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Le Rwanda: analyse géopolitique d'une puissance émergente africaine


par Guy Herod PAMBO MIHINDOU
Université Omar Bongo - Master 2023
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ OMAR BONGO

.........................

 

FACULTÉ DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

.........................

DÉPARTEMENT DES SCIENCES GÉOGRAPHIQUES,
ENVIRONNEMENTALES ET MARINES

........................

Master Recherche : Géosciences Politiques du Monde Contemporain

Mémoire de fin de cycle

LE RWANDA : GÉOPOLITIQUE D'UNE PUISSANCE ÉMERGENTE AFRICAINE

Présenté et soutenu publiquement par :
PAMBO MIHINDOU Guy Herod

Sous la direction de :

Pr. Serge LOUNGOU

Maître de conférences CAMES en géographie politique

Année académique : 2022-2023

À

Mon grand-père MOULOUNGUI Apollinaire.

II

REMERCIEMENTS

J'adresse ma gratitude à toutes ces personnes qui de près ou de loin, ont participé à l'aboutissement de ce travail. Il s'agit notamment de :

-Mon Directeur de mémoire, le Professeur Serge LOUNGOU, dont les conseils et les orientations m'ont été d'un apport inestimable ;

-Toute l'équipe pédagogique du Département des Sciences Géographiques, Environnementales et Marines (DSGEM) de l'Université Omar Bongo, ainsi que les intervenants associés au Centre d'Études et de Recherches en Géosciences Politiques et Prospective (CERGEP) ;

-Ma famille pour le soutien indéfectible ;

-La promotion 2021-2023 du Master Recherche GPMC pour tous les échanges fructueux autour des Géosciences Politiques ;

-Monsieur Hans De Marie HEUNGOUP (Analyste Politique Principal de la REPAC-OIF), pour ses conseils et son soutien ;

-Monsieur KINGA MIHINDOU Carmel Léger ; -Madame Samia CHABOUNI ;

-Mademoiselle OBONE MBA Cécilia Ariane ; -Monsieur MOUDOUNGA MOUDOUNGA Andy ; -Mademoiselle NGAKA DIVASSA Camille ; -Monsieur MEKAME BIE Kevin ;

-Monsieur METOULOU Larry ;

-Monsieur EDOU METOGO Léon.

III

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE 6

PREMIERE PARTIE

LES FONDEMENTS D'UN DÉPLOIEMENT DIPLOMATIQUE ET MILITAIRE

INTENSE SUR LE CONTINENT 21

CHAPITRE 1. La géographie physique et humaine du rwanda 22

1.1. Le cadre physique 22

1.2. Les caractéristiques démographiques et économiques 24

CHAPITRE 2. Les mobiles d'une diplomatie active sur le continent africain 33

2.1. Les relations avec son voisinage et le sentiment d'encerclement comme mobiles

d'une diplomatie active. 33

2.2. Les mobiles économiques, sécuritaires et politiques du déploiement rwandais en

Afrique 49

DEUXIEME PARTIE

L'AFRIQUE, ESPACE DE PROJECTION PRIVILEGIÉ DU RWANDA 54

CHAPITRE 3. Les leviers de la politique étrangère du rwanda en afrique 55

3.1. Les leviers historiques et politico-diplomatiques 55

3.2. Les leviers militaires et les moyens de séduction 65

CHAPITRE 4. Les limites de la puissance rwandaise et de son deploiement en afrique 83

4.1. La dépendance du Rwanda vis-à-vis de ses partenaires étrangers 83

4.2. Les stratégies rivales et la lutte pour l'influence dans les grands lacs et au-delà 89

CONCLUSION GÉNÉRALE 97

BIBLIOGRAPHIE 97

TABLE DES ILLUSTRATIONS 97

iv

LISTE DES SIGLES

AFDL : Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Zaïre-Congo

APR : Armée Patriotique Rwandaise

BCDC : Banque commerciale du Congo

BAD : Banque africaine de développement

BM : Banque Mondiale

BNR : Banque Nationale du Rwanda

BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud

CEEAC : Communauté Économique des États d'Afrique Centrale

CEPGL : Communauté Économique des Pays des Grands Lacs

CIRGL : Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs

CNDD-FDD : Conseil National pour la Défense de la Démocratie - Forces de Défense de la

Démocratie

COMESA : Marché Commun de l'Afrique Orientale et australe

EAC : Communauté des États de l'Afrique de l'Est

FAR : Forces armées rwandaises

FARDC : Forces armées de la République démocratique du Congo

FDLR : Front de Libération du Rwanda

FIFA : Fédération Internationale de Football

FISNUA : Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abiyé

FPR : Front Patriotique Rwandais

FRONASA : Front For National Salvation

ICCA : International Congress and Convention Association

KCB : Kenya Commercial Bank

KCC : Kigali Convention Centre

M23 : Mouvement du 23 Mars

MINUAD : Mission conjointe des Nations Unies et l'Union africaine au Darfour

MINUSCA : Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en

Centrafrique

V

MINUSMA : Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au

Mali

MINUSS : Mission des Nations Unies au Soudan du Sud

MLC : Mouvement de Libération du Congo

MONUSCO : Missions des Nations Unies pour la Stabilisation en RD Congo

NRA : National Resitance Army

OIF : Organisation Internationale de la Francophonie

OTAN : Organisation du Traité d'Atlantique Nord

PIB : Produit Intérieur Brut

PNB : Produit National Brut

RCA : République Centrafricaine

RCD : Rassemblement Congolais pour la Démocratie

RDC : République Démocratique du Congo

RED Tabara : Résistance pour un Etat de droit au Burundi

RFI : Radio France Internationale

RNC : Congrès national du Rwanda

RPA : Rwanda Peace Academy

SDN : Société des Nations

TMB : Trust Merchant Bank

UA : Union Africaine

UE : Union Européenne

URSS : Union des République Socialistes Soviétiques

ZLECAF : Zone de Libre Échange Continentale Africaine

INTRODUCTION GENERALE

7

1. Justification du sujet

1.1. Intérêt du sujet

Au lendemain de la guerre civile et du génocide des Tutsis entre 1990 et 1994, le Rwanda était quasiment un État failli1. En plus de considérables pertes humaines estimées à plus de 800 000 morts, l'économie du pays était totalement en ruine, le PIB par habitant était réduit de moitié, passant de 420 à 221 de dollars US entre 1993 et 1994.2 Dans ce contexte, les perspectives de développement économique du pays apparaissaient sombres. De plus, la configuration géographique du Rwanda présente de nombreux désavantages : territoire enclavé, il dispose d'une superficie de 26 338 km2 pour une population estimée à 13 millions d'habitants, soit une forte densité de population (460 h/Km2) et, par conséquent, une intense pression sur les terres cultivables pour ce pays essentiellement agricole.

Bien que handicapé par le manque de ressources naturelles stratégiques, l'enclavement et l'étroitesse de son territoire, le Rwanda a réussi à décoller sur le plan économique et à s'imposer sur la scène africaine comme un acteur géopolitique majeur, grâce à de bons résultats économiques, une stabilité politique et sécuritaire incarné par la gouvernance de Paul Kagame, au pouvoir depuis mars 2000. Celui-ci a ainsi réussi à faire du Rwanda un pays attractif et qui compte au niveau africain par son leadership, la qualité de sa gouvernance et le dynamisme de son économie. En effet, si ce micro-État3 a longtemps été tristement célèbre en raison du génocide des Tutsis, aujourd'hui la situation a bien changé ; il est désormais apprécié pour ses performances économiques, au point de susciter l'admiration des plus grandes puissances du monde, notamment les États-Unis d'Amérique, la Grande Bretagne et la Chine, avec lesquelles il a établi des partenariats dans divers domaines. Ce revirement de situation est à la fois fort intéressant et surprenant, car rien ne prédestinait le Rwanda à jouer les premiers rôles sur le continent, encore moins au sortir du génocide de 1994. Ce pays se distingue désormais par un déploiement diplomatique important, comme en témoigne la présence de ses forces armées sur plusieurs théâtres de conflits, notamment dans le cadre des missions de maintien de la paix de l'ONU (Darfour, République Centrafricaine, Mozambique). De fait, le Rwanda prend de plus en plus de place sur le continent et affiche une politique étrangère active, recherchant des

1 D. BAUCHARD. (2011). Introduction. Politique étrangère, (1), pp.10-15.

Selon le Crisis States Research Centre de la London School of Economics cette qualification s'applique quand un État est incapable de remplir ses fonctions de base, et notamment d'assurer la sécurité, intérieure comme extérieure, bien qu'il dispose de la force légitime.

2 J. PORTE. (2021). Rwanda : un modèle de développement efficace face au défi de sa soutenabilité. In Rwanda : un modèle de développement efficace face au défi de sa soutenabilité. Agence française de développement, pp. 136.

3 Du point de vue de la morphométrie territoriale, c'est un Etat dont la superficie oscille entre 50 000 km2 et 100 000 km2.

8

opportunités économiques et stratégiques partout dans le monde. Les contrats de partenariats signés avec les prestigieux clubs de football européens du Paris Saint-Germain et d'Arsenal, entre autres exemples, sont des éléments qui témoignent de ses ambitions dans la quête de puissance au niveau international. Le Rwanda déjoue ainsi les analyses classiques au sujet des « petits pays enclavés » et parvient à jouer un rôle géopolitique généralement dévolu à d'autres.4

L'intérêt de la présente étude est d'apporter un éclairage sur les motivations du Rwanda et les leviers qu'il mobilise pour peser sur les affaires du continent en tant que puissance émergente. Elle vient compléter les études qui ont déjà été réalisées sur ce pays en matière de politique étrangère, notamment ceux de Samia Chabouni5 et Paul-Simon Handy6.

1.2. Objet, objectifs et champ de l'étude

Notre travail a pour objet la montée en puissance de l'État du Rwanda en Afrique et s'articule autour de quatre concepts-clés : géopolitique, puissance, puissance émergente et petit État. Dans la littérature scientifique, ces différents concepts font l'objet de diverses interprétations et définitions. Il est donc important de les clarifier en précisant le sens de leur utilisation dans le cadre de notre étude.

La géopolitique est, selon Yves Lacoste, « l'étude des différents types de rivalités de pouvoir sur les territoires »7. Autrement dit, elle étudie les adversités, les concurrences et les conflits potentiels qu'il peut y avoir sur un territoire entre plusieurs acteurs pour davantage de contrôle et pour sa maîtrise.

Avant de définir ce qu'est une puissance émergente, il convient de définir la notion de puissance. De prime abord, celle-ci est difficile à cerner et à caractériser, car les critères qui permettent de l'évaluer sont sans cesse fluctuants et évolutifs. En relations internationales, tout comme en géopolitique, de nombreux spécialistes s'accordent à la définir comme étant la capacité d'agir que possède un acteur sur la scène internationale. Ainsi, selon Samuel Huntington « la puissance c'est la capacité d'un acteur, habituellement mais pas forcément un gouvernement, d'influencer le comportement des autres acteurs qui peuvent être ou ne pas être des gouvernements »8. Dans le même ordre d'idée, Frédéric Encel définit la puissance comme « la capacité d'agir en toute souveraineté, à dissuader efficacement autrui d'entraver cette

4S. CHABOUNI. (2020). Stratégies diplomatiques rwandaises et ambitions de Kagame. In S. ALIDOU (Dir.), Conjonctures de l'Afrique centrale 2020. Paris : L'Harmattan, pp. 61-89.

5 Ibid.

6 P-S. HANDY. (2021, 27 septembre). Rwanda : l'émergence d'une « smart power » africaine. Institut d'études et de sécurité. Disponible à l'adresse : https://issafrica.org/fr/iss-today/rwanda-lemergence-dune-smart-power-africaine

7 P. BONIFACE. (2018). La géopolitique (5e éd.). Paris : Eyrolles, p.13.

8 P. BONIFACE. (Dir.). (1994). La puissance internationale. Paris : Dunod, p.12.

9

capacité, et le pouvoir réel et assumé d'imposer, le cas échéant, son autorité ou du moins d'influer dans son intérêt et à son avantage sur l'environnement politique, militaire, économique ou culturel. »9. Elle repose sur deux types de facteurs : les facteurs « classiques » et les facteurs « novateurs ». Les facteurs « classiques » (ou Hard power) comprennent les moyens coercitifs de la puissance. Il s'agit essentiellement des capacités militaires, de la dimension du territoire, de la taille démographique et des moyens économiques. Les facteurs « novateurs » (ou Soft power) reposent sur les éléments non coercitifs de la puissance. Ils visent à contraindre ou persuader d'autres acteurs sans avoir recours à la force.10 Développé par Joseph Nye dans les années 1990, le Soft power privilégie la séduction plutôt que la coercition ; il mobilise des ressources intangibles telles que les valeurs culturelles, idéologiques, politiques, l'éducation de même que le rayonnement des institutions.11 Dans son ouvrage intitulé The Means to Success in the World Politic, J.Nye propose une vision qui combine le Hard power et le Soft power : le smart power ou puissance intelligente.12 Selon lui, le pouvoir intelligent n'est ni dur ni doux, c'est l'habile combinaison des deux. La puissance intelligente consiste pour un État à développer une stratégie intégrée qui prend en compte les deux types de puissance pour atteindre ses objectifs. Les éléments de la puissance moderne combinés aux capacités économiques donnent la possibilité aux États moins nantis en ressources naturelles stratégiques, en superficie et même en démographie de tirer leur épingle du jeu sur la scène internationale.

La notion de « puissance émergente » est tout aussi complexe à cerner que celle de puissance tout court. Associé à celui de puissance, le terme « émergence » renvoie en premier lieu à des réalités avant tout économiques. C'est l'économiste néerlandais Antoine Von Agtmaël qui l'a utilisé pour la première fois en 1981; en évoquant l'expression « marchés émergents », il souhaite caractériser la montée en puissance de certains marchés économiques attractifs présents dans les pays en développement (Chine, Russie, Brésil...).13 Jim O'neill, économiste britannique, a introduit en 2001 l'acronyme BRIC14 (Brésil, Russie, Inde et Chine)-qui deviendra BRICS avec l'ajout de l'Afrique du Sud en 2011-pour désigner un groupe de

9 F. ENCEL. (2021). Les voies de la puissance, penser la géopolitique au XXIème siècle. Paris : Odile Jacob,293p. 10S. ROSIERE. (2007). Géographie politique et géopolitique. Une grammaire de l'espace politique. Paris : Ellipses, p.383.

11 J.S.NYE. (1990). Soft power. Foreign policy, (80), pp.153-171.

12 J.S.NYE. (2004). Soft power : The means to success in world politics. Public affairs, 191p. Voir également

J.S.NYE. (2010). Le temps du smart power. Politique internationale, (129), pp.105-116.

13 B. DESCHAUX-DUTARD & B. NIVET. (2015, Octobre). Concepts de puissance et d'émergence. In 19ème colloque de l'Association France-Canada d'études stratégiques (AFCES) : Puissances émergentes et sécurité internationale, une nouvelle donne ? 20, pp. 27-43.

14J.O'NEILL.(2011). Building better global economic BRIC. (66), 16p. Disponible à l'adresse : https://www.goldmansachs.com/insights/archive/archive-pdfs/build-better-brics.pdf

10

pays qui, par leurs poids économiques, sont parvenus à atteindre des niveaux de développement proches de ceux des pays développés. En relations internationales et en géopolitique, une « puissance émergente » est un État qui est appelé à exercer un rôle de premier plan sur les affaires internationales de par son poids économique et démographique, mais aussi de par ses capacités militaires et son influence diplomatique.15 C'est cette définition que nous considérerons dans la présente étude.

La définition du concept de « petit État » dans la terminologie des relations internationales est loin de faire l'unanimité. Cependant, bien qu'une définition qui fasse consensus soit difficile à dégager, un certain nombre de critères, quantitatifs et qualitatifs permettent néanmoins de caractériser et de qualifier les États en relations internationales. Selon les critères quantitatifs, les États sont classés en fonction de leur superficie, population, produit national brut (PNB), produit intérieur brut (PIB/hab.) et de leurs dépenses militaires.16 Pour les critères quantitatifs, une difficulté subsiste au niveau de la définition des seuils devant déterminer la place des États. À quel seuil démographique doit-on parler de « petit État » ? Pour ce critère, par exemple, les organisations internationales telles que le Commonwealth et la Banque Mondiale définissent pour les « petits États » une population d'un demi-million d'habitants17. Le même problème se pose lorsque l'on veut établir la différenciation des États à partir du PNB et du PIB. En plus des seuils difficiles à établir, on peut rencontrer des États aux superficies et aux tailles démographiques modestes qui ont des PNB et des PIB bien supérieurs aux États mieux dotés en superficie et en taille démographique. C'est l'exemple de la Suisse dont la superficie et la démographie18 sont pourtant inférieures à celles de la République Démocratique du Congo (RDC), et présente des indices économiques largement supérieurs à cet État africain, avec un PIB estimé à 84 558 dollars US en 2022, contre à peine 47,23 dollars US pour l'ex-Zaïre19. Les critères qualitatifs reposent, quant à eux, sur la qualité du leadership, la capacité à entraîner l'opinion derrière une cause nationale, la nature du caractère national, le moral de la nation et

15F. LAFARGUE. (2011). Des économies émergentes aux puissances émergentes. Questions internationales, (51), pp.101-108.

16 D.TSAFACK. (2018). La Guinée Équatoriale face au couple Cameroun-Gabon en Afrique centrale (19602012) : Histoire d'un petit État en quête d'émancipation et de puissance (Thèse de doctorat, Université de Dschang),416p. Disponible à l'adresse : https://halshs.archives-ouvertes.fr/tel-02906136

Pour les critères concernant la taille des États voir également : A-L. SANGUIN. (1977). Géographie politique. Paris : Puf, 183p.

17 H.W. ARMSTRONG & R. READ. (2003). The determinants of economic growth in small states. The Round Table, 92(368), pp.99-124.

18 La Suisse a une superficie de 41 285 km2 pour une population de 8 603 900 d'habitants, tandis que la RDC a une superficie de 2 345 000 km2 pour une population évaluée, d'après la banque mondiale, à 108 407 721 d'habitants. (2022)

19 Données économiques et démographiques de la Banque Mondiale 2022.

11

sa confiance en elle.20 Au regard de tous ces critères et définitions, nous considérons comme « petit État » celui dont la superficie oscille entre 20 000 et 150 000 km2. Ce qui est le cas du Rwanda.

La présente recherche a pour objectifs : i) d'examiner l'ensemble des moyens mobilisés par le Rwanda pour peser sur la scène africaine par le truchement des outils du Hard power et du Soft power ; ii) d'analyser la posture du Rwanda sur la scène internationale et ses ambitions. Toute réflexion sur la puissance, les moyens de son exercice et la projection sur un espace de celle-ci sont au coeur de la géopolitique, de la géostratégie et des relations internationales. La notion de puissance est un des maîtres mots de la stratégie et un des concepts-clés des relations internationales, si ce n'est son objet central.21 Pour ces raisons, nous avons choisi d'inscrire notre recherche dans les champs de ces trois disciplines. Nous allons convoquer les notions de géopolitique et des relations internationales pour comprendre ce qui motive les déploiements militaires et diplomatiques du Rwanda sur la scène africaine depuis l'arrivée au pouvoir en 1994 du Front Patriotique Rwandais (FRP). La géostratégie nous aidera à cerner et identifier les stratégies (économiques, politiques, diplomatiques, culturelles et militaires) de projection de la puissance émergente rwandaise au niveau continental.

20 B. TONRA. (2002). Les petits pays ont aussi une politique étrangère. In F. CHARILLON (Dir.), Politique étrangère. Nouveaux regards, Paris : Presses de Sciences Po, pp. 331-359.

21 S. ROSIERE, S. (2007), op.cit., p.9.

12

Carte 1. Le Rwanda à l'échelle de l'Afrique

13

2. Revue de la littérature

Les études sur la politique étrangère et la puissance du Rwanda en Afrique sont relativement récentes. Jusqu'au début des années 2000, ces études portaient essentiellement sur le génocide et les aspects technocratiques ou coercitifs de la mise en oeuvre de l'action publique de ce pays qui connait une croissance économique impressionnante.22 Néanmoins, depuis le début des années 2000, de nombreuses publications de tous ordres ont été consacrées à la diplomatie rwandaise. Les spécialistes de la géopolitique de l'Afrique centrale et particulièrement de la région des Grands lacs africains y consacrent désormais une place de choix dans leurs analyses. De cette abondante littérature, trois éléments explicatifs de la montée en puissance du Rwanda reviennent avec insistance : la «rente du génocide», le recours aux forces armées et les relations diplomatiques difficiles avec les pays voisins.

Dans son article intitulé « Stratégies diplomatiques rwandaises et ambitions de Kagame », Samia Chabouni offre une lecture dualiste de la politique étrangère du Rwanda. D'une part, elle montre comment le Rwanda a su s'imposer sur le continent comme une puissance émergente à travers l'utilisation de ses forces armées, aussi bien de façon agressive que pacifique. D'autre part, elle examine la manière dont le Rwanda se sert du génocide comme un outil de sa politique étrangère. A ce propos, cette auteure qualifie le génocide comme étant une « ressource stratégique » pour la diplomatie rwandaise.23 S'inscrivant dans la même veine, Gaëlle Loir24 et Filip Reyntjens25 mettent en exergue l'usage du génocide comme un outil diplomatique important pour le Rwanda. Parmi les spécialistes qui se sont penchés sur les relations que le Rwanda entretient avec les pays voisins on peut citer : Bernap Leloup, Filip Reyntjens et Pierre Jacquemot. Pour le premier cité, il examine de façon chronologique l'histoire des relations que le Rwanda entretient avec l'Ouganda, en passant par les moments clés de rapprochement jusqu'aux différents moments de tensions et d'affrontements militaires.26 Filip Reyntjens27 et Pierre Jacquemot28 renseignent sur les moyens que le Rwanda a mobilisés pour maintenir sa présence en RDC après le second conflit du Congo notamment via des groupes armés en

22B. CHEMOUNI. (2020). Introduction au thème. La recherche sur l'État rwandais en débat. Politique africaine, 160(4), 7p.

23 S. CHABOUNI. (2015). De la bénédiction à l'isolement : le Rwanda et l'occident vers une nouvelle rupture ? in F. REYNTJENS & al. Annuaire des grands lacs : 2015-2016. Paris : UPA-L'Harmattan, pp.279-297.

24 G. LOIR. (2005). Rwanda : le régime de la dette perpétuelle De l'instrumentalisation des massacres et du génocide en relations internationales. Outre-Terre, (2), pp.415-421.

25 F. REYNTJENS. (2014). Rwanda. Gouverner après le génocide. Bruxelles : Les belles lettres, p.158.

26 B. LELOUP. (2004). Tentatives croisées de déstabilisation dans l'Afrique des Grands Lacs : Le contentieux rwando-ougandais. Politique africaine, (96), pp.119-138.

27 F. REYNTJENS. (2020). L'araignée dans la toile. Le Rwanda au coeur des conflits des Grands Lacs. Hérodote, (1), pp.73-90

28 P. JACQUEMOT. (2014). Le Rwanda et la République démocratique du Congo : David et Goliath dans les Grands Lacs. Revue internationale et stratégique, (3), pp.32-42.

14

particulier celui du M23 (ex CND). Ils expliquent comment le Rwanda a pu devenir un acteur incontournable de la géopolitique régionale des Grands lacs en usant de la force. Serge Loungou aborde également la question des groupes armés à l'est de la RDC (notamment le M23 soutenu par le Rwanda) dans un article où il démontre que l'exploitation illicite des matières premières est un facteur qui explique la pérennisation des conflits dans cette partie du Congo.29 Sur l'émergence de la puissance du Rwanda en Afrique, on note aussi les travaux de Worou A. Chérif. Celui-ci, fait une analyse de la diplomatie rwandaise, avec en point d'orgue ses relations avec les grandes puissances occidentales et les éléments qui caractérisent la puissance rwandaise sur les plans économique et militaire.30

Si les études sur la diplomatie du Rwanda en Afrique semblent désormais abondantes, les motivations de son déploiement intense sur le continent n'ont pas, à notre humble connaissance, fait l'objet d'une étude scientifique poussée. Tout en s'appuyant sur les différents travaux précités, notre étude voudrait approfondir la réflexion sur la diplomatie rwandaise et contribuer à combler les manquements observés en apportant un éclairage sur les raisons du déploiement du Rwanda en Afrique, ainsi que sur les leviers qu'il mobilise pour asseoir son influence à l'échelle continentale.

29S. LOUNGOU. (2002). Economies parallèles et pérennisation des conflits armés en Afrique subsaharienne. Stratégique, (80), pp.89-109.

30A.C. WOROU. (2019). Analyse de la politique étrangère du Rwanda : Émergence d'une puissance régionale (Mémoire de Master). Université Toulouse 1 Capitole,75p.

15

Carte 2.Le Rwanda à l'échelle de l'Afrique centrale

16

3. Problématique et cadre théorique

Depuis son arrivée à la tête du Rwanda en mars 2000, Paul Kagame31 s'est engagé à changer l'image de son pays. Pour y parvenir, il a impulsé une nouvelle ère de gestion du pays sur les plans économique, diplomatique et politique. Les résultats de cette nouvelle impulsion sont perceptibles. Sur le plan économique, le pays a enregistré la croissance économique la plus rapide du continent en 2019, ce qui a permis de réduire la pauvreté. Entre 2000 et 2016, celle-ci est passée de 78 % à 57 % de la population.32 Sur le plan diplomatique, le Rwanda a pu s'adjuger des postes importants dans des grandes organisations internationales. L'ancienne ministre des affaires étrangères Louise Mushikiwabo a été élue la tête de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) en 2018 ; Monique Nsanzabaganwa, ancienne vice-gouverneur de la Banque Nationale du Rwanda (BNR), a été élue vice-présidente de la Commission de l'Union africaine (UA) en février 2021, chargée d'améliorer la mise en oeuvre de la réforme de l'organisation ; François Kanimba, un autre rwandais, occupe depuis 2020 le poste de commissaire au marché commun, affaires économiques, monétaires et financières de la Communauté Économique des États d'Afrique Centrale (CEEAC).En outre, sa capitale Kigali est devenue une des places fortes du tourisme des affaires sur le continent, où se déroulent chaque année des grandes conférences internationales.33 Enfin, l'armée rwandaise est devenue non seulement la principale force de la région des Grands-Lacs, mais également l'une des plus disponibles comme force de maintien de la paix en Afrique (Darfour, Soudan du sud, Centrafrique, Mozambique).34 Ainsi, au gré de ses intérêts économiques et sécuritaires, le Rwanda n'hésite pas à faire usage de ses capacités militaires, notamment à l'est de la RDC. En somme, visiblement offensive, l'attitude générale du Rwanda tranche avec celle associée généralement aux « petits États » africains.

Au regard de ce qui précède, nous sommes amené à nous interroger : qu'est-ce qui motive son déploiement diplomatique et militaire sur la scène africaine ? Quels sont les leviers de ce déploiement continental ?

Nous formulons trois hypothèses. Premièrement, à l'exemple d'Israël, le Rwanda parait politiquement isolé dans son environnement proche en raison des relations diplomatiques et

31 Avant d'être président de la République il a été vice-président et ministre de la Défense de 1994 à 2000.

32 B. CHEMOUNI. (2020), op.cit., p.13.

33 Sommet extraordinaire de l'Union Africaine en 2018.

34 F. ENCEL. (2021), op.cit., p.9.

17

politiques difficiles qu'il entretient avec ses voisins.35 En effet, l'État hébreu s'est toujours senti « encerclé » par les États arabes qui l'entourent et soutiennent la cause palestinienne.

Les guerres de Six jours (1967) et du Kippour (1973) sont des exemples concrets de l'hostilité régionale dans laquelle Israël évoluait à l'époque. La guerre menée en 2006 contre le Hezbollah36 dans le sud du Liban a également contribué à renforcer la peur de l'encerclement arabe.37 Au regard des relations pour le moins conflictuelles que le Rwanda entretient avec une partie de son voisinage (RDC, Burundi, Ouganda), nous postulons comme Frédéric Encel que celui-ci considère aussi son environnement régional comme hostile.38 En plus de son enclavement géographique, le Rwanda a développé un complexe d'obsidionalité vis-à-vis de ses voisins. Aussi, le déploiement important du Rwanda en Afrique vise-t-il, entre autres à briser cet encerclement. La diplomatie active du Rwanda matérialisée par la signature de plusieurs accords économiques et/ou militaires avec les États situés dans la deuxième ceinture de son voisinage ( Mozambique, République du Congo, Soudan du Sud, Centrafrique) est dans une moindre mesure, semblable à la stratégie d'alliance de revers adoptée par Israël dans les années 1950 : signer des accords et nouer des alliances avec des pays situés à rebours des pays qui lui sont problématiques ou limitrophes.39

Deuxièmement, depuis son arrivée au pouvoir, Paul Kagame s'attèle à se donner une aura continentale dans une Afrique à la recherche d'un leadership.40 Il n'hésite pas à faire des critiques sur le fonctionnement des instances africaines qu'il estime être trop dépendantes des subventions extérieures, notamment celles venant des grandes puissances. Cette attitude est d'ailleurs appréciée au niveau du continent surtout par une bonne partie de la jeunesse.41 Il a profité de son mandat à la tête de l'Union africaine (du 28 janvier 2018 au 11 février 2019) pour conduire de nombreuses réformes en faveur de l'indépendance de cette organisation continentale. Si les réformes engagées en faveur d'une plus grande intégration et émancipation du continent semblent conforter ses postures panafricanistes, cet engagement africain serait,

35 S. CHABOUNI. (2020), op.cit., p.8.

36 Le Hezbollah (« Parti de Dieu »), est un parti politique et groupe islamiste chiite basé au Liban à Beyrouth fondé en juin 1982 et révélé publiquement en février 1985.

37 C.BRUNEL. (2008, 11 mai). Israël : la peur de l'encerclement. Le Journal du Dimanche. Disponible à l'adresse : https://www.lejdd.fr/International/Israel-la-peur-de-l-encerclement-93301-3278717

38 F. ENCEL. (2018). Atlas géopolitique d'Israël. Paris : Autrement, 98p.

39 P. RAZOUX. (2011). Les déterminants de la pensée stratégique d'Israël. Revue Internationale Stratégique, (82), pp.143-145.

40C.CHATELOT. (2022, 4 janvier). « L'Union africaine manque de dirigeants à la vision réellement panafricaine ». Le monde Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/01/04/l-union-africaine-manque-de-dirigeants-a-la-vision-reellement-panafricaine_6108185_3212.

41 P. BOISSELET. (2016, 5 octobre). Rwanda : Paul Kagame à la conquête de l'Ouest. Jeune Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/mag/359889/politique/rwanda-paul-kagame-a-conquete-de-louest/

18

pour certains, une manière pour lui de faire taire les critiques internes et externes sur la gestion de son pays, ainsi que sur les actions de son armée dans les Grands lacs.42 Paul Kagame serait un « vrai faux panafricaniste » puisque, dans le même temps, il soutient, d'après plusieurs rapports onusiens, des groupes rebelles qui mènent des actions subversives dans son voisinage, ce qui est contraire à l'idée de la solidarité africaine souvent évoquée par les dirigeants rwandais lorsqu'ils déploient leur armée sur d'autres théâtres de conflits africains.43

Troisièmement, l'influence grandissante du Rwanda s'explique en partie par le soutien extérieur important dont il bénéficie pour son développement économique. Le génocide est un élément phare de la diplomatie rwandaise, un levier sur lequel ses promoteurs s'appuient pour attirer une partie des investissements directs et l'aide au développement des pays tels que les États-Unis d'Amérique et la Grande Bretagne. Le pouvoir rwandais joue sur la responsabilité morale de ces pays lors du génocide de 1994. Ainsi, les grandes puissances occidentales, qui d'habitude sont sensibles aux questions des droits humains, semblent indifférentes au sujet de l'implication du Rwanda dans les conflits armés en cours à l'est de la RDC. Selon plusieurs spécialistes, l'État rwandais vit d'une sorte de « rente mémorielle » en jouant sur la culpabilité des grandes puissances. Gaëlle Loir, par exemple, qualifie la politique étrangère du Rwanda comme étant une « diplomatie de la dette »44, tandis que Filip Reyntjens utilise l'expression de « crédit génocide »45.

42 COURRIER INTERNATIONAL. (2023, 10 janvier). Diplomatie. Comment le Rwanda s'est imposé comme

l'acteur sécuritaire incontournable en Afrique. Disponible à l'adresse :
https://www.courrierinternational.com/article/diplomatie-comment-le-rwanda-s-est-impose-comme-l-acteur-securitaire-incontournable-en-afrique

43 GROUPE D'INITIATIVE FRANCE-RWANDA. (2021, 2 juin). Le président Paul Kagame, un vrai-faux panafricaniste. La Tribune Franco-Rwandaise. Disponible à l'adresse : https://www.france-rwanda.info/2019/10/le-president-paul-kagame-un-vrai-faux-panafricaniste.html

44 G. LOIR. (2005), op.cit., p.13.

45 F. REYNTJENS. (2014), op.cit., p.13.

19

Carte 3.Le Rwanda à l'échelle des Grands Lacs

4. 20

Cadre méthodologique

Notre travail s'appuie sur une diversité de ressources écrites et audio-visuelles, pour l'essentiel tirées d'internet. Les sources écrites se répartissent en deux catégories : d'une part celles à caractère académique ou scientifique ; d'autre part celles issues des supports médiatiques et des sites officiels du gouvernement rwandais. Les premières sont constituées d'ouvrages, des travaux académiques ou scientifiques (thèses, mémoires et articles); les secondes comprennent les articles de presse de plusieurs journaux ou revues (Africa Intelligence, Jeune Afrique, Courriel International, Le Monde, Le Soir) et des rapports de plusieurs institutions du Rwanda tirés des sites internet officiels de celles-ci.46

5. Annonce du plan

Le présent mémoire est subdivisé en deux grandes parties, composées chacune de deux chapitres. La première partie est intitulée les fondements d'un déploiement diplomatique et militaire intense sur le continent. Le premier chapitre de cette partie traite de la géographie physique et humaine du Rwanda et le second aborde les mobiles d'une diplomatie active sur le continent africain. La deuxième partie est intitulée l'Afrique, espace de projection privilégié de la diplomatie rwandaise. Nous y aborderons dans un premier temps les leviers de la politique étrangère du Rwanda en Afrique et, dans un second temps, les limites de la puissance du Rwanda.

46 Il s'agit notamment des sites suivants : ( www.minecofin.gov.rw ; minaffet.gov.rw ; mod.gov.rw ; www.statistics.gov.rw).

21

PREMIERE PARTIE

LES FONDEMENTS D'UN DÉPLOIEMENT
DIPLOMATIQUE ET MILITAIRE INTENSE SUR LE
CONTINENT

22

CHAPITRE 1. LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE ET HUMAINE DU

RWANDA

1.1. Le cadre physique

1.1.1. Éléments de géomorphologie et de géologie du Rwanda

Situé dans la région d'Afrique centrale, entre 1°04' et 2°51' de latitude Sud et entre 28°53' et 30°53' de longitude Est, le Rwanda se caractérise du point de vue géomorphologique par un relief montagneux. Cette caractéristique lui vaut le surnom de « pays des mille collines ». En effet, l'altitude moyenne au Rwanda est de de 1 700 mètres ce qui en fait l'un des pays du continent situé sur les terres les plus hautes. Si ce relief est marqué par le chevauchement des pentes abrupts et nombreuses collines, on peut néanmoins distinguer trois grandes unités géomorphologiques. Ainsi, on observe à l'ouest et au centre-nord du pays un relief montagneux constitué de la Crête Congo-Nil et de ses contreforts, de la chaîne de Birunga (volcans) ainsi que des Hautes Terres de Byumba et de Ruhengeri. Cet ensemble se caractérise par un relief abrupt et disséqué avec des vallées encaissées. Mises à part ces vallées, l'altitude y est supérieure à 2 000 mètres. La Crête culmine à 3 000 mètres d'altitude mais reste à son tour dominée par la chaîne des volcans dont le plus haut, le Kalisimbi, culmine à 4 507 mètres d'altitude. Au centre du pays, le relief est dominé par les collines contrairement au centre et surtout au nord où les altitudes culminent à près de 3 000 mètres. C'est d'ailleurs cette partie du pays qui a donné au Rwanda le surnom de pays des mille collines. L'altitude varie, en moyenne, entre 1 500 et 2 000 mètres. C'est une morphologie faiblement disséquée appelée aussi "plateau central." Plus à l'est, s'étend une vaste zone de plateau dite "plateau de l'est" où l'aspect collinaire s'estompe au profit d'un relief plat, monotone, découpé de quelques collines et de vallées lacustres. L'altitude tombe généralement en-dessous de 1 500 mètres. Il faut ajouter qu'à l'ouest, la Crête Congo-Nil domine le lac Kivu qui occupe le graben du rift et se situe à 1 460 mètres d'altitude.47

S'agissant du sol et des richesses du sous-sols le Rwanda est peu doté en ressources naturelles, contrairement à certains de ses voisins (la RDC, la Tanzanie et l'Ouganda). Ses ressources minières se limitent à quelques gisements de cassitérite, de wolfram, de colombo-tantalite, de béryl et d'un peu d'or.

47 MINISTERE DES TERRES, DE LA REINSTALLATION ET DE L'ENVIRONNEMENT. (2003). Politique

nationale de l'environnement. 41p.Disponible à l'adresse :
https://rema.gov.rw/fileadmin/templates/Documents/rema_doc/Policies/Rwanda%20Environmental%20Policy_F rench.pdf

23

Carte 4. Géomorphologie du Rwanda

1.1.2. Le climat

Le Rwanda jouit d'un climat tempéré qui oscillent autour de 18,5°C, et la pluviométrie est de l'ordre de 1 250 mm en moyenne, répartie en deux saisons inégales qui alternent avec une petite et une grande saison sèche. Les variations régionales de la distribution des pluies sont largement calquées sur la configuration de son relief. Son altitude élevée comprise généralement entre 1 400 et 3 000m adoucit les températures et explique le climat tempéré du pays. Dans les faits, les variations de températures se présentent comme suit. À l'ouest et au nord, les régions de la crête, des volcans et des hautes terres de Byumba et Ruhengeri jouissent d'un climat frais (16°C en moyenne) et humide avec une pluviométrie moyenne supérieure à 1 300 mm mais pouvant dépasser 1 600 mm au-dessus de la crête et sur le piémont des volcans. La région des collines du centre reçoit, en moyenne, entre 1 100 mm et 1 300 mm de pluies par an. Le plateau de l'est connait un climat relativement chaud et faiblement arrosé, avec des totaux

24

annuels de pluies généralement inférieurs à 1 000 mm, le minimum variant autour de 800 mm. Avec des températures quasi constantes, le climat du Rwanda reste cependant caractérisé par des variabilités interannuelles, voire des irrégularités notables de pluies marquées par des excès et surtout des déficits. Ces perturbations affectent profondément la production agricole qui enregistre parfois des périodes de crise. Un des exemples est la crise que le pays a enregistré au début des années 2000 à cause d'une absence de pluies, les récoltes avaient considérablement baissé et mis dans une situation délicate les populations qui ne pouvaient correctement se nourrir, d'autant plus que l'essentiel des productions servaient à la consommation des ménages. L'hydrographie du pays est caractérisée par un réseau dense de rivières. En dehors de la façade ouest de la Crète Congo-Nil dont le drainage est tourné vers le fleuve Congo, le reste du pays est drainé vers le Nil par la rivière Akagera qui collecte presque toutes les rivières de ce bassin. L'hydrographie reste aussi caractérisée par beaucoup de lacs entourés de marécages.

1.2. Les caractéristiques démographiques et économiques

1.2.1. La démographie du Rwanda

Depuis plusieurs siècles, la population du Rwanda est composée de trois grands groupes ethniques : les Hutus, les Tutsis et les Twas. D'après le recensement de 1991, ceux-ci représentent respectivement, 91,1 %, 8,4 % et moins de 1 % de la population.48 Ces groupes partagent une langue commune, le kinyarwanda, langue nationale et officielle du pays. La démographie rwandaise en 2022 selon les données de la Banque mondiale était estimée à 13 millions d'habitants. Selon les données de l'Institut national des statistiques du Rwanda, depuis le début des années 2000, la population rwandaise ne cesse d'augmenter, en 2012 elle est de 10 515 973 résidents, dont 52 % sont des femmes et 48 % d'hommes.49 Depuis le recensement de 2002, la population a augmenté de 2,4 millions, ce qui représente un taux annuel moyen de 2,6 %. Ainsi, la croissance démographique a retrouvé son taux de croissance qui a décliné suite aux accidents démographiques des années 1990, marqué par la guerre civile et le génocide. Pendant sa période précédente (c'est-à-dire 1991-2002), la croissance annuelle est tombée à 1,2 %. La grande majorité de la population rwandaise vit dans les campagnes. En effet, on compte à peine un peu plus de 17 % de la population qui réside en milieu urbain, contre environ 83 % des résidents en zones rurales dont les activités sont largement dominées par l'agriculture.50

48 M.VERPOORTEN. (2005). Le coût en vies humaines du génocide rwandais : le cas de la province de Gikongoro. Population, 60, pp.401-439.

49 Ministry of Finance and Economic Planning National Institute of Statistics of Rwanda. (2012). Fourth Population and Housing Census. Kigali. Disponible à l'adresse : https://www.statistics.gov.rw/home

50Ibid.

25

Alors que la densité de population était seulement de 183 hab./km2 en 1978, et 321 hab./km2 en 2002, aujourd'hui elle est estimée à près de 460 hab./km2. Elle connait une évolution importante depuis l'année 2012. Avec 460 hab./km2, le Rwanda est le pays le plus densément peuplé de la région des Grands lacs africains si on compare sa densité de population avec celle de ses voisins. Au Burundi qui est également densément peuplé la densité s'élève à 440 hab./km2, en Ouganda elle est de 170 hab./km2, en République Démocratique du Congo (RDC) elle est de 46 hab./km2 et en Tanzanie elle s'élève à 66 hab./km2. Cette densité de population représente l'un des défis majeurs du Rwanda, la population ne cessant de croître alors que les ressources et l'espace y sont limitées. En seulement 20 ans, la population a doublé. Estimée aujourd'hui à 2,5 % par an, l'accroissement démographique demeure particulièrement élevé dans le pays.51 Alors que la mortalité s'est progressivement réduite depuis l'indépendance, la natalité a continué de croître jusque dans les années 1980. Aussi, bien qu'ayant connu un léger ralentissement au cours des années 1990, la natalité reste encore élevée avec près de 4,1 enfants par femme en moyenne (ratio divisé par deux depuis 1960).52 Par ailleurs, la population du Rwanda étant largement rurale, la raréfaction des terres cultivables se pose déjà avec acuité et continuera de se poser de façon encore plus importante puisque les prévisions démographiques du Rwanda donnent des tendances haussières. Les données de l'évolution de la population rwandaise selon les Nations Unies (ONU, 2019) nous permettent d'apprécier cette constante évolution démographique depuis les années 1950 jusqu'en 2022 (cf. graphique 1).

51 D'après les données de la Banque Mondiale en 2018 l'accroissement démographique du Rwanda est à peu près similaire à celle des pays voisins. En RDC elle est de 2,33% ; en Tanzanie 2,74 % ; Burundi 2,4% et Ouganda 3,18 %.

52 J. PORTE. (2021), op.cit., p.7.

26

Graphique 1. Évolution de la population Rwandaise entre 1950 et 2022

1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2016 2017 2018 2019 2020

14000000

12000000

10000000

8000000

Populations

6000000

4000000

2000000

0

Années

Source : ONU, Perspectives de la population mondiale 2019.

Tableau 1. Évolution de démographie du Rwanda par décennies

Années

 

1955

 

1970

 

1980

 

1990

 

2000

 

2010

 

2020

 

2022

Pop.
En
million

2

527 294

3

757 358

5

153 312

7

288 882

7

933 681

10

039 338

12

952 218

13

000 000

Source : https://donnees.banquemondiale.org/

Au lendemain du génocide, on constate une reprise progressive de la croissance démographique (cf. graphique 1). Elle est liée à un double phénomène démographique. D'abord, il y a le retour progressif des millions de rwandais Tutsis et Hutus (modérés) sur le territoire national qu'ils avaient quitté pour échapper aux massacres à partir de 1996-1997. Puis, cette croissance estimée à 2,5 % par an, selon les données de l'ONU serait en partie liée aux efforts engagés par les gouvernants rwandais en matière d'accès aux soins et de lutte contre la mortalité infantile. En 2000, la population rwandaise se situe sensiblement au même niveau qu'elle était avant le génocide de 1994 avec près de 8 millions d'habitants. La baisse de la mortalité s'est accompagnée par la hausse de la natalité dû à l'amélioration des conditions de vie. L'ensemble de ces facteurs ont continué de faire évoluer la démographie rwandaise jusqu'à atteindre les 13 millions d'habitants en 2022.

27

Carte 5. Densité de population du Rwanda

L'analyse de cette carte nous permet d'apprécier la répartition spatiale de la population sur le territoire rwandais, en dégageant les disparités de peuplement entre les différentes unités administratives, notamment les districts. Si l'ensemble du pays est densément peuplé, on note tout de même quelques différences en fonction des provinces. Cette distribution inégale est en partie la conséquence des événements tragiques de 1994 ayant entraîné des pertes humaines considérables, plus graves dans certaines provinces que dans d'autres. Il apparaît que la région de Kigali qui présente la plus forte densité de population avec plus 1551 hab./km2, la raison pourrait être liée à l'urbanisation progressive que le pays connait depuis la fin du génocide. La création des opportunités d'emplois dans la capitale, notamment dans les nouvelles technologies, attire de plus en plus les jeunes et contribue à accroître la densité dans la ville. Kigali en terme de densité est suivie par la province du nord où on enregistre, pour les district, de cette province Musanze, Burera, Gicumbi, Rulindo et Gakenke, une densité comprise entre

28

435-524 hab./km2.Les provinces les moins densément peuplées sont celles de l'Est et de l'Ouest.

1.2.2. Structure de l'économie rwandaise

La croissance économique enregistrée par l'État rwandais ces dernières années est parmi les plus dynamiques et les plus soutenues que l'on a observé en Afrique Subsaharienne. En effet, selon la Banque Mondiale, sur les dernières décennies, le Rwanda a connu un taux de croissance annuel moyen de 7,8 % entre 2000 et 2017.53 En plus du PIB, la réussite économique rwandaise peut se résumer en ces quelques chiffres, en valeur, le PIB est passé de 1,7 milliards à 5,6 milliards de dollars us entre 2000 et 2010, tandis que le PIB par habitant est estimé à 693 dollars en 2012 (contre 200 dollars en 2003). Cette évolution est due à l'ensemble des pans de l'économie rwandaise : la production agricole a progressé de 322 % entre 2003 et 2011, l'industrie minière a multiplié par seize ses revenus, les industries manufacturières par quatre, les banques par trois et demi et les transports et communications par près de cinq.54 Ces niveaux de croissance soutenues au cours de ces décennies constituent une véritable prouesse pour cet État aux caractéristiques géographiques modestes. L'analyse de la structure économique du Rwanda qui constitue l'objet de ce point nous permet de dégager les principaux leviers de la croissance économique du Rwanda mais aussi les principales caractéristiques de ceux-ci.

À l'origine de ces statistiques économiques positives, se trouvent un certain nombre de réformes engagées par les gouvernants depuis la fin des années 1990 en faveur du développement économique. Il s'agit entre autres de la refonte du système de gouvernance, de la lutte continuelle contre la corruption et de la bonne utilisation des aides perçues par l'État depuis la fin du génocide. En plus des réformes structurelles entreprises par l'État, il est également important de souligner qu'une partie des devises qui ont participé à la croissance économique du Rwanda venaient de l'exploitation illégale des ressources naturelles telles que le cobalt et l'or à l'est de la RDC, surtout pendant les deux guerres qui ont ensanglanté ce pays à la fin des années 1990 et au début des années 2000.55

53 https://www.banquemondiale.org/fr/country/rwanda/overview

Certains spécialistes remettent toutefois en cause ses chiffres arguant des gonflements de statistiques de la part du gouvernement rwandais. Ceux-ci ne remettent pas néanmoins en cause le dynamisme affiché par l'économie rwandaise depuis près de 30 ans.

Pour plus de détail sur ce sujet voir : P.FABRICIUS. (2019, 11 octobre). Paul Kagame se brûlerait-il les ailes? Institut d'études et de sécurité. Disponible à l'adresse : https://issafrica.org/fr/iss-today/paul-kagame-se-brulerait-il-les-ailes

54 J. RÉVILLON. (2014). Le Rwanda, un modèle économique ? Les Cahiers d'Afrique de l'est, (48), pp.51-66.

55 UN, S. C. (2003). Final Report of the Panel of Experts on the Illegal Exploitation of Natural Resources and Other Forms of Wealth of the Democratic Republic of the Congo (Rapport de l'ONU S/2003/1027).

29

Aujourd'hui encore, les dirigeants de la RDC continuent d'accuser le Rwanda de piller les ressources naturelles présentes dans sa partie orientale via des groupes armés.

Pays sans ressources naturelles stratégiques, l'économie rwandaise s'est longtemps reposée sur l'agriculture. Dans les années 1970, le secteur agricole représentait plus de 50 % du PIB. Par la même occasion, ce secteur était le principal pourvoyeur d'emplois avec des taux allant jusqu'à 90 % de la part de la population active dans les années 1990. Malgré la baisse relative de la part des emplois dans le secteur agricole, il représente encore les deux tiers des emplois (cf. graphique 2).56 Dans un mémorandum économique de 1986 la Banque mondiale signalait déjà la part importante de ce secteur et prévenait sur la croissance démographique exponentielle qui allait dépasser les terres cultivables disponibles et les rendre rares. Cette année-là près de 40 % (soit 10.000 km2) de la superficie totale du pays était déjà cultivée et pratiquement toutes ces surfaces étaient déjà en culture intensive. Les pâturages représentaient environ 13 % et les forêts 7 % des terres. Or, dans ce rapport, les experts de la Banque Mondiale ont estimé que seulement 250.000 ha de ces terres (soit environ 10 % de la superficie totale du pays) seraient propices à l'agriculture et/ou au pâturage.57 Dans ces conditions, les risques liés à la sécurité alimentaire et aux famines sont bien présents, les conflits interethniques également sont plus susceptibles d'apparaître dans ce pays où la terre est la plupart du temps la ressource la plus importante pour les familles. La raréfaction des terres cultivables liée à un accroissement démographique important ne sont pas totalement étrangers aux guerres qui ont touché la région des Grands lacs africains par la suite.

Graphique 2. Évolution de la part des emplois par secteur économique entre 1991 et 2019

% de l'emploi

l

ttao e

ra

80

ar

t

100

40

60

20

0

1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019

Années

Services Industries Agricultures

Source : Données de la banque mondiale ( https://donnees.banquemondiale.org)

56 J. PORTE. (2021), op.cit., p.7.

57 LA BANQUE MONDIALE. (1986). Rwanda évolution récente de l'économie et de ses différents secteurs et problèmes actuels (Rapport No. 4059-RW).

30

Face aux risques que représentent l'accroissement démographiques et la raréfaction des terres, l'État rwandais a entrepris depuis 2004 de diversifier son économie à travers son «programme Vision 2020». L'objectif est de rendre son économie moins dépendante du secteur agricole. Aujourd'hui, même si tous les objectifs n'ont pas été atteint, notamment celui de faire du Rwanda un pays à revenu intermédiaire, l'économie rwandaise s'est relativement diversifiée. La part de l'agriculture dans le PIB a progressivement diminué depuis 2011 et ne représente plus que 24 % du PIB en 2022, selon les données du ministère de l'économie. C'est désormais le secteur des services qui représente le principal pilier de sa nouvelle structure économique avec 49 % de contribution au PIB. Il concentre près de 30 % des emplois (contre moins de 10 % au début des années 1990) et a contribué à 4,4 points de croissance du PIB en moyenne par an depuis 2000.58 Il a été boosté par l'expansion du commerce, des transports, des télécommunications, des finances et de l'assurance. Ce sont des secteurs qui ont été mis en avant dans les plans de développement rwandais (Vision 2020 et maintenant Vision 2050). Malgré sa contribution relativement modeste au PIB, le secteur industriel est l'autre pilier important de l'économie. Il représente environ 18 % du PIB et emploi près de 8 % de la population active.

Par ailleurs, ces résultats économiques continuent de dépendre de facteurs extérieurs, y compris des conditions climatiques et les prix mondiaux des produits de base notamment le café et le thé qui sont les principaux produits exportés par le pays. En effet, après avoir connu un déclin important entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, ces deux produits ont participé à la croissance économique du pays de façon significative surtout à partir de l'année 2010. Au cours de cette année, le gouvernement s'est lancé dans la production d'un café de luxe, les parts d'exportations sont passées de 20 millions de dollars en 2003 à plus de 60 % depuis 2010. La production de thé a connu une trajectoire similaire à celle du café, suivant la même courbe ascendante, les exportations de thé qui en 2000 n'atteignaient pas 20 millions de dollars, gravitaient à partir de 2010 autour de 60 millions jusqu'en 2015.59 Outre les facteurs extérieurs précités, le Rwanda continue d'être dépendant de l'aide internationale. Elle est une ressource importante pour le pays car elle représente aujourd'hui environ 15,56 % du budget national. Même si elle est en constante diminution depuis 2013, elle reste une manne financière dont l'économie rwandaise ne peut se passer totalement (cf. graphique 3).

58 J. PORTE. (2021), op.cit., p.7.

59 J-P. KIMONYO. (2017). Rwanda demain ! Une longue marche vers la transformation. Paris : Karthala, 305p.

31

Graphique 3. Évolution de la composition du budget rwandais (1995-2021)

 
 
 

Rwan

86,60%

6.

84,80%

 
 

84%

 
 

70%

 
 
 
 
 

55,70%

 
 
 
 
 
 
 
 
 

44,30%

 
 
 

30%

 
 
 
 
 

16%

 

15,20%

 
 
 

13,40%

 
 
 
 
 
 

1995 2005 2018/19 2019/20 2020/21

Ressources extérieures (% du budget total) Ressources intérieures (% du budget total)

100%

90%

80%

70%

60%

50%

40%

30%

20%

10%

0%

Source : Ministère de l'économie du Rwanda ( https://www.minecofin.gov.rw)

La lecture du graphique 3 nous permet de comprendre la composition du budget du Rwanda depuis 1995. La composition du budget du Rwanda provient de deux sources principalement, les ressources intérieures et les ressources externes. Les premières sont constituées des impôts et des taxes tandis que les secondes sont constituées des emprunts et de l'aide internationale. Au lendemain du génocide, la part la plus importante du budget rwandais provenait des ressources extérieures notamment de l'aide financière des grandes puissances occidentales. En 1995, elles représentaient 70 % du budget contre 30 % des ressources intérieures. À partir de 2005, la part des ressources extérieurs a commencé à baisser, bien qu'elles constituaient toujours une part importante du budget avec une contribution de 44,5 % au budget national. Ce n'est qu'à partir de 2018 que la tendance s'est inversée au profit des ressources économiques intérieures. Elles représentent désormais la majorité des ressources budgétaires de l'État rwandais avec 84 % des part dans le budget total contre 15,20 % pour les ressources extérieures en 2021.

32

Graphique 4. Part de chaque secteur dans le PIB en 2021

Services

46%

Agriculture impôts directs Industrie Services

Industrie

21%

Agriculture

25%

impôts directs

8%

Source : Ministère de l'économie du Rwanda ( https://www.minecofin.gov.rw)

La lecture du graphique si dessus nous permet de constater que selon les données du ministère de l'économie du Rwanda, en 2021, le secteur qui contribue le plus au PIB de cet État est celui des services avec une contribution estimée à 46 %. Il devance le secteur agricole qui a longtemps représenté la part la plus importante de l'économie des années 1960 jusqu'en 2011 avant le début des reformes qui ont contribué à diversifier l'économie. Ce secteur a contribué en 2021 à hauteur de 25 % dans le PIB. Il est suivi de près par le secteur industriel (21 %) qui a également connu un essor important à travers les processus de diversification économiques engagés par l'État rwandais. En dernière position, ce sont les revenus tirés de la fiscalité, ils représentent 8% des contributions totales au PIB rwandais.

33

CHAPITRE 2. LES MOBILES D'UNE DIPLOMATIE ACTIVE SUR LE CONTINENT AFRICAIN

2.1. Les relations avec son voisinage et le sentiment d'encerclement comme mobiles d'une diplomatie active.

2.1.1. Les relations rwando-ougandaises : entre alliance et rivalité.

Les relations entre le Rwanda et l'Ouganda sont sans cesse fluctuantes. D'abord apparus comme des indéfectibles alliés au cours des années 1990-2000, les dirigeants des deux pays entretiennent depuis lors des relations difficiles. Pourtant, lorsque l'on jette un regard rétrospectif sur les relations qui lient Paul Kagame et Yoweri Museveni, elles sont loin d'être conflictuelles, les deux dirigeants se sont mutuellement aidés dans leurs conquêtes respectives du pouvoir. En effet, suite à la révolution Hutu de 1959, Paul Kagame fuit son Rwanda natal en raison des discriminations dont sont victimes les membres de la communauté Tutsi à laquelle il appartient ; il se réfugie en Ouganda, où il passe une majeure partie de sa vie. C'est au cours de son exil qu'il rencontre Yoweri Museveni à la fin des années 1970, puis s'engage, comme de nombreux Banyarwandas60 dont Fred Rwigema,61 dans les rangs du Front for National Salvation (FRONASA) puis au sein de la National Resitance Army (NRA), deux mouvements rebelles créés par Yoweri Museveni pour combattre les pouvoirs en place en Ouganda. En 1986, ils réussissent ensemble à renverser le régime de Milton Obote et prennent le pouvoir à Kampala.62

Plusieurs Banyarwandas se voient confier de nombreux postes de responsabilité au sein de l'administration militaire ougandaise après la prise de pouvoir par Yoweri Museveni. Paul Kagame devient major puis directeur adjoint du renseignement, Fred Rwigema est quant à lui, promu au poste de vice-ministre de la défense.63 L'omniprésence des « étrangers » rwandais à des postes clés de l'État irritaient les ougandais de « souche » surtout ceux issus de la communauté Baganda.64 Ces nominations de rwandais à de hautes fonction militaires étaient

60 Les Banyarwandas (pluriel : Abanyarwanda, singulier : Umunyarwanda ; littéralement « ceux qui viennent de l'ancien Royaume du Rwanda » ; également Banyaruanda) constituent le groupe culturel et linguistique parlant le kinyarwanda et habitant le Rwanda actuel et les autres territoires anciennement faisant partie du Royaume du Rwanda avant l'arrivée du colonisateur.

61 Fondateur du Front Patriotique Rwandais (FPR).

62 S. CHABOUNI. (2013). Le Rwanda et l'Ouganda : Alliés ou rivaux ? Le contentieux rwando-ougandais source

de déstabilisation de la région. Thinking Africa, (1), pp.1-5. Disponible à
l'adresse : http://www.thinkingafrica.org/V2/wp-content/uploads/2013/04/TA_NAP_Samia-Chabouni_RwandaRDC.pdf

63 B. LELOUP. (2005). Le Rwanda et ses voisins. Afrique contemporaine, 215 (3), 71p.

64 G. PRUNIER. (1993). Éléments pour une histoire du Front patriote rwandais. Politique africaine, (51), pp.121-138.

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également perçu comme une erreur stratégique par de hauts fonctionnaires ougandais au sein de la NRA.65 Face aux critiques, Yoweri Museveni remodèle les postes au sein de l'armée et envoie en 1990 Paul Kagame au collège de commandement et d'état-major de l'armée américaine basé à Fort Leavenworth dans le Kansas.66 À la suite de la mort de Fred Rwigema, premier commandant du FPR, lors d'une invasion manquée du Rwanda en 1990, il rappelle Paul Kagame et l'impose comme nouveau commandant du groupe rebelle. Yoweri Museveni lui fournit le soutien nécessaire pendant toute la durée de la guerre civile de 1990, jusqu'à la victoire du FPR en juillet 1994 contre le pouvoir Hutu installé au Rwanda. Jusqu'ici, tout semblait aller bien entre les deux dirigeants.

Toutefois, à la charnière des années 1990-2000, les premières tensions entre les deux pays apparaissent, les deux alliés historiques devenant progressivement des rivaux régionaux. Les tensions entre les deux pays s'exacerbent lors de la seconde67 guerre du Congo entre 19982003, avec comme pic les affrontements entre leurs forces armées dans la ville de Kisangani situé au nord-est de la RDC. Elles s'y sont affrontées à trois reprises entre 1999 et 2000.68 Au-delà des simples divergences politiques qui existent entre Paul Kagame et Yoweri Museveni, ces affrontements traduisent en réalité l'appétit des deux États pour cette partie du territoire congolais riche en ressources naturelles. En mars 2001, après une brève accalmie, le différend s'est brusquement ravivé, et le gouvernement du Rwanda est officiellement déclaré hostile à l'Ouganda.69 La crise est alors à son paroxysme et les alliés d'hier se retrouvent de nouveau au bord des affrontements militaires. Pour calmer les tensions, la Grande Bretagne, un partenaire essentiel des deux États, engage une médiation à la suite de laquelle on commence à observer une certaine accalmie entre les deux parties.70 Dans le cadre de celle-ci, les deux dirigeants se rencontrent à Londres le 29 janvier 2004. Il faut également ajouter à la médiation britannique, les négociations menées par les dirigeants africains. Notamment, celles de Thabo Mbeki, président de l'Afrique du Sud et de Benjamin Mpaka, président de la Tanzanie durant cette

La communauté Baganda appartient au royaume du Bouganda, le plus grand des royaumes traditionnels de l'Ouganda actuel. Les Bagandas sont le plus important groupe ethnique de l'Ouganda, ils ont eu un rôle important dans la conquête de pouvoir qui a menée Y. Museveni à la tête de l'Ouganda en 1986.

65 B. LELOUP. (2005), op.cit., p.33.

66 B. LELOUP. (2000). Rwanda-Ouganda : chronique d'une guerre annoncée ? In REYNTJENS, F & MARYSSE, S. (dir.), L'Afrique des Grands lacs. Annuaire 1999-2000. Paris : L'Harmattan, pp.127-145.

67 La première a eu lieu entre 1996 à 1997.

68 A. ZACHARIE & F. JANNE D'OTHEE. (2003). L'Afrique centrale dix ans après le génocide. Bruxelles : Labor, p.48.

69 B. LELOUP. (2001). Le Rwanda dans la géopolitique régionale. In S. MARYSSE & F. REYNTJENS (dir.), L'Afrique des Grands lacs. Annuaire 2000-2001. Paris : L'Harmattan, pp.75-95.

70 A. ZACHARIE & F. JANNE D'OTHEE, Ibid.

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période.71 L'accalmie qui paraissait s'installer entre les deux État à la suite de ces médiations se confirme par les visites effectuées réciproquement par les dirigeants ougandais et rwandais. En effet, au courant des années 2003 et 2004, le président ougandais se rend au Rwanda à deux reprises, d'abord le 12 septembre pour la cérémonie d'investiture de Paul Kagame, puis le 7 avril 2004 pour la commémoration du dixième anniversaire du génocide.72 Paul Kagame quand à lui se rend à Kampala en juin 2004 pour assister au sommet du Marché Commun de l'Afrique Orientale et Australe (COMESA). Ainsi, sans pour autant y mettre un terme définitif, ces rencontres entre les deux présidents semblent fermer, du moins temporairement, ce que l'on pourrait nommer comme étant le premier chapitre des différends rwando-ougandais.

Des points de divergences ont de nouveau resurgit entre les deux États au début de l'année 2019. Le dernier fait en date est la fermeture en février 2019 du poste frontière de Gatuna, ville stratégique pour le commerce entre les deux pays située dans le nord du Rwanda, pendant près de deux ans. La résurgence de ces tensions est le fruit de nouvelles accusations réciproques, chaque pays affirmant que l'autre cherche à le déstabiliser politiquement, mais aussi sur le plan sécuritaire. Les deux gouvernements s'accusent régulièrement d'espionnage et les autorités rwandaises se sont insurgées à plusieurs reprises contre des cas d'arrestations et expulsions de rwandais accusés de travailler en Ouganda pour le compte du gouvernement rwandais. Les accusant de compromettre sa sécurité nationale, les dirigeants ougandais ont expulsé du territoire ougandais plusieurs hauts responsables de la société de télécommunications Mobile Telephone Networks (MTN), dont un ressortissant rwandais.73 Dès 2017, la tension était déjà palpable entre les deux gouvernements puisque l'agence de presse rwandaise Rushyashya affirmait en février de cette année qu'une force rebelle soutenue par l'Ouganda était en train d'être installée dans un camp d'entraînement dans la forêt de Kijuru, à l'ouest de Kampala, et qu'elle avait été mise en place par le Congrès national du Rwanda (RNC) de Kayumba Nyamwasa74, avec le soutien de l'homme d'affaires rwandais Tribert Rujugiro, un ancien bailleur de fonds du FPR.75 Il faut dire que depuis 1999, l'Ouganda et le Rwanda sont devenus les refuges privilégiés des déserteurs des armées des deux pays et le passage obligé des hommes

71 F. LETOURNEUX. (2003,19 mai). Chronique d'une guerre avortée. Jeune Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/92027/archives-thematique/chronique-d-une-guerre-avort-e/

72 B. LELOUP. (2005), op.cit., p.33.

73 R. GRAS. (2019, 1 mars). Rwanda-Ouganda : polémique autour de la fermeture d'un poste-frontière. Jeune Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/743500/politique/rwanda-ouganda-polemique-autour-de-la-fermeture-dun-poste-frontiere/

74 Ancien chef d'état-major de l'armée rwandaise, actuellement réfugié en Afrique du Sud.

75F. REYNTJENS. (2019). Political Chronicles of the African Great Lakes Region 2017. Academic & Scientific Publisher.

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politiques qui les fuient.76 Pour ces deux États, l'idée de voir des opposants adoubés ou soutenus par l'autre est inconcevable et menace de facto leur sécurité. En dépit des tensions persistantes, les deux présidents se rencontrent de nouveau le 25 mars 2018 dans la ville de Entebbe, en Ouganda, pour discuter des problèmes qui minent leurs relations mais aussi pour relancer les relations de bon voisinage et redynamiser des projets communs. Au sortir de cette rencontre, le président ougandais a déclaré ce qui suit : « Il n'y a aucun conflit fondamental entre l'Ouganda et le Rwanda et nous n'avons pas de problème frontalier »77. Des discours qui n'ont pas été suivis d'effets puisque la fermeture du poste frontière de Gatuna intervient un an plus tard, en février 2019. Ainsi, malgré les nombreuses tentatives de règlement pacifique de leurs différends, notamment celle portée par Félix Tshisekedi et ses homologues angolais João Lourenço et congolais, Denis-Sassou Nguesso, les relations entre les deux parties restent tendues. Pourtant, cette tentative de médiation a abouti à la signature d'un mémorandum d'entente entre le Rwanda et l'Ouganda le 21 août 2019. La réouverture du poste frontière de Gatuna, le 28 janvier 2022, ressemble à une unième tentative de dégel des relations entre les deux États, sans pour autant garantir la fin des crises et la normalisation de leurs relations bilatérales.78

Sous les différentes brouilles diplomatico-sécuritaires entre l'Ouganda et le Rwanda couve une « guerre » pour le leadership régional entre « frères d'armes» d'hier. En effet, depuis son accession au pouvoir Paul Kagame cherche à donner une place importante à son pays dans la région, en le rendant indispensable dans de nombreux domaines tels que la politique et la sécurité et indépendamment de son ancien allié ougandais. Dans une interview accordée à Jeune Afrique Paul Kagame estime que le problème entre lui et Yoweri Museveni réside dans le fait que ce dernier, veuille se comporter en grand frère et dicter la conduite à tenir au Rwanda. Il déclare : « pour nous, il n'est pas acceptable d'être le subordonné de qui que ce soit. Nous n'acceptons pas d'être contrôlés ni utilisés. Nous sommes un petit pays, mais nous sommes trop grands pour cela. Le problème entre nous deux est là. Si vous arrivez à lire entre les lignes, vous pouvez comprendre ce que je veux dire. Dans cette relation, il ne peut pas y avoir un « grand frère » qui dit à l'autre « fais ci ou fais ça » ».79

76 INTERNATIONAL CRISIS GROUP. (2002). Fin de transition au Rwanda : Une libéralisation politique nécessaire. Nairobi : International Crisis Group Press.49p.

77 S. CHABOUNI. (2020), op.cit., p.8.

78R. GRAS. (2022, 28 janvier). Rwanda-Ouganda : enfin le dégel ? Jeune Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/1303908/politique/rwanda-ouganda-enfin-le-degel/

79 F. SOUDAN & R. GRAS. (2021, Juin). PAUL KAGAME « Le Rwanda n'est pas une monarchie ». Jeune Afrique, (3101), pp.56-63.

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En octobre 1990, à Bruxelles lors d'une conférence de presse, Yoweri Museveni avait d'ailleurs utilisé le terme anglais de « boys » pour qualifier les responsables du FPR.80 Cette appellation est le symbole même du paternalisme que Paul Kagame refuse dans les relations qui lient son État à l'Ouganda. C'est lors de la première guerre du Congo (1996-1997), que les désirs d'émancipation et de leadership du Rwanda s'affirment. Ils s'expriment à travers le rôle crucial joué par les troupes rwandaises dans les combats qui ont conduit Laurent Désiré Kabila au pouvoir en 1997. En ayant entraîné et fournit le matériel qui a servi à renverser le régime de Mobutu Sese Seko, Paul Kagame a montré, d'une certaine façon, à son ancien « mentor » que lui aussi était désormais capable de faire roi dans la région.81 Cette performance militaire a créé ce que le sociologue Roger Gould appelle « l'ambiguïté du rang social »82, le Rwanda n'était plus dans une position manifestement inférieure à l'Ouganda.83 À Kisangani84, cette volonté d'affranchissement s'est vue renforcer puisque «l'élève» n'a pas hésité à affronter le maître pour défendre ses intérêts dans la région. Aujourd'hui, les problèmes entre les deux États ne sont pas totalement résolus et continuent d'être une source potentielle de déstabilisation pour toute la région.

2.1.2. Le Rwanda et le Burundi : des «jumeaux» aux relations en dents de scie.

Le Rwanda et le Burundi ont en commun de nombreuses caractéristiques. Ils ont une histoire coloniale commune puisqu'ils ont été colonisés tous les deux par l'Allemagne puis placés sous mandat de la Société des Nations (SDN) en 1923. Ce mandat de la SDN a été assuré par la Belgique à la suite du traité de Versailles qui a entériné la défaite de l'empire allemand au sortir de la première guerre mondiale (1914-1918).85 Du point de vue du peuplement, les ethnies que l'on retrouve dans les deux territoires sont similaires. Les populations sont composées des Tutsis, des Twas et des Hutus. Ils parlent quasiment la même langue, le Kirundi et le Kinyarwanda étant très proches.86

80 En français ce terme signifie garçons. Le président ougandais l'emploie pour signifier à la classe politique rwandaise qu'ils sont avant tout ses produits. Cela dans le but de les cantonner à un rôle de subalterne.

81 J.POMFRET. (1997, 9 july). Rwandans led revolt in Congo. The Washington Post. Disponible à l'adresse : https://www.washingtonpost.com/archive/politics/1997/07/09/rwandans-led-revolt-in-congo/7d210372-e307-4222-a04b-a65cd816be5f/

82 R.V. GOULD. (2003). Collision of Wills : How Ambiguity about Social Rank Breeds Conflict. University Of Chicago Press, 224p.

83 H. TAMM. (2018). Status competition in Africa : Explaining the Rwandan-Ugandan clashes in the Democratic Republic of Congo. African Affairs, 118(472), pp.509-530.

84 Ville située dans le nord-est de la République Démocratique du Congo.

85 A. MWEZE CIRHUZA, & al. (2022). Conflits armés dans la région de Grands-Lacs africains : une analyse géopolitique des enjeux et des conséquences à l'est de la République Démocratique du Congo. Revue International du Chercheur, 3 (2), pp.252-284.

86 L.PAPY. (1982). Le Rwanda et le Burundi d'après deux récents atlas. Cahiers d'outre-mer, 35(140), pp.379-387.

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De plus, les deux États sont enclavés et possèdent une petite superficie, avec une densité démographique élevée qui se combine à une géomorphologie faite de multiples collines. Au lendemain des indépendances, ils ont connu de graves crises et conflits politico-ethniques particulièrement dramatiques : le génocide des Tutsis de 1994 pour le Rwanda, la guerre civile de 1993 pour le Burundi.87 Ce lourd héritage colonial et guerrier, en plus d'être la similitude la plus douloureuse entre les deux États, continue de façonner les représentations des dirigeants des deux pays et guide ainsi leurs politiques aussi bien sur le plan interne qu'externe.88 Pour reprendre la formule de Floribert Manirakiza, ils sont ce que l'on pourrait appeler des «pays jumeaux» au regard de leurs trajectoires historiques et de leurs caractéristiques géographiques et démographiques communes.89 Malgré cela, les relations ne sont pas toujours totalement bonnes entre les deux pays.

Avant la colonisation, les rapports entre le Rwanda et le Burundi sont dans l'ensemble assez bonnes, malgré des petites périodes de crises. Avant l'arrivée des colons et leur indépendance, le Rwanda et le Burundi sont deux royaumes qui échangent régulièrement des biens et vivent dans une relative harmonie.90 Ces bons rapports se perpétuent après les indépendances, mais connaissent tout de même une crise qui aura un impact durable sur les relations entre les deux États. En effet, en 1963, les rapports entre le Burundi et le Rwanda sont entachés par l'attaque menée contre le régime de Grégoire Kayibanda, président du Rwanda à l'époque à partir du Burundi. Cette attaque est le fruit d'une rébellion formée principalement par des réfugiés Tutsis rwandais qui avaient fui le Rwanda suite à la révolution Hutu de novembre 1959.91 En dépit de cet évènement, les nouveaux présidents, Juvénal Habyarimana du Rwanda et le capitaine Michel Micombero du Burundi, se rendent visites continuellement et des rapports assez cordiaux entre les deux voisins reprennent. Ceux-ci se poursuivent sous le régime de Jean Baptiste Bagaza, nouveau président du Burundi à la suite du décès de son prédécesseur le 16 juillet 1983 des suites d'une crise cardiaque, idem lorsque Paul Kagame et Pierre Nkurunziza arrivent au pouvoir dans les deux pays. Dans l'élan de ces bonnes relations apparentes, Paul Kagame assiste à l'investiture de son homologue à Bujumbura le 26 août 2005. En 2015, les relations courtoises et plutôt bonnes observées entre les deux pays jusqu'ici changent radicalement et se tendent. Comme il est récurrent dans les crises qui opposent les

87 J.P. CHRETIEN. (1997). Le défi de l'ethnisme : Rwanda et Burundi, 1990-1996. Paris : Karthala,123p.

88 P-S. HANDY & A.P. ESTIME. (2022, 11 janvier). Réconciliation entre le Burundi et le Rwanda. Institut d'Étude de Sécurité. Disponible à l'adresse : https://issafrica.org/fr/iss-today/la-voie-de-la-reconciliation-entre-le-burundi-et-le-rwanda

89 F. MANIRAKIZA. (2020). Le Burundi et le Rwanda : pays jumeaux avec des relations en zigzags. Acaref, 2(5), pp.118-130.

90 Ibid.

91 Ibid.

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États de la région, les relations entre le Rwanda et le Burundi deviennent difficiles du fait des accusions réciproques de soutien aux groupes rebelles hostiles par les deux gouvernements. Pierre Nkurunziza a accusé Paul Kagame de soutenir des rebelles burundais opposés à son gouvernement tels que la Résistance pour un État de Droit au Burundi (RED Tabara), tandis que Kagame déclarait que les dirigeants burundais « massacrent leur population du matin au soir » et abritaient des éléments des Forces de Libération du Rwanda (FDLR).92 Les tensions font également suite à la réélection contestée de Pierre Nkurunziza et au coup d'État manqué du 13 mai 2015, dont le gouvernement accuse le Rwanda d'être le principal instigateur. À la suite de la répression qui a suivi le coup d'État manqué, beaucoup de burundais, dont les opposants au pouvoir, ont fui vers le Rwanda. L'octroi par le Rwanda du statut de réfugié à ceux-ci a largement contribué à envenimer les crispations entre les deux pays.93 Depuis, les deux États se livrent une véritable guerre diplomatique au sein des organisations internationales dont ils sont membres. Le Rwanda vote par exemple contre le Burundi au sein de la Commission des Droits de l'Homme de l'ONU en 2015.94 Le 6 décembre 2019, le président burundais, Pierre Nkurunziza dans son discours tenu à l'ouverture de la 10ème session de l'Assemblée de la CIRGL a réitéré les agressions rwandaises vis-à-vis de son pays en ces termes : « Le Burundi a été victime d'agressions armées à plusieurs reprises depuis 2015. Les attaques proviennent principalement du territoire du Rwanda et de la RDC. Les attaquants ont été soutenus, entraînés et équipés militairement par le Rwanda, ce qui a malheureusement récemment perturbé la sécurité de certains pays de la sous-région ».95 Le Rwanda est donc à partir de cette période considéré comme un État ennemi qui menace la sécurité du Burundi.

Ce n'est qu'en 2020, avec l'arrivée au pouvoir du président burundais, Evariste Ndayishimiye, que des tentatives de normalisation des relations entre les deux pays s'engagent. Ce rapprochement se matérialise par la rencontre des ministres des affaires étrangères burundais et rwandais au poste frontière de Nemba le 20 octobre 2020. Au menu des échanges tenus à huit-clos, la normalisation des relations entre les deux pays.96 Par la suite, les rencontres entres de hauts responsables des deux pays se multiplient dans les deux capitales. Le Premier ministre

92 F. REYNTJENS. (2016). Chronique politique du Rwanda, 2015-2016. In REYNTJENS, F (Dir.), L'Afrique des grands lacs : annuaire 2015-2016. Paris : L'Harmattan, pp.257-278.

93 RFI. (2015, 3 octobre). Rwanda/Burundi : tensions entre les deux voisins. Disponible à l'adresse : https://www.rfi.fr/fr/emission/20151003-mauvaises-relations-tensions-entre-rwanda-burundi-paul-kagame-pierre-nkurunziza

94 F. MANIRAKIZA. (2020), op.cit., p.38.

95 INTERNATIONAL CRISIS GROUP. (2020, janvier). Éviter les guerres par procuration dans l'est de la RDC et les Grands Lacs. Crisis Group Briefing Afrique, 150, 21p.

96 L.BROULARD. (2020, 9 octobre). Après des années de tension, les relations se réchauffent entre le Burundi et le Rwanda. Le monde Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/10/22/apres-des-annees-de-tension-les-relations-se-rechauffent-entre-le-burundi-et-le-rwanda 6057014 3212.html

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rwandais Edouard Ngirente a participé à la célébration du 59e anniversaire de l'indépendance du Burundi, au cours de laquelle le président burundais Evariste Ndayishimiye s'est engagé à rétablir les liens avec son voisin du nord.97 Une délégation du Conseil National pour la Défense de la Démocratie - Forces de Défense de la Démocratie CNDD-FDD a assisté au dernier congrès du FRP tenu les 1er et 2 avril 2023 à Kigali. Cependant, malgré la volonté affichée par les deux voisins, la question du rapatriement des putschistes burundais demeure un point de tension important et n'a pas encore trouvé une issue favorable.98 En dehors des accusations réciproques de soutien aux groupes rebelles, les tensions entre le Rwanda et le Burundi sont aussi très marquées par le fait ethnique. Selon Paul Simon Handy, il y a dans l'entourage des dirigeants des deux pays des suprémacistes Hutus et Tutsis qui alimentent l'idée d'un soutien aux groupes rebelles sur la base ethnique en vue de l'établissement d'une région dans laquelle l'une des deux ethnies prendrait la tête des gouvernements. Rappelons que les élites dirigeantes en place dans les deux pays ont mené des guerres pour renverser les Hutus au Rwanda et les Tutsis au Burundi. En effet, quand le CNDD-FDD, au pouvoir au Burundi, à majorité Hutu luttait contre un régime dominé par les Tutsis, le FPR, lui, combattait un régime à dominance Hutu qui massacrait les Tutsis en majorité.

Paul Simon Handy pense qu'il y a deux visions qui s'affrontent et les décrit comme suit : « Il y aurait, d'un côté les extrémistes hutus du Burundi qui pensent que le Rwanda est dominé par des suprémacistes tutsis et que le Rwanda ne connaîtra pas le repos tant que le Burundi ne sera pas également dirigé par un régime tutsi. Et de l'autre des extrémistes Tustis au Rwanda qui perçoivent dans les Hutus au pouvoir au Burundi des individus qui partagent la même idéologie que les Hutus rwandais qui ont commis le génocide contre les Tutsis en 1994. ».99 Quand l'un célèbre le génocide des Tutsi de 1994, l'autre parle du génocide des Hutus de 1972. Dans les deux cas, les minorités des Hutus et Tutsis assassinés sont peu ou pas abordées par les pouvoir en place lors des commémorations de ces tragédies humaines. Au Rwanda, la mention ethnique a été supprimée des pièces d'identité nationale alors qu'au Burundi elle continue d'exister et s'oppose à la conception non ethnisée de la société des dirigeants rwandais. Autant d'éléments qui différencient les deux États et alimentent les crises entre eux.

97 P-S. HANDY & A.P. ESTIME. (2022, 11 janvier), op.cit., p.38.

98 RFI. (2022, 27 octobre). Burundi : les « putschistes » réfugiés à Kigali restent une épine dans les relations avec le Rwanda. Disponible à l'adresse : https://www.rfi.fr/fr/afrique/20221027-burundi-les-putschistes-réfugiés-à-kigali-restent-une-épine-dans-les-relations-avec-le-rwanda

99 P-S. HANDY & A.P. ESTIME. (2022, 11 janvier), op.cit., p.38.

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2.1.3. Rwanda-RDC : deux voisins aux relations politico-diplomatiques tumultueuses

depuis le génocide de 1994.

Près de 20 ans après le second conflit de la RDC (1998-2003), l'instabilité et l'insécurité demeurent les principales caractéristiques de sa partie orientale. Les groupes armés continuent d'y commettre des crimes, des pillages de ressources et des exactions contre les populations civiles qui vivent dans la peur et dans un contexte de violence permanent. C'est au prisme de ce contexte d'insécurité et d'affrontements réguliers entre les forces loyalistes et les groupes rebelles qu'il convient de lire les relations conflictuelles quasi permanentes que ce géant démo-territorial entretient avec son voisin rwandais. En effet, depuis la fin de la seconde guerre du Congo dite « première guerre continentale africaine »100 en référence au nombre d'acteurs étatiques impliqués dans le conflit, le Rwanda et la RDC s'accusent continuellement de soutenir des groupes armés rebelles qui sont hostiles aux deux États. Quand la RDC accuse le Rwanda de soutenir les groupes rebelles sur son sol, en particulier celui du mouvement du 23 Mars ou M23101 à des fins économiques et d'exploitation illicite des matières premières, le Rwanda rétorque en accusant le gouvernement congolais de soutenir et d'héberger les rebelles des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) sur son sol. Ces relations sont minées par l'existence d'un certain nombre de groupes rebelles dans la région.

Pour une meilleure compréhension des tensions qui caractérisent les relations politiques et diplomatiques entre la RDC et le Rwanda, il convient de rappeler quelques faits majeurs qui permettent de mieux rendre compte la situation actuelle. Les conflits armés dans l'est de la RDC, qui polarisent leurs relations conflictuelles, prennent leur source au lendemain du génocide de 1994 et des conséquences humaines qu'il a engendrées.102 Parmi les conséquences majeures de ce drame en dehors de la mortalité élevée, on note le nombre de réfugiés. En effet, durant les conflits qui ont touché la région, ils ont été des millions à fuir dans les pays voisins où ils se sont entassés dans les camps de réfugiés majoritairement à l'est de la RDC. A partir de juillet 1994, ces camps de réfugiés, surtout ceux à l'est du Zaïre, sont en plein désarroi et l'aide humanitaire peine à y être déployée alors qu'une épidémie de choléra fait des milliers de victimes.103 Sadako Ogata, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés de

100 Cette expression est utilisée pour la première fois parle géographe Rolland POURTIER dans son article intitulé Le Congo (RDC) entre guerre et pillage (THE CONGO (DRC) AMID WAR AND PLUNDER)

101 Le mouvement du 23 mars, également appelé M23, est un groupe créé à la suite de la guerre du Kivu. Il est composé d'ex-rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda réintégrés dans l'armée congolaise à la suite d'un accord de paix signé le 23 mars 2009 avec le gouvernement congolais. Ils se sont ensuite mutinés en avril 2012. Leur nom provient des accords du 23 mars 2009, car les membres considèrent que le gouvernement congolais n'a pas respecté les modalités de celui-ci.

102 Y. GWET. (2023, 8 janvier). Dans le conflit Rwanda-RDC, l'histoire bégaie-t-elle ? Jeune Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/1400635/politique/dans-le-conflit-rwanda-rdc-lhistoire-begaie-t-elle/

103 F. PITON. (2018). Le génocide des Tusti du Rwanda. Paris : La Découverte, p.175.

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l'époque décrivait la situation en ces termes : « Avec sa topographie volcanique rocheuse, cette région, déjà très peuplée, est particulièrement mal adaptée pour accueillir des camps de réfugiés. Les ressources en eau y manquent cruellement et l'infrastructure locale pour soutenir une opération humanitaire de grande envergure est à peu près nulle »104. Composés de simples civils, mais aussi de soldats, ces réfugiés ont fini par devenir la grande hantise des populations de la région ; ils jouent désormais un rôle crucial dans les crises qui minent la région depuis 1990, parmi eux on compte de nombreux criminels de guerre qui ont fini par créer des groupes rebelles.105 Dans le cadre du génocide, par exemple, au moment de la riposte menée par l'Armée Patriotique Rwandaise (APR) devenu FPR en 2002 contre les génocidaires Hutus, ils sont près de deux millions de réfugiés qui fuient le Rwanda en direction des pays voisins, principalement vers le Zaïre (actuelle RDC) et la Tanzanie.106 Parmi eux, près de 1,5 millions sont des Hutus, ils fuient vers la RDC et s'entassent dans les camps de réfugiés. Ceux-ci étant constitués des éléments des forces armées rwandaises (FAR) et des miliciens Interahamwe107 sont considérés par le FPR comme une menace.108 Ainsi, craignant que ces miliciens se servent des camps de réfugiés pour se remobiliser et s'organiser afin de mener une contre-offensive en direction de Kigali, les forces du FRP envahissent ces camps dans le but de mettre fin à la menace à partir de 1996.109 C'est sous couvert d'un soulèvement des Banyamulenges contre l'administration zaïroise et ses tracasseries, que les forces du FPR mènent leurs actions, en attaquant les forces génocidaires en RDC.110 Il s'agit de la première intrusion directe des forces armées du Rwanda en RDC. Celle-ci a consacré la transposition des problèmes rwandais sur le sol congolais.

104 UNHCR. Les réfugiés dans le monde : Cinquante ans d'action humanitaire. Chapitre 10 : Le génocide rwandais et ses répercussions. Disponible à l'adresse : https://www.unhcr.org/fr/media/les-refugies-dans-le-monde-cinquante-ans-daction-humanitaire-chapitre-10-le-genocide-rwandais

105 P.B. MAKUTU KAHANDJA. (2009). La géopolitique de l'instabilité dans la région des Grands Lacs : Réflexions sur les réfugiés, ces acteurs-auteurs des mutations géostratégiques. Paris : L'Harmattan-RDC, 73p.

106 Ibid.

107Les Interahamwe constituent la plus importante des milices rwandaises créées dès 1992 par le Mouvement révolutionnaire national pour le développement (MRND) , parti du président Juvénal Habyarimana, au Rwanda. Ces milices sont responsables de la plupart des massacres pendant le génocide en 1994.

108F. REYNTJENS. (2021). Le génocide des tutsi au Rwanda (2e éd.). Paris : Puf, p.105. (Collection Que sais-je ?) 109P. BLACKBURN. (1969). Génocide et crimes de masse. L'expérience rwandaise de MSF 1982-1997, par Jean-H. BRADOL & M. Le PAPE. Anthropologica, 60(2), pp.548-549.

110R. POURTIER. (2006). Les réfugiés en Afrique centrale : une approche géopolitique (Refugees in central Africa : a geopolitical approach). Bulletin de l'Association de géographes français, 83(1), pp.50-61.

Durant cette période les Banyamulenges s'opposent à l'administration congolaise qu'ils accusent de les traiter comme des « étrangers » alors qu'ils se considèrent comme congolais. Ils revendiquent la nationalité congolaise qui leur ait nié par le régime de Mobutu. La majorité d'entre eux sont des descendants des tutsis rwandophones qui ont migré vers le Congo belge pour des raisons économiques à la fin des années 1920 début des années 1960.

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L'autre fait majeur est l'implication directe du nouveau gouvernement rwandais, en compagnie de son allié ougandais, dans les affaires internes de la RDC. Ils créent en 1996 la rébellion de l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Zaïre-Congo (AFDL), puis aident ce mouvement, dirigé par Laurent Désiré Kabila, à renverser Mobutu Sese Seko au pouvoir en 1997. Les régimes rwandais et congolais sont des alliés, à la suite du renversement du président zaïrois. Mais, très vite, Laurent Désiré Kabila souhaite se défaire de ses alliés car il percevait mal la présence des forces étrangères sur son sol alors que les objectifs ont déjà été atteints. Ainsi, à partir de 1998, il réclamait le retrait de toutes les troupes rwandaises et ougandaises de la RDC. Cette tentative d'émancipation passait mal côté rwandais, où l'on considérait cette décision comme une véritable trahison de la part de Laurent Désiré Kabila, le « produit » que le Rwanda a aidé à accéder au pouvoir.111 Ne pouvant accepter de perdre le contrôle de certaines ressources minières importantes présentes au Congo et indispensables à son économie, le Rwanda envahit, le 2 août 1998, une deuxième fois le Congo, en se camouflant derrière de nouveaux mouvements rebelles, et en arguant toujours de préoccupations sécuritaires aux frontières avec la RDC.112 Une nouvelle guerre éclate, et cette fois-ci le renversement du pouvoir voulu par le Rwanda et l'Ouganda n'aboutit pas, Laurent Désiré Kabila parvenant à rester au pouvoir grâce au soutien que lui avaient apporté l'Angola et le Zimbabwe. Ce conflit prit fin avec la signature de nombreux accords de paix : celui de Lusaka (Zambie) en 1999, puis ceux de Pretoria (Afrique du Sud) et de Luanda (Angola) en 2002. Ces traités ont relativement participé à la stabilisation de la région en raison notamment du départ des 20 000 soldats rwandais à l'est de la RDC en 2002.113

En dépit de ces traités et de ceux qui ont suivi114, de la présence des forces onusiennes, de nombreux groupes armés, parrainés par des gouvernements étrangers, continuent à opérer sur le territoire congolais (ADF, Maï-Maï, FDLR etc.). Parmi ces groupes, le M23 est le principal point des tensions entre le Rwanda et la RDC. Défait par les FARDC, les forces de la Missions des Nations Unies pour la stabilisation en RD Congo (MONUSCO) et une force d'intervention africaine (Malawi, Tanzanie, Afrique du Sud) en 2013, le M23 a refait surface en perpétrant de nouvelles attaques contre l'armée congolaise dans le territoire du Rutshuru à partir de novembre 2021. Entre le 28 et le 29 mars 2022 les combattants du M23 ont également attaqué les forces

111 S. CHABOUNI. (2013), op.cit., p.33.

112 S. CHABOUNI. (2013), op.cit., p.33. 113P. JACQUEMOT. (2014), op.cit., p.13. 114 Notamment ceux de Nairobi en 2006, de Goma signé en 2009 entre le CND et le gouvernement de la RDC et de Nairobi en 2013 signés entre le gouvernement congolais et le M23.

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congolaises dans le Nord-Kivu.115 La résurgence de ce mouvement rebelle a complètement sapé tous les efforts de rapprochement que l'on a pu observer entre les deux États ces dernières années. En effet, depuis 2016 les dirigeants des deux pays ont entamé des processus de normalisation de leurs relations bilatérales. Cela s'est manifesté par des visites et des rencontres entre les deux présidents, par exemple. Paul Kagame et Joseph Kabila se sont rencontrés à Rubavu au Rwanda en 2016 pour évoquer les questions sécuritaires, mais aussi celles liées aux intérêts économiques des deux pays.116 En 2017, ils ont même signé un accord d'exploitation commune du méthane présent dans le Lac Kivu que les deux pays partagent.117 Ces tentatives de normalisation des relations bilatérales se sont poursuivies malgré les changements opérés à la tête de l'État congolais. Felix Antoine Tshisekedi, nouveau président élu de la RDC à partir de janvier 2019 poursuit le processus de normalisation entrepris par son prédécesseur, Joseph Kabila. Les deux présidents se sont rencontrés à deux reprises : le 25 juin 2021 à Rubavu, puis le lendemain à Goma. À l'issue de ces rencontres de nouveaux accords économiques ont été signés entre les deux pays notamment dans le secteur minier.118 Selon un communiqué de la présidence congolaise, la Société aurifère du Kivu et du Maniema (Sakima SA) et celle rwandaise, Dither LTD, ont signé « un protocole d'accord de coopération » en marge de cette rencontre pour l'exploitation de l'or, afin de priver les groupes armés des revenus issus de cette filière.

Le climat de détente qui semblait s'installer a été vite rompu avec l'intensification des combats entre le M23 et les forces armées de la RDC. Accusé par la RDC de soutenir ce groupe rebelle, le Rwanda dément être impliqué. Depuis la prise de la ville du Rutshuru par le M23, les deux pays se livrent une véritable guerre des mots par médias interposés. En réaction à la prise de Rutshuru par les rebelles, le gouvernement congolais a expulsé l'ambassadeur du Rwanda119, une décision regrettée par l'État rwandais qui continue de nier son implication et son soutien aux forces du M23. Lors de l'Assemblée des Nations Unies tenue le 13 septembre 2022 à New-York, le président congolais, Félix Antoine Tsishekedi, a de nouveau accusé le

115 M.HUGON. (2022,27 mai). RDC : qui sont les rebelles du M23 et pourquoi sont-ils source de tensions avec le Rwanda ? Tv5.com. Disponible à l'adresse : https://information.tv5monde.com/afrique/rdc-qui-sont-les-rebelles-du-m23-et-pourquoi-sont-ils-source-de-tensions-avec-le-rwanda

116 T. KIBANGULA. (2016, 12 août). Rwanda - RDC : ce que Kabila et Kagame se sont dit à Rubavu. Jeune Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/349037/politique/rwanda-rdc-kabila-kagame-se-dit-a-rubavu/

117 RFI. (2017, 23 mars). La RDC et le Rwanda approfondissent la recherche scientifique autour du lac Kivu. Disponible à l'adresse : https://www.rfi.fr/fr/afrique/20170314-rwanda-surveillance-lac-kivu-operee-une-cooperation

118 JEUNE AFRIQUE & AFP. (2021, 27 juin). Or : la RDC et le Rwanda signent un accord sur l'exploitation minière. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/1194739/economie/kinshasa-et-kigali-signent-des-accords-commerciaux-notamment-sur-lexploitation-de-lor/

119 Il s'agit de Vincent Karega.

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Rwanda.120 Malgré la tentative de conciliation engagée par le président français, Emmanuel Macron en marge du sommet, la situation n'a pas évolué et les combats continuent sur le terrain entre les FARDC et le M23.121 La crise s'est de nouveau invitée au dernier Sommet de la Francophonie tenu à Djerba le 19 et 20 novembre 2022 en Tunisie où le premier ministre congolais Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge a refusé de poser au côté de Paul Kagame sur la photo de famille qui a clôturé le sommet.122 Dans un discours tenu le 30 novembre 2022 devant le Parlement, à l'occasion de la prestation de serment de nouveaux responsables nommés au dernier conseil des ministres, Paul Kagame a accusé son homologue congolais de jouer sur la crise du M23 pour faire retarder les élections présidentielles à venir.123 Félix Tsishekedi lui a répondu en ses termes dans un discours d'État « Je pense que le président Kagame n'a pas de qualité pour faire un quelconque commentaire sur ce qui concerne les élections » avant de se demander si la liberté d'expression existait au Rwanda. Il l'a également qualifié de président rétrograde dont l'Afrique devrait se débarrasser.124 Cette escalade verbale montre bien à quel point la tension entre les deux États est vive. La découverte du charnier de Kishishe dans la province du Nord-Kivu par les forces armées congolaises rend quasiment impossible la normalisation des relations entre les deux pays et met de facto en péril l'ensemble des processus de négociations pacifiques engagées à Nairobi et à Luanda125. Surtout que le M23 n'a pas pris part aux réunions visant la fin des combats. Le retrait amorcé par le M23 dans certaines localités n'a pas amélioré les relations entre les deux États dont les relations demeurent tendues.

2.1.4. Le complexe d'obsidionalité développé par le Rwanda

En géopolitique, l'encerclement ou le complexe d'obsidionalité relève d'abord d'un ensemble de représentations qu'un État se fait par rapport à l'environnement régionale dans lequel il évolue et par rapport aux relations qu'il entretient avec ses voisins immédiats. Le

120 Pour retrouver l'intégralité du discours voire l'adresse du site officiel des Nations Unies https://news.un.org/fr/story/2022/09/1127551

121 R. GRAS. (2023, 3 mars). Emmanuel Macron, l'équilibriste entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame. Jeune Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/1422691/politique/emmanuel-macron-lequilibriste-entre-felix-tshisekedi-et-paul-kagame/

122 G. VILLADIER. (2022, 19 novembre). Sommet de la Francophonie : la RDC refuse d'être sur la photo aux côtés du Rwanda [Vidéo]. Disponible à l'adresse : https://information.tv5monde.com/afrique/sommet-de-la-francophonie-la-rdc-refuse-detre-sur-la-photo-aux-cotes-du-rwanda-1438046

123 JEUNE AFRIQUE. (2022, 1er décembre). RDC-Rwanda : Kagame accuse Tshisekedi d'utiliser la crise du M23 pour retarder la présidentielle. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/1397192/politique/rdc-rwanda-kagame-accuse-tshisekedi-dutiliser-la-crise-du-m23-pour-retarder-la-presidentielle/

124 R. GRAS. (2022, 5 décembre). RDC-Rwanda : entre Tshisekedi et Kagame, l'escalade verbale se poursuit. Jeune Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/1397972/politique/rdc-rwanda-entre-tshisekedi-et-kagame-lescalade-verbale-se-poursuit/

125 Rappelons que le mini-sommet régional de Luanda de fin novembre n'a rien donné sur le terrain militaire. Le M23, qui ne se dit pas concerné par l'accord de retrait de ses troupes des zones occupées, n'a pas reculé des territoires occupés. Les combats ont même repris ces derniers jours, violant ainsi un cessez-le-feu qui n'aura tenu que cinq (5) petits jours.

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complexe d'obsidionalité perçu par un État peut être dans certains cas, directement transposé à sa réalité géographique d'enclavement, comme nous le postulons pour le cas du Rwanda qui est ici à l'étude. En effet, la situation géographique d'enclavement peut dans certaines situations renforcer le sentiment d'encerclement d'un État surtout lorsque celui-ci entretient des relations difficiles avec son voisinage. En pareille situation, il y a ce que l'on pourrait appeler une situation de « double encerclement », c'est-à-dire un encerclement à la fois géographique du fait de la situation d'enclavement et un encerclement géopolitique liée cette fois-ci à la perception que l'on a des pays limitrophes. Cette volonté d'isoler ou d'encercler s'est souvent faite par le biais d'un réseau d'alliance noué entre divers États qui ont un autre État comme ennemi commun. À côté de ces alliances qui peuvent être tissées entre certains pays en vue d'isoler un autre, l'encerclement peut découler des représentations. Ainsi, sans même que les États qui l'entourent nouent des alliances concrètes avec l'objectif de l'isoler ou de l'encercler, un État en raison des relations politiques et/ou diplomatiques exécrables qu'il entretient avec ses voisins peut avoir l'impression ou le sentiment de l'être.

Le cas du Rwanda est particulièrement intéressant. Comme nous l'avons vu plus haut, celui-ci entretient des relations difficiles et parfois conflictuelles avec ses voisins depuis de nombreuses années. À un moment ou à un autre, ce petit État a joué un rôle déterminant dans les conflits qui ont touché la région, et malgré la multitude des acteurs impliqués dans ceux-ci, il y a joué un rôle central.126 Aujourd'hui encore, bien que les guerres ouvertes entre États n'existent plus dans la région, il continue d'être au centre de toutes les attentions en raison des accusations de déstabilisation via des groupes rebelles dont il fait l'objet par les États qui lui sont limitrophes. Ainsi, au vu de la grave détérioration des rapports qu'il entretient avec son voisinage, il semble que, politiquement, le Rwanda soit mal apprécié dans la sous-région et se trouve dans un état d'isolement, et ce depuis quelques années déjà.127 Ce contexte a semble-t-il nourrit chez les dirigeants rwandais l'idée selon laquelle leur État évolue dans un environnement hostile. Cette situation ressemble à bien des égards aux perceptions que l'État hébreu a vis-à-vis des États arabes qui l'entourent au début des années 1950. Ce dernier se sentait encerclé par ses voisins arabes qu'il percevait comme hostiles.

Le sentiment d'encerclement que le Rwanda a développé trouve également sa source dans des représentations qui se sont forgées pendant le génocide, surtout chez la classe dirigeante aujourd'hui majoritairement d'origine Tutsi. Il y aurait ainsi, selon Frédéric Encel, « de nombreux Tutsi qui se positionnent comme des «Juifs d'Afrique'', minoritaires et qui évoluent

126 F. REYNTJENS. (2020), op.cit., p.13.

127 S. CHABOUNI. (2020), op.cit., p.8.

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dans un environnement très hostile, objets d'une perception fantasmatique d'hommes « élus » victimes abandonnées d'un génocide, peuple doté d'une combativité ayant permis de chasser ses bourreaux et de prendre le pouvoir par les armes »128. Cette représentation est fondée sur la mémoire génocidaire qu'ils partagent avec Israël. Étant donné qu'un État enclavé et surtout encerclé ne peut se mouvoir pleinement dans un environnement hostile, le Rwanda a entrepris une diplomatie de plus en plus active dirigée vers les pays situés à rebours de ses voisins proches. Il a pour preuve signé des partenariats militaires avec le Mozambique voisin de la Tanzanie et la République Centrafricaine pays frontalier à la RDC. Il a aussi acheté des terres pour l'agriculture en République du Congo un autre voisin de la RDC (cf. carte 6). Il se déploie également sur le reste du continent et même au-delà de l'Afrique, puisqu'il a des relations plutôt bonnes avec ses partenaires européens (la Belgique, le Royaume-Unis, la Suède etc..), américains (les États-Unis et le Canada) et asiatiques (la Chine et l'Inde).

Cette stratégie diplomatique ressemble à plusieurs points de vue à celle qu'Israël avait adoptée dans les années 1950 pour briser l'encerclement arabe dont il s'est toujours considéré victime. Cette stratégie dite de « doctrine périphérique » ou « diplomatie de la seconde ceinture » avait été élaborée par le premier ministre israélien David Ben Gourion129 pour sortir l'État hébreu de son isolement régional.130 Dans la pratique, elle consistait à nouer des alliances stratégiques avec les États non arabes et les minorités de la région qui étaient situés au-delà de la première ceinture des pays qui l'entouraient. Trois pays constituaient les piliers de cette stratégie d'alliances de revers : l'Éthiopie, pour contrer l'Égypte (de 1955 à 1976) ; l'Iran, pour contrer l'Irak (de 1950 à 1979) ; la Turquie, pour contrer la Syrie et l'Irak (de 1994 à 2007).131 Au demeurant, les trois dirigeants de ces États entretenaient de bonnes relations avec les États-Unis qui au passage sont un partenaire privilégié d'Israël. Il est donc tout à fait compréhensible que l'État hébreu se soit tourné vers ces pays pour mener sa stratégie de désencerclement vis-à-vis de ses voisins arabes.

128 F. ENCEL & F. THUAL. (2011). Géopolitique d'Israël. Paris : Le Seuil, p.18.

129 Il est le fondateur de l'État d'Israël, dont il proclame l'indépendance le 14 mai 1948. Il est Premier ministre du pays de 1948 à 1954 et de 1955 à 1963.

130J. SAMAAN. (2014). Israël et l'Eurasie : le retour de la doctrine de la périphérie ? Géoéconomie, (72), pp.139-150.

131Y. GUZANSKY & G. LINDENSTRAUSS. (2012, July). Revival of the periphery concept in israel's forein policy ? Strategic Assessment. 15 (2), pp.27-40.

L'Iran était dirigé par le Shah, la Turquie par Celâl Bayar et l'Éthiopie par Haïlé Sélassié.

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Carte 6. Mise en perspective de la stratégie de désencerclement du Rwanda

Cette carte montre les différentes relations que le Rwanda entretient avec les pays voisins et ceux situés à rebours de ces derniers. Trois pays apparaissent comme ennemis au Rwanda (Burundi, RDC, Ouganda) en raison de leur relation difficile. Ces derniers forment le trio d'encerclement dont le Rwanda se sent victime. Pour briser cet encerclement, le Rwanda à la lecture de la carte, a noué des partenariats économiques et/ou militaires avec divers pays (Mozambique, Congo, Soudan du Sud, RCA). Si avec le Burundi, l'Ouganda et la RDC les relations sont quasi-conflictuelles, avec les États du Kenya et de la Tanzanie, celles-ci sont bonnes en raison notamment de la dépendance du Rwanda vis-à-vis des débouchés maritimes que lui offrent ces deux pays.

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2.2. Les mobiles économiques, sécuritaires et politiques du déploiement rwandais en Afrique

2.2.1. Les mobiles économiques

Le budget du Rwanda comporte encore une part non négligeable de l'aide étrangère surtout, celle venant des pays occidentaux. Bien qu'étant en constante diminution au fil des décennies, cette aide contribue encore à 15 % des ressources budgétaires (cf. graphique 3). La contribution financière des États occidentaux maintient le Rwanda dans une position de dépendance vis-à-vis de ceux-ci. Les dirigeants du Rwanda ont d'ailleurs expérimenté la fragilité de leur économie dépendante de l'aide en 2012, lorsque les prévisions budgétaires ont été mises en difficulté par la suspension et la diminution de l'aide des principaux alliés occidentaux (États-Unis, Grande Bretagne, Suède ...). Ces coupes sont intervenues suite à la publication d'un rapport des Nations Unies sur des crimes contre l'humanité commis en RDC, dans lequel le Rwanda est accusé de soutenir les rebelles du M23 et d'avoir perpétré des crimes sur des civils.132 La diminution de l'aide étrangère a ainsi impacté l'économie locale et a forcé l'État à revoir ses prévisions budgétaires.133 Le Rwanda est bien conscient de sa marge de manoeuvre parfois limitée par sa dépendance à l'extérieur. Paul Kagame, lui-même, a reconnu que cette dépendance représentait un défi pour l'économie de son pays. Il a même qualifié l'aide internationale comme étant un poison dont il faut absolument se passer.134 Il a déclaré après les suspensions de l'aide internationale : « Aucun pays au monde ne reçoit l'aide internationale et ne l'utilise de meilleure façon que le Rwanda. Donc je ne suis pas sûr que ces gens qui donnent l'aide internationale veulent que nous nous développions. Ils donnent une aide et espèrent que nous resterons des mendiants. Ils vous donnent de l'aide pour que vous les glorifiez et dépendiez d'eux. Ils ne cessent de l'utiliser comme un outil de contrôle et de gestion ».135 De plus, Paul Kagame dans une interview accordée à Jeune Afrique fait une analyse très lucide au sujet de la dépendance de son pays à l'aide internationale. Il sait qu'elle ne dépend que des critères qui sont définit par le donateur. Il déclare : « ...nous ne sommes pas naïfs. Nous savons très bien que l'aide dépend du bon vouloir de qui la donne ou la retire, pour des raisons qui lui

132 UN, S. C. (2012,8 août). Letter Dated 7 August 2012 from the Coordinator of the Group of Experts on the DRC Addressed to the Acting Chair of the Committee. (Rapport S/AC.43/2012/ COMM.32)

Voir également HUMAN RIGHTS WATCH, (2012, 11 septembre). DR Congo : M23 Rebels Committing War Crimes. Rwandan Officials Should Immediately Halt All Support or Face Sanctions.

133 J. RÉVILLON. (2014), op.cit., p.28.

134 J. RÉVILLON. (2014), op.cit., p.28.

135Déclaration de Paul Kagamé le 4 octobre 2012, lors de l'ouverture de l'année judiciaire 2012-2013, « Rwanda's GDP growth to slow down if aid suspension enters into 2013 », The East African, 27 octobre 2012.

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appartiennent. ».136 Les critères des pays occidentaux étant parfois trop liées au contexte politique, Paul Kagame, sachant son pays souvent pointé du doigt pour des questions liées aux pratiques démocratiques et aux droits de l'homme a donc recherché des solutions pour palier à la diminution des ressources financières issues de l'aide des pays occidentaux. Ainsi, outre l'appel aux « impôts volontaires »137 censé, y remédier, Paul Kagame entretient depuis ces évènements une politique extérieure dynamique, volontiers provocatrice, cherchant à se trouver de nouveaux alliés en Afrique et en Asie, dans le but de réduire sa dépendance à l'aide venant des pays occidentaux.138

L'autre explication économique plausible de l'intense activité diplomatique du Rwanda, que l'on pourrait évoquer ici ; est liée aux caractéristiques de sa géographie et à la rareté des ressources stratégiques à forte valeur économique sur son sol. Ces particularités l'obligent à rechercher des partenariats avec des États qui peuvent lui offrir des opportunités économiques en contrepartie de ses services, notamment sur le plan militaire. Dans ce sens, le Rwanda a réussi à acheter des terres agricoles en République du Congo. Rappelons que la problématique de disponibilité des terres cultivables est un véritable problème pour le Rwanda du fait de l'étroitesse de son territoire. Avec l'acquisition de près de 12 000 hectares pendant près de 25 ans, le Rwanda s'offre une solution de choix pour le développement de ses activités agricoles. À travers sa filiale Crystal Ventures Limited (CVL), le Rwanda a également acquis la gestion de la zone industrielle et commerciale de Maloukou, située à seulement 70 km de Brazzaville.139 Il y a aussi dans la stratégie de déploiement militaire du Rwanda en Afrique, une volonté de désamorcer toutes les situations sécuritaires qui pourraient mettre en difficulté son économie. Son déploiement au Mozambique obéit parfaitement à cette logique. En effet, en intervenant au Mozambique, le Rwanda souhaite préserver la stabilité dans ce pays qui partage des frontières avec la Tanzanie au nord où il achemine une part importante de ses importations via le port de Dar es Salaam. Toute déstabilisation de la Tanzanie aurait un impact sur l'économie du

136 F. SOUDAN. (2013, 27 mai). Paul Kagamé : « Le Rwanda n'a pas été fait pour moi ». Jeune Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/137351/politique/paul-kagam-le-rwanda-n-a-pas-t-fait-pour-moi/

137 T.KIBANGULA. (2012,21 août).Rwanda : « Agaciro », ou comment Kagamé compte se passer de l'aide internationale. Jeune Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/174666/politique/rwanda-agaciro-ou-comment-kagam-compte-se-passer-de-l-aide-internationale/

138 S. CHABOUNI. (2015), op.cit., p.13.

139O. CASLIN. (2022, 14 avril). Paul Kagame à Brazzaville sous le signe de « l'amitié et de la coopération » avec le Congo. Jeune Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/1339129/politique/paul-kagame-a-brazzaville-sous-le-signe-de-lamitie-et-la-cooperation-avec-le-congo/

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Rwanda.140 Ainsi, intervenir pour sécuriser les parties nord du Mozambique c'est aussi s'assurer que le phénomène ne s'exporte pas chez le voisin tanzanien où il a ses intérêts.

2.2.2. Les mobiles sécuritaires

L'une des plus grandes préoccupations du Rwanda, depuis la fin du génocide de 1994, est la sécurité de son territoire. Les gouvernants actuels n'ont pas hésité, pour se protéger d'une possible invasion ou attaque, à transgresser le droit international en allant sur le territoire de la RDC pourchasser les milices et les forces armées qui étaient considérées comme responsables des massacres liés au génocide. Aujourd'hui encore, cette préoccupation sécuritaire n'a pas disparu puisque les dirigeants rwandais continuent de s'inquiéter de la présence des Forces de Libération du Rwanda (FDLR) en RDC. Selon un rapport du baromètre sécuritaire du Kivu publié sur le site officiel de l'ONG Human Rights Watch en 2017, les FDLR ne compteraient plus qu'entre 500 et 1000 combattants dans ses rangs, contre 6 500 en 2008.141 En terme d'effectif, militairement, les FDLR semblent bien plus faibles aujourd'hui qu'il y a dix ans. Ils ont également perdu le contrôle de la majeure partie du territoire et des zones minières qu'ils contrôlaient autrefois. Fin 2017, selon le même rapport, les capacités opérationnelles des FDLR ont sérieusement été limitées par son manque de munitions, mais aussi à cause des offensives militaires conjointes menées par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et la MONUSCO au courant de l'année 2015. Néanmoins, bien qu'il se soit considérablement affaibli, il demeure toujours un groupe redoutable en raison de son importance politique dans la région. Les soldats qui sont encore sur le terrain sont en grande majorité des combattants, bien entraînés et aguerris.142 Le fait qu'il soit encore composé d'anciens génocidaires continue de préoccuper les dirigeants actuels du Rwanda. Dans une interview accordée 7 août 2022 aux journalistes de Radio France Internationale (RFI), le ministre des affaires étrangères du Rwanda143, affirmait que les FDRL continuaient de constituer une menace pour la sécurité de son pays et qu'ils ont même mené des attaques contre le Rwanda à trois reprises en novembre 2021, à partir du territoire congolais.144

140 P-S. HANDY. (2021, 27 septembre), op.cit., p.8.

141 LE BAROMETRE SECURITAIRE DU KIVU. (2017, mai). Kidnapping contre rançon Incidents à Rutshuru, Nyiragongo et Goma République démocratique du Congo. Disponible à l'adresse : https://www.hrw.org/sites/default/files/supporting_resources/201805africa_drc_kivutracker_pdf_french.pdf

142 S. BUJAKERA TSIAMALA. (2021, 26 février). Assassinat de l'ambassadeur italien : « Les FDLR sont forts et influents, mais ils ne sont pas les seuls ». Jeune Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/1127877/politique/assassinat-de-lambassadeur-italien-les-fdlr-sont-forts-et-influents-mais-ils-ne-sont-pas-les-seuls/

143 Il s'agit de Vincent Biruta.

144 L'intégralité de l'interview est disponible à l'adresse suivante : https://www.rfi.fr/fr/podcasts/invit%C3%A9-afrique/20220807-vincent-biruta-ce-qui-est-visible-c-est-la-pr%C3%A9sence-du-fdlr-avec-une-id%C3%A9ologie-g%C3%A9nocidaire

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Pour faire face à cette menace, le gouvernement rwandais a très souvent évoqué le droit de poursuite pour justifier l'intrusion de ses forces armées dans la partie orientale de la RDC, notamment dans la province du Nord-Kivu. Dans une interview accordée au quotidien Jeune Afrique en février 2023, Paul Kagame affirmait que : « la menace que représente les FDLR peut nous amener à intervenir au Congo sans excuses ni préavis ».145 Par cette déclaration, le président rwandais reconnait d'une certaine façon la présence de ses forces armées dans l'est de la RDC, comme l'avait déjà dénoncé plusieurs rapports des experts des Nations Unies. Mais, selon lui, cette présence militaire n'aurait d'autres raisons que des motifs liés à la sécurité de son territoire.

La présence de ses troupes à l'étranger permet également au Rwanda de veiller sur ses propres intérêts sécuritaires. Son intervention au Mozambique par exemple, n'est pas totalement étrangère au fait que de nombreux opposants au régime évoluent dans ce pays. Depuis le début de son intervention au moins un opposant au régime de Paul Kagame a été assassiné.146 Par sa présence au Mozambique, les dirigeants rwandais s'assurent également une certaine proximité géographique avec l'Afrique du sud où vivent en exil de nombreux opposants rwandais dont le plus célèbre est Faustin Kayumba Nyamwasa 147 ancien chef d'État-Major de l'armée rwandaise dont les troupes opèrent entre la frontière qui sépare le Rwanda et le Kivu. Elles sont également actives en Ouganda.148

2.2.3. Les mobiles politique

Depuis le génocide et les conséquences que ce drame a engendrées, le Rwanda est perçu comme une puissance de nuisance par ses voisins. Ses intrusions directes pendant les deux guerres qui ont secoué la RDC et les soutiens aux groupes rebelles dénoncés par de nombreux rapports onusiens, ont fait naître un certain nombre de critiques vis-à-vis du Rwanda et ses dirigeants. L'image positive dont bénéficie cet État en raison de ses performances économiques a été entachée en raison des crimes contre l'humanité qui sont commis en territoire congolais

145 JEUNE AFRIQUE, (2023, 27 janvier). Paul Kagame : M23 en RDC, Tshisekedi, Macron, présidentielle au

Rwanda...L'entretien exclusif en vidéo. Disponible à l'adresse :
https://www.jeuneafrique.com/1413411/politique/paul-kagame-m23-en-rdc-tshisekedi-macron-presidentielle-au-rwanda-lentretien-exclusif-en-video/

146 COURRIER INTERNATIONAL. (2023, 10 janvier), op.cit., p.18.

147 Faustin KAYUMBA NYAMWASA est ancien général des forces armées rwandaise qui vit en exil en Afrique du Sud. Il est considéré comme l'un des principaux opposants au régime de Paul Kagame. Fin janvier 2019, il a fait l'objet d'un mandat d'arrêt international du gouvernement rwandais, qui l'a accusé « de créer avec les autres partis d'opposition une rébellion dans l'est du Congo entre Fizi et Uvira.

148 C.BRAECKMAN. (2021, 24 août). Le Rwanda sur tous les fronts : une puissance diplomatique obtenue au bout du fusil. Le Soir. Disponible à l'adresse : https://www.lesoir.be/391041/article/2021-08-24/le-rwanda-sur-tous-les-fronts-une-puissance-diplomatique-obtenue-au-bout-du

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depuis la fin des années 1990.149 Sans être la raison principale de son engagement militaire sur le continent, sa participation massive aux missions de maintien de la paix (OMP) et sa contribution au rétablissement de la sécurité dans des zones en proie à des conflits armés et à des mouvements terroristes jouent certainement un rôle dans la perception que la société internationale a du Rwanda.150 Combiné aux bons résultats économiques, cet engagement militaire permet, un tant soit peu, à contrebalancer la perception négative de ses interventions militaires précédentes qui ont entrainé des crimes en RDC. En se posant en pourvoyeurs de forces pour le maintien de la paix par exemple, les dirigeants rwandais veulent montrer que leur pays, en tant que troisième fournisseur de ces forces, est plutôt pour la paix que pour la guerre et la déstabilisation.

D'un point de vue politique, la forte implication du Rwanda dans le rétablissement de la paix dans de nombreuses régions sur le continent permet de réduire les critiques vis-à-vis de leur pays.151 Au niveau international, son engagement important dans les OMP permet de détourner les critiques. Cela crée une image positive du Rwanda, bien différente des crimes de guerre au Congo et des abus du gouvernement, de plus en plus autoritaire.152 De cette façon, les problèmes liés aux droits de l'homme et aux pratiques démocratiques passent quelque peu au second plan. Par ailleurs, sur le plan politique, le déploiement important du Rwanda en Afrique est aussi lié à la recherche de nouveaux partenaires en termes de coopérations bilatérales et multilatérales sur divers plans, économique, sécuritaire et stratégique.153

149 J. DEVEAUX. (2021,27 mai). Rwanda : l'image de Paul Kagame se brouille de plus en plus. Francetvinfos. Disponible à l'adresse : https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/rwanda/genocide-au-rwanda/rwanda-l-image-de-paul-kagame-se-brouille-de-plus-en-plus_4639581.html

150 COURRIER INTERNATIONAL. (2023,10 janvier), op.cit., p.18.

151 COURRIER INTERNATIONAL. (2023, 10 janvier), op.cit., p.18.

152 L.BROULARD. (2020, 9 octobre), op.cit., p.39.

153 P. BOISSELET. (2016,5 octobre), op.cit., p.17.

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DEUXIEME PARTIE

L'AFRIQUE, ESPACE DE PROJECTION PRIVILEGIÉ

DU RWANDA

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CHAPITRE 3. LES LEVIERS DE LA POLITIQUE ETRANGERE DU RWANDA EN AFRIQUE

3.1. Les leviers historiques et politico-diplomatiques

3.1.1. La «rente» mémorielle comme outil diplomatique

Dans l'histoire récente du Rwanda, l'année 1994 peut être considérée comme l'année zéro pour l'État du Rwanda. C'est en effet, au sortir de cette année, qu'il doit trouver les moyens de se reconstruire aussi bien économiquement, socialement que politiquement. Pour y parvenir, les nouveaux dirigeants du Rwanda vont se servir du drame lié au génocide comme socle de leurs visions. Ainsi, depuis son arrivée au pouvoir, Paul Kagame utilise l'histoire de son pays, marquée par le génocide, pour refonder sa politique interne et extérieure. Cependant, avant de penser aux nouvelles politiques de développement économique et sociale, les rwandais ont dû affronter leur passé avec sa période la plus sombre : le génocide de 1994. C'est conscient de leur histoire commune et de l'inexactitude des différenciations ethniques faites par les anciennes puissances coloniales que les nouveaux dirigeants du pays engagent un processus de réconciliation important. Parmi les mesures fortes prises par le FPR, il y a la suppression la mention ethnique de la carte nationale d'identité et la création des tribunaux traditionnels appelés Gacaca154, pour juger les personnes responsables des massacres liés au génocide contre les Tutsis.

Plutôt que de refouler le passé, ignorer et masquer l'histoire, le nouveau régime décide de le «magnifier», de le «célébrer» chaque année avec des commémorations qui ont lieu tous les ans en avril. De fait, le génocide est partout, à travers la politique mémorielle très visible dans le pays depuis la fin du drame (commémoration, mémoriaux, musées...). Au niveau interne, le FPR veut faire des commémorations du génocide et de son lourd passé un élément unificateur de la nouvelle nation rwandaise. Le génocide apparait de ce fait comme un facteur déterminant de la mobilisation des forces internes de l'Etat. Il constitue l'un des éléments moteur de la nouvelle iconographie du peuple rwandais. L'analyse de Jean-Paul Kimonyo155 confirme cette idée, lorsqu'il affirme que « ce projet de transformation socio-économique a été facilité par le génocide parce que le génocide a permis au pays de commencer une page blanche ; c'est beaucoup plus facile de changer un pays quand il est complétement détruit qu'un pays où les structures existent encore. Alors que ces structures-là étaient dysfonctionnelles. Donc, de façon

154 Gacaca, qui se prononce « gatchatcha », est le nom rwandais pour tribunal communautaire villageois. Les gacaca, tribunaux populaires organisés au Rwanda afin de juger plus de 2 millions de coupables du génocide des Tutsi, permettent une justice transitionnelle.

155 Jean-Paul Kimonyo, écrivain et conseiller à la présidence de la République du Rwanda à Kigali.

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paradoxale et malheureuse la transformation du pays a aussi été aidée par la table rase du génocide ».156

Si au niveau interne le recours à l'histoire du génocide se veut unificateur, la récurrence et le rappel de la responsabilité des grandes puissances sur l'avènement du génocide dans le discours des autorités rwandaises, en tête desquelles le président Paul Kagame, a clairement pour objectif de les culpabiliser.157 Le génocide est un levier phare de la diplomatie du Rwanda. À chaque commémoration, le président Paul Kagame n'hésite pas à rappeler la responsabilité des grandes puissances qui n'ont pas pu empêcher le drame. C'est ainsi que lors de la commémoration en 2022, il a déclaré que : « certains de ces pays sont grands, mais (...) ils n'ont aucune leçon à donner à quiconque, car ils font partie de l'histoire qui a causé la mort de plus d'un million de nos concitoyens. Ils en sont la cause ».158 Le but avec cette stratégie est de «contraindre» d'une certaine façon les grandes puissances à aider le pays à se développer. La reconnaissance du drame par les grandes puissances et leur culpabilité font que celles-ci manifestent de la mansuétude vis-à-vis des manoeuvres militaires entreprises par le régime rwandais en RDC. Pourtant dénoncées par de nombreux rapports des Nations Unies et des ONG des droits de l'homme, les restrictions liées à la liberté d'expression et les violations des droits de l'homme ne semblent pas non plus avoir des effets significatifs sur les relations que les grandes puissances occidentales entretiennent avec le Rwanda. Les puissances occidentales en particulier ne font pas preuve d'autant d'indulgence lorsqu'il s'agit d'autres États (exemple de la Russie qui subit toute sorte de sanctions depuis l'invasion de l'Ukraine).159 Du fait de son histoire, le Rwanda parait moins pointé du doigt sur des questions qui sont pourtant importantes pour les nations occidentales. Repentance, appui politique et économique, impunité humanitaire et militaire, sont le triptyque de cette « diplomatie de la dette » mise en place par le régime rwandais.160 En jouant sur l'histoire du génocide, le Rwanda a ainsi réussi à renforcer son influence sur le continent.

Autre fait qui montre le traitement de « faveur » dont bénéficie le Rwanda est la décision rendue par la Cour Internationale de Justice sur les crimes commis pendant les guerres du Congo dans les années 1990 : l'Ouganda a été sommé de payer près de 325 millions de dollars

156 S. CHABOUNI. (2015), op.cit., p.13.

157 P. JACQUEMOT. (2014), op.cit., p.13.

158 Y. NDEA & EFE. (2022, 8 avril). Le Rwanda commémore le 28e anniversaire du génocide des Tutsis. Africanews. Disponible à l'adresse : https://fr.africanews.com/2022/04/07/le-rwanda-commemore-le-28e-anniversaire-du-genocide-des-tutsis//

159 A. FOKA. (2023, 6 janvier). La chronique : qui pour sauver la RDC ? [Vidéo]. Disponible à l'adresse : https://www.youtube.com/watch?v=2K7mFD_1LHY&t=333s

160 G. LOIR. (2005), op.cit., p.13.

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de dommage à la RDC, tandis que le Rwanda s'en tire à bons comptes, la Cour ayant estimé être incompétente pour juger sa responsabilité durant les deux guerres du Congo.161 Une décision qui interroge alors même que plusieurs études ont démontré que le Rwanda a même été un des acteurs clés des conflits congolais, encore plus que l'Ouganda pendant la seconde guerre où les forces rwandaises ont participé aux pillages au même titre que l'Ouganda.

3.1.2. L'ouverture des représentations diplomatiques en Afrique et les visites bilatérales d'État

Dans le sillage des succès que l'État du Rwanda a engrangés en terme de développement économique, les dirigeants du Rwanda ont intensifié les actions diplomatiques du pays et son ouverture au monde extérieur et particulièrement sur le continent africain. L'intensification de la diplomatie du Rwanda a pour première manifestation l'ouverture des représentations diplomatiques en Afrique. Alors que le Rwanda ne comptait que quatorze (14) représentations diplomatiques dans le monde en 1998, il compte aujourd'hui trente-six (36) ambassades ou haut-commissariat162 à l'étranger dont dix-neuf en Afrique (19), ainsi que vingt-neuf (29) consulats et autres représentations.163 La multiplication d'ouverture de ses représentations diplomatiques dans le monde a pour but une diversification des relations avec les États surtout ceux-présents sur le continent africain. Le nombre de représentation en Afrique démontre que c'est l'espace de projection privilégié de l'État rwandais, bien que celui-ci tisse aussi des liens avec des États qui sont situés sur d'autres continents (Israël, Chine.).

Depuis le génocide, la diplomatie rwandaise en Afrique a à peu près connu deux phases. Premièrement, avant de nourrir des ambitions sur l'ensemble du continent, le Rwanda a essentiellement focalisé ses ressources et centré sa politique étrangère au niveau régionale particulièrement dans les Grands lacs. Durant cette période jusqu'en 2011, le Rwanda avait quasiment « tourné le dos » au monde francophone africain et regardait plutôt vers l'est majoritairement anglophone.164 Comme pour symboliser sa rupture avec les États d'Afrique francophone, le Rwanda était sorti de la CEEAC en 2007. En plus des contraintes économiques

161 JEUNE AFRIQUE. (2022, 9 février). RDC : l'Ouganda condamné à verser 325 millions de dollars à Kinshasa. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/1310506/politique/rdc-louganda-condamne-a-verser-325-millions-de-dollars-a-kinshasa/

Pour consulter la décision d'incompétence de la cour sur l'implication du Rwanda concernant les crimes commis en RDC voir : La Cour internationale de justice se déclare non-compétente dans la dispute qui oppose le Congo

démocratique et le Rwanda. (2002, 11 juillet). Disponible à l'adresse :
à https://news.un.org/fr/story/2002/07/11762#:~:text=La%20Cour%20internationale%20de%20justice%20(CIJ) %20de%20La%20Haye%20s,par%2014%20juges%20contre%20deux.

162 Le haut-commissariat est l'appellation utilisée par les États membres du Commonwealth pour désigner les ambassades.

163 https://www.embassypages.com/rwanda_fr

164 P. BOISSELET. (2016,5 octobre), op.cit., p.17.

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énoncées par le ministre des affaires étrangères d'alors comme motifs de la sortie du Rwanda de la CEEAC, il faut également noter que cette orientation diplomatique était liée au contexte des relations que le Rwanda entretenait avec la France dont les nouveaux dirigeants issus du groupe rebelle FPR accusaient d'avoir laissé faire le massacre des civils Tutsis.165 Ainsi, dès 2008, le Rwanda se consacrait tout entier à une autre organisation régionale : EAC.166

Planche 1.Quelques rencontres bilatérales entre Paul Kagame et d'autres chefs-d'États

Image 3 : Paul Kagame et Denis Sassou N'guessou

(12/04/2022)

Image 1 : Umaro Sissico Embalo et Paul Kagame (13/11/2022)

Image 2 : Faustin Archange Touadéra et Paul Kagame

(26/10/2022)

Image 4 : Paul Kagame et Filipe Nyusi (28/10/2022)

Sources : Les pages officielles de Paul Kagame (Facebook et Twitter)

Deuxièmement, à partir de 2012, le Rwanda a progressivement renoué les liens avec cette partie de l'Afrique et applique désormais une diplomatie plus globale sur le continent. Cette démarche est matérialisée par l'accroissement de l'ouverture de plusieurs ambassades dans plusieurs pays situés dans d'autres parties du continent (cf. carte 7). Dans le même temps, Paul Kagame a aussi intensifié le nombre de ses visites officielles sur le continent. L'augmentation de celles-ci poursuit les mêmes objectifs de renforcement de la coopération interafricaine et de diversification de partenaires. En 2016 par exemple, il a été parmi les présidents qui ont le plus

165 P. BOISSELET. (2016,5 octobre), op.cit., p.17.

166 JEUNE AFRIQUE. (2016, 19 août). Afrique centrale : le Rwanda réintègre officiellement la CEEAC. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/350335/economie/afrique-centrale-rwanda-reintegre-officiellement-ceac/

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voyagé au niveau continental avec dix-huit (18) voyages effectués.167 Très souvent ces voyages s'accompagnent par la signature de plusieurs accords dans le domaine économique et /ou sécuritaire. En retour, plusieurs chefs de l'État ont également foulé le sol du Rwanda (cf. planche 1). Ces voyages ont connu une évolution progressive suivant les années (cf. carte 8, 9, 10). À travers sa diplomatie, le Rwanda veut nouer des liens privilégiés avec les États du continent dans le but de résoudre non seulement ses problèmes mais aussi offrir la possibilité aux autres de résoudre les leurs. La diplomatie du Rwanda sur le continent est donc fondée sur la recherche des opportunités économiques et la recherche des soutiens politiques.

Carte 7. Représentations diplomatiques du Rwanda en Afrique

167 M. OLIVIER. (2016, 13 décembre). Infographie : quels sont les chefs d'État africains qui ont le plus voyagé en 2016 ? Jeune Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/382303/politique/infographie-chefs-detat-africains-voyagent-plus

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Carte 8. Les voyages de Paul Kagame en Afrique entre 2009 et 2014

Sur la période 2009-2014 soit cinq ans, Paul Kagame a effectué près de trente-huit voyages (38) dans dix-sept pays du continent principalement dans les Grands-lacs (RDC, Burundi, Ouganda) et en Afrique de l'est (Tanzanie, Kenya, Ethiopie). La concentration des voyages dans ces régions est liée aux orientations stratégiques du moment, le Rwanda voulant se focaliser sur son intégration à la communauté d'Afrique de l'est.

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Carte 9. Les voyages de Paul Kagame en Afrique entre 2015 et 2018

Entre 2015-2018, Paul Kagame a effectué près de trente-huit voyages (52) dans vingt-trois (23) pays du continent. Si on observe encore une forte tendance pour les pays de l'est, P. Kagame voyage un peu partout sur le continent. Il se tourne un peu plus vers d'autres régions (Afrique de l'ouest, Afrique du nord, Afrique centrale). Ainsi, il a effectué des voyages dans

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toutes les parties d'Afrique soit dans le cadre des fora (sommet UA CEEAC, SADC) soit à titre de visites bilatérales.

Carte 10. Les voyages de Paul Kagame entre 2019 et 2022

Entre 2019-2022, on observe quasiment les mêmes tendances que la période précédente cependant, en raison de la pandémie du Covid-19 P. Kagame a beaucoup moins voyagé et n'enregistre que vingt-sept (27) voyages effectués.

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3.1.3. L'intégration régionale au coeur de la politique étrangère du Rwanda

Dans le cadre de sa politique étrangère, le Rwanda a fait de la coopération régionale un élément indispensable. En effet, il est membre de plusieurs organisations régionales, dont les objectifs sont tout autant divers. Il s'agit notamment de : la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), la Communauté Économique des Pays des Grands Lacs (CEPGL), la Communauté Économique des États d'Afrique Centrale (CEEAC), le Marché Commun de l'Afrique Orientale et Australe (COMESA) et la Communauté des États de l'Afrique de l'Est (EAC). Certaines sont essentiellement liées aux conflits dans la région des Grands lacs ; il s'agit notamment de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL) qui fut créé en 2008, suite aux nombreux conflits politiques qui ont marqué la région des Grands lacs. La création de la CIRGL traduit la reconnaissance de la nécessité d'un effort concerté en vue de promouvoir la paix et le développement durable dans la région. D'autres organisations ont une base plus économique, avec pour objectifs d'accroître les échanges entre les États parties ; il s'agit pour les plus importantes de la CEEAC (1983), l'EAC (2000) et du COMESA (1994). La CEPG (1976) répond aux mêmes objectifs d'intégration économique, mais à l'échelle des pays des Grands lacs africains.

Deux logiques semblent guider les adhésions du Rwanda à ces différentes organisations : l'économie et la sécurité. D'une part, intégrer l'EAC donne la possibilité au Rwanda de réduire les coûts des importations et exportations de ses marchandises. En effet, pays enclavé dans l'Afrique des Grands lacs, le Rwanda importe l'essentiel de ses marchandises depuis les ports de Mombasa (Kenya) et de Dar es Salaam (Tanzanie).168 Il faut aussi dire que ce tropisme est-africain fait partie d'une logique enclenchée par les autorités rwandaises au début des années 2000, à se tourner vers l'anglais au regard des rapports diplomatiques particulièrement difficiles le Rwanda entretenaient avec la France, accusée d'avoir «couvert le génocide» contre les Tutsis.169

D'autre part, considérées comme des ilots de paix170, les organisations régionales, assurent dans une certaine mesure, la paix entres les États membres liés par des pactes de non-agression. Elles ont donc un impact pacifique, dans la mesure où elles prônent la solidarité et l'entraide comme sources de développement plutôt que le recours à la force.

168 J. RÉVILLON. (2013). L'intégration régionale rwandaise. HAL Open Science. 5p. Disponible à l'adresse : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01214760

169 JEUNE AFRIQUE. (2008, 26 novembre). Kigali se tourne résolument vers l'est. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/206585/archives-thematique/kigali-se-tourne-r-solument-vers-l-est/

170 J.S.NYE. (1971). Peace in parts : Integration and conflict in regional organization. Boston : Little, Brown, p.108.

64

Carte 11. Le Rwanda dans les ensembles régionaux

65

3.2. Les leviers militaires et les moyens de séduction

3.2.1. L'armée rwandaise comme force de maintien de la paix et d'intervention sur le continent africain

Dans sa stratégie globale de projection sur le continent, les forces armées apparaissent comme l'un des principaux leviers mobilisés par l'État du Rwanda. La projection du Rwanda par le biais de ses forces armées s'opère sous deux formes : les de maintien de la paix (OMP) et les accords de coopération militaires bilatérales (Mozambique, RCA). Si rien ne prédisposait ce petit État doté d'une armée de quelques 33 000 soldats à assumer le rôle de pourvoyeur de sécurité en Afrique, son impact sur le terrain est indéniable et les résultats sont plutôt satisfaisants, comme nous allons le voir dans les prochains développements.

La participation du Rwanda dans le cadre des OMP est d'abord liée à son histoire. En effet, il faut dire que l'État du Rwanda lui-même a été un pays hôte d'une mission onusienne entre 1993 et 1996. Cependant, celle-ci n'a pas pu empêcher le drame de 1994 de se produire. Le Rwanda fait partie des pays qui ont fait l'expérience amer des limites des missions des Nations Unies en matière protection des civiles. Les 2000 casques bleus présents sur le territoire rwandais au cours de cette période n'ont rien pu faire face aux massacres de masse qui ont été perpétrés par les génocidaires Hutus.171 Depuis cette période tragique, les nouveaux dirigeants rwandais ont fait des missions de maintien de la paix un élément clé de leur diplomatie et un passage quasi obligatoire pour les hommes et les femmes qui composent leurs forces armées. Ainsi, outre la protection de l'intégrité territoriale et le maintien de l'ordre public, les missions de maintien de la paix font désormais parties des missions officielles de l'armée rwandaise. Elles sont inscrites dans la loi fondamentale comme le dispose l'article 173 alinéa 5 de sa constitution. Ce tournant idéologique de l'engagement militaire du Rwanda se traduit également par la création de leur propre centre de formation militaire aux OMP. Créée en 2013, la Rwanda Peace Academy (RPA)172 est aujourd'hui un vecteur d'influence puisque cette école forme des soldats locaux et étrangers (Comores, Kenya, Éthiopie etc.).173

171 L.BROULARD. (2022, 1er avril). Les bonnes affaires de la diplomatie militaire du Rwanda. Le Monde. Disponible à l'adresse : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/04/01/les-bonnes-affaires-de-la-diplomatie-militaire-du-rwanda_6120178_3212.html

172 La Rwanda Peace Academy (RPA) est une académie spécialisée dans la formation pour les missions de maintien de la paix. Autrefois octroyées par des formateurs exclusivement occidentaux, les formations aux OMP sont de plus en plus dispensé par les rwandais eux-mêmes au sein de cette école.

173 L.BROULARD. (2020,9 octobre), op.cit., p.39.

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Actuellement, le Rwanda participe à quatre OMP sur le continent : trois comme contributeur de premier plan au sein de la MINUSS (Soudan du Sud), de la MINUSCA (République centrafricaine) et de la MINUAD (Darfour), et de façon plus modeste au sein de la FISNUA (région disputée d'Abiyé, entre les deux Soudan). (cf. carte 12). Depuis sa première participation au Darfour en 2007, le Rwanda est devenu au fil des années l'un des principaux contributeurs aux missions onusiennes avec près de 5 752 hommes et femmes engagés principalement sur le continent africain.174 Il est le troisième fournisseur de soldats au sein des OMP dans le monde et le deuxième en Afrique après le Ghana (cf. graphique 5).175 Le choix d'envoyer des troupes au Darfour comme premier lieu de sa participation aux OMP n'était pas anodin. En effet, ce choix intervient dans un contexte où les crimes commis au Darfour sont qualifiés en 2004 de génocide par l'administration des États-Unis.176 Par cette intervention, le Rwanda s'offre une opportunité de choix et se donne la possibilité de faire valoir sa conception des OMP, surtout en matière de protection des populations civiles. L'objectif au Darfour est de montrer que la nouvelle classe dirigeante rwandaise est à nouveau capable d'arrêter un génocide, contrairement aux Nations Unies qui n'ont pas pu le faire en 1994. Les dirigeants rwandais actuels considèrent au vue de l'histoire de leur pays qu'il est de leur devoir d'arrêter des génocides ailleurs, étant donné que l'ONU n'a pas joué ce rôle quand il le fallait sur leur territoire.177 Au-delà du symbole, l'intervention du Rwanda au Darfour procède avant tout d'une stratégie qui a pour objectif de redorer l'image du pays et à le positionner comme un État capable d'aider les autres malgré ses propres défis internes. Mais surtout, cette intervention vise à marquer une rupture avec les méthodes des Nations Unies qui ont montré leurs inefficacités en matière de protection des populations civiles en période de conflit.

174 https://peacekeeping.un.org/fr/troop-and-police-contributors.

175 Ces données ont été prises au mois d'octobre 2022.

176 E.A. HEINZE. (2007). The rhetoric of genocide in US forgien Policy : Rwanda and Darfur compared. Political Science Quarterly, 122, (3), pp. 359-383.

177 N. WILÉN, & G. BIRANTAMIJE. (2015). L'engagement du Burundi et du Rwanda dans les opérations de maintien de la paix : quels bénéfices pour les capacités nationales de défense ? Etude comparée. Étude Prospective et Stratégique, (1506415103), 41p.

67

Graphique 5. Les 5 principaux pays fournisseurs de soldats aux OMP

Bangladesh

7017

Inde

5887

Nepal

5692

Pakistan

4327

Rwanda

5752

8000

7000

6000

5000

4000

3000

2000

1000

0

Total

Source : https://peacekeeping.un.org/fr/troop-and-police-contributors.

Tableau 2. Le nombre de soldats rwandais déployés dans le cadre des OMP

Noms des missions

Pays

Nombre de soldats déployés

MINUSS

Soudan du Sud

3 064

MINUAD

Darfour

1 164

MINUSCA

Centrafrique

2 218

Source : https://peacekeeping.un.org Réalisation : PAMBO MIHINDOU Guy Herod

Le tableau ci-dessus montre que le plus gros contingent des soldats rwandais déployés dans le cadre des OMP se situe au Soudan du Sud. Il est suivi respectivement par celui présent en République Centrafricaine et celui de la mission du Darfour.

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Carte 12. Géographie des OMP du Rwanda en Afrique

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Le Rwanda justifie aussi sa participation importante aux OMP par une volonté de résoudre les problèmes africains par les Africains eux-mêmes, plutôt que d'attendre l'assistance internationale. La volonté affichée par le Rwanda de s'aligner sur l'appropriation régionale et continentale des questions de paix et de sécurité, traduite par la doctrine de l'Union Africaine African solutions to African problems178, est le fruit de la posture panafricaine affichée par le président Paul Kagame depuis son arrivé au pouvoir. Ce dernier a fait du plébiscite des solutions interafricaines aux problèmes du continent un des principes de sa gouvernance et de son rayonnement sur le continent. Ainsi, alors qu'on a souvent reproché aux «Casques bleus» de l'ONU leur passivité et leur inefficacité, les forces armées rwandaises sont particulièrement appréciées en raison de l'attachement qu'elles accordent à la protection des populations civiles. Pour Paul Kagame, la protection des civiles ordinaires est même la priorité des OPM. Lors de la conférence internationale de paix sur la protection des civils tenue à Kigali les 28 et 29 mai 2015, il a déclaré que : « l'objectif central des opérations de paix est la protection des civils. Cela ne peut pas être dit assez souvent. Ce n'est pas la protection des accords de paix ou des mandats de l'ONU, même des casques bleus d'ailleurs, et encore moins la protection des politiciens. La mission est de protéger les gens ordinaires les plus à risque ». La même année, comme pour conforter sa position de fer de lance en matière de protection des civils dans les OMP, il a été adopté dans la capitale rwandaise, les « principes de Kigali » par une trentaine de pays contributeurs en «Casques bleus». Ces principes contiennent dix-huit engagements non contraignants qui visent à rendre les forces onusiennes plus autonomes pour sécuriser les populations.179 Au-delà de l'action militaire, les forces armées rwandaises déployées dans le cadre des OMP engagent également plusieurs actions sociales et s'illustrent dans la construction des écoles et des consultations médicales entre autres (cf. planche 2 et 3).

178 C. KUPPER, & V. MOREAU. (2020, 25 novembre). Le Rwanda et le maintien de la paix : un ancien pays hôte devenu un contributeur de premier plan. Grip. 17p. Disponible à l'adresse : https://www.grip.org/rwanda-maintien-paix/

179 K. GUYON. (2023, 3 mai). Les Forces Rwandaises de Défenses : de l'arrêt d'un génocide aux opérations de maintien de la paix. Revue Conflits. Disponible à l'adresse : https://www.revueconflits.com/les-forces-rwandaises-de-defenses-de-larret-dun-genocide-aux-operations-de-maintien-de-la-paix/

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Planche 2.Actions humanitaires de l'armée rwandaise en faveur de la santé au Soudan du Sud

Image 1 : Consultation en ophtalmologie Image 2 : Consultation dentaire

Source : Ministère de la défense du Rwanda ( https://www.mod.gov.rw/) Réalisation : PAMBO MIHINDOU G.H.

Planche 3.Actions menées par les soldats rwandais dans le cadre de la MINUSS

Image 1 : Avant la construction de l'école Image 2 : Début des travaux de construction

Image 3 : Fin des travaux Image 4 : Livraison de l'école aux autorités Sud-Soudanaises

Source : Ministère de la défense du Rwanda ( https://www.mod.gov.rw/)

L'engagement important du Rwanda aux OMP et l'ensemble des actions menées par ses forces armées dans le cadre de celles-ci ont contribué à renforcer son poids diplomatique et politique sur la scène internationale. À travers ces interventions, le Rwanda a gagné une certaine influence avec des bénéfices multiples aussi bien sur le plan politico-diplomatique que sur le plan économique.

Sur le plan économique, les bénéfices de ces opérations profitent à l'État lui-même mais aussi aux soldats qui sont sur le terrain de façon individuelle. L'État perçoit des gains de près de 1 332 dollars chaque mois par soldat déployé à travers le système de remboursement des

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Nations Unies. En 2019, les gains perçus par soldat sont passés à 1 428 USD.180 Sachant que le Rwanda possède 5 752 soldats sur le terrain, il perçoit près 98 566 272181 de dollars par an grâce aux OMP. Individuellement, ces missions rapportent aussi des sommes importantes aux soldats, lesquels reçoivent dans les opérations de l'ONU ou de l'UA une indemnité mensuelle de 1028 dollars. Cette somme d'argent représente une augmentation assez impressionnante du salaire pour eux qui gagnent normalement environ 45 $ par mois.182

Sur le plan politique et diplomatique, c'est une « arme » dont le Rwanda dispose pour faire entendre son point de vue sur la scène internationale. C'est ainsi que les dirigeants rwandais n'ont pas hésité à brandir la menace d'un retrait de leurs troupes engagées au Soudan en 2010, ce qui aurait déstabilisé la Mission des Nations Unies puisque les soldats rwandais constituaient la majeure partie des «Casques bleus» engagés dans le pays. Louise Mushikiwabo, la ministre des affaires étrangère de l'époque, avait déclaré à ce propos : « Nous avons clairement signifié à l'ONU que s'il publie ce rapport au nom des Nations unies, nous n'aurons d'autre choix que de retirer nos troupes du Darfour ».183 Cette menace est intervenue après que des experts de l'ONU avaient prévu de publier un rapport accablant sur les actes de l'armée rwandaise en RDC à la charnière des années 1990-2000. En 2012, le Rwanda a de nouveau été accusé par l'ONU de soutenir le M23 (groupe rebelles à dominance Tutsi) qui agit en RDC. Malgré ces nouvelles accusations, le Rwanda a réussi à obtenir un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité pour les années 2013 et 2014, ce sans doute grâce à son solide engagement dans les OMP.184 La posture adoptée par le Rwanda à travers les menaces du retrait de ses troupes engagées au Soudan a démontré que sa contribution importante pouvait être un véritable moyen de pression politique vis-à-vis de la communauté internationale.

Fort de ses réussites et surtout de la réputation et de l'expérience acquise par ses forces armées pendant les OMP, le Rwanda a donné une nouvelle orientation à son déploiement militaire depuis quelques années : en plus des OMP, il déploie ses forces armées dans le cadre de coopérations bilatérales signées avec d'autres États africains (cf. carte 13).

À travers cette nouvelle orientation, le Rwanda souhaite s'imposer sur le continent comme une puissance militaire incontournable. Sa réputation, son organisation et son efficacité lui ont valu d'être de plus en plus sollicité pour son expertise militaire par les autres États du continent

180 C. KUPPER. & V. MOREAU. (2020, 25 novembre), op.cit., p.69.

181 Pour obtenir cette somme, nous avons multiplié le nombre de soldat par le salaire perçu 12 fois.

182 N. WILÉN, & G. BIRANTAMIJE. (2015), op.cit., p.66.

183 P-F.NAUDE. (2010,05 janvier). Kigali précise ses menaces. Jeune Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/184570/politique/kigali-pr-cise-ses-menaces/

184 C.KUPPER, & V. MOREAU. (2020,25 novembre), op.cit., p.69.

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(Mali, Mozambique, Centrafrique, Bénin etc..). Recherche de partenariats économiques et renforcement de sa diplomatie semblent être les deux éléments principaux qui motivent l'exportation de son armée au-delà de son aire de projection habituelle.

Sur le continent, les forces armées rwandaises interviennent principalement au Mozambique et en République Centrafricaine. Les forces de défense rwandaises (FDR) interviennent pour lutter contre les mouvements terroristes dans la région du Cabo Delgado. Arrivées au Mozambique en juillet 2021, elles ont très vites rencontré du succès dans leurs interventions. Elles sont parvenues à reconquérir des territoires conquis en 2017 par le mouvement terroriste Al-Shabaab. Les troupes rwandaises ont réussi à reprendre des territoires occupés jadis par les terroristes ce que plusieurs opérations militaires menées avant leur arrivée par l'armée mozambicaine, les mercenaires sud-africains du Dick Advisory Group et les russes de Wagner n'étaient parvenus à faire.185 En Centrafrique, au cours de l'année 2020, elles enregistrent également des succès. Grâce à leurs interventions, les soldats rwandais ont réussi à sécuriser le scrutin présidentiel qui était menacé par des groupes rebelles qui progressaient vers la capitale. Grâce à leur déploiement, le scrutin a pu se dérouler dans le calme, Paul Kagame dans une interview accordée à Jeune Afrique affirme même que sans l'intervention du Rwanda les élections n'auraient pas eu lieu.186 Les succès rencontrés par les interventions de son armée ont suscité d'autres sollicitations sur le continent notamment celles du Bénin et du Mali. Au Bénin des tractations pour un soutien logistique et une aide en matière d'expertise dans la lutte contre les mouvements terroristes ont été évoquées lors d'un point de presse donné par le porte-parole de la présidence de l'État béninois le 9 septembre 2022 à Cotonou. Selon certaines sources, le déploiement des forces armées rwandaises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme au nord du Bénin a même été discuté entre les deux États.187 Information toutefois démentie par les autorités béninoises.

185 R. GRAS. (2021, 11 août). Rwanda : du Mozambique à la Centrafrique, les raisons du déploiement tous azimuts de Kigali. Jeune Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/1215998/politique/rwanda-du-mozambique-a-la-centrafrique-les-raisons-du-deploiement-tous-azimuts-de-kigali/

186 F. SOUDAN, & R. GRAS. (2021, 25 mai). Paul Kagame : « Tshisekedi, Kabila, Macron, Touadéra, ma famille et moi ». Jeune Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/1175352/politique/paul-kagame-tshisekedi-kabila-macron-touadera-ma-famille-et-moi/

187 P. DEUTSCHMANN, & al. (2022, 09 septembre). Le Rwanda sur le point de déployer des militaires dans le nord du Bénin. Africa Intelligence. Disponible à l'adresse : https://www.africaintelligence.fr/afrique-ouest/2022/09/09/le-rwanda-sur-le-point-de-deployer-des-militaires-dans-le-nord-du-benin,109810948-eve Sur le même sujet voir également : COURRIER INTERNATIONAL. (2022, 10 novembre). Le Rwanda, nouveau

gendarme africain, déploiera-t-il ses forces au Sahel ? Disponible à l'adresse :
https://www.courrierinternational.com/article/securite-le-rwanda-nouveau-gendarme-africain-deploiera-t-il-ses-forces-au-sahel

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Les sollicitations maliennes procèdent d'une volonté de diversification de ses partenaires dans le cadre de la lutte contre le terrorisme surtout après le départ des forces armées françaises. Une des solutions pour combler le vide laissé par les forces armées française est de recourir à des puissances africaines. Dans ce cadre, le Rwanda en est une et offre plusieurs possibilités surtout que des officiers rwandais ont déjà officié au Mali à l'occasion de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Selon un communiqué du ministère rwandais de la défense datée du 13 mai 2022, le chef d'état-major du Mali a effectué une visite de trois jours au Rwanda entre le 10 et le 12 mai 2022. Durant son séjour, il s'est entretenu avec Paul Kagame, avec le ministre de la défense rwandais, mais aussi avec Jean Bosco Kazura, chef d'état-major des Forces de défense du Rwanda et par ailleurs ancien commandant de la MINUSMA entre 2013 et 2014.

En définitive, le déploiement de ses forces armées dans des zones éloignées de sa sphère régionale témoigne de l'influence acquise par le Rwanda ces dernières années. Il montre aussi les capacités de projection de l'État rwandais sur le continent. En répondant à la demande de sécurité des États comme le Mozambique et la Centrafrique, le Rwanda s'offre un prestige sur la scène africaine, ce qui était impensable il y a encore des décennies. Il s'offre aussi par le biais de ses forces armées des alliances, un soutien diplomatique des États qu'il aide et surtout il s'offre des contrats lucratifs qui lui permettent de résoudre et de répondre à ses propres défis internes (faiblesse des ressources stratégiques, pression démographique et rareté des terres).

Tableau 3. Soldats rwandais engagés par mission d'intervention sur le sol africain

Pays

Total des soldats

Centrafrique

Près de 1000

Mozambique

2 500

Total

3 500

Sources : Le Monde et Jeune Afrique. Réalisation : PAMBO MIHINDOU Guy Herod

D'après le tableau ci-dessus, le Rwanda possède 3 500 soldats engagés à l'échelle du continent hors OMP. Le contingent présent au Mozambique est celui qui compte le plus de soldats, ils sont au total 2 500 soldats engagés dans le nord-est du Mozambique.

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Carte 13. Les interventions militaires du Rwanda sur le continent africain

D'après cette carte, hors OMP, le Rwanda a envoyé des troupes essentiellement dans trois régions du continent. Il s'agit de l'Afrique de l'ouest (Bénin), l'Afrique australe (Mozambique) et de l'Afrique centrale (RDC, RCA). Si la présence militaire rwandaise au Bénin, Mozambique et RCA est le fruit des partenariats ou accords signés entre les différents gouvernements, en RDC il en est rien. Celle-ci se fait de manière officieuse sans accords signés entre les deux pays. Selon les Nations Unies, l'armée rwandaise apporte un soutien logistique et militaire à des groupes armés qui opèrent en RDC.

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3.2.2. L'activisme militaire en RDC

Si au niveau du continent les engagements militaires rwandais semblent salutaires, au niveau régional (dans les Grands lacs), le déploiement de ses forces est perçu comme déstabilisateur, surtout en RDC où il s'exerce le plus. Les raisons de cette perception négative remontent au génocide et aux différentes intrusions directes que le Rwanda a menées en territoire congolais. C'est aux motifs de la protection des minorités Tutsis présentes en RDC et de la lutte contre les génocidaires Hutus qui se sont réfugiés dans cette partie de la RDC que le Rwanda a justifié ses différentes intrusions.188 Puis, au moyen de groupes rebelles le Rwanda a continué implicitement d'être présent en RDC (RCD, CND devenu M23). Malgré la publication de nombreux rapports de l'ONU qui mettent en évidence ses intrusions de même que les différents soutiens logistiques apportés par le Rwanda aux groupes rebelles pour soutenir leurs efforts de guerre (armes, munitions...), celui-ci a toujours nié toutes implications dans les conflits en cours dans l'est de la RDC et rejette la faute sur ce dernier.189 Aujourd'hui encore, l'activisme militaire rwandais continue d'être dénoncé par le gouvernement congolais qui accuse son voisin de soutenir les rebelles du M23.190 Les pillages des ressources orchestrées par les «seigneurs de guerres» et l'ingérence directe du Rwanda en RDC suscitent au moins deux constats.

Le premier, est que le Rwanda pour la défense de ses intérêts (sécuritaires et économiques) est prêt à braver les règles du droit international et les accords de non-agression entre États qui ont en partage l'appartenance à un même ensemble régional (CEEAC, EAC.). Ainsi, pour obtenir des ressources absentes sur son territoire et essentielles pour son développement économique, le Rwanda mène une véritable guerre par procuration à la RDC via des groupes armés.191 Selon une étude récemment publiée par l'ONG Global Witness192, en 2022, 90 % des quantités de coltan (principale source du tantale), d'étain et de tungstène, trois minerais plus connus sous l'appellation « minerais 3T », exportés par le Rwanda sont introduits illégalement à partir de la RDC (cf. carte 14).193 Rappelons qu'il s'est battu contre une autre force régionale

188 F. REYNTJENS. (1999). La deuxième guerre du Congo : plus qu'une réédition. African Affairs, 98(391), pp.242-250.

189 M. HUGON. (2022,27 mai), op.cit., p.44.

190 JEUNE AFRIQUE. (2022, 6 juin). RDC : Tshisekedi n'a « aucun doute » sur le soutien du Rwanda aux rebelles du M23. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/1351932/politique/rdc-tshisekedi-na-aucun-doute-sur-le-soutien-du-rwanda-aux-rebelles-du-m23/

191 F. REYNTJENS. (2014), op.cit., p.13.

192 C'est une ONG spécialisée dans la lutte contre le pillage des ressources naturelles dans les pays en développement et la corruption politique qui l'accompagne.

193 AGENCE ECOFIN. (2022, 07 juillet). 90% des minerais 3T exportés par le Rwanda sont introduits

illégalement à partir de la RDC (Global Witness). Disponible à l'adresse :
https://www.agenceecofin.com/mines/0707-99492-90-des-minerais-3t-exportes-par-le-rwanda-sont-introduits-illegalement-a-partir-de-la-rdc-global-witness

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pour garder le contrôle de la ville de Kisangani dans le même but : le contrôle des ressources minières. C'est une posture tout à fait réaliste et militariste des relations internationales que le Rwanda adopte dans son environnement proche.194 Comme le veut la posture la plus radicale de ce courant, les États sont en perpétuelle concurrence dans une anarchie où il n'y pas de maître; c'est au plus fort d'imposer sa loi avec comme but ultime assurer sa survie.195 En adoptant cette ligne de conduite, le Rwanda prend sur la scène africaine une posture qui tranche véritablement avec celle attachée aux «petits États» qui d'ordinaire, s'abstiennent de tout conflit avec leur voisinage et s'érigent, au contraire en médiateurs importants dans la résolution des conflits, comme on a pu le voir par exemple avec le Gabon dans les années 1990.196

En second lieu, les intrusions directes des forces armées rwandaises ou via des groupes armés montrent, le niveau de déstabilisation que le Rwanda est capable d'engendré dans une partie importante du territoire immense de son voisin, lequel peine à en avoir le contrôle total. En plus de la déstabilisation, ces intrusions montrent l'influence que le Rwanda possède au-delà de ses marges frontalières, à la manière d'un «géant», le Rwanda souhaite imposer sa volonté et ce au moyen de l'influence qu'il exerce sur certains groupes armés présents en RDC.

Par ailleurs, dans un contexte régional de forte densité démographique, surtout au Rwanda et au Burundi, les provinces congolaises du nord et du sud Kivu apparaissent pour les populations de ces États, où les terres sont de plus en plus rares, comme « un eldorado » pour l'agriculture et les activités pastorales. S'agissant de la question foncière, il y a toujours eu chez le régime rwandais d'après-génocide une sorte de réclamation des terres qui jadis auraient appartenu à leur pays. Paul Kagame lui-même a abordé cette question le 15 avril 2023, lors d'une visite d'État au Bénin où il a signifié que le problème de la région était bien plus complexe et que certaines portions du territoire rwandais avaient été attribuées à l'Ouganda et à la RDC durant l'époque coloniale. Cette raison selon lui serait une raison majeure de la crise actuelle à l'est de la RDC.197 D'ailleurs, durant la première guerre du Congo, dans les accords dits de Lemera prévoyant la constitution des ADFL, une cession d'une partie du Kivu au Rwanda aurait été prévu. Les réclamations territoriales rwandaises se seraient fondées sur des cartes qui

194 F. RYENTJENS. (2014), op.cit., p.13.

195 D. ÉTHIER. (2010). Introduction aux relations internationales (4e éd.). Montréal : Presse Universitaire de Montréal,288p.

196 B. MVE EBANG. (2015). Le réalisme de la politique étrangère des petits États africains. Dynamiques

Internationales, (6), pp.1-21.Disponible à l'adresse : https://dynamiques-internationales.com/wp-
content/uploads/2016/01/Mve-Ebang-Varia-09-2015-1.pdf

197 RFI. (2023, 17 avril). La RDC réagit aux déclarations du président rwandais Paul Kagame sur les frontières congolais. Disponible à l'adresse : https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230417-la-rdc-r%C3%A9agit-aux-d%C3%A9clarations-du-pr%C3%A9sident-rwandais-paul-kagame-sur-les-fronti%C3%A8res-congolaises

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rappelaient l'extension du « grand Rwanda » avant la colonisation.198 Sécurité, économie et réclamations foncières semblent être les principales raisons de l'activisme militaire du Rwanda en RDC.

Carte 14. L'activisme militaire du Rwanda en ROC

D'après la carte ci-dessus, les provinces orientales de la RDC (Nord-Kivu, Sud-Kivu, Ituri) qui apparaissent comme étant très riches en ressources minières diverses (coltan, étain, charbon, or) sont également des zones de forte concentration des groupes armés qui opèrent en RDC. La présence de ces derniers et les différentes intrusions de l'armée rwandaise ne sont pas

198 F. LASSERRE, É. MOTTET, & É. GONON. (2020). Manuel de géopolitique - 3e éd. - Enjeux de pouvoir sur des territoires : Enjeux de pouvoir sur des territoires. Paris : Armand Colin, p.116.

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totalement étrangères à l'abondance des ressources dans cette partie du Congo. En effet, le trafic de ces matières premières constitue concomitamment une ressource économique de premier ordre pour les groupes armés et pour leur parrain régionaux (Rwanda, Ouganda). Les intrusions de l'armée rwandaise ont été possible en raison de la faiblesse de l'armée congolaise qui peine à faire respecter l'autorité de l'État dans ces marges frontalières qui sont travaillées par des forces centrifuges dues entre autres par l'éloignement de la capitale Kinshasa.

Carte 15. Les circuits de passage illicites des matières premières RDC-Rwanda

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3.2.3. Le soft power rwandais

Le Rwanda est classé soixante quatorzième pays le plus influent au monde et le sixième en Afrique199 derrière l'île Maurice cinquième, le Nigéria quatrième, le Maroc troisième, l'Afrique du Sud deuxième et l'Égypte premier.200 Pour une première apparition dans ce classement, la position du Rwanda est surprenante compte tenu de son histoire. Depuis l'arrivée au pouvoir de Paul Kagame, l'image du pays a considérablement changé, il est admiré pour ses bons résultats économiques. Aujourd'hui, le Rwanda a réussi à s'imposer comme une puissance importante sur le continent par le biais de son Soft power. Compris comme la capacité à influencer les décisions d'autres acteurs internationaux (par exemple l'État) en sa faveur sans recourir à la force, le Soft power fait partie intégrante de la stratégie diplomatique du Rwanda que l'on observe depuis quelques années. De ce point de vue, il faut dire que l'État rwandais présente de nombreux atouts. En effet, il occupe des places très honorables dans divers domaines selon plusieurs rapports mondiaux. Selon le rapport 2019 de la Banque Mondiale, il est le deuxième endroit en Afrique où il est le plus facile de faire des affaires et le pays le plus compétitif du continent. Selon le Rapport Gallup global 2019, il occupe la première place des pays africains les plus sûres et la neuvième place au niveau mondial, concernant les endroits les plus sûres pour les femmes.201 Kigali a également été désignée la ville la plus propre du continent en 2018.202 Tous ces résultats positifs sont liés à une gouvernance stricte en matière de sécurité des biens et des personnes, mais aussi en faveur de la protection environnementale. À ces efforts s'ajoutent ceux engagés en faveur de la promotion des femmes et de l'égalité entre les genres. Le Rwanda occupe ainsi la première place au monde en ce qui concerne la représentativité des femmes dans les institutions constitutionnelles, notamment au sein du Parlement. En matière de lutte contre la corruption, le Rwanda est aussi un bon exemple, puisqu'il est classé à la quatrième place sur le continent selon le rapport 2022 de l'ONG Transparency International.203 L'ensemble de ces performances constituent des atouts pour le Rwanda et contribuent fortement à renforcer son image et à promouvoir son Soft power en Afrique.

199 Selon le rapport annuel du soft power index 2022 publié par le cabinet britannique spécialisé Brand Finance.

200 BRAND FINANCE. (2022). Global Soft Power Index. (Rapport 2022), 65p. Disponible à l'adresse : www.brandfinance.com/softpower

201 https://www.gallup.com/home

problèmes les plus urgents.

Gallup est une société mondiale d'analyse et de conseil qui aide les dirigeants et les organisations à résoudre leurs

202 France TV infos. (2018, 2 février). Comment Kigali est devenue une des villes les plus propres d'Afrique [Vidéo]. Disponible à l'adresse : https://www.francetvinfo.fr/sante/environnement-et-sante/pourquoi-kigali-est-lune-des-villes-les-plus-propres-dafrique_2590842.html

203 https://www.transparency.org/en/cpi/2022

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Au-delà de ces performances, le Soft power du Rwanda s'exprime à travers divers domaines. Sur le plan militaire, on note les nombreuses actions humanitaires (construction des écoles, consultations médicales...) menées par les soldats rwandais dans les différentes OMP auxquelles ils participent. Celles-ci ont largement contribué à rendre son action militaire efficace et à renforcer le soutien et l'adhésion des populations à leurs actions sur le terrain. Ils ont également exporté l'Umuganda204 partout où ils interviennent, notamment au sein de la MINUSS au Soudan du Sud où il est expérimenté depuis 2019. Dans le sport, le Rwanda a également su tirer son épingle du jeu. Les partenariats signés avec les clubs prestigieux de football européens en l'occurrence Arsenal le 23 mai 2018 dont Paul Kagame est un grand supporter, et le Paris Saint-Germain en décembre 2019 ont également participé à renforcer l'image du pays et booster sa visibilité au niveau mondial comme continental. Ces partenariats sont symbolisés par la présence du logo «Visit Rwanda» sur le maillot de ces clubs qui comptent des millions de fans à travers le monde. La présence de ce logo contribue fortement à promouvoir le secteur touristique du pays puisqu'il est vu par des millions de téléspectateurs durant les matchs. Notons qu'en plus du logo présent sur le maillot, l'accord prévoit l'organisation d'une « semaine du Rwanda » à Paris durant laquelle les produits made in Rwanda seront mis en avant.205

En matière de sport, outre le football, le cyclisme et le basketball sont des sports qui participent aussi à donner de la visibilité au pays. Des résultats positifs ont déjà été enregistrés dans ce sens puisque la capitale Kigali a abrité le Championnat d'Afrique de basket-ball masculin (AfroBasket) en 2021 et sera également la première ville africaine à accueillir les mondiaux de cyclisme sur route en 2025. Bien que très peu réputé pour la qualité de son football, le Rwanda a accueilli le soixante-treizième Congrès de la Fédération internationale de football association (Fifa), le 16 mars 2023. Pour son rayonnement sur le continent, le Rwanda s'est également lancé dans le tourisme des affaires. Kigali accueille chaque année plus de 400 grandes conférences internationales.206 La capitale rwandaise a accueilli des rencontres de très haut niveau, à l'exemple du sommet Transform Africa en mai 2015, 2016, 2017 et 2018, celui du Next Einstein Forum mars 2018, le sommet extraordinaire de l'UA mars 2018, la réunion

204 L'Umuganda est une fête nationale au Rwanda qui a lieu le dernier samedi de chaque mois, pour les travaux communautaires obligatoires à l'échelle nationale de 08h00 à 11h00. Dans le cadre des OMP, l'Umuganda permet de faire coexister et participer les populations victimes de la guerre aux efforts de reconstruction des zones déstabilisées par les conflits.

205 R. GRAS. (2019, 5 décembre). Partenariat Visit Rwanda-PSG : nouveau signe du rapprochement entre Kigali et le Qatar. Jeune Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/866180/politique/partenariat-visit-rwanda-psg-nouveau-signe-du-rapprochement-entre-le-rwanda-et-le-qatar/

206 RWANDA CONVENTION BUREAU. (2022). Rwanda Meeting planners guide 2022. Disponible à l'adresse : https://rcb.rw/Meeting-Planners-Guide-2022.html

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sur la bonne gouvernance de la Fondation Mo Ibrahim avril 2018, l'Africa CEO Forum mars, 2019 et Africa Association of Central Bankers 400 délégués juillet 2019. En organisant ces événements de classe mondiale, Kigali a été classée deuxième ville dans le classement Afrique 2018 de l'International Congress and Convention Association (ICCA) qui juge de l'organisation de grandes conférences internationale.207 Ces résultats sont liés aux effort et aux investissements entrepris par les gouvernants rwandais en termes d'infrastructures d'accueils. Inauguré en 2016, le Kigali Convention Center (KCC) est la parfaite illustration des efforts consentis. Cette structure abrite un centre de conférences de standing international avec une capacité d'accueil de plus de 2 600 personnes.208

La compagnie aérienne Rwandair est aussi un vecteur de puissance douce, important pour le Rwanda. Créée en 2002, Rwandair détient une flotte de plus de douze avions qui desservent près de vingt-deux (22) destinations sur le continent (cf. carte 16). Au fil des années, elle a réussi à compter parmi les meilleures compagnies aériennes du continent. Elle est classée à la septième place en Afrique selon le classement 2022 publié par l'organisme de consultation britannique Skytrax sur la satisfaction des clients des transporteurs aériens, le World's Best Airlines. Au niveau de la qualité de son service, son staff est plébiscité et occupe la première place en Afrique, devant South African Airways et Ethiopian Airlines.209 Parmi les éléments qui constituent le soft power du Rwanda, la personnalité du président Paul Kagame n'est pas en reste. En effet, il est partout considéré comme un président compétent qui a su relever un pays ruiné par l'un des conflits les plus meurtrié de l'histoire contemporaine du continent africain. La stabilité qu'il a instaurée dans son pays, ses réussites économiques et l'habileté avec laquelle il parvient à tirer profit du lourd héritage historique de son pays sont admirés par de nombreux dirigeants qui voient parfois en lui un modèle.210 En dépit des critiques faites à son régime autoritaire et ses politiques d'oppression envers l'opposition, Paul Kagame est perçu sur la scène internationale comme un leader voire un « modèle africain », en matière de bonne gouvernance et de gestion de l'État, grâce aux résultats économiques de son pays.211 Le tournant technologique engagé par le Rwanda qui souhaite devenir à terme un Hub technologique de premier ordre dans la région d'Afrique de l'est et en Afrique de façon générale est également un élément attractif dont le gouvernement du Rwanda se sert pour attirer de nombreux

207 Ibid.

208 Ibid.

209 SONGNE, M.(2022, 22 septembre).Ethiopian Airlines, Royal Air Maroc, South African... Les meilleures

compagnies aériennes d'Afrique. Jeune Afrique. Disponible à l'adresse :
https://www.jeuneafrique.com/1379694/economie/ethiopian-airlines-royal-air-maroc-south-african-les-meilleures-compagnies-aeriennes-dafrique/

210 BROULARD, L. (2022,1er avril), op.cit., p.63.

211 CHABOUNI, S. (2020), op.cit., p.8.

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investisseurs étrangers. Dans le cadre du développement de ce secteur, le Rwanda a réussi à attirer l'Université américaine Carnegie Mellon qui est un des leaders mondiaux dans la recherche et l'innovation.212

Carte 16. Les pays africains desservis par Rwandair en Afrique

La lecture de la carte ci-dessus nous donne un aperçu des pays couverts par la compagnie aérienne du Rwanda en Afrique. On constate qu'elle couvre la quasi-totalité des régions du continent à l'exception de la région nord.

212 J. P. KIMONYO. (2017), op.cit., p.30.

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CHAPITRE 4. LES LIMITES DE LA PUISSANCE RWANDAISE ET DE SON DEPLOIEMENT EN AFRIQUE

4.1. La dépendance du Rwanda vis-à-vis de ses partenaires étrangers

4.1.1. Le Rwanda : un pays piégé par sa géographie aux multiples contraintes

Le décollage économique du Rwanda et son statut de puissance régionale et africaine acquis grâce à une diplomatie intensive marquée par le déploiement de ses forces armées sur le continent, ne doivent pas masquer les faiblesses récurrentes de cet État qui demeure parmi les plus pauvres au monde. Le pays fait face à une situation géographique pénalisante : territoire exigu sans accès à la mer, et soumis à une pression démographique. En géopolitique, la position est un élément important qui peut conférer des avantages ou des désavantages à un État en fonction de sa localisation. La position par rapport au domaine maritime est l'une des plus précieuse en géopolitique au regard des intérêts économiques mais aussi géostratégiques qu'elle représente pour un État.213 Disposer d'une façade maritime confère de nombreux avantages aux États qui en sont pourvus sur les plans économiques et stratégiques. A contrario, les États qui en sont dépourvus sont soumis à de nombreuses contraintes qui les relais bien souvent à la marge des circuits d'échanges internationaux.214 Ne disposant pas de fenêtre maritime, l'enclavement apparait pour le Rwanda comme l'une des contraintes majeures auxquelles il fait face dans sa quête de puissance au niveau continentale et ce pour plusieurs raisons.

D'abord, ce désavantage géographique place cet État en situation de dépendance permanente vis-à-vis des pays qui disposent d'une ouverture sur la mer. Il s'agit notamment du Kenya et de la Tanzanie, qui à travers les ports de Mombasa et de Dar es Salaam, lui donnent la possibilité de s'ouvrir au reste du monde via le transport maritime (cf. carte 15). Ses approvisionnements en produits manufacturés en provenance de l'étranger indispensables pour son économie dépendent de deux corridors : le corridor nord, en provenance du port de Mombasa via le Kenya et l'Ouganda et le corridor central, en provenance de Dar es Salaam via la Tanzanie et le Burundi. Les importations et exportations du Rwanda se font majoritairement via le corridor central en raison des délais qui y sont plus courts et des coûts de transport moins onéreux que ceux du corridor nord. En effet, les coûts de transport des marchandises qui passent par le corridor central sont 14 % moins élevés que ceux du corridor septentrional et la durée

213 P. GOURDIN. (2010). Géopolitiques manuel pratique. Paris : Choiseul Editions, p.49.

214 S. ROSIÈRE. (2008). Dictionnaire de l'espace politique. Géographie politique et géopolitique. Paris : Armand Colin, p.88.

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d'acheminement via celui-ci est plus courte que celle offerte par le corridor du nord.215 Le trajet Dar es Salaam-Kigali s'effectue en quatre jours environ alors que le trajet Mombasa - Kigali s'effectue entre six et sept jours, en raison notamment du transit des marchandises en Ouganda et des distances plus importantes.216 Il faut aussi noter que ces corridors souffrent de la mauvaise qualité des voies de communication entre les différents pays. Cela complexifie davantage l'acheminement des marchandises vers le Rwanda. De plus, les corridors qui partent des ports vers le Rwanda sont encore loin d'être multimodaux, la route est toujours la principale voie utilisée pour le transport des marchandises. Même si ces dernières années, des efforts ont été engagés au niveau régional pour faciliter la circulation des marchandises (réduction des documents à remplir, initiation de plusieurs projets d'amélioration des voies de transports), l'accès au Rwanda depuis les ports de l'océan Indien demeure long et coûteux. Pour illustration, le coût de transport d'un container de Mombasa à Kigali est par exemple quatre fois supérieur à celui entre Mombasa et la Chine.217 Ainsi, fortement dépendant de ses voisins, de leur stabilité et de leur bon vouloir, le confinement logistique du Rwanda est comme une épée de Damoclès qui pèse constamment sur lui et menace ses exportations et importations de minerais et de marchandises. Surtout qu'à un moment dans son histoire récente, le Rwanda a eu des relations diplomatiques difficiles avec son voisin tanzanien. La raison principale de cette période de tensions diplomatiques a été la suggestion d'un dialogue politique entre les FDLR et le gouvernement rwandais faite par le président de la Tanzanie de l'époque, Jakaya Kikwete, en marge du cinquantenaire de l'UA organisé en Ethiopie en 2013. Cette proposition venant du président tanzanien avait donné lieu à des échanges verbaux agressifs entre ce dernier et P. Kagame.218 Au final, si un conflit armé n'a pas eu lieu entre les deux États, la dépendance du Rwanda vis-à-vis du port tanzanien de Mombasa aurait pu être utilisée pour asphyxier l'économie rwandaise. De ce point de vue, stratégiquement, le Rwanda en cas de confrontation directe avec son voisin se serait retrouvé fortement handicapé. Il faut aussi noter que l'enclavement du Rwanda l'oblige à traverser deux États (Burundi et Ouganda), avec lesquels les relations ne sont pas toujours bonnes, avant d'accéder à la mer. En effet, les corridors du nord et du centre passent par les capitales des deux pays (Bujumbura et Kampala) suscités avant

215 AMBASSADE DE FRANCE AU RWANDA. (2021). Au Rwanda, des défis à relever avant de devenir un hub logistique régional. La Lettre économique de l'Afrique de l'Est et de l'Océan Indien, (9), 13-14. Disponible à l'adresse : https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/5141a33b-d9b7-48f1-b21f-62c394d0747a/files/5341b983-a724-418a-bc2f-db3926ff95e4

216 Ibid.

217 Ibid.

218 JEUNE AFRIQUE. (2013, 27 août). Le Rwanda et la Tanzanie à couteaux tirés. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/168895/politique/le-rwanda-et-la-tanzanie-couteaux-tir-s/

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de rejoindre les côtes de l'océan Indien. Tout comme dans le cas tanzanien, cette situation de passage obligé par les capitales d'États considérés comme hostiles, pourrait s'avérer extrêmement pénalisante pour l'économie du Rwanda si jamais un conflit ouvert venait à avoir lieu.

En outre, l'étroitesse de son territoire représente une limite interne particulièrement contraignante pour le Rwanda. Avec une superficie d'à peine 26 338 km2, le Rwanda ne dispose pas de grandes quantités de ressources naturelles qui sont pourtant importantes pour son économie. L'étroitesse de son territoire le confronte également à une importante pression démographique caractérisée par une raréfaction des terres cultivables. Selon les prévisions de croissance démographique de l'ONU 2019 (scénario moyen), la population du Rwanda pourrait attendre 23 millions d'habitants d'ici 2050. Si cette tendance se confirmait, elle pourrait accentuer les problèmes liés à la disponibilité des terres.

Carte 17. Les principaux débouchés maritimes du Rwanda

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4.1.2. Une économie encore dépendante de la conjoncture extérieure

Depuis la fin du génocide, de nombreux efforts de reconstruction ont été engagés par les grandes puissances occidentales au Rwanda, d'abord sous l'égide de l'ONU puis dans le cadre de dons et aides financières pour son développement. Du fait de sa situation particulière post génocide, de la bonne gouvernance qui caractérise le pays et par l'habile utilisation du drame au niveau international, le Rwanda a pu bénéficier d'une aide internationale importante. Celle-ci représentait la principale source de financement du pays au lendemain du génocide. Entre 1994 et 2012, elle constituait plus de la moitié du budget de l'État rwandais. Au plus fort de sa participation au budget rwandais, l'aide étrangère représentait près de 78 % des parts du budget total (cf. graphique 2). Même si elle ne représente aujourd'hui qu'environ 15, 20 % du budget selon les données 2021 du ministère de l'économie, elle demeure une manne financière importante dont le gouvernement rwandais ne peut se passer. Cette dépendance à l'aide internationale l'oblige à être en bon termes avec ses bailleurs de fonds, les risques de déstabilisation de son système économique étant importants en cas de suspension ou retrait de celle-ci. En effet, en matière des finances publiques, la dépendance aux aides étrangères fait peser un risque sur son économie et peut compromettre les projets de développement envisagés sur la base de cette manne financière. Ces conditions ne sont pas idéales pour le Rwanda car elles limitent ses agissements en tant qu'État et pose le problème de sa souveraineté économique. D'ailleurs en 2012, alors que l'aide internationale représentait 48 % du budget (cf. graphique 2), de nombreux partenaires économiques du Rwanda avaient décidé de suspendre leurs aides en raison des accusations de soutien à une mutinerie présente à l'est de la RDC. Suite à ses différentes accusations, les principaux partenaires ont suspendu leurs aides au développement et ainsi que leurs coopérations dans le domaine militaire avec le Rwanda. Dans les faits, les États-Unis et la Belgique ont temporairement arrêté leurs coopérations militaires avec le Rwanda, les allemands, les suédois et les néerlandais dans la foulée ont partiellement interrompus des aides au développement, tout comme la banque africaine de développement (BAD). La Grande-Bretagne, pourtant considérée comme l'allié le plus fidèle au gouvernement rwandais et principal contributeur au budget rwandais avait également décidée de suspendre son aide.219

219 J. RÉVILLON. (2014), op.cit., p.28.

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Ces suspensions ont eu des conséquences sur l'économie du Rwanda et ont impacté la croissance de son PIB. Celui-ci a chuté et est passé de 8,8 % en 2012 à 4,7 % en 2013.220 Cette situation a démontré que les aides internationales perçues par le Rwanda pour soutenir son développement, étaient conditionnées d'une certaine façon par les agissements du Rwanda dans la région, notamment dans la partie est de la RDC où le Rwanda est régulièrement accusé par de nombreuses ONG et groupes d'experts onusiens de soutenir des groupes rebelles armés. À l'heure où le M23 est de nouveau actif à l'est de la RDC, plus de dix ans après sa défaite contre les FARDC et la MONUSCO, le Rwanda se retrouve de nouveau sous le feu des critiques. Il est de nouveau accusé par son voisin de soutenir les actions militaires menées par ce groupe rebelle. Après de long mois, d'observations, d'appel au dialogue et au cessez le feu, les puissances occidentales partenaires (États-Unis, Grande Bretagne, France) du Rwanda ont condamné ouvertement son soutien au M23.221 Même si pour l'instant, ces différentes condamnations venues du monde occidental n'ont pas donné lieu à des sanctions sur le plan économique, comme ce fut le cas en 2012. Toutefois, il apparait comme en 2012 que les risques de nouvelles suspensions ou suppressions des aides internationales, planent sur le Rwanda surtout si la situation continue de se détériorer du point de vue sécuritaire à l'est de la RDC.222 Si il y a des sanctions économiques contre l'État rwandais, celles-ci pourraient impacter négativement son économie. Cette dépendance à l'aide internationale révèle à quel point le système économique rwandais est vulnérable et sujet à la donne extérieure.

L'autre aspect qui rend le système économique du Rwanda peu solide est sa dépendance au cours des matières premières. Les principales exportations rwandaises sont le café et le thé. L'exportation de ces produits a déjà connu des baisses importantes dans les années 1980 et avait contrarié l'économie rwandaise.223 Ces deux produits sont encore aujourd'hui des ressources importantes d'exportations du Rwanda. Mais, soumis à la conjoncture internationale, les revenus issus de l'exportation de ces produits peuvent être revus à la baisse en cas de crise dans le secteur et soumettraient encore une fois l'économie rwandaise à la dure réalité de sa dépendance aux marchés internationaux. Aides internationales et dépendances à l'exportation

220 A. NGIRABATWARE. (2022). RWANDA : Comprendre la croissance d'une économie de guerre pendant 30 ans. Paris : Editions du Panthéon, 404p.

221 JEUNE AFRIQUE. (2022, 20 décembre). RDC : Paris « condamne le soutien » du Rwanda au M23. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/1402516/politique/rdc-paris-condamne-le-soutien-du-rwanda-au-m23/

222LE MONDE, AFP & REUTERS. (2023, 4 mars). RDC : en visite à Kinshasa, Emmanuel Macron appelle au respect du plan de paix dans l'est du pays. Le monde Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/03/04/rdc-en-visite-a-kinshasa-emmanuel-macron-appelle-au-respect-du-plan-de-paix-dans-l-est-du-pays_6164154_3212.html

223 A. NGIRABATWARE. (2022), op.cit.

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des produits soumis à la volatilité des prix sur le marché international sont donc les deux éléments qui exposent l'économie rwandaise à diverses crises selon les périodes.

4.1.3. Les problèmes dans son environnement proche et ses capacités militaires limitées

L'environnement régional, théoriquement porteur sur le plan économique, au regard des ressources naturelles présentes dans la région, constitue également une limite pour l'influence rwandaise sur le continent et singulièrement dans les Grands lacs. Le Rwanda, qui a réussi à s'imposer comme une puissance importante sur le continent, continue d'entretenir des relations difficiles avec certains de ses voisins. Cette situation de crise permanente avec les pays limitrophes pourrait à terme mettre à mal les ambitions rwandaises dans la région. Entre sa rivalité avec l'Ouganda et ses implications dans les conflits à l'est de la RDC, le Rwanda peine à s'imposer comme un leader avec qui les autres pays peuvent entretenir de bonnes relations pour la stabilité de la région et son développement.224 À un moment ou un autre, ses voisins l'ont désigné comme un État ennemi.225 Avec le Burundi, si on note des avancées notables dans leurs relations diplomatiques, les tensions sont loin d'être résolues. Avec l'Ouganda, la situation est similaire. Mais, c'est surtout avec la RDC que les tensions sont de plus en plus vives et semblent s'enliser un peu plus avec la résurgence du M23. Or la posture conflictuelle que le Rwanda entretient avec ses voisins ne favorise pas le renforcement de son leadership dans la région. En effet, plutôt que d'inspirer l'assurance, la cohésion comme un leader est sensée l'être, le Rwanda inspire la méfiance et l'inimitié. Les tensions politiques avec les autres États des grands lacs conduisent très souvent à la fermeture des postes frontaliers et limitent les échanges commerciaux qui sont pourtant indispensables pour son économie. Ainsi, dans cet environnement particulièrement instable, les bénéfices attendus de l'approfondissement de l'EAC pour le Rwanda semblent incertains. Dépendant des autres, le Rwanda a tout intérêt à améliorer ses relations avec ses voisins contigus s'il veut avoir une influence positive et renforcer sa position de leader dans la région et sur le continent.

Dans sa stratégie de projection sur le continent, l'armée est un élément majeur que le Rwanda exporte. Si ces interventions efficaces au Mozambique et en RCA lui ont permis de renforcer son statut de pourvoyeur de sécurité sur le continent, selon certains spécialistes, l'armée rwandaise risque l'épuisement et pourrait atteindre ses limites en termes de pourcentages des forces qu'elle est capable de déployer en Afrique. Avec la multiplication des conflits sur le continent, le Rwanda sera dans l'obligation de s'imposer des limites dans sa

224 S. CHABOUNI. (2020), op.cit., p.8.

225 F. REYNTJENS. (2020), op.cit., p.13.

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stratégie de déploiement militaire.226 Rappelons que c'est un pays qui ne possède pas d'industrie d'armement et, selon certaines sources, il aurait déjà engagé dans sa stratégie de déploiement militaire sur le continent près de 20 % de ses effectifs militaires. Toutes ses opérations, bien que ne nous disposions pas des montants réels dépensés par le gouvernement rwandais, celles-ci ont un coût qui peut s'avérer être très important. Selon le quotidien Africa Intelligence, les dépenses militaires du Rwanda au Mozambique par exemples sont estimées par les autorités rwandaises entre 10 et 20 millions de dollars par mois. Cela équivaudrai, à plus de 100 millions de dollars sur presque un an d'engagement militaire.227 Ces montants représentent des sommes colossales que le Rwanda ne pourra évidemment pas endosser seul sur le long terme en raison de ses capacités financières limitées. À moins que les dirigeants rwandais n'aient recours à des financements étrangers venant des pays de l'UE (France, Portugal, Italie) dont les intérêts économiques des sociétés nationales sont directement menacés.228 En effet, dans cette partie du territoire mozambicain, un projet important d'exploitation de gaz liquéfié devant être exploité par les deux sociétés (Total énergies, Eni) était en cours d'exécution avant la détérioration des conditions sécuritaires dans la région. C'est cette situation sécuritaire de plus en plus délétère qui a poussé les entreprises impliquées dans le projet à suspendre l'exploitation, estimant que les conditions sécuritaires n`étaient plus réunies. L'intervention du Rwanda à Cabo Delgado apparait donc comme salutaire pour ces entreprises qui souhaitent un retour à la normale pour qu'elles puissent poursuivre l'exécution de ce projet.

4.2. Les stratégies rivales et la lutte pour l'influence dans les grands lacs et au-delà

4.2.1. L'Ouganda, le rival historique dans les grands lacs

Considérée par de nombreux spécialistes comme la zone d'influence naturelle du Rwanda, la région des Grands lacs est pourtant une zone très disputée où se mêlent diverses ambitions qui pourraient contrarier les aspirations rwandaises dans cette partie du continent. Dans cette zone géographique, l'Ouganda apparait comme la principale force rivale au pouvoir rwandais depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000. En effet, pendant et au lendemain de

226 COURRIER INTERNATIONAL. (2023, 10 janvier), op.cit., p.18.

227 AFRICA INTELLIGENCE. (2022,23 juin). Mozambique LNG : les dessous financiers de la mission rwandaise

à Cabo Delgado. Disponible à l'adresse : https://www.africaintelligence.fr/afrique-australe-et-
iles/2022/06/23/mozambique-lng--les-dessous-financiers-de-la-mission-rwandaise-a-cabo-delgado,109793956-eve

228 Ibid.

Sur le même sujet voir également S. HASTOM. (2021, 17 septembre). La France finance-t-elle l'intervention

rwandaise au Mozambique ? Courrier International. Disponible à l'adresse :
https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/interets-la-france-finance-t-elle-lintervention-rwandaise-au-mozambique

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la seconde guerre du Congo, les deux pays qui semblaient être des alliés indéfectibles ont vu leurs relations politico-diplomatiques se dégrader sur fond de lutte d'influence en RDC. Durant ce conflit (1998-2003), les deux pays ont soutenu des groupes rebelles concurrents dans l'est de la RDC et ont déployé leurs propres forces armées dans ce pays.229 Le Rwanda apportait son soutien au Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) devenu RCD-Goma suite à une scission au sein du mouvement. L'Ouganda soutenait pour sa part l'autre partie du RCD appelé RDC-ML et le Mouvement de Libération du Congo (MLC) dirigé par Jean-Pierre Bemba. À travers ces groupes rebelles, les deux pays disposaient d'une sorte de bras armés qui menaient des actions en leur faveur (pillage de ressources par exemple) dans les provinces du Kivu et de l'Ituri.230 Depuis, il existe entre les deux chefs de l'État rwandais et ougandais une véritable animosité, ceux-ci se battent continuellement pour le leadership régional avec comme principal théâtre de conflits l'est de la RDC. Bien plus qu'une simple zone d'influence, cette partie de la RDC intéresse particulièrement ces deux États en raison des ressources minières importantes dont elle regorge. Elle s'avère être d'une importance stratégique pour les deux pays qui se nourrissent selon plusieurs rapports onusiens et d'ONG des matières premières des provinces orientales du Congo.231 Ils se livrent une guerre d'influence pour garder la main sur les circuits d'exploitations illicites de ces matières premières, soit directement par leurs armées respectives soit au moyen de la myriade des groupes armées qui y prolifèrent. La résurgence du M23 ces dernières années, a remis au goût du jour cette rivalité qui s'opère par procuration via les mouvements rebelles présents en RDC.

Tout comme en 2000, le Rwanda et l'Ouganda se disputent la direction d'un groupe armée, cette fois-ci, il s'agit du M23 qui à l'origine est un mouvement proche du Rwanda et composé majoritairement des Tutsis. Mais, lors de sa défaite en 2013, les rebelles se sont réfugiés en Ouganda comme au Rwanda. Dans les faits, les partisans de Bosco Ntaganda un des chefs du mouvement ont fui et ont rendu les armes au Rwanda, tandis que plusieurs combattants qui étaient encore fidèles à Laurent Nkunda, ont rendu les armes en Ouganda.232 Cette configuration a donné lieu à deux branches concurrentes au sein du mouvement chacune avec son parrain régional. Ceux qui ont été accueillis par l'Ouganda ont accusé leurs anciens camarades qui étaient au Rwanda d'être les marionnettes du Rwanda et vice versa.233

229 INTERNATIONAL CRISIS GROUP. (2020, janvier). Éviter les guerres par procuration dans l'est de la RDC et les Grands Lacs. Crisis Group Briefing Afrique, 150,21p.

230 F. REYNTJENS. (2020), op.cit., p.13.

231 ONG WITNESS. (2005,30 juin). La paix sous tension : dangereux et illicite commerce de la cassitérite dans l'est de la RDC. Disponible à l'adresse : https// : www.globalwitness.org/en/archive/7532

232 INTERNATIONAL CRISIS GROUP. (2020, janvier), op.cit.

233 ONG WITNESS. (2005, 30 juin), ibid.

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Au coeur des rapports acrimonieux que les deux États entretiennent se trouve également la bataille pour l'obtention des contrats commerciaux et miniers en RDC, cette fois-ci de façon légale pour leurs entreprises.234 En effet, si les deux États ont bénéficié de nombreux accords bilatéraux signés avec la RDC dans les domaines commerciaux, économiques et sécuritaires, lorsque l'on regard d'un peu plus près, c'est l'Ouganda qui semble avoir bénéficié des meilleurs accords et avantages avec son voisin contigu aux grandes dame de son rival rwandais. Ce qui est désormais en jeu ici ce sont leurs intérêts commerciaux et économiques respectifs. Dans les faits, chacun d'eux a signé les accords suivants : en juin 2021, les présidents Paul Kagame et Félix Tshisekedi ont signé un accord qui stipule que la société rwandaise Dither Ltd., raffinera l'or produit par Sakima (entreprise congolaise) dans le but de priver les groupes armés de l'or de la RDC.235 La signature de cet accord place le Rwanda dans une position stratégique favorable puisqu'à travers sa société il est désormais au centre de l'exploitation et peut contrôler l'ensemble de la chaîne de production. Cette décision aurait eu pour effet de contrarier les gouvernants ougandais.236 Dans le même temps, l'Ouganda signait également des accords commerciaux avec la RDC. Outre les accords commerciaux, l'Ouganda a signé un contrat de construction routière avec les autorités congolaises. Cette route que les deux États construisent ensemble va de Kasindi (sur la frontière) jusqu'à Beni et Butembo (cf. carte 17). En plus d'être un projet qui vise à favoriser les échanges entre les deux pays, elle est pour l'Ouganda selon le Centre africain d'Étude Stratégique une voie royale pour l'exportation des matières premières (coltan et or) du Kivu en direction de l'Ouganda, où a été également construite une raffinerie d'or présentée par les autorités ougandaises comme la plus grande du continent. Celle-ci se présente de facto comme la rivale directe de la raffinerie qui existe du côté du Rwanda.237 Ces différents accords signés entre la RDC et l'Ouganda combinés au déploiement des forces armés ougandaises dans le Nord-kivu auraient été perçus par le Rwanda comme des actes inamicaux; d'autant plus que dans le cadre du déploiement de la force régionale de l'EAC à l'est de la RDC, les forces armées rwandaises sont les seules à avoir été ostracisées.

234 AFRICA CENTER FOR STRATEGIC STUDIES. (2022, 29 juin). Le Rwanda et la RDC en danger de guerre en tant que nouvelle rébellion du M23 Émerge : un explicateur. Disponible à l'adresse : https://africacenter.org/spotlight/rwanda-drc-risk-of-war-new-m23-rebellion-emerges-explainer/

235 JEUNE AFRIQUE & AFP. (2021), op.cit., p.44.

236 AFRICA CENTER FOR STRATEGIC STUDIES. (2022,29 juin), op.cit.

237 C. BRAECKMAN. (2022, 10 novembre). RD Congo : le Nord-Kivu, victime des rivalités entre l'Ouganda et le Rwanda. Courrier International. Disponible à l'adresse : https://www.courrierinternational.com/article/analyse-rd-congo-le-nord-kivu-victime-des-rivalites-entre-l-ouganda-et-le-rwanda

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Carte 18. Projet routier entre l'Ouganda et la RDC

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4.2.2. Dans les grands lacs, le Kenya passe à l'offensive tandis que l'Angola marque son retour

Le Rwanda, dans sa stratégie de déploiement dans les grands lacs doit en plus de l'Ouganda, faire face à la volonté d'autres puissances régionales d'y jouer un rôle clé. Il s'agit notamment du Kenya et de l'Angola. Si l'Angola a déjà joué un rôle militaire et politique déterminant en RDC, notamment pendant les deux guerres du Congo, cela n'est pas le cas du Kenya.238 En effet, le Kenya ne s'est pas souvent impliqué de façon directe en RDC sans doute en raison du fait ses intérêts n'y étaient directement menacés. Mais, depuis la résurgence du M23, la posture du Kenya semble avoir changé. Longtemps à l'écart des conflits en cours à l'est de la RDC, le Kenya affiche désormais une diplomatie de plus en plus active dans la région et a fait de la lutte contre les groupes rebelles armés un élément clé de sa diplomatie au sein de l'EAC. Il s'implique aussi bien sur le plan militaire que politique. Le Kenya est à l'origine de la création d'une force d'intervention régionale qui selon les termes du président William Ruto vise à imposer la paix en RDC.239 Ce dernier veut jouer un rôle déterminant dans la résolution de ce conflit qui secoue le voisin congolais depuis des décennies. Pour se faire, le Kenya a envoyé près de 900 hommes dans le cadre de la mission militaire de la Communauté de l'Afrique de l'Est (CAE /EAC). Ce bataillon constitue avec celui de l'Ouganda, l'un contingent des plus important déployé en RDC (voir tableau 4). Cette force régionale est en outre placée sous le commandement du général kenyan Jeff Nyagah240. Le processus de Nairobi est sur le plan politique le symbole des implications kenyanes dans la résolution des conflits à l'est de la RDC. Celui-ci met un accent particulier sur la lutte contre les groupes rebelles et est dirigé par l'ancien président du Kenya Uhuru Kenyatta qui a le rôle de facilitateur dans les négociations entre les différents belligérants. C'est d'ailleurs ce dernier qui a initié la création de cette force régionale avant que son successeur à la tête de l'État kenyan ne maintienne l'initiative et la matérialise par le déploiement de soldats sur le sol congolais à partir du 12 novembre 2022. Avec un coût estimé à 4,4 milliards de shillings kényans (36,5 millions d'euros) selon les dirigeants kényans pour une durée initiale de six mois, on pourrait s'interroger sur les motifs d'un tel engagement de la part du Kenya en RDC.241 Si les dirigeants kenyans évoquent la

238 F. LASSERRE, É. MOTTET, & E. GONON. (2020), op.cit., p.77.

239 J. OTIENO. (2022,7 décembre). Est de la RDC : le Kenya et le spectre de l'enlisement. Jeune Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/1398685/politique/est-de-la-rdc-le-kenya-et-le-spectre-de-lenlisement/

240 Il a démissionné le 28 avril 2023 et devrait être remplacé par un autre général kenyan.

241 N. HOCHET-BODIN, & C. PIERRET.(2022, 18 novembre). Dans l'est de la RDC, le déploiement très calculé

des soldats kényans. Le monde Afrique. Disponible à l'adresse :
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/11/18/dans-l-est-de-la-rdc-le-deploiement-tres-calcule-des-soldats-kenyans_6150590_3212.html

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nécessité de stabiliser et pacifier la région dans l'intérêt de tous, il faut tout de même noter comme première motivation à son intervention militaire, la volonté de sécuriser ses propres intérêts en RDC et l'intention d'y jouer un rôle central en tant que première puissance économique de la région. L'adhésion de la RDC au sein de l'EAC ayant ouvert de nouvelles perspectives économiques pour l'ensemble des pays de la région, se sont plusieurs entreprises des autres États parties (kenyanes notamment) qui se sont lancées à la conquête des opportunités économiques en RDC. Depuis 2021, ce sont près de vingt nouvelles entreprises kenyanes (principalement des banques) qui se sont établies en RDC. Il s'agit notamment d'Equity Group, le premier établissement financier d'Afrique de l'Est, qui dès 2015, a racheté ProCrédit Bank, puis la Banque commerciale du Congo (BCDC) en 2020, devenant ainsi le plus grand réseau de services financiers existant en RDC. Quant à la Kenya Commercial Bank (KCB), possession de l'État kényan, elle a acquis, en août 2022, 85 % des actions de la Trust Merchant Bank (TMB), bien connue du secteur minier dans la province congolaise du Katanga.242 Nonobstant les minéraux et son investissement dans le domaine bancaire en RDC, le Kenya souhaite développer un commerce bilatéral plus étroit avec la RDC et ambitionne de faire du port stratégique de Mombasa la principale porte d'entrée des marchandises du Congo et sa principale porte d'exportation des marchandises.243

Tableau 4. Soldats par pays de l'EAC déployés dans le cadre de la lutte contre les groupes armés en RDC

Pays

Nombre de soldats

Kenya

900

Ouganda

1000

Tanzanie

Pas de données

Burundi

600

Soudan du sud

750

Total

3 250

Sources : Courriel International et Jeune Afrique Réalisation : PAMBO MIHINDOU Guy Herod

242 Ibid.

243 COURRIER INTERNATIONAL. (2022, 23 novembre). Le Kenya veut «imposer la paix» dans l'«est troublé»

de la République démocratique du Congo. Disponible à l'adresse :
https://www.courrierinternational.com/article/diplomatie-le-kenya-veut-imposer-la-paix-dans-l-est-trouble-de-la-republique-democratique-du-congo

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L'investissement de l'Angola dans la région des grands lacs n'est pas nouveau si l'on se refaire à l'histoire des conflits qui ont touché cette partie du continent, notamment dans les années 1990. Arguant des préoccupations sécuritaires, l'Angola par le biais des dirigeants du Mouvement pour la Libération de l'Angola (MPLA) s'est lancée dans une série d'interventions militaires tout azimut entre 1990 et 2003 en Afrique centrale.244 Il a apporté son soutien à toutes les rebellions qui voulaient renverser des régimes qui soutenaient les actions de l'Union pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA) et des Forces de Libération de l'enclave de Cabinda (FLEC). En 1997, il a fourni un appui matériel et logistique aux Tigres de Katanga en soutien à l'offensive de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) contre le président zaïrois Mobutu et pour mener des attaques contre les bastions de l'UNITA que Mobutu avait accueillis. En 1998, les troupes angolaises sont parties de Cabinda pour soutenir le nouveau président, Laurent Désiré Kabila, dans la deuxième guerre en RDC (ex-Zaïre).245 C'est l'attaque du Rwanda à Kitona durant ce second conflit du Congo qui avait convaincu l'Angola d'intervenir surtout que cette zone était très proche d'importants gisements pétroliers de Cabinda. Le projet de déstabilisation et de renversement du président Kabila initié par le Rwanda menaçait de facto les intérêts économiques stratégiques de l'Angola.246 En intervenant dans ce second conflit, les forces angolaises ont ainsi contrecarré les ambitions des dirigeants rwandais qui voulaient renverser Laurent Désiré Kabila et installer un régime qui serait acquis à leur cause.

Aujourd'hui, même si l'investissement angolais dans la crise congolaise actuelle se limite à la conduite de la médiation entre les parties en conflit sous les auspices de l'UA, le déploiement prochain de soldats angolais à l'est de la RDC comme annoncé par les dirigeants angolais semble rappeler un vieux scénario de régionalisation du conflit. D'après un communiqué de la présidence angolaise, l'objectif principal des soldats qui seront déployés en RDC sera de sécuriser les zones où sont stationnés les membres du M23 dans l'est du pays et de protéger l'équipe chargée de surveiller le respect du cessez-le-feu.247 Riche en ressources naturelles, l'est de la RDC est de fait de plus en plus convoité et le Rwanda voit arriver dans sa sphère d'influence une multitude d'acteurs y compris l'Angola qui nourrissent eux aussi des ambitions économiques dans la région contrariant ainsi les siennes.

244 P. LE BILLON, & al. (2008). Au-delà du pétro-militarisme. Politique africaine, 110(2), pp.102-121.

245 Ibid.

246 F. LASSERRE, É. MOTTET, & E. GONON. (2020), op.cit., p.77.

247 JEUNE AFRIQUE & AFP. (2023, 11 mars). L'Angola va envoyer des troupes en RDC après l'échec du cessez-

le-feu. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/1426376/politique/langola-va-envoyer-des-troupes-en-rdc-apres-lechec-du-cessez-le-feu/

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4.2.2. L'Afrique du Sud, concurrente au déploiement militaire rwandais au Mozambique

Depuis l'assassinat de Patrick Karegeya en 2013 dans un hôtel à Johannesburg et la tentative d'assassinat Kayumba Nyamwasa, le Rwanda et l'Afrique du Sud entretiennent des relations difficiles même si on note quelques tentatives de rapprochements depuis l'arrivée au pouvoir de Cyril Ramaphosa en 2018. L'Afrique du Sud depuis 2004 est devenue un lieu de refuge privilégié pour les dissidents du FPR autres fois proches de Paul Kagame qui sont passés dans l'opposition. Suite à l'assassinat de Patrick Karegeya, trois diplomates rwandais ont été expulsés par l'Afrique du Sud, par réciprocité, le Rwanda a également expulsé six diplomates sud-africains. Ces différentes expulsions avaient achevé d'empoisonner les relations entre les deux pays. La présence des anciens cadres et éléments importants du dispositif sécuritaire du Rwanda en Afrique du Sud n'a jamais plu aux dirigeants rwandais qui leur accuse de se servir de leur exil dans ce pays pour préparer le renversement et la déstabilisation du pourvoir rwandais.

En 2018, alors que le Rwanda prenait la tête de l'UA, la tension entre les deux pays s'était invitée au cours de la mise en route des reformes menées par Paul Kagame. Jacob Zuma président sud-africain de l'époque avait présenté les notes de la Communauté de développement d'Afrique austral (SADC), qui critiquaient le manque de consultation de l'administration de Paul Kagame dans la conduite des réformes, ce qui avait passablement irrité les diplomates rwandais.248 En plus de ces éléments qui rendent les relations politico-diplomatiques entre les deux pays difficiles, l'armée rwandaise se projette désormais dans la sphère d'influence du géant sud-africain notamment au Mozambique. La présence de l'armée rwandaise n'est pas forcément quelques choses qui plait aux dirigeants sud-africains. Ils rechignent à ne voir dans l'intervention rwandaise, discrètement négociée pendant plusieurs mois avec le Mozambique, qu'un acte de simple solidarité. Cette préoccupation semble être légitime sachant que l'Afrique du sud qui est voisine au Mozambique héberge des opposants rwandais qui ont déjà été des cibles de plusieurs tentatives d'assassinat. La présence des troupes rwandaises peut être perçue comme une menace pour la vie de ceux-ci. Sous l'égide de la SADC, l'Afrique du Sud a également déployé des soldats au Mozambique dans le cadre une intervention régionale. Même si ses résultats contrairement à ceux enregistrés par le Rwanda semblent mitiger et moins bons, sa présence au Mozambique sert surtout à ne pas laisser le champ libre au Rwanda dans sa zone d'influence. L'envoi des troupes de la SADC ressemble ainsi à une tentative de contre influence

248 R. GRAS. (2018, 11 décembre). Rwanda-Afrique du Sud : rapprochement laborieux entre Kigali et Pretoria,

qui a rappelé son ambassadeur. Jeune Afrique. Disponible à l'adresse :
https://www.jeuneafrique.com/683302/politique/rwanda-afrique-du-sud-rapprochement-laborieux-entre-kigali-et-pretoria-qui-a-rappele-son-ambassadeur/

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menée contre le Rwanda dans un espace que les dirigeants de l'Afrique du Sud considèrent comme leur pré-carré.

CONCLUSION GÉNÉRALE

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La présente étude avait pour objectif de démontrer que le Rwanda, à travers son déploiement diplomatique et militaire en Afrique, est devenu une puissance que l'on pourrait qualifier « d'émergente » sur le continent. Pour mener à bien ce travail, nous avons choisi de le subdiviser en deux parties.

Dans la première partie, il s'agissait en premier lieu de faire la description physique du Rwanda et d'identifier les principales caractéristiques de sa structure démographique et économique. Il ressort ainsi que le Rwanda est constitué d'un relief majoritairement dominé par les collines, qui connait une forte densité de population (440hab./km2). La structure de l'économie rwandaise repose sur trois principaux piliers : le secteur des services contribue à hauteur de 46 % au PIB national ; le secteur agricole à 25 % ; le secteur industriel à 21%. Il faut noter que cette économie est fortement dépendante de l'aide étrangère et particulièrement celle venant des donateurs occidentaux. Malgré les avancées notables et la diminution progressive de la part de ces aides dans le budget rwandais depuis 2018, celles-ci représentent encore une source de financement importante. En 2021, l'aide étrangère représentait 15,20 % des parts dans la constitution du budget national.

Les raisons du déploiement du Rwanda en Afrique sont de plusieurs ordres : économiques, sécuritaires et politiques. Sur le plan économique, le Rwanda cherche à obtenir de nouvelles opportunités d'affaires sur le continent pour ses entreprises dans divers domaines (mines, transport aérien, finance). Il veut aussi, par l'entremise de sa diplomatie, se débarrasser de l'aide étrangère que les dirigeants perçoivent comme un « cadeau empoisonné », et qui pose des problèmes de souveraineté pour leur pays. La présence militaire du Rwanda en RDC est liée à des préoccupations sécuritaires, du moins selon les discours officiels des dirigeants rwandais. Sans réfuter ces préoccupations d'ordre sécuritaire, l'activisme militaire du Rwanda chez son voisin congolais est également lié à la présence de ressources naturelles sur le sol de ce dernier, comme le dénoncent de nombreux rapports des Nations Unies et ONG humanitaires. Au-delà des grands lacs, en plus de vouloir lutter contre des mouvements dissidents, ces interventions militaires visent également à obtenir des accords lucratifs dans certains domaines, notamment l'exploitation de minerais précieux (RCA, Mozambique) en contrepartie de son investissement militaire. En plus des raisons précédemment énumérées, il faut y ajouter le complexe d'obsidionalité que le Rwanda a développé dans la région des grands lacs africains en raison de l'hostilité régionale dans laquelle il évolue. Pour essayer de briser cet encerclement, le Rwanda a déployé une stratégie d'alliance de revers qui est à peu près similaire à celle qu'Israël avait développée dans les années 1950 pour sortir de l'encerclement arabe. Le Rwanda a ainsi renforcé ses relations diplomatiques avec les pays qui sont situés à rebours de ses voisins. Ces

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rapprochements diplomatiques se sont matérialisés par la signature de plusieurs partenariats et accords économiques et/ou militaires avec la République Centrafricaine, la République du Congo et le Mozambique.

Dans la seconde partie, nous avons présenté le continent africain comme l'espace privilégié de la diplomatie du Rwanda. Pour parvenir à son dessein (ou objectifs), le Rwanda utilise à la fois le Hard power et le Soft power. Dans le premier chapitre, nous apportons un éclairage sur les leviers de la diplomatie africaine du Rwanda. Nous démontrons que le Rwanda s'appuie à la fois sur son histoire, ses forces armées, ses représentations diplomatiques et l'intégration régionale comme des leviers importants de sa diplomatie. L'histoire tragique du génocide a permis au Rwanda de bénéficier d'un soutien important au niveau international ce qui lui a permis de légitimer ses actions militaires à l'est de la RDC. Elle lui a également permis d'obtenir des aides importantes en matière de finances pour son développement de la part des grandes puissances occidentales (France, États-Unis d'Amérique, Grande Bretagne). Étant enclavé, le Rwanda a également fait de l'intégration régionale un levier important de sa diplomatie, son appartenance à l'EAC lui ayant notamment permis de bénéficier des débouchés maritimes des ports de Mombasa (Kenya) et de Dar es Salaam (Tanzanie). Dans sa stratégie de déploiement et de puissance sur le continent, le Rwanda a multiplié les ouvertures de représentations diplomatiques, passant de quatorze en 1994 à vingt-huit en 2020 dont dix-neuf sur le continent. L'ouverture de ses représentations diplomatiques s'est accompagnée de la multiplication des voyages officielles du président Paul Kagame à travers le continent ; l'année charnière de ses déplacements continentaux a été 2016, avec pas moins de dix-huit voyages effectués à travers le continent. De tous les leviers que le Rwanda mobilise, il apparait dans le cadre de notre étude que l'armée est son principal instrument de projection. Il déploie ses forces partout où le besoin se fait sentir, tantôt dans le cadre des opérations onusiennes, tantôt dans le cadre d'accords bilatéraux, avec pour objectif d'assurer la protection de ses intérêts économiques et politiques. Il apporte aussi des soutiens officieux à des groupes rebelles en RDC. Enfin, le Rwanda mobilise également son Soft power pour attirer des investisseurs sur son territoire et pour avoir une bonne image au niveau du continent. Ce Soft power s'exprime à travers les bonnes places que le Rwanda a réussi à obtenir dans différents classements internationaux qu'il s'agisse de lutte contre la corruption, de lutte contre les inégalités entre les genres et bien d'autres. Il occupe la sixième place des pays africains qui sont les plus influents en 2022 par le biais de son Soft power.

Le second chapitre présente les limites de la puissance rwandaise et de son déploiement sur le continent. Nous notons que le Rwanda, malgré son statut de puissance africaine, fait face

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à de nombreux défis internes et externes qui fragilisent quelques peu ses désirs de puissance à l'échelle continentale. Il a une économie encore trop soumise à la conjoncture extérieure, qu'il s'agisse des aides financières occidentales ou des fluctuations des prix de ses principaux produits d'exportation (thé, café). Il est aussi dépendant de la stabilité des pays voisins, notamment ceux qui lui offrent des débouchés maritimes. Cette dépendance stratégique constitue une faiblesse puisqu'il est soumis à leur bonne volonté. Au plan interne, le Rwanda demeure parmi les États les plus pauvres du monde avec une densité de population très élevée (460 h/km2). Celle-ci pourrait devenir une vraie source de tensions si les taux de natalité du Rwanda (29,1 %) ne baissent pas significativement dans les prochaines années. En outre, il fait face à une hostilité régionale permanente qui l'empêche de véritablement se positionner en leader de la région des grands lacs. En plus de l'Ouganda qui est son principal rival régional, le Rwanda est confronté à l'offensive d'autres puissances régionales dans sa zone d'influence. Parmi celles-ci, les principales sont le Kenya et l'Angola qui se projettent dans la région en vue de protéger leurs intérêts respectifs. Au sein de la SADC, où le Rwanda se projette également, il doit faire à la concurrence de l'Afrique du Sud qui perçoit mal sa présence dans sa zone d'influence naturelle (Mozambique).

Parvenu au terme de ce travail dont l'objectif était de répondre à la question de savoir ce qui motive le déploiement diplomatique et militaire du Rwanda sur la scène africaine ainsi que les leviers de ce déploiement, il ressort que les trois hypothèses émises au début de cette analyse ont toutes été vérifiées. S'agissant de la première hypothèse (le déploiement intense du Rwanda a pour objectif de briser le sentiment d'encerclement dont il se sent victime au niveau régional), elle a été confirmée, car nous voyons que les relations difficiles que le Rwanda entretient avec son voisinage depuis des années coïncident (surtout entre 2015 et 2022) avec son déploiement dans les pays qui sont situés à rebours de ceux-ci. La deuxième hypothèse (le déploiement du Rwanda est motivé par l'ambition politique de faire passer ses problèmes internes au second plan) est confirmée. Elle est une raison certes mais pas si déterminante car se sont en réalité les raisons économiques qui guident la quête de puissance du Rwanda. La troisième hypothèse (l'influence acquise par le Rwanda sur le continent est également liée au soutien important dont il bénéficie de la part des grandes puissance occidentale) a également pu être confirmée puisque nous l'avons vu en faisant culpabiliser les grandes puissances quant à leur responsabilité sur l'avènement du génocide de 1994, le Rwanda bénéficie de leur soutien et mène des intrusions armées en RDC sans avoir la crainte d'être sanctionné car protéger par ces mêmes grandes puissances malgré l'épisode des sanctions intervenues en 2012 suite à la publication d'un

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rapport des Nations Unies qui condamnait les incursions armées du Rwanda et les pillages systématiques des ressources par celles-ci en RDC.

La réussite économique et le nouveau statut acquis par le Rwanda sur le continent sont en grande partie l'oeuvre du président Paul Kagame. Ancien chef rebelle, il a réussi à faire de son pays un État particulièrement stable grâce à de bons résultats économiques. Comme de nombreux dirigeants d'Afrique centrale, Paul Kagame jouit d'une longévité au pouvoir, avec près de vingt-trois ans passé à la tête de son pays, la modification constitutionnelle intervenue en 2015 lui permettant de rester au pouvoir jusqu'en 2034. Après une telle longévité, la question «sensible» de la succession devra se poser à un moment ou un autre. En étant aussi omniprésent, Paul Kagame a incarné les réussites du pays sa personnalité se confondant parfois à l'État. Face à un environnement régional toujours plus hostile, la menace des FDLR toujours présents et les blessures du génocide toujours en cours de cicatrisation, des interrogations subsistent quant à la pérennisation de la stabilité du pays après son départ. L'expérience dans d'autres États africains (Côte-d'Ivoire, Togo) a démontré qu'en l'absence d'un numéro deux clairement identifié et capable de maintenir les équilibres existants, le départ du leader charismatique a souvent donnée lieu à des luttes fratricides pour la succession à la tête de l'État.249 Ainsi, on pourrait assister à des querelles intestines au sein même du FPR pour la succession de Paul Kagame. Un tel scénario est à craindre car les guerres autour de la succession conduisent très souvent à la désintégration des solidarités construites artificiellement autour de la figure tutélaire du chef de l'État et peuvent directement affecter l'équilibre national.250 L'après Paul Kagame peut également faire rejaillir la question des clivages ethniques toujours en cours de cicatrisation. Une mauvaise gestion de la transition pourrait conduire à de nouvelles querelles ethniques Hutus/Tutsis.

Tout ceci amène à s'interroger sur l'avenir sociopolitique du Rwanda après le départ de Paul Kagame. Cet État demeura-t-il toujours aussi stable ? La cohésion et la réconciliation entre les «ethnies» amorcées sous sa houlette ne seront-elles pas brisées ? Et surtout jusqu'où ira le Rwanda dans sa quête de puissance à l'échelle continentale ?

249 S. LOUNGOU. (2022). Des « guerres » de succession en Guinée Équatoriale, au Congo et au Cameroun. Vers un embrasement de l'Afrique centrale ? Diploweb.com : la revue géopolitique. Disponible à l'adresse : Géopolitique. Vers un embrasement de l'Afrique centrale ? ( diploweb.com)

250 Ibid.

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

116

Liste des cartes :

Carte 1. Le Rwanda à l'échelle de l'Afrique 12

Carte 2.Le Rwanda à l'échelle de l'Afrique centrale 15

Carte 3.Le Rwanda à l'échelle des Grands Lacs 19

Carte 4. Géomorphologie du Rwanda 23

Carte 5. Densité de population du Rwanda 27

Carte 6.Mise en perspective de la stratégie de désencerclement du Rwanda 48

Carte 7.Représentations diplomatiques du Rwanda en Afrique 59

Carte 8.Les voyages de Paul Kagame en Afrique entre 2009 et 2014 60

Carte 9. Les voyages de Paul Kagame en Afrique entre 2015 et 2018 61

Carte 10. Les voyages de Paul Kagame entre 2019 et 2022 62

Carte 11.Le Rwanda dans les ensembles régionaux 64

Carte 12.Géographie des OMP du Rwanda en Afrique 68

Carte 13.Les interventions militaires du Rwanda sur le continent africain 74

Carte 14.L'activisme militaire du Rwanda en RDC 77

Carte 15.Les circuits de passage illicites des matières premières RDC-Rwanda 78

Carte 16.Les pays africains desservis par Rwandair en Afrique 82

Carte 17.Les principaux débouchés maritimes du Rwanda 85

Carte 18.Projet routier entre l'Ouganda et la RDC 92

Liste des graphiques :

Graphique 1. Évolution de la population Rwandaise entre 1950 et 2022 26

Graphique 2.Évolution de la part des emplois par secteur économique entre 1991 et 2019

29

Graphique 3.Composition du budget de l'État entre 1995 et 2021 31

Graphique 4.Part de chaque secteur dans le PIB en 2021 32

Graphique 5.Les cinq (5) principaux pays fournisseurs de soldats aux OMP au 31 octobre

2022 67

117

Liste des planches :

Planche 1.Quelques rencontres bilatérales entre Paul Kagame et d'autres chefs-d'États

58

Planche 2.Actions humanitaires en faveur de la santé au Soudan du Sud 70

Planche 3.Actions menées par les soldats rwandais dans le cadre de la MINUSS 70

Liste des tableaux :

Tableau 1. Évolution de démographie du Rwanda par décennies 26

Tableau 2. Le nombre de soldats rwandais déployés dans le cadre des OMP 67

Tableau 3. Soldats rwandais engagés par mission d'intervention sur le sol africain 73

Tableau 4. Soldats par pays de l'EAC déployés dans le cadre de la lutte contre les

groupes armés en RDC 94

118

TABLE DES MATIERES

DEDICACE i

REMERCIEMENTS ii

SOMMAIRE iii

LISTE DES SIGLES iv

INTRODUCTION GENERALE 6

1. Justification du sujet 7

1.1. Intérêt du sujet 7

1.2. Objet, objectifs et champ de l'étude 8

2. Revue de littérature 13

3. Problématique et cadre théorique 16

4. Cadre méthodologique 20

5. Annonce du plan 20

PREMIERE PARTIE 21

LES FONDEMENTS D'UN DÉPLOIEMENT DIPLOMATIQUE ET MILITAIRE

INTENSE SUR LE CONTINENT 21

CHAPITRE 1. LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE ET HUMAINE DU RWANDA 22

1.1. Le cadre physique 22

1.1.1. Éléments de géomorphologie et de géologie du Rwanda 22

1.1.2. Le climat 23

1.2. Les caractéristiques démographiques et économiques 24

1.2.1. La démographie du Rwanda 24

1.2.2. Structure de l'économie rwandaise 28

CHAPITRE 2. LES MOBILES D'UNE DIPLOMATIE ACTIVE SUR LE

CONTINENT AFRICAIN 33

2.1. Les relations avec son voisinage et le sentiment d'encerclement comme mobiles

d'une diplomatie active. 33

2.1.1. Les relations rwando-ougandaises : entre alliance et rivalité. 33

2.1.2. Le Rwanda et le Burundi : des «jumeaux» aux relations en dents de scie 37

2.1.3. Rwanda-RDC : deux voisins aux relations politico-diplomatiques tumultueuses

depuis le génocide de 1994 41

2.1.4. Le complexe d'obsidionalité développé par le Rwanda 45

2.2. Les mobiles économiques, sécuritaires et politiques du déploiement rwandais en

Afrique 49

2.2.1. Les mobiles économiques 49

2.2.2. Les mobiles sécuritaires 51

2.2.3. Les mobiles politique 52

119

DEUXIEME PARTIE 54

L'AFRIQUE, ESPACE DE PROJECTION PRIVILEGIÉ DU RWANDA 54

CHAPITRE 3. LES LEVIERS DE LA POLITIQUE ETRANGERE DU RWANDA EN

AFRIQUE 55

3.1. Les leviers historiques et politico-diplomatiques 55

3.1.1. La «rente» mémorielle comme outil diplomatique 55

3.1.2. L'ouverture des représentations diplomatiques en Afrique et les visites

bilatérales d'État 57

3.1.3. L'intégration régionale au coeur de la politique étrangère du Rwanda 63

3.2. Les leviers militaires et les moyens de séduction 65

3.2.1. L'armée rwandaise comme force de maintien de la paix et d'intervention sur le

continent africain 65

3.2.2. L'activisme militaire en RDC 75

3.2.3. Le soft power rwandais 79

CHAPITRE 4. LES LIMITES DE LA PUISSANCE RWANDAISE ET DE SON

DEPLOIEMENT EN AFRIQUE 83

4.1. La dépendance du Rwanda vis-à-vis de ses partenaires étrangers 83

4.1.1. Le Rwanda : un pays piégé par sa géographie aux multiples contraintes 83

4.1.2. Une économie encore dépendante de la conjoncture extérieure 86

4.1.3. Les problèmes dans son environnement proche et ses capacités militaires

limitées 88

4.2. Les stratégies rivales et la lutte pour l'influence dans les grands lacs et au-delà 89

4.2.1. L'Ouganda, le rival historique dans les grands lacs 89

4.2.2. Dans les grands lacs, le Kenya passe à l'offensive tandis que l'Angola marque

son retour 93

4.2.2. L'Afrique du Sud, concurrente au déploiement militaire rwandais au

Mozambique 96

CONCLUSION GÉNÉRALE 97

BIBLIOGRAPHIE 97

TABLE DES ILLUSTRATIONS 97

120

Résumé : Longtemps connu et tristement célèbre en raison du génocide des Tutsis qui a fait plus de 800 000 victimes en 1994, l'État failli qu'est le Rwanda au sortir de cette crise, a réussi à s'imposer comme un acteur géopolitique majeur sur la scène africaine ces dernières décennies. Depuis 1994, sous la houlette de Paul Kagame, le Rwanda a entrepris un déploiement diplomatique et militaire important à l'échelle continentale. Celui-ci est motivé par plusieurs raisons : sécuritaire, économique, politique. Il est également lié au complexe d'obsidionalité dont le Rwanda se sent victime dans la région des Grands-lacs. Pour parvenir à son dessein (ou objectifs) le Rwanda mobilise à la fois le Hard et le Soft power dans sa politique étrangère en Afrique. Dans sa stratégie diplomatique, l'armée apparaît comme le principal outil de sa projection sur le continent. Elle intervient sur plusieurs théâtres de conflits au sein des OMP (Soudan du, RCA, Darfour) et dans le cadre d'accords bilatéraux (Mozambique, RCA, Bénin). Si le Rwanda est parvenu à devenir un acteur important de la scène africaine, il doit néanmoins faire face à la concurrence d'autres États (Ouganda, Afrique du Sud, Kenya, Angola) et à de nombreux défis internes (enclavement, pression démographique) qui peuvent freiner sa montée en puissance.

Mots-clés : Rwanda, Géopolitique, Petit-État, Puissance.

Abstract : Long known and sadly famous because of the genocide of the Tutsis which made more than 800,000 victims in 1994, the failed state that is Rwanda at the end of this crisis, succeeded in imposing itself as a major geopolitical actor on the African scene in recent decades. Since 1994, under the leadership of Paul Kagame, Rwanda has undertaken a major diplomatic and military deployment on a continental scale. This is motivated by several reasons : security, economic, political. It is also linked to the obsidional complex of which Rwanda feels victim in the Great Lakes region. To achieve its purpose (or objectives) Rwanda mobilizes both hard and soft power in its foreign policy in Africa. In its diplomatic strategy, the army appears to be the main tool for its projection on the continent. It intervenes in several theaters of conflict within PKOs (Sudan, CAR, Darfur) and within the framework of bilateral agreements (Mozambique, CAR, Benin). If Rwanda has managed to become an important player on the African scene, it must nevertheless face competition from other States (Uganda, South Africa, Kenya, Angola) and many internal challenges (landlocked, demographic pressure) which can slow down its rise.

Keywords : Rwanda, Geopolitics, Small State, Power.






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