UNIVERSITE DE YAOUNDE 1
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CENTRE DE RECHERCHE ET DE FORMATION DOCTORALES
EN SCIENCES HUMAINES, SOCIALES ET EDUCATIVES **************** UNITE
DE RECHERCHE ET DE FORMATION DOCTORALES EN SCIENCES HUMAINES
ET SOCIALES *******
THE UNIVERSITY OF YAOUNDE 1 **************** POST
GRADUATE SCHOOL UNIT FOR THE SOCIAL AND EDUCATIONAL
SCIENCES ****************** DOCTORAL RESEARCH FOR SOCIAL
SCIENCES ********
LES BOULAMAT ET LES CONFLITS FONCIERS EN
MILIEU URBAIN TCHADIEN: CAS DU PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE
N'DJAMENA
Mémoire présenté et soutenu
publiquement le 1er juillet 2022 en vue de l'obtention du
Master en Sociologie
Présenté par
Logam LAWANE
Titulaire d'une Licence en Sociologie
Spécialité : Urbanité et
Ruralité
Sous la direction de
Pr Robert-Marie MBA Maître de
Conférences
Janvier 2022
i
SOMMAIRE
SOMMAIRE i
DEDICACE ii
REMERCIEMENTS iii
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS iv
TABLE DES ILLUSTRATIONS vi
GLOSSAIRE vii
RESUME viii
ABSTRACT ix
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE: ACTEURS ET LES ENJEUX DU FONCIER DANS
LE
PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA
28 CHAPITRE I: LES ACTEURS DU FONCIER ET LES STRATEGIES DE
SECURISATION DES TERRES 29 CHAPITRE II:
LES DIFFERENTES PERCEPTIONS DES TERRES DANS LE PREMIER
ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA
54 DEUXIÈME PARTIE : LES FACTEURS EXPLICATIFS DES LITIGES
FONCIERS DANS LE PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA ET
LES
INSTANCES D'ARBITRAGES DES LITIGES 69 CHAPITRE
III: LES FACTEURS DES LITIGES FONCIERS DANS LE PREMIER
ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA 70 CHAPITRE
IV: INSTANCES D'ARBITRAGES DES LITIGES FONCIERS ET PERSPECTIVES DES
RESOLUTIONS DES DIFFERENDS FONCIERS DANS LE
PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA 95
CONCLUSION GENERALE 109
BIBLIOGRAPHIE 113
ANNEXES 121
TABLE DES MATIERES 151
ii
À
Mon feu père FOURISSOU LAWANE, La famille
NDRIN-NGOU LAWANE.
A tous ceux qui, de près ou de loin, ont
contribué à la réalisation de ce travail, nous vous disons
sincèrement merci !
iii
REMERCIEMENTS
Pendant la longue période nécessaire à la
rédaction de ce mémoire, les personnes qui m'ont
prêté leur concours ont été si nombreuses qu'il
serait impossible de les citer toutes.
Nous remercions d'abord notre directeur de mémoire,
Professeur Robert-Marie MBA, Maître de
Conférences à l'Université de Yaoundé 1, de qui
nous avons reçu des conseils et orientations nécessaires à
l'accomplissement de ce mémoire. Ses, remarques, suggestions m'ont
aidé à adopter quelques méthodes scientifiques.
Notre reconnaissance s'adresse aussi au Chef de
Département de Sociologie de l'Université de Yaoundé 1,
Professeur Armand LEKA ESSOMBA, pour ses orientations et
conseils pratiques durant notre cursus académique.
Notre gratitude va à l'endroit de tous les enseignants
du Département de Sociologie pour leur contribution multiforme à
notre formation.
Nous remercions particulièrement les docteurs
Solange Rachel ESSOMBA EBELA, Jean Roger ONAH et Patrick ESSIGUE EMOSSI
pour la relecture de ce mémoire et la mise à notre
disposition des documents en rapport avec notre thématique.
Nous ne saurons oublier les couples Amos LAWANE,
ADJOUGOULTA KOBOY, Dr Alamine ADJOUGOULTA et Dr Mahamat TAHIR,
Amos PHOSTIN, Delsia TETEOU, DJOB-VOUNA MBANG TONGRONGOU, William
Pascal WIHAOUDI et Fabien AMIGUE pour leur appui multiforme et leur
accompagnement durant mon séjour à Yaoundé.
Nous remercions Mesdames et Messieurs NDAK-LI NGOLSOU,
Judith MONOMTA, Angéline LAWANE, DANZLADA FOURIDA, Mbang HISKIMAN,
Abdias HINIMBI SAHINSOU, TOGLOM OUÏSALA, Emmanuel KOUAGNIA, Abé
NGOMO, Jude Voltaire DJIA TCHADIA, Karoll GOLGUEU, David Adoum DJONDA,
Lévi TCHIDANGA pour leurs appuis variés.
Nous tenons particulièrement à dire merci
à notre chère mère Martine WANG-OUNG pour
son soutien indéfectible et son attachement sincère.
iv
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
A. V.B. : Autorité de l'Aménagement de la
Vallée de Bandama
ANS : Agent National de la
Sécurité
B.E.T: Borkou Ennedi Tibesti
BAD : Banque Africaine de
Développement
BDF : Base de Données
Foncières
BDT : Les Brasseries du Tchad
BM : Banque Mondiale
C.E.A.N.U: Commission Economique pour
l'Afrique des Nations Unies
CA : Cours d'Appel
C.A.T.Z.U : Commission d'Attribution de Terres en Zones
Urbaines
CEFOD : Centre d'Etudes et de Formation pour
le Développement
CEMAC : Communauté Economique et
Monétaire de l'Afrique Centrale
COM 1er AR Commune du
1er Arrondissement
CST : Les Compagnies Sucrières du
Tchad
CU : Communauté Urbaine
FALSH : Faculté des Arts, Lettres et
Sciences Humaines
GMT : Le Grand Moulin du Tchad
INSEED: Institut National de la Statistique,
des Etudes Economiques et Démographiques
IFC : Institut Français du Cameroun
M.A.T.U.H. Ministère de
l'Administration du Territoire, de l'Urbanisme et de l'Habitat
MPS : Mouvement Patriotique du Salut
NELGA : Network of Excellence on Land
Gouvernance in Africa
O.I. : Organisation Internationale
OFT : Observatoire du Foncier au Tchad
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ONU : Organisation des Nations Unies
OPJ : Officiers des Polices Judiciaires
P.M. : Premier Ministre
P.R. : Président de la
République
POS: Plan d'Occupation du Sol
S.A.I.B : Société
Agro-Industrielle de la Bénoué
v
SNE : Société Nationale
d'Electricité
SNER : Société Nationale
d'Equipement et d'Entretien des Routes
STE : Société Tchadienne
d'Eau
TPI : Tribunal de Première Instance
UA : Union Africaine
V.R.A. : Volta River Autority
vi
TABLE DES ILLUSTRATIONS
I. Photos
Photo 1: Champ de Béré-Béré à
Madaga 40
Photo 2: Gouvernance responsable du foncier 107
II. Figures
Figure 1: Répartition des enquêtés selon la
nature des litiges 81
III. Graphiques
Graphique 1 : répartition des enquêtés selon
les activités économiques pratiquées 38
Graphique 2: Appréciations des enquêtés de
la gestion foncière 107
IV. Tableaux
Tableau 1 : répartition des enquêtés selon
les activités économiques pratiquées 37 Tableau 2: Prix
tarifaires des ciments dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména 44
Tableau 3: Prix tarifaires des briques dans le premier
arrondissement de la ville de
N'Djaména 45
Tableau 4: répartition des enquêtés selon la
nature des litiges 81
Tableau 5: instances d'arbitrages des litiges fonciers 101
Tableau 6: Etat de lieu de la gouvernance foncière 104
Tableau 7: Appréciations des enquêtés de la
gestion foncière 107
V. Planches
Planche 1 : case de jardinage à Milézi 39
Planche 2:Case de riziculture à Miskiné 39
Planche 3: Troupeau de moutons et de boeufs à
Djougoulié 42
Planche 4: Exposion des briques à la carrière de
Madaga 44
Planche 5: Pêcheurs dans la rive droite du Chari 47
Planche 6: Maisons détruites à Djougoulié
76
VI. Diagramme
Diagramme 1: Répartition des enquêtés selon
le sexe 85
Diagramme 2: instances d'arbitrages des litiges fonciers 101
vii
GLOSSAIRE
BERE-BERE : mil cultivé pendant la saison
sèche sur les sols noirs et argileux
BOULAMAT OU BULAMA : chefs traditionnels,
auxiliaires de l'Etat auprès des communautés traditionnelles et
rurales.
FERICK : zone servant d'enclos des troupeaux et
qui devient habitable par les hommes KOUDOU : zones
d'occupation traditionnelles des terres
MBAOU/BAOU : pêcheur reconnue par les
autres par son professionnalisme
MOUCHOUK : résidu des produits
alimentaires utilisés dans les eaux douces pour la pêche
NGARA : une chambre de capture des poissons dans les eaux
douces.
NASSARA : terme employé pour
désigner les occidentaux, plus précisément les Blancs,
mais qui a une connotation péjorative
viii
RESUME
Le thème de notre recherche porte sur « Les
Boulamat et les conflits fonciers en milieu urbain tchadien: cas du premier
arrondissement de la ville de N'Djaména ».
Le choix de cette thématique a été
motivé par la recrudescence des luttes observées entre les «
Boulamat » et d'autres acteurs autour du foncier. Par ailleurs, il existe
de nombreuses littératures qui ont abordés les questions
foncières. Notamment les travaux de (LAMBITAM : 2004, HOUDEINGAR : 2012,
MOUPOU et al. 2010, DONG MOUGNOL et al 2010, LEUMAKO NONGNI : 2015, NJOYA NDAM
2021), très peu explorent l'immixtion des chefs traditionnels dans les
luttes autour du foncier.
La question qui a servi de fil conducteur à notre
analyse a été formulée comme suit : Comment comprendre et
expliquer que les « Boulamat » qui sont censés établir
la paix et l'harmonie entre les populations, s'érigent en instigateurs
des tensions foncières ? En d'autres termes, comment rendre compte des
actions des « Boulamat » sur le foncier ? Pour répondre
à ce questionnement, nous avons formulé l'hypothèse
ci-après : la recrudescence des litiges fonciers observés en zone
urbaine tchadienne tire sa source de la spéculation foncière
organisée par les « Boulamat ». En réalité, les
« Boulamat » chargés de la gestion et la répartition
des terres lignagères, se servent de leur position pour s'en accaparer
aux fins d'exploitations commerciales. Ce qui suscite inéluctablement
des réactions contestataires et des tensions vives.
Notre démarche méthodologique a
été particulièrement inspirée par deux principales
grilles théoriques d'analyse à savoir : l'interactionnisme
symbolique de H. BLUMER et l'acteur stratégique de M. Crozier. La
première nous a paru intéressante dans la mesure où, elle
nous a permis de réaliser que la réalité sociale est
révélée dans les échanges entre les
différents acteurs notamment les « Boulamat » et la masse. La
seconde par contre nous a permis de comprendre l'acteur social comme un
stratège subtil qui, se sert de sa position pour assouvir ses
intérêts. Pour rassembler le matériau de terrain, nous
avons mobilisé les discussions de groupes, les entretiens et le
questionnaire.
Les résultats de cette étude montrent que
l'accroissement des litiges fonciers urbains à N'Djaména, est
entretenu par les « Boulamat » qui profitent de leur statut pour
vendre de manière informelle, les terres appartenant non seulement
à la communauté, mais aussi l'Etat.
Mots clés : foncier ; litiges
fonciers, foncier urbain.
ix
ABSTRACT
The topic of our research is "The Boulamat and land conflicts
in Chadian urban areas: case of the first district of the city of
N'Djaména». The choice of this subject was motivated by the
resurgence of tensions observed between the "Boulamat" and other actors over
land. Moreover, of the numerous existing literatures on land conflicts
(LAMBITAM: 2004, HOUDEINGAR: 2012, MOUPOU et al. 2010, DONG MOUGNOL et al 2010,
LEUMAKO NONGNI: 2015, NJOYA NDAM 2021), very little explores the interference
of traditional chiefs in land conflicts.
The question that guided our analysis was formulated as
follows: How can we understand and explain the fact that the "Boulamat", who
are supposed to establish peace and harmony among the populations, become the
instigators of tensions over land? In other words, how can we account for the
actions of the "Boulamat" on land? To answer this question, we have formulated
the following hypothesis: The increase in land disputes observed in Chad's
urban areas stems from land speculation organized by the "Boulamat. In reality,
the "Boulamat", who are responsible for the management and distribution of
lineage land, use their position to monopolize it for commercial purposes. This
inevitably provokes contentious reactions and sharp tensions.
Our methodological approach was particularly inspired by two
main theoretical frameworks of analysis, namely: the symbolic interactionism of
H. BLUMER and the strategic actor of M. Crozier. The first one seemed
interesting to us insofar as it allowed us to realize that the social reality
is revealed in the exchanges between the different actors, notably the
"Boulamat" and the mass. The second, on the other hand, allowed us to
understand the social actor as a subtle strategist who uses his position to
satisfy his interests. To gather the field material, we mobilized group
discussions, interviews and questionnaires.
The results of this study show that the increase in urban land
disputes in N'Djaména, is maintained by the "Boulamat" who take
advantage of their status to informally sell land belonging not only to the
community, but also to the State.
Key words. land tenure; land
disputes, urban land tenure.
INTRODUCTION GENERALE
2
I. CONTEXTE ET JUSTIFICATION
En décidant de focaliser nos analyses sur la
thématique : « Les Boulamat et les conflits fonciers en milieu
urbain tchadien: cas du premier arrondissement de la ville de
N'Djaména», il nous importe dans cette section de
présenter les motivations qui ont orienté notre choix. Cette
étude trouve son fondement dans les faits empiriques et à la
nature des travaux antérieurs.
1. Les raisons empiriques
Nous sommes partis de l'expérience vécue dans
le Tchad natal où il ne se passe un seul jour sans que l'on ne parle
d'éclats de voix autour du foncier aussi bien urbain que rural. Ces
querelles autour de la terre opposent habituellement plusieurs
catégories d'acteurs. La crise des rapports entre agriculteurs et
éleveurs qui évoluent sur un espace assez étroit et dont
les attaques sont récurrentes. Les conflits entre
éleveurs/éleveurs et agriculteurs entre eux ; une autre
catégorie d'acteurs en conflit avec le foncier en toile de fonds qui a
le plus attiré notre attention est les « Boulamat », la masse
et l'Etat. Ces conflits prennent de plus en plus de l'ampleur, et entrainent
parfois de nombreuses pertes en vies humaines.
2. Les raisons
épistémologiques
La thématique portant sur les conflits fonciers n'est
pas nouvelle ; de nombreux auteurs se sont intéressés à
cette problématique dans le cadre de leurs travaux antérieurs
à l'instar de (LAMBITAM : 20041, HOUDEINGAR2 :
2012, MOUPOU et al. 20103, MAHAMAT : 20134 ; LE ROY et
al. 19825, GIANOLA : 20006, DONG MOUGNOL et al
20107,) et les problématiques développées dans
ces travaux s'orientent majoritairement vers
1 LAMBATIM H. (2004). « Femme et
foncier au Tchad » in La question foncière au Tchad, Acte
du colloque scientifique de N'Djaména du 28 juin au 1er
juillet-septembre 2004, N'Djaména, CEFOD, du p.171-194
2 HOUDEINGAR D. (2012). « Les conflits d'usage
entre principe de coexistence et principe de responsabilité
», HAL, Archive-ouverte, p.3-4
3 MOUPOU M. (2010). « La sécurisation
foncière sur les fronts pionniers au Cameroun », in Regards
multidisciplinaires sur les conflits fonciers et leurs impacts
socio-économico-politiques au Cameroun, Laboratoire de
Développement Durable et Dynamique Territoriale, Département de
Géographie, Université Montréal,p-18-33, chapitre 5,
p.75
4 MAHAMAT A.B. (2013). « Extension urbaine et
problèmes fonciers dans les quartiers périphériques de la
ville de N'Djaména : le cas du quartier Toukra ; Mémoire
du master en géographie, Université de Maroua ;
5 LE ROY E et al. (1980). La
sécurisation foncière en Afrique pour une gestion durable des
ressources renouvelables, Paris, Karthala ;
6 GIANOLA E. C. (2000).La sécurisation
foncière, le développement socio-économique et la force du
droit. Les cas des économies ouest-africaines (La Côte d'Ivoire,
le Ghana et le Mali), Paris, l'harmattan ;
7 DONG MOUGNOL, G-M. (2010). « De la
conquête foncière aux crises interethniques au Cameroun : le cas
des Bamiléké et leurs voisins », in Regards
multidisciplinaires sur les conflits fonciers et leurs impacts
socio-économico-politiques au Cameroun, Laboratoire de
Développement Durable et Dynamique Territoriale, Département de
Géographie, Université Montréal, chapitre 3, p-50-53
3
deux principaux axes notamment, les causes et les
conséquences de ces litiges. Cependant, l'implication des chefs
traditionnels comme chefs d'orchestre ou catalyseur des tensions
foncières n'est pas encore suffisamment explorée en contexte
tchadien. Voilà présenté l'une des raisons qui justifie
également le choix de ce sujet.
4
II. PROBLEME DE RECHERCHE
Le gouvernement tchadien en application des lois qui
régissent le foncier au Tchad, notamment la loi n°23 du 22 juillet
1967, portant statut des biens domaniaux ; la loi n°24 du 22 juillet 1967,
sur le régime de la propriété foncière et des
droits coutumiers, titre 1 : article 15, alinéa 2, stipule que
: « l'Etat peut immatriculer à son nom les terres vacantes et
sans maître »8; la loi n°25 du 22 juillet 1967,
sur la limitation des droits fonciers, article 1, « nul ne peut
être privé de la propriété des immeubles ou de
l'usage du sol, sans que l'intérêt public l'exige, qu'il y ait
indemnisation et que les dispositions légales soient
appliquées.9 Ces différentes lois montrent que
l'Etat est le garant de toutes les terres et jouit des prérogatives de
leur gestion. En tant que seul et unique gestionnaire avéré,
l'Etat a institué le principe de la détention du titre de
propriété qui donne à un individu, non seulement
l'autorisation de possession légale de terre, mais aussi la
possibilité de faire des investissements sans risque d'expropriation et
au-delà réduire au maximum les litiges fonciers sur
l'étendue du territoire national. De même, l'Etat a
créé par le décret n°215/PR/MES/2001 du 24 avril
2001, l'Observatoire du Foncier au Tchad10, un organe qui permet de
prévenir les éventuelles crises foncières.
Malgré toutes ces prédispositions mises en place
par le gouvernement tchadien, l'on assiste plutôt à une
recrudescence des litiges fonciers. Le problème que soulève la
présente réflexion est celui de l'ingérence des chefs
traditionnels dans les différends fonciers. Autrement dit, comment
comprendre et expliquer que ces chefs traditionnels soient devenus les
instigateurs ou ceux mêmes-là qui orchestrent le désordre
autour du foncier.
8 Banque Tchadienne de Données
Juridiques(2004), « Le droit foncier par les textes: recueil de textes sur
le foncier au Tchad», N'Djaména, CEFOD, Imprimerie du Tchad,
p.12
9 Banque Tchadienne de Données
Juridiques(2004), idem, p.24-30
10 Acte du colloque national sur la question
foncière au Tchad. (2004). « La question foncière au Tchad
», N'Djaména, CEFOD, p.13
5
III. PROBLEMATIQUE
Il s'agit dans cette section de faire un état de lieu
de la question. Autrement dit, il est question de faire une revue critique de
la littérature des travaux antérieurs avant de poser un ensemble
de questionnements gravitant autour de notre problème.
Nombreux sont les travaux qui se sont intéressés
à l'analyse des conflits fonciers en Afrique subsaharienne et
spécifiquement au Tchad.
Dans le cadre de la présente réflexion, trois
tendances ont été retenues. La première tendance regroupe
les travaux des auteurs qui abordent les questions foncières à
partir de l'origine des conflits fonciers, et la deuxième tendance par
contre met l'emphase sur l'analyse des gestions discriminatoires des terres en
Afrique en général, et plus particulièrement au Tchad et
enfin, la dernière tendance s'intéresse à l'analyse des
gestions discriminatoires du foncier.
? Les origines des conflits fonciers
NJOYA NDAM Moussa11 dans son mémoire de
master en sociologie s'interroge sur les fondements des conflits fonciers dans
la commune de Foumban II, à l'ouest Cameroun. Selon cet auteur, les
conflits fonciers naissent à partir de la juxtaposition du droit
traditionnel et positif au Cameroun. Il ajoute que, les conflits fonciers sont
liés à la contradiction entre la loi coutumière dominante
dans la commune de Foumban II, et le droit positif hérité de la
colonisation. De plus, il estime que, l'une des causes premières des
conflits fonciers dans la commune de Foumban est la méconnaissance du
droit positif par les populations locales.
HOUDEINGAR David12 qui présente dans son
article, l'historique du domaine foncier tchadien qui, selon lui est
hérité de la colonisation. Par ailleurs, selon cet auteur, la
primauté du droit foncier moderne au détriment du droit foncier
traditionnel est tributaire des crises foncières en milieu rural
qu'urbain tchadien. De plus, il ajoute que, l'augmentation de la population a
contribué à la limitation des parcelles des terres, raison pour
laquelle les luttes autour des terres s'intensifient au Tchad.
11 NJOYA NDAM M. (2022). « Les conflits
fonciers dans la commune de Foumban II à l'ouest Cameroun »,
Mémoire de Master, Sociologie Urbanité et Ruralité, FALSH,
Université de Yaoundé I, p.11
12 HOUDEINGAR Op.cit, p.3
6
LEUMAKO NONGNI Jeannette13 dans son article oriente
ses idées sur la sociogenèse du texte sur le foncier au Cameroun.
Selon cette auteure, les conflits fonciers naissent de juxtaposition et de la
dualité de deux systèmes fonciers différents : le foncier
traditionnel informel et le foncier moderne formel. De plus, l'auteur s'appuie
sur l'expérience foncière du Moungo et relève deux faits
majeurs : d'abord, les modes d'acquisition des terres, et après les
enjeux qui gravitent autour des terres. Enfin, elle note que, l'Etat
camerounais donne l'importance au droit positif au détriment du droit
traditionnel en fonction des enjeux qu'il tire des terres des individus.
FROUZET Michel14 estime dans son article que, les
Etats de l'Afrique noire sont dans une situation complexe mettant ainsi les
individus résidant les milieux urbains dans des situations de «
précarisation extrême ». De plus, FROUZET note que, les pays
de l'Afrique subsahariennes se sont mis dans le « mimétisme
inutile » des législations occidentales dans leurs
sociétés, lesquelles des législations ne corroborent pas
avec les réalités locales et, constituent à cet effet,
« un luxe ». Par ailleurs, il poursuit son argumentaire en
touchant des doigts les fuites de responsabilités des Etats africains
qui, ne se rendent pas compte du risque que courent leurs pays en «
voulant à tout prix ressembler aux maîtres ». C'est
ainsi qu'il conclue qu'il est nécessaire d'opter pour une «
rétro perspective de nos sociétés » afin
d'éviter les chaos urbains. Car, le phénomène
d'urbanisation croissant et inquiétant nécessite une «
prise en compte des valeurs locales ».
ABBA DANA15 dans son article sur, «
l'évolution démographique au Tchad » estime que, les litiges
fonciers sont liés à la coexistence de deux systèmes
fonciers qui divergent avec les exigences sociales locales. Selon l'auteur, il
s'agit de la loi foncière traditionnelle et celle moderne. Aussi, selon
l'auteur, les Etats en Afrique subsaharienne s'accaparent les des terres des
individus. De plus, l'auteur estime que, cette tendance d'accaparement des
terres des individus est fortement liée au droit moderne
juxtaposé au droit traditionnel. Par ailleurs, cet auteur martèle
que, les accaparements massifs des terres des individus ont des incidents
majeurs au Tchad, notamment la recrudescence des conflits fonciers qu'on
observe.
13 LEUMAKO NONGNI J, (2015). « Les conflits
fonciers dans le Moungo : entre luttes interethniques et luttes pour
l'acquisition de l'hégémonie économique », in NGA
NDONGO V, Dynamiques sociales en Afrique noire. Chantier pour la sociologie
africaine, Paris, l'harmattan, p.39-51
14 FROUZET M. (1982). « Politique
foncière de l'Etat dans l'aménagement urbain, mimétisme et
droit : de la planification urbaine en Afrique noire », in Enjeux
fonciers en Afrique noire, Paris, Karthala, chapitre X, p.326
15 ABBA D. (2004). « Terre
enjeu de pouvoir et des conflits » in La question
foncière au Tchad, Acte du Colloque Scientifique de
N'Djaména du 28 juin au 1er juillet 2004, N'Djaména,
CEFOD, p.133-139
7
SALMANA CISSE16 analyse l'évolution
historique du foncier dans le contexte africain. En effet, CISSE
s'attèle sur l'analyse de deux Delta du Niger. Il commence son analyse
par la présentation du texte foncier. D'abord, il déroule son
idée par l'historique de la question foncière dans l'Etat du
Niger qui, selon lui, le texte sur le foncier au Niger a évolué
en fonction de la fertilité du sol pour la pratique de l'agriculture ou
le pâturage.
De plus, il mentionne que, la terre au Niger est
subdivisée en deux : « le delta vif » et « le delta mort
». Le Delta Vif grâce à sa fertilité regorge une
densité numérique des cheptels et des êtres humains, et le
Delta mort au regard de son infertilité ne regorge pas une
densité numérique importante. Cette dualité inégale
concentre donc les individus dans le Delta vif du
Niger17.
Par ailleurs, CISSE ajoute que, « le gouvernement
nigérien n'a pas fourni un effort juridique, car il a repris le
même texte occidental pour le situer dans l'Etat du Niger qui ne
corrobore pas avec les réalités locales »18.
Cette situation selon l'auteur, met les acteurs dans une difficulté
incertaine, la solution adéquate selon eux doit être la
contextualisation de cette loi foncière avec les réalités
locales.
BEKAYO Samuel inscrit son idée dans la même lance
que SALMANA Cissé. A cet effet,il axe son analyse sur les causes des
conflits fonciers qui sont selon lui, liées à la croissance
démographique d'une part et, d'autre part le changement climatique qui
limite les espaces utiles pour l'habitation ou des activités
économiques. Aussi, il fait l'état de lieu de la question
foncière dans le canton Bédogo dans la région du Logone
Occidental, Département de Lac Wey, préfecture de Moundou Rural
et les acteurs impliqués dans la gestion des terres.
En effet, l'auteur ajoute que les chefs de canton sont des
observateurs dans la gestion des conflits fonciers, ils ne s'impliquent pas
dans la résolution des différends qui, depuis plus de deux
décennies déchirent la cohésion sociale et le
vivre-ensemble.
16 SALMANA C. (1982). « Les
Leyde du Delta Central du Niger : tenure traditionnelle ou exemple d'un
aménagement de territoire classique. » in Enjeux fonciers en
Afrique noire, p.178-181
17 SALMANA C, ibidem
18 SALMANA C, ibidem
8
Par ailleurs, l'auteur mentionne dans son analyse les acteurs
impliqué dans la gestion foncière qui sont les agriculteurs, les
éleveurs, les ONG, les élèves et les pères d'enfant
qui assurent la gestion des terres.19
NKANKEU François et NGAMINI André,20
ces deux auteurs dans leur article scientifique orientent leurs pensées
sur les fondements des conflits fonciers au Cameroun, notamment ceux dans la
Département de Bamboutos. Selon ces auteurs, les conflits fonciers sont
liés aux représentations sociales d'une part, et d'autre part aux
conjonctures économiques. Ces auteurs estiment que, la situation
financière est la cause de l'inégale distribution des terres et
accentuent le processus de morcellement de terres. Ainsi, leur thèse se
décline en deux articulations essentielles : le morcellement à
outrance caractérisé par les familles démunies et
nombreuses, tandis que le morcellement spéculatoire
caractérisé par le retour des élites urbaines dans les
campagnes. Les conflits fonciers selon eux, naissent de la corrélation
entre les populations locales et celles nouvellement installées sur les
sites d'accueil.
LE BRIS Etienne et LE ROY Etienne pensent que, la
structuration actuelle de la gestion foncière dans l'Afrique noire ne
cadre pas avec les pensées capitalistes du foncier créées
par les dirigeants africains juste après les indépendances
octroyées. Ils estiment aussi que, les sociétés
contemporaines africaines sont marquées par un «
référent précolonial » qui exclut volontiers
les acteurs locaux à la gestion des terres par le biais du pouvoir
étatique. Ils qualifient ce fait par l'appellation «
propriétaire éminent ». L'Etat qui semble
être régulateur des terres du pays est marqué ici par un
« cliché précolonial » qui, jusque-là,
marque son esprit et sa manière de « gérer »
les ressources foncières.21
MOUPOU Moïse22 dans son article retrace la
sociogenèse des litiges fonciers au Cameroun. Selon cet auteur, les
litiges fonciers naissent de l'ambiguïté des textes fonciers au
Cameroun. Aussi, cet auteur ajoute que, la superposition de plusieurs droits
(coutumier,
19 BEKAYO SAMUEL : « Gestion foncière
au Tchad, stratégie des acteurs locaux. Etude appliquée au Canton
Bédogo, Département du Lac Wey, l'acte de du Colloque
organisé par l'Ecole d'Eté de l'IEPF du SIFEE et Colloque
International du SIFEE, Cameroun du 05 au 15 septembre 2011.
20 NKANKEU, F et NGAMINI, A. (2010). « De la
conquête foncière aux crises interethniques au Cameroun : le cas
des Bamiléké et leurs voisins, in « Morcellement et
concentration foncière .Des réalités complexe à
l'Ouest Cameroun : cas du Département de Bamboutos », in
Regards multidisciplinaires sur les conflits fonciers et leurs impacts
socio-économico-politiques au Cameroun, Laboratoire de
Développement Durable et Dynamique Territoriale, Département de
Géographie, Université Montréal, chapitre 2, p.18-33
21 LE BRIS, E et LE ROY, E. (1982). « La
question foncière en Afrique noire » in Enjeux fonciers en
Afrique noire, p.393-399
22 MOUPOU M. Op.cit
9
étatique, positif, etc.,) rend difficile la
résolution des conflits fonciers et causent des confusions sur le
processus d'acquisition des terres, d'arbitrage des conflits fonciers au
Cameroun.
? Les gestions discriminatoires des terres
BANDOUMAL OUAGADJIO23 dans son article, fait
dès l'entame de ses propos une analyse statistique et
démographique de la question foncière au Tchad. En plus, il
estime que, la recrudescence des conflits fonciers s'explique par
l'inégale répartition de la population sur le territoire
tchadien. Par ailleurs, l'auteur note que, l'inégale répartition
de la population se justifie par les contraintes naturelles, notamment les
facteurs climatiques (la pluviométrie qui arrose mieux la nappe du sud
du pays que celle du nord). Aussi, il martèle que, la fertilité
du sol dans les zones du sud, de l'est a entrainé une forte
concentration de la population vers les zones fertiles terres, favorables aux
activités économiques. Il termine son analyse mettant en exergue
les conflits liés à la succession après le
décès des parents.
DONG MOUGNOL Gabriel Maxim24 part de l'analyse
historique du foncier en se basant sur le phénomène de la
migration. D'emblée, selon DONG MOUGNOL, les conflits fonciers sont
liés aux stratégies de sécurisation des terres par les
Bamiléké originaires de l'Ouest Cameroun. De plus, il ajoute que,
la forte concentration de la population dans la région de l'ouest a
entrainé une forte mobilité des Bamiléké vers la
région du Mbam. Les conflits fonciers semblent trouver leur fondement
dans le contact entre les Bamiléké migrants d'une part, et la
population locale d'autre part.
CATHERINE André25 analyse dans son article
les conflits fonciers liés à la répartition
discriminatoire des terres. Selon cette auteure, les conflits fonciers sont
liés à la succession après les décès des
parents. Elle ajoute que, l'exclusion des femmes et des enfants de leurs terres
après le décès de leurs proches alimentent davantage les
litiges fonciers au Rwanda. De même, l'auteure note que, la
discrimination culturelle défavorise les femmes et donne le pouvoir aux
hommes, au détriment de l'intérêt des femmes et des
enfants.
23 BANDOUMAL O. (2004). « Démographie
et question foncière au Tchad » in La question
foncière au Tchad, Acte du Colloque Scientifique de
N'Djaména du 28 juin au 1er juillet 2004, p.143-144
24 DONG MOUGNOL, G, Op.cit, p-50-53
25 CATHERINE A. (2004). « Origines des
conflits fonciers et de la violence au Rwanda » in La question
foncière au Tchad, Acte du Colloque Scientifique de
N'Djaména du 28 juin au 1er juillet, N'Djaména, CEFOD,
p.34
10
LAMBATIM Hélène 26 quant à
elle soulève dans son article les causes culturelles des litiges
fonciers. Selon cette auteure, dans les cultures tchadiennes, les femmes sont
reléguées au second plan dans les gestions foncières.
L'auteure ajoute que, l'exclusion des femmes de la gestion foncière est
tributaire des conflits fonciers observés au Tchad. Aussi, elle estime
que, les sociétés tchadiennes s'appuient sur des valeurs
patriarcales informelles pour déposséder les femmes de leurs
terres, et aussi, les spolier et exproprier les terres qu'elles héritent
après le décès de leurs époux. Enfin, elle
mentionne que, cette pratique discriminatoire alimente tous les jours les
conflits fonciers entre les individus.
? Les perspectives des résolutions des conflits
fonciers
MBAYE27 dans son article sur « Le projet de
mise en valeur de la Valée de BAÏLA en basse
Casamance(Sénégal ) » articule son orientation sur l'origine
des différends fonciers et aussi, les mesures entreprises dans le
processus d'arbitrage de ces différends au Sénégal.
De plus, MBAYE fait la présentation d'un projet
entreprit par le gouvernement sénégalais pour la création
des sites d'habitations. A cet effet, selon l'auteur, les enquêtes
menées dans quelques villages sénégalaises avaient pour
but de déterminer les causes des litiges fonciers, les implications de
l'Etat dans la gestion des terres et, les manières entreprises pour la
résolution des conflits entre les habitants d'un même village
et/ou les villages voisins.28
Par ailleurs, l'auteur fait un bref aperçu du Basin de
BAÏLA qui constitue la toile de fond de cette recherche. Selon lui, ce
basin est occupé majoritairement par les DIOLA qui sont les premiers
occupants de cet espace des terres. Les DIOLA représentent 73% des
occupants de cet espace. Après les DIOLA, on note la présence des
DIOLA BOULOUF, FOGNY, DIOLA FOGNY COMBO qui occupent quant à eux, la
plus petite proportion. L'une des premières causes de litiges fonciers
selon MBAYE, est la répartition inégale des terres entre les
acteurs. Cette inégale répartition s'explique par les legs et
l'héritage. Néanmoins, les personnes immigrées ne
possèdent pas assez des terres parce qu'ils sont assimilés aux
nouveaux occupants. 29
26 LAMBATIM H. Op.cit, p.194
27 MBAYE DIAO, « Le projet de mise en
valeur de la Valée de BAÏLA en basse
Casamance(Sénégal) » in Enjeux fonciers en Afrique
noire, p.228-239
28 MBAYE DIAO, Ibidem
29 MBAYE DIAO. « Le projet de mise en valeur de
la Valée de BAÏLA en basse Casamance(Sénégal) »
in Enjeux fonciers en Afrique noire, p.228-239
11
De plus, l'auteur note que, la question foncière est
l'une des préoccupations la plus complexe ,à cet effet, elle
s'accompagne des certaines complications liées à la restitution
des terres prêtées par les grands-parents à leurs voisins
qui les prêtaient pour les activités économiques. Les
malversations foncières surviennent après les décès
des parents. Cette manière de confiscation de terre par les «
étrangers » a donc causé les conflits dont les
résolutions s'avèrent inefficaces au regard de leurs importances
et actualités quotidiennes. Les difficultés liées à
la résolution durable de ces litiges ont donc poussées certains
habitants à l'instar de DIOLA FOGNY COMBO vers des nouvelles zones
d'occupations qui sont moins peuplées. En outre, allant dans la
même lance, BAYE pense que,
L'Etat mettra sur pied après l'indépendance
une commission de gestion des terres qui, malheureusement semble être
méconnue par la communauté village. Cet organisme étatique
mettra en difficulté les autorités traditionnelles qui ont
héritées les terres de leurs ancêtres et qui selon-eux, les
autorités instituées par l'Etat sont illégitimes aux yeux
des autochtones locaux dans le sens où ces derniers ne sont
forcément héritiers de lignée locales. C'est ainsi que la
résolution des litiges par ces derniers semble être un peu
négligés.30
Par ailleurs, pour répondre aux crises
foncières, BAYE estime que, les autorités en charge de la gestion
foncière instituée à partir des années 1979 et,
après la réforme foncière de 1972, sont donc les yeux
directs de l'Etat moderne dans la gestion foncière. A partir de cet
instant, la terre appartient à ceux qui possèdent le titre de
propriété reconnue par la loi.
En dernier essor, l'auteur termine son analyse en montrant les
manières dont les acteurs locaux et les autorités administratives
règlent les litiges fonciers. D'abord,
la première entreprise par le gouvernement
sénégalais était la remise des terre aux premiers
occupants ou ceux qui détiennent une preuve formelle qui atteste que, la
terre réclamée les appartient, au cas contraire, la terre revient
à ceux qui détiennent une preuve tacite. Au cas où, ils ne
parviennent pas à une résolution quelconque, ils gardent
eux-mêmes les terres faisant l'objet des litiges. Un autre cas de
résolution de litiges par les acteurs locaux est le
phénomène de « l'immigration » vers autres zones pour
éviter l'écoulement des sangs.31
30 MBAYE DIAO,Ibidem
31 MBAYE DIAO, « Le projet de mise en
valeur de la Valée de BAÏLA en basse
Casamance(Sénégal) » in Enjeux fonciers en Afrique
noire, p.228-239
12
En plus des travaux de BAYE à partir de
l'expérience sénégalaise des mécanismes de
résolution des crises foncières, la philosophie de
LANDCAM32 abonde dans la même lance mais, à partir du
vécu des paysans camerounais.
En effet, l'objectif visé par LANDCAM est la gestion
efficiente des ressources naturelles camerounaises afin de garantir l'avenir de
la génération future. Dans ce projet, il a été mis
en exergue la problématique de l'exclusion des certaines
catégories sociales dans la gestion des terres, telles les femmes et les
enfants qui n'ont pas un « droit de propriété » de
terre. Le présent projet semble pertinent à première vue,
dans le fait qu'il cherche à concilier la gestion gouvernementale du
foncier à celle « dite traditionnelle » qui est presque
inaperçue par les décideurs publics. 33
Aussi, il convient de rappeler que le fait que l'Etat s'est
porté « garant total » de la gestion des terres crée un
vide au niveau des zones rurales dans la mesure où, les responsables en
charge des questions foncières se trouvent essentiellement dans les
chefs-lieux de département ; le soucis d'une « véritable
décentralisation foncière » semble être l'une des
pistes aboutissant à une « véritable solution aux
différends fonciers » au Cameroun. 34
En plus, l'octroi des terres à des investisseurs
privés internationaux et le manque d'un registre contenant d'une
manière objective la liste des toutes les terres immatriculées
alimentent davantage les différends fonciers. Au Cameroun seulement 15%
des terres sont immatriculées. Or, 85% des terres non
immatriculées se trouvent dans les zones rurales où, les acteurs
ne connaissent pas d'une part la nécessité de la «
sécurisation formelle » de leurs terres et, d'autre part, les
difficultés liées à cette sécurisation. Ces
difficultés se justifient par le fait que, les acteurs paysans ne
possèdent pas les ressources financières conséquentes
nécessaires à leur service. Le gouvernement camerounais gagnerait
dans la mise sur pied d'un document cadastral harmonisé prend en compte
les droits coutumiers sur les terres et, le droit positif afin d'éviter
les frustrations et, la gestion des différends fonciers intra et
intercommunautaires.35
32 LandCam est un projet qui vise à mettre sur
pied des approches innovantes pour faciliter un dialogue inclusif au niveau
national, sur la base des enseignements tirés des expériences
passées, afin d'améliorer la gouvernance
foncière.
33 LANDCAM,idem, p.8
34 LANDCAM,Ibidem
35 LANDCAM,Idem
13
MFEWOU Abdoulay36 dans son ouvrage fait une analyse
des résolutions partiales des différends fonciers par les
autorités compétentes. Il fait mention des magistrats, des
sous-préfets et des préfets qui tranchent les litiges en
fonctions de leur appartenance ethnique. Or, les crises foncières entre
les Peuls autochtones et les migrants (Massa,Moussey,Toupri) engendrent des
milliers des pertes en vies humaines. De même, le processus entrepris par
les chefs traditionnels pour asseoir une paix durable. Pour la plus part, les
terres disputées reviennent aux premiers occupants. Toutefois, dans le
cas du S.A.I.B, l'Etat a dépossédé les individus au profit
des investisseurs privés.37
Il convient de mentionner que, les perspectives de
résolutions des crises foncières entreprises au
Sénégal, Côte d'Ivoire et le Cameroun semblent constituer
un idéal type dans les sociétés tchadiennes. C'est ainsi
que, les pistes soulevées paraissent intéressantes dans la mesure
où, elles permettent non seulement aux pays ci-cités de
renouveler les productions sur le foncier, mais aussi au Tchad afin
d'entreprendre des mesures adéquates pour une harmonisation
foncière.
BEKAYO Samuel inscrit son idée dans la même lance
que MFEWOU. A cet effet, il axe son analyse sur les causes des conflits
fonciers qui sont selon lui, liées à la croissance
démographique d'une part et, d'autre part le changement climatique qui
limite les espaces utiles pour l'habitation ou des activités
économiques. Aussi, il fait l'état de lieu de la question
foncière dans le canton Bédogo dans la région du Logone
Occidental, Département de Lac Wey, préfecture de Moundou Rural
et les acteurs impliqués dans la gestion des terres.
En effet, l'auteur ajoute que les chefs de canton sont des
observateurs dans la gestion des conflits fonciers, ils ne s'impliquent pas
dans la résolution des différends qui, depuis plus de deux
décennies déchirent la cohésion sociale et le
vivre-ensemble.
Par ailleurs, l'auteur mentionne dans son analyse que les
acteurs impliqué dans la gestion foncière qui sont les
agriculteurs, les éleveurs, les ONG, les élèves et les
pères d'enfant qui assurent la gestion des terres.38
36 MFEWOU A. (2010). Migrations, Dynamiques Agricoles et
problèmes fonciers dans le Nord-Cameroun : le périmètre
irrigué de Lagdo, Paris, l'Harmattan, p.162
37 MFEWOU Abdoulay, idem,p.170
38 BEKAYO SAMUEL : « Gestion foncière
au Tchad, stratégie des acteurs locaux. Etude appliquée au Canton
Bédogo, Département du Lac Wey, l'acte de du Colloque
organisé par l'Ecole d'Eté de l'IEPF du SIFEE et Colloque
International du SIFEE, Cameroun du 05 au 15 septembre 2011.
14
De l'ensemble des travaux de nos prédécesseurs,
il ressort que leurs travaux ont été orienté sur l'origine
des conflits fonciers, les gestions discriminatoires des terres en Afrique en
général et au Tchad en particulier et les perspectives des
résolutions des conflits fonciers.
Toutefois, ces études se sont avérées
insuffisantes sur l'implication des chefs traditionnels dans les
commercialisations des terres dans le milieu urbain. C'est ainsi que, suite aux
travaux antérieurs qui ont traité la question foncière, le
présent travail suit cette logique, mais met un accent particulier sur
« l'implication des chefs traditionnels dans le processus de
commercialisation de terres, les stratégies qu'ils développent au
quotidien en vendant des espaces d'autrui ».
IV. LES QUESTIONS DE RECHERCHE
Pour mieux mener ce travail, cinq questions ont servi de guide
; dont une question principale et trois questions secondaires.
1. La question principale
La question principale qui a servi de fil conducteur à
cette réflexion a été formulée comme suit : Comment
comprendre et expliquer que les « Boulamat » qui sont sensés
établir la paix et l'harmonie entre les populations s'érigent en
instigateurs des tensions foncières ?
2. Les questions secondaires
Nous avons défini 04 questions subsidiaires à la
question principale :
QS1 : Quels sont les enjeux qui se structurent
autour des espaces fonciers dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména ?
QS2 : Comment les « Boulamat »
s'impliquent dans l'accentuation des conflits fonciers ?
QS3 : Quelles sont les conséquences de
ces conflits ?
QS4 : Quelles sont les mécanismes mise
en place dans le processus de résolution des conflits fonciers ?
V. LES HYPOTHSES DE RECHERCHE
D'après GRAWITZ l'hypothèse se définit
comme étant « une proposition de réponse à la
question posée ». Elle tend à formuler une relation entre
des faits significatifs,(...), elle doit être vérifiable de
façon empirique ou logique39 .» Dans le
cadre du présent travail, une
39 GRAWITZ, M.(2011).Méthodes de sciences
sociales,Paris,Dalloz,11e Edition,p.398
15
hypothèse principale et trois hypothèses
secondaires ont servi de guide.
1. Hypothèse principale
L'hypothèse principale qui a servi de fil conducteur
à cette réflexion a été formulée comme suit
: la recrudescence des litiges fonciers observés en zone urbaine
tchadienne tire leurs sources de la spéculation foncière
organisée par les « Boulamat ». En réalité, les
« Boulamat » chargés de la gestion et la répartition
des terres lignagères se servent de leur position pour s'en accaparer
aux fins d'exploitations commerciales.
2. Hypothèses secondaires
Nous avons défini 04 hypothèses secondaires
à l'hypothèse principale :
HS1 : le foncier constitue la source la plus
convoitée dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména, raison pour laquelle plusieurs enjeux gravitent autour de
lui( les enjeux sociaux, économiques, symboliques, politiques,
environnementaux et épistémologiques).
HS2 : Les Boulamat s'impliquent dans
l'accentuation des litiges fonciers par les réseaux de corruption qu'ils
entretiennent ; le morcellement des terres d'autrui ; les ventes des servitudes
d'utilités publiques aux individus ; le morcellement du domaine de
l'Etat ;
HS3 : Les conflits fonciers ont plusieurs
conséquences, notamment la perte en vies humaines, la destruction des
maisons, la distorsion des tissus sociaux et la perte de l'économie des
acteurs ;
HS4 : les mécanismes mise en place
dans le cadre de résolution de ces différends sont : la
révision des textes fonciers, la réouverture de commission
d'attribution des terres en zones urbaines, la formation des Boulamat sur les
droits fonciers, la lutte contre la corruption, la formalisation de la vente
des terres.
VI.OBJECTIFS DE RECHERCHE
La présente recherche s'est donné quelques
objectifs nécessaires pour l'appréhension, la
compréhension et l'analyse des crises foncières dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména.
1. Objectif principal
L'objectif principal qui a servi de fil conducteur de la
présente étude est de : comprendre, analyser et expliquer les
jeux des acteurs dans les transactions foncières en milieu urbain
tchadien.
16
2. Objectifs secondaires
De l'objectif principal découle quatre (04) objectifs
secondaires liés entre eux et qui ont un rapport étroit au
foncier dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.
OS1 : Comprendre, analyser et expliquer les
rôles des Boulamat dans la gestion foncière
OS2 : Comprendre les enjeux qui se structurent
autour des terres dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména ;
OS3 : Lutter contre les malversations
foncières, en occurrence (la corruption, la falsification du texte
foncier, le trafic d'influence) ;
OS4 : les résolutions à la muable,
pacifique et judiciaire sont les plus appropriées pour l'instauration
d'une harmonie foncière dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména.
VII. METHODOLOGIE
Dans cette partie du travail, il s'agit non seulement de
présenter l'encrage théorique à partir duquel le
phénomène étudié est appréhendé, mais
aussi d'exposer les techniques et les outils de collecte de données dans
ce travail. La méthode d'après GRAWITZ40 «
est importante dans toute recherche et constitue le noeud de toutes les
démarches scientifiques (...), de ce fait, elle accroit la
capacité explicative du discours de la recherche scientifique en
l'affirmation davantage de manière à lui donner plus de
crédit »
Dans le cadre de ce travail, un accent particulier est mis sur
deux principales techniques de collecte et traitement de données : la
technique qualitative à travers (les focus groups, les interviews, les
entretiens structurés et semis structurés), et la technique
quantitative par le questionnaire.
Globalement, nous avons échangé avec le
délégué provincial auprès de la commune de
N'Djaména sur les modalités d'acquisition des terres et aussi,
les mesures qu'il entreprend lorsqu'il s'agit de trancher les conflits
fonciers.
De même, nous avons organisés les entretiens
individuels et groupés en fonction de nos attentes et de la
disponibilité des informateurs.
40 GRAWITZ, M. (2001).Méthodes des sciences
sociales, Paris, Dalloz, 11e Edition, p.15
17
1. Les principales théories
La théorie est « un ensemble
intégré des concepts et de sous concepts que l'on tente
habituellement d'utiliser pour mieux structurer l'explication de la
réalité »41 De même, la théorie
est appréhendée comme, « cette manière
spécifique d'interroger les phénomènes sociaux, un mode de
questionnement permettant de formuler une problématique adéquate
pour répondre à la question de départ en la faisant
progresser ».42
Ainsi, les principales théories auxquelles cette
recherche se réfère sont l'interactionnisme d'Hebert BLUMER et
l'analyse stratégique de Michel CROZIER et FRIEDBERG Erhard.
2. Interactionnisme symbolique
L'interactionnisme symbolique voit le jour au XXe
siècle, au sein de l'Ecole de Chicago, l'appellation «
interactionnisme symbolique » apparaît plus
précisément en 1937 sous la plume du sociologue américain
BLUMER. Ce concept désigne « l'unité minimale des
échanges sociaux ou situations où chacun des membres d'un groupe
joue, agit et se comporte en fonction de l'autre »43.
Cette théorie est un système en miniature où les
faits sociaux sont considérés comme les choses dépendantes
des acteurs, à l'effet de détenir leurs rôles dans les
interactions. Elle repose d'après BLUMER sur trois principes qui sont
les suivants :
? Les humains agissent à l'égard des choses en
fonction du sens que les choses ont pour eux ;
? Ce sens est dérivé ou provient des interactions
de chacun avec autrui ;
? C'est dans un processus d'interprétation mis en
oeuvre par chacun dans le traitement des objets rencontrés que ce sens
est manipulé ou modifié.
Selon les interactionnistes, loin d'être
constituée une fois pour toutes, la société se construit
sans cesse à travers les actes des individus et est de ce fait
dépendante des évolutions de ses membres. De même, la
vérité loin d'être donnée, s'accomplit à
partir de l'essentiel des interactions des individus lors des échanges.
Les interactionnistes soutiennent que : « l'objet essentiel de la
recherche est la description que les acteurs se font du social et que nous
vivons dans un monde symbolique, d'où la nature symbolique de la vie
sociale ». Ainsi, ce sont les
41 MACE, G et PETRY, F. (2000). Guide
d'élaboration d'un projet de recherche en sciences sociales, Les
Presses de l'Université de Laval, Québec, p.30
42 QUIVY,R et CAMPENHOUDT,L-V, idem, p.95
43 MBONJI E. (2001).Un système de
santé en mutation: le cas du Cameroun, Yaoundé, PUY,
p.21.
18
individus qui construisent les significations de leurs actions
et du monde à l'aide « des symboles signifiants et
partagés. 44 ». Parler de
l'interactionnisme symbolique, c'est donc parler
d'interaction, de mutuelle d'influence à la fois de
notre présence physique et de nos idées, de nos façons de
penser, de réfléchir, d'élaborer des discours, de
concevoir les significations des évènements, de communiquer ;
bref d'envisager le monde symbolique ou le monde des représentations,
des idées et du sens.45
Ce modèle théorique paraît
intéressant dans le présent travail dans la mesure où, il
nous a permis de réaliser que la réalité sociale autour du
foncier est révélée dans les échanges entre les
différents acteurs notamment les « Boulamat » et la masse
(population).
3. La théorie de l'analyse
stratégique
Théorie nait dans les années 1970 ayant pour
pionniers CROZIER Michel et FRIEDBERG Erhard. 46
L'analyse stratégique est centrale en sociologie des
organisations. Cette théorie part du constat selon lequel : étant
donné qu'on ne peut considérer que le jeu des acteurs soit
déterminé par la cohérence du système dans lequel
ils s'insèrent ; Ou par les contraintes environnementales, on doit
chercher en priorité à comprendre comme se construisent les
actions collectives à partir des comportements et
d'intérêts individuels parfois contradictoires. Au lieu de relier
la structure organisationnelle à un ensemble de facteurs externes, cette
théorie essaie de l'appréhender comme une élaboration
humaine, un système d'actions concrètes. Elle rejoint les
approches qui analysent les causes en partant de l'individu pour aboutir
à la structure (l'individualisme méthodologique) et non de la
structure à l'individu (structuralisme). Les pionniers de cette
théorie estiment que : « il faut se concentrer non sur la
fonction des acteurs ou des sous-systèmes au sein d'une organisation,
mais sur les stratégies individuelles des acteurs à partir de
leurs motivations ». 47
De même, les figures de proue de cette théorie
recommandent qu'il faut :
avant tout chercher systématiquement les
régularités observées dans les comportements, qui
doivent être réinterprétées dans le cadre du
44 MBONJI E, Idem
45 MBONJI E, Ibidem
46 CROZIER, M et FRIEDBERG, E. (1977).L'acteur et le
système : les contraintes de l'action collective, 1e Edition,
Paris, Seuil, p.224-238
47 CROZIER, M et FRIEDBERG, E, Ibidem
19
modèle de l'acteur stratégique. La
stratégie c'est le fondement inféré ex-post des
régularités de comportements observés empiriquement. Mais
ces stratégies ne dépendent pas d'objectifs clairs et
précis, elles sont liées aux atouts que les acteurs peuvent avoir
à leur disposition et aux relations dans lesquelles ils
s'insèrent.48
Par ailleurs, le comportement des acteurs s'ajuste au
comportement possible d'autrui en fonction des atouts dont il dispose. La
capacité d'action de l'acteur repose alors sur quatre postulats qui sont
:
? L'organisation est un construit contingent, il aurait pu
être, ou ne pas être, tout à fait différent ;
? L'acteur est relativement libre ;
? Il peut jouer avec son rôle, se permettre des
écarts par rapport aux règles sociales ; il y a une
différence entre les objectifs de l'organisation et ceux des individus
;
? Pour parvenir à leurs fins, les acteurs calculent
dans le cadre d'une rationalité qui est dite
limitée.49
Cette théorie nous a permis de comprendre que les
habitants du premier arrondissement de la ville de N'Djaména et les
Boulamat sont des stratèges subtils qui se servent de leurs positions
pour assouvir leurs intérêts égoïstes. Aussi, de
comprendre les stratégies qu'ils entreprennent pour contourner les
normes foncières tchadiennes lorsqu'ils falsifient les documents
administratifs, vendent les terres du domaine national, privée et
déplacent les bornes des terres de leurs voisins.
4. Les techniques de collecte données
La technique de collecte de donnée dans le
présent travail renseigne sur le processus qui oriente l'enquête
de terrain (phase exploratoire et collecte de données) et la
vérification des hypothèses est une approche qualitative. Car
elle permet d'analyser en profondeur l'objet d'étude. D'après
JODELET50, « bien que la collecte de donnée est une
phase fondamentale dans les recherches en sciences sociales, elle n'est pas
étrangère à la sociologie ». La collecte de
donnée englobe en sociologie les techniques documentaires, les
entretiens.
Dans le cadre de ce travail, les données ont
été collectées par la recherche empirique à
48 CROZIER, M et FRIEDBERG, E, Ibidem
49 CROZIER, M et FRIEDBERG, E. ibidem
50 JODELET, D.(2001). « Aperçu sur les
méthodes» dans Moscovici, Sous (dir), Les
méthodes en sciences humaines, Paris, PUF, p.139
20
travers les discussions, les entretiens avec les informateurs
clés d'une part et les responsables de la question foncière dans
le premier arrondissement de la ville de N'Djaména d'autre part.
5. Les techniques d'analyse de données
La collecte de donnée s'est faite en trois
étapes. La première a consisté à s'intégrer
dans les différents quartiers est espaces qui constituent le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména. D'abord, le rapprochement avec
les enquêtés (Boulamat, délégués,
populations) s'est fait par la prise de contact avec ces informateurs, allant
de la période du 08 au 22 Août 2021. Ensuite, la deuxième
étape a été la phase de la collecte de données
auprès des enquêtés du premier arrondissement
impliqué dans les gestions foncières, cette phase a duré 6
semaines, allant du 12 septembre au 26 octobre 2021. Enfin, la troisième
phase de descente sur le terrain a permis de recueillir les informations
supplémentaires auprès des enquêtés dans le but de
combler les insuffisances de données (issues de la méthode
qualitative et quantitative), cette phase a duré 21 jours allant du 07
au 21 novembre 2021.
Les unités d'observations ont été
constituées de plusieurs catégories de personnes à savoir
: les Boulamat, les délégués auprès de la commune
du premier arrondissement, les populations, qui sont les principaux acteurs
impliqués dans les gestions foncières dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména ; de même le
délégué provincial de la ville de N'Djaména qui a
la charge de siéger sur tous les documents qui ont trait au foncier. Il
était important de recueillir les avis des différents
enquêtés sur l'implication des chefs traditionnels dans le
processus de commercialisation de terre d'une part, les enjeux qui se
structurent autour de terres et les incidences qui résultent des
transactions complexes du foncier. Pour la collecte de donné, les
techniques telles que : la recherche documentaire, l'observation directe, les
entretiens, les focus groups, le questionnaire ont été
mobilisées.
? L'observation documentaire
L'observation documentaire est selon NGA NDONGO51,
l'ensemble des étapes qui permettent de chercher,
identifier et trouver des documents relatifs à un sujet, par
l'élaboration d'une stratégie de recherche. Eu égard de ce
point de vue, chercher des documents, c'est rechercher et repérer les
sources d'informations se rapportant à notre sujet d'étude. Le
document étant considéré comme tout élément
matériel ou immatériel qui, a un rapport avec
l'activité
51 NGA NDONGO V.(1999). « L'opinion
camerounaise, problématique de l'opinion en Afrique noire »,
Thèse de Doctorat d'Etat en Lettres et Sciences Humaines, UFR des
Sciences Sociales, France, Université de Paris X Nanterre, tome 1
21
des hommes vivants en société et qui de ce
fait, constitue indirectement une source d'information sur les
phénomènes
sociaux. 52
Dans le cadre de ce travail, l'observation documentaire a
permis de repérer les documents disponibles au Cercle
Philo-Psycho-Socio-Anthropologie(CPPSA) ; Centre de Formation et de
Documentation(CEFOD) ; Institut Français du Cameroun(IFC) ; la
Bibliothèque de la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines
de l'Université de Yaoundé I(FALSH) ; la constitution ; les lois
; les décrets ; les arrêtés ; les publications
universitaires ; les presses, etc.
? L'observation directe
D'après DURAND Jean Pierre et WEILL Robert, «
l'observation demeure souvent un préalable obligé pour construire
une bonne enquête par entretiens ou par questionnaire »53 De ce
fait, l'observation est ce moment qui permet au chercheur de prendre note,
d'enregistrer les actions et gestes des enquêtés
observés.
L'observation a été une phase clé dans le
cadre de ce travail. Nous avons observé les interactions qui
s'établissent entre les différents acteurs au sujet des terres et
aussi, les différentes pratiques socio-économiques que ces
individus font des espaces des terres occupés. De même, nos
différentes observations ont été appuyées par des
prises de vue chaque fois lorsqu'il était nécessaire afin
d'appréhender de plus près les jeux qui se font autour des
espaces des terres. En dernier essor, nous avons parcouru les différents
quartiers du premier arrondissement de la ville de N'Djaména pour nous
appuyer sur les faits factuels en rapport à la terre.
7. L'entretien
Communément appelé « entrevu ou
interview », l'entretien consiste à chercher auprès des
personnes clés les informations nécessaires qui permettent de
comprendre, d'appréhender les phénomènes sociaux
étudiés. C'est ainsi que, ELA Jean Marc mentionne que, «
la science est une activité trop sérieuse pour être le
seul apanage des hommes et des femmes de sciences. Les informations fournies
auprès des enquêtés révèle d'une pertinence
capitale ».54
L'entretien dans le cadre de ce travail a été
utilisé pour s'acquérir des informations
52 NGA NDONGO V, ibidem
53 DURAND, J-P et WEILL, R. (1994). Sociologie
contemporaine, Paris, Vigot, Collection « Essentiel », p.307
54 ELA, J-M. (2001).Guide pédagogique de
formation à la recherche pour le développement en Afrique,
Paris, l'harmattan, p.74
22
brutes auprès des enquêtés sur les
conflits fonciers, notamment les habitants des différents quartiers du
premier arrondissement de la ville de N'Djaména et aussi, le
délégué provincial auprès de la commune de
N'Djaména. Nous avons débuté avec les entretiens le 10
août 2021 jusqu'à la rédaction finale du mémoire.
Nos échanges ont eu lieu en privée selon le principe de
confidentialité des informateurs. De même, 30 individus ont
participé aux entretiens dans la réussite du présent
travail. Chacun de ces individus a partagé ses expériences, ses
vécus avec nous dans le cadre de ce travail.
8. L'entretien semi directif
D'après QUIVY et CAMPENHOUDT55, l'entretien
semi directif permet aux chercheurs d'entrer en contact avec les acteurs
sociaux qui sont confrontés à plusieurs phénomènes.
Ainsi, l'entretien semi directif,
permet d'analyser le sens que les acteurs donnent
à leurs pratiques et aux évènements auxquels ils sont
confrontés : leurs représentations sociales, leurs
systèmes de valeurs, leurs repères normatifs, leurs
interprétations des situations conflictuelles ou non, leurs lectures de
leurs propres expériences, etc.
L'entretien semi directif dans le cadre de ce travail a
été mis en exergue dans l'optique de recueillir les informations
diversifiées sur les fondements des conflits, les acteurs, les enjeux,
les stratégies d'accaparement des terres dont les enquêtés
possèdent une information brute nécessaire à la
compréhension du foncier dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména.
Nous nous sommes entretenus avec les agriculteurs, les
éleveurs, les pêcheurs, les fabricants des briques, les
autorités compétentes qui sont les principaux acteurs du jeu
foncier. De même, sa particularité est liée aux temps
accordés aux enquêtés de développer librement leurs
opinions.
9. Le focus group
Le focus group est une technique dans la méthode
qualitative qui met un enquêtés face aux informateurs. L'objectif
visé dans un focus group est de recueillir les informations diverses sur
un thème, une question donnée.
Dans le présent travail, cette technique a permis
d'entrer en contact avec les enquêtés, d'observer l'environnement
dans lequel les discussions se déroulent, les gestes, signes, mouvements
des enquêtés. Les discussions par rapport à cette technique
ont été orientées vers
55 , QUIVY et CAMPENHOUDT, idem, p.172
56 ANDREANI J-C et CONCHON F. (2005).
Méthodes d'analyse et d'interprétation des études
qualitatives : état de l'art en marketing, Paris, Collections de
Sciences Economiques ;
23
les thématiques telles que : connaissance et
appréciation du texte foncier, les acteurs, les enjeux et les
déterminants des conflits fonciers dans le premier arrondissement de la
ville de N'Djaména.
Par ailleurs, le focus group a été
organisé suivant une répartition de dix(10) individus. Le choix
de ce nombre se justifie par les soucis d'obtenir les données qu'on peut
facilement dépouiller, et aussi, du souci de retenir tous les
détails possibles de tous les participants de l'enquêtes. Le
nombre pléthoriques à la discussion pourrait limiter la saisie de
tous les détails dans une discussion.
10. Analyse et traitement des données
collectées
D'après ANDREANI et CONCHON56, «
l'analyse de contenu est une technique qui permet à un chercheur
d'obtenir des données d'images (photos, images, vidéos, sons),
d'informations symboliques (gestes, signes) en rapport à son champ
d'étude ». Dans ce travail, l'analyse de contenu a permis
d'avoir des informations détaillées à partir des photos,
images, sons, vidéos qui ont permis de comparer, d'expliquer et de
mettre en liaison les déterminants des conflits fonciers dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména.
Par ailleurs, une fois que les données sont
collectées sur le terrain, nous avons procédés au
traitement de ces dernières avant de les analysées et
interprétées. En d'autre terme, traiter une information consiste
à la rendre utilisable, claire, et cohérente pour des fins
utiles. Aussi, le processus de vérification des hypothèses
émises au départ a permis de classer les différentes
données collectées en rubriques, en prenant en compte des
objectifs de départ.
En outre, signalons que trois (3) formes de traitements sont
opérées dans cette étude, notamment le traitement des
données qualitatives, le traitement des données quantitatives et
le traitement des données photographiques.
De même, le traitement des données qualitatives
contribue à l'explication et à la description des
phénomènes étudiés. Il consiste à une
analyse chronologique des données recueillies au moyen des entretiens et
de la recherche documentaire pour évaluer l'évolution dans
l'espace et dans le temps, des variables étudiées ainsi que la
dynamique de leurs interactions réciproques.
24
Le traitement statistique appliqué aux données
quantitatives a permis de concevoir et de réaliser, les graphiques et
les diagrammes, ainsi que des tableaux de statistique descriptive. Ainsi, les
données de l'enquête par questionnaire ont été
intégrées dans le logiciel SPSS à l'issue d'un
dépouillement manuel. Enfin les données obtenues et
traitées ont été converties transmise dans le classeur
Excel 2010 pour la réalisation des courtes, diagrammes, figures afin de
rendre de manière plus détaillée les informations en
rapport au foncier.
11. La technique quantitative
La technique quantitative a été mobilisé
dans le cadre de cette réflexion pour obtenir les résultats
variés et quantifiables. Les résultats obtenus ici ont permis de
construire les graphiques, les diagrammes et les figures assorties des
proportions.
a. Le questionnaire
L'enquête par questionnaire est une enquête qui
fournit des données quantifiables, faciles à dépouiller.
Selon QUIVY ET CAMPENHOUDT,
cette technique consiste à poser des questions
à un ensemble des répondants, le plus souvent
représentatif d'une population, une série des questions relatives
à leurs situations sociales, professionnelles ou familiales, à
leurs opinions, à leurs attitudes à l'égard d'opinions ou
d'enjeux humains et sociaux, à leurs attentes, à leurs niveaux de
connaissance ou de conscience d'un problème, ou encore sur tout autre
point qui intéresse les chercheurs. 57
Dans la présente recherche, la technique par
questionnaire a facilité les tâches en ce qui concerne les
dépouillements des données collectées, aussi d'obtenir des
résultats fiables sur les implications des Boulamat dans le processus de
commercialisation des terres, les causes et les conséquences des
conflits fonciers analysés. De même, cette technique a
été mise en relief dans le but d'obtenir des informations
supplémentaires, suite au désistement des enquêtés
durant les entretiens, pour cause de confidentialité de leur
identité. Au total, nous avons administrés les questionnaires
à 150 individus sur les modalités d'acquisition des terres, les
natures et les types des conflits.
57 QUIVY ET CAMPENHOUDT, idem, p.119
25
VIII. DEFINITION DE CONCEPTS
D'après GIANOLA, « l'examen de tout
phénomène commence par sa compréhension. Mais avant toute
étude, il est nécessaire de définir les
caractéristiques essentielles autour desquelles s'articule un concept
pour pouvoir ensuite formuler une définition englobant ces
caractéristiques et seulement celles-ci. » 58. Dans ce sens,
la définition des notions clés procède d'une logique du
travail scientifique. D'où la nécessité de clarifier le
concept litiges fonciers, foncier urbain, ville.
1. Conflit
Le mot conflit tire ses origines de l'étymologie latine
« litigium » qui signifie contestation donnant
matière à un procès. De même, en droit, on le
définie comme un différend entraînant la saisie d'un
tribunal ou le recours à un arbitrage59.
Selon le dictionnaire de la sociologie, les conflits sont les
manifestations d'antagonismes ouverts entre deux acteurs (individuels ou
collectifs) aux intérêts momentanément incompatibles quant
à la possession ou à la gestion de biens rares matériels
ou symboliques. Il peut s'agir d'un affrontement des États (guerres) ou,
au sein d'une même société, des groupes religieux,
nationaux ou ethniques, des classes sociales ou toutes autres institutions
sociales (églises, partis, entreprises, organisions, et associations
diverses) au sein d'une même collectivité (famille, syndicat).
Ainsi, les acteurs peuvent s'opposer en fonction des intérêts
visés, de leurs statuts et rôles différents.
Pour la tradition marxiste60, « le conflit
est inscrit dans la nature même du social et procède du
caractère essentiellement contradictoire des rapports sociaux de
production ». Les conflits sociaux historiquement important sont donc
tous ramenés des conflits de classes définis par la
propriété ou la non-propriété des moyens de
production, et aboutissent inéluctablement aux révolutions qui
transforment l'organisation économique, politique et sociale.
En sociologie GRAWITZ définit le vocable conflit
« comme les oppositions ou les affrontements plus ou moins aigus, ou
violents entre deux ou plusieurs parties : (nations,
58 GIANOLA E.C. (2011). La sécurisation
foncière, le développement socio-économique et la force du
droit : le cas des économies ouest-africaines de plantation (la
Côte d'Ivoire, le Ghana et le Mali) ; Logiques juridiques ; Paris,
l'Harmattan, p.237
59 Le Grand Robert de la langue française,
version électronique, le CD-ROM du Grand Robert
60 MARX K et ENGELS F. (1848). Le manifeste du
parti communiste, Editions Sociales, Collections Essentielles
26
groupes, classes, personnes ou encore entre tendances,
aspirations, motifs, à l'intérieur d'un même individu)
».
De ce qui précède, nous pouvons définir
les litiges comme un ensemble des tensions structurées autour des enjeux
divers.
2. Le foncier
C'est un concept issu du latin « fundus »
qui veut dire « fonds de terre ». Il appartient au
vocabulaire juridique et désigne les rapports de droit réel entre
les personnes, et un fond de terre ou de terrain. Cependant, le foncier est un
concept polysémique, car il fait appel à plusieurs approches qui
tentent de lui donner un contenu.
Le foncier « est l'ensemble des règles
définissant les droits d'accès, d'exploitation et de
contrôle concernant la terre et les ressources naturelles
»61. Cette définition met l'accent sur la dimension
sociale du foncier, rapport entre les hommes et les groupes sociaux, partie
intégrante du fonctionnement de la société. Le foncier
inclus donc les rapports entre les hommes et les femmes concernant
l'accès, le contrôle, la transmission et les usages de la terre et
des ressources qu'elle porte. Ces rapports sociaux sont principalement
déterminés par les facteurs économiques (accumulation
privative du capital et extraction de rente), juridique (norme d'appropriation
et modalités de règlements de conflits) puis par les techniques
d'aménagement pouvant matérialiser et caractériser ces
rapports en autant de région distincte.
Partant de cette définition, le foncier peut
être défini comme, « tout ce qui constitue un fond de
terre ». Il peut également signifier ce qui est relatif aux
fonds de terre en milieu rural qu'urbain. Et par foncier urbain, l'ensemble de
biens et fonds de terre présent dans une ville.
3. Ville
La ville peut être appréhendée du point de
vue infrastructurel est essentiellement caractérisée par la
primauté du cadre bâti sur l'environnement, naturel et comprise
comme « un ensemble d'habitations regroupées dans un espace
réduit et structuré ».62 D'un point de vue
purement social, c'est « un établissement relativement important,
dense et permanent d'individus socialement hétérogène
»63
61 LE BRIS E. et al. (1991). Circulation des
Hommes et Urbanisation : les politiques en échec, Paris,
l'harmattan, p.13
62 ALPE Y., cité par MBEN LISSOUCK Ferdinand
in « Violence administrative et indocilité populaire à
Yaoundé », Mémoire de Master en Sociologie,
Urbanité et Ruralité, FALSH, Université de Yaoundé
I, p.27
63 WIRTH Louis cité par GRAFMEYER Y. (1994). In
Sociologie urbaine, Paris, Nathan, p.16
27
La ville de ce fait peut être définie du point de
vue géographique et social. Cependant, pour mieux la cerner, la ville
doit être appréhendée à un double niveau spatial et
social puisqu'elle se veut,
à la fois territoire et population, cadre
matériel et unité de vie collective, configuration d'objets
physiques et noeud de relations entre les sujets sociaux. Dans ce sens, la
ville recouvre deux dimensions : une dimension géographique renvoyant
à l'espace habité par les acteurs sociaux et une dimension
relationnelle qu'entretiennent ces acteurs autour des terres urbaines.
64
De ces définitions qui précèdent, nous
pouvons définir la ville comme un lieu stratégique de lutte
autour des terres, et où l'individualisme foncier est poussé.
IX. PLAN DU TRAVAIL
Le présent travail est organisé autour de deux
(02) parties constituées chacune de deux (02) chapitres. La
première partie s'intéresse aux acteurs et les enjeux du foncier
dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Le chapitre
premier aborde les acteurs du foncier et les stratégies de
sécurisation des terres ; le chapitre deuxième par contre met en
exergue les différentes perceptions des terres dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména. La deuxième partie par
contre aborde les facteurs explicatifs des litiges fonciers dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména et les instances d'arbitrages
des litiges le chapitre troisième quant à lui s'attèle
chapitre iii: les déterminants sociaux des litiges fonciers dans le
premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Par ailleurs, les
chapitres iv : instances d'arbitrages des litiges fonciers et perspectives des
résolutions des différends fonciers dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména
64 MBEN LISSOUCK F, idem, p.27
PREMIERE PARTIE: ACTEURS ET LES ENJEUX DU FONCIER
DANS LE PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA
La présente partie est constituée de deux (02)
chapitres. Le chapitre premier met l'emphase sur les acteurs du foncier et les
stratégies de sécurisation des terres. Dans le deuxième
chapitre par contre met en relief les différentes perceptions des terres
dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména
CHAPITRE I: LES ACTEURS DU FONCIER ET LES STRATEGIES
DE SECURISATION DES TERRES
30
INTRODUCTION PARTIELLE
Ce chapitre met en exergue les différents acteurs qui
interviennent dans la gestion des terres dans le premier arrondissement de
N'Djaména. Ainsi, ces acteurs sont : l'Etat, les chefs de quartiers, les
allogènes, les autochtones, les locataires, les sociétés
industrielles, etc. Les acteurs du foncier dans le premier arrondissement de la
ville de N'Djaména sont nombreux et de plusieurs catégories.
Généralement, les acteurs qui interviennent dans le foncier dudit
arrondissement sont : la puissance publique, les auxiliaires de l'Etat
(Boulamat) , les locataires ,les autochtones , les fonctionnaires privés
,publics ,les agriculteurs , les éleveurs ,les pêcheurs ,les
ramasseurs des sables et de terres noires ,les fabricateurs des briques, etc.
Ainsi, la puissance publique à travers ses services centraux et
décentralisés joue un rôle non négligeable dans la
gestion foncière dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména.
I. LES ACTEURS DU FONCIER ET LES STRATEGIES DEVELOPPEES
POUR L'ACCAPAREMENT ET LA SECURISATION DES TERRES
Le foncier au regard de l'importance qu'il renferme fait
intervenir plusieurs catégories d'acteurs qui, depuis plus de dix(10)
ans se livrent à des transactions foncières plus ou moins
complexes. Ces transactions aboutissent pour la plupart à des conflits
violents, se soldant par la destruction du bien matériel d'une part, et
des pertes en vies humaines d'autres parts. Dans cette partie, les acteurs les
plus emblématiques sont répertoriés, surtout ceux qui sont
directement liés à la gestion des terres dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména, et aussi ceux qui sont
liés dans l'implémentation des conflits fonciers.65
1. L'ETAT : PREMIER ACTEUR DU FONCIER
Dans le cas des acteurs institutionnels, il est question ici
des cadres légaux des gestions des terres dans les milieux urbains
tchadiens en général, en particulier dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména. Parmi ces acteurs figure le
service de l'urbanisme. Ainsi, le service de l'urbanisme est chargé de
:
? L'élaboration des documents d'aménagement et
d'urbanisme du contrôle de leur application et leur révision au
niveau de la région ;
? La planification et la répartition des
équipements et des activités ;
65 Source : données de terrain, septembre
2021
31
· Le contrôle de la localisation et
l'intégration des équipements publics décidés par
diverses personnes morales de droit publiques ;
· La définition des niveaux de viabilisation
suivant les types de quartiers ;
· La création et le contrôle des
réserves foncières dans les zones urbaines et périurbaines
n'appartenant pas au domaine privé des collectivités locales.
2. Décentralisation foncière
L'Etat est considéré comme le garant de toutes
les terres urbaines au Tchad. A cet effet, il a mis sur pieds plusieurs organes
pour une structuration des terres dans le milieu urbain et rural tchadien.
Ainsi, les répartitions des responsabilités se déclinent
à plusieurs niveaux administratifs.
- Inspection régionale du cadastre
L'inspection régionale du cadastre est chargée de
:
· L'établissement et la conservation des
documents cadastraux (plans, graphiques, matrices, état de cession des
plans parcellaires) ;
· L'identification et le recensement des
propriétés en vue de la définition de l'impôt
foncier ;
· L'exécution de bornages relatifs aux
réquisitions d'immatriculations ;
· Etude de la production, de l'exploitation de tous les
documents cadastraux relatifs à la propriété
foncière ;
· L'implantation des lotissements nouveaux ;
· L'identification des parcelles sur la base des listes
transmises par la commission d'attribution des terres en zone urbaine ;
· L'enrôlement des attributaires en
première option.
- Inspection Régionale des Domaines, de
l'Enregistrement, des Timbres de l'Hypothèque et de la Conservation
Foncière
Cette section est sous la tutelle du Ministère des
finances et du budget. Sa principale tâche consiste à gérer
tous les biens en rapports aux terres dans sa circonscription administrative.
Il faut dire que le maire de chaque commune est d'office membre de la
Commission d'Attribution de Terres en Zones Urbaines (CATZU). La gestion des
terres se
32
fait de deux manières : soit par location, soit par
affection. Ce service est subdivisé en plusieurs autres sous-sections
qui sont : le service des affaires domaniales, le service du foncier et de la
curatelle, le service de recettes, de la comptabilité et du timbre, le
service des études du personnel et du matériel. Ce service se
donne pour principale mission l'exécution de la politique fiscale et
domaniale de l'Etat en tant qu'acteur principal dans la gestion des terres
rurales qu'urbaines au Tchad.
Aussi, son champ d'application recouvre toutes les
transactions urbaines en rapport au foncier et aussi, le montage des dossiers
et le recouvrement des coûts des attributions que lui apporte le cadastre
de même que les frais relatifs aux ventes des terres
urbaines.66
? Institutions judiciaires de la place
Généralement, le processus de
décentralisation semble être effectif au Tchad. C'est ainsi que
les institutions judiciaires de la place sont constituées du Tribunal de
Première Instance (TPI) et de la Cour d'Appel (CA). Les principales
missions de ces institutions judiciaires consistent à arbitrer les
litiges fonciers dans leurs circonscriptions administratives. Ainsi, tous les
problèmes liés à l'immatriculation et aux multiples ventes
; à l'approbation d'un plan d'urbanisme de la ville relève de
leurs domaines de compétence. Ils font parties de la commission
d'urbanisme locale à côté d'autres services techniques
gérants les affaires foncières et de la mairie de
l'arrondissement concerné.
? Commune
Conformément aux dispositions du décret n°
1347/PR/PM/2011 du 17 novembre 2011, la commune assure le secrétariat de
la Commission d'Attribution des Terres en Zones Urbaines. A cet effet, elle est
appelée à répertorier toutes les terres
sécurisées et celles n'ayant jamais été
sécurisées par les acteurs, les terres issues du domaine public
national, les terres du domaine privé, les zones marécageuses,
les forêts, les parcs. Ainsi, en cas des litiges fonciers, la commune
conjugue ses efforts aux côtés des autorités
compétentes chargées de la question
foncière.67
Les institutions citées ci-haut sont impliquées
légitiment dans la gestion de la question foncière. Leur
légitimité se trouve dans le droit positif tchadien adopté
en juillet 1967, notamment dans ses articles n°23 portant statut des biens
dominicaux, n° 24 sur le régime de la propriété
foncière, des droits coutumiers et la loi n° 25 du 22 juillet 1967
portant sur la
66 MAHAMAT A.B. (2013). « Extension urbaine et
problèmes fonciers dans les quartiers périphériques de la
ville de N'Djaména : le cas du quartier Toukra », Mémoire de
master en géographie, Université de Maroua, p.64
67 Entretien avec le délégué
provincial de la ville de N'Djaména en septembre 2021
33
limitation des droits fonciers ainsi que leurs décrets
d'application respectivement : n°186,187, et 188 du 1er
août 1967. Vu la complexité de la question foncière au
Tchad, le président de la république a complété,
notamment avec les lois n° 004/PR/2008 portant principes
généraux à appliquer en matière de construction, la
loi n° 006/PR/PM/2008 portant principes fondamentaux en matière
d'urbanisme sans oublier les lois statuant sur la décentralisation de la
gestion des terres au Tchad de l'année 2002.68
De même, le gouvernement tchadien sur la base des
documents légaux a une stratégie d'acquisition des terres qui le
permet d'attribuer les terres à toute personne morale ou physique pour
des éventuelles activités économiques. C'est d'ailleurs
pour cette raison que, l'Etat entreprend les constructions de plusieurs
infrastructures militaires (Groupement d'Ecoles Militaires Interarmées,
le camp d'Amsinéné, etc. Sanitaires (centre de santé de
Madjorio, de Djougoulié, d'Ardeptiman, de Zaraf, éducatives
(Lycée Al-Imane, Lycée Ibrahim Mahamat Itno ; Lycée
Moderne de Guinebor, Lycée Moderne de Djougoulié,
Ecole/Lycée Sultan Kasser, Ecole/Collège Pilote de Farcha, etc.)
occupant des vastes espaces des terres dans le premier arrondissement de
N'Djaména.69
En effet, la diffusion progressive du système
capitaliste dans les campagnes et son introduction sur des nouveaux lieux de
production est également le fait marquant de ces vingt dernières
années. Phénomène urbain et côtier durant la
période coloniale, le capitalisme se généralise et affecte
les comportements des acteurs selon une logique mondialiste. Or, dans la mesure
où le processus d'introduction du capitalisme international
dépend principalement de l'administration de l'Etat, qui peut
hâter ou retarder le processus, les déterminations au niveau
national et au niveau international apparaissent fortement
entremêlées. Les interrelations entre les facteurs sont nombreuses
et nous retrouverons certains exemples dans les pages suivantes. Nous acceptons
cependant de les dissocier pour les besoins de l'analyse, en nous fondant sur
une différence dans les modes d'expression de l'accumulation à
l'échelle nationale et à l'échelle
mondiale.70
Tandis qu'à l'échelle internationale
l'intervention s'exprime principalement par les firmes multinationales et par
le discours généralisant des organismes plurinationaux ou
internationaux, à l'échelle nationale l'emprise de l'Etat se
manifeste concrètement par des pratiques observables. Dans le domaine
foncier, la terre apparaît sous le prisme
68 MAHAMAT, Ibidem, p.65
69 Source entretien avec Monsieur Djimet
Boukar
70 LE BRIS, E. et al. (1982).Enjeux fonciers en
Afrique noire, Paris, Karthala, p.26
34
développementaliste internationale comme un facteur
positif du progrès économique et social, si elle peut être
mobilisée (car elle n'est pas rare) et libérée des charges
indues, devient, au niveau national, un « casse-tête
», très souvent le problème que doit affronter
l'appareil d'Etat. Le régime foncier devient alors l'obstacle principal
(potentiellement ou réellement) soit au processus de
développement, soit à libre intervention de l'administration. De
là naissent des discussions et des pratiques suffisamment originaux pour
que nous envisagions successivement sans introduire dans notre analyse de
nouvelles clôtures entre les niveaux locaux, nationaux et internationaux
de l'analyse.71
La restriction du champ géographique de la
réflexion n'est pas seulement liée aux limites de nos
compétences, elle ne ressortit pas non plus à une volonté
de dégager à priori une spécificité en
matière foncière. Cette spécificité est un fait
d'expérience. Il suffit pour s'en convaincre de se référer
à contrario aux circonstances dramatiques dans lesquelles se posent les
questions foncières en Amérique latine (opposition entre grands
propriétaires latifundiaires et paysans sans terre). L'Afrique se
distingue également en ce qu'elle ne compte pas (sauf le Nigéria)
de pays aux dimensions d'impérialismes relais (comme le sont l'Inde ou
le Brésil) caractérisés par leur grande taille, la
complexité de leurs économies et de leurs organisations sociales.
Dans ce type de pays, on notera que la problématique foncière
renvoie à l'appréhension du type très particulier de
matrice de l'espace ; l'Etat dans ce cas, en effet, tend à monopoliser
les procédés de contrôle et d'organisation de l'espace et
à différents niveaux qui nous éloignent du foncier stricto
sensu (urbanisation, frontières, voies de communication,
stratégies militaires, etc.).72
2. Les Boulamat
Les chefs de quartiers sont les acteurs assurant la vente des
terres dans toutes les attendues du territoire tchadien. Ils sont pour la
plupart, les descendants des premiers occupants des terres et assurent souvent
la vente des terres aux autres individus. En matière de la gestion des
terres, ce sont eux qui assurent la répartition des terres. Ils
représentent deux instances à la fois dans la gestion
foncière : une instance politique en tant que auxiliaires de l'Etat
auprès de la communauté locale et aussi traditionnelle dans la
mesure où ils représentent les ancêtres dans la gestion des
terres.73
71 LE BRIS, E. et al, Ibidem
72 LE BRIS E. et al, Idem, p.27
73 Enquête de terrain auprès des
habitants du premier arrondissement, 2021
35
Aussi, il convient de noter que les chefs gérants des
terres (Boulamat) au nom du pouvoir ancestral qui leur est
conféré, prennent des décisions sans regret en vendant une
seule parcelle à plusieurs personnes. Le pire est que, ces chefs
gérants ne maîtrisent pas les textes de base fonciers sur lesquels
ils devraient s'appuyer. Ils ne connaissent que la coutume qui leur donne un
plein droit selon eux, à la gestion totale des terres urbains et
rurales.
En effet, les chefs des quartiers sont les auxiliaires de
l'Etat dans la mesure où ils assurent quelques fois la médiation
entre les individus dans la résolution des litiges fonciers et aussi,
sont souvent impliqués dans les campagnes électorales. Les locaux
des chefs de quartiers jouent souvent le rôle des bureaux de vote pendant
les élections municipales, législatives et
présidentielles.
Cependant, au Tchad, ces chefs jouent un jeu complexe dans la
gestion foncière. Ils vendent une parcelle de terre à plusieurs
individus et morcellent les terrains des individus pour leurs visées
égoïstes. Cette attitude met les acteurs dans une impasse pendant
et après l'achat. Aussi, les principales activités qu'ils
exercent sur les terres sont diverses : la culture de «
Béré-béré »74, les locations des
terres pour les fabrications des briques, la pratique de la riziculture,
etc.
II. LES ACTEURS NON INSTITUTIONNELS
Les acteurs non institutionnels renvoient ici à ceux
qui ne sont pas liés formellement à l'Etat en tant
qu'autorité suprême de gestion des terres au Tchad. Dans le cadre
de la présente réflexion, quelques acteurs majeurs sont pris en
compte dans l'optique de mieux appréhender le foncier dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména.
1. Les propriétaires provisoires
Les propriétaires provisoires sont ceux-là qui
bénéficient d'un titre foncier provisoire ou précaire. On
distingue généralement deux types à savoir :
2. Les propriétaires qui poursuivent des
stratégies définitives
Ces propriétaires cherchent la sécurité
foncière pour avoir une stabilité de logement, pour
eux-mêmes ou pour les membres de la famille. Dans ce sens, ils
acquièrent des espaces des terres ayant plus ou moins une garantie
(remplissant les conditions juridiques) pour assurer la
sérénité de celle-ci. Dans cette catégorie se
trouvent les locataires résidant dans le
74 Culture du sorgho de décru. Cette culture se
pratique sur les espaces d'eaux tarissables.
75 LE BRIS Emile et al. (1991). L'appropriation
de la terre en Afrique noire : manuel d'analyse et des gestions
foncières, Paris, Karthala, p.209
36
premier arrondissement de N'Djaména dans le cadre des
travaux provisoires (main d'oeuvres dans les grands chantiers ; main d'oeuvres
dans certaines structures privées et publiques et qui
bénéficient d'un contrat de travail provisoire).
3. Les propriétaires qui poursuivent des
stratégies spéculatives
Ces propriétaires quant à eux, sont
ceux-là, qui militent dans le but d'obtenir une rente foncière ou
des revenus locatifs. Parmi les locataires, il convient de distinguer les deux
types suivants :
4. Les locataires
Ils sont les individus qui louent les maisons ou les terres
des individus pour une durée déterminée. Cette
catégorie des personnes renvoie généralement aux certains
migrants récents qui servent de la main d'oeuvre, des
célibataires qui aspirent devenir eux-mêmes dans le plus long
terme des propriétaires occupants. Ils opèrent sur le
marché foncier et développent les stratégies
foncières appropriées ;
5. Les locataires travailleurs
Ces locataires proviennent d'autres localités et sont
dans le premier arrondissement pour travailler dans les industries comme la
main d'oeuvre. Ils sont pour la plupart des travailleurs saisonniers, certaines
femmes, hommes, les couches populaires les plus démunies qui pour une
raison ou une autre ne peuvent ou ne veulent pas devenir propriétaires
d'un terrain pour y construire. 75C'est ainsi que dans le premier
arrondissement de N'Djaména, certaines catégories d'acteurs
estiment que leur place est essentiellement au village, car c'est là
qu'il y a leurs aïeux. Ils préfèrent rester en location ici
en ville pour chercher juste un emploi temporaire. Généralement,
le plus courants sont les jeunes provenant du grand Ouaddaï, de la
Tandjilé, du Moyen Chari, du Logone Occidental, du Mayo Kebbi Est et
Ouest. Un exemple de cette catégorie d'acteurs est le cas des jeunes
MOUBI provenant de Mangalmé et des jeunes (MAGERE, GOULAÏ, GABRI,
NANDJERE) qui s'estiment plus heureux dans leurs villages.
37
6. Les « intouchables »
Cette catégorie d'acteur renvoie concrètement
aux acteurs qui acquièrent les terres de manières officieuses et
floues. Ils participent activement à la gestion des terres dans le
premier arrondissement de N'Djaména.
Aussi, ils recourent à des pratiques illégales
pour s'installer, tenterons de se prémunir contre les effets des
interventions étatiques en développant selon leurs moyens, et en
fonction des contraintes rencontrées, des stratégies de «
débrouillardises ». S'ils n'arrivent pas à
régulariser leur situation ou à sécuriser, tant peu soit
leur maintien sur la parcelle (par exemple en entrant dans un système de
clientélisme ou en adoptant leur construction aux normes officielles.
De plus, Ils essayent parfois d'anticiper sur la
régulation immense ou attendue d'une autre zone urbaine en y
acquérant un nouveau terrain (et cela se fait de nouveau en dehors des
règles officielles). Les résultats de ces stratégies sont
pourtant aléatoires et une grande partie de cette catégorie
risque d'être des « exclus éternels » de la ville
légale.76 C'est ainsi que dans le premier arrondissement de
la ville de N'Djaména, ces acteurs développent des
stratégies complexes autour des terres urbains et périurbains,
notamment dans les quartiers Madaga, Zaraf, Ardeptiman, Karkandjeri, Guinebor,
Amsinéné.
Tableau 1 : répartition des enquêtés
selon les activités économiques pratiquées
Activités économiques pratiquées
|
Effectif
|
Total?
|
Agriculture
|
50
|
100
|
Elevage
|
28
|
Pêche
|
2
|
Commerce général
|
5
|
Fabrication des briques (cuites)
|
5
|
Autres
|
10
|
Source : enquête de terrain, octobre
2021
76 LE BRIS E., et al. Idem, p.210
38
Graphique 1 : répartition des
enquêtés selon les activités économiques
pratiquées
Autres(activités mixtes)
|
|
|
|
10
|
|
Commerce général
|
|
|
5
|
|
|
Fabrication des briques...
|
|
|
5
|
|
|
Pêche
|
|
2
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Elévage
|
|
|
|
|
28
|
|
|
|
|
|
|
Agriculture 50
Activités économiques...
0 10 20 30 40 50 60
Source : enquête de terrain, octobre
2021
En se référant à ce résultat, les
informations recueillies attestent que l'activité principale des
habitants du premier arrondissement demeure l'agriculture. Ici, il est
important de relever que, selon certains informateurs, ils ne parviennent pas
à exercer aisément cette activité suite aux tracasseries
des Boulamat d'une part, et des troupeaux des éleveurs qui
dévastent chaque jour et chaque heure les champs d'autre part. Nous nous
sommes rapprochés davantage vers les agriculteurs du quartier Madaga, de
Mélizi, de Djougoulié, Miskiné, etc. Après une
analyse de données recueillies, les informateurs disent qu'ils louent
les terres auprès des Boulamat et aussi, auprès des
propriétaires particuliers. Les conflits naissent selon les agriculteurs
de la destruction de leurs plantations par les troupeaux de moutons,
chèvres et boeufs. C'est ainsi que l'agriculture occupe 50? par
rapport aux autres secteurs d'activités. Néanmoins, cette
agriculture est archaïque, mal organisée.
7. Les agriculteurs
Les agriculteurs qui exercent dans le premier arrondissement
de N'Djaména sont de plusieurs catégories. D'abord, une
catégorie de ceux-là qui ont pour principales activités
l'agriculture. Ce type d'agriculteur a besoin assez d'espaces pour
réaliser des grands champs afin de répondre aux exigences
familiales. Ils sont constitués de plusieurs sous-groupes ethniques
à savoir : les arabes autochtones ; les arabes migrants provenant du
Cameroun ; les Bornou autochtones ; les Bornou migrant prévenants de
l'Etat Bornou du Nigéria, les Ngambay pêcheurs convertis en
agriculteurs, les Toupouri, les Moundang, les Moussey, les Kotoko, etc.
Généralement, ces acteurs pratiquent une agriculture mixte qui
fait intervenir plusieurs variétés de cultures. La culture du riz
dans les sols argileux, la culture des Béré-béré
39
dans les terres noires argileux, la culture de la salade au
bord des fleuves et des cours d'eaux temporaires, (voir la planche
ci-dessous)
Planche 1 : case de jardinage à
Milezi
Source : enquête de terrain, octobre
2021
Les jardiniers qui exercent dans le secteur agricole
rencontrent plusieurs difficultés dans la gestion de l'exercice de leur
métier. La demande très grande des habitants de la ville de
N'Djaména en produits vivriers augmente les spéculations autour
des terres qualifiées de « terres très stratégiques
» pour les jardinages des produits agricoles. Ainsi, les Boulamat et/ou
les propriétaires des terres rendent la vie difficile aux occupants
passagers qui exploitent d'une manière provisoire les terres. Les «
ennemis de la culture » (le troupeau des boeufs, chèvres, moutons,
etc.) détruisent les champs des jardiniers. C'est ce qui explique
souvent les conflits éleveurs-jardiniers d'une part, et les
jardiniers-jardiniers pour les espaces stratégiques d'autre part.
Planche 1:Case de riziculture à
Miskiné
Source : enquête de terrain, septembre
2021
40
Aussi, en dehors de la culture du riz pratiquée dans le
premier arrondissement de la ville de N'Djaména, ils existent autres
activités qui relèvent du domaine agricole, notamment la culture
du Béré-béré sur les sols noirs. A cet effet, les
conflits pour la plupart entre les acteurs sont liés d'une part à
l'occupation des espaces stratégiques favorables pour ladite culture et
d'autres parts, les destructions des champs des riz, gombo, de
Béré-Béré par les troupeaux. Ces conflits
représentent selon les acteurs interviewés près de 70% des
conflits enregistrés annuellement au Tchad. Les éleveurs et les
agriculteurs collaborent très rarement dans la mesure où, les
éleveurs bénéficient d'un « appui invisible
», mais « lourde » de la part des autorités
compétentes. Selon un habitant du quartier Zaraf, les troupeaux
appartiennent aux généraux, ministres, etc. Aucun agriculteur ne
pourra se livrer dans une bataille toute en sachant qu'il perdra d'avance.
Sinon, il faut être dans un parti politique influent, à l'instar
du parti de la majorité présidentielle (MPS) pour avoir une
couverture sociale aisée. (Voir la photo ci-dessus).
Photo 1: Champ de Béré-Béré
à Madaga
Source : enquête de terrain, octobre
2021
Les propriétaires des champs de
Béré-béré déplorent par ailleurs le fait
qu'ils sont condamnés dans leurs champs de peur de les voir
dévastés par le troupeau des boeufs ou moutons. Un informateur
affirme qu'il rencontre plusieurs problèmes dans la pratique de cette
activité rentable. Malheureusement, ils passent les nuits dans les
champs avec tous les risques qu'ils encourent, lesquels sont liés
à la chaleur en journée. La température varie souvent
entre (35 à 40°C) en journée et pendant la nuit (10 à
20°C).
Ainsi, la peur de voir leurs champs dévastés,
les propriétaires de Béré-Béré ne peuvent
plus exercer autres activités économiques parallèles. Ils
ne peuvent plus à cet effet, pendant la période de la culture de
ce mil, joindre les deux bouts. Or, sur d'autres cieux, les
propriétaires
41
de Béré Béré exercent autres
activités économiques dans le secteur informel (Clando, taxis, co
mmerces divers, maçonneries, plomberie, etc.) L'Etat doit intervenir
promptement afin de mieux cerner ces crises qui contribuent davantage à
la dégradation du tissu social au Tchad. De même, le mieux serait
de contrôler les élevages dans les villes et les orienter selon
certaines trajectoires bien définies.
8. Les éleveurs
Les éleveurs sont ces acteurs propriétaires des
terres pour la plupart. Ils sont les descendants des premiers occupants des
terres dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. On
trouve dans cette catégorie, les arabes autochtones résidant dans
les zones périphériques et même dans les « zones
rurales » devenues « zones urbaines » par le
processus d'urbanisation. Ces acteurs se retirent du centre urbain pour la
sécurité de leurs troupeaux. On les trouve dans les quartiers
tels que « Djougoulié village », le « Koudou » de
Madjorio, Ardeptiman (Hillé Fulata77). Ils sont très
présents sur les terres urbaines dans le premier arrondissement de la
ville de N'Djaména. C'est ce type de phénomène que Jean
Marc ELA qualifie de la « villagisation des villes » africaines. Ceci
dans la mesure où, les villes africaines ont pour la plupart un pied en
« ville » et un pied au « village ».
C'est en quelque sorte les « villes villages ». C'est pourquoi on
observe les troupeaux des éleveurs en ville.
L'élevage dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména ne fait pas d'une manière cadrée. La photo 1
à gauche montre quel point il y a une imbrication du rural dans «
l'urbain » et/ou 80% des activités pratiquées dans les
milieux urbains tchadiens proviennent du secteur primaire. L'industrie ne joue
pas un très grand rôle dans le développement
socioéconomique dans le premier arrondissement. La plupart des
industries présente produit les boissons alcoolisées (les
Brasseries du Tchad ; les Sociétés de FOKOU Fobert, etc.) ne
produisent en grande partie que les boissons alcoolisées.
Or, plus de 80% des habitants du premier arrondissement sont
impliqués dans le secteur primaire. Le problème survient lorsque
les animaux qui huèrent dans la nature détruisent les cultures ou
les produits d'autres personnes. Les conflits éleveurs-agriculteurs en
Afrique subsaharienne en général et au Tchad en particulier
expliquent davantage ce « danger » que constitue
l'élevage non cadré en « ville ».
77 Mot signifiant en arabe tchadien le quartier des
peuls
42
Planche 2: Troupeau de moutons et de boeufs à
Djougoulié
Source : enquête de terrain, septembre
2021
De ces images, apparait clairement la notion d'ELA de «
gros village » ou des « villes villages » dans la mesure
où on observe dans les quartiers du premier arrondissement de
N'Djaména les activités relevant du secteur primaire. Ainsi, les
individus pratiquent à environ 80% les activités du secteur
primaire. Le manque d'un emploi stable a donc contraint certains acteurs
à s'investir dans d'autres secteurs pour chercher à «
joindre les deux bouts ». Le président tchadien dans son discours
à la nation le 31 décembre a demandé à la jeunesse
tchadienne de s'investir dans l'agriculture. Il estime que les «
portes de la fonction publique ne pourront contenir tous les acteurs ».
Les agriculteurs que nous avons rencontrés peuvent être
qualifiés de « mixtes », dans la mesure où, ces
derniers ont suivi quelques fois autres cursus, professionnel ou
académique. Le travail qui s'octroie désormais sur la base des
« relations familiales », « claniques » et/ou politiques a
donc causé un écart entre les acteurs dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména. Les acteurs interviewés
durant notre recherche affirment n'avoir jamais suivi les formations en
agronomie pour avoir la qualification des « pleins agriculteurs »,
mais disent qu'ils s'inscrivent dans une mouvance de Lavoisier où «
rien ne se perd, rien ne se crée, mais tout se transforme
».78
78 Source : enquête personnelle, Octobre 2021
43
Graphique 1: Répartition des différents
secteurs d'activités
50 50
40
30
20
10 2 5 5 10
0
28
Source: enquête de terrain, octobre
2021
Les résultats de ce graphique montrent que
l'élevage occupe la deuxième place dans l'économie des
habitants du premier arrondissement de la ville de N'Djaména, soit une
valeur proportionnelle de 28?. Néanmoins, cette activité se fait
d'une manière anarchique; elle n'est pas cadrée et cause des
nombreux problèmes entre les éleveurs et les agriculteurs lorsque
les troupeaux déciment les plantations des paysans. De même, il se
pose les problèmes en rapport aux espaces d'une part pour les
activités agricoles, et d'autre part, pour les pâturages des
troupeaux. Les questions de l'ancienneté et des nouveaux venus dans les
zones se posent tous les jours entre les différents auteurs.
9. Les fabricants de briques
Confrontés aux difficultés d'ordre
économique, social, politique et même environnementale, certains
individus se sont convertis très vite dans la culture de la «
débrouillardise » relevant du domaine informel. Ces acteurs
constituent une partie non négligeable des acteurs intervenant dans la
gestion foncière dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména. Généralement, ces derniers n'achètent
pas les espaces des terres qu'ils exploitent pour la fabrication des briques en
« poto-poto »79.
Aussi, ces individus exposent les briques soient en terres,
soient cuites pour les éventuels services et besoins des acteurs
urbains. Ils peuvent affecter de très grandes surfaces des terres en
creusant des vastes espaces des terres afin de bénéficier des
terres exploitables. Ils louent les espaces qu'ils exploitent avec les chefs
gérants et/ou certains propriétaires terriens. Les luttes
surviennent dans le positionnement stratégique des espaces faciles
à creuser et aussi de
79 Terme courant en Afrique subsaharienne qui
renvoie aux constructions en terre non durable. Reprit par Balandier dans
BALANDIER G. (1985) La sociologie des Brazzaville noire, 2e
Edition, Paris, Collection de Sciences Politiques
44
trouver des terres exploitables. Les acteurs de cette
catégorie proviennent d'autres secteurs d'activités. Ils sont
pour la plupart les jeunes diplômés sans-emplois, mariés
et, qui sont contraints de chercher une activité rentable pour le «
bien-être » de leurs familles.
Au vu de son importance dans l'économie tchadienne,
l'Etat gagnerait en accompagnant ces acteurs par une couverture formelle. Car,
ils subissent les « casses têtes » au quotidien de la part des
Boulamat et/ou des propriétaires terriens. Ces acteurs loin de
constituer un « danger social » comme les « virus
»80, ils cherchent au contraire une insertion sociale à
leur manière. Les photos suivantes montrent les briques produites.
Planche 3: Exposition des briques à la
carrière de Madaga
Source : enquête de terrain, novembre
2021
Les véritables casse-têtes opposent ici certains
individus non identifiés qui assurent la gestion des terres et des
espaces exploitables pour la fabrication des briques destinées à
la construction des bâtis modernes ou semi modernes. Cette
activité de fabrication des briques est en effet, une sorte de mesure
palliative à la cherté des prix des matériaux de
construction au Tchad. Le tableau ci-après est celui de prix tarifaires
des ciments dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.
Tableau 1: Prix tarifaires des ciments dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména
N°
|
NOMS DE PRODUITS
|
UNITES
|
PRIX UNITAIRES
|
1.
|
SONACIM
|
01
|
7500FCFA
|
2.
|
CIMENT CAM
|
01
|
11.000FCFA
|
3.
|
QUIFEROU DANGOTE
|
01
|
11.500FCFA
|
4.
|
CIMENT SAO
|
01
|
7.500FCFA
|
|
80 Le terme virus est utilisé dans la ville de
Douala pour qualifier les agresseurs de premier ordre
45
Source : enquête de terrain, septembre
2021
La spéculation des prix des ciments sur le
marché dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména
explique les fortes demandes en briques cuites par les acteurs issus des
couches sociales les plus vulnérables et aussi certaines
catégories des fonctionnaires civils ou militaires. La forte demande des
briques cuites pour les constructions a augmenté les conflits des terres
dans les milieux urbains lesquels se justifient pour des espaces disponibles
pour les fabrications des briques. Les individus non identifiés
prélèvent les rançons avec les travailleurs d'une
manière journalière et quelque fois augmentent les prix de
location des espaces. Les prix de location des espaces varient d'une personne
à une autre est fonction des liens de parenté avec les
propriétaires terriens. Les agents de l'Etats (communes) jouent un
rôle non négligeable dans la spéculation au tour des terres
disponibles pour les « industries des briques » qui relèvent
de la débrouillardise.
Aussi, les manques d'intégration sociale et à la
fonction publique des diplômés sans-emplois a aussi
entrainé l'afflux des acteurs « oubliés » vers ce
secteur des fabrications des briques qui est selon eux, « mieux porteurs
». Nous estimons que si l'Etat définit clairement les
modalités d'occupation des terres pour les fabricants des briques, les
litiges liés aux espaces pourront diminuer. Or, la latitude
laissée aux particuliers de gérer les terres est très
dangereuse dans la mesure où elle est non contrôlée par les
acteurs. Les prix de briques un peu abordables expliquent aussi une forte
demande au vu des prix très élevés des ciments pour un
investissement durable. Le tableau ci-dessus illustre le prix de briques cuites
selon les différentes qualités.
Tableau 2: Prix tarifaires des briques dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména
N°
|
NOMS DE PRODUITS
|
VALEURS UNITAIRES
|
1.
|
BRIQUES DE 15 CM
|
75FCFA/unité
|
2.
|
BRIQUES DE 20 CM
|
100FCFA/unité
|
|
Source : enquête de terrain, septembre
2021
Comparativement aux prix de parpaing, le prix varie d'une
manière considérable. Une brique de 15X10 CM en parpaing
coûte 350CFA et 400FCFA les briques de 20X10 CM. Un tel prix ne permet
pas à tous les acteurs de s'approprier très facilement des
briques pour les constructions durables. Aussi, le fait que les terres ne sont
pas loties au préalable sèment de
46
confusions chez les acteurs qui ont peur d'investir de peur
d'être déguerpis après par les séances de «
chasses aux sorciers ».
10. Les ramasseurs des sables
Les ramasseurs des sables sont cette catégorie
d'acteurs qui interviennent dans la gestion foncière à travers le
ramassage des sables dans les carrières privées et/ou publiques.
Ils participent dans la gestion des terres à presque 70% dans les
transactions foncières urbaines en générale et du premier
arrondissement de la ville de N'Djaména en particulier. Aussi, au regard
de la forte demande des « citadins » et des acteurs des
périphéries du premier arrondissement pour la construction de
l'habitat durable « des maisons en dur »entrent dans le
circuit des acteurs stratégiques de la gestion des terres dans le
premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Ces acteurs entassent
souvent, les terres sur des vastes espaces pendant les saisons sèches
afin de tirer un surplus à la saison de pluie.
De plus, pendant la saison sèche, une bene des sables
coûte 60.000FCFA, mais à la saison de pluie et suite aux
montées des eaux du Chari, une bene coûte 120.000FCFA. A travers
ces stratégies, plusieurs individus déçues dans d'autres
domaines d'activités se convertissent en chauffeurs-conducteurs de gros
porteurs des sables dans le premier arrondissement de N'Djaména.
Toutefois, le risque lié à leur mobilité
quotidienne est très élevé. Près de 60% de ces
chauffeurs-conducteurs ont un permis de conduire, mais n'ont jamais eu une
formation sérieuse dans les auto-écoles. Les accidents de
circulation liés aux gros porteurs deviennent de plus en plus
nombreux.81
11. Les pêcheurs
Les pêcheurs dans le premier arrondissement occupent une
place importante dans la gestion des terres urbaines. Ils seraient venus selon
plusieurs informateurs, du Logone Oriental, Occidental, du Mandoul, du Moyen
Chari, de la Tandjilé, du Mayo Kebbi Est et Ouest, du Mali et du
Cameroun. Selon un informateur, « les véritables casses
têtes sont liés aux espaces réservés par les autres
pour la pêche »82.
Par ailleurs, les produits de la pêche sont vendus sur
les marchés locaux (marché de Farcha, de Djougoulié, de
Zaraf), et le surplus, vers le marché central de la ville de
81 Entretien avec un habitant du quartier Zaraf en
octobre 2021
82 Entretien avec un habitant du quartier
Djougoulié en novembre 2021
47
N'Djaména. Cette catégorie d'acteurs exerce
leurs métiers à travers des méthodes traditionnelles de
pêches avec les filets à petites mailles, les hameçons,
etc. Ainsi, on y trouve dans cette catégorie d'acteurs les agriculteurs
convertis en pêcheurs suite à la sécheresse que traverse le
pays. Malheureusement, les pêcheurs professionnels n'existent
pratiquement pas dans cette catégorie. Certains acteurs de cette
catégorie disent qu'ils pratiquent cette activité (la
pêche) juste pour chercher les poissons pour la consommation familiale ;
sauf le surplus est vendue.83
Aussi, selon les plus anciens pêcheurs, les agents de
l'Etat sont aussi des pêcheurs, mais des « pêcheurs
masqués », parce que, les policiers, les gendarmes, les
militaires, les agents forestiers utilisent les grenades dans les surfaces
douces afin de capturer les poissons. Au vu du contexte sécuritaire
inquiétant, et aussi, au vu de la détention des armes par ces
agents, l'Etat devrait mettre sur pieds une commission chargée de suivi
de ce secteur. Ainsi, monsieur DJIM déplore cette situation en ce
terme,
les agents de l'Etats se « sucrent » sous la
« couverture docile » de l'Etat. A travers ses différents
services de renseignement, notamment ANS, l'Etat doit non seulement veiller
à la protection de la sécurité des citoyens tchadiens,
mais aussi veiller au contrôle du secteur pêche qui constitue une
véritable perte pour le pays. La sécheresse et le
réchauffement climatique déciment ce secteur et les agents de
l'Etat viennent encore ajouter une marque de perte. Aussi, au regard de la
menace climatique et des pratiques non contrôlées par l'Etat,
plusieurs races des poissons ont malheureusement disparues des années
1970 aux années 2021.84
Planche 4: Pêcheurs dans la rive droite du
Chari
Source : enquête de terrain, Novembre
2021
Les conflits fonciers opposent ici les pêcheurs dits
Baou et les pêcheurs qui viennent simplement chercher « la sauce
». Les conflits sont liés aux espaces disponibles pour la
pêche,
83 Entretien avec un habitant du quartier Farcha en
octobre 2021
84 Enquête personnelle, septembre 2021
48
les acteurs issus des autres secteurs d'activités se
convertissent peu à peu dans la petite pêche pour chercher la
« sauce » et qui, vendent le surplus de poissons. Ces pêcheurs
se heurtent au quotidien aux Baou qui ne détiennent pas forcément
une carte professionnelle des pêcheurs, mais se reconnaissent simplement
du domaine juste par leur ancienneté dans le domaine et/ou, par leur
attache à ce métier depuis plusieurs années par le biais
de la socialisation à la pêche par leurs parents.
Les enjeux liés ici aux espaces disponibles sont grands
dans la mesure où le gouvernement tchadien a interdit toute
mobilité sur le fleuve Chari pour des questions sécuritaires et
aussi sanitaire. Donc, les zones autorisées pour la pêche sont
très restreintes, par conséquent des rides conflits
éclatent entre les Baou et les chercheurs des « sauces ».
Aussi, une stratégie des agents sécuritaires se développe
autour des espaces disponibles pour la pêche. Les agents de
sécurité et de contrôle fluvial (gendarmes, policiers, ANS,
forestiers, douaniers, etc.) présent au bord du fleuve Chari imposent
leur logique aux pêcheurs qui doivent les payer une somme d'argent afin
d'exercer sur les rives du Chari. Ces agents de sécurité
utilisent les pirogues motorisées pour traquer tous pêcheurs qui
refusent d'adhérer à leur logique.
De plus, les Baou tchadiens s'opposent de plus en plus aux
Baou LAKA originaires du Cameroun voisin qui développent eux aussi des
stratégies très complexes dans le domaine de la
sécurisation de l'espace disponible pour la pêche. A cet effet,
comment connaitre la limite entre le Logone et le Chari. C'est une
préoccupation très ambigüe mais qui, jusque-là semble
échapper à toute analyse scientifique. Les différends
entre les pêcheurs sur les bords tchadiens et camerounais sont
récurrents. Lesdits différends ont aussi pour toile de fond
l'exploitation des « Ngara » des Baou par les chercheurs de «
sauce » et aussi par les Baou eux-mêmes. Désormais chaque
Baou définit sa zone de pêche comme si les fleuves appartenaient
officiellement à une catégorie de personnes. Les zones
circonscrites par d'autres pour la pêche avec les « Mouchouk »
ne doivent pas faire l'objet d'une présence d'autres pêcheurs.
Malheureusement, selon monsieur MISSENGAR, « jusque-là le
gouvernement tchadien n'a pas défini clairement les mesures pouvant
permettre une pêche apaisée et bien claire ».
Aussi, les différends opposant les pêcheurs sont
pour la plupart sous-estimés par les autorités compétentes
au point de générer autres différends qui se soldent par
les pertes en vies humaines. Il semble judicieux de recenser tous les acteurs
qui interviennent dans ce secteur afin de mieux cerner le contour de ces
différends. Souvent les mauvaises pratiques, notamment les trafics des
drogues, des produits illicites se cachent derrière la pêche.
L'Etat
49
doit identifier tous les pêcheurs en mettant sur pied un
fichier biométrique contenant leurs identifications.
De même, l'Etat doit définir clairement les zones
de pêche et contrôler ses agents qui bloquent les mobilités
des Baou au quotidien par les tracasseries financières qu'ils
entretiennent depuis plusieurs décennies, mais « masquées
» par les « gourous ».
Les Baou interviewés durant notre recherche se disent
« asphyxier » par les agents de l'Etats dans l'exercice de
leur métier de pêcheur. La situation sécuritaire
dégradé et aussi les exactions terroristes qui frappent en plein
fouet la sous-région CEMAC a obligé le gouvernement d'interdire
toutes transactions sur le fleuve Chari. Aussi, monsieur DJIMANGAR affirme que,
« les pêcheurs tchadiens entrent en conflit au profit des
endroits stratégiques pour la pêche et aussi avec les
pêcheurs originaires du Cameroun et du mali qui résident sur le
sol tchadien pour la pêche ». Les personnes interviewées
au carrée 5 du quartier Farcha disent qu'elles sont originaires du
Cameroun voisin. Ils sont de la tribu LAKA du Cameroun.
A cet effet, les enjeux autour des espaces disponibles pour la
pêche deviennent grands. Les pêcheurs ici sont confrontés
aux « casses têtes » des premiers arrivants et des agents de
l'Etat qui se positionnent comme les « acteurs de premier ordre »
dans la gestion foncière et des fleuves.
III. LES STRATEGIES DEVELOPPEES PAR LES ACTEURS DANS LE
PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE
N'DJAMENA
Les individus pour mieux sécuriser leurs terres
développent des stratégies plus ou moins formelles. Ces
stratégies dépendent des enjeux auxquels sont liées les
terres disputées pour des diverses activités économiques
et/ou pour l'habitation. Généralement, les stratégies non
durable sont entreprises par ces acteurs, mais aussi l'influence politiques et
symbolique bat son plein fouet dans le processus de domination et
d'intimidation.
1. Les stratégies des chefs gérants
(Boulamat)
Le gouvernement tchadien dans sa politique de la
décentralisation de la gestion foncière reconnait les Boulamat
comme ses auxiliaires dans les transactions foncières. Cette
volonté de l'Etat s'appuie sur une reconnaissance du foncier coutumier
d'une manière formelle par les institutions étatiques existantes.
Néanmoins, les Boulamat entretiennent de transactions foncières
très complexes et contradictoires dans la pratique. Cette
reconnaissance
50
du droit coutumier sur la question foncière au Tchad
investie les Boulamat de deux attributions mêlées l'une à
l'autre : sur le plan administratif (Ils sont reconnus par la loi comme
auxiliaire de l'Etat) et aussi sur le plan traditionnel (ils sont investis par
les traditions et coutumes locales existantes). Ces deux aspects du pouvoir
reconnus et détenues par les Boulamat se réfèrent aux
types d'autorités décrites par WEBER.
2. Sur le plan traditionnel
Les Boulamat arbitrent les litiges qui surviennent dans leurs
circonscriptions et le plus souvent débouchent sur les
résolutions à la muable des litiges rencontrés qu'ils
soient fonciers ou non. Ils appellent aussi souvent les différents
autres chefs traditionnels pour davantage faire asseoir son autorité
d'une manière durable. Les chefs des races l'aident dans la gestion de
son pouvoir en assurant l'intermédiaire entre lui(Boulamat) et les
communautés concernées par les litiges. Après son
décès, le premier né de ses enfants le succède.
3. Sur le plan administratif
Les autorités tchadiennes des années 60
à nos jours se sont rythmées à une administration duale,
le `'bicéphalisme» en le rendant formel par les textes juridiques
et aussi, en montrant clairement le statut à l'attribution de ladite
chefferie.85 Ainsi, le Boulamat reconnue comme auxiliaire de l'Etat
auprès des autres individus est investi du pouvoir traditionnel qui le
permet de gérer les biens en rapport au foncier. Toutefois, il se livre
en « véritable contrebandier » de la terre en
morcelant les terres des particuliers et aussi, en vendant une seule parcelle
à plusieurs individus comme le cas du Congo avec la spéculation
des chefs gérants. Par ailleurs, le Boulamat en tant qu'auxiliaire de
l'Etat entretient des relations très étroites avec les
démembrements de l'administration gérant le foncier.
4. Les colonisateurs
Les colonisateurs font partis des principaux acteurs
intervenant dans la gestion des terres dans le premier arrondissement de la
ville de N'Djaména. Ils occupent de très grandes parcelles de
terre dans les milieux urbains tchadiens. Ils peuvent être
considérer comme l'un des principaux acteurs dans la mesure où,
ils ont le système traditionnel de gestion des terres en introduisant
dans les socio-cultures existantes une nouvelle logique qui est celle de
85 NDJAFA O. (2001). Cité par MAHAMAT A.B.
(2013). In « Extension urbaine et problèmes fonciers dans
les quartiers périphériques de la ville de N'Djaména : le
cas du quartier Toukra ; Mémoire du master en géographie,
Université de Maroua, p.72
51
« propriété privée ».
Cette manière de voir a entraîné une profonde dynamique
dans les sociétés existantes.86 C'est ce qui fait dire
M. COQUERY que :
les Européens usurpent les droits traditionnels
d'attribution de l'usage du sol. Ils s'approprient au sens occidental du terme,
des fractions d'espace qui, en milieu urbain peuvent être modestes au
départ, mais ce faisant, ils enclenchent un processus
irréversible et posent désormais comme fondamental le
problème de la spéculation foncière. 87
A cet effet, le foncier dans le premier arrondissement de la
ville de N'Djaména est en partage entre les différents acteurs.
Aussi, après l'indépendance du Tchad le 11 août 1960, les
grandes firmes occidentales à vocation capitalistes se sont mises
à l'assaut pour l'acquisition des espaces des terres à des fins
économiques.88 C'est ainsi que, le premier arrondissement est
à la fois une industrielle du fait de l'existence de plusieurs
industries lourdes, notamment les Brasseries du Tchad(BDT), les Compagnies
Sucrières du Tchad(CST), le Grand Moulin du Tchad(GMT), les abattoirs
frigorifiques de Farcha, etc. qui, créées au départ dans
l'optique de satisfaire les besoins des occidentaux. De nos jours, les
Brasseries du Tchad demeurent toujours leur propriété.
IV. LES STRATEGIES DES OCCUPANTS
Généralement, les occupants développent
des stratégies d'accaparement diverses et très complexes. Les
acteurs les plus influents profitent de leurs rangs sociaux pour s'accaparer
les espaces des terres, malgré les caractères conflictuels des
rapports de force qui se nouent au quotidien sur les terres dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména. Dans le présent travail,
les acteurs clés ont été répertoriés.
1. Les acteurs prioritaires
Plusieurs acteurs entrent dans la gestion des terres dans le
premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Les acteurs
prioritaires dans la gestion foncière ici sont ceux-là qui jouent
un rôle de première ordre dans le processus d'acquisition des
terres, leurs mises en valeurs et quelque fois ceux impliqués dans les
conflits fonciers dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména. Ces acteurs usent de leurs positions sociales et
stratégiques pour sécuriser les terres et les mettre en valeur.
Généralement, les acteurs prioritaires ici sont les agriculteurs,
les éleveurs, les pêcheurs, les propriétaires occupants,
les locataires, l'Etat, les ONG, etc.
86 TCHOTSOUA M. cité par ONANA ONOMO J.P.,
p.84
87 COQUERY M., cité par OWONA ONOMO J.P,
p.84
88 OWONA ONOMO J.P, idem, p.84
52
2. Les agriculteurs et les éleveurs
La première catégorie d'acteur développe
une stratégie d'accaparement très particulière. Elle
s'appuie sur le principe du droit traditionnel selon lequel, la terre
appartient aux premiers occupants. Partant de là, les agriculteurs qui
effectuent les travaux champêtres sur les portions des terres s'estiment
propriétaires des terres qui ont été mises en valeurs
à travers leurs diverses activités économiques. Il se
dégage aussi que, « le droit de la hache » est le
seul reconnu par ces acteurs dans le cadre d'accaparement et de la
sécurisation des terres dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména.
De plus, la plantation d'arbres dans les espaces
occupés prouve à suffisance que, « cette portion de
terre appartient à telle personne ou à telle communauté
». De même, les éleveurs quant à eux, se basent
sur les endroits où ils pétries souvent leurs bétails.
Souvent, ils se dissent propriétaires de cours d'eaux qui, selon eux,
sont mises en valeur par leurs troupeaux tous les jours. Les Signes de leur
présence se justifient par les bouses de leurs bétails sur les
espaces.
3. Les pêcheurs
Les pêcheurs développent de stratégies
diverses d'occupation d'espaces. D'abord, ils se basent sur les liens sociaux
qu'ils entretiennent d'une part, et sur le principe du droit traditionnel
d'occupation du sol, « la terre appartient aux premiers occupants
» d'autre part. Aussi, les pêcheurs s'imposent par les actes de
violences physiques (bagarres, inflations des actes barbares aux autres),
symboliques (violences verbales, intimidations des autres). Les
stratégies de sécurisation développée par les
pêcheurs sont : la mise en valeur des cours d'eau, et des rives des
fleuves par les pirogues, les filets, les dépôts des bois dans
l'eau (Ngara),
4. Les populations
Les populations comprennent ici les fonctionnaires de l'Etat,
les étudiants, les élèves qui développent eux
aussi, des principes spéculatoires pour entrer en possession des terres
dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.
Généralement, ces acteurs possèdent par les achats des
terres auprès des propriétaires, Boulamat, par des legs ou les
héritent après le décès de leurs parents. Les modes
de sécurisation les plus dominants sont les constructions des
habitations, les constructions des points d'eaux (puits, forages), la
plantation d'arbres, clôture par les poteaux, les briques, etc.
53
5. Les ONG et les opérateurs
économiques
La dernière catégorie d'acteur acquiert les
portions de terre par achat auprès des propriétaires, des
Boulamat, et aussi, par legs par le gouvernement surtout lorsqu'elles militant
pour le bien-être de la population. Dans le présent cas, les ONG
dominantes sont les ONG islamiques qui se manifestent par les constructions des
points d'eaux, des mosquées dans le premier arrondissement de la ville
de N'Djaména. Les stratégies de sécurisation
développée sont l'obtention du titre foncier.
CONCLUSION PARTIELLE
Il était question dans ce chapitre des acteurs du
foncier et les stratégies des sécurisations des terres dans le
premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Il a été
démontré que les acteurs qui interviennent dans le foncier dans
cette circonscription administrative sont de plusieurs catégories d'une
part : les Boulamat, les habitants du premier arrondissement de la ville de
N'Djaména(les éleveurs, les agriculteurs, les pêcheurs, les
fabricants des briques, les ramasseurs des sables) et, d'autre part l'Etat
à travers les différents organes en charge de la question
foncière.
CHAPITRE II: LES ENJEUX FONCIERS DANS LE
PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA
55
INTRODUCTION PARTIELLE
Le présent chapitre met en exergue les jeux et les
enjeux du foncier dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména. A cet effet, un accent a été mis sur les enjeux
sociaux (représentation sociale de la terre comme un bien appartenant
à la communauté et par lequel, la communauté investie
l'individu sur les terres par son appartenance ethnique, clanique
;économiques( activités économiques qui se font autour des
terres) ;politiques( les terres sont les lieux de lutte de classe et
d'injonction des logiques contradictoires ;épistémologiques( le
foncier nécessite un renouvellement des productions scientifiques ; et
environnementaux(la croissance démographique constitue un pant
néfaste pour la couverture végétale. Plus
précisément, les différentes représentations et
perceptions que les acteurs du premier arrondissement de la ville de
N'Djaména se font des terres. De m
I.LES ENJEUX DU FONCIER DANS LE PREMIER ARRONDISSEMENT DE
LA VILLE DE N'DJAMENA
Le foncier dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména regorge plusieurs enjeux au regard de la rareté des
terres cultivables disponibles et aussi, de la densité
démographique grimpante inquiétante. A cet effet, les individus
sont tous à la recherche des terres bénéfiques
nécessaires pour toute activité économique d'une part, et
pour faire asseoir leur domination sur les autres d'autre part. La terre
reflète ne couvre pas seulement les enjeux liés à
l'habitation, mais elle renferme plusieurs enjeux. Ces enjeux sont en fonction
de son usage par les acteurs.
1. Les enjeux politiques du foncier
Les enjeux politiques du foncier dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména se justifient par les luttes
stratégiques et idéologiques qui se font autour des terres
urbaines. Ainsi, les individus acquièrent les parcelles des terres en
fonction de leur rapprochement des partis politiques influents, et/ou du parti
politique au pouvoir. Durant nos entretiens dans le premier arrondissement de
la ville de N'Djaména, plusieurs personnes interviewées estiment
que la terre est devenue quelque chose de prestige, de réussite sociale.
Ainsi, selon monsieur HASSANE,
les terres à Farcha deviennent de plus en plus un
lieu d'injonction, d'imposition du pouvoir des élites politiques
bénéficiant des calibres étatiques. Nous sommes souvent
influencés par les politiciens du quartier et aussi par les acteurs qui
possèdent plusieurs hectares des
56
terres. Ces différents envies de la terre ont fait
que, la terre devienne l'une des ressources la plus convoitée par les
individus pour leur
positionnement social, et aussi politique.
Les individus interviewés affirment que les acteurs qui
possèdent les grandes parcelles des terres sont socialement et
politiquement respectés. De même, selon monsieur MINGABEY, «
les politiciens usurpent de leur rang social pour s'accaparer les terres
des autres sous le couvert de l'Etat. » L'analyse sociologique du
« fait foncier » montre à quel point, le foncier
constitue la toile de fond des crises observées dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména.
De plus, il ressort aussi une dimension conflictuelle qui
oppose plusieurs acteurs au sujet des espaces convoités. La terre est
donc ici un « champ » où un lieu de lutte permanente
où chaque acteur veut se légitimer pour prouver sa domination sur
les autres. Cette posture corrobore avec la vision bourdieusienne du champ.
Par ailleurs, au regard des luttes autour des terres, les
résultats obtenus lors de notre recherche révèlent que,
les Boulamat et les délégués départementaux
auprès des différentes communautés urbaines influencent
politiquement les autres individus de la couche sociale. Ainsi, la
reconnaissance du prestige social se fait par la capacité d'un acteur
à posséder plusieurs lots des terres, voir des hectares. Or, la
constitution du Tchad ne donne pas la possibilité aux particuliers
d'avoir au de-là d'un hectare des parcelles en zone urbaine.
Paradoxalement, plusieurs informateurs affirment détenir plusieurs lots
des terres, voire des hectares dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména.
En outre, d'autres informateurs estiment aussi que, la
situation politique des individus influence largement sur leur manière
d'occuper le sol. Ainsi, cette situation est souvent fonction de la place qu'un
acteur occupe dans la société, les acteurs politiques structurent
leur position dans une logique de domination, et d'imposition de leur
manière de voir les choses. Le pouvoir des Boulamat est dès lors
relégué au second rang par ces politiciens. Les terres sont en
quelque sorte un « champ » au sens bourdieusien du terme,
où ne peut s'affirmer que, l'individu financièrement et
politiquement reconnu par l'Etat.
De même, les informations recueillies
révèlent que, « le foncier est le lieu par excellence de
contradiction », et des résistances entre les acteurs ; un
lieu d'imposition et des mesures de force par les autorités
étatiques d'une part, et entre les différents acteurs
impliqués dans les transactions foncières d'autres part.
57
Par ailleurs, la sociogenèse de la question
foncière montre davantage que, les luttes orchestrées autour des
terres rurales et urbaines se rapportent à un héritage colonial
de la domination, mais dans le cas pratique, il s'agit de la «
domination des noirs par les noirs ». Cette situation se rapporte
à un rapport permanent de force, de violence et d'antagonisme
inspiré davantage de la période coloniale. Le gouvernement local
(les dirigeants tchadiens) en général, et les Boulamat en
particulier ont fait ce « copier-coller » des textes de leurs «
maîtres » en imposant aux autres acteurs les lois
foncières inspirées des idéaux étrangers. C'est
ainsi qu'ils parleront des terres « vacantes et sans maîtres
» ou encore « des terres libres de toute occupation
effective » à partir de l'année 1967 par les textes en
rapport au domaine national tchadien.
Ainsi, nous voyons là la volonté de vouloir
toujours faire ce que les « maîtres » demandent au
point de créer dans nos sociétés les classes comme fut le
cas aux Etats Unis où les productions de Marx illustrent davantage.
C'est dans ce sens qu'on assistera aux divisions de classes dans les
sociétés africaines sous prétexte des promotions des
« politiques de développements ». C'est un lieu par
excellence de démonstration permanente du pouvoir où les acteurs
qui détiennent légitime l'appliquent sur les autres. Il est ici
question d'un jeu où les acteurs ont un pouvoir reconnu comme tel
profite pour opprimer les autres afin de les faire savoir la place qu'ils
occupent dans la société. C'est ici une quête de
notoriété et d'affirmation de soi dans un contexte où,
certains hommes semblent perdre leur crédibilité dans la
société. Le champ foncier peut aussi être
appréhendé comme un lieu de domination et d'application de
force.
2. Enjeux juridique du foncier dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména
Les enjeux juridiques du foncier se trouvent ici dans le vide
juridique d'une part, et la reconnaissance du droit traditionnel en ce qui
concerne le dispositif d'occupation des terres d'autre part. Les individus
interviewés affirment que les textes adoptés par l'Etat dans la
gestion foncière ne siègent pas avec les expériences
tchadiennes ou traditionnelles africaines des terres. Ils (informateurs)
estiment aussi que, l'objectif premier du document issu de la colonisation ne
tient pas compte de la « jurisprudence » dans les
sociétés tchadiennes. En analysant les informations recueillies
par ces informateurs, nous constatons que le problème se trouve non
seulement dans le « vide juridique » en rapport à
l'élaboration des « textes authentiques » sur le
foncier au Tchad, qui permettre une mise sur pied d'une
législation foncière autonome, mais aussi, de faire un «
juste milieu » des lois foncières
étrangères. C'est
89 Termes propres à Jean Marc ELA qui permet
de comprendre la vie quotidienne des individus, leur devenir quotidien à
partir des logiques qu'ils inventent.
58
dans ce sens que LEY estime que, « les textes
fonciers africains sont issus de la colonisation, notamment du code civil de la
France ». Il ajoute aussi que,
« le code civil français imposé aux
pays de l'Afrique Subsaharienne ne répond pas, plus concrètement
ne cadre pas avec les réalités locales africaines en
générale et ivoiriennes en particulier. Il ajoute que le fait que
le gouvernement ait fait un « copier-coller » de ce code civil a mis
les paysans ivoiriens dans une situation de vulnérabilité
certaine ».
C'est à travers le texte de 1900 qu'il s'appuie pour
mater les paysans. De plus, le concept des « terres vacantes et sans
maîtres » a été typiquement repris, selon les
acteurs interviewés, les terres sont mise en valeur au quotidien par
leurs troupeaux, et par eux-mêmes via les activités de ramassage
de « brindilles ». De même, selon monsieur BOURMA,
leurs ancêtres pratiquent depuis plusieurs décennies sur les
terres l'agriculture et quelque fois tendent des pièges sur les terres
dans leur portion. Sous prétexte de présenter « une preuve
valide », l'Etat s'approprie les terres des pauvres. L'appropriation
des textes fonciers moderne par l'Etat a créa une mal
compréhension desdits textes par la grande partie de la population
tchadienne, ceci dans la mesure où, près de la moitié de
la population tchadienne ne connait ni lire, ni écrire. Le gouvernement
devrait prendre cet aspect en compte avant d'élaborer lesdits textes
issus du droit positif français. C'est dans cette optique que monsieur
Djimet Ateib déclare en ce terme :
[...], pourquoi nos présidents sont ainsi ?
Où irons-nous après leurs accrochages sur les textes des «
nassaras ? Mais (...), pourtant, on ne connaît même pas
l'importance de ces textes chez nous. La loi islamique est la mieux
adaptée chez nous, oui (...) ; quelque chose des Blancs il faut prendre
avec des réserves. Le Blancs cache toujours une idée
derrière ces choses.
En réalité, le propos de ce monsieur, vient
attester à quel point les habitant du premier arrondissement de la ville
de N'Djaména courent un gros risque par le « mimétisme
» du gouvernement tchadien en se « focalisant »
sur le texte issu du droit positif français. Or, dans le contexte
tchadien, le foncier revêt une dimension traditionnelle non formelle, que
formelle. Ainsi, son rôle consiste selon certains informateurs, à
prendre en compte les réalités locales, autrement dit, des
réalités du « peuple d'en bas » afin de
s'arrimer à une « anthropologie de la quotidienneté
»89
90 LE ROY Etienne cité par CHENE-SANOGO Alima. (2012).
: « Enjeux Fonciers et Développement Durable au Mali »,
Thèse du doctorat Ph. D, Université de Bourgogne, UFR
Droit-Science politique, p.75
59
3. Les enjeux symboliques du foncier
Les enjeux symboliques du foncier se situent dans les
pratiques sacrales autour des terres et/ou des eaux. Selon monsieur MOSSOUM,
« la terre ne peut pas être perçue occidentalement, ici,
nous effectuons des rituels au bord du fleuve pour remercier les dieux avant de
pêcher ». Nous entretenons des relations particulières
avec nos terres. Nous considérons nos terres au de-là d'un lieu
d'habitation, mais aussi comme un lieu où, nous communiquons, communions
avec nos ancêtres qui, autrefois décédés pour avoir
un support spirituel solide. La plupart des informateurs affirment que, «
la terre peut revêtir autre aspect que, l'aspect symbolique. Ceci
dans la mesure où, elle est assimilée à « une
mère qui porte en elle plusieurs enfants ».
Ainsi, les individus entrent en possession des terres de
différente manière et selon les relations qu'ils entretiennent
avec les chefs gérants. Aussi, nous constatons qu'elle s'obtient par un
legs, un don de la part des autorités coutumières aux individus
demandant. La terre dans ce contexte a une étroite relation avec les
acteurs locaux dans ce sens qu'elle représente à leurs yeux une
« dernière demeure » où ils enterrent leurs
morts, la « demeure des aïeux » et des «
ancêtres ». C'est ainsi que l'aspect sacré est
à première vue dès qu'on aborde la question
foncière dans les sociétés traditionnelles. Cette
conception confère à la notion de terre une dimension plus ou
moins religieuse. Dans ce sens, tout a trait aux esprits et aux dieux qui ont
protégés les aïeux durant des longues expériences.
Cette analyse est similaire à ce que MENDRAS a décrit dans son
ouvrage, La fin des paysans, où les acteurs entretiennent des
relations particulières avec la terre. En outre, la sacralité de
la terre consiste à l'attribuer un aspect divin, humain qui est
assimilé à cet effet comme un don des dieux et des esprits. Cette
tendance il faut noter qu'elle exclut toute perception matérialiste de
la terre. C'est dans cette optique que LE ROY E affirme en ces termes :
Pour les africains, la terre ne peut ni être
évaluée monétairement, ni être identifiée
à un bien marchand. En effet, l'homme et la terre sont unis par un lien
de nature ontologique et, en outre, la terre constitue le support principal des
ressources alimentaires. Pour ces deux raisons de survie et d'ontologie, la
terre doit rester au sein du groupe qui en dépend. Elle s'intègre
ainsi dans une dynamique patrimoniale et non économique. La terre n'est
pas la chose d'une personne, mais une chose commune, une » richesse
partagée selon un degré de maîtrise, temporaire,
spécialisée ou exclusive. 90
60
Par ailleurs, ces acteurs entretiennent une relation
sentimentale avec leurs terres et ne cherchent pas forcément à
tirer les gains, car les paysans ayant hérités les idéaux
ancestraux de leurs parents n'ont pas une vision capitaliste de la terre. La
terre représente à leurs yeux le « grenier », une
« mamelle nourricière », « une mère
», « un lieu du repos. »91 En plus,
GIANOLA partage aussi l'idée selon laquelle le foncier en Afrique
Subsaharienne ne se réduit pas à la dimension matérielle,
mais inclut autres facteurs. C'est dans ce sens qu'elle pense que comme tout
système social, la terre ne se réduit pas seulement à ses
dimensions matérielles. Si tel était le cas, les hommes
travaillaient la terre, extrairaient et transformeraient ses fruits en produits
économiques simplement pour vivre et faire vivre leur famille et
encourager un développement économique plus profond. Au
contraire, ils consacrent une partie de leurs heures à des actes
économiques improductifs. A partir de certains seuils, ils
arrêtent de produire et commencent à s'occuper d'eux-mêmes
investissant du temps, de l'énergie et de l'argent dans des
activités qui servent à leur propre développement ainsi
qu'à celui de leur communauté. Dans ce sens, « le foncier
» est un phénomène à double dimension. Il a une
dimension matérielle ou techno-économique ainsi qu'une dimension
immatérielle ou sociale92.
Aussi, il est important de noter que la « terre »
dans les sociétés traditionnelles africaines est loin de
renfermer essentiellement une dimension matérielle en tant que bien
marchand, mais elle constitue une source de vitalité, de survie et
même de vie. Elle est dans la tradition africaine assimilée au
même titre qu'une personne, car « elle donne sens à leur
vie, les nourrit et est reproductrice. La terre est également en Afrique
subsaharienne un lieu du visible et de l'invisible où se pratiquent les
rites sacrés avec les aïeux. C'est un lieu dans lequel les
ancêtres sont enterrés. La terre ne fait pas l'objet d'une
matérialisation quelconque ; moins encore d'une vente. Les individus y
attachent une relation particulière à la terre. » C'est
dans ce sens que les acteurs entretiennent des relations mystiques avec la
terre dans leur quotidienneté, car elle assure la communication sociale
et sacrale entre les individus.93 José R. Martinez Cobo
s'inscrit à cet effet dans cette mouvance selon laquelle la terre est un
lieu de sacralité dans les sociétés africaines. C'est ce
qui le fait dire en ces termes :
Il est essentiel de connaître et de comprendre la
relation particulière, profondément spirituelle, que les
populations autochtones ont avec la
91 MENDRAS H. (1967).La fin des paysans, Paris, PUF,
p.93
92 GIANOLA C. E. (2000). La sécurisation
foncière, le développement socio-économique et la force du
droit. Les cas des économies Ouest africaines de plantation (la
Côte d'Ivoire, le Ghana et le Mali), Paris, l'Harmattan, p12.
93 GIANOLA, op.cit., p.237
61
terre, élément fondamental de leur existence
et substrat de toutes leurs croyances, leurs coutumes, leurs traditions et leur
culture. Pour les autochtones, la terre n'est pas simplement un objet de
possession et de production. La relation fusionnelle des populations
autochtones avec la Terre-Mère, avec leurs terres, qui imprègne
toute leur vie spirituelle, a beaucoup d'incidences profondes. La terre n'est
pas une marchandise que l'on peut s'approprier, mais un élément
naturel dont chacun doit pouvoir jouir librement.94
En outre, certains chercheurs dans leurs travaux ont
épousé l'idée selon laquelle n'est pas que source
matérielle, ils estiment qu'elle renferme l'immatériel
également. Les travaux d'Etienne Le Roy sur la sacralisation et
l'humanisation illustrent davantage cette perception peu matérielle de
la terre. 95 Selon GIANOLA, considérée la terre
à la dimension matérielle la classe dans la perspective
essentiellement économique qui est le propre des sociétés
occidentales qui estiment toujours tirer un profit de la terre. Or, les
relations que les paysans africains entretiennent avec la terre n'ont pas
forcément un calcul mathématique de gain. C'est ainsi que les
parcelles de terre ne sont pas mesurées «
géométriquement » par les acteurs pendant le
partage. Ils estiment pour la plupart les dimensions de terre ; les legs aux
autres. A cet effet, admettre que la terre est un bien matériel semble
être une analyse partielle dans ce sens que l'analyse du foncier
diffère d'un milieu social à un autre ; d'une
société à une autre et est fonction des moeurs sociales
données. La terre ne se réduit pas à un bien source de
richesse même dans les sociétés qui se caractérisent
par la prédominance du modèle économique.96 La
terre est un bien commun dont l'appartenance à une communauté ou
clan donne droit. C'est ce qui fait dire Otcha-Akpa B en ce terme :
(...) patrimoine parentalisé (terre de culture,
résidence, brousse), le patrimoine communautaire (bijoux, pagnes...),
les avoirs matérialisés (champs de café, cacao, argent) et
les avoirs individualisés (bijoux, pagnes, chapeaux, machettes,
etc.).
Quant au patrimoine des communautés villageoises,
il est constitué par les `'dédéku-wus» (terres des
cultures, forêts, zone de pêches) les espaces sacralisés
(temples, églises, cimetières), les objets sacralisés
symboles du pouvoir (la chaise royale chez les Agni).97
94José R. Martinez Cobo cité par CHENE-SANOGO
Alima: « Enjeux Fonciers et Développement Durable au Mali »,
Thèse du doctorat Ph. D, soutenue le 20 décembre 2012,
Université de Bourgogne, UFR Droit-Science politique p.47
95 LE ROY Etienne cité par GIANOLA. (2000). in La
sécurisation foncière, le développement
socio-économique et la force du droit. Les cas des économies
Ouest africaines de plantation (la Côte d'Ivoire, le Ghana et le
Mali), Paris, l'Harmattan, p39.
96 GIANOLA, Ibidem
97 OTCHA-AKPA B. cité par GIANOLA. (2000). in La
sécurisation foncière, le développement
socio-économique et la force du droit. Les cas des économies
Ouest africaines de plantation (la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Mali),
Paris, l'Harmattan, p237.
62
En effet, dans le contexte africain, si nous acceptons nos
conceptions purement matérielles, le « foncier » n'est qu'un
système qui se réfère aux techniques agricoles et à
la production matérielle pour assurer la survie dans le cas des produits
d'exportations pour gérer des revenus. Mais parmi les populations
rurales il y a également une dimension immatérielle, car il est
indissociable des réseaux sociaux. Pour avoir accès à une
parcelle de terre dans le milieu rural africain en général et
tchadien en particulier, il faut appartenir nécessairement à une
famille, un groupe reconnu et apprécié par la communauté.
C'est ce qui fait dire C'est ce qui dire KOUASSIGAN en ces termes : «
La propriété elle-même de la terre appartient à
la famille ou au groupe social, l'individu n'en a pas moins un droit à
faire valoir. En d'autres termes, si la propriété est celle du
groupe, l'individu jouit de la possession de la
terre.»98
C'est ainsi dans le premier arrondissement de N'Djaména
les terres appartenaient d'abord aux premiers occupants qui sont les arables et
c'est ces derniers qui sont chargé pour la plupart à la gestion
de toutes les parcelles des terres dans cet arrondissement. Ils
accédaient ainsi aux parcelles des terres par leurs appartenances
à la famille reconnue par tous les autres membres de la
société.
Aussi, il faut noter que l'acquisition des parcelles se fait
de nos jours par une monnaie, mais avec les « BOULAMAT »99
qui s'estiment propriétaires des terres. Ici, l'instruisions de la
monnaie dans les transactions foncières a donc modifié l'aspect
sacral de la terre. De nos jours, les femmes en possèdent leurs propres
parcelles des terres qu'elles ont achetées par leurs propres argents.
L'argent a donc durablement modifié les moeurs tchadiennes en ce qui
concerne l'acquisition des terres. Or, avant l'instruisions de la monnaie, les
individus entraient en possession de la terre soit par un legs, soit par un
troc. Les acteurs pratiquent les activités qui leur donnent un moyen
nécessaire de survie à l'instar dans la culture de «
Béré-béré »100.
4. Les enjeux démographiques
La croissance démographique non maîtrisée
constitue depuis plus de deux décennies un défi majeur que
doivent relever les chefs d'Etats africains pour pouvoir asseoir d'une
manière durable la sécurité dans leur terroir. Les
individus dépeuplent de plus en plus les campagnes au profit des villes.
C'est ce qui explique la forte concentration de la population dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména.
98 KOUASSIGAN ADJETE G. (1966). L'homme et la
terre, Droits fonciers coutumiers et droit de propriété en
Afrique Occidentale., édité par l'Office de la Recherche
Scientifique et Technique d'Outre-Mer, Paris, Berger - Levraut, p. 125.
99 Chefs traditionnels assurant la gestion
foncière dans le milieu rural qu'urbain tchadien. Ils sont les premiers
Occupations
100 Sorgho de décru cultivé au Tchad à
partir du mois de Septembre
63
De plus, les espaces des terres deviennent de plus en plus les
lieux de lutte, et où se nouent des relations sociales complexes. Les
individus venus à la recherche d'un emploi se sédentarisent,
créant une incertitude à la maîtrise de la ville, et aussi
aux autres défis que les villes du sud font face. Au vue de
l'insécurité alimentaire que traverse le Tchad, la course aux
terres se fait pour la pratique des activités économiques
diverses, et aussi pour la construction d'un bâti provisoire ou durable.
C'est d'ailleurs pour cette raison que, les terres dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména deviennent très rares,
très convoitées, et alimentent les conflits très violents
entre les agriculteurs du part, et les éleveurs d'autre part. En outre,
s'ensuit la croissance numérique des cheptels limite les espaces des
pâturages et quelques fois mêmes envahissent les champs des
agriculteurs. C'est aussi là, l'une des causes des conflits fonciers.
En plus, le changement climatique que traverse le Tchad a donc
poussé les individus de zones moins fertiles vers les zones
estimées fertiles à la recherche d'une meilleure condition de
vie. C'est ainsi que certains groupes ethniques s'installeront progressivement,
et définitivement dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména pour la pratique de la culture irriguée. ZOUGOULOU note
d'ailleurs que, le phénomène drastique du changement climatique
qu'a connu le pays a obligé certains acteurs à une «
migration sans merci vers les zones estimées fertiles et favorables pour
les diverses activités ».
5. Les enjeux environnementaux
Les enjeux environnementaux trouvent pour la plupart leur
fondement dans la dégradation sans cesse de l'écosystème
par les acteurs dans le cadre de leurs activités économiques
diverses et pour l'habitation. Ces acteurs en pratiquant d'une manière
exagérée leurs activités économiques causent la
destruction de l'environnement et d'autre part limitent les espaces de terres
utiles pour tous travaux nécessaires. C'est dans ce sens qu'il semble
que la gestion non efficiente des ressources naturelles peut entraîner
des énormes conséquences liées à l'accès
à la terre dans le milieu urbain Tchadien. De même, le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména a perdu la grande partie de sa
couverture végétale dans le cadre des grandes réalisations
des entreprises par l'Etat, et aussi par les particuliers pour des raisons
diverses.
A cet effet, L'Etat gagnerait donc en mettant sur pied une
commission de contrôle, et des surveillances des activités qui
sont en rapport à la destruction de la flore, et aussi des espaces des
terres pour les usages publics, à l'instar des carrières. C'est
dans cette lancée que plusieurs ONG ont menées de recherche dans
ce domaine afin de mettre en surface le
101 ELLA ELLA B.S. (2016). Quand le capitalisme
cynégétique envahi la boucle de Dja : essaie à
l'enracinement de l'écosociologie, Yaoundé, PUY, p.8
64
problème lié à la gestion non efficiente
des terres et les conséquences qu'elles engendra dans le long terme sur
la vie des acteurs. C'est le cas par exemple de LANDCAM qui estime que la
question du développement durable doit être la moelle
épinière de toutes les réflexions scientifiques sur les
thématiques foncières. Aussi, ce comité ajoute que pour
une gestion sérieuse des terres, il faut intégrer les
réalités environnementales existantes et déboucher sur une
gestion participative des terres. L'exemple de l'Est Cameroun a
été mis en surface à cet effet.
De même, ELLA estime que, « les acteurs
braconniers au tour de la boucle de Dja entretiennent des stratégies
spéculatives qui contribuent à la dégradation sans cesse
de l'écosystème ». Ces stratégies selon ELLA
« n'affectent pas seulement la faune, mais aussi la flore qui semble
être détruite par les braconniers ».101
6. Les enjeux épistémologiques
Dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména, les acteurs interviewés estiment qu'ils n'existent pas
concrètement des mesures d'accompagnement entreprises par le
gouvernement tchadien. Ils notent aussi que, le document qu'élabore le
gouvernement tchadien sur le domaine foncier sont juste des textes vides de
sens. 62 après les indépendances du Tchad, les lois
adoptées par le gouvernement n'ont pas été
révisées dans le contexte tchadien.
Aussi, Selon certains habitant, « les
différents dirigeants » quelques fois pour des raisons de
conservation de leurs intérêts particuliers « modèlent
» les textes sur le foncier à leurs faveurs laissant ainsi de
côté les travaux aidant à la construction d'une paix
durable. Les chercheurs n'ayant aucun pouvoir décisionnaires apportent
un aperçu lumineux par leurs travaux aux différents
problèmes auxquelles les acteurs sont confrontés. Or, il existe
plusieurs documents sur la gestion foncière. Malheureusement, les avis
ou contributions des chercheurs ne sont pas pris en compte par les
décideurs publics.
En outre, les chefs d'Etats africains en épousant les
« idéaux » de leurs « maîtres
» semblent mettre de côté les productions existant sur
le foncier et aussi les réalités locales qui ne cadrent pas avec
les manières d'occupation et/ou de la maîtrise des écrits
sur le foncier. A cet effet, les connaissances scientifiques sur les litiges
fonciers dans ce contexte ne serviront pas à grande chose dans la mesure
où, les chefs d'Etats ont épousés les propositions qui
leurs
65
ont été faites par soit les bailleurs de fond,
soit les grandes puissantes colonisatrices. C'est ainsi que plusieurs
individus, voire les chefs traditionnels dit de n'avoir pas une grande
connaissance des textes ou les écrits sur le foncier. Ces productions
n'auront pas une grande incidence sur les décisions entreprises par les
chefs locaux en ce sens que le choix et décision découlent du
choix politique et économique.102
En plus, les difficultés pour les chercheurs africains
et les chefs d'Etats d'avoir des textes unanimes sur la politique
foncière semblent poser un sérieux problème en ce sens que
chacun cherche à appliquer les textes qu'il considère comme bonne
et aussi, veut prouver aux autres de quoi il est capable. Dans cette situation,
il sera très difficile d'envisager des perspectives durables pour la
gestion ou la résolution efficiente des litiges fonciers. Ces faits
énumérés sont ce que certains chercheurs qualifient du
« référence précolonial » où le poids de
la colonisation pèse durablement sur la manière de penser des
individus dans les sociétés africaines
contemporaines.103
7. Les enjeux économiques
Le foncier dans les sociétés paysannes
africaines est considéré comme une mamelle nourricière.
C'est ainsi que toutes les activités économiques reposaient sur
lui. Les acteurs locaux pratiquent l'agriculture, l'élevage, le
commerce, la pêche, la chasse. La terre dans ces sociétés
ne fait pas objet d'une monétarisation. Elle se prête, se legs et
s'obtient par gage. Cependant, après l'avènement du capitalisme
marchand dans les sociétés paysannes africaines, ces valeurs
anciennes disparaîtront peu à peu cédant ainsi la place
à la vente plus ou moins formelle des terres. Les terres autrefois
léguées par les acteurs aux autres feront désormais
l'objet des conflits. Au vu de la raréfaction, les terres deviennent
très convoitées pour diverses raisons. 104Les
dirigeants africains d'autrefois ont donc procédés à une
phase intensive de vente des terres aux investisseurs internationaux pour les
cultures de rente. Cette situation est plus illustrée par
ELA.105La terre ici n'est pas seulement dans sa conception ancienne
comme un « grenier », « mamelle nourricière
», mais prend une autre dimension qui est économique.
Désormais, chacun cherche à tirer le profit de la terre. C'est
dans cette lancée que, les élites locales (gouverneurs ;
préfets ; sous-préfets ; enseignants, etc.) se mettrons dans une
vaste campagne d'achats des terres pour les grandes plantations. L'exemple du
Sud
102 CHAUVEAU J.-P. et al. Idem, p.21
103 CHAUVEAU J.-P. et al. Ibidem, p.21
104 CHAUVEAU J.-P. et al. Idem, p.26
105 ELA J-M.
-(1982).Afrique des villages, Paris, Karthala ;
-(1980).Quand l'Etat pénètre en brousse...les
ripostes paysannes à la crise, Paris, Karthala ;
66
Cameroun démontre à suffisance. En effet, la
visée économique de la terre est le propre des
sociétés occidentales qui font le calcul «
géométrique » de l'espace de terre pour espérer en
tirer un gain.
8. Les enjeux sociaux
La terre dans le passé au Tchad était la chose
de la communauté tout entière, car on l'acquiert en appartenant
forcément à un clan, une tribu, une famille. Ainsi, au lieu que
l'individu s'individualise sur les terres, c'est la communauté tout
entière qui s'affirme. C'est ainsi que c'est la communauté qui
attribue la « personhood » et c'est par l'appartenance
à un groupe ou une communauté qu'elle attribue à son tour
cette « personhood » à l'individu qui tirera profit.
Par contre, certaines personnes estiment que l'individu peut s'affirmer en tant
qu'acteur sans la société, or l'individu est le produit de la
société. La visée individualisme fait partis du projet du
philosophe JOHN LOCKE selon laquelle l'homme s'investie dans la terre, mais ici
c'est plutôt la communauté qui
s'investie.106Néanmoins, il faut noter que les enfants
exerçaient les métiers de leurs parents parce qu'ils ont durant
un long processus de la socialisation appris les métiers de leurs
parents pendant une dure expérience. La terre est ici, à leurs
yeux « considérée comme une mamelle nourricière
» dans la mesure où les individus tirent le fruit de leurs
travaux grâce à elle et aussi les relations sociales autour d'elle
sont régies par le respect de la tradition, des valeurs ancestrales qui,
donnent le plein droit à un individu membre de cette
communauté.107
Ainsi, cette même vision est partagée dans les
sociétés traditionnelles africaines dans ce sens que, la terre
appartient aux premiers occupants, c'est-à-dire, ceux-là qui
l'ont mise en valeur soit par leurs activités champêtres, soit par
les bâtis. Ils sont aussi les gardiens de la tradition et transmettent
ces idéaux reçus de leurs ancêtres à leur
progéniture pour la pérennisation de leur tradition. C'est dans
cette optique que, au Tchad plus précisément dans le premier
arrondissement de N'Djaména, la gestion de terre est familiale. Les
individus pour la plupart passent leur temps en famille, et quelques
années après, ils s'estiment prêt et cherchent une parcelle
pour leurs enfants. C'est ainsi que, la famille dans les sociétés
africaines jouent un rôle très capital dans le devenir d'un
individu. Son économie et sa vie se fondent sur la famille. Dans la
plupart des sociétés tchadiennes, après les parcelles de
terres offertes aux enfants, leurs parents se dotent leurs femmes pour enfin
les préparer à intégrer la vie active. La conversion de
ces enfants dans d'autres secteurs d'activités s'est faite par le
106 GIANOLA, Op.cit; p.180
107 MENDRAS H. Op.cit, p.98
67
biais de l'intuition du moderne dans ces
sociétés qui, autrefois étaient des sociétés
rurales, mais prise en plein fouet par l'urbanisation non
contrôlée, deviennent de plus en plus des sociétés
mixtes.
La monnaie a détruit en grande partie les liens
parentaux entre les acteurs.108 L'individu est lié ici
à sa société ou groupe par un lien de parenté, de
sang, par une généalogie parentale laquelle le situe dans sa
société. Son statut social dépend aussi fortement de
l'étroit respect de la tradition. C'est à partir de ce moment que
l'individu peut prétendre à une parcelle de terre. La terre se
transmet d'une génération à une autre selon les
sociétés dans lesquelles se trouvent les acteurs. L'argent n'a
pas une grande influence dans ces sociétés en ce sens que les
terres ne sont pas vues comme une entreprise pouvant générer de
revenues matérielles, mais en tant que « grenier
»109
En d'autres termes, la terre dans les sociétés
traditionnelles africaines est indissociable de l'individu qui la
détient. L'individu est fortement lié par un lien de
sacralité, car il assure un continuum qui varie entre le rapport
d'inséparabilité (la personne, individu ou groupe étant
indissociable de la terre avec laquelle il est lié) et un rapport de
séparabilité (à savoir la terre est complétement
séparable de la personne en raison de sa valeur purement
économique. C'est ainsi qu'au départ dans les
sociétés africaines la terre été
considérée comme communautarisée, parentalisée,
voire même personnalisée, c'est-à-dire qu'elle est
inséparable du groupe ou de l'individu auquel elle est associée.
C'est d'ailleurs pour cette raison qu'on pense que l'homme n'est pas
dissociable de la terre.110 C'est dans ce sens que GIANOLA estime
que, « dans les sociétés africaines la terre ne doit pas
être aliénée dans ce sens qu'elle est la
propriété de la communauté et c'est cette
communauté qui investit les acteurs dans cette dernière
». La « personhood » dépend à cet
effet fortement de la communauté qui constitue la base de toute
société traditionnelle africaine.
L'individu n'est pas pris ici dans la singularité comme
le cas dans les sociétés occidentales, mais il est pris ici comme
un élément de la société qui l'a investie dans la
« personhood ». Cette logique s'éloigne de celle
faite par LOCKE qui estime que, c'est plutôt l'individu qui s'investie
sur la terre en fonction de ces intérêts. Or, dans ces
sociétés, les individus acquièrent la terre par
héritage et ne font que « jouir » du « fruit
de la terre ». Ils tirent juste les produits de la terre en ce sens
qu'elle est inaliénable. Les ancêtres défendent
108 GIANOLA, Ídem, p.46 109GIANOLA
ibídem, p.46 110 GIANOLA, ibidem, p.47
68
donc à tout acteur la transgression de ces
idéaux et valeurs autour de la terre. C'est dans cette lancée que
Le Roy pense que « la terre n'est pas seulement une chose anonyme
interchangeable. C'est non seulement une richesse, mais parfois une personne
(au sens traditionnel) que l'on fait parler (à la manière d'un
mort ».111
A cet effet, la communauté ne se réfère
pas seulement aux êtres humains en tant que membres de leurs
sociétés, mais aussi à la terre qui est un
élément incontournable dans le processus de la transmission des
valeurs culturelles d'une communauté ou d'un clan. Donc, la
communauté interdit les acteurs d'aliéner la terre car la terre
et la personne dans ces sociétés ne se dissocient pas clairement.
Ainsi, à travers les diverses relations que les individus entretiennent
avec la terre, elle leur assure une sécurité fondamentale de la
vie et de l'existence perpétuelle de ses détenteurs (à
savoir le clan, le village, l'ethnie et même l'individu). Aussi, la terre
constitue selon les africains un patrimoine culturel qui les aide à
définir l'image partagée qui favorise la formation d'un clan ou
d'une communauté.112 Néanmoins, la marchandisation de
la terre dans certaines sociétés africaines marque une nouvelle
ère où les enjeux sont perçus sous leur seul angle
économique. La vision traditionnelle africaine n'intègre pas la
terre comme un « bien » commercialisable.113
CONCLUSION PARTIELLE
Au terme de ce chapitre, il était question des
différentes fonctions que remplie le foncier. Il ressort en clair que,
le foncier joue plusieurs fonctions et son usage diffère d'un individu
à un autre. Au-delà de l'usage des terres pour la construction de
l'habitat, pour la pratique des activités du secteur primaire
(agriculture, élevage, la pêche), les terres représentent
une mamelle nourricière qui, grâce à elle, les vies sur
terres sont possibles. Aussi, les terres représentent les
dernières demeures qui abritent les âmes des individus
décédés.
111 LE ROY Etienne cité par GIANOLA C.E. (2000). In
La sécurisation foncière, le développement
socio-économique et la force du droit. Les cas des économies
Ouest africaines de plantation (la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Mali),
Paris, l'Harmattan, p52.
112 GIANOLA, Op.cit, p186
113 GIANOLA, Op.cit; p.50
DEUXIÈME PARTIE: LES FACTEURS EXPLICATIFS DES
LITIGES FONCIERS DANS LE PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA
ET LES INSTANCES D'ARBITRAGES DES LITIGES
La présente partie est constituée de deux (02)
chapitres. Le chapitre premier aborde les facteurs explicatifs des conflits
fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Dans
le chapitre quatrième par contre, il est question des instances
d'arbitrage des litiges fonciers et les perspectives des résolutions des
différends fonciers dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména.
CHAPITRE III: LES FACTEURS DES LITIGES FONCIERS DANS
LE PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA
71
INTRODUCTION PARTIELLE
Ce chapitre met un accent sur les causes des litiges fonciers
en Afrique en général et, dans le premier arrondissement de
N'Djaména en particulier. A cet effet, les causes diverses des litiges
ont été relevé. D'abord, les causes étatiques
(l'immixtion des agents de l'Etat dans la transaction foncière, les
chefs de carrées/quartiers) et ensuite les causes liées aux
morcellements des terres d'autrui par leurs voisins, les déplacements
des bornes et les repartions discriminatoires des terres entre les
individus.
I.LES RESPONSABILITES DES ACTEURS
Dans cette partie, il est question de mentionner les acteurs
impliqués dans les processus d'alimentation des conflits fonciers. Il
s'agit plus concrètement des responsabilités des personnes
morales ou physiques qui sont les causes des conflits fonciers dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména. Ici, il ressort que les
conflits fonciers sont liés à plusieurs facteurs qui varient
d'une localité à une autre et en fonction de la population qui
l'appréhende. Toutefois, il ressort ici les causes étatiques,
politiques, environnementales.
1. L'adoption et la reprise des textes
non-appropriés par les décideurs publics
Le gouvernement tchadien s'est mis dans le « copier
collage » des textes hérités de la colonisation, et sa
mise en pratique dans le contexte tchadien. Ceci pose un sérieux
problème pour l'instauration d'un climat social serein et d'une
stabilité sociale adéquate. C'est dans cette lancée que,
les personnes interviewées notent que, l'Etat en voulant appliquer
à la lettre les ordonnances issues de la colonisation a
créé un foyer de tensions entre les individus sur les
modalités d'acquisition des terres. C'est dans ce sens que dans le
premier arrondissement de N'Djaména, les individus interrogés
disent qu'ils ne connaissent pas l'importance des textes issues des
années 1967 dans la gestion de leurs terres.
A cet effet, DANA ABBA dans son analyse essaie de mettre en
lumière les différents litiges qui sont nés de la
juxtaposition de deux textes dans le contexte tchadien. C'est dans cette
lancée qu'il note que, les conflits fonciers sont liés à
la coexistence de deux systèmes fonciers distincts et qui ne corroborent
pas avec les réalités locales.
Aussi, il estime que, le foncier traditionnel est plus ancien
que le foncier moderne et, a par conséquent un fondement ancestral non
négligeable. C'est d'ailleurs ce qui le rend légal aux yeux des
individus du fait qu'il est ancré sur leurs traditions. Selon la logique
ancienne, la terre appartient aux ancêtres et aucun individu n'a le droit
de la vendre, ils ne feront que jouir
72
du produit de la terre. Ils sont usufruitiers. Dans son
analyse, l'auteur mention aussi la difficulté que rencontre les pays de
l'Afrique Subsahariennes, difficultés lesquelles liées à
l'inadéquation du droit foncier héritier de la colonisation et
celui traditionnel. L'Etat au nom de la loi a donc déposé les
individus de leurs terres, ceci causera donc des énormes conflits. Il
ajoute aussi que les enjeux autour du foncier se multiplient par le fait que la
population est grandissante et l'entrée de la colonisation dans les
sociétés traditionnelles. On assiste à la
monétarisation de la terre. Désormais l'acquisition des terres
devient emblématique, car elle s'acquiert dorénavant par
l'argent.
En effet, « le véritable
problème foncier se pose dans la coexistence du droit moderne et
traditionnel » et l'Etat doit l'harmoniser le système foncier
tchadien afin de prévenir et limiter les éventuels
conflits.114
Le jumelage de deux logiques sur la gestion foncière a
causé de nombreux problèmes dans le premier arrondissement de
N'Djaména dans la mesure où, les Boulamat dans en vendant les
terres aux individus ne tiennent pas compte de la loi sur le foncier. Ils ne
considèrent non plus le titre foncier comme la seule pièce
maîtresse et s'estiment plutôt comme les propriétaires
légaux des terres, car héritée de leurs ancêtres.
Or, dans le texte moderne, seul l'Etat est le propriétaire des
terres.115
Les litiges fonciers observés dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména selon les informateurs
interrogés sont liés plus à la vente multiple d'une seule
parcelle à plus de cinq individus par les Boulamat. Aussi, la vente
clandestine des terres des autres soit par les membres de la famille et/ou, par
les voisins du propriétaire des terres. Les restes des litiges selon eux
sont souvent réglés entre les différentes parties
prenantes, sans pour autant intervenir la justice.
2. Le désintérêt de l'Etat
Le gouvernement tchadien en tant que législateur des
textes sur le foncier n'assure pas pleinement son rôle. Ainsi, le
résultat obtenu durant notre recherche relève que, 70% des
acteurs se disent insatisfait de la gestion actuelle des terres et de
législation tchadienne sur les questions foncières. De
même, sur 14103 ménages dans le 1er arrondissement de
la ville de N'Djaména, seulement 18%(n?14103) possède le titre
foncier. Selon monsieur
114 ABBA DANA, idem, p.125
115 Entretien avec le Délégué Provincial de
la ville de N'Djaména, en septembre 2021
73
NOURADINE, « le fait que l'Etat ait mis un accent sur
les affinités politiques a donc creusé davantage les fosses entre
les acteurs ». 116Allant dans la même lancée,
selon Me NEMBE,
sur le papier, ils existent les textes qui semblent
assurer la gestion harmonieuse des terres au Tchad. Mais paradoxalement, les
agents de l'Etat sont toujours impliqués dans les corruptions qui se
manifestent par les morcellements des terres des pauvres, les modifications du
plan d'occupation du sol à leurs intérêts personnels.
117
De plus, selon madame MADJITA, « c'est l'Etat qui
définit les modalités d'acquisition des terres qui se font par
attribution sous le contrôle du CATZU (Comité d'Attribution des
Terres en Zones Urbaines) et aussi quelque fois par achat auprès des
Boulamat118. Mais, l'attribution des terres se fait de
manière arbitraire, discriminatoire, voir exclusivement relationnelle
». De plus, Me NEMBE mentionne que, les terres concrètement ne
font pas l'objet d'une attribution comme le définit CATZU, il existe ici
les réseaux influents des acteurs qui appartiennent au clan du
président DEBY, ainsi Me NEMBE ajoute que,
une seule parcelle des terres a souvent plusieurs titres
fonciers. Aussi, certains agents de l'Etat en occurrence les agents du
cadastre, les délégués communaux ; les chefs des quartiers
falsifient les titres fonciers des terrains d'autrui à leur guise. Le
véritable souci se situe dans le fait que l'Etat ne parvient pas
à assurer la gestion contrôlée des terres dans les milieux
urbains. C'est ainsi on constate son absence sur le terrain en ce qui concerne
la gestion des terres. 119
Par ailleurs, selon monsieur HOUWE, l'Etat semble inactif dans
le terrain en ce qui concerne la gestion des terres. Selon lui, le bâton
de commandement que l'Etat accorde aux Boulamat dans la gestion des terres pose
un sérieux problème du fait que, les Boulamat sont toujours
impliqué dans les ventes multiples des terres, des ventes des
réserves de l'Etat aux particuliers, des morcellements des terres des
acteurs. Aussi, selon lui, les Boulamat vendent des terres issues des zones
accidentelles aux acteurs, alors que l'Etat se dit « garants de toutes
les terres » De plus, monsieur HOUWE poursuit son propos en disant
que :
L'inefficacité de l'Etat dans les terrains est
très bien visible et aussi, le manque d'un comité de suivi de la
gestion des terres amplifie davantage les conflits fonciers dans le premier
arrondissement de
116 Entretien avec monsieur NOURADINE au quartier Zaraf, octobre
2021
117 Entretien avec monsieur NEMBE au quartier Madjorio
118 Entre avec le délégué provincial de la
ville de N'Djaména septembre 2021
119 Entretien avec NEMBE en octobre 2021
74
N'Djaména. A ce problème s'ajoutent autres
causes étatiques. Il s'agit de l'occupation anarchique des terres par
les individus.120
De plus, selon monsieur ACHERIF MAHAMAT BACHAR,
délégué provincial auprès de la commune de
N'Djaména, « la part de l'Etat dans l'implémentation des
litiges fonciers s'observe par l'occupation anarchique des terres dans le
premier arrondissement de la ville de N'Djaména faute d'une politique
d'urbanisation au préalable ». L'analyse sociologique de ce
propos révèle une sorte de discrimination sociale dans les
gestions des terres et aussi, une crise sociale marquée par la
montée en puissance d'une élite politique méconnaissable.
Ainsi, Monsieur ACHERIF MAHAMAT BACHAR estime que,
normalement le gouvernement tchadien doit au
préalable définir clairement le plan d'occupation du sol et
après que, mettre sur pied une mesure d'accompagnement visible afin
d'éviter toute confusion en rapport aux ventes, aux occupations des
espaces à N'Djaména et plus précisément dans le
premier arrondissement de N'Djaména. L'Etat au lieu d'assurer le
lotissement des terres au préalable, ne le fait pas toujours dans tous
les cas, sauf dans certaines zones. Cette manière étatique
crée des énormes désordres dans le milieu urbain en
général, et dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména en particulier. 121
Aussi, le député TCHARI MADI MAÏNA oriente
ses préoccupations sur la question de la double attribution qui est
à l'origine de ces épineuses crises foncières. Selon le
député, « l'Etat laisse les acteurs mal
intentionnés malmenés les autres alors qu'il se dit garant de
toutes les terres. Aussi, l'honorable TCHARI s'est penché sur la
double attribution des terres. Selon TCHARI, « la double attribution
des terres serait la cause imminente des différends fonciers au Tchad.
Cette pratique est l'une des causes des différends fonciers dans le
neuvième et le premier arrondissement de la ville de N'Djaména
». Aussi, il ajoute que,
L'occupation anarchique des terrains avant leur
lotissement par les agents de l'Etat, alors que l'Etat a un arsenal juridique
permettant le strict respect de ces textes ». Les terrains devraient
être lotis bien avant leurs occupations par les individus. Il a aussi
soulevé le fait que la décision d'immatriculation des terres et
de production des documents dominicaux n'est pas très fluide.122
C'est ce qui expliquera selon lui, la prépondérance des
litiges fonciers au Tchad.123
120 Entretien avec monsieur HOUWE à Karkandjeri, octobre
2021
121 Entretien avec le Délégué provincial
auprès de la commune de N'Djaména, monsieur ACHERIF MAHAMAT
BACHAR
122 « Presse écrite Hebdomadaire `'INFO»
» Ibidem
123 Député TCHARI in Presse écrite
Hebdomadaire `'INFO» » ibidem
75
De même, selon les résultats obtenus, 85% des
problèmes traités au tribunal sont liés à la terre
et pour cause, le déguerpissement des acteurs par l'Etat d'une part, et
la falsification des documents administratifs par les agents de l'Etat d'autre
part. De même, les Boulamat vendent une seule portion de terre à
plusieurs acteurs dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména. Cette situation est très délicate et
préoccupante selon Mme ACHTA AHMAT BREME. C'est ainsi qu'elle note que
:
les doubles attributions des terres deviennent de plus en
plus récurrentes dans nos arrondissements. Du jour au lendemain on voit
les personnes se plaindre de cette pratique. A mon avis, la justice doit
s'impliquer à fond dans ce dossier afin de minimiser les
dégâts causés. De même, il faut fusionner les forces
pour espérer gagner ce pari. Cette situation rend tout lotissement
problématique et les attributaires ont difficilement accès
à leurs parcelles parce que d'autres personnes détiennent chacune
une attestation de vente sur les mêmes parcelles.124
Par ailleurs, la patronne du MATUH estime que, « le
fait que le ministre de la justice n'a pas pris part au congrès tenu ce
jour du 13 au 16 septembre 2018 montre à quel point il semble
sous-estimer l'épineuse préoccupation, le « foncier ».
125De même, elle ajoute que la justice est intimement
liée avec le MATUH, à cet effet, elle (la justice) doit
s'impliquer totalement dans le processus de résolution des litiges
fonciers. Ainsi, « elle suggère au ministre en charge de la
justice à se joindre à eux afin d'atteindre les objectifs
escomptés ».126
Aussi, le rôle de l'Etat dans les causes des conflits
fonciers se justifie par le fait que, le gouvernement tchadien n'a pas lotis au
préalable les terres dans le premier arrondissement de N'Djaména.
Selon monsieur TOK-ALLAH, « les individus construisent des maisons de
façons anarchiques, ils n'ont pas les routes secondaires, ni
principales, et aussi, les terres réservées pour les grands
projets de l'Etat ne sont pas identifiables clairement
».127 L'Etat a laissé la gestion des terres aux
Boulamat qui vendent les terres à leur guise. Aussi, il estime que,
« les Boulamat ne connaissent pas forcément les terres
réservées (celles du domaine public) et privée
(appartenant aux individus ou industries) ».
124 Mme ACHTA AHMAT BREME, Ministre de l'Aménagement du
Territoire, du Développement de l'Habitat et de l'Urbanisme in «
Presse écrite Hebdomadaire INFO », p.3
125 Mme ACHTA AHMAT BREME in « Presse écrite
Hebdomadaire INFO», ibidem
126 Mme ACHTA AHMAT BREME in « Presse écrite
Hebdomadaire INFO », idem
127 Entretien avec monsieur TOK-ALLAH au quartier Zaraf, octobre
2021
128 CROUSSE B et al. (1986). Espaces disputés en
Afrique noire : pratiques foncières locales, Karthala, Paris,
p.141-142
76
D'autres informateurs mentionnent aussi que, le «
laissez-faire » étatique impacte négativement les
activités des individus dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména. C'est dans cette lancée que CROUSSE, LE BRIS et LE ROY
mentionnent que, « la plupart des conflits concernent le tracé
des rues, et aussi la désignation des maisons à détruire,
les conflits de désignation de l'occupant auquel on attribue le terrain.
»128 L'analyse sociologique qui ressort de ce
résultat est que, les habitants du premier arrondissement de la ville de
N'Djaména sont marginalisé dans la gestion des terres. Cette
situation se réfère en quelque sorte à une «
discrimination des opprimés » au profit des «
dominants ». L'Etat semble prendre le côté de ses agents
en dépit des multiples crises causées par les Boulamat.
La photo ci-dessous illustre mieux le cas des maisons
détruites par l'Etat sans une assistance morale et une insertion. (Voir
la photo suivante).
Planche 5: Maisons détruites à
Djougoulié
Source : enquête de terrain, octobre
2021
Les images ci-dessus illustrent les rôles joués
par les Boulamat dans les transactions floues de terre. Ici, il est question
des images des maisons déguerpies suite au changement des plans des
routes ou des servitudes destinées à utilités publiques.
Ainsi, les individus perdent de jour au jour leurs petites portions des terres
au profit des Boulamat.
De plus, les individus chassés de leurs terres par les
opérations semblables à une « chasse aux sorciers »
se verront désormais sans abris. Le gouvernement tchadien en tant
que garant et responsable de toutes les terres au Tchad ne les accompagne
pratiquement pas. Ce gouvernement depuis plusieurs décennies a
cédé son pouvoir de garant de terre « officiellement »
aux Boulamat. C'est ce qui a donné le plein droit aux Boulamat de vendre
les terres non sécurisées, les ruelles et/ou les terres issues du
domaine national aux
77
« innocents vulnérables ». Ledit gouvernement
après avoir été absent vient juste procéder aux
séances de restructuration des rues et des espaces, sans bien
organisé les zones d'occupations.
Par ailleurs, même de nos jours, plusieurs quartiers de
la périphérie ne sont pas sécurisés, à
l'instar de : Gilmey, Madaga, Adré, Abcoma, Zaraf, Bouta wali (Kebir et
Saker, Madjorio (les zones occupées par les arabes), Djougoulié
(les zones occupées par les arabes)
3. La complaisance des Boulamat
Les Boulamat en tant qu'auxiliaires coutumiers et politiques
de l'Etat sont selon Monsieur MBAÏLASSEM impliqués dans «
les différends fonciers ». La plupart des
différends fonciers tranchés dans les juridictions ont pour cause
les ventes multiples des terres par les Boulamat, soit 60? de tous les
différends fonciers observés dans le premier arrondissement de la
ville de N'Djaména. Ainsi, selon monsieur MBAÏLASSEM,
cette implication des Boulamat se justifie d'une part, par
la gestion restreinte des terres, et d'autre part, dans les différentes
attitudes liées à la production des documents administratifs
attestant les ventes des terres à plusieurs acteurs. Les Boulamat
usurpent de leur titre et de leur statut social pour « écraser
» les classes sociales les plus vulnérables.129
la vente répétitive des rues
destinées aux usages publics à des fins égoïstes des
délégués et des Boulamat alimentent davantage les
différends fonciers dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména. Ce phénomène de vente sacrifie les individus
innocents, et qui ont occupés depuis plusieurs années des espaces
des terres « dites réservées ». En vendant les rues
destinées à la servitude, ces agents de l'Etat changent leurs
trajectoires originaires des routes vers d'autres zones d'occupations qui,
mettent les autres acteurs dans la rue sans abri. 130
En outre, selon le résultat obtenu auprès des
enquêtés, 65? des litiges fonciers sont liés aux ventes
multiples des terres, à la falsification des documents administratifs
par les Boulamat, les morcellements des terres des particuliers par les
Boulamat. Cette pratique semble une monnaie courante dans le premier
arrondissement de N'Djaména, au regard du résultat. Elle est donc
sous-jacente de tous les litiges fonciers observés. C'est ainsi que LE
BRIS, LE ROY et CROUSSE estiment que, « la gestion des terres est
tributaire de la bonne ou mauvaise foi des chefs gérants
»131. Curieusement, l'expérience congolaise
décrite par ces
129 Entretien avec monsieur MBAÏLASSEM à Farcha,
octobre 2021
130 Entretien avec monsieur MBAÏLASSEM au quartier Farcha,
octobre 2021
131 CROUSSE B et al. (1986). Espaces disputés en
Afrique noire : pratiques foncières locales, Paris, Karthala,
p.10;
78
auteurs se rapproche de la gestion foncière dans le
premier arrondissement de N'Djaména. Selon Monsieur OUAÏDOU,
les Boulamat décident de vendre les terres comme
ils veulent sans vérifier ou faire recours aux « agents
compétents » de l'Etat. De même, le manque de cadre de suivi
de la gestion des terres par l'Etat favorise les acteurs influents de se
positionner sur les autres acteurs, et aussi de se mettre dans les zones les
plus stratégiques surtout en ce qui concerne les activités
économiques, aussi pour l'habitation. La situation des habitants des
quartiers tels que, Zaraf, Djougoulié, Gilmey sont ceux-là
considérés comme les déviants, car ils occupent des
espaces anarchiquement.
L'Etat n'a pas prévu un plan d'occupation des terres,
ni une planification urbaine sérieuse. Souvent les acteurs
s'achètent les terrains et après quoi se mobilisent en cotissant
pour faire appel aux agents du cadastre de venir lotir leurs zones. Cette
pratique se solde souvent par des rides conflits opposants les agents du
cadastre, et les acteurs locaux d'une part, les Boulamat et les acteurs d'autre
part.132
En plus, l'Etat laisse donc les individus déguerpis du
premier arrondissement de la ville de N'Djaména sans abri Selon les
individus enquêtés, les acteurs chassés de leurs terres se
retrouvent sans habitations, ils dorment dans les lieux publics (écoles,
zones vertes, mosquées, hôpitaux, etc.). Selon monsieur
BOUMZINA,
cette situation précaire des habitants du premier
arrondissement de la ville de N'Djaména, limite leurs mobilités
quotidiennes. Car, ils ne parviennent pas à joindre les deux bouts, car
nombreux d'entre eux sont très endettés, et ont plusieurs mois
des arriérées liées à la location des maisons. Les
individus déguerpis devaient en principe bénéficier de
l'accompagnement des Etats concernés par les « drames
sociaux.133
En réalité, cette situation semble se rapprocher
de celle décrite par Karl Marx lorsqu'il estime que, « l'Etat
entretien des relations discriminatoires, et se plaçant aux
côtés des bourgeois, et qui, exclut les prolétaires ».
Ainsi, selon les acteurs interviewés, « les morcellements
des terres par les Boulamat est la cause première de tous les litiges
fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména
».
De plus, selon certains informateurs, « une seule
parcelle peut donc avoir plusieurs titres de propriétés, et
dès lors, les acteurs se confrontent par des rides combats physiques, et
quelque fois mystiques ». Ils estiment aussi que, « les
individus se font « justice », avant
132 Entretien avec monsieur OUAÏDOU au quartier
Djougoulié, septembre 2021
133 Entretien avec monsieur BOUMZINA à Milezi, octobre
2021
79
d'atteindre les instances juridiques qui ne tranchent
guère ces différends à cause de leurs liens avec ces
chefs. » Par ailleurs, selon NAHOUNNAGR, « dans la pratique,
nous apercevons certains chefs qui ont ce pouvoir de vente et ou des legs des
terres aux individus, mais ces derniers vendent secrètement les terres
des autres. C'est le cas des « Boulamat » dans le milieu rural et
urbain tchadien ».134
En effet, le résultat obtenu de notre recherche
révèle aussi que, dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména, les Boulamat ne se placent pas bien clairement dans leur
posture de garants des terres. Selon monsieur DOURKAMLA,
cette mésaventure commence lorsque, les Boulamat ne
possèdent plus assez des terres. De plus, certains informateurs estiment
que, les Boulamat connaissent bien le plan d'occupation de sol, mais ferment
les yeux sur ces réalités, et profitent des ventes non
réglementées des terres aux individus qui, quelque fois ignorent
le plan d'occupation du sol.135
Les informations recueillies confirment qu'en achetant les
terrains avec les Boulamat, les acteurs participent à une sorte de
« loterie de terre », parce qu'ils ne « savent pas,
avec exactitude, si ces terres sont-elles réellement
sécurisées, mais se disent qu'ils se confient à la bonne
volonté de « dieu » au cas où, les routes ne passent
à travers leurs portions des terres ». Aussi, le fait que, les
Boulamat vendent clandestinement les terres des autres à leurs insu
selon plusieurs informateurs, et cette situation constitue « un danger
de premier ordre », et met en relief, « le rôle
dangereux que le Boulamat joue dans l'alimentation des litiges fonciers dans le
premier arrondissement. »136 Ainsi, Monsieur LAMINE note
que,
les Boulamat vendent les terres des autres pendant la
soirée et peuvent délivrer plusieurs attestations des ventes sur
une seule parcelle des terres. Or, le danger surgit dans le fait que les
terrains appartenant aux autres sont vendus par les chefs gérants. Les
individus achètent ces terres parce qu'ils estiment que ces terres
appartiennent aux chefs gérants. 137
134 NAHOUNNGAR B. (2004). « La
décentralisation administrative, institutionnelle et la
problématique foncière au Tchad » in La question
foncière au Tchad, Acte du colloque scientifique de
N'Djaména 28 juin au 1er juillet 2004 ; septembre 2004, p.171-194
135 Entretien avec monsieur DOURKAMLA à Zaraf en octobre
2021
136 Entretien avec Maître tailleur Djimadoumadji
Bertrand
137 Entretien avec monsieur LAMINE à Karkandjeri en
novembre 2021
80
4. les réseaux des corruptions qu'entretiennent les
agents de l'Etat et le manque de compétence
Les agents de l'Etat (les agents du service du cadastre ; les
fonctionnaires du ministère de l'urbanisme, de la
décentralisation du territoire et de l'urbanisme ; du ministère
de la justice ; les magistrats ; les avocats ; les gouverneurs ; les
délégués provinciaux ; les conseillers techniques ; les
chefs du quartier ; les OPJ ; les CB et les Boulamat constituent la vignette
dans la vente et ou trafique malsaine des terres dans le premier arrondissement
de la ville de N'Djaména. Ces hommes selon monsieur MOUCTAR, «
investis légalement par le pouvoir public dans l'optique d'assurer la
continuité de l'Etat, se servent de leurs calots pour «
écraser » les « laissés pour compte
».138 Généralement, les procès
opposant une grande personnalité à un « laissé pour
compte » n'ira pas vers de pistes sérieuses, étant
donné que le réseau constitué par les agents de l'Etat ne
favorise par une bonne gouvernance foncière. L'Etat au lieu d'assainir
le système en « arrêtant ces bourreaux », se jette juste
dans les séances de remerciement et de reconnaissance politique. Il faut
noter que les postes qu'occupent ces hommes influents est une « sorte de
remerciement » pour les campagnes politiques qu'ils font dans leurs
circonscriptions administratives respectives.
Or, la politique en tant que gestion de la cité selon
PLATON doit se dissocier des mauvaises pratiques qui s'inscrivent dans la
logique du « mapartisme » décrite par le philosophe
MONO DJANA Hubert qui consiste à la réclamation de ses
intérêts personnels au détriment des autres individus. Un
sérieux pays pour son éclosion doit bannir les pratiques injustes
; ignobles et néfastes pour la construction du vivre-ensemble et d'une
paix durable. Ces amalgames que les agents de l'Etat font et leurs usurpations
du titre nous amène à nous interroger sur le devenir du foncier
dans le 1er arrondissement de N'Djaména en ce terme : «
comment le 1er arrondissement de la ville de
N'Djaména est-il arrivé là ?».
De plus, les Boulamat et les agents de MATUH falsifient les
documents administratifs, et vendent les parcelles servant à la
servitude aux individus qui ne maîtrisent pas les rouages en rapport au
plan d'occupation du sol, et aux titres fonciers. En outre, la non
maîtrise des habitants du premier arrondissement de la ville de
N'Djaména des enjeux liés au titre foncier les mets dans une
situation complexe, dans la mesure où, ils perdent des sommes colossales
d'argents aux profits du « réseau mafieux » entretenu par
l'Etat.139 Les agents des cadastres affichent souvent leurs
volontés de s'enrichir avec les terres des « pauvres
vulnérables » sans
138 Entretien avec monsieur MOUCTAR à Farcha octobre
2021
139 Presse Hebdomadaire (2017),« Le
Progrès » n°5155, p3
81
être poursuivis par le service judiciaire parce qu'ils
font partie du « réseau mafieux » constitué.
L'Etat doit à cet effet, se décider en tant que garant de l'ordre
public en poursuivant, chassant ces agents impliqués de près ou
de loin dans les transactions floues des terres.
Ainsi, nous pourrons dire que le pays aspire aux idéaux
biens balisés, sinon le « réseau ruinera » la
légitimité de l'Etat.
Tableau 3: répartition des enquêtés
selon la nature des litiges
Causes des conflits fonciers
|
Effectif
|
Total
?
|
Morcèlement des terres par les Boulamat
|
10
|
100
|
Non-respect des textes fonciers
|
15
|
Flexibilités lors de règlements des conflits
|
5
|
Déplacement des bornes
|
5
|
Complaisance des Boulamat par les ventes des servitudes
|
60
|
Manque des compétences des autorités
administratives
|
5
|
Source : enquête de terrain, septembre
2021
Figure 1: répartition des enquêtés
selon la nature des litiges
Manque des compétences des autorités
administratives
5%
Complaisance des Boulamat par les ventes des servitudes
60%
Morcèlement des terres par les Boulamat 10%
Non-respect des textes fonciers 15%
Déplacement des bornes
5%
Flexibilités lors de règlements des
conflits 5%
Source : enquête de terrain, septembre 2021
5. Les causes politiques et sécuritaires des litiges
fonciers
Durant nos entretiens auprès des habitants du premier
arrondissement de la ville de N'Djaména, il ressort que, la famille du
président Idriss DEBY s'est mise dans une campagne d'accaparement des
terres des pauvres. Selon monsieur SABOUR, « les ZAGAWA du
quartier
82
Karkandjeri ont arraché les terres des gens par la
force et présentent souvent les faux titres de propriétés.
» De même, Madame ASSOUM ajoute que,
mes parents ont perdu leurs terres. Les ZAGAWA dans le
premier arrondissement de N'Djaména sont les élus de Dieu, les
intouchables qui peuvent tout faire. Ils arrachent tous les jours les terres
des gens, ils intimident les gens par les armes. Nous sommes frustrés
depuis lors. Mais on ne se laissera pas faire.140
De même, certains informateurs affirment d'avoir
procéder aux ventes de leur terre sous l'intimidation verbale et quelque
fois violente. Selon un informateur, « les colonels et les
généraux appartenant au régime d'Idriss DEBY ITNO ont
arraché leurs terres par la complicité des maires et des
délégués. Aussi, les agents du CATZU sont de connivence
avec les « intouchables » qui ont des grandes parcelles de terre.
» De plus, certains informateurs estiment que, « lorsqu'un
ZAGAWA achètent un lot de 450 mètres carrés de terrain,
deux années plus tard, il présente un document d'un terrain de 70
mètres carrés de terrain » .Ainsi, monsieur DJIMADOUM
affirme :
Les ZAGAWA déplacent toujours les bornes limitant
leurs parcelles aux autres. Ils nous forcent à vendre nos terres
à leur profil. Mon voisin m'a demandé de lui vendre mon terrain
de peur de leur perdre, car il viendra me trouver avec les ingénieurs,
les agents du service de cadastre pour me déguerpir de mon terrain. Je
suis contraint de le lui vendre moins cher.141
De ce fait, les politiques des différends fonciers sont
liées fortement aux positions stratégiques qu'occupe certains
acteurs, en occurrence les membres du parti au pouvoir et la famille du
président DEBY.
II. LES RESPONSABILITES NON-ETATIQUES
L'Etat n'est pas la seule cause des conflits fonciers dans les
milieux urbains tchadiens en général, et dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména en particulier. C'est ainsi que,
les individus impliqués dans les transactions foncières jouent
aussi un rôle non négligeable dans l'implémentation des
conflits fonciers. Ces causes dépendent des mobiles entrepris par ces
acteurs. Pour la plupart, ces causes se dégénèrent et
créent des sérieuses crises sociales.
140 Entretien avec madame ASSOUM à Madjorio en novembre
2021
141 Entretien avec monsieur DJIMADOUM à Farcha en octobre
2021
83
1. L'ignorance des textes fonciers
D'après le résultat obtenu durant dans ce
travail démontre que, l'ignorance des textes fonciers fait partie des
causes des litiges fonciers dans le 1er arrondissement de la ville de
N'Djaména. Sur 14103, seulement 18? de ménage possède le
titre foncier (n?14103). De même, selon certains informateurs, «
ils ne connaissent pas l'importance des textes sur le foncier. La plupart des
informateurs affirme avoir acheté leur terrain auprès de Boulamat
». Aussi, monsieur DJIMET affirme que,
je n'ai pas osé entamer la procédure pour
obtenir le titre foncier. Mon voisin qui a l'attitude de faire ce papier m'a
dit qu'il coûte très cher. Le jour où je vais construire
une villa, c'est ce jour-là que je vais chercher ce document. Ma maison
est en poto-poto et je fais quoi avec le document coûteux que mon terrain
?142
L'analyse sociologique qui ressort de ce propos est que, les
acteurs habitants dans le 1er arrondissement de la ville de N'Djaména
manque une information efficace en rapport au titre foncier, à la
gestion des terres au Tchad. Or, durant notre exploration, nous avons
découvert qu'il existe tout un ministère en charge des affaires
foncières. De plus, madame ZARA affirme, « je n'ai jamais
entendu parler des textes sur le foncier depuis que je vis. Sauf j'ai entendu
parler de l'attestation de vente de terrain, du gré à gré.
Mais je ne maîtrise plus rien dans ce domaine ».
En outre, certains Boulamat en dépit du poste qu'ils
occupent en tant qu'auxiliaire de l'Etat, ne maîtrisent pas selon
plusieurs informateurs interviewés. Ils estiment que, les Boulamat sont
choisi juste sur la base de leur appartenance au parti au pouvoir, aussi de
leurs liens sociaux avec les maires. Ainsi, monsieur MOUNGAR estime que,
la plupart des Boulamat n'a pas un niveau scolaire
acceptable. Les Boulamat qui ont trop fréquenté ont la licence.
Ils n'ont pas les notions de l'administration, pire encore de gestion des
litiges fonciers qu'ils créent souvent. Normalement, les gens qui
doivent gérer les terres doivent être les gens qui
maîtrisent le pays, les lois du pays. Hum chez les Boulamat c'est le
contraire. De pire, ils se livrent à une pratique dangereuse,
l'arbitrage des conflits alors qu'ils n'ont pas une protection
militaire.
Ainsi, il ressort clairement de ce propos que, l'Etat a
laissé la gestion des terres aux individus qui ne maîtrisent pas
les textes qui régissent les régimes dominicaux au Tchad. Rare
sont d'ailleurs les Boulamat et les acteurs qui connaissent le
bien-fondé de ces textes. A cet effet, monsieur SOUAVOURBE affirme
que,
142 Entretien avec monsieur DJIMET à Abcoma en novembre
2021
84
si je connaissais les textes sur le foncier, je n'allais
acheter bêtement les terrains. Maintenant, je me trouve sans terrain, je
suis déguerpi parce qu'ils m'ont dit que j'ai occupé le domaine
de l'Etat. Mais je me demande comment pouvons-nous faire pour savoir que tel
domaine est la propriété de l'Etat ? D'ailleurs c'est maintenant
que je prends connaissance de ce document grâce à votre
question.
Selon monsieur DATOLOUM, il faut au préalable que
l'Etat sensibilise la population sur les textes fonciers afin de limiter les
éventuels conflits.
2. Les poids des traditions tchadiennes
Le résultat obtenu lors de nos entretiens
révèle que, 97? de ceux qui ont des parcelles de terre sont de
sexe masculin, soit 03? seulement des femmes. Ces deux pourcentages montrent en
réalité les inégalités dans les gestions des terres
dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Ainsi, selon
Madame MAÏMOUNA,
les cultures tchadiennes pour la plupart ne garantissent
pas totalement une sécurité sociale de certains acteurs
estimés inférieurs aux autres. Parmi ces acteurs, figurent nous,
les femmes et les personnes étrangères, les orphelins, les veuves
; etc., qui, selon la grande partie des cultures locales n'ont aucun droit sur
les terres. Cette attitude discriminatoire est souvent source des conflits
fonciers observés dans le premier arrondissement.
De même, il ressort que ce phénomène
discriminatoire s'observe dans presque tout le territoire tchadien. C'est ainsi
que, Hélène LAMBATIM estime que, « l'acquisition
discriminatoire des terres dans les sociétés africaines
alimentent davantage les problèmes fonciers. L'exemple du Rwanda, Congo,
Tchad montre plus clairement que certaines catégories sociales sur la
base de leur statut social n'ont aucun droit sur les terres ». 143
143 LAMBATIM H. (2004). « Femme et foncier au
Tchad » in La question foncière au Tchad, Acte du colloque
scientifique de N'Djaména 28 juin au 1er juillet-septembre 2004,
p.171-194
85
Diagramme 1: Répartition des
enquêtés selon le sexe
MASCULINS
FEMININS
7%
93%
Source : enquête de terrain, septembre
2021
Le présent diagramme montre à suffisance le
faible taux de participation des femmes dans le processus d'acquisition des
terres. Selon les acteurs interrogés, ce faible taux se justifie par les
éléments culturels qui sont défavorable à
l'épanouissement des femmes.
De plus, selon Madame ZARA, « la discrimination ne se
limite pas seulement, dans le processus d'acquisition des terres, mais dans le
processus des gestions de terre après le décès de leurs
conjoints » 144. Ainsi, LAMBATIM estime que,
les femmes sont exclues de la gestion des terres par les
coutumes locales d'une part et, d'autres part la méconnaissance de leur
droit. Car, estime-t-elle que le fait que 95% des femmes tchadiennes sont
illettrées les met dans des situations précaires et
discriminatoires. C'est dans ce sens qu'une femme a affirmé ce qui suit
: « je ne suis qu'une simple femme ! », « qu'est-ce que je peux
dire ? », « ce n'est qu'une femme ». Telles sont les expressions
qu'on entend à l'égard des femmes qu'elles soient du milieu rural
qu'urbain. 145
Selon les enquêtées, « les hommes ont
une perception péjorative » à l'égard des femmes
Cette perception selon Madame DOUNIA, « relègue la femme
tchadienne au second plan sur tous les domaines. Aussi, souvent dans nos
familles, la place de la femme doit être garantie par sa capacité
à « procréer ». En plus, Madame FANE ajoute
que,
la femme dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména perd toute crédibilité si jamais elle ne donne
pas « un héritier » à la famille. Son droit à la
terre est lié à son mariage ; elle peut le perdre suite au
divorce. Ici, l'on est appelé à voir volontiers que les
144 Entretien avec Mme ZARA au quartier Gilmey
145 LAMBATIM H. (2004), ibidem
86
femmes tchadiennes ne sont pas prises en compte dans le
processus
de la gestion foncière.
C'est d'ailleurs dans ce sens que cette illustre et populaire
affirmation tchadienne fonde sa crédibilité : « la femme
doit occuper le second rang ». Cependant, dans la constitution de
1969, tous les acteurs ont les mêmes droits devant la loi. Nous voyons
ici, la difficulté liée à l'application des textes
régissant les droits de l'Homme au Tchad, mais aussi l'inexistence des
textes sanctionnant les acteurs qui tient des attitudes discriminatoires
à l'égard des femmes. L'injustice bat le record dans cette
situation.
Ainsi, selon Mme MAÏMOUNA, nous sommes dans «
une séance de discrimination et d'exclusion des femmes par les
sociétés patriarcales, appuyées par les coutumes locales
» ; « quelques fois barbares » sont prises
« pour argent comptant » car estime-t-on héritées
de nos aïeux. Faut-il exclure au nom d'une culture les autres
catégories sociales. Le rôle de la femme ne saurait se
réduire à la satisfaction du « biologique » en ayant
pour épicentre la « procréation ».146
Ne gagnerons-t-on pas à restaurer une gestion équitable des
ressources naturelles pour la restauration d'une paix durable au Tchad. Le
diagramme ci-dessous illustre cette situation discriminatoire.
3. la flexibilité lors de règlement des
conflits
La flexibilité lors de règlement des conflits
selon certains informateurs provient de l'arbitrage impartial des litiges
fonciers observes. De même, selon ces informateurs ajoutent que les
individus mettent leurs intérêts particuliers devant au
détriment de l'intérêt de la communauté.
En outre, l'aspect informel de certains procès issus
à la muable entre les différentes parties prenantes ne sont pas
respectés par ce qu'ils sont établis de façon anarchique.
Or, de telles décisions selon plusieurs informateurs doivent faire
l'objet d'une formalisation en passant par « au-devant les notaires
», matérialisés par la prise des décisions et la
signature des pactes publiquement.
De plus, l'implication impartiale des agents de justice dans
le processus d'arbitrage des différents fonciers ne garantis pas les
pauvres citoyens. Aussi, certains individus estiment exprimer leur ras-le-bol
par des violents affrontements aboutissant aux pertes en vies humaines et
aussi, aux distorsions des tissus sociaux entre les différentes
communautés. Ici, il
146 LAMBATIM H, idem, p.181
87
se pose le problème de lutte de classe qui se
matérialise par les places stratégiques qu'occupent certaines
personnes dans les transactions floues de terre.
Par ailleurs, le manque de compétence des
autorités administratives dans le domaine d'arbitrage des
différentes poses un sérieux problème. Pour la plupart,
ces autorités compétentes ne sont pas nommées selon un
profil bien défini. Ils sont nommés selon certains informateurs
par un décret présidentiel purement et simplement politique. Le
statut politique de ces autorités administratives joue un rôle de
premier plan dans le processus de leur nomination. C'est face à cette
situation qu'un informateur affirme :
dans quel pays au monde, en dehors du Tchad, les
autorités administratives telles que: les maires, les
délégués départementaux, les députés,
les sous-préfets, les préfets, les gouverneurs n'ont pas suivi
une formation en administration? Les autorités sont juste
récompensés parce qu'ils assurent une sale politique dans le
compte du gouvernement. De même, on trouve pour la plupart les militaires
qui occupant ces fonctions.147
Il se dégage de ces affirmations que, le
clientélisme institutionnel dans les administrations tchadiennes en
général, et dans la justice en particulier gangrènes le
fonctionnement du système foncier tchadien. Notons aussi que, selon
certains informateurs, les recrudescences des conflits fonciers, des conflits
agriculteurs-éleveurs sont causés par le manqué des
compétences des autorités compétentes.
III.LES CONSEQUENCES DES LITIGES FONCIERS DANS LE PREMIER
ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA
Les conflits fonciers dans le premier arrondissement de la
ville de N'Djaména ont eu plusieurs conséquences dans la vie des
acteurs. Le différent affrontement entre les individus, les destructions
des maisons lors des affrontements, les destructions des cultures ont des
incidences sur la vie des individus dans le premier arrondissement de la ville
de N'Djaména.
1. Les conséquences sociales
D'après les enquêtés, « les
litiges fonciers ont eu des conséquences sociales considérables
dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména
».Selon madame ASSOUM, « plusieurs individus
déguerpis ceux qui ont perdus leurs terres injustement, et ceux qui ont
été arnaqués par les agents de l'Etat, se retrouvent dans
une crise profonde. Ainsi, certains individus ont eu des sérieux
problèmes de santé juste après la perte de leurs
147 Entretien avec un informateur au quartier Zaraf en novembre
2021
88
terres, d'autres les troubles mentaux et certains la mort
». Les litiges fonciers dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména sont selon plusieurs informateurs mal tranchés. Selon
ces informateurs, les individus qui ont « un gros poids social
» gagnent pour la plupart le procès en rapport aux litiges
fonciers. C'est ainsi que monsieur SEMIDJIDA déclare en ce terme :
les litiges fonciers n'ont pas eu un arbitrage
sérieux dans notre arrondissement. C'est ce qui explique les
désordres qu'on observe sur la gestion des terres urbaines et rurales.
J'ai perdu mes parents dans un affrontement sanglant à cause de nos
terres arrachées, mais l'Etat n'a rien fait pour nous. Nous n'avons
jamais eu la justice à nos côtés. Je ne sais quoi faire
[...]. 148
Par ailleurs, l'arbitrage impartial des litiges fonciers
engendrent selon les informateurs, les tensions dans la société,
et aussi, dégradent le tissu social existant, créant le
problème du vivre-ensemble et du bien-vivre dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména. Les acteurs ne se cohabitent
plus comme avant, car ils ont perdu leurs parents à cause des terres, et
ne pourrons facilement se réconcilier avec leurs « ennemis ».
L'arbitrage floue des litiges fonciers a donc eu des incidences majeures dans
le premier arrondissement de la ville de N'Djaména, les
sociétés et les liens sociaux se disloquent de plus en plus. En
analysant le propos de monsieur SEMIDJIDA. Ainsi, il se dégage, les
nerfs des plusieurs différends fonciers dans le premier arrondissement
de la ville de N'Djaména se trouvent dans le fait que, l'Etat abandonne
délibérément les individus sans terre dans les rues. Cette
situation a créé la désolidarisation sociale entre les
acteurs.
De plus, les individus déguerpis du quartier Jardin
Décès se
disent frustrés par les séances
répétées d'injustice. Ils affirment que les agents de
l'Etat les ont déguerpis sans une assistance sociale dans le cadre d'une
insertion sociale adéquate. Ils ont été abandonnés
dans les rues à leurs tristes sorts. Un informateur affirme avoir perdu
la plupart de ses voisins de l'ancien quartier Jardin Décès
à cause de ce problème opposant l'Etat aux individus. Les terres
arrachées par l'Etat pour les constructions des bâtiments
militaires ont laissé les pauvres. Jusque-là le gouvernement
tchadien n'a pas entrepris de telles mesures dans le premier arrondissement de
N'Djaména ; sauf dans le neuvième arrondissement de
N'Djaména il a transféré les individus vers un autre
site(TOUKRA).
Les problèmes rencontrés selon plusieurs
informateurs sont liés à leurs exclusions brusques de leurs
terres. Ils mentionnent aussi que, lorsque l'Etat déguerpi leurs
parents, il les laisse sans abris. Or, le gouvernement sénégalais
(pour trancher les litiges opposant trois
148 Entretien avec monsieur SEMIDJIDA à
Amsinéné en septembre 2021
89
communautés villageoises : les Diola Boulouf, Fogny,
Diola Fogny Combo) a dû crée un nouveau site pour répondre
aux exigences des villageois déguerpis.
De même, ceux ghanéens et ivoirien lorsqu'ils ont
entrepris la construction des grands projets, ont essayé de trouver une
issue. Lorsque le gouvernement ivoirien a initié la création d'un
barrage artificiel, lequel a affecté une partie du peuple Boulé,
et le gouvernement ghanéen a aussi entrepris des projets des
constructions, mais en prenant en compte les individus affectés par les
projets. C'est dans ce sens que deux sociétés d'Etat à
vocation d'aménagement intégré, la V.R.A. (Volta River
Autority) au Ghana ou A.V.B. (L'Autorité de l'Aménagement de la
Valée de Bandama) en Côte d'Ivoire. Les deux dirigeants ont
trouvé des nouveaux sites aux individus affectés par les
projets149. Ces mesures constituent une sorte de compensation
sociale150. Mais dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména, ces idées ne sont pas prises en compte. C'est ce qui
est à la base de plusieurs crises sociales observées. Ces
décisions jugées « antisociales » par les habitants du
premier arrondissement du fait du non prise en compte de l'aspect « social
» des individus seraient à la base des troubles dans les familles.
Les parents déguerpis n'ont pas assez de moyen pour assurer la location
des chambres à leurs familles, se sont endettés et ne parviennent
pas à payer ces dettes.
Aussi, comme ils n'ont pas assez d'argent pour couvrir tous
les besoins, certains de leurs enfants sont envoyés ailleurs, une sorte
de solution adoptée. Mais à ce niveau, nous constatons qu'il y a
la dislocation des familles à cause de leurs
précarités sociales liées à leurs terres perdues.
C'est ainsi qu'un informateur se confie à nous en ce terme :
walay Dieu doit agir contre cette injustice qu'on
rencontre. Ce n'est pas du tout sérieux de la part de l'Etat en chassant
les individus de leurs terres sans les trouver autres terres pour au moins
mettre leurs têtes. Où irons-nous à présent sans
terres ? Sommes-nous des étrangers ? Même les étrangers ne
sont pas traités comme l'Etat nous traite aujourd'hui...Humm [...], mes
enfants sont devenus des délinquants parce qu'ils ne dorment pas avec
moi à la maison, par manque des places. Je ne peux payer la location,
c'est très cher [...], voilà dans quel état le
gouvernement nous a mis. 151
149 LASSAILLY V.J. (1986). « Les grands projets
d'aménagement et de développement dans les domaines agricoles,
forestiers, hydrauliques, miniers ou pastoraux : transformation «
dirigée » de l'espace agraire et réponses paysannes à
la périphérie des Lacs Volta(Ghana) et Kossou (Côte
d'Ivoire) in Enjeux fonciers en Afrique noire, Paris, l'harmattan,
p.280-281
150 MBAYE D. (1986). « Le projet de mise en valeur de la
Valée de BAÏLA en basse Casamance(Sénégal) » in
Enjeux fonciers en Afrique noire, p.228-239
151 Entretien avec un informateur qui a peur de donner son
identité en Octobre 2020 au quartier Djougoulié
90
Les informateurs interrogés voulaient en effet, un
accompagnement de l'Etat après les séances de
déguerpissement. L'Etat sur la base du texte hérité de la
colonisation (la constitution) va donc prendre une place
privilégiée en privant les individus de leurs terres. Ce
phénomène de déguerpissement des individus sans recasement
est monnaie courante dans le premier arrondissement de N'Djaména.
D'abord, les individus déguerpis de l'ancien site du
marché de Farcha n'ont pas eu un accompagnement de l'Etat. Aussi, ils se
trouvent selon-eux, dans les rues sans abri. C'est ainsi que plusieurs
individus ont perdus leurs terres, laquelle a donc causé le
décès très brusque de ces derniers. C'est ce qui pousse un
informateur d'affirmer en ce terme :
Depuis quand le gouvernement tchadien s'inquiète
des pauvres [...] ; les gens qui sont venu vingt ans après nous ont
arrachés nos terres sur le regard de l'Etat et des agents du cadastre.
Sans vous mentir, je ne me retrouve plus dans ce pays. Certains membres de ma
famille se trouvent déjà dans d'autres cieux là où
il fait bon vivre [...] ; oui, ailleurs au Cameroun et au Nigéria depuis
que les problèmes de nos terres n'ont pas eu un arbitrage
sérieux. On attend la justice peut être de Dieu, au Tchad non. La
famille présidentielle nous a pris en otage en arrachant nos terres.
152
Il s'avère que, les litiges fonciers ont affecté
durablement les couches sociales les plus vulnérables. Ces litiges ont
entrainé une dégradation sans cesse du tissu social entre les
individus et aussi, a causé une dislocation des familles
2. Les conséquences culturelles
Les litiges fonciers n'ont seulement des conséquences
sociales, mais aussi culturelles. Les individus victimes se méfient
désormais les uns des autres et chacun se réfèrent
désormais à un réseau relationnel dans lequel il estime
tirer profit. La culture individualiste gagne peu à peu le terrain suite
au manque des terres pour les pratiques des activités économiques
et aussi pour un abri durable. Certains individus meurent sans laisser
même une petite parcelle à leurs progénitures, à
cause du temps difficile. Nous voyons ici la naissance des logiques
égoïstes qui ne sont pas dans le passé propre aux habitants
du Tchad en général et du premier arrondissement de la ville de
N'Djaména en particulier. On perçoit désormais une sorte
d'hypocrisie dans les relations quotidiennes. Les agents de renseignement
mettent de plus en plus aussi la peur dans le coeur des victimes, car les
litiges ayant opposé certains individus à la famille
présidentielle sont restés sans suite.
152 Entretien avec un retraité de la société
sucrière du Tchad à Madjorio en novembre 2020
91
Désormais, chaque individu se cherche et cherche
à se positionner dans la société. Nous constatons
l'existence de ce que le philosophe camerounais MONO DJANA Hubert qualifie du
« mapartisme ». Dans le cas du premier arrondissement
actuel, c'est du « mapartisme extrême ». C'est ainsi
qu'un informateur affirme en ce terme :
Maintenant là, chacun pour soi f...] ; mes parents
ne m'ont rien laissés comme terres ; or avant dans nos cultures, les
parents doivent préparer tous à leurs enfants même le
foyer. Mais depuis lors, on voit que chaque individu se contente de son ventre
sans regarder le demain de ses enfants. Les familles qui se prêtaient les
terres avant pour les travaux champêtres ne le font plus de nos jours.
Les oncles qui ont assez des terres se méfient des autres de peur de
perdre leurs terres. Les idées étrangères ont gagné
le coeur de nos parents de maintenant. Tout c'est à cause des
problèmes des terres. On a plus le choix dans ce pays f...] ; on ne sait
jamais si les choses reviendront un jour à la normale. 153
Les litiges fonciers qu'ils soient dans le milieu rural
qu'urbain impacte considérablement les us et coutumes locales. La
confrontation de deux logiques différentes ne se fait pas sans heurte.
C'est ainsi qu'il y a soit un emprunt d'autres manières de voir les
choses n'ayant aucun rapport causal avec les valeurs locales et aussi, soit
modifier totalement les valeurs existantes. On parlera ici de la «
dominance culturelle » qu'on constate dans le premier arrondissement de la
ville de N'Djaména à travers les manières de penser ;
d'agir ; de sentir et même de vendre les terres urbaines.
Désormais, les individus agissent en fonction du réseau
relationnel et du gain. Tous les actes sont dès lors calculés par
les individus qui ne font plus confiance aux autres.
Par ailleurs, avec la prépondérance des litiges
fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména, les
complications que les individus rencontrent au quotidien sur la gestion des
terres, confier ses terres à quelqu'un devient très difficile.
Les individus se méfient de plus en plus des autres et les rancunes
naissent dans les quartiers du premier arrondissent. Plusieurs informateurs
interrogés partagent largement l'idée selon laquelle les litiges
fonciers ont engendré la distorsion du tissu social et le basculement
des cultures locales vers des cultures étrangères qui nous
rendent la vie très difficile à habiter. Habiter désormais
dans cet arrondissement devient un luxe. Ce point de vue se rapproche de celui
d'ELA qui estime aussi que : « habiter en ville en Afrique de nos jours
est une promotion ».154 Ainsi, monsieur DOLENGAR affirme ceci
:
153 Entretien avec un patriarche au quartier Milezi en septembre
2020
154 ELA J.M. (1982).La ville en Afrique noire, Paris,
Karthala ;
92
[...] ; les problèmes des terrains
perpétués ont fait que chacun se méfie de l'autre. Depuis
quelques années déjà, personne ne confie ses portions des
terres à un ami ou à un frère, même de sang.
L'affaire ci devient de plus en plus très compliquée. Avant, on
pouvait exercer sur les terres d'autrui les activités économiques
et agricoles, mais de nos jours c'est très difficile de travailler sur
les terres des autres. L'individualisme gagne le terrain. 155
Les litiges fonciers selon monsieur GABDOU, «
sous-estimés », « négligés », «
banalisés » par les autorités compétentes qui
gèrent les terres a des conséquences considérables sur les
cultures locales. D'autres estiment aussi que, « avant vers les
années 1975, on pourra très facilement donner aux
étrangers les terres pour habitation gratuitement dans le premier
arrondissement ; mais le fait que les terres données aux
étrangers devenaient dans les long terme leurs propres
propriétés ». C'est ce qui éclatait souvent des
vifs conflits entres les autochtones et les allogènes dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména. Ainsi, les litiges fonciers ont
eu autres conséquences sur la vie des acteurs dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména. Nous avons les
conséquences économiques.
3. Les Conséquences économiques
Les litiges fonciers comme le démontre les avis des
enquêtés nous ont des énormes conséquences dans la
vie des individus dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména ; notamment les conséquences économiques. Selon
plusieurs informateurs interrogés au quartier Farcha, Zaraf, Madjorio,
Djougoulié, Amsinéné, Guinebor, etc. « les
activités économiques sont mises aux arrêts suite aux
différends fonciers ». De plus, monsieur MAHAMAT NOUR affirme
que, « ses boutiques ont été calcinées par ses
adversaires pendant la nuit et a causé une perte considérable en
termes d'argent ». D'autres informateurs disent « qu'ils ont
investies leurs capitaux dans les procès en rapport aux
différends fonciers qui, jusque-là n'ont pas aboutis à une
véritable réparation sociale et économique ».
L'un des victimes de l'incendie déclare en ce terme :
j'ai investis plus de cinq millions dans ma quincaillerie
contenant les matériaux de construction au quartier Guinebor ; mais
après une confrontation avec un groupe de personne sur mes terres ; j'ai
été attaqué la nuit où j'ai perdu ma boutique.
Vraiment les problèmes de terrain m'ont mis hors de moi. Maintenant je
me retrouve sans argent et sans terres. 156
155 Entretien avec monsieur DOLENGAR en septembre 2020 à
Farcha.
156 Entretien avec un monsieur à Guinebor en octobre
2020
93
Il se dégage ici clairement que, les différentes
crises causées par les litiges fonciers. Lesquelles ont affectées
d'une manière ou d'une autre non seulement le vivre-ensemble dans le
premier arrondissement de la ville de N'Djaména, mais aussi leurs
activités économiques à travers le transfert des fonds
destinés aux commerces pour la résolution des différends
fonciers et aussi, lorsque les individus insatisfaits de l'arbitrage des
litiges fonciers décident de faire eux-mêmes justices en
brûlant les boutiques des autres.
De même, la recrudescence des conflits ne favorise pas
le développement dans le premier arrondissement, car pour réussir
à implémenter une entreprise ou un projet, les investisseurs ont
besoin d'un environnement favorable à l'éclosion de leurs
activités. Aussi, l'absence de la société tchadienne
d'eau, d'électricité dans les quartiers tels que:
Djougoulié, Madaga, Zaraf, Boutal-Wali, Abcoma, Gilmey s'explique par le
manque des routes et aussi, le manque d'une politique urbaine
concrète.
4. Les conséquences politiques
Les litiges fonciers qu'ils soient en milieu urbain ou rural a
des énormes conséquences sur la vie des acteurs impliqués
dans le processus de l'acquisition des terres ; de la vente, etc. Ainsi, tout
rapport avec les autres individus impacte durablement la manière de
penser ; d'agir ; de sentir des autres. Ainsi, les rapports entre les acteurs
ont changé en fonction des relations que les uns les autres
entretiennent avec les agents de l'Etat des « grandes calibres » en
occurrence les ministres ; les gouverneurs ; les préfets ; les
sous-préfets ; les maires ; les délégués ; les
agents du cadastre ; les Boulamat. Désormais, tout se joue sur le
capital politique et relationnel. Les individus victimes des litiges fonciers
et qui n'ont pas une position stratégique importante sont
lésés à leurs tristes sortes. Les problèmes des
terres pour les résoudre, il faut forcément avoir une «
grande main » derrière ses dossiers. C'est ainsi qu'un informateur
affirme en ce terme :
maintenant que faut-il encore espérer dans ce
contexte où ceux qui n'ont pas des relations solides n'ont jamais eu des
gains de causes de leurs problèmes de terres. A mon avis, pourquoi
l'Etat n'assure pas le suivi de toutes les activités foncières.
Certaines victimes attendent la bonne foi de la justice peut être un jour
où Dieu touchera leurs coeurs. Nous sommes pauvres ; c'est pourquoi nous
perdons nos terres. 157
157 Entretien avec un informateur à Madjorio en septembre
2021
94
S'il faut bien voir, l'aspect politique est lié
à l'aspect financier selon le propos de cet informateur. En d'autres
termes, les individus qui ont un statut social élevé,
bénéficient de la faveur de la part des agents de l'Etat de la
gestion des litiges fonciers observés.
Cependant, dans la constitution tchadienne, tous les individus
sont égaux. Cette inadéquation entre ce qui est écrit et
ce qui est fait cause des multiples confusions, sinon serait la cause des
différents litiges fonciers dans le premier arrondissement de la ville
de N'Djaména. Le mieux ne serait-il pas un arbitrage correct. Cette
manière de trancher les litiges a fait l'objet d'un soulèvement
au nord Cameroun dans les conflits opposant le SAIB aux migrants Toupouri,
Moundang, Moussey. MFEWOU l'analysé et a montré comment les
réseaux relationnels dans le circuit foncier peuvent être les
causes de nombreux conflits fonciers dans le nord Cameroun.
De même, les Toupouri pour résoudre leurs
problèmes, ne font appel qu'aux hauts cadres Toupouri ; les Moundang et
les Moussey le font aussi. Sommes-nous dans une situation où, ceux qui
ont des relations ont les « pouvoirs ». Sinon, pourquoi ces
réseaux autour de la question foncière.158 Aussi, le
pouvoir des chefs gérants (Boulamat) est réduit au néant,
car suivant les degrés des conflits, la gendarmerie ; la police
intervient pour embarquer les acteurs impliqués dans lesdits conflits. A
ce niveau, les Boulamat sont simplement écartés du circuit des
gestions des litiges. Les litiges meurtriers interfèrent l'arbitrage de
la justice. Or, avant les années 70, les Boulamat étaient des
chefs traditionnels et les chefs des terres. De nos jours avec leurs
marchandages au tour des terres urbaines, ils tendent à perdre leur
légitimité aux yeux des habitants des zones urbaines que
rurales.159
CONCLUSION PARTIELLE
Le foncier dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména a eu plusieurs conséquences. Ces conséquences
étaient sur plusieurs plans (économiques, politiques, sociaux et
culturels). Les différentes luttes autour des terres urbaines ont
entrainés les pertes en vies humaines, les destructions des maisons et
la distorsion des tissus sociaux entre les individus. Désormais, chacun
acquiert ses terres sans compter sur les autres et les modalités
liées au processus d'acquisition des terres ont changés.
158 MFEWOU A. (2010). Migrations, Dynamiques Agricoles et
problèmes fonciers dans le Nord-Cameroun : le périmètre
irrigué de Lagdo, Paris, L'Harmattan, p.162
159 MAHAMAT A.B. (2013). « Extension urbaine et
problèmes fonciers dans les quartiers périphériques de la
ville de N'Djaména : le cas du quartier Toukra, Mémoire
de master en géographie, option géographie et
développement du territoire, Université de Maroua, p.59
CHAPITRE IV: INSTANCES D'ARBITRAGES DES
LITIGES FONCIERS ET PERSPECTIVES DES RESOLUTIONS DES DIFFERENDS FONCIERS
DANS LE PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA
96
INTRODUCTION PARTIELLE
Le présent chapitre met en exergue les
différentes instances d'arbitrages des litiges fonciers dans le premier
arrondissement de N'Djaména. Plus concrètement, les lieux, les
acteurs qui jouent un rôle particulier dans la résolution des
différends fonciers. Les instances d'arbitrages reconnues sont : les
instances interpersonnelles, les instances extra-personnelles et les instances
juridiques. Les conflits fonciers avant d'atteindre les instances
supérieures (la justice) sont tranchés d'abord entre les
individus à la muable et aussi devant les Boulamat. Les conflits qui
arrivent en justice sont pour la plus part les conflits liés à la
perte en vies humaines et/ou à la destruction importante du bien
matériel.
I. LES INSTANCES NON ETATIQUES D'ARBITRAGES DES LITIGES
Les litiges fonciers sont liés à plusieurs
facteurs lesquels nécessitent une réflexion un peu poussée
pour une perspective durable de la résolution desdits litiges. A cet
effet, au vue de la complexité du « fait foncier »
dans le premier arrondissement et aussi, pour souci de mieux cerner les
contours de ce fait, l'apport de chaque acteur semble être une option
sérieuse, voir judicieuse. C'est dans cette optique que plusieurs
acteurs en fonction de leurs propres expériences arbitrent les litiges
fonciers au quotidien. D'abord, les chefs et les individus impliqués
entre-deux, ensuite les chefs gérants et les juridictions
compétentes.
1. Les résolutions à l'amiable
Les litiges fonciers observés dans le premier
arrondissement de N'Djaména font intervenir plusieurs acteurs dans le
processus de résolution des litiges. Le plus souvent, les
problèmes surviennent dans le déplacement des bornes qui
séparent les voisins. A cet effet, ils essaient de trouver un terrain
d'entente à leur niveau. Généralement, les
différents acteurs impliqués dans les problèmes en rapport
au déplacement des bornes convoquent une rencontre pour pouvoir
définir clairement les places des bornes. Cet acte se fait à la
présence de tous les voisins, des Boulamat, des
délégués auprès de la commune.
Aussi, il faut noter que, cette instance favorise les acteurs
influents et ceux qui ont vde un capital relationnel solide. Ces derniers
violent les plus souvent les clauses de la résolution des litiges qui
les opposent aux autres. Ils se réfèrent toujours là
où ils gagneront les procès. De plus, certains individus sur la
base de leur capital financier minimisent la résolution des litiges
fonciers à la muable entre eux voisins-voisins. Ils estiment gagner le
procès comme la plupart de cas, ceux qui ont une position sociale
élevée sont à l'aise même en justice par
97
rapport aux couches sociales les plus
vulnérables.160 C'est dans cette perspective que monsieur
Tessem Nasrangar habitant du quartier Farcha donne son avis en ces termes :
Kay les résolutions des problèmes des terres
ici, ça ne vaut plus la peine f...] ; les citoyens ne sont jamais
égaux devant la loi, depuis plusieurs années, j'ai
été déguerpi par un groupe de personne me disant que mon
terrain était la réserve de l'Etat f...], hum way, ce sont les
intouchables qui ont les privilèges dans ce pays. Leurs terrains sont
bien lotis f...] nous d'autres les accompagnons seulement. Si Dieu est
là, qu'Il nous écoute au moins. 161
En prenant en compte ces réactions, nous pouvons dire
que l'injustice dans la gestion des litiges fonciers semble être un fait
réel. Car plusieurs autres acteurs soutiennent les mêmes
idées et demandent un arbitrage sérieux des litiges fonciers dans
leur circonscription administrative. Ils déplorent aussi le fait que,
depuis plusieurs décennies ils sont laissés à leur compte.
Par contre, ceux qui ont des « relations » avec les mairies ; les
agents du cadastre ; les ministres ont les « marteaux en fer » pour
caser leurs têtes. D'autres ajoutent que le manque d'un arbitrage
sérieux des litiges fonciers a poussé certains d'entre eux soit
de retourner dans leurs villages d'origines et d'autres vers le Cameroun,
notamment dans la ville voisine Kousseri où ils s'estiment très
heureux.
Par ailleurs, certains individus affirment que le fait que les
clauses issues des résolutions des litiges fonciers entre les
différents acteurs ne sont pas formelles, alimentent davantage les
litiges. Car selon eux, juste quelques jours ou quelques mois après les
résolutions des litiges fonciers entre les acteurs, certains reviennent
sur les décisions et redemandent une nouvelle assise pour l'arbitrage
des litiges les opposant aux autres. Or, pendant les premières
résolutions, ils se sont accordés sur certains faits relatifs
à leurs problèmes. Au cas où les autres acteurs
n'acceptent pas siéger pour une énième fois, ils
entreprennent des voies illégales, voir mystiques pour se faire «
justice eux-mêmes » ; alors que la justice demeure la plus haute et
dernière instance pour la résolution de tous les problèmes
que les individus rencontrent au Tchad, y compris les litiges fonciers. C'est
ce qui fait dire à monsieur TAHIR HASSABALLAH que :
les tchadiens f...] ; ils n'acceptent pas qu'ils ont perdu
un procès ou qu'ils ont tort quelque part. Sinon, comment peut-on
expliquer le fait qu'un problème résolu revient encore juste
quelques semaines après ? Je me demande f...] ; vraiment, est-ce que les
gens mourront avec les terres. J'ai trouvé des ossements enterrés
dans mon terrain, je me confis à Allah. Qui est parti au ciel avec les
terres ? Les Tchadiens
160 Entretien avec monsieur Mahamat Zène en Octobre 2020
à Amsinéné.
161 Entretien avec monsieur Tessem Nasrangar en Octobre 2020
à Farcha.
98
doivent apprendre à respecter leurs
décisions. Le respect des différentes décisions
entreprises fera de nous un maillon central dans la construction de la partie.
Sinon, c'est de l'anarchie organisée [...]. 162
Nous pouvons dire au regard des tendances que l'arbitrage
biaisé des litiges fonciers a des conséquences
considérables sur la vie des acteurs impliqués dans lesdits
litiges. Le problème nait souvent dans le non-respect des pactes issues
des certaines assises que les acteurs eux-mêmes ont convoqués. Le
véritable problème ici est le manque des auxiliaires permettant
le transfert des litiges très complexes au niveau du tribunal des
grandes instances pour un meilleur arbitrage. Aussi, l'aspect informel des
signatures des pactes entre les individus impliqués dans les litiges
fonciers dans le premier arrondissement. Le mieux serait selon nous, la
signature par « devant les notaires » des clauses entre eux. Sinon,
les problèmes surviendront toujours. C'est ainsi qu'une informatrice
ajoute :
les résolutions des problèmes des terrains
doivent se faire à la présence de tous les acteurs
concernés et aussi, à la présence de tous les voisins. Car
certains voisins alimentent souvent les problèmes après le
départ de l'un ou l'autre victime. Il faut que les décisions
prises soit respectées par tous les acteurs afin d'éviter les
fractures sociales liées à la terre. Nous devons être les
gens de parole [...]. 163
Partant de cette logique, il est évident que, les
litiges fonciers quel que soit leurs causes, doivent être mise en surface
à la présence de tous les acteurs concernés afin
d'envisager des perspectives durables qui, pourrons éviter la distorsion
du tissu social. Déjà, les citoyens tchadiens
déchirés par les différentes tensions politico-militaires
ne se voient pas prêt à sombrer dans d'autres tensions.
A cet effet, le contrôle de la gestion des terres au
Tchad doit être une priorité du gouvernement tchadien. Car, plus
de 80% des problèmes que les juges tranchent au tribunal ont trait aux
fonciers et, ces problèmes perdurent depuis toujours entre les
différentes couches sociales qui constituent le Tchad. C'est ainsi que
le 10 décembre dernier la famille de l'ex première dame du Tchad
HINDA DEBY ITNO a été chassé par la famille d'un colonel
assassiné à cause des parcelles de terres. La famille du colonel
en voulant faire elle-même la justice a attaqué la famille de
HINDA DEBY ITNO.164 Les litiges fonciers négligés
semblent se consolider pour donner « un noyau dur » entrainant ainsi
une tension sociale grave. Les conflits éleveurs agriculteurs,
éleveurs-éleveurs, agriculteurs-agriculteurs,
pêcheurs-pêcheurs sont récurrent et attestent la
présence du danger à craindre, « les litiges fonciers »
qui,
162 Entretien avec monsieur TAHIR HASSABALLAH en septembre 2O2O
à Zaraf
163 Entretien avec une informatrice à Djougoulié
164 RADIO FM LIBERTE, 10 décembre 2021, « Journal de
19H »
99
« négligés », « mal
tranchés », « ignorés » constituent une source
permanente de l'insécurité dans le milieu
urbain.165
2. Les instances extra-personnelles
Les instances de résolution des litiges fonciers comme
il est démontré sont multiples et varient d'un lieu à un
autre et d'une personne à une autre. C'est ainsi que les individus
impliqués dans les litiges fonciers entreprennent des perspectives qui
le permettent de mieux envisager des solutions en rapport aux litiges fonciers
observés dans les milieux urbains tchadiens en général, et
dans le premier arrondissement de N'Djaména en particulier. Les
instances extra-personnelles renvoient ici à la résolution des
litiges fonciers impliquant plusieurs individus, mais qui font appel à
d'autres personnes pour arbitrer les litiges auxquels ils sont
confrontés. A ce niveau, plusieurs acteurs interviennent dans la
médiation des litiges fonciers dans le premier arrondissement de
N'Djaména.
Ainsi, « certains individus non satisfaits des
résolutions des litiges fonciers dans leur circonscription
administrative décident de faire recours vers autres acteurs pour
espérer une solution plus adéquate ». A cet effet, la
résolution des litiges fonciers devient complexe dans la mesure
où chaque individu se réfère à un réseau
relationnel pour trouver une satisfaction lors des résolutions des
différends fonciers. C'est dans ce sens que certains individus sur la
base de leurs « réseaux » parviennent à marginaliser
les autres individus en usant leurs relations familiales pour gagner les
procès. C'est ce qui explique d'ailleurs la proximité de certains
maires, délégués départementaux, les agents du
cadastre, les personnes qui travaillent au tribunal des grandes instances.
Cette situation est similaire à l'expérience foncière
camerounaise décrite par ABDOULAY MFEWOU166 dans le nord.
Dans le premier arrondissement de N'Djaména par contre,
nous ne savons qu'exactement si les autorités compétentes
prennent en compte les requêtes des individus. La même pratique des
résolutions des litiges fonciers par les affinités s'observe dans
le premier arrondissement dans le quartier Amsinéné où, un
éleveur a été trainé par un général
de l'armée. Car les litiges fonciers qu'on observe souvent ont pour
épicentre les problèmes des bornages, des tracés des rues,
de dégagement des réserves de l'Etat, le maire, le ministre en
charge ne descendent jamais sur les terrains pour observer de très peu
l'ampleur du problème. Ils attendent pour la plupart les rapports
effectués par leurs délégués.167
165 Entretien avec un administrateur civil à Madjorio
166 MFEWOU, idem, p.162
167 Entretien avec Monsieur Mahamat Issa à Gilmey en
Octobre 2020
168 MFEWOU, ibidem
100
Aussi, l'arbitrage biaisé des litiges engendrent de
nombreux dégâts. C'est ainsi que, MFEWOU estime que,
la gestion impartiale des litiges fonciers par les
autorités compétentes en charge affecte durablement les acteurs
lésés à leur triste sort et, lesquels espèrent une
réparation de leurs problèmes par tous les moyens disponibles.
Cette « injustice étatique » dans la gestion impartiale des
litiges fonciers crée un climat de méfiance entre les acteurs et
accentue l'aspect relationnel dans les juridictions tchadiennes.168
Ainsi, l'acteur qui n'a pas un appui des « gros
poissons » ne peut espérer des résultats fiables suites
aux différents différends qui les opposent aux autres.
L'injustice dans les résolutions des litiges fonciers occasionnent des
désordres urbains et des très grands actes des violences
liées aux terres.
II.L'ETAT DANS LE PROCESSUS D'ARBITRAGE DES DIFFERENDS
FONCIER
1. Les Brigades
Les Brigades assurent l'arbitrage des litiges fonciers dans
le maintien de l'ordre public lorsqu'il s'agit des affrontements entre les
individus et aussi, des conflits intercommunautaires.
Généralement, les conflits qui échappent à la
résolution à l'amiable, par les Boulamat et les
délégués des communes auprès des individus sont
transmis d'abord dans les brigades. Il s'avère que ces instances
(brigades) et plus précisément les CB tranchent d'une
manière partiale les différends fonciers entre les individus. Les
acteurs interviewés estiment que la justice demeure un appareil un peu
approprié, surtout qu'il y a des affrontements et des morts d'hommes.
2. Les instances juridiques
Les instances juridiques de résolution des
différends fonciers renvoient ici aux différentes
catégories de tribunal qui ont la charge de trancher tous litiges en
rapport à la terre. Il ressort de notre recherche que 85? des
enquêtés résolvent leurs problèmes des terrains en
justice. Ce choix se justifie selon monsieur MAÏNA par la
légalité de cette juridiction.
101
Tableau 4: instances d'arbitrages des litiges
fonciers
Instances
|
Effectif
|
Total?
|
Justices
|
85
|
100
|
Brigades
|
10
|
Par le compromis entre les différentes parties
prenantes
|
05
|
Source : enquête de terrain, octobre
2021 Diagramme 2: instances d'arbitrages des litiges fonciers
Justices
Brigades
Par le compromis entre les différentes parties
prenantes
10%
5%
100%
85%
Source : enquête de terrain, octobre
2021
En effet, eu égard de ce résultat, il ressort
que la plupart des litiges fonciers dans le 1er arrondissement de la ville de
N'Djaména aboutissent toujours devant les juridictions. Les informateurs
affirment que, « ils préfèrent la justice à cause
de l'impartialité des Boulamat durant le processus d'arbitrage des
différends les opposant aux autres. Aussi, ils estiment que ce choix est
fonction de l'aspect formel de cette institution étatique
».
L'analyse qui se dégage de ce résultat est que,
les problèmes fonciers sont liés à la résolution
partiale des différends fonciers. De plus, cet arbitrage impartial est
la cause de frustration des habitants du 1er arrondissement de la
ville de N'Djaména. Ainsi, monsieur SAHAD estime que,
« les agents de l'Etat au lieu d'appliquer la loi,
cherchent plutôt à « agrandir » leurs réseaux
relationnels. A cet effet, qui défendra donc les autres individus. Un
Etat de droit comme le Tchad devrait garantir la sécurité sociale
et foncière de tous les citoyens ». Le phénomène de
la bourgeoisie et du prolétariat est bien visible dans la
société tchadienne malheureusement. C'est ce qui paralyse
d'ailleurs la justice.169
169 Entretien avec monsieur Hassane Hissein à Farcha
102
Ainsi, monsieur SAHAD ajoute que:
Le véritable problème est que les agents de
l'Etat chargés de trancher les différends fonciers usurpent de
leurs titres pour s'accaparer les terres des autres individus par la
complicité des chefs gérants(Boulamat) et aussi, des maires. Les
maires savent très bien les difficultés que les citoyens
tchadiens rencontrent au quotidien, mais préfèrent rester dans
leurs bureaux climatisés. Un maire doit sortir un temps de son bureau et
venir écouter les cris des gouvernés [...]. 170
En analysant le propos de monsieur SAHAD, il ressort que
l'Etat n'arbitre pas normalement les litiges fonciers observés entre les
citoyens dans le premier arrondissement de N'Djaména. Même s'ils
gèrent souvent les litiges fonciers, les décisions prises
profitent plutôt les classes sociales les plus aisées.
Toutefois, cette injustice dans la résolution des
différents fonciers a créé un vide social, la distorsion
du tissu social au point où chacun se réfère seulement
à son réseau pour espérer avoir gain de cause. La justice
doit être selon plusieurs acteurs un « arbitre neutre » dans la
gestion de tous les litiges fonciers. MFEWOU a d'ailleurs analysé ce
phénomène similaire dans le nord Cameroun où les
préfets ; les sous-préfets ; les maires de la
Bénoué ont joué les mêmes rôles dans les
résolutions des litiges fonciers aux périmètres
irrigués de Lagdo.
III. LES MECANISMES MISE EN PLACE AFIN DE MIEUX APPREHENDER
LES DIFFERENDS FONCIERS
Dans cette partie il est question des voies et pistes
nécessaires pour mieux cerner le foncier dans le premier arrondissement
de N'Djaména. A cet effet, il a été démontré
les issues pouvant faire asseoir une paix foncière durable lesquelles
interpellent toutes les souches sociales, et nécessitent les efforts
multiples et communes. D'abord, en premier essor, l'urgence d'une
révision, voir réactualisation du texte foncier du Tchad, et
ensuite, la nécessité d'adopter un document unique sur toute
étendue du territoire tchadien en rapport à la gestion
foncière, enfin, le renforcement des acquis des chefs gérants qui
ont la charge quelques fois d'arbitrer les litiges fonciers, et aussi de la
vente des terres tant dans le milieu rural qu'urbain tchadien. Telles sont les
perspectives soulevées dans ce chapitre.
170 Entretien avec monsieur SAHAD à Madjorio
103
1. Combler le vide juridique
La loi foncière tchadienne a été
adoptée depuis les années 67 et jusque-là, le gouvernement
n'a pas entrepris des initiatives locales de la gestion des terres au Tchad.
Cette loi pendant son élaboration n'a pas impliqué directement
les individus dans la gestion des terres. C'est ce qui explique la mal
compréhension de ladite loi par la grande partie de la population
tchadienne. Aussi, la loi foncière tchadienne semble être mal
saisie, interprétée, comprise par les tchadiens lettrés
que ceux illettrés. C'est ainsi que certains informateurs
interrogés affirment que comment le Tchad est resté
accroché sur les textes qui datent des années 1958 ; 1967 ; 1970,
alors que les réalités au Tchad en sont autre chose. C'est dans
cette optique que DJIKOLOUM BENJAMIN BENAN dans son article sur le foncier au
Tchad a fait une analyse critique du droit foncier tchadien.171
Ainsi, les avis de quelques informateurs convergent dans la même
lancée qui est la réactualisation de la loi foncière
tchadienne. Nous avons retenu les déclarations de Justin HINBE :
je pense que la loi foncière tchadienne doit
être réactualisée afin de prendre en compte les nouvelles
thématiques qui émergent, notamment incluant l'accès de
tous les acteurs facilement à la terre [...] ; aussi, il faut prendre en
compte dans les législations les avis des acteurs concernés afin
d'éviter les contestations récurrentes. L'Etat avant d'adopter
les lois doit se renseigner sur les conditions de leur applicabilité
effective. 172
Le manque d'une vision foncière adaptée au
contexte des acteurs constitue un danger et aliment davantage les conflits
fonciers en Afrique en général et au Tchad en particulier. A cet
effet, le gouvernement tchadien doit « mettre à jour » sa loi
foncière afin de répondre aux aspirations quotidiennes de ces
acteurs qui, jusque-là sont victimes des spoliations ;
déguerpissement et des accaparements excessifs des terres urbaines. Le
tableau ci-dessus illustre les risques liés à la gestion non
équitable des terres en milieu rural qu'urbain africain. Cette vision se
veut optimale, car elle nous permet de mieux cerner le contour des
problèmes fonciers rencontrés et/ou enregistrés et
d'envisager des solutions durables. TCHAWA élabore ledit tableau pour
mettre en lumière les dangers liés à la marginalisation
des autres couches sociales.
171 DJIKOLOUM B.B. (2004). « Analyse critique du
droit foncier tchadien » in La question foncière au Tchad
; acte du colloque scientifique de N'Djaména 28 Juin au
1er Juillet-septembre 2004, p.56
172 Entretien au quartier Madjorio en septembre 2021
104
Tableau 5: Etat de lieu de la gouvernance foncière
en Afrique selon Paul TCHAWA
ROOT CAUSSE
|
EFFETS SUCCESSIFS
|
Politique foncière
inadéquate ou absente
|
1
|
2
|
3
|
4
|
Pas de vision
de l'Etat à
anticiper sur le foncier
|
Spéculation foncière
|
Marginalisation des populations locales
|
Pauvreté et
conflits
|
Absence des
règles adéquates
d'accès et de
contrôle des terres
|
Occupation
anarchique de l'espace
|
Dégradation des espaces et ressources
côtières
|
Source : TCHAWA, NELGA 2021
Ici, lorsque dans un pays la politique des gestions des terres
n'est pas définie clairement, la spéculation foncière est
d'une grande importance. Les Boulamat en tant que chefs traditionnels investies
par le pouvoir traditionnel et politique jouent un rôle très
dangereux dans la « vente », « revente » des
terres aux individus « innocents ». Nous estimons que le
manque d'une stratégie sérieuse permettant une attribution, vente
des terres est la cause directe des différends fonciers au Tchad.
A cet effet, la nécessité de mettre sur pied une
législation foncière bien garnie prenant en compte les aspects
socioéconomiques du pays ; politique et environnement s'impose comme une
porte de sortie des « casse têtes fonciers » au Tchad. Selon
BOAMAH, vice-président principal de la Banque Africain de
Développement, 15% des problèmes liés aux terres sont
causés par les chefs assurant la gestion. De même, il ajoute que,
« la corruption qu'alimentent ces derniers au quotidien avec les
acquéreurs des terres qu'en milieu rural qu'urbain en Afrique
subsaharienne ».
2. Adopter un document harmonise d'acquisition des
terres
Les litiges fonciers au regard de leurs ampleurs dans le
premier arrondissement de la ville de N'Djaména, interpellent tous les
acteurs quel que soit leur statut social, et matrimonial. Aussi, les
différentes logiques de vente et de gestion des terres au Tchad
105
diffèrent selon les us, et coutumes de chaque
région. Certains individus se réfèrent à leurs
ancêtres pour réclamer les terres (les autochtones arabes de
Djougoulié, Abcoma, Zaraf, Gilmey), Kotoko et Borno de Milezi, etc.
C'est ce qui fait qu'il y a autant des contradictions dans la gestion des
terres au Tchad. Il n'existe pas jusque-là un document harmonisé
de vente des terres urbaines que rurales. D'où la
nécessité de mettre sur pied un document harmonisé
permettant l'acquisition des terres de la même manière au Tchad
quel que soient les régions.
Nous estimons que ledit document qui contiendra toutes les
données cadastrales en rapport aux lotissements ; aux tracés des
rues ; à la restructuration des ilots d'une manière officielle.
Ce document permettra aussi au gouvernement d'identifier tous les litiges
fonciers existants au Tchad, les terres ayant déjà un titre de
propriété provisoire ou définitif. Car depuis la loi du 27
juillet 1967, aucun autre document officiel ne permet aux individus de se
référer d'une manière légale. Aussi, la loi
foncière de 1967 définie tout simplement les différents
domaines fonciers existant et met l'emphase sur le pouvoir de l'Etat en tant
que garant de toutes les terres au Tchad. Or, la loi n° 23 reconnait le
droit coutumier, elle précise cependant dans son article 7 que les
« terres vacantes et sans maîtres appartiennent à
l'Etat173. »
A cet effet, comment pourrions-nous comprendre cette
complexité de ce droit positif qui, reconnait d'une part le rôle
des autorités coutumières dans la gestion des terres au Tchad,
mais concrètement ne le reconnait pas. Les terres des individus
considérées par l'Etat comme « vacantes et sans
maîtres » en réalité ne corrobore pas avec nos
réalités. Les terres en Afrique en général et au
Tchad en particulier sont mise en valeur par les activités quotidiennes
des acteurs. Ces mises en valeurs varient d'une personne à une autre,
d'une tribu à une autre, d'une zone à une autre, etc. C'est ainsi
que les experts de Land Cam apportent une lumière sur les
différends fonciers en ce terme : « Nous proposons que ces
mécanismes de règlement amiable des différends fonciers,
préalable à la saisine du juge, soient mis en place, pour offrir
une justice de proximité, appuyée sur les mécanismes
étatiques. »174
3. Réaménager le CATZU et réouvrir
l'OFT
La commission d'Attribution des Terres en Zones Urbaines selon
plusieurs informateurs n'accompagne pas tous les acteurs dans le processus
d'acquisition des terres au Tchad. Les membres de cette commission (les maires
; les délégués ; les ministres en charge de la question
foncière) usurpent de leur titre pour se « faire de gombo
» dans le dos des
173 MAHAMAT A.B, idem p.74
174 Land Cam, idem, p.8
106
personnes vulnérables. Or, l'objectif premier du
gouvernement tchadien était de lutter contre les
inégalités dans l'acquisition des terres, mais le CATZU vient
faire une sorte de malhonnêteté en attribuant les terres aux gens
ayant des poches bien garnis. A cet effet, la nécessité de
réaménager cette commission s'imposer dans la mesure où
l'actuelle commission est dans une mouvante capitaliste, négligeant les
prolétaires au profit des bourgeois.
Aussi, selon le CATZU, les individus acquièrent les
terres dans le milieu urbain tchadien en déposant une copie de la
pièce d'identité et adresser une demande au directeur
général dudit secteur, or pour la plupart les demandent
déposées par les demandeurs des terres n'aboutissement pas. Il
faut forcément avoir une « relation sûre » au service du
cadastre pour espérer avoir une parcelle de terre. L'objectif de cette
commission sembler passer de côté et créant ainsi une
injustice dans l'attribution des terres. Une telle posture devrait selon nous,
interpeller les décideurs publics qui ont la charge de régler les
conflits liés à la terre. Malheureusement, les décideurs
publics en tant que « bons bureaucrates » ne contentent de
leurs bureaux en laissant de côté les réalités
sociales présentes sur le terrain.
De plus, le fait que, le CATZU ne dispose pas une liste
exhaustive des terres non occupées constitue un risque majeur dans les
futures attributions des terres et, c'est ce qui explique la double attribution
des terres aux demandeurs. Or, si le CATZU disposait d'une base de
données foncière (BDF) unique, il devrait repartir les terres
équitablement aux demandeurs quel que soit leur statut social,
politique, religion. Les inégalités dans la gestion des terres
par le CATZU causent des frustrations et constituent un épicentre de
l'insécurité au Tchad.
De même, vu la prépondérance des litiges
fonciers au Tchad en général et dans le premier arrondissement de
la ville de N'Djaména en particulier, nous estimons qu'il serait
préférable de ré-ouvrir l'OFT afin de mieux cerner ces
fléaux. Au regard des objectifs fixés par cet organe, le foncier
devrait être appréhendé dans sa globalité par tous
les acteurs sociaux. L'un des objectifs visés par cet organe
était d'enseigner les acteurs impliqués dans la gestion
foncière à travers les cours théoriques et aussi pratiques
dans les universités, les télévisions et les radios. A
notre avis, cette vision semble être une option porteuse dans la mesure
où elle implique les acteurs concernés dans la gestion
foncière.
107
Tableau 6: Appréciations des
enquêtés de la gestion foncière
Nature d'appréciation
|
Effectif
|
Total ?
|
Satisfaisant
|
10
|
100
|
Pas satisfaisant
|
70
|
Malgré nous
|
20
|
Source : enquête de terrain, octobre
2021
Graphique 2: Appréciations des
enquêtés de la gestion foncière
70
60
50
40
30
20
10
0
Satisfaisant
pas
satisfaisant malgré nous
Source : enquête de terrain, octobre
2021
Il se dégage de ce graphique que les individus sont
insatisfaits non seulement de la gestion actuelle du foncier dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména, mais aussi, des textes
fonciers.
De même, il ressort aussi que, les textes fonciers du
Tchad hérités de l'époque coloniale ne cadrent pas avec
les réalités tchadiennes et aussi, ne prennent pas en compte
toutes les aspirations sociales des individus. Par ailleurs, ces textes
protègent les individus instruits au détriment de ceux
illettrés, qui ne maîtrisent pas les enjeux liés à
la sécurisation formelle de leurs terres.
Il semble à cet effet que, la réactualisation,
voir l'adoption des textes dans le contexte tchadien pourrait permettre un
climat foncier apaisé, au regard des tensions sociales
omniprésentes liées au foncier dans presque toutes les
régions du pays.La balance ci-dessous représente une vision
modérée pour une gestion durable des terres.
108
La gouvernance foncière selon TCHAWA sous-tend
plusieurs séquences et prend en compte les questions liées
à :
· administration foncière,
· l'arsenal règlementaire
· aux procédures d'attribution,
· au transfert de propriété,
· la régulation du marché foncier,
· prélèvements des droits,
· de sécurisation,
· des indemnisations,
· de contrôle de l'atteinte à la
propriété foncière
· de gestion des conflits fonciers...
· Comprend aussi les outils cadastraux les
systèmes d'information foncière et domaniale175.
Au regard de son caractère complexe, plusieurs
entités entrent en jeu en vue d'une meilleure administration
foncière. Nous estimons que cette illustration siège avec le cas
du Tchad ou les différentes variables ne sont pas mises en exergue au
point où, seuls les acteurs instruis bénéficient d'une
faveur foncière considérable. De même, il faut organiser
d'une manière équilibrée les terres en faisant une
répartition objective des terres sans se baser sur les « poids
lourds » présents dans l'administration, mais trouver des
stratégies pouvant permettre de mieux cerner les conflits fonciers en
Afrique Subsaharienne en général et dans les milieux urbains
tchadiens en particulier.
A cet effet, il faut que la nouvelle commission d'attribution
des terres en zones urbaines, du moins celle réaménagée
assure une planification spatiale afin de connaitre les terres occupées
et/ou les terres libres. TCHAWA nous propose aussi cette vision de
structuration équilibrée des espaces en Afrique qui prendra en
compte le volet juridique,
175 TCHAWA P. (2021). « Séminaire
Méthodologique en Ligne et en Présentiel pour Chercheurs Juniors
Travaillant sur LE Foncier ». Optimisation de la qualité de la
recherche et de l'offre de formation sur le foncier en Afrique Centrale :
Acquis, défis et perspectives, Yaoundé, 6 & 7 Avril 2021,
Réseau NELGA Afrique Centrale, p.27
109
économique, politique, culturel, etc. Ainsi, la
planification des terres s'articule selon lui
comme suit :
La planification spatiale :
objectif principal :
· une affectation équilibrée et
· cohérente des terres
· dans leurs dimensions
· écologiques, économiques,
· Sociales et culturelles.
· Ceci dans le respect des
· articulations scalaires
· territoriales et au
· regard des engagements
· Internationaux et aux enjeux
Transnationaux.176
IV.LA CREATION DES CONDITIONS
OPTIMALES
Les conflits fonciers au regard de leurs dimensions
belliqueuses nécessitent une prise en compte de quelques aspirations des
acteurs afin de mieux les cerner, les appréhender, et aboutir à
des issues fiables. De même, la création des nouvelles
foncières optimales contribuent sans cesse à l'instauration d'une
stabilité sociale et foncière dans le premier arrondissement de
la ville de N'Djaména. A cet effet, plusieurs paramètres entrent
en jeux. Néanmoins, les plus essentiels répertoriés dans
les lignes et paragraphes de cette partie.
1. Renforcer les niveaux des Boulamat et les former sur le
domaine foncier
Le grand danger qui survient souvent dans le premier
arrondissement de N'Djaména est lié à l'ignorance des
textes fonciers par les chefs gérants. Ces chefs pour la plupart ont
hérité leurs postes de leurs parents. Ils sont cette forme
d'autorité traditionnelle dont parle Max WEBER ; laquelle est propre aux
sociétés traditionnelles. Il faut dire que, nos
sociétés bien qu'urbain, gardent encore en elles les
clichés de la paysannerie. Comme l'a noté ELA, les « villes
» africaines sont des « gros villages ». C'est ainsi qu'en
étant les auxiliaires de
176 TCHAWA P, (2021), idem, p.26
110
l'Etat, ces chefs gérants ont gardés en eux
leurs valeurs traditionnelles sur les terres. Même si un chef ne
possède aucun charisme pour manager les autres, il s'appuie sur sa
tradition pour restaurer sa puissance sans crainte. C'est ainsi qu'une
informatrice affirme en ce terme :
pourquoi laisser la gestion de la chose ci délicate
aux individus qui ne savent rien du droit, pire encore du droit foncier ?
L'Etat doit revoir ses décisions et prendre ses responsabilités.
Si les terres l'appartiennent, les Boulamat ne sont que des citoyens comme les
autres. Pourquoi l'Etat leur laisse cette latitude dans la gestion des terres ?
Aussi, près que 90% des Boulamat ne sait ni lire la langue arabe ; ni la
langue française ; pire encore écrire f...] ; il faut que l'Etat
restructure son domaine de compétence pour une gouvernance
foncière harmonieuse. 177
En analysant minutieusement ce propos, nous comprenons que
l'Etat dans sa politique de la décentralisation a plutôt
favorisé une catégorie d'individus illettrés. Cette
décentralisation étatique a empiré davantage les
problèmes auxquels les individus sont confrontés au quotidien. Au
lieu de trancher les litiges fonciers opposant certains individus, les
décisions de ces chefs gérants sont biaisées. Aussi, ces
mêmes chefs orchestrent la vente illégale des terres ;
morcèlent les terres des individus pour les revendre à d'autres
individus. Comment comprendre donc cette posture.
De même, les Boulamat pour la plupart des cas ne sont
pas instruit, mais veulent s'impliquer sur toutes les transactions
foncières dans les milieux ruraux qu'urbains.178 Le mieux
serai à cet effet, un renforcement des acquis de ces chefs
gérants sur les notions de base en droit en général et en
droit foncier en particulier. Aussi, les appuyer avec les notions du leadership
et du management des personnes. Car, la grande partie de ces chefs ne connait
pas trancher un problème d'une manière durable. Les
problèmes qu'ils essaient de trancher se retrouvent souvent au tribunal
ou finit par un soulèvement de la masse populaire mécontente de
l'arbitrage de ces différends fonciers.
Aussi, le gouvernement doit doter les Boulamat des
matériels nécessaires, lesquels le permettront de maîtriser
les thématiques en rapport au foncier dans leur circonscription. Il
(l'Etat) doit également les doter des outils nécessaires à
une résolution durable des litiges. Les appuyer par des séances
de formation sur le droit foncier ; l'aménagement du territoire ; la
résolution des conflits ; la médiation impartiale des conflits ;
mettre à leur disposition un plan réel d'occupation du sol en
s'appuyant sur les contextes dans lesquels il (l'Etat) se déploie.
177 Entretien avec madame Zaraf Sadam au quartier Ardeptiman en
octobre 2020
178 Enquête de terrain réalisée en septembre
2021
111
2. Mettre sur pied d'un comité de recensement des
litiges fonciers urbains
Le comité de recensement des litiges fonciers urbains
son rôle consistera à jouer l'intermédiaire entre les
acteurs impliqués dans les litiges fonciers et les autorités
administratives. Ce recensement permettra au gouvernement de définir des
feuilles de routes bien claires en rapport à l'acquisition des terres
rurales qu'urbaines et aussi, aux instances d'arbitrages des litiges fonciers
et aussi les solutions qu'il faut face à ces dangers que courent nos
sociétés contemporaines urbaines.
A cet effet, les membres de ce comité doivent
être les délégués des quartiers et les chefs des
ménages les plus anciens résidants dans les quartiers. Il doit
avoir une coordination des agents du cadastre et de la justice afin de
déboucher vers de pistes nouvelles en rapport aux mesures
adéquates face aux dangers « négligés ».
Le comité qui devra être mis sur pied doit
être constitué des acteurs issus des milieux concernés par
les problèmes fonciers et/ou par les acteurs présents dans les
zones convoitées. Ils ne doivent pas être les « bureaucrates
confirmés » qui ne maîtrisent pas les zones où ils
doivent intervenir pour trancher les différends fonciers. L'Etat doit
également mettre une rigueur dans le critère de constitution des
membres de ce comité afin de trouver une meilleure issue et aussi, mieux
cerner les litiges fonciers dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména.
Par ailleurs, l'Etat doit effectuer une mission
sérieuse d'audit et de suivi et évaluation de ce comité,
laquelle le permettra d'effectuer une enquête de moralité sur la
vie de tous les membres dudit comité afin de s'assurer que ces derniers
ne soient des éventuels « metteurs d'essences » dans les
problèmes auxquels les gens font face. Le critère de constitution
des membres du comité doit être objectif et en fonction des
attentes des habitants des localités choisies par cette équipe
d'expert issus du « monde d'en bas » et/ou un jumelage
d'expérience allant dans la même direction.
De même, l'Etat doit bien examiner les rapports que
fournira ce comité afin de s'assurer de l'authenticité des faits
et aussi d'un véritable travail de terrain dépourvu des biais.
Car la plupart des litiges fonciers qu'on observe dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména sont occasionnés par le
manque de la fiabilité, de confiance, de rigueur dans la prise des
décisions par les autorités compétentes en charge de la
gestion des questions foncières. Il est à notre avis,
impératif d'analyser ces problèmes avec l'implication des acteurs
concernés. Le plus souvent, relégués au second plan, ces
acteurs négligés, méprisés
112
deviennent des « activeurs des feux » dans les
litiges opposant les leurs. C'est dans cette lancée qu'un informateur
affirme :
l'Etat doit mettre sur pied un comité de
résolution des litiges dans chaque arrondissement ; ledit comité
doit être constituer par les habitants des quartiers concernés. Ce
n'est pas bon de résoudre toujours ses problèmes en justice. Il
faut qu'on réfléchisse très murement afin de penser
à notre vie de demain... Nos enfants feront comment sans ce
comité [...] ?179
Ainsi, le comité une fois mis en place jouera le
rôle des enquêteurs sur les origines des conflits qui pourront dans
le long terme constituer un drame pour nos sociétés
contemporaines. Le mieux sera ici de prévenir le problème afin
d'éviter des chaos sociaux. Nos sociétés faut-il encore le
rappeler font déjà face à plusieurs problèmes
lointains en occurrence les conflits intercommunautaires ; les conflits inter
religions (les musulmans se convertissent rarement dans le christianisme
à cause de leurs sociétés) ; les conflits
idéologiques (liés à la prise de positions politiques) ;
les conflits liés à l'intégration sociale et
professionnelle ; les conflits armés, etc. Les conflits fonciers qui
deviennent de plus en plus inquiétants constituent un impératif
pour toute prise de décision quelconque. Car selon plusieurs
informateurs, 90% des problèmes rencontrés au Tchad sont
liés aux terres.
Au lac Tchad par exemple, les conflits au polder opposant les
Boudouma au Kanembou, les Kanouri Boulala, les conflits opposant les
éleveurs Peuls aux agriculteurs Moundang dans la Région du Mayo
Kebbi Ouest, les conflits violents éleveurs-agriculteurs dans la
Tandjilé, les conflits très meurtriers dans le Mandoul, Moyen
Chari, Logone Occidental, etc., démontrent à quel point la terre
est au centre de tous ces différends ci-cités. C'est ce qui fait
dire au sociologue français, MENDRAS Henri que : « la terre
c'est à la fois les champs, le métier [...] ; un paysan de souche
paysanne doit être au milieu de ses terres. »180
Aussi, les paysans de souche ont « toujours soif de la terre [...].
»
Les problèmes rencontrés ont trait à la
terre dans la mesure où, presque toutes les activités
économiques au Tchad sont liées fortement au travail de la terre.
Aussi, les industries présentes au Tchad sont des industries
agroalimentaires qui fonctionnent à base des produits du secteur
primaire. La terre est ici, au centre de toutes les préoccupations
rurales et urbaines. Pour mieux cerner les contours de ces différends
fonciers, il est évident de définir une «
sérieuse politique » de gestion foncière qui
prendre en compte les avis des acteurs concernés et aussi, qui viendra
avec des solutions pouvant calmer les litiges. Le constat que nous faisons
179 Entretien avec monsieur Nodjiouassem Japhet à Zaraf en
Octobre 2021
180 MENDRAS H. La fin des paysans, Edition Acte Sud,
1963, p.219
113
c'est que les acteurs mécontents de l'arbitrage des
problèmes les opposants aux autres partent se venger. Or, les instances
étatiques mises sur pieds pour résoudre des éventuels
litiges ne sont pas partial.
3. Sensibiliser les habitants du premier arrondissement de
la ville de N'Djaména sur les enjeux lies a la sécurisation de
leurs terres
L'idée de former, sensibiliser les individus
impliqués dans la gestion foncière dans le premier arrondissement
de la ville de N'Djaména semble être aussi une porte de sortie des
crises foncières aiguës auxquelles les individus sont
confrontés. Durant notre investigation, nous nous sommes appesantis sur
la nécessité de sécuriser les terres par le titre foncier,
mais la plupart des individus rencontrés dit de n'est pas
connaître l'importance du titre foncier. Certains ajoutent en disant
qu'on ne peut pas facilement avoir le titre foncier et aussi, le titre foncier
est fait pour les hommes qui veulent construire des grosses villas. A ce
niveau, l'appréhension du titre foncier comme une pièce
maîtresse dans la sécurisation des terres rurales qu'urbaines
semble échapper certaines catégories sociales. C'est ainsi qu'un
informateur affirme :
que ferai-je avec le titre foncier ? [...] ; je ne peux
pas chercher à avoir un titre foncier alors que mes maisons sont
construites en terres noires [...]. Si je veux construire des villas, j'irai
vor la procédure d'obtention du titre foncier. Sinon, peut-être un
jour l'un de mes enfants aura l'audace de le faire. Je ne vois pas que le titre
foncier ait une importance dans le terrain où il n'y a pas des grands
investissements matériels. 181
Le propos de cet informateur montre à quel point le
titre foncier est méconnu par certains individus dans le premier
arrondissement de N'Djaména. Certains individus disent de n'avoir jamais
parlé du titre foncier et pire encore que le titre foncier soit
considéré comme une pièce maîtresse dans la gestion
des terres. C'est ainsi que près de 80% des terres dans le premier
arrondissement de N'Djaména ne sont pas sécurisées. Nous
nous basons sur les informations fournies par près de 300
informateurs.
De plus, certains individus estiment que, le titre foncier
c'est le maire qui doit l'offrir aux citoyens résidants dans sa
circonscription administrative. Donc cette volonté de l'Etat tchadien de
sécuriser de manière durable les terres par un titre foncier
reconnu au guichet unique semble être mal perçue par la grande
partie du premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Selon
certains informateurs, la vraie sécurisation des terres se fait par mise
en valeur à travers les plantes et aussi, le témoignage des
voisins, c'est dire que les voisins diront
181 Entretien avec un habitant de Zaraf en octobre 2021
114
que les terres appartiennent à tel monsieur ; telle
dame. Mais à ce niveau, est-ce que le risque n'est pas grand. Au cas
où certains voisins ne reconnaissent pas réellement que les
terres appartiennent à tel monsieur ou telle dame, n'y a-t-il pas
là des sérieuses confusions. Le mieux sera d'arrimer pour dans la
procédure formelle de sécurisation des terres par le titre
foncier. C'est dans cette lancée qu'un informateur affirme :
je sais que les voisins sont les témoins oculaires.
Lorsque j'ai acheté mes terres, ils étaient là
présents. Ce n'est pas à cause d'un petit papier que je perdrai
mes terres. Aussi, j'ai déjà durée sur mes terres. Je suis
ici sur ces terres depuis les années 1977. Je n'ai jamais eu des
problèmes des terrains. Pensez-vous que je perdrai mes terrains ? [...]
je dirai non ! J'ai 10 enfants et c'est ici qu'ils sont nés.182
La volonté de sécuriser les terres par l'Etat
devrait impliquer les individus concernés dans le processus pour
l'atteinte des objectifs escomptés. Cependant, au Tchad en
général et dans le premier arrondissement de N'Djaména en
particulier, l'Etat a mis de côté les individus résidants
sur son territoire. Sinon, comment peut-on explique le fait que la grande
partie de la population, les lettrés et les illettrés ne
connaissent pas l'importance du titre foncier. Nous avons interrogé de
plus 100 ménages sur l'importance du titre foncier, seulement 20
ménages reconnaissent la valeur dudit document. Est-ce là une
sécurité des terres. Les 80 ménages ne constituent-ils pas
un risque pour la distorsion du tissu social dans le long terme. L'Etat doit
organiser les compagnes de sensibilisation sur les enjeux liés à
la sécurisation des terres par le titre foncier.
Il se dégage donc de ces tendances que, le titre
foncier en tant que pièce maîtresse qui garantit une
sécurisation foncière durable des terres, demeure un luxe pour
les tchadiens en général et les habitants du premier
arrondissement en particulier.
De même, il faut que les décideurs publics et
privés accompagnent l'Etat dans ce processus très délicat
dans notre contexte où la tradition semble prendre le déçu
du moderne ; aussi, dans le contexte où le nombre de lettrés
n'excelle pas 60% de la population totale tchadienne.183 Aussi, il
faut que l'Etat mette sur pied des commissions de sensibilisation dans toutes
les 23 régions du Tchad afin d'impacter toutes les couches sociales par
la nécessité d'avoir un titre foncier.
Par ailleurs, il faut que l'Etat mette sur pieds dans chaque
arrondissement une agence pour recenser ; orienter ; former sur le foncier
urbain qui devient de plus en plus très complexe. C'est ainsi qu'un
informateur affirme :
182 Entretien avec Monsieur Nouradine à
Amsinéné, novembre 2021
183 Source rapport de la Banque Mondiale de 2020
115
l'Etat doit nous aider à connaître
l'importance de certaines choses dans ce pays. A l'école, l'Etat doit
nous instruire déjà sur tout ce qu'il faut faire pour avoir les
terres. Sinon, comment pourrions-nous connaître. On n'a jamais fait les
longues études pour connaître certaines choses, mais la moindre
des choses serait cette implication de toutes les souches sociales à une
décision. C'est même aujourd'hui que j'apprends que mes terres
seront peut-être un jour prises par l'Etat par manque d'un simple papier
[...J ; le titre foncier.184
L'Etat ne doit pas seulement appuyer les acteurs avec les
formations dans le domaine foncier, mais animé les émissions sur
l'importance de sécuriser ces terres et/ ou de la mise en valeur
effective de leurs terres. Cette phase cruciale doit au centre de ses
préoccupations afin d'impacter durablement toutes les couches sociales
par les informateurs. La communication joue un rôle très important
dans la réduction des litiges fonciers dans le monde en
général et en Afrique en particulier.
A cet effet, les acteurs impliqués dans les
transactions foncières doivent être informés, formés
de toutes les affaires qui sont en rapport aux terres afin de préparer
les préparer psychologiquement à une réaction
adéquate sans risque majeur. Car comme le mentionne Ulrich BECK, nous
sommes permanemment dans des situations des crises et qui nous laissent savoir
que nous vivons du jour aux jours dans « les sociétés
à risque » ; ces sociétés affectées non
seulement par les intempéries (inondations ; fortes pluviométries
; secousses violentes des terres ; l'avancée du désert ; le
terrorisme extrémiste ; et même les problèmes
omniprésents des litiges fonciers en Afrique). Selon plusieurs
informateurs, le problème crucial en Afrique est lié aux espaces
des terres pour les activités économiques. C'est ce qui
démontre davantage les conflits récurrents entre
agriculteurs-éleveurs en Afrique de l'Ouest notamment au Niger, Mali,
Burkina Faso, en Afrique de l'Est en Ethiopie et en Afrique Centrale au Tchad
et au nord Cameroun.
Aussi, l'implication des acteurs concernés par les
litiges dans le processus de prise des décisions formations et/ou leurs
informations contribuent à la maîtrise des problèmes «
cachés » ; « ignorés » ; « banalisés
» ; « négligés », mais qui constituent les nerfs
de tous les restes problèmes. Certaines tensions sociales
observées de nos jours dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména expliquent tout simplement les crises foncières «
mal gérées » ; « négligées » par les
acteurs qui ont la charge de trancher les éventuels différends
liés aux terres et/ou à toute transaction concernant l'espace des
terres dans les milieux urbains tchadiens. Les crises actuelles
démontrent à suffisance que les acteurs chargés
184 Entretien avec un maître tailleur à
Djougoulié, Novembre 2021
116
de gérer les terres sont soit juste des «
bureaucrates confirmés » ; soit ne sont pas assez pour mieux cerner
l'ampleur desdits problèmes.
4. Lutter contre la corruption
Le phénomène de la corruption constitue aussi un
danger auquel les pays de l'Afrique subsaharienne e général et
les habitants du premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Ainsi,
plusieurs acteurs sont impliqués dans le processus d'instrumentalisation
des actes de corruption dans les milieux urbains tchadiens en occurrence les
agents du service de cadastre, les mairies ; les délégués
auprès des communautés urbaines ; les commandants de brigades ;
la justice ; les chefs gérants (Boulamat). Plusieurs informateurs
interrogés lors de notre investigation martèlent la « main
cachée » de ces acteurs dans la corruption liée aux
transactions foncières.
Notons aussi que, le continent africain perd près de 35
milliards de dollar annuellement dans l'importation des produits alimentaires.
Selon le vice-président principal de la Banque Africain de
Développement BOAMAH Charles, la corruption constitue une épine
majeure dans l'évolution des sociétés africaines qui sont
encore à un stade prématuré de leurs
développements. Aussi, le dernier rapport du Centre Africain de
Ressources Naturelles estime que près de 24 milliards de dollars en
Afrique sont dilapidés malgré les atouts que renferment ce
continent.
La corruption est donc un « danger chéri »
par les autorités compétentes qui ont la charge de la gestion des
terres dans les milieux urbains tchadiens. C'est ce qui explique la vente des
terres d'autrui par les agents de l'Etat qui, sont sensé contribuer
à l'éradication de ce fléau. Les sociétés
africaines malgré les nombreuses richesses qu'elles possèdent
croupissent dans les misères profondes à cause de la corruption,
laquelle ne les permet pas d'atteindre l'autosuffisance alimentaire. Le
véritable paradoxe se trouve dans cette inadéquation entre les
ressources disponibles et les gestions non-efficientes par les autorités
en charge des terres.
De même, selon ce rapport, 60 millions d'hectares vendus
ou retirés aux individus par la complicité des chefs
gérants qui usurpent de leur titre pour « compresser » les
autres individus des couches sociales les plus vulnérables.
L'incertitude liée à la sécurisation des terres des
individus demeure ce « casse-tête » contemporain que
rencontrent les sociétés en Afrique subsaharienne. L'expert de la
Banque Africaine de Développement indexe aussi les promoteurs
immobiliers, les spectateurs, mais aussi les personnes chargées
d'administrer les terres, notamment les chefs traditionnels (Boulamat). Les
chefs qui gèrent les terres sont
185 BOAMAH C. (2020). « 90% des terres restent sans titre
foncier, le casse-tête Africain », in la presse hebdomadaire
`'l'Essentiel», n°334, janvier-février 2020, p.8-9
117
responsable de près de 60% de corruption en Afrique. Il
met en lumière l'exemple de la corruption flagrant au République
Démocratique du Congo (RDC) où près de la moitié
des terres des acquéreurs locaux appartiennent aujourd'hui aux firmes
internationales. Par ailleurs, selon les statistiques des Nations Unies, 60
millions d'hectares des terres des individus ont été
retirées et/ou vendues entre les années 2009 et 2010. Ce rapport
démontre à suffisance le danger omniprésent que
rencontrent les sociétés africaines contemporaines, ce
phénomène de la corruption.185
La lutte contre ce phénomène omniprésent
dans près que tous les secteurs au Tchad doivent être une affaire
de tous les acteurs. Surtout dans le domaine foncier où les individus
vulnérables payent les « pots de vins » pour espérer
avoir un petit espace de terres. L'Etat doit mettre sur pied un numéro
vert pour traquer ces individus déviants sans exception. Mais le constat
que nous faisons est que certaines catégories des personnes au vue de
leurs statuts sociaux, professionnels, religieux, de leurs capitaux politiques
bénéficient d'une « couverture lourde » des agents de
l'Etat. Les couches sociales les plus vulnérables se trouvent
lésées à leur propre sort et ont souvent une peur de ces
catégories énumérées, car ils ne pourront jamais
gagner un procès au tribunal contre ces individus qui ont des «
lourds calibres » sociales et relationnelles diversifiés. L'Etat
prend souvent des décisions que les citoyens tchadiens
apprécient, mais concrètement sur les terrains, ces lois ne sont
pas appliquées, elles sont gardées dans les tiroirs des
ministères et ne servent plus à rien.
Pa ailleurs, dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména il existe un réseau des malfaiteurs entretenus par les
agents de la gendarmerie à ciel ouvert. Les membres de ce réseau
s'impliquent dans près que toutes les transactions urbaines y compris
les transactions foncières. Connaissances les rouages de la justice, sur
la base de leurs relations diversifiées avec les procureurs, les
magistrats, les greffiers, les officiers des polices judiciaires (OPJ), etc.
sabotent tout processus judiciaire entrepris par les « laissés pour
compte ». A ce niveau, il existe une grande marge
d'inégalité sociale entre les acteurs, laquelle «
chérie », « entretenue » par les autorités
sensées faire valoir la loi. Le Tchad sombre depuis lors dans les divers
conflits observés à cause de la « mauvaise foi »
des autres qui veulent remplir leurs poches et subvenir aux besoins de
leurs familles. Nous avons vu le cas où les problèmes de terrains
opposaient un général de l'armée de terre à un
éleveur, lesdits problèmes ont tournés à la faveur
du général de l'armée.
118
Nous estimons à cet effet que, les «
laissés pour compte » pourront constituer un danger
sécuritaire dans le long terme dans la mesure où, ils
constitueront entretemps un réseau solide et leurs actes pourront
déboucher par des réclamations populaires. C'est ce qui explique
depuis lors les diverses manifestations des uns au sud du pays contre
l'injustice faite par les gouverneurs à l'égard des agriculteurs
qui ont vu leurs champs dévastés par les troupeaux des boeufs,
chèvres, moutons appartenant aux « personnes intouchables ».
Les « intouchables » ici peuvent être les gouverneurs
(les gouverneurs au Tchad sont des généraux de l'armée) ;
les préfets et les sous-préfets ; les ministres et les plus
courants sont les individus issus du même clan que le président de
la république. Les lauréats de l'Ecole Nationale d'Administration
on ne sait où ils travaillent.
La corruption fait qu'on espère plus un service rendu
gratuitement au Tchad au point pour déposer les demandes d'attributions
des terres au CATZU, il faut forcément débourser une somme
d'argent afin d'espérer un minimum de service. De même, pour
gagner le procès en justice, il faut simplement avoir d'argent.
De même, la corruption s'explique au niveau du service
du cadastre et de CATZU par le phénomène de la « double
attribution » des terres aux individus et aussi par l'existence des
doubles, voire trois titres fonciers sur une seule et même parcelle des
terres. Les gens s'achètent les places dans ces services
étatiques pour se construire une vie sociale aisée. L'Etat en
tant que garant de l'ordre cède à la spéculation de ces
agents sans les traquer et envoyer au tribunal. C'est ce qui explique selon
plusieurs informateurs, la prépondérance des conflits fonciers au
Tchad en général et dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména en particulier. Déjà, MFEWOU a mentionné
ces pratiques en 2010 dans son ouvrage à partir de l'expérience
camerounaise autour de la Bénoué où le SAIB et les
migrants ont eu des tensions graves. Nous pensons que la corruption doit
être éradiquée par tous les moyens afin de permettre une
stabilité sociale au Tchad et aussi permettre à ce « pays
pauvre » de s'éveiller.
119
CONCLUSION PARTIELLE
Au terme de ce chapitre, il ressort que, les espaces des
terres urbaines mal gérées et les conflits fonciers mal
tranchés constituent une perte pour le pays. Ainsi, les luttes contre la
corruption, le trafic d'influence et la partialité des responsables dans
la gestion des conflits amplifient davantage les tensions foncières dans
le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. De même, le
manque des structures pour assurer la réparation équitable des
terres, les processus de destruction des terres et, le manque d'une politique
d'urbanisation générale fait que les individus construisent des
maisons de façon anarchiques et occupent le domaine de l'Etat.
CONCLUSION GENERALE
121
Le thème de notre recherche porte sur « Les
Boulamat et les conflits fonciers en milieu urbain tchadien: cas du premier
arrondissement de la ville de N'Djaména».
Le gouvernement tchadien en application des différentes
lois qui régissent le fonctionnement du foncier au Tchad,
c'est-à-dire la loi n°23 du 22 juillet 1967, portant statut des
biens domaniaux ; la loi n°24 du 22 juillet 1967, sur le régime de
la propriété foncière et des droits coutumiers,
titre 1 : article 15, alinéa 2, stipule que : « l'Etat
peut immatriculer à son nom les terres vacantes et sans maître
»186; la loi n°25 du 22 juillet 1967, sur la
limitation des droits fonciers, article 1, « nul ne peut être
privé de la propriété des immeubles ou de l'usage du sol,
sans que l'intérêt public l'exige, qu'il y ait indemnisation et
que les dispositions légales soient
appliquées.187
En effet, ces différentes lois montrent que
l'Etat est le garant de toutes les terres et jouit des prérogatives de
leur gestion. En tant que seul et unique gestionnaire avéré,
l'Etat a institué le principe de la détention du titre de
propriété qui donne à un individu, non seulement
l'autorisation de possession légale de terre, mais aussi la
possibilité de faire des investissements sans risque d'expropriation et
au-delà réduire au maximum les litiges fonciers sur
l'étendue du territoire national.
En dépit de toutes ces mesures entreprises par le
gouvernement tchadien, l'on assiste plutôt à une recrudescence des
litiges fonciers. Le problème que soulève la présente
réflexion est celui de l'ingérence des Boulamat dans
l'implémentation des différends fonciers. Autrement dit, comment
comprendre et expliquer que ces chefs traditionnels soient devenus les
instigateurs ou ceux mêmes-là qui orchestrent le désordre
autour du foncier.
La question qui a servi de fil conducteur à notre
analyse a été formulée comme suit : Comment comprendre et
expliquer que les « Boulamat » qui sont sensés établir
la paix et l'harmonie entre les populations s'érigent en instigateurs
des tensions foncières ? En d'autres termes, comment rendre compte des
actions des « Boulamat » sur le foncier ? En d'autres termes, comment
rendre compte des actions des « Boulamat » sur le foncier ?
Pour répondre à ce questionnement, nous avons
formulé l'hypothèse ci-après : la recrudescence des
litiges fonciers observés en zone urbaine tchadienne tire leurs sources
de la spéculation foncière organisée par les «
Boulamat ». En réalité, les « Boulamat »
chargés de la
186 Banque Tchadienne de Données Juridiques(2004),
« Le droit foncier par les textes: recueil de textes sur le foncier au
Tchad», N'Djaména, CEFOD, Imprimerie du Tchad, p.12
187 Banque Tchadienne de Données Juridiques(2004), idem,
p.24-30
122
gestion et la répartition des terres lignagères
se servent de leur position pour s'en accaparer aux fins d'exploitations
commerciales. Ce qui suscite inéluctablement des réactions
contestataires et des tensions vives.
Notre démarche méthodologique a
été particulièrement inspirée par deux principales
grilles théoriques d'analyse à savoir : l'interactionnisme
symbolique de H. BLUMER et l'acteur stratégique de M. Crozier.
La première nous a paru intéressante dans la
mesure où, elle nous a permis de réaliser que la
réalité sociale est révélée dans les
échanges entre les différents acteurs notamment les «
Boulamat » et la masse.
La seconde par contre nous a permis de comprendre l'acteur
social comme un stratège subtil qui, se sert de sa position pour
assouvir ses intérêts.
Pour rassembler le matériau de terrain, nous avons
mobilisé les discussions de groupes, les entretiens et le
questionnaire.
Dans le cadre de la présente réflexion, trois
(03) grandes tendances se dégagent de l'analyse de nos
prédécesseurs. La première tendance s'oriente sur
l'origine des conflits fonciers ; la seconde sur les gestions discriminatoires
des terres en Afrique en général et au Tchad en particulier et la
troisième sur les perspectives des résolutions des conflits
fonciers.
Toutefois, ces études se sont avérées
insuffisantes sur l'implication des chefs traditionnels dans les
commercialisations des terres dans le milieu urbain. C'est ainsi que, suite aux
travaux antérieurs qui ont traité la question foncière, le
présent travail suit cette logique, mais met un accent particulier sur
« l'implication des chefs traditionnels dans le processus de
commercialisation de terres, les stratégies qu'ils développent au
quotidien en vendant des espaces d'autrui ».
Les résultats de cette étude montrent que
l'accroissement des litiges fonciers urbains à N'Djaména est
entretenu par les « Boulamat » qui profitent de leur statut pour
vendre de manière informelle les terres appartenant non seulement
à la communauté, mais aussi l'Etat.
Ainsi, ils dégagent quelques proportions relatives
à l'implication des différents acteurs dans la gestion des
terres. De manière plus précise, il s'avère que 60? des
litiges fonciers sont lié à l'immixtion des Boulamat dans le
processus de vente des terres appartenant au domaine national, privé et
aussi, de la vente multiple d'une parcelle des terres à plusieurs
individus.
Ainsi, toutes les hypothèses émises ont
été confirmées. L'hypothèse principale était
: La recrudescence des litiges fonciers observés en zone urbaine
tchadienne tire leurs sources
123
De même, il en résulte que, 20% des
différends fonciers dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména sont liés aux manques de compétence des
autorités administratives.
En d'autre terme, 10% des différends fonciers sont
dû aux non-respects des textes fonciers tchadiens. Il existe
généralement selon les enquêtés les textes sur le
foncier au Tchad qui définissent clairement les modalités
d'accès au sol, le processus d'immatriculation et aussi une
sécurisation durable des terres. Néanmoins, il se dégage
que certains individus pour des intérêts égoïstes
contournent les textes fonciers pour occuper non seulement le domaine de
l'Etat, mais aussi celui des particuliers.
Par ailleurs, il ressort que, 5% des conflits fonciers sont
liés aux morcellements des terres d'autrui par leurs voisins.
Généralement, les voisins les plus proches vendent les terres des
autres à leur absence. Aussi, lorsqu'ils remarquent une non mise en
valeur des terres pendant une période de deux(02) à trois(03)
ans, ils procèdent au morcellement et au déplacement des bornes
dans l'optique d'augmenter la superficie de leur parcelle.
Enfin, 5% des différends fonciers sont liés
à la flexibilité lors des règlements des conflits. En
effet, certains acteurs sociaux ne respectent pas les clauses signées
lors de règlement des conflits. Généralement, certains
individus cherchent à tout prix autre alternative pour espérer un
gain de cause. Cette attitude plonge davantage les différentes parties
prenantes dans des sérieuses crises foncières.
En outre, les résultats obtenus révèlent
que les femmes sont peu actives dans non seulement la gestion des terres, mais
aussi dans le processus d'acquisition, d'achat des terres urbaines que rurales.
Dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména, 93% des terres
appartiennent aux hommes et 7% aux femmes.
En effet, l'analyse qui se dégage de ces proportions
est que, les hommes au nom de leur tradition s'affirment totalement en tant
qu'acteurs centraux de la gestion foncière. Ce qui fait qu'ils usent de
tous leurs pouvoirs pour écarter les femmes de la gestion, d'achat des
terres. Les femmes ignorées, écartées de la gestion des
terres se voient stigmatiser et cachent le désir d'être
propriétaires des terres. Il s'avère aussi que, les traditions
tchadiennes pour la plupart décentrent les femmes en tant
qu'héritière des terres.
124
de la spéculation foncière organisée par les
« Boulamat ».
Les résultats obtenus révèlent que, les
« Boulamat » usurpent de leur titre et statut pour changer les
directions des rues destinées à l'utilité publique,
vendent les terres du domaine national aux individus, morcellent les terres des
autres, et organisent les ventes multiples d'une parcelle à plusieurs
individus. Cette réaction des « Boulamat » a donc
créée des confusions entre les acteurs. Ces confusions se
symbolisent par des rides conflits autour des terres dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména.
Ainsi, les terres au regard des enjeux qu'elles renferment
sont les lieux des luttes antagonistes et stratégiques qui se soldent
par les pertes en vies humaines, la destruction des biens matériels. Les
individus victimes se retrouvent dans les rues sans un abri, cette situation a
donc créée eu un impact social, économique et
politique.
De plus, les conséquences de ces litiges sont :
sociales, politiques, économiques, culturelles. Les mécanismes
mise en place dans le cadre de résolution de ces différends sont
: la révision des textes fonciers, la réouverture de commission
d'attribution des terres en zones urbaines, la formation des Boulamat sur les
droits fonciers, la lutte contre la corruption, la formalisation de la vente
des terres.
Dans la première partie, le chapitre premier met un
accent sur les enjeux qui gravitent autour des terres dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména et les acteurs impliqués
dans la gestion des terres. Le chapitre deuxième par contre met en
relief les déterminants des conflits fonciers et les conséquences
issues de ces derniers.
Enfin, la deuxième partie met l'emphase sur les
instances d'arbitrage des litiges fonciers et les mécanismes mis en
place afin de mieux appréhender ces conflits fonciers. Les tendances qui
se dégagent d'après les informateurs est que, les individus avant
d'atteindre les institutions judiciaires pour l'arbitrage de leurs
différends, font d'abord recours à leurs voisins les plus
proches. Cette manière de trancher les crises foncières est celle
dite à la muable. Néanmoins, l'insatisfaction conduit le plus
souvent les individus impliqués dans les crises foncières en
justice.
Par ailleurs, la plupart des individus qui part en justice se
dit confus par la partialité des chefs qui arbitrent les
différends qui les opposent aux autres. Selon eux, le seul endroit qui
semble un peu impartial est la justice. C'est d'ailleurs se secours à la
justice se dégage clairement d'après les résultats de
cette recherche. 85? des litiges fonciers en milieu urbain tchadien en
général et dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména en particulier
125
se tranchent en justice. 10% dans les brigades par les CB et
seulement 5% à la muable.
En ce qui concerne l'intérêt de cette
réflexion, elle ouvre une nouvelle voie dans le contexte tchadien vers
une sociologie de gestion des ressources foncières. Plus
précisément, le présent travail est une contribution
à la sociologie de questions foncières en milieu urbain.
Toutefois, ce travail ne saurait prétendre à la
perfection totale, moins encore à l'atteinte de toutes les couches
sociales concernées par les litiges fonciers. Au sens large,
l'enrichissement de cette réflexion consisterait à faire des
nouvelles analyses plus approfondies sur les mécanismes d'arbitrage des
litiges fonciers, et le processus d'acquisition des terres dans le milieu
urbain et rural tchadien.
A cet effet, Il parait judicieux d'étendre cette
thématique sur tous les arrondissements de la ville de N'Djaména
afin de mieux cerner ce fait « foncier » dans le contexte urbain
tchadien.
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colloque scientifique de N'Djaména, 28 juin au 1er juillet 2004,
N'Djaména, Imprimerie du Tchad ;
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conflits », in La question foncière au Tchad, Acte du
colloque scientifique de N'Djaména, 28 juin au 1er juillet 2004,
N'Djaména, Imprimerie du Tchad ;
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l'espace sahélo-saharien : Les défis et enjeux sécuritaire
dans l'espace sahélo-saharien : la perspective du Tchad »,
Friedrich-Stiftung, Paix et Sécurité, Centre de Compétence
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juillet 2004, N'Djaména, Imprimerie du Tchad ;
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Tchad, stratégie des acteurs locaux. Etude appliquée au Canton
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organisé par l'Ecole d'Eté de l'IEPF du SIFEE et Colloque
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de la violence au Rwanda : incertitudes liées aux règles
d'accès des terres et processus inégalitaires et d'exclusions
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scientifique de N'Djaména, 28 juin au 1er juillet 2004,
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milieu rural au Tchad : le métayage », communication
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d'aménagement et de développement dans les domaines agricoles,
forestiers, hydrauliques, miniers ou pastoraux : transformation «
dirigée » de l'espace agraire et réponses paysannes à
la périphérie des Lacs Volta(Ghana) et Kossou (Côte
d'Ivoire) » in Enjeux fonciers en Afrique noire, Paris, ORSTOM,
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foncière sur les fronts pionniers au Cameroun » in Regards
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scientifique de N'Djaména 28 juin au 1er juillet 2004 ;
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foncière aux crises interethniques au Cameroun : le cas des
Bamiléké et leurs voisins, in « Morcellement et
concentration foncière .Des réalités complexe à
l'Ouest Cameroun : cas du Département de Bamboutos », in
Regards multidisciplinaires sur les conflits fonciers et leurs impacts
socio-économico-politiques au Cameroun, Laboratoire de
Développement Durable et Dynamique Territoriale, Département de
Géographie, Université Montréal, chapitre 2;
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: tenure traditionnelle ou l'exemple d'un aménagement de territoire
classique », in Enjeux fonciers en Afrique noire, Paris, ORSTOM, Karthala
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problématique foncière au Tchad » in Rapport du
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dans le Sahel (CILSS), République du Tchad, Ministère de
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ZIAVOULA E.R. (2012). « La course à l'espace
urbain : les conflits fonciers à Brazzaville », CERPAD,
Université Marien-NGOUABI, Presses de l'Université de Brazzaville
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« Conflits fonciers et dynamique de cohabitation en territoire Kelehe
Sud-Kivu Est RDC » ;
LANDCAM. (2020). «Reforming land tenure in Cameroon:
Avenues for action Civil Society land policy note », rapport de 2020;
MEUTCHIEJE F. (2021). Rapport de « l'Atelier de
Sensibilisation/Formation sur le dualisme juridique et les conflits fonciers
: contribution des chefs traditionnels dans la résolution des
conflits », Centre Touristique de NKOLANDOM, EBOLOWA ;
Extrait du Discours du Chef d'Etat Idriss Deby Itno du
1er décembre 1990 in « FM LIBERTE »,
Revue de Presse, (15 Décembre 2021,07H30 minutes)
132
The Munden Project Ltd. (2016). «Trading as TMP
Systems & Rights and Resources Initiative» (RRI);
Mémoires et Thèses :
CHENE-SANOGO A. (2012). « Enjeux fonciers et
développement durable au Mali », Thèse du doctorat Ph.D,
décembre 2012, Université de Bourgogne, UFR Droit-Science
politique ;
MAHAMAT A.B. (2013). « Extension urbaine et
problèmes fonciers dans les quartiers périphériques de la
ville de N'Djaména : le cas du quartier Toukra ; Mémoire
du master en géographie, Université de Maroua ;
MBEN LISSOUCK F. (2011). « Violence administrative et
indocilité populaire à Yaoundé », mémoire de
master en sociologie, urbanité et ruralité, FALSH,
Université de Yaoundé I ;
MBEZELE FOUDA E. (1999). « Appropriation de l'espace chez
les pygmées BAKA de l'Est Cameroun : cas de NGUILILI »,
mémoire de maîtrise en sociologie, Université de
Yaoundé I, FALSH ;
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problématique de l'opinion en Afrique noire », Thèse de
Doctorat d'Etat en Lettres et Sciences Humaines, UFR des Sciences Sociales,
France, Université de Paris X Nanterre, tome 1 ;
NJOYA NDAM M. (2021). « Les conflits fonciers dans la
commune de Foumban II à l'ouest Cameroun », Mémoire de
Master, Sociologie Urbanité et Ruralité, FALSH, Université
de Yaoundé I ;
Journaux et Presses
Presse écrite Hebdomadaire « Le
Progrès »,n°5155. « Des terrains des gens arrachés
par d'autres à travers des agents publics : des marchandages fonciers
sous le couvert de l'Etat » ;
Presse écrite Hebdomadaire « Info »
n°693 du 13 au 16 septembre 2018. « Foncier : la mauvaise
gestion des terres est source d'insécurité» ;
BOAMAH C. (2020). « 90% des terres restent sans titre
foncier, le casse-tête Africain » in La presse
Hebdomadaire « l'Essentiel » ; n°334,
janvier-février 2020 ;
Radio FM Liberté, 10 décembre 2021, «
Journal de 19H ».
133
Documents officiels: Lois, arrêtés,
décrets, conventions:
Banque Tchadienne de Données Juridiques. (2004). «
Le droit par le texte, Recueil de textes sur le droit foncier au Tchad »,
N'Djaména, Imprimerie du Tchad, CEFOD ;
Webographie
www.insee.fr, (consulté le 20
décembre 2020,09H56'.)
Fondation Friedrich Ebert Stiftung Plaidoyer pour une
réforme du régime juridique des cessions des terres à
grande échelle en Afrique Centrale : document cadre (Yaoundé
Friedrich Ebert Stiftung)
library.fes.de/pdf-files/bueros/Kamerun/09570.pdf
;(consulté le 17 septembre 2021,12H45 minutes)
Http : //
www.fao.org,(consulté le 16
septembre 2021, 13H30 munites) ;
Http : //
www.africalandpolicy.org,(consulté
le 16 septembre 2021, 14H00 munite) ;
ANNEXES
135
Annexe 1 : Questionnaires administrés aux
habitants du 1er arrondissement Bonjour Monsieur !
Je m'appelle LOGAM LAWANE, je suis un
étudiant inscrit en master 2, sociologie à l'Université de
Yaoundé I. Dans le cadre des exigences universitaires, il nous ait
demandé de rédiger à la fin de cycle de master un
mémoire de master. Le thème de ce travail est : «
La problématique des litiges fonciers en milieu urbain : cas du
premier arrondissement de la ville de N'Djaména(Tchad)
Pour la réussite de cette recherche, je sollicite votre
participation à ces questionnaires. Je vous garantis par ailleurs,
l'anonymat, les informations recueillies seront utilisées
essentiellement pour des fins académiques.
Merci de répondre !
SECTION A : Identification des
enquêtés
Noms et prénoms : (facultatif) Sexe : Masculin
Féminin
Quartier :(facultatif) Q.101.Quel est votre statut
social ?
R.101. Etudiant
R.102 Agriculteur
R.103 pêcheur
R.104
commerçant
R.105. R.106
maçon ouvrier
R.107. Enseignant
R.108 Autres
Q.102.Quel est votre statut matrimonial ?
R.109. R.110
Marié Célibataire
|
R.111 Divorcé
|
R.112
veufs/veuves
|
Q.101.Quels âges avez-vous ?
R.113. R.114. R.115. R.116. R.117. R.118.
21-28 ans 28-38 38-48 48-58 58-68 68 ans à
ans ans ans ans plus
Q.102.Depuis combien d'années habitez-vous cet
arrondissement ?
R.119. 1-6 ans
|
R.120 6-11ans
|
R.121. 11-16ans
|
R.1.22 16-21ans
|
R.123. 21ans plus
|
R.124 68ans à plus
|
Q.103.Quelle activité économique
pratiquez-vous ?
R.125.Agriculture R.126.Elévage
136
R.127.pêche
R.128.Fabrications des briques R.129.Commerce
général
R.130.Autres précisez
Q.104.Cette activité vous permet-elle de subvenir
au besoin de votre famille ?
R.131.Oui R.132.Non R.133.Oui mais pas totalement
Q.105.Sinon,quelle autre activité
économique pratiquez vous ?
SECTION B : nature des conflits entre les individus
Q.201. Etes-vous quelque fois en conflits avec vos
voisins à cause des terres ?
R.201. Oui R.202.Non
Q.202.Si oui, pourquoi ?
R.203. morcellement de terre R.204.déplacement de la borne
R.205. vente clandestine des terres Q.203.Etes-vous en conflits avec
les Boulamat ?
R.206. Oui R.207.Non
Q.204.Si oui, pourquoi ?
R.208. morcellement de terre R.209.déplacement de la borne
R.210. vente clandestine des terres Q.205.Selon vous, comment se
manifestent ces conflits ?
R.305.autres
R.211.violent R. 212.très violent R.213.verbal
R.214.tensions sociales R.215.autres SECTION C : résolution
des conflits
Q.301.Comment les conflits fonciers sont-ils
résolus ?
R.301.en justice R.302.par les Boulamat R.303.par les CB
R.304.par les parties
concernées
Q.302.Nommez les causes de la récurrence des
conflits dans votre arrondissement
R.306. Complaisance des Boulamat
R.307. Manque des compétences des autorités
administratives
R.308.
Non application de la loi foncière
R.309. Flexibilité lors du règlement des
conflits
R.310. Déplacement des bornes par les individus
R.311. La falsification des documents administratifs
R.312. Manque d'un plan d'urbanisme
137
Q.303.Etes-vous satisfait avec la gestion actuelle des
ressources foncières dans votre arrondissement ?
R.313.
content
R.314. très content
R.315. Malgré nous R.116. acceptable
R.317.
pas satisfaisant
R.318. un peu content
Q.304.Selon vous, comment faire pour prévenir les
litiges fonciers dans votre arrondissement ?
R.319. former les Boulamat
R.320. lutter contre la corruption
R.321. harmoniser les textes sur le foncier
R.322. sensibiliser la population sur les enjeux fonciers
R.323. formaliser la vente des terres
R.324. mettre sur pieds un organe de gestion des terres
efficaces
R.325. mettre sur pieds un plan d'occupation du sol
Numéro de la fiche :
Merci pour votre disponibilité !
Q.6.Quelles solutions préconisez-vous afin de limiter
les litiges fonciers dans la ville de N'Djaména ?
138
Annexe 2: Guide d'entretien administré au
délégué provincial de la ville de N'Djaména sur les
modalités d'acquisition des terres; les causes et les
conséquences des litiges fonciers au Tchad.
Bonjour Monsieur !
Je suis LOGAM LAWANE, Etudiant en Master 2 Sociologie à
l'Université de Yaoundé I(Cameroun). Je mène une recherche
sur : « la problématique des litiges fonciers dans le
milieu urbain : cas du premier arrondissement de N'Djaména(Tchad)
». A cet effet, je souhaiterai vous poser quelques questions
en rapports aux litiges afin de mieux approfondir mes connaissances sur cette
question. Les réponses obtenues au cours de cet Entretien seront
exclusivement utilisées à des fins académiques. Je vous
garantis par ailleurs l'anonymat.
I.IDENTIFICATION DE L'ENQUETE
1. Noms et Prénoms :
2. Statut social :
3. Statut matrimonial :
4. Lieu de résidence:
5. Age :
II.QUESTIONS EN RAPPORT AUX MODALITÉS
D'ACQUISITION DES TERRES Q.1.Etes-vous titulaire d'une parcelle de
terre ?
Q.2.Si oui, comment avez-vous acquis cette parcelle ?
III.QUESTIONS EN RAPPORT AUX CAUSES DES LITIGES
FONCIERS DANS LA VILLE DE N'DJAMÉNA
Q.3.Avez-vous été confronté un jour à
un problème de terrain ? Q.4.Si oui, comment avez-vous fait pour
trancher ces problèmes ?
Q.5.Selon vous en tant qu'expérimenté du
domaine, quelles peuvent être les conséquences de ces
problèmes fonciers dans votre circonscription administrative ?
139
IV.QUESTIONS EN RAPPORT À LA CONNAISSANCE DES
TEXTES FONCIERS Q.7.Selon vous, les textes existants au Tchad sur le
foncier sont-ils respectés par les acteurs ?
Q.8.Si oui, pensez-vous que ces textes assurent-ils suffisamment
les droits d'accès au foncier des citoyens tchadiens ?
Q.9.Si non, quelles sont les voies qu'empruntent ces citoyens en
cas d'échec desdits textes ?
Q.10.Quelles impressions avez-vous de la gestion actuelle des
litiges fonciers dans le milieu urbain au Tchad ?
Merci pour votre disponibilité.
140
Annexe 3: Guide d'entretien administré aux
administrateurs civils sur les modalités d'acquisition des terres; les
causes et les conséquences des litiges fonciers au Tchad.
Bonjour Monsieur !
Je suis LOGAM LAWANE, Etudiant en Master 2 Sociologie à
l'Université de Yaoundé I(Cameroun). Je mène une recherche
sur : « la problématique des litiges fonciers dans le
milieu urbain : cas du premier arrondissement de N'Djaména(Tchad)
». A cet effet, je souhaiterai vous poser quelques questions
en rapports aux litiges afin de mieux approfondir mes connaissances sur cette
question. Les réponses obtenues au cours de cet Entretien seront
exclusivement utilisées à des fins académiques. Je vous
garantis par ailleurs l'anonymat.
I.IDENTIFICATION DE L'ENQUETE
1. Noms et Prénoms :
2. Statut social :
3. Statut matrimonial :
4. Lieu de résidence :
5. Age :
II.QUESTIONS EN RAPPORT AUX MODALITÉS
D'ACQUISITION DES TERRES Q.1.Etes-vous titulaire d'un terrain dans le
premier arrondissement de la ville de N'Djaména ? Q.2.Si oui, comment
avez-vous acquis ce terrain ?
III.QUESTIONS EN RAPPORT AUX CAUSES DES LITIGES
FONCIERS DANS LA VILLE DE N'DJAMÉNA
Q.3.Avez-vous été confronté un jour à
un problème de terrain ? Q.4.Si oui, comment avez-vous fait pour
trancher ces problèmes ?
Q.5.Selon vous en tant qu'expérimenté du
domaine, quelles peuvent être les conséquences de ces
problèmes fonciers dans votre circonscription administrative ?
Q.6.Quelles solutions préconisez-vous afin de limiter
les litiges fonciers dans la ville de N'Djaména ?
141
IV.QUESTIONS EN RAPPORT À LA CONNAISSANCE DES
TEXTES FONCIERS Q.7.Selon vous, les textes existants au Tchad sur le
foncier sont-ils respectés par les acteurs ?
Q.8.Si oui, pensez-vous que ces textes assurent-ils suffisamment
les droits d'accès au foncier des citoyens tchadiens ?
Q.9.Si non, quelles sont les voies qu'empruntent ces citoyens en
cas d'échec desdits textes ?
Q.10.Quelles impressions avez-vous de la gestion actuelle des
litiges fonciers dans le milieu urbain au Tchad ?
Merci pour votre disponibilité.
142
Annexe 4: Guide d'entretien administré aux
habitants du premier arrondissement de la ville de N'Djaména sur les
modalités d'acquisition des terres; les causes et les
conséquences des litiges fonciers au Tchad.
Bonjour Monsieur !
Je suis LOGAM LAWANE, Etudiant en Master 2 Sociologie à
l'Université de Yaoundé I(Cameroun). Je mène une recherche
sur : « la problématique des litiges fonciers dans le
milieu urbain : cas du premier arrondissement de N'Djaména(Tchad)
». A cet effet, je souhaiterai vous poser quelques questions
en rapports aux litiges afin de mieux approfondir mes connaissances sur cette
question. Les réponses obtenues au cours de cet Entretien seront
exclusivement utilisées à des fins académiques. Je vous
garantis par ailleurs l'anonymat.
I.IDENTIFICATION DE L'ENQUETE
1. Noms et Prénoms :
2. Statut social :
3. Statut matrimonial :
4. Lieu de résidence :
5. Age :
II.QUESTIONS EN RAPPORT AUX MODALITÉS
D'ACQUISITION DES TERRES Q.1.Etes-vous titulaire d'une parcelle de
terre ?
Q.2.Si oui, comment avez-vous acquis cette parcelle ?
III.QUESTIONS EN RAPPORT AUX CAUSES DES LITIGES
FONCIERS DANS LA VILLE DE N'DJAMÉNA
Q.3.Avez-vous été confronté un jour à
un problème de terrain ? Q.4.Si oui, comment avez-vous fait pour
trancher ces problèmes ?
Q.5.Selon vous en tant qu'expérimenté du
domaine, quelles peuvent être les conséquences de ces
problèmes fonciers dans votre circonscription administrative ?
Q.6.Quelles solutions préconisez-vous afin de limiter
les litiges fonciers dans la ville de N'Djaména ?
143
IV.QUESTIONS EN RAPPORT À LA CONNAISSANCE DES
TEXTES FONCIERS Q.7.Selon vous, les textes existants au Tchad sur le
foncier sont-ils respectés par les acteurs ?
Q.8.Si oui, pensez-vous que ces textes assurent-ils suffisamment
les droits d'accès au foncier des citoyens tchadiens ?
Q.9.Si non, quelles sont les voies qu'empruntent ces citoyens en
cas d'échec desdits textes ?
Q.10.Quelles impressions avez-vous de la gestion actuelle des
litiges fonciers dans le milieu urbain au Tchad ?
Merci pour votre disponibilité !
144
Annexe 5 : Attestation de recherche de
l'Université de Yaoundé 1
145
Annexe 6 : Autorisation de recherche de la commune du
1er arrondissement de
N'Djaména
146
Annexe 7 : Liste des personnes
enquêtées
N°
|
NOMS ET PRENOMS
|
STATUT SOCIAL
|
AGES
|
DATE
D'ENTRETIEN
|
1.
|
ABDOULAYE ISSAKHA
|
ELEVEUR
|
45 ans
|
06/10/2021
|
2.
|
ACHERIF MAHAMAT
BACHAR
|
Délégué provincial de la
ville de N'Djaména
|
40 ans
|
25/08/2021
|
3.
|
ALHADJ
|
Enseignant
|
42 ans
|
15/2021
|
4.
|
HOUSSOUCK CLEMENT
|
Technicien de l'aviation
civile
|
42 ans
|
01/10/2021
|
5.
|
AMOS LAWANE
|
Enseignant
|
45 ans
|
05/11/2021
|
6.
|
ATCHENEM
|
Enseignant
|
46 ans
|
12/11/2021
|
7.
|
BICHARA RAMAT
|
Commerçant
|
32 ans
|
03/09/2021
|
8.
|
DASIDI SALMATNA
|
Enseignant
|
49 ans
|
12/10/2021
|
9.
|
DJIFIDA CLARISSE
|
Ménagère
|
36 ans
|
06/11/2021
|
10.
|
DJIMET ALI
|
Militaire
|
43 ans
|
13/09/2021
|
11.
|
DOUSKREO JACQUES
|
Enseignant
|
44 ans
|
17/10/2021
|
12.
|
FADINE ROBERT
|
Enseignant
|
44 ans
|
17/08/2021
|
13.
|
FATIME ALI
|
Commerçante
|
30 ans
|
02/08/2021
|
14.
|
FATIME DJABAR
|
Ménagère
|
32 ans
|
10/11/2021
|
15.
|
FOKSIA HINIMBI
|
Ouvrier
|
32 ans
|
16/09/2021
|
16.
|
HALIME SADAM
|
Ménagère
|
40 ans
|
20/09/2021
|
17.
|
HOUMASSOU GASTON
|
Rétraité
|
55 ans
|
09/09/2021
|
18.
|
MAHAMAT MISKINE
|
Eleveur
|
26 ans
|
02/10/2021
|
19.
|
MASRANGAR NODJIGOTO
|
Rétraité
|
68 ans
|
18/10/2021
|
20.
|
MBAÏ-ASRA BRUNO
|
Rétraité
|
65 ans
|
09/11/2021
|
21.
|
MONONTA JUDITH
|
Enseignante
|
41 ans
|
20/10/2021
|
22.
|
MOUSTAPHA IDRISS
|
Maçon
|
50 ans
|
08/09/2021
|
23.
|
NDROMA ETIENNE
|
Serviteur de Dieu
|
48 ans
|
14/10/2021
|
24.
|
NEMBE JUSTIN
|
Administrateur Civil
|
44 ans
|
18/09/2021
|
25.
|
NODJIRESNGAR MATHIEU
|
Pêcheur
|
52 ans
|
10/10/2021
|
26.
|
OUAÏDING
|
Maçon
|
29 ans
|
07/11/2021
|
27.
|
OUAÏDOU
|
Technicien
|
38 ans
|
10/10/2021
|
28.
|
SAHAD
|
Enseignant
|
38 ans
|
26/10/2021
|
29.
|
TITUS GABDOU
|
Gestionnaire
|
46 ans
|
13/10/2021
|
30.
|
TOG-ALLAH ALAIN
|
Tailleur
|
70 ans
|
15/11/2021
|
147
Autres annexes 8: extrait du journal hebdomadaire
« L'ESSENTIEL »
148
Autres annexes 9: extrait du journal hebdomadaire «
L'ESSENTIEL »
149
Autres annexes 10 : extrait du journal hebdomadaire
`'L'INFO»
150
Annexe 7: extrait du journal `'LE PROGRES»
151
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE i
DEDICACE ii
REMERCIEMENTS iii
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS iv
TABLE DES ILLUSTRATIONS vi
GLOSSAIRE vii
RESUME viii
ABSTRACT ix
INTRODUCTION GENERALE 1
I. CONTEXTE ET JUSTIFICATION 2
1. Les raisons empiriques 2
2. Les raisons épistémologiques 2
II. PROBLEME DE RECHERCHE 4
III. PROBLEMATIQUE 5
IV. LES QUESTIONS DE RECHERCHE 14
1. La question principale 14
2. Les questions secondaires 14
V. LES HYPOTHSES DE RECHERCHE 14
1. Hypothèse principale 15
2. Hypothèses secondaires 15
VI.OBJECTIFS DE RECHERCHE 15
VII. METHODOLOGIE 16
1. Les principales théories 17
2. Interactionnisme symbolique 17
3. La théorie de l'analyse stratégique 18
4.
152
Les techniques de collecte données 19
5. Les techniques d'analyse de données 20
7. L'entretien 21
8. L'entretien semi directif 22
9. Le focus group 22
10. Analyse et traitement des données collectées
23
11. La technique quantitative 24
VIII. DEFINITION DE CONCEPTS 25
1. Conflit 25
2. Le foncier 26
3. Ville 26
IX. PLAN DU TRAVAIL 27
PREMIERE PARTIE: ACTEURS ET LES ENJEUX DU FONCIER DANS
LE
PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA
28
CHAPITRE I: LES ACTEURS DU FONCIER ET LES STRATEGIES
DE
SECURISATION DES TERRES 29
I. LES ACTEURS DU FONCIER ET LES STRATEGIES DEVELOPPEES POUR
L'ACCAPAREMENT ET LA SECURISATION DES TERRES 30
1. L'ETAT : PREMIER ACTEUR DU FONCIER 30
2. Décentralisation foncière 31
2. Les Boulamat 34
II. LES ACTEURS NON INSTITUTIONNELS 35
1. Les propriétaires provisoires 35
2. Les propriétaires qui poursuivent des
stratégies définitives 35
3. Les propriétaires qui poursuivent des
stratégies spéculatives 36
4. Les locataires 36
5. Les locataires travailleurs 36
6.
153
154
Les « intouchables » 37
7. Les agriculteurs 38
8. Les éleveurs 41
9. Les fabricants de briques 43
10. Les ramasseurs des sables 46
11. Les pêcheurs 46
III. LES STRATEGIES DEVELOPPEES PAR LES ACTEURS DANS LE
PREMIER
ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA 49
1. Les stratégies des chefs gérants (Boulamat)
49
2. Sur le plan traditionnel 50
3. Sur le plan administratif 50
4. Les colonisateurs 50
IV. LES STRATEGIES DES OCCUPANTS 51
1. Les acteurs prioritaires 51
2. Les agriculteurs et les éleveurs 52
3. Les pêcheurs 52
4. Les populations 52
5. Les ONG et les opérateurs économiques 53
CHAPITRE II: LES ENJEUX FONCIERS DANS LE PREMIER
ARRONDISSEMENT
DE LA VILLE DE N'DJAMENA 54
I.LES ENJEUX DU FONCIER DANS LE PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA
VILLE DE N'DJAMENA 55
1. Les enjeux politiques du foncier 55
2. Enjeux juridique du foncier dans le premier arrondissement de
la ville de N'Djaména
57
3. Les enjeux symboliques du foncier 59
4. Les enjeux démographiques 62
5. Les enjeux environnementaux 63
6. Les enjeux épistémologiques 64
7. Les enjeux économiques 65
8. Les enjeux sociaux 66
DEUXIÈME PARTIE: LES FACTEURS EXPLICATIFS DES
LITIGES FONCIERS DANS LE PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA ET
LES
INSTANCES D'ARBITRAGES DES LITIGES 69
CHAPITRE III: LES FACTEURS DES LITIGES FONCIERS DANS LE
PREMIER
ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA 70
I.LES RESPONSABILITES DES ACTEURS 71
1. L'adoption et la reprise des textes non-appropriés par
les décideurs publics 71
2. Le désintérêt de l'Etat 72
3. La complaisance des Boulamat 77
4. les réseaux des corruptions qu'entretiennent les
agents de l'Etat et le manque de
compétence 80
5. Les causes politiques et sécuritaires des litiges
fonciers 81
II. LES RESPONSABILITES NON-ETATIQUES 82
1. L'ignorance des textes fonciers 83
2. Les poids des traditions tchadiennes 84
3. la flexibilité lors de règlement des conflits
86
III.LES CONSEQUENCES DES LITIGES FONCIERS DANS LE
PREMIER
ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA 87
1. Les conséquences sociales 87
2. Les conséquences culturelles 90
3. Les Conséquences économiques 92
4. Les conséquences politiques 93
155
CHAPITRE IV: INSTANCES D'ARBITRAGES DES LITIGES
FONCIERS ET PERSPECTIVES DES RESOLUTIONS DES DIFFERENDS FONCIERS DANS
LE
PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA
95
I. LES INSTANCES NON ETATIQUES D'ARBITRAGES DES LITIGES 96
2. Les instances extra-personnelles 99
II.L'ETAT DANS LE PROCESSUS D'ARBITRAGE DES DIFFERENDS
FONCIER . 100
1. Les Brigades 100
2. Les instances juridiques 100
III. LES MECANISMES MISE EN PLACE AFIN DE MIEUX APPREHENDER
LES
DIFFERENDS FONCIERS 102
1. Combler le vide juridique 103
2. Adopter un document harmonise d'acquisition des terres 104
3. Réaménager le CATZU et réouvrir l'OFT
105
IV.LA CREATION DES CONDITIONS OPTIMALES
109
1. Renforcer les niveaux des Boulamat et les former sur le
domaine foncier 109
2. Mettre sur pied d'un comité de recensement des litiges
fonciers urbains 111
3. Sensibiliser les habitants du premier arrondissement de la
ville de N'Djaména sur les
enjeux lies a la sécurisation de leurs terres 113
4. Lutter contre la corruption 116
CONCLUSION GENERALE 109
BIBLIOGRAPHIE 113
ANNEXES 121
TABLE DES MATIERES 151
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