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Les boulamat et les conflits fonciers en milieu urbain tchadien: cas du premier arrondissement de la ville de N'Djaména


par Lawane LOGAM
Université de Yaoundé 1 - Master en sociologie 2022
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE YAOUNDE 1

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SOCIAL SCIENCES
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LES BOULAMAT ET LES CONFLITS FONCIERS EN MILIEU
URBAIN TCHADIEN: CAS DU PREMIER ARRONDISSEMENT
DE LA VILLE DE N'DJAMENA

Mémoire présenté et soutenu publiquement le 1er juillet 2022 en vue de l'obtention du

Master en Sociologie

Présenté par

Logam LAWANE

Titulaire d'une Licence en Sociologie

Spécialité : Urbanité et Ruralité

Sous la direction de

Pr Robert-Marie MBA
Maître de Conférences

Janvier 2022

i

SOMMAIRE

SOMMAIRE i

DEDICACE ii

REMERCIEMENTS iii

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS iv

TABLE DES ILLUSTRATIONS vi

GLOSSAIRE vii

RESUME viii

ABSTRACT ix

INTRODUCTION GENERALE 1

PREMIERE PARTIE: ACTEURS ET LES ENJEUX DU FONCIER DANS LE

PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA 28
CHAPITRE I:
LES ACTEURS DU FONCIER ET LES STRATEGIES DE

SECURISATION DES TERRES 29
CHAPITRE II: LES DIFFERENTES PERCEPTIONS DES TERRES DANS LE PREMIER

ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA 54
DEUXIÈME PARTIE : LES FACTEURS EXPLICATIFS DES LITIGES FONCIERS DANS LE PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA ET LES

INSTANCES D'ARBITRAGES DES LITIGES 69
CHAPITRE III
: LES FACTEURS DES LITIGES FONCIERS DANS LE PREMIER

ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA 70
CHAPITRE IV: INSTANCES D'ARBITRAGES DES LITIGES FONCIERS ET PERSPECTIVES DES RESOLUTIONS DES DIFFERENDS FONCIERS DANS LE

PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA 95

CONCLUSION GENERALE 109

BIBLIOGRAPHIE 113

ANNEXES 121

TABLE DES MATIERES 151

ii

À

Mon feu père FOURISSOU LAWANE, La famille NDRIN-NGOU LAWANE.

A tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à la réalisation de ce travail, nous vous disons sincèrement merci !

iii

REMERCIEMENTS

Pendant la longue période nécessaire à la rédaction de ce mémoire, les personnes qui m'ont prêté leur concours ont été si nombreuses qu'il serait impossible de les citer toutes.

Nous remercions d'abord notre directeur de mémoire, Professeur Robert-Marie MBA, Maître de Conférences à l'Université de Yaoundé 1, de qui nous avons reçu des conseils et orientations nécessaires à l'accomplissement de ce mémoire. Ses, remarques, suggestions m'ont aidé à adopter quelques méthodes scientifiques.

Notre reconnaissance s'adresse aussi au Chef de Département de Sociologie de l'Université de Yaoundé 1, Professeur Armand LEKA ESSOMBA, pour ses orientations et conseils pratiques durant notre cursus académique.

Notre gratitude va à l'endroit de tous les enseignants du Département de Sociologie pour leur contribution multiforme à notre formation.

Nous remercions particulièrement les docteurs Solange Rachel ESSOMBA EBELA, Jean Roger ONAH et Patrick ESSIGUE EMOSSI pour la relecture de ce mémoire et la mise à notre disposition des documents en rapport avec notre thématique.

Nous ne saurons oublier les couples Amos LAWANE, ADJOUGOULTA KOBOY, Dr Alamine ADJOUGOULTA et Dr Mahamat TAHIR, Amos PHOSTIN, Delsia TETEOU, DJOB-VOUNA MBANG TONGRONGOU, William Pascal WIHAOUDI et Fabien AMIGUE pour leur appui multiforme et leur accompagnement durant mon séjour à Yaoundé.

Nous remercions Mesdames et Messieurs NDAK-LI NGOLSOU, Judith MONOMTA, Angéline LAWANE, DANZLADA FOURIDA, Mbang HISKIMAN, Abdias HINIMBI SAHINSOU, TOGLOM OUÏSALA, Emmanuel KOUAGNIA, Abé NGOMO, Jude Voltaire DJIA TCHADIA, Karoll GOLGUEU, David Adoum DJONDA, Lévi TCHIDANGA pour leurs appuis variés.

Nous tenons particulièrement à dire merci à notre chère mère Martine WANG-OUNG pour son soutien indéfectible et son attachement sincère.

iv

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

A. V.B. : Autorité de l'Aménagement de la Vallée de Bandama

ANS : Agent National de la Sécurité

B.E.T: Borkou Ennedi Tibesti

BAD : Banque Africaine de Développement

BDF : Base de Données Foncières

BDT : Les Brasseries du Tchad

BM : Banque Mondiale

C.E.A.N.U: Commission Economique pour l'Afrique des Nations Unies

CA : Cours d'Appel

C.A.T.Z.U : Commission d'Attribution de Terres en Zones Urbaines

CEFOD : Centre d'Etudes et de Formation pour le Développement

CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale

COM 1er AR Commune du 1er Arrondissement

CST : Les Compagnies Sucrières du Tchad

CU : Communauté Urbaine

FALSH : Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines

GMT : Le Grand Moulin du Tchad

INSEED: Institut National de la Statistique, des Etudes Economiques et Démographiques

IFC : Institut Français du Cameroun

M.A.T.U.H. Ministère de l'Administration du Territoire, de l'Urbanisme et de l'Habitat

MPS : Mouvement Patriotique du Salut

NELGA : Network of Excellence on Land Gouvernance in Africa

O.I. : Organisation Internationale

OFT : Observatoire du Foncier au Tchad

ONG : Organisation Non Gouvernementale

ONU : Organisation des Nations Unies

OPJ : Officiers des Polices Judiciaires

P.M. : Premier Ministre

P.R. : Président de la République

POS: Plan d'Occupation du Sol

S.A.I.B : Société Agro-Industrielle de la Bénoué

v

SNE : Société Nationale d'Electricité

SNER : Société Nationale d'Equipement et d'Entretien des Routes

STE : Société Tchadienne d'Eau

TPI : Tribunal de Première Instance

UA : Union Africaine

V.R.A. : Volta River Autority

vi

TABLE DES ILLUSTRATIONS

I. Photos

Photo 1: Champ de Béré-Béré à Madaga 40

Photo 2: Gouvernance responsable du foncier 107

II. Figures

Figure 1: Répartition des enquêtés selon la nature des litiges 81

III. Graphiques

Graphique 1 : répartition des enquêtés selon les activités économiques pratiquées 38

Graphique 2: Appréciations des enquêtés de la gestion foncière 107

IV. Tableaux

Tableau 1 : répartition des enquêtés selon les activités économiques pratiquées 37
Tableau 2: Prix tarifaires des ciments dans le premier arrondissement de la ville de

N'Djaména 44

Tableau 3: Prix tarifaires des briques dans le premier arrondissement de la ville de

N'Djaména 45

Tableau 4: répartition des enquêtés selon la nature des litiges 81

Tableau 5: instances d'arbitrages des litiges fonciers 101

Tableau 6: Etat de lieu de la gouvernance foncière 104

Tableau 7: Appréciations des enquêtés de la gestion foncière 107

V. Planches

Planche 1 : case de jardinage à Milézi 39

Planche 2:Case de riziculture à Miskiné 39

Planche 3: Troupeau de moutons et de boeufs à Djougoulié 42

Planche 4: Exposion des briques à la carrière de Madaga 44

Planche 5: Pêcheurs dans la rive droite du Chari 47

Planche 6: Maisons détruites à Djougoulié 76

VI. Diagramme

Diagramme 1: Répartition des enquêtés selon le sexe 85

Diagramme 2: instances d'arbitrages des litiges fonciers 101

vii

GLOSSAIRE

BERE-BERE : mil cultivé pendant la saison sèche sur les sols noirs et argileux

BOULAMAT OU BULAMA : chefs traditionnels, auxiliaires de l'Etat auprès des communautés traditionnelles et rurales.

FERICK : zone servant d'enclos des troupeaux et qui devient habitable par les hommes KOUDOU : zones d'occupation traditionnelles des terres

MBAOU/BAOU : pêcheur reconnue par les autres par son professionnalisme

MOUCHOUK : résidu des produits alimentaires utilisés dans les eaux douces pour la pêche NGARA : une chambre de capture des poissons dans les eaux douces.

NASSARA : terme employé pour désigner les occidentaux, plus précisément les Blancs, mais qui a une connotation péjorative

viii

RESUME

Le thème de notre recherche porte sur « Les Boulamat et les conflits fonciers en milieu urbain tchadien: cas du premier arrondissement de la ville de N'Djaména ».

Le choix de cette thématique a été motivé par la recrudescence des luttes observées entre les « Boulamat » et d'autres acteurs autour du foncier. Par ailleurs, il existe de nombreuses littératures qui ont abordés les questions foncières. Notamment les travaux de (LAMBITAM : 2004, HOUDEINGAR : 2012, MOUPOU et al. 2010, DONG MOUGNOL et al 2010, LEUMAKO NONGNI : 2015, NJOYA NDAM 2021), très peu explorent l'immixtion des chefs traditionnels dans les luttes autour du foncier.

La question qui a servi de fil conducteur à notre analyse a été formulée comme suit : Comment comprendre et expliquer que les « Boulamat » qui sont censés établir la paix et l'harmonie entre les populations, s'érigent en instigateurs des tensions foncières ? En d'autres termes, comment rendre compte des actions des « Boulamat » sur le foncier ? Pour répondre à ce questionnement, nous avons formulé l'hypothèse ci-après : la recrudescence des litiges fonciers observés en zone urbaine tchadienne tire sa source de la spéculation foncière organisée par les « Boulamat ». En réalité, les « Boulamat » chargés de la gestion et la répartition des terres lignagères, se servent de leur position pour s'en accaparer aux fins d'exploitations commerciales. Ce qui suscite inéluctablement des réactions contestataires et des tensions vives.

Notre démarche méthodologique a été particulièrement inspirée par deux principales grilles théoriques d'analyse à savoir : l'interactionnisme symbolique de H. BLUMER et l'acteur stratégique de M. Crozier. La première nous a paru intéressante dans la mesure où, elle nous a permis de réaliser que la réalité sociale est révélée dans les échanges entre les différents acteurs notamment les « Boulamat » et la masse. La seconde par contre nous a permis de comprendre l'acteur social comme un stratège subtil qui, se sert de sa position pour assouvir ses intérêts. Pour rassembler le matériau de terrain, nous avons mobilisé les discussions de groupes, les entretiens et le questionnaire.

Les résultats de cette étude montrent que l'accroissement des litiges fonciers urbains à N'Djaména, est entretenu par les « Boulamat » qui profitent de leur statut pour vendre de manière informelle, les terres appartenant non seulement à la communauté, mais aussi l'Etat.

Mots clés : foncier ; litiges fonciers, foncier urbain.

ix

ABSTRACT

The topic of our research is "The Boulamat and land conflicts in Chadian urban areas: case of the first district of the city of N'Djaména». The choice of this subject was motivated by the resurgence of tensions observed between the "Boulamat" and other actors over land. Moreover, of the numerous existing literatures on land conflicts (LAMBITAM: 2004, HOUDEINGAR: 2012, MOUPOU et al. 2010, DONG MOUGNOL et al 2010, LEUMAKO NONGNI: 2015, NJOYA NDAM 2021), very little explores the interference of traditional chiefs in land conflicts.

The question that guided our analysis was formulated as follows: How can we understand and explain the fact that the "Boulamat", who are supposed to establish peace and harmony among the populations, become the instigators of tensions over land? In other words, how can we account for the actions of the "Boulamat" on land? To answer this question, we have formulated the following hypothesis: The increase in land disputes observed in Chad's urban areas stems from land speculation organized by the "Boulamat. In reality, the "Boulamat", who are responsible for the management and distribution of lineage land, use their position to monopolize it for commercial purposes. This inevitably provokes contentious reactions and sharp tensions.

Our methodological approach was particularly inspired by two main theoretical frameworks of analysis, namely: the symbolic interactionism of H. BLUMER and the strategic actor of M. Crozier. The first one seemed interesting to us insofar as it allowed us to realize that the social reality is revealed in the exchanges between the different actors, notably the "Boulamat" and the mass. The second, on the other hand, allowed us to understand the social actor as a subtle strategist who uses his position to satisfy his interests. To gather the field material, we mobilized group discussions, interviews and questionnaires.

The results of this study show that the increase in urban land disputes in N'Djaména, is maintained by the "Boulamat" who take advantage of their status to informally sell land belonging not only to the community, but also to the State.

Key words. land tenure; land disputes, urban land tenure.

INTRODUCTION GENERALE

2

I. CONTEXTE ET JUSTIFICATION

En décidant de focaliser nos analyses sur la thématique : « Les Boulamat et les conflits fonciers en milieu urbain tchadien: cas du premier arrondissement de la ville de N'Djaména», il nous importe dans cette section de présenter les motivations qui ont orienté notre choix. Cette étude trouve son fondement dans les faits empiriques et à la nature des travaux antérieurs.

1. Les raisons empiriques

Nous sommes partis de l'expérience vécue dans le Tchad natal où il ne se passe un seul jour sans que l'on ne parle d'éclats de voix autour du foncier aussi bien urbain que rural. Ces querelles autour de la terre opposent habituellement plusieurs catégories d'acteurs. La crise des rapports entre agriculteurs et éleveurs qui évoluent sur un espace assez étroit et dont les attaques sont récurrentes. Les conflits entre éleveurs/éleveurs et agriculteurs entre eux ; une autre catégorie d'acteurs en conflit avec le foncier en toile de fonds qui a le plus attiré notre attention est les « Boulamat », la masse et l'Etat. Ces conflits prennent de plus en plus de l'ampleur, et entrainent parfois de nombreuses pertes en vies humaines.

2. Les raisons épistémologiques

La thématique portant sur les conflits fonciers n'est pas nouvelle ; de nombreux auteurs se sont intéressés à cette problématique dans le cadre de leurs travaux antérieurs à l'instar de (LAMBITAM : 20041, HOUDEINGAR2 : 2012, MOUPOU et al. 20103, MAHAMAT : 20134 ; LE ROY et al. 19825, GIANOLA : 20006, DONG MOUGNOL et al 20107,) et les problématiques développées dans ces travaux s'orientent majoritairement vers

1 LAMBATIM H. (2004). « Femme et foncier au Tchad » in La question foncière au Tchad, Acte du colloque scientifique de N'Djaména du 28 juin au 1er juillet-septembre 2004, N'Djaména, CEFOD, du p.171-194

2 HOUDEINGAR D. (2012). « Les conflits d'usage entre principe de coexistence et principe de responsabilité », HAL, Archive-ouverte, p.3-4

3 MOUPOU M. (2010). « La sécurisation foncière sur les fronts pionniers au Cameroun », in Regards multidisciplinaires sur les conflits fonciers et leurs impacts socio-économico-politiques au Cameroun, Laboratoire de Développement Durable et Dynamique Territoriale, Département de Géographie, Université Montréal,p-18-33, chapitre 5, p.75

4 MAHAMAT A.B. (2013). « Extension urbaine et problèmes fonciers dans les quartiers périphériques de la ville de N'Djaména : le cas du quartier Toukra ; Mémoire du master en géographie, Université de Maroua ;

5 LE ROY E et al. (1980). La sécurisation foncière en Afrique pour une gestion durable des ressources renouvelables, Paris, Karthala ;

6 GIANOLA E. C. (2000).La sécurisation foncière, le développement socio-économique et la force du droit. Les cas des économies ouest-africaines (La Côte d'Ivoire, le Ghana et le Mali), Paris, l'harmattan ;

7 DONG MOUGNOL, G-M. (2010). « De la conquête foncière aux crises interethniques au Cameroun : le cas des Bamiléké et leurs voisins », in Regards multidisciplinaires sur les conflits fonciers et leurs impacts socio-économico-politiques au Cameroun, Laboratoire de Développement Durable et Dynamique Territoriale, Département de Géographie, Université Montréal, chapitre 3, p-50-53

3

deux principaux axes notamment, les causes et les conséquences de ces litiges. Cependant, l'implication des chefs traditionnels comme chefs d'orchestre ou catalyseur des tensions foncières n'est pas encore suffisamment explorée en contexte tchadien. Voilà présenté l'une des raisons qui justifie également le choix de ce sujet.

4

II. PROBLEME DE RECHERCHE

Le gouvernement tchadien en application des lois qui régissent le foncier au Tchad, notamment la loi n°23 du 22 juillet 1967, portant statut des biens domaniaux ; la loi n°24 du 22 juillet 1967, sur le régime de la propriété foncière et des droits coutumiers, titre 1 : article 15, alinéa 2, stipule que : « l'Etat peut immatriculer à son nom les terres vacantes et sans maître »8; la loi n°25 du 22 juillet 1967, sur la limitation des droits fonciers, article 1, « nul ne peut être privé de la propriété des immeubles ou de l'usage du sol, sans que l'intérêt public l'exige, qu'il y ait indemnisation et que les dispositions légales soient appliquées.9 Ces différentes lois montrent que l'Etat est le garant de toutes les terres et jouit des prérogatives de leur gestion. En tant que seul et unique gestionnaire avéré, l'Etat a institué le principe de la détention du titre de propriété qui donne à un individu, non seulement l'autorisation de possession légale de terre, mais aussi la possibilité de faire des investissements sans risque d'expropriation et au-delà réduire au maximum les litiges fonciers sur l'étendue du territoire national. De même, l'Etat a créé par le décret n°215/PR/MES/2001 du 24 avril 2001, l'Observatoire du Foncier au Tchad10, un organe qui permet de prévenir les éventuelles crises foncières.

Malgré toutes ces prédispositions mises en place par le gouvernement tchadien, l'on assiste plutôt à une recrudescence des litiges fonciers. Le problème que soulève la présente réflexion est celui de l'ingérence des chefs traditionnels dans les différends fonciers. Autrement dit, comment comprendre et expliquer que ces chefs traditionnels soient devenus les instigateurs ou ceux mêmes-là qui orchestrent le désordre autour du foncier.

8 Banque Tchadienne de Données Juridiques(2004), « Le droit foncier par les textes: recueil de textes sur le foncier au Tchad», N'Djaména, CEFOD, Imprimerie du Tchad, p.12

9 Banque Tchadienne de Données Juridiques(2004), idem, p.24-30

10 Acte du colloque national sur la question foncière au Tchad. (2004). « La question foncière au Tchad », N'Djaména, CEFOD, p.13

5

III. PROBLEMATIQUE

Il s'agit dans cette section de faire un état de lieu de la question. Autrement dit, il est question de faire une revue critique de la littérature des travaux antérieurs avant de poser un ensemble de questionnements gravitant autour de notre problème.

Nombreux sont les travaux qui se sont intéressés à l'analyse des conflits fonciers en Afrique subsaharienne et spécifiquement au Tchad.

Dans le cadre de la présente réflexion, trois tendances ont été retenues. La première tendance regroupe les travaux des auteurs qui abordent les questions foncières à partir de l'origine des conflits fonciers, et la deuxième tendance par contre met l'emphase sur l'analyse des gestions discriminatoires des terres en Afrique en général, et plus particulièrement au Tchad et enfin, la dernière tendance s'intéresse à l'analyse des gestions discriminatoires du foncier.

? Les origines des conflits fonciers

NJOYA NDAM Moussa11 dans son mémoire de master en sociologie s'interroge sur les fondements des conflits fonciers dans la commune de Foumban II, à l'ouest Cameroun. Selon cet auteur, les conflits fonciers naissent à partir de la juxtaposition du droit traditionnel et positif au Cameroun. Il ajoute que, les conflits fonciers sont liés à la contradiction entre la loi coutumière dominante dans la commune de Foumban II, et le droit positif hérité de la colonisation. De plus, il estime que, l'une des causes premières des conflits fonciers dans la commune de Foumban est la méconnaissance du droit positif par les populations locales.

HOUDEINGAR David12 qui présente dans son article, l'historique du domaine foncier tchadien qui, selon lui est hérité de la colonisation. Par ailleurs, selon cet auteur, la primauté du droit foncier moderne au détriment du droit foncier traditionnel est tributaire des crises foncières en milieu rural qu'urbain tchadien. De plus, il ajoute que, l'augmentation de la population a contribué à la limitation des parcelles des terres, raison pour laquelle les luttes autour des terres s'intensifient au Tchad.

11 NJOYA NDAM M. (2022). « Les conflits fonciers dans la commune de Foumban II à l'ouest Cameroun », Mémoire de Master, Sociologie Urbanité et Ruralité, FALSH, Université de Yaoundé I, p.11

12 HOUDEINGAR Op.cit, p.3

6

LEUMAKO NONGNI Jeannette13 dans son article oriente ses idées sur la sociogenèse du texte sur le foncier au Cameroun. Selon cette auteure, les conflits fonciers naissent de juxtaposition et de la dualité de deux systèmes fonciers différents : le foncier traditionnel informel et le foncier moderne formel. De plus, l'auteur s'appuie sur l'expérience foncière du Moungo et relève deux faits majeurs : d'abord, les modes d'acquisition des terres, et après les enjeux qui gravitent autour des terres. Enfin, elle note que, l'Etat camerounais donne l'importance au droit positif au détriment du droit traditionnel en fonction des enjeux qu'il tire des terres des individus.

FROUZET Michel14 estime dans son article que, les Etats de l'Afrique noire sont dans une situation complexe mettant ainsi les individus résidant les milieux urbains dans des situations de « précarisation extrême ». De plus, FROUZET note que, les pays de l'Afrique subsahariennes se sont mis dans le « mimétisme inutile » des législations occidentales dans leurs sociétés, lesquelles des législations ne corroborent pas avec les réalités locales et, constituent à cet effet, « un luxe ». Par ailleurs, il poursuit son argumentaire en touchant des doigts les fuites de responsabilités des Etats africains qui, ne se rendent pas compte du risque que courent leurs pays en « voulant à tout prix ressembler aux maîtres ». C'est ainsi qu'il conclue qu'il est nécessaire d'opter pour une « rétro perspective de nos sociétés » afin d'éviter les chaos urbains. Car, le phénomène d'urbanisation croissant et inquiétant nécessite une « prise en compte des valeurs locales ».

ABBA DANA15 dans son article sur, « l'évolution démographique au Tchad » estime que, les litiges fonciers sont liés à la coexistence de deux systèmes fonciers qui divergent avec les exigences sociales locales. Selon l'auteur, il s'agit de la loi foncière traditionnelle et celle moderne. Aussi, selon l'auteur, les Etats en Afrique subsaharienne s'accaparent les des terres des individus. De plus, l'auteur estime que, cette tendance d'accaparement des terres des individus est fortement liée au droit moderne juxtaposé au droit traditionnel. Par ailleurs, cet auteur martèle que, les accaparements massifs des terres des individus ont des incidents majeurs au Tchad, notamment la recrudescence des conflits fonciers qu'on observe.

13 LEUMAKO NONGNI J, (2015). « Les conflits fonciers dans le Moungo : entre luttes interethniques et luttes pour l'acquisition de l'hégémonie économique », in NGA NDONGO V, Dynamiques sociales en Afrique noire. Chantier pour la sociologie africaine, Paris, l'harmattan, p.39-51

14 FROUZET M. (1982). « Politique foncière de l'Etat dans l'aménagement urbain, mimétisme et droit : de la planification urbaine en Afrique noire », in Enjeux fonciers en Afrique noire, Paris, Karthala, chapitre X, p.326

15 ABBA D. (2004). « Terre enjeu de pouvoir et des conflits » in La question foncière au Tchad, Acte du Colloque Scientifique de N'Djaména du 28 juin au 1er juillet 2004, N'Djaména, CEFOD, p.133-139

7

SALMANA CISSE16 analyse l'évolution historique du foncier dans le contexte africain. En effet, CISSE s'attèle sur l'analyse de deux Delta du Niger. Il commence son analyse par la présentation du texte foncier. D'abord, il déroule son idée par l'historique de la question foncière dans l'Etat du Niger qui, selon lui, le texte sur le foncier au Niger a évolué en fonction de la fertilité du sol pour la pratique de l'agriculture ou le pâturage.

De plus, il mentionne que, la terre au Niger est subdivisée en deux : « le delta vif » et « le delta mort ». Le Delta Vif grâce à sa fertilité regorge une densité numérique des cheptels et des êtres humains, et le Delta mort au regard de son infertilité ne regorge pas une densité numérique importante. Cette dualité inégale concentre donc les individus dans le Delta vif du Niger17.

Par ailleurs, CISSE ajoute que, « le gouvernement nigérien n'a pas fourni un effort juridique, car il a repris le même texte occidental pour le situer dans l'Etat du Niger qui ne corrobore pas avec les réalités locales »18. Cette situation selon l'auteur, met les acteurs dans une difficulté incertaine, la solution adéquate selon eux doit être la contextualisation de cette loi foncière avec les réalités locales.

BEKAYO Samuel inscrit son idée dans la même lance que SALMANA Cissé. A cet effet,il axe son analyse sur les causes des conflits fonciers qui sont selon lui, liées à la croissance démographique d'une part et, d'autre part le changement climatique qui limite les espaces utiles pour l'habitation ou des activités économiques. Aussi, il fait l'état de lieu de la question foncière dans le canton Bédogo dans la région du Logone Occidental, Département de Lac Wey, préfecture de Moundou Rural et les acteurs impliqués dans la gestion des terres.

En effet, l'auteur ajoute que les chefs de canton sont des observateurs dans la gestion des conflits fonciers, ils ne s'impliquent pas dans la résolution des différends qui, depuis plus de deux décennies déchirent la cohésion sociale et le vivre-ensemble.

16 SALMANA C. (1982). « Les Leyde du Delta Central du Niger : tenure traditionnelle ou exemple d'un aménagement de territoire classique. » in Enjeux fonciers en Afrique noire, p.178-181

17 SALMANA C, ibidem

18 SALMANA C, ibidem

8

Par ailleurs, l'auteur mentionne dans son analyse les acteurs impliqué dans la gestion foncière qui sont les agriculteurs, les éleveurs, les ONG, les élèves et les pères d'enfant qui assurent la gestion des terres.19

NKANKEU François et NGAMINI André,20 ces deux auteurs dans leur article scientifique orientent leurs pensées sur les fondements des conflits fonciers au Cameroun, notamment ceux dans la Département de Bamboutos. Selon ces auteurs, les conflits fonciers sont liés aux représentations sociales d'une part, et d'autre part aux conjonctures économiques. Ces auteurs estiment que, la situation financière est la cause de l'inégale distribution des terres et accentuent le processus de morcellement de terres. Ainsi, leur thèse se décline en deux articulations essentielles : le morcellement à outrance caractérisé par les familles démunies et nombreuses, tandis que le morcellement spéculatoire caractérisé par le retour des élites urbaines dans les campagnes. Les conflits fonciers selon eux, naissent de la corrélation entre les populations locales et celles nouvellement installées sur les sites d'accueil.

LE BRIS Etienne et LE ROY Etienne pensent que, la structuration actuelle de la gestion foncière dans l'Afrique noire ne cadre pas avec les pensées capitalistes du foncier créées par les dirigeants africains juste après les indépendances octroyées. Ils estiment aussi que, les sociétés contemporaines africaines sont marquées par un « référent précolonial » qui exclut volontiers les acteurs locaux à la gestion des terres par le biais du pouvoir étatique. Ils qualifient ce fait par l'appellation « propriétaire éminent ». L'Etat qui semble être régulateur des terres du pays est marqué ici par un « cliché précolonial » qui, jusque-là, marque son esprit et sa manière de « gérer » les ressources foncières.21

MOUPOU Moïse22 dans son article retrace la sociogenèse des litiges fonciers au Cameroun. Selon cet auteur, les litiges fonciers naissent de l'ambiguïté des textes fonciers au Cameroun. Aussi, cet auteur ajoute que, la superposition de plusieurs droits (coutumier,

19 BEKAYO SAMUEL : « Gestion foncière au Tchad, stratégie des acteurs locaux. Etude appliquée au Canton Bédogo, Département du Lac Wey, l'acte de du Colloque organisé par l'Ecole d'Eté de l'IEPF du SIFEE et Colloque International du SIFEE, Cameroun du 05 au 15 septembre 2011.

20 NKANKEU, F et NGAMINI, A. (2010). « De la conquête foncière aux crises interethniques au Cameroun : le cas des Bamiléké et leurs voisins, in « Morcellement et concentration foncière .Des réalités complexe à l'Ouest Cameroun : cas du Département de Bamboutos », in Regards multidisciplinaires sur les conflits fonciers et leurs impacts socio-économico-politiques au Cameroun, Laboratoire de Développement Durable et Dynamique Territoriale, Département de Géographie, Université Montréal, chapitre 2, p.18-33

21 LE BRIS, E et LE ROY, E. (1982). « La question foncière en Afrique noire » in Enjeux fonciers en Afrique noire, p.393-399

22 MOUPOU M. Op.cit

9

étatique, positif, etc.,) rend difficile la résolution des conflits fonciers et causent des confusions sur le processus d'acquisition des terres, d'arbitrage des conflits fonciers au Cameroun.

? Les gestions discriminatoires des terres

BANDOUMAL OUAGADJIO23 dans son article, fait dès l'entame de ses propos une analyse statistique et démographique de la question foncière au Tchad. En plus, il estime que, la recrudescence des conflits fonciers s'explique par l'inégale répartition de la population sur le territoire tchadien. Par ailleurs, l'auteur note que, l'inégale répartition de la population se justifie par les contraintes naturelles, notamment les facteurs climatiques (la pluviométrie qui arrose mieux la nappe du sud du pays que celle du nord). Aussi, il martèle que, la fertilité du sol dans les zones du sud, de l'est a entrainé une forte concentration de la population vers les zones fertiles terres, favorables aux activités économiques. Il termine son analyse mettant en exergue les conflits liés à la succession après le décès des parents.

DONG MOUGNOL Gabriel Maxim24 part de l'analyse historique du foncier en se basant sur le phénomène de la migration. D'emblée, selon DONG MOUGNOL, les conflits fonciers sont liés aux stratégies de sécurisation des terres par les Bamiléké originaires de l'Ouest Cameroun. De plus, il ajoute que, la forte concentration de la population dans la région de l'ouest a entrainé une forte mobilité des Bamiléké vers la région du Mbam. Les conflits fonciers semblent trouver leur fondement dans le contact entre les Bamiléké migrants d'une part, et la population locale d'autre part.

CATHERINE André25 analyse dans son article les conflits fonciers liés à la répartition discriminatoire des terres. Selon cette auteure, les conflits fonciers sont liés à la succession après les décès des parents. Elle ajoute que, l'exclusion des femmes et des enfants de leurs terres après le décès de leurs proches alimentent davantage les litiges fonciers au Rwanda. De même, l'auteure note que, la discrimination culturelle défavorise les femmes et donne le pouvoir aux hommes, au détriment de l'intérêt des femmes et des enfants.

23 BANDOUMAL O. (2004). « Démographie et question foncière au Tchad » in La question foncière au Tchad, Acte du Colloque Scientifique de N'Djaména du 28 juin au 1er juillet 2004, p.143-144

24 DONG MOUGNOL, G, Op.cit, p-50-53

25 CATHERINE A. (2004). « Origines des conflits fonciers et de la violence au Rwanda » in La question foncière au Tchad, Acte du Colloque Scientifique de N'Djaména du 28 juin au 1er juillet, N'Djaména, CEFOD, p.34

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LAMBATIM Hélène 26 quant à elle soulève dans son article les causes culturelles des litiges fonciers. Selon cette auteure, dans les cultures tchadiennes, les femmes sont reléguées au second plan dans les gestions foncières. L'auteure ajoute que, l'exclusion des femmes de la gestion foncière est tributaire des conflits fonciers observés au Tchad. Aussi, elle estime que, les sociétés tchadiennes s'appuient sur des valeurs patriarcales informelles pour déposséder les femmes de leurs terres, et aussi, les spolier et exproprier les terres qu'elles héritent après le décès de leurs époux. Enfin, elle mentionne que, cette pratique discriminatoire alimente tous les jours les conflits fonciers entre les individus.

? Les perspectives des résolutions des conflits fonciers

MBAYE27 dans son article sur « Le projet de mise en valeur de la Valée de BAÏLA en basse Casamance(Sénégal ) » articule son orientation sur l'origine des différends fonciers et aussi, les mesures entreprises dans le processus d'arbitrage de ces différends au Sénégal.

De plus, MBAYE fait la présentation d'un projet entreprit par le gouvernement sénégalais pour la création des sites d'habitations. A cet effet, selon l'auteur, les enquêtes menées dans quelques villages sénégalaises avaient pour but de déterminer les causes des litiges fonciers, les implications de l'Etat dans la gestion des terres et, les manières entreprises pour la résolution des conflits entre les habitants d'un même village et/ou les villages voisins.28

Par ailleurs, l'auteur fait un bref aperçu du Basin de BAÏLA qui constitue la toile de fond de cette recherche. Selon lui, ce basin est occupé majoritairement par les DIOLA qui sont les premiers occupants de cet espace des terres. Les DIOLA représentent 73% des occupants de cet espace. Après les DIOLA, on note la présence des DIOLA BOULOUF, FOGNY, DIOLA FOGNY COMBO qui occupent quant à eux, la plus petite proportion. L'une des premières causes de litiges fonciers selon MBAYE, est la répartition inégale des terres entre les acteurs. Cette inégale répartition s'explique par les legs et l'héritage. Néanmoins, les personnes immigrées ne possèdent pas assez des terres parce qu'ils sont assimilés aux nouveaux occupants. 29

26 LAMBATIM H. Op.cit, p.194

27 MBAYE DIAO, « Le projet de mise en valeur de la Valée de BAÏLA en basse Casamance(Sénégal) » in Enjeux fonciers en Afrique noire, p.228-239

28 MBAYE DIAO, Ibidem

29 MBAYE DIAO. « Le projet de mise en valeur de la Valée de BAÏLA en basse Casamance(Sénégal) » in Enjeux fonciers en Afrique noire, p.228-239

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De plus, l'auteur note que, la question foncière est l'une des préoccupations la plus complexe ,à cet effet, elle s'accompagne des certaines complications liées à la restitution des terres prêtées par les grands-parents à leurs voisins qui les prêtaient pour les activités économiques. Les malversations foncières surviennent après les décès des parents. Cette manière de confiscation de terre par les « étrangers » a donc causé les conflits dont les résolutions s'avèrent inefficaces au regard de leurs importances et actualités quotidiennes. Les difficultés liées à la résolution durable de ces litiges ont donc poussées certains habitants à l'instar de DIOLA FOGNY COMBO vers des nouvelles zones d'occupations qui sont moins peuplées. En outre, allant dans la même lance, BAYE pense que,

L'Etat mettra sur pied après l'indépendance une commission de gestion des terres qui, malheureusement semble être méconnue par la communauté village. Cet organisme étatique mettra en difficulté les autorités traditionnelles qui ont héritées les terres de leurs ancêtres et qui selon-eux, les autorités instituées par l'Etat sont illégitimes aux yeux des autochtones locaux dans le sens où ces derniers ne sont forcément héritiers de lignée locales. C'est ainsi que la résolution des litiges par ces derniers semble être un peu négligés.30

Par ailleurs, pour répondre aux crises foncières, BAYE estime que, les autorités en charge de la gestion foncière instituée à partir des années 1979 et, après la réforme foncière de 1972, sont donc les yeux directs de l'Etat moderne dans la gestion foncière. A partir de cet instant, la terre appartient à ceux qui possèdent le titre de propriété reconnue par la loi.

En dernier essor, l'auteur termine son analyse en montrant les manières dont les acteurs locaux et les autorités administratives règlent les litiges fonciers. D'abord,

la première entreprise par le gouvernement sénégalais était la remise des terre aux premiers occupants ou ceux qui détiennent une preuve formelle qui atteste que, la terre réclamée les appartient, au cas contraire, la terre revient à ceux qui détiennent une preuve tacite. Au cas où, ils ne parviennent pas à une résolution quelconque, ils gardent eux-mêmes les terres faisant l'objet des litiges. Un autre cas de résolution de litiges par les acteurs locaux est le phénomène de « l'immigration » vers autres zones pour éviter l'écoulement des sangs.31

30 MBAYE DIAO,Ibidem

31 MBAYE DIAO, « Le projet de mise en valeur de la Valée de BAÏLA en basse Casamance(Sénégal) » in Enjeux fonciers en Afrique noire, p.228-239

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En plus des travaux de BAYE à partir de l'expérience sénégalaise des mécanismes de résolution des crises foncières, la philosophie de LANDCAM32 abonde dans la même lance mais, à partir du vécu des paysans camerounais.

En effet, l'objectif visé par LANDCAM est la gestion efficiente des ressources naturelles camerounaises afin de garantir l'avenir de la génération future. Dans ce projet, il a été mis en exergue la problématique de l'exclusion des certaines catégories sociales dans la gestion des terres, telles les femmes et les enfants qui n'ont pas un « droit de propriété » de terre. Le présent projet semble pertinent à première vue, dans le fait qu'il cherche à concilier la gestion gouvernementale du foncier à celle « dite traditionnelle » qui est presque inaperçue par les décideurs publics. 33

Aussi, il convient de rappeler que le fait que l'Etat s'est porté « garant total » de la gestion des terres crée un vide au niveau des zones rurales dans la mesure où, les responsables en charge des questions foncières se trouvent essentiellement dans les chefs-lieux de département ; le soucis d'une « véritable décentralisation foncière » semble être l'une des pistes aboutissant à une « véritable solution aux différends fonciers » au Cameroun. 34

En plus, l'octroi des terres à des investisseurs privés internationaux et le manque d'un registre contenant d'une manière objective la liste des toutes les terres immatriculées alimentent davantage les différends fonciers. Au Cameroun seulement 15% des terres sont immatriculées. Or, 85% des terres non immatriculées se trouvent dans les zones rurales où, les acteurs ne connaissent pas d'une part la nécessité de la « sécurisation formelle » de leurs terres et, d'autre part, les difficultés liées à cette sécurisation. Ces difficultés se justifient par le fait que, les acteurs paysans ne possèdent pas les ressources financières conséquentes nécessaires à leur service. Le gouvernement camerounais gagnerait dans la mise sur pied d'un document cadastral harmonisé prend en compte les droits coutumiers sur les terres et, le droit positif afin d'éviter les frustrations et, la gestion des différends fonciers intra et intercommunautaires.35

32 LandCam est un projet qui vise à mettre sur pied des approches innovantes pour faciliter un dialogue inclusif au niveau national, sur la base des enseignements tirés des expériences passées, afin d'améliorer la gouvernance foncière.

33 LANDCAM,idem, p.8

34 LANDCAM,Ibidem

35 LANDCAM,Idem

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MFEWOU Abdoulay36 dans son ouvrage fait une analyse des résolutions partiales des différends fonciers par les autorités compétentes. Il fait mention des magistrats, des sous-préfets et des préfets qui tranchent les litiges en fonctions de leur appartenance ethnique. Or, les crises foncières entre les Peuls autochtones et les migrants (Massa,Moussey,Toupri) engendrent des milliers des pertes en vies humaines. De même, le processus entrepris par les chefs traditionnels pour asseoir une paix durable. Pour la plus part, les terres disputées reviennent aux premiers occupants. Toutefois, dans le cas du S.A.I.B, l'Etat a dépossédé les individus au profit des investisseurs privés.37

Il convient de mentionner que, les perspectives de résolutions des crises foncières entreprises au Sénégal, Côte d'Ivoire et le Cameroun semblent constituer un idéal type dans les sociétés tchadiennes. C'est ainsi que, les pistes soulevées paraissent intéressantes dans la mesure où, elles permettent non seulement aux pays ci-cités de renouveler les productions sur le foncier, mais aussi au Tchad afin d'entreprendre des mesures adéquates pour une harmonisation foncière.

BEKAYO Samuel inscrit son idée dans la même lance que MFEWOU. A cet effet, il axe son analyse sur les causes des conflits fonciers qui sont selon lui, liées à la croissance démographique d'une part et, d'autre part le changement climatique qui limite les espaces utiles pour l'habitation ou des activités économiques. Aussi, il fait l'état de lieu de la question foncière dans le canton Bédogo dans la région du Logone Occidental, Département de Lac Wey, préfecture de Moundou Rural et les acteurs impliqués dans la gestion des terres.

En effet, l'auteur ajoute que les chefs de canton sont des observateurs dans la gestion des conflits fonciers, ils ne s'impliquent pas dans la résolution des différends qui, depuis plus de deux décennies déchirent la cohésion sociale et le vivre-ensemble.

Par ailleurs, l'auteur mentionne dans son analyse que les acteurs impliqué dans la gestion foncière qui sont les agriculteurs, les éleveurs, les ONG, les élèves et les pères d'enfant qui assurent la gestion des terres.38

36 MFEWOU A. (2010). Migrations, Dynamiques Agricoles et problèmes fonciers dans le Nord-Cameroun : le périmètre irrigué de Lagdo, Paris, l'Harmattan, p.162

37 MFEWOU Abdoulay, idem,p.170

38 BEKAYO SAMUEL : « Gestion foncière au Tchad, stratégie des acteurs locaux. Etude appliquée au Canton Bédogo, Département du Lac Wey, l'acte de du Colloque organisé par l'Ecole d'Eté de l'IEPF du SIFEE et Colloque International du SIFEE, Cameroun du 05 au 15 septembre 2011.

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De l'ensemble des travaux de nos prédécesseurs, il ressort que leurs travaux ont été orienté sur l'origine des conflits fonciers, les gestions discriminatoires des terres en Afrique en général et au Tchad en particulier et les perspectives des résolutions des conflits fonciers.

Toutefois, ces études se sont avérées insuffisantes sur l'implication des chefs traditionnels dans les commercialisations des terres dans le milieu urbain. C'est ainsi que, suite aux travaux antérieurs qui ont traité la question foncière, le présent travail suit cette logique, mais met un accent particulier sur « l'implication des chefs traditionnels dans le processus de commercialisation de terres, les stratégies qu'ils développent au quotidien en vendant des espaces d'autrui ».

IV. LES QUESTIONS DE RECHERCHE

Pour mieux mener ce travail, cinq questions ont servi de guide ; dont une question principale et trois questions secondaires.

1. La question principale

La question principale qui a servi de fil conducteur à cette réflexion a été formulée comme suit : Comment comprendre et expliquer que les « Boulamat » qui sont sensés établir la paix et l'harmonie entre les populations s'érigent en instigateurs des tensions foncières ?

2. Les questions secondaires

Nous avons défini 04 questions subsidiaires à la question principale :

QS1 : Quels sont les enjeux qui se structurent autour des espaces fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména ?

QS2 : Comment les « Boulamat » s'impliquent dans l'accentuation des conflits fonciers ?

QS3 : Quelles sont les conséquences de ces conflits ?

QS4 : Quelles sont les mécanismes mise en place dans le processus de résolution des conflits fonciers ?

V. LES HYPOTHSES DE RECHERCHE

D'après GRAWITZ l'hypothèse se définit comme étant « une proposition de réponse à la question posée ». Elle tend à formuler une relation entre des faits significatifs,(...), elle doit être vérifiable de façon empirique ou logique39Dans le cadre du présent travail, une

39 GRAWITZ, M.(2011).Méthodes de sciences sociales,Paris,Dalloz,11e Edition,p.398

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hypothèse principale et trois hypothèses secondaires ont servi de guide.

1. Hypothèse principale

L'hypothèse principale qui a servi de fil conducteur à cette réflexion a été formulée comme suit : la recrudescence des litiges fonciers observés en zone urbaine tchadienne tire leurs sources de la spéculation foncière organisée par les « Boulamat ». En réalité, les « Boulamat » chargés de la gestion et la répartition des terres lignagères se servent de leur position pour s'en accaparer aux fins d'exploitations commerciales.

2. Hypothèses secondaires

Nous avons défini 04 hypothèses secondaires à l'hypothèse principale :

HS1 : le foncier constitue la source la plus convoitée dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména, raison pour laquelle plusieurs enjeux gravitent autour de lui( les enjeux sociaux, économiques, symboliques, politiques, environnementaux et épistémologiques).

HS2 : Les Boulamat s'impliquent dans l'accentuation des litiges fonciers par les réseaux de corruption qu'ils entretiennent ; le morcellement des terres d'autrui ; les ventes des servitudes d'utilités publiques aux individus ; le morcellement du domaine de l'Etat ;

HS3 : Les conflits fonciers ont plusieurs conséquences, notamment la perte en vies humaines, la destruction des maisons, la distorsion des tissus sociaux et la perte de l'économie des acteurs ;

HS4 : les mécanismes mise en place dans le cadre de résolution de ces différends sont : la révision des textes fonciers, la réouverture de commission d'attribution des terres en zones urbaines, la formation des Boulamat sur les droits fonciers, la lutte contre la corruption, la formalisation de la vente des terres.

VI.OBJECTIFS DE RECHERCHE

La présente recherche s'est donné quelques objectifs nécessaires pour l'appréhension, la compréhension et l'analyse des crises foncières dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.

1. Objectif principal

L'objectif principal qui a servi de fil conducteur de la présente étude est de : comprendre, analyser et expliquer les jeux des acteurs dans les transactions foncières en milieu urbain tchadien.

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2. Objectifs secondaires

De l'objectif principal découle quatre (04) objectifs secondaires liés entre eux et qui ont un rapport étroit au foncier dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.

OS1 : Comprendre, analyser et expliquer les rôles des Boulamat dans la gestion foncière

OS2 : Comprendre les enjeux qui se structurent autour des terres dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména ;

OS3 : Lutter contre les malversations foncières, en occurrence (la corruption, la falsification du texte foncier, le trafic d'influence) ;

OS4 : les résolutions à la muable, pacifique et judiciaire sont les plus appropriées pour l'instauration d'une harmonie foncière dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.

VII. METHODOLOGIE

Dans cette partie du travail, il s'agit non seulement de présenter l'encrage théorique à partir duquel le phénomène étudié est appréhendé, mais aussi d'exposer les techniques et les outils de collecte de données dans ce travail. La méthode d'après GRAWITZ40 « est importante dans toute recherche et constitue le noeud de toutes les démarches scientifiques (...), de ce fait, elle accroit la capacité explicative du discours de la recherche scientifique en l'affirmation davantage de manière à lui donner plus de crédit »

Dans le cadre de ce travail, un accent particulier est mis sur deux principales techniques de collecte et traitement de données : la technique qualitative à travers (les focus groups, les interviews, les entretiens structurés et semis structurés), et la technique quantitative par le questionnaire.

Globalement, nous avons échangé avec le délégué provincial auprès de la commune de N'Djaména sur les modalités d'acquisition des terres et aussi, les mesures qu'il entreprend lorsqu'il s'agit de trancher les conflits fonciers.

De même, nous avons organisés les entretiens individuels et groupés en fonction de nos attentes et de la disponibilité des informateurs.

40 GRAWITZ, M. (2001).Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, 11e Edition, p.15

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1. Les principales théories

La théorie est « un ensemble intégré des concepts et de sous concepts que l'on tente habituellement d'utiliser pour mieux structurer l'explication de la réalité »41 De même, la théorie est appréhendée comme, « cette manière spécifique d'interroger les phénomènes sociaux, un mode de questionnement permettant de formuler une problématique adéquate pour répondre à la question de départ en la faisant progresser ».42

Ainsi, les principales théories auxquelles cette recherche se réfère sont l'interactionnisme d'Hebert BLUMER et l'analyse stratégique de Michel CROZIER et FRIEDBERG Erhard.

2. Interactionnisme symbolique

L'interactionnisme symbolique voit le jour au XXe siècle, au sein de l'Ecole de Chicago, l'appellation « interactionnisme symbolique » apparaît plus précisément en 1937 sous la plume du sociologue américain BLUMER. Ce concept désigne « l'unité minimale des échanges sociaux ou situations où chacun des membres d'un groupe joue, agit et se comporte en fonction de l'autre »43. Cette théorie est un système en miniature où les faits sociaux sont considérés comme les choses dépendantes des acteurs, à l'effet de détenir leurs rôles dans les interactions. Elle repose d'après BLUMER sur trois principes qui sont les suivants :

? Les humains agissent à l'égard des choses en fonction du sens que les choses ont pour eux ;

? Ce sens est dérivé ou provient des interactions de chacun avec autrui ;

? C'est dans un processus d'interprétation mis en oeuvre par chacun dans le traitement des objets rencontrés que ce sens est manipulé ou modifié.

Selon les interactionnistes, loin d'être constituée une fois pour toutes, la société se construit sans cesse à travers les actes des individus et est de ce fait dépendante des évolutions de ses membres. De même, la vérité loin d'être donnée, s'accomplit à partir de l'essentiel des interactions des individus lors des échanges. Les interactionnistes soutiennent que : « l'objet essentiel de la recherche est la description que les acteurs se font du social et que nous vivons dans un monde symbolique, d'où la nature symbolique de la vie sociale ». Ainsi, ce sont les

41 MACE, G et PETRY, F. (2000). Guide d'élaboration d'un projet de recherche en sciences sociales, Les Presses de l'Université de Laval, Québec, p.30

42 QUIVY,R et CAMPENHOUDT,L-V, idem, p.95

43 MBONJI E. (2001).Un système de santé en mutation: le cas du Cameroun, Yaoundé, PUY, p.21.

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individus qui construisent les significations de leurs actions et du monde à l'aide « des symboles signifiants et partagés. 44 ». Parler de l'interactionnisme symbolique, c'est donc parler

d'interaction, de mutuelle d'influence à la fois de notre présence physique et de nos idées, de nos façons de penser, de réfléchir, d'élaborer des discours, de concevoir les significations des évènements, de communiquer ; bref d'envisager le monde symbolique ou le monde des représentations, des idées et du sens.45

Ce modèle théorique paraît intéressant dans le présent travail dans la mesure où, il nous a permis de réaliser que la réalité sociale autour du foncier est révélée dans les échanges entre les différents acteurs notamment les « Boulamat » et la masse (population).

3. La théorie de l'analyse stratégique

Théorie nait dans les années 1970 ayant pour pionniers CROZIER Michel et FRIEDBERG Erhard. 46

L'analyse stratégique est centrale en sociologie des organisations. Cette théorie part du constat selon lequel : étant donné qu'on ne peut considérer que le jeu des acteurs soit déterminé par la cohérence du système dans lequel ils s'insèrent ; Ou par les contraintes environnementales, on doit chercher en priorité à comprendre comme se construisent les actions collectives à partir des comportements et d'intérêts individuels parfois contradictoires. Au lieu de relier la structure organisationnelle à un ensemble de facteurs externes, cette théorie essaie de l'appréhender comme une élaboration humaine, un système d'actions concrètes. Elle rejoint les approches qui analysent les causes en partant de l'individu pour aboutir à la structure (l'individualisme méthodologique) et non de la structure à l'individu (structuralisme). Les pionniers de cette théorie estiment que : « il faut se concentrer non sur la fonction des acteurs ou des sous-systèmes au sein d'une organisation, mais sur les stratégies individuelles des acteurs à partir de leurs motivations ». 47

De même, les figures de proue de cette théorie recommandent qu'il faut :

avant tout chercher systématiquement les régularités observées dans
les comportements, qui doivent être réinterprétées dans le cadre du

44 MBONJI E, Idem

45 MBONJI E, Ibidem

46 CROZIER, M et FRIEDBERG, E. (1977).L'acteur et le système : les contraintes de l'action collective, 1e Edition, Paris, Seuil, p.224-238

47 CROZIER, M et FRIEDBERG, E, Ibidem

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modèle de l'acteur stratégique. La stratégie c'est le fondement inféré ex-post des régularités de comportements observés empiriquement. Mais ces stratégies ne dépendent pas d'objectifs clairs et précis, elles sont liées aux atouts que les acteurs peuvent avoir à leur disposition et aux relations dans lesquelles ils s'insèrent.48

Par ailleurs, le comportement des acteurs s'ajuste au comportement possible d'autrui en fonction des atouts dont il dispose. La capacité d'action de l'acteur repose alors sur quatre postulats qui sont :

? L'organisation est un construit contingent, il aurait pu être, ou ne pas être, tout à fait différent ;

? L'acteur est relativement libre ;

? Il peut jouer avec son rôle, se permettre des écarts par rapport aux règles sociales ; il y a une différence entre les objectifs de l'organisation et ceux des individus ;

? Pour parvenir à leurs fins, les acteurs calculent dans le cadre d'une rationalité qui est dite limitée.49

Cette théorie nous a permis de comprendre que les habitants du premier arrondissement de la ville de N'Djaména et les Boulamat sont des stratèges subtils qui se servent de leurs positions pour assouvir leurs intérêts égoïstes. Aussi, de comprendre les stratégies qu'ils entreprennent pour contourner les normes foncières tchadiennes lorsqu'ils falsifient les documents administratifs, vendent les terres du domaine national, privée et déplacent les bornes des terres de leurs voisins.

4. Les techniques de collecte données

La technique de collecte de donnée dans le présent travail renseigne sur le processus qui oriente l'enquête de terrain (phase exploratoire et collecte de données) et la vérification des hypothèses est une approche qualitative. Car elle permet d'analyser en profondeur l'objet d'étude. D'après JODELET50, « bien que la collecte de donnée est une phase fondamentale dans les recherches en sciences sociales, elle n'est pas étrangère à la sociologie ». La collecte de donnée englobe en sociologie les techniques documentaires, les entretiens.

Dans le cadre de ce travail, les données ont été collectées par la recherche empirique à

48 CROZIER, M et FRIEDBERG, E, Ibidem

49 CROZIER, M et FRIEDBERG, E. ibidem

50 JODELET, D.(2001). « Aperçu sur les méthodes» dans Moscovici, Sous (dir), Les méthodes en sciences humaines, Paris, PUF, p.139

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travers les discussions, les entretiens avec les informateurs clés d'une part et les responsables de la question foncière dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména d'autre part.

5. Les techniques d'analyse de données

La collecte de donnée s'est faite en trois étapes. La première a consisté à s'intégrer dans les différents quartiers est espaces qui constituent le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. D'abord, le rapprochement avec les enquêtés (Boulamat, délégués, populations) s'est fait par la prise de contact avec ces informateurs, allant de la période du 08 au 22 Août 2021. Ensuite, la deuxième étape a été la phase de la collecte de données auprès des enquêtés du premier arrondissement impliqué dans les gestions foncières, cette phase a duré 6 semaines, allant du 12 septembre au 26 octobre 2021. Enfin, la troisième phase de descente sur le terrain a permis de recueillir les informations supplémentaires auprès des enquêtés dans le but de combler les insuffisances de données (issues de la méthode qualitative et quantitative), cette phase a duré 21 jours allant du 07 au 21 novembre 2021.

Les unités d'observations ont été constituées de plusieurs catégories de personnes à savoir : les Boulamat, les délégués auprès de la commune du premier arrondissement, les populations, qui sont les principaux acteurs impliqués dans les gestions foncières dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména ; de même le délégué provincial de la ville de N'Djaména qui a la charge de siéger sur tous les documents qui ont trait au foncier. Il était important de recueillir les avis des différents enquêtés sur l'implication des chefs traditionnels dans le processus de commercialisation de terre d'une part, les enjeux qui se structurent autour de terres et les incidences qui résultent des transactions complexes du foncier. Pour la collecte de donné, les techniques telles que : la recherche documentaire, l'observation directe, les entretiens, les focus groups, le questionnaire ont été mobilisées.

? L'observation documentaire

L'observation documentaire est selon NGA NDONGO51,

l'ensemble des étapes qui permettent de chercher, identifier et trouver des documents relatifs à un sujet, par l'élaboration d'une stratégie de recherche. Eu égard de ce point de vue, chercher des documents, c'est rechercher et repérer les sources d'informations se rapportant à notre sujet d'étude. Le document étant considéré comme tout élément matériel ou immatériel qui, a un rapport avec l'activité

51 NGA NDONGO V.(1999). « L'opinion camerounaise, problématique de l'opinion en Afrique noire », Thèse de Doctorat d'Etat en Lettres et Sciences Humaines, UFR des Sciences Sociales, France, Université de Paris X Nanterre, tome 1

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des hommes vivants en société et qui de ce fait, constitue indirectement une source d'information sur les phénomènes

sociaux. 52

Dans le cadre de ce travail, l'observation documentaire a permis de repérer les documents disponibles au Cercle Philo-Psycho-Socio-Anthropologie(CPPSA) ; Centre de Formation et de Documentation(CEFOD) ; Institut Français du Cameroun(IFC) ; la Bibliothèque de la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines de l'Université de Yaoundé I(FALSH) ; la constitution ; les lois ; les décrets ; les arrêtés ; les publications universitaires ; les presses, etc.

? L'observation directe

D'après DURAND Jean Pierre et WEILL Robert, « l'observation demeure souvent un préalable obligé pour construire une bonne enquête par entretiens ou par questionnaire »53 De ce fait, l'observation est ce moment qui permet au chercheur de prendre note, d'enregistrer les actions et gestes des enquêtés observés.

L'observation a été une phase clé dans le cadre de ce travail. Nous avons observé les interactions qui s'établissent entre les différents acteurs au sujet des terres et aussi, les différentes pratiques socio-économiques que ces individus font des espaces des terres occupés. De même, nos différentes observations ont été appuyées par des prises de vue chaque fois lorsqu'il était nécessaire afin d'appréhender de plus près les jeux qui se font autour des espaces des terres. En dernier essor, nous avons parcouru les différents quartiers du premier arrondissement de la ville de N'Djaména pour nous appuyer sur les faits factuels en rapport à la terre.

7. L'entretien

Communément appelé « entrevu ou interview », l'entretien consiste à chercher auprès des personnes clés les informations nécessaires qui permettent de comprendre, d'appréhender les phénomènes sociaux étudiés. C'est ainsi que, ELA Jean Marc mentionne que, « la science est une activité trop sérieuse pour être le seul apanage des hommes et des femmes de sciences. Les informations fournies auprès des enquêtés révèle d'une pertinence capitale ».54

L'entretien dans le cadre de ce travail a été utilisé pour s'acquérir des informations

52 NGA NDONGO V, ibidem

53 DURAND, J-P et WEILL, R. (1994). Sociologie contemporaine, Paris, Vigot, Collection « Essentiel », p.307

54 ELA, J-M. (2001).Guide pédagogique de formation à la recherche pour le développement en Afrique, Paris, l'harmattan, p.74

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brutes auprès des enquêtés sur les conflits fonciers, notamment les habitants des différents quartiers du premier arrondissement de la ville de N'Djaména et aussi, le délégué provincial auprès de la commune de N'Djaména. Nous avons débuté avec les entretiens le 10 août 2021 jusqu'à la rédaction finale du mémoire. Nos échanges ont eu lieu en privée selon le principe de confidentialité des informateurs. De même, 30 individus ont participé aux entretiens dans la réussite du présent travail. Chacun de ces individus a partagé ses expériences, ses vécus avec nous dans le cadre de ce travail.

8. L'entretien semi directif

D'après QUIVY et CAMPENHOUDT55, l'entretien semi directif permet aux chercheurs d'entrer en contact avec les acteurs sociaux qui sont confrontés à plusieurs phénomènes. Ainsi, l'entretien semi directif,

permet d'analyser le sens que les acteurs donnent à leurs pratiques et aux évènements auxquels ils sont confrontés : leurs représentations sociales, leurs systèmes de valeurs, leurs repères normatifs, leurs interprétations des situations conflictuelles ou non, leurs lectures de leurs propres expériences, etc.

L'entretien semi directif dans le cadre de ce travail a été mis en exergue dans l'optique de recueillir les informations diversifiées sur les fondements des conflits, les acteurs, les enjeux, les stratégies d'accaparement des terres dont les enquêtés possèdent une information brute nécessaire à la compréhension du foncier dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.

Nous nous sommes entretenus avec les agriculteurs, les éleveurs, les pêcheurs, les fabricants des briques, les autorités compétentes qui sont les principaux acteurs du jeu foncier. De même, sa particularité est liée aux temps accordés aux enquêtés de développer librement leurs opinions.

9. Le focus group

Le focus group est une technique dans la méthode qualitative qui met un enquêtés face aux informateurs. L'objectif visé dans un focus group est de recueillir les informations diverses sur un thème, une question donnée.

Dans le présent travail, cette technique a permis d'entrer en contact avec les enquêtés, d'observer l'environnement dans lequel les discussions se déroulent, les gestes, signes, mouvements des enquêtés. Les discussions par rapport à cette technique ont été orientées vers

55 , QUIVY et CAMPENHOUDT, idem, p.172

56 ANDREANI J-C et CONCHON F. (2005). Méthodes d'analyse et d'interprétation des études qualitatives : état de l'art en marketing, Paris, Collections de Sciences Economiques ;

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les thématiques telles que : connaissance et appréciation du texte foncier, les acteurs, les enjeux et les déterminants des conflits fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.

Par ailleurs, le focus group a été organisé suivant une répartition de dix(10) individus. Le choix de ce nombre se justifie par les soucis d'obtenir les données qu'on peut facilement dépouiller, et aussi, du souci de retenir tous les détails possibles de tous les participants de l'enquêtes. Le nombre pléthoriques à la discussion pourrait limiter la saisie de tous les détails dans une discussion.

10. Analyse et traitement des données collectées

D'après ANDREANI et CONCHON56, « l'analyse de contenu est une technique qui permet à un chercheur d'obtenir des données d'images (photos, images, vidéos, sons), d'informations symboliques (gestes, signes) en rapport à son champ d'étude ». Dans ce travail, l'analyse de contenu a permis d'avoir des informations détaillées à partir des photos, images, sons, vidéos qui ont permis de comparer, d'expliquer et de mettre en liaison les déterminants des conflits fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.

Par ailleurs, une fois que les données sont collectées sur le terrain, nous avons procédés au traitement de ces dernières avant de les analysées et interprétées. En d'autre terme, traiter une information consiste à la rendre utilisable, claire, et cohérente pour des fins utiles. Aussi, le processus de vérification des hypothèses émises au départ a permis de classer les différentes données collectées en rubriques, en prenant en compte des objectifs de départ.

En outre, signalons que trois (3) formes de traitements sont opérées dans cette étude, notamment le traitement des données qualitatives, le traitement des données quantitatives et le traitement des données photographiques.

De même, le traitement des données qualitatives contribue à l'explication et à la description des phénomènes étudiés. Il consiste à une analyse chronologique des données recueillies au moyen des entretiens et de la recherche documentaire pour évaluer l'évolution dans l'espace et dans le temps, des variables étudiées ainsi que la dynamique de leurs interactions réciproques.

24

Le traitement statistique appliqué aux données quantitatives a permis de concevoir et de réaliser, les graphiques et les diagrammes, ainsi que des tableaux de statistique descriptive. Ainsi, les données de l'enquête par questionnaire ont été intégrées dans le logiciel SPSS à l'issue d'un dépouillement manuel. Enfin les données obtenues et traitées ont été converties transmise dans le classeur Excel 2010 pour la réalisation des courtes, diagrammes, figures afin de rendre de manière plus détaillée les informations en rapport au foncier.

11. La technique quantitative

La technique quantitative a été mobilisé dans le cadre de cette réflexion pour obtenir les résultats variés et quantifiables. Les résultats obtenus ici ont permis de construire les graphiques, les diagrammes et les figures assorties des proportions.

a. Le questionnaire

L'enquête par questionnaire est une enquête qui fournit des données quantifiables, faciles à dépouiller. Selon QUIVY ET CAMPENHOUDT,

cette technique consiste à poser des questions à un ensemble des répondants, le plus souvent représentatif d'une population, une série des questions relatives à leurs situations sociales, professionnelles ou familiales, à leurs opinions, à leurs attitudes à l'égard d'opinions ou d'enjeux humains et sociaux, à leurs attentes, à leurs niveaux de connaissance ou de conscience d'un problème, ou encore sur tout autre point qui intéresse les chercheurs. 57

Dans la présente recherche, la technique par questionnaire a facilité les tâches en ce qui concerne les dépouillements des données collectées, aussi d'obtenir des résultats fiables sur les implications des Boulamat dans le processus de commercialisation des terres, les causes et les conséquences des conflits fonciers analysés. De même, cette technique a été mise en relief dans le but d'obtenir des informations supplémentaires, suite au désistement des enquêtés durant les entretiens, pour cause de confidentialité de leur identité. Au total, nous avons administrés les questionnaires à 150 individus sur les modalités d'acquisition des terres, les natures et les types des conflits.

57 QUIVY ET CAMPENHOUDT, idem, p.119

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VIII. DEFINITION DE CONCEPTS

D'après GIANOLA, « l'examen de tout phénomène commence par sa compréhension. Mais avant toute étude, il est nécessaire de définir les caractéristiques essentielles autour desquelles s'articule un concept pour pouvoir ensuite formuler une définition englobant ces caractéristiques et seulement celles-ci. » 58. Dans ce sens, la définition des notions clés procède d'une logique du travail scientifique. D'où la nécessité de clarifier le concept litiges fonciers, foncier urbain, ville.

1. Conflit

Le mot conflit tire ses origines de l'étymologie latine « litigium » qui signifie contestation donnant matière à un procès. De même, en droit, on le définie comme un différend entraînant la saisie d'un tribunal ou le recours à un arbitrage59.

Selon le dictionnaire de la sociologie, les conflits sont les manifestations d'antagonismes ouverts entre deux acteurs (individuels ou collectifs) aux intérêts momentanément incompatibles quant à la possession ou à la gestion de biens rares matériels ou symboliques. Il peut s'agir d'un affrontement des États (guerres) ou, au sein d'une même société, des groupes religieux, nationaux ou ethniques, des classes sociales ou toutes autres institutions sociales (églises, partis, entreprises, organisions, et associations diverses) au sein d'une même collectivité (famille, syndicat). Ainsi, les acteurs peuvent s'opposer en fonction des intérêts visés, de leurs statuts et rôles différents.

Pour la tradition marxiste60, « le conflit est inscrit dans la nature même du social et procède du caractère essentiellement contradictoire des rapports sociaux de production ». Les conflits sociaux historiquement important sont donc tous ramenés des conflits de classes définis par la propriété ou la non-propriété des moyens de production, et aboutissent inéluctablement aux révolutions qui transforment l'organisation économique, politique et sociale.

En sociologie GRAWITZ définit le vocable conflit « comme les oppositions ou les affrontements plus ou moins aigus, ou violents entre deux ou plusieurs parties : (nations,

58 GIANOLA E.C. (2011). La sécurisation foncière, le développement socio-économique et la force du droit : le cas des économies ouest-africaines de plantation (la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Mali) ; Logiques juridiques ; Paris, l'Harmattan, p.237

59 Le Grand Robert de la langue française, version électronique, le CD-ROM du Grand Robert

60 MARX K et ENGELS F. (1848). Le manifeste du parti communiste, Editions Sociales, Collections Essentielles

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groupes, classes, personnes ou encore entre tendances, aspirations, motifs, à l'intérieur d'un même individu) ».

De ce qui précède, nous pouvons définir les litiges comme un ensemble des tensions structurées autour des enjeux divers.

2. Le foncier

C'est un concept issu du latin « fundus » qui veut dire « fonds de terre ». Il appartient au vocabulaire juridique et désigne les rapports de droit réel entre les personnes, et un fond de terre ou de terrain. Cependant, le foncier est un concept polysémique, car il fait appel à plusieurs approches qui tentent de lui donner un contenu.

Le foncier « est l'ensemble des règles définissant les droits d'accès, d'exploitation et de contrôle concernant la terre et les ressources naturelles »61. Cette définition met l'accent sur la dimension sociale du foncier, rapport entre les hommes et les groupes sociaux, partie intégrante du fonctionnement de la société. Le foncier inclus donc les rapports entre les hommes et les femmes concernant l'accès, le contrôle, la transmission et les usages de la terre et des ressources qu'elle porte. Ces rapports sociaux sont principalement déterminés par les facteurs économiques (accumulation privative du capital et extraction de rente), juridique (norme d'appropriation et modalités de règlements de conflits) puis par les techniques d'aménagement pouvant matérialiser et caractériser ces rapports en autant de région distincte.

Partant de cette définition, le foncier peut être défini comme, « tout ce qui constitue un fond de terre ». Il peut également signifier ce qui est relatif aux fonds de terre en milieu rural qu'urbain. Et par foncier urbain, l'ensemble de biens et fonds de terre présent dans une ville.

3. Ville

La ville peut être appréhendée du point de vue infrastructurel est essentiellement caractérisée par la primauté du cadre bâti sur l'environnement, naturel et comprise comme « un ensemble d'habitations regroupées dans un espace réduit et structuré ».62 D'un point de vue purement social, c'est « un établissement relativement important, dense et permanent d'individus socialement hétérogène »63

61 LE BRIS E. et al. (1991). Circulation des Hommes et Urbanisation : les politiques en échec, Paris, l'harmattan, p.13

62 ALPE Y., cité par MBEN LISSOUCK Ferdinand in « Violence administrative et indocilité populaire à Yaoundé », Mémoire de Master en Sociologie, Urbanité et Ruralité, FALSH, Université de Yaoundé I, p.27

63 WIRTH Louis cité par GRAFMEYER Y. (1994). In Sociologie urbaine, Paris, Nathan, p.16

27

La ville de ce fait peut être définie du point de vue géographique et social. Cependant, pour mieux la cerner, la ville doit être appréhendée à un double niveau spatial et social puisqu'elle se veut,

à la fois territoire et population, cadre matériel et unité de vie collective, configuration d'objets physiques et noeud de relations entre les sujets sociaux. Dans ce sens, la ville recouvre deux dimensions : une dimension géographique renvoyant à l'espace habité par les acteurs sociaux et une dimension relationnelle qu'entretiennent ces acteurs autour des terres urbaines. 64

De ces définitions qui précèdent, nous pouvons définir la ville comme un lieu stratégique de lutte autour des terres, et où l'individualisme foncier est poussé.

IX. PLAN DU TRAVAIL

Le présent travail est organisé autour de deux (02) parties constituées chacune de deux (02) chapitres. La première partie s'intéresse aux acteurs et les enjeux du foncier dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Le chapitre premier aborde les acteurs du foncier et les stratégies de sécurisation des terres ; le chapitre deuxième par contre met en exergue les différentes perceptions des terres dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. La deuxième partie par contre aborde les facteurs explicatifs des litiges fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména et les instances d'arbitrages des litiges le chapitre troisième quant à lui s'attèle chapitre iii: les déterminants sociaux des litiges fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Par ailleurs, les chapitres iv : instances d'arbitrages des litiges fonciers et perspectives des résolutions des différends fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména

64 MBEN LISSOUCK F, idem, p.27

PREMIERE PARTIE: ACTEURS ET LES ENJEUX DU
FONCIER DANS LE PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA
VILLE DE N'DJAMENA

La présente partie est constituée de deux (02) chapitres. Le chapitre premier met l'emphase sur les acteurs du foncier et les stratégies de sécurisation des terres. Dans le deuxième chapitre par contre met en relief les différentes perceptions des terres dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména

CHAPITRE I: LES ACTEURS DU FONCIER ET LES STRATEGIES DE
SECURISATION DES TERRES

30

INTRODUCTION PARTIELLE

Ce chapitre met en exergue les différents acteurs qui interviennent dans la gestion des terres dans le premier arrondissement de N'Djaména. Ainsi, ces acteurs sont : l'Etat, les chefs de quartiers, les allogènes, les autochtones, les locataires, les sociétés industrielles, etc. Les acteurs du foncier dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména sont nombreux et de plusieurs catégories. Généralement, les acteurs qui interviennent dans le foncier dudit arrondissement sont : la puissance publique, les auxiliaires de l'Etat (Boulamat) , les locataires ,les autochtones , les fonctionnaires privés ,publics ,les agriculteurs , les éleveurs ,les pêcheurs ,les ramasseurs des sables et de terres noires ,les fabricateurs des briques, etc. Ainsi, la puissance publique à travers ses services centraux et décentralisés joue un rôle non négligeable dans la gestion foncière dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.

I. LES ACTEURS DU FONCIER ET LES STRATEGIES DEVELOPPEES POUR L'ACCAPAREMENT ET LA SECURISATION DES TERRES

Le foncier au regard de l'importance qu'il renferme fait intervenir plusieurs catégories d'acteurs qui, depuis plus de dix(10) ans se livrent à des transactions foncières plus ou moins complexes. Ces transactions aboutissent pour la plupart à des conflits violents, se soldant par la destruction du bien matériel d'une part, et des pertes en vies humaines d'autres parts. Dans cette partie, les acteurs les plus emblématiques sont répertoriés, surtout ceux qui sont directement liés à la gestion des terres dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména, et aussi ceux qui sont liés dans l'implémentation des conflits fonciers.65

1. L'ETAT : PREMIER ACTEUR DU FONCIER

Dans le cas des acteurs institutionnels, il est question ici des cadres légaux des gestions des terres dans les milieux urbains tchadiens en général, en particulier dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Parmi ces acteurs figure le service de l'urbanisme. Ainsi, le service de l'urbanisme est chargé de :

? L'élaboration des documents d'aménagement et d'urbanisme du contrôle de leur application et leur révision au niveau de la région ;

? La planification et la répartition des équipements et des activités ;

65 Source : données de terrain, septembre 2021

31

· Le contrôle de la localisation et l'intégration des équipements publics décidés par diverses personnes morales de droit publiques ;

· La définition des niveaux de viabilisation suivant les types de quartiers ;

· La création et le contrôle des réserves foncières dans les zones urbaines et périurbaines n'appartenant pas au domaine privé des collectivités locales.

2. Décentralisation foncière

L'Etat est considéré comme le garant de toutes les terres urbaines au Tchad. A cet effet, il a mis sur pieds plusieurs organes pour une structuration des terres dans le milieu urbain et rural tchadien. Ainsi, les répartitions des responsabilités se déclinent à plusieurs niveaux administratifs.

- Inspection régionale du cadastre

L'inspection régionale du cadastre est chargée de :

· L'établissement et la conservation des documents cadastraux (plans, graphiques, matrices, état de cession des plans parcellaires) ;

· L'identification et le recensement des propriétés en vue de la définition de l'impôt foncier ;

· L'exécution de bornages relatifs aux réquisitions d'immatriculations ;

· Etude de la production, de l'exploitation de tous les documents cadastraux relatifs à la propriété foncière ;

· L'implantation des lotissements nouveaux ;

· L'identification des parcelles sur la base des listes transmises par la commission d'attribution des terres en zone urbaine ;

· L'enrôlement des attributaires en première option.

- Inspection Régionale des Domaines, de l'Enregistrement, des Timbres de l'Hypothèque et de la Conservation Foncière

Cette section est sous la tutelle du Ministère des finances et du budget. Sa principale tâche consiste à gérer tous les biens en rapports aux terres dans sa circonscription administrative. Il faut dire que le maire de chaque commune est d'office membre de la Commission d'Attribution de Terres en Zones Urbaines (CATZU). La gestion des terres se

32

fait de deux manières : soit par location, soit par affection. Ce service est subdivisé en plusieurs autres sous-sections qui sont : le service des affaires domaniales, le service du foncier et de la curatelle, le service de recettes, de la comptabilité et du timbre, le service des études du personnel et du matériel. Ce service se donne pour principale mission l'exécution de la politique fiscale et domaniale de l'Etat en tant qu'acteur principal dans la gestion des terres rurales qu'urbaines au Tchad.

Aussi, son champ d'application recouvre toutes les transactions urbaines en rapport au foncier et aussi, le montage des dossiers et le recouvrement des coûts des attributions que lui apporte le cadastre de même que les frais relatifs aux ventes des terres urbaines.66

? Institutions judiciaires de la place

Généralement, le processus de décentralisation semble être effectif au Tchad. C'est ainsi que les institutions judiciaires de la place sont constituées du Tribunal de Première Instance (TPI) et de la Cour d'Appel (CA). Les principales missions de ces institutions judiciaires consistent à arbitrer les litiges fonciers dans leurs circonscriptions administratives. Ainsi, tous les problèmes liés à l'immatriculation et aux multiples ventes ; à l'approbation d'un plan d'urbanisme de la ville relève de leurs domaines de compétence. Ils font parties de la commission d'urbanisme locale à côté d'autres services techniques gérants les affaires foncières et de la mairie de l'arrondissement concerné.

? Commune

Conformément aux dispositions du décret n° 1347/PR/PM/2011 du 17 novembre 2011, la commune assure le secrétariat de la Commission d'Attribution des Terres en Zones Urbaines. A cet effet, elle est appelée à répertorier toutes les terres sécurisées et celles n'ayant jamais été sécurisées par les acteurs, les terres issues du domaine public national, les terres du domaine privé, les zones marécageuses, les forêts, les parcs. Ainsi, en cas des litiges fonciers, la commune conjugue ses efforts aux côtés des autorités compétentes chargées de la question foncière.67

Les institutions citées ci-haut sont impliquées légitiment dans la gestion de la question foncière. Leur légitimité se trouve dans le droit positif tchadien adopté en juillet 1967, notamment dans ses articles n°23 portant statut des biens dominicaux, n° 24 sur le régime de la propriété foncière, des droits coutumiers et la loi n° 25 du 22 juillet 1967 portant sur la

66 MAHAMAT A.B. (2013). « Extension urbaine et problèmes fonciers dans les quartiers périphériques de la ville de N'Djaména : le cas du quartier Toukra », Mémoire de master en géographie, Université de Maroua, p.64

67 Entretien avec le délégué provincial de la ville de N'Djaména en septembre 2021

33

limitation des droits fonciers ainsi que leurs décrets d'application respectivement : n°186,187, et 188 du 1er août 1967. Vu la complexité de la question foncière au Tchad, le président de la république a complété, notamment avec les lois n° 004/PR/2008 portant principes généraux à appliquer en matière de construction, la loi n° 006/PR/PM/2008 portant principes fondamentaux en matière d'urbanisme sans oublier les lois statuant sur la décentralisation de la gestion des terres au Tchad de l'année 2002.68

De même, le gouvernement tchadien sur la base des documents légaux a une stratégie d'acquisition des terres qui le permet d'attribuer les terres à toute personne morale ou physique pour des éventuelles activités économiques. C'est d'ailleurs pour cette raison que, l'Etat entreprend les constructions de plusieurs infrastructures militaires (Groupement d'Ecoles Militaires Interarmées, le camp d'Amsinéné, etc. Sanitaires (centre de santé de Madjorio, de Djougoulié, d'Ardeptiman, de Zaraf, éducatives (Lycée Al-Imane, Lycée Ibrahim Mahamat Itno ; Lycée Moderne de Guinebor, Lycée Moderne de Djougoulié, Ecole/Lycée Sultan Kasser, Ecole/Collège Pilote de Farcha, etc.) occupant des vastes espaces des terres dans le premier arrondissement de N'Djaména.69

En effet, la diffusion progressive du système capitaliste dans les campagnes et son introduction sur des nouveaux lieux de production est également le fait marquant de ces vingt dernières années. Phénomène urbain et côtier durant la période coloniale, le capitalisme se généralise et affecte les comportements des acteurs selon une logique mondialiste. Or, dans la mesure où le processus d'introduction du capitalisme international dépend principalement de l'administration de l'Etat, qui peut hâter ou retarder le processus, les déterminations au niveau national et au niveau international apparaissent fortement entremêlées. Les interrelations entre les facteurs sont nombreuses et nous retrouverons certains exemples dans les pages suivantes. Nous acceptons cependant de les dissocier pour les besoins de l'analyse, en nous fondant sur une différence dans les modes d'expression de l'accumulation à l'échelle nationale et à l'échelle mondiale.70

Tandis qu'à l'échelle internationale l'intervention s'exprime principalement par les firmes multinationales et par le discours généralisant des organismes plurinationaux ou internationaux, à l'échelle nationale l'emprise de l'Etat se manifeste concrètement par des pratiques observables. Dans le domaine foncier, la terre apparaît sous le prisme

68 MAHAMAT, Ibidem, p.65

69 Source entretien avec Monsieur Djimet Boukar

70 LE BRIS, E. et al. (1982).Enjeux fonciers en Afrique noire, Paris, Karthala, p.26

34

développementaliste internationale comme un facteur positif du progrès économique et social, si elle peut être mobilisée (car elle n'est pas rare) et libérée des charges indues, devient, au niveau national, un « casse-tête », très souvent le problème que doit affronter l'appareil d'Etat. Le régime foncier devient alors l'obstacle principal (potentiellement ou réellement) soit au processus de développement, soit à libre intervention de l'administration. De là naissent des discussions et des pratiques suffisamment originaux pour que nous envisagions successivement sans introduire dans notre analyse de nouvelles clôtures entre les niveaux locaux, nationaux et internationaux de l'analyse.71

La restriction du champ géographique de la réflexion n'est pas seulement liée aux limites de nos compétences, elle ne ressortit pas non plus à une volonté de dégager à priori une spécificité en matière foncière. Cette spécificité est un fait d'expérience. Il suffit pour s'en convaincre de se référer à contrario aux circonstances dramatiques dans lesquelles se posent les questions foncières en Amérique latine (opposition entre grands propriétaires latifundiaires et paysans sans terre). L'Afrique se distingue également en ce qu'elle ne compte pas (sauf le Nigéria) de pays aux dimensions d'impérialismes relais (comme le sont l'Inde ou le Brésil) caractérisés par leur grande taille, la complexité de leurs économies et de leurs organisations sociales. Dans ce type de pays, on notera que la problématique foncière renvoie à l'appréhension du type très particulier de matrice de l'espace ; l'Etat dans ce cas, en effet, tend à monopoliser les procédés de contrôle et d'organisation de l'espace et à différents niveaux qui nous éloignent du foncier stricto sensu (urbanisation, frontières, voies de communication, stratégies militaires, etc.).72

2. Les Boulamat

Les chefs de quartiers sont les acteurs assurant la vente des terres dans toutes les attendues du territoire tchadien. Ils sont pour la plupart, les descendants des premiers occupants des terres et assurent souvent la vente des terres aux autres individus. En matière de la gestion des terres, ce sont eux qui assurent la répartition des terres. Ils représentent deux instances à la fois dans la gestion foncière : une instance politique en tant que auxiliaires de l'Etat auprès de la communauté locale et aussi traditionnelle dans la mesure où ils représentent les ancêtres dans la gestion des terres.73

71 LE BRIS, E. et al, Ibidem

72 LE BRIS E. et al, Idem, p.27

73 Enquête de terrain auprès des habitants du premier arrondissement, 2021

35

Aussi, il convient de noter que les chefs gérants des terres (Boulamat) au nom du pouvoir ancestral qui leur est conféré, prennent des décisions sans regret en vendant une seule parcelle à plusieurs personnes. Le pire est que, ces chefs gérants ne maîtrisent pas les textes de base fonciers sur lesquels ils devraient s'appuyer. Ils ne connaissent que la coutume qui leur donne un plein droit selon eux, à la gestion totale des terres urbains et rurales.

En effet, les chefs des quartiers sont les auxiliaires de l'Etat dans la mesure où ils assurent quelques fois la médiation entre les individus dans la résolution des litiges fonciers et aussi, sont souvent impliqués dans les campagnes électorales. Les locaux des chefs de quartiers jouent souvent le rôle des bureaux de vote pendant les élections municipales, législatives et présidentielles.

Cependant, au Tchad, ces chefs jouent un jeu complexe dans la gestion foncière. Ils vendent une parcelle de terre à plusieurs individus et morcellent les terrains des individus pour leurs visées égoïstes. Cette attitude met les acteurs dans une impasse pendant et après l'achat. Aussi, les principales activités qu'ils exercent sur les terres sont diverses : la culture de « Béré-béré »74, les locations des terres pour les fabrications des briques, la pratique de la riziculture, etc.

II. LES ACTEURS NON INSTITUTIONNELS

Les acteurs non institutionnels renvoient ici à ceux qui ne sont pas liés formellement à l'Etat en tant qu'autorité suprême de gestion des terres au Tchad. Dans le cadre de la présente réflexion, quelques acteurs majeurs sont pris en compte dans l'optique de mieux appréhender le foncier dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.

1. Les propriétaires provisoires

Les propriétaires provisoires sont ceux-là qui bénéficient d'un titre foncier provisoire ou précaire. On distingue généralement deux types à savoir :

2. Les propriétaires qui poursuivent des stratégies définitives

Ces propriétaires cherchent la sécurité foncière pour avoir une stabilité de logement, pour eux-mêmes ou pour les membres de la famille. Dans ce sens, ils acquièrent des espaces des terres ayant plus ou moins une garantie (remplissant les conditions juridiques) pour assurer la sérénité de celle-ci. Dans cette catégorie se trouvent les locataires résidant dans le

74 Culture du sorgho de décru. Cette culture se pratique sur les espaces d'eaux tarissables.

75 LE BRIS Emile et al. (1991). L'appropriation de la terre en Afrique noire : manuel d'analyse et des gestions foncières, Paris, Karthala, p.209

36

premier arrondissement de N'Djaména dans le cadre des travaux provisoires (main d'oeuvres dans les grands chantiers ; main d'oeuvres dans certaines structures privées et publiques et qui bénéficient d'un contrat de travail provisoire).

3. Les propriétaires qui poursuivent des stratégies spéculatives

Ces propriétaires quant à eux, sont ceux-là, qui militent dans le but d'obtenir une rente foncière ou des revenus locatifs. Parmi les locataires, il convient de distinguer les deux types suivants :

4. Les locataires

Ils sont les individus qui louent les maisons ou les terres des individus pour une durée déterminée. Cette catégorie des personnes renvoie généralement aux certains migrants récents qui servent de la main d'oeuvre, des célibataires qui aspirent devenir eux-mêmes dans le plus long terme des propriétaires occupants. Ils opèrent sur le marché foncier et développent les stratégies foncières appropriées ;

5. Les locataires travailleurs

Ces locataires proviennent d'autres localités et sont dans le premier arrondissement pour travailler dans les industries comme la main d'oeuvre. Ils sont pour la plupart des travailleurs saisonniers, certaines femmes, hommes, les couches populaires les plus démunies qui pour une raison ou une autre ne peuvent ou ne veulent pas devenir propriétaires d'un terrain pour y construire. 75C'est ainsi que dans le premier arrondissement de N'Djaména, certaines catégories d'acteurs estiment que leur place est essentiellement au village, car c'est là qu'il y a leurs aïeux. Ils préfèrent rester en location ici en ville pour chercher juste un emploi temporaire. Généralement, le plus courants sont les jeunes provenant du grand Ouaddaï, de la Tandjilé, du Moyen Chari, du Logone Occidental, du Mayo Kebbi Est et Ouest. Un exemple de cette catégorie d'acteurs est le cas des jeunes MOUBI provenant de Mangalmé et des jeunes (MAGERE, GOULAÏ, GABRI, NANDJERE) qui s'estiment plus heureux dans leurs villages.

37

6. Les « intouchables »

Cette catégorie d'acteur renvoie concrètement aux acteurs qui acquièrent les terres de manières officieuses et floues. Ils participent activement à la gestion des terres dans le premier arrondissement de N'Djaména.

Aussi, ils recourent à des pratiques illégales pour s'installer, tenterons de se prémunir contre les effets des interventions étatiques en développant selon leurs moyens, et en fonction des contraintes rencontrées, des stratégies de « débrouillardises ». S'ils n'arrivent pas à régulariser leur situation ou à sécuriser, tant peu soit leur maintien sur la parcelle (par exemple en entrant dans un système de clientélisme ou en adoptant leur construction aux normes officielles.

De plus, Ils essayent parfois d'anticiper sur la régulation immense ou attendue d'une autre zone urbaine en y acquérant un nouveau terrain (et cela se fait de nouveau en dehors des règles officielles). Les résultats de ces stratégies sont pourtant aléatoires et une grande partie de cette catégorie risque d'être des « exclus éternels » de la ville légale.76 C'est ainsi que dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména, ces acteurs développent des stratégies complexes autour des terres urbains et périurbains, notamment dans les quartiers Madaga, Zaraf, Ardeptiman, Karkandjeri, Guinebor, Amsinéné.

Tableau 1 : répartition des enquêtés selon les activités économiques pratiquées

Activités économiques pratiquées

Effectif

Total?

Agriculture

50

100

Elevage

28

Pêche

2

Commerce général

5

Fabrication des briques (cuites)

5

Autres

10

Source : enquête de terrain, octobre 2021

76 LE BRIS E., et al. Idem, p.210

38

Graphique 1 : répartition des enquêtés selon les activités économiques pratiquées

Autres(activités mixtes)

 
 
 

10

 

Commerce général

 
 

5

 
 

Fabrication des briques...

 
 

5

 
 

Pêche

 

2

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Elévage

 
 
 
 

28

 
 
 
 
 
 

Agriculture 50

Activités économiques...

0 10 20 30 40 50 60

Source : enquête de terrain, octobre 2021

En se référant à ce résultat, les informations recueillies attestent que l'activité principale des habitants du premier arrondissement demeure l'agriculture. Ici, il est important de relever que, selon certains informateurs, ils ne parviennent pas à exercer aisément cette activité suite aux tracasseries des Boulamat d'une part, et des troupeaux des éleveurs qui dévastent chaque jour et chaque heure les champs d'autre part. Nous nous sommes rapprochés davantage vers les agriculteurs du quartier Madaga, de Mélizi, de Djougoulié, Miskiné, etc. Après une analyse de données recueillies, les informateurs disent qu'ils louent les terres auprès des Boulamat et aussi, auprès des propriétaires particuliers. Les conflits naissent selon les agriculteurs de la destruction de leurs plantations par les troupeaux de moutons, chèvres et boeufs. C'est ainsi que l'agriculture occupe 50? par rapport aux autres secteurs d'activités. Néanmoins, cette agriculture est archaïque, mal organisée.

7. Les agriculteurs

Les agriculteurs qui exercent dans le premier arrondissement de N'Djaména sont de plusieurs catégories. D'abord, une catégorie de ceux-là qui ont pour principales activités l'agriculture. Ce type d'agriculteur a besoin assez d'espaces pour réaliser des grands champs afin de répondre aux exigences familiales. Ils sont constitués de plusieurs sous-groupes ethniques à savoir : les arabes autochtones ; les arabes migrants provenant du Cameroun ; les Bornou autochtones ; les Bornou migrant prévenants de l'Etat Bornou du Nigéria, les Ngambay pêcheurs convertis en agriculteurs, les Toupouri, les Moundang, les Moussey, les Kotoko, etc. Généralement, ces acteurs pratiquent une agriculture mixte qui fait intervenir plusieurs variétés de cultures. La culture du riz dans les sols argileux, la culture des Béré-béré

39

dans les terres noires argileux, la culture de la salade au bord des fleuves et des cours d'eaux temporaires, (voir la planche ci-dessous)

Planche 1 : case de jardinage à Milezi

Source : enquête de terrain, octobre 2021

Les jardiniers qui exercent dans le secteur agricole rencontrent plusieurs difficultés dans la gestion de l'exercice de leur métier. La demande très grande des habitants de la ville de N'Djaména en produits vivriers augmente les spéculations autour des terres qualifiées de « terres très stratégiques » pour les jardinages des produits agricoles. Ainsi, les Boulamat et/ou les propriétaires des terres rendent la vie difficile aux occupants passagers qui exploitent d'une manière provisoire les terres. Les « ennemis de la culture » (le troupeau des boeufs, chèvres, moutons, etc.) détruisent les champs des jardiniers. C'est ce qui explique souvent les conflits éleveurs-jardiniers d'une part, et les jardiniers-jardiniers pour les espaces stratégiques d'autre part.

Planche 1:Case de riziculture à Miskiné

Source : enquête de terrain, septembre 2021

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Aussi, en dehors de la culture du riz pratiquée dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména, ils existent autres activités qui relèvent du domaine agricole, notamment la culture du Béré-béré sur les sols noirs. A cet effet, les conflits pour la plupart entre les acteurs sont liés d'une part à l'occupation des espaces stratégiques favorables pour ladite culture et d'autres parts, les destructions des champs des riz, gombo, de Béré-Béré par les troupeaux. Ces conflits représentent selon les acteurs interviewés près de 70% des conflits enregistrés annuellement au Tchad. Les éleveurs et les agriculteurs collaborent très rarement dans la mesure où, les éleveurs bénéficient d'un « appui invisible », mais « lourde » de la part des autorités compétentes. Selon un habitant du quartier Zaraf, les troupeaux appartiennent aux généraux, ministres, etc. Aucun agriculteur ne pourra se livrer dans une bataille toute en sachant qu'il perdra d'avance. Sinon, il faut être dans un parti politique influent, à l'instar du parti de la majorité présidentielle (MPS) pour avoir une couverture sociale aisée. (Voir la photo ci-dessus).

Photo 1: Champ de Béré-Béré à Madaga

Source : enquête de terrain, octobre 2021

Les propriétaires des champs de Béré-béré déplorent par ailleurs le fait qu'ils sont condamnés dans leurs champs de peur de les voir dévastés par le troupeau des boeufs ou moutons. Un informateur affirme qu'il rencontre plusieurs problèmes dans la pratique de cette activité rentable. Malheureusement, ils passent les nuits dans les champs avec tous les risques qu'ils encourent, lesquels sont liés à la chaleur en journée. La température varie souvent entre (35 à 40°C) en journée et pendant la nuit (10 à 20°C).

Ainsi, la peur de voir leurs champs dévastés, les propriétaires de Béré-Béré ne peuvent plus exercer autres activités économiques parallèles. Ils ne peuvent plus à cet effet, pendant la période de la culture de ce mil, joindre les deux bouts. Or, sur d'autres cieux, les propriétaires

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de Béré Béré exercent autres activités économiques dans le secteur informel (Clando, taxis, co mmerces divers, maçonneries, plomberie, etc.) L'Etat doit intervenir promptement afin de mieux cerner ces crises qui contribuent davantage à la dégradation du tissu social au Tchad. De même, le mieux serait de contrôler les élevages dans les villes et les orienter selon certaines trajectoires bien définies.

8. Les éleveurs

Les éleveurs sont ces acteurs propriétaires des terres pour la plupart. Ils sont les descendants des premiers occupants des terres dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. On trouve dans cette catégorie, les arabes autochtones résidant dans les zones périphériques et même dans les « zones rurales » devenues « zones urbaines » par le processus d'urbanisation. Ces acteurs se retirent du centre urbain pour la sécurité de leurs troupeaux. On les trouve dans les quartiers tels que « Djougoulié village », le « Koudou » de Madjorio, Ardeptiman (Hillé Fulata77). Ils sont très présents sur les terres urbaines dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. C'est ce type de phénomène que Jean Marc ELA qualifie de la « villagisation des villes » africaines. Ceci dans la mesure où, les villes africaines ont pour la plupart un pied en « ville » et un pied au « village ». C'est en quelque sorte les « villes villages ». C'est pourquoi on observe les troupeaux des éleveurs en ville.

L'élevage dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména ne fait pas d'une manière cadrée. La photo 1 à gauche montre quel point il y a une imbrication du rural dans « l'urbain » et/ou 80% des activités pratiquées dans les milieux urbains tchadiens proviennent du secteur primaire. L'industrie ne joue pas un très grand rôle dans le développement socioéconomique dans le premier arrondissement. La plupart des industries présente produit les boissons alcoolisées (les Brasseries du Tchad ; les Sociétés de FOKOU Fobert, etc.) ne produisent en grande partie que les boissons alcoolisées.

Or, plus de 80% des habitants du premier arrondissement sont impliqués dans le secteur primaire. Le problème survient lorsque les animaux qui huèrent dans la nature détruisent les cultures ou les produits d'autres personnes. Les conflits éleveurs-agriculteurs en Afrique subsaharienne en général et au Tchad en particulier expliquent davantage ce « danger » que constitue l'élevage non cadré en « ville ».

77 Mot signifiant en arabe tchadien le quartier des peuls

42

Planche 2: Troupeau de moutons et de boeufs à Djougoulié

Source : enquête de terrain, septembre 2021

De ces images, apparait clairement la notion d'ELA de « gros village » ou des « villes villages » dans la mesure où on observe dans les quartiers du premier arrondissement de N'Djaména les activités relevant du secteur primaire. Ainsi, les individus pratiquent à environ 80% les activités du secteur primaire. Le manque d'un emploi stable a donc contraint certains acteurs à s'investir dans d'autres secteurs pour chercher à « joindre les deux bouts ». Le président tchadien dans son discours à la nation le 31 décembre a demandé à la jeunesse tchadienne de s'investir dans l'agriculture. Il estime que les « portes de la fonction publique ne pourront contenir tous les acteurs ». Les agriculteurs que nous avons rencontrés peuvent être qualifiés de « mixtes », dans la mesure où, ces derniers ont suivi quelques fois autres cursus, professionnel ou académique. Le travail qui s'octroie désormais sur la base des « relations familiales », « claniques » et/ou politiques a donc causé un écart entre les acteurs dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Les acteurs interviewés durant notre recherche affirment n'avoir jamais suivi les formations en agronomie pour avoir la qualification des « pleins agriculteurs », mais disent qu'ils s'inscrivent dans une mouvance de Lavoisier où « rien ne se perd, rien ne se crée, mais tout se transforme ».78

78 Source : enquête personnelle, Octobre 2021

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Graphique 1: Répartition des différents secteurs d'activités

50 50

40

30

20

10 2 5 5 10

0

28

Source: enquête de terrain, octobre 2021

Les résultats de ce graphique montrent que l'élevage occupe la deuxième place dans l'économie des habitants du premier arrondissement de la ville de N'Djaména, soit une valeur proportionnelle de 28?. Néanmoins, cette activité se fait d'une manière anarchique; elle n'est pas cadrée et cause des nombreux problèmes entre les éleveurs et les agriculteurs lorsque les troupeaux déciment les plantations des paysans. De même, il se pose les problèmes en rapport aux espaces d'une part pour les activités agricoles, et d'autre part, pour les pâturages des troupeaux. Les questions de l'ancienneté et des nouveaux venus dans les zones se posent tous les jours entre les différents auteurs.

9. Les fabricants de briques

Confrontés aux difficultés d'ordre économique, social, politique et même environnementale, certains individus se sont convertis très vite dans la culture de la « débrouillardise » relevant du domaine informel. Ces acteurs constituent une partie non négligeable des acteurs intervenant dans la gestion foncière dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Généralement, ces derniers n'achètent pas les espaces des terres qu'ils exploitent pour la fabrication des briques en « poto-poto »79.

Aussi, ces individus exposent les briques soient en terres, soient cuites pour les éventuels services et besoins des acteurs urbains. Ils peuvent affecter de très grandes surfaces des terres en creusant des vastes espaces des terres afin de bénéficier des terres exploitables. Ils louent les espaces qu'ils exploitent avec les chefs gérants et/ou certains propriétaires terriens. Les luttes surviennent dans le positionnement stratégique des espaces faciles à creuser et aussi de

79 Terme courant en Afrique subsaharienne qui renvoie aux constructions en terre non durable. Reprit par Balandier dans BALANDIER G. (1985) La sociologie des Brazzaville noire, 2e Edition, Paris, Collection de Sciences Politiques

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trouver des terres exploitables. Les acteurs de cette catégorie proviennent d'autres secteurs d'activités. Ils sont pour la plupart les jeunes diplômés sans-emplois, mariés et, qui sont contraints de chercher une activité rentable pour le « bien-être » de leurs familles.

Au vu de son importance dans l'économie tchadienne, l'Etat gagnerait en accompagnant ces acteurs par une couverture formelle. Car, ils subissent les « casses têtes » au quotidien de la part des Boulamat et/ou des propriétaires terriens. Ces acteurs loin de constituer un « danger social » comme les « virus »80, ils cherchent au contraire une insertion sociale à leur manière. Les photos suivantes montrent les briques produites.

Planche 3: Exposition des briques à la carrière de Madaga

Source : enquête de terrain, novembre 2021

Les véritables casse-têtes opposent ici certains individus non identifiés qui assurent la gestion des terres et des espaces exploitables pour la fabrication des briques destinées à la construction des bâtis modernes ou semi modernes. Cette activité de fabrication des briques est en effet, une sorte de mesure palliative à la cherté des prix des matériaux de construction au Tchad. Le tableau ci-après est celui de prix tarifaires des ciments dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.

Tableau 1: Prix tarifaires des ciments dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména

NOMS DE PRODUITS

UNITES

PRIX UNITAIRES

1.

SONACIM

01

7500FCFA

2.

CIMENT CAM

01

11.000FCFA

3.

QUIFEROU DANGOTE

01

11.500FCFA

4.

CIMENT SAO

01

7.500FCFA

 

80 Le terme virus est utilisé dans la ville de Douala pour qualifier les agresseurs de premier ordre

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Source : enquête de terrain, septembre 2021

La spéculation des prix des ciments sur le marché dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména explique les fortes demandes en briques cuites par les acteurs issus des couches sociales les plus vulnérables et aussi certaines catégories des fonctionnaires civils ou militaires. La forte demande des briques cuites pour les constructions a augmenté les conflits des terres dans les milieux urbains lesquels se justifient pour des espaces disponibles pour les fabrications des briques. Les individus non identifiés prélèvent les rançons avec les travailleurs d'une manière journalière et quelque fois augmentent les prix de location des espaces. Les prix de location des espaces varient d'une personne à une autre est fonction des liens de parenté avec les propriétaires terriens. Les agents de l'Etats (communes) jouent un rôle non négligeable dans la spéculation au tour des terres disponibles pour les « industries des briques » qui relèvent de la débrouillardise.

Aussi, les manques d'intégration sociale et à la fonction publique des diplômés sans-emplois a aussi entrainé l'afflux des acteurs « oubliés » vers ce secteur des fabrications des briques qui est selon eux, « mieux porteurs ». Nous estimons que si l'Etat définit clairement les modalités d'occupation des terres pour les fabricants des briques, les litiges liés aux espaces pourront diminuer. Or, la latitude laissée aux particuliers de gérer les terres est très dangereuse dans la mesure où elle est non contrôlée par les acteurs. Les prix de briques un peu abordables expliquent aussi une forte demande au vu des prix très élevés des ciments pour un investissement durable. Le tableau ci-dessus illustre le prix de briques cuites selon les différentes qualités.

Tableau 2: Prix tarifaires des briques dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména

NOMS DE PRODUITS

VALEURS UNITAIRES

1.

BRIQUES DE 15 CM

75FCFA/unité

2.

BRIQUES DE 20 CM

100FCFA/unité

 

Source : enquête de terrain, septembre 2021

Comparativement aux prix de parpaing, le prix varie d'une manière considérable. Une brique de 15X10 CM en parpaing coûte 350CFA et 400FCFA les briques de 20X10 CM. Un tel prix ne permet pas à tous les acteurs de s'approprier très facilement des briques pour les constructions durables. Aussi, le fait que les terres ne sont pas loties au préalable sèment de

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confusions chez les acteurs qui ont peur d'investir de peur d'être déguerpis après par les séances de « chasses aux sorciers ».

10. Les ramasseurs des sables

Les ramasseurs des sables sont cette catégorie d'acteurs qui interviennent dans la gestion foncière à travers le ramassage des sables dans les carrières privées et/ou publiques. Ils participent dans la gestion des terres à presque 70% dans les transactions foncières urbaines en générale et du premier arrondissement de la ville de N'Djaména en particulier. Aussi, au regard de la forte demande des « citadins » et des acteurs des périphéries du premier arrondissement pour la construction de l'habitat durable « des maisons en dur »entrent dans le circuit des acteurs stratégiques de la gestion des terres dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Ces acteurs entassent souvent, les terres sur des vastes espaces pendant les saisons sèches afin de tirer un surplus à la saison de pluie.

De plus, pendant la saison sèche, une bene des sables coûte 60.000FCFA, mais à la saison de pluie et suite aux montées des eaux du Chari, une bene coûte 120.000FCFA. A travers ces stratégies, plusieurs individus déçues dans d'autres domaines d'activités se convertissent en chauffeurs-conducteurs de gros porteurs des sables dans le premier arrondissement de N'Djaména.

Toutefois, le risque lié à leur mobilité quotidienne est très élevé. Près de 60% de ces chauffeurs-conducteurs ont un permis de conduire, mais n'ont jamais eu une formation sérieuse dans les auto-écoles. Les accidents de circulation liés aux gros porteurs deviennent de plus en plus nombreux.81

11. Les pêcheurs

Les pêcheurs dans le premier arrondissement occupent une place importante dans la gestion des terres urbaines. Ils seraient venus selon plusieurs informateurs, du Logone Oriental, Occidental, du Mandoul, du Moyen Chari, de la Tandjilé, du Mayo Kebbi Est et Ouest, du Mali et du Cameroun. Selon un informateur, « les véritables casses têtes sont liés aux espaces réservés par les autres pour la pêche »82.

Par ailleurs, les produits de la pêche sont vendus sur les marchés locaux (marché de Farcha, de Djougoulié, de Zaraf), et le surplus, vers le marché central de la ville de

81 Entretien avec un habitant du quartier Zaraf en octobre 2021

82 Entretien avec un habitant du quartier Djougoulié en novembre 2021

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N'Djaména. Cette catégorie d'acteurs exerce leurs métiers à travers des méthodes traditionnelles de pêches avec les filets à petites mailles, les hameçons, etc. Ainsi, on y trouve dans cette catégorie d'acteurs les agriculteurs convertis en pêcheurs suite à la sécheresse que traverse le pays. Malheureusement, les pêcheurs professionnels n'existent pratiquement pas dans cette catégorie. Certains acteurs de cette catégorie disent qu'ils pratiquent cette activité (la pêche) juste pour chercher les poissons pour la consommation familiale ; sauf le surplus est vendue.83

Aussi, selon les plus anciens pêcheurs, les agents de l'Etat sont aussi des pêcheurs, mais des « pêcheurs masqués », parce que, les policiers, les gendarmes, les militaires, les agents forestiers utilisent les grenades dans les surfaces douces afin de capturer les poissons. Au vu du contexte sécuritaire inquiétant, et aussi, au vu de la détention des armes par ces agents, l'Etat devrait mettre sur pieds une commission chargée de suivi de ce secteur. Ainsi, monsieur DJIM déplore cette situation en ce terme,

les agents de l'Etats se « sucrent » sous la « couverture docile » de l'Etat. A travers ses différents services de renseignement, notamment ANS, l'Etat doit non seulement veiller à la protection de la sécurité des citoyens tchadiens, mais aussi veiller au contrôle du secteur pêche qui constitue une véritable perte pour le pays. La sécheresse et le réchauffement climatique déciment ce secteur et les agents de l'Etat viennent encore ajouter une marque de perte. Aussi, au regard de la menace climatique et des pratiques non contrôlées par l'Etat, plusieurs races des poissons ont malheureusement disparues des années 1970 aux années 2021.84

Planche 4: Pêcheurs dans la rive droite du Chari

Source : enquête de terrain, Novembre 2021

Les conflits fonciers opposent ici les pêcheurs dits Baou et les pêcheurs qui viennent simplement chercher « la sauce ». Les conflits sont liés aux espaces disponibles pour la pêche,

83 Entretien avec un habitant du quartier Farcha en octobre 2021

84 Enquête personnelle, septembre 2021

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les acteurs issus des autres secteurs d'activités se convertissent peu à peu dans la petite pêche pour chercher la « sauce » et qui, vendent le surplus de poissons. Ces pêcheurs se heurtent au quotidien aux Baou qui ne détiennent pas forcément une carte professionnelle des pêcheurs, mais se reconnaissent simplement du domaine juste par leur ancienneté dans le domaine et/ou, par leur attache à ce métier depuis plusieurs années par le biais de la socialisation à la pêche par leurs parents.

Les enjeux liés ici aux espaces disponibles sont grands dans la mesure où le gouvernement tchadien a interdit toute mobilité sur le fleuve Chari pour des questions sécuritaires et aussi sanitaire. Donc, les zones autorisées pour la pêche sont très restreintes, par conséquent des rides conflits éclatent entre les Baou et les chercheurs des « sauces ». Aussi, une stratégie des agents sécuritaires se développe autour des espaces disponibles pour la pêche. Les agents de sécurité et de contrôle fluvial (gendarmes, policiers, ANS, forestiers, douaniers, etc.) présent au bord du fleuve Chari imposent leur logique aux pêcheurs qui doivent les payer une somme d'argent afin d'exercer sur les rives du Chari. Ces agents de sécurité utilisent les pirogues motorisées pour traquer tous pêcheurs qui refusent d'adhérer à leur logique.

De plus, les Baou tchadiens s'opposent de plus en plus aux Baou LAKA originaires du Cameroun voisin qui développent eux aussi des stratégies très complexes dans le domaine de la sécurisation de l'espace disponible pour la pêche. A cet effet, comment connaitre la limite entre le Logone et le Chari. C'est une préoccupation très ambigüe mais qui, jusque-là semble échapper à toute analyse scientifique. Les différends entre les pêcheurs sur les bords tchadiens et camerounais sont récurrents. Lesdits différends ont aussi pour toile de fond l'exploitation des « Ngara » des Baou par les chercheurs de « sauce » et aussi par les Baou eux-mêmes. Désormais chaque Baou définit sa zone de pêche comme si les fleuves appartenaient officiellement à une catégorie de personnes. Les zones circonscrites par d'autres pour la pêche avec les « Mouchouk » ne doivent pas faire l'objet d'une présence d'autres pêcheurs. Malheureusement, selon monsieur MISSENGAR, « jusque-là le gouvernement tchadien n'a pas défini clairement les mesures pouvant permettre une pêche apaisée et bien claire ».

Aussi, les différends opposant les pêcheurs sont pour la plupart sous-estimés par les autorités compétentes au point de générer autres différends qui se soldent par les pertes en vies humaines. Il semble judicieux de recenser tous les acteurs qui interviennent dans ce secteur afin de mieux cerner le contour de ces différends. Souvent les mauvaises pratiques, notamment les trafics des drogues, des produits illicites se cachent derrière la pêche. L'Etat

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doit identifier tous les pêcheurs en mettant sur pied un fichier biométrique contenant leurs identifications.

De même, l'Etat doit définir clairement les zones de pêche et contrôler ses agents qui bloquent les mobilités des Baou au quotidien par les tracasseries financières qu'ils entretiennent depuis plusieurs décennies, mais « masquées » par les « gourous ».

Les Baou interviewés durant notre recherche se disent « asphyxier » par les agents de l'Etats dans l'exercice de leur métier de pêcheur. La situation sécuritaire dégradé et aussi les exactions terroristes qui frappent en plein fouet la sous-région CEMAC a obligé le gouvernement d'interdire toutes transactions sur le fleuve Chari. Aussi, monsieur DJIMANGAR affirme que, « les pêcheurs tchadiens entrent en conflit au profit des endroits stratégiques pour la pêche et aussi avec les pêcheurs originaires du Cameroun et du mali qui résident sur le sol tchadien pour la pêche ». Les personnes interviewées au carrée 5 du quartier Farcha disent qu'elles sont originaires du Cameroun voisin. Ils sont de la tribu LAKA du Cameroun.

A cet effet, les enjeux autour des espaces disponibles pour la pêche deviennent grands. Les pêcheurs ici sont confrontés aux « casses têtes » des premiers arrivants et des agents de l'Etat qui se positionnent comme les « acteurs de premier ordre » dans la gestion foncière et des fleuves.

III. LES STRATEGIES DEVELOPPEES PAR LES ACTEURS DANS LE

PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA

Les individus pour mieux sécuriser leurs terres développent des stratégies plus ou moins formelles. Ces stratégies dépendent des enjeux auxquels sont liées les terres disputées pour des diverses activités économiques et/ou pour l'habitation. Généralement, les stratégies non durable sont entreprises par ces acteurs, mais aussi l'influence politiques et symbolique bat son plein fouet dans le processus de domination et d'intimidation.

1. Les stratégies des chefs gérants (Boulamat)

Le gouvernement tchadien dans sa politique de la décentralisation de la gestion foncière reconnait les Boulamat comme ses auxiliaires dans les transactions foncières. Cette volonté de l'Etat s'appuie sur une reconnaissance du foncier coutumier d'une manière formelle par les institutions étatiques existantes. Néanmoins, les Boulamat entretiennent de transactions foncières très complexes et contradictoires dans la pratique. Cette reconnaissance

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du droit coutumier sur la question foncière au Tchad investie les Boulamat de deux attributions mêlées l'une à l'autre : sur le plan administratif (Ils sont reconnus par la loi comme auxiliaire de l'Etat) et aussi sur le plan traditionnel (ils sont investis par les traditions et coutumes locales existantes). Ces deux aspects du pouvoir reconnus et détenues par les Boulamat se réfèrent aux types d'autorités décrites par WEBER.

2. Sur le plan traditionnel

Les Boulamat arbitrent les litiges qui surviennent dans leurs circonscriptions et le plus souvent débouchent sur les résolutions à la muable des litiges rencontrés qu'ils soient fonciers ou non. Ils appellent aussi souvent les différents autres chefs traditionnels pour davantage faire asseoir son autorité d'une manière durable. Les chefs des races l'aident dans la gestion de son pouvoir en assurant l'intermédiaire entre lui(Boulamat) et les communautés concernées par les litiges. Après son décès, le premier né de ses enfants le succède.

3. Sur le plan administratif

Les autorités tchadiennes des années 60 à nos jours se sont rythmées à une administration duale, le `'bicéphalisme» en le rendant formel par les textes juridiques et aussi, en montrant clairement le statut à l'attribution de ladite chefferie.85 Ainsi, le Boulamat reconnue comme auxiliaire de l'Etat auprès des autres individus est investi du pouvoir traditionnel qui le permet de gérer les biens en rapport au foncier. Toutefois, il se livre en « véritable contrebandier » de la terre en morcelant les terres des particuliers et aussi, en vendant une seule parcelle à plusieurs individus comme le cas du Congo avec la spéculation des chefs gérants. Par ailleurs, le Boulamat en tant qu'auxiliaire de l'Etat entretient des relations très étroites avec les démembrements de l'administration gérant le foncier.

4. Les colonisateurs

Les colonisateurs font partis des principaux acteurs intervenant dans la gestion des terres dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Ils occupent de très grandes parcelles de terre dans les milieux urbains tchadiens. Ils peuvent être considérer comme l'un des principaux acteurs dans la mesure où, ils ont le système traditionnel de gestion des terres en introduisant dans les socio-cultures existantes une nouvelle logique qui est celle de

85 NDJAFA O. (2001). Cité par MAHAMAT A.B. (2013). In « Extension urbaine et problèmes fonciers dans les quartiers périphériques de la ville de N'Djaména : le cas du quartier Toukra ; Mémoire du master en géographie, Université de Maroua, p.72

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« propriété privée ». Cette manière de voir a entraîné une profonde dynamique dans les sociétés existantes.86 C'est ce qui fait dire M. COQUERY que :

les Européens usurpent les droits traditionnels d'attribution de l'usage du sol. Ils s'approprient au sens occidental du terme, des fractions d'espace qui, en milieu urbain peuvent être modestes au départ, mais ce faisant, ils enclenchent un processus irréversible et posent désormais comme fondamental le problème de la spéculation foncière. 87

A cet effet, le foncier dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména est en partage entre les différents acteurs. Aussi, après l'indépendance du Tchad le 11 août 1960, les grandes firmes occidentales à vocation capitalistes se sont mises à l'assaut pour l'acquisition des espaces des terres à des fins économiques.88 C'est ainsi que, le premier arrondissement est à la fois une industrielle du fait de l'existence de plusieurs industries lourdes, notamment les Brasseries du Tchad(BDT), les Compagnies Sucrières du Tchad(CST), le Grand Moulin du Tchad(GMT), les abattoirs frigorifiques de Farcha, etc. qui, créées au départ dans l'optique de satisfaire les besoins des occidentaux. De nos jours, les Brasseries du Tchad demeurent toujours leur propriété.

IV. LES STRATEGIES DES OCCUPANTS

Généralement, les occupants développent des stratégies d'accaparement diverses et très complexes. Les acteurs les plus influents profitent de leurs rangs sociaux pour s'accaparer les espaces des terres, malgré les caractères conflictuels des rapports de force qui se nouent au quotidien sur les terres dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Dans le présent travail, les acteurs clés ont été répertoriés.

1. Les acteurs prioritaires

Plusieurs acteurs entrent dans la gestion des terres dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Les acteurs prioritaires dans la gestion foncière ici sont ceux-là qui jouent un rôle de première ordre dans le processus d'acquisition des terres, leurs mises en valeurs et quelque fois ceux impliqués dans les conflits fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Ces acteurs usent de leurs positions sociales et stratégiques pour sécuriser les terres et les mettre en valeur. Généralement, les acteurs prioritaires ici sont les agriculteurs, les éleveurs, les pêcheurs, les propriétaires occupants, les locataires, l'Etat, les ONG, etc.

86 TCHOTSOUA M. cité par ONANA ONOMO J.P., p.84

87 COQUERY M., cité par OWONA ONOMO J.P, p.84

88 OWONA ONOMO J.P, idem, p.84

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2. Les agriculteurs et les éleveurs

La première catégorie d'acteur développe une stratégie d'accaparement très particulière. Elle s'appuie sur le principe du droit traditionnel selon lequel, la terre appartient aux premiers occupants. Partant de là, les agriculteurs qui effectuent les travaux champêtres sur les portions des terres s'estiment propriétaires des terres qui ont été mises en valeurs à travers leurs diverses activités économiques. Il se dégage aussi que, « le droit de la hache » est le seul reconnu par ces acteurs dans le cadre d'accaparement et de la sécurisation des terres dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.

De plus, la plantation d'arbres dans les espaces occupés prouve à suffisance que, « cette portion de terre appartient à telle personne ou à telle communauté ». De même, les éleveurs quant à eux, se basent sur les endroits où ils pétries souvent leurs bétails. Souvent, ils se dissent propriétaires de cours d'eaux qui, selon eux, sont mises en valeur par leurs troupeaux tous les jours. Les Signes de leur présence se justifient par les bouses de leurs bétails sur les espaces.

3. Les pêcheurs

Les pêcheurs développent de stratégies diverses d'occupation d'espaces. D'abord, ils se basent sur les liens sociaux qu'ils entretiennent d'une part, et sur le principe du droit traditionnel d'occupation du sol, « la terre appartient aux premiers occupants » d'autre part. Aussi, les pêcheurs s'imposent par les actes de violences physiques (bagarres, inflations des actes barbares aux autres), symboliques (violences verbales, intimidations des autres). Les stratégies de sécurisation développée par les pêcheurs sont : la mise en valeur des cours d'eau, et des rives des fleuves par les pirogues, les filets, les dépôts des bois dans l'eau (Ngara),

4. Les populations

Les populations comprennent ici les fonctionnaires de l'Etat, les étudiants, les élèves qui développent eux aussi, des principes spéculatoires pour entrer en possession des terres dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Généralement, ces acteurs possèdent par les achats des terres auprès des propriétaires, Boulamat, par des legs ou les héritent après le décès de leurs parents. Les modes de sécurisation les plus dominants sont les constructions des habitations, les constructions des points d'eaux (puits, forages), la plantation d'arbres, clôture par les poteaux, les briques, etc.

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5. Les ONG et les opérateurs économiques

La dernière catégorie d'acteur acquiert les portions de terre par achat auprès des propriétaires, des Boulamat, et aussi, par legs par le gouvernement surtout lorsqu'elles militant pour le bien-être de la population. Dans le présent cas, les ONG dominantes sont les ONG islamiques qui se manifestent par les constructions des points d'eaux, des mosquées dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Les stratégies de sécurisation développée sont l'obtention du titre foncier.

CONCLUSION PARTIELLE

Il était question dans ce chapitre des acteurs du foncier et les stratégies des sécurisations des terres dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Il a été démontré que les acteurs qui interviennent dans le foncier dans cette circonscription administrative sont de plusieurs catégories d'une part : les Boulamat, les habitants du premier arrondissement de la ville de N'Djaména(les éleveurs, les agriculteurs, les pêcheurs, les fabricants des briques, les ramasseurs des sables) et, d'autre part l'Etat à travers les différents organes en charge de la question foncière.

CHAPITRE II: LES ENJEUX FONCIERS DANS LE PREMIER
ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA

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INTRODUCTION PARTIELLE

Le présent chapitre met en exergue les jeux et les enjeux du foncier dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. A cet effet, un accent a été mis sur les enjeux sociaux (représentation sociale de la terre comme un bien appartenant à la communauté et par lequel, la communauté investie l'individu sur les terres par son appartenance ethnique, clanique ;économiques( activités économiques qui se font autour des terres) ;politiques( les terres sont les lieux de lutte de classe et d'injonction des logiques contradictoires ;épistémologiques( le foncier nécessite un renouvellement des productions scientifiques ; et environnementaux(la croissance démographique constitue un pant néfaste pour la couverture végétale. Plus précisément, les différentes représentations et perceptions que les acteurs du premier arrondissement de la ville de N'Djaména se font des terres. De m

I.LES ENJEUX DU FONCIER DANS LE PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA

Le foncier dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména regorge plusieurs enjeux au regard de la rareté des terres cultivables disponibles et aussi, de la densité démographique grimpante inquiétante. A cet effet, les individus sont tous à la recherche des terres bénéfiques nécessaires pour toute activité économique d'une part, et pour faire asseoir leur domination sur les autres d'autre part. La terre reflète ne couvre pas seulement les enjeux liés à l'habitation, mais elle renferme plusieurs enjeux. Ces enjeux sont en fonction de son usage par les acteurs.

1. Les enjeux politiques du foncier

Les enjeux politiques du foncier dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména se justifient par les luttes stratégiques et idéologiques qui se font autour des terres urbaines. Ainsi, les individus acquièrent les parcelles des terres en fonction de leur rapprochement des partis politiques influents, et/ou du parti politique au pouvoir. Durant nos entretiens dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména, plusieurs personnes interviewées estiment que la terre est devenue quelque chose de prestige, de réussite sociale. Ainsi, selon monsieur HASSANE,

les terres à Farcha deviennent de plus en plus un lieu d'injonction, d'imposition du pouvoir des élites politiques bénéficiant des calibres étatiques. Nous sommes souvent influencés par les politiciens du quartier et aussi par les acteurs qui possèdent plusieurs hectares des

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terres. Ces différents envies de la terre ont fait que, la terre devienne l'une des ressources la plus convoitée par les individus pour leur

positionnement social, et aussi politique.

Les individus interviewés affirment que les acteurs qui possèdent les grandes parcelles des terres sont socialement et politiquement respectés. De même, selon monsieur MINGABEY, « les politiciens usurpent de leur rang social pour s'accaparer les terres des autres sous le couvert de l'Etat. » L'analyse sociologique du « fait foncier » montre à quel point, le foncier constitue la toile de fond des crises observées dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.

De plus, il ressort aussi une dimension conflictuelle qui oppose plusieurs acteurs au sujet des espaces convoités. La terre est donc ici un « champ » où un lieu de lutte permanente où chaque acteur veut se légitimer pour prouver sa domination sur les autres. Cette posture corrobore avec la vision bourdieusienne du champ.

Par ailleurs, au regard des luttes autour des terres, les résultats obtenus lors de notre recherche révèlent que, les Boulamat et les délégués départementaux auprès des différentes communautés urbaines influencent politiquement les autres individus de la couche sociale. Ainsi, la reconnaissance du prestige social se fait par la capacité d'un acteur à posséder plusieurs lots des terres, voir des hectares. Or, la constitution du Tchad ne donne pas la possibilité aux particuliers d'avoir au de-là d'un hectare des parcelles en zone urbaine. Paradoxalement, plusieurs informateurs affirment détenir plusieurs lots des terres, voire des hectares dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.

En outre, d'autres informateurs estiment aussi que, la situation politique des individus influence largement sur leur manière d'occuper le sol. Ainsi, cette situation est souvent fonction de la place qu'un acteur occupe dans la société, les acteurs politiques structurent leur position dans une logique de domination, et d'imposition de leur manière de voir les choses. Le pouvoir des Boulamat est dès lors relégué au second rang par ces politiciens. Les terres sont en quelque sorte un « champ » au sens bourdieusien du terme, où ne peut s'affirmer que, l'individu financièrement et politiquement reconnu par l'Etat.

De même, les informations recueillies révèlent que, « le foncier est le lieu par excellence de contradiction », et des résistances entre les acteurs ; un lieu d'imposition et des mesures de force par les autorités étatiques d'une part, et entre les différents acteurs impliqués dans les transactions foncières d'autres part.

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Par ailleurs, la sociogenèse de la question foncière montre davantage que, les luttes orchestrées autour des terres rurales et urbaines se rapportent à un héritage colonial de la domination, mais dans le cas pratique, il s'agit de la « domination des noirs par les noirs ». Cette situation se rapporte à un rapport permanent de force, de violence et d'antagonisme inspiré davantage de la période coloniale. Le gouvernement local (les dirigeants tchadiens) en général, et les Boulamat en particulier ont fait ce « copier-coller » des textes de leurs « maîtres » en imposant aux autres acteurs les lois foncières inspirées des idéaux étrangers. C'est ainsi qu'ils parleront des terres « vacantes et sans maîtres » ou encore « des terres libres de toute occupation effective » à partir de l'année 1967 par les textes en rapport au domaine national tchadien.

Ainsi, nous voyons là la volonté de vouloir toujours faire ce que les « maîtres » demandent au point de créer dans nos sociétés les classes comme fut le cas aux Etats Unis où les productions de Marx illustrent davantage. C'est dans ce sens qu'on assistera aux divisions de classes dans les sociétés africaines sous prétexte des promotions des « politiques de développements ». C'est un lieu par excellence de démonstration permanente du pouvoir où les acteurs qui détiennent légitime l'appliquent sur les autres. Il est ici question d'un jeu où les acteurs ont un pouvoir reconnu comme tel profite pour opprimer les autres afin de les faire savoir la place qu'ils occupent dans la société. C'est ici une quête de notoriété et d'affirmation de soi dans un contexte où, certains hommes semblent perdre leur crédibilité dans la société. Le champ foncier peut aussi être appréhendé comme un lieu de domination et d'application de force.

2. Enjeux juridique du foncier dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména

Les enjeux juridiques du foncier se trouvent ici dans le vide juridique d'une part, et la reconnaissance du droit traditionnel en ce qui concerne le dispositif d'occupation des terres d'autre part. Les individus interviewés affirment que les textes adoptés par l'Etat dans la gestion foncière ne siègent pas avec les expériences tchadiennes ou traditionnelles africaines des terres. Ils (informateurs) estiment aussi que, l'objectif premier du document issu de la colonisation ne tient pas compte de la « jurisprudence » dans les sociétés tchadiennes. En analysant les informations recueillies par ces informateurs, nous constatons que le problème se trouve non seulement dans le « vide juridique » en rapport à l'élaboration des « textes authentiques » sur le foncier au Tchad, qui permettre une mise sur pied d'une législation foncière autonome, mais aussi, de faire un « juste milieu » des lois foncières étrangères. C'est

89 Termes propres à Jean Marc ELA qui permet de comprendre la vie quotidienne des individus, leur devenir quotidien à partir des logiques qu'ils inventent.

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dans ce sens que LEY estime que, « les textes fonciers africains sont issus de la colonisation, notamment du code civil de la France ». Il ajoute aussi que,

« le code civil français imposé aux pays de l'Afrique Subsaharienne ne répond pas, plus concrètement ne cadre pas avec les réalités locales africaines en générale et ivoiriennes en particulier. Il ajoute que le fait que le gouvernement ait fait un « copier-coller » de ce code civil a mis les paysans ivoiriens dans une situation de vulnérabilité certaine ».

C'est à travers le texte de 1900 qu'il s'appuie pour mater les paysans. De plus, le concept des « terres vacantes et sans maîtres » a été typiquement repris, selon les acteurs interviewés, les terres sont mise en valeur au quotidien par leurs troupeaux, et par eux-mêmes via les activités de ramassage de « brindilles ». De même, selon monsieur BOURMA, leurs ancêtres pratiquent depuis plusieurs décennies sur les terres l'agriculture et quelque fois tendent des pièges sur les terres dans leur portion. Sous prétexte de présenter « une preuve valide », l'Etat s'approprie les terres des pauvres. L'appropriation des textes fonciers moderne par l'Etat a créa une mal compréhension desdits textes par la grande partie de la population tchadienne, ceci dans la mesure où, près de la moitié de la population tchadienne ne connait ni lire, ni écrire. Le gouvernement devrait prendre cet aspect en compte avant d'élaborer lesdits textes issus du droit positif français. C'est dans cette optique que monsieur Djimet Ateib déclare en ce terme :

[...], pourquoi nos présidents sont ainsi ? Où irons-nous après leurs accrochages sur les textes des « nassaras ? Mais (...), pourtant, on ne connaît même pas l'importance de ces textes chez nous. La loi islamique est la mieux adaptée chez nous, oui (...) ; quelque chose des Blancs il faut prendre avec des réserves. Le Blancs cache toujours une idée derrière ces choses.

En réalité, le propos de ce monsieur, vient attester à quel point les habitant du premier arrondissement de la ville de N'Djaména courent un gros risque par le « mimétisme » du gouvernement tchadien en se « focalisant » sur le texte issu du droit positif français. Or, dans le contexte tchadien, le foncier revêt une dimension traditionnelle non formelle, que formelle. Ainsi, son rôle consiste selon certains informateurs, à prendre en compte les réalités locales, autrement dit, des réalités du « peuple d'en bas » afin de s'arrimer à une « anthropologie de la quotidienneté »89

90 LE ROY Etienne cité par CHENE-SANOGO Alima. (2012). : « Enjeux Fonciers et Développement Durable au Mali », Thèse du doctorat Ph. D, Université de Bourgogne, UFR Droit-Science politique, p.75

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3. Les enjeux symboliques du foncier

Les enjeux symboliques du foncier se situent dans les pratiques sacrales autour des terres et/ou des eaux. Selon monsieur MOSSOUM, « la terre ne peut pas être perçue occidentalement, ici, nous effectuons des rituels au bord du fleuve pour remercier les dieux avant de pêcher ». Nous entretenons des relations particulières avec nos terres. Nous considérons nos terres au de-là d'un lieu d'habitation, mais aussi comme un lieu où, nous communiquons, communions avec nos ancêtres qui, autrefois décédés pour avoir un support spirituel solide. La plupart des informateurs affirment que, « la terre peut revêtir autre aspect que, l'aspect symbolique. Ceci dans la mesure où, elle est assimilée à « une mère qui porte en elle plusieurs enfants ».

Ainsi, les individus entrent en possession des terres de différente manière et selon les relations qu'ils entretiennent avec les chefs gérants. Aussi, nous constatons qu'elle s'obtient par un legs, un don de la part des autorités coutumières aux individus demandant. La terre dans ce contexte a une étroite relation avec les acteurs locaux dans ce sens qu'elle représente à leurs yeux une « dernière demeure » où ils enterrent leurs morts, la « demeure des aïeux » et des « ancêtres ». C'est ainsi que l'aspect sacré est à première vue dès qu'on aborde la question foncière dans les sociétés traditionnelles. Cette conception confère à la notion de terre une dimension plus ou moins religieuse. Dans ce sens, tout a trait aux esprits et aux dieux qui ont protégés les aïeux durant des longues expériences. Cette analyse est similaire à ce que MENDRAS a décrit dans son ouvrage, La fin des paysans, où les acteurs entretiennent des relations particulières avec la terre. En outre, la sacralité de la terre consiste à l'attribuer un aspect divin, humain qui est assimilé à cet effet comme un don des dieux et des esprits. Cette tendance il faut noter qu'elle exclut toute perception matérialiste de la terre. C'est dans cette optique que LE ROY E affirme en ces termes :

Pour les africains, la terre ne peut ni être évaluée monétairement, ni être identifiée à un bien marchand. En effet, l'homme et la terre sont unis par un lien de nature ontologique et, en outre, la terre constitue le support principal des ressources alimentaires. Pour ces deux raisons de survie et d'ontologie, la terre doit rester au sein du groupe qui en dépend. Elle s'intègre ainsi dans une dynamique patrimoniale et non économique. La terre n'est pas la chose d'une personne, mais une chose commune, une » richesse partagée selon un degré de maîtrise, temporaire, spécialisée ou exclusive. 90

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Par ailleurs, ces acteurs entretiennent une relation sentimentale avec leurs terres et ne cherchent pas forcément à tirer les gains, car les paysans ayant hérités les idéaux ancestraux de leurs parents n'ont pas une vision capitaliste de la terre. La terre représente à leurs yeux le « grenier », une « mamelle nourricière », « une mère », « un lieu du repos. »91 En plus, GIANOLA partage aussi l'idée selon laquelle le foncier en Afrique Subsaharienne ne se réduit pas à la dimension matérielle, mais inclut autres facteurs. C'est dans ce sens qu'elle pense que comme tout système social, la terre ne se réduit pas seulement à ses dimensions matérielles. Si tel était le cas, les hommes travaillaient la terre, extrairaient et transformeraient ses fruits en produits économiques simplement pour vivre et faire vivre leur famille et encourager un développement économique plus profond. Au contraire, ils consacrent une partie de leurs heures à des actes économiques improductifs. A partir de certains seuils, ils arrêtent de produire et commencent à s'occuper d'eux-mêmes investissant du temps, de l'énergie et de l'argent dans des activités qui servent à leur propre développement ainsi qu'à celui de leur communauté. Dans ce sens, « le foncier » est un phénomène à double dimension. Il a une dimension matérielle ou techno-économique ainsi qu'une dimension immatérielle ou sociale92.

Aussi, il est important de noter que la « terre » dans les sociétés traditionnelles africaines est loin de renfermer essentiellement une dimension matérielle en tant que bien marchand, mais elle constitue une source de vitalité, de survie et même de vie. Elle est dans la tradition africaine assimilée au même titre qu'une personne, car « elle donne sens à leur vie, les nourrit et est reproductrice. La terre est également en Afrique subsaharienne un lieu du visible et de l'invisible où se pratiquent les rites sacrés avec les aïeux. C'est un lieu dans lequel les ancêtres sont enterrés. La terre ne fait pas l'objet d'une matérialisation quelconque ; moins encore d'une vente. Les individus y attachent une relation particulière à la terre. » C'est dans ce sens que les acteurs entretiennent des relations mystiques avec la terre dans leur quotidienneté, car elle assure la communication sociale et sacrale entre les individus.93 José R. Martinez Cobo s'inscrit à cet effet dans cette mouvance selon laquelle la terre est un lieu de sacralité dans les sociétés africaines. C'est ce qui le fait dire en ces termes :

Il est essentiel de connaître et de comprendre la relation particulière,
profondément spirituelle, que les populations autochtones ont avec la

91 MENDRAS H. (1967).La fin des paysans, Paris, PUF, p.93

92 GIANOLA C. E. (2000). La sécurisation foncière, le développement socio-économique et la force du droit. Les cas des économies Ouest africaines de plantation (la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Mali), Paris, l'Harmattan, p12.

93 GIANOLA, op.cit., p.237

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terre, élément fondamental de leur existence et substrat de toutes leurs croyances, leurs coutumes, leurs traditions et leur culture. Pour les autochtones, la terre n'est pas simplement un objet de possession et de production. La relation fusionnelle des populations autochtones avec la Terre-Mère, avec leurs terres, qui imprègne toute leur vie spirituelle, a beaucoup d'incidences profondes. La terre n'est pas une marchandise que l'on peut s'approprier, mais un élément naturel dont chacun doit pouvoir jouir librement.94

En outre, certains chercheurs dans leurs travaux ont épousé l'idée selon laquelle n'est pas que source matérielle, ils estiment qu'elle renferme l'immatériel également. Les travaux d'Etienne Le Roy sur la sacralisation et l'humanisation illustrent davantage cette perception peu matérielle de la terre. 95 Selon GIANOLA, considérée la terre à la dimension matérielle la classe dans la perspective essentiellement économique qui est le propre des sociétés occidentales qui estiment toujours tirer un profit de la terre. Or, les relations que les paysans africains entretiennent avec la terre n'ont pas forcément un calcul mathématique de gain. C'est ainsi que les parcelles de terre ne sont pas mesurées « géométriquement » par les acteurs pendant le partage. Ils estiment pour la plupart les dimensions de terre ; les legs aux autres. A cet effet, admettre que la terre est un bien matériel semble être une analyse partielle dans ce sens que l'analyse du foncier diffère d'un milieu social à un autre ; d'une société à une autre et est fonction des moeurs sociales données. La terre ne se réduit pas à un bien source de richesse même dans les sociétés qui se caractérisent par la prédominance du modèle économique.96 La terre est un bien commun dont l'appartenance à une communauté ou clan donne droit. C'est ce qui fait dire Otcha-Akpa B en ce terme :

(...) patrimoine parentalisé (terre de culture, résidence, brousse), le patrimoine communautaire (bijoux, pagnes...), les avoirs matérialisés (champs de café, cacao, argent) et les avoirs individualisés (bijoux, pagnes, chapeaux, machettes, etc.).

Quant au patrimoine des communautés villageoises, il est constitué par les `'dédéku-wus» (terres des cultures, forêts, zone de pêches) les espaces sacralisés (temples, églises, cimetières), les objets sacralisés symboles du pouvoir (la chaise royale chez les Agni).97

94José R. Martinez Cobo cité par CHENE-SANOGO Alima: « Enjeux Fonciers et Développement Durable au Mali », Thèse du doctorat Ph. D, soutenue le 20 décembre 2012, Université de Bourgogne, UFR Droit-Science politique p.47

95 LE ROY Etienne cité par GIANOLA. (2000). in La sécurisation foncière, le développement socio-économique et la force du droit. Les cas des économies Ouest africaines de plantation (la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Mali), Paris, l'Harmattan, p39.

96 GIANOLA, Ibidem

97 OTCHA-AKPA B. cité par GIANOLA. (2000). in La sécurisation foncière, le développement socio-économique et la force du droit. Les cas des économies Ouest africaines de plantation (la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Mali), Paris, l'Harmattan, p237.

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En effet, dans le contexte africain, si nous acceptons nos conceptions purement matérielles, le « foncier » n'est qu'un système qui se réfère aux techniques agricoles et à la production matérielle pour assurer la survie dans le cas des produits d'exportations pour gérer des revenus. Mais parmi les populations rurales il y a également une dimension immatérielle, car il est indissociable des réseaux sociaux. Pour avoir accès à une parcelle de terre dans le milieu rural africain en général et tchadien en particulier, il faut appartenir nécessairement à une famille, un groupe reconnu et apprécié par la communauté. C'est ce qui fait dire C'est ce qui dire KOUASSIGAN en ces termes : « La propriété elle-même de la terre appartient à la famille ou au groupe social, l'individu n'en a pas moins un droit à faire valoir. En d'autres termes, si la propriété est celle du groupe, l'individu jouit de la possession de la terre.»98

C'est ainsi dans le premier arrondissement de N'Djaména les terres appartenaient d'abord aux premiers occupants qui sont les arables et c'est ces derniers qui sont chargé pour la plupart à la gestion de toutes les parcelles des terres dans cet arrondissement. Ils accédaient ainsi aux parcelles des terres par leurs appartenances à la famille reconnue par tous les autres membres de la société.

Aussi, il faut noter que l'acquisition des parcelles se fait de nos jours par une monnaie, mais avec les « BOULAMAT »99 qui s'estiment propriétaires des terres. Ici, l'instruisions de la monnaie dans les transactions foncières a donc modifié l'aspect sacral de la terre. De nos jours, les femmes en possèdent leurs propres parcelles des terres qu'elles ont achetées par leurs propres argents. L'argent a donc durablement modifié les moeurs tchadiennes en ce qui concerne l'acquisition des terres. Or, avant l'instruisions de la monnaie, les individus entraient en possession de la terre soit par un legs, soit par un troc. Les acteurs pratiquent les activités qui leur donnent un moyen nécessaire de survie à l'instar dans la culture de « Béré-béré »100.

4. Les enjeux démographiques

La croissance démographique non maîtrisée constitue depuis plus de deux décennies un défi majeur que doivent relever les chefs d'Etats africains pour pouvoir asseoir d'une manière durable la sécurité dans leur terroir. Les individus dépeuplent de plus en plus les campagnes au profit des villes. C'est ce qui explique la forte concentration de la population dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.

98 KOUASSIGAN ADJETE G. (1966). L'homme et la terre, Droits fonciers coutumiers et droit de propriété en Afrique Occidentale., édité par l'Office de la Recherche Scientifique et Technique d'Outre-Mer, Paris, Berger - Levraut, p. 125.

99 Chefs traditionnels assurant la gestion foncière dans le milieu rural qu'urbain tchadien. Ils sont les premiers Occupations

100 Sorgho de décru cultivé au Tchad à partir du mois de Septembre

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De plus, les espaces des terres deviennent de plus en plus les lieux de lutte, et où se nouent des relations sociales complexes. Les individus venus à la recherche d'un emploi se sédentarisent, créant une incertitude à la maîtrise de la ville, et aussi aux autres défis que les villes du sud font face. Au vue de l'insécurité alimentaire que traverse le Tchad, la course aux terres se fait pour la pratique des activités économiques diverses, et aussi pour la construction d'un bâti provisoire ou durable. C'est d'ailleurs pour cette raison que, les terres dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména deviennent très rares, très convoitées, et alimentent les conflits très violents entre les agriculteurs du part, et les éleveurs d'autre part. En outre, s'ensuit la croissance numérique des cheptels limite les espaces des pâturages et quelques fois mêmes envahissent les champs des agriculteurs. C'est aussi là, l'une des causes des conflits fonciers.

En plus, le changement climatique que traverse le Tchad a donc poussé les individus de zones moins fertiles vers les zones estimées fertiles à la recherche d'une meilleure condition de vie. C'est ainsi que certains groupes ethniques s'installeront progressivement, et définitivement dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména pour la pratique de la culture irriguée. ZOUGOULOU note d'ailleurs que, le phénomène drastique du changement climatique qu'a connu le pays a obligé certains acteurs à une « migration sans merci vers les zones estimées fertiles et favorables pour les diverses activités ».

5. Les enjeux environnementaux

Les enjeux environnementaux trouvent pour la plupart leur fondement dans la dégradation sans cesse de l'écosystème par les acteurs dans le cadre de leurs activités économiques diverses et pour l'habitation. Ces acteurs en pratiquant d'une manière exagérée leurs activités économiques causent la destruction de l'environnement et d'autre part limitent les espaces de terres utiles pour tous travaux nécessaires. C'est dans ce sens qu'il semble que la gestion non efficiente des ressources naturelles peut entraîner des énormes conséquences liées à l'accès à la terre dans le milieu urbain Tchadien. De même, le premier arrondissement de la ville de N'Djaména a perdu la grande partie de sa couverture végétale dans le cadre des grandes réalisations des entreprises par l'Etat, et aussi par les particuliers pour des raisons diverses.

A cet effet, L'Etat gagnerait donc en mettant sur pied une commission de contrôle, et des surveillances des activités qui sont en rapport à la destruction de la flore, et aussi des espaces des terres pour les usages publics, à l'instar des carrières. C'est dans cette lancée que plusieurs ONG ont menées de recherche dans ce domaine afin de mettre en surface le

101 ELLA ELLA B.S. (2016). Quand le capitalisme cynégétique envahi la boucle de Dja : essaie à l'enracinement de l'écosociologie, Yaoundé, PUY, p.8

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problème lié à la gestion non efficiente des terres et les conséquences qu'elles engendra dans le long terme sur la vie des acteurs. C'est le cas par exemple de LANDCAM qui estime que la question du développement durable doit être la moelle épinière de toutes les réflexions scientifiques sur les thématiques foncières. Aussi, ce comité ajoute que pour une gestion sérieuse des terres, il faut intégrer les réalités environnementales existantes et déboucher sur une gestion participative des terres. L'exemple de l'Est Cameroun a été mis en surface à cet effet.

De même, ELLA estime que, « les acteurs braconniers au tour de la boucle de Dja entretiennent des stratégies spéculatives qui contribuent à la dégradation sans cesse de l'écosystème ». Ces stratégies selon ELLA « n'affectent pas seulement la faune, mais aussi la flore qui semble être détruite par les braconniers ».101

6. Les enjeux épistémologiques

Dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména, les acteurs interviewés estiment qu'ils n'existent pas concrètement des mesures d'accompagnement entreprises par le gouvernement tchadien. Ils notent aussi que, le document qu'élabore le gouvernement tchadien sur le domaine foncier sont juste des textes vides de sens. 62 après les indépendances du Tchad, les lois adoptées par le gouvernement n'ont pas été révisées dans le contexte tchadien.

Aussi, Selon certains habitant, « les différents dirigeants » quelques fois pour des raisons de conservation de leurs intérêts particuliers « modèlent » les textes sur le foncier à leurs faveurs laissant ainsi de côté les travaux aidant à la construction d'une paix durable. Les chercheurs n'ayant aucun pouvoir décisionnaires apportent un aperçu lumineux par leurs travaux aux différents problèmes auxquelles les acteurs sont confrontés. Or, il existe plusieurs documents sur la gestion foncière. Malheureusement, les avis ou contributions des chercheurs ne sont pas pris en compte par les décideurs publics.

En outre, les chefs d'Etats africains en épousant les « idéaux » de leurs « maîtres » semblent mettre de côté les productions existant sur le foncier et aussi les réalités locales qui ne cadrent pas avec les manières d'occupation et/ou de la maîtrise des écrits sur le foncier. A cet effet, les connaissances scientifiques sur les litiges fonciers dans ce contexte ne serviront pas à grande chose dans la mesure où, les chefs d'Etats ont épousés les propositions qui leurs

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ont été faites par soit les bailleurs de fond, soit les grandes puissantes colonisatrices. C'est ainsi que plusieurs individus, voire les chefs traditionnels dit de n'avoir pas une grande connaissance des textes ou les écrits sur le foncier. Ces productions n'auront pas une grande incidence sur les décisions entreprises par les chefs locaux en ce sens que le choix et décision découlent du choix politique et économique.102

En plus, les difficultés pour les chercheurs africains et les chefs d'Etats d'avoir des textes unanimes sur la politique foncière semblent poser un sérieux problème en ce sens que chacun cherche à appliquer les textes qu'il considère comme bonne et aussi, veut prouver aux autres de quoi il est capable. Dans cette situation, il sera très difficile d'envisager des perspectives durables pour la gestion ou la résolution efficiente des litiges fonciers. Ces faits énumérés sont ce que certains chercheurs qualifient du « référence précolonial » où le poids de la colonisation pèse durablement sur la manière de penser des individus dans les sociétés africaines contemporaines.103

7. Les enjeux économiques

Le foncier dans les sociétés paysannes africaines est considéré comme une mamelle nourricière. C'est ainsi que toutes les activités économiques reposaient sur lui. Les acteurs locaux pratiquent l'agriculture, l'élevage, le commerce, la pêche, la chasse. La terre dans ces sociétés ne fait pas objet d'une monétarisation. Elle se prête, se legs et s'obtient par gage. Cependant, après l'avènement du capitalisme marchand dans les sociétés paysannes africaines, ces valeurs anciennes disparaîtront peu à peu cédant ainsi la place à la vente plus ou moins formelle des terres. Les terres autrefois léguées par les acteurs aux autres feront désormais l'objet des conflits. Au vu de la raréfaction, les terres deviennent très convoitées pour diverses raisons. 104Les dirigeants africains d'autrefois ont donc procédés à une phase intensive de vente des terres aux investisseurs internationaux pour les cultures de rente. Cette situation est plus illustrée par ELA.105La terre ici n'est pas seulement dans sa conception ancienne comme un « grenier », « mamelle nourricière », mais prend une autre dimension qui est économique. Désormais, chacun cherche à tirer le profit de la terre. C'est dans cette lancée que, les élites locales (gouverneurs ; préfets ; sous-préfets ; enseignants, etc.) se mettrons dans une vaste campagne d'achats des terres pour les grandes plantations. L'exemple du Sud

102 CHAUVEAU J.-P. et al. Idem, p.21

103 CHAUVEAU J.-P. et al. Ibidem, p.21

104 CHAUVEAU J.-P. et al. Idem, p.26

105 ELA J-M.

-(1982).Afrique des villages, Paris, Karthala ;

-(1980).Quand l'Etat pénètre en brousse...les ripostes paysannes à la crise, Paris, Karthala ;

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Cameroun démontre à suffisance. En effet, la visée économique de la terre est le propre des sociétés occidentales qui font le calcul « géométrique » de l'espace de terre pour espérer en tirer un gain.

8. Les enjeux sociaux

La terre dans le passé au Tchad était la chose de la communauté tout entière, car on l'acquiert en appartenant forcément à un clan, une tribu, une famille. Ainsi, au lieu que l'individu s'individualise sur les terres, c'est la communauté tout entière qui s'affirme. C'est ainsi que c'est la communauté qui attribue la « personhood » et c'est par l'appartenance à un groupe ou une communauté qu'elle attribue à son tour cette « personhood » à l'individu qui tirera profit. Par contre, certaines personnes estiment que l'individu peut s'affirmer en tant qu'acteur sans la société, or l'individu est le produit de la société. La visée individualisme fait partis du projet du philosophe JOHN LOCKE selon laquelle l'homme s'investie dans la terre, mais ici c'est plutôt la communauté qui s'investie.106Néanmoins, il faut noter que les enfants exerçaient les métiers de leurs parents parce qu'ils ont durant un long processus de la socialisation appris les métiers de leurs parents pendant une dure expérience. La terre est ici, à leurs yeux « considérée comme une mamelle nourricière » dans la mesure où les individus tirent le fruit de leurs travaux grâce à elle et aussi les relations sociales autour d'elle sont régies par le respect de la tradition, des valeurs ancestrales qui, donnent le plein droit à un individu membre de cette communauté.107

Ainsi, cette même vision est partagée dans les sociétés traditionnelles africaines dans ce sens que, la terre appartient aux premiers occupants, c'est-à-dire, ceux-là qui l'ont mise en valeur soit par leurs activités champêtres, soit par les bâtis. Ils sont aussi les gardiens de la tradition et transmettent ces idéaux reçus de leurs ancêtres à leur progéniture pour la pérennisation de leur tradition. C'est dans cette optique que, au Tchad plus précisément dans le premier arrondissement de N'Djaména, la gestion de terre est familiale. Les individus pour la plupart passent leur temps en famille, et quelques années après, ils s'estiment prêt et cherchent une parcelle pour leurs enfants. C'est ainsi que, la famille dans les sociétés africaines jouent un rôle très capital dans le devenir d'un individu. Son économie et sa vie se fondent sur la famille. Dans la plupart des sociétés tchadiennes, après les parcelles de terres offertes aux enfants, leurs parents se dotent leurs femmes pour enfin les préparer à intégrer la vie active. La conversion de ces enfants dans d'autres secteurs d'activités s'est faite par le

106 GIANOLA, Op.cit; p.180

107 MENDRAS H. Op.cit, p.98

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biais de l'intuition du moderne dans ces sociétés qui, autrefois étaient des sociétés rurales, mais prise en plein fouet par l'urbanisation non contrôlée, deviennent de plus en plus des sociétés mixtes.

La monnaie a détruit en grande partie les liens parentaux entre les acteurs.108 L'individu est lié ici à sa société ou groupe par un lien de parenté, de sang, par une généalogie parentale laquelle le situe dans sa société. Son statut social dépend aussi fortement de l'étroit respect de la tradition. C'est à partir de ce moment que l'individu peut prétendre à une parcelle de terre. La terre se transmet d'une génération à une autre selon les sociétés dans lesquelles se trouvent les acteurs. L'argent n'a pas une grande influence dans ces sociétés en ce sens que les terres ne sont pas vues comme une entreprise pouvant générer de revenues matérielles, mais en tant que « grenier »109

En d'autres termes, la terre dans les sociétés traditionnelles africaines est indissociable de l'individu qui la détient. L'individu est fortement lié par un lien de sacralité, car il assure un continuum qui varie entre le rapport d'inséparabilité (la personne, individu ou groupe étant indissociable de la terre avec laquelle il est lié) et un rapport de séparabilité (à savoir la terre est complétement séparable de la personne en raison de sa valeur purement économique. C'est ainsi qu'au départ dans les sociétés africaines la terre été considérée comme communautarisée, parentalisée, voire même personnalisée, c'est-à-dire qu'elle est inséparable du groupe ou de l'individu auquel elle est associée. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'on pense que l'homme n'est pas dissociable de la terre.110 C'est dans ce sens que GIANOLA estime que, « dans les sociétés africaines la terre ne doit pas être aliénée dans ce sens qu'elle est la propriété de la communauté et c'est cette communauté qui investit les acteurs dans cette dernière ». La « personhood » dépend à cet effet fortement de la communauté qui constitue la base de toute société traditionnelle africaine.

L'individu n'est pas pris ici dans la singularité comme le cas dans les sociétés occidentales, mais il est pris ici comme un élément de la société qui l'a investie dans la « personhood ». Cette logique s'éloigne de celle faite par LOCKE qui estime que, c'est plutôt l'individu qui s'investie sur la terre en fonction de ces intérêts. Or, dans ces sociétés, les individus acquièrent la terre par héritage et ne font que « jouir » du « fruit de la terre ». Ils tirent juste les produits de la terre en ce sens qu'elle est inaliénable. Les ancêtres défendent

108 GIANOLA, Ídem, p.46 109GIANOLA ibídem, p.46 110 GIANOLA, ibidem, p.47

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donc à tout acteur la transgression de ces idéaux et valeurs autour de la terre. C'est dans cette lancée que Le Roy pense que « la terre n'est pas seulement une chose anonyme interchangeable. C'est non seulement une richesse, mais parfois une personne (au sens traditionnel) que l'on fait parler (à la manière d'un mort ».111

A cet effet, la communauté ne se réfère pas seulement aux êtres humains en tant que membres de leurs sociétés, mais aussi à la terre qui est un élément incontournable dans le processus de la transmission des valeurs culturelles d'une communauté ou d'un clan. Donc, la communauté interdit les acteurs d'aliéner la terre car la terre et la personne dans ces sociétés ne se dissocient pas clairement. Ainsi, à travers les diverses relations que les individus entretiennent avec la terre, elle leur assure une sécurité fondamentale de la vie et de l'existence perpétuelle de ses détenteurs (à savoir le clan, le village, l'ethnie et même l'individu). Aussi, la terre constitue selon les africains un patrimoine culturel qui les aide à définir l'image partagée qui favorise la formation d'un clan ou d'une communauté.112 Néanmoins, la marchandisation de la terre dans certaines sociétés africaines marque une nouvelle ère où les enjeux sont perçus sous leur seul angle économique. La vision traditionnelle africaine n'intègre pas la terre comme un « bien » commercialisable.113

CONCLUSION PARTIELLE

Au terme de ce chapitre, il était question des différentes fonctions que remplie le foncier. Il ressort en clair que, le foncier joue plusieurs fonctions et son usage diffère d'un individu à un autre. Au-delà de l'usage des terres pour la construction de l'habitat, pour la pratique des activités du secteur primaire (agriculture, élevage, la pêche), les terres représentent une mamelle nourricière qui, grâce à elle, les vies sur terres sont possibles. Aussi, les terres représentent les dernières demeures qui abritent les âmes des individus décédés.

111 LE ROY Etienne cité par GIANOLA C.E. (2000). In La sécurisation foncière, le développement socio-économique et la force du droit. Les cas des économies Ouest africaines de plantation (la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Mali), Paris, l'Harmattan, p52.

112 GIANOLA, Op.cit, p186

113 GIANOLA, Op.cit; p.50

DEUXIÈME PARTIE: LES FACTEURS EXPLICATIFS DES LITIGES
FONCIERS DANS LE PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE
N'DJAMENA ET LES INSTANCES D'ARBITRAGES DES LITIGES

La présente partie est constituée de deux (02) chapitres. Le chapitre premier aborde les facteurs explicatifs des conflits fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Dans le chapitre quatrième par contre, il est question des instances d'arbitrage des litiges fonciers et les perspectives des résolutions des différends fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.

CHAPITRE III: LES FACTEURS DES LITIGES FONCIERS DANS LE
PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA

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INTRODUCTION PARTIELLE

Ce chapitre met un accent sur les causes des litiges fonciers en Afrique en général et, dans le premier arrondissement de N'Djaména en particulier. A cet effet, les causes diverses des litiges ont été relevé. D'abord, les causes étatiques (l'immixtion des agents de l'Etat dans la transaction foncière, les chefs de carrées/quartiers) et ensuite les causes liées aux morcellements des terres d'autrui par leurs voisins, les déplacements des bornes et les repartions discriminatoires des terres entre les individus.

I.LES RESPONSABILITES DES ACTEURS

Dans cette partie, il est question de mentionner les acteurs impliqués dans les processus d'alimentation des conflits fonciers. Il s'agit plus concrètement des responsabilités des personnes morales ou physiques qui sont les causes des conflits fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Ici, il ressort que les conflits fonciers sont liés à plusieurs facteurs qui varient d'une localité à une autre et en fonction de la population qui l'appréhende. Toutefois, il ressort ici les causes étatiques, politiques, environnementales.

1. L'adoption et la reprise des textes non-appropriés par les décideurs publics

Le gouvernement tchadien s'est mis dans le « copier collage » des textes hérités de la colonisation, et sa mise en pratique dans le contexte tchadien. Ceci pose un sérieux problème pour l'instauration d'un climat social serein et d'une stabilité sociale adéquate. C'est dans cette lancée que, les personnes interviewées notent que, l'Etat en voulant appliquer à la lettre les ordonnances issues de la colonisation a créé un foyer de tensions entre les individus sur les modalités d'acquisition des terres. C'est dans ce sens que dans le premier arrondissement de N'Djaména, les individus interrogés disent qu'ils ne connaissent pas l'importance des textes issues des années 1967 dans la gestion de leurs terres.

A cet effet, DANA ABBA dans son analyse essaie de mettre en lumière les différents litiges qui sont nés de la juxtaposition de deux textes dans le contexte tchadien. C'est dans cette lancée qu'il note que, les conflits fonciers sont liés à la coexistence de deux systèmes fonciers distincts et qui ne corroborent pas avec les réalités locales.

Aussi, il estime que, le foncier traditionnel est plus ancien que le foncier moderne et, a par conséquent un fondement ancestral non négligeable. C'est d'ailleurs ce qui le rend légal aux yeux des individus du fait qu'il est ancré sur leurs traditions. Selon la logique ancienne, la terre appartient aux ancêtres et aucun individu n'a le droit de la vendre, ils ne feront que jouir

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du produit de la terre. Ils sont usufruitiers. Dans son analyse, l'auteur mention aussi la difficulté que rencontre les pays de l'Afrique Subsahariennes, difficultés lesquelles liées à l'inadéquation du droit foncier héritier de la colonisation et celui traditionnel. L'Etat au nom de la loi a donc déposé les individus de leurs terres, ceci causera donc des énormes conflits. Il ajoute aussi que les enjeux autour du foncier se multiplient par le fait que la population est grandissante et l'entrée de la colonisation dans les sociétés traditionnelles. On assiste à la monétarisation de la terre. Désormais l'acquisition des terres devient emblématique, car elle s'acquiert dorénavant par l'argent.

En effet, « le véritable problème foncier se pose dans la coexistence du droit moderne et traditionnel » et l'Etat doit l'harmoniser le système foncier tchadien afin de prévenir et limiter les éventuels conflits.114

Le jumelage de deux logiques sur la gestion foncière a causé de nombreux problèmes dans le premier arrondissement de N'Djaména dans la mesure où, les Boulamat dans en vendant les terres aux individus ne tiennent pas compte de la loi sur le foncier. Ils ne considèrent non plus le titre foncier comme la seule pièce maîtresse et s'estiment plutôt comme les propriétaires légaux des terres, car héritée de leurs ancêtres. Or, dans le texte moderne, seul l'Etat est le propriétaire des terres.115

Les litiges fonciers observés dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména selon les informateurs interrogés sont liés plus à la vente multiple d'une seule parcelle à plus de cinq individus par les Boulamat. Aussi, la vente clandestine des terres des autres soit par les membres de la famille et/ou, par les voisins du propriétaire des terres. Les restes des litiges selon eux sont souvent réglés entre les différentes parties prenantes, sans pour autant intervenir la justice.

2. Le désintérêt de l'Etat

Le gouvernement tchadien en tant que législateur des textes sur le foncier n'assure pas pleinement son rôle. Ainsi, le résultat obtenu durant notre recherche relève que, 70% des acteurs se disent insatisfait de la gestion actuelle des terres et de législation tchadienne sur les questions foncières. De même, sur 14103 ménages dans le 1er arrondissement de la ville de N'Djaména, seulement 18%(n?14103) possède le titre foncier. Selon monsieur

114 ABBA DANA, idem, p.125

115 Entretien avec le Délégué Provincial de la ville de N'Djaména, en septembre 2021

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NOURADINE, « le fait que l'Etat ait mis un accent sur les affinités politiques a donc creusé davantage les fosses entre les acteurs ». 116Allant dans la même lancée, selon Me NEMBE,

sur le papier, ils existent les textes qui semblent assurer la gestion harmonieuse des terres au Tchad. Mais paradoxalement, les agents de l'Etat sont toujours impliqués dans les corruptions qui se manifestent par les morcellements des terres des pauvres, les modifications du plan d'occupation du sol à leurs intérêts personnels. 117

De plus, selon madame MADJITA, « c'est l'Etat qui définit les modalités d'acquisition des terres qui se font par attribution sous le contrôle du CATZU (Comité d'Attribution des Terres en Zones Urbaines) et aussi quelque fois par achat auprès des Boulamat118. Mais, l'attribution des terres se fait de manière arbitraire, discriminatoire, voir exclusivement relationnelle ». De plus, Me NEMBE mentionne que, les terres concrètement ne font pas l'objet d'une attribution comme le définit CATZU, il existe ici les réseaux influents des acteurs qui appartiennent au clan du président DEBY, ainsi Me NEMBE ajoute que,

une seule parcelle des terres a souvent plusieurs titres fonciers. Aussi, certains agents de l'Etat en occurrence les agents du cadastre, les délégués communaux ; les chefs des quartiers falsifient les titres fonciers des terrains d'autrui à leur guise. Le véritable souci se situe dans le fait que l'Etat ne parvient pas à assurer la gestion contrôlée des terres dans les milieux urbains. C'est ainsi on constate son absence sur le terrain en ce qui concerne la gestion des terres. 119

Par ailleurs, selon monsieur HOUWE, l'Etat semble inactif dans le terrain en ce qui concerne la gestion des terres. Selon lui, le bâton de commandement que l'Etat accorde aux Boulamat dans la gestion des terres pose un sérieux problème du fait que, les Boulamat sont toujours impliqué dans les ventes multiples des terres, des ventes des réserves de l'Etat aux particuliers, des morcellements des terres des acteurs. Aussi, selon lui, les Boulamat vendent des terres issues des zones accidentelles aux acteurs, alors que l'Etat se dit « garants de toutes les terres » De plus, monsieur HOUWE poursuit son propos en disant que :

L'inefficacité de l'Etat dans les terrains est très bien visible et aussi, le manque d'un comité de suivi de la gestion des terres amplifie davantage les conflits fonciers dans le premier arrondissement de

116 Entretien avec monsieur NOURADINE au quartier Zaraf, octobre 2021

117 Entretien avec monsieur NEMBE au quartier Madjorio

118 Entre avec le délégué provincial de la ville de N'Djaména septembre 2021

119 Entretien avec NEMBE en octobre 2021

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N'Djaména. A ce problème s'ajoutent autres causes étatiques. Il s'agit de l'occupation anarchique des terres par les individus.120

De plus, selon monsieur ACHERIF MAHAMAT BACHAR, délégué provincial auprès de la commune de N'Djaména, « la part de l'Etat dans l'implémentation des litiges fonciers s'observe par l'occupation anarchique des terres dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména faute d'une politique d'urbanisation au préalable ». L'analyse sociologique de ce propos révèle une sorte de discrimination sociale dans les gestions des terres et aussi, une crise sociale marquée par la montée en puissance d'une élite politique méconnaissable. Ainsi, Monsieur ACHERIF MAHAMAT BACHAR estime que,

normalement le gouvernement tchadien doit au préalable définir clairement le plan d'occupation du sol et après que, mettre sur pied une mesure d'accompagnement visible afin d'éviter toute confusion en rapport aux ventes, aux occupations des espaces à N'Djaména et plus précisément dans le premier arrondissement de N'Djaména. L'Etat au lieu d'assurer le lotissement des terres au préalable, ne le fait pas toujours dans tous les cas, sauf dans certaines zones. Cette manière étatique crée des énormes désordres dans le milieu urbain en général, et dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména en particulier. 121

Aussi, le député TCHARI MADI MAÏNA oriente ses préoccupations sur la question de la double attribution qui est à l'origine de ces épineuses crises foncières. Selon le député, « l'Etat laisse les acteurs mal intentionnés malmenés les autres alors qu'il se dit garant de toutes les terres. Aussi, l'honorable TCHARI s'est penché sur la double attribution des terres. Selon TCHARI, « la double attribution des terres serait la cause imminente des différends fonciers au Tchad. Cette pratique est l'une des causes des différends fonciers dans le neuvième et le premier arrondissement de la ville de N'Djaména ». Aussi, il ajoute que,

L'occupation anarchique des terrains avant leur lotissement par les agents de l'Etat, alors que l'Etat a un arsenal juridique permettant le strict respect de ces textes ». Les terrains devraient être lotis bien avant leurs occupations par les individus. Il a aussi soulevé le fait que la décision d'immatriculation des terres et de production des documents dominicaux n'est pas très fluide.122 C'est ce qui expliquera selon lui, la prépondérance des litiges fonciers au Tchad.123

120 Entretien avec monsieur HOUWE à Karkandjeri, octobre 2021

121 Entretien avec le Délégué provincial auprès de la commune de N'Djaména, monsieur ACHERIF MAHAMAT BACHAR

122 « Presse écrite Hebdomadaire `'INFO» » Ibidem

123 Député TCHARI in Presse écrite Hebdomadaire `'INFO» » ibidem

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De même, selon les résultats obtenus, 85% des problèmes traités au tribunal sont liés à la terre et pour cause, le déguerpissement des acteurs par l'Etat d'une part, et la falsification des documents administratifs par les agents de l'Etat d'autre part. De même, les Boulamat vendent une seule portion de terre à plusieurs acteurs dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Cette situation est très délicate et préoccupante selon Mme ACHTA AHMAT BREME. C'est ainsi qu'elle note que :

les doubles attributions des terres deviennent de plus en plus récurrentes dans nos arrondissements. Du jour au lendemain on voit les personnes se plaindre de cette pratique. A mon avis, la justice doit s'impliquer à fond dans ce dossier afin de minimiser les dégâts causés. De même, il faut fusionner les forces pour espérer gagner ce pari. Cette situation rend tout lotissement problématique et les attributaires ont difficilement accès à leurs parcelles parce que d'autres personnes détiennent chacune une attestation de vente sur les mêmes parcelles.124

Par ailleurs, la patronne du MATUH estime que, « le fait que le ministre de la justice n'a pas pris part au congrès tenu ce jour du 13 au 16 septembre 2018 montre à quel point il semble sous-estimer l'épineuse préoccupation, le « foncier ». 125De même, elle ajoute que la justice est intimement liée avec le MATUH, à cet effet, elle (la justice) doit s'impliquer totalement dans le processus de résolution des litiges fonciers. Ainsi, « elle suggère au ministre en charge de la justice à se joindre à eux afin d'atteindre les objectifs escomptés ».126

Aussi, le rôle de l'Etat dans les causes des conflits fonciers se justifie par le fait que, le gouvernement tchadien n'a pas lotis au préalable les terres dans le premier arrondissement de N'Djaména. Selon monsieur TOK-ALLAH, « les individus construisent des maisons de façons anarchiques, ils n'ont pas les routes secondaires, ni principales, et aussi, les terres réservées pour les grands projets de l'Etat ne sont pas identifiables clairement ».127 L'Etat a laissé la gestion des terres aux Boulamat qui vendent les terres à leur guise. Aussi, il estime que, « les Boulamat ne connaissent pas forcément les terres réservées (celles du domaine public) et privée (appartenant aux individus ou industries) ».

124 Mme ACHTA AHMAT BREME, Ministre de l'Aménagement du Territoire, du Développement de l'Habitat et de l'Urbanisme in « Presse écrite Hebdomadaire INFO », p.3

125 Mme ACHTA AHMAT BREME in « Presse écrite Hebdomadaire INFO», ibidem

126 Mme ACHTA AHMAT BREME in « Presse écrite Hebdomadaire INFO », idem

127 Entretien avec monsieur TOK-ALLAH au quartier Zaraf, octobre 2021

128 CROUSSE B et al. (1986). Espaces disputés en Afrique noire : pratiques foncières locales, Karthala, Paris, p.141-142

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D'autres informateurs mentionnent aussi que, le « laissez-faire » étatique impacte négativement les activités des individus dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. C'est dans cette lancée que CROUSSE, LE BRIS et LE ROY mentionnent que, « la plupart des conflits concernent le tracé des rues, et aussi la désignation des maisons à détruire, les conflits de désignation de l'occupant auquel on attribue le terrain. »128 L'analyse sociologique qui ressort de ce résultat est que, les habitants du premier arrondissement de la ville de N'Djaména sont marginalisé dans la gestion des terres. Cette situation se réfère en quelque sorte à une « discrimination des opprimés » au profit des « dominants ». L'Etat semble prendre le côté de ses agents en dépit des multiples crises causées par les Boulamat.

La photo ci-dessous illustre mieux le cas des maisons détruites par l'Etat sans une assistance morale et une insertion. (Voir la photo suivante).

Planche 5: Maisons détruites à Djougoulié

Source : enquête de terrain, octobre 2021

Les images ci-dessus illustrent les rôles joués par les Boulamat dans les transactions floues de terre. Ici, il est question des images des maisons déguerpies suite au changement des plans des routes ou des servitudes destinées à utilités publiques. Ainsi, les individus perdent de jour au jour leurs petites portions des terres au profit des Boulamat.

De plus, les individus chassés de leurs terres par les opérations semblables à une « chasse aux sorciers » se verront désormais sans abris. Le gouvernement tchadien en tant que garant et responsable de toutes les terres au Tchad ne les accompagne pratiquement pas. Ce gouvernement depuis plusieurs décennies a cédé son pouvoir de garant de terre « officiellement » aux Boulamat. C'est ce qui a donné le plein droit aux Boulamat de vendre les terres non sécurisées, les ruelles et/ou les terres issues du domaine national aux

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« innocents vulnérables ». Ledit gouvernement après avoir été absent vient juste procéder aux séances de restructuration des rues et des espaces, sans bien organisé les zones d'occupations.

Par ailleurs, même de nos jours, plusieurs quartiers de la périphérie ne sont pas sécurisés, à l'instar de : Gilmey, Madaga, Adré, Abcoma, Zaraf, Bouta wali (Kebir et Saker, Madjorio (les zones occupées par les arabes), Djougoulié (les zones occupées par les arabes)

3. La complaisance des Boulamat

Les Boulamat en tant qu'auxiliaires coutumiers et politiques de l'Etat sont selon Monsieur MBAÏLASSEM impliqués dans « les différends fonciers ». La plupart des différends fonciers tranchés dans les juridictions ont pour cause les ventes multiples des terres par les Boulamat, soit 60? de tous les différends fonciers observés dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Ainsi, selon monsieur MBAÏLASSEM,

cette implication des Boulamat se justifie d'une part, par la gestion restreinte des terres, et d'autre part, dans les différentes attitudes liées à la production des documents administratifs attestant les ventes des terres à plusieurs acteurs. Les Boulamat usurpent de leur titre et de leur statut social pour « écraser » les classes sociales les plus vulnérables.129

la vente répétitive des rues destinées aux usages publics à des fins égoïstes des délégués et des Boulamat alimentent davantage les différends fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Ce phénomène de vente sacrifie les individus innocents, et qui ont occupés depuis plusieurs années des espaces des terres « dites réservées ». En vendant les rues destinées à la servitude, ces agents de l'Etat changent leurs trajectoires originaires des routes vers d'autres zones d'occupations qui, mettent les autres acteurs dans la rue sans abri. 130

En outre, selon le résultat obtenu auprès des enquêtés, 65? des litiges fonciers sont liés aux ventes multiples des terres, à la falsification des documents administratifs par les Boulamat, les morcellements des terres des particuliers par les Boulamat. Cette pratique semble une monnaie courante dans le premier arrondissement de N'Djaména, au regard du résultat. Elle est donc sous-jacente de tous les litiges fonciers observés. C'est ainsi que LE BRIS, LE ROY et CROUSSE estiment que, « la gestion des terres est tributaire de la bonne ou mauvaise foi des chefs gérants »131. Curieusement, l'expérience congolaise décrite par ces

129 Entretien avec monsieur MBAÏLASSEM à Farcha, octobre 2021

130 Entretien avec monsieur MBAÏLASSEM au quartier Farcha, octobre 2021

131 CROUSSE B et al. (1986). Espaces disputés en Afrique noire : pratiques foncières locales, Paris, Karthala, p.10;

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auteurs se rapproche de la gestion foncière dans le premier arrondissement de N'Djaména. Selon Monsieur OUAÏDOU,

les Boulamat décident de vendre les terres comme ils veulent sans vérifier ou faire recours aux « agents compétents » de l'Etat. De même, le manque de cadre de suivi de la gestion des terres par l'Etat favorise les acteurs influents de se positionner sur les autres acteurs, et aussi de se mettre dans les zones les plus stratégiques surtout en ce qui concerne les activités économiques, aussi pour l'habitation. La situation des habitants des quartiers tels que, Zaraf, Djougoulié, Gilmey sont ceux-là considérés comme les déviants, car ils occupent des espaces anarchiquement.

L'Etat n'a pas prévu un plan d'occupation des terres, ni une planification urbaine sérieuse. Souvent les acteurs s'achètent les terrains et après quoi se mobilisent en cotissant pour faire appel aux agents du cadastre de venir lotir leurs zones. Cette pratique se solde souvent par des rides conflits opposants les agents du cadastre, et les acteurs locaux d'une part, les Boulamat et les acteurs d'autre part.132

En plus, l'Etat laisse donc les individus déguerpis du premier arrondissement de la ville de N'Djaména sans abri Selon les individus enquêtés, les acteurs chassés de leurs terres se retrouvent sans habitations, ils dorment dans les lieux publics (écoles, zones vertes, mosquées, hôpitaux, etc.). Selon monsieur BOUMZINA,

cette situation précaire des habitants du premier arrondissement de la ville de N'Djaména, limite leurs mobilités quotidiennes. Car, ils ne parviennent pas à joindre les deux bouts, car nombreux d'entre eux sont très endettés, et ont plusieurs mois des arriérées liées à la location des maisons. Les individus déguerpis devaient en principe bénéficier de l'accompagnement des Etats concernés par les « drames sociaux.133

En réalité, cette situation semble se rapprocher de celle décrite par Karl Marx lorsqu'il estime que, « l'Etat entretien des relations discriminatoires, et se plaçant aux côtés des bourgeois, et qui, exclut les prolétaires ». Ainsi, selon les acteurs interviewés, « les morcellements des terres par les Boulamat est la cause première de tous les litiges fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména ».

De plus, selon certains informateurs, « une seule parcelle peut donc avoir plusieurs titres de propriétés, et dès lors, les acteurs se confrontent par des rides combats physiques, et quelque fois mystiques ». Ils estiment aussi que, « les individus se font « justice », avant

132 Entretien avec monsieur OUAÏDOU au quartier Djougoulié, septembre 2021

133 Entretien avec monsieur BOUMZINA à Milezi, octobre 2021

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d'atteindre les instances juridiques qui ne tranchent guère ces différends à cause de leurs liens avec ces chefs. » Par ailleurs, selon NAHOUNNAGR, « dans la pratique, nous apercevons certains chefs qui ont ce pouvoir de vente et ou des legs des terres aux individus, mais ces derniers vendent secrètement les terres des autres. C'est le cas des « Boulamat » dans le milieu rural et urbain tchadien ».134

En effet, le résultat obtenu de notre recherche révèle aussi que, dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména, les Boulamat ne se placent pas bien clairement dans leur posture de garants des terres. Selon monsieur DOURKAMLA,

cette mésaventure commence lorsque, les Boulamat ne possèdent plus assez des terres. De plus, certains informateurs estiment que, les Boulamat connaissent bien le plan d'occupation de sol, mais ferment les yeux sur ces réalités, et profitent des ventes non réglementées des terres aux individus qui, quelque fois ignorent le plan d'occupation du sol.135

Les informations recueillies confirment qu'en achetant les terrains avec les Boulamat, les acteurs participent à une sorte de « loterie de terre », parce qu'ils ne « savent pas, avec exactitude, si ces terres sont-elles réellement sécurisées, mais se disent qu'ils se confient à la bonne volonté de « dieu » au cas où, les routes ne passent à travers leurs portions des terres ». Aussi, le fait que, les Boulamat vendent clandestinement les terres des autres à leurs insu selon plusieurs informateurs, et cette situation constitue « un danger de premier ordre », et met en relief, « le rôle dangereux que le Boulamat joue dans l'alimentation des litiges fonciers dans le premier arrondissement. »136 Ainsi, Monsieur LAMINE note que,

les Boulamat vendent les terres des autres pendant la soirée et peuvent délivrer plusieurs attestations des ventes sur une seule parcelle des terres. Or, le danger surgit dans le fait que les terrains appartenant aux autres sont vendus par les chefs gérants. Les individus achètent ces terres parce qu'ils estiment que ces terres appartiennent aux chefs gérants. 137

134 NAHOUNNGAR B. (2004). « La décentralisation administrative, institutionnelle et la problématique foncière au Tchad » in La question foncière au Tchad, Acte du colloque scientifique de N'Djaména 28 juin au 1er juillet 2004 ; septembre 2004, p.171-194

135 Entretien avec monsieur DOURKAMLA à Zaraf en octobre 2021

136 Entretien avec Maître tailleur Djimadoumadji Bertrand

137 Entretien avec monsieur LAMINE à Karkandjeri en novembre 2021

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4. les réseaux des corruptions qu'entretiennent les agents de l'Etat et le manque de compétence

Les agents de l'Etat (les agents du service du cadastre ; les fonctionnaires du ministère de l'urbanisme, de la décentralisation du territoire et de l'urbanisme ; du ministère de la justice ; les magistrats ; les avocats ; les gouverneurs ; les délégués provinciaux ; les conseillers techniques ; les chefs du quartier ; les OPJ ; les CB et les Boulamat constituent la vignette dans la vente et ou trafique malsaine des terres dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Ces hommes selon monsieur MOUCTAR, « investis légalement par le pouvoir public dans l'optique d'assurer la continuité de l'Etat, se servent de leurs calots pour « écraser » les « laissés pour compte ».138 Généralement, les procès opposant une grande personnalité à un « laissé pour compte » n'ira pas vers de pistes sérieuses, étant donné que le réseau constitué par les agents de l'Etat ne favorise par une bonne gouvernance foncière. L'Etat au lieu d'assainir le système en « arrêtant ces bourreaux », se jette juste dans les séances de remerciement et de reconnaissance politique. Il faut noter que les postes qu'occupent ces hommes influents est une « sorte de remerciement » pour les campagnes politiques qu'ils font dans leurs circonscriptions administratives respectives.

Or, la politique en tant que gestion de la cité selon PLATON doit se dissocier des mauvaises pratiques qui s'inscrivent dans la logique du « mapartisme » décrite par le philosophe MONO DJANA Hubert qui consiste à la réclamation de ses intérêts personnels au détriment des autres individus. Un sérieux pays pour son éclosion doit bannir les pratiques injustes ; ignobles et néfastes pour la construction du vivre-ensemble et d'une paix durable. Ces amalgames que les agents de l'Etat font et leurs usurpations du titre nous amène à nous interroger sur le devenir du foncier dans le 1er arrondissement de N'Djaména en ce terme : « comment le 1er arrondissement de la ville de N'Djaména est-il arrivé là ?».

De plus, les Boulamat et les agents de MATUH falsifient les documents administratifs, et vendent les parcelles servant à la servitude aux individus qui ne maîtrisent pas les rouages en rapport au plan d'occupation du sol, et aux titres fonciers. En outre, la non maîtrise des habitants du premier arrondissement de la ville de N'Djaména des enjeux liés au titre foncier les mets dans une situation complexe, dans la mesure où, ils perdent des sommes colossales d'argents aux profits du « réseau mafieux » entretenu par l'Etat.139 Les agents des cadastres affichent souvent leurs volontés de s'enrichir avec les terres des « pauvres vulnérables » sans

138 Entretien avec monsieur MOUCTAR à Farcha octobre 2021

139 Presse Hebdomadaire (2017),« Le Progrès » n°5155, p3

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être poursuivis par le service judiciaire parce qu'ils font partie du « réseau mafieux » constitué. L'Etat doit à cet effet, se décider en tant que garant de l'ordre public en poursuivant, chassant ces agents impliqués de près ou de loin dans les transactions floues des terres.

Ainsi, nous pourrons dire que le pays aspire aux idéaux biens balisés, sinon le « réseau ruinera » la légitimité de l'Etat.

Tableau 3: répartition des enquêtés selon la nature des litiges

Causes des conflits fonciers

Effectif

Total

?

Morcèlement des terres par les Boulamat

10

100

Non-respect des textes fonciers

15

Flexibilités lors de règlements des conflits

5

Déplacement des bornes

5

Complaisance des Boulamat par les ventes des servitudes

60

Manque des compétences des autorités administratives

5

Source : enquête de terrain, septembre 2021

Figure 1: répartition des enquêtés selon la nature des litiges

Manque des compétences des autorités administratives

5%

Complaisance des Boulamat par les ventes des servitudes

60%

Morcèlement des terres par les Boulamat 10%

Non-respect
des textes
fonciers
15%

Déplacement des bornes

5%

Flexibilités lors
de règlements
des conflits
5%

Source : enquête de terrain, septembre 2021 5. Les causes politiques et sécuritaires des litiges fonciers

Durant nos entretiens auprès des habitants du premier arrondissement de la ville de N'Djaména, il ressort que, la famille du président Idriss DEBY s'est mise dans une campagne d'accaparement des terres des pauvres. Selon monsieur SABOUR, « les ZAGAWA du quartier

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Karkandjeri ont arraché les terres des gens par la force et présentent souvent les faux titres de propriétés. » De même, Madame ASSOUM ajoute que,

mes parents ont perdu leurs terres. Les ZAGAWA dans le premier arrondissement de N'Djaména sont les élus de Dieu, les intouchables qui peuvent tout faire. Ils arrachent tous les jours les terres des gens, ils intimident les gens par les armes. Nous sommes frustrés depuis lors. Mais on ne se laissera pas faire.140

De même, certains informateurs affirment d'avoir procéder aux ventes de leur terre sous l'intimidation verbale et quelque fois violente. Selon un informateur, « les colonels et les généraux appartenant au régime d'Idriss DEBY ITNO ont arraché leurs terres par la complicité des maires et des délégués. Aussi, les agents du CATZU sont de connivence avec les « intouchables » qui ont des grandes parcelles de terre. » De plus, certains informateurs estiment que, « lorsqu'un ZAGAWA achètent un lot de 450 mètres carrés de terrain, deux années plus tard, il présente un document d'un terrain de 70 mètres carrés de terrain » .Ainsi, monsieur DJIMADOUM affirme :

Les ZAGAWA déplacent toujours les bornes limitant leurs parcelles aux autres. Ils nous forcent à vendre nos terres à leur profil. Mon voisin m'a demandé de lui vendre mon terrain de peur de leur perdre, car il viendra me trouver avec les ingénieurs, les agents du service de cadastre pour me déguerpir de mon terrain. Je suis contraint de le lui vendre moins cher.141

De ce fait, les politiques des différends fonciers sont liées fortement aux positions stratégiques qu'occupe certains acteurs, en occurrence les membres du parti au pouvoir et la famille du président DEBY.

II. LES RESPONSABILITES NON-ETATIQUES

L'Etat n'est pas la seule cause des conflits fonciers dans les milieux urbains tchadiens en général, et dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména en particulier. C'est ainsi que, les individus impliqués dans les transactions foncières jouent aussi un rôle non négligeable dans l'implémentation des conflits fonciers. Ces causes dépendent des mobiles entrepris par ces acteurs. Pour la plupart, ces causes se dégénèrent et créent des sérieuses crises sociales.

140 Entretien avec madame ASSOUM à Madjorio en novembre 2021

141 Entretien avec monsieur DJIMADOUM à Farcha en octobre 2021

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1. L'ignorance des textes fonciers

D'après le résultat obtenu durant dans ce travail démontre que, l'ignorance des textes fonciers fait partie des causes des litiges fonciers dans le 1er arrondissement de la ville de N'Djaména. Sur 14103, seulement 18? de ménage possède le titre foncier (n?14103). De même, selon certains informateurs, « ils ne connaissent pas l'importance des textes sur le foncier. La plupart des informateurs affirme avoir acheté leur terrain auprès de Boulamat ». Aussi, monsieur DJIMET affirme que,

je n'ai pas osé entamer la procédure pour obtenir le titre foncier. Mon voisin qui a l'attitude de faire ce papier m'a dit qu'il coûte très cher. Le jour où je vais construire une villa, c'est ce jour-là que je vais chercher ce document. Ma maison est en poto-poto et je fais quoi avec le document coûteux que mon terrain ?142

L'analyse sociologique qui ressort de ce propos est que, les acteurs habitants dans le 1er arrondissement de la ville de N'Djaména manque une information efficace en rapport au titre foncier, à la gestion des terres au Tchad. Or, durant notre exploration, nous avons découvert qu'il existe tout un ministère en charge des affaires foncières. De plus, madame ZARA affirme, « je n'ai jamais entendu parler des textes sur le foncier depuis que je vis. Sauf j'ai entendu parler de l'attestation de vente de terrain, du gré à gré. Mais je ne maîtrise plus rien dans ce domaine ».

En outre, certains Boulamat en dépit du poste qu'ils occupent en tant qu'auxiliaire de l'Etat, ne maîtrisent pas selon plusieurs informateurs interviewés. Ils estiment que, les Boulamat sont choisi juste sur la base de leur appartenance au parti au pouvoir, aussi de leurs liens sociaux avec les maires. Ainsi, monsieur MOUNGAR estime que,

la plupart des Boulamat n'a pas un niveau scolaire acceptable. Les Boulamat qui ont trop fréquenté ont la licence. Ils n'ont pas les notions de l'administration, pire encore de gestion des litiges fonciers qu'ils créent souvent. Normalement, les gens qui doivent gérer les terres doivent être les gens qui maîtrisent le pays, les lois du pays. Hum chez les Boulamat c'est le contraire. De pire, ils se livrent à une pratique dangereuse, l'arbitrage des conflits alors qu'ils n'ont pas une protection militaire.

Ainsi, il ressort clairement de ce propos que, l'Etat a laissé la gestion des terres aux individus qui ne maîtrisent pas les textes qui régissent les régimes dominicaux au Tchad. Rare sont d'ailleurs les Boulamat et les acteurs qui connaissent le bien-fondé de ces textes. A cet effet, monsieur SOUAVOURBE affirme que,

142 Entretien avec monsieur DJIMET à Abcoma en novembre 2021

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si je connaissais les textes sur le foncier, je n'allais acheter bêtement les terrains. Maintenant, je me trouve sans terrain, je suis déguerpi parce qu'ils m'ont dit que j'ai occupé le domaine de l'Etat. Mais je me demande comment pouvons-nous faire pour savoir que tel domaine est la propriété de l'Etat ? D'ailleurs c'est maintenant que je prends connaissance de ce document grâce à votre question.

Selon monsieur DATOLOUM, il faut au préalable que l'Etat sensibilise la population sur les textes fonciers afin de limiter les éventuels conflits.

2. Les poids des traditions tchadiennes

Le résultat obtenu lors de nos entretiens révèle que, 97? de ceux qui ont des parcelles de terre sont de sexe masculin, soit 03? seulement des femmes. Ces deux pourcentages montrent en réalité les inégalités dans les gestions des terres dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Ainsi, selon Madame MAÏMOUNA,

les cultures tchadiennes pour la plupart ne garantissent pas totalement une sécurité sociale de certains acteurs estimés inférieurs aux autres. Parmi ces acteurs, figurent nous, les femmes et les personnes étrangères, les orphelins, les veuves ; etc., qui, selon la grande partie des cultures locales n'ont aucun droit sur les terres. Cette attitude discriminatoire est souvent source des conflits fonciers observés dans le premier arrondissement.

De même, il ressort que ce phénomène discriminatoire s'observe dans presque tout le territoire tchadien. C'est ainsi que, Hélène LAMBATIM estime que, « l'acquisition discriminatoire des terres dans les sociétés africaines alimentent davantage les problèmes fonciers. L'exemple du Rwanda, Congo, Tchad montre plus clairement que certaines catégories sociales sur la base de leur statut social n'ont aucun droit sur les terres ». 143

143 LAMBATIM H. (2004). « Femme et foncier au Tchad » in La question foncière au Tchad, Acte du colloque scientifique de N'Djaména 28 juin au 1er juillet-septembre 2004, p.171-194

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Diagramme 1: Répartition des enquêtés selon le sexe

MASCULINS

FEMININS

7%

93%

Source : enquête de terrain, septembre 2021

Le présent diagramme montre à suffisance le faible taux de participation des femmes dans le processus d'acquisition des terres. Selon les acteurs interrogés, ce faible taux se justifie par les éléments culturels qui sont défavorable à l'épanouissement des femmes.

De plus, selon Madame ZARA, « la discrimination ne se limite pas seulement, dans le processus d'acquisition des terres, mais dans le processus des gestions de terre après le décès de leurs conjoints » 144. Ainsi, LAMBATIM estime que,

les femmes sont exclues de la gestion des terres par les coutumes locales d'une part et, d'autres part la méconnaissance de leur droit. Car, estime-t-elle que le fait que 95% des femmes tchadiennes sont illettrées les met dans des situations précaires et discriminatoires. C'est dans ce sens qu'une femme a affirmé ce qui suit : « je ne suis qu'une simple femme ! », « qu'est-ce que je peux dire ? », « ce n'est qu'une femme ». Telles sont les expressions qu'on entend à l'égard des femmes qu'elles soient du milieu rural qu'urbain. 145

Selon les enquêtées, « les hommes ont une perception péjorative » à l'égard des femmes Cette perception selon Madame DOUNIA, « relègue la femme tchadienne au second plan sur tous les domaines. Aussi, souvent dans nos familles, la place de la femme doit être garantie par sa capacité à « procréer ». En plus, Madame FANE ajoute que,

la femme dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména perd toute crédibilité si jamais elle ne donne pas « un héritier » à la famille. Son droit à la terre est lié à son mariage ; elle peut le perdre suite au divorce. Ici, l'on est appelé à voir volontiers que les

144 Entretien avec Mme ZARA au quartier Gilmey

145 LAMBATIM H. (2004), ibidem

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femmes tchadiennes ne sont pas prises en compte dans le processus

de la gestion foncière.

C'est d'ailleurs dans ce sens que cette illustre et populaire affirmation tchadienne fonde sa crédibilité : « la femme doit occuper le second rang ». Cependant, dans la constitution de 1969, tous les acteurs ont les mêmes droits devant la loi. Nous voyons ici, la difficulté liée à l'application des textes régissant les droits de l'Homme au Tchad, mais aussi l'inexistence des textes sanctionnant les acteurs qui tient des attitudes discriminatoires à l'égard des femmes. L'injustice bat le record dans cette situation.

Ainsi, selon Mme MAÏMOUNA, nous sommes dans « une séance de discrimination et d'exclusion des femmes par les sociétés patriarcales, appuyées par les coutumes locales » ; « quelques fois barbares » sont prises « pour argent comptant » car estime-t-on héritées de nos aïeux. Faut-il exclure au nom d'une culture les autres catégories sociales. Le rôle de la femme ne saurait se réduire à la satisfaction du « biologique » en ayant pour épicentre la « procréation ».146 Ne gagnerons-t-on pas à restaurer une gestion équitable des ressources naturelles pour la restauration d'une paix durable au Tchad. Le diagramme ci-dessous illustre cette situation discriminatoire.

3. la flexibilité lors de règlement des conflits

La flexibilité lors de règlement des conflits selon certains informateurs provient de l'arbitrage impartial des litiges fonciers observes. De même, selon ces informateurs ajoutent que les individus mettent leurs intérêts particuliers devant au détriment de l'intérêt de la communauté.

En outre, l'aspect informel de certains procès issus à la muable entre les différentes parties prenantes ne sont pas respectés par ce qu'ils sont établis de façon anarchique. Or, de telles décisions selon plusieurs informateurs doivent faire l'objet d'une formalisation en passant par « au-devant les notaires », matérialisés par la prise des décisions et la signature des pactes publiquement.

De plus, l'implication impartiale des agents de justice dans le processus d'arbitrage des différents fonciers ne garantis pas les pauvres citoyens. Aussi, certains individus estiment exprimer leur ras-le-bol par des violents affrontements aboutissant aux pertes en vies humaines et aussi, aux distorsions des tissus sociaux entre les différentes communautés. Ici, il

146 LAMBATIM H, idem, p.181

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se pose le problème de lutte de classe qui se matérialise par les places stratégiques qu'occupent certaines personnes dans les transactions floues de terre.

Par ailleurs, le manque de compétence des autorités administratives dans le domaine d'arbitrage des différentes poses un sérieux problème. Pour la plupart, ces autorités compétentes ne sont pas nommées selon un profil bien défini. Ils sont nommés selon certains informateurs par un décret présidentiel purement et simplement politique. Le statut politique de ces autorités administratives joue un rôle de premier plan dans le processus de leur nomination. C'est face à cette situation qu'un informateur affirme :

dans quel pays au monde, en dehors du Tchad, les autorités administratives telles que: les maires, les délégués départementaux, les députés, les sous-préfets, les préfets, les gouverneurs n'ont pas suivi une formation en administration? Les autorités sont juste récompensés parce qu'ils assurent une sale politique dans le compte du gouvernement. De même, on trouve pour la plupart les militaires qui occupant ces fonctions.147

Il se dégage de ces affirmations que, le clientélisme institutionnel dans les administrations tchadiennes en général, et dans la justice en particulier gangrènes le fonctionnement du système foncier tchadien. Notons aussi que, selon certains informateurs, les recrudescences des conflits fonciers, des conflits agriculteurs-éleveurs sont causés par le manqué des compétences des autorités compétentes.

III.LES CONSEQUENCES DES LITIGES FONCIERS DANS LE PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA

Les conflits fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména ont eu plusieurs conséquences dans la vie des acteurs. Le différent affrontement entre les individus, les destructions des maisons lors des affrontements, les destructions des cultures ont des incidences sur la vie des individus dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.

1. Les conséquences sociales

D'après les enquêtés, « les litiges fonciers ont eu des conséquences sociales considérables dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména ».Selon madame ASSOUM, « plusieurs individus déguerpis ceux qui ont perdus leurs terres injustement, et ceux qui ont été arnaqués par les agents de l'Etat, se retrouvent dans une crise profonde. Ainsi, certains individus ont eu des sérieux problèmes de santé juste après la perte de leurs

147 Entretien avec un informateur au quartier Zaraf en novembre 2021

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terres, d'autres les troubles mentaux et certains la mort ». Les litiges fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména sont selon plusieurs informateurs mal tranchés. Selon ces informateurs, les individus qui ont « un gros poids social » gagnent pour la plupart le procès en rapport aux litiges fonciers. C'est ainsi que monsieur SEMIDJIDA déclare en ce terme :

les litiges fonciers n'ont pas eu un arbitrage sérieux dans notre arrondissement. C'est ce qui explique les désordres qu'on observe sur la gestion des terres urbaines et rurales. J'ai perdu mes parents dans un affrontement sanglant à cause de nos terres arrachées, mais l'Etat n'a rien fait pour nous. Nous n'avons jamais eu la justice à nos côtés. Je ne sais quoi faire [...]. 148

Par ailleurs, l'arbitrage impartial des litiges fonciers engendrent selon les informateurs, les tensions dans la société, et aussi, dégradent le tissu social existant, créant le problème du vivre-ensemble et du bien-vivre dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Les acteurs ne se cohabitent plus comme avant, car ils ont perdu leurs parents à cause des terres, et ne pourrons facilement se réconcilier avec leurs « ennemis ». L'arbitrage floue des litiges fonciers a donc eu des incidences majeures dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména, les sociétés et les liens sociaux se disloquent de plus en plus. En analysant le propos de monsieur SEMIDJIDA. Ainsi, il se dégage, les nerfs des plusieurs différends fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména se trouvent dans le fait que, l'Etat abandonne délibérément les individus sans terre dans les rues. Cette situation a créé la désolidarisation sociale entre les acteurs.

De plus, les individus déguerpis du quartier Jardin Décès se

disent frustrés par les séances répétées d'injustice. Ils affirment que les agents de l'Etat les ont déguerpis sans une assistance sociale dans le cadre d'une insertion sociale adéquate. Ils ont été abandonnés dans les rues à leurs tristes sorts. Un informateur affirme avoir perdu la plupart de ses voisins de l'ancien quartier Jardin Décès à cause de ce problème opposant l'Etat aux individus. Les terres arrachées par l'Etat pour les constructions des bâtiments militaires ont laissé les pauvres. Jusque-là le gouvernement tchadien n'a pas entrepris de telles mesures dans le premier arrondissement de N'Djaména ; sauf dans le neuvième arrondissement de N'Djaména il a transféré les individus vers un autre site(TOUKRA).

Les problèmes rencontrés selon plusieurs informateurs sont liés à leurs exclusions brusques de leurs terres. Ils mentionnent aussi que, lorsque l'Etat déguerpi leurs parents, il les laisse sans abris. Or, le gouvernement sénégalais (pour trancher les litiges opposant trois

148 Entretien avec monsieur SEMIDJIDA à Amsinéné en septembre 2021

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communautés villageoises : les Diola Boulouf, Fogny, Diola Fogny Combo) a dû crée un nouveau site pour répondre aux exigences des villageois déguerpis.

De même, ceux ghanéens et ivoirien lorsqu'ils ont entrepris la construction des grands projets, ont essayé de trouver une issue. Lorsque le gouvernement ivoirien a initié la création d'un barrage artificiel, lequel a affecté une partie du peuple Boulé, et le gouvernement ghanéen a aussi entrepris des projets des constructions, mais en prenant en compte les individus affectés par les projets. C'est dans ce sens que deux sociétés d'Etat à vocation d'aménagement intégré, la V.R.A. (Volta River Autority) au Ghana ou A.V.B. (L'Autorité de l'Aménagement de la Valée de Bandama) en Côte d'Ivoire. Les deux dirigeants ont trouvé des nouveaux sites aux individus affectés par les projets149. Ces mesures constituent une sorte de compensation sociale150. Mais dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména, ces idées ne sont pas prises en compte. C'est ce qui est à la base de plusieurs crises sociales observées. Ces décisions jugées « antisociales » par les habitants du premier arrondissement du fait du non prise en compte de l'aspect « social » des individus seraient à la base des troubles dans les familles. Les parents déguerpis n'ont pas assez de moyen pour assurer la location des chambres à leurs familles, se sont endettés et ne parviennent pas à payer ces dettes.

Aussi, comme ils n'ont pas assez d'argent pour couvrir tous les besoins, certains de leurs enfants sont envoyés ailleurs, une sorte de solution adoptée. Mais à ce niveau, nous constatons qu'il y a la dislocation des familles à cause de leurs précarités sociales liées à leurs terres perdues. C'est ainsi qu'un informateur se confie à nous en ce terme :

walay Dieu doit agir contre cette injustice qu'on rencontre. Ce n'est pas du tout sérieux de la part de l'Etat en chassant les individus de leurs terres sans les trouver autres terres pour au moins mettre leurs têtes. Où irons-nous à présent sans terres ? Sommes-nous des étrangers ? Même les étrangers ne sont pas traités comme l'Etat nous traite aujourd'hui...Humm [...], mes enfants sont devenus des délinquants parce qu'ils ne dorment pas avec moi à la maison, par manque des places. Je ne peux payer la location, c'est très cher [...], voilà dans quel état le gouvernement nous a mis. 151

149 LASSAILLY V.J. (1986). « Les grands projets d'aménagement et de développement dans les domaines agricoles, forestiers, hydrauliques, miniers ou pastoraux : transformation « dirigée » de l'espace agraire et réponses paysannes à la périphérie des Lacs Volta(Ghana) et Kossou (Côte d'Ivoire) in Enjeux fonciers en Afrique noire, Paris, l'harmattan, p.280-281

150 MBAYE D. (1986). « Le projet de mise en valeur de la Valée de BAÏLA en basse Casamance(Sénégal) » in Enjeux fonciers en Afrique noire, p.228-239

151 Entretien avec un informateur qui a peur de donner son identité en Octobre 2020 au quartier Djougoulié

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Les informateurs interrogés voulaient en effet, un accompagnement de l'Etat après les séances de déguerpissement. L'Etat sur la base du texte hérité de la colonisation (la constitution) va donc prendre une place privilégiée en privant les individus de leurs terres. Ce phénomène de déguerpissement des individus sans recasement est monnaie courante dans le premier arrondissement de N'Djaména.

D'abord, les individus déguerpis de l'ancien site du marché de Farcha n'ont pas eu un accompagnement de l'Etat. Aussi, ils se trouvent selon-eux, dans les rues sans abri. C'est ainsi que plusieurs individus ont perdus leurs terres, laquelle a donc causé le décès très brusque de ces derniers. C'est ce qui pousse un informateur d'affirmer en ce terme :

Depuis quand le gouvernement tchadien s'inquiète des pauvres [...] ; les gens qui sont venu vingt ans après nous ont arrachés nos terres sur le regard de l'Etat et des agents du cadastre. Sans vous mentir, je ne me retrouve plus dans ce pays. Certains membres de ma famille se trouvent déjà dans d'autres cieux là où il fait bon vivre [...] ; oui, ailleurs au Cameroun et au Nigéria depuis que les problèmes de nos terres n'ont pas eu un arbitrage sérieux. On attend la justice peut être de Dieu, au Tchad non. La famille présidentielle nous a pris en otage en arrachant nos terres. 152

Il s'avère que, les litiges fonciers ont affecté durablement les couches sociales les plus vulnérables. Ces litiges ont entrainé une dégradation sans cesse du tissu social entre les individus et aussi, a causé une dislocation des familles

2. Les conséquences culturelles

Les litiges fonciers n'ont seulement des conséquences sociales, mais aussi culturelles. Les individus victimes se méfient désormais les uns des autres et chacun se réfèrent désormais à un réseau relationnel dans lequel il estime tirer profit. La culture individualiste gagne peu à peu le terrain suite au manque des terres pour les pratiques des activités économiques et aussi pour un abri durable. Certains individus meurent sans laisser même une petite parcelle à leurs progénitures, à cause du temps difficile. Nous voyons ici la naissance des logiques égoïstes qui ne sont pas dans le passé propre aux habitants du Tchad en général et du premier arrondissement de la ville de N'Djaména en particulier. On perçoit désormais une sorte d'hypocrisie dans les relations quotidiennes. Les agents de renseignement mettent de plus en plus aussi la peur dans le coeur des victimes, car les litiges ayant opposé certains individus à la famille présidentielle sont restés sans suite.

152 Entretien avec un retraité de la société sucrière du Tchad à Madjorio en novembre 2020

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Désormais, chaque individu se cherche et cherche à se positionner dans la société. Nous constatons l'existence de ce que le philosophe camerounais MONO DJANA Hubert qualifie du « mapartisme ». Dans le cas du premier arrondissement actuel, c'est du « mapartisme extrême ». C'est ainsi qu'un informateur affirme en ce terme :

Maintenant là, chacun pour soi f...] ; mes parents ne m'ont rien laissés comme terres ; or avant dans nos cultures, les parents doivent préparer tous à leurs enfants même le foyer. Mais depuis lors, on voit que chaque individu se contente de son ventre sans regarder le demain de ses enfants. Les familles qui se prêtaient les terres avant pour les travaux champêtres ne le font plus de nos jours. Les oncles qui ont assez des terres se méfient des autres de peur de perdre leurs terres. Les idées étrangères ont gagné le coeur de nos parents de maintenant. Tout c'est à cause des problèmes des terres. On a plus le choix dans ce pays f...] ; on ne sait jamais si les choses reviendront un jour à la normale. 153

Les litiges fonciers qu'ils soient dans le milieu rural qu'urbain impacte considérablement les us et coutumes locales. La confrontation de deux logiques différentes ne se fait pas sans heurte. C'est ainsi qu'il y a soit un emprunt d'autres manières de voir les choses n'ayant aucun rapport causal avec les valeurs locales et aussi, soit modifier totalement les valeurs existantes. On parlera ici de la « dominance culturelle » qu'on constate dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména à travers les manières de penser ; d'agir ; de sentir et même de vendre les terres urbaines. Désormais, les individus agissent en fonction du réseau relationnel et du gain. Tous les actes sont dès lors calculés par les individus qui ne font plus confiance aux autres.

Par ailleurs, avec la prépondérance des litiges fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména, les complications que les individus rencontrent au quotidien sur la gestion des terres, confier ses terres à quelqu'un devient très difficile. Les individus se méfient de plus en plus des autres et les rancunes naissent dans les quartiers du premier arrondissent. Plusieurs informateurs interrogés partagent largement l'idée selon laquelle les litiges fonciers ont engendré la distorsion du tissu social et le basculement des cultures locales vers des cultures étrangères qui nous rendent la vie très difficile à habiter. Habiter désormais dans cet arrondissement devient un luxe. Ce point de vue se rapproche de celui d'ELA qui estime aussi que : « habiter en ville en Afrique de nos jours est une promotion ».154 Ainsi, monsieur DOLENGAR affirme ceci :

153 Entretien avec un patriarche au quartier Milezi en septembre 2020

154 ELA J.M. (1982).La ville en Afrique noire, Paris, Karthala ;

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[...] ; les problèmes des terrains perpétués ont fait que chacun se méfie de l'autre. Depuis quelques années déjà, personne ne confie ses portions des terres à un ami ou à un frère, même de sang. L'affaire ci devient de plus en plus très compliquée. Avant, on pouvait exercer sur les terres d'autrui les activités économiques et agricoles, mais de nos jours c'est très difficile de travailler sur les terres des autres. L'individualisme gagne le terrain. 155

Les litiges fonciers selon monsieur GABDOU, « sous-estimés », « négligés », « banalisés » par les autorités compétentes qui gèrent les terres a des conséquences considérables sur les cultures locales. D'autres estiment aussi que, « avant vers les années 1975, on pourra très facilement donner aux étrangers les terres pour habitation gratuitement dans le premier arrondissement ; mais le fait que les terres données aux étrangers devenaient dans les long terme leurs propres propriétés ». C'est ce qui éclatait souvent des vifs conflits entres les autochtones et les allogènes dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Ainsi, les litiges fonciers ont eu autres conséquences sur la vie des acteurs dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Nous avons les conséquences économiques.

3. Les Conséquences économiques

Les litiges fonciers comme le démontre les avis des enquêtés nous ont des énormes conséquences dans la vie des individus dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména ; notamment les conséquences économiques. Selon plusieurs informateurs interrogés au quartier Farcha, Zaraf, Madjorio, Djougoulié, Amsinéné, Guinebor, etc. « les activités économiques sont mises aux arrêts suite aux différends fonciers ». De plus, monsieur MAHAMAT NOUR affirme que, « ses boutiques ont été calcinées par ses adversaires pendant la nuit et a causé une perte considérable en termes d'argent ». D'autres informateurs disent « qu'ils ont investies leurs capitaux dans les procès en rapport aux différends fonciers qui, jusque-là n'ont pas aboutis à une véritable réparation sociale et économique ». L'un des victimes de l'incendie déclare en ce terme :

j'ai investis plus de cinq millions dans ma quincaillerie contenant les matériaux de construction au quartier Guinebor ; mais après une confrontation avec un groupe de personne sur mes terres ; j'ai été attaqué la nuit où j'ai perdu ma boutique. Vraiment les problèmes de terrain m'ont mis hors de moi. Maintenant je me retrouve sans argent et sans terres. 156

155 Entretien avec monsieur DOLENGAR en septembre 2020 à Farcha.

156 Entretien avec un monsieur à Guinebor en octobre 2020

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Il se dégage ici clairement que, les différentes crises causées par les litiges fonciers. Lesquelles ont affectées d'une manière ou d'une autre non seulement le vivre-ensemble dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména, mais aussi leurs activités économiques à travers le transfert des fonds destinés aux commerces pour la résolution des différends fonciers et aussi, lorsque les individus insatisfaits de l'arbitrage des litiges fonciers décident de faire eux-mêmes justices en brûlant les boutiques des autres.

De même, la recrudescence des conflits ne favorise pas le développement dans le premier arrondissement, car pour réussir à implémenter une entreprise ou un projet, les investisseurs ont besoin d'un environnement favorable à l'éclosion de leurs activités. Aussi, l'absence de la société tchadienne d'eau, d'électricité dans les quartiers tels que: Djougoulié, Madaga, Zaraf, Boutal-Wali, Abcoma, Gilmey s'explique par le manque des routes et aussi, le manque d'une politique urbaine concrète.

4. Les conséquences politiques

Les litiges fonciers qu'ils soient en milieu urbain ou rural a des énormes conséquences sur la vie des acteurs impliqués dans le processus de l'acquisition des terres ; de la vente, etc. Ainsi, tout rapport avec les autres individus impacte durablement la manière de penser ; d'agir ; de sentir des autres. Ainsi, les rapports entre les acteurs ont changé en fonction des relations que les uns les autres entretiennent avec les agents de l'Etat des « grandes calibres » en occurrence les ministres ; les gouverneurs ; les préfets ; les sous-préfets ; les maires ; les délégués ; les agents du cadastre ; les Boulamat. Désormais, tout se joue sur le capital politique et relationnel. Les individus victimes des litiges fonciers et qui n'ont pas une position stratégique importante sont lésés à leurs tristes sortes. Les problèmes des terres pour les résoudre, il faut forcément avoir une « grande main » derrière ses dossiers. C'est ainsi qu'un informateur affirme en ce terme :

maintenant que faut-il encore espérer dans ce contexte où ceux qui n'ont pas des relations solides n'ont jamais eu des gains de causes de leurs problèmes de terres. A mon avis, pourquoi l'Etat n'assure pas le suivi de toutes les activités foncières. Certaines victimes attendent la bonne foi de la justice peut être un jour où Dieu touchera leurs coeurs. Nous sommes pauvres ; c'est pourquoi nous perdons nos terres. 157

157 Entretien avec un informateur à Madjorio en septembre 2021

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S'il faut bien voir, l'aspect politique est lié à l'aspect financier selon le propos de cet informateur. En d'autres termes, les individus qui ont un statut social élevé, bénéficient de la faveur de la part des agents de l'Etat de la gestion des litiges fonciers observés.

Cependant, dans la constitution tchadienne, tous les individus sont égaux. Cette inadéquation entre ce qui est écrit et ce qui est fait cause des multiples confusions, sinon serait la cause des différents litiges fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Le mieux ne serait-il pas un arbitrage correct. Cette manière de trancher les litiges a fait l'objet d'un soulèvement au nord Cameroun dans les conflits opposant le SAIB aux migrants Toupouri, Moundang, Moussey. MFEWOU l'analysé et a montré comment les réseaux relationnels dans le circuit foncier peuvent être les causes de nombreux conflits fonciers dans le nord Cameroun.

De même, les Toupouri pour résoudre leurs problèmes, ne font appel qu'aux hauts cadres Toupouri ; les Moundang et les Moussey le font aussi. Sommes-nous dans une situation où, ceux qui ont des relations ont les « pouvoirs ». Sinon, pourquoi ces réseaux autour de la question foncière.158 Aussi, le pouvoir des chefs gérants (Boulamat) est réduit au néant, car suivant les degrés des conflits, la gendarmerie ; la police intervient pour embarquer les acteurs impliqués dans lesdits conflits. A ce niveau, les Boulamat sont simplement écartés du circuit des gestions des litiges. Les litiges meurtriers interfèrent l'arbitrage de la justice. Or, avant les années 70, les Boulamat étaient des chefs traditionnels et les chefs des terres. De nos jours avec leurs marchandages au tour des terres urbaines, ils tendent à perdre leur légitimité aux yeux des habitants des zones urbaines que rurales.159

CONCLUSION PARTIELLE

Le foncier dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména a eu plusieurs conséquences. Ces conséquences étaient sur plusieurs plans (économiques, politiques, sociaux et culturels). Les différentes luttes autour des terres urbaines ont entrainés les pertes en vies humaines, les destructions des maisons et la distorsion des tissus sociaux entre les individus. Désormais, chacun acquiert ses terres sans compter sur les autres et les modalités liées au processus d'acquisition des terres ont changés.

158 MFEWOU A. (2010). Migrations, Dynamiques Agricoles et problèmes fonciers dans le Nord-Cameroun : le périmètre irrigué de Lagdo, Paris, L'Harmattan, p.162

159 MAHAMAT A.B. (2013). « Extension urbaine et problèmes fonciers dans les quartiers périphériques de la ville de N'Djaména : le cas du quartier Toukra, Mémoire de master en géographie, option géographie et développement du territoire, Université de Maroua, p.59

CHAPITRE IV: INSTANCES D'ARBITRAGES DES LITIGES
FONCIERS ET PERSPECTIVES DES RESOLUTIONS DES
DIFFERENDS FONCIERS DANS LE PREMIER ARRONDISSEMENT
DE LA VILLE DE N'DJAMENA

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INTRODUCTION PARTIELLE

Le présent chapitre met en exergue les différentes instances d'arbitrages des litiges fonciers dans le premier arrondissement de N'Djaména. Plus concrètement, les lieux, les acteurs qui jouent un rôle particulier dans la résolution des différends fonciers. Les instances d'arbitrages reconnues sont : les instances interpersonnelles, les instances extra-personnelles et les instances juridiques. Les conflits fonciers avant d'atteindre les instances supérieures (la justice) sont tranchés d'abord entre les individus à la muable et aussi devant les Boulamat. Les conflits qui arrivent en justice sont pour la plus part les conflits liés à la perte en vies humaines et/ou à la destruction importante du bien matériel.

I. LES INSTANCES NON ETATIQUES D'ARBITRAGES DES LITIGES

Les litiges fonciers sont liés à plusieurs facteurs lesquels nécessitent une réflexion un peu poussée pour une perspective durable de la résolution desdits litiges. A cet effet, au vue de la complexité du « fait foncier » dans le premier arrondissement et aussi, pour souci de mieux cerner les contours de ce fait, l'apport de chaque acteur semble être une option sérieuse, voir judicieuse. C'est dans cette optique que plusieurs acteurs en fonction de leurs propres expériences arbitrent les litiges fonciers au quotidien. D'abord, les chefs et les individus impliqués entre-deux, ensuite les chefs gérants et les juridictions compétentes.

1. Les résolutions à l'amiable

Les litiges fonciers observés dans le premier arrondissement de N'Djaména font intervenir plusieurs acteurs dans le processus de résolution des litiges. Le plus souvent, les problèmes surviennent dans le déplacement des bornes qui séparent les voisins. A cet effet, ils essaient de trouver un terrain d'entente à leur niveau. Généralement, les différents acteurs impliqués dans les problèmes en rapport au déplacement des bornes convoquent une rencontre pour pouvoir définir clairement les places des bornes. Cet acte se fait à la présence de tous les voisins, des Boulamat, des délégués auprès de la commune.

Aussi, il faut noter que, cette instance favorise les acteurs influents et ceux qui ont vde un capital relationnel solide. Ces derniers violent les plus souvent les clauses de la résolution des litiges qui les opposent aux autres. Ils se réfèrent toujours là où ils gagneront les procès. De plus, certains individus sur la base de leur capital financier minimisent la résolution des litiges fonciers à la muable entre eux voisins-voisins. Ils estiment gagner le procès comme la plupart de cas, ceux qui ont une position sociale élevée sont à l'aise même en justice par

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rapport aux couches sociales les plus vulnérables.160 C'est dans cette perspective que monsieur Tessem Nasrangar habitant du quartier Farcha donne son avis en ces termes :

Kay les résolutions des problèmes des terres ici, ça ne vaut plus la peine f...] ; les citoyens ne sont jamais égaux devant la loi, depuis plusieurs années, j'ai été déguerpi par un groupe de personne me disant que mon terrain était la réserve de l'Etat f...], hum way, ce sont les intouchables qui ont les privilèges dans ce pays. Leurs terrains sont bien lotis f...] nous d'autres les accompagnons seulement. Si Dieu est là, qu'Il nous écoute au moins. 161

En prenant en compte ces réactions, nous pouvons dire que l'injustice dans la gestion des litiges fonciers semble être un fait réel. Car plusieurs autres acteurs soutiennent les mêmes idées et demandent un arbitrage sérieux des litiges fonciers dans leur circonscription administrative. Ils déplorent aussi le fait que, depuis plusieurs décennies ils sont laissés à leur compte. Par contre, ceux qui ont des « relations » avec les mairies ; les agents du cadastre ; les ministres ont les « marteaux en fer » pour caser leurs têtes. D'autres ajoutent que le manque d'un arbitrage sérieux des litiges fonciers a poussé certains d'entre eux soit de retourner dans leurs villages d'origines et d'autres vers le Cameroun, notamment dans la ville voisine Kousseri où ils s'estiment très heureux.

Par ailleurs, certains individus affirment que le fait que les clauses issues des résolutions des litiges fonciers entre les différents acteurs ne sont pas formelles, alimentent davantage les litiges. Car selon eux, juste quelques jours ou quelques mois après les résolutions des litiges fonciers entre les acteurs, certains reviennent sur les décisions et redemandent une nouvelle assise pour l'arbitrage des litiges les opposant aux autres. Or, pendant les premières résolutions, ils se sont accordés sur certains faits relatifs à leurs problèmes. Au cas où les autres acteurs n'acceptent pas siéger pour une énième fois, ils entreprennent des voies illégales, voir mystiques pour se faire « justice eux-mêmes » ; alors que la justice demeure la plus haute et dernière instance pour la résolution de tous les problèmes que les individus rencontrent au Tchad, y compris les litiges fonciers. C'est ce qui fait dire à monsieur TAHIR HASSABALLAH que :

les tchadiens f...] ; ils n'acceptent pas qu'ils ont perdu un procès ou qu'ils ont tort quelque part. Sinon, comment peut-on expliquer le fait qu'un problème résolu revient encore juste quelques semaines après ? Je me demande f...] ; vraiment, est-ce que les gens mourront avec les terres. J'ai trouvé des ossements enterrés dans mon terrain, je me confis à Allah. Qui est parti au ciel avec les terres ? Les Tchadiens

160 Entretien avec monsieur Mahamat Zène en Octobre 2020 à Amsinéné.

161 Entretien avec monsieur Tessem Nasrangar en Octobre 2020 à Farcha.

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doivent apprendre à respecter leurs décisions. Le respect des différentes décisions entreprises fera de nous un maillon central dans la construction de la partie. Sinon, c'est de l'anarchie organisée [...]. 162

Nous pouvons dire au regard des tendances que l'arbitrage biaisé des litiges fonciers a des conséquences considérables sur la vie des acteurs impliqués dans lesdits litiges. Le problème nait souvent dans le non-respect des pactes issues des certaines assises que les acteurs eux-mêmes ont convoqués. Le véritable problème ici est le manque des auxiliaires permettant le transfert des litiges très complexes au niveau du tribunal des grandes instances pour un meilleur arbitrage. Aussi, l'aspect informel des signatures des pactes entre les individus impliqués dans les litiges fonciers dans le premier arrondissement. Le mieux serait selon nous, la signature par « devant les notaires » des clauses entre eux. Sinon, les problèmes surviendront toujours. C'est ainsi qu'une informatrice ajoute :

les résolutions des problèmes des terrains doivent se faire à la présence de tous les acteurs concernés et aussi, à la présence de tous les voisins. Car certains voisins alimentent souvent les problèmes après le départ de l'un ou l'autre victime. Il faut que les décisions prises soit respectées par tous les acteurs afin d'éviter les fractures sociales liées à la terre. Nous devons être les gens de parole [...]. 163

Partant de cette logique, il est évident que, les litiges fonciers quel que soit leurs causes, doivent être mise en surface à la présence de tous les acteurs concernés afin d'envisager des perspectives durables qui, pourrons éviter la distorsion du tissu social. Déjà, les citoyens tchadiens déchirés par les différentes tensions politico-militaires ne se voient pas prêt à sombrer dans d'autres tensions.

A cet effet, le contrôle de la gestion des terres au Tchad doit être une priorité du gouvernement tchadien. Car, plus de 80% des problèmes que les juges tranchent au tribunal ont trait aux fonciers et, ces problèmes perdurent depuis toujours entre les différentes couches sociales qui constituent le Tchad. C'est ainsi que le 10 décembre dernier la famille de l'ex première dame du Tchad HINDA DEBY ITNO a été chassé par la famille d'un colonel assassiné à cause des parcelles de terres. La famille du colonel en voulant faire elle-même la justice a attaqué la famille de HINDA DEBY ITNO.164 Les litiges fonciers négligés semblent se consolider pour donner « un noyau dur » entrainant ainsi une tension sociale grave. Les conflits éleveurs agriculteurs, éleveurs-éleveurs, agriculteurs-agriculteurs, pêcheurs-pêcheurs sont récurrent et attestent la présence du danger à craindre, « les litiges fonciers » qui,

162 Entretien avec monsieur TAHIR HASSABALLAH en septembre 2O2O à Zaraf

163 Entretien avec une informatrice à Djougoulié

164 RADIO FM LIBERTE, 10 décembre 2021, « Journal de 19H »

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« négligés », « mal tranchés », « ignorés » constituent une source permanente de l'insécurité dans le milieu urbain.165

2. Les instances extra-personnelles

Les instances de résolution des litiges fonciers comme il est démontré sont multiples et varient d'un lieu à un autre et d'une personne à une autre. C'est ainsi que les individus impliqués dans les litiges fonciers entreprennent des perspectives qui le permettent de mieux envisager des solutions en rapport aux litiges fonciers observés dans les milieux urbains tchadiens en général, et dans le premier arrondissement de N'Djaména en particulier. Les instances extra-personnelles renvoient ici à la résolution des litiges fonciers impliquant plusieurs individus, mais qui font appel à d'autres personnes pour arbitrer les litiges auxquels ils sont confrontés. A ce niveau, plusieurs acteurs interviennent dans la médiation des litiges fonciers dans le premier arrondissement de N'Djaména.

Ainsi, « certains individus non satisfaits des résolutions des litiges fonciers dans leur circonscription administrative décident de faire recours vers autres acteurs pour espérer une solution plus adéquate ». A cet effet, la résolution des litiges fonciers devient complexe dans la mesure où chaque individu se réfère à un réseau relationnel pour trouver une satisfaction lors des résolutions des différends fonciers. C'est dans ce sens que certains individus sur la base de leurs « réseaux » parviennent à marginaliser les autres individus en usant leurs relations familiales pour gagner les procès. C'est ce qui explique d'ailleurs la proximité de certains maires, délégués départementaux, les agents du cadastre, les personnes qui travaillent au tribunal des grandes instances. Cette situation est similaire à l'expérience foncière camerounaise décrite par ABDOULAY MFEWOU166 dans le nord.

Dans le premier arrondissement de N'Djaména par contre, nous ne savons qu'exactement si les autorités compétentes prennent en compte les requêtes des individus. La même pratique des résolutions des litiges fonciers par les affinités s'observe dans le premier arrondissement dans le quartier Amsinéné où, un éleveur a été trainé par un général de l'armée. Car les litiges fonciers qu'on observe souvent ont pour épicentre les problèmes des bornages, des tracés des rues, de dégagement des réserves de l'Etat, le maire, le ministre en charge ne descendent jamais sur les terrains pour observer de très peu l'ampleur du problème. Ils attendent pour la plupart les rapports effectués par leurs délégués.167

165 Entretien avec un administrateur civil à Madjorio

166 MFEWOU, idem, p.162

167 Entretien avec Monsieur Mahamat Issa à Gilmey en Octobre 2020

168 MFEWOU, ibidem

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Aussi, l'arbitrage biaisé des litiges engendrent de nombreux dégâts. C'est ainsi que, MFEWOU estime que,

la gestion impartiale des litiges fonciers par les autorités compétentes en charge affecte durablement les acteurs lésés à leur triste sort et, lesquels espèrent une réparation de leurs problèmes par tous les moyens disponibles. Cette « injustice étatique » dans la gestion impartiale des litiges fonciers crée un climat de méfiance entre les acteurs et accentue l'aspect relationnel dans les juridictions tchadiennes.168

Ainsi, l'acteur qui n'a pas un appui des « gros poissons » ne peut espérer des résultats fiables suites aux différents différends qui les opposent aux autres. L'injustice dans les résolutions des litiges fonciers occasionnent des désordres urbains et des très grands actes des violences liées aux terres.

II.L'ETAT DANS LE PROCESSUS D'ARBITRAGE DES DIFFERENDS FONCIER

1. Les Brigades

Les Brigades assurent l'arbitrage des litiges fonciers dans le maintien de l'ordre public lorsqu'il s'agit des affrontements entre les individus et aussi, des conflits intercommunautaires. Généralement, les conflits qui échappent à la résolution à l'amiable, par les Boulamat et les délégués des communes auprès des individus sont transmis d'abord dans les brigades. Il s'avère que ces instances (brigades) et plus précisément les CB tranchent d'une manière partiale les différends fonciers entre les individus. Les acteurs interviewés estiment que la justice demeure un appareil un peu approprié, surtout qu'il y a des affrontements et des morts d'hommes.

2. Les instances juridiques

Les instances juridiques de résolution des différends fonciers renvoient ici aux différentes catégories de tribunal qui ont la charge de trancher tous litiges en rapport à la terre. Il ressort de notre recherche que 85? des enquêtés résolvent leurs problèmes des terrains en justice. Ce choix se justifie selon monsieur MAÏNA par la légalité de cette juridiction.

101

Tableau 4: instances d'arbitrages des litiges fonciers

Instances

Effectif

Total?

Justices

85

100

Brigades

10

Par le compromis entre les différentes parties prenantes

05

Source : enquête de terrain, octobre 2021
Diagramme 2: instances d'arbitrages des litiges fonciers

Justices

Brigades

Par le compromis entre les différentes parties prenantes

10%

5%

100%

85%

Source : enquête de terrain, octobre 2021

En effet, eu égard de ce résultat, il ressort que la plupart des litiges fonciers dans le 1er arrondissement de la ville de N'Djaména aboutissent toujours devant les juridictions. Les informateurs affirment que, « ils préfèrent la justice à cause de l'impartialité des Boulamat durant le processus d'arbitrage des différends les opposant aux autres. Aussi, ils estiment que ce choix est fonction de l'aspect formel de cette institution étatique ».

L'analyse qui se dégage de ce résultat est que, les problèmes fonciers sont liés à la résolution partiale des différends fonciers. De plus, cet arbitrage impartial est la cause de frustration des habitants du 1er arrondissement de la ville de N'Djaména. Ainsi, monsieur SAHAD estime que,

« les agents de l'Etat au lieu d'appliquer la loi, cherchent plutôt à « agrandir » leurs réseaux relationnels. A cet effet, qui défendra donc les autres individus. Un Etat de droit comme le Tchad devrait garantir la sécurité sociale et foncière de tous les citoyens ». Le phénomène de la bourgeoisie et du prolétariat est bien visible dans la société tchadienne malheureusement. C'est ce qui paralyse d'ailleurs la justice.169

169 Entretien avec monsieur Hassane Hissein à Farcha

102

Ainsi, monsieur SAHAD ajoute que:

Le véritable problème est que les agents de l'Etat chargés de trancher les différends fonciers usurpent de leurs titres pour s'accaparer les terres des autres individus par la complicité des chefs gérants(Boulamat) et aussi, des maires. Les maires savent très bien les difficultés que les citoyens tchadiens rencontrent au quotidien, mais préfèrent rester dans leurs bureaux climatisés. Un maire doit sortir un temps de son bureau et venir écouter les cris des gouvernés [...]. 170

En analysant le propos de monsieur SAHAD, il ressort que l'Etat n'arbitre pas normalement les litiges fonciers observés entre les citoyens dans le premier arrondissement de N'Djaména. Même s'ils gèrent souvent les litiges fonciers, les décisions prises profitent plutôt les classes sociales les plus aisées.

Toutefois, cette injustice dans la résolution des différents fonciers a créé un vide social, la distorsion du tissu social au point où chacun se réfère seulement à son réseau pour espérer avoir gain de cause. La justice doit être selon plusieurs acteurs un « arbitre neutre » dans la gestion de tous les litiges fonciers. MFEWOU a d'ailleurs analysé ce phénomène similaire dans le nord Cameroun où les préfets ; les sous-préfets ; les maires de la Bénoué ont joué les mêmes rôles dans les résolutions des litiges fonciers aux périmètres irrigués de Lagdo.

III. LES MECANISMES MISE EN PLACE AFIN DE MIEUX APPREHENDER LES DIFFERENDS FONCIERS

Dans cette partie il est question des voies et pistes nécessaires pour mieux cerner le foncier dans le premier arrondissement de N'Djaména. A cet effet, il a été démontré les issues pouvant faire asseoir une paix foncière durable lesquelles interpellent toutes les souches sociales, et nécessitent les efforts multiples et communes. D'abord, en premier essor, l'urgence d'une révision, voir réactualisation du texte foncier du Tchad, et ensuite, la nécessité d'adopter un document unique sur toute étendue du territoire tchadien en rapport à la gestion foncière, enfin, le renforcement des acquis des chefs gérants qui ont la charge quelques fois d'arbitrer les litiges fonciers, et aussi de la vente des terres tant dans le milieu rural qu'urbain tchadien. Telles sont les perspectives soulevées dans ce chapitre.

170 Entretien avec monsieur SAHAD à Madjorio

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1. Combler le vide juridique

La loi foncière tchadienne a été adoptée depuis les années 67 et jusque-là, le gouvernement n'a pas entrepris des initiatives locales de la gestion des terres au Tchad. Cette loi pendant son élaboration n'a pas impliqué directement les individus dans la gestion des terres. C'est ce qui explique la mal compréhension de ladite loi par la grande partie de la population tchadienne. Aussi, la loi foncière tchadienne semble être mal saisie, interprétée, comprise par les tchadiens lettrés que ceux illettrés. C'est ainsi que certains informateurs interrogés affirment que comment le Tchad est resté accroché sur les textes qui datent des années 1958 ; 1967 ; 1970, alors que les réalités au Tchad en sont autre chose. C'est dans cette optique que DJIKOLOUM BENJAMIN BENAN dans son article sur le foncier au Tchad a fait une analyse critique du droit foncier tchadien.171 Ainsi, les avis de quelques informateurs convergent dans la même lancée qui est la réactualisation de la loi foncière tchadienne. Nous avons retenu les déclarations de Justin HINBE :

je pense que la loi foncière tchadienne doit être réactualisée afin de prendre en compte les nouvelles thématiques qui émergent, notamment incluant l'accès de tous les acteurs facilement à la terre [...] ; aussi, il faut prendre en compte dans les législations les avis des acteurs concernés afin d'éviter les contestations récurrentes. L'Etat avant d'adopter les lois doit se renseigner sur les conditions de leur applicabilité effective. 172

Le manque d'une vision foncière adaptée au contexte des acteurs constitue un danger et aliment davantage les conflits fonciers en Afrique en général et au Tchad en particulier. A cet effet, le gouvernement tchadien doit « mettre à jour » sa loi foncière afin de répondre aux aspirations quotidiennes de ces acteurs qui, jusque-là sont victimes des spoliations ; déguerpissement et des accaparements excessifs des terres urbaines. Le tableau ci-dessus illustre les risques liés à la gestion non équitable des terres en milieu rural qu'urbain africain. Cette vision se veut optimale, car elle nous permet de mieux cerner le contour des problèmes fonciers rencontrés et/ou enregistrés et d'envisager des solutions durables. TCHAWA élabore ledit tableau pour mettre en lumière les dangers liés à la marginalisation des autres couches sociales.

171 DJIKOLOUM B.B. (2004). « Analyse critique du droit foncier tchadien » in La question foncière au Tchad ; acte du colloque scientifique de N'Djaména 28 Juin au 1er Juillet-septembre 2004, p.56

172 Entretien au quartier Madjorio en septembre 2021

104

Tableau 5: Etat de lieu de la gouvernance foncière en Afrique selon Paul TCHAWA

ROOT CAUSSE

EFFETS SUCCESSIFS

Politique foncière

inadéquate ou absente

1

2

3

4

Pas de vision

de l'Etat à

anticiper sur
le foncier

Spéculation foncière

Marginalisation des populations locales

Pauvreté et

conflits

Absence des

règles adéquates

d'accès et de

contrôle des
terres

Occupation

anarchique de
l'espace

Dégradation des espaces et ressources côtières

Source : TCHAWA, NELGA 2021

Ici, lorsque dans un pays la politique des gestions des terres n'est pas définie clairement, la spéculation foncière est d'une grande importance. Les Boulamat en tant que chefs traditionnels investies par le pouvoir traditionnel et politique jouent un rôle très dangereux dans la « vente », « revente » des terres aux individus « innocents ». Nous estimons que le manque d'une stratégie sérieuse permettant une attribution, vente des terres est la cause directe des différends fonciers au Tchad.

A cet effet, la nécessité de mettre sur pied une législation foncière bien garnie prenant en compte les aspects socioéconomiques du pays ; politique et environnement s'impose comme une porte de sortie des « casse têtes fonciers » au Tchad. Selon BOAMAH, vice-président principal de la Banque Africain de Développement, 15% des problèmes liés aux terres sont causés par les chefs assurant la gestion. De même, il ajoute que, « la corruption qu'alimentent ces derniers au quotidien avec les acquéreurs des terres qu'en milieu rural qu'urbain en Afrique subsaharienne ».

2. Adopter un document harmonise d'acquisition des terres

Les litiges fonciers au regard de leurs ampleurs dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména, interpellent tous les acteurs quel que soit leur statut social, et matrimonial. Aussi, les différentes logiques de vente et de gestion des terres au Tchad

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diffèrent selon les us, et coutumes de chaque région. Certains individus se réfèrent à leurs ancêtres pour réclamer les terres (les autochtones arabes de Djougoulié, Abcoma, Zaraf, Gilmey), Kotoko et Borno de Milezi, etc. C'est ce qui fait qu'il y a autant des contradictions dans la gestion des terres au Tchad. Il n'existe pas jusque-là un document harmonisé de vente des terres urbaines que rurales. D'où la nécessité de mettre sur pied un document harmonisé permettant l'acquisition des terres de la même manière au Tchad quel que soient les régions.

Nous estimons que ledit document qui contiendra toutes les données cadastrales en rapport aux lotissements ; aux tracés des rues ; à la restructuration des ilots d'une manière officielle. Ce document permettra aussi au gouvernement d'identifier tous les litiges fonciers existants au Tchad, les terres ayant déjà un titre de propriété provisoire ou définitif. Car depuis la loi du 27 juillet 1967, aucun autre document officiel ne permet aux individus de se référer d'une manière légale. Aussi, la loi foncière de 1967 définie tout simplement les différents domaines fonciers existant et met l'emphase sur le pouvoir de l'Etat en tant que garant de toutes les terres au Tchad. Or, la loi n° 23 reconnait le droit coutumier, elle précise cependant dans son article 7 que les « terres vacantes et sans maîtres appartiennent à l'Etat173. »

A cet effet, comment pourrions-nous comprendre cette complexité de ce droit positif qui, reconnait d'une part le rôle des autorités coutumières dans la gestion des terres au Tchad, mais concrètement ne le reconnait pas. Les terres des individus considérées par l'Etat comme « vacantes et sans maîtres » en réalité ne corrobore pas avec nos réalités. Les terres en Afrique en général et au Tchad en particulier sont mise en valeur par les activités quotidiennes des acteurs. Ces mises en valeurs varient d'une personne à une autre, d'une tribu à une autre, d'une zone à une autre, etc. C'est ainsi que les experts de Land Cam apportent une lumière sur les différends fonciers en ce terme : « Nous proposons que ces mécanismes de règlement amiable des différends fonciers, préalable à la saisine du juge, soient mis en place, pour offrir une justice de proximité, appuyée sur les mécanismes étatiques. »174

3. Réaménager le CATZU et réouvrir l'OFT

La commission d'Attribution des Terres en Zones Urbaines selon plusieurs informateurs n'accompagne pas tous les acteurs dans le processus d'acquisition des terres au Tchad. Les membres de cette commission (les maires ; les délégués ; les ministres en charge de la question foncière) usurpent de leur titre pour se « faire de gombo » dans le dos des

173 MAHAMAT A.B, idem p.74

174 Land Cam, idem, p.8

106

personnes vulnérables. Or, l'objectif premier du gouvernement tchadien était de lutter contre les inégalités dans l'acquisition des terres, mais le CATZU vient faire une sorte de malhonnêteté en attribuant les terres aux gens ayant des poches bien garnis. A cet effet, la nécessité de réaménager cette commission s'imposer dans la mesure où l'actuelle commission est dans une mouvante capitaliste, négligeant les prolétaires au profit des bourgeois.

Aussi, selon le CATZU, les individus acquièrent les terres dans le milieu urbain tchadien en déposant une copie de la pièce d'identité et adresser une demande au directeur général dudit secteur, or pour la plupart les demandent déposées par les demandeurs des terres n'aboutissement pas. Il faut forcément avoir une « relation sûre » au service du cadastre pour espérer avoir une parcelle de terre. L'objectif de cette commission sembler passer de côté et créant ainsi une injustice dans l'attribution des terres. Une telle posture devrait selon nous, interpeller les décideurs publics qui ont la charge de régler les conflits liés à la terre. Malheureusement, les décideurs publics en tant que « bons bureaucrates » ne contentent de leurs bureaux en laissant de côté les réalités sociales présentes sur le terrain.

De plus, le fait que, le CATZU ne dispose pas une liste exhaustive des terres non occupées constitue un risque majeur dans les futures attributions des terres et, c'est ce qui explique la double attribution des terres aux demandeurs. Or, si le CATZU disposait d'une base de données foncière (BDF) unique, il devrait repartir les terres équitablement aux demandeurs quel que soit leur statut social, politique, religion. Les inégalités dans la gestion des terres par le CATZU causent des frustrations et constituent un épicentre de l'insécurité au Tchad.

De même, vu la prépondérance des litiges fonciers au Tchad en général et dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména en particulier, nous estimons qu'il serait préférable de ré-ouvrir l'OFT afin de mieux cerner ces fléaux. Au regard des objectifs fixés par cet organe, le foncier devrait être appréhendé dans sa globalité par tous les acteurs sociaux. L'un des objectifs visés par cet organe était d'enseigner les acteurs impliqués dans la gestion foncière à travers les cours théoriques et aussi pratiques dans les universités, les télévisions et les radios. A notre avis, cette vision semble être une option porteuse dans la mesure où elle implique les acteurs concernés dans la gestion foncière.

107

Tableau 6: Appréciations des enquêtés de la gestion foncière

Nature d'appréciation

Effectif

Total ?

Satisfaisant

10

100

Pas satisfaisant

70

Malgré nous

20

Source : enquête de terrain, octobre 2021

Graphique 2: Appréciations des enquêtés de la gestion foncière

70

60

50

40

30

20

10

0

Satisfaisant

pas

satisfaisant malgré nous

Source : enquête de terrain, octobre 2021

Il se dégage de ce graphique que les individus sont insatisfaits non seulement de la gestion actuelle du foncier dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména, mais aussi, des textes fonciers.

De même, il ressort aussi que, les textes fonciers du Tchad hérités de l'époque coloniale ne cadrent pas avec les réalités tchadiennes et aussi, ne prennent pas en compte toutes les aspirations sociales des individus. Par ailleurs, ces textes protègent les individus instruits au détriment de ceux illettrés, qui ne maîtrisent pas les enjeux liés à la sécurisation formelle de leurs terres.

Il semble à cet effet que, la réactualisation, voir l'adoption des textes dans le contexte tchadien pourrait permettre un climat foncier apaisé, au regard des tensions sociales omniprésentes liées au foncier dans presque toutes les régions du pays.La balance ci-dessous représente une vision modérée pour une gestion durable des terres.

108

La gouvernance foncière selon TCHAWA sous-tend plusieurs séquences et prend en compte les questions liées à :

· administration foncière,

· l'arsenal règlementaire

· aux procédures d'attribution,

· au transfert de propriété,

· la régulation du marché foncier,

· prélèvements des droits,

· de sécurisation,

· des indemnisations,

· de contrôle de l'atteinte à la propriété foncière

· de gestion des conflits fonciers...

· Comprend aussi les outils cadastraux les systèmes d'information foncière et domaniale175.

Au regard de son caractère complexe, plusieurs entités entrent en jeu en vue d'une meilleure administration foncière. Nous estimons que cette illustration siège avec le cas du Tchad ou les différentes variables ne sont pas mises en exergue au point où, seuls les acteurs instruis bénéficient d'une faveur foncière considérable. De même, il faut organiser d'une manière équilibrée les terres en faisant une répartition objective des terres sans se baser sur les « poids lourds » présents dans l'administration, mais trouver des stratégies pouvant permettre de mieux cerner les conflits fonciers en Afrique Subsaharienne en général et dans les milieux urbains tchadiens en particulier.

A cet effet, il faut que la nouvelle commission d'attribution des terres en zones urbaines, du moins celle réaménagée assure une planification spatiale afin de connaitre les terres occupées et/ou les terres libres. TCHAWA nous propose aussi cette vision de structuration équilibrée des espaces en Afrique qui prendra en compte le volet juridique,

175 TCHAWA P. (2021). « Séminaire Méthodologique en Ligne et en Présentiel pour Chercheurs Juniors Travaillant sur LE Foncier ». Optimisation de la qualité de la recherche et de l'offre de formation sur le foncier en Afrique Centrale : Acquis, défis et perspectives, Yaoundé, 6 & 7 Avril 2021, Réseau NELGA Afrique Centrale, p.27

109

économique, politique, culturel, etc. Ainsi, la planification des terres s'articule selon lui

comme suit :

La planification spatiale : objectif principal :

· une affectation équilibrée et

· cohérente des terres

· dans leurs dimensions

· écologiques, économiques,

· Sociales et culturelles.

· Ceci dans le respect des

· articulations scalaires

· territoriales et au

· regard des engagements

· Internationaux et aux enjeux Transnationaux.176

IV.LA CREATION DES CONDITIONS OPTIMALES

Les conflits fonciers au regard de leurs dimensions belliqueuses nécessitent une prise en compte de quelques aspirations des acteurs afin de mieux les cerner, les appréhender, et aboutir à des issues fiables. De même, la création des nouvelles foncières optimales contribuent sans cesse à l'instauration d'une stabilité sociale et foncière dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. A cet effet, plusieurs paramètres entrent en jeux. Néanmoins, les plus essentiels répertoriés dans les lignes et paragraphes de cette partie.

1. Renforcer les niveaux des Boulamat et les former sur le domaine foncier

Le grand danger qui survient souvent dans le premier arrondissement de N'Djaména est lié à l'ignorance des textes fonciers par les chefs gérants. Ces chefs pour la plupart ont hérité leurs postes de leurs parents. Ils sont cette forme d'autorité traditionnelle dont parle Max WEBER ; laquelle est propre aux sociétés traditionnelles. Il faut dire que, nos sociétés bien qu'urbain, gardent encore en elles les clichés de la paysannerie. Comme l'a noté ELA, les « villes » africaines sont des « gros villages ». C'est ainsi qu'en étant les auxiliaires de

176 TCHAWA P, (2021), idem, p.26

110

l'Etat, ces chefs gérants ont gardés en eux leurs valeurs traditionnelles sur les terres. Même si un chef ne possède aucun charisme pour manager les autres, il s'appuie sur sa tradition pour restaurer sa puissance sans crainte. C'est ainsi qu'une informatrice affirme en ce terme :

pourquoi laisser la gestion de la chose ci délicate aux individus qui ne savent rien du droit, pire encore du droit foncier ? L'Etat doit revoir ses décisions et prendre ses responsabilités. Si les terres l'appartiennent, les Boulamat ne sont que des citoyens comme les autres. Pourquoi l'Etat leur laisse cette latitude dans la gestion des terres ? Aussi, près que 90% des Boulamat ne sait ni lire la langue arabe ; ni la langue française ; pire encore écrire f...] ; il faut que l'Etat restructure son domaine de compétence pour une gouvernance foncière harmonieuse. 177

En analysant minutieusement ce propos, nous comprenons que l'Etat dans sa politique de la décentralisation a plutôt favorisé une catégorie d'individus illettrés. Cette décentralisation étatique a empiré davantage les problèmes auxquels les individus sont confrontés au quotidien. Au lieu de trancher les litiges fonciers opposant certains individus, les décisions de ces chefs gérants sont biaisées. Aussi, ces mêmes chefs orchestrent la vente illégale des terres ; morcèlent les terres des individus pour les revendre à d'autres individus. Comment comprendre donc cette posture.

De même, les Boulamat pour la plupart des cas ne sont pas instruit, mais veulent s'impliquer sur toutes les transactions foncières dans les milieux ruraux qu'urbains.178 Le mieux serai à cet effet, un renforcement des acquis de ces chefs gérants sur les notions de base en droit en général et en droit foncier en particulier. Aussi, les appuyer avec les notions du leadership et du management des personnes. Car, la grande partie de ces chefs ne connait pas trancher un problème d'une manière durable. Les problèmes qu'ils essaient de trancher se retrouvent souvent au tribunal ou finit par un soulèvement de la masse populaire mécontente de l'arbitrage de ces différends fonciers.

Aussi, le gouvernement doit doter les Boulamat des matériels nécessaires, lesquels le permettront de maîtriser les thématiques en rapport au foncier dans leur circonscription. Il (l'Etat) doit également les doter des outils nécessaires à une résolution durable des litiges. Les appuyer par des séances de formation sur le droit foncier ; l'aménagement du territoire ; la résolution des conflits ; la médiation impartiale des conflits ; mettre à leur disposition un plan réel d'occupation du sol en s'appuyant sur les contextes dans lesquels il (l'Etat) se déploie.

177 Entretien avec madame Zaraf Sadam au quartier Ardeptiman en octobre 2020

178 Enquête de terrain réalisée en septembre 2021

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2. Mettre sur pied d'un comité de recensement des litiges fonciers urbains

Le comité de recensement des litiges fonciers urbains son rôle consistera à jouer l'intermédiaire entre les acteurs impliqués dans les litiges fonciers et les autorités administratives. Ce recensement permettra au gouvernement de définir des feuilles de routes bien claires en rapport à l'acquisition des terres rurales qu'urbaines et aussi, aux instances d'arbitrages des litiges fonciers et aussi les solutions qu'il faut face à ces dangers que courent nos sociétés contemporaines urbaines.

A cet effet, les membres de ce comité doivent être les délégués des quartiers et les chefs des ménages les plus anciens résidants dans les quartiers. Il doit avoir une coordination des agents du cadastre et de la justice afin de déboucher vers de pistes nouvelles en rapport aux mesures adéquates face aux dangers « négligés ».

Le comité qui devra être mis sur pied doit être constitué des acteurs issus des milieux concernés par les problèmes fonciers et/ou par les acteurs présents dans les zones convoitées. Ils ne doivent pas être les « bureaucrates confirmés » qui ne maîtrisent pas les zones où ils doivent intervenir pour trancher les différends fonciers. L'Etat doit également mettre une rigueur dans le critère de constitution des membres de ce comité afin de trouver une meilleure issue et aussi, mieux cerner les litiges fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.

Par ailleurs, l'Etat doit effectuer une mission sérieuse d'audit et de suivi et évaluation de ce comité, laquelle le permettra d'effectuer une enquête de moralité sur la vie de tous les membres dudit comité afin de s'assurer que ces derniers ne soient des éventuels « metteurs d'essences » dans les problèmes auxquels les gens font face. Le critère de constitution des membres du comité doit être objectif et en fonction des attentes des habitants des localités choisies par cette équipe d'expert issus du « monde d'en bas » et/ou un jumelage d'expérience allant dans la même direction.

De même, l'Etat doit bien examiner les rapports que fournira ce comité afin de s'assurer de l'authenticité des faits et aussi d'un véritable travail de terrain dépourvu des biais. Car la plupart des litiges fonciers qu'on observe dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména sont occasionnés par le manque de la fiabilité, de confiance, de rigueur dans la prise des décisions par les autorités compétentes en charge de la gestion des questions foncières. Il est à notre avis, impératif d'analyser ces problèmes avec l'implication des acteurs concernés. Le plus souvent, relégués au second plan, ces acteurs négligés, méprisés

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deviennent des « activeurs des feux » dans les litiges opposant les leurs. C'est dans cette lancée qu'un informateur affirme :

l'Etat doit mettre sur pied un comité de résolution des litiges dans chaque arrondissement ; ledit comité doit être constituer par les habitants des quartiers concernés. Ce n'est pas bon de résoudre toujours ses problèmes en justice. Il faut qu'on réfléchisse très murement afin de penser à notre vie de demain... Nos enfants feront comment sans ce comité [...] ?179

Ainsi, le comité une fois mis en place jouera le rôle des enquêteurs sur les origines des conflits qui pourront dans le long terme constituer un drame pour nos sociétés contemporaines. Le mieux sera ici de prévenir le problème afin d'éviter des chaos sociaux. Nos sociétés faut-il encore le rappeler font déjà face à plusieurs problèmes lointains en occurrence les conflits intercommunautaires ; les conflits inter religions (les musulmans se convertissent rarement dans le christianisme à cause de leurs sociétés) ; les conflits idéologiques (liés à la prise de positions politiques) ; les conflits liés à l'intégration sociale et professionnelle ; les conflits armés, etc. Les conflits fonciers qui deviennent de plus en plus inquiétants constituent un impératif pour toute prise de décision quelconque. Car selon plusieurs informateurs, 90% des problèmes rencontrés au Tchad sont liés aux terres.

Au lac Tchad par exemple, les conflits au polder opposant les Boudouma au Kanembou, les Kanouri Boulala, les conflits opposant les éleveurs Peuls aux agriculteurs Moundang dans la Région du Mayo Kebbi Ouest, les conflits violents éleveurs-agriculteurs dans la Tandjilé, les conflits très meurtriers dans le Mandoul, Moyen Chari, Logone Occidental, etc., démontrent à quel point la terre est au centre de tous ces différends ci-cités. C'est ce qui fait dire au sociologue français, MENDRAS Henri que : « la terre c'est à la fois les champs, le métier [...] ; un paysan de souche paysanne doit être au milieu de ses terres. »180 Aussi, les paysans de souche ont « toujours soif de la terre [...]. »

Les problèmes rencontrés ont trait à la terre dans la mesure où, presque toutes les activités économiques au Tchad sont liées fortement au travail de la terre. Aussi, les industries présentes au Tchad sont des industries agroalimentaires qui fonctionnent à base des produits du secteur primaire. La terre est ici, au centre de toutes les préoccupations rurales et urbaines. Pour mieux cerner les contours de ces différends fonciers, il est évident de définir une « sérieuse politique » de gestion foncière qui prendre en compte les avis des acteurs concernés et aussi, qui viendra avec des solutions pouvant calmer les litiges. Le constat que nous faisons

179 Entretien avec monsieur Nodjiouassem Japhet à Zaraf en Octobre 2021

180 MENDRAS H. La fin des paysans, Edition Acte Sud, 1963, p.219

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c'est que les acteurs mécontents de l'arbitrage des problèmes les opposants aux autres partent se venger. Or, les instances étatiques mises sur pieds pour résoudre des éventuels litiges ne sont pas partial.

3. Sensibiliser les habitants du premier arrondissement de la ville de N'Djaména sur les enjeux lies a la sécurisation de leurs terres

L'idée de former, sensibiliser les individus impliqués dans la gestion foncière dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména semble être aussi une porte de sortie des crises foncières aiguës auxquelles les individus sont confrontés. Durant notre investigation, nous nous sommes appesantis sur la nécessité de sécuriser les terres par le titre foncier, mais la plupart des individus rencontrés dit de n'est pas connaître l'importance du titre foncier. Certains ajoutent en disant qu'on ne peut pas facilement avoir le titre foncier et aussi, le titre foncier est fait pour les hommes qui veulent construire des grosses villas. A ce niveau, l'appréhension du titre foncier comme une pièce maîtresse dans la sécurisation des terres rurales qu'urbaines semble échapper certaines catégories sociales. C'est ainsi qu'un informateur affirme :

que ferai-je avec le titre foncier ? [...] ; je ne peux pas chercher à avoir un titre foncier alors que mes maisons sont construites en terres noires [...]. Si je veux construire des villas, j'irai vor la procédure d'obtention du titre foncier. Sinon, peut-être un jour l'un de mes enfants aura l'audace de le faire. Je ne vois pas que le titre foncier ait une importance dans le terrain où il n'y a pas des grands investissements matériels. 181

Le propos de cet informateur montre à quel point le titre foncier est méconnu par certains individus dans le premier arrondissement de N'Djaména. Certains individus disent de n'avoir jamais parlé du titre foncier et pire encore que le titre foncier soit considéré comme une pièce maîtresse dans la gestion des terres. C'est ainsi que près de 80% des terres dans le premier arrondissement de N'Djaména ne sont pas sécurisées. Nous nous basons sur les informations fournies par près de 300 informateurs.

De plus, certains individus estiment que, le titre foncier c'est le maire qui doit l'offrir aux citoyens résidants dans sa circonscription administrative. Donc cette volonté de l'Etat tchadien de sécuriser de manière durable les terres par un titre foncier reconnu au guichet unique semble être mal perçue par la grande partie du premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Selon certains informateurs, la vraie sécurisation des terres se fait par mise en valeur à travers les plantes et aussi, le témoignage des voisins, c'est dire que les voisins diront

181 Entretien avec un habitant de Zaraf en octobre 2021

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que les terres appartiennent à tel monsieur ; telle dame. Mais à ce niveau, est-ce que le risque n'est pas grand. Au cas où certains voisins ne reconnaissent pas réellement que les terres appartiennent à tel monsieur ou telle dame, n'y a-t-il pas là des sérieuses confusions. Le mieux sera d'arrimer pour dans la procédure formelle de sécurisation des terres par le titre foncier. C'est dans cette lancée qu'un informateur affirme :

je sais que les voisins sont les témoins oculaires. Lorsque j'ai acheté mes terres, ils étaient là présents. Ce n'est pas à cause d'un petit papier que je perdrai mes terres. Aussi, j'ai déjà durée sur mes terres. Je suis ici sur ces terres depuis les années 1977. Je n'ai jamais eu des problèmes des terrains. Pensez-vous que je perdrai mes terrains ? [...] je dirai non ! J'ai 10 enfants et c'est ici qu'ils sont nés.182

La volonté de sécuriser les terres par l'Etat devrait impliquer les individus concernés dans le processus pour l'atteinte des objectifs escomptés. Cependant, au Tchad en général et dans le premier arrondissement de N'Djaména en particulier, l'Etat a mis de côté les individus résidants sur son territoire. Sinon, comment peut-on explique le fait que la grande partie de la population, les lettrés et les illettrés ne connaissent pas l'importance du titre foncier. Nous avons interrogé de plus 100 ménages sur l'importance du titre foncier, seulement 20 ménages reconnaissent la valeur dudit document. Est-ce là une sécurité des terres. Les 80 ménages ne constituent-ils pas un risque pour la distorsion du tissu social dans le long terme. L'Etat doit organiser les compagnes de sensibilisation sur les enjeux liés à la sécurisation des terres par le titre foncier.

Il se dégage donc de ces tendances que, le titre foncier en tant que pièce maîtresse qui garantit une sécurisation foncière durable des terres, demeure un luxe pour les tchadiens en général et les habitants du premier arrondissement en particulier.

De même, il faut que les décideurs publics et privés accompagnent l'Etat dans ce processus très délicat dans notre contexte où la tradition semble prendre le déçu du moderne ; aussi, dans le contexte où le nombre de lettrés n'excelle pas 60% de la population totale tchadienne.183 Aussi, il faut que l'Etat mette sur pied des commissions de sensibilisation dans toutes les 23 régions du Tchad afin d'impacter toutes les couches sociales par la nécessité d'avoir un titre foncier.

Par ailleurs, il faut que l'Etat mette sur pieds dans chaque arrondissement une agence pour recenser ; orienter ; former sur le foncier urbain qui devient de plus en plus très complexe. C'est ainsi qu'un informateur affirme :

182 Entretien avec Monsieur Nouradine à Amsinéné, novembre 2021

183 Source rapport de la Banque Mondiale de 2020

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l'Etat doit nous aider à connaître l'importance de certaines choses dans ce pays. A l'école, l'Etat doit nous instruire déjà sur tout ce qu'il faut faire pour avoir les terres. Sinon, comment pourrions-nous connaître. On n'a jamais fait les longues études pour connaître certaines choses, mais la moindre des choses serait cette implication de toutes les souches sociales à une décision. C'est même aujourd'hui que j'apprends que mes terres seront peut-être un jour prises par l'Etat par manque d'un simple papier [...J ; le titre foncier.184

L'Etat ne doit pas seulement appuyer les acteurs avec les formations dans le domaine foncier, mais animé les émissions sur l'importance de sécuriser ces terres et/ ou de la mise en valeur effective de leurs terres. Cette phase cruciale doit au centre de ses préoccupations afin d'impacter durablement toutes les couches sociales par les informateurs. La communication joue un rôle très important dans la réduction des litiges fonciers dans le monde en général et en Afrique en particulier.

A cet effet, les acteurs impliqués dans les transactions foncières doivent être informés, formés de toutes les affaires qui sont en rapport aux terres afin de préparer les préparer psychologiquement à une réaction adéquate sans risque majeur. Car comme le mentionne Ulrich BECK, nous sommes permanemment dans des situations des crises et qui nous laissent savoir que nous vivons du jour aux jours dans « les sociétés à risque » ; ces sociétés affectées non seulement par les intempéries (inondations ; fortes pluviométries ; secousses violentes des terres ; l'avancée du désert ; le terrorisme extrémiste ; et même les problèmes omniprésents des litiges fonciers en Afrique). Selon plusieurs informateurs, le problème crucial en Afrique est lié aux espaces des terres pour les activités économiques. C'est ce qui démontre davantage les conflits récurrents entre agriculteurs-éleveurs en Afrique de l'Ouest notamment au Niger, Mali, Burkina Faso, en Afrique de l'Est en Ethiopie et en Afrique Centrale au Tchad et au nord Cameroun.

Aussi, l'implication des acteurs concernés par les litiges dans le processus de prise des décisions formations et/ou leurs informations contribuent à la maîtrise des problèmes « cachés » ; « ignorés » ; « banalisés » ; « négligés », mais qui constituent les nerfs de tous les restes problèmes. Certaines tensions sociales observées de nos jours dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména expliquent tout simplement les crises foncières « mal gérées » ; « négligées » par les acteurs qui ont la charge de trancher les éventuels différends liés aux terres et/ou à toute transaction concernant l'espace des terres dans les milieux urbains tchadiens. Les crises actuelles démontrent à suffisance que les acteurs chargés

184 Entretien avec un maître tailleur à Djougoulié, Novembre 2021

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de gérer les terres sont soit juste des « bureaucrates confirmés » ; soit ne sont pas assez pour mieux cerner l'ampleur desdits problèmes.

4. Lutter contre la corruption

Le phénomène de la corruption constitue aussi un danger auquel les pays de l'Afrique subsaharienne e général et les habitants du premier arrondissement de la ville de N'Djaména. Ainsi, plusieurs acteurs sont impliqués dans le processus d'instrumentalisation des actes de corruption dans les milieux urbains tchadiens en occurrence les agents du service de cadastre, les mairies ; les délégués auprès des communautés urbaines ; les commandants de brigades ; la justice ; les chefs gérants (Boulamat). Plusieurs informateurs interrogés lors de notre investigation martèlent la « main cachée » de ces acteurs dans la corruption liée aux transactions foncières.

Notons aussi que, le continent africain perd près de 35 milliards de dollar annuellement dans l'importation des produits alimentaires. Selon le vice-président principal de la Banque Africain de Développement BOAMAH Charles, la corruption constitue une épine majeure dans l'évolution des sociétés africaines qui sont encore à un stade prématuré de leurs développements. Aussi, le dernier rapport du Centre Africain de Ressources Naturelles estime que près de 24 milliards de dollars en Afrique sont dilapidés malgré les atouts que renferment ce continent.

La corruption est donc un « danger chéri » par les autorités compétentes qui ont la charge de la gestion des terres dans les milieux urbains tchadiens. C'est ce qui explique la vente des terres d'autrui par les agents de l'Etat qui, sont sensé contribuer à l'éradication de ce fléau. Les sociétés africaines malgré les nombreuses richesses qu'elles possèdent croupissent dans les misères profondes à cause de la corruption, laquelle ne les permet pas d'atteindre l'autosuffisance alimentaire. Le véritable paradoxe se trouve dans cette inadéquation entre les ressources disponibles et les gestions non-efficientes par les autorités en charge des terres.

De même, selon ce rapport, 60 millions d'hectares vendus ou retirés aux individus par la complicité des chefs gérants qui usurpent de leur titre pour « compresser » les autres individus des couches sociales les plus vulnérables. L'incertitude liée à la sécurisation des terres des individus demeure ce « casse-tête » contemporain que rencontrent les sociétés en Afrique subsaharienne. L'expert de la Banque Africaine de Développement indexe aussi les promoteurs immobiliers, les spectateurs, mais aussi les personnes chargées d'administrer les terres, notamment les chefs traditionnels (Boulamat). Les chefs qui gèrent les terres sont

185 BOAMAH C. (2020). « 90% des terres restent sans titre foncier, le casse-tête Africain », in la presse hebdomadaire `'l'Essentiel», n°334, janvier-février 2020, p.8-9

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responsable de près de 60% de corruption en Afrique. Il met en lumière l'exemple de la corruption flagrant au République Démocratique du Congo (RDC) où près de la moitié des terres des acquéreurs locaux appartiennent aujourd'hui aux firmes internationales. Par ailleurs, selon les statistiques des Nations Unies, 60 millions d'hectares des terres des individus ont été retirées et/ou vendues entre les années 2009 et 2010. Ce rapport démontre à suffisance le danger omniprésent que rencontrent les sociétés africaines contemporaines, ce phénomène de la corruption.185

La lutte contre ce phénomène omniprésent dans près que tous les secteurs au Tchad doivent être une affaire de tous les acteurs. Surtout dans le domaine foncier où les individus vulnérables payent les « pots de vins » pour espérer avoir un petit espace de terres. L'Etat doit mettre sur pied un numéro vert pour traquer ces individus déviants sans exception. Mais le constat que nous faisons est que certaines catégories des personnes au vue de leurs statuts sociaux, professionnels, religieux, de leurs capitaux politiques bénéficient d'une « couverture lourde » des agents de l'Etat. Les couches sociales les plus vulnérables se trouvent lésées à leur propre sort et ont souvent une peur de ces catégories énumérées, car ils ne pourront jamais gagner un procès au tribunal contre ces individus qui ont des « lourds calibres » sociales et relationnelles diversifiés. L'Etat prend souvent des décisions que les citoyens tchadiens apprécient, mais concrètement sur les terrains, ces lois ne sont pas appliquées, elles sont gardées dans les tiroirs des ministères et ne servent plus à rien.

Pa ailleurs, dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména il existe un réseau des malfaiteurs entretenus par les agents de la gendarmerie à ciel ouvert. Les membres de ce réseau s'impliquent dans près que toutes les transactions urbaines y compris les transactions foncières. Connaissances les rouages de la justice, sur la base de leurs relations diversifiées avec les procureurs, les magistrats, les greffiers, les officiers des polices judiciaires (OPJ), etc. sabotent tout processus judiciaire entrepris par les « laissés pour compte ». A ce niveau, il existe une grande marge d'inégalité sociale entre les acteurs, laquelle « chérie », « entretenue » par les autorités sensées faire valoir la loi. Le Tchad sombre depuis lors dans les divers conflits observés à cause de la « mauvaise foi » des autres qui veulent remplir leurs poches et subvenir aux besoins de leurs familles. Nous avons vu le cas où les problèmes de terrains opposaient un général de l'armée de terre à un éleveur, lesdits problèmes ont tournés à la faveur du général de l'armée.

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Nous estimons à cet effet que, les « laissés pour compte » pourront constituer un danger sécuritaire dans le long terme dans la mesure où, ils constitueront entretemps un réseau solide et leurs actes pourront déboucher par des réclamations populaires. C'est ce qui explique depuis lors les diverses manifestations des uns au sud du pays contre l'injustice faite par les gouverneurs à l'égard des agriculteurs qui ont vu leurs champs dévastés par les troupeaux des boeufs, chèvres, moutons appartenant aux « personnes intouchables ». Les « intouchables » ici peuvent être les gouverneurs (les gouverneurs au Tchad sont des généraux de l'armée) ; les préfets et les sous-préfets ; les ministres et les plus courants sont les individus issus du même clan que le président de la république. Les lauréats de l'Ecole Nationale d'Administration on ne sait où ils travaillent.

La corruption fait qu'on espère plus un service rendu gratuitement au Tchad au point pour déposer les demandes d'attributions des terres au CATZU, il faut forcément débourser une somme d'argent afin d'espérer un minimum de service. De même, pour gagner le procès en justice, il faut simplement avoir d'argent.

De même, la corruption s'explique au niveau du service du cadastre et de CATZU par le phénomène de la « double attribution » des terres aux individus et aussi par l'existence des doubles, voire trois titres fonciers sur une seule et même parcelle des terres. Les gens s'achètent les places dans ces services étatiques pour se construire une vie sociale aisée. L'Etat en tant que garant de l'ordre cède à la spéculation de ces agents sans les traquer et envoyer au tribunal. C'est ce qui explique selon plusieurs informateurs, la prépondérance des conflits fonciers au Tchad en général et dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména en particulier. Déjà, MFEWOU a mentionné ces pratiques en 2010 dans son ouvrage à partir de l'expérience camerounaise autour de la Bénoué où le SAIB et les migrants ont eu des tensions graves. Nous pensons que la corruption doit être éradiquée par tous les moyens afin de permettre une stabilité sociale au Tchad et aussi permettre à ce « pays pauvre » de s'éveiller.

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CONCLUSION PARTIELLE

Au terme de ce chapitre, il ressort que, les espaces des terres urbaines mal gérées et les conflits fonciers mal tranchés constituent une perte pour le pays. Ainsi, les luttes contre la corruption, le trafic d'influence et la partialité des responsables dans la gestion des conflits amplifient davantage les tensions foncières dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména. De même, le manque des structures pour assurer la réparation équitable des terres, les processus de destruction des terres et, le manque d'une politique d'urbanisation générale fait que les individus construisent des maisons de façon anarchiques et occupent le domaine de l'Etat.

CONCLUSION GENERALE

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Le thème de notre recherche porte sur « Les Boulamat et les conflits fonciers en milieu urbain tchadien: cas du premier arrondissement de la ville de N'Djaména».

Le gouvernement tchadien en application des différentes lois qui régissent le fonctionnement du foncier au Tchad, c'est-à-dire la loi n°23 du 22 juillet 1967, portant statut des biens domaniaux ; la loi n°24 du 22 juillet 1967, sur le régime de la propriété foncière et des droits coutumiers, titre 1 : article 15, alinéa 2, stipule que : « l'Etat peut immatriculer à son nom les terres vacantes et sans maître »186; la loi n°25 du 22 juillet 1967, sur la limitation des droits fonciers, article 1, « nul ne peut être privé de la propriété des immeubles ou de l'usage du sol, sans que l'intérêt public l'exige, qu'il y ait indemnisation et que les dispositions légales soient appliquées.187

En effet, ces différentes lois montrent que l'Etat est le garant de toutes les terres et jouit des prérogatives de leur gestion. En tant que seul et unique gestionnaire avéré, l'Etat a institué le principe de la détention du titre de propriété qui donne à un individu, non seulement l'autorisation de possession légale de terre, mais aussi la possibilité de faire des investissements sans risque d'expropriation et au-delà réduire au maximum les litiges fonciers sur l'étendue du territoire national.

En dépit de toutes ces mesures entreprises par le gouvernement tchadien, l'on assiste plutôt à une recrudescence des litiges fonciers. Le problème que soulève la présente réflexion est celui de l'ingérence des Boulamat dans l'implémentation des différends fonciers. Autrement dit, comment comprendre et expliquer que ces chefs traditionnels soient devenus les instigateurs ou ceux mêmes-là qui orchestrent le désordre autour du foncier.

La question qui a servi de fil conducteur à notre analyse a été formulée comme suit : Comment comprendre et expliquer que les « Boulamat » qui sont sensés établir la paix et l'harmonie entre les populations s'érigent en instigateurs des tensions foncières ? En d'autres termes, comment rendre compte des actions des « Boulamat » sur le foncier ? En d'autres termes, comment rendre compte des actions des « Boulamat » sur le foncier ?

Pour répondre à ce questionnement, nous avons formulé l'hypothèse ci-après : la recrudescence des litiges fonciers observés en zone urbaine tchadienne tire leurs sources de la spéculation foncière organisée par les « Boulamat ». En réalité, les « Boulamat » chargés de la

186 Banque Tchadienne de Données Juridiques(2004), « Le droit foncier par les textes: recueil de textes sur le foncier au Tchad», N'Djaména, CEFOD, Imprimerie du Tchad, p.12

187 Banque Tchadienne de Données Juridiques(2004), idem, p.24-30

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gestion et la répartition des terres lignagères se servent de leur position pour s'en accaparer aux fins d'exploitations commerciales. Ce qui suscite inéluctablement des réactions contestataires et des tensions vives.

Notre démarche méthodologique a été particulièrement inspirée par deux principales grilles théoriques d'analyse à savoir : l'interactionnisme symbolique de H. BLUMER et l'acteur stratégique de M. Crozier.

La première nous a paru intéressante dans la mesure où, elle nous a permis de réaliser que la réalité sociale est révélée dans les échanges entre les différents acteurs notamment les « Boulamat » et la masse.

La seconde par contre nous a permis de comprendre l'acteur social comme un stratège subtil qui, se sert de sa position pour assouvir ses intérêts.

Pour rassembler le matériau de terrain, nous avons mobilisé les discussions de groupes, les entretiens et le questionnaire.

Dans le cadre de la présente réflexion, trois (03) grandes tendances se dégagent de l'analyse de nos prédécesseurs. La première tendance s'oriente sur l'origine des conflits fonciers ; la seconde sur les gestions discriminatoires des terres en Afrique en général et au Tchad en particulier et la troisième sur les perspectives des résolutions des conflits fonciers.

Toutefois, ces études se sont avérées insuffisantes sur l'implication des chefs traditionnels dans les commercialisations des terres dans le milieu urbain. C'est ainsi que, suite aux travaux antérieurs qui ont traité la question foncière, le présent travail suit cette logique, mais met un accent particulier sur « l'implication des chefs traditionnels dans le processus de commercialisation de terres, les stratégies qu'ils développent au quotidien en vendant des espaces d'autrui ».

Les résultats de cette étude montrent que l'accroissement des litiges fonciers urbains à N'Djaména est entretenu par les « Boulamat » qui profitent de leur statut pour vendre de manière informelle les terres appartenant non seulement à la communauté, mais aussi l'Etat.

Ainsi, ils dégagent quelques proportions relatives à l'implication des différents acteurs dans la gestion des terres. De manière plus précise, il s'avère que 60? des litiges fonciers sont lié à l'immixtion des Boulamat dans le processus de vente des terres appartenant au domaine national, privé et aussi, de la vente multiple d'une parcelle des terres à plusieurs individus.

Ainsi, toutes les hypothèses émises ont été confirmées. L'hypothèse principale était : La recrudescence des litiges fonciers observés en zone urbaine tchadienne tire leurs sources

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De même, il en résulte que, 20% des différends fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména sont liés aux manques de compétence des autorités administratives.

En d'autre terme, 10% des différends fonciers sont dû aux non-respects des textes fonciers tchadiens. Il existe généralement selon les enquêtés les textes sur le foncier au Tchad qui définissent clairement les modalités d'accès au sol, le processus d'immatriculation et aussi une sécurisation durable des terres. Néanmoins, il se dégage que certains individus pour des intérêts égoïstes contournent les textes fonciers pour occuper non seulement le domaine de l'Etat, mais aussi celui des particuliers.

Par ailleurs, il ressort que, 5% des conflits fonciers sont liés aux morcellements des terres d'autrui par leurs voisins. Généralement, les voisins les plus proches vendent les terres des autres à leur absence. Aussi, lorsqu'ils remarquent une non mise en valeur des terres pendant une période de deux(02) à trois(03) ans, ils procèdent au morcellement et au déplacement des bornes dans l'optique d'augmenter la superficie de leur parcelle.

Enfin, 5% des différends fonciers sont liés à la flexibilité lors des règlements des conflits. En effet, certains acteurs sociaux ne respectent pas les clauses signées lors de règlement des conflits. Généralement, certains individus cherchent à tout prix autre alternative pour espérer un gain de cause. Cette attitude plonge davantage les différentes parties prenantes dans des sérieuses crises foncières.

En outre, les résultats obtenus révèlent que les femmes sont peu actives dans non seulement la gestion des terres, mais aussi dans le processus d'acquisition, d'achat des terres urbaines que rurales. Dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména, 93% des terres appartiennent aux hommes et 7% aux femmes.

En effet, l'analyse qui se dégage de ces proportions est que, les hommes au nom de leur tradition s'affirment totalement en tant qu'acteurs centraux de la gestion foncière. Ce qui fait qu'ils usent de tous leurs pouvoirs pour écarter les femmes de la gestion, d'achat des terres. Les femmes ignorées, écartées de la gestion des terres se voient stigmatiser et cachent le désir d'être propriétaires des terres. Il s'avère aussi que, les traditions tchadiennes pour la plupart décentrent les femmes en tant qu'héritière des terres.

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de la spéculation foncière organisée par les « Boulamat ».

Les résultats obtenus révèlent que, les « Boulamat » usurpent de leur titre et statut pour changer les directions des rues destinées à l'utilité publique, vendent les terres du domaine national aux individus, morcellent les terres des autres, et organisent les ventes multiples d'une parcelle à plusieurs individus. Cette réaction des « Boulamat » a donc créée des confusions entre les acteurs. Ces confusions se symbolisent par des rides conflits autour des terres dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména.

Ainsi, les terres au regard des enjeux qu'elles renferment sont les lieux des luttes antagonistes et stratégiques qui se soldent par les pertes en vies humaines, la destruction des biens matériels. Les individus victimes se retrouvent dans les rues sans un abri, cette situation a donc créée eu un impact social, économique et politique.

De plus, les conséquences de ces litiges sont : sociales, politiques, économiques, culturelles. Les mécanismes mise en place dans le cadre de résolution de ces différends sont : la révision des textes fonciers, la réouverture de commission d'attribution des terres en zones urbaines, la formation des Boulamat sur les droits fonciers, la lutte contre la corruption, la formalisation de la vente des terres.

Dans la première partie, le chapitre premier met un accent sur les enjeux qui gravitent autour des terres dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména et les acteurs impliqués dans la gestion des terres. Le chapitre deuxième par contre met en relief les déterminants des conflits fonciers et les conséquences issues de ces derniers.

Enfin, la deuxième partie met l'emphase sur les instances d'arbitrage des litiges fonciers et les mécanismes mis en place afin de mieux appréhender ces conflits fonciers. Les tendances qui se dégagent d'après les informateurs est que, les individus avant d'atteindre les institutions judiciaires pour l'arbitrage de leurs différends, font d'abord recours à leurs voisins les plus proches. Cette manière de trancher les crises foncières est celle dite à la muable. Néanmoins, l'insatisfaction conduit le plus souvent les individus impliqués dans les crises foncières en justice.

Par ailleurs, la plupart des individus qui part en justice se dit confus par la partialité des chefs qui arbitrent les différends qui les opposent aux autres. Selon eux, le seul endroit qui semble un peu impartial est la justice. C'est d'ailleurs se secours à la justice se dégage clairement d'après les résultats de cette recherche. 85? des litiges fonciers en milieu urbain tchadien en général et dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména en particulier

125

se tranchent en justice. 10% dans les brigades par les CB et seulement 5% à la muable.

En ce qui concerne l'intérêt de cette réflexion, elle ouvre une nouvelle voie dans le contexte tchadien vers une sociologie de gestion des ressources foncières. Plus précisément, le présent travail est une contribution à la sociologie de questions foncières en milieu urbain.

Toutefois, ce travail ne saurait prétendre à la perfection totale, moins encore à l'atteinte de toutes les couches sociales concernées par les litiges fonciers. Au sens large, l'enrichissement de cette réflexion consisterait à faire des nouvelles analyses plus approfondies sur les mécanismes d'arbitrage des litiges fonciers, et le processus d'acquisition des terres dans le milieu urbain et rural tchadien.

A cet effet, Il parait judicieux d'étendre cette thématique sur tous les arrondissements de la ville de N'Djaména afin de mieux cerner ce fait « foncier » dans le contexte urbain tchadien.

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127

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Http : // www.africalandpolicy.org,(consulté le 16 septembre 2021, 14H00 munite) ;

ANNEXES

135

Annexe 1 : Questionnaires administrés aux habitants du 1er arrondissement Bonjour Monsieur !

Je m'appelle LOGAM LAWANE, je suis un étudiant inscrit en master 2, sociologie à l'Université de Yaoundé I. Dans le cadre des exigences universitaires, il nous ait demandé de rédiger à la fin de cycle de master un mémoire de master. Le thème de ce travail est : « La problématique des litiges fonciers en milieu urbain : cas du premier arrondissement de la ville de N'Djaména(Tchad) Pour la réussite de cette recherche, je sollicite votre participation à ces questionnaires. Je vous garantis par ailleurs, l'anonymat, les informations recueillies seront utilisées essentiellement pour des fins académiques.

Merci de répondre !

SECTION A : Identification des enquêtés

Noms et prénoms : (facultatif)
Sexe : Masculin

Féminin

Quartier :(facultatif)
Q.101.Quel est votre statut social ?

R.101. Etudiant

R.102 Agriculteur

R.103 pêcheur

R.104

commerçant

R.105. R.106

maçon ouvrier

R.107. Enseignant

R.108 Autres

Q.102.Quel est votre statut matrimonial ?

R.109. R.110

Marié Célibataire

R.111 Divorcé

R.112

veufs/veuves

Q.101.Quels âges avez-vous ?

R.113. R.114. R.115. R.116. R.117. R.118.

21-28 ans 28-38 38-48 48-58 58-68 68 ans à

ans ans ans ans plus

Q.102.Depuis combien d'années habitez-vous cet arrondissement ?

R.119. 1-6 ans

R.120 6-11ans

R.121. 11-16ans

R.1.22 16-21ans

R.123. 21ans plus

R.124 68ans à plus

Q.103.Quelle activité économique pratiquez-vous ?

R.125.Agriculture R.126.Elévage

136

R.127.pêche

R.128.Fabrications des briques R.129.Commerce général

R.130.Autres précisez

Q.104.Cette activité vous permet-elle de subvenir au besoin de votre famille ?

R.131.Oui R.132.Non R.133.Oui mais pas totalement

Q.105.Sinon,quelle autre activité économique pratiquez vous ?

SECTION B : nature des conflits entre les individus

Q.201. Etes-vous quelque fois en conflits avec vos voisins à cause des terres ?

R.201. Oui R.202.Non

Q.202.Si oui, pourquoi ?

R.203. morcellement de terre R.204.déplacement de la borne R.205. vente clandestine des terres
Q.203.Etes-vous en conflits avec les Boulamat ?

R.206. Oui R.207.Non

Q.204.Si oui, pourquoi ?

R.208. morcellement de terre R.209.déplacement de la borne R.210. vente clandestine des terres
Q.205.Selon vous, comment se manifestent ces conflits ?

R.305.autres

R.211.violent R. 212.très violent R.213.verbal R.214.tensions sociales R.215.autres
SECTION C : résolution des conflits

Q.301.Comment les conflits fonciers sont-ils résolus ?

R.301.en justice R.302.par les Boulamat R.303.par les CB R.304.par les parties

concernées

Q.302.Nommez les causes de la récurrence des conflits dans votre arrondissement

R.306. Complaisance des Boulamat

R.307. Manque des compétences des autorités administratives

R.308.

Non application de la loi foncière

R.309. Flexibilité lors du règlement des conflits

R.310. Déplacement des bornes par les individus

R.311. La falsification des documents administratifs

R.312. Manque d'un plan d'urbanisme

137

Q.303.Etes-vous satisfait avec la gestion actuelle des ressources foncières dans votre arrondissement ?

R.313.

content

R.314. très content

R.315. Malgré nous R.116. acceptable

R.317.

pas satisfaisant

R.318. un peu content

Q.304.Selon vous, comment faire pour prévenir les litiges fonciers dans votre arrondissement ?

R.319. former les Boulamat

R.320. lutter contre la corruption

R.321. harmoniser les textes sur le foncier

R.322. sensibiliser la population sur les enjeux fonciers

R.323. formaliser la vente des terres

R.324. mettre sur pieds un organe de gestion des terres efficaces

R.325. mettre sur pieds un plan d'occupation du sol

Numéro de la fiche :

Merci pour votre disponibilité !

Q.6.Quelles solutions préconisez-vous afin de limiter les litiges fonciers dans la ville de N'Djaména ?

138

Annexe 2: Guide d'entretien administré au délégué provincial de la ville de N'Djaména sur les modalités d'acquisition des terres; les causes et les conséquences des litiges fonciers au Tchad.

Bonjour Monsieur !

Je suis LOGAM LAWANE, Etudiant en Master 2 Sociologie à l'Université de Yaoundé I(Cameroun). Je mène une recherche sur : « la problématique des litiges fonciers dans le milieu urbain : cas du premier arrondissement de N'Djaména(Tchad) ». A cet effet, je souhaiterai vous poser quelques questions en rapports aux litiges afin de mieux approfondir mes connaissances sur cette question. Les réponses obtenues au cours de cet Entretien seront exclusivement utilisées à des fins académiques. Je vous garantis par ailleurs l'anonymat.

I.IDENTIFICATION DE L'ENQUETE

1. Noms et Prénoms :

2. Statut social :

3. Statut matrimonial :

4. Lieu de résidence:

5. Age :

II.QUESTIONS EN RAPPORT AUX MODALITÉS D'ACQUISITION DES TERRES Q.1.Etes-vous titulaire d'une parcelle de terre ?

Q.2.Si oui, comment avez-vous acquis cette parcelle ?

III.QUESTIONS EN RAPPORT AUX CAUSES DES LITIGES FONCIERS DANS LA VILLE DE N'DJAMÉNA

Q.3.Avez-vous été confronté un jour à un problème de terrain ? Q.4.Si oui, comment avez-vous fait pour trancher ces problèmes ?

Q.5.Selon vous en tant qu'expérimenté du domaine, quelles peuvent être les conséquences de ces problèmes fonciers dans votre circonscription administrative ?

139

IV.QUESTIONS EN RAPPORT À LA CONNAISSANCE DES TEXTES FONCIERS Q.7.Selon vous, les textes existants au Tchad sur le foncier sont-ils respectés par les acteurs ?

Q.8.Si oui, pensez-vous que ces textes assurent-ils suffisamment les droits d'accès au foncier des citoyens tchadiens ?

Q.9.Si non, quelles sont les voies qu'empruntent ces citoyens en cas d'échec desdits textes ?

Q.10.Quelles impressions avez-vous de la gestion actuelle des litiges fonciers dans le milieu urbain au Tchad ?

Merci pour votre disponibilité.

140

Annexe 3: Guide d'entretien administré aux administrateurs civils sur les modalités d'acquisition des terres; les causes et les conséquences des litiges fonciers au Tchad.

Bonjour Monsieur !

Je suis LOGAM LAWANE, Etudiant en Master 2 Sociologie à l'Université de Yaoundé I(Cameroun). Je mène une recherche sur : « la problématique des litiges fonciers dans le milieu urbain : cas du premier arrondissement de N'Djaména(Tchad) ». A cet effet, je souhaiterai vous poser quelques questions en rapports aux litiges afin de mieux approfondir mes connaissances sur cette question. Les réponses obtenues au cours de cet Entretien seront exclusivement utilisées à des fins académiques. Je vous garantis par ailleurs l'anonymat.

I.IDENTIFICATION DE L'ENQUETE

1. Noms et Prénoms :

2. Statut social :

3. Statut matrimonial :

4. Lieu de résidence :

5. Age :

II.QUESTIONS EN RAPPORT AUX MODALITÉS D'ACQUISITION DES TERRES Q.1.Etes-vous titulaire d'un terrain dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména ? Q.2.Si oui, comment avez-vous acquis ce terrain ?

III.QUESTIONS EN RAPPORT AUX CAUSES DES LITIGES FONCIERS DANS LA VILLE DE N'DJAMÉNA

Q.3.Avez-vous été confronté un jour à un problème de terrain ? Q.4.Si oui, comment avez-vous fait pour trancher ces problèmes ?

Q.5.Selon vous en tant qu'expérimenté du domaine, quelles peuvent être les conséquences de ces problèmes fonciers dans votre circonscription administrative ?

Q.6.Quelles solutions préconisez-vous afin de limiter les litiges fonciers dans la ville de N'Djaména ?

141

IV.QUESTIONS EN RAPPORT À LA CONNAISSANCE DES TEXTES FONCIERS Q.7.Selon vous, les textes existants au Tchad sur le foncier sont-ils respectés par les acteurs ?

Q.8.Si oui, pensez-vous que ces textes assurent-ils suffisamment les droits d'accès au foncier des citoyens tchadiens ?

Q.9.Si non, quelles sont les voies qu'empruntent ces citoyens en cas d'échec desdits textes ?

Q.10.Quelles impressions avez-vous de la gestion actuelle des litiges fonciers dans le milieu urbain au Tchad ?

Merci pour votre disponibilité.

142

Annexe 4: Guide d'entretien administré aux habitants du premier arrondissement de la ville de N'Djaména sur les modalités d'acquisition des terres; les causes et les conséquences des litiges fonciers au Tchad.

Bonjour Monsieur !

Je suis LOGAM LAWANE, Etudiant en Master 2 Sociologie à l'Université de Yaoundé I(Cameroun). Je mène une recherche sur : « la problématique des litiges fonciers dans le milieu urbain : cas du premier arrondissement de N'Djaména(Tchad) ». A cet effet, je souhaiterai vous poser quelques questions en rapports aux litiges afin de mieux approfondir mes connaissances sur cette question. Les réponses obtenues au cours de cet Entretien seront exclusivement utilisées à des fins académiques. Je vous garantis par ailleurs l'anonymat.

I.IDENTIFICATION DE L'ENQUETE

1. Noms et Prénoms :

2. Statut social :

3. Statut matrimonial :

4. Lieu de résidence :

5. Age :

II.QUESTIONS EN RAPPORT AUX MODALITÉS D'ACQUISITION DES TERRES Q.1.Etes-vous titulaire d'une parcelle de terre ?

Q.2.Si oui, comment avez-vous acquis cette parcelle ?

III.QUESTIONS EN RAPPORT AUX CAUSES DES LITIGES FONCIERS DANS LA VILLE DE N'DJAMÉNA

Q.3.Avez-vous été confronté un jour à un problème de terrain ? Q.4.Si oui, comment avez-vous fait pour trancher ces problèmes ?

Q.5.Selon vous en tant qu'expérimenté du domaine, quelles peuvent être les conséquences de ces problèmes fonciers dans votre circonscription administrative ?

Q.6.Quelles solutions préconisez-vous afin de limiter les litiges fonciers dans la ville de N'Djaména ?

143

IV.QUESTIONS EN RAPPORT À LA CONNAISSANCE DES TEXTES FONCIERS Q.7.Selon vous, les textes existants au Tchad sur le foncier sont-ils respectés par les acteurs ?

Q.8.Si oui, pensez-vous que ces textes assurent-ils suffisamment les droits d'accès au foncier des citoyens tchadiens ?

Q.9.Si non, quelles sont les voies qu'empruntent ces citoyens en cas d'échec desdits textes ?

Q.10.Quelles impressions avez-vous de la gestion actuelle des litiges fonciers dans le milieu urbain au Tchad ?

Merci pour votre disponibilité !

144

Annexe 5 : Attestation de recherche de l'Université de Yaoundé 1

145

Annexe 6 : Autorisation de recherche de la commune du 1er arrondissement de

N'Djaména

146

Annexe 7 : Liste des personnes enquêtées

NOMS ET PRENOMS

STATUT SOCIAL

AGES

DATE

D'ENTRETIEN

1.

ABDOULAYE ISSAKHA

ELEVEUR

45 ans

06/10/2021

2.

ACHERIF MAHAMAT

BACHAR

Délégué provincial de la

ville de N'Djaména

40 ans

25/08/2021

3.

ALHADJ

Enseignant

42 ans

15/2021

4.

HOUSSOUCK CLEMENT

Technicien de l'aviation

civile

42 ans

01/10/2021

5.

AMOS LAWANE

Enseignant

45 ans

05/11/2021

6.

ATCHENEM

Enseignant

46 ans

12/11/2021

7.

BICHARA RAMAT

Commerçant

32 ans

03/09/2021

8.

DASIDI SALMATNA

Enseignant

49 ans

12/10/2021

9.

DJIFIDA CLARISSE

Ménagère

36 ans

06/11/2021

10.

DJIMET ALI

Militaire

43 ans

13/09/2021

11.

DOUSKREO JACQUES

Enseignant

44 ans

17/10/2021

12.

FADINE ROBERT

Enseignant

44 ans

17/08/2021

13.

FATIME ALI

Commerçante

30 ans

02/08/2021

14.

FATIME DJABAR

Ménagère

32 ans

10/11/2021

15.

FOKSIA HINIMBI

Ouvrier

32 ans

16/09/2021

16.

HALIME SADAM

Ménagère

40 ans

20/09/2021

17.

HOUMASSOU GASTON

Rétraité

55 ans

09/09/2021

18.

MAHAMAT MISKINE

Eleveur

26 ans

02/10/2021

19.

MASRANGAR NODJIGOTO

Rétraité

68 ans

18/10/2021

20.

MBAÏ-ASRA BRUNO

Rétraité

65 ans

09/11/2021

21.

MONONTA JUDITH

Enseignante

41 ans

20/10/2021

22.

MOUSTAPHA IDRISS

Maçon

50 ans

08/09/2021

23.

NDROMA ETIENNE

Serviteur de Dieu

48 ans

14/10/2021

24.

NEMBE JUSTIN

Administrateur Civil

44 ans

18/09/2021

25.

NODJIRESNGAR MATHIEU

Pêcheur

52 ans

10/10/2021

26.

OUAÏDING

Maçon

29 ans

07/11/2021

27.

OUAÏDOU

Technicien

38 ans

10/10/2021

28.

SAHAD

Enseignant

38 ans

26/10/2021

29.

TITUS GABDOU

Gestionnaire

46 ans

13/10/2021

30.

TOG-ALLAH ALAIN

Tailleur

70 ans

15/11/2021

147

Autres annexes 8: extrait du journal hebdomadaire « L'ESSENTIEL »

148

Autres annexes 9: extrait du journal hebdomadaire « L'ESSENTIEL »

149

Autres annexes 10 : extrait du journal hebdomadaire `'L'INFO»

150

Annexe 7: extrait du journal `'LE PROGRES»

151

TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE i

DEDICACE ii

REMERCIEMENTS iii

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS iv

TABLE DES ILLUSTRATIONS vi

GLOSSAIRE vii

RESUME viii

ABSTRACT ix

INTRODUCTION GENERALE 1

I. CONTEXTE ET JUSTIFICATION 2

1. Les raisons empiriques 2

2. Les raisons épistémologiques 2

II. PROBLEME DE RECHERCHE 4

III. PROBLEMATIQUE 5

IV. LES QUESTIONS DE RECHERCHE 14

1. La question principale 14

2. Les questions secondaires 14

V. LES HYPOTHSES DE RECHERCHE 14

1. Hypothèse principale 15

2. Hypothèses secondaires 15

VI.OBJECTIFS DE RECHERCHE 15

VII. METHODOLOGIE 16

1. Les principales théories 17

2. Interactionnisme symbolique 17

3. La théorie de l'analyse stratégique 18

4.

152

Les techniques de collecte données 19

5. Les techniques d'analyse de données 20

7. L'entretien 21

8. L'entretien semi directif 22

9. Le focus group 22

10. Analyse et traitement des données collectées 23

11. La technique quantitative 24

VIII. DEFINITION DE CONCEPTS 25

1. Conflit 25

2. Le foncier 26

3. Ville 26

IX. PLAN DU TRAVAIL 27

PREMIERE PARTIE: ACTEURS ET LES ENJEUX DU FONCIER DANS LE

PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA 28

CHAPITRE I: LES ACTEURS DU FONCIER ET LES STRATEGIES DE

SECURISATION DES TERRES 29

I. LES ACTEURS DU FONCIER ET LES STRATEGIES DEVELOPPEES POUR

L'ACCAPAREMENT ET LA SECURISATION DES TERRES 30

1. L'ETAT : PREMIER ACTEUR DU FONCIER 30

2. Décentralisation foncière 31

2. Les Boulamat 34

II. LES ACTEURS NON INSTITUTIONNELS 35

1. Les propriétaires provisoires 35

2. Les propriétaires qui poursuivent des stratégies définitives 35

3. Les propriétaires qui poursuivent des stratégies spéculatives 36

4. Les locataires 36

5. Les locataires travailleurs 36

6.

153

154

Les « intouchables » 37

7. Les agriculteurs 38

8. Les éleveurs 41

9. Les fabricants de briques 43

10. Les ramasseurs des sables 46

11. Les pêcheurs 46

III. LES STRATEGIES DEVELOPPEES PAR LES ACTEURS DANS LE PREMIER

ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA 49

1. Les stratégies des chefs gérants (Boulamat) 49

2. Sur le plan traditionnel 50

3. Sur le plan administratif 50

4. Les colonisateurs 50

IV. LES STRATEGIES DES OCCUPANTS 51

1. Les acteurs prioritaires 51

2. Les agriculteurs et les éleveurs 52

3. Les pêcheurs 52

4. Les populations 52

5. Les ONG et les opérateurs économiques 53

CHAPITRE II: LES ENJEUX FONCIERS DANS LE PREMIER ARRONDISSEMENT

DE LA VILLE DE N'DJAMENA 54

I.LES ENJEUX DU FONCIER DANS LE PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA

VILLE DE N'DJAMENA 55

1. Les enjeux politiques du foncier 55

2. Enjeux juridique du foncier dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména

57

3. Les enjeux symboliques du foncier 59

4. Les enjeux démographiques 62

5. Les enjeux environnementaux 63

6. Les enjeux épistémologiques 64

7. Les enjeux économiques 65

8. Les enjeux sociaux 66

DEUXIÈME PARTIE: LES FACTEURS EXPLICATIFS DES LITIGES FONCIERS DANS LE PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA ET LES

INSTANCES D'ARBITRAGES DES LITIGES 69

CHAPITRE III: LES FACTEURS DES LITIGES FONCIERS DANS LE PREMIER

ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA 70

I.LES RESPONSABILITES DES ACTEURS 71

1. L'adoption et la reprise des textes non-appropriés par les décideurs publics 71

2. Le désintérêt de l'Etat 72

3. La complaisance des Boulamat 77

4. les réseaux des corruptions qu'entretiennent les agents de l'Etat et le manque de

compétence 80

5. Les causes politiques et sécuritaires des litiges fonciers 81

II. LES RESPONSABILITES NON-ETATIQUES 82

1. L'ignorance des textes fonciers 83

2. Les poids des traditions tchadiennes 84

3. la flexibilité lors de règlement des conflits 86

III.LES CONSEQUENCES DES LITIGES FONCIERS DANS LE PREMIER

ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA 87

1. Les conséquences sociales 87

2. Les conséquences culturelles 90

3. Les Conséquences économiques 92

4. Les conséquences politiques 93

155

CHAPITRE IV: INSTANCES D'ARBITRAGES DES LITIGES FONCIERS ET PERSPECTIVES DES RESOLUTIONS DES DIFFERENDS FONCIERS DANS LE

PREMIER ARRONDISSEMENT DE LA VILLE DE N'DJAMENA 95

I. LES INSTANCES NON ETATIQUES D'ARBITRAGES DES LITIGES 96

2. Les instances extra-personnelles 99

II.L'ETAT DANS LE PROCESSUS D'ARBITRAGE DES DIFFERENDS FONCIER . 100

1. Les Brigades 100

2. Les instances juridiques 100

III. LES MECANISMES MISE EN PLACE AFIN DE MIEUX APPREHENDER LES

DIFFERENDS FONCIERS 102

1. Combler le vide juridique 103

2. Adopter un document harmonise d'acquisition des terres 104

3. Réaménager le CATZU et réouvrir l'OFT 105

IV.LA CREATION DES CONDITIONS OPTIMALES 109

1. Renforcer les niveaux des Boulamat et les former sur le domaine foncier 109

2. Mettre sur pied d'un comité de recensement des litiges fonciers urbains 111

3. Sensibiliser les habitants du premier arrondissement de la ville de N'Djaména sur les

enjeux lies a la sécurisation de leurs terres 113

4. Lutter contre la corruption 116

CONCLUSION GENERALE 109

BIBLIOGRAPHIE 113

ANNEXES 121

TABLE DES MATIERES 151






La Quadrature du Net

Ligue des droits de l'homme