit/loi-
generale/375/la-notion-de-formalisme-juridi41167.php, consulté le 23
Aout 2023 à 10h25.
C'est une notion qui est souvent abordée par certains
doctrinaires du droit international notamment François- Xavier LICARI
qui dans son article « Le formalisme juridique comme science du
matériau juridique pur » paru en 2019 dans la Revue de la
Recherche Juridique - Droit prospectif, rappelle la célèbre
conception de H. Levy- Bruh du formalisme juridique «le régime dans
lequel la forme prédomine sur le fond, en ce sens que l'observation des
formalités préétablies suffit à entraîner des
effets recherchés, sans qu'aucune considération soit
portée à aucun autre élément, notamment à
l'intention de l'auteur de l'acte envisagé ». LEVY-BRUHL (Henri),
« Réflexions sur le formalisme social », Cahiers
internationaux de sociologie, vol. 15, Paris, PUF, 1953, p. 53.
3 DE VISSCHER (Charles), Théories et
réalités en droit international public, Paris, Pedone, 1970,
p. 101
4 KUNZ (Joseph), « La crise et les
transformations du droit des sens », Recueil des Cours de
l'Académie de droit international, Tome II, 1955, p. 42.
5 "Ubi societas, ubi jus" est une expression latine
qui signifie «Là où il y a une société, il y a
un droit». C'est un principe qui affirme que le droit est
nécessaire pour réguler les relations entre les membres d'une
société. Lien : https://
www.studocu.com/fr/document/universite-grenoble-alpes/introduction-au-droit/intro-droit-pdf/73487146,
consulté le 23 Aout 2023 à 10h 29.
6 DECAUX (Emmanuel.) et DE FROUVILLE (Olivier),
Droit international public, 12e édition Dalloz,
Paris, 2020, p.54.
7 « La mondialisation, au sens
général du terme, constitue à la fois le processus et le
résultat du processus selon lequel les phénomènes de
divers ordres (économie, environnement, politique, etc.) tendent
à revêtir une dimension proprement planétaire. ».
« L'Encyclopadia Universalis », vol. 15 :
Météorologie-Néolithique, Paris, 2002, p. 416.
des civilisations8 » ne font que confirmer
l'importance prise par la société internationale dans un monde
fini où nul individu, comme nul État, ne peut vivre en autarcie,
en s'affranchissant des règles communes9. L'équilibre
politique du pouvoir mis en place par le droit international dans le cadre de
l'ONU (droit institutionnel et matériel) se trouve remis en question
suite aux grandes transformations de la société internationale.
L'évolution récente de la politique mondiale suscite des
interrogations quant à l'état du droit international. Cette
question de savoir si le droit international est en crise est essentielle dans
un monde marqué par des défis tels que les conflits10,
le changement climatique, les inégalités et les tensions
géopolitiques11. C'est dans cette optique que s'inscrit notre
sujet qui s'intitule : le droit international est-il en en crise ?
L'analyse de l'objet de notre réflexion, ainsi
déterminée, requiert le préalable du rappel de
données théoriques éclairantes pour une meilleure
appropriation. La sémantique et l'étymologie étant
très importantes dans le droit, il convient alors de faire, sortir
quelques approches définitoires de certaines notions clés
composant la thématique. Ce travail de définition est d'un enjeu
capital quant à la compréhension du sujet. Comme le fait
remarquer Gérard Cornu, définir « c'est extraire
l'essence et le sens qu'attache le Droit à un terme
»12.
8 "Le choc des civilisations" est une
théorie de Samuel Huntington, professeur américain de science
politique, exposée dans son livre "The Clash of Civilizations" en 1996.
Sa thèse centrale repose sur la description d'un monde divisé en
huit civilisations : occidentale, slave-orthodoxe, islamique, africaine,
hindoue, confucéenne, japonaise et latino-américaine. Une
civilisation est, selon Huntington, « le mode le plus élevé
de regroupement et le niveau le plus haut d'identité culturelle dont les
humains ont besoin pour se distinguer ».
La notion de « choc » en découle : un conflit
a plus de chance de devenir une crise majeure s'il met aux prises des
États issus de civilisations différentes. Autrement dit,
l'existence même de ces civilisations différentes annonce une
conflictualité irréductible sur la scène
internationale.
9 DECAUX (Emmanuel.) et DE FROUVILLE (Olivier),
op.cit.
10 Hugo Grotius dans son ouvrage majeur, De
jure belli ac pacis (Du droit de la guerre et de la paix), publié
en 1625 définit le conflit comme « un état de guerre ouvert
et armé entre des entités politiques, telles que des États
souverains ». Il fait une distinction entre le jus ad bellum (le droit de
recourir à la guerre) et le jus in bello (le droit applicable pendant la
guerre) ». GROTIUS (Hugo), Le droit de la guerre et de la paix paru en
1625, traduit par PRADIER-FODERE (Paul), Paris, Guillaumin et Cie, 1867, 3
tomes, réédité par ALLAND (Denis) et GOYARD- FABRE
(Simone), collection Léviathan, Paris, Presses universitaires
de France,1999, pp.145.
11 Selon LACOSTE (Yves) professeur
émérite de géopolitique à l'Université
Paris-VIII, par géopolitique, il faut entendre « toute
rivalité de pouvoirs sur ou pour du territoire. Toute rivalité de
pouvoirs n'est pas nécessairement géopolitique. Pour qu'elle le
soit, il faut que les protagonistes se disputent au premier chef l'influence ou
la souveraineté d'un territoire ». Lien : https://
www.vie-publique.fr/parole-dexpert/277002-definir-la-geopolitique-
par-yves-lacoste, consulté le 23 Aout 2023 à 11h 06.
12 CORNU (Gérard) (dir.), Vocabulaire
juridique, Paris, P.U.F., coll. Quadrige, 2018, 12e éd.,
p. 13.
Une première donnée théorique conduit
à une quête de sens, d'une part de l'expression "crise" et d'autre
part du syntagme "le droit international". On voit s'offrir la
possibilité d'une double extraction. Étymologiquement,
l'expression crise est empruntée, par l'intermédiaire du latin
médiéval crisis (manifestation grave d'une maladie) issu du grec
"êñßóéò", krisis
(jugement)13 qui a d'abord le sens d'action ou de faculté de
choisir (d'où sont tirés les autres sens d'élection, de
décision judiciaire et de dénouement) et celui d'accident d'ordre
médical, brusque et inattendu14. En français, c'est
essentiellement ce dernier sens qui est conservé, ainsi que ses emplois
figurés, pour désigner un évènement soudain qui
vient, comme l'altération brusque de la santé, troubler et
bouleverser une situation jusqu'alors paisible. On parlera ainsi, à
juste titre, de la crise financière de 192915. Pour
sa part, le mot droit est issu du latin directum, neutre pris substantivement
et de l'adjectif directus : ce qui est en ligne droite, direct, sans
détour, droit16. International ,quant à lui renvoie
à l'adjectif formé à l'aide du préfixe inter
(entre) qui vient du latin et de l'adjectif national qui provient du mot latin
nascere17. Le mot a été inventé en 1780 par
Jeremy Bentham pour l'expression "international jurisprudence"18.
Sémantiquement, comme tout droit, le droit
international est avant tout « un fait de langage »19, un
ensemble de signes et de symboles, composé de concepts précis
20 (droit21 et international22).
13 Lien : https://fr.wiktionary.org/wiki/crise,
consulté le 23 Aout 2023 à 16h 16.
14 Lien : https://
www.academie-francaise.fr/crise,
consulté le 23 Aout à 16h21.
15 La crise de 1929 est la plus grave crise
économique du XXe siècle, qui a commencé par un
effondrement des cours boursiers à Wall Street, le 24 octobre 1929, le
« jeudi noir ». Lien : https://
www.larousse.fr/encyclopedie/divers/la_crise_de_1929/187370,
consulté le 23 Aout à 16h23. Elle a entraîné une
récession mondiale, une forte augmentation du chômage et de la
misère, et des bouleversements sociaux et politiques dans de nombreux
pays. Lien : https://
www.universalis.fr/encyclopedie/crise-de-
1929/,consulté le 23 Aout à 16h25.
16 CORNU (Gérard) (dir.), op.cit., p.
817.
17 Lien : https://
www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/international,
consulté le 23 Aout à 16h28
18 Lien : https://
www.etymonline.com/word/international,
consulté le 23 Aout à 16h32
19 CAHIN (G.), « Apport du concept de
mythification aux méthodes d'analyse du droit international »,
in Mélanges offerts à C. Chaumont, Pedone, 1984, p.
89
20 DUPUY (P.-M.), « L'unité de l'ordre
juridique international. Cours général de droit international
public », RCADI, vol. 297, 2002, p. 200.
21 « La règle de droit est l'ensemble
des règles obligatoires qui régissent la vie en
société et dont l'inobservation entraîne la mise en place
de sanctions organisées ». RANJEVA (Raymond) et CADOUX (Charles),
Droit international public, Edicef, Paris, 1993, p. 15.
22 « Qui concerne les relations entre nations
(au sens d'État) ; s'applique tantôt à la source du Droit
(celui-ci émanant non d'un seul État, mais de plusieurs, ou de la
communauté internationale), tantôt à son objet (la
règle
On entend généralement par droit international
l'ensemble des normes et institutions destinées à régir la
société internationale23. Cette étroite
connexité entre droit international et société
internationale n'est pas sans rappeler le célèbre adage ubi
societas, ibi jus. Généralement, il se définit comme le
droit applicable à la société internationale. Cette
formule qui, à quelques différences près dans les termes,
se retrouve aujourd'hui sous la plume de tous les auteurs, est la plus simple
bien qu'elle ne soit pas pure constatation d'une évidence. Elle implique
l'existence d'une société internationale distincte de la
société nationale ou société interne, ou encore
étatique24. Elle délimite, en même temps, les
champs d'application respectifs du droit international et du droit interne. La
dénomination « droit international » est aujourd'hui celle qui
est la plus couramment employée pour désigner le droit de la
société internationale25. Elle est la traduction de
l'expression « International Law » dont la paternité revient
à Bentham26. Dupuy et Kerbrat reprenant l'approche
hegelienne27, qui présente le droit international comme
« une technique de formalisation des volontés
souveraines, permettant d'établir une large mesure de stabilité
et de prévisibilité aux relations établies entre les
États, directement ou dans le cadre des organisations internationales
», le conçoit comme « l'ensemble des normes et des
institutions destinées à régir la société
internationale »28. Cette conception normative du droit
international repose sur l'idée selon laquelle le droit international
est un ensemble de règles, d'accords et de traités qui sont
contraignants entre les pays dans la mesure où ces derniers se
émanant d'un seul État mais visant des situations
qui en intéressent plusieurs) ». CORNU (Gérard) (dir.),
op.cit., p. 1215.
23 KADA (Nicolas) et MARTIAL (Mathieu) (dir.),
Dictionnaire d'administration publique, coll. Droit et action publique
, Grenoble, PUG, 2014, pp. 171 à 172.
24 NGYUEN (Quoc Dinh) et alii, Droit international
public, 8e éd. Lextenso, Paris, L.G.D.J, 2009, p.43
25 Ibid.
26 Jeremy BENTHAM est un théoricien
britannique majeur de la philosophie du droit, radicaliste dont les
idées ont grandement influencé le développement du
conséquentialisme, il est surtout reconnu comme étant le
père de l'utilitarisme avec John Stuart Mill. Il est le premier à
évoquer l'expression « International Law » dans son livre
« An introduction to the Principles of Moral and
Législation » paru en 1780.
27 Georg Wilhelm Friedrich Hegel, un philosophe
allemand et l'un des figures les plus influentes de l'idéalisme allemand
et de la philosophie du XIXe siècle . Sa conception du droit
international s'articule autour de l'idée traditionnelle selon laquelle
le droit international traditionnel est souvent considéré comme
une fiction inutile. Les hommes d'État ne suivent les stipulations
juridiques que lorsqu'il est dans leur intérêt de le faire. Le
droit international ne joue aucun rôle indépendant en politique
mondiale car il peut toujours être réduit aux
considérations plus fondamentales de la politique de puissance. Les
intérêts nationaux ne se plient tout simplement pas aux exigences
juridiques.
28 DUPUY (Pierre-Marie) et KERBRAT (Yann),
Droit international public, 14e éd. Dalloz, Paris,
p. 49.
réunissent pour établir des règles
contraignantes qu'ils estiment bénéfiques pour les citoyens,
aboutissant à un système de droit indépendant existant en
dehors du cadre juridique d'un État particulier. Une grande partie de la
doctrine internationale partage cette conception à l'instar de Jeremy
Bentham « un ensemble de règles régissant les relations
entre les États »29 . Cependant, cette
définition n'inclut pas deux éléments importants qui
montrent à quel point le droit international a évolué
aujourd'hui : les individus et les organisations internationales.
« Celui qui voudra s'en tenir au présent,
à l'actuel, ne comprendra pas l'actuel »30. Cette
remarque de Michelet est pleinement justifiée à l'égard du
droit international qui, plus que toute autre branche du droit, est
inséparable de son histoire parce qu'il est un droit essentiellement
évolutif. Dans cette optique, il est important de rappeler que jusqu'au
XIXe siècle, le droit international présentait deux
caractéristiques. D'une part, organiquement, il était un droit
purement interétatique, c'est-à-dire qu'il ne régissait
que les activités des États, considérés comme les
seuls sujets de droit. Cette conception stato-centrée du droit
international s'expliquait par la sacralisation de la souveraineté
étatique reconnue par les traités de Westphalie de
164831. D'autre part, matériellement, son champ d'application
se limitait, pour l'essentiel, à certaines thématiques, telles
que le droit diplomatique, le droit de la paix et de la guerre ou encore le
droit de la navigation maritime. Le droit international contemporain a subi des
évolutions significatives. Dans sa dimension organique, il s'est
diversifié. Le monopole étatique a disparu avec
l'institutionnalisation de la société internationale et
l'apparition d'organisations internationales dotées de la
personnalité juridique. Par ailleurs, le droit international, sans en
faire de véritables sujets de droit, prend en considération
notamment les individus, les organisations non gouvernementales, la
société civile. La crise, selon CORNU Gérard, c'est une
situation troublée (souvent conflictuelle) qui à raison de sa
gravité, justifie des mesures
29 "A collection of rules governing relations
between states». Lien : https://
www.ourlegalworld.com/definition-of-
international-law, consulté le 24 Aout à 11h10
30 MICHELET (Jules), le Peuple,
Calmann-Lévy, Paris, 1846, p.x.
31 Ces traités mirent fin à la guerre
de Trente Ans qui ensanglanta l'Allemagne. À l'origine, celle-ci
était autant religieuse que politique. À partir de 1635, cette
guerre s'orienta vers une lutte d'influence entre la Maison de France et celle
d'Espagne à laquelle devaient participer d'autres nations. La guerre se
termina par la conclusion de deux traités, les 14-24 octobre 1648, celui
d'Osnabrück et celui de Münster qui constituaient les traités
dits de Westphalie. Le Traité d'Osnabrück fut conclu entre la reine
de Suède et ses alliés dont la France, d'une part, et, d'autre
part, l'empereur et les princes d'Allemagne. Les parties au Traité de
Münster étaient aussi au nombre de deux : d'une part, la France et
ses alliés dont la reine de Suède et, d'autre part, l'empereur et
les princes d'Allemagne. Ainsi, ces deux traités revêtirent la
forme bilatérale car à l'époque, la technique des
traités collectifs était encore inconnue. NGYUEN (Quoc Dinh),
op.cit., p. 61.
d'exceptions32, que ce soit en sociologie, en
économie ou en relations internationales33,
révèle la difficulté à en cerner de façon
générique les causes, caractéristiques et
conséquences pour l'environnement dans lequel elle prend place. En
termes généraux, la crise est une situation d'anomie34
provoquée par le changement. La notion de « crise » s'oppose
en principe à celle de « normalité ». Une situation est
qualifiée de crise si elle présente des caractéristiques
considérées comme anormales sur une période donnée
et si, sur cette période, les outils de régulation existants
s'avèrent inadéquats. Ainsi une situation présentant des
signes d'anomalie ne devient crise que si les organisations compétentes
faillissent à restaurer la normalité. La crise connaît donc
une dynamique qui est en partie fonction de sa gestion et des processus de
décision qui se mettent en place pour y faire face35.
À l'origine, le terme de crise est lié à l'univers
médical. Cela signifie un changement brutal de l'état de
santé d'un patient. La notion de crise est aujourd'hui présente
dans de nombreux domaines. On connaît notamment les crises sanitaires,
juridiques, cybernétiques, environnementales, sociétales,
médiatiques, etc. Généralement elle désigne une
période, un phénomène critique où il est
nécessaire de faire un choix pour faire face à un changement
majeur. Une crise est alors une situation intenable, inattendue et qui est une
menace pour un système. Elle peut intervenir dans n'importe quel cadre.
Elle peut se dérouler dans un temps court, mais également dans un
temps long36. Selon le dictionnaire le Robert, elle peut être
perçue comme « phase grave dans une évolution
(évènements, idées) »37.
Toute étude, pour que sa pertinence soit mieux saisie,
commande que son champ soit délimité avec précision, ce
qui permettra de mieux comprendre ses contours. La présente
étude
32 CORNU (Gérard) (dir.), op.cit., p.
637.
33 « Ensemble des rapports de fait ou de droit
qui se créent ou sont établis entre les États ». Lien
: https://
www.thesaurus.gouv.qc.ca/tag/terme.do?id=10857,
consulté le 24 Aout 2023 à 11h13
34 « Désorganisation sociale
résultant de l'absence de normes communes dans une société
». C'est une notion élaborée par Durkheim en 1893 dans sa
thèse intitulé la Division du travail social (1893),
plus précisément dans le livre III consacré aux formes
anormales de la division du travail, que l'on trouve une première
version du concept d'anomie.
35 TARDY (Thierry), Gestion de crise, maintien et
consolidation de la paix, De Boeck Supérieur, Paris, 2009, https://
www.cairn.info/gestion-de-crise-maintien-et-consolidation--9782804116392.htm,
consulté le 24 Aout 2023 à 11h17
36 Lien : https://
www.anfh.fr/thematiques/gestion-de-crise/definition-de-la-crise,
consulté le 24 Aout 2023 à 11h25.
37 Lien :
https://dictionnaire.lerobert.com/definition/crise, consulté le 24 Aout
2023 à 11h27
ne fera pas une exception. Cette délimitation porte
tant sur le champ matériel que sur le champ temporel. Sur le premier
élément de cette délimitation, le point central de notre
étude s'inscrira dans la dynamique actuelle du droit international qui
subordonne à des multitudes de réflexions dans la mesure
où il est censé encadré la conduite des États
(sujets principaux du droit international) et les sujets dérivés
dans le but de sauvegarder la paix et la sécurité internationale
mais fait preuve d'une obsolescence notoire. Ainsi on analysera les indicateurs
(l'émergence de plusieurs acteurs dont l'évolution
considérable empiète sur l'ordre international
préétabli, non-respect des normes internationales , les conflits
internationaux dont l'issue paralyse le système juridictionnel
international, l'inefficacité de certaines institutions nationales et la
question de représentativité des États à
l'ONU38 qui est jugé par bon nombre de doctrinaires en
déphasage avec la réalité internationale). Ce qui rappelle
le paradoxe de Borell39 qui disait
« plus de fauve moins de barrière ».
Sur le plan temporel, notre étude tire son assise de la période
marquant la création de la Société Des
Nations40 (SDN) jusqu'à nos jours.
Ainsi, en bon droit, il serait question dans le cas de
ce sujet de s'interroger sur une crise du droit international.
Telle est l'articulation qui justifie l'enjeu de notre
étude. Mais avant de répondre à cette interrogation, il
est important de préciser que ce travail d'étude comporte un
double intérêt : il
38 L'Organisation des Nations Unies (ONU) est une
organisation internationale regroupant 193 États membres depuis le 14
juillet 2011. Elle a été instituée (sous le
président américain Franklin Delano Roosevelt le 24 octobre 1945
par la ratification de la Charte des Nations Unies signée le 26 juin
1945 par les représentants de 51 États. Elle remplace alors la
Société des Nations. La Charte des Nations Unies définit
six organes principaux : l'Assemblée générale, le Conseil
de sécurité, le Conseil économique et social, le Conseil
de tutelle, la Cour internationale de justice et le Secrétariat. Le
système des Nations unies inclut plus largement des programmes, fonds,
institutions spécialisées et apparentées. Les six langues
officielles de l'ONU sont l'anglais, l'arabe, l'espagnol, le français,
le mandarin et le russe.
39. Josep Borrell, le maître d'oeuvre de la
politique étrangère de l'Union européenne (UE) « Plus
le monde compte de pays puissants, catégories poids lourds et poids
moyens, moins il est régi par la règle de droit ». Lien :
https://
www.ifri.org/fr/espace-media/lifri-medias/lordre-international-ne-1945-obsolete-propositions-lamender-
remplacer-ne, consulté le 24 Aout 2023 à 11h35
40 La Société des Nations (SDN)
était une organisation internationale introduite par le traité de
Versailles en 1919, et dissoute en 1946. Ce même traité est
élaboré au cours de la conférence de paix de Paris,
pendant laquelle est signé le Covenant ou le Pacte qui
établit la SDN, afin de préserver la paix en Europe après
la fin de la Première Guerre mondiale. Basée à
Genève, dans le palais Wilson puis le palais des Nations, elle est
remplacée en 1945 par l'Organisation des Nations Unies, qui reprend un
certain nombre de ses agences. Le principal promoteur de la SDN est le
président des États-Unis Woodrow Wilson.
s'agit d'un intérêt théorique et d'un
intérêt pratique. D'un point de vue théorique, cette
étude s'inscrit dans le même sens que d'autres qui ont posé
le problème de crise du droit international. Les opinions divergent dans
la mesure où certains juristes estiment que le droit international est
inefficace, voire contre-productif, face aux crises actuelles. Ils
dénoncent le manque de légitimité, de cohérence et
de respect du droit international, ainsi que son instrumentalisation par les
puissances dominantes ou les intérêts particuliers. Ils remettent
en cause les fondements étatiques du droit international, et proposent
des alternatives plus radicales ou innovantes, comme le recours à la
société civile, au droit comparé ou au pluralisme
juridique. Dans cette optique, Anne-Marie Slaughter41 a
publié un article sur la dégradation
généralisée du respect au droit
international42, dans lequel elle a analysé les causes et les
conséquences de cette situation, et appelé à une
refondation du droit international sur la base des valeurs communes de
l'humanité. Elle identifie trois causes principales de cette crise : la
montée du nationalisme, la fragmentation du droit international et la
faiblesse des mécanismes de sanction. Elle appelle à une
refondation du droit international sur la base des valeurs communes de
l'humanité, en renforçant le rôle des acteurs non
étatiques, comme les organisations non gouvernementales, les entreprises
ou les citoyens. Elle se fera rejoindre dans sa vision par Philippe
Sands43 « Le droit international est confronté
à des défis sans précédent, qui menacent son
autorité et son effectivité. Il doit s'adapter aux nouvelles
réalités du monde, qui sont marquées par la
diversité des acteurs, des intérêts et des normes. Il doit
aussi renforcer la protection des valeurs universelles, qui sont le fondement
de la dignité humaine et de la paix mondiale. » et Julia
Grignon44 qui a dénoncé les violations du droit
international humanitaire commises par la
41 Anne-Marie Slaughter, professeur
émérite de politique et d'affaires internationales à
l'Université de Princeton, où elle a été doyenne de
l'École des affaires publiques et internationales de 2002 à
2009
42 « La dégradation
généralisée du respect au droit international ». Lien
: https://
www.cairn.info/revue-
internationale-et-strategique-2005-4-page-43.htm, consulté le 25 Aout
2023 à 08h04
43 Philippe Joseph Sands, est un écrivain et
avocat franco-britannique et professeur de droit et directeur du Centre des
cours et tribunaux internationaux à l'University College de Londres .
Spécialiste du droit international , il intervient comme conseil et
avocat devant de nombreuses cours et tribunaux internationaux, notamment la
Cour internationale de Justice , le Tribunal international du droit de la mer ,
la Cour européenne de Justice , la Cour européenne des Droits de
l'Homme. Les droits humains et la Cour pénale internationale.
44 Julia Grignon, professeure agrégée
à la Faculté de droit de l'Université Laval et chercheuse
en droit des conflits armés à l'Institut de recherche
stratégique de l'École militaire (IRSEM), qui a répondu
à trois questions sur le droit international face à la guerre en
Ukraine dans une interview publiée par l'Institut Montaigne en
20222.Lien : https://
www.institutmontaigne.org/expressions/le-droit-international-face-la-guerre-en-ukraine,
consulté le 25 Aout 2023 à 08h10
Russie et ses alliés, et souligné les limites du
système juridique international pour sanctionner les responsables et
protéger les victimes. Elle a également évoqué les
pistes possibles pour renforcer le respect du droit international dans les
conflits armés.
Á l'opposé, il y a des juristes qui pensent que
le droit international n'est pas en crise et que ce droit est un outil
indispensable et efficace pour réguler les relations internationales et
faire face aux défis actuels du monde. Ils affirment que le droit
international repose sur des principes et des institutions qui sont
adaptés aux besoins et aux aspirations des États et des autres
acteurs, et qui garantissent la sécurité, la justice et la
coopération. Ils reconnaissent également les progrès et
les innovations du droit international, qui témoignent de sa
capacité d'évolution et d'adaptation. Ils défendent donc
le respect et le renforcement du droit international, en s'appuyant sur le
dialogue, la négociation et le règlement pacifique des
différends. Á cet effet, dans son discours sur la
thématique "Comment le droit international fonctionne en temps de
crise"45, Jean-Marc Sauvé46 a
présenté une vision pragmatique et réaliste du droit
international, fondée sur l'analyse des faits et des situations
concrètes. Il a souligné le rôle essentiel du droit
international pour assurer la stabilité et la
prévisibilité des relations internationales, pour protéger
les droits fondamentaux et les intérêts communs de
l'humanité, et pour favoriser le dialogue et la coopération entre
les États et les organisations internationales. Il y a aussi certains
auteurs qui ont gardé une posture mixte à l'instar d'Emmanuelle
Jouannet47 « le droit international est à la fois en
crise et en progrès. Il est en crise parce qu'il est souvent
ignoré, violé ou contourné par les puissants. Il est en
progrès parce qu'il est sans cesse enrichi, développé et
renforcé par les efforts des juristes, des diplomates, des
organisations
45 Discours de clôture par Jean-Marc
Sauvé, vice-président du Conseil d'État lors de la
12ème conférence annuelle de la Société
européenne de droit international (SEDI), qui s'est tenue à Riga
en Lettonie du 8 au 10 septembre 2016. Lien :
https://conseil-etat.fr/site/publications-colloques/discours-et-interventions/comment-le-droit-
international-fonctionne-en-temps-de-crise, consulté le 25 Aout 2023
à 08h16
46 Diplômé de l'Institut
d'études politiques de Paris et titulaire d'une maîtrise de
sciences économiques, Jean-Marc Sauvé est ancien
élève de l'École nationale d'administration. Il a rejoint
le Conseil d'État en 1977. Il a présidé cette institution
de 2006 à 2018, ainsi que parallèlement, le conseil
d'administration de l'ENA et la Commission pour la transparence
financière de la vie politique. Il est l'auteur de deux
célèbres articles publiés respectivement en 2012 (Le juge
administratif face au défi de l'efficacité. Retour sur les
pertinents propos d'un Huron au Palais- Royal et sur la « critique
managériale », RFDA, 2012, n°4) et 2016 («
De l'abolition de la peine de mort au droit à la vie, ou le visage
serein de Minerve » vu du Conseil d'État, in Mélanges
en l'honneur de Robert Badinter, L'exigence de justice, Dalloz,
juillet 2016, p. 669-690)
47 Emmanuelle Jouannet, une juriste
française et professeure de droit international. Auteur de l'ouvrage
Qu'est-ce que la société internationale juste ?
publié en 2011.
internationales et de la société civile
»48, de Hersch Lauterpacht49 « Le
droit international n'est ni en crise ni en mutation, il est en permanence en
construction. Il est le produit de l'interaction entre les normes juridiques,
les faits politiques, les valeurs morales et les intérêts
stratégiques. Il est le reflet de la diversité et de la
complexité du monde »50.
D'un point de vue pratique, cette étude nous permet de
réfléchir aux fondements, aux fonctions et aux limites du droit
dans un contexte de changements et de tensions sur la scène
internationale. Comme le soulignent certains auteurs², le droit
international n'est pas un phénomène isolé ou abstrait,
mais il est le reflet des rapports de force, des intérêts et des
valeurs des acteurs qui le créent et qui le mettent en oeuvre. Ainsi, la
crise du droit international révèle les contradictions, les
défis et les opportunités qui caractérisent la
société internationale51 contemporaine. Il offre une
occasion unique de réfléchir sur comment le droit international
peut assurer la régulation des conflits et la protection des droits
humains dans un monde marqué par la domination d'une seule puissance,
par l'émergence de nouveaux acteurs non étatiques, par la
multiplication des menaces à la paix et à la
sécurité, ou encore par la diversité culturelle et
normative. Il permet aussi de s'interroger sur les modalités, les
critères de l'effectivité, de la légitimité du
droit international, ainsi que sur les moyens de renforcer sa
crédibilité, son autorité face aux violations, aux remises
en cause dont il fait l'objet, explorer les pistes, les solutions possibles
pour adapter et réformer le droit international face à la
crise.
Pour ensemencer les graines d'une féconde
réflexion, notre présente étude sera articulée
autour d'une part d'une crise constatée du droit international
(TITRE I) et d'autre part une crise à relativiser du
droit international (TITRE II).
48 JOUANNET (Emmanuelle), Qu'est-ce qu'une
société internationale juste ? éd. Pedone, Paris,
Presses Universitaires de France, 2001, p. 7
49 Hersch Lauterpacht, un juriste britannique
d'origine polonaise et juge à la Cour internationale de justice (1955-
1960). Il est auteur du livre The Function of Law in the International
Community publié en 1933.
50 LAUTERPACHT (Hersch), The Function of Law in
the International Community, Oxford, Clarendon Press, 1933, p. 3
51 Une société internationale se
définit comme l'ensemble des rapports ou relations sociales possibles
entre les différents êtres sociaux - notamment les États -
qui la composent, ainsi que comme l'ensemble des attitudes sociales possibles
et aussi comme l'ensemble des formes sociales qui rendent possibles la
socialité. Lien : https://
www.erudit.org/en/journals/ei/2007-v38-n1-ei1703/015704ar.pdf,
consulté le 26 Aout 2023 à 12h32
TITRE I : UNE CRISE CONSTATÉE DU DROIT
INTERNATIONAL
Le droit international est le fruit de luttes
d'intérêts dont il vise à réguler les rapports. Le
XXe siècle a été marqué par une
accélération de la production normative devant réguler la
société internationale. Ainsi, le droit international a connu un
phénomène d'expansion incontestable. Cette évolution
normative étant le reflet de facteurs macro-économiques et
sociopolitiques qui ont permis l'émergence au-devant de la scène
internationale de certains acteurs considérés comme les peuples
sans voix de la communauté internationale de revenir au- devant de la
scène. Cette mutation du droit international appelle au préalable
une plus grande interdépendance entre les acteurs sur la scène
internationale. De nombreux écrits se sont penchés sur un
phénomène de crise en dirigeant leur analyse sur la concurrence
exercée par les État entre eux et l'inobservation de certaines
règles qui sous-tendent le droit international. Outre la mauvaise
conduite des États, l'ONU qui est l'appareil institutionnel par
excellence dont le but le principal est d'assurer la paix et la
sécurité internationales est objet aujourd'hui de vives
controverses. Plus rien n'est sûr en effet, et les principes les mieux
établis sont désormais mis en cause, tandis que les situations
depuis fort longtemps acquises ne sont plus véritablement
protégées.
La théorie d'une crise constatée du droit
international postule l'idée d'une crise d'effectivité
(chapitre I) et une crise
de légitimité (chapitre
II).
Chapitre I - Une crise d'effectivité
constatée
Le droit international est un ensemble de règles et de
principes qui régissent les relations entre les États et les
autres sujets de la communauté internationale. Il vise à assurer
la paix, la sécurité, la coopération et le respect des
droits de l'homme dans le monde. Parmi les principes fondamentaux du droit
international, on peut citer la souveraineté des États, le
principe du non recours à la force, l'égalité juridique
des États, le règlement pacifique des différends, la non-
intervention dans les affaires intérieures des États et le
respect des obligations internationales.
Toutefois, dans ces principes fondamentaux il y'en a qui sont
sacrosaints dans la mesure où ils abritent les autres. S'inscrivant dans
cette logique, on peut évoquer le principe de la souveraineté
étatique et le principe du non recours à la force qui ont fait
l'objet de plusieurs consécrations, et dont leurs mises à mal
aujourd'hui par des réalités politiques, économiques
caractérisent le monde contemporain. On assiste ainsi à une crise
d'effectivité du droit international, c'est-à-dire à un
décalage entre les normes juridiques et leur application
concrète. Face à cette situation, nous analyserons d'abord la
défaillance de l'exercice la souveraineté étatique
(section I) et nous étudierons ensuite le déclin de
l'interdiction du recours à la (section II).
Section I - La
défaillance de l'exercice de la souveraineté étatique
La souveraineté de l'État est aussi ancienne que
l'État lui-même52. À l'origine, son rôle
était essentiellement de consolider l'existence des États qui
s'affirmaient en Europe contre la double tutelle du Pape et du Saint-Empire
romain germanique. Jusqu'au XVIII siècle, approuvés et
encouragés par Jean Bodin53, Vattel54 et les plus
grands philosophes de leurs temps, les monarques y puisèrent la
justification de leur absolutisme. De ce fait, la souveraineté
était généralement définie comme un pouvoir
suprême et illimité. Cette conception trouvait au siècle
dernier une éclatante consécration dans la science juridique
allemande qui, sous l'influence de Hegel, liait étroitement la notion de
souveraineté à la toute-puissance de l'État. Jellinek la
définissait comme « la compétence de la compétence
», entendant par là qu'elle constituait le pouvoir originaire,
illimité et inconditionné de l'État, de déterminer
sa propre compétence. Ainsi comprise, la souveraineté de
l'État ouvre toute grande la porte à des excès qui n'ont
pas disparu avec l'État princier. Pour ne parler que de l'ordre
international, si l'État a le droit de s'attribuer librement ses
compétences, plus rien, à part sa propre volonté
d'autolimitation, ne l'empêche d'empiéter sur la volonté
des autres États. Cette volonté d'autolimitation tend souvent
à disparaitre dans la conduite des États tant que ça
s'aligne contre leurs intérêts confirmant cette assertion de Henry
John TEMPLE « L'Angleterre n'a pas d'amis ou d'ennemis permanents
;
52 NGYUEN (Quoc Dinh), op.cit., p. 466.
53 Jean Bodin (1530-1596) est un royaliste «
engagé », son dessein est de trouver un support juridique à
l'action du roi en vue de la construction de l'État. Sa
conceptualisation de l'État est destinée à servir et
affermir le pouvoir royal. Il désigne l'État par l'expression Res
publica : République et État sont pour lui des mots synonymes.
Ses vues systématiques sont exposées dans sa grande oeuvre
publiée en 1576 : Les six livres de la République. Jean
Bodin définit la République (donc, l'État) : « Le
droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur est commun
avec puissance souveraine ». La puissance « souveraine »,
voilà la caractéristique essentielle de l'État. Pas
d'État sans souveraineté. Ibid.
54 Vattel (1714-1768) est un précurseur du
positivisme. Né en Suisse, à Neuchâtel, sujet du roi de
Prusse, Vattel est bien placé pour observer cette pratique dans
l'exercice de sa fonction de diplomate au service du roi de Saxe. Son principal
ouvrage : Le droit des gens ou principes de la loi naturelle
appliquée à la conduite et aux affaires des nations et des
souverains est écrit en français et publié en 1758.
Cet ouvrage conserve aujourd'hui encore une place de choix dans la science et
dans la pratique. D'après Vattel, la société
internationale est par nature la « grande société des
nations ». Les membres de cette société sont uniquement des
États souverains. « Toute nation qui se gouverne elle-même
sans dépendance d'aucun État étranger est un État
souverain ».
elle n'a que des intérêts permanents
»55. Par ailleurs, la souveraineté désigne
en droit international public l'indépendance, l'égalité.
Ainsi pour une bonne appréhension, il conviendra de relever la
souveraineté comme un principe consacré en droit international
(paragraphe 1) et comme un principe restructuré par les États
puissants (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Un principe
consacré en droit international
La souveraineté est le critère de l'État
qui lui permet de se distinguer des autres collectivités publiques.
À cet égard, l'État dispose, comme toute
collectivité distincte des membres qui la composent, de la
personnalité juridique qui exprime la permanence de ses
intérêts issus des politiques variables de ses
gouvernants56. La notion est polysémique ce qui lui
confère une équivocité sémantique, ainsi avant
toute analyse de ses contours, il sied de faire un rappel du principe (A) et
les corollaires (B).
A : Rappel du principe
Qu'est-ce que la souveraineté ? Il n'est aucune
réponse que nous puissions apporter à cette question qui soit
susceptible de rendre compte de toutes celles déjà
formulées par les auteurs, tant elles sont nombreuses et
opposées. Non sans une certaine frustration, nous ne nous
écarterons donc pas de la voie principale, largement balisée, et
conduisant à une définition convenue de la souveraineté.
Tout naturellement, c'est, d'abord, vers la pensée de Jean Bodin qu'il
convient de se tourner. Dans son ouvrage, intitulé les six livres de
la république, celui que l'on présente, bien souvent, comme
l'inventeur de la notion de souveraineté la définit comme
« la puissance absolue et
perpétuelle d'une République, c'est-à-dire la plus grande
puissance
55 « We have no eternal allies, and we have no
perpetual enemies. Our interests are eternal and perpetual, and those interests
it is our duty to follow». Henry John Temple, Lord Palmerston,
Speech to the House of Commons (1848).
56 BASUE BABU KAZADI, G., Introduction
générale à l'étude du droit partie droit
public, Cours polycopié, 1er graduat, Fac Droit, UNIKIN,
Kinshasa, 2005 - 2006, p. 9
de commander »57.
Jean Bodin introduit ici l'idée que la souveraineté
consisterait en une sorte de Summa potestas, soit le pouvoir le plus
élevé dans une société. Cette définition
fonde plus celle du père du droit international Hugo
GROTIUS58 qui définit la puissance souveraine comme
« celle dont les actes sont indépendants de tout autre pouvoir
supérieur et ne pouvait être annulés par aucune autre
volonté humaine ». Rousseau incline en ce sens lorsqu'il
écrit, un siècle et demi plus tard, « il est de
l'essence de la puissance souveraine de ne pouvoir être limitée :
elle peut tout ou elle n'est rien »59. Bien que la
théorie de la souveraineté soit l'objet de multiples
controverses, les auteurs, qu'ils soient affiliés à la doctrine
jusnaturaliste ou positiviste, sont, néanmoins, d'accord sur un point :
la souveraineté est cette qualité que possède une
entité qui s'incarne, pour les uns dans une autorité, pour les
autres dans un système normatif, à n'être coiffée
par aucune autre. Carré de Malberg exprime parfaitement cette
idée lorsqu'il affirme que « dans son acception précise
[...] la souveraineté, c'est le caractère suprême d'un
pouvoir : suprême, en ce que ce pouvoir n'en admet aucun autre ni
au-dessus de lui, ni en concurrence de lui. Quand donc on dit que l'État
est souverain il faut entendre par là que, dans la sphère
où son autorité est appelée à s'exercer, il
détient une puissance qui ne relève d'aucun autre pouvoir et qui
ne peut être égalée par aucun autre pouvoir
»60. La notion est l'une des plus controversées et
équivoques du vocabulaire juridique international en raison de ses
différentes conceptions dans diverses époques historiques et dans
diverses branches scientifiques61, à savoir les relations
internationales, l'économie et surtout la science juridique. Elle est
conçue selon CORNU Gerard62 comme « Caractère
suprême d'une puissance qui n'est
57 BODIN (Jean), Les six livres de la
république, Liv. I, Chap. VIII, in BEHRENDT (Christian), BOUHON
(Frédéric), Introduction à la théorie
générale de l'État, Larcier, coll. «
Faculté de droit de l'université de Liège », 2009, p.
82.
58 Hugo Grotius, Le droit de la guerre et de la paix
paru en 1625, traduit par P. Pradier-Fodéré, Paris, Guillaumin
et Cie, 1867, 3 tomes, réédité par Denis
Alland et Simone Goyard-Fabre, Paris, Presses universitaires de France,
collection « Léviathan », 1999, in NGYUEN (Quoc Dinh),
op.cit., p. 65.
59 ROUSSEAU (Jean-Jacques), Lettres écrites
de la montagne, OEuvres complètes, T. III, Paris, 1817, p.
177.
60 CARRE DE MALBERG (Raymond), Contribution
à la théorie générale de l'État, Paris,
CNRS Éditions, n° 26, 1920, p. 79
61 Pour souligner le caractère equivoque de
la notion, L. Henkin écrit que « sovereignty is a bad word, not
only because it has served terrible national mythologies; in international
relations, and even in international law, it is often a catchword, a substitute
for thinking and precision. It means many things, some essential, some
insignificant; some agreed, some controversial; some that are not warranted and
should not be accepted ». HENKIN (Louis), « International Law:
Politics, Values and Functions: General Course on Public International Law
», RCADI, vol. 216, 1989, p. 24-25.
62 CORNU (Gérard) (dir.), op.cit., p.
2075.
soumise à aucune autre. Ex. la souveraineté
de l'État, de la loi. Puissance suprême et inconditionnée
dans laquelle l'ordre international reconnaît un attribut essentiel de
l'État mais qui est aussi reconnue, par exception, à certaines
entités ».
Traditionnellement, la souveraineté de l'État
est présentée comme pouvant être de deux sortes. Elles
forment, selon Olivier Beaud, les deux faces d'une même
pièce63 : souveraineté interne et souveraineté
externe. La première face de cette pièce porte la marque de la
souveraineté que l'on qualifie généralement
d'externe64. Externe, parce qu'est ici visée l'idée
que l'État souverain n'est soumis à aucune puissance
étrangère ; qu'il n'est subordonné à aucune autre
sorte de pouvoir et qu'il ne se fait dicter sa conduite par
personne65. En d'autres termes, « dans l'expression
souveraineté externe, le mot souveraineté est au fond synonyme
d'indépendance »66. Parce qu'il est titulaire de cette
souveraineté externe, les « frontières de l'État
forment un véritable sanctuaire dressé à la face du monde
extérieur »67. L'indépendance de l'État
est cependant limitée par ses propres engagements dans des
traités internationaux68. Cette compétence à
participer à la production du droit international est une des
caractéristiques de la souveraineté externe.
S'agissant de la souveraineté interne, elle renvoie
à une autre dimension du pouvoir de l'État. On la qualifie de
« puissance d'action »69. Pour Jellinek, l'État
dispose, selon sa célèbre
63 BEAUD (Olivier), La puissance de
l'État, PUF, coll. Léviathan, Paris, 1994, p. 15.
64 RIALS (Stéphane), « La puissance
étatique et le Droit dans l'ordre international ; éléments
d'une critique de la notion externe de souveraineté externe »,
APD, 1987, p. 189- 208.
65 Cette vision de la souveraineté prend sa
source à une époque très lointaine où le pouvoir
temporel voulait s'affranchir une fois pour toutes du pouvoir spirituel. Ainsi
comme le soulignent des auteurs « il s'agissait [...] au XVIe
siècle et principalement dans le royaume de France, d'affirmer la
suprématie du Roi sur les grands feudataires, en un mot de
récuser la conception patrimoniale du pouvoir, ainsi que
l'indépendance de la Couronne vis-à-vis du Saint-Siège et
du Saint-Empire romain germanique ». GICQUEL (Jean), GICQUEL (Jean-
Éric), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris,
Montchrestien, 26e éd., 2012, p. 66
66 CARRE DE MALBERG (Raymond), op.cit., p. 71.
67 DE BECHILLON (Denys), Hiérarchie des
normes et hiérarchie des fonctions normatives de l'État,
thèse, Economica, Paris, 1996, p. 104.
68 « L'expression traité s'entend d'un
accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le
droit international, qu'il soit consigné dans un instrument unique ou
dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa
dénomination particulière ». Article 2 alinéa 1.a de
la convention de vienne sur le droit des traités du 23 mai
1969. Lien :
https://legal.un.org/ilc/texts/instruments/french/conventions/1_1_1969.pdf,
consulté le 26 aout à 15h36
69 DE BECHILLON (Denys), op.cit., p. 105.
formule, de « la compétence de sa
compétence ». La souveraineté interne de l'État
serait « la capacité exclusive de déterminer
l'étendue de son propre ordre juridique »70. Pour
Carré de Malberg, la souveraineté interne « implique
[...] que l'État possède, soit dans ses rapports avec les
individus qui sont ses membres ou qui se trouvent sur son territoire, soit dans
ses rapports avec tous autres groupements publics ou privés
formés au-dedans de lui, une autorité suprême, en ce sens
que sa volonté prédomine sur toutes les volontés de ces
individus ou groupes, celles- ci ne possédant qu'une puissance
inférieure à la sienne »71. L'État
n'est en concurrence avec ni subordonné à aucune autre
entité, sa volonté prévalant sur toutes les personnes
morales ou physiques. Il détient seul "la compétence de la
compétence" et dispose de ce fait de prérogatives, en particulier
: la capacité à s'organiser lui-même, le monopole de la
production du droit, la légitimité de l'autorité (pouvoir
de la violence légitime sur son territoire) et du contrôle sur la
population, le monopole de la force publique. Il doit aussi assurer certaines
tâches comme le maintien de l'ordre public, la justice, la défense
nationale, la monnaie, l'administration publique etc. En définitive,
souveraineté interne et souveraineté externe renvoient à
une même idée : il n'est rien de supérieur au pouvoir de
l'État. L'État ne se fait commander par aucune puissance
étrangère, tout autant qu'il commande à ceux qui
évoluent à l'intérieur de ses frontières.
En droit international, la notion est consacrée par
l'article 2 § 1 et 7 de la Charte des Nations unies qui dispose
respectivement « l'Organisation est fondée sur le principe de
l'égalité souveraine de tous ses Membres », « aucune
disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à
intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la
compétence nationale d'un État ni n'oblige les Membres à
soumettre des affaires de ce genre à une procédure de
règlement aux termes de la présente Charte; toutefois, ce
principe ne porte en rien atteinte à l'application des mesures de
coercition prévues au Chapitre VII » . Á la
lumière de ces deux articles ont peut envisager que l'organisation
onusienne a placé la souveraineté comme baromètre de la
conduite des États, ce qui pousse certains auteurs à l'assimiler
à l'indépendance. C'était le cas de l'arbitre Max
HUBERT72 qui disait « La souveraineté dans les
relations entre États signifie l'indépendance ». Cette
consécration s'est faite remarquée au niveau de plusieurs chartes
régionales à l'instar de la charte de l'Organisation de
l'Unité Africaine qui la consacre dans son article 3 alinéa
373.
70JELLINEK (GEORG), L'État moderne et
son droit : THEORIE GENERALE DE L'ETAT, Olivier Jouanjan
(Préface), éd. PANTHEON ASSAS, Paris, 2005, p. 136.
71 CARRE DE MALBERG (Raymond), ibid.
72 CPA, affaire de l'Île des Palmes, 4 avril
1928, RSA, II, p. 838
73 « Les États Membres, pour atteindre
les objectifs énoncés à l'Article
B : Les corollaires du
principe
Le principe de la souveraineté des États admet
plusieurs corollaires. Parmi ces corollaires on relève le principe de
l'égalité souveraine et la liberté d'action.
Le principe de l'égalité souveraine à la
différence de la situation de droit interne caractérisée
par l'existence d'une puissance publique, l'absence d'autorité
supérieure à l'État souverain en droit international
implique l'égalité de statut juridique des États de la
société internationale.
À partir de 1945, une première
consécration expresse du principe de l'égalité juridique
se trouve à l'article 2 paragraphe 1 de la Charte des Nations Unies :
« L'Organisation est fondée sur le principe de
l'égalité souveraine de tous ses Membres ». À San
Francisco, le President de la Conference s'exprima ainsi « the four
ideas that are incorporated in the term «sovereign equality»: that
states are juridically equal; that each state enjoys the right inherent in full
sovereignty; that the personality of the state is respected, as well as its
territorial integrity and political independence; that the state should, under
international order, comply faithfully with its international duties and
obligations »74.
Cette liste d'éléments est reprise par certains
auteurs75, mais en 197076, l'AG de l'ONU, par une
résolution à caractère interprétatif, donnait quant
à elle une indication plus précise de la définition du
principe de l'égalité souveraine contenu à l'article 2
susmentionné. La déclaration relative aux principes du droit
international énumère les éléments qui comportent
le principe de l'égalité souveraine de façon
détaillée : Tous les États jouissent de
l'égalité souveraine. Ils ont des droits et des devoirs
égaux et sont des membres égaux de la communauté
internationale, nonobstant les différences d'ordre économique,
social, politique ou d'une autre nature. En particulier,
l'égalité souveraine comprend les éléments suivants
: les États sont
II, affirment solennellement les principes suivants : Respect
de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de
chaque État et de son droit inaliénable à une existence
indépendante » article 3 alinéa 3 de la charte de l'OUA
(Organisation de l'unité africaine) signée le 25 mai 1963
à Addis-Abeba en Éthiopie par trente États
africains indépendants.
74 ONU, Documents de la Conférence des
Nations Unies sur l'Organisation Internationale, San Francisco, 1945, p.
70.
75 KOHEN (Gustavo), « Article 2 Paragraphe 1
», in PELLET (Alain), dir., La Charte des Nations Unies : commentaire
article par article, 3e éd., Paris, Economica, 2005, p. 407.
76 Déclaration relative aux principes du
droit international touchant les relations amicales et la coopération
entre les États conformément à la Charte des Nations
Unies, Rés. AG 2625 (XXV), Doc. off. AG NU, 25e sess., supp. no 28, Doc.
NU A/8082 (1970) 131 à la p. 134
juridiquement égaux ; chaque État jouit des
droits inhérents à la pleine souveraineté ; chaque
État a le devoir de respecter la personnalité des autres
États ; l'intégrité territoriale et l'indépendance
politique de l'État sont inviolables ; chaque État a le droit de
choisir et de développer librement son système politique, social,
économique et culturel. Cette résolution clarifie, en raison de
son caractère déclaratoire, la portée et le contenu de
l'article. Comme l'explique la Cour internationale de justice « les
résolutions de l'Assemblée générale, même si
elles n'ont pas force obligatoire, peuvent parfois avoir une valeur normative.
Elles peuvent, dans certaines circonstances, fournir des éléments
de preuve importants pour établir l'existence d'une règle ou
l'émergence d'une opinio juris. Pour savoir si cela est vrai d'une
résolution donnée de l'Assemblée générale,
il faut en examiner le contenu ainsi que les conditions d'adoption ; il faut en
outre vérifier s'il existe une opinio juris quant à son
caractère normatif. Par ailleurs des résolutions successives
peuvent illustrer l'évolution progressive de l'opinio juris
nécessaire à l'établissement d'une règle nouvelle
»77.
Il est repris dans toutes les chartes institutives des
organisations régionales de coopération. Il est plus implicite
dans les traités créant des organisations dites
d'intégration comme la charte de l'OUA à l'article 3
alinéa 1 « Les États Membres, pour atteindre les
objectifs énoncés à l'Article II, affirment solennellement
les principes suivants : Égalité souveraine de tous les
États membres ». L'Acte final de la Conférence
d'Helsinki (CSCE, 1975)78 tente d'en préciser les
implications dans les relations Est-Ouest : « Dans le cadre du droit
international, tous les États participants ont des droits et des devoirs
égaux. Ils respectent le droit de chacun d'entre eux de définir
et de conduire à son gré ses relations avec les autres
États conformément au droit international [...]. Ils ont aussi le
droit d'appartenir ou de ne pas appartenir à des organisations
internationales, d'être partie ou non à des traités
bilatéraux ou multilatéraux, y compris le droit d'être
partie ou non à des traités d'alliance ; ils ont également
le droit à la neutralité » (point I de
la Déclaration sur les principes régissant les relations
mutuelles des États participants). Comme la Déclaration
d'Helsinki, tous les États ont les mêmes droits et obligations
internationaux. Le droit international est réducteur et négateur
des différences réelles entre États. Ne permettant pas, la
plupart du temps, de prévenir ou de corriger
77 Licéité de la menace ou de
l'emploi d'armes nucléaires, Avis consultatif, C.I.J. 1996 rec. 226,
para. 70.
78 Signés le 1er août 1975
à l'issue de la CSCE, les accords d'Helsinki, ou
« Acte final » de la Conférence d'Helsinki, consacrent
l'inviolabilité des frontières européennes, rejettent tout
recours à la force et toute ingérence dans les affaires
intérieures et engagent les signataires à respecter les droits de
l'Homme.
les inégalités de dimension, de richesse, de
puissance, il constitue un obstacle à toutes les tentatives pour faire
consacrer juridiquement une typologie inégalitaire des statuts.
La liberté d'action quant à elle, s'observe dans
l'autonomie constitutionnelle que dispose les États. Cette autonomie
constitutionnelle résulte de l'indifférence du droit
international à l'égard des formes politiques internes,
dès lors que les institutions nationales disposent de la capacité
d'engager l'État dans les relations internationales. La CIJ l'a
rappelé clairement dans l'affaire du Sahara occidental : «
Aucune règle de droit international n'exige que l'État ait une
structure déterminée comme le prouve la diversité des
structures étatiques qui existent actuellement dans le monde
»79. Plus récemment, la Cour a
réaffirmé le corollaire de la souveraineté en une formule
particulièrement nette : « L'adhésion d'un État
à une doctrine particulière ne constitue pas une violation du
droit international coutumier ; conclure autrement reviendrait à priver
de son sens le principe fondamental de la souveraineté des États
sur lequel repose tout le droit international, et la liberté qu'un
État a de choisir son système politique, social,
économique et culturel »80.
Le libre choix par chaque peuple de son régime
politique, économique et social est du reste la principale
conséquence concrète du principe d'autodétermination, au
moins pour les peuples déjà constitués en États
comme l'a précisé la Déclaration de 1970
précitée, qui formule le principe de façon très
générale : « chaque État a le droit de choisir et
de développer librement son système politique, social,
économique et culturel ».
Paragraphe 2 : Un principe redéfini par les
États puissants.
« Le droit international n'est qu'un instrument aux
mains des grandes puissances qui peuvent le remodeler ou le modifier à
leur propre guise »81, « à l'instar de
toute politique, la politique internationale est une lutte pour le pouvoir
». Qui dit droit international fait référence à
ces grands principes qui le transcendent. Ainsi à la lumière de
cette pensée on peut d'ores et déjà présager les
diverses modification ou réadaptation que certains États à
catégorie moyenne ou super puissance font de ce droit dans l'unique but
de satisfaire leurs intérêts faussant ainsi
79 Affaire du Sahara occidental, avis du 16 octobre
1975, CIJ Rec. 1975, p. 43-44
80Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),
arrêt du 27 juin 1986, CIJ Rec. 1986, p. 133
81MORGENTHAU (Hans), Politics Among Nations: The
Struggle for Power and Peace, New York, Knopf, 1948, p. 13.
le postulat de départ qui est la sauvegarde de la paix
et la sécurité en gardant le principe de la souveraineté
à l'élixir dans les rapports entre État. Une bonne
structuration nous permet de dégager comment les États sont
passés de la non-ingérence à l'ingérence (A) et du
devoir d'ingérence à la responsabilité de protéger
(B) qui dont tous deux contraires à l'esprit de la souveraineté
étatique.
A : De la non-ingérence
à l'ingérence
Le principe de non-ingérence est défini de
différentes façons, selon les auteurs et selon les domaines. En
droit administratif, on doit partir de la définition de
l'ingérence pour mieux définir la non-ingérence.
L'ingérence c'est le fait pour une autorité administrative de
prendre une décision dans le domaine qui ne relève pas de ses
compétences ou de ses attributions ; la non-ingérence devient
alors l'interdiction faite à toute autorité administrative de
prendre des mesures dans le domaine qui n'entre pas dans ses attributions sans
qu'il n'en reçoive préalablement un mandat82. En droit
international, l'ingérence est tout acte qui interfère avec la
conduite des affaires intérieures de l'État, sans emploie de la
force ; la non-ingérence devient alors l'interdiction faite à
tout État et à toute organisation internationale de poser tout
acte qui interfère avec la conduite des affaires intérieures de
l'État83. Selon Jean Salmon,
« la non- ingérence est le fait que les
États ne peuvent pas accomplir des actes d'ingérence dans les
affaires d'autres États, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent exercer
une influence de nature contraignante dans les affaires des autres États
ou exiger d'eux l'exécution ou l'inexécution d'actes qui ne
relèvent pas du droit international »84.
Une distinction est à faire entre intervention et
ingérence. Parfois les termes sont utilisés
indifféremment, y compris par la CIJ, mais l'intervention est une
opération matérielle, c'est dans ce sens que le terme a
été employé dans un arrêt de la CIJ du 9 avril 1949
sur le détroit de Corfou. En espèce le Royaume-Uni est venu
déminer le détroit de Corfou, que l'Albanie refusait de faire -
intervention. L'ingérence est tout acte qui interfère avec la
conduite des affaires intérieures de l'État, mais cela sans
emploi de la force. Ce qui fait qu'une ingérence peut prendre la forme
d'une pression, économique ou politique à titre d'exemple on peut
prendre une prise
82 KABILA (Jerry Nkulu), Droit administratif,
3e de graduat, Faculté de droit, Université de Likasi,
2017, p.45.
83 DAVID (Eric), Portée et limites du
principe de la non-ingérence, éd. Buylant, Bruxelles, 1990,
p.252.
84 SALOMON (Jean), dictionnaire du droit
international public, Bruxelles, éd. Bruyant, 2001, p.456.
de position officielle d'un État prend position sur la
procédure électorale d'un autre État qu'il juge
frauduleuse. Dans un cas pareil, il y a l'ingérence.
Le principe de la non-ingérence trouve son fondement
dans la Charte des Nations-unies plus spécialement en son article 2
§7 qui stipule qu' : « aucune disposition de la présente
Charte n'autorise les Nations-unies à intervenir dans les affaires qui
relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un
État ni n'oblige les membres à soumettre les affaires de ce genre
à une procédure de règlement aux termes de la
présente charte ; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte
à l'application des mesures de coercition prévues au chapitre VII
». De l'exégèse de ces principales lignes, il ressort que le
principe ne concerne que l'organisation. Mais les questions tournent autour de
son applicabilité à l'égard des États en relation
entre eux. Tel était la conception du principe de non-ingérence,
telle conception a créé des controverses depuis l'adoption de la
Charte jusqu'à faire un débat dans les années 1970. De ce
débat, on est arrivé à déduire que la prohibition
de l'ingérence s'imposait non seulement à l'organisation des
Nations- unies en tant qu'institution, mais aussi à tous les sujets du
droit international dont les États et les organisations
internationales85. Malgré cette conclusion, les
représentants britanniques à l'époque ont soulevé
une opposition disant qu'ils voyaient dans le principe « toute
intervention illicite pouvant être soumise à un organe de l'ONU
auquel il appartient de décider »86, ainsi ils ont
proposé deux critères notamment : chaque État a droit
à l'indépendance politique et à l'intégrité
territoriale et chaque État a le devoir de respecter les droits dont
jouissent les autres conformément au droit international et de ne pas
intervenir dans les affaires relevant de la compétence nationale d'un
autre État. Ainsi, le principe de la non-ingérence s'impose
à l'organisation des Nations-unies, aux États et à toutes
les organisations internationales en tant que sujets du droit international. Il
est à noter que ce principe s'applique dans un cadre bien circonscrit et
déterminé dans les relations entre les États. Ce principe
ayant fait l'unanimité au départ, lors de la 21e
session de l'Assemblée générale des Nations-unies, les
États ont abouti à la Résolution 213187 qui,
finalement, donna naissance en 1970 à l'insertion de ce dispositif dans
la Résolution 2625 du 24 octobre 1970 portant Déclaration
relative aux principes du droit international touchant les relations amicales
et la coopération entre les États conformément à la
charte des Nations-unies. Dans le contenu du principe de la
non-ingérence, il est interdit : toute
85 RANJAVA (Raymond) et CADOUX (Charles), op.cit.,
p.86.
86 NOEL (Jacques), le principe de la
non-ingérence : théorie et pratique des États,
Bruxelles, éd. Bruyant, 1981, p.66.
87 Résolution 2131 DE L'ASSEMBLÉ
GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES, adoptée le 21 DÉCEMBRE
1965
portant sur la Déclaration sur L'Inadmissibilité de
l'intervention dans les affaires intérieures des États et la
protection de leur indépendance et de leur souveraineté.
action d'un État tiers dans les affaires relavant de la
compétence exclusive de l'autre État ; toute intervention de
quelle nature que ce soit touchant un domaine exclusivement interne ; l'usage
de la force ou des menaces ou contraindre un État à une
volonté extérieure ; toute injonction extérieure vers un
État. Á l'unanimité, les États et les organisations
internationales, parties prenantes à cette session de l'Assemblée
générale des Nations-Unies se sont engagés, non seulement
de respecter ce contenu du principe de la non-ingérence mais aussi
à dénoncer tout acte d'ingérence sur le territoire d'un
autre État.
Force est de constater, que plusieurs décennies
déjà, nous assistons à une tendance vers une
ingérence qui atteint son paroxysme sur la scène internationale.
Ainsi deux sortes d'ingérences sont à relever :
l'ingérence directe et l'ingérence déguisée.
L'ingérence directe nous la définissons comme le fait pour un
État ou une organisation internationale d'exercer une pression par des
propos ou des actions, dans un État, dans les affaires qui
relèvent de la compétence exclusivement interne. Plusieurs
exemples peuvent être soulevés, qui constituent des actes
d'ingérence directe. Le premier cas qu'on peut évoquer est celui
d'une résolution, celle du 2 juillet 2016 adopté par la Chambre
des représentants belges selon laquelle, les élus belges ont
menacé de couper l'aide bilatérale directe à la
République démocratique du Congo au cas où le pays
n'organise pas le scrutin présidentiel dans le délai
constitutionnel. Ce qui va à l'encontre de la Résolution 2625 de
l'Assemblée générale des Nations unies relative aux
principes du droit international touchant les rapports amicaux, diplomatiques
et de la coopération entre les États conformément à
la Charte des Nations-Unies qui stipule que : « Aucun État ou
groupe d'États n'a le droit d'intervenir directement ou indirectement
pour quelque raison que ce soit dans les affaires intérieures ou
extérieures d'un autre État. En conséquence, non seulement
l'intervention armée mais aussi toute autre forme d'ingérence ou
toute menace dirigée contre la personnalité d'un État ou
contre ses éléments politiques, économiques et culturels
sont contraires au droit international. Aucun État ne peut appliquer ni
encourager l'usage des mesures économiques politiques ou de toute autre
nature pour contraindre un autre État à subordonner l'exercice de
ses droits souverains et pour obtenir de lui les avantages de quelque ordre que
ce soit »88. Au regard du principe, la résolution
de la chambre des représentants Belges constitue un acte
d'ingérence directe. Il en est de même du ministre français
des affaires étrangères qui a déclaré en septembre
2016 avoir appuyer les États-Unis sur la possibilité de
sanctionner les responsables de la R.D.C et demander en même temps au
président de la RDC de l'époque de « respecter la
constitution et de ne pas se présenter
88 Op.cit.
aux élections à venir ». Cela constitue,
à notre avis, un acte d'ingérence directe car ces propos sont
directement adressés aux autorités congolaises et sont de nature
à menacer les autorités congolaises afin de les subordonner
à la volonté de la France. Également, il y a d'autres
exemples qui s'apparentent à l'ingérence directe comme celui de
2014, la France et les États- Unis ont soutenu le coup d'État
contre le président burkinabé Blaise Compaoré, qui
était au pouvoir depuis 27 ans. Les deux pays ont salué la
transition démocratique initiée par les militaires, qui ont
promis d'organiser des élections libres et transparentes89 ;
de 2019, les États- Unis ont reconnu le chef de l'opposition
vénézuélienne Juan Guaidó comme président
par intérim du Venezuela, en contestant la légitimité du
président élu Nicolás Maduro. La France a suivi cette
position, ainsi que plusieurs pays européens et
latino-américains. Cette ingérence a été
condamnée par le gouvernement vénézuélien, qui a
dénoncé une tentative de coup d'État orchestrée par
les États-Unis pour s'emparer des ressources pétrolières
du pays90.
L'ingérence peut être déguisée et
ça s'observe souvent dans la recherche des solutions dans les Affaires
purement internes des États. En effet, ce sont les organisations
internationales ou la communauté internationale qui cherchent à
s'approprier un conflit interne d'opinion politique en voulant trouver une
solution. Cette recherche de solution constitue de l'ingérence lorsque
l'affaire relève de la souveraineté nationale de l'État ;
encore, l'organisation ou la communauté qui intervient va chercher
à imposer indirectement ses points de vue qui doivent s'appliquer
à l'intérieure de l'État. C'est en ça que sa
constitue une ingérence déguisée en ce sens que
l'orientation de la situation se fait à la volonté de
l'organisation qui intervient. C'est le cas de l'Union Africaine qui a
envoyé un facilitateur du dialogue entre l'opposition congolaise et le
pouvoir congolais sur l'organisation des élections en R.D.C en juillet
2016. Cela n'a pas de fondement et constitue une ingérence
déguisée en acte caritatif. Il sied de rappeler une nouvelle
forme d'ingérence qui s'observe sur le plan économique et qui
bloque le développement des pays. Cette ingérence s'observe par
le fait que les institutions financières internationales dont la Banque
mondiale, le Fonds monétaire internationale ou encore les institutions
de Breton-Wood, commencent à s'ingérer de plus en plus dans les
situations politiques nationales et participent à une opération
de d'homogénéisation des critères de fonctionnement
économique et social qui
89 Lien : https://
www.vie-publique.fr/rapport/289824-ingerences-politiques-economiques-financieres-de-
puissances-etrangeres?ssp=1&setlang=fr-XL&safesearch=moderate,
consulté le 30 aout à 14h36
90 Lien :
https://frontpopulaire.fr/international/contents/ingerence-et-droit-international-lexemple-des-etats-unis-
et-de-l-ukraine_co566675?ssp=1&setlang=fr-XL&safesearch=moderate,
consulté le 30 aout à 14h39
nie les spécificités de chaque
pays91. En effet, ces institutions financières
internationales créées en 1944, sont dominées par les
États-Unis et quelques grandes puissances alliées qui agissent
pour généraliser des politiques contraires aux
réalités des peuples. Elles ont systématiquement
prêté aux États afin influencer leurs politiques internes.
L'endettement extérieur est encore un moyen utilisé comme un
instrument de subordination des pays débiteurs. Depuis leur
création, le FMI et la BM ont violés les pactes internationaux
sur les droits humains et n'hésitent pas à s'ingérer dans
les politiques intérieures des États
débiteurs92. Il est de principe sociologiquement parlant :
« la main qui donne est supérieure ou au-dessus de la main qui
reçoit », les États Africains qui bénéficient
de l'aide et des prêts de ces institutions, sont contraints à des
obligations de celles-ci, lesquelles obligations constituent à
l'ingérence parce que touchant des domaines de la compétence
exclusive interne des États. Dans ce contexte, les projets de ces
institutions ont un fort contenu politique qui est d'endiguer le
développement des États qui remettent en cause la domination
exercée par les grandes puissances capitalistes.
Avec l'ingérence ou le non-respect du principe
fondamental du droit international qui est celui de la non-ingérence
dans les affaires intérieures des États, la conséquence
est que le droit international a perdu sa crédibilité
vis-à-vis des États membres dans la mesure où, plus les
États se rendent compte que sur base du droit international les
États considérés comme grandes puissances utilisent les
organisations internationales et la communauté internationale pour
s'ingérer dans leurs affaires internes, plus ils chercheront à
limiter cela ; et pour se faire les États chercheront à priori
à ne plus s'adonner à la ratification ou à
l'adhésion des organisations internationales et aux coopérations
internationales ; par les suite on pourra aller jusqu' à envisager le
retrait des États des organisations, ce qui va faire perdre au droit
international son vrai sens et sa raison d'être. Elle met
également en cause le principe de l'égalité souveraine car
les organisations internationales, les traités et accords internationaux
se dégagent comme des pièges symboliques des grandes puissances
pour exploiter les petits États. Dès lors qu'un État
obéit à une autre volonté que la sienne, il cesse
d'être souverain vis-à-vis de cette volonté parce que c'est
un pouvoir, une puissance absolue et perpétuelle qui ne peut en aucun
cas être aliéné. Lorsqu'un chef d'Etat enseigne à un
autre ce qu'il doit faire pour gérer son propre pays, cela prouve
qu'entre les deux pays, il y a l'un qui se croit supérieur à
l'autre alors que la souveraineté c'est l'égalité de tous
les États. Dans la théorie de la souveraineté, aucun
État n'est moins
91 L'HERITEAU (Marie France), Le Fonds
monétaire international et les Etats du tiers-monde, éd.
P.U.F., paris, 1986, p.205.
92 TOUSSAINT (Eric), La Banque mondiale : coup
d'État permanent, éd. Syllepse Paris, 2006, p.94.
souverain que l'autre ni plus souverain que l'autre ; tous les
États sont égaux avec le même degré de
souveraineté93. Ces situations ont tendance à
fragiliser l'autorité de l'État devant une situation
donnée pour asseoir de façon légitime celle des puissances
extérieures pour que ces puissances contrôlent le pays dans toutes
les dimensions. Un cas pratique de cet aspect, dans les années 1988, la
forte mobilisation consécutive au tremblement de terre en
Arménie, devant l'impuissance de l'Union soviétique à
laquelle appartenait alors cette république, les États-Unis ont
pris le devant pour s'emparer de la gouvernance de cet État ; ou encore,
le sauvetage par la coalition États-Unis, Royaume-Unis, France, des
kurdes d'Irak pourchassés par l'armée de Saddam Hussein au
printemps 199194. Ces interventions avaient pour mission de prendre
la possession et la direction de l'Union soviétique dans le premier cas
et de l'Irak dans le second cas, ce qui aboutira à une
déstabilisation socio-politique des deux États.
L'ingérence s'abrite aujourd'hui sous d'autre forme en
occurrence la forme militaire comme on l'a eu à observer dans le conflit
Russo-Ukrainien et Rwanda-RDC. Dans le premier cas, la Russie a envoyé
des forces militaires en Ukraine sans une autorisation préalable des
autorités ukrainienne. Le gouvernement russe évoque la
légitime défense préventive et collective du fait que les
minorités russes dans la région de Donbass et Donetsk en Ukraine
seraient victimes des répressions arbitraires de la part de des
autorités ukrainiennes. C'est le même cas entre le Rwanda et la
RDC caractérisé par la présence des forces militaires
rwandaises au-delà des frontières de la RDC dans l'optique d'une
hypothétique protection des minorités rwandaises en RDC.
B : Du devoir
d'ingérence à la responsabilité de
protéger
Dès le XIX e siècle, la notion d'intervention
d'humanité a été consacrée pour permettre à
une grande puissance de protéger ses propres ressortissants ou des
sujets protégés, notamment des minorités religieuses. Mais
ces interventions ont souvent également servi de prétexte
à la
93 BALANDA MUKUIN (Leliel), le Droit des
organisations internationales : Théorie générale,
Paris, éd. CEDI, 2006, p.42.
94 DEFARGE MOREAU (Philippe), De
l'ingérence impériale à l'ingérence
démocratique, éd. Presses de Sciences Po, Paris, 2006,
p.9.
« politique de la canonnière95 »
des États européens pour étendre leurs empires coloniaux
ou leurs intérêts commerciaux. Aujourd'hui ce type d'intervention
reste le plus souvent limité à l'évacuation militaire des
nationaux en cas de crise comme dans l'opération de Kolwesi96
menée par la France en 1978 au Zaïre au bénéfice de
tous les Européens mais peut également justifier une
véritable occupation du territoire avec le débarquement
américain dans l'île de la Grenade en 1983 pour protéger
les étudiants américains sur place.
Dans les années 1980, le débat a
été posé sur un autre terrain, avec la consécration
progressive par l'Assemblée générale d'un « droit
d'ingérence »97. Dans un premier temps, la
résolution n° 43/131 du 8 décembre 1988 « relative
à l'assistance humanitaire aux victimes de catastrophes naturelles et
situations d'urgence du même ordre », insiste sur «
l'accès aux victimes » pour les « organisations non
gouvernementales agissant dans un but strictement humanitaire ». Tout
en réaffirmant rituellement la « souveraineté,
l'intégrité territoriale et l'unité nationale des
États », la résolution n'en ouvre pas moins une
brèche dans le rempart de la souveraineté, en ne laissant pas les
victimes aux seules mains de l'État national. Bien plus, elle admet
implicitement qu'à côté des « catastrophes naturelles
», il puisse exister des urgences humanitaires créées par
les hommes (man-made disaster). Presque aussitôt un tremblement de terre
en Arménie sera l'occasion pour l'URSS d'inviter les premiers secours
des États et des ONG. Mais l'hypothèse d'une crise interne ou
d'une guerre civile reste en filigrane de la résolution. Ainsi lors de
la « révolution » roumaine en décembre 1989, le
ministre français des Affaires étrangères, Roland Dumas,
n'hésitera pas à demander à l'URSS d'intervenir en
Roumanie. Deux ans après la résolution n° 43/131, une
nouvelle résolution n° 45/100 du 14 décembre 1990 est venue
compléter le dispositif en prévoyant la mise en place de «
couloirs
95 L'expression « politique de la
canonnière » rappelle encore à quel point la
canonnière était symbole de la projection de puissance jusqu'au
début du XXe siècle. La « politique de la
canonnière » consistait à tirer depuis la mer au canon sur
les côtes des États qui ne payaient pas leurs dettes
financières. Lien :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Diplomatie_de_la_canonni%C3%A8re; consulté
le 01 septembre 2023 à 03h40
96 La bataille de Kolwezi est une opération
aéroportée baptisée « Opération Bonite »,
menée par une unité de la Légion étrangère
française, le 2e régiment étranger de
parachutistes (2e REP), ainsi que par des troupes belges et
zaïroises. Elle se déroule en mai 1978 au Zaïre, actuelle
République démocratique du Congo (RDC), pour délivrer des
otages européens retenus dans la ville minière de Kolwezi par des
rebelles katangais. Lien : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Kolwezi, ;
consulté le 01 septembre 2023 à 03h46
L'opération est déclenchée par le massacre
de 700 Africains et de 170 Européens et réussit à
libérer des otages avec des pertes militaires légères.
97BETTATI (MARIO), Le droit
d'ingérence, éd. Odile Jacob, Paris,1996, in DECAUX
(Emmanuel.) et DE FROUVILLE (Olivier), op.cit., para.413.
d'urgence humanitaire ». Mais à côté
de la mission des ONG qui est ainsi confirmée, c'est le rôle des
Nations Unies et des États qui va être mis en relief par la suite,
à travers des résolutions de plus en plus audacieuses du Conseil
de sécurité. Cependant, le qualificatif de « droit »
prête à confusion, car cette notion n'est pas adossée
à des textes juridiques contraignants, le droit international consacrant
par ailleurs la notion de souveraineté. L'effectivité de ce
« droit » dépend dès lors de l'application qu'en font
les États. Or la notion est controversée. Les pays en
développement en particulier soupçonnent, derrière un
prétexte d'ingérence sous sa forme humanitaire, que son usage
réponde à des motivations politiques. La déclaration en
2000 à l'issue du sommet du « Groupe des 77 »98
proclame ainsi le rejet du « soi-disant «droit» d'intervention
humanitaire, qui n'a aucun fondement juridique dans la Charte des Nations Unies
et dans les principes généraux du droit international ».
Tout en s'en distanciant, l'établissement d'une responsabilité de
protéger s'inspire de ces débats. Si elle repose sur
l'idée que la situation humanitaire peut entrer dans la catégorie
des menaces à la paix et à la sécurité
internationales, elle requiert l'exploration de moyens pacifiques, l'adoption
d'une résolution du Conseil de sécurité (donc sans qu'un
veto ne soit posé), évitant ainsi la notion controversée
d'ingérence.
Koffi Annan secrétaire général de l'ONU
à l'époque a voulu concilier le principe de souveraineté
fondant le droit international avec l'impérative nécessité
de réagir face aux massacres de populations. En réponse à
cet appel, le Canada a suscité la création d'une commission
indépendante, la « commission internationale de l'intervention et
de la souveraineté des États » coprésidée par
Gareth Evans et Mohamed Sahnoun, dont le rapport est paru en décembre
2001 sous le titre la responsabilité de protéger. Cette
réflexion a trouvé son prolongement dans un cadre officiel avec
« le groupe de personnalité de haut niveau sur les menaces, les
défis et les changements nécessaires », mis en place
par le secrétaire général, qui a rendu son rapport le 02
décembre 2004, sous le titre Un monde plus sûr : notre
responsabilité partagée (A/59/565). Sur cette base, le
secrétaire général a lui-même fait des propositions
dans un rapport publié le 21 mars 2005, Dans une liberté plus
grande : Développement, sécurité et droits de l'homme
pour tous (A/59/2005). Même si le document final du sommet mondial
(A/RES/60/1) n'a pas repris à son compte toutes les propositions
formulées, la responsabilité
98 Le Groupe des 77 (G77) aux Nations unies est une
coalition de pays en développement, conçue pour promouvoir les
intérêts économiques et politiques collectifs de ses
membres et créer une capacité de négociation accrue aux
Nations unies. Il symbolise l'engagement des Nations unies à promouvoir
la démocratisation des relations internationales et en constitue un
facteur essentiel1. Il s'agit d'unir tous les pays en développement afin
que, en dépit de leur diversité, ils puissent peser sur les
décisions internationales. Créée par 77 pays,
l'organisation a grandi et comptait 133 pays membres en 2014. Néanmoins,
elle continue à être désignée comme le G77 dans les
négociations et sessions de l'ONU. Lien :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_des_77, consulté le 02 septembre
à 11h09
collective de protéger les populations civiles a
été fortement affirmée. Cette responsabilité, dite
souvent « R2P », incombe en premier lieu aux États, d'abord
à l'État concerné, mais aussi à la
communauté internationale des États, à travers les organes
de l'ONU et notamment le Conseil de sécurité.
Sous le nouveau vocable de la « responsabilité
collective de protéger », les Nations Unies se sont fixées
une obligation de résultat, sans pour autant déterminer une
obligation de moyen. Dès lors est reconnue à la communauté
internationale une compétence en cas de
« défaillance manifeste » d'un État
à protéger sa population. Il s'agit d'une responsabilité
de protéger les populations civiles victimes de crimes de
génocide, crimes contre l'humanité, nettoyage ethnique et crimes
de guerre. Cette responsabilité subsidiaire, activée par le
Conseil de sécurité, peut prendre la forme d'une intervention
coercitive, telle que prévue par le Chapitre VII de la Charte, mais
aussi d'une palette d'autres mesures, pacifiques, diplomatiques ou
humanitaires. En 2009, le Secrétaire général de l'ONU, Ban
Ki Moon, précise ainsi que
« l'action résolue » attendue ne
désigne pas le seul recours à la force.
Récemment, des crises majeures ayant donné lieu
à l'activation de la responsabilité de protéger a aussi
constitué un frein à sa généralisation. On l'a vu
lorsque saisi en 2007 par les Occidentaux de la situation au Myanmar, à
la suite de la répression sanglante de manifestations pacifiques de
moines bouddhistes, le Conseil de sécurité a été
paralysé par le double veto de la Chine et de la Russie, soutenues par
le vote négatif de l'Afrique du Sud.
De même, l'intervention de l'OTAN en 2011 en Libye, avec
un feu vert du Conseil de sécurité, a donné une nouvelle
dimension à la responsabilité de protéger les populations
civiles. Mais le fait que le mandat initial dans le strict cadre de la «
responsabilité de protéger » soit vite devenu en mandat de
« transformation de régime » a suscité de nouvelles
méfiances de la part de la Russie et de la Chine, paralysant le Conseil
de sécurité face à la crise syrienne, par une série
de « doubles vetos ». Dans le contexte de répression du
soulèvement populaire par le régime libyen en 2011, le Conseil de
sécurité adopte deux résolutions : de manière
graduelle, la résolution 197099 rappelle aux autorités
libyennes qu'elles ont la responsabilité de protéger
99 S/RES/1970 (2011) du 26 février 2011
Imposant un embargo sur les armes, une interdiction de voyager et un gel des
avoirs en rapport avec la situation en Jamahiriya arabe libyenne. Lien :
https://
www.un.org/securitycouncil/fr/s/res/1970-%282011%29,
consulté le 02 septembre à 11h19
leur peuple, exigeant l'arrêt immédiat de la
violence ; la résolution 1973100 autorise les États
membres à prendre « toutes les mesures nécessaires »
pour protéger les populations et décide, avec le soutien de la
Ligue arabe, l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne.
C'est dans ce cadre qu'est mise en place une opération militaire sous
l'égide de l'OTAN. Or l'enchaînement des événements
jusqu'à la mort de Mouammar Kadhafi (20 octobre 2011) est
critiqué par certains États, qui soupçonnent une
volonté déguisée de changement de régime.
Dès lors, comme son activation dépend de la volonté des
États, la responsabilité de protéger ne peut être
mise en oeuvre, par exemple, dans la crise syrienne, en dépit de
l'ampleur des massacres perpétrés par le régime Assad.
« Si nous interrogeons la pratique internationale,
nous constatons que les États ont tour à tour invoqué ou
repoussé le devoir d'intervention selon leurs intérêts bien
ou mal compris. Ils n'ont en général obéi qu'à des
calculs égoïstes. Quand ils ont jugé profitable à
leur politique, à leur ambition, de se mêler des affaires d'un
autre État, ils ont revendiqué le droit d'intervenir. Ont-ils cru
trouver leurs ventages à écarter ou à empêcher
l'intervention active d'autres États, ils leurs ont contesté la
faculté d'intervenir »101. Cette citation ne fait
que traduire la sélectivité qui caractérise la pratique
des États dans le cadre de la responsabilité de protéger.
On peut parler d'une mise en oeuvre à géométrie variable.
Si l'on suit la pratique des États, il semble que la protection de
certaines vies humaines prévaut sur d'autre. En effet, au moment
où l'OTAN menait des opérations contre les forces armées
libyennes, ses pays membres font proportionnellement très peu pour venir
en aide aux réfugiés somaliens souffrant de la famine et de la
crise humanitaire qui faisait rage dans la corne de l'Afrique. Alors que les
estimations les plus crédibles évaluaient que la
répression de Tripoli avait fait entre 600 et 800 morts au moment de
l'adoption de la Résolution 1973 du Conseil de sécurité
qui permettait l'intervention de l'OTAN, l'ONU annonçait que la crise
humanitaire somalienne aurait déjà coûté la vie
à près de 30 000 enfants de moins de cinq ans102. La
vie des 800 morts vaudrait-elle mieux que celles des 30 000 ? Nous ne le
croyons pas. Alors pour quoi deux poids deux mesures ? Les
intérêts
100 S/RES/1973 (2011) du 17 mars 2011. Lien : https://
www.un.org/securitycouncil/fr/s/res/1973-%282011%29#,
consulté le 02 septembre à 11h22
101 CROUZATIER (Jean-Marie), « le Principe de la
responsabilité de protéger : Avancé de la
solidarité internationale ou Ultime Avatar de l'impérialisme
», Revue ASPECTS, Vol. 2, 2008, p. 13-14.
102 GAUTIER-AUDEBERT (Agnès), « La
Responsabilité de Protéger : Une Obligation Collective en
quête d'application par la communauté internationale »,
Revue Ubuntou, Vol. 1, 2013, p. 53.
en jeux. Il convient de préciser que cette
sélectivité de la responsabilité de protéger lui a
fait perdre le consensus qu'elle avait gagné lors de sa
consécration en 2005.
Aujourd'hui l'on se demande pourquoi la responsabilité
de protéger n'est jamais mentionné pour la Palestine face
à l'Israël, ou un nettoyage ethnique est activement mené
depuis des décennies jusqu'à nos jours où la région
de la Bande de Gaza est victime de barbarisme et des atrocités qui
échappent à l'entendement humain, dérogeant à tous
les principes érigés par le droit international. Il est clair que
toute résolution tendant à faire appliquer cette
responsabilité dans ce conflit serait systématiquement
bloqué par le veto des États Unis, outre la France et
l'Angleterre. Alors en même temps ces États n'ont pas
hésité à violer la souveraineté de l'Irak et de
l'Afghanistan sous couvert de la protection des populations. Là aussi se
pose la question de savoir si les vies des populations Irakiennes ou afghanes
sont plus importantes que celles des populations palestiniennes. Cette
responsabilité illusoire se manifeste aussi par le fait que la
responsabilité de protéger ne puisse être invoqué
qu'envers certaines catégories d'États. En effet, il est
affirmé que la responsabilité de protéger ne saurait
être invoqué contre l'un des cinq membres du Conseil de
sécurité. Ce qui fait que, dès le départ ceux qui
sont censé voter des résolutions pour la mise en oeuvre de la
responsabilité sont exclus de son champ d'action. Ainsi même si
ces puissances violent ouvertement la Charte des Nations Unies et font des
centaines de morts lors de leurs guerres, ils restent au-dessus des lois et ne
peuvent faire l'objet de la responsabilité de protéger.
Pour tout humaniste la responsabilité de
protéger est l'un des meilleurs mécanismes créés
par la communauté internationale pour venir en aide à des
populations en situation de détresse. Cependant, l'usage fait de ce
mécanisme par la communauté internationale en l'instrumentalisant
conduit à son discrédit auprès des certains États.
Ce discrédit conduit inévitablement à son immobilisme,
à son rejet et par conséquent un manque de réponse de la
part de la communauté internationale à des populations en besoin
de protection. La Syrie, la Palestine, le Taiwan, l'Iraq et l'Iran subissent
aujourd'hui les conséquences de l'instrumentalisation de la
responsabilité de protéger par certains États à des
fins autres qu'humanitaire.
Section II - Le déclin
de l'interdiction du recours à la force
Á priori, la force et le droit sont inconciliables
puisque, de manière générale, le droit interdit le recours
à la force et que de manière plus particulière, le
système international de sécurité collective est
fondé sur l'interdiction du recours à la force, même si
dans les faits les conflits armés restent omniprésents.
Le principe de l'interdiction du recours à la force est
une pièce maîtresse dans l'édifice du système de
sécurité collective mis en place après la seconde guerre
mondiale. Transgressé à différentes reprises, la question
de sa valeur se pose aujourd'hui. En effet, d'aucuns estiment que les multiples
atteintes à ce principe ont eu pour effet d'en altérer sa valeur,
de le faire tomber en désuétude. S'inscrivant dans cette logique,
il convient de dégager le principe de non recours à la force
comme un principe affirmé en droit international (paragraphe 1) et de
relever d'autre part ce principe comme un principe transgressé
(paragraphe 2)
Paragraphe 1 : Un principe
affirmé en droit international
Pour une bonne structuration, il conviendra de distinguer d'une
part le sens du principe
(A) et d'autre part les exceptions admises au principe (B)
A : Le sens du
principe
Jusqu'au début du vingtième siècle, le
recours à la force constituait le mode de régulation des rapports
inter-étatiques, l'usage de la guerre constituant un attribut de la
souveraineté des États. La première tentative de
limitation du recours à la force est due à la Convention
Drago-Porter103 de 1907 dont la portée était bien
modeste puisqu'elle limitait l'emploi de la force pour le recouvrement de
dettes contractuelles. La seconde limitation du droit de recourir à la
force est issue du Pacte de la SDN qui distingue les guerres illicites, celles
d'agression, des guerres licites, c'est-à-dire toutes celles qui
n'entrent pas dans cette première
103 La doctrine Drago, énoncée en
1902 par le ministre des affaires étrangères argentin Luis
María Drago, est une extension de la doctrine Monroe qui affirme
qu'aucun pouvoir étranger, y compris les États-Unis, ne peut
utiliser la force contre les nations américaines afin de recouvrer des
dettes. Comme Drago l'énonçait :
« Le principe que je voudrais voir reconnu est celui
selon lequel la dette publique ne peut donner lieu à une intervention
armée, et encore moins à l'occupation physique du sol des nations
américaines par une puissance européenne ». Lien :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Doctrine_Drago, consulté le 02 septembre
2023 à 11h26
catégorie, en prévoyant le respect de
procédures dans l'usage de la force. Un pas décisif a
été fait par le célèbre Pacte Briand-Kellog du 26
août 1928104 qui met fin à la règle de la
compétence discrétionnaire de guerre des États, sans
interdire pour autant de manière générale et absolue le
recours à la force. Le Rubicon a été franchi par la Charte
des Nations Unies, élaborée pendant la seconde guerre mondiale,
qui prévoit dans son article 2, § 4 que « Les membres de
l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir
à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre
l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de
tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts
des Nations Unies ». En interdisant ainsi l'utilisation de la menace
et le recours à la force armée dans les relations
internationales, l'article 2 paragraphe 4 de la Charte des Nations Unies
constitue, à lui seul, une véritable révolution dans
l'ordre juridique international105. En mettant un terme à la
reconnaissance d'un droit subjectif à la guerre, il contribue à
l'abandon du modèle westphalien. Ainsi, les États décident
de s'entendre pour ne plus faire du recours à la guerre un acte
discrétionnaire. Il ne s'agit toutefois pas d'une interdiction absolue.
Un bémol, d'inégale importance, doit d'emblée y être
ajouté.
D'abord, le recours à la force vise à la fois,
dans une symétrie parfaite, la menace et l'emploi de la force comme l'a
d'ailleurs souligné la Cour internationale de justice dans son avis de
1996 relatif à la licéité de la menace ou de l'emploi
d'armes nucléaires106. Ensuite, comme le souligne l'article
2, § 4 de la Charte des Nations Unies, les États doivent s'abstenir
de recourir à la force « dans leurs relations internationales
» ce qui signifie que ce principe n'est pas applicable à des
situations internes même si la frontière est floue entre les
domaines international et interne d'autant plus que beaucoup de conflits
internes sont internationalisés.
104 Le pacte Briand-Kellogg, ou pacte de Paris, est
un traité de paix signé en 1928 par soixante-trois pays qui
« condamnent le recours à la guerre pour le règlement des
différends internationaux et y renoncent en tant qu'instrument de
politique nationale dans leurs relations mutuelles ».L'initiative de ce
pacte revient à Aristide Briand, ministre français des Affaires
étrangères, et Frank Kellogg, secrétaire d'État
américain. Signé le 27 août 1928 à Paris, il entra
en vigueur le 24 juillet 1929. C'est le climat détendu des relations
internationales qui permet la signature de ce pacte, par 15 puissances dont la
France, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Italie, l'Allemagne et le
Japon, pour la renonciation générale à la guerre. Lien
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pacte_Briand-Kellogg, consulté le 02
septembre 2023 à 11h29
105 Selon M. Viraly, l'article 2 § 4 constitue
« une véritable mutation du droit international, un changement
qu'il n'est pas excessif de qualifier de révolutionnaire » : «
Article 2 paragraphe 4 » in, PELLET (Alain) et alii, La
Charte des Nations Unies : Commentaire article par article, Paris,
Economica, 2e éd., 1991, p. 115
106 Licéité de la menace ou de l'emploi
d'armes nucléaires, op.cit., para. 42
De plus, le recours à la force n'est prohibé que
s'il vise à atteindre certaines fins. Même si l'article 2
paragraphe 4 ne vise que l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique de tout État et de toute autre
manière incompatible avec les buts des Nations Unies, Il ne peut
être déduit de cet article, par un raisonnement à
contrario, que le recours à la force serait licite dans certaines
circonstances et par rapport à certaines fins, ce qui
légaliserait le recours à la force et constituerait un retour en
arrière à l'époque où le droit de faire la guerre
était seulement limité. Ainsi, l'argument selon lequel l'attaque
armée des États Unis contre l'Irak ne serait pas illégale
dans la mesure où elle ne remettait pas en cause
l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de
cet État, mais à rétablir la démocratie et le
respect des droits de l'homme, doit être, à notre sens,
catégoriquement rejeté. Ce principe d'interdiction du recours
à la force fait d'ailleurs l'objet d'une application récurrente.
Il est constamment réaffirmé aussi bien par les organes onusiens,
que par les États.
Dans le cadre onusien, à titre principal le Conseil de
sécurité, dans le cadre du Chapitre VII de la Charte et
l'Assemblée générale, à titre subsidiaire, selon
les articles 12 et 14 de ce texte, se réfèrent fréquemment
au principe d'interdiction du recours à la force107. Ces
nombreux précédents ont renforcé l'autorité du
principe. La condamnation concerne soit la violation de la souveraineté,
de l'intégrité territoriale, de l'indépendance politique
ou des frontières d'un État, soit les actions militaires,
même si le terme d'agression est le plus souvent évité
alors même que la résolution 3314 de l'Assemblée
générale la définit comme « l'emploi de la force
armée par un État contre la souveraineté,
l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un
autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte
des Nations Unies »108.
107 L'article 12 dispose que « Tant que le
Conseil de sécurité remplit, à l'égard d'un
différend ou d'une situation quelconque, les fonctions qui lui sont
attribuées par la présente Charte, l'Assemblée
générale ne doit faire aucune recommandation sur ce
différend ou cette situation, à moins que le Conseil de
sécurité ne le lui demande » Cependant, comme le
précise la Cour internationale de justice dans son avis consultatif sur
les Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le
territoire palestinien occupé du 9 juillet 2004, (voir www.cij-icj.org),
il existe « une tendance croissante à voir l'Assemblée
générale et le Conseil de sécurité examiner
parallèlement une même question relative au maintien de la paix et
de la sécurité internationales » (para. 27). Quant à
l'article 14, il prévoit que « Sous réserve des dispositions
de l'article 12, l'Assemblée générale peut recommander les
mesures propres à assurer l'ajustement pacifique de toute situation,
qu'elle qu'en soit l'origine, qui lui semble de nature à nuire au bien
général ou à compromettre les relations amicales entre
nations, y compris les situations résultant d'une infraction aux
dispositions de la présente Charte où sont énoncés
les buts et les principes des Nations Unies».
108 Résolution 3314 (XXIX) de
l'Assemblée générale des Nations Unies : Définition
de l'agression, in P.-M. Dupuy, « Les grands textes de droit international
public », Dalloz, 2ème éd., 2000, p. 238.
Quant à la Cour internationale de justice, elle a
renforcé l'application normative du principe de non-emploi de la force
en considérant dans l'affaire des activités militaires au
Nicaragua que « le principe de non-emploi de la force peut être
considéré comme un principe de droit international coutumier, non
conditionné par les dispositions relatives à la
sécurité collective109. Ce principe d'interdiction du
recours à la force est aussi réaffirmé, de manière
presque constante par les États.
Si les États commettent des violations à
l'égard du principe d'interdiction du recours à la force,
néanmoins, ils prennent toujours soin de justifier juridiquement ces
atteintes ce qui, comme l'a souligné la Cour internationale de justice
dans l'affaire des activités militaires au Nicaragua, confirme plus que
ne l'affaiblit sa valeur « et cela que l'attitude de cet État
puisse ou non se justifier en fait sur cette base »110 . En
raison de sa valeur conventionnelle et coutumière, et de son application
récurrente aussi bien par les organes onusiens que par les États,
le principe d'interdiction du recours à la force est
considéré par la majorité de la doctrine comme une norme
impérative du droit international, qualifiée aussi de jus cogens,
c'est-à-dire, selon l'article 53 de la Convention de Vienne de 1969
« une norme acceptée et reconnue par la communauté
internationale des États dans son ensemble en tant que norme à
laquelle aucune dérogation n'est permise et qui ne peut être
modifiée que par une nouvelle norme du droit international
général ayant le même caractère...
»111. Mais, ce caractère de jus cogens est
contestable puisqu'il existe des exceptions à la règle prohibant
le recours à la force qui sont, cependant, strictement
définies.
B : Les exceptions admises au
principe
Ces exceptions sont de deux types. En effet, à une
légitime défense conditionnée, s'ajoute une action du
Conseil de sécurité encadrée.
Selon l'article 51 de la Charte « aucune disposition de la
présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime
défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre
des
109 Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),
op.cit., para. 189.
110 Ibid., para.186.
111 Sur le concept de jus cogens, voir VIRALLY
(MICHEL), « Réflexions sur le jus cogens », AFDI,
1966, p. 5
Nations Unies est l'objet d'une agression armée,
jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures
nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité
internationales »112 . Le recours à la légitime
défense est à la fois conditionné (ratione materiae) et
ratione temporis. Suivant les termes de l'article 51 de la Charte, c'est
uniquement une agression armée qui justifie le recours à la force
au titre de la légitime défense. Or, c'est près de trente
ans après l'entrée en vigueur de la Charte que l'agression a
été définie par la résolution 3314 de
l'Assemblée générale. Cette définition est
très incomplète car l'Assemblée générale
n'établit pas une liste exhaustive des actes d'agression, se contentant
de donner une liste non limitative comprenant l'invasion, l'attaque
territoriale, le bombardement, le blocus maritime ou l'attaque par les forces
armées d'un État contre les forces armées d'un autre
État. Ce droit de légitime défense, qu'il soit
exercé de manière individuelle ou dans le cadre d'une alliance
militaire permettant à un État qui n'est pas directement atteint
d'intervenir au nom d'un accord de défense le liant au pays
agressé, ce qui peut être un alibi à une intervention non
consentie, est un droit naturel selon la Charte ce qui signifie que l'article
51 ne fait que reconnaître son existence dans un cadre conventionnel mais
qu'il a aussi une valeur coutumière. À ce titre, la Cour
internationale de justice dans l'affaire des activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua l'a reconnu en précisant que « la
Charte n'en réglemente pas directement la substance sous tous ses
aspects et ne comporte pas la règle spécifique, pourtant bien
établie en droit international coutumier, selon laquelle la
légitime défense ne justifierait que des mesures
proportionnées à l'agression armée subie, et
nécessaires pour y mettre fin ». Dans son arrêt du 6 novembre
2003, Affaire des plates-formes pétrolières (République
islamique d'Iran c. États-Unis d'Amérique), la Cour
internationale de justice a d'ailleurs réaffirmé que les
caractères de nécessité et de proportionnalité
constituaient deux conditions sine qua non dans l'exercice de la
légitime défense113, tout en écartant
implicitement, puisqu'elle n'y fait pas allusion, le concept de légitime
défense préventive, cette interprétation étant
d'ailleurs confirmée par l'avis de la Cour internationale de justice
relatif aux conséquences juridiques de l'édification d'un mur
dans le territoire palestinien occupé. Ces conditions restrictives
renforcent le caractère d'exception de la légitime défense
qui ne peut être invoqué qu'aussi longtemps que le Conseil de
sécurité n'a pas pris les mesures nécessaires pour
maintenir la paix, selon l'article 51 de la Charte. N'ayant qu'un
caractère provisoire, la légitime défense est, par
conséquent, aussi limitée par le temps.
112 CASSESE (Antonio), in PELLET (Alain) et alii, La
Charte des Nations Unies : Commentaire article par article,
2ème éd. Economica, 1991, p. 777.
113 Affaire des plates-formes
pétrolières (République islamique d'Iran c. Etats-Unis
d'Amérique), 6 novembre 2003. Lien : https://
www.icj-cij.org/fr/affaire/90,
consulté le 02 septembre 2023 à 18H46
Les rédacteurs de la Charte des Nations Unies ont
conçu la légitime défense comme une sorte de
parenthèse limitée dans le temps, permettant aux États de
réagir immédiatement face à une agression armée
jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait eu le temps de
prendre les mesures nécessaires au maintien de la paix, qu'elles soient
coercitives ou non. En outre, et toujours selon l'article 51 de la Charte, les
mesures prises par les Membres dans l'exercice de ce droit de légitime
défense doivent être immédiatement portées à
la connaissance de cet organe afin qu'il puisse exercer un contrôle sur
ces mesures.
L'une des exceptions au principe de non recours à la
force est l'action du Conseil de Sécurité de l'ONU en vertu du
chapitre VII qui peut se présenter sous plusieurs formes. En tant
qu'organe principal du maintien de la paix, il se voit investi de toute une
série de compétences relatives au système de
sécurité collective.
D'abord, selon l'article 39 de la Charte, il peut constater
« l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix,
ou d'un acte d'agression »114. Cette qualification
juridique des faits est parfois équivoque, la frontière entre la
menace contre la paix et la rupture contre la paix n'étant pas, en
particulier, des plus étanches, d'autant plus que le Conseil de
sécurité a élargi cette notion de menace contre la paix
aux domaines humanitaire et sanitaire115.
Les mesures prises par le Conseil de sécurité
peuvent revêtir deux formes différentes. La première,
prévue par l'article 41 de la Charte, a un caractère non
coercitif116. Il s'agit de mesures telles que l'interruption
complète ou partielle des relations économiques, des
communications ou la rupture des relations diplomatiques. En principe, ces
mesures ont un caractère obligatoire pour les États mais peuvent
faire aussi l'objet de recommandations et visent les « menaces à la
paix » même si des « ruptures » à la paix ont
également justifié leur utilisation. La seconde catégorie
est celle des mesures coercitives. En effet, selon l'article 42 de la Charte,
le Conseil peut « entreprendre, au moyen de forces aériennes,
navales ou terrestres toutes actions qu'il juge nécessaire au maintien
ou au rétablissement de la paix »117, ces forces
114 SICILIANOS (Linos-Alexandre), «
L'autorisation par le Conseil de sécurité de recourir à la
force : une tentative d'évaluation », RGDIP, n°1,
2001, p.7.
115 SOREL (Jean-Marc), «
L'élargissement de la notion de menace contre la paix », in
S.F.D.I., Colloque de Rennes, « Le chapitre VII de la charte des
Nations Unies et les nouveaux aspects de la sécurité collective
», éd. Pedone, 1995, p. 3-57.
116 EISEMANN (Pierre-Michel), in PELLET (Alain) et
alii, La Charte des Nations Unies : Commentaire article par article,
Economica, 2ème éd., 1991, p. 691-704.
117 SICILIANOS (Linos-Alexandre), op.cit., p.
18.
étant issues des contingents nationaux, sans toutefois
que le Comité d'État-major, prévu par l'article 45 de la
Charte et chargé de leur préparation, n'ait jamais
été mis en place118. Ce pouvoir de sanctions reconnu
au Conseil de sécurité résulte de l'abandon par les
États membres de leur droit individuel de recourir à la force,
puisque ce dernier s'est reconnu, dans la pratique, le droit d'autoriser le
recours à la force, alors que formellement la Charte ne lui
reconnaît pas une telle compétence à l'égard des
États, et d'encadrer les opérations de maintien de la paix
subséquentes. Ces sanctions sont d'ailleurs tout à fait
symptomatiques des finalités du système de sécurité
collective onusien qui vise à la limitation du recours à la force
par le droit et à faire primer l'institutionnel sur le relationnel,
selon une terminologie chère à René-Jean
Dupuy119. Mais la pratique la plus récente en la
matière montre que le relationnel prime sur l'institutionnel et que, par
conséquent, le recours à la force transgresse le droit
international.
Paragraphe 2 : Un principe
Transgressé
Les actes terroristes du 11 septembre 2001 et l'attaque
armée des États-Unis contre l'Irak posent respectivement les
questions de l'imputation de la violation du non recours à la force
à une entité non étatique et à une entité
étatique. Ainsi, on dégagera d'une part une transgression par des
acteurs non étatique (A) et d'autre part une transgression par des
acteurs étatiques (B)
A : Une transgression par des
acteurs non étatiques
L'article 2 paragraphe 4 dispose « Les membres de
l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir
à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre
l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de
tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts
des Nations Unies ». Á la lumière de cet article une
question mérite d'être posée : est-ce que les acteurs non
étatiques sont-ils exclus du champ d'application de cet article ?
où si eux peuvent recourir à la force ou à l'emploi de la
menace sans faire objet d'aucune mesure coercitive ?
118 « Le Conseil de sécurité, avec
l'aide du Comité d'état-major, fixe l'importance et le
degré de préparation de ces contingents et établit des
plans prévoyant leur action combinée »
119 DUPUY (René-Jean), Le droit
international, ,11ème éd. Que-sais-je ? PUF, Paris, 2001, p.
38.
Une question qui a suscité beaucoup d'intérêt
au lendemain des attaques terroristes de
2001.
Les acteurs non étatiques se définissent comme
des individus ou des groupes qui n'agissent pas pour le compte d'un
État. On peut prendre l'exemple du Boko Haram au Nigeria, Al-Shabaab en
Somalie, Ansar Dine au Mali, et les Forces de défense et de
résistance de l'Islam (FDRI)en Côte d'Ivoire, le Daesh et
Al-Qaïda. Les acteurs non étatiques qui violent le principe
d'interdiction du recours à la force peuvent mener des actions
variées. Par exemple, ils peuvent mener des attaques contre des cibles
militaires ou civiles, des enlèvements, des assassinats, des sabotages,
des actes de terrorisme, des pillages, des viols, des recrutements
forcés, des trafics d'armes et de drogues, et des extorsions.
I Il peuvent recourir à la force pour atteindre leurs
objectifs politiques, économiques ou sociaux, ou pour se défendre
contre des menaces perçues.
Si nous restons dans le contexte de l'attentat du 11 septembre
2001, en raison de leur ampleur, ils ont posé avec acuité les
questions de la définition et de la prise en compte du terrorisme par la
Communauté internationale. S'il n'existe pas de définition
unanimement acceptée de cette notion120, selon le
Président G. Guillaume121, trois éléments
invariants la caractérisent : un élément matériel
consistant en des actes de violence de nature à provoquer la mort ou
à causer des dommages corporels graves, un élément
intentionnel qui consiste à créer la terreur dans le public et un
élément méthodologique puisque les actes terroristes
nécessitent une entreprise individuelle ou collective pour la
perpétration de ces actes122.
Au lendemain des actes terroristes commis par Al-Qaida,
entité non-étatique, le Conseil de sécurité des
Nations Unies a adopté la résolution 1368 qui assimile «
tout acte de terrorisme international » à « une
menace à la paix et à la sécurité internationales
»123 , qualification très
120 SOREL (Jean-Marc), « Existe-t-il une
définition universelle du terrorisme », in CHRISKATIS
(Théodore), dir., Le droit international face au terrorisme,
CEDIN, Pedone, Paris, 2002, p. 35-68.
121 Gilbert Guillaume, né le 4 décembre
1930 à Bois-Colombes, est un juriste français, président
de la Cour internationale de justice de 2000 à 2003.
122 GUILLAUME (Gilbert), Terrorisme et droit
international, R.C.A.D.I, Tome III, vol. 215, 1989, p. 306.
123 Cette résolution a fait l'objet de
nombreux commentaires. Voir en particulier P.-M. Dupuy, « La
Communauté internationale et le terrorisme », in J.-M. Thouvenin et
C. Tomuschat, dir., « Le droit international face aux nouvelles formes de
menaces contre la paix et la sécurité internationales »,
Paris, Pedone, 2004, pp. 35-45 et L. Condorelli, « Les attentats du 11
septembre et leurs suites : où va le droit international ? »,
RGDIP, 2001, n° 4, p. 829-848.
générale et très imprécise, tout
en reconnaissant « le droit inhérent à la
légitime défense individuelle ou collective conformément
à la Charte », ce qui implique que les États-Unis aient
été victimes d'une agression, qualification que le Conseil de
sécurité n'a pas employée puisque dans le cadre onusien
elle s'applique uniquement à l'action menée par un État
contre un autre à moins de considérer que le réseau
terroriste Al-Qaida soit un État, hypothèse infondée, ou
que cette action ait été orchestrée par l'Afghanistan
contrôlé par les Taliban ce qui aurait pour effet d'imputer les
faits illicites à un État, même
défaillant124 , et non à une entité non
étatique.
Mais, cette hypothèse n'est pas non plus juridiquement
recevable en raison du manque de preuves d'un lien de rattachement entre
Al-Qaida et le régime des Talibans. Or, selon la Commission du droit
international, qui a adopté en 2001 un texte codifiant le droit de la
responsabilité internationale des États, l'imputabilité de
l'action d'une personne ou d'un groupe de personnes à un fait de
l'État ne peut être admise que « si cette personne ou ce
groupe de personnes, en adoptant ce comportement, agit en fait sur les
instructions ou les directives où sous le contrôle de cet
État »125. Ainsi, le soutien apporté par le
régime des Talibans au réseau Al-Qaida ne peut, en aucun cas,
avoir le caractère d'une agression, confirmant la jurisprudence
dégagée par la Cour internationale de justice dans l'affaire
Nicaragua c/États Unies.
Les conséquences de ces violations sont graves et
peuvent avoir un impact sur le droit international. Tout d'abord, cela peut
affaiblir l'autorité de l'État et sa capacité à
protéger ses citoyens. De plus, cela peut entraîner des violations
des droits de l'homme, des déplacements forcés de populations et
des pertes de vies humaines. Enfin, cela peut remettre en question la
légitimité du droit international et de ses institutions, car il
est difficile de faire respecter le droit international lorsque les acteurs non
étatiques sont impliqués.
B : Une transgression par des
Acteurs Étatiques
Cette transgression s'observe dans l'émergence d'un
nouveau principe qui ne s'adosse sur aucun texte ou convention juridique
internationale le légitimant. Ce principe est la légitime
124 Voir sur cette notion, C.D. Classen, «
Failed States » and the prohibition of the use of force », in J.-M.
Thouvenin et C. Tomuschat, dir., « Le droit international face aux
nouvelles formes de menaces contre la paix et la sécurité
international », Paris, Pedone, 2004, pp. 129-140.
125 CONDORELLI (Luigi), « L'imputation
à l'Etat d'un fait internationalement illicite : solutions classiques et
nouvelles tendances », RCADI, t. 189, 1984, p. 13-221.
défense préventive érigée par les
États Unis d'Amérique. Cette légitime défense
préventive peut être appréhendée sous le vocable de
la guerre préventive ou sous son appellation ancienne : la guerre
préemptive.
En effet, l'attaque armée des États-Unis contre
l'Irak est symptomatique du recours à la force unilatérale qui
transgresse les règles de droit international applicables en la
matière. Les États-Unis ont attaqué l'Irak ni en se
fondant sur la légitime défense prévue par l'article 51 de
la Charte, ni sur le fondement d'une action militaire décidée par
le Conseil de sécurité dans le cadre du Chapitre VII, qui sont
les deux cas de recours licite à la force armée.
La justification américaine du recours à la
force est fondée sur la résolution 1441 du Conseil de
sécurité qui autoriserait explicitement ou implicitement les
États-Unis à recourir à la force en constatant que la
résolution 687 imposant des obligations à l'Irak n'a pas
été respectée, notamment s'agissant du désarmement,
et que par conséquent la résolution 678 autorisant les
États Membres à user de tous les moyens nécessaires pour
faire respecter les résolutions précédentes visant
à rétablir la paix et la sécurité internationales
serait toujours applicable. Mais, en aucun cas la résolution 1441 ne
saurait justifier le recours unilatéral à la force des
États-Unis et de leurs alliés puisque dans le paragraphe 4 de ce
texte le Conseil réaffirme qu'en cas de « nouvelle violation
patente des obligations de l'Irak, il sera saisi aux fins de qualification
», pouvant en particulier autoriser le recours à la force.
L'attaque armée des États-Unis contre l'Irak
doit donc être qualifiée d'agression puisqu'il s'agit bien d'une
invasion « du territoire d'un État par les forces armées
d'un autre État » selon les termes de la résolution
3314 définissant l'agression et qui constitue un crime en tant que
violation de la règle impérative de l'interdiction du recours
à la force126. Mais, plutôt que de procéder
à une telle qualification, le Conseil de sécurité des
Nations Unies a pris acte de l'occupation américaine en Irak, par
l'intermédiaire de sa résolution 1511127. Or, si l'on
suivait la logique du système de sécurité collective
onusien, c'est l'Irak qui aurait dû invoquer son droit à la
légitime défense. Mais, celle-ci est devenue un instrument aux
mains des États-Unis qui
126 Selon l'article 19 § 3 du projet
d'articles de la C.D.I sur la responsabilité des Etats, « un crime
international peut notamment résulter : (a) d'une violation grave d'une
obligation internationale d'importance essentielle pour 2ème le maintien
de la paix et de la sécurité internationales, comme celle
interdisant l'agression », A.C.D.I, 2e partie, 1976, p. 89.
127 NGUYEN- ROUAULT (Florence), «
L'intervention armée en Irak et son occupation au regard du droit
international », RGDIP, n° 4, 2003, p. 835-864.
l'utilisent, de manière préventive, contre les
soi-disant États voyous128, provoquant ainsi une
dénaturation.
En se basant sur les résolutions 1368 et 1373 du
Conseil de sécurité qui réaffirment, respectivement, le
droit inhérent et naturel à la légitime défense,
les États-Unis ont développé une conception extensive de
la légitime défense qui s'inscrit dans la guerre contre le
terrorisme menée par l'administration Bush, qui s'est
concrétisée par l'attaque de l'Afghanistan des Talibans,
considéré comme un berceau du terrorisme. Mais, cette sorte
d'application du principe de précaution au recours à la force
n'est pas reconnue par le droit international qui exige une agression
armée comme condition préalable au droit de légitime
défense. Il n'existe d'ailleurs aucun précédent qui
validerait la thèse américaine puisque par exemple le
bombardement, par l'aviation israélienne du réacteur irakien
d'Osiraq, le 7 juin 1981, au titre de la légitime défense
préventive, a été violemment condamné par le
Conseil de sécurité129.
Une conception extensive de la légitime défense
peut aussi être assimilée à des représailles
armées, en raison de ses caractères préventif et
répressif, qui sont interdites par le droit international130.
S'il est certain que le droit positif ne reconnaît pas la notion de
légitime défense préventive, il est aussi évident
que le droit international est inadapté face à la menace
terroriste. Ne faudrait-il pas alors que la communauté internationale
définisse les conditions de mise en oeuvre de la légitime
défense préventive, qui nous paraît être le seul
moyen de lutter efficacement contre les nouvelles formes de terrorisme
international.
Mais aujourd'hui force est de constater que nous assistons
à une prolifération de ce principe de légitime
défense préventive. Le dernier exemple en date est l'attaque de
l'Ukraine par la Russie. En espèce le 24 février 2022, la
Fédération de Russie engageait une « opération
militaire spéciale » sur le territoire ukrainien en invoquant
diverses justifications, lesquelles sont précisément au coeur des
enjeux juridiques principaux attachés à la situation. Parmi ces
justifications se trouve la légitime défense
préventive.
La légitime défense préventive reste une
notion controversée en droit international. Bien que certains
États aient invoqué la légitime défense
préventive pour justifier l'emploi de la force armée contre des
menaces imminentes, cette pratique est généralement
considérée comme
128 DERRIDA (Jacques), « Voyous »,
éd. Galilée, 2003, p. 115.
129 Dans une résolution 487 du 19 juin 1981, le
Conseil de sécurité a qualifié cette attaque de «
violation claire de la Charte des Nations Unies et des normes de conduite
internationales »
130 Voir VENEZIA (Jean-Claude), « La notion de
représailles en droit international public », RGDIP, 1960,
p. 465- 498
contraire au droit international, car elle remet en question
le principe d'interdiction du recours à la force et peut conduire
à une escalade des tensions internationales. En outre, l'emploi de la
force armée pour prévenir des menaces imminentes renforce
l'hégémonie des États les plus puissants et affaiblit
l'effectivité du droit international.
Chapitre II - Une crise de
légitimité constatée
La mission du droit international est d'assurer et de
maintenir des rapports pacifiques entre les sujets de la communauté
internationale avec la mise en oeuvre de ses propres moyens et techniques. Pour
ce faire, il convient de mettre en place des institutions internationales qui
vont mettre en place des moyens et mécanismes tendant à
réglementer de manière stricte le recours à la force et
créer un cadre juridique à l'intérieur duquel les sujets
du droit international peuvent tenter de résoudre leurs
différends et essayer d'en trouver des solutions adéquates. Mais
aujourd'hui, c'est avec amertume que nous constatons la défaillance de
certaines instances internationales face aux diverses mutations du droit
international entrainant la perte de confiance des acteurs internationaux. On
assiste alors à une remise en question de la validité de l'ordre
préétabli avec certaines institutions. Ainsi dans ce chapitre on
analysera la défaillance de certaines institutions internationales
notamment le cas de l'Organisation des Nations Unies (section I) et le cas de
la justice internationale (section II) qui sont sans incidence sur le
caractère fébrile qu'on observe du droit international.
Section I - Le cas de
L'Organisation des Nations Unies
En 1954, Dag Hammarskjöld, deuxième
secrétaire général des Nations unies prononçait,
une phrase audacieuse, dans un contexte de guerre froide et à une
époque où les Nations unies avaient tout à prouver :
« L'ONU n'a pas été créée pour emmener
l'humanité au paradis, mais pour sauver l'humanité de l'enfer
»131. Qu'en est-il en 2023 ? Depuis la création de
l'ONU, les guerres et les conflits se sont succédé à un
rythme effréné. Les crises environnementales ont forcé les
populations à fuir leur pays. Les violations des droits de l'homme sont
en hausse dans de nombreux pays. Un constat amer, que le Secrétaire
général Antonio Guterres résumait en ces termes :
« aujourd'hui, un vent de folie balaie le globe. De la Libye au
Yémen en passant par la Syrie et au-delà - l'escalade est de
retour. Les armes circulent et les offensives se multiplient [...] Pendant ce
temps, les résolutions du Conseil de sécurité sont
bafouées avant même que l'encre ne soit sèche ».
Face à ces crises qu'elles n'ont sue ni prévoir ni endiguer, les
institutions internationales ont perdu chaque jour, un peu plus de leur
crédibilité auprès des populations qui doutent que l'ONU
serve leurs intérêts. Á la lumière de ce qui
précède, on peut présager dans la sphère onusienne,
des difficultés endogènes (A) et les difficultés
exogènes en (B).
Paragraphe 1 : Des
difficultés endogènes : le cas du Conseil de
Sécurité
Les difficultés organiques du conseil de
sécurité laissent apparaître deux aspects. Une composition
inégalitaire décriée (A) et la défaillance du
système de sécurité collective (B)
A : Une composition
décriée
Le Conseil de Sécurité est l'organe le plus
puissant du système des Nations Unies. Il est seul compétent pour
constater la violation par un État de ses obligations en matière
de respect de la paix et de la sécurité internationale. Il peut
décider d'un embargo économique132 ou, dans
131 DELAVARENE (Celhia), « L'ONU est-elle
toujours la caisse de résonnance des problèmes du monde ?
»,
Recherches internationales, n° 119, 2021,
p.135.
132 Á titre d'exemple l'embargo des
États-Unis contre Cuba, également sous le terme el bloqueo qui
signifie « le blocus » en espagnol, est un embargo économique,
commercial et financier mis en place par les États-Unis contre Cuba
à partir du 3 février 1962, à la suite de nationalisations
expropriant des compagnies américaines.
les cas les plus extrêmes, des actions militaires. Ces
prérogatives sont exercées par un organe composé de 15
représentants des États membres.
La caractéristique principale du Conseil de
Sécurité est d'être composé de cinq membres
permanents133. Cela représente également une
particularité. On aurait en effet pu s'attendre à voir une
tournante totale au sein de ce Conseil, afin que tous les États
bénéficient de la possibilité d'influencer les questions
concernant la sécurité internationale. Enfin, cerise sur le
gâteau, ces cinq membres permanents disposent d'un véritable droit
de veto. L'article 27, § 3 de la Charte des Nations Unies prévoit
en effet que « Les décisions du Conseil de
Sécurité (sur des questions autres que de procédure) sont
prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont
constituées les voix de tous les membres permanents (...)
»134. Cette exigence de vote affirmatif de tous les
membres permanents fut adoucie par la suite, l'abstention d'un membre permanent
n'empêchant pas l'adoption d'une décision135. Les cinq
membres permanents se voient reconnaître cependant un pouvoir exorbitant
par la Charte. Ce pouvoir est à même, et il l'a toujours
été, de paralyser complètement l'action des Nations Unies
sur certaines questions importantes de sécurité internationale.
Si l'article 27, § 3 in fine de la Charte prévoit par
ailleurs qu'un État partie à un différend s'abstiendra de
voter si une procédure de règlement pacifique des
différends est en cours 136, la pratique a, par ailleurs,
montré que cette disposition avait été tournée plus
souvent de son objectif137. On comprend librement que, face à
une telle situation, des voix se seront toujours élevées pour
exiger une modification du système, soit par la suppression des
prérogatives des membres permanents, soit, le plus souvent, par
l'augmentation du nombre de ceux-ci.
133 Il s'agit de la Chine, de la France, du
Royaume-Uni, de la Russie (issu de l'éclatement de l'URSS en 1991) et
des Etats-Unis.
134 L'article 108 de la Charte prévoit par
ailleurs qu'un amendement au texte de celle-ci n'entrera en vigueur
qu'après avoir été ratifié par 2/3 des Etats
membres de l'Assemblée générale, dont tous les membres
permanents du Conseil de Sécurité.
135 Cour internationale de Justice, avis du 21 juin
1971 sur les Conséquences juridiques pour les Etats de la
présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain)
nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de Sécurité
(Recueil 1971, p. 13, § 22).
136 Paradoxalement, chaque membre du Conseil de
Sécurité retrouve son droit de vote si une décision
relative à
l'usage de la force est en jeu, même s'il est l'agresseur
!
137 Pour la période 1948-1990, dix-huit cas de
non application de la règle ont été relevés. Voir
BLUM (Yehuda), Eroding the United Nations, Dordrecht, Martinus Nijhoff, 1993,
pp. 207-211).
Cette composition a été évolutive, en
effet en 1945, l'ONU comptait 51 États membres. Le Conseil de
Sécurité était composé à cette époque
de onze membres : les cinq permanents et six non permanents138. Les
différentes vagues de décolonisation augmentent rapidement le
nombre d'États membres de l'ONU. Ils étaient 76 en 1955, 99 en
1960 et 135 en 1973. A l'heure actuelle, l'ONU compte 193 États membres.
L'équilibre des forces au sein de l'Assemblée
générale, en faveur du Nord en 1945, est aujourd'hui largement en
faveur des pays du Sud. Dès le début des années 60,
ceux-ci réclamèrent une modification de la composition du Conseil
de Sécurité, afin d'y être plus équitablement
représentés. Le 16 septembre 1963, 43 États membres
demandèrent à l'Assemblée générale
d'inscrire à son ordre du jour la question d'une représentation
équitable au Conseil de Sécurité, la résolution
1991 (XVIII) sera adoptée le 17 septembre 1963 par 96 voix pour, onze
contre (dont celles de la France et de l'URSS) et quatre abstentions (dont
celles des États-Unis et de la Grande-Bretagne). Le texte de la Charte
des Nations Unies prévoit qu'un amendement au texte de celle-ci
n'entrera en vigueur qu'après ratification par 2/3 des États
membres, y comprenant les cinq membres permanents du Conseil de
Sécurité. Les conditions d'adoption de la résolution 1991
(XVIII) ne laissaient pas présager une issue favorable à la
demande de révision. Pourtant, à la dernière minute, les
cinq permanents votèrent en faveur de celle-ci. La composition du
Conseil de Sécurité prend sa configuration actuelle le 1
er janvier 1966 : 15 États membres, dont cinq permanents. Les
dix membres non permanents sont élus par l'Assemblée
générale pour des mandats de deux ans non immédiatement
renouvelables (article 23, § 2 de la Charte). Trois (03) d'entre eux
doivent être des pays africains, deux (02) des pays asiatiques, deux (02)
appartenir à l'Amérique latine, deux
(02) autres au groupe Europe occidentale et un (01) à
l'Europe orientale.
Les critiques à l'encontre du système en place,
malgré la réforme de 1965, furent nombreuses. Celles-ci
provenaient essentiellement de deux types de pays. Les pays en
développement, qui représentent depuis les années 1960 la
majorité des États membres de l'ONU, s'estimaient insuffisamment
représentés au sein du Conseil de Sécurité. Ils
disposent certes de huit sièges sur 15, mais d'un seul permanent, celui
de la Chine. Dans cette perspective on peut prendre l'exemple du continent
Africain qui dans l'optique de sa participation effective à la
gouvernance mondiale, n'a cessé, depuis de nombreuses années
déjà, de revendiquer un rééquilibrage, à son
avantage, du pouvoir au sein des institutions mondiales notamment la place
138 Quoique non inscrit dans le texte de la Charte,
la répartition des sièges des six membres non permanents suivrait
généralement cette répartition : deux sièges (02)
pour l'Amérique latine (qui représentait en 1945, 20 Etats
membres sur 51) et un (01) pour chacun des groupes suivants : Europe
occidentale ; Europe orientale ; Proche- Orient ; Commonwealth.
d'un membre permanent disposant du Veto au sein du Conseil de
Sécurité. Elle évoque, à l'appui de sa
requête, son exclusion en matière de prise de décision dans
les instances internationales, notamment financières (FMI et la Banque
mondiale). Le mode de décision dans celles-ci, qui rappelle le vote
censitaire, est favorable aux grandes puissances.
L'Afrique n'a pas, jusqu'ici, réussi à faire
changer ce fonctionnement malgré ses multiples appels dans ce sens. Mais
c'est sans conteste la place subalterne qu'elle occupe au Conseil de
sécurité des Nations unies qui capitalise ses frustrations quant
au rôle marginal qui lui est assigné dans la conduite des affaires
du monde. C'est dans cette optique son excellence
M. Macky Sall, président en exercice de l'Union
africaine à l'époque, se faisait une fois de plus l'écho
de l'insatisfaction et de l'indignation des Africains par rapport à
cette situation, qu'il jugeait anachronique et injuste. Il abondait en ce sens
« Près de quatre-vingts ans après la naissance du
système des Nations Unies et des Institutions de Bretton Woods, il est
temps d'instaurer une gouvernance mondiale plus juste, plus inclusive et plus
adaptée aux réalités de notre temps. Il est temps de
vaincre les réticences et déconstruire les narratifs qui
persistent à confiner l'Afrique à la marge des cercles
décisionnels. Il est temps de faire droit à la juste et
légitime revendication africaine sur la réforme du Conseil de
Sécurité »139.
D'autres pays notamment l'Allemagne en tant que
première puissance économique en Europe, le Japon, l'Inde et le
Brésil s'estiment frustrés d'un siège auquel ils auraient
légitimement droit en raison de leur poids économique ou
démographique, et dont seuls les aléas de l'histoire les auraient
privés. Pour rappel, seules les nations qui ont gagné la
deuxième guerre mondiale disposent d'un siège permanent assorti
du droit de Veto au sein du Conseil de Sécurité.
B : Une défaillance du
système de sécurité collective
La sécurité collective conçue comme le
système mondial spécifique d'organisation des relations
internationales, ayant pour fins la paix et la sécurité
internationales avec à la clé des mécanismes
spécifiques (sécurité pour tous, sécurité
contre tous et sécurité par tous)140. La
139 Discours prononcé le 20 septembre 2022,
lors de la 77e session ordinaire de l'Assemblée générale
de l'organisation des Nations Unies
140 STERN (Brigitte), « La sécurité
collective : historique, bilan, perspectives », in Sécurité
collective et crises internationales, SGDN, La documentation française,
1994, p. 145.
sécurité collective, comme l'appréhendent
Patrick Daillier et Alain Pellet, « ne consiste pas en une coalition a
priori de certains États partageant une philosophie commune contre
d'autres, ni en des alliances fluides et pragmatiques ; c'est l'engagement pris
par chaque État d'apporter son appui à une décision
collective de s'opposer à tout État coupable141, au
jugement de la majorité, d'une agression ou d'une menace à la
paix »142.
En effet, l'idée de base de la sécurité
collective, est celle d'une conception de la paix et de la
sécurité constituant un ensemble indissociable143, et
qui requiert l'effort et la participation de tous. Ce duo - paix et
sécurité - revient 28 fois dans le texte de la Charte des Nations
unies144. Dans le système contemporain de
sécurité collective, instauré par ladite Charte,
l'objectif est d'éviter par tous les moyens, « tout retour
à une autre guerre mondiale. À cette fin, une menace ou une
agression contre un État ou un peuple constitue une menace contre tous,
et chaque nation doit participer activement à garantir la
sécurité du continuum »145
Le droit de la sécurité collective perd de
l'autorité et de la légitimité face aux politiques de
force collectives ou unilatérales. Et pourtant, si la dernière
décennie du XXe siècle était passée dans
le nouvel ordre mondial, revitalisant l'esprit et la lettre des dispositions du
chapitre VII de la Charte de 1945, le XXIe siècle semble
épouser une stagnation des actions du Conseil de sécurité
des Nations Unies en matière de situations de menace contre la paix, de
rupture de la paix ou d'acte d'agression qui justifieraient de rétablir
la paix et la sécurité internationales146.
En effet, le pari sur lequel repose le nouveau système
de sécurité collective est que l'entente fondamentale entre les
Grands, qui avait permis de gagner la guerre, permettrait de
141 FORTEAU (MATHIAS), Droit de lé
sécurité collective et droit de la responsabilité
internationale de l'État, Paris, Pedone, 2006, p. 423
142 DAILLIER (Patrick) et PELLET (Alain), Droit
international public, LGDJ, 6e éd. Lextenso, Paris, 1999, p. 991
143 AIVO (Joel), « Défi
sécuritaire, droits de l'homme et droits des réfugiés
», Communication à la 14e session régionale
de formation sur les droits de l'homme et les droits des
réfugiés, Chaire Unesco des droits de la personne et de la
démocratie, Université d'Abomey-Calavi (UAC),
Cotonou-Bénin, juillet 2013, p. 5-20.
144 SLIM (Habib), « La Charte et la
sécurité collective : de San Francisco à Baghdâd
», dans SFDI (dir.), Les métamorphoses de la
sécurité collective, Paris, Pedone, 2005, p. 13
145 Cf. Rapport du Groupe de personnalités de
haut niveau désignées par le Secrétaire
général pour rédiger un rapport sur la
responsabilité collective et la réforme de l'ONU, décembre
2004
146 KOKOROKO (Dodzi), « La
nécessité devant le Conseil de sécurité des Nations
Unies », Afrilex, janvier 2013,
p. 1.
conserver la paix 147. Mais comme on a pu le
constater, la guerre froide a démenti une telle réalité.
Il était certes établi, subrepticement dans la Charte,
précisent Patrick Daillier et Alain Pellet, « que l'ONU ne
pourrait rien entreprendre contre les grandes puissances dotées du
véto et engagées dans un conflit qui constituerait une rupture de
la paix. Mais les États en cause sont, en raison de leur
désaccord très vite apparent, allés plus loin
»148. Dans tout conflit, poursuivent les auteurs, «
le Conseil de sécurité n'a pu entreprendre une action
quelconque que si les membres permanents le lui demandaient, et dans la mesure
où ils le lui demandaient. Faisant application de leurs
privilèges dans des situations conflictuelles où elles
n'étaient qu'indirectement impliquées, les grandes puissances ont
réduit comme peau de chagrin le champ d'application de la
sécurité collective ». Dès lors, la
sécurité collective est revêtue du manteau politique qui
lui confère un état d'inertie. Le cas de l'Iraq en 2003 en est
une parfaite illustration.
En effet, Il y a maintenant deux décennies, le 20 mars
2003, le gouvernement américain, soutenu par certains pays
européens dont l'Espagne, le Royaume-Uni et l'Italie, déclarait
la guerre à l'Irak. Une guerre-éclair qui a duré 26 jours
et dont le caractère illégal a contribué à la mort
du principe de sécurité collective qui était au coeur de
la création des Nations unies en 1945. Les arguments juridiques
développés pour la justifier ont été divers, aucun
n'étant recevable. Ce qui fait que le mécanisme était
tombé de son piédestal.
Une chose aussi très importante à relever, La
sécurité collective ne bénéficie pas d'une
construction aisée. Elle est notamment caractérisée par
l'ambiguïté149 de sa conceptualisation.
« Elle emprunte d'un côté certains traits
à l'esprit d'un super-État, et de l'autre reste enracinée
dans une société composée d'États souverains
». L'univers juridique dans lequel baigne la sécurité
collective, est façonné par les spécificités de la
société internationale et partant, celles du droit international.
Les particularités de la société internationale
influencent la configuration du droit international. En effet, contrairement
à l'ordre interne, la société internationale est
dépourvue de toute autorité supra étatique, capable de
s'imposer aux États.
Cependant, ce mécanisme a connu de nombreux
échecs et limites, notamment à cause du désaccord entre
les grandes puissances, du droit de veto au Conseil de sécurité,
de la montée
147 DAILLIER (Patrick) et PELLET (Alain), op.cit.,
p. 992.
148 Ibid.
149 SMOUTS, « La sécurité
collective : histoire et bilan d'une doctrine équivoque », in
Sécurité collective et crises internationales, Actes des
journées d'études de Toulon, Secrétariat
Général de la Défense Nationale, 1994, p. 175. L'auteur
parle notamment de notion « floue », en référence
à la sécurité collective.
des révisionnismes et des totalitarismes, de la
diversité des menaces et des conflits, et de la faiblesse des moyens
d'action collective. Certains auteurs ont même parlé d'un
«mythe paralysant» de la sécurité collective, qui
aurait empêché de réagir efficacement aux agressions et aux
violations du droit international.
Aujourd'hui, la sécurité collective fait face
à de nouveaux défis, tels que le terrorisme, les armes de
destruction massive, les cyberattaques, les changements climatiques, les
migrations, les pandémies, etc. Ces défis nécessitent des
réponses adaptées, qui impliquent une coopération
renforcée entre les États, les organisations internationales, la
société civile et les acteurs non étatiques. Ils appellent
également à une réforme du système de
sécurité collective, afin de le rendre plus efficace, plus
légitime et plus inclusif.
Paragraphe 2 : Des
difficultés exogènes
Les difficultés endogènes s'observent dans le
caractère multiple des conflits et l'émergence de nouveaux
acteurs sur la scène internationale (A) et la morosité des bilans
des missions de maintien de la paix (B).
A : La multiplicité des
acteurs et conflits
L'ONU fait face à un paysage géopolitique en
constante évolution, marqué par l'émergence de nouvelles
puissances, acteurs et formes de conflit. Cette évolution a des
répercussions importantes sur le fonctionnement et l'efficacité
de l'ONU. S
Si on s'inscrit dans la dynamique de l'émergence de
nouvelles puissances, des pays comme la Chine, l'Inde, le Brésil et la
Russie sont devenus des acteurs majeurs sur la scène mondiale en termes
de puissance économique, militaire et politique. Leur montée en
puissance remet en question la domination traditionnelle des anciennes
puissances, en particulier les États- Unis et l'Europe occidentale. Ce
qui crée une nouvelle multipolarisation avec le mouvement des
BRICS150d'une part et d'autre part les résidus des
occidentaux qui sont sous la houlette des
150 Les BRICS sont un groupe de cinq pays qui se
réunissent depuis 2011 en sommets annuels : Brésil, Russie, Inde,
Chine et Afrique du Sud. Ce groupe succède à celui plus restreint
des BRIC, qui s'est réuni à partir de 2009 sans l'Afrique du Sud.
Ce terme BRIC est forgé dès 2001 par un économiste de
Goldman Sachs. En août 2023,
Etas Unis. Cette émergence de nouvelles «
puissances »151 a contribué à une distribution
plus équilibrée du pouvoir dans le système international,
ce qui a conduit à une forme de multipolarité. Cela signifie que
l'ONU doit composer avec un plus grand nombre d'acteurs influents qui ont des
intérêts et des priorités parfois divergents. Ce qui
complique la prise de décision à l'ONU, en particulier au sein du
Conseil de Sécurité. Les rivalités géopolitiques et
les intérêts contradictoires rendent parfois difficile la
recherche de consensus.
En plus des États, de nombreux acteurs non
étatiques, tels que les entreprises multinationales, les ONG, les
groupes terroristes et les mouvements sociaux, jouent un rôle de plus en
plus important dans les affaires mondiales. Ils peuvent influencer les
décisions politiques et économiques à l'échelle
mondiale. L'ONU est confrontée à un plus grand nombre de parties
prenantes qui exigent des comptes rendus et une plus grande transparence. La
montée en puissance des médias sociaux et des réseaux
d'information signifie que l'ONU est sous un plus grand contrôle
public.
Outre la multiplicité des acteurs, il y'a la
multiplicité des conflits qui entravent l'organisation onusienne. En
effet les conflits à cause de leurs natures changeantes affectent de
nombreuses régions du monde et l'ONU en tant que l'organisation de
maintien de la paix par excellence doit être présente pour apaiser
les hostilités. Le problème ne se pose pas si c'est un ou deux
conflits mais quand les conflits sont multiples dans le monde et se rajoutent
aux plus anciens qui perdurent, l'organisation est éprouvée.
Á titre d'exemple, on peut prendre le conflit syrien,
qui dure depuis plus de 10 ans, qui a fait plus de 350 000 morts et a
provoqué une grave crise humanitaire. L'ONU a tenté de faire
avancer le processus de paix, mais a rencontré un "fossé de
méfiance" entre les parties belligérantes et a
dénoncé les fréquentes attaques contre les
civils152. Le conflit au Yémen, qui a débuté en
2015, est considéré comme la pire crise humanitaire au monde.
Plus de la moitié de la population yéménite est
confrontée à l'extrême pauvreté, à la
malnutrition et au risque de famine. L'ONU a nommé un nouvel
Envoyé spécial pour le Yémen, Hans Grunberg, qui a pour
lors du 15e sommet des BRICS, le président sud-africain
Cyril Ramaphosa a annoncé que l'Arabie saoudite, l'Argentine,
l'Égypte, les Émirats arabes unis, l'Éthiopie et l'Iran
ont été invités à rejoindre le bloc1. Leur
adhésion pleine et entière prendra effet le 1er janvier 2024.
151 Pour Raymond Aron la puissance constitue
«la capacité d'une unité politique d'imposer sa
volonté aux autres unités, in ARON (Raymond), Paix et guerre
entre les Nations, Calmann-Lévy, Paris, 1962, pp. 16-17.
152 Conflit et violence : une ère nouvelle |
Nations Unies. Lien : https://
www.un.org/fr/un75/new-era-conflict-and-
violence, consulté le 6 septembre 2023 à 10h34
tâche d'apporter la paix et la stabilité au
pays153 mais fait face manque de ressources limitées. Le
conflit en Afghanistan, qui s'est aggravé en 2021 avec la prise de
pouvoir des talibans après le retrait des troupes internationales. L'ONU
a fait face à une augmentation sensible de la violence, qui a fait de
nombreuses victimes parmi les civils, notamment les femmes et les enfants.
L'ONU a également maintenu son aide humanitaire malgré la
situation, car des millions de personnes risquaient de mourir de faim en
hiver154. La criminalité organisée, la violence
urbaine et les violences domestiques, qui font plus de victimes que les
conflits armés. En 2017, près d'un demi-million de personnes dans
le monde avaient été victimes d'homicides, un chiffre qui
dépasse de très loin les 89 000 personnes tuées dans les
conflits armés en cours et les 19 000 victimes d'attentats terroristes.
L'ONU a pour objectif de réduire nettement, partout dans le monde,
toutes les formes de violence et les taux de mortalité qui y sont
associés, d'ici à 2030.
Ces exemples montrent que l'ONU doit faire face à des
conflits et des violences de plus en plus complexes, qui nécessitent des
solutions adaptées et innovantes. Mais cette dernière ne peut pas
être à tout endroit et à tout moment, l'étirement de
ressource se fait ressentir du fait de la nature croissante des conflits, ce
qui entraîne une pression sur ses ressources financières, humaines
et logistiques pour répondre à ces crises. Surcroit, elle doit
prioriser ses efforts en fonction de l'urgence et de la gravité des
conflits, ce qui peut entraîner des compétitions pour les
ressources de l'organisation.
B : Un bilan morose des missions de maintien de
paix
L'organisation des Nations Unies souffre d'un autre
problème : l'incapacité d'agir promptement lorsqu'une crise
éclate et de déployer rapidement des forces de maintien de la
paix.
Certains organes politiques fonctionnent selon le principe du
consensus et sont régis par d'importantes institutions bureaucratiques.
Leurs décisions peuvent donc se faire attendre
153 Retour sur l'année 2021 : l'action de l'ONU
dans les pays en conflit. Lien : https://unric.org/fr/retour-sur-
lannee-2021-laction-de-lonu-dans-les-pays-en-conflit/, consulté le 6
septembre 2023 à 10h36
154 Les conséquences des conflits armés
sur la paix et le développement.
Lien : https://
www.un.org/fr/chronicle/article/les-consequences-des-conflits-armes-sur-la-paix-et-le-
developpement-durables-en-amerique-latine, consulté le 6 septembre 2023
à 10h39
même si des signaux indiquant que des crises menacent.
Même lorsqu'il existe en principe la volonté de mettre sur pied
une opération onusienne de maintien de la paix, il est extrêmement
difficile de mettre en place les accords nécessaires et de mobiliser les
forces pour atteindre à temps la zone de conflit. L'ONU (ni aucun autre
organe multilatéral) ne dispose d'une force permanente d'intervention
rapide pouvant être utilisée dans de telles situations.
Le système de maintien de la paix s'organise autour des
chapitres VI et VII de la Charte des Nations Unies. L'articulation entre ces
chapitres avait été conçue par les auteurs de la Charte de
manière à rechercher, selon une certaine harmonie, les meilleures
adaptations et réactions possibles aux diverses situations à la
fois en ouvrant un éventail gradué allant des modes classiques de
règlement des différends. Jusqu'au système
sophistiqué de sécurité collective s'agissant des
procédures utilisables. Il faut noter que les mécanismes n'ont
pas toujours fonctionné comme prévu. Les blocages du conseil de
sécurité sont dans une moindre mesure liée au manque de
personnel mais aussi au refus de certains bailleurs d'appuyer
financièrement les actions de rétablissement de la paix dans
certaines zones de conflits. Un recours à des palliatifs est encore
nécessaire et l'obstacle majeur à une action dépassant le
simple maintien de la paix n'est pas seulement l'étendue des besoins en
hommes et en matériels et donc le coût de l'opération mais
surtout la résistance des États à engager des
vies155.
Le conseil de sécurité de l'ONU n'étant
pas une entité étatique dotée d'une « autonomie
» financière et d'une indépendance décisionnelle,
reste très souvent cloué en temps de conflits. Il s'agit en fait
d'une organisation universelle de paix qui reçoit le concours d'un
certain nombre d'États et d'institutions internationales pour pouvoir
faire face aux conflits qui sévissent dans le monde. Le conseil de
sécurité ne dispose pas de forces d'attente ou encore moins de
ressources financières suffisantes pour engager promptement les actions
de paix dans le monde.
Si nous partons de l'exemple africain, aujourd'hui, le Mali
constitue un bel exemple. Le constat est que les rebelles Touaregs joints aux
combattants d'Ansardine ont envahi le pays en occupant d'abord le nord et la
communauté internationale à l'instar du conseil de
sécurité, de l'UA et de la CEDEAO, se mure dans un silence
presque total. L'ONU par la mise en place de la MINUSMA156 a
essayé d'apaiser les tensions. Mais, force est de constater qu'en plus
de 10
155 Cf. « actualités des conflits
internationaux », colloque des 4 et 5 décembre 1992.
156 Mission multidimensionnelle
intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali est une
opération de maintien de la paix des Nations unies au Mali. Elle
intervient dans le cadre de la guerre du Mali et est la composante principale
de l'intervention militaire au Mali.
ans de présence au Nord du Mali, il n'y a pas eu
d'avancée majeure en termes de lutte contre le terrorisme, ce qui pousse
aujourd'hui les instances de gouvernance maliennes à demander le retrait
des forces de la MINUSMA et de prendre en main leur propre destin. Le
même cas aujourd'hui en République Démocratique du
Congo.
Ce qui est souvent décrié c'est le manque de
neutralité des organes de l'ONU. Par définition, la
neutralité signifie pour une force de maintien de la paix, le fait de
s'abstenir de prendre parti pour un des belligérants. Les forces
d'interposition de l'ONU ne doivent en aucun cas prendre position pour l'une ou
l'autre des parties aux conflits. C'est cette neutralité qui fait la
force du conseil de sécurité. Ainsi, avec cette neutralité
respectée, l'Organisation des Nations Unies, de par ses organes, obtient
plus de crédibilité à l'égard des parties. A cet
effet, le Conseil accède à toutes les informations
détenues par les belligérants. Toutefois, il faut souligner que
la neutralité n'est pas nécessairement passivité. Le
conseil de sécurité doit avoir la capacité de traiter
équitablement les conflits dans lesquels il intervient. Pour pouvoir
trancher les litiges, le conseil doit accorder aux belligérants les
mêmes possibilités de concertations et doit être
équidistant, c'est-à-dire sans influence aucune en faveur de
l'une ou de l'autre des parties.
Malgré toutes ces recommandations constatées, on
note très souvent des manquements, de la part des forces de
sécurité dans leurs actions d'intervention dans la région
Ouest- africaine. Du point de vue des déploiements de la force de paix
de l'ONU, on note parfois que ceux-ci sont parfois faits dans des circonstances
de guerre ou de tension extrême résultant d'une dégradation
de l'État et de la confiance des acteurs. Dans ces types
d'interventions, la cohabitation entre les forces de l'ONU et les
belligérants n'est pas des meilleures du fait que la force
d'intervention est souvent vue comme une ingérence faite de façon
illégale.
Dans ce contexte, la force de paix sera confrontée
à une opposition avec d'autres forces soit rebelles soit forces
loyalistes de l'État comme ce fut le cas en Côte d'Ivoire avec les
forces loyales au Président Laurent Gbagbo et les forces de
sécurité déployée sous l'impulsion de la France.
Dans le conflit Sierra Léonais ou encore Libérien, les forces de
sécurité ont dû faire face à l'opposition des
groupes armés qui considéraient que ces opérations
étaient dirigées contre eux. Cette situation fait obstacle au
règlement des crises car elle avait favorisé un manque de
confiance entre la force de paix de l'ONU et certaines factions.
Toutefois, il faut noter que le manque de neutralité
n'est pas toujours efficace. Ce sont tout simplement les belligérants
véritables qui, parfois, imputent à tort à la force de
sécurité de l'Organisation des Nations Unies son manque de
neutralité dans ses interventions. Des fois
même, la proximité des mandataires de l'ONU avec
une des parties au conflit est parfois source de méfiance. Dans d'autres
cas, c'est la difficulté pour la force de paix d'identifier les
interlocuteurs, à négocier avec de nombreux belligérants
qui sont considérés par certains d'entre eux comme une
partialité. En effet, les parties ne sont pas souvent faciles à
identifier. Par exemple dans des conflits tels que celui de la Sierra
Léone et du Libéria, les parties étaient tellement
nombreuses qu'on pouvait se perdre dans les négociations.
Á titre illustratif pour justifier la morosité
des missions de paix, on dénote quelques échecs cuisants à
l'instar de la mission de l'ONU en Corée (UNCMAC) qui n'a pas
réussi à mettre fin à la guerre de Corée, qui a
duré de 1950 à 1953 et qui a fait plus de 3 millions de morts. Le
conflit s'est terminé par un armistice, mais pas par un traité de
paix, et la péninsule coréenne reste divisée et sous
tension jusqu'à aujourd'hui n'est pas l'abris d'une probable guerre
d'annexion. Également, la mission de l'ONU au Rwanda (MINUAR) n'a pas pu
empêcher le génocide de 1994, qui a fait environ 800 000 victimes.
Les Casques bleus ont été confrontés à un manque de
mandat, de ressources et de soutien politique pour intervenir face aux
massacres. Le Conseil de sécurité a même réduit les
effectifs de la mission au moment où la violence atteignait son
paroxysme. Même son de cloche en Bosnie-Herzégovine (FORPRONU) n'a
pas réussi à protéger les civils lors de la guerre de
1992-1995, qui a fait plus de 100 000 morts. Les Casques bleus ont
été incapables de faire respecter les zones de
sécurité déclarées par le Conseil de
sécurité, et ont été témoins du siège
de Sarajevo et du massacre de Srebrenica, où plus de 8 000 hommes et
garçons musulmans ont été tués par les forces
serbes. La mission de l'ONU en Somalie (ONUSOM) n'a pas réussi à
stabiliser le pays après la chute du régime de Siad Barre en
1991, qui a plongé le pays dans la guerre civile et la famine. Les
Casques bleus ont été confrontés à la
résistance des factions armées, qui ont attaqué et
tué plusieurs soldats de la paix. L'opération a été
marquée par l'échec de la bataille de Mogadiscio en 1993,
où 18 soldats américains et plus de 1 000 Somaliens ont
été tués. Ces exemples montrent à suffisance que le
maintien de la paix de l'ONU n'est pas une garantie de succès, et qu'il
dépend de nombreux facteurs, tels que le mandat, les ressources, le
soutien politique, la coopération des parties au conflit, et le respect
du droit international humanitaire. La mission de l'ONU au Soudan (MINUS) n'a
pas réussi à prévenir la sécession du Soudan du Sud
en 2011, ni à mettre fin aux violences qui ont éclaté dans
le pays après son indépendance. La mission a été
remplacée par la MINUSS, qui fait face à une guerre civile depuis
2013, avec plus de 400 000 morts et 4
millions de déplacés157. La mission
de l'ONU en Haïti (MINUSTAH) n'a pas réussi à stabiliser le
pays après le coup d'État de 2004, ni à assurer la
transition démocratique. La mission a été critiquée
pour son implication dans des violations des droits de l'homme, notamment le
viol de femmes et de filles, et pour avoir introduit le choléra dans le
pays, qui a tué plus de 10 000 personnes. La mission de l'ONU en Syrie
(MISNUS) n'a pas réussi à mettre en oeuvre le plan de paix de
Kofi Annan en 2012, qui prévoyait un cessez-le-feu, un dialogue
politique et un accès humanitaire. La mission a été
suspendue après seulement quatre mois, en raison de l'escalade du
conflit et du manque de coopération des parties. La guerre en Syrie a
fait plus de 500 000 morts et 13 millions de
déplacés158.
157 Le maintien de la paix de l'ONU fonctionne-t-il ?
Voici ce que disent. Lien : https://news.un.org/fr/story/2022/12/1130427
consulté le 06 septembre à 12h08
158 Conflits : derrière l'échec des
interventions internationales. IFRI. Lien : https://
www.ifri.org/fr/publications/publications-ifri/articles-ifri/conflits-derriere-lechec-interventions-
internationales. Consulté le 06 septembre à 12h09
Section II - Le cas de la justice internationales
Les juridictions internationales sont essentielles au maintien
de la sécurité mondiale et à la protection des droits de
l'homme. Ils fournissent un cadre pour résoudre les différends et
tenir les individus responsables de leurs actes. Cependant, ces
dernières années, on a assisté à une tendance
croissante à la paralysie au sein de ces juridictions, ce qui constitue
une menace importante pour leur efficacité et la sécurité
du monde. Cette paralysie peut se manifester de diverses manières, comme
l'incapacité de s'entendre sur des décisions, le manque de
volonté politique pour faire appliquer les décisions ou la
manipulation des systèmes juridiques par des nations puissantes. Les
conséquences de cette paralysie sont considérables, permettant
aux auteurs de violations des droits humains d'agir en toute impunité et
sapant les efforts visant à promouvoir la paix et la stabilité
à l'échelle mondiale. Ainsi, on se propose d'analyser la
problématique de l'indépendance de la cour internationale de
justice (paragraphe 1) qui est au coeur des débats sur la scène
internationale et la question de l'impartialité de la cour pénale
internationale (paragraphe 2)
Paragraphe 1 : La
problématique de l'indépendance de la CIJ
Aux termes de l'article 2 du statut de la C IJ, « La
Cour est un corps de magistrats, indépendants élus, sans
égard à leur nationalité, parmi les personnes jouissant de
la plus haute considération morale et qui réunissent les
conditions requises pour l'exercice possédant une compétence
notoire en matière de droit international ». Ainsi, l'article
2 du statut de la CIJ implante solidement l'une des vertus essentielles
à toute juridiction : l'indépendance. L'indépendance d'une
juridiction est la clé de voûte de son existence. Elle en est la
condition primordiale. Sa maitrise s'impose alors. Étant l'unique organe
judiciaire permanent du système des Nations Unies. Elle a
été établie en 1946 dans le but de régler les
litiges internationaux et de promouvoir la paix et la sécurité
internationales. Cependant, depuis sa création, le CIJ est
confronté à plusieurs défis qui ont mis en question son
indépendance et sa capacité à remplir ses fonctions de
manière impartiale et efficace. L'indépendance
de la CIJ est un principe fondamental de son fonctionnement. Cependant, cette
indépendance est souvent compromise par les intérêts
politiques et économiques des États membres, qui peuvent
influencer les décisions de la Cour. S'inscrivant dans cette logique
nous aborderons d'une part l'indépendance critiquée (A) et
d'autre part une indépendance limitée (B).
A : Une indépendance
critiquée
L'indépendance statutaire entend affranchir son
bénéficiaire des liens avec des institutions ou avec les
États et elle est garantie en coupant ces liens vis-à-vis des
puissances territoriales. Une fois cette indépendance garantie, il
importe que les décisions de la Cour reflètent cette
émancipation. Malheureusement, on assiste à des décisions
contestées, ce qui entraine de la part des États une certaine
méfiance.
En principe, la composition de la Cour devrait garantir
l'indépendance et l'impartialité de celle-ci. Car, non seulement
elle est composée de magistrats indépendants possédant
« une compétence notoire en droit international »,
mais aussi sa composition est sujette à une représentation
équitable des différents systèmes juridiques ainsi
qu'à une représentation géographique équitable. On
ne devrait donc pas avoir de suspicions par rapport aux décisions
qu'elle rend normalement en toute indépendance.
Malheureusement, il est des affaires dans lesquelles les
États ont ouvertement critiqué la décision retenue par les
juges de La Haye. Or, chaque fois que sa décision est critiquée,
c'est son indépendance qui est mise en doute. En effet, les États
insatisfaits pourront tout faire pour voir leurs prétentions être
satisfaites. En 2006 par exemple, la cour a rendu son arrêt dans
l'affaire du Génocide introduite par la Bosnie-Herzégovine contre
la Serbie treize ans plus tôt. Elle a qualifié de génocide
les massacres de Srebrenica de juillet 1995 et jugé que la Serbie, en ne
cherchant ni à empêcher, ni à punir ce crime, avait
enfreint la Convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide. Seulement, l'écart entre les conclusions des
juges et la cause plaidée par la Bosnie-Herzégovine, qui
alléguait que la Serbie était directement responsable d'un
génocide commis sur tout son territoire depuis 1992 au moins, a
suscité des critiques radicales de la décision
rendue159. La raison est simple : elle n'a pas pu aller jusqu'au
bout de sa logique. Ce que l'ancien Président du Tribunal pénal
international pour l'ex- Yougoslavie (TPIY), Antonio Cassese a qualifié
de « Massacre judiciaire ».
Il faut également rappeler que les décisions de
la Cour, dans les années 1970 spécialement celle portant sur les
essais nucléaires français ; et en 1986 concernant l'affaire
opposant les
159 CONDE (Pierre-Yves), « L'Affaire du
génocide. Bosnie et Serbie devant la Cour internationale de Justice ou
la dénonciation à l'épreuve du droit international »,
Droit et cultures], 2009.
Lien :
http://droitcultures.revues.org/2126,
consulté le 23 septembre 2023 à 11h08
États-Unis au Nicaragua ont été
critiquées par la France et les États-Unis160 . Il ne
faut pas non plus oublier l'action du Tiers-Monde à l'ONU en faveur du
droit au développement qui ne trouvera aucun écho
juridictionnel161 : c'est paradoxalement la Belgique162
qui donnera très indirectement l'occasion à certains juges
favorables aux thèses tiers-mondistes en la matière d'en rappeler
la teneur et la portée.
Des décennies plus tôt, c'est l'affaire du
Sud-Ouest africain qui avait défrayé la chronique163.
Que de critiques ! Les États africains indépendants ont
ouvertement critiqué le fait que la Cour s'est bornée à
statuer sur la qualité des parties alors qu'elle devait le faire sur le
fond. L'Égypte déclarait « il est vraiment regrettable
que cette institution mondiale (la Cour), en manquant à son devoir, ait
ébranlé notre foi ».
Dans le cadre de la méfiance à l'égard de
la cour, la plus retentissante vient des États du tiers Monde surtout
ceux d'Afrique. Devenus membres de l'organisation des Nations Unies et de ses
institutions spécialisées, les États africains ont vite
réalisé qu'ils devaient trouver leur
160 Durant les années 1970, beaucoup
d'États ont même refusé de comparaître devant la CIJ
; d'autres ont retiré leur déclaration facultative de juridiction
obligatoire après des décisions leur ayant été
défavorables (France en 1974 après Essais nucléaires et
États-Unis en 1986 après Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci).
161 DEHARBE (David.) « Le bon recours au juge
dans les relations internationales, les avis de la CIJ sur la
licéité de l'arme nucléaire », in CURAPP, La
politique ailleurs, Paris, PUF, 1998. P 137.
162 C'est l'affaire dite de la Barcelona Traction
entre la Belgique et l'Espagne qui donnera lieux à deux arrêts en
1964 et 1970.
163 Cf. Fischer (G.), « Les réactions
devant la CIJ concernant le Sud-Ouest africain », in AFDI, volume
12, 1966. pp. 144-154. Le 4 novembre 1960, l'Ethiopie et le Libéria
introduisirent auprès de la Cour Internationale de Justice deux
requêtes demandant à la Cour de déclarer que les mesures
prises et la politique adoptée dans le Sud-Ouest africain par l'Afrique
du Sud étaient contraires aux obligations que ce pays assumait en tant
que mandataire. Le 21 décembre 1962, la Cour rendit un premier
arrêt portant sur les quatre exceptions préliminaires et se
déclara compétente pour statuer sur le fond (C.I.J., Recueil
1962, p. 313. « La Cour conclut que l'article 7 du Mandat est un
traité ou une convention encore en vigueur au sens de l'article 37 du
Statut de la Cour, que le différend est de ceux qui sont prévus
audit article 7 et qu'il n'est pas susceptible d'être réglé
par des négociations »). Le 18 juillet 1966, la Cour a rendu un
second arrêt qui, à la surprise générale, n'aborde
pas le fond. Il examine exclusivement
« une question relevant du fond mais ayant un
caractère prioritaire : elle concerne la qualité des demandeurs
en la phase actuelle de la procédure ; en fait, il s'agit non pas de la
question de l'aptitude des demandeurs à se présenter devant la
Cour, qui a été tranchée par l'arrêt de 1962, mais
de la question de fond de leur droit ou intérêt juridique au
regard de l'objet de la demande telle qu'elle est énoncée dans
leurs conclusions finales » (2). Estimant que manquait
précisément un tel droit ou intérêt juridique, la
Cour a rejeté les requêtes des demandeurs
propre voie afin de ne pas être à nouveau les
victimes d'un jeu international subtil. Cependant, cette prudence
légitime s'est rapidement transformée en une hostilité de
principe à l'égard de la CIJ. Ainsi, après
l'indépendance politique des États africains, on constate que ces
derniers manifestent une méfiance, voire une réticence soutenue
envers la CIJ qui perdure jusqu'à nos jours. La raison est connue.
Toutes les critiques auxquelles la Cour a dû faire face conduisent
littéralement à cette attitude : la perte de confiance en la
Cour. On ne peut donc pas dire que les États nouvellement
indépendants, en occurrence les États africains, aient souvent
recours à la Cour pour le règlement des différends. Cette
réaction africaine correspondait à celle des État du Tiers
Monde en général. Ils voyaient la Cour comme un organe
travaillant à la conservation d'un droit ressenti comme injuste et
contestable voire ennemi du fait d'avoir légitimé l'emprise
coloniale ainsi que l'ensemble de ses conséquences164. Elle
ne semblait plus indépendante. La Cour semble alors subir le poids de
ses membres puissants. C'est la raison pour laquelle ces États ont
estimé à une époque donnée, que la Cour
était trop occidentale.
En somme, il y a non seulement une réticence quantitative
(faible adhésion à l'article 36 paragraphe 2165 du
statut de la Cour), mais également une réticence qualitative
caractérisée par des déclarations d'acceptation
encadrées par d'énormes réserves. Chaque État jouit
ainsi d'une liberté plus étendue soit dans le choix de la forme
de sa déclaration, soit dans les limites de ses effets personae,
materiae et temporis. Cette double liberté est consacrée par
l'alinéa 3 de l'article 36 qui dispose que « les
déclarations ci-dessus visées pourront être faites purement
et simplement ou sous condition de réciprocité de la part de
plusieurs ou de certains États, ou pour un délai
déterminé ». Elle se trouve uniquement dans le statut
de la CIJ et c'est elle qui semble consacrer la domination du politique sur le
juridique. En conséquence, les États faibles à l'instar
des États africains profitent de cette pirouette offerte par l'article
36 alinéa 3 pour se prémunir contre certaines
éventualités dans un environnement qui leur est
défavorable. On peut dire en la matière, qu'ils ne sont pas seul.
Même le camp occidental a éprouvé à un moment
donné, une véritable répulsion envers celle-ci à
l'issue de sa décision sur les essais nucléaires français
et l'intervention américaine au Nicaragua.
164 Condorelli (Luigi.), « les lendemains qui
chantent pour la justice internationale ? », in l'optimisme de
raison, éd. Pedone, Paris, 2013, p. 206.
165 Article 36 alinéa 2 du statut de la CIJ
« Les Etats parties au présent Statut pourront, à n'importe
quel moment, déclarer reconnaître comme obligatoire de plein droit
et sans convention spéciale, à l'égard de tout autre
État acceptant la même obligation (...) »
B : Une indépendance
limitée
La CIJ est composée au nombre de quinze juges, ils sont
élus par l'Assemblée générale et le Conseil de
sécurité des Nations Unies sur une liste présentée
par les États. Le statut vise à garantir leur indépendance
et à assurer leur représentativité. Cela n'a pas permis
d'éviter la représentation automatique des cinq membres
permanents du Conseil de sécurité (États-Unis,
Royaume-Uni, France, Russie, Chine) ni la surreprésentation de l'Europe,
qui dispose du tiers des sièges.
Comme on l'a fait remarquer, le pouvoir des juges
internationaux leur a été donné par les États
eux-mêmes. Et, même si cela ne signifie pas que les juges et les
États ne soient pas parfois en lutte explicite au niveau international
notamment à travers les organes judiciaire et exécutif d'une
même institution internationale comme à l'ONU, il se joue pour
l'instant plutôt une sorte « de jeu à somme positive dont
les gains sont profitables à tous »166. Si bien que
les choses semblent plus claires et transparentes en droit international comme
si d'emblée on savait que dans ce jeu international, les juges ne
peuvent être totalement indépendants de leurs États.
Comme elle a été définie,
l'indépendance de la CIJ signifie qu'elle ne devrait pas subir
d'influence d'où qu'elle vienne, que ce soit de l'État ou des
autres organes de l'organisation. La première incursion des organes
politiques dans le champ d'action de la CIJ est l'élection des juges de
la Cour. Quel est par conséquent le sens qu'il convient de donner
à l'indépendance du juge international ? selon certains
doctrinaires, les Etats ont en ce sens fait état des limites
résultant de l'élection du détenteur du pouvoir de juger.
Ils remarquaient en effet que « l'aspiration naturelle de ceux qui ont
le pouvoir de nommer les juges en qui ils ont confiance, et qui sont des
sympathisants de leurs objectifs et idéaux sociaux, ne va pas toujours
de pair avec le désir naturel pour une indépendance de la
magistrature »167. Il en ressort de cette affirmation que
les juges sont sous l'influence politiques des États qui les proposent
et ces derniers ressentent un devoir de gratitude envers eux ce qui
dénature leur lucidité ou vicie leurs raisonnements quand ils
sont appelés à statuer sur les intérêts de leurs
États d'origines. On assiste à l'invitation de la politique dans
l'appareil juridictionnel international.
166 MAUPAS (Stéphanie.) ; Juges, bourreaux,
victimes. Voyages dans les prétoires de la justice internationale,
Paris ; Autrement ; 2008 ; p. 17.
167 The World Court: What It Is and How It Works,
Dordrecht, Boston, Londres; M. Nijhoff Publishers, 5th ed., 1995, p.
51.
Mais la préoccupation majeure est ailleurs. Elle a
été identifiée par le professeur Alioun SALL qui a
montré les voies par lesquelles la politique s'invite dans
l'activité du juridictionnel pour le dénier168. D'une
part, la politique s'invite dans le procès international lorsque les
États, dans une sorte de sursaut de dénégation de la
fonction juridictionnelle, arguent des données intrinsèques du
litige pour dénier au juge le droit d'en connaître. C'est alors la
question de la justiciabilité même du différend qui se
pose.
La seconde modalité par laquelle le juge international
est invité à prendre en compte le facteur politique est
maniée avec plus de subtilité par les États. Elle ne
consiste pas tant à remettre en cause la juridiction dans son principe,
que d'en limiter l'ambition ou la portée, en lui opposant
précisément, peu ou prou, un autre mode de règlement, qui
est alors « politique ». Se pose alors un problème de
concurrence des modes de règlement car il arrive que les États
plaideurs gardent « deux fers au feu » et ne renoncent point, en
saisissant un juge, à continuer à rechercher une solution
extra-judiciaire à leur différend. Ces modalités telles
que montrées par le professeur Sall, sont détectées dans
les relations entre la CIJ et le Conseil de sécurité. En effet,
l'idée de base qui inspire le chapitre VI de la Charte est qu'en cas de
différend dont la prolongation est susceptible de menacer la paix et
aussi d'impasse entre les parties quant aux moyens pacifiques à
utiliser, les organes politiques de l'ONU en particulier le Conseil de
sécurité sont appelés à intervenir et ce,
conformément au premier paragraphe de l'article 36169de la
Charte. En principe, le Conseil de sécurité n'est
compétent que pour recommander les moyens de règlement pacifique
des différends. Cependant, dans la pratique, le Conseil de
sécurité n'a pas souvent limité ses recommandations
à un choix pur et simple d'un moyen de règlement pacifique
quelconque énuméré à l'article 33 de la Charte. Il
a été tenté de faire des recommandations de fond contenant
des termes de règlement au lieu d'indiquer un moyen d'ajustement de
différend. Cela a développé énormément
l'activité du Conseil de sécurité et a eu des
conséquences fâcheuses170quant au volume d'affaires
portées devant la Cour.
En vertu de l'article 36 paragraphe 3, le Conseil de
sécurité devrait normalement, d'une manière
générale, acheminer les différends d'ordre juridique
à la Cour. Une fois seulement, dans l'affaire du détroit de
Corfou, le Conseil a suivi cette règle. Et même dans ce cas, le
Conseil
168 SALL (Alioun), « le juge international et
la politique : réflexion sur l'incidence de la politique sur la
juridiction de la Cour de justice de la Haye », Lien :
www.afrilex.u-bordeaux4.fr
consulté le 24 septembre 2023 à 15h08.
169 Article 36 1. « Le Conseil de
sécurité peut, à tout moment de l'évolution d'un
différend de la nature mentionnée à l'Article 33 ou d'une
situation analogue, recommander les procédures ou méthodes
d'ajustement appropriées ». 170 BADINTER (Robert.),
« Une si longue défiance », in Pouvoirs, Les Juges ;
n° 74 ; 1995 ; p. 9.
n'a recommandé aux parties d'aller devant la Cour
qu'après avoir rencontré un échec dans la tentative d'agir
en tant que juge, de recevoir des témoignages et d'arriver à
certaines déterminations de faits comme base pour le règlement du
différend. Suite à l'invasion du Koweït par l'Irak,
l'occasion s'offrit une nouvelle fois au Conseil de sécurité de
recommander aux parties directement intéressées de recourir
à la Cour internationale de justice pour régler les aspects
juridiques du litige. Tel aurait pu être le cas du différend qui
les opposait sur le tracé de leur frontière terrestre. Le Conseil
de sécurité préféra néanmoins, dans le cadre
de la résolution 687 du 3 avril 1991, s'en remettre à la
médiation du Secrétaire général. Lors des
débats qui ont suivi l'adoption de cette résolution,
l'Équateur regrettait que le Conseil de sécurité n'ait pas
eu recours au paragraphe 3 de l'article 36, estimant que ce différend
présentait toutes les caractéristiques d'un différend
d'ordre juridique. ·Pour se défendre des critiques
avancées, les États-Unis ont estimé que le Conseil a agi
pour rétablir la paix et ne cherchait nullement à s'approprier un
tel rôle171. Auparavant, le Conseil de sécurité
avait poussé très loin son audace en demandant à la Cour,
dans l'affaire Lockerbie, de sursoir à exercer son devoir judiciaire et
de s'incliner devant le Conseil.
Même si la Cour internationale de Justice est
conçue pour être un arbitre indépendant et impartial des
différends internationaux, son indépendance est limitée de
plusieurs manières. Les décisions de la Cour peuvent être
influencées par des considérations politiques, et sa
capacité à faire appliquer ses décisions est soumise aux
caprices des États concernés. De plus, la compétence de la
Cour est limitée aux affaires qui lui sont soumises par les États
ou par le Conseil de sécurité de l'ONU, ce qui signifie qu'elle
ne peut pas se saisir d'affaires de sa propre initiative. Malgré ces
limites, la CIJ reste une institution importante pour promouvoir le droit
international et régler les différends entre États. Son
existence et son efficacité dépendent de la volonté des
États de respecter ses décisions et de coopérer avec elle
dans la poursuite de la justice et de la paix.
Paragraphe 2 : La question de
l'impartialité de la CPI
171 COT (Jean-Pierre) PELLET (Alain) FORTEAU
(Mathias.), Charte des Nations Unies, commentaire article par article,
3e éd. Economica, tome II, Paris, 2005, p 1106.
La Cour pénale internationale (CPI) a été
créée en 2002 en tant que tribunal international permanent
chargé de poursuivre les individus pour crimes de guerre, crimes contre
l'humanité, génocide et crime d'agression. L'un des principes
clés qui sous-tendent le mandat de la CPI est la notion
d'impartialité. L'impartialité fait référence
à la notion selon laquelle le tribunal doit être neutre et
impartial dans son processus décisionnel et qu'il ne doit pas favoriser
une partie par rapport à une autre. Cependant, la CPI a
été confrontée à des critiques et à des
défis concernant son impartialité, en particulier ces
dernières années. Certains pays ont accusé la CPI
d'être partiale en faveur de certaines régions ou groupes, tandis
que d'autres ont remis en question l'autorité et la
légitimité de la Cour. En outre, la CPI a rencontré des
difficultés pour enquêter et poursuivre les crimes dans les zones
de conflit, où l'accès aux preuves et aux témoins peut
être limité. Dans cette partie on analysera l'impartialité
qui a été décriée de la cour (A) et
l'impunité récurrente de certains auteurs (A)
A : Une impartialité
décriée
La mise en place d'une cour pénale internationale
à vocation universelle a constitué une évolution
très importante dans l'histoire de l'humanité et aussi dans le
cadre de la lutte contre l'impunité pour des crimes graves. Les attentes
à l'égard de cette justice sont particulièrement fortes
dès lors qu'il s'agit de sanctionner des crimes
caractérisés par la violation grave des valeurs de la
communauté internationale et par l'atteinte qu'ils portent à la
paix et à la sécurité régionale et
internationale172. La Cour pénale internationale, ainsi
créée, marquait une véritable révolution dans la
sphère du droit international et une avancée décisive au
sein du droit international pénal et du droit international humanitaire.
La responsabilité pénale des chefs d'États est mise en
cause ; on ne pouvait plus tuer à l'ombre de la souveraineté.
C'est la fin de la culture de l'impunité173. Pour le
Secrétaire général de l'ONU, l'objet du Statut de Rome
est
172 En effet, selon le Professeur Rafäa Ben
Achour, « Aussi rudimentaires soient-elles, les juridictions
internationales sont un élément d'ordre et
d'institutionnalisation de la société internationale », Ben
Achour (Rafäa),
« Quel rôle pour la justice internationale ? »,
in BEN ACHOUR (Rafäa) et LAGHMANI (Slim), Justice et juridictions
internationales, FSJPST, Paris, Pedone 2000, p. 20.
173 KRAIEM-DRIDI (Mouna), La responsabilité
du chef de l'Etat, Thèse de doctorat, sous la direction du Prof.
Rafâa Ben Achour, FSJPST, Tunis, 2005
« de mettre fin à la culture
générale de l'impunité - culture dans laquelle il
était plus facile de traduire un individu en justice pour avoir
tué une personne que pour avoir tué 100.000
»174.
Toutes les garanties statutaires et fonctionnelles
étaient mises en oeuvre pour que cette cour puisse mener à bien
ses missions.
La réalité de la cour pénale
internationale a démontré le contraire, force est de constater
qu'elle fait face depuis des décennies à des critiques quant
à son impartialité, y compris des allégations de
partialité en faveur des pays occidentaux et de leurs alliés,
ainsi que des préoccupations concernant la
représentativité des juges et des procureurs au sein de la
Cour.
Son manque d'impartialité est souvent au coeur des
critiques phares dirigés contre la cour, et ces détracteurs en
majeur partie sont les États africains. Ce qui démontre les
relations tendues entre la CPI et certains gouvernements africains, qui
estiment que le tribunal s'acharne injustement sur le continent, tout en
ignorant des crimes commis ailleurs. Et ce ne sont pas des propos non
fondés au regard des affaires pendantes devant la cour. En effet depuis
que la cour a commencé à fonctionner en 2002, sur ses dix-sept
enquêtes, dix sont toutes portées sur des pays africains. Ce qui
fait qu'à plusieurs reprises, l'Union africaine a violemment
critiqué la CPI et a demandé à ses membres de ne pas se
conformer à ses exigences, dans la mesure où elle est
conçue au sein des grandes instances africaines comme ``une justice
à sens unique''.
La manifestation de cette justice à sens unique va dans
le sens d'une focalisation des principales affaires devant la CPI sur le
continent africain, ce qui a poussé ces États à afficher
une attitude hostile à l'égard de la Cour, à ne pas
coopérer avec elle. En dix situations d'enquêtes 09 africaines
font l'objet d'une procédure devant la Cour des premières heures
de fonctionnement175: au Soudan (Darfour), en Ouganda, en
République démocratique du Congo, en République
centrafricaine, au Kenya, en Libye, en Côte d'Ivoire, au Mali et en
Burundi. Cette liste explique, à elle seule, les attaques
répétées de la CPI contre l'UA depuis plusieurs
années : alors que la Cour est censée être universelle,
elle ne poursuit de fait que des Africains.
174 Rapport du Secrétaire général
sur l'activité de l'Organisation. Assemblée
générale. Documents officiels. 53ème session.
Supplément N°1 (A/53/1) § 180).
175 31 affaires dans le contexte de 10 situations
africaines ont été ouvertes devant la Cour. Lien :
https://www.icc-
cpi.int/fr/about/thecourt#:~:text=Si%C3%A8ge%20%3A%20La%20Haye%20(Pays%2D,d%C3%A9livr%C3%
A9%2040%20mandats%20d'arr%C3%AAt, consulté le 28 septembre 2023 à
13h09.
Alors qu'elle est censée être internationale,
elle serait en réalité une « Cour pénale africaine
»176 disait l'expert du droit international, AMBOS Kai.
D'où la défiance Croissante des chefs d'États africains,
ce qui affecte la légitimité de la justice pénale
internationale en général. L'état actuel de la
coopération entre la Cour pénale internationale et certains
États africains témoigne ainsi de l'allergie, voire de
l'hostilité de ces États à l'égard de la Cour. Il
importe alors d'en dégager les causes et en comprendre les raisons.
En réalité, cette dégradation des
relations de coopération entre la Cour pénale internationale et
les États africains remonte à l'année 2005, en
réaction à la saisine de la CPI par le Conseil de
sécurité de l'ONU au sujet du Darfour, mais c'était
réellement développé par l'émission des mandats
d'arrêt contre El-Béchir (2009-2010)177. Elle a ensuite
été ravivée par l'affaire Laurent Gbagbo,
arrêté et transféré à la Haye en 2011 (lui et
sa femme Simone) étant accusés d'avoir commis des crimes contre
l'humanité en Côte d'Ivoire. Et aussi le transfert de Charles
Blé Goudé à la CPI le 22 mars 2014 à la Cour,
l'offensive majeure est venue d'Afrique de l'Est (notamment du Kenya et son
intense lobbying exercé sur les États de l'UA contre la
176 AMBOS (Kai), « Expanding the Focus of the
'African Criminal Court'», in SCHABAS (Wa), MCDERMOTT (Yvonne) et HAYES
(Naihm) (dir.), Perspectives, Burlington, Ashgate, 2013, pp. 499-529.
177 « Aussi réalisant la vanité
de leurs démarches, les Etats africains ont fini par adopter une
résolution portant interdiction de coopérer avec la Cour
pénale internationale dans l'arrestation et la remise du
Président soudanais El-Bechir, le 4 juillet 2009. Cette
résolution d'impunité est d'autant plus étonnante que non
seulement elle invite les Etats africains à manquer à leur
obligation de coopération à l'égard de ladite cour, les
exposant par le fait même à engager leur responsabilité
internationale devant l'Assemblé des Etats parties de ladite Cour ou le
Conseil de sécurité, mais en plus elle méconnait l'Acte
constitutif de l'Union africaine qui consacre le principe de l'obligation de
l'intervention de l'Union dans les Etats membres, en cas de Commission des
crimes internationaux les plus graves. Faisant suite au mandat d'arrêt
décerné par la Cour pénale internationale à charge
de leur homologue soudanais Omar Hassan El-Béchir, les chefs d'Etat
africains ne cessent de multiplier les initiatives à l'encontre de la
procédure en cours contre leur pair et même contre la Cour en tant
que telle. Pour contrer la procédure à charge de leur pair, la
stratégie de l'Union africaine a consisté d'abord dans des
démarches auprès du Conseil de sécurité des Nations
unies aux fins de l'application de l'article 16 du Statut de Rome.
L'échec de ces démarches a été à la base de
la stratégie actuelle de l'adoption d'une résolution
d'impunité. Ce genre de dispositions fait l'objet de critiques de la
part des Etats soucieux de la lutte contre l'impunité. Nous pensons
alors qu'il est très difficile que cette situation connaisse une
évolution notable. En effet, il sera mal vu que le Conseil de
sécurité qui a déféré les crimes
internationaux les plus graves commis au Soudan se dédire en adoptant
une résolution aux fins de mettre fin, ne serait-ce que
momentanément, aux enquêtes qui s'en sont suivies ». In
GUELDICH (Hajer), « La Cour pénale internationale : une justice
trébuchante », in Recueil d'études offert en l'honneur de
Pr. Rafaa Ben Achour, Mouvances du Droit, Simpact, 2015, Tome III,
pp.89-130.
Cour178), ainsi que la visite de Omar El
Béchir en Afrique du Sud lors du 25° Sommet de l'Union africaine en
juin 2015, sans être arrêté et remis à la
Cour"179, ont été des occasions intéressantes
pour ranimer le débat et focaliser l'hostilité africaine à
l'égard de la Cour"180. S'y ajoute l'obstination tant de la
République démocratique du Congo181 que de
l'Ouganda182dans leur refus d'exécuter les demandes de
coopération de la Cour relatives à l'arrestation et à la
remise respectivement de Bosco Ntanganda et d'autres personnes poursuivies
devant la Cour pénale internationale.
Plusieurs raisons, militent à cette hostilité
des États africains à l'égard de la CPI. La plus
importante d'entre elles est la sauvegarde de la paix menacée par les
poursuites judiciaires, y compris par la Cour pénale internationale. En
effet, « Que ce soit dans le cas de l'Ouganda, celui de la
République démocratique du Congo ou du Soudan, le refus
opposé par les États africains aux demandes de coopération
de la Cour pénale internationale trouve sa justification dans la
volonté de sceller la réconciliation nationale, mieux de faire la
paix »183. Autrement dit, le manquement par les
États africains à leur obligation de coopération avec la
Cour pénale
178 La Cour pénale internationale "n'est
plus le lieu de la justice mais le jouet des pouvoirs impérialistes en
déclin" a préféré analyser Uhuru Kenyatta à
la tribune de l'UA. "Cette Cour agit sur demande des gouvernements
européens et américain, contre la souveraineté des
États et peuples africains. (...) des gens ont qualifié cette
situation de chasse raciale, j'ai de grandes difficultés à
être en désaccord". Le président kényan a mis en
cause les États-Unis et la Grande-Bretagne, voir « Faire bloc face
à la CPI ». Lien :
http://information.tv5monde.com/info/l-
union-africaine-s-oppose-la-cour-penale-internationale-4601, consulté le
28 septembre 2023 à 13h34
179 Présent à Johannesburg pour le 25e
Sommet de l'Union africaine, le président soudanais a quitté
librement L'Afrique du Sud, pourtant tenue de l'extrader par la Cour
pénale internationale, voir « Omar el-Béchir défie
(Encore) la CPI. Lien : https://
www.liberation.fr/planete/2015/06/15/omar-el-bechir-defie-encore-la-
cpi_1330087/, consulté le 28 septembre 2023 à 13h50
180 Cf. Sanji Mmasenono Monageng, (première
vice-présidente et juge à la CPI), originaire du Botswana, estime
que les relations entre l'UA et la CPI « n'ont probablement jamais
été aussi tendues et soumises à rude épreuve
qu'aujourd'hui ».
181 Après s'être fait passer pour le
modèle, en matière de coopération entre la Cour et les
Etats parties en arrêtant et en remettant à la Cour trois de ses
ressortissants prés rappelés, la République
démocratique du Congo a malheureusement fini par s'obstiner de
coopérer, en refusant d'arrêter et de remettre un autre de ses
ressortissants, en l'occurrence Bosco Ntanganda.
182 Premier État à avoir
renvoyé les crimes commis sur son territoire à la Cour
pénale internationale, l'Ouganda est également le premier
à avoir mis en échec l'exécution des demandes de la
même Cour relatives à l'arrestation et à la remise de ses
ressortissants.
183 WETSH'OKONDA KOSO (Marcel), « Vers
l'émergence du droit communautaire pénal africain ? », in
Justice Internationale. Lien :
http://www.grotius.fr/vers-l%E2%80%99emergence-du-droit-communautairepenal-
africain, consulté le 28 septembre 2023 à 14h11
internationale passe pour le prix à payer pour
l'instauration de la paix. Mais normalement, ces États africains
auraient dû, avant de ratifier le Statut de la Cour pénale
internationale, s'assurer de l'adéquation de cet instrument à
leur stratégie de paix. En dehors de l'impératif de la paix, un
autre argument derrière lequel se retranchent certains États
africains pour expliquer la dégradation de leurs relations de
coopération avec la Cour pénale internationale est celui de
l'instrumentalisation de la Cour à des fins politiques.
La CPI doit-elle être considérée comme une
institution partialisée ? En tout cas nous pensons que les faits parlent
d'eux-mêmes.
B : Une abondance
d'impunités
Ces dernières années, la Cour pénale
internationale (CPI) a été confrontée à une
surveillance croissante quant à sa capacité à rendre
justice et à demander des comptes aux auteurs de crimes internationaux.
L'un des défis les plus importants auxquels est confrontée la CPI
est la question de l'impunité, grâce à laquelle les
individus accusés de crimes graves ne peuvent échapper aux
poursuites et aux sanctions. Force est de constater que plusieurs acteurs
contre lesquels la CPI a délivré des mandats pour leurs
arrestations sont toujours en libertés. Si l'argument de la
partialité de la cour à l'égard des supers puissances de
l'occident est réitéré, il y a lieu de relever que les
actions de la cour réellement sont à géométrie
variable.
Les causes sont nombreuses, en effet les États
puissants, comme les États-Unis, la Russie, la Chine ou Israël, se
sont dotés de mécanismes juridiques ou politiques pour
échapper à la compétence de la CPI, comme le refus de
ratifier le Statut de Rome, l'usage du veto au Conseil de
sécurité de l'ONU, ou la non-reconnaissance de la CPI par
certains États. Á titre d'exemple on peut prendre les mandats
d'arrêts délivrés depuis le 17 mars 2023, par la Chambre
préliminaire II de la Cour pénale internationale l'encontre de
deux personnes dans le cadre de la situation en Ukraine : le président
russe Vladimir Vladimirovitch Poutine et Maria Alekseïevna
Lvova-Belova184 et qui par la nature des choses sont toujours en
liberté. Outre l'argument de l'incidence politique que ça pouvait
engendrer, si ces personnalités furent
184 « Situation en Ukraine : les juges de la CPI
délivrent des mandats d'arrêt contre Vladimir Vladimirovitch
Poutine et Maria Alekseïevna Lvova-Belova ». Lien : https://
www.icc-cpi.int/fr/news/situation-en-ukraine-les-
juges-de-la-cpi-delivrent-des-mandats-darret-contre-vladimir, consulté
le 29 septembre 2023 à 12h17
arrêtées, il y a aussi l'obstacle de la
ratification du statut de la CPI que la Russie n'a pas fait et le refus de
certains États de coopérer à l'instar de la
Hongrie185.
Á titre d'exemple, on peut prendre le cas de la
Géorgie qui en 2016, une enquête a été
autorisée sur les crimes commis lors du conflit de 2008 entre la Russie
et la Géorgie en Ossétie du Sud. Cette enquête comportait
cependant de nombreux risques pour la CPI dans la mesure où elle
semblerait irresponsable si elle se contente de porter plainte contre les
Géorgiens, qui après tout ont été victimes de
l'agression russe dans ce conflit. Mais s'il cherchait à poursuivre en
justice des responsables du gouvernement ou de l'armée russe, il serait
confronté à un tout autre ensemble de risques. La Russie n'a
jamais ratifié le Statut de Rome et a clairement exprimé son
hostilité à l'égard de la CPI. Vladimir Poutine n'a
probablement pas besoin de l'encouragement d'une loi d'invasion de La Haye pour
défendre les intérêts de la Russie s'il les estime
sérieusement menacés par la CPI. Également la Bangladesh
(Myanmar) en 2019, une enquête a été autorisée sur
le traitement réservé par le Myanmar à sa minorité
ethnique Rohingya. La portée juridictionnelle de la Cour est toutefois
ténue, étant donné que le Myanmar n'a pas ratifié
le Statut de Rome et que les actions du gouvernement se déroulent sur le
territoire du Myanmar. Le Procureur affirme que le fait que des Rohingyas
soient expulsés vers le Bangladesh - pays partie au Statut de Rome
suffit à conférer compétence à la Cour, mais cette
affirmation sera certainement contestée si des accusations
étaient portées un jour. Ensuite le cas de l'État de la
Palestine. En effet en 2015, l'État de Palestine a déclaré
avoir ratifié le Statut de Rome et, s'appuyant sur cela ainsi que sur
une décision de la Chambre préliminaire , le Procureur a
annoncé en mars 2021 l'ouverture d'une enquête sur la situation en
Palestine. Aux fins de cette enquête, la Palestine est définie
comme la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est. Bien que le Procureur ait
trouvé lors de l'examen préliminaire une base raisonnable de
croire que des crimes avaient été commis par des acteurs
israéliens et palestiniens, l'objectif clair de cette enquête est
de porter des accusations contre les Israéliens bien qu'Israël
n'ait pas ratifié le Statut de Rome en relation avec la politique
israélienne. L'occupation de la Cisjordanie et ses engagements
militaires épisodiques avec les forces palestiniennes à Gaza. La
compétence de la CPI dans cette affaire est encore plus fragile qu'au
Myanmar, étant donné que la Palestine n'est
185 « Mandat d'arrêt contre Poutine : la
Hongrie ne livrerait pas le président russe à la CPI, dit son
gouvernement ». Lien : https://
www.lefigaro.fr/flash-actu/mandat-d-arret-contre-poutine-la-hongrie-ne-livrerait-
pas-le-president-russe-a-la-cpi-dit-son-gouvernement-20230323, consulté
le 29 septembre 2023 à 12h21
pas membre des Nations Unies et n'est pas reconnue comme un
État par la plupart des gouvernements occidentaux, mais ces
préoccupations ont été écartées par la
CPI.
Certes, l'ouverture d'une enquête de la CPI
n'équivaut pas au lancement d'accusations pénales, et il reste
donc possible que la Cour décide finalement de ne pas exercer la
compétence pénale qu'elle prétend avoir sur les
accusés potentiels dans ces affaires. Mais des considérations
politiques suggèrent qu'il sera extrêmement difficile pour la Cour
de ne pas porter plainte dans au moins certaines de ces affaires. Si la CPI
devait porter plainte contre des Américains pour leurs actions en
Afghanistan, une confrontation politique avec les États-Unis serait
assurée. Rien n'indique que l'administration du président Biden
s'écartera de la politique de tous les présidents
américains précédents consistant à rejeter la
compétence de la CPI sur les Américains au motif que les
États-Unis n'ont pas ratifié le Statut de Rome. Et aussi Si la
CPI devait porter plainte contre des Israéliens qui, comme les
Américains, sont originaires d'un pays qui n'a pas ratifié le
Statut de Rome les conséquences politiques en Amérique seraient
presque aussi importantes.
Pour rappel, l'année dernière, un groupe
bipartisan de 69 sénateurs a envoyé une lettre fustigeant la CPI
pour avoir repris le cas de la Palestine et affirmant que « les
États Unis devraient s'opposer pleinement à toute enquête
biaisée sur Israël ». En plus d'affirmer que la CPI n'a pas
qualité pour décider si la Palestine est un État et
quelles sont ses frontières, la lettre déplore que les actions de
la CPI « entraveraient davantage le chemin vers la paix
»186.
En somme, malgré les avancées
réalisées par la Cour pénale internationale dans la
poursuite des criminels de guerre et des responsables de crimes internationaux,
il règne encore beaucoup d'impunité dans le monde. La CPI fait
face à de nombreux défis, notamment en ce qui concerne la
ratification de son statut, la coopération des États, la
protection des témoins et la gestion des preuves.
186 « Les défauts fondamentaux de
conception de la CPI sont devenus encore plus évidents ». Lien :
https://
www.international-criminal-justice-today.org/arguendo/the-iccs-fundamental-design-flaws-have-only-
become-more-evident/, consulté le 29 septembre 2023 à 13h
38
TITRE II : UNE CRISE Á RELATIVISER DU DROIT
INTERNATIONAL
« Le droit international est un système
juridique robuste qui a traversé de nombreuses crises au fil des
siècles. Il a toujours réussi à s'adapter et à
évoluer pour répondre aux nouveaux défis qui se posent
»187, « Bien que confronté à des
défis importants, le droit international dispose de mécanismes de
résilience qui lui permettent de s'adapter et de survivre. Les principes
fondamentaux du droit international, tels que la souveraineté
étatique et la non- ingérence, restent pertinents et continuent
à être respecté »188. Á la
lumière de ces deux pensées se dégage le caractère
de résilience que revête le droit international.
En effet, au fil des ans, le droit international a connu une
série de défis qui ont érodé sa
légitimité et son efficacité. La crise du système
juridique international se manifeste de diverses manières, du nombre
croissant de violations du droit international à la fragmentation de la
juridiction internationale et la politisation des organisations
internationales. Cependant, malgré cette crise, il existe encore des
domaines dans lesquels le droit international continue de fonctionner
efficacement. Par exemple, le régime international des droits de l'homme
a réalisé des progrès significatifs au cours des
dernières décennies, avec la création de cours et
tribunaux internationaux, l'adoption de nombreux traités et conventions
et le développement d'un cadre solide pour la protection des droits de
l'homme. De même, le droit commercial international a continué
d'évoluer et de s'adapter aux réalités économiques
changeantes, offrant ainsi un cadre juridique stable au commerce et aux
investissements internationaux. En outre, les nouvelles technologies et les
médias sociaux ont permis aux individus et aux organisations de la
société civile de jouer un rôle plus important dans la
promotion de la responsabilité et du respect du droit international en
mettant en oeuvre de véritables perspectives. Cela a contribué
à contrebalancer certaines des tendances négatives du
système juridique international et a fourni de nouvelles
opportunités de plaidoyer et d'activisme.
187CASSESE (Antonio), « La clause Martens et les
lois de la guerre », Presse de l'Université d'Oxford,
1991, p. 12.
188 SCHWEBEL (Stephen Myron), « L'avenir du droit
international », Presse de l'Université d'Oxford, 1994, p. 178.
Cette partie s'inscrira scrupuleusement dans cette logique, ce
qui nous subordonne à mettre en exergue la survivance du droit
international de par les efforts constatés dans certains domaines
précis (Chapitre I) et on discutera
également des stratégies potentielles pour revitaliser
l'état de droit international au niveau mondial dans le cadre des
perspectives de solution qui sont envisagées (Chapitre
II).
Chapitre I- Des efforts de
résilience constatés
La légitimité du droit international a
été remise en question ces dernières années,
certains affirment qu'il n'est plus adapté à son objectif dans le
monde actuel en évolution rapide. Cependant, malgré ces
critiques, le droit international reste un outil essentiel pour promouvoir la
paix, la stabilité et la coopération entre les nations. La
normativité du droit international lui a permis de perdurer et de
s'adapter aux nouveaux défis, réaffirmant ainsi sa pertinence et
son importance à l'ère moderne. Dans cette partie, nous
examinerons sa capacité de résilience à l'évolution
de la dynamique mondiale. S'inscrivant dans la logique que le droit
international reste une composante essentielle du système international
et que sa force normative continue de façonner le comportement des
États et des autres acteurs sur la scène mondiale, on abordera le
cas de la protection des Individus (section I) et le cas de la protection de
l'environnement (section II).
Section I - En matière
de protection des individus
Dans un monde de plus en plus interconnecté, la
protection des individus est devenue une préoccupation pressante pour la
communauté internationale. Avec la montée de la mondialisation et
la prolifération des menaces transnationales, la nécessité
d'un cadre juridique solide pour sauvegarder les droits de l'homme et
prévenir les violations n'a jamais été aussi
évidente. Dans ce contexte, le droit international s'est
révélé être un outil crucial dans la quête de
protection des individus contre les abus de pouvoir, l'exploitation et surtout
dans le cadre du phénomène migratoire. Malgré de nombreux
défis et critiques, le droit international a fait preuve d'une
résilience et d'une adaptabilité remarquables, continuant
à évoluer et s'adapter pour répondre aux besoins
changeants d'un monde en évolution rapide. Cette partie explorera les
efforts d'adaptation du droit international dans le domaine de la protection
individuelle notamment en matière des réfugiés et
apatrides (paragraphe 1), et des investisseurs étrangers (paragraphe 2)
tout en examinant les divers mécanismes et instruments qui ont
été développés pour protéger les personnes
de tout danger et faire respecter leurs droits fondamentaux. De la
jurisprudence des cours et tribunaux internationaux à la
prolifération des traités et conventions, cette partie
démontrera que le droit international reste un rempart vital contre les
forces qui cherchent à porter atteinte à la dignité
humaine et à la sécurité.
Paragraphe 1 : En
matière de protection des réfugiés et des apatrides
La protection des réfugiés et des apatrides
s'observe par le cadre conventionnel qui est adapté (A) et le cadre
juridictionnel qui est dynamisé (B) par l'abondance des décisions
tendant à la sauvegarde des droits des réfugiés et des
apatrides.
A : Un cadre conventionnel
adapté
Avant tout propos, il sied de rappeler, l'approche
définitoire des deux notions. Ainsi , le terme «
réfugié » s'appliquera à toute personne «
qui, par suite d'événements survenus avant le premier janvier
1951 et craignant avec raison d'être persécutée du fait de
sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à
un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays
dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte,
ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n'a pas
de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa
résidence habituelle à la suite de tels
événements, ne peut ou, en raison de ladite
crainte, ne veut y retourner »189. Cette définition
du refugié a été élargie par la Convention de
l'Organisation de l'Unité africaine régissant les aspects propres
aux problèmes des réfugiés en Afrique, un traité
régional adopté en 1969, pour y inclure une considération
plus objectivement fondée, à savoir ,toute personne qui, «
du fait d'une agression, d'une occupation extérieure, d'une
domination étrangère ou d'événements troublant
gravement l'ordre public dans une partie ou la totalité de son pays
d'origine ou du pays dont elle a la nationalité , est obligée de
quitter sa résidence habituelle pour chercher refuge dans un autre
endroit à l'extérieur de son pays d'origine ou du pays dont elle
a la nationalité »190. Quant aux apatrides, ils se
définissent comme « Aux fins de la présente Convention,
le terme "apatride" désigne une personne qu'aucun État ne
considère comme son ressortissant par application de sa
législation »191.
La première convention précitée consacre
un principe très cardinal en matière de protection des
réfugiés et des apatrides. Ce principe c'est le principe de non
refoulement qui est énoncé comme suite « Aucun des
États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque
manière que ce soit, un réfugié sur les frontières
des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en
raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son
appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques
»192. Le refoulement est également interdit,
explicitement ou implicitement, par la Convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants193, la
Quatrième Convention de Genève de 1949194, le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques195, la
Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les
disparitions forcées, et les Principes relatifs à la
prévention
189 Article 1 A 2 de la convention de Genève du
28 juillet 1951 sur le droit des réfugiés, p.14.
190 Article 1 alinéa 2 de la Convention de
l'Organisation de l'Unité africaine régissant les aspects propres
aux problèmes des réfugiés en Afrique entrée en
vigueur le 20 juin 1974.
191 Article 1 de la convention de New York relative au
statut des apatrides du 28 septembre 1954, p.3.
192 Convention de Genève sur le droit des
réfugiés, op.cit., article 33 alinéa 1
193 « Aucun État partie n'expulsera, ne
refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des
motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la
torture ». Article 3 alinéa 1 de Convention contre la torture et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies
le 10 décembre 1984.
194 « Une personne protégée ne
pourra, en aucun cas, être transférée dans un pays
où elle peut craindre des persécutions en raison de ses opinions
politiques ou religieuses », article 45 paragraphe 4 du quatrième
Convention de Genève relative À LA PROTECTION DES PERSONNES
CIVILES EN TEMPS DE GUERRE DU 12 AOÛT 1949.
195 « Nul ne sera soumis à la torture
ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
En particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre
consentement à une expérience médicale ou scientifique
». Article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques du 23 mars 1976.
efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires
et sommaires. Le refoulement est aussi interdit, explicitement ou
implicitement, par un certain nombre d'instruments régionaux des droits
de l'homme, dont la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales196,la Convention
américaine relative aux droits de l'homme197, la Convention
de l'OUA sur les réfugiés198, et la Déclaration
du Caire sur la protection des réfugiés et des personnes
déplacées dans le monde. Il est largement admis que
l'interdiction du refoulement s'inscrit dans le cadre du droit international
coutumier. Cela signifie que même les États qui ne sont pas
parties à la Convention de 1951 doivent respecter le principe du non-
refoulement.
Outre ces convenions de base de la protection des
réfugiés et apatrides qui ont pour point de départ la
déclaration universelle des droits de l'homme adoptée en 1948, il
y' a eu des avancées majeures, évolutives par rapport aux
exigences et aux diverses mutations de la société internationale
en matière de protection des réfugiés et apatrides. Nous
pouvons prendre comme exemple la déclaration de New York pour les
réfugiés et les migrants de 2016199, le pacte
196 « Nul ne peut être soumis à
la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants
». Article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales entrée en vigueur le 01
aout 2021.
197 « Toute personne a le droit, en cas de
persécution pour délits politiques ou pour délits de
droits commun connexes à des délits politiques, de rechercher et
de recevoir asile en territoire étranger conformément à la
loi de chaque État et aux conventions internationales » et «
En aucun cas l'étranger ne peut être refoulé ou
renvoyé dans un autre pays, que ce soit son pays d'origine ou non,
lorsque son droit à la vie ou à la liberté individuelle
risque de faire l'objet de violation en raison de sa race, de sa
nationalité, de sa religion, de sa condition sociale ou en raison de ses
opinions politiques ». Alinéa 7 et 8 de l'article 22 de la
Convention américaine relative aux droits de l'homme entrée en
vigueur le 18 juillet 1978
198 Les États membres de l'OUA s'engagent
à faire tout ce qui est en leur pouvoir, dans le cadre de leurs
législations respectives, pour accueillir les réfugiés, et
assurer l'établissement de ceux d'entre eux qui, pour des raisons
sérieuses, ne peuvent ou ne veulent pas retourner dans leurs pays
d'origine ou dans celui dont ils ont la nationalité. Article 2
alinéa 1 de La Convention de l'OUA régissant les aspects propres
aux problèmes des réfugiés en Afrique, adopté par
la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement lors de la
Sixième Session Ordinaire, Addis-Abeba, 10 septembre 1969
199 Cette déclaration a été
adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies
et décrit une approche globale pour répondre aux besoins des
réfugiés et des migrants. Il comprend des engagements visant
à protéger les droits des réfugiés et des migrants,
à accroître l'accès à l'éducation et aux
opportunités d'emploi et à renforcer la gouvernance mondiale des
migrations.
mondial sur les réfugiés et des migrations
sûres de 2018200 et la convention de Kampala de l'Union
africaine de 2009201. Également aussi les stratégies
du HCR sur l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes et
des filles (Stratégie 2018)202 et la Politique du HCR sur la
protection des personnes LGBTIQ+ (Politique 2019)203.
Au regard de tout ce qui précède, même
s'il existe certainement des défis et des lacunes dans la mise en oeuvre
du cadre conventionnel international pour la protection des
réfugiés et des apatrides, celui-ci reste un outil vital et
efficace pour fournir protection et soutien à ceux qui en ont le plus
besoin. Ce cadre repose sur les principes des droits de l'homme et de la
dignité humaine et représente un engagement commun de la
communauté internationale à protéger et à assister
ceux qui sont contraints de fuir leur foyer ou qui sont sans
nationalité. Par conséquent, malgré les débats et
controverses en cours autour de la question de la protection des
réfugiés, il est clair qu'il existe un cadre conventionnel
adéquat garanti par le droit international pour la protection des
réfugiés et des apatrides. Ce cadre constitue une base
essentielle pour les efforts visant à s'attaquer aux causes profondes de
la migration forcée et de l'apatridie, et à garantir que les
personnes touchées par ces problèmes soient traitées avec
la dignité et le respect qu'elles méritent.
B : Un cadre juridictionnel
dynamisé
200 Ce pacte fait suite à la
Déclaration de New York et fournit un cadre permettant aux pays de
travailler ensemble pour faire face aux crises de réfugiés. Il
comprend des mesures visant à améliorer la protection des
réfugiés, à accroître l'accès à des
solutions durables et à établir des partenariats plus solides
entre les gouvernements, la société civile et d'autres parties
prenantes, et à promouvoir une migration sûre, ordonnée et
régulière, tout en protégeant les droits des migrants et
en s'attaquant aux causes profondes de la migration.
201 Cette convention est un instrument régional
qui traite de la protection des personnes déplacées à
l'intérieur de leur propre pays (PDI) en Afrique. Il fournit un cadre
permettant aux personnes déplacées d'accéder à la
protection et à l'assistance, et aux États de prévenir et
de répondre aux déplacements internes
202 Cette stratégie reconnaît les
défis spécifiques au genre auxquels sont confrontées les
femmes et les filles dans les contextes de réfugiés et vise
à promouvoir leur autonomisation et leur protection
203: Cette politique reconnaît les risques
spécifiques auxquels sont confrontés les lesbiennes, les gays,
les bisexuels, les transgenres, les queer et autres personnes qui peuvent
être marginalisés ou victimes de discrimination en raison de leur
orientation sexuelle ou de leur identité de genre.
Aujourd'hui face au flux migratoire et aux conflits qui
sévissent dans le monde entier, la protection des
réfugiés, migrants et des apatrides sont les fers de lance de la
justice internationale. On assiste à une tendance accrue vers la
protection et la sauvegarde des droits des réfugiés. Ce que
témoigne l'abondance des jurisprudences des cours communautaires en la
matière. Une décision rendue par la cour européenne des
droits de l'homme en est une parfaite illustration du moins un meilleur
aboutissement jurisprudentiel sur cette tendance. Il s'agit de l'affaire Hirsi
Jamaa contre l'Italie204.
En espèce, les requérants, ressortissants
somaliens et érythréens, ont fait partie d'un groupe d'environ
200 personnes qui a quitté à bord de trois embarcations la Libye
pour rejoindre les côtes italiennes. Après avoir été
interceptés en haute mer par les autorités italiennes en mai
2009, ils ont été reconduits immédiatement et directement
en Libye sur le fondement d'un accord bilatéral italo-libyen en vigueur
depuis février 2009 sans qu'aucune procédure d'identification des
personnes concernées n'ait eu lieu. Les requérants invoquaient
l'article 3 de la Convention de Genève sur le droit des
réfugiés en soutenant que la décision des autorités
italiennes de les renvoyer vers la Libye les avait exposés au risque d'y
être soumis à de mauvais traitements mais également au
risque de subir le mauvais agissements en cas de rapatriement vers leurs pays
d'origine. Ils invoquaient également l'article 4 du Protocole n°4
qui interdit les expulsions collectives.
La Cour conclut, à l'unanimité, qu'il y a eu
violation de ces articles. Elle estime en s'appuyant sur les observations de
plusieurs organisations internationales faisant état des conditions de
détention inhumaines des migrants irréguliers et demandeurs
d'asile en Libye que les autorités italiennes savaient ou devaient
savoir que les requérants y seraient exposés à des
traitements contraires à la Convention. En les transférant en
pleine connaissance de cette cause, les autorités italiennes ont
exposé les requérants au traitement inhumain et dégradant.
Elle juge également qu'au moment de leur transfert vers la Libye, les
autorités savaient ou devaient savoir qu'il n'existait pas de garanties
suffisantes protégeant les requérants du risque d'être
renvoyés arbitrairement dans leurs pays d'origine. Le transfert vers la
Libye ayant lieu sans examen des situations individuelles des
requérants, l'éloignement des requérants a eu un
caractère collectif contraire à l'article 4 du Protocole n°4
relatifs au statut des réfugiés.
204 CEDH, Arrêt relatif au refoulement de
migrant sans examen de leur situation individuelle constitutif d'une expulsion
collective les exposant à un risque de traitement inhumain et
dégradant (HIRSI JAMAA ET A. C. Italie, du 23 février 2012
Pour prendre, cette décision la cour a rappelé
à l'Italie sa signature de la convention européenne des droits de
l'homme, et certaines conventions communautaires et internationales qui
encadrent la protection des réfugiés et à rappeler
l'obligation qui découle de l'application de ces conventions par les
États parties en se référant à la note sur la
protection internationale du HCR, qui a pour mandat de veiller à la
manière dont les États parties appliquent la Convention de
Genève205.
Outre cette affaire, il existe d'autres affaires remarquables
dans lesquelles les cours de justices ont rendu une décision remarquable
en la matière notamment : l'affaire ``Ma'' contre l'État de
Danemark206 dans laquelle la Cour Européenne des Droits de
l'Homme a conclu que la détention d'un réfugié pendant
plus de six mois était excessive et violait son droit à la
liberté et à la sécurité personnelle ; l'affaire
``MK contre France''207 dans laquelle la CEDH a condamné la
France pour avoir expulsé un ressortissant congolais sans prendre en
compte les risques de torture et de traitements inhumains qu'il encourait dans
son pays d'origine. L'arrêt a rappelé que les États membres
ont une obligation de garantir le respect des droits de l'homme, y compris lors
de l'adoption de mesures de sécurité ; l'affaire Usmanov contre
la Russie208 où la CEDH a condamné la Russie pour
avoir expulsé un ressortissant tadjik sans lui offrir une
procédure régulière pour examiner sa demande d'asile ;
dans d'autres affaires notamment celle opposant Khalifa à l'Italie, la
CEDH209 a condamné l'Italie pour avoir maintenu des
conditions carcérales pour des migrants arrivés
illégalement sur son sol, limitant la sécurité que cela
violait
205 A/AC.96/951, § ; 16 du 13 septembre 2001.
Dans cette note le HCR a indiqué que le principe énoncé
à l'article 33, dit du « non-refoulement », était :
« un principe de protection cardinal (...) ne tolérant aucune
réserve. A bien des égards, ce principe est le complément
logique du droit de chercher asile reconnu dans la Déclaration
universelle des droits de l'homme. Ce droit en est venu à être
considéré comme une règle de droit international coutumier
liant tous les États. En outre, le droit international des droits de
l'homme a établi le non-refoulement comme un élément
fondamental de l'interdiction absolue de la torture et des traitements cruels,
inhumains ou dégradants. L'obligation de ne pas refouler est
également reconnue comme s'appliquant aux réfugiés
indépendamment de leur reconnaissance officielle, ce qui inclut de toute
évidence les demandeurs d'asile dont le statut n'a pas encore
été déterminé. Elle couvre toute mesure attribuable
à un Etat qui pourrait avoir pour effet de renvoyer un demandeur d'asile
ou un réfugié vers les frontières d'un territoire
où sa vie ou sa liberté serait menacés, et où il
risquerait une persécution. Cela inclut le rejet aux frontières,
l'interception et le refoulement indirect, qu'il s'agisse d'un individu en
quête d'asile ou d'un afflux massif ».
206 CEDH, M.A. c. DANEMARK, 09 juillet 2021,
001-211258.
207 CEDH, MK c. la France, 2018, n° 72711/11.
208 CEDH, Usmanov c. Russie, 2020, n° 43936/18
209 CEDH, KHLAIFIA ET AUTRES c. Italie,2019,
16483/12
leur droit à la liberté et à la personne.
L'arrêt a rappelé que les États membres doivent respecter
les droits fondamentaux des étrangers, y compris ceux qui entrent
illégalement sur leur territoire. Il en est de même de l'affaire
AC contre la Belgique210, où la cour a condamné la
Belgique pour avoir refusé d'examiner la demande d'asile d'un
ressortissant irakien, considérant que cela violait son droit à
une procédure régulière pour examiner sa demande d'asile.
L'arrêt a souligné que les États membres doivent garantir
un accès efficace à une procédure pour examiner les
demandes d'asile.
La Cour africaine des droits de l'homme a rendu des
décisions très importantes en matière de protections des
droits des réfugiés et apatrides. On relève l'Affaire
Anudo Ochieng Anudo c. République-Unie de Tanzanie211 dans
laquelle elle a condamné la Tanzanie pour avoir violé le droit
à la nationalité et le droit à un recours effectif de M.
Anudo, qui a été expulsé de force vers le Kenya, où
il a été détenu comme apatride. La CADH a ordonné
à la Tanzanie de lui restituer sa nationalité ou de lui en
accorder une nouvelle, de lui permettre de rentrer sur le territoire tanzanien
et de lui verser une indemnisation. Il en de même de l'Affaire actions
pour la protection des droits de l'homme (APDH) contre République de
Côte d'Ivoire212 où la cours a condamné la
Côte d'Ivoire pour avoir violé le droit à
l'égalité devant la loi et le droit à la participation
politique des personnes d'origine étrangère ou supposée
telle, qui sont souvent victimes de discrimination et d'exclusion. Elle a
ordonné ensuite la Côte d'Ivoire de réviser sa loi
électorale et de prendre des mesures pour garantir l'inscription sur les
listes électorales et la délivrance des cartes d'identité
à ces personnes.
Á cela s'ajoute, des jurisprudences nationales en
matière de protection de droit de l'homme. C'est le cas de l'affaire R
(JS) c. Secretary of State for the Home Department213 dans laquelle
la Cour Suprême du Royaume-Uni a statué que les
réfugiés ont un droit à une décision
équitable sur leur demande d'asile et que les autorités
britanniques doivent prendre en compte les risques potentiels de
persécution pour les réfugiés retournant dans leur pays
d'origine.
210 CEDH, Abdoulaye Camara c. Belgique, 2023,
49255/22.
211 CADH, 02 décembre 2021, ANUDO OCHIENG
ANUDO C. RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE, REQUÊTE N° 012/2015.
212 CADH, 18 NOVEMBRE 2016, ACTIONS POUR LA
PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME (APDH) c. LA REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE,
REQUETE N°001/2014.
213 UKSC, R (JS) c. Secrétaire d'État
au ministère de l'Intérieur,19 octobre 2016, UKSC 2016/0161.
En somme, le cadre juridictionnel dynamique représente
une avancée importante pour la protection des réfugiés et
apatrides, en offrant une voie judiciaire pour défendre leurs droits et
libertés fondamentales.
Paragraphe 2 : En
matière de protection des investisseurs étrangers
Les investisseurs étrangers cherchent des conditions
d'opération qui les protègent face à l'instabilité
économique. Une protection juridique consistante des investissements
étrangers, de préférence sous la forme de règles
internationales uniformes, s'impose donc d'autant plus. Ainsi, il parait utile
qu'un tel système de protection ait vu le jour. Les États
d'accueil sont en effet liés par des normes internationales visant
à protéger les investisseurs étrangers des aléas
politiques. La bonne application de ces normes, peut généralement
être vérifiée à l'initiative des investisseurs, par
des tribunaux d'arbitrage internationaux. L'État voit ainsi son action
soumise à un contrôle extrême. Le droit international des
investissements, évolue dans un sens favorable aux investisseurs, car il
fait entrer dans son champ d'application toute la panoplie de l'action
publique. Ce qui nous subordonne pour une bonne appréhension à
évoquer les garanties juridiques (A) concourant à une protection
accrue des investisseurs étrangers et dans un autre volet aborder les
garanties juridictionnelles (B).
A : Des garanties
juridiques
La protection des attentes légitimes des investisseurs
étrangers a été assurée par l'ensemble des
traités d'investissements qui ont été le plus souvent des
traités bilatéraux d'investissements conclus entre les pays
d'origine des investisseurs ou de l'investissement et les pays hôtes de
l'investissement. En effet, cette protection a été à
l'origine rudimentaire c'est-à-dire peu développée. Les
traités bilatéraux d'investissement (TBI) font partie d'un
régime d'investissement international encadrant la manière selon
laquelle un pays et son gouvernement peuvent établir des règles
applicables aux avoirs étrangers. Au Canada, les TBI sont appelés
accords de promotion et de protection de l'investissement étranger
(APIE). Par ailleurs, les accords bilatéraux de libre-échange
contiennent des dispositions presque identiques à celles des TBI qui
prennent la forme de chapitres sur l'investissement et s'ajoutent à
d'autres dispositions
sur le commerce (par exemple le chapitre 11 de l'Accord de
libre-échange nord-américain214). Ce régime
d'investissement relève d'une application du droit international qui
assure aux investisseurs étrangers (individus et sociétés)
un haut niveau de protection contre le traitement arbitraire des États
où ils possèdent des actifs. On compte plus de 2 600
traités bilatéraux dans le monde. Ces traités
régissent l'action des gouvernements de façon rigoureuse, mais
n'imposent pas ou imposent peu de responsabilités aux investisseurs.
Il y'a aussi des conventions bilatérales
d'encouragement et de protection réciproque des investissements qui sont
des traités internationaux, conclus sur la base de la
réciprocité, entre deux États, afin de : définir
les principes et les règles de traitement et de protection qui
régiront les investissements des ressortissants d'une partie
contractante sur le territoire de l'autre partie contractante. Parmi les
règles de traitement de l'investissement, les traités peuvent
prévoir les règles du traitement national et/ou les règles
de la Nation la plus favorisée215 (clause NPF). Le principe
du traitement national consiste pour l'État d'accueil à fixer la
même règle de traitement pour l'investisseur étranger et
pour l'investisseur national. Selon la clause NPF, un investisseur
étranger ne saurait recevoir un traitement moins favorable que
l'investisseur ressortissant de la nation la plus favorisée. Les
traités ne concernent généralement que la phase
post-implantation, sauf ceux signés par les États-Unis qui
abordent la question de la phase d'implantation. S'agissant de la protection
des investissements, les traités comprennent les règles
applicables aux mesures de dépossession, aux sinistres ou dommages
provoqués par les événements politiques, au transfert des
investissements. De choisir les mécanismes qui permettront de
régler les différends entre ces parties. Les accords de
protection de l'investissement consacrent l'arbitrage comme mode
privilégié de règlement des différends, si les
parties ne sont pas parvenues à un accord au terme d'un règlement
amiable. Ils permettent aux parties d'invoquer cette clause et de recourir au
système qu'elles prévoient en dehors du contexte contractuel.
214 Le chapitre 11 de L'Accord de Libre Echange
Nord-Américain entrée en vigueur le 01 janvier 1994 se divise en
trois sections : la section A - Obligations en matière d'investissement
dont les Parties à l'Accord ont convenu. (Articles 1101 à 1114),
la section B - Procédures de règlement lorsqu'un différend
survient entre une Partie et un investisseur d'une autre Partie. (Articles 1115
à 1138) ; la section C - Définition de certains termes
employés dans ce chapitre. (Article 1139).
215 La clause de la nation la plus favorisée
est une clause fréquente des traités de commerce international
« par laquelle chaque État signataire s'engage à accorder
à l'autre tout avantage qu'il accorderait à un État tiers
». KOULICHER (Joseph), « Les traités de commerce et la clause
de la nation la plus favorisée du, XVIe au XVIIe siècle »,
Revue d'histoire moderne et contemporaine, Paris, Belin / CNRS,
nos 6-31, 1931, p. 3-29.
Dans la sphère africaine, il y'a le Protocole
d'investissement de la Communauté économique des États de
l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) signé en 2008 qui vise à promouvoir
et à protéger les investissements au sein de la région de
la CEDEAO. Il fournit un cadre pour le traitement des investisseurs
étrangers, y compris des garanties de traitement juste et
équitable, une protection contre l'expropriation et un libre transfert
de fonds et beaucoup de convention.
Ces conventions posent des principes cardinaux, qui concourent
à la protection des investisseurs estrangers. On note le principe de
non-discrimination qui impose aux États le devoir de traiter sans
discrimination les investisseurs étrangers mais aussi les
investissements nationaux. Á cet égard il faut
admettre que la discrimination est interdite, elle doit l'être aussi bien
à l'égard des individus et des sociétés
étrangères qu'à l'égard des filiales de
sociétés étrangères domiciliées sur place
mais contrôlées par l'étranger. Des questions qui se posent
apparaissent dès qu'il s'agit d'en poser les termes : le traitement de
l'investisseur étranger doit- il être rapproché de celui de
l'investisseur national, ou de celui des investisseurs étrangers
d'autres nationalités ? Et, dans le cadre de cette double comparaison,
en quoi consiste l'égalité
?
Tout d'abord, on doit noter que le principe de la
non-discrimination est limité au régime applicable à
l'investissement étranger autorisé comme le précise
l'article I alinéa 3 de la résolution 1803 (XVII) de
l'Assemblée Générale des Nations Unies qui dispose que :
« Dans les cas où une autorisation sera accordée, les
capitaux importés et les revenus qui en proviennent seront régis
par les termes de cette autorisation, par la loi nationale en vigueur et par le
droit international216».
Ce principe repose sur des clauses contingentes qui
proscrivent la discrimination. D'une part, on trouve la clause du traitement
national217 qui constitue un obstacle à la discrimination
216Résolution 1803 (XVII), AG/NU, du 14
décembre 1962 sur la Déclaration sur la souveraineté
permanente des peuples et des Nations sur les ressources naturelles, l'article
I paragraphe 3. « Dans les cas où une autorisation sera
accordée, les capitaux importés et les revenus qui en proviennent
seront régis par les termes de cette autorisation, par la loi nationale
en vigueur et par le droit international. Les bénéfices obtenus
devront être répartis dans la proportion librement convenue, dans
chaque cas, entre les investisseurs et l'Etat où ils investissent,
étant entendu qu'on veillera à ne pas restreindre, pour un motif
quelconque, le droit de souveraineté dudit Etat sur ses richesses et ses
ressources naturelles ».
217 Le traitement national est l'obligation de
considérer les investisseurs étrangers et/ou leurs
investissements d'une façon qui ne soit pas moins favorable que celle
qui est réservée aux investisseurs nationaux dans des situations
semblables. C'est une norme relative qui compare le traitement accordé
aux investisseurs et/ou aux
entre investisseur étranger et investisseur national.
D'autre part, la clause de la nation la plus favorisée
précitée qui fait obstacle à la discrimination entre les
investisseurs étrangers.
En somme, la garantie d'une protection juridique pour les
investisseurs étrangers est la pierre angulaire d'une économie
mondiale saine et dynamique. En offrant un environnement sûr et
sécurisé pour l'investissement, les pays peuvent libérer
tout le potentiel des investissements transfrontaliers, promouvoir la
croissance économique et créer un avenir meilleur pour tous.
À mesure que l'économie mondiale continue d'évoluer,
l'importance de cette garantie ne fera que croître, ce qui en fera une
préoccupation majeure pour les décideurs politiques, les chefs
d'entreprise et les investisseurs.
B : Des garanties
juridictionnelles
La protection des investissements étrangers est un
élément crucial pour encourager les flux d'investissement
internationaux et promouvoir la croissance économique durable. Dans ce
contexte, les garanties institutionnelles jouent un rôle essentiel de
protections des investisseurs étrangers dans la mesure où ils
auront accès à des recours juridiques impartiaux et efficaces en
cas de litige ou d'expropriation. Au cours de ces dernières
décennies des institutions importantes comme le Centre international
pour le règlement des différends relatifs aux investissements
(CIRDI), la cour internationale de justice, la Société
financière internationale (SFI) de la Banque mondiale ont joué un
rôle très important allant dans ce sens.
Le CIRDI est une organisation intergouvernementale
créée en 1965218 pour régler les
différends entre les États et les investisseurs étrangers.
Il offre une plateforme pour la négociation et la médiation des
conflits liés aux investissements étrangers, ainsi que pour
l'arbitrage des différends qui ne peuvent être résolus par
des moyens amiables. Le CIRDI est doté d'un système d'arbitrage
conforme au droit international public, qui permet de trancher les litiges
entre les États et les investisseurs étrangers de manière
équitable et transparente. Á cet effet la CIRDI a rendu plusieurs
décisions salvatrices au cours de ces dernières
décennies.
investissements d'un pays étranger à celui qui est
accordé aux investisseurs/investissements dans le pays d'accueil.
218 Le Centre international pour le règlement
des différends relatifs aux investissements (CIRDI) a été
créé par la Convention de Washington du 18 mars 1965.
Comme exemple la sentence du 13 novembre 2000, Maffezini
contre Espagne219 dans laquelle le centre a rappelé encore
une fois la portée de la clause de la nation la plus favorisée et
aussi la décision sur la compétence du centre du 1er
décembre 2000, Ceskoslovenska Obchodni220 par laquelle, le
centre a adopté une approche large et flexible de la notion
d'investissement, en tenant compte des caractéristiques objectives de
l'opération, telles que la durée, le risque, la contribution et
la régularité, ainsi que des intentions subjectives des parties,
telles que l'existence d'un consentement à l'arbitrage et la protection
du traité bilatéral d'investissement. Cette décision a
également reconnu la personnalité juridique distincte des
investisseurs étrangers par rapport à leur État d'origine,
en permettant aux binationaux de recourir à l'arbitrage du CIRDI si
l'une de leurs nationalités est celle d'un État contractant autre
que l'État hôte. Cette décision a été suivie
par de nombreux tribunaux arbitraux du CIRDI, qui ont appliqué les
mêmes critères pour affirmer leur compétence sur des
différends relatifs à des investissements
variés221, tels que des prêts, des concessions, des
contrats de construction, des licences, des actions, des obligations, etc.
La SFI, quant à elle, est une institution
financière internationale créée en 1947 pour contribuer au
développement économique et social des pays en voie de
développement. Elle fournit des financements et des conseils techniques
aux gouvernements et aux entreprises pour soutenir leur développement
économique et social. Elle est également active dans la promotion
de l'investissement international et dans la gestion des différends
liés aux investissements étrangers.
Les responsabilités des deux institutions sont donc
complémentaires dans la mesure où le CIRDI se concentre
principalement sur la résolution des différends liés aux
investissements étrangers, tandis que la SFI se focalise sur la
promotion de l'investissement international et la fourniture de financements et
de conseils techniques aux gouvernements et aux entreprises. L'analyse de leurs
rôles respectifs montre que ces institutions internationales jouent un
rôle important dans la résolution des différends
liés aux investissements étrangers. Elles offrent des
mécanismes de protections des investissements étrangers, en
particulier ceux des petits et moyens entrepreneurs contre les risques
politiques et commerciaux. Ces garanties encouragent
219 CIRDI, Sentence du 13 novembre 2000, Maffezini c.
Espagne, Aff. N° ARB/97/7
220 CIRDI, décision sur la compétence,
1er décembre 2000, Ceskoslovenska Obchodni Banka, A.S. c./
République Slovaque, Aff. N° ARB/97/4.
221 CIRDI, sentence du 10 mars 2014, Tulip Real Estate
Investment and Development Netherlands B.V. c. Turquie, Aff. N°
ARB/11/28.
les investisseurs à investir dans des projets
productifs et rentables, ce qui contribue considérablement à la
croissance économique et sociale des pays en développement.
Outre ces deux institutions ; il y'a la cour internationale de
justice qui a joué un rôle salvateur par le biais de ces
décisions rendues en matière de protection des investisseurs
étrangers. Dans cette optique, il y l'affaire Ahmadou Sadio Diallo
(République de Guinée contre République
Démocratique du Congo)222.
Il ressort des faits que, le 28 décembre 1998, la
Guinée a déposé une requête introductive d'instance
contre la République démocratique du Congo au sujet d'un
différend relatif à de « graves violations du droit
international » qui auraient été commises sur la
personne de M. Ahmadou Sadio Diallo, ressortissant guinéen. Dans sa
requête, la Guinée soutenait que Monsieur Ahmadou Sadio Diallo,
homme d'affaires de nationalité guinéenne, avait
été, après trente-deux (32) ans passés en
République démocratique du Congo, injustement
incarcéré par les autorités de cet État,
spolié de ses importants investissements, entreprises et avoirs
mobiliers, immobiliers et bancaires puis expulsé. La Guinée y
ajoutait que « cette expulsion était intervenue à un
moment où M. Ahmadou Sadio Diallo poursuivait le recouvrement
d'importantes créances détenues par ses entreprises
Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre sur l'État congolais et
les sociétés pétrolières qu'il abritait et dont il
était actionnaire ».Dans sa requête, la Guinée
invoquait, pour fonder la compétence de la Cour, les déclarations
d'acceptation de la juridiction obligatoire de celle-ci faites par les deux
États au titre du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour.
D'abord dans son arrêt sur le fond du 30 novembre 2010,
la Cour a jugé que, eu égard aux conditions dans lesquelles M.
Diallo avait été expulsé le 31 janvier 1996, la RDC avait
violé l'article 13 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, ainsi que le paragraphe 4 de l'article 12 de la Charte africaine
des droits de l'homme et des peuples. Elle a également jugé que,
eu égard aux conditions dans lesquelles M. Diallo avait
été arrêté et détenu entre 1995 et 1996 en
vue de son expulsion, la RDC avait violé les paragraphes 1 et 2 de
l'article 9 du Pacte et l'article 6 de la Charte africaine. La Cour en bon
droit a conclu que « la République démocratique du Congo
avait l'obligation de fournir une réparation appropriée, sous la
forme d'une indemnisation, à la République de Guinée pour
les conséquences préjudiciables résultant des violations
d'obligations internationales visées aux points 2 et 3 du dispositif
» et ensuite
222 Ahmadou Sadio Diallo (République de
Guinée c. République démocratique du Congo),
indemnisation, arrêt,
C.I.J. Recueil 2012, p. 324.
dans sa décision du 19 juin 2012, La cour a conclu que
l'indemnité à verser à la Guinée s'élevait
donc à un total de 95 000 dollars, payable le 31 août 2012 au plus
tard. Elle a décidé que, en cas de paiement tardif, des
intérêts moratoires sur la somme principale courraient, à
compter du 1er septembre 2012, au taux annuel de 6 pour cent. La
Cour a décidé que chaque Partie supporterait ses frais de
procédure.
Cette affaire est intéressante également
à d'autres égards et est d'une pertinence notoire dans la mesure
où la CIJ n'est compétente que pour connaitre des litiges
purement étatiques223. Mais là il s'agit d'un individu
qui saisit la cour par le biais de son État et cette dernière y
fait référence à la jurisprudence des autres juridictions
internationales et régionales des droits de l'Homme. Des questions
peuvent être soulevées sur l'interaction et l'influence mutuelle
entre la CIJ et ces juridictions ainsi que sur la position qu'adopterait la
Cour s'il s'agissait de questions « plus controversées touchant
à la souveraineté étatique »224. La
Cour adopterait-elle la position des juridictions de protection des droits de
l'Homme qui sont plus protectrices ?
Toutefois, on doit relever que cette posture qu'a pris la cour
n'est pas soudaine. Depuis des années déjà la cours
rendait déjà des décisions remarquables en remarquable en
matière de protection des investisseurs étrangers comme on l'a eu
à observer dans l'arrêt CIJ, arrêt Nottebohm en
1955225 et Barcelona traction en 1970226
En somme, ces garanties institutionnelles de protection des
investissements étrangers encadrées par le droit international
sont un élément clé pour les particuliers qui souhaitent
investir à l'étranger, et participer ainsi à la promotion
de la stabilité et de la croissance économique mondiale,
même si les règles sont toujours en pleine mutation.
223 Article 34-1 du statut de la cour internationale
de justice.
224 EL BOUDOUHI (Saida), « Affaire Ahmadou Sadio
Diallo (République de Guinée c. République
Démocratique du Congo), Fond : La CIJ est-elle devenue une juridiction
des droits de l'Homme ? », Annuaire français du droit
international, N°56, 2010, pp. 277-299.
225 CIJ, arrêt, 6 avril 1955, Nottebohm, Rec.
CIJ, 1955.
226 CIJ, arrêt, 5 février 1970, Barcelona
Traction (Belgique c/ Espagne), (fond), Rec. CIJ, 1970.
Section II - En
matière de protection de l'environnement
La Cour internationale de justice (CIJ) déclare que :
« l'environnement n'est pas une abstraction, mais bien l'espace
où vivent les êtres humains et dont dépendent la
qualité de leur vie et de leur santé, y compris pour les
générations à venir. L'obligation générale
qu'ont les États de veiller à ce que les activités
exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur
contrôle respectent l'environnement dans d'autres États ou dans
des zones ne relevant d'aucune juridiction nationale fait maintenant partie du
corps de règles du droit international de l'environnement
»227. Dans sa décision rendue un an plus tard dans
l'affaire Gabcikovo Nagymaros, la Cour internationale de justice rappellera qu'
« elle a récemment eu l'occasion de souligner dans les termes
suivants toute l'importance que le respect de l'environnement revêt
à son avis, non seulement pour les États mais aussi pour
l'ensemble du genre humain »228. Ces deux positions de la
juridiction internationale permanente montrent que les enjeux de
l'environnement ont gagné la sphère des relations
internationales229. À l'époque contemporaine, la
protection et la préservation de l'environnement sont devenues une
préoccupation mondiale. Les questions environnementales relatives aux
conséquences liées à l'effet de serre, à la couche
d'ozone, à la pollution atmosphérique, aux risques liés
aux catastrophes nucléaires, à la montée des eaux,
à l'appauvrissement de la diversité biologique ou encore à
la désertification, etc. interpellent la communauté
internationale dans son ensemble230. Á cet égard, de
multiples sommets et rencontres internationaux sont consacrés à
l'environnement. Ainsi, les Sommets de Stockholm231, de
Rio5232, de Tokyo, de
227 CIJ, Licéité de la menace ou de
l'emploi d'armes nucléaires, Op.cit., p. 241-242, par. 29.
228 CIJ, affaire Gabcikovo Nagymaros, arrêt du
25 septembre 1997, Recueil 1997, p.3, par. 53.
229 SFDI, Colloque d'Aix-en-Provence, Le droit
international face aux enjeux de l'environnement, Paris, éditions
Pedone, 2010, 488 p.
230 OMAR (El Hadji), « Les juridictions
internationales et le contentieux de l'environnement », Afrilex, mai 2021,
p.1.
231KISS (Alexandre) et SICAULT (Jean-Didier), «
La Conférence des Nations Unies sur l'environnement (Stockholm, 5/16
juin 1972) », in, Annuaire français de droit
international, volume 18, 1972. pp. 603-628.
232 KISS 5Alexanre) et DOUMBE-BILLE (Stéphane),
« Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement (Rio de Janeiro-juin 1992), », Annuaire
français de droit international (AFDI), volume 38, 1992, pp.
823-843.
Johannesburg233, de New York, ou celui de
Paris234 ont été l'occasion pour les États
d'adopter des normes internationales pour encadrer leurs actions dans ce
domaine.
Il y a lieu de rappeler qu'au début du XXe
siècle, quelques aspects de la protection de l'environnement
étaient affirmés par certains instruments internationaux
notamment, dans les domaines de la conservation des espèces et de la
réglementation des activités de pêche et de
Chasse235. Ainsi ces avancés sont les fruits d'un solidarisme
des États (paragraphe 1) qui érigent comme principe cardinal la
notion de patrimoine commun de l'humanité et aussi la réparation
des dommages environnementaux qui plusieurs décennies en arrière
n'était qu'un mythe. Aujourd'hui on assite à une abondance de
contentieux en droit environnemental (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Une
remarquable solidarité des États
La solidarité des États en matière de
protection de l'environnement s'observe dans la recherche d'une
répartition équitable des efforts (A) et dans la
régulation par les instruments économiques (B)
A : Une obligation
collective
Plusieurs principes de la Déclaration de Rio de 1992
concernent le principe essentiel de responsabilités communes mais
différenciées : les principes 6, 7, 8 et 11. Sans entrer dans le
détail de ces principes, il est tout de même indispensable
d'apporter certaines précisions. Le principe 6 reconnaît la
situation et les besoins particuliers des pays en développement,
spécialement ceux des pays les moins avancés (PMA), en
matière d'environnement, en raison de leur vulnérabilité
sur ce plan à titre illustratif on peut prendre la COP 28236
au sommet de
233 Le 4 septembre 2002 s'est ouvert à
Johannesburg le Sommet mondial pour le développement durable
234 BOISSON DE CHAZOURNES (Laurence), «
Regards sur l'Accord de Paris - Un accord qui bâtit le futur », in
TORRE-SCHAUB (Marta) & DELMAS-MARTY (Mireille), Bilan et perspectives
de l'Accord de Paris (COP 21), IRJS Editions Regards croisés,
Paris, 2017. p. 97-106.
235 BOISSON DE CHAZOURNES (Laurence), «
Chapitre 15 - Droit de l'environnement », in, ALLAND (Denis),
Droit international public, Paris, PUF, 2000, p.
727.
236 La Conférence de Dubaï de 2023 sur
les changements climatiques, ou COP 28, est une conférence
internationale de l'Organisation des Nations unies se déroulant du 30
novembre au 12 décembre 2023.
Dubaï ou la plaidoirie des Etats Africains tourne autour
du solidarisme étatique en matière de protection de
l'environnement. Au contraire, le principe 7, qui consacre expressément
le principe de responsabilités communes mais
différenciées, met l'accent sur la responsabilité
particulière des pays développés afin de parvenir à
un développement durable, « eu égard aux pressions que
leurs sociétés exercent sur l'environnement mondial et aux
technologies et ressources financières dont ils disposent ».
Le principe 11 reconnaît notamment que les normes écologiques
appliquées dans certains pays industrialisés peuvent imposer un
coût économique et social injustifié aux pays en
développement.
La CCNUCC consacre ce principe de responsabilités
communes mais différenciées, en affirmant « qu'il
incombe aux parties de préserver le système climatique dans
l'intérêt des générations présentes et
futures, sur la base de l'équité et en fonction de leurs
responsabilités communes mais différenciées et de leurs
capacités respectives. Il appartient, en conséquence, aux pays
développés parties d'être à l'avant-garde de la
lutte contre les changements climatiques et leurs effets néfastes
»237. Il s'agit d'un principe qui « appelle
à une action universelle puisque chaque pays engagé par la
Convention reconnaît explicitement porter une part de
responsabilité, mais dans le respect des règles
d'équité du fait de l'inégale distribution des
responsabilités et des vulnérabilités face aux changements
du climat ». Il se traduit par une double exigence pour les
économistes : « les instruments économiques à mettre
en oeuvre pour stabiliser la concentration atmosphérique des gaz
à effet de serre doivent être déployés au plan
global. Mais leur déploiement à grande échelle implique
que les accords sur le climat répondent aux principes
d'équité en respectant notamment le droit au développement
des économies les moins avancées »238.
Le sentiment général à propos du principe
de responsabilités communes mais différenciées est qu'il
est « théoriquement juste », mais « pratiquement d'une
utilisation délicate et il constitue la source d'impasses
observées dans les négociations internationales pour
l'application de la Convention-cadre sur les changements climatiques
»239. Á travers ce principe, le droit international de l'environnement
fait naître le soupçon que les pays les plus
développés
237 CNUCC, article 3-1 ; v. égal. CCNUCC,
préambule et article 4 ; Protocole de Kyoto, article 10 ; Plan d'action
de Bali, Décision 1/CP.13, 1. a) ; Accord de Copenhague, paragraphe
1.
238DE PERTHUIS (Christian), DELBOSC (Anaïs) et
LEGUET (Benoit), « La place des instruments
économiques dans les négociations internationales
sur le climat », Conseil d'analyse économique n° 87, Politique
climatique : une nouvelle architecture internationale, La Documentation
française, 2009, p. 115. 239 BEDJAOUI (Mohammed),
L'humanité en quête de paix et de développement
(II), Haye, 2008, p. 361.
pourraient ralentir le développement de ceux qui le
sont moins, et devenir potentiellement « une manière pour les
pays "riches" de continuer à imposer, pour des motifs environnementaux
en apparence incontestables, des règles, des formes de gestion des
ressources, une vision du monde, des valeurs, un modèle du
bien-être qui serait le leur à leur stade de développement
et en fonction des crises qu'ils traversent »240
B : Une exigence
économique
La réglementation par les instruments
économiques en matière de droit international de l'environnement
est un ensemble de mesures destinées à encadrer les
activités économiques pour préserver l'environnement et
promouvoir le développement durable. Ces mesures visent à
créer un cadre économique qui encourage les pratiques durables et
décourage les comportements néfastes. Plusieurs instruments
économiques sont utilisés dans la réglementation
environnementale, notamment les taxes, les subventions, les politiques
commerciales et les mécanismes basés sur le marché tels
que la tarification du carbone et les obligations vertes. Ces instruments
peuvent être utilisés pour internaliser les externalités
négatives de la dégradation de l'environnement, telles que la
pollution et le changement climatique, et pour promouvoir des pratiques
durables. Comme exemple, il y a la tarification du carbone qui est un
mécanisme fondé sur le marché qui fixe un prix aux
émissions de carbone. Cela crée une incitation économique
pour les entreprises et les particuliers à réduire leur empreinte
carbone. La tarification du carbone peut prendre la forme de taxes sur le
carbone ou de systèmes de plafonnement et d'échange.
Également, il y a les obligations vertes241 qui sont des
instruments financiers qui mobilisent des capitaux pour des projets
présentant des avantages environnementaux positifs. Ils offrent aux
investisseurs la possibilité de soutenir des projets durables tout en
obtenant un retour sur investissement. Ensuite, la politique joue un rôle
dans la promotion de pratiques durables en imposant des droits de douane sur
les produits ayant des impacts environnementaux négatifs ou en offrant
des incitations aux exportations durables.
240 EWALD (François), « Le droit de
l'environnement : un droit de riches ? », revue Pouvoirs n°
127, 2008, p. 14.
« L'auteur estime même que le principe de
précaution est utilisé comme une sorte de clause de sauvegarde
permettant à chaque pays de lutter contre ce qu'il estime être une
menace grave pour son environnement, le droit de l'environnement apparaissant
alors comme « un droit protecteur qui, dans un monde globalisé,
fournit des instruments de restauration des souverainetés nationales au
nom de la protection des populations ».
241 Une obligation verte est un emprunt émis
sur le marché par une entreprise ou une entité publique
auprès d'investisseurs pour lui permettre de financer ses projets
contribuant à la transition écologique.
Sans refaire l'historique de l'utilisation des instruments
économiques dans le domaine environnemental242, il convient
tout de même de rappeler que le principe 16 de la Déclaration de
Rio de 1992 y fait référence en déclarant que «
les autorités nationales devraient s'efforcer de promouvoir
l'internalisation des coûts de protection de l'environnement et
l'utilisation d'instruments économiques, (...) ». Sur le plan
conventionnel, le traité décisif a été le Protocole
de Kyoto, avec lequel on est passé « d'une régulation de
l'environnement par les normes à une régulation par les
instruments économiques (taxes et marchés des droits)
»243. Le Protocole
« correspond à la conception anglo-saxonne
individualiste et jurisprudentielle, confiante dans les instruments
économiques, pour gérer avec la souplesse nécessaire les
rapports entre les êtres humains »244. Les trois
mécanismes de flexibilité introduits par le Protocole de Kyoto,
et désormais célèbres, l'échange de droits
d'émission, l'application conjointe et le mécanisme pour un
développement propre ont pour but de permettre aux parties de remplir
leurs obligations d'une manière qui assure le meilleur rapport
coût-efficacité, efficacité environnementale et
efficacité économique allant de pair245.
La réglementation par les instruments
économiques peut contribuer à atteindre les objectifs de
développement durable et de protection de l'environnement, mais cela
nécessite une coordination et une coopération internationale
soutenues, ainsi qu'une mise en oeuvre responsable et équitable de ces
politiques. L'effort des États dans des initiatives allant dans ce sens
est remarquable même s'il y a encore des efforts à faire.
Paragraphe 2 : Une
contribution remarquable de la justice internationale
« (...) Il n'existe aucune garantie qu'une
éventuelle demande de réparation par un État envers un
autre, responsable pour un dommage transfrontière puisse réussir
dans un tribunal international. En fait, il est fort probable qu'elle
n'aboutisse, au moins initialement, nulle part. Malgré les
avancées en matière de protection de l'environnement, le droit
international est encore axé sur le paradigme de la souveraineté.
La logique internationale est encore étroitement attachée
à la structure frontalière ; à un concept de division
géographique, dont le
242 MALJEAN-DUBOIS (Sandrine), L'outil
économique en droit international et européen de
l'environnement, 2002. In Revue Européenne de Droit de
l'Environnement, n°2, 2002. p. 247. 243 BACACHE-BEAUVALLET
(Maya), « Marché et droit : la logique économique du droit
de l'environnement », revue Pouvoirs n° 127, 2008, p. 35.
244 MALJEAN-DUBOIS (Sandrine), « La mise en
oeuvre du droit international de l'environnement », Publications de
l'IDDRI, Analyses, n° 3, 2003, p. 15.
245 Protocole de Kyoto, articles 6, 12 et 17 ; voir
MALJEAN-DUBOIS (Sandrine), La mise en route du Protocole de Kyoto à
la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques,
Analyses, n° 4, 2003, p. 436.
dépassement est nécessaire pour qu'un
État puisse être responsabilisé internationalement
». Cette pensée émane de d'Adolpho Paiva Faria
NETTO246 qui faisait partie de ceux qui ne prédisaient aucun
avenir au contentieux de réparation transfrontalière en
matière de dommage environnementaux. Mais l'avenir nous a
édifié sur le contraire. Comme le disait le juriste
américain HOLMES247 « Ici, comme ailleurs il ne faut
jamais injurier l'avenir ». Ici nous dégagerons la
contribution remarquable de la justice internationale dans la promotion des
principes du D.I.E (A) et dans la réparation des dommages
environnementaux (B).
A : Dans la promotion des
principes du D.I.E
Le litige du droit international de l'environnement fait
apparaitre une panoplie de considérations sur le rôle du juge
international dans le développement du droit international de
l'environnement248 qui, faudrait-il le rappeler, est relativement
jeune et son insertion et son acceptation dans l'ossature des règles
internationales demeurent tout à fait problématique. Avec la
soumission des contentieux relevant de l'environnement à
l'appréciation de la CIJ, il est permis de s'attendre ou d'assister
à une consécration novatrice, à travers des
décisions de justice, de lois prescrivant essentiellement les nombreuses
atteintes à la stabilité de l'environnement
mondial249. Des nombreuses décisions de la CIJ dans ce
domaine démontrent la reconnaissance de l'importance de la protection de
l'environnement et de la nécessité de remédier aux
dommages environnementaux. Cela envoie un message fort aux États et aux
autres acteurs : la protection de l'environnement est une préoccupation
fondamentale qui doit être prise au sérieux.
Il faudrait rappeler que l'ossature du droit international de
l'environnement est composée des règles souples non
contraignantes de telle manière que certains auteurs le
caractérisent de
246 Adolpho Paiva Faria NETTO, « La
responsabilité internationale pour le dommage transfrontière
médiat », mémoire présenté à la
Faculté des études supérieures en vue de l'obtention du
grade de Maitrise en droit (LI.M), Université de Montréal.
Faculté de droit. pp.161-162
247 Olivier Wendel HOLMES Jr. (08 mars 1841- mars
1935), est un juriste américain qui fut juge à la Cour
suprême des Etats-Unis de 1902 à 1932.
248 Sandrine MALJEAN-DUBOIS. « Juge (s) et
développement du droit de l'environnement.
Des juges passeurs de frontières pour un droit
cosmopolite ? » In Le rôle du juge dans le développement du
droit de l'environnement, Bruylant, Bruxelles, 2008, p.17.
249 Ndiaye (Ameth), « la CIJ et la
réparation des dommages environnementaux », Revue africaine des
sciences juridiques, N° spécial, janvier 2020, p.461-487.
``soft law''250, ainsi il repose sur des
``principes''251. Ces principes contenus dans les instruments
juridiques internationaux soient constatés ou conciliés par le
juge jouent un rôle important dans l'affirmation du droit de
l'environnement comme discipline juridique et c'est là que survient le
rôle capital joué par la CIJ pour assurer la promotion de ces
principes ans le cadre de ces décisions rendues.
Ainsi, il s'agit du principe d'utilisation non dommageable du
territoire, du principe de prévention, du principe de précaution,
et les autres règles dérivées. En premier lieu, le
principe d'utilisation non dommageable du territoire « traduit
l'idée que, dans l'exercice de ses droits souverains sur son territoire,
l'État devra respecter l'intégrité du territoire de
l'État voisin et son environnement. Un État ne peut donc
permettre que des activités sises sur son territoire engendrent ou
causent des dommages résultant de la pollution transfrontière.
Ainsi, l'État est tenu de réparer les dommages causés
à un État contigu par un acte illicite commis sur son territoire
»252. La cour internationale de justice a fixé le
caractère obligatoire de ce principe. Dans son avis consultatif du 8
juillet 1996 relatif à la licéité de la menace ou de
l'emploi d'armes nucléaires, la CIJ confirme la force obligatoire du
principe « L'environnement n'est pas une abstraction, mais bien
l'espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la
qualité de leur vie et leur santé, y compris pour les
générations à venir. L'obligation générale
qu'ont les États de veiller à ce que les activités
exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur
contrôle respectent l'environnement dans d'autre États ou dans des
zones ne relevant d'aucune juridiction nationale fait maintenant partie du
corps de règles du droit international de l'environnement
»253. Auparavant, la jurisprudence internationale l'a
affirmé en termes éloquents dans la sentence rendue le 11 avril
1941 dans l'affaire de la fonderie de Trail par le
250 La notion de « soft law » a
été évoquée pour la première fois dans le
contexte de l'environnement et du développement durable à la
Conférence des Nations Unies sur l'Environnement de Stockholm en
1972.
251 Selon le professeur Maurice Kamto, « un
principe est une règle ou une norme générale de
caractère non juridique d'où peuvent être déduites
des normes [...] soit une règle juridique établie par un texte en
termes assez généraux destinée à inspirer diverses
applications et s'imposant avec une autorité supérieure ».
In Les nouveau principes du droit international de l'environnement »,
RJE, 1995, p. 14.
252 NDIAYE (Tafsir-Malick), « Le juge
international et la protection de l'environnement marin », Revue Africaine
de droit de l'environnement, n°4-2019, p. 141.
253 Licéité de la menace ou de
l'emploi d'armes nucléaires, op.cit., p. 226. ; voir en outre l'affaire
relative au projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie) du 25 septembre
1997, CIJ, Recueil 1997, p. 7, spec. p. 41, § 53. Dans l'affaire du
Détroit de Corfou, la CIJ proclamait déjà «
l'obligation, pour tout État, de ne pas laisser utiliser son territoire
aux fins d'actes contraires aux droits d'autres États », CIJ
Recueil 1949, p. 22.
Tribunal arbitral254. Aux termes de cette sentence,
« Aucun État n'a le droit d'user de son territoire ou d'en
permettre l'usage, de manière que des fumées provoquent un
préjudice sur le territoire d'un autre État voisin ou aux
propriétés des personnes qui s'y trouvent, s'il s'agit de
conséquences sérieuses et si le préjudice est
prouvé par des preuves claires et convaincantes
». Ce principe trouvera sa résonnance dans
plusieurs affaires notamment dans l'affaire du Lac Lanoux255et dans
celle du Gut Dam. En second lieu, le principe de coopération qui est
consacré comme une l'obligation de coopération pour les
États en vue d'empêcher à tout dommage préjudiciable
l'environnement marin. Dans plusieurs décisions, le TIDM s'est
prononcé sur l'obligation de coopération : « Les
États Parties ont l'obligation de coopérer, directement ou par
l'intermédiaire des organisations internationales appropriées, en
vue d'assurer la conservation des grands migrateurs et de promouvoir leur
exploitation optimale »256. De même, le Tribunal
fera remarquer que : « L'obligation de coopérer constitue, en
vertu de la partie XII de la Convention et du droit international
général, un principe fondamental en matière de
prévention de la pollution du milieu marin »257 .
De plus, le Tribunal précisera le contenu du principe de
coopération en invoquant la consultation, l'échange
d'informations, l'évaluation de l'impact des activités sur
l'environnement, la coordination pour l'adoption de mesures de
prévention des atteintes au milieu marin, la réaction face aux
situations critiques. En troisième lieu, les juridictions
internationales ont donné consistance au principe de prévention.
Ce principe trouve un écho retentissant dans la jurisprudence de la CIJ.
Dans l'affaire du projet Gabcikovo-Nagymaros, la CIJ dit qu'elle : «
ne perd pas de vue que, dans le domaine de la protection de l'environnement, la
vigilance et la prévention s'imposent en raison du caractère
souvent irréversible des dommages causés à l'environnement
et des limites inhérentes au mécanisme même de
réparation de ce type de dommages. Au cours des âges, l'homme n'a
cessé d'intervenir dans la nature pour des raisons économiques ou
autres. Dans le passé, il l'a souvent fait sans tenir compte des effets
sur l'environnement. Grâce aux
254 Tribunal arbitral institué entre les
États-Unis et le Canada par le compromis du 15 avril 1935 et relatif aux
dommages causés aux propriétaires américains de
l'État de Washington par des fumées
délétères émanant d'une fonderie située en
Colombie britannique à 7 milles de la frontière. Texte dans RSA,
vol. III, pp. 1938-1981.
255 Sentence arbitrale du 16 novembre 1957
réglant le litige Franco-Espagnol relatif à l'utilisation des
Eaux du Lac Lanoux. Lien : L'affaire du Lac Lanoux - Persée (persee.fr),
consulté le 06 octobre à 11h09
256 Affaires n°3 et 4, ordonnance du 27
août 1999, § 48.
257 Affaire de l'Usine Mox (Irlande c. Royaume
Uni), affaire n°10, ordonnance du 3 décembre 2001, § 82 ; voir
aussi l'affaire relative aux travaux de poldérisation par Singapour
à l'intérieur et à proximité du détroit de
Johor (Malaisie c. Singapour), affaire n°12, ordonnance du 8 octobre 2003,
§§ 91-92.
nouvelles perspectives qu'offre la science et à une
conscience des risques que la poursuite de ces interventions à un rythme
inconsidéré et soutenu représenterait pour
l'humanité - qu'il s'agisse des générations actuelles ou
futures -, de nouvelles normes et exigences ont été mises au
point, qui ont été énoncées dans un grand nombre
d'instruments au cours de ces deux dernières décennies. Ces
normes nouvelles doivent être prises en considération et ces
exigences nouvelles convenablement appréciées non seulement
lorsque les États envisagent de nouvelles activités, mais aussi
lorsqu'ils poursuivent des activités qu'ils ont engagées dans le
passé. Le concept de développement durable traduit bien cette
nécessité de concilier développement économique et
protection de l'environnement. Aux fins de la présente espèce,
cela signifie que les Parties devraient, ensemble, examiner à nouveau
les effets sur l'environnement de l'exploitation de la centrale de
Gabcikovo-Nagymaros. En particulier, elles doivent trouver une solution
satisfaisante en ce qui concerne le volume d'eau à déverser dans
l'ancien lit du Danube et dans les bras situés de part et d'autre du
fleuve »258. En outre, « le principe de
prévention oblige les États à la vigilance
nécessaire en fonction de standards internationaux de façon
à éviter que les activités menées sur le territoire
national affectent l'environnement transfrontière ». En
quatrième lieu, le développement durable est aussi reconnu par
les juridictions internationales. En 1997, la CIJ a fait allusion au
développement durable qu'elle a considéré comme « un
concept » : « Au cours des âges, l'homme n'a cessé
d'intervenir dans la nature pour des raisons économiques et autres. Dans
le passé, il l'a souvent fait sans tenir compte des effets sur
l'environnement. Grâce aux nouvelles perspectives qu'offrent la science
et à une conscience croissante pour l'humanité - qu'il s'agisse
des générations actuelles ou futures-, de nouvelles normes et
exigences ont été mises au point, qui ont été
énoncés dans un grand nombre d'instruments au cours des deux
dernières décennies. Ces normes nouvelles doivent être
prises en considération et ces exigences nouvelles
considérablement appréciées, non seulement lorsque les
États envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu'ils
poursuivent des activités dans le passé. Le concept de
développement durable traduit bien cette nécessité de
concilier le développement économique et la protection de
l'environnement... »259.
B : Dans la réparation
des dommages environnementaux
258 Projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie),
CIJ Recueil 1997, p. 7, spéc. pp. 74-75, § 140.
259 Ibid., p. 38.
Dès lors qu'il n'est pas possible d'identifier une
victime, il convient de sortir du carcan de la responsabilité civile,
tout en permettant une réparation efficace des atteintes à
l'environnement dont la nomenclature des préjudices environnementaux
montre la réalité.
En vertu du principe de la responsabilité des
États pour des faits internationalement illicites, tout dommage
causé par un État à un autre État conduit à
une sanction allant dans le sens d'une réparation du
préjudice260. En d'autres termes il s'agit du principe bien
dégagé et selon lequel « la violation d'un engagement
entraîne l'obligation de réparer dans une forme adéquate
». La réparation a pour finalité le
rétablissement de la situation initiale. C'est pourquoi la Cour
Permanente de Justice Internationale dans l'affaire de l'Usine de
Chorzów n'a point manqué de relever que: « le principe
essentiel, qui découle de la notion même d'acte illicite et qui
semble se dégager de la pratique internationale, notamment de la
jurisprudence des tribunaux arbitraux, est que la réparation doit,
autant que possible, effacer toutes les conséquences de l'acte illicite
et rétablir l'état qui aurait vraisemblablement existé si
ledit acte n'avait pas été commis »261.
Ainsi en ce qui concerne l'environnement toujours, l'article 4 de la Charte de
l'environnement énonce que « toute personne doit contribuer
à la réparation des dommages qu'elle cause à
l'environnement, dans les conditions définies par la loi
»262. Cette variété de texte juridiques
offre à la CIJ la possibilité de s'intéresser à la
réunion de plusieurs critères en particulier ceux ayant trait
à l'établissement d'un lien de causalité entre le fait
illicite commis et le dommage environnemental occasionné, ainsi que
l'évaluation des dommages environnementaux, qui entrainent directement
la mise en oeuvre d'une réparation des dommages portés à
l'environnement.
Ainsi les ``règles spéciales
d'indemnisation''263 ont fait l'objet d'élargissement
à toute sorte d'activité susceptible de nuire à
l'environnement. Pour autant, il est au départ important de souligner
que « la jurisprudence n'avait jusqu'à présent
statué que sur le caractère indemnisable des préjudices
économiques consécutifs à la dégradation de
l'environnement »264,
260 Usine de Chorzów, sur la compétence,
arrêt de 1927, C.P.J.I. p. 21.
261 Usine de Chorzów, Sur le fond, arrêt
numéro 13. 1928, C.P.J.L, p. 47. Voir également l'affaire Avena
et autres ressortissants mexicains, Mexique c/. Etats-Unis d'Amérique,
arrêt. C.I.J.
262 Cf. article 4. Charte de l'environnement. Lien :
https://
www.elysee.fr/la-presidence/la-charte-de-l-
environnement#, consulté le 06 octobre à 11h48
263 HUGUES FOUA (Hermann), « L'environnement
devant la Cour Internationale de Justice », thèse,
Université Felix Houphouët-Boigny d'Abidjan,2017-2018, p.247.
264 BEURRIER (Jean Pierre) et KISS (Alexandre), Droit
international de l'environnement. 4e éd., Pedone, Paris,
2010, p.527.
mais pas sur celui du dommage écologique pur même
s'il était arrivé qu'un organe comme la Commission
d'indemnisation des Nations Unies pour l'Irak pour les dommages à
l'environnement causé par l'Irak sur le territoire du Koweït, soit
spécialement investi de la compétence d'accorder une
indemnité pour de tels dommages.
Cependant progressivement dans la jurisprudence en
matière environnementale de la Cour internationale de justice, celle-ci
a officié dans le cadre d'une indemnisation ou d'une réparation
demandée par une partie à un litige environnemental. C'est le cas
dans l'affaire de Certaines activités menées par le Nicaragua
dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua). Cet
arrêt, qui marque un tournant décisif265 est
présenté comme la vitrine jurisprudentielle et la décision
historique266 et révolutionnaire qui est exactement
liée aux questions de réparation et d'indemnisation suite aux
atteintes environnementales, la réparation et l'indemnisation suite aux
atteintes environnementales, la juridiction de la Haye soutient en termes
clairs qu' « il est conforme aux principes du droit international
régissant les conséquences de faits internationalement illicites,
et notamment au principe de la réparation intégrale, de conclure
que les dommages environnementaux ouvrent en eux-mêmes droit à
indemnisation, en sus de dépenses engagées par l'État
lésé en conséquence de tels dommages
»267. L'intérêt principal de la
décision est l'affirmation de cette idée selon laquelle la
réparation du dommage environnemental réside dans l'obligation de
réparation intégrale du dommage.
La réparation posée dans l'affaire Certaines
activités menées par le Nicaragua dans la région
frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) se divise selon la Cour en deux
sous-parties. La première est relative à la dégradation,
à la perte des biens et services. La seconde, quant à elle, est
relative à la restauration du milieu si la
régénération ne suffit pas. C'est pourquoi dans le
paragraphe 42 de l'arrêt, la Cour mentionne que « les dommages
causés à l'environnement, ainsi que la dégradation ou la
perte consécutive de la capacité de celui-ci de fournir des biens
et services, sont susceptibles d'indemnisation en droit international. Cette
indemnisation peut comprendre
265 MASOUMI (Khazar), « Préjudice
environnemental ». In Revue juridique de l'environnement, vol.43/3.
2018.
p. 2.
266MAUREL (Raphael), « Une décision
historique : l'indemnisation du dommage environnemental par la Cour
internationale de justice ». Note sous l'arrêt de la CIJ du 2
février 2018. Certaines activités menées par le
Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua),
Le Commentaire, La revue du centre Michel de l'Hospital- édition
électronique, 2018. N° 13. pp. 51-61
267 Affaire de certaines activités
menées par le Nicaragua dans la région frontalière Costa
Rica
c. Nicaragua. CIJ. Arrêt du 2 février 2018. p.
14. Para. 41.
une indemnité pour la dégradation ou la
perte de biens et services environnementaux subie pendant la période
précédant la reconstitution, et une indemnité pour la
restauration de l'environnement endommagé »268.
Une affaire ayant opposé l'Équateur à la
Colombie à propos des épandages aériens d'herbicide en
cours devant la cour internationale de Justice enrichit également la
pratique internationale en ce qui concerne la réparation des dommages
environnementaux. Il s'agit dans cette affaire d'une demande d'indemnisation
par l'Équateur « pour tout dommage ou perte causée par
ses actes internationalement illicites (les actes de la Colombie), à
savoir l'utilisation d'herbicides, y compris par épandage aérien,
notamment pour les dommages causés à l'environnement ou à
l'amenuisement des ressources naturelles ; pour les coûts liés aux
études visant à déterminer et apprécier les risques
futurs pour la santé publique, les droits de l'homme et l'environnement
de l'utilisation d'herbicides par la Colombie »269
Pour autant, en matière de réparation des
dommages environnementaux, il est tout de même essentiel de clarifier que
l'exercice de réparation des dommages ne constitue guerre une
tâche facile dans la mesure où il existe une réelle
complexité liée notamment à la conformité entre le
dommage commis et la compensation de ce dommage. Parfois il peut être
difficile de déterminer et d'identifier les dommages réparables
de ceux qui ne le sont pas en ce sens que plusieurs facteurs comme la
difficulté de quantifier les victimes, la précision du dommage
direct, légitime, personnel et certain, peuvent entrer en jeu et
influencer l'exactitude et l'efficience de la réparation des
dommages270.
Malgré les critiques adressés au droit
international public, pour sans certains en le considérant comme
étant en crise, le droit international public s'est résolument
investi aujourd'hui dans certains domaines tel que la protection des droits de
l'homme, la protection de l'environnement qui justifie aujourd'hui de sa
résilience. Ces foultitudes de perspectives présagées
témoignent encore une fois que le droit international tant bien que mal
ne se resigne pas.
268 Ibid.
269 CIJ, Affaire épandages aériens
d'herbicide, Equateur c/. Colombie, 2013, N° 17526.
270 Ndiaye (Ameth), « la CIJ et la
réparation des dommages environnementaux », op.cit.,
p.480.
Chapitre II - Des
perspectives de renaissance souhaitées
Les partisans de la thèse de résilience du droit
international voient la crise actuelle comme une opportunité de
réformer et de mettre à jour le cadre juridique existant pour
qu'il reflète mieux la nouvelle réalité d'un monde
multipolaire. Selon eux, le système actuel est dépassé et
ne sert pas également les besoins de tous les États, et qu'une
approche plus souple et plus responsable du droit international est
nécessaire. C'est dans cette logique que nous aborderons d'une part la
question de la réforme impérative du conseil de
sécurité (section I) et d'autre part un renforcement des mesures
de paix (section II).
Section 1- Une réforme impérative du
conseil de sécurité
Comme l'écrit Jean Daniel, les cinq puissances qui
siègent de façon permanente au sein du Conseil de
sécurité « incarnent le gouvernement du monde, sa
conscience et sa force ; elles sont à l'origine de décisions
considérables et leurs représentants ont entre eux des
complémentarités, des complicités, des connivences qui
font d'eux les diplomates les plus sollicités de la planète et
qui créent une homogénéité
insoupçonnée de détermination »271.
Pour beaucoup cette sorte de « gouvernement » n'est pas suffisamment
représentative de la société internationale. Dans cet
esprit, souhaiter la modification de la composition du Conseil de
sécurité constitue une manière de condamner la gestion
oligarchique ou aristocratique des Nations Unies, incarnée par cet
organe et qui s'avère peu compatible avec la proclamation
d'idéaux démocratiques par la Charte. Dans cette logique, nous
allons faire un rappel des anciennes propositions de réforme du conseil
(paragraphe 1) et après faire une proposition dite novatrice (paragraphe
2).
Paragraphe 1 : Des
propositions existantes
Les propositions existantes de réforme du Conseil de
sécurité des Nations Unies sont aussi nombreuses que leurs
auteurs. Il en existait deux types, à savoir les propositions
émanant des groupes de travail (A) et celles provenant des groupes
d'États (B)
A : Les propositions des
Groupes de travail
Les propositions de réforme n'ont pas manqué
depuis 1965. Le débat a cependant été relancé avec
une certaine vigueur en 1992, lorsque l'Assemblée générale
adopta la résolution A/47/62 intitulée "Question de
représentation équitable et d'augmentation de la composition du
Conseil de Sécurité"272. Le Secrétaire
général des Nations Unies produisit un rapport sur la question le
20 juillet 1993. Suite à cela, l'Assemblée générale
adopta la résolution A/48/26 par laquelle elle créait un groupe
de travail ouvert chargé d'étudier la problématique.
271 DANIEL (Jean), « Une bombe pour un
fauteuil », Le Nouvel Observateur, 1997, p. 59.
272 A/RES/47/62 du 11 décembre 1992
intitulée "Question de représentation équitable et
d'augmentation de la composition du Conseil de Sécurité".
Après plusieurs mois, ce Groupe, ouvert à tous
les États membres de l'Organisation, a produit en 1997 le « Plan
Razali »273 qui prônait l'élargissement de la
composition du Conseil. Tenant compte du premier paragraphe de l'article 23 de
la Charte des Nations Unies 274 qui fixe les critères de
« contribution des Membres de l'Organisation au maintien de la paix et
de la sécurité internationales, et aussi d'une répartition
géographique équitable », le Groupe de travail avait
proposé de porter de 15 à 24 membres la composition du Conseil.
Les nouveaux membres bénéficieraient d'un statut permanent et
quatre membres seraient non permanents. Les membres permanents passeraient
ainsi de cinq à dix et les membres non permanents de dix à
quatorze. Afin de satisfaire les exigences de la « répartition
géographique équitable », le plan proposait de
distribuer ainsi les cinq nouveaux sièges permanents : trois pays en
développement, dont l'Afrique, l'Asie et l'Amérique latine et les
Caraïbes, ainsi que deux États industrialisés. Pour ce qui
concerne les sièges non permanents, les États en
développement se partageraient également chacun un siège,
un État d'Europe orientale se verrait attribuer également une
telle catégorie de siège.
En outre, le Plan Razali affirmant en son point 4a) que
l'existence du droit de véto est « contraire aux principes
démocratiques », et ce, conformément à la position de
la quasi-totalité des États membres de l'organisation. De ce
fait, il propose d'en décourager son usage « en engageant les
membres permanents initiaux du Conseil de sécurité à en
limiter l'exercice aux mesures prises en vertu du Chapitre VII ».
L'expérience précédente de l'utilisation abusive du droit
de véto par ses détenteurs initiaux, explique certainement le
refus du Groupe de travail de conférer ce privilège aux cinq
nouveaux membres permanents. Ces derniers ne pourraient jouir de toutes les
prérogatives découlant du double privilège, et ce,
contrairement aux membres initiaux qui conservent leur pouvoir.
Si elles étaient adoptées par un vote des deux
tiers des membres de l'Assemblée Générale, les mesures de
ce plan ne seraient pas fondamentalement différentes des changements
adoptés lors
273 Ismail Razali est un diplomate malaisien et
présidait le Groupe de travail sur la réforme du Conseil.
274 « Le Conseil de sécurité se
compose de quinze Membres de l'Organisation. La République de Chine, la
France, l'Union des Républiques socialistes soviétiques, le
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, et les États-Unis
d'Amérique sont membres permanents du Conseil de sécurité.
Dix autres Membres de l'Organisation sont élus, à titre de
membres non permanents du Conseil de sécurité, par
l'Assemblée générale qui tient spécialement compte,
en premier lieu, de la contribution des Membres de l'Organisation au maintien
de la paix et de la sécurité internationales et aux autres fins
de l'Organisation, et aussi d'une répartition géographique
équitable. » article 23 du chapitre V de la charte.
du premier élargissement survenu à la suite de
l'amendement de la Charte en 1963. Puisque celui-ci suggère que les
nouveaux membres permanents ne détiennent pas de droit de véto,
sa réalisation ne peut avoir de conséquence notable sur les
pouvoirs des membres permanents initiaux. La proposition contenue dans ce Plan
viendrait ainsi réduire un peu l'écart du
déséquilibre entre les pays du Nord et ceux du Sud puisqu'on
passera, pour le Sud, d'un siège sur quatre, soit 25% de la composition
actuelle des membres permanents à quatre sur dix, soit 40% de l'ensemble
des membres. Le Plan Razali ne suggère toutefois aucune véritable
réallocation de pouvoir (le droit de véto) et les membres
permanents devraient s'avérer plus favorables ou plus conciliants. Le
plan ne tranche pas de manière courageuse la question du droit de
véto. Les cinq membres permanents continueront d'en être
titulaires, en dépit de la volonté du groupe de vouloir en
limiter son exercice. Le Plan ne définit pas clairement les situations
qui pourraient faire l'objet de ces genres de mesure de limitation de l'usage
du droit de véto et les modalités de son application. De ce fait,
il demeure un flou total autour de la question.
Depuis sa présentation en 1997, le Plan Razali ne
parvient pas à faire l'objet d'un consensus. Cela semble s'expliquer en
partie par l'existence même du droit de véto, car comme nous
l'avons vu dans le chapitre précédent l'amendement de la Charte
requiert l'accord préalable de tous les membres permanents. Et les
membres permanents ne sont pas favorables au Plan Razali.
B : Les propositions des
groupes d'États
Plusieurs groupes d'États ont également
cherché à formuler des propositions sur la question de la
réforme du Conseil. Ainsi, nous intéressons successivement aux
propositions du G4 (Allemagne, Japon, Brésil et Inde), à celle de
l'Union Africaine ainsi qu'à celle du groupe Uniting For Consensus (Unis
Pour le Consensus) (UPC).
En 2005, le G4 a fait une proposition d'élargissement
du Conseil à 25 membres, c'est à dire six nouveaux sièges
permanents sans droit de véto dont les quatre pays du groupe et deux aux
représentants des pays d'Afrique. Quatre sièges non permanents
ont été également repartis
de manière équitable entre chacune des
régions. Soutenue par une quinzaine de pays275, la
proposition possède un caractère à la fois objectif et
ambigu. Le caractère objectif de la proposition réside dans le
fait que le projet nourrit les ambitions des pays initiateurs. Pour notre part,
nous trouvons leurs ambitions bien fondées. En effet, sur la base de
leur poids économique et de fourniture de contingents, ces pays
répondent véritablement aux attentes de l'organisation. De plus,
l'article 23 de la Charte légitime leur revendication.
En revanche, le caractère ambigu de la formule
s'explique par le fait qu'elle ne clarifie pas avec exactitude les
critères de sélection pour les deux sièges permanents des
représentants africains et qu'elle ne le fait non plus pour les quatre
sièges non permanents. À l'instar du G4, l'Union africaine
envisage également un élargissement de la catégorie des
membres permanents, mais avec droit de véto. Ces pays africains se sont
rassemblés derrière « le Consensus Ezulwini
»276 pour exiger deux sièges permanents, mais cette fois
avec droit de véto et deux sièges supplémentaires non
permanents aux trois déjà existants. L'organisation
régionale africaine ne donne pas davantage d'information sur la
répartition du reste des sièges permanents puisqu'elle demande
une augmentation de cinq, ni sur les critères de sélection de ces
titulaires. L'Union africaine explique que sa région détient le
record du plus grand nombre de conflits armés au monde depuis ces
dernières décennies. De ce fait, sa présence
renforcée au sein du Conseil de sécurité serait
bénéfique à la gestion et la résolution desdits
conflits.
Au demeurant, des questions d'ordre culturel ont
également été soulevées pour soutenir la
revendication. Étant donné que plusieurs auteurs accordent une
place primordiale aux facteurs culturels comme facteurs de déclenchement
de plusieurs conflits. La Charte des Nations Unies ne prévoit toutefois
pas un tel critère dans l'élection des membres du Conseil, mais
plutôt dans les dispositions de l'article 23. Au regard de cet obstacle,
nous estimons que le chemin semble encore long pour que l'Union africaine
obtienne un consensus international autour de leur proposition.
Contrairement aux deux précédents groupes, les
pays rassemblés au sein du groupe « Unis pour le Consensus »
(UPC) et soutenant l'initiative de l'Italie, de l'Argentine, du Pakistan et du
Mexique, militent en faveur de l'augmentation du nombre de membres non
permanents.
275 La quinzaine de pays soutenant la proposition
sont : Afghanistan, Belgique, Bhoutan, Danemark, Fidji, France, Géorgie,
Haïti, Honduras, Îles Salomon, Island, Kiribati, Lettonie, Maldives,
Nauru, Palaos, Uruguay, Pologne, Portugal, République Tchèque,
Tuvalu et Ukraine.
276 Le Consensus d'Ezulwini est une position sur
les relations internationales et la réforme des Nations Unies , convenue
par l'Union africaine. Il appelle à un Conseil de sécurité
plus représentatif et démocratique, dans lequel l'Afrique, comme
toutes les autres régions du monde, est représentée.
Comme ils l'ont fait savoir en marge de la 65e
session de l'Assemblée générale des Nations Unies, ce
groupe d'États s'opposent à l'élargissement des membres
permanents, mais proposent par la même occasion dix sièges
supplémentaires pour les membres non permanents. C'est une proposition
à laquelle les membres permanents pourraient se rallier dans la mesure
où elle ne modifie aucun de leurs privilèges. Une formule
analogue avait déjà été proposée et
acceptée sans résistance véritable, en 1963, lorsque les
membres non permanents sont passés de six à dix. Nous nous
interrogeons toutefois sur le bien-fondé d'une telle proposition si elle
ne plaide pas pour un élargissement dans la catégorie des membres
permanents.
Nous constatons l'existence de diverses propositions de
modifications du nombre de membres pour les deux catégories de membres
du Conseil. Contrairement au groupe « Unis pour le Consensus », la
quasi-totalité des formules proposées militent ardemment en
faveur d'un élargissement à la fois des membres non permanents et
des membres permanents, en fonction d'une répartition équitable
régionale.
Cependant, l'élargissement du Conseil de
sécurité soulève également des difficultés
et des controverses. Certains pays craignent que l'augmentation du nombre de
membres ne rende l'institution moins efficace et plus difficile à
gérer. D'autres soulignent la nécessité d'une
représentation plus équitable des pays en développement et
des régions marginalisées. Enfin, il y a des discussions sur la
manière dont les nouveaux membres seront choisis et comment leur sera
accordée une représentation adéquate. Le manque
d'harmonisation des propositions ou le défaut de consensus a rendu la
mise en oeuvre très latente pour ne pas dire inexistante.
Paragraphes 2 : Des
propositions novatrices
Les propositions novatrices de réforme du conseil de
sécurité s'articulent autour de deux aspects anciens notamment
l'élargissement du Conseil de Sécurité (A) et la question
du droit de veto (B).
A : L'élargissement du
Conseil de Sécurité
Il faut reconnaître, avec Jean Daniel, que « on
n 'a pas idée [...] du degré de convoitise que suscite ce
siège à un Conseil dont les dispositions sont pourtant loin
d'être toujours respectées par les peuples et les nations
»277. Si l'intérêt est aussi vif de la part
de tous les États concernés c'est que l'admission ou l'exclusion
du Conseil de sécurité consacrera, en fait le rang et l'influence
relative de chaque pays à l'aube du XXIe siècle.
Actuellement, le Conseil de sécurité compte 15
membres, dont 5 membres permanents (Chine, États-Unis, France,
Royaume-Uni et Russie) et 10 membres non permanents élus pour deux ans.
Cependant, cette composition n'est pas représentative de la
réalité géopolitique actuelle, où de nombreux pays
émergents ont acquis une importance croissante dans la scène
internationale. Un élargissement de la composition du Conseil de
Sécurité se révèle comme la voie idoine pour
estomper la crise.
Souvent envisager, mais pas appliqué à cause du
défaut de volonté des 5 grands qui se rangent sous le verrou de
l'article 108278 et 109279 de la charte.
De nos jours, l'élargissement peut s'imaginer de
plusieurs manières. Ça pourrait se faire de manière
graduelle proportionnellement aux défis auxquels sont confrontés
les États. La première serait d'augmenter le nombre des membres
permanents avec l'attribution d'un siège permanent à l'Afrique
qui fait souvent face à des défis d'insécurité.
Pourquoi de manière graduelle ? parce qu'aujourd'hui la configuration
des États puissants a changé. Une adhésion massive des
puissances émergentes fragilisera les anciennes dans la mesure où
ces dernières sont acculées sur le plan économique et
militaire à causes des conflits récents et la seule chose qui
leur reste pour avoir la main mise sur le monde actuel c'est le veto. Ainsi
ouvert le droit veto à des puissances émergentes c'est se
conduire à l'abattoir.
277 DANIEL (Jean), « Une bombe pour un
fauteuil », op.cit., p. 59.
278 « Les amendements à la
présente Charte entreront en vigueur pour tous les Membres des Nations
Unies quand ils auront été adoptés à la
majorité des deux tiers des membres de l'Assemblée
générale et ratifiés, conformément à leurs
règles constitutionnelles respectives, par les deux tiers des Membres de
l'Organisation, y compris tous les membres permanents du Conseil de
sécurité »
279 Ici nous faisons référence
à l'alinéa 2 de l'article 109 qui dispose « Toute
modification à la présente Charte recommandée par la
conférence à la majorité des deux tiers prendra effet
lorsqu'elle aura été ratifiée, conformément
à leurs règles constitutionnelles respectives, par les deux tiers
des Membres des Nations Unies, y compris tous les membres permanents du Conseil
de sécurité ».
La deuxième solution envisageable serait d'augmenter
également le nombre de sièges non permanents. Une composition
plus représentative des différentes zones géographiques
permettra une meilleure prise en compte de certains conflits "oubliés",
par exemple en Afrique.
Ainsi, ça permettrait également un certain
nombre de pays n'ayant aucune chance d'obtenir un siège permanent, mais
qui redoutent l'attribution d'un tel siège à un "poids lourd" de
la région (Pakistan et Indonésie par rapport à l'Inde ;
Argentine par rapport au Brésil ; Italie par rapport à
l'Allemagne). Selon eux, « l'augmentation du
nombre des membres permanents ne peut que servir les intérêts de
quelques pays, au détriment des petits et moyens pays, qui constituent
l'immense majorité des membres de l'ONU »280.
Une troisième proposition à définir qui
consisterait à créer des mandats non permanents mais de plus
longue durée (par exemple cinq ans) qui seraient attribués aux
États particulièrement représentatifs d'un groupe
régional. Elle présenterait l'avantage de satisfaire les
États qui ne souhaitent pas la création de nouveaux sièges
permanents et ceux qui souhaitent se voir reconnaître un statut
spécial au sein du Conseil de Sécurité.
Une quatrième solution envisageable serait une
combinaison des deux précédentes, à savoir la
création concomitante de sièges permanents et de sièges
non permanents, selon des modalités à définir.
Il faut remarquer par ailleurs qu'il existera toujours une
certaine réticence dans le chef des cinq membres permanents actuels du
Conseil de Sécurité à accepter une réforme de
celui- ci qui diminuerait leur influence. Si la plupart d'entre eux seraient
d'accord d'augmenter le nombre de sièges non permanents, la composition
totale du Conseil de Sécurité ne devrait guère
dépasser 20 membres, sous peine de voir celui-ci perdre son
efficacité281 . En ce qui concerne l'augmentation du nombre
de sièges permanents, seuls les États-Unis se sont clairement
prononcés en faveur de l'élargissement à l'Allemagne et au
Japon. La candidature japonaise fait l'objet de fortes réserves de la
part de la Chine et de la Russie ; celle de l'Allemagne de la part de la France
et de la Grande-Bretagne, jalouses de leurs prérogatives
actuelles282 .
280 Déclaration du 27 mars 1996 de
l'ambassadeur pakistanais Kamal devant le Groupe de travail, et de
l'ambassadeur italien Futci à la 50 ème session de
l'Assemblée générale des Nations Unies.
281 FASSBENDER (Bardo), « La réforme du
Conseil de sécurité de l'ONU et le droit de veto », La
Haye, Kluwer,
1998, pp. 236-237.
282 Ibid., p. 237-240.
Toutefois, la solution proposée par le Groupe UPC avec
un élargissement à 20 membres, sans nouveau détenteur de
droit de véto et une voie qui porte davantage l'accent sur la sauvegarde
des « valeurs communes de démocratie, de responsabilité, de
souplesse et d'équité
». Ce qui permet de contourner en présentant un
projet moins « extrême » et plus souple qui évite
d'engager le bras de fer avec le cercle des membres permanents qui garde toute
sa pertinence et envisageable de par sa posture de souplesse.
B : Le
réaménagement du droit de veto
Il existe de nombreux États selon lesquels le veto est
anachronique et antidémocratique. La situation géopolitique
actuelle ne justifie plus la reconnaissance d'un tel droit à certains
États283. Un problème important se pose
néanmoins. Le vote positif des cinq membres permanents du Conseil de
sécurité est indispensable pour une révision du texte de
la Charte. Il semble exclu que les cinq membres permanents actuels renoncent
à cette prérogative284.
Par conséquent, la question du maintien et des
modalités actuelles du droit de veto ne semble pas devoir se poser.
Seule l'extension de celui-ci à d'éventuels nouveaux membres
permanents est négociable.
Ceux-ci devraient-ils se voir reconnaître un droit de
veto ? La question est délicate. Augmenter le nombre d'États
disposant du droit de veto risque de rendre le Conseil de
Sécurité encore plus inefficace. Ne pas le faire reviendrait
à créer une sous-catégorie de membres permanents que rien
ne justifierait. Il est cependant probable que bien des États seraient
prêts à renoncer à ce droit en échange d'un
siège permanent.
Une solution conciliatrice peut être envisagée.
Il n'y aura pas d'extension du droit de veto à d'autre États mais
plutôt un réaménagement de son utilisation par les
États détenteurs actuels ce qui permettra du moins d'avoir une
évolution même si c'est à minima sur la question.
 cet effet il faut instaurer le système de la
« double majorité » pour toutes les décisions
du conseil de sécurité. Selon ce règlement, les membres
permanents peuvent toujours utiliser leur droit de veto pour bloquer une
décision, mais ils doivent maintenant être accompagnés par
au moins un autre membre permanent ou par un groupe de pays membres de l'ONU
représentant
283 Ibid., pp. 263-266.
284 Idem., pp. 273-274.
au moins 60% des votes possibles. Si cela ne peut pas
être fait, la décision peut être prise malgré
l'opposition du membre permanent.
La double majorité va permettre d'asseoir une
représentation plus large et diverse au sein du Conseil ce qui peut
aider à garantir que les intérêts de tous les membres de
l'ONU soient mieux représentés. En limitant le pouvoir de veto
des membres permanents, la double majorité peut contribuer à
réduire l'influence des grandes puissances et à donner plus de
poids aux opinions des autres membres de l'ONU. Cela peut aider à
créer un environnement plus égalitaire dans lequel les petits
Etats ont une voix plus forte car il faudra une majorité
qualifiée pour approuver une décision, plutôt que
simplement un vote majoritaire. Cela peut aider à garantir que les
décisions prises soient plus largement acceptées et soutenues par
les membres de l'ONU.
Mais toutefois, l'introduction d'une double majorité
pour toutes les décisions peut rendre le processus de prise de
décisions plus complexe et plus difficile à comprendre pour les
observateurs extérieurs. Cela peut conduire à une diminution de
la transparence et de l'efficacité du Conseil de sécurité,
à une possibilité de blocage accru des décisions car il
peut être plus difficile de trouver une majorité qualifiée
pour approuver une décision. Cela peut empêcher le Conseil de
sécurité de prendre des mesures efficaces pour répondre
à des situations de crise internationales. Et aussi, elle peut
également entraîner un épuisement des ressources, car les
négociations pour atteindre une majorité qualifiée peuvent
être plus longues et plus difficiles.
Section II - Un renforcement des mesures de paix
La paix est un bien précieux qui nécessite la
collaboration et la coordination de tous les acteurs internationaux pour
être maintenue et renforcée. Dans un monde où les conflits
armés, les violences et les tensions persistent, il est essentiel de
prendre des mesures pour promouvoir la paix et prévenir les conflits.
Dans ce contexte, le renforcement des mesures de paix est plus important que
jamais. Les Nations Unies ont un rôle à jouer dans la promotion de
la paix et de la sécurité internationales, en particulier en
utilisant leur autorité morale et leur influence pour encourager les
États à adopter des politiques et des pratiques pacifiques.
Dans ce chapitre, nous allons examiner les mesures de paix
existantes et les possibilités de les renforcer. Nous allons
également analyser les défis et les obstacles qui doivent
être surmontés pour atteindre cet objectif, ainsi que les
stratégies pour y parvenir. Enfin, nous allons réfléchir
aux moyens de renforcer la coopération internationale et de promouvoir
une culture de la paix à l'échelle globale. Ainsi pour une bonne
structuration il conviendra de relever d'une part le renforcement des mesures
pacifiques (paragraphe 1) et d'autre part le renforcement des mesures
coercitives (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les mesure pacifiques
Le renforcement des mesures pacifiques s'observes dans le
redéveloppement de la diplomatie préventive (A) et la promotion
du règlement pacifique des conflits (B)
A : la promotion de la
diplomatie préventive
La diplomatie préventive a pour objet d'éviter
que des différends ne surgissent entre les parties, d'empêcher
où qu'un différend existant ne se transforme en conflit ouvert
et, si un conflit se déclenche, de faire en sorte qu'il s'étende
le moins possible285. Elle a véritablement constitué
le credo de Boutros Boutros-Ghali lorsqu'il était encore
Secrétaire général de l'Organisation286. Pour
ce dernier, « la diplomatie préventive a pour objet
d'éviter que des différends ne surgissent
285 Philippe Moreau DEFARGES, « La diplomatie
préventive », Revue de la Défense Nationale,
Janvier 1997, p. 39.
286 Cf. Boutros Boutros-Ghali (entretien), «
L'ONU et la nouvelle diplomatie de la paix ». Le Trimestre du
Monde, n° 18, 1992/11, pp. 9.
entre les parties, d'empêcher qu'un différend
existant ne se transforme en conflit ouvert et, si un conflit éclate, de
faire en sorte qu'il s'étende le moins possible »287.
En fait, le véritable objectif que doit se fixer la diplomatie
préventive reste de « régler les conflits avant que la
violence n'éclate »288, à la
différence du rétablissement et du maintien de la paix qui ont eu
« pour objet de mettre fin aux conflits et de préserver la paix
une fois qu'elle a été instaurée
»289.
Employée avec un certain succès au sein
d'organisations régionales290, la diplomatie
préventive devait permettre de régler la majeure partie des
nouveaux conflits secouant la société internationale avec,
à la fois, des chances de réussite importantes et l'avantage de
réaliser de substantielles économies en hommes et en moyens
matériels et financiers par rapport à la technique traditionnelle
des interventions a posteriori291. Pour Boutros Boutros-Ghali, en
effet
« ces nouveaux conflits, dont le règlement est
souvent long, difficile et complexe, ne sont pas des conflits
imprévisibles, bien au contraire. La plupart d'entre eux couvent
longtemps avant d'exploser. Ces tensions latentes sont connues de tous.
Pourtant, force est de reconnaître que la communauté
internationale ne se mobilise que très rarement pour les contenir
lorsqu'il serait encore temps de le faire »292. Anticiper
sur l'apparition d'un différend représente, bien entendu,
l'idéal mais la diplomatie préventive trouve aussi et surtout son
application au tout début d'une crise tant que celle-ci n'a pas
dépassé un stade critique293.
Aujourd'hui face à la pluralité des conflits qui
fragilisent la communauté internationale, la diplomatie
préventive est la voie royale pour les prévenir. Tous les
conflits qui se sont déclenchés ont laissé au
préalable des traces qui pourraient permettre de les présager ou
de faire
287 Boutros Boutros-Ghali, Agenda pour la
paix, Report of the Secretary-General pursuant to the statement adopted by
the Summit Meeting of the Security Council, 1992, p. 11, para. 20.
288 Ibid., para. 21.
289 Ibid.
290 Notamment au sein de la CSCE, puis de l'OSCE. Le
26 Mai 1994, par exemple, s'est tenue à Paris une conférence
visant à instaurer un mécanisme de diplomatie préventive
entre les parties à cette future organisation régionale. Celui-ci
repose sur la mise en place de tables régionales de négociation
et l'obligation faite, à tout Etat qui souhaite régler une
contestation de minorités ou de frontières, d'inscrire celle-ci
dans un cadre régional et de permettre ainsi l'intervention de ses
partenaires.
291 En faveur d'un développement de la
diplomatie préventive, voir AYISSI (ANATOLE), Le défi de la
sécurité régionale en Afrique après la guerre
froide : vers la diplomatie préventive et la sécurité
collective, (Unidir/94/27) Institut des Nations Unies pour la recherche sur le
désarmement, Genève, 1994.
292 Boutros Boutros-Ghali, "L'ONU et les nouveaux
conflits internationaux". Relations Internationales et
Stratégiques, n° 20, Hiver 1995, p. 16.
293 BERTRAND (Maurice), « Vers une
stratégie de prévention des conflits ? », Politique
Étrangère, 1/97, p. 111.
une prévision sur leur probable éclatement. Nous
pouvons prendre le cas du Conflit Russo- Ukrainien. Depuis l'annexion de la
Crimée par la Russie en 2014, les tensions ne se sont pas
apaisées malgré la signature du protocole de Minsk294
de 2014. Plusieurs étaient ces accusations allant d'un camp à un
autre295 et laissaient entrevoir que l'idée d'un probable
effritement entre ces eux pays avant les évènements du 24
février 2022.
Ainsi, les États doivent allier aujourd'hui, d'une part
la volonté dans la mesure où l'intervention ne nécessite
guère de moyens de renseignement spécifiques, ce qui manque
souvent c'est la volonté politique de s'en occuper296. Et
comme l'avait souligné Boutros Boutros-Ghali, le combat se situait
essentiellement dans ce cadre et demeure toujours aussi pertinent : pour que la
diplomatie préventive se développe, il faut que les
mentalités évoluent, celles des États susceptibles de
faire l'objet de crises internes ou internationales comme celles des grandes
puissances297. Il faudrait notamment, ainsi que le préconise
Alvaro De Soto, que l'Organisation soit perçue par la majorité
des États d'avantage comme une instance de médiation, que comme
un tribunal plus ou moins partial et, surtout que les grandes puissances,
membres permanents ou non du Conseil de sécurité, reconnaissent
la nécessité de prévenir tous les affrontements
potentiels, qu'ils menacent ou non leurs intérêts
immédiats298. Ce n'est qu'à
294 Le protocole de Minsk (ou Minsk I) est un
accord signé le 5 septembre 2014 par les représentants de
l'Ukraine, de la Russie, des autoproclamées république populaire
de Donetsk et république populaire de Lougansk et de l'Organisation pour
la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dont
l'objectif est de mettre fin à la guerre du Donbass, qui a
éclaté en avril 2014 en Ukraine orientale, après que la
guerre russo-ukrainienne a elle-même éclaté en
février 2014. Il est signé après de longues
négociations à Minsk, capitale de la Biélorussie.
295 La Russie accusait l'Ukraine de manipuler
l'opinion internationale pour ne pas reconnaitre l'indépendances de
Donetsk et de Lougansk et aussi de manifester un intérêt de
rejoindre L'OTAN ce qu'il jugeait contraire à l'esprit du traité
de Belovej de 1991 et d'une part l'Ukraine déplorait la présence
des forces Russes sur son territoire ce qui était une violation de sa
souveraineté et d'inciter les territoires prorusses de l'Ukraine
à des idées séparatiste 296 Cf. ANNAN (Kofi),
à propos de la situation au Kosovo : « Le Kosovo est effectivement
sur la table depuis des années. Ce qui manque, c'est la volonté
politique d'agir. S'il n'y a pas la volonté d'agir des gouvernements et
des peuples, aucun système d'alerte ou d'information ne peut aider
». Kofi Annan, entretien accordé à Libération du 18
mars 1998.
297 Cf. Virginie Raisson : « Comme toute
décision internationale, une politique visant à empêcher
les guerres ne peut tenir son efficacité que de la volonté des
États de la mettre en oeuvre, ensemble ou séparément, et
d'utiliser à cette fin "tous les moyens nécessaires" dont ils
disposent déjà ». RAISSON (Virginie), « Le défi
de la prévention des conflits », Le Monde Diplomatique,
n° 527, Février 1998, p. 3.
298 Cf. Alvaro De Soto, "Le Secrétaire
général", in Aspects du système des Nations unies dans
le cadre d'un nouvel ordre mondial, Pedone, Paris, 1992, p. 75.
ce prix que « l'action préventive
»299 pourra véritablement s'imposer et se substituer
à la pratique de la sous-traitance. À condition, toutefois que
cette volonté politique s'accompagne d'autre part à des moyens
concrets nécessaires à son accomplissement.et un minimum de moyen
matériel pour sa mise en oeuvre.
B : La promotion du
règlement pacifique des différends
« Il faut que ceux qui ont des griefs les uns contre
les autres commencent à trouver leurs voisins, leurs amis, aussi bien
ceux qui sont au courant des actes sur lesquels porte la contestation, qu'ils
aillent vers les Tribunaux dans le cas seulement où d'aventure on n'aura
pas reçu de ces gens-là une décision qui règle
convenablement leur différend »300.
De cette pensée de Platon, découle la position
importante du règlement pacifique des conflits dans la quête de la
paix.
Le principe est consacré par le chapitre IV et de
manière plus explicite par les articles 33301et
34302de la charte des nations unies. C'est un procédé
qui a fait ces preuves par le passé et on en retient les bons offices de
l'ex-URSS dans le conflit entre la Turquie et la Bulgarie (ayant abouti au
Traité de non-agression de 1941), celui des États Unis entre
l'Inde et le cachemire, des États Unis et de la Grande Bretagne entre la
France et la Thaïlande (1946), des États Unis et de la Grande
Bretagne entre l'Italie et l'Éthiopie (1951), de la Suisse entre la
France et l'Algérie (entre 1960 et 1962). L'offre de médiation
collective de la France, l'Allemagne, la Grande Bretagne et l'ex-URSS dans le
conflit entre l'Italie et la Turquie en 1972 a abouti à la signature
d'un Traité de paix en, celle de l'Algérie entre l'Iran et les
États
299 CHAUVANCY (François), « Le Rapport
1996 du Secrétaire général de l'ONU », Revue de
la Défense Nationale, Décembre 1996, p. 149. Selon
François Chauvancy « le terme employé désormais n'est
plus celui de diplomatie préventive mais celui de {'action
préventive. En effet, la prévention des conflits ne se limite pas
à une simple action diplomatique ; elle fait appel non seulement
à des déploiements de forces, à l'organisation du
désarmement, à des actions humanitaires, mais aussi à la
good governance, aux droits de l'homme et au développement ».
300 Platon, Les lois, VI 767.
301 « 1. Les parties à tout
différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de
la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher
la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de
médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire,
de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens
pacifiques de leur choix. 2. Le Conseil de sécurité, s'il le juge
nécessaire, invite les parties à régler leur
différend par de tels moyens ».
302 « Le Conseil de sécurité peut
enquêter sur tout différend ou toute situation qui pourrait
entraîner un désaccord entre nations ou engendrer un
différend, afin de déterminer si la prolongation de ce
différend ou de cette situation semble devoir menacer le maintien de la
paix et de la sécurité internationales ».
Unis en 1979 a donné naissance à la signature
des accords d'Alger en 1981, celle du Secrétaire général
des Nations unies dans l'affaire Rainbow Warrior en 1986, opposant la France
à la Nouvelle Zélande a entrainé une paix entre les deux
Etats etc.
Aujourd'hui, on doit promouvoir et redonner une portée
obligatoire au règlement pacifique des conflits. Et ces actions doivent
émaner des efforts conjugués des acteurs régionaux et
internationaux. Nous pouvons prendre l'exemple de l'espace régional
Ouest- Africain qui depuis des années dont la
médiation303 s'est révélé comme le mode
privilégié pour résoudre les différends entre les
États. Á titre d'exemple nous pouvons prendre la crise Ivoiro-
malienne récente de 2022 ou le président de la République
Togolaise son excellence Faure Gnassingbé a joué un grand
rôle de médiateur entre les deux nations pour apaiser les tensions
et éviter l'affrontement. Par ailleurs la réussite de cette
médiation s'est soldée par la libération de ces 49 soldats
ivoiriens détenus au Mali pour atteinte à la sureté d'un
État souverain.
Il est essentiel de renforcer et de rénover le
règlement pacifique des conflits pour garantir la paix et la
stabilité à l'échelle mondiale. Pour ce faire, il faut
prendre en compte : le renforcement des institutions internationales telles que
les Nations Unies, la Cour internationale de justice et l'Organisation mondiale
du commerce qui jouent un rôle crucial dans la promotion de la paix et de
la stabilité en fournissant un cadre pour que les pays résolvent
pacifiquement leurs différends. Il est donc important de renforcer ces
institutions en augmentant leur financement, en élargissant leur
membreships et en améliorant leur efficacité. Promouvoir le
dialogue et la diplomatie en encourageant la communication ouverte et
honnête entre les pays pour prévenir les malentendus et les
communications erronées qui pourraient conduire au conflit.
Paragraphe 2 : Les mesures
coercitives
Parmi les solutions existantes, celles qui ont retenues notre
attention et semblent plus pertinentes, sont celles proposées par
Boutros Boutros-Ghali dans son agenda en 1992 notamment la création
d'une armée pour l'ONU (A) qui va permettre d'éviter la
sous-traitance
303 Le terme «médiation»
désigne tout processus, quelle que soit son appellation, dans lequel les
parties demandent à un tiers de les aider à parvenir à un
règlement amiable d'un litige, d'un rapport conflictuel ou d'un
désaccord (ci-après le «différend»)
découlant d'un rapport juridique, contractuel ou autre ou lié
à un tel rapport, impliquant des personnes physiques ou morales, y
compris des entités publiques ou des États. In Acte uniforme
relatif à la médiation, 23 novembre 2017, JO (entrée en
vigueur : 23 février 2018).
des opérations coercitives aux États et aussi
mettre en place un système dénommé « système
de ressources en attente » (B).
A : La nécessité de la création
d'une armée pour l'ONU
« Je recommande que le Conseil envisage de faire
appel, dans des circonstances clairement définies, à des
unités d'imposition de la paix dont le mandat serait défini
à l'avance
»304. Cette recommandation de Boutros
Boutros-Ghali reflétait son idée de doter l'Organisation
d'unités d'imposition de la paix, destinées à remplir les
tâches excédant la mission traditionnelle des forces de maintien
de la paix et capables de mener par exemple, des « interventions
préventives pour protéger les populations avant la consolidation
de la paix »305.
Á la différence avec les forces de Casques bleus
classiques, ces unités seraient fournies par des États membres et
composées de militaires volontaires et stationnés en
réserve sur le sol de leur pays. Eu égard à la
difficulté présumée des missions qu'elles auraient eu
à accomplir, ces forces devaient être lourdement armées et
particulièrement bien entraînées. Sur le plan juridique il
était prévu que leur déploiement et leur fonctionnement
seraient autorisés par le Conseil de sécurité, au titre de
l'article 40 de la Charte mais qu'à la différence des forces
habituées ces unités seraient placées sous le commandement
en chef du seul Secrétaire général.
En l'occurrence, Boutros Boutros-Ghali ne faisait que
ressusciter un projet remontant à la résolution 377/V de 1950,
par laquelle l'Assemblée générale avait adopté une
recommandation prévoyant pour tous les États membres le maintien,
sous le nom « d'Unités des Nations Unies », de contingents
pouvant être rapidement disponibles. Cette suggestion demeura à
l'état de projet, pour les mêmes raisons qui ont conduit les
membres de l'Organisation à laisser en sommeil la proposition de Brian
Urquhart. Comme l'observe Jean-Pierre Colin, en effet, « cette
idée [...] susceptible de rappeler aux uns les Brigades internationales,
[...] fait aux yeux des autres planer sur la force le spectre du mercenariat
»306. Or, pour la plupart des États membres et, en
tout cas pour les grandes puissances, si mercenariat il doit y avoir, autant
qu'il soit à leur avantage. De la même façon, s'il faut
prêter à l'ONU des troupes, pour parfois
304 Boutros Boutros-Ghali, Agenda pour la paix,
op.cit., par.44.
305 SMOUTS (Marie-Claude), « Pour qui sont ces
soldats ? », in L'ONU et la guerre : La diplomatie en kaki,
Editions Complexe, Bruxelles, 1994, p. 24.
306 COLIN (Jean-Pierre), « Le leadership
américain et révolution actuelle de la sécurité
collective », Presses
universitaires de Nancy, Nancy, 1992, p. 131.
imposer la paix, autant en conserver le commandement direct,
sans passer par le Secrétaire général. Toutes choses au
demeurant, qu'autorise la pratique de la sous-traitance mais que n'aurait pas
permis le système des unités d'imposition de la paix. Un
système qui reste, de ce fait, à l'état de projet, comme,
d'ailleurs, la plupart des autres mesures proposées par Boutros
Boutros-Ghali et visant à « militariser » l'ONU.
Même si aujourd'hui, les temps ont changé, la
réalité est peu probable de voir les États membres
accepter de mettre au service de l'ONU, et surtout sous les ordres du
Secrétaire général, des forces disposant d'un mandat
coercitif et donc susceptibles d'être utilisées dans des actions
de contrainte armée militairement dangereuses et politiquement
délicates, force est de contester le projet est louable et doit
être pris en considération.
À cet égard, la proposition de Brian Urquhart de
créer une force d'imposition de la paix de 5 000 hommes environ
composée de volontaires recrutés spécialement et
directement par l'Organisation307s'avère sans doute plus
réaliste. Elle ne fait elle aussi, que reprendre une idée
énoncée en 1950 par Trygve Lie lui-même. Ce dernier avait
alors proposé la création d'une brigade internationale
composée de tous les volontaires compétents, issus de tous les
États de la société internationale, liés à
l'Organisation par « des engagements valables deux ou trois
ans
» et dotés d'un uniforme particulier et
distinctif. Cette « Brigade des Nations Unies », mise «
à la disposition du Conseil de sécurité »,
aurait été chargée des tâches coercitives, sous la
direction de cet organe et au nom des Nations Unies308.
Même s'il existe un risque qu'une force militaire de
l'ONU soit manipulée par des nations puissantes pour leurs propres
intérêts, compromettant ainsi sa légitimité et son
efficacité elle pourrait éviter les interférences
nationalistes et les conflits d'intérêts qui peuvent surgir
lorsque les États utilisent leur propre militaire pour poursuivre des
objectifs nationaux. Elle pourrait également aider à
réduire les tensions entre les États et à promouvoir une
culture de la coopération et de la Diplomatie.
B : La
nécessité de mettre en place un système de ressources en
attente
L'idée là avait été émise
par Javier Ferez de Cuellar dès 1990, qui avait prié les
États membres d'indiquer le personnel militaire qu'ils seraient
prêts à mettre à la disposition de
307 URQUHART (Brian), «For a UN Volunteer
military Force», New York Rewiew of Books, 10 juin 1993.
308 LIE (Trygve), Au service de la paix,
collection Mémoire du temps présent, Gallimard, Paris, 1957, p.
380.
l'Organisation. Cette idée a été reprise
par Boutros qui a créé, pour l'occasion dans le temps, un groupe
spécial de sept officiers conduit par le colonel français
Gérard Gambiez. Ce groupe s'est fixé pour objectif de «
développer un système de ressources en attente capable
d'être déployé en entier ou en partie, dès le
début de 1994, n 'importe où dans le monde, à la demande
du Secrétaire général, dans un délai convenu, pour
des missions au service des Nations Unies, en exécution d'un mandat du
Conseil de sécurité »309. Ce système
des ressources en attente pour l'ONU et non de l'ONU dit « un Stand-by
System »310 s'avère, à bien des égards
plus réalistes que le projet de création d'un corps permanent de
Casques bleus, à la disposition du Secrétaire
général de l'ONU parfois évoqué par divers
observateurs des relations internationales311.
Comme l'avait expliqué Boutros Boutros-Ghali «
le système des forces et moyens de réserve vise à
permettre de se faire une idée précise des forces et autres
moyens que tout État Membre pourrait tenir prêts comme convenu,
pour les mettre éventuellement à la disposition d'une
opération de maintien de la paix »312. Il s'agirait
donc d'établir à l'avance un stock d'hommes et de
matériel313 sur lequel le Secrétaire
général serait certain de pouvoir compter et qui lui permettrait
d'évaluer, au mieux les capacités réelles d'intervention
de l'Organisation.
L'intérêt principal de ce projet, par rapport au
système antérieur, réside dans le gain de temps
supposé réalisé par l'Organisation. Le Secrétaire
général doit certes toujours obtenir un
309 Colonel Gérard Gambiez, cité par
COLIN (Jean-Pierre), « Le leadership américain et révolution
actuelle de la sécurité collective », Presses
universitaires de Nancy, Nancy, 1992, p. 132.
310 GAMBIEZ (Gérard), « Les ressources
`'en attente'' d'es Nations Unies », Droit et Défense,
N° 94/4, octobre
1994, pp. 50 et ss.
311 Cet hypothétique corps permanent diverge
fondamentalement des forces théoriquement prévues à
l'article
43 de la charte. Il s'agirait en espèce d'un corps de
Casques bleus, soumis à des conditions d'engagement restrictives et dont
l'avantage principal tiendrait dans la Possibilité d'éviter au
Secrétaire générales marchandages auxquels il doit se
livrer pour obtenir des troupes, avant de pouvoir lancer la moindre
opération, pourtant décidée par le Conseil de
sécurité. Sur ce projet, qui a débouché sur la
notion des ressources en attente.
312 Rapport du Secrétaire
général du 30 juin 1994, Arrangements relatifs à des
forces et moyens de réserve pour le maintien de la paix, S/1994/777,
para. 2.
313 D'après ce même rapport
(paragraphe 3), « ces moyens peuvent consister en des formations
militaires. Une police civile, des personnels (civils et militaires)
spécialisés, du matériel spécialisé et
d'autres moyens ». L'Agenda pour la paix suggérait
déjà la constitution d'un stock de matériel de base
(véhicules, matériel de transmission, etc.), dans lequel il
pourrait être puisé dès le lancement d'une
opération. La constituons d'un tel stock permettait de résoudre
le Problème du manque de matériel de certains contingents
très mal équipés, qui oblige les Nations Unies à en
acheter sur place ou à solliciter constamment les contributions
volontaires d'autres États membres. Boutros Boutros-Ghali, Agenda
pour la paix, op.cit., para 45.
accord des États, mais celui-ci a été
pour partie déjà donner. Il sait donc à quoi s'en tenir et
vers quels États prioritairement se tourner pour un acquiescement qui
devrait être de principe, sauf circonstances très
particulières.
Actuellement, très peu d'opérations peuvent
démarrer immédiatement après avoir été
autorisées par le Conseil de sécurité, il faut d'abord,
évaluer le coût de l'opération établir un budget
prévisionnel et obtenir le financement ; ce qui peut prendre plusieurs
semaines. Il faut ensuite, obtenir des États membres les hommes et la
logistique nécessaires. Le Secrétariat général
doit, à ce stade se livrer à de véritables marchandages
qui prennent du temps. Le système des ressources en attente permettrait,
sinon de supprimer, du moins d'atténuer les conséquences de ces
immanquables tractations et ainsi de gagner de précieuses semaines. Un
tel système garantirait également au Secrétariat
général de gérer au mieux les ressources que sont
prêts à lui fournir les États membres si le stock
s'avère314 insuffisant, il s'abstiendra d'initier une
nouvelle opération. Il l'autoriserait, enfin à compter sur du
personnel immédiatement opérationnel et dont l'équipement
et la spécialisation correspondraient parfaitement aux besoins de la
mission315.
Ce serait là une innovation qui apparaît donc des
plus intéressantes sur le papier mais qu'il faudra encore traduire en
pratique mais s'il présente en effet de notre point de vue, comme de
celui de David Ruzié « une faiblesse essentielle : celle
d'être, en dernière analyse, tributaire de l'acceptation des
États de participer à une opération donnée
»316.
314 Sur les trop longs délais que
nécessité la mise en place d'une opération de maintien de
la paix. Voir ZACKLIN (Ralph), « capacités financières et
techniques des organisations internationales : financement et gestion des
opérations de maintien de la paix de l'Organisation des Nations Unies
», in SGDN, « Sécurité collective et crises
'internationales », SGDN/La Documentation Française,
Paris, 1994, pp. 415-416.
315 Cf. le rapport du Secrétaire
général du 30 juin 1994, sur les arrangements relatifs à
des forces et moyens de réserve pour le maintien de la paix : « Les
effectifs fournis dans le cadre du système de forces et moyens de
réserve doivent être pleinement opérationnels, y compris
disposer du matériel dont ils ont besoin pour fonctionner ».
S/1994/777, para. 4.
316 David Ruzié, « Le cadre juridique des
interventions françaises au Rwanda », Droit et
Défense, Octobre 1994,
p. 5.
CONCLUSION GENERALE
L'environnement international actuel, marqué par de
graves soubresauts politiques et géopolitiques laisse à penser
que la société internationale va entrer dans une nouvelle phase
de conflit perpétuel des États souverains entre eux. Le droit
international public qui est censé ériger les règles qui
vont régir les relations entre les sujets du droit international montre
un visage de fébrilité qui se révèle
rédhibitoire à la conduite des bonnes relations sur la
scène internationale.
Le constat est préoccupant. La notion de paix est
restée lettre morte et se resigne dorénavant qu'à la place
des grands principes illusoires des hautes sphères de gouvernance
mondiale. De l'absentéisme de volonté des États en
occurrence les super puissances aux violations massives des règles
cardinales qui sous-tendent, les raisons sont nombreuses et nous permettent
d'affirmer que le droit international est en crise.
Ainsi, la première partie s'est donnée pour
objectif d'évaluer la crise du droit international. À ce titre,
il convenait d'étudier les facteurs clés qui démontrent
cet état de crise. Il est apparu nettement dans la conduite de la
communauté internationale des atteintes massives au principes
sacrosaints du droit international ce qui fausse l'effectivité de ces
principes et les fait tomber de leur piédestal et aussi certaines
institutions en l'occurrence l'Organisation des Nations Unies qui a le monopole
de la conduite des relations internationales perdent leur
légitimité.
L'étude de cette situation a alors conduit au constat
suivant : d'une part la défaillance de la notion de souveraineté
qui est l'un des principes cardinaux du droit international à cause de
sa double consécration notamment conventionnelle et jurisprudentielle et
sa présence dans toutes les chartes communautaires lui conférant
un statut de pierre angulaire des rapports interétatiques et d'autre
part le déclin de l'interdiction du recours à la force. Le
recours non autorisé à la force militaire, les sanctions
économiques et les opérations secrètes ne sont que
quelques exemples de la manière dont les États violent ces
principes.
Au demeurant, leur mépris conduit à une rupture
de la confiance et de la communication entre les États, créant
ainsi un environnement propice aux conflits et à l'instabilité.
De plus, le recours à des forces par procuration, à des groupes
terroristes et à des cyberattaques comme outils de politique
étrangère érode encore davantage le principe de
souveraineté et l'interdiction
du recours à la force, rendant de plus en plus
difficile la distinction entre les affaires intérieures et
internationales.
En outre, l'application sélective de ces principes,
selon lesquels certains États bénéficient d'une plus
grande protection que d'autres, suscitent du ressentiment et de la
méfiance entre les nations. Ce double standard s'observe dans la
manière dont certains États s'empressent de défendre leurs
propres intérêts tout en ignorant la souveraineté des
autres. Le respect du principe de souveraineté des États est
crucial pour maintenir la stabilité et l'intégrité du
système international. Cependant, la tendance croissante à
l'interventionnisme et l'estompage des frontières entre les affaires
intérieures et internationales pose des défis importants à
ce principe fondamental. L'utilisation non autorisée de la force
militaire, les sanctions économiques et la cyber ingérence
menacent toutes la souveraineté des nations, sapant les fondements
mêmes de l'ordre international.
Un constat très important à faire aussi c'est la
paralysie institutionnelle que nous observons auprès de l'ONU qui est
censé assurer, garantir la paix et la sécurité
internationale. Pour comprendre cette posture latente affichée par l'ONU
et ses organes, il faut examiner la nomenclature de ces organes dont les supers
et hypers puissances ont le monopole des décisions ce qui soumet les
États tiers à faible incidence politique à des rôles
ou des marges de manoeuvre résiduelles. Ainsi, les actions de l'ONU ont
toujours une portée politique qui sans doute respecte les
intérêts des grandes puissances. L'organe le plus
décrié aujourd'hui c'est le Conseil de sécurité,
qui fait objet d'une captivité notoire par le mécanisme de membre
permanent et de Veto dont dispose certains États. Ce qui ne
répond, par ailleurs, à la nouvelle configuration du Monde. Il
y'a ce syntagme de "géométrie variable" qui encadre les actions
du conseil de sécurité de l'ONU sinon comment peut-on condamner
les actions de la Russie en Ukraine avec une grande ferveur et rester passif
face aux multiples violations de l'Israël en Palestine. Le droit
international humanitaire s'applique-t-il à géométrie
variable ? En tout cas, ce n'est pas ce que postule l'esprit des quatre
conventions de Genève et leurs protocoles additionnels mais les actions
des États et les institutions qu'ils incarnent, s'écartent de la
réalité. Comme le dit si bien Richard K. Betts, « les
interventions qui refusent de tenir compte des causes du problème et
tendent à être impartiales, deviennent des compromis qui tuent.
Elles empêchent la paix qu'elles cherchent à établir
d'être créée »317.
317 BETTS (Richard Kevin), «Thé
Delusion of Impartial Intervention», Foreign Affairs, Vol. 73,
n° 6, December
1994, pp.20 et ss. (traduction non juridique).
Toutefois, quelle que soit la voie à suivre, il est
clair que le système international se trouve à un tournant
critique. Les choix faits par les décideurs politiques, les
universitaires et les acteurs de la société civile dans les
années à venir auront des implications significatives sur
l'avenir de la gouvernance mondiale et sur la capacité de la
communauté internationale à relever les défis pressants de
notre époque. Il est donc essentiel que nous abordions ce moment avec
courage, créativité et un profond engagement envers les principes
de justice, d'égalité et de dignité humaine.
Quant à la deuxième partie, elle nous a permis
de jauger la résilience de ce droit qui tant bien que mal, essaie de
survivre, de réaffirmer son existence de par sa normativité dans
certains domaines comme la protection des droits de l'Homme
(réfugiés, apatrides, les investisseurs à
l'étranger, diplomatique et consulaire) et aussi dans la protection de
l'environnement en l'occurrence la réparation des dommages
environnementaux. Également, le droit international réaffirme sa
résilience de par les perspectives de solutions qui sont
présagées. Même si la mise en oeuvre n'est pas manifeste,
du moins ça renvoie à l'idée selon laquelle les penseurs
de cette discipline et même les États ne se resignent pas face
à cette crise.
En fin de compte, la survie du droit international
dépend de l'engagement collectif des États et des autres parties
prenantes à faire respecter et à renforcer l'État de droit
au niveau mondial. En travaillant ensemble, nous pouvons garantir que le droit
international continuera de jouer un rôle essentiel dans la promotion de
la paix, de la justice et des droits de l'homme, et qu'il reste un outil
puissant pour construire un avenir meilleur pour tous. La seule chose qui
manque, c'est la culture de l'intérêt général de la
part des États.
Dans une communauté internationale ou les rapports de
force prennent de jour en jour la place des rapports de droit, peut-on nourrir
l'espoir encore qu'un jour, le droit international reprendra t'il sa lettre de
noblesse ? En tout état de cause ça reste l'énigme
à déchiffrer au fil du temps. Mais nous sommes loin d'annoncer
son glas final. Comme nous l'avait enseigné Olivier HOLMES Wendel Junior
« Ici, comme ailleurs il ne faut jamais injurier
l'avenir ».
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international », Presse de l'Université d'Oxford, 1994,
pp. 178-182.
ü SICILIANOS (Linos-Alexandre), « L'autorisation par le
Conseil de sécurité de recourir à la force : une tentative
d'évaluation », RGDIP, n°1, 2001, pp.74-32.
ü SLIM (Habib), « La Charte et la
sécurité collective : de San Francisco à Baghdâd
», dans SFDI (dir.), Les métamorphoses de la
sécurité collective, Paris, Pedone, 2005, pp. 13-15
ü SMOUTS (Marie-Claude), « La sécurité
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ü SMOUTS (Marie-Claude), « Pour qui sont ces soldats ?
», in L'ONU et la guerre : La diplomatie en kaki, Editions
Complexe, Bruxelles, 1994, pp. 24-54.
ü SOREL (Jean-Marc), « Existe-t-il une
définition universelle du terrorisme », in CHRISKATIS
(Théodore), dir., Le droit international face au terrorisme,
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ü STERN (Brigitte), « La sécurité
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Sécurité collective et crises internationales, SGDN, La
documentation française, 1994, pp. 145.
ü SUR (Serge), « La conduite des hostilités et
les aspects militaires du conflit », in Brigitte STERN (Dir.), Les
aspects juridiques de la crise et de la guerre du Golfe, CEDIN,
Montchrestien, Paris, 1991, pp. 217 et ss.
ü VENEZIA (Jean-Claude), « La notion de
représailles en droit international public »,
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ü VERWEIJEN (Judith.) et WAKENGE (Iguma Claude.), «
Comprendre la prolifération des Groupes armés dans l'Est du Congo
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pp.213-247.
ü VIRALLY (MICHEL), « Réflexions sur le jus
cogens », AFDI, 1966, pp. 5-9
ü ZACKLIN (Ralph), « capacités
financières et techniques des organisations internationales :
financement et gestion des opérations de maintien de la paix de
l'Organisation des Nations Unies », in SGDN, «
Sécurité collective et crises 'internationales »,
SGDN/La Documentation Française, Paris, 1994, pp. 415-416.
IV. Thèses et Mémoires
ü ALASSANI (Zéinatou), L'évolution du droit de
recourir à la force : vers une reconnaissance de l'autorisation
implicite, Thèse de doctorat, sous la direction de Philippe Lagrange ,
Philippe Guillot et de Dodzi Kokoroko, Université de Normandie, 2019.
ü DIOP (Abdou-Khadre), la notion d'Etat en droit
international et en droit européen : de l'impossible approche
conceptuelle au nécessaire approche fonctionnelle, thèse de
doctorat en cotutelle avec l'université de Bordeau et Laval, sous la
direction de
Messieurs les Professeurs Loïc GRARD et Olivier DELAS
soutenue publiquement le 17 juin 2017.
ü HUGUES FOUA (Hermann), « L'environnement devant la
Cour Internationale de Justice », thèse de doctorat,
Université Felix Houphouët-Boigny d'Abidjan,2017- 2018.
ü KOFFI (Kouadio), la compétence universelle des
juridictions nationales en matière de crimes internationaux,
mémoire de master, sous la direction de MELEDJE DJEDJRO Francisco,
Institut de la Dignité et des Droits Humains, 2016.
ü KRAIEM-DRIDI (Mouna), La responsabilité du chef
de l'Etat, Thèse de doctorat, sous la direction du Prof. Rafâa Ben
Achour, FSJPST, Tunis, 2005.
ü LAGRANGE (Philippe), La sous-traitance de la gestion
coercitive des crises par le Conseil de sécurité des Nations
Unies, thèse de doctorat, sous la direction de Patricia BUIRETTE ,
Université de Poitier, 1999.
ü MORTIER (Pauline), Les métamorphoses de la
souveraineté, sous la direction M. Armel PECHEUL, thèse de
doctorat, Université d'Anger, 2011.
ü PLI (Dougbo Abel), La réforme du Conseil de
sécurité des Nations Unies, mémoire de master, sous la
direction de Daniel TURP, UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL, 2014.
ü QUIRICO (OLIVIER), Réflexion sur le
système du droit international pénal, thèse de doctorat,
sous la direction de Jean marie CROUZATIER, Université Toulouse 1,
2005.
V. Jurisprudences et Avis
§ Cour internationale de justice
ü CIJ, activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),
arrêt du 27 juin 1986, Rec. 1986.
ü CIJ, affaire du Sahara occidental, avis du 16 octobre
1975, Rec. 1975.
ü CIJ, certaines activités menées par le
Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica
c. Nicaragua), 02 février 2018.
ü CIJ, avis consultatif sur l'affaire du Détroit de
Corfou, Recueil 1949,
ü CIJ, arrêt, 6 avril 1955, Nottebohm, Rec. CIJ,
1955.
ü CIJ, arrêt, 5 février 1970, Barcelona
Traction (Belgique c/ Espagne), (fond), Rec., 1970.
ü CIJ, affaire épandages aériens d'herbicide,
Equateur c/. Colombie, 2013, N° 17526.
ü CIJ, affaire Gabcikovo Nagymaros, arrêt du 25
septembre 1997, Rec., 1997.
ü CIJ, affaire des plates-formes pétrolières
(République islamique d'Iran c. Etats-Unis d'Amérique), 6
novembre 2003
ü CIJ, avis consultatif sur les Conséquences
juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien
occupé, 09 juillet 2004.
ü CIJ, avis consultatif sur la licéité de la
menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, rec. 226, 1996.
ü CIJ, avis consultatif sur les Conséquences
juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en
Namibie (Sud-Ouest africain), 21 juin 1971.
§ Cour européenne des droits de l'homme (et
ancienne Commission européenne des droits de l'homme
ü CEDH, Arrêt relatif au refoulement de migrant sans
examen de leur situation individuelle constitutif d'une expulsion collective
les exposant à un risque de traitement inhumain et dégradant
(HIRSI JAMAA ET A. C. Italie), du 23 février 2012.
ü CEDH, M.A. c. DANEMARK, 09 juillet 2021, 001-211258.
ü CEDH, MK c. la France, 2018, n° 72711/11.
ü CEDH, Usmanov c. Russie, 2020, n° 43936/18.
ü CEDH, KHLAIFIA ET AUTRES c. Italie,2019, 16483/12
ü CEDH, Abdoulaye Camara c. Belgique, 2023, 49255/22.
§ Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples
ü CADH, 02 décembre 2021, Anudo Ochieng C.
RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE, REQUÊTE N° 012/2015.
ü CADH, 18 NOVEMBRE 2016, Action Pour la Protection des
Droit de l'Homme (APDH) c. LA REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE, REQUETE
N°001/2014.
§ Autres juridictions et instances
arbitrales
-Tribunal Pénal International pour
l'ex-Yougoslavie.
ü TPIY, affaire Numéro IT-95-17/1-7, 10
décembre 1998, Le Procureur c. Anto Furundzija.
ü TPIY, Chambre d'appel, Procureur c. Tadic, IT-94-1-AR72,
par.94-127, 2 octobre 1995.
-Tribunal militaire International de Nuremberg
ü Tribunal militaire international, Nuremberg, 14 novembre
1945 - 1er octobre 1946, Nuremberg, 1947, vol. I.
-Tribunal Spécial pour la Sierra Leonne
ü Tribunal Spécial pour la Sierra Leone (T.S.S.L.),
Le Procureur contre Issa Hassan Sesay, Morris Kallon, Augustine Gbao,
SCSL-2004-15-PT, 13 mai 2004.
§ Centre international pour le règlement des
différends relatifs aux investissements
ü CIRDI, Sentence du 13 novembre 2000, Maffezini c. Espagne,
Aff. N° ARB/97/7
ü CIRDI, décision sur la compétence, 1er
décembre 2000, Ceskoslovenska Obchodni Banka, A.S. c./ République
Slovaque, Aff. N° ARB/97/4.
ü CIRDI, sentence du 10 mars 2014, Tulip Real Estate
Investment and Development Netherlands B.V. c. Turquie, Aff. N°
ARB/11/28.
VI. Dictionnaires
ü CORNU (Gérard) (dir.), Vocabulaire juridique,
Paris, P.U.F., coll. Quadrige, 2018, 12e éd., 1152p.
ü Dictionnaire de sociologie, revu par MADKOUR (I), Institut
égyptien public du livre, Egypte, 2008.
ü Dictionnaire du vocabulaire juridique, 6ème
éd., LexisNexis, Paris, 2015.
ü Dictionnaire LAROUSSE, éd. 2009
ü SALOMON (Jean), Dictionnaire de droit international
public, éd. Bruylant, 2001, 1200p.
TABLE DES MATIERES
SIGLES, ABREVIATIONS et ACRONYMES iv
SOMMAIRE v
EPIGRAPHE vi
INTRODUCTION 1
TITRE I - Une crise constatée du droit
international 11
Chapitre I - une crise d'effectivité
constatée 12
Section I - La défaillance de l'exercice de la
souveraineté étatique 13
Paragraphe 1 : Un principe consacré en droit
international 14
A : Le Rappel du principe 14
B : Les corollaires du principe 18
Paragraphe 2 : Un principe redéfini par les Etats
puissants 20
A : De la non-ingérence à
l'ingérence 20
B : Du devoir d'ingérence à la
responsabilité de protéger 26
Section II - Le déclin de l'interdiction du
recours à la force 32
Paragraphe 1 : Un principe affirmé en droit
international 32
A : Le sens du principe 32
B : Les exceptions admises au principe 35
Paragraphe 2 : Un principe Transgressé 38
A : Une transgression par des acteurs non
étatiques 38
B : Une transgression par des Acteurs Étatiques
40
Chapitre II - Une crise de légitimité
constatée 44
Section I - Le cas de l'Organisation des Nations Unies
45
Paragraphe 1 : Des difficultés endogènes :
le cas du Conseil de Sécurité 45
A : Une composition décriée 45
B : Une défaillance du système de
sécurité collective 48
Paragraphe 2 : Des difficultés exogènes
51
A : La multiplicité des acteurs et conflits
51
B : Le bilan morose des missions de maintien de paix 53
Section II - Le cas de la justice internationale 58
Paragraphe 1 : La problématique de
l'indépendance de la CIJ 58
A : Une indépendance critiquée 59
B : Une indépendance limitée 62
Paragraphe 2 : La question de l'impartialité de
la CPI 64
A : Une impartialité décriée
65
B : Une abondance d'impunités 69
TITRE II - Une crise à relativiser du droit international
70
Chapitre I- Des Efforts de résilience
constatés 74
Section I - En matière de protection des
individus 75
Paragraphe 1 : En matière de protection des
réfugiés et des apatrides 75
A : Un cadre conventionnel adapté 75
B : Un cadre juridictionnel dynamisé 78
Paragraphe 2 : En matière de protection des
investisseurs étrangers 82
A : Des garanties juridiques 82
B : Des garanties juridictionnelles 85
Section II - En matière de protection de
l'environnement 89
Paragraphe 1 : Une remarquable solidarité des
États 90
A : Une obligation collective 91
B : Une exigence économique 92
Paragraphe 2 : Une contribution remarquable de la
justice internationale 94
A : Dans la promotion des principes du D.I.E 94
B : Dans la réparation des dommages
environnementaux 97
Chapitre II - Des perspectives de renaissance
souhaitées 101
Section I - La réforme impérative du conseil de
sécurité 102
Paragraphe 1 : Des propositions existantes 102
A : Les propositions des Groupes de travail 102
B : Les propositions des groupes d'États
104
Paragraphes 2 : Des propositions novatrices 106
A : L'élargissement du Conseil de
Sécurité 106
B : Le réaménagement du droit de veto
109
Section II - Le renforcement des mesures de paix 111
Paragraphe 1 : Les mesures pacifiques 111
A : La promotion de la diplomatie préventive
111
B : La promotion du règlement pacifique des
différends 114
Paragraphe 2 : Les mesures coercitives 115
A : La nécessité de création d'une
armée propre l'ONU 116
B : La nécessité de mettre en place un
système de ressources en attente 117
CONCLUSION GENERALE 120
BIBLIOGRAPHIE 123
TABLE DES MATIERES viii
Nom et Prénom : SOSSOU Gbedokoun
Eusêbe
Titre du mémoire : Le Droit
International est-il en crise ?
Résumé :
Ce travail de mémoire porte sur le sujet « le
droit international est-il en crise ? », La dénomination
« droit international » est aujourd'hui celle qui est la plus
couramment employée pour désigner le droit de la
société internationale. Elle est la traduction de
l'expression « International Law » dont la paternité revient
à Jeremy BENTHAM. La crise, selon CORNU Gérard, c'est une
situation troublée (souvent conflictuelle) qui à raison de sa
gravité, justifie des mesures d'exceptions, que ce soit en sociologie,
en économie ou en relations internationales, révèle la
difficulté à en cerner de façon générique
les causes, caractéristiques et conséquences pour l'environnement
dans lequel elle prend place.
Cette étude a donc été menée dans
un environnement international actuel, marqué par des graves soubresauts
politiques et géopolitiques qui laissent à penser que la
société internationale va entrer dans une nouvelle phase de
conflit perpétuel des États souverains entre eux. Le droit
international public qui est censé ériger les règles qui
vont régir les relations entre les sujets de la communauté
internationale montre un visage de fébrilité qui se
révèle rédhibitoire à la conduite des bonnes
relations sur la scène internationale.
Il s'agit alors, à travers cette étude
d'analyser l'hégémonie du droit international par rapport
à l'évolution de la société internationale.
Dès lors, cela a fait ressortir dans un premier temps,
une crise constatée de ce droit qui s'est fait ressentir sur le plan de
la légitimité et de l'effectivité. Dans un second temps
à relativiser la crise, grâce à la normativité
remarquable que montre le droit international public dans certains domaines
comme l'environnement et la protection des individus.
Mots clés : Droit,
international, et Crise.
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