I.2 LA RESILIENCE
I.2.1 Notions sur la résilience
Lederach(2003) s'est gardé d'employer le concept de
résilience, cependant, il utilise les expressions apparentées et
synonymes de résilience, à savoir le potentiel du changement
constructif, développer des capacités, développer des
réponses transformationnelles, avoir une capacité de
considérer des multiples avenues de réponse39, etc. Pour lui, une
approche transformationnelle du conflit est une réponse ou une
capacité stratégique à court, à moyen ou à
long terme, susceptible de générer ou de
régénérer le processus de changement constructif, de
prévoir des solutions durables, d'intégrer les dilemmes,
c'est-à-dire des contradictions, de rendre compte de la
complexité en vue d'adresser la conflictualité liée
à l'identité, à l'injustice, à la
défaillance de la gouvernance. Compris dans ce sens large, la notion de
résilience traduit une capacité que chaque peuple a
inventé au cours de son existence historique pour agir sur des crises, y
répondre de manière efficace et appropriée en vue de
maintenir son unité et la cohésion sociale. Les capacités
individuelles ou collectives qu'il déploie, sont puisées dans son
patrimoine culturel et servent à atteindre l'objectif global
ci-dessus. Tout groupe humain confronté aux difficultés est
selon Kouamekan J. M. Koffi, (2014) est capable d'inventer ses propres
stratégies ou de recourir à l'extérieur, de reproduire des
réponses existantes dans son environnement immédiat ou
médiat en vue de les affronter et de les résoudre, et de se
projeter dans le futur proche ou lointain. Cette capacité de rebondir,
de récupérer, d'agir et de se projeter dans le futur à
partir des réponses individuelles ou collectives, passées ou
récentes, endogènes ou exogènes est appelée
résilience.
Entendue dans ce sens, aucun peuple ne peut nier la
capacité de l'autre d'agir sur son environnement pour se maintenir,
survivre et se reproduire.
Agir introduit une dimension pratique de la résilience.
Celle-ci est reconnaissable à chaque peuple comme capacité
créatrice des solutions aux crises sociales, culturelles, religieuses,
économiques, politiques, sanitaires et environnementales.
À l'égard de ce petit cadre théorique,
nous présentons des données sur le passage du concept de
résilience en transformation des conflits, les applications et leurs
faiblesses.
I.2.2 Le passage du concept de résilience en
transformation des conflits
Comme cadre explicatif des faits, le concept de
résilience a été appliqué en physique des
matériaux. (Kouamekan J. M. Koffi, 2014).
Au fil du temps, le concept a gagné petit à
petit les champs en écologie41, en médecine, en agronomie, en
psychologie, en démographie, en sociologie, en économie et en
sciences de développement. Aujourd'hui, son application est devenue
très large. Le concept de résilience est transversal et
s'applique dans le domaine de transformation des conflits. Le raisonnement
sous-jacent postule que le conflit est et représente une manifestation
selon la plupart des analystes une crise ou un choc qui stimule la
communauté à rebondir, à s'adapter et à
réagir pour ne pas disparaître. L'adaptation suppose avoir la
capacité d'ajustement pour résister et dépasser la
crise.
Tandis que les modèles traditionnels de consolidation
de la paix et de programmation sensible aux conflits sont fondés sur
l'analyse de conflit et centrés sur une compréhension des sources
de fragilité de la société et de l'Etat, la
résilience se préoccupe tout d'abord d'attributs, de
capacités et de réponses pour comprendre comment, où et
pourquoi la paix progresse ou s'avère durable (B. Cyrulink et C. Seront,
2004).
Une telle analyse de la résilience - qui cherche
à comprendre et exploiter les facteurs qui permettent aux individus,
communautés et sociétés de se prémunir contre un
conflit violent ou de transformer les contextes qui donnent potentiellement
naissance aux conflits violents - peut être un complément utile
des analyses de conflit lors de la conception de stratégies
intégrées de consolidation de la paix ou de
développement.
Les populations des pays en proie à des conflits font
face à la gestion de chocs multiformes, politiques et institutionnels,
socio-économiques, sécuritaires, dont les impacts peuvent
être durables et touchent particulièrement les groupes les plus
vulnérables de la société (H. Jeans, G. Castillo et T.
Sebastian, 2017).
. Les séquelles de ces chocs peuvent être
durables et comportent le risque de compromettre les chances de
réconciliation. Pour faire face à la situation, se relever et
repartir de l'avant, les individus, les communautés et les institutions,
développent des compétences susceptibles de convertir les
échecs et les menaces en opportunités qui renforcent leurs
capacités de résilience.
Dans le contexte de cette étude, la résilience
est abordée sous l'angle des sciences humaines, qui sont le domaine qui
intéresse cette recherche. Sous cet angle, on peut définir la
résilience comme la capacité d'un individu ou d'un groupe
à se remettre d'un choc et continuer dans le sens de la marche, à
se projeter dans l'avenir, en dépit d'évènements
déstabilisants, de conditions de vie sévères, de
traumatismes (Manciaux, M, Resiliencia, 2001, p17).
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