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Aux detours de la voix et ses "en je"


par Sylvie ROSI DETTO ROZZI
Université Paul Valéry Montpellier III - Master II 2021
  

Disponible en mode multipage

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ROSI DETTO ROZZI Sylvie N° 22112061

INE 213069696bk

AUX DETROURS DE LA VOIX ET SES «EN JE»

UNIVERSITE MONTEPELIER III

DEPARTEMENT DE PSYCHANALYSE UFR1 MASTER 2 PSYCHANALYSE

Le cri d'Edvard Munch

TABLE DES MATIERES 22-222

20212022

1

INTRODUCTION page 4

I - LA PULSION INVOCANTE page 7

I - 1 La dynamique orale et la naissance du sujet psychique page 7

a) L'objet oral page 7

b) L'objet anal page 7

c) L'objet scopique page 7

d) La voix et le scopique page 7

I - 2 Du cri à l'invocation page 14

II - LES NOMS DU PÈRE - LA VOIX DANS LA FILIATION page 21

II - 1 Le Mythe du Schofar page 21

a) Donner de la voix, après l'avoir incorporée page 23

b) Le père archaïque est mort, dévoré... mais il ne le sait pas page 24

II -2 La voix surmoïque « du père » page 27

a) Le Schofar, la voix du père page 27

b) De l'injonction au désir, le mythe d'Abraham page 28

III - LA VOIX AU NIVEAU SOCIAL page 31

IV - L'APHONIE-DISPHONIE page 35

IV - 1- L'aspect organique page 36

IV - 2-La voix psychogène page 37

a) L'angoisse page 37

b) La voix peau page 41

c) Jeu du dedans-dehors page 42

d) La voix vide page 43

e) La perte. page 45

f) La jouissance page 46

V - LA VOIX ET TRAUMATISME - LE TROU VOCALIQUE page 51

V- 1 - La forclusion vocale-les hallucinations page 52

V - 2- Le rien page 54

V - 3 - Je suis pensé page 55

V - 4 - Le Bruit page 56

VI - LA VOIX VOCALIQUE page 60

IV- 1 Le chant dans la liturgique page 60

VI - 2 - La voix dans l'opéra page 63

VI - 3 La Voix du symptôme au et le sinthome page 65

2

VI - 4 Le chant comme aire transitionnel page 68

VII - L'ILLUSION GROUPALE ET LA CHORALE page 73

VII - 1 Le caractère général du groupe page 73

VII - 2 Les émotions communes page 75

VII - 3 Le groupe au sein de la chorale page 76

a) Le choeur page 78

b) L'identification au chef page 81

c) Le l'idéalisation et sublimation page 82

d) Le déni et la perte de l'objet page 83

e) Le narcissisme au sein de la chorale page 84

CONCLUSIONS page 86

BIBLIOGRAPHIE page 88

Annexe

MISE EN SITUATION SE METIER page 92

3

Remerciements

Remerciements à Julien Cueille pour son aimable collaboration et son soutien et encouragements qui ont contribués à l'élaboration de ce mémoire.

4

INTRODUCTION

L'en « Je » de la voix chez le chanteur, le savoir (ça voir) inconscient de la voix.

Les clients ou patients viennent me voir en tant que pédagogue et art-thérapeute, sont ceux qui ont un problème organique, enrouement, altération vocale, voix fatiguée, aphonie, voix qui manque de timbre, inaudible, manque d'intensité etc. Ou tout simplement pour un travail pédagogique.

D'autres viennent pour une quête d'un savoir sur eux-mêmes, un mieux-être, qu'ils souhaitent découvrir bien que cette découverte génère bien souvent une angoisse qui les amène quelque fois à arrêter car celui qui travaille sa voix prend le risque de déterrer des choses du tréfonds de l'inconscient que le symptôme met en exergue ? Pourquoi une élève après des années de tentative pour avoir un enfant, dans l'année de ses études de chant tombe enceinte, par

exemple ?

Pourquoi une élève n'arrivait pas à chanter un ré et après y être parvenu ses souvenirs traumatiques sont revenus à la surface. Pure coïncidence ?

Pourquoi le sujet ne supporte pas ce qui lui revient à l'oreille de sa propre voix ? Qu'est-ce que la voix pourrait-elle donner à voir et entendre du côté de l'entendement ? Au regard de la voix où se situe la plainte, quelle est la demande ?

Mon parcours professionnel m'a amené à me poser nombre de questions sur ce qui amène le sujet à consulter et quels étaient les enjeux de ce travail sur la voix avec tous ses aspects psychologiques et physiologiques, car il existe une aphonie organique, et une aphonie psychogène qui démontre qu'au coeur de la voix quelque chose nous convoque à notre insu au niveau inconscient qui traverse le corps. La voix ne ment pas, elle révèle au sujet son état interne par l'intermédiaire du symptôme.

5

La voix est liée au corps mais d'un point de vue organique, mais elle est aussi psychogène, l'anxiété étant pure affect, elle se fixe sur n'importe quel objet notamment ce peut-être sur la

voix. Elle donc pulsionnelle c'est pourquoi la voix nous dit s1J. Lacan

Séminaire, Livre

IX, L'angoisse (1962-1963), 5/6/63, Paris2, Le Seuil, 2004, est le plus proche de l'inconscient car elle soutient le discours. Sans voix il n'y aurait pas de langage. Ce sont les modulations de la voix qui donnent sens au discours. De ce fait un mot prendra un sens différent suivant le ton avec lequel il est émis. Néanmoins, la voix peut-être séparable du corps, parmi ses manifestations notamment on parle de voix égarées dans la psychose, et le caractère parasitaire sous la forme des impératifs interrompus du surmoi dans la névrose.

« La castration ayant opéré dans la névrose, un sujet n'entend pas la voix dans le réel, ce qui fait dire à J-A Miller3 que nous somme sourds.

Le monème voix s'entend comme : vois, voie, voie » La voix s'écoute comme un livre ouvert parce qu'elle vient dénicher une vérité du sujet sur lui-même qui se donne à voir. La psychanalyse est fondée sur une écoute spécifique du discours du patient qui vient chercher une vérité sur lui-même en vue d'une libération d'une souffrance psychique. Cette vérité qui libère est porteuse d'une espérance à se faire entendre comme un appel à l'autre du désir à se faire entendre. Elle est un mouvement une possibilité d'ouverture à un espace psychique intérieur qui a été refoulé, quand bien même cette vérité de peut pas se dire, toujours frappée d'incomplétude parce que liée au manque. Cette vérité est une quête, elle n'a rien à voir avec un savoir quelconque mais plutôt elle est de l'ordre du « ca voir » il s'agit là de ce qui fait signe ou de s'approcher au plus près de la place que la vérité occupe. Ce qui est à entendre c'est ce qui échappe de l'in-su qui fait émerger une vérité des profondeurs de l'inconscient. Dieu sait à quel point la voix vient nous surprendre au moment où on s'y attend le moins par des ratés vocaliques. Elle transforme la signification du message, car suivant l'intonation le mot prendra un sens différent.

Cette voix peut-être est inaudible, perdue dans les méandres laryngée et pourtant on ne peut pas dire j'ai perdu le regard, mais j'ai perdu la vue, et non pas ma vue, alors qu'on dit j'ai perdu ma voix. Le sujet a l'impression de mourir sombrant dans le néant vocalique. Du coup on se sent amputé de la voix comme d'un membre. La voix n'est jamais neutre, même quand nous

1 J. Lacan Séminaire, Livre IX, L'angoisse (1962-1963), 5/6/63, Paris, Le Seuil, 2004

2 Ibid.

3 J-A Miller « Jacques Lacan et la voix » Quarto, n°54, juin 1994 p.30

6

lisons le larynx bouge parce que la voix fait le lien avec le souffle, la bouche et l'esprit. Je l'ai constaté en HEPAD chez les personnes âgées, qui bien que ne chantant pas à haute voix, leurs lèvres bougeaient et la glotte fluctuait comme si elles chantaient de l'intérieur.

Du verrons dans ce mémoire comme la voix est un objet perdu tout comme l'enfant perd la marche avant de la retrouver plus tard. C'est notamment en envisageant la voix comme objet et précisément objet (a) que nous allons examiner dans ce mémoire l'impact de la voix depuis notre naissance Lacan 4 ayant repéré la voix comme objet (a) par laquelle l'enfant reçoit le langage.

Nous verrons également pourquoi la voix est au coeur de la cure psychanalytique et l'intérêt de s'y intéresser notamment comment le symptôme vocal parle du sujet, Liée à l'angoisse, la culpabilité, de quoi et de qui cette voix parle-t-elle dans un rapport au dire du sujet et ce qu'elle charge de jouissance ?

Lacan dit que la voix est ce qui a de plus archaïque il en a précisé les donnée dans son séminaire sur « Les noms du Père »56 en ce que la parole véhiculée par la voix contient la loi du désir de à l'Autre.

Nous verrons aussi comment la voix chantée peut sans doute mettre en mouvement un désir à l'autre d'être entendu pour devenir « pulsion invocante ».

4 Iibd p.332

5 Jacques Lacan, Le Séminaire. Livre X. L'angoisse. Paris: Seuil, 2004.op.cité

7

I -LA PULSION INOCANTE

I-1 La dynamique orale et la naissance du sujet psychique :

Dans Pulsions et destins des pulsions, Freud, en 1915, montre comment le premier traitement de l'information se fait sur le mode oral, prendre en soi rejeter hors soi.

« Le monde extérieur n'est pas à ce moment-là (au tout début de la vie psychique), investi d'intérêt (pour parler en général) et il est, pour ce qui est de la satisfaction, indifférent. Donc à cette époque, le moi-sujet coïncide avec ce qui est empreint de plaisir, le monde extérieur avec ce qui est indifférent (éventuellement avec ce qui, comme source de stimulus, est empreint de déplaisir). [...] Sous la domination du principe de plaisir, s'effectue alors en lui (le moi-sujet) un nouveau développement. Il accueille dans son moi les objets offerts, dans la mesure où ils sont sources de plaisir, il s'introjecte ceux-ci (selon l'expression de Ferenczi) et, d'un autre côté, expulse hors de lui ce qui, dans son intérieur propre, lui devient occasion de déplaisir. » 7

Ainsi est décrite une naissance à la vie psychique de l'infans où seules les stimulations associées au plaisir ou au déplaisir sont « traitées. Le rapport au monde du sujet en devenir est dominé par l'incorporation où se jouent les premiers enjeux identificatoires. Il en est de même pour la voix. Nous verrons comment la voix est liée aux phénomènes identificatoires et comment elle peut se perdre dans le « nous » puis comment la voix est-elle mise en cause dans l'identification du sujet.

La voix est liée au souffle et pulsée poussée. (drang) en vue d'une tendance constante à la décharge. Elle a une source corporelle, organique et d'excitation, une force, créant une tension

à soulager pour assurer la communication. Guy Rosalto en parle comme la plus forte émanation

du corps8.

7 Sigmund.Freud 1915 « Pulsion et destin des pulsions » Ed. Petite Biblio Payot Classiques

8 Guy Rosolato, « La voix, entre corps et langage », La relation d'inconnu, Paris, Gallimard, 1978, p.39.

8

Freud ne s'est jamais vraiment intéressé à la voix bien que l'ayant évoqué dans ses rapports cliniques sur l'hystérie notamment avec le cas de Dora atteinte, de toux, de d'aphonie et de dépression 9. Lacan parlant de la voix comme une pulsion invoquante, nous propose 1967 une dialectique des pulsions.

Nous avons :

-L'objet oral étant référé à la demande de l'autre

-L'objet anal à la demande de l'autre

-L'objet scopique : objet du désir à l'autre, L'objet vocal : objet du désir à l'autre.

a) L'objet oral :

A l'excitation de l'alimentation par la bouche, les dents, le palais et la langue, comme objet partiel d'amour de la mère, répondant à la demande de l'enfant de nourriture, la parole a dû prendre la place. Mais il nous a fallu faire préalablement, le deuil de ce moment pour que la parole devienne un moyen de communication verbale.

A la différence de `objet oral, le regard et la voix sont « in avalables . »

b) L'objet anal :

Répondant au désir de l'autre fait un cadeau à sa mère de ses matières fécales. A l'effet de la parole l'enfant pourra maîtriser son sphincter.

Lorsque la voix répond à la demande de l'autre elle devient objet anale. C'est pourquoi dans le médium voix il est important de respecter le désir de l'autre à émettre un son ou pas. La voix de l'autre ne nous regarde pas. En effet, tout comme nous devons respecter la parole de l'autre, la voix doit être réellement un transfert de la parole respectant le patient comme sujet désirant et non répondant à la demande de l'autre.

c) L'objet scopique et la voix :

Le regard a pour fonction de diriger ses yeux vers quelque chose ou quelqu'un (schuen) et de considérer les choses, de jauger notre environnement pour en appréhender les risques. Donc il protège.

9 Sigmund Freud, Études sur l'hystérie, Paris, PUF 1989.

9

Avant même que « je me voie » dans le miroir je suis regardé, exposé au regard de l'autre, « Il y a dans le monde quelque chose qui regarde avant qu'il y ait une vue pour voir »10, tout comme nous avons été parlés avant même que nous soyons investis de la parole.

La voix invoquante serait scopique car elle est de l'ordre du regard qui va vers l'autre dans le désir à se faire voir tout comme la voix serait de l'ordre du désir à se faire entendre. Mais ce que je demande à voir est toujours voilé, un manque est toujours marqué sur le champ du regard, il en est de même sur le champ de l'audible, car toujours interprété. Le regard de notre mère nous parlant fut primordial car il a été déterminant quant à la manière dont elle nous a regardés. C'est aussi le jeu du regard qui a pu induire le « je ». C'est le regard de notre propre mère qui a forgé notre narcissisme et a pu répondre à notre questionnement. Le regard de notre mère, était notre miroir. Il a pu soutenir notre angoisse ou au contraire nous apaiser. Le bébé perçoit l'humeur de la mère par le regard. Ce que sa mère ressent, il le voit. Sans ce miroir dans les yeux de sa mère, comme reflet de lui-même, le bébé ne pourra pas se développer normalement ; Le regard de notre mère a pu nous soutenir comme sujet de la relation. Ce qu'elle a pu nous renvoyer de nous-mêmes en tant qu'être désiré et aimé nous a aidé à nous construire. Un regard vide renvoie à une angoisse mortifère dangereuse pour le nourrisson qui dépend e sa mère. Il risque de se perdre dans un regard qui ne le soutient pas et cela peut avoir des conséquences graves sur l'évolution psychique de l'enfant. Mais le regard a été associé à la voix de la mère rassurante et pleine d'amour. Il y a donc une mise en image de la voix. La voix à l'effet du regard s'adresse à l'autre. Le regard et la voix se retrouvent ainsi sur la ligne front du désir et de la castration.

Quand elle est objet du désir de l'autre, la voix est évoquante. Elle vient de la satisfaction à la manifestation de soi à l'autre répondant au désir de l'autre de communiquer.

Elle est invoquante lorsqu' elle appelle l'autre à entrer en communication avec soi. Elle répond à notre propre désir de communication. Lorsque nous nous adressons à quelqu'un nous invoquons l'autre à nous écouter et à nous répondre. Il faut que la voix s'enquît de l'oreille de l'autre par exemple « Allo ! » au téléphone qui suppose que quelqu'un soit au bout de la ligne pour y répondre.

-La source : c'est le larynx -La poussée :

10 Jacques .Lacan, « les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse »p.97

10

C'est la poussée vitale puisse qu'elle est liée au souffle, mais aussi avec une excitation constante qu'advienne une symbolisation. Elle est pour Lacan la plus proche de l'expérience avec l'inconscient car dans une certaine mesure il y a une proximité avec la pulsion de mort.11

Le but :

Est la retrouvaille avec l'instant vocal juste avant que ça s'arrête puisqu'il faut jouir de l'instant présent. J'insiste sur le mot jouir car il correspond également au terme «je ouïs de ma voix» aussi bien de l'extérieur que de l'intérieur parce qu'articulée à l'oreille. Elle apparait comme une insatisfaction à notre appel de demande d'amour.

« Le Langage est bon, le langage est vraiment humain parce qu'il permet à l'homme d'arrimer le silence du regard, au désintéressement. Le philosophe Éric Weil nous parle ainsi de la « voix qui fait corps, de l'apparition du visage qui fait face.»12

Freud dans sa réflexion sur les aphasies distingue des « représentations de chose » et « des représentations de mot » - distinction dont il ne cessera de faire usage tout au long de son élaboration métapsychologique.13

« Le mot est une représentation complexe composée d'éléments acoustiques, visuels kinesthésiques et acquiert sa signification par sa liaison avec la « représentation de l'objet »le complexe associatif constitué des représentations visuelles, acoustique, tactiles, kinesthésiques. Mais précisément l'image sonore (verbale) est déterminante dans la production verbalisée, le mot étant essentiellement entendu, tandis que le visuel s'inscrit dans le registre de l'objet ou de la chose »14

Relativement au regard à l'effet d'étrangeté, Freud s'est intéressé à l'oeuvre d'Offenbach dans les contes d'Hoffmann notamment celui du 2ème acte qu'il nomme « L'Homme au sable » dans l'inquiétante étrangeté. En voici le résumé :

Acte II : Olympia Dans son cabinet, le physicien Spallanzani se félicite de la beauté de sa fille Olympia dont il espère tirer suffisamment d'argent pour compenser les pertes subies lors de la banqueroute du juif Elias. Il s'inquiète cependant du risque que son associé Coppélius ne lui

11.Lacan, Seminaire X, L'angoisse (1962-1963) op.cit

12 Eric Jacques.Weil, Logique de la philosophie, Paris, Vrin, 1950

13 Sur cette question, cf. P.L.Assoun, « introduction à la métapsychologie freudienne », Presses Universitaires de France, 1993, 2ème Ed. 2014, ch.IV, p.65-83

14 P.L Assoun « Le regard et la voix » 3ème ed. Economica Atrhorpos, p.52

11

réclame sa part des gains. Son étudiant, Hoffmann, fait alors son entrée, espérant voir Olympia dont il est tombé amoureux, à l'occasion du banquet donné le soir-même. Appelé par son valet Cochenille, Spallanzani laisse le jeune homme seul un instant. Hoffmann est alors rejoint par Nicklausse qui le met en garde sur son amante (« Voyez-la sous son éventail »).Coppélius paraît alors, proposant ses services à Hoffmann (« Je me nomme Coppélius ») : pour trois ducats, il lui fait admirer les yeux d'Olympia (« Tes yeux me brûlant de leur flammes »). A Spallanzani qui revient, Coppélius réclame de l'argent en échange de la cession des yeux d'Olympia, qui sont de sa fabrication. Espérant se débarrasser de lui, Spallanzani lui tend une traite à retirer chez le juif Elias (celui-là même qui a fait banqueroute). C'est alors que les invités sont introduits par Cochenille (« Non aucun hôte vraiment »). Spallanzani leur présente Olympia (« Elle a de très beaux yeux »). La jeune femme automate fait d'abord la démonstration de ses talents de chanteuse (« Les oiseaux dans la charmille »). Tandis que les convives passent au dîner, Hoffmann s'approche d'Olympia et lui dévoile son amour, auquel l'automate semble répondre avec intérêt (« Ah ! Vivre à deux, n'avoir qu'une même espérance »). Mais, mue par un dysfonctionnement, Olympia quitte la pièce en courant. Pourtant, Hoffmann la défend devant Nicklausse qui la sait sans âme (« Oui, pauvres fous qui riez d'elle ! »). Alors que Coppélius revient, furieux de s'être fait voler, Hoffmann invite Olympia à danser une valse. Mais son dysfonctionnement la rendant dangereuse, Spallanzani décide de la cacher au public. Cochenille revient peu après, annonçant que Coppélius a détruit l'automate. Tandis que Spallanzani et Hoffmann se désolent, l'assemblée moque l'amour d'Hoffmann pour une poupée (« Elle danse en cadences.

« Je m'aperçus que le rideau d'une porte vitrée, soigneusement fermé d'ordinaire, laissait passer un petit jour sur le côté. Je ne sais comment j'eus la curiosité d'y appliquer l'oeil. Une femme d'une taille élancée, et de la plus admirable conformation, vêtue magnifiquement, était assise dans cette chambre devant une petite table, sur laquelle elle appuyait ses deux bras, les mains croisées. Elle était placée vis-à-vis la porte, et je pus contempler l'angélique beauté de son visage. Mais elle, tournée vers moi, semblait ne pas me voir, ou plutôt ses yeux avaient je ne sais quel regard fixe, comme dénué, pour ainsi dire, d'aucune puissance de vision. Elle me faisait l'effet d'une personne qui dormirait les yeux ouverts."

Ernst Theodore Amadeus Hoffmann : Contes nocturnes - L'Homme au Sable - 1817

L'expression assez inhabituelle d'« Augenangst » venue sous la plume de Freud dans son écrit sur « L'inquiétante étrangeté » ne saurait équivaloir à une crainte somme toute assez banale de « perdre les yeux » ou de « perdre la vue »

12

Pour comprendre cela, il faut examiner le jeu des regards entre Nathanaël et Olympia. Il y a deux phases nettement différenciées dans ces relations optiques, souligne Milner. Dans la première, Olympia est privée de regard, quand Nathanaël la voit pour la première fois, dans la fente du rideau, il voit un regard vide : « elle semblait ne pas me voir, et d'ailleurs ses yeux avaient je ne sais quel regard fixe, comme dénué, pour ainsi dire de toute expression de vision. Il me semblait qu'elle dormait les yeux ouverts ». Et quand il la regarde de l'appartement d'en face, à «l'oeil nu », avant que Coppola ne lui laisse sa lorgnette, il l'a voit toujours immobile, regardant de son côté « d'un oeil fixe ».

Si l'oeil institue le champ du désirable dans le rapport à l'autre, il ne faut pas oublier qu'au désirable il y a un désirant. C'est ce que tente de faire Hoffmann, c'est de voir dans ce regard vide d'Olympia un être désirant.

« Réfléchissons à la portée de cette formule que je crois pouvoir dire la plus générale de ce qu'est le surgissement de l'Unheimlich. Pensez que vous avez à faire au plus désirable le plus reposant, à sa forme la plus apaisante, la statue divine qui n'est que divine. Quoi de plus Unheimlich que de la voir s'animer, c'est-à-dire se pouvoir montrer désirante ! » 15

Ce n'est que la lorgnette de Coppola qui donnera au regard d'Olympia l'éclat de la vie, car Hoffmann est pris dans un leurre fascine par l'oeil d'Olympia qui n'a pas de regard. Le regard est le mouvement et l'oeil fixe tue ce mouvement comme expression de la vie. Il est mortifié. C'est ce que Lacan nommera le « fascinum ». Le regard est une jonction entre l'imaginaire et le symbolique. 16

Roger est attiré par une lumière que fait le spot au plafond. Roger suis la lumière, tourne autour de la pièce ne la lâchant pas des yeux. Je me saisis de son intérêt pour cette lumière et je vais chercher une lampe, me disant que cela pourrait bien participer d'un jeu avec lui au son d'une musique. Je tente un jeu de cache-cache avec la lumière qui danse, qui s'allume et qui s'éteint. Roger rigole, trépigne des pieds et suis la lumière mais me laisse à l'écart de son monde fantasmatique crée par lui, bordé par lui. Est-ce une tentative d'accordage du corps avec ses affects qui permettrait de localiser sa jouissance en en lieu spécifique ici le regard ?

15 Mas Milner, La fantasmagorie - Essais sur l'optique fantastique, PUF, 1982.

16 Jacques Lacan, « Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse », Livre XI [1964], Paris, Le Seuil, 1973 p.132 op.cit.

13

Ce qui est intéressant de relever ici « c'est la préexistence d'un regard « je ne vois que d'un point, mais dans mon existence je suis regardé de partout ». Ce regard, lui, où est-il ? Que dit-il de moi et de l'autre ? Il est au champ de l'Autre, nous dit Lacan, toujours. Qu'est-ce que le champ de l'Autre ?17; Le champ de l'autre c'est le désir de l'autre fondé sur la séparation et l'interdit structurant de la jouissance absolue ?

Je suis Là d'où je suis regardé. Le regard c'est le plus singulier de chacun, il renvoie au désir de l'Autre, mais aussi à notre propre jouissance face à ce monde qui nous regarde de partout. Dans la dialectique « oeil et regard » il y a un leurre car au même titre que le mot n'est pas parole chevillé au langage l'oeil n'est pas. L'enfant questionne sa mère du regard quant à l'amour qu'elle lui témoigne. Cette demande est forcément insatisfaite car «jamais tu ne me regarde comme je te vois où là où je te vois» Je ne vois jamais ce que je voudrais voir.

Dans le transfert je me situe en trompe l'oeil pour Roger. Je suis la face cachée de son regard car il ne me regarde pas, c'est en ce sens que j'accepte d'être un leurre sachant que mon propre regard met du tiers dans notre relation, en vue que l'objet ne soit pas perçu comme objet absolu du désir mais objet pour le désir. Or, comment ce désir peut-il advenir au-delà de la demande comme manque de l'objet ?

« Je ne vois que d'un point, mais dans mon existence je suis regardé de partout » « c'est la préexistence d'un regard ». Ce regard, lui, où est-il ? Que dit-il de moi et de l'autre ? Il est au champ de l'Autre, nous dit Lacan, toujours. Qu'est-ce que le champ de l'Autre ?

Là d'où je suis regardé. Le regard c'est le plus singulier de chacun, il renvoie au désir de l'Autre, mais aussi à notre propre jouissance face à ce monde qui nous regarde de partout. Dans la dialectique « oeil et regard » il y a un leurre car au même titre que le mot n'est pas parole chevillé au langage l'oeil n'est pas. L'enfant questionne sa mère du regard quant à l'amour qu'elle lui témoigne. « Finalement, le regard, tout regard est un trompe-l'oeil, suprématie du regard sur l'organe Explorer ce champ, c'est s'enfoncer dans la clinique, au coeur de ce qui fonde le sujet, dans le plus intime de son rapport au désir de l'Autre » dira Lacan. « Leurre et trompe l'oeil»18

17 Ibid.p 39

18 Jacques Lacan - "Sem XI, « Les quatre concepts de la psychanalyse", Ed : Seuil, 1963-64, op.cité

14

Le report à l'oeil est un leurre car l'autre ne donne à voir que ce qu'il nous laisse voir. Il manque donc quelque chose, c'est un ce sens qu'il est objet (a) (-ö)

Le champ de l'autre c'est le désir de l'autre fondé sur la séparation et l'interdit structurant de la jouissance absolue ? L'oeil se fait jouissance absolue, mais aussi la voix au travers d'un rire et des gazouillis provenant de la grotte laryngée. Voix de la Jouissance qui n'appelle pas, qui n'a pas d'adresse.

« C'est au moment où nous découvrons qu'il ne s'agit que d'un trompe-l'oeil, répond-il. Le trompe-l'oeil n'est qu'une promesse, qui convie à s'approcher, promesse d'une révélation sur l'au-delà du visible, sur ce que personne n'a jamais vu et qui va être dévoilé, mais qui ne prend sa valeur que d'être un leurre. Le charme qui captive et provoque la jubilation est une supposition de maîtrise du réel - un dialogue avec l'objet a dit Lacan » 19

Pour ce qui est de la voix d'Olympia « ma fille obéît à mes moindres caprices » lui demande de chanter. Ce chant exclusivement vocalique « les oiseaux dans la charmille » déshumanise Olympia qui chante telle une machine avec des vocalises vertigineuses. Ce chant est caractérisé par la demande de l'autre, il est donc du côté de l'analité comme déversoir de paroles ressemblant à une diarrhée verbale. Voix comme regard sont bien ici dans la, la schize comme dit Lacan entre l'oeil et le regard, le visible et l'invisible, la voix et la parole, l'audible et l'inaudible

I-2 DU CRI A L'INVOCATION :

C'est la voix qui permet de recevoir le nouveau-né dans le monde. Denis Vasse par le la voix comme étant le 1er lien avec le nouveau-né après la rupture du cordon ombilical.20

Invocare en latin renvoie à l'appel. Mais pour appeler, il faut donner de la voix et la déposer comme on dépose le regard devant un tableau c'est pourquoi elle est aussi scopique. Pour cela, il faut que le sujet l'ait reçue de l'autre, qui aura répondu au cri qui à son tour l'aura interprété comme une demande, puis l'oublier ou ne plus l'entendre afin de pouvoir lui-même disposer de sa propre voix sans se trouver encombrer par celle de l'autre.

Mais comment notre premier cri, première manifestation de la souffrance comme une décharge, est-il devenu appel dont la réponse de l'autre marquera le désir ? Le cri du nouveau-né est perçu

19 .ibid. p. 103.

20 DenisVasse « L'ombilic et la voix »Ed. Du Seuil

15

par l'entourage comme la première manifestation vitale de l'enfant. Il n'est donc plus perçu comme une simple manifestation corporelle de la souffrance mais comme un appel, une demande.

« Déjà le foetus bien avant la naissance vit dans un bain sonore, ce sera les viscères de la mère, ses battements cardiaques. On sait qu'à partir de 5 mois il répond aux sollicitations vocales de la mère par transmission osseuse. Didier Anzieu an parle comme des enveloppes sonores. »21

D.Stern parle dans une étude de la nature du processus d'interaction sociale entre enfants et parents, durant les six premiers mois de la vie du bébé, de « l'enveloppe pré narrative du bébé se « Co construit » dans une interaction constante avec l'identité narrative individuelle des parents et l'identité narrative collective de leur communauté culturelle d'appartenance. »22

D.W. Winnicott médecin psychiatre et psychanalyste va s'intéresser à la vie première du nourrisson et va instaurer la notion de :

Handling : (soins, manipulation de l'enfant, toilette, habillage, caresse cutanée....

Holding : maintien, soutien de l'enfant d'un point de vue physique et psychique. Au début de sa vie, l'enfant est le prolongement de la mère (illusion primaire). La manière dont la mère exercera le « Handling » est essentiel car il déterminera la confiance ou pas que l'enfant aura avec son environnement.23

« C'est par la voix du bébé et son agitation « qui touche le désir qu'éprouve la mère de donner soin à celui-ci, et qui lui fait interpréter sa demande : « il a faim ou il est mouillé » etc. « La voix de la mère donne corps à l'enfant.24 « La parole est don du langage, et le langage n'est pas immatériel. Il est corps, subtil, mais il est corps. Les mots sont pris dans toutes les images corporelles qui captivent le sujet »25 Il se reconnaitra comme sujet du discours, avant que de l'être du sien.

C'est déjà lorsque la mère instaurera le baby-talk constituant un bain sonore essentiel, qui sera fondateur de la capacité langagière du futur enfant et pour créer la possibilité subjective de

21 Didier Anzieu « Les enveloppes psychiques »ed.Dunod

22 Daniel Stern « Mère enfant » : les premières relations » Ed Margada

23 D.W Winnicott « Jeu et réalité » Ed. Folio/essais 1971

24 Denis Vasse « l'ombilic et la voix » Ed. Essais

25 Jacques.Lacan « Fonction et champ de la parole et du langage », in Ecrits, Paris 1966, Ed. Du Seuil p.301

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réaliser la voix de l'autre comme étant différente de la sienne. La voix deviendra source d'apaisement ou d'inquiétude si la mère est suffisamment bonne pour répondre à ses angoisses de frustration. 26Le cri de l'enfant deviendra l'expression d'un sentiment, de fureur, de joie de colère etc. Si le cri est la première expression affective, la voix va le relayer introduisant des phénomènes sonores spécifiquement humains comme des vibrations harmoniques. Petit à petit l'enfant se fera une représentation de sa propre voix.

« Dans l'espace, le lieu ou dans le temps, se répète la rencontre qui répond aux besoins et désirs devient espace de sécurité pour l'enfant. Par exemple l'enfant entend plus qu'il ne voit. Son espace de sécurité auditif est plus grand que son espace visuel. Et son espace tactile est encore plus réduit que son espace de sécurité visuel. » A chaque séparation, le sommeil, s'ensuit et à chaque affamement de l'enfant, une retrouvaille, qui lui fait continuer d'éprouver comme érogène le lieu et l'ensemble des lieux qui le relie à la mère »27

Freud 28 nous parle du fort-/da c'est-à-dire de la capacité à jouir de l'absence et de la réapparition de son objet d'amour. Il remarque que l'enfant va jeter des objets ou jouets au loin avec une grande satisfaction.

Au moment où il ne les voit plus, il émet un son (Oooo) que Freud traduit par le fort « loin, parti ». Le fait de jeter l'objet traduit de l'agressivité et de la vengeance par rapport à la mère partie loin de lui et produit une tension désagréable, mais les retrouvailles lui procure plus de plaisir et se manifeste un (haaa) correspondant à Da. Par le jeu l'enfant est capable d'assumer et d'anticiper la disparition de l'objet. En effet, l'enfant est capable d'assumer et d'anticiper la disparition de l'objet par des vocalisations.

Donc l'enfant par ces vocable « Oh et Ah » est capable non seulement de transcender l'absence mais aussi de l'exprimer. Le vocable devient signifiant chargé de signifié, de sens, source de symbole lui permettant de maîtriser les évènements. C'est donc de la frustration qu'est né le plaisir. Le désir de l'homme est d'une nature telle qu'l ne peut trouver aucun objet qui pleinement adéquat à son appel ? Tout objet de l'homme fonction comme « remplaçant », le substitut d'un autre, de cet objet irrémédiablement absent, à jamais perdu. « De même une

26 Ibid .P 29

27 Françoise .Dolto « L'image inconsciente du corps » Ed. Essais p.38

28 Sigmund. Freud «au-delà du principe de plaisir» Editions Petite Biblio Payot

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sonorité de la voix maternelle à distance est une promesse d'une rencontre qu'il attend, avec une tension ver son jouir qui lui fait développer la reconnaissance auditive de cette voix.29

Marcel Proust parlant de la voix de sa grand-mère avec nostalgie, ayant marqué toute son enfance, « puis je parlai, et après quelques instants de silence, tout d'un coup, j'entendis cette voix que je croyais à tort connaître si bien, car jusque-là, chaque fois que ma grand-mère avait causé avec moi, ce qu'elle me disait, je l'avais toujours suivi sur la partition ouverte de son visage où les yeux tenaient beaucoup de place ; mais sa voix elle-même, je l'écoutais aujourd'hui pour la première fois. Et parce que cette voix m'apparaissait changée dans ses proportions dès l'instant qu'elle était un tout, et m'arrivait ainsi seule et sans l'accompagnement des traits de la figure, je découvris combien cette voix était douce... »30

Le souvenir de la voix de la mère peut être associé à l'eau, lorsqu'elle le baigne en même temps qu'il est baigné dans un bain langagier. Lamartine parle du souvenir de la voix de sa mère qui se mêle à l'image de l'eau « elle avait des accents d'harmonieux amour, que je buvais... » En buvant la voix de la mère il l'incorpore et la fait résonner au sein de son être contribuant à un plaisir érotique aural/oral articulé à l'oreille et à la bouche.31

Dans son essai sur la voix Rosolato rappelle que la « mémoire sonore » opère sous le signe du manque. La voix de la mère suppose une absente et une séparation d'avec le corps de la mère.

Fondamentalement il n'y a que le vide qui nous fait désirer, or la voix est fugitive, dont l'amour

qu'elle relie se place dans la mémoire dans l'espoir de la retrouver.

« Les images de ma jeunesse

S'élève avec cette voix,

Elles m'inondent de tristesse,

Et me souviens d'autrefois. »

Lamartine « les Méditations »

La voix devient donc un objet de jouissance impossible à atteindre car irrémédiablement

perdue. La voix de la mère comme du cri est devenue la « chose »objet (a) suspendue à la

dimension de l'autre dont le corps a été marqué.32

29 Sigmund Freud « pulsion et destin des pulsions Op.cit p.39

30 Marcel Proust « A la recherche du temps perdu » Ed. Gallimard

31 Jacques Wagner « La Voix dans la culture et la littérature Française 1713-1875 » Presses Universitaires Blaise Pascale

32 Jaques .Lacan 1965-1966 « l'objet de psychanalyse », Le séminaire inédit 27 avril 1966

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La voix est un objet (a) qui a une fonction spécifique : instaurer l'articulation signifiante. Lacan parle de « voix pure »33, sans donner beaucoup plus de précisions. Qu'est-ce exactement que la voix pure? En quoi s'oppose-t-elle à une voix impure ?

« On peut supposer que cette dernière est la voix courante, la voix audible, celle d'autrui, par opposition à la voix pure qui se situerait au lieu de l'Autre, au point de l'articulation signifiante, c'est-à-dire de l'objet (a) »

Cette définition, comme toutes celles de Lacan, fonctionne par ses renvois. Ainsi le lieu de l'Autre, qui est le lieu où s'articule la chaîne signifiante en ce qu'elle supporte de vérité »34.

« Que serait la voix pure, sans médiation, sans le filtre des signifiants ? On pourrait soutenir

que cela n'existe pas. Car, par définition, une voix véhicule des signifiants. Cela dit, par ses

effets ces signifiants peuvent être désarticulés de la chaîne. C'est le message interrompu de

l'hallucination acoustique-verbale. La voix qui émerge comme injure dans l'hallucination rend

compte de l'objet qui a été rejeté. C'est le phénomène de chaîne brisée qui se traduit pour un

sujet en retour dans le réel. C'est le signifiant dans le réel comme forme pure de la voix »35

Lacan parle « Des voix égarées de la psychose, et le caractère parasitaire sous la forme des

impératifs interrompus du surmoi »36

Ce serait des voix disjointes du signifiant, désincarnées.

C'est quoi, le lieu de l'Autre? C'est, selon Lacan,» là où la chaîne signifiante s'article !» Autrement dit là où le langage se subjective »37.

Cette voix, une fois émise, n'est et ne sera jamais la mienne. Ce n'est pas en moi que se fabrique ma subjectivité, c'est en un ou plusieurs points de la chaîne signifiante qui ne sont pas moi, parce que la parole est toujours référée à l'autre habillée de la voix.

Pour que la voix soit devenue « objet a » (objet du désir de ce qui manque au sujet de l'objet partiel (fesses, regard, sein) dont la voix fait partie d'une promesse de jouissance d'un corps parlé avant que d'être parlant, il faut que la voix soit marquée de la perte de jouissance. Pour que la pulsion « invocante » devienne objet du désir et non objet de la chose, il a fallu que nous soyons castrés du cri initial en tant qu'objet de la demande. Par l'invocation de l'Autre,

33 Jacques Lacan, Le Séminaire, Livre), L'angoisse X (1962-1963) op. cit.,

34 J. Lacan Sem14, 26 avril 1967).

35 Luis Izcovich «La voix dans l'interprétation «publication dans ESSAIN 2014/1 `n°32) P.15 à 23

36 Op.cit

37 Jacques Lacan, » D'un Autre à l'autre », Séminaire de 1968-1969

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le signifiant entre dans le réel et produit le sujet en tant qu'effet de signification, en guise de réponse, de sorte que le cri pur deviendra le cri pour.38

C'est la voix de l'Autre qui introduira l'infans à la parole et lui fera perdre pour toujours l'immédiateté du rapport à la voix comme objet de la demande. La matérialité du son sera dans ces conditions irrémédiablement voilée par le travail de la signification.

Ce voilement permettra qu'un jour advienne le sujet. C'est donc grâce à la dépossession de son cri que l'infans perd sa voix au profit de la parole. Il existe une possibilité ou la voix de la mère invite l'enfant à rejoindre la sienne pour jouir ensemble d'une indifférenciation, d'un même bonheur en ne fondant qu'un seul choeur en disant viens.

L'infans devra se rendre sourd à cette invitation à la rejoindre pour entendre sa propre voix et advenir en tant que sujet parlant « Je». C'est là que nous rejoignons le mythe des sirènes dont je parlerai plus loin.

Pour qu'il puisse se faire entendre il faut qu'il cesse d'entendre la voix originaire, la voix qui ne faisait qu'un avec celle de sa mère. C'est là que la voix primordiale est devenue inouïe. L'infans doit rester sourd à l'appel de la voix de l'autre pour devenir sujet invoquant. Il devra être sourd au timbre de la voix de l'autre pour entendre le sien tout comme il y a un point de la vision aveugle pour pouvoir voir.

Au cri de l'infans l'autre répond et l'appelle à advenir comme sujet en le supposant

« Deviens » !

Donc au viens se substitue le « deviens » par un processus de forclusion vocale permettant un dessaisissement de la voix en tant objet « a » libidinal pour se constituer en « parle-être ». C'est ainsi que la voix est devenu support de la parole servant de transition entre la représentation des choses pour peu que l'entourage de l'enfant parle et lui parle, permettant de laisser des traces acoustique de la chaîne signifiante sonore pendant l'expérience de la satisfaction.

La voix, évoluant de cris en gazouillis, de gazouillis en vocalises, deviendra parole. Dans un premier temps du processus primaire, le lien vocal avec la mère, est le support sonore des images de satisfaction et l'enfant s'initie aux phonèmes dans la reproduction vocale ludique des expériences gratifiantes :

38 Didier-Weill A., « Invocations », Paris, Calmann-Lévy, 1998.

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C'est ce que porte la voix qui est donneur de message, c'est pourquoi lorsqu'on écoute quelqu'un c'est certainement les mots que nous écoutons, mais aussi la tonalité de la voix, car c'est par elle que se livre le non-dit, le sens profond caché, l'indicible, l'inconscient...

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II- LE NOMS DU PERE - LA VOIX DE PÈRE DANS LA FILIATION

Freud sur sa théorie sur la sexualité dit « qu'une première organisation prégénitale est celle que nous appellerons orale, ou si vous voulez cannibale. L'activité sexuelle, dans cette phase n'est pas séparée de l'ingestion des aliments, la différenciation des deux courants n'apparaissent pas encore. Les deux activité ont le même objet et le but sexuel est constitué par l'incorporation de l'objet, prototype de ce que sera plus tard l'identification ».39

II-1 LE MYTHE DU SCHOFAR :

A propos du rite du Schofar Jean Michel Vives 40 soutient dans sa thèse que le processus de filiation n'est pas réductible à une transmission de la parole mais doit également impliquer un certain type de transmission de la voix qui permettra au sujet de passer de la vocation à l'invocation.

Je le cite :

« Quelle est la place de l'objet voix pris dans cette dynamique orale ?

Pour en rendre compte, je m'attacherai à reprendre le texte de Freud Totem et Tabou. Ce texte m'intéresse à plusieurs niveaux. Tout d'abord en ce qu'il me permettra d'articuler ici le festin (fût-il cannibalique !) et voix mais aussi car il nous engage à aborder cette question moins du côté de l'Autre maternel, comme cela est souvent le cas lorsqu'il s'agit de travaux sur la voix, mais du côté du père originaire.

Le récit freudien du meurtre du père et du repas qui le suit illustre mythiquement le moment logique de la constitution du sujet - qui met en jeu l'objet voix comme nous le verrons - avec l'apparition de la dialectique du jugement d'attribution, tel que Freud, après l'avoir esquissé dans Pulsions et destins des pulsions, le développera dans son texte de 1925, « Die Verneinung ».(la dénégation) Il s'agit bien, dans ce procès, du rejet de la jouissance qui permettra au sujet de porter un jugement d'existence sur l'objet. Pour autant, dans ce traitement

39 Freud « Trois essais sur la théorie de la sexualité », Paris Ed. Payot, 1962 p.65

40 « Psychanalyse des rituels religieux, Paris, Denoël, 1974, p. 257- Jean Michel Vives au travers du texte de R; Reik (1928) «

Dès lors ils parvenaient, dans l'acte de consommer, à l'identification avec lui, tout un chacun s'appropriant une partie de sa force. En effet le mort devenait plus puissant qu'il ne l'avait

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du réel par le symbolique, tout, du réel ne peut être pris en charge. Il existe du réel qui ne saurait être symbolisé, il y a des restes. N'est-ce pas le cas dans tout festin ?

De ce réel que constitue la voix du père archaïque, tout ne saurait donc être pris dans les rets du symbolique. Ce double destin de la voix réelle et/ou symbolisée marquera profondément le devenir du sujet.

Reprenons les grandes articulations du texte de Freud pour essayer d'y déceler en quoi voix et festin sont liés.

« À l'origine », l'humanité aurait été organisée sous la forme d'une horde sur laquelle régnait un aïeul tyrannique qui jouissait de toutes les femmes et en interdisait l'accès à tous les autres hommes, dont ses fils ; incarnation de la jouissance absolue, imposant aux autres une loi dont lui-même est exclu. L'interdit qui pèse sur les fils - tu ne jouira pas - a pour effet de désigner le lieu et l'objet de la jouissance, amenant par là même les fils à désirer et à tenter de s'emparer de l'objet du désir. Et ce qui devait arriver, arriva. Un jour les fils, exclus de la jouissance, s'unirent, tuèrent le père et le mangèrent.

Après le meurtre et la dévoration du père, les fils pouvaient se laisser aller au déchaînement de la jouissance afin rendue possible et s'entretuer, chacun voulant prendre la place du père, s'en approprier la jouissance absolue. La ruine, et le chaos et pour finir la disparition de la horde et peut-être de l'espèce en aurait découlé inéluctablement. Ce n'est pas nous dit Freud ce qui s'est passé. Au contraire devant leur acte et le risque de débordement qui en découlait, les frères renoncèrent à la conquête de cette position de jouissance totalitaire et instaurèrent la loi pour la réguler.

« Qu'ils aient aussi consommé celui qu'ils avaient tué, cela s'entend s'agissant des sauvages cannibales, nous dit Freud. Le père primitif violent avait été certainement le modèle envié et redouté de tout un chacun dans la troupe des frères. La médiation du repas cannibalique évoquée par Freud est fondamentale. En cherchant à s'approprier les attributs de la toute-puissance du tyran par l'intermédiaire de la dévoration, la bande des frères réalise une identification dont Freud décrira ultérieurement le processus en 1921 dans Psychologie des masses et analyse du moi.

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jamais été de son vivant par effet rétroactif obéissaient à la loi paternelle désavouant leur acte en interdisant la mise à mort du totem, substitut du père et ils renonçaient à recueillir les fruits de ces actes en refusant d'avoir des rapports sexuels avec les femmes qu'ils avaient libérées. C'est de cette façon nous dit Freud que découle l'instauration des deux interdits fondamentaux et fondateurs de toute société civilisée : le tabou du meurtre et de l'inceste.

Il s'agit de l'identification de première espèce, nommée identification par incorporation. La voix met ici en jeu une forme d'identification au père qui, comme Freud nous permet de le comprendre, n'est pas toute symbolique mais inclut une dimension réelle, ce que pointe le terme incorporation. Il ne s'agit plus, dans les termes, du mythe du père tué, mais du père dévoré cru. Il ne s'agit pas seulement d'un trait signifiant, mais d'un objet : la voix.

Après le meurtre, la voie est enfin libre. Or, loin de se laisser aller au déchaînement de la jouissance, les frères y renoncent et instaurent la loi pour la réguler.

Le pacte conclu à l'occasion du meurtre du père, que Freud positionne comme base de la société et du lien social, traduit alors la volonté de refouler ce meurtre ce qui échoue, puisque le père mort est « rappelé » sous la forme du totem, qui présentifie le père assassiné, attestant ainsi qu'il est bien mort, et ne reviendra pas.

a)Donner de la voix, après l'avoir incorporée :

Freud dans «Totem et tabou41, introduit la voix au moins en deux endroits.

Le premier est celui où il parle de l'imitation de la voix de l'animal totémique : « Le clan qui, dans une occasion solennelle, tue son animal totem d'une manière cruelle et le consomme cru, sang, chair et os ; pour la circonstance les compagnons de tribu sont déguisés à la ressemblance du totem, l'imitent par les sons et les mouvements, comme s'ils voulaient insister sur son identité qui est aussi la leur. » Ici Freud insiste sur l'identification qui passerait pour partie par une dévoration et pour partie par une imitation d'essence vocale.

Le second est celui où Freud associe le héros tragique au père archaïque mourant.

Pourquoi le héros de la tragédie doit-il souffrir, demande Freud. « Il doit souffrir parce qu'il est le père originaire, le héros de cette grande tragédie originaire, qui trouve ici une répétition tendancieuse, et la coulpe tragique est celle qu'il doit prendre sur lui pour délivrer le choeur du fardeau de sa coulpe. »

41 Freud «Totem et tabou» Ed. Petite Biblio Payot

b) Le père archaïque est mort, dévoré... mais il ne le sait pas :

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Ici la voix n'est pas directement citée mais implicitement comprise. En effet chacun sait que la tragédie antique était en partie chantée. Le choeur - la troupe des frères dans l'hypothèse freudienne - chante chaque fois qu'il intervient. Le héros le fait seulement à certains moments au plus profond du malheur - au moment de son assassinat, si l'on suit l'hypothèse freudienne. Le chant serait alors une forme sublimée du râle du père mourant. La troupe des frères, le choeur, chanterait alors pour commémorer cet instant. Nous retrouverions ici la première occurrence de la voix dans le texte freudien où, par l'imitation du cri ou du chant de l'animal totémique, les frères se reconnaissent fils de... Les fils, en chantant, s'identifieraient à l'animal totem, mais également en rappelant, par le chant, le cri d'agonie,

.Ils signifient au père qu'il est mort. On pourrait également, en suivant cette hypothèse, résoudre le paradoxe de la présence du chant chez le héros dans les instants de déréliction. En effet, le chant n'est que la modulation du cri. Il commémore et voile le cri du père agonisant.

Les frères chantent, ou imitent vocalement l'animal mis à mort pour se reconnaître fils de... Ils donnent de la voix, après l'avoir incorporée. En effet, l'audition n'est pas un processus fondamentalement différent de l'ingestion, et constitue lui aussi, une forme d'incorporation. Je vois là la naissance du circuit de la pulsion invocante : après avoir reçu la voix de l'Autre, le sujet la lui restitue dans l'invocation, bouclant ainsi le circuit de la pulsion. Le sujet se fait ici entendre de l'Autre, ce qui est impossible au psychotique, soumis qu'il est à la voix de l'Autre et parfois même au névrosé, soumis, lui, aux féroces injonctions du Surmoi, le père mort continuant alors à empoisonner le sujet de ses vociférations. C'est ce que nous montre la tragédie d'Hamlet. Le roi, père d'Hamlet, est mort par empoisonnement auriculaire mais c'est le fils qui souffre de cette voix qui par-delà la mort ne veut pas se taire, et empoisonne son fils en lui enjoignant de le venger.

La voix est ambivalence car elle est cet objet de jouissance, elle est la trace du meurtre et de ce qui en découle : le renoncement à la jouissance absolue dont la quête terrible et fratricide aurait signifié la destruction même de l'humanité. Elle devient de ce fait le support de la loi pacifiante, fondatrice des sociétés humaines. C'est alors le père pis à mort, mais magnifié pour le repentir des fils qui est mis en avant, un père qu'on peut de ce fait désigner comme père fondateur de la loi en quelque sorte.

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Theodore Reik dit qu'il est parfois nécessaire de rappeler au père qu'il est mort et qu'il ne peut être le garant du pacte symbolique qu'en tant que tel. Ce rappel qui permet de le tenir à distance peut être repéré, par exemple, dans l'utilisation du Schofar, comme le montre Reik dans son texte Le rituel : psychanalyse des rituels religieux.

Le Schofar, instrument de la liturgie judaïque, est fait d'une corne dans laquelle on souffle une série de sonneries pour le Nouvel An juif et pour le jour du Grand Pardon. À la suite de Reik, qui trouve l'effet sur l'auditeur disproportionné au regard du matériel musical, Lacan s'étonne de l'effet produit par l'audition du Schofar même chez des auditeurs non juifs.42

Pour T. Reik c'est à partir d'une analyse très serrée des textes sacrés, relie l'effet provoqué par l'audition du Schofar à la problématique freudienne du meurtre du père primordial. Il est amené à faire l'hypothèse que ce son, mélange inquiétant de douleur et de jouissance, entendu lorsque sonne le Schofar serait l'écho indéfiniment répété du râle du père primordial non castré mis à mort. Ce son ne serait en fait que la voix de Dieu mais sous sa forme ancienne d'animal totémique où il était mis à mort lors de la cérémonie sacrificielle. 43

Le Schofar vient s'inscrire comme un rite de commémoration du meurtre primitif et si nous suivons Reik et Lacan dans leurs analyses, la voix serait un reste du père archaïque.

Le Schofar serait l'attribut vocal du totem et ce qui reste du festin sacrificiel.

La voix incorporée, à l'occasion de l'identification originaire constitutive du sujet, est donc paternelle. Pour autant, il ne s'agit pas de celle du Nom-du-Père, en tant qu'il supporte l'autorité symbolique, mais de celle de la figure obscène du père d'avant l'OEdipe, incarnation mythique de la « Chose » innommable. La voix est ici porteuse de cette jouissance absolue, et l'incorporer, c'est à la fois participer de ce qu'il en reste et accepter la loi. En effet, le cri du père blessé à mort ne se tait pas, et son « beuglement de taureau assommé se fait entendre encore dans le son du Schofar ».

C'est d'ailleurs le seul son humain de ce meurtre sans parole ; comme si la trace d'une voix où subsiste la jouissance du père était nécessaire pour faire de lui l'instance de la parole qui rend possible le processus même de subjectivation.

42 Theodore Reik (1919) « rituel-psychanalyse des rites religieux « Ed. denoel

43 ibid

26

C'est ce que nous montre également l'acte de Moïse lorsque, redescendu du Sinaï, il fond le veau d'or, le mélange à de l'eau et le fait boire au peuple idolâtre.

Ainsi, nous pouvons repérer comment l'instauration de la loi s'appuie sur la nécessaire incorporation du support de la jouissance (veau d'or ou voix du père archaïque). Cette incorporation permettra de la faire sienne, pour ne pas en être excessivement - la victime.

Une rapide allusion à la psychopathologie nous permettra de comprendre cela et de conclure cette esquisse sur les rapports entre oralité et auralité. Freud, pour rendre compte du mécanisme en jeu dans la mélancolie, dans Vue d'ensemble des névroses de transfert, avance que l'identification au père mort est la condition du mécanisme de la mélancolie. S'il semble que le mélancolique est vivant, il est pourtant déjà mort en tant qu'identifié à l'Urvater. Si nous suivons l'intuition freudienne dans toute sa rigueur, cela implique que tandis que les meurtriers que nous sommes vont, grâce au travail du deuil, accéder aux enjeux de la sublimation, le mélancolique n'en sort pas. Il ne digère pas l'acte, et ne cesse de manger du père mort, de ruminer. Le mélancolique endosserait le deuil collectif du père originaire, venant en témoigner pour ceux qui l'ont plus ou moins élaboré. Ce témoignage aura plusieurs formes mais une des plus caractéristiques en est la plainte inarticulable.»

« Le mélancolique se fait voix endeuillée, hors mots. Sa plainte se rapproche alors du « aiaî » ou du « ié », intraduisible, proféré par le héros tragique au plus profond de sa détresse. « Plus mort que vif », le mélancolique est soumis à ces miettes du père originaire qu'est la voix. Ce reste, à l'origine du Surmoi, qui soumettra le moi du mélancolique à ses injonctions les plus féroces. C'est en effet, comme nous le dit Freud, « ce père de l'enfance, tout-puissant [...] (qui), lorsqu'il est incorporé à l'enfant devient une force psychique interne que nous appelons Surmoi ». « Force psychique » qui se manifestera sous la forme d'une voix. À partir de là, le mélancolique serait celui qui commémore, ad vitam aeternam pourrait- on dire, le moment de l'émergence du sujet - impossible dans son cas - dans son rapport à l'incorporation de la voix de l'Autre.» Fin de citation.

Ce qui nous intéresse dans ce récit c'est la forme la plus primitive de la voix. C'est dans le cri que tout commence. C'est le cri initial qui va à la rencontre de l'autre. C'est par le cri interprété par les mots de l'autre qu'il aura du sens. Ce cri semble détaché du corps, c'est le cor comme transfère de la voix qui lui donnera consistance. . La voix nous apparait souvent comme extérieure. Elle est la chose insaisissable (das ding) faisant l'objet d'une satisfaction

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hallucinatoire. C'est pourquoi elle s'entend. Elle ne peut se comprendre que si lorsque le sujet fait irruption dans le langage. C'est l'instrument du Schofar qui va rendre sa matérialité à la voix en la transforme un chant prémices d'une pulsion invocante : « heureux le peuple qui comprend le son de la trompette » Psaume 89 : 15 traduit par « heureux le peuple qui entend dans les notes du Schofar. Le crime primitif dont les remords dispose l'Eternel à la miséricorde » 44

Ce chant est pulsion invocante, appel à une alliance avec Dieu, et souvenir du dialogue de Moïse avec Dieu. Dieu miséricordieux n'est plus celui qui sanctionne mais c'est celui qu'on appelle à la relation d'avec lui mêlée de tendresse et de crainte aussi bien par la prière que par le chant. « La musique est née de l'imitation de la voix paternelle et de l'imitation du cri de l'animal que le clan vénérait comme totem. »45

C'est Lacan assurément qui, reprenant les recherches sur le Schofar, insiste sur la nature vocale de la loi et sur la rencontre qui place la pulsion invocante devant sa limite et la transforme en désir. Si, comme dit Lacan, le désir est lié à la coupure, alors la voix est expression de ce désir.

L'histoire de l'humanité est liée au souffle et la voix et les oreilles entendant ce qu'articulent la bouche à l'effet de la voix. Le Schofar n'illustre pas le champ du savoir mais du chant qui vient du coeur et ce qu'il révèle au niveau symbolique. Il y a ce qui se donne à voir, mais aussi à entendre pour être attentif à ce que porte la voix.

La vérité n'est jamais révélée par les mots :

« Jamais la parole ne fut dépassée au Sinaï ; la révélation fut au contraire assourdissante et même écrasante pour les Hébreux qui ne voyaient rien mais entendaient et même « voyaient les voix » 46La loi paternelle représentée par l'écoute du Schofar met en exergue tous les sens afin qu'on n'oublie jamais d'où l'on vient.

II -2 La voix surmoïque « du père »

a) Le schofar, la voix du père :

Le Schofar imite la voix rauque de l'homme, en opposition avec la voix féminine maternante qui possède des harmoniques aiguës et harmonieuse renvoyant à une voix angélique. Pour Wagner la suppression des scansions avait l'effet de lutter contre le symbole de l'autorité tyrannique du père incarnée par les consonnes. La voix consonantique du père rompt avec

44 Ibid.

45 Ibid p302

46 Armand Abécassis, « Les temps du partage », t. I, p. 38, https://gallica.bnf.fr/3364426t.texteImage

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celle de la mère qui introduit le discontinu. La voix discontinue s'émancipe de la parole, son registre monte et devient pure voix, n'étant plus soumise aux limites de la discontinuité que la loi symbolique exige pour sortir de la jouissance de l'objet voix. Le rite de schofar marque bien cette scansion de la discontinuité de la voix imitant celle de l'autorité paternelle. Lacan avance que le préverbal et tout à fait modelé par le verbal, qu'Alain Didier Weil qualifie « d'hyper verbal » présent dans le « préverbal » qu'entend l'enfant avant qu'il n'accède au signifié, dont on peut reconnaitre qu'il est signifiant du nom du père.47 La voix du père permet d'éviter la transgression du trop jouir de la voix féminine en s'appuyant sur la gravité de la voix qui lui donne corps à l'effet des consonnes qui permet de découper les syllabes.

b) Abraham de l'injonction au désir :

Dieu demande à Abram d'instaurer pour lui-même et son peuple la circoncision, comme marque de l'alliance avec la promesse d'une descendance et lui promet de devenir le père d'une nation. Cette circoncision sera marquée par le changement d'Abram en Abraham.48 Un jour, Dieu demande à Abraham d'offrir Isaac en holocauste sur le Mont Moriah. Après trois jours de marche, il demande aux serviteurs de garder l'âne et charge Isaac des bûches. Sur la route, Isaac demande où est l'agneau qui sera brûlé. Abraham répond qu'il s'en remet à Dieu.

Une fois arrivés, Abraham élève un autel, dispose les bûches et lie son fils au bûcher. Alors qu'il tend la main pour immoler Isaac, un ange, convaincu de la crainte qu'il place en Dieu, crie à Abraham d'épargner Isaac. Un bélier, qu'Abraham voit pris au piège dans un fourré, est sacrifié à sa place. L'ange bénit Abraham et s'engage à faire proliférer sa descendance, promettant que toutes les nations de la terre se béniront en elle.49

Il est intéressant de constater qu'à l'effet la circoncision d'Abram corresponde à son changement de NOM en Abraham. La circoncision fut la marque d'une évolution, un nouveau départ qui l'invita à cultiver sa propre terre avec une nation ayant affermit son autonomie. Pour cela il accepte d'être manquant et de faire le sacrifice de son prépuce. Sur le chemin du désir il faut toujours consentir à une perte. Selon la formule de Lacan : » Il n'y a pas d'Autre de l'Autre «. Le sujet est alors conçu comme un ensemble vide qui inclut dans la parole la castration fondant la loi de son désir. »

47Jean-Michel Vives (dir) Didier Weill « Les enjeux de la voix en psychanalyse dans et hors la cure »Ed.Presses Universitaires de Grenoble

48 Genèse 17 :8-9

49 Genèse 22 - 1 -19

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Dieu immuable dont le nom est imprononçable représentant le père réel, le prépare à une mutation plus grande que celle que la circoncision a provoquée dans sa chair. Il le prépare à L'Akedah comme passage du registre du nom totémique au Nom-du-Père qui vient fonctionner de façon opposée au totem. L'image du père castrateur évolue pour faire place à l'imaginaire que représente l'image de Dieu50

Le totem est encore la descendance promise à Abraham identifié à un nom. Alors que l'Akedah qui signifie ligature connu sous le sacrifice d'Abraham, le soutient dans sa relation signifiante à Dieu. L'intervention de Dieu est faite par l'intermédiaire de l'Ange incarnant la parole divine par sa bénédiction et qui met fin à la fin à la lignée idéale du totem. A la place d'Isaac un Bélier représentant l'animalité du père primitif de la horde, la jouissance pure sera sacrifiée. Le couteau marque le renoncement à cette part de jouissance du père primitif. Le bras de l'ange qui arrête son geste sacrificateur avait pour but était d'éprouver sa crainte et sa foi. Mais en réalité que veut Dieu le père alors dans son ordre de sacrifier son fils Isaac ? Kierkegaard met en évidence la place de l'angoisse liée à cette question que nous pouvons traduire à la manière Lacanienne par « Che voi ? » face à l'effroi qu'a dû ressentir Abraham de tuer son propre fils Isaac. Abraham consent à être considéré comme un monstre pour sauver l'image de Dieu, image d'un père idéal. Il en fait un héros tragique sacrifiant ce qu'il a de plus intime à l'Autre. « Kierkegaard avait compris que dans l'angoisse, il s'agit de perte, soit de la crainte de castration, même si pour nous la castration, est l'inéliminable de qui est toujours signalé par l'angoisse. « 51 » Ce qui permet d'échapper à l'angoisse c'est le désir.

C'est la corne du Bélier dont il reste du sacrifice qui servira se schofar comme rappel à l'instauration de loi. « L'instauration est en deux temps : Le premier est celui des lois du langage qui soustraient de la jouissance, c'est donc la loi de la castration qui nécessite un consentement ; dans un deuxième temps, la loi du père assume un retour dans le vivant de ce qui a été mortifié par le langage. »52 Le Nom-du-Père n'est pas la fonction qui soumet la vie à la loi mais c'est la fonction qui soustrait la loi à la mort. »53 Le père est le vecteur de désir dans la loi, s'effondre alors l'image au Père idéal cher au patriarche. Il n'y a pas eu mort d'Isaac mais mort d'une image, de la puissance phallique qu'Abraham attribue au père idéalisé et dans laquelle il abrite sa propre image, qui est sacrifiée. Ce sacrifice représente le renoncement

50 Lacan J., Le Séminaire, livre vii, L'éthique de la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1986,

51 Isabelle Morin « La traversée de Loi » page 5-27

52 Ibid p.4

53 P.Bruno, « La passe », Toulouse PUM, 2004 p 244

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minimum pour accéder au désir. « Le rapport du sujet à la mort, présent dans tout savoir objectif, ancre l'homme dans le réel de son histoire et contraint son imaginaire à composer avec le désir de l'Autre. Sans la voix comme témoin de ce désir et opératrice de structure, il n'y a ni réel, ni imaginaire : deux ordres hétérogènes qui ne peuvent donner à penser à partir d'elle, dans l'accès à l'ordre symbolique »54Abraham peut désormais transmettre son nom à son fils qu'il a reçu de son père. Nous ne sommes pas ici dans la même dialectique d'Hegel qui soumet l'esclave au maître lié à la demande de jouir de l'objet, mais d'un objet d'amour éternel du père. La voix de Dieu l'invoque l'appelle et le bénit, il » dit l'amour » il le met en acte laissant Abraham libre de sa propre réalisation incarnant l'esprit du père comme guide dans sa futur vie.

54 Denis Vasse « l'ombilic et la voix » op. Cité p. 203

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III-LA VOIX AU NIVEAU SOCIAL.

Dans notre société capitalise qui pousse toujours à la consommation et à un plus de jouir, la voix est prépondérante. On manipule le consommateur avec une voix enveloppante, rassurante endormante en l'engageant dans une régression infantile liée à la demande et à un retour fantasmatique du sein matriciel inondant le sujet de formules endormant sa capacité imaginaire au détriment du symbolique. L'objet (a) toujours plus à produire est au centre du discours, et c'est la voix enveloppante qui va relayer ce discours. Ce n'est pas étonnant que Lacan dans son schéma sur les quatre discours ait intégré la voix en tant qu'objet (a). 55

55 Jacques Lacan, Le Séminaire, Livre XVII, L'envers de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1991.

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Pour les entreprises la voix favorise son image, car bien utilisée elle est un facteur séducteur et de sociabilité ; c'est bien pour cela que les hommes qui ont une situation importante ont besoin de la domestiquer et de la travailler. Une voix éraillée ou altérée, peut foutre en l'air un discours politique ou autre. La diva par exemple peut être véritablement divinisée, ou avec un aigu manqué, ne devenir qu'un déchet. Il en est de même pour un orateur dont la voix pourrait faire défaut. C'est pourquoi la voix est devenue un enjeu majeur pour favoriser les échanges commerciaux et sociaux. Nous sommes tellement confrontés chaque jour aux voix désincarnées des annonces diverses et variées que ce soit dans les métros, les répondeurs, SNCF et autres auxquelles on ne prête même plus attention car on ne les reconnaît pas comme faisant partie de notre genre humain. La voix mécanique sort le locuteur de toute humanité. Chaque individu à sa manière rythmée de parler, a des hauteurs variées ainsi qu'un timbre vocal propre à chacun. Ces voix mécaniques nous semblent étranges. La voix humaine est la manifestation d'appartenance à un groupe comme identité sociale en tous les cas celui du genre humain.

L'Empereur Frédéric II, fit une expérience particulière afin de voir quelle était la langue naturelle des bébés. Il ordonna à des nourrices de ne pas parler aux bébés d'une pouponnière. Aucune voix, aucun son. Ils dépérirent tous et finirent par mourir. Ce qui veut dire que langage humain est vitale.

Bien que notre société songe à déshumaniser l'homme pour ses profits elle s'adresse à des sujets parlants qui ont leur propre identité vocale. La voix peut se faire entendre et le sujet peut jouer sa propre partition avec sa voix, car la voix est liée à l'inconscient et l'inconscient ça parle. La voix est le premier témoignage du lien affectif et social avec le premier groupe qu'est la famille, avec ses codes et ses jeux vocaux, ses choix d'artistes et culturels. De ce fait « Les enfants, pris dans la boucle audio-phonatoire le sont aussi et dans la boucle socio-phonatoire, cherchant sans le savoir à concilier leurs possibilités phonatoires avec leurs désirs et /ou leurs réflexes d'imiter et de s'approprier les caractéristiques vocales identitaires de leurs pères et pairs. »56

56 Claire Gillie Atelier 5 | « À gorge déployée, à gorge dépliée » mutations, métamorphoses & devenir des voix d'enfants « Écouter la voix » https://www.le-lab.info/sites/le-lab.info/files/atelier5-textescomplets_0.pdf

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C'est pourquoi la voix concerne aussi bien le social que l'identité propre du sujet au regard de sa voix, car la voix dé-voix-le les sentiments les plus profonds. Elle peut-être révélatrice de notre malaise, de notre stress voir de nos angoisses. Il est impossible de tricher avec la voix, car elle trahit la moindre émotion, joie, chagrin, angoisse. En effet, en cas de stress, l'activité phonatoire plus tendue et articulatoire s'intensifie, la voix prend de la hauteur. Par contre les émotions tendres provoquent un prolongement des voyelles, les émotions agressives prolongent et durcissent les consonnes, de ce fait, le style vocal porte la signature de son interprète.

Le ton de la voix déterminera la hiérarchie des rapports entre interlocuteurs. Suivant l'intensité verbale et vocale on devinera le dominé du dominateur. La configuration de la glotte se modifie en fonction des états émotifs et l'accolement des cordes vocales change. Par exemple, la configuration glottale d'un chuchotement agressif sera très différente du chuchotement tendre. Ainsi, on distinguera une voix autoritaire d'une voix séductrice, une voix emprunte d'amour ou de haine, une voix de soumission ou de révolte.

On se souvient de la voix d'Hitler en tant que dominateur, de cette de Léon Blum ou le général de Gaulle avec leur variation et intensité vocale, un timbre et modulations propre à leur fonction et leur discours.

Y. Barthélémy avait fait une typologie du caractère psychologique et physiologique du chanteur.

Un ténor sera extraverti, il sera en général pas très grand avec un cou court, alors que les voix basses plus introvertis seront plutôt grands avec un long cou.

Elle en a dressé la liste suivante:

La voix calme, mesurée, claire nette et précise du caractère obsessionnel La voix feutrée, atone et fatiguée, à peine audible du dépressif

La voix geignarde, qui demande toujours et toujours de la compassion

La voix enfantine, menue, fluette, attendrissante ou naïve d'une personne en besoin de maternage La voix claironnante, « sûre de soi», « je sais tout» qui n'admet aucune contradiction, envahissante un peu sadique peut-être

La voix agressive, défense d'un être fragile et peu sûr de lui qui craint de n'être pas écouté

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La voix commerçante, trop aimable, voire mielleuse, peut-être arnaqueuse. La voix séduisante, désinvolte, sensuelle, presque impudique, etc. 57

La voix s'inscrit dans la boucle audio-phonatoire, cela veut dit qu'elle fait écho et qu'elle est liée au corps en tant que sensation. Sa régulation se fait par l'oreille. Éric Gorouben par même de « boucle socio-phonatoire »58 ce qui veut dire que le contrôle vocale ne dépend pas simplement de ce que je veux en faire mais aussi de celui qui est en face de moi. La voix s'alignerait sur la demande que l'on se fait de l'autre, autrement dit, elle tenterait de répondre à ses attentes. On voit bien que la voix est porteuse d'une jouissance exhibitionniste, avec une tentative de s'aventurer dans l'excès, excès qui peut conférer jusqu'à l'obscénité, de telle sorte que personne ne s'aventure jusque-là. Le but est de toucher l'autre au niveau de l'affect pour obtenir plus d'amour.

57 Yvan Barthélémy « La voix libérée » Editions Robert Laffont

58 Eric Gorouben « le contrôle des sensations »

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IV L'APHONIE - DYSPHONIE

La voix en appelle aussi bien au corps biologique dépendant de ses multiples articulations et l'organisation du discours déterminant le corps social. Elle se situe donc dans cet entre-deux qui vient relier le corps et son histoire et l'université du langage du sujet qui parle qui fait qu'il appartient à l'humanité.

« Ainsi, par la médiation de son corps pris dans le réseau des signifiants du langage et référé au désir de l'Autre, le petit d'homme en vient à assurer la place de sujet qui est la sienne lorsqu'il parle en son propre nom. C'est lui, en tant que sujet, que la voix qui émane du silence de son corps donne à entendre.

L'ombilic est clôture.

La voix est subversion de la clôture.

Quelle nomme ou qu'elle appelle, la voix traverse la clôture sans pour autant la rompre. »59 Par quels phénomènes la voix traverse-t-elle le corps ?

La position du larynx et la dimension des cordes vocales évolue au fur et à mesure des étapes de la naissance à l'âge adulte. L'adolescence est caractérisée par la mue vocale aux alentours de onze seize ans entraînant une baisse de la tonalité de la voix phénomène plus apparent chez les garçons que chez les filles

59 Denis Vasse » L'ombilic et la Voix » Ed Essai, op. Cité p12

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1) L'aspect organique :

L'air circule par la trachée et permet la mise en vibration des cordes vocales disposées dans le larynx relié à la base du crâne, à la langue, à la mandibule, au sternum, aux clavicules et aux omoplates.

La pression d'air sous la glotte excède alors celle au-dessus des cordes vocales ce qui a pour effet de causer un battement, un peu à la manière de portes qui s'ouvriraient sous l'effet d'un vent fort.

Le mouvement d'ouverture est suivi d'un mouvement de fermeture qui se maintient jusqu'à ce que la pression d'air sous les cordes vocales imprime un nouveau battement.

Ces battements entraînent autant de vibrations de la colonne d'air contenue dans le conduit buccal et constituent la source du voisement ou la fourniture laryngée. Les cordes vocales ne fabriquent pas le son, elles sont passives.

Elles n'agissent pas, elles sont« agies ».

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Comme les voiles du bateau, elles se contentent de se tendre et sous l'action du souffle, vibrent sur elles-mêmes.

Il existe une aphonie physiologique, celle qui est due à une maladie, très souvent elle est due aussi à une période cyclique, notamment pour les femmes durant leurs règles, ou à cause de problèmes circulatoires etc.

Lorsque nous parlons ou chantons c'est sur l'expiration.

a)Les symptômes et signes cliniques

L'enrouement, la voix cassée, l'extinction vocale allant jusqu'à l'aphonie sont des motifs fréquents pour une consultation ORL. Souvent, et surtout chez les professionnels de la voix, ces modifications de la qualité vocale peuvent s'ajouter, ou être exclusivement résumés, par des modifications des capacités fonctionnelles de la voix : difficulté d'atteindre certaines fréquences (la tessiture), modification du timbre, fatigue vocale avec ou sans douleur.

b) l'interrogatoire ORL :

« Les symptômes sont décrits en précisant leur chronologie dans le temps, leur durée et surtout leur tolérance ainsi que leur perturbation de la vie quotidienne, surtout professionnelle, la recherche des facteurs favorisants : le tabagisme, le reflux gastro-oesophagien, les allergies, les infections rhino-pharyngées, sinusiennes ou pulmonaires (trachéite ou bronchites), traumatismes, et surtout, le surmenage vocal des antécédents d'une chirurgie thyroïdienne les différents traitements prescrits et leur efficacité ou inefficacité. Les traitements iront de la rééducation, de l'allopathie à la chirurgie. »60

IV-2 La voix psychogène :

Une patiente vient me voir, pour des problèmes vocaux, liés à une angoisse de perdre le souffle et que ce souffle s'arrête.

On ne peut pas dire j'ai perdu le regard, mais j'ai perdu la vue, et non pas ma vue, alors qu'on dit j'ai perdu ma voix. Du coup on est muet comme une carpe après avoir perdu sa voix comme si nous étions amputés de notre voix. Cela démontre qu'au coeur de la voix quelque chose nous convoque à notre insu, au niveau inconscient qui traverse le corps.

a) L'angoisse :

60 groupe ORL de Toulouse 5 avril 2011 par L'équipe GORG. https://www.doctolib.fr/cabinet-medical/toulouse/groupe-orl-rive-gauche

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Il y aurait au coeur de l'aphonie le témoignage d'une souffrance. En effet, Cicéron dit qu'au coeur de la voix git un « cantum obscirior » un chant obscur. La détresse de l'être humain oblige celui-ci à demander à l'autre de lui désigner ce qui est désirable et ce qui ne l'est pas et d'être un grand donateur des objets. Cet appel à l'autre celle dont on dépend notre mère, se fait d'abord par le cri qui fut le premier rapport au corps comme support de cet appel. De la réponse de la mère ou non réponse dépendra tous notre vie inconsciente, et nos symptômes qui se logeront comme le dit Freud en 1926 « dans Inhibition, symptôme et angoisse »,61 vers le haut du corps, notamment le coeur, le souffle et la voix.

Françoise Dolto dans l'image inconsciente du corps que :

« Derrière la dysphonie, ou aphonie se révèle le symptôme d'une souffrance, que la voix vient dévoiler comme une fracture du discours. La voix réduite au silence présentifie l'inaudible d'une parole perdue dans le trou vocalique.

L'altération de la voix est certes d'origine organique, mais elle peut être aussi la marque d'une béance à être ou d'un manque à être. »62

Freud fait une nette différence entre la peur face à un danger qui est connu, reconnu et l'angoisse dont l'objet de la peur est inconnu. L'angoisse est une réaction dans le but de se protéger face à un danger à venir. Ce qui fait trauma chez l'individu c'est d'avoir eu à faire face à un évènement inattendu, induisant un énorme stress, un effroi. L'angoisse serait donc une défense au service du moi. Freud nous indique que « l'angoisse est liée à la pulsion. Un excès de tension crée une surcharge d'énergie qui ne peut se libérer et provoque l'angoisse. »63

Pour Freud il y aurait un facteur t de l'angoisse dès la naissance.

«La situation traumatique ou la situation de danger à l'origine de l'angoisse ont la même caractéristique de signifier une séparation ou une perte d'un objet aimé ou la perte d'amour de cet objet. L'angoisse a besoin de s'exprimer. Si elle ne peut s'exprimer en parole, c'est par le comportement ou le fonctionnement corporel, par le comportement du corps en société ou le comportement caractériel ou par un dysfonctionnement végétatif ou moteur que l'angoisse s'exprime »64 Paradoxalement l'inhibition vocale est un cri d'une souffrance, un appel au secours.

61 Freud. « Inhibition, symptôme et angoisse », ed.Puf

62 Françoise Dolto « l'image inconsciente du corps « Ed, du Seuil 1984 63. Freud. « Inhibition, symptôme et angoisse, » ed.Puf, Op.cit 64 Ibid.

65 Ibid.

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« Au cours du développement, lorsque le moi est devenu capable de passer de la passivité à l'activité, il parvient à reconnaître le danger, à le prévenir par le signal d'angoisse: « L'angoisse réaction originaire à la détresse dans le traumatisme, est reproduite ensuite dans la situation de danger comme signal d'alarme du danger menaçant son intégrité. » 65

Quel évènement va-t-il bien pu provoquer une telle décharge d'énergie dans le haut du corps au niveau du coeur et des poumons ? Pour Freud c'est le traumatisme de la naissance dans sa forme la plus archaïque

Deux possibilités s'offrent alors au sujet une réaction réflexe à chaque fois qu'il se situe dans une position de danger dans certains aspects rappelle ce qu'il a vécu initialement.

L'autre est ce que Freud nomme le signal. Il s'agit de la reproduction atténuée de ce qui a été vécu initialement, parce que le sujet reconnait l'approche du danger, parce que corréler à son impuissance biologique, et à la dépendance totale à l'autre. La vie intra-utérine comme après la naissance est liée au besoin biologique et affectif de l'enfant. C'est donc un dispositif mis en place par le moi, permettant de déclencher des opérations de défense telle que l'angoisse. Le nourrisson donne un signal d'angoisse avant même que le danger arrive. Des éléments d'excitations qui n'ont pas pu être déchargés, sentiments d'abandon, détresse, déplaisir etc. Apparait donc une tension vers le haut du corps, une énergie qui demande à être apaisée par la mère de telle sorte que l'enfant pourra expulser ces tensions et retrouver sa sérénité

Quelque chose « la chose » viendra se répéter dans la vie du sujet créant une tension demandant à d'être expulsés, liquidés. C'est le noyau propre du danger dit Freud.

Pour Freud l'angoisse est un symptôme de névrose qui se manifeste de façon symptomatique, aboutissant à son évitement. C'est-à-dire que le symptôme est une parade à l'angoisse. Donc il protège le sujet d'un danger réel ou supposé.

Les manifestations somatiques de l'angoisse au niveau vocal sont une gorge serrée, du mal à respirer, une bouche sèche ce qui quelques fois provoque à la longue des problèmes de parotidomégalie (problèmes de glandes salivaires). Les cordes vocales étant moins alimentées par la salive se fatiguent et souvent s'enflamment. En général le larynx est haut placé et

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provoque un essoufflement. La glotte fermée entraîne un timbre sans vitalité, et le débit de ses mots peu fluide.

Tous ces symptômes sont en rapport étroit avec la signification du mot

« Angoisse » qui vient du grec « angxo » qui signifie « j'étrangle » « passage étroit» et du latin« angustia » qui signifie« resserrement».

L'angoisse, provoque une montée du larynx qui provoque un resserrement de la gorge et une sensation d'étouffement. Ce resserrement provoque également une difficulté à déglutir et une mobilité de la mâchoire réduite.

Il y a aussi une sensation de bouche sèche et de glotte fermée qui peut renvoyer à une idée de ne pas pouvoir dé« glottir » comme un sanglot non abouti, d'où« sans glotter ». Il y a une faille dans quant à la satisfaction organique lié au plaisir du fait que l'aspect gustatif dans cette pathologie est altéré. La dialectique du désir articulé à l'autre fait défaut du fait que le mot ne peut plus faire corps avec la voix. Ce qui est repérable à l'effet du symptôme c'est qu'il parle du sujet, de l'objet de sa plainte, de sa perte de son histoire inscrite dans le corps. C'est pourquoi le sujet s'accroche à son symptôme comme le vers sur le fruit, il n'y a pas de sujet sans symptôme dit Lacan. Le symptôme dit une vérité qui arrivé voilé à la conscience, et la souffrance est porteuse de jouissance.

Dans le Séminaire 13, le 20 avril 1966 de Lacan « L'objet de la psychanalyse »,66 douleur et voix sont intriquées et que la voix est liée au corps dans sa matérialité sonore : rappelle bien que parler de la voix, ce n'est pas en parler dans sa matérialité sonore. En effet dans la séance du, il parle en ces termes des rapports du langage :

« Qui, incontestablement, en effet est coupure et écriture, avec ce qui se présente comme discours, langage ordinaire et qui nécessite ce support de la voix, à ceci près, bien sûr, que vous ne preniez pas la voix pour simplement la sonorité. Ce qui la ferait dépendre du fait que nous sommes sur une planète où il y a de l'air qui véhicule du son, ça n'a absolument rien à faire avec ça. Quand je pense que nous en sommes encore dans la phénoménologie de la psychose à nous interroger sur la texture sensorielle de la voix [...] on peut interroger le phénomène de la voix. Il n'y a qu'à prendre le texte de Schreiber et à y voir distingués, comme je l'ai fait, ce que j'ai appelé message de code et code de message pour voir qu'il y a là moyen de saisir d'une

66Jacques Lacan : Séminaire 13, le 20 avril 1966 « L'objet de la psychanalyse »,

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façon non abstraite mais parfaitement déjà « phénoménologisée » la fonction de la voix en tant que telle. Moyennant quoi, on pourra commencer à se détacher de cette position invraisemblable qui consiste à mettre en question l'objectivité des voix de l'halluciné [...] En quoi la voix sous prétexte qu'elle n'est pas sensorielle, serait-elle de l'irréel, de l'irréel, au nom de quoi ? [...] Est-ce que la voix est irréelle, allons-nous dire de ce que nous la soumettions aux conditions de la communication scientifique, à savoir qu'il ne peut pas la faire reconnaître, cette voix qu'il entend ; et la douleur, alors ? Est-ce qu'il peut la faire reconnaître ? Et pourtant ? Va-t-on discuter que la douleur soit réelle ? Le statut de la voix est à proprement parler encore à faire [...] il y a de ces phénomènes de voix qui s'accompagnent de mouvements laryngés et musculaires autour de l'appareil phonatoire et que ceci bien sûr a son importance, n'épuise certainement pas la question mais en tout cas, lui donne un mode d'abord. Ça n'a pas fait avancer pour autant, d'un pas de plus, le statut de la voix [...] Ce serait tout à fait folie de méconnaître ce que le statut de la science préconise - je parle de la nôtre - [et ce qu'elle] doit à Socrate qui se référait à sa voix. Il ne suffit pas de prétendre en finir avec, et se satisfaire ou croire qu'on a satisfait à un phénomène comme celui-là au fait que Socrate disait expressément référer à sa voix, pour dire, oh ben oui, il y avait dans un coin un truc qui tournait pas rond. [...] Il faut dire d'ailleurs, que nous, qui ne sommes pas de parti pris, nous n'avons pas de visée spéciale vers l'humiliation de l'homme, nous nous apercevrons qu'il y a deux autres objets a, chose curieuse, restés même dans la théorie freudienne à demi dans l'ombre, encore qu'ils y jouent leur rôle d'instance active, à savoir le regard et la voix [...] l'obscurité n'est pas sur le désir de l'Autre, que vous sentirez déjà immédiatement supporté par la voix, que ce désir à l'Autre qui représente une dimension que j'espère, à propos du regard, pouvoir vous ouvrir. [...] La double dimension qui se révèle ici est, vous le verrez, quelque chose qui différencie le caractère se dérobant, le caractère insaisissable de la substantialité de l'objet a quand il s'agit du regard et de la voix, ce caractère se dérobant, caractère insaisissable n'est absolument pas de la même nature quant à ces deux objets et quant au phallus. »

b) La voix peau :

Suite aux cherches approfondies de Didier Anzieu « le moi peau et le moi pensant » Editions Dunod (1994), sur le Moi-peau, celui-ci a élaboré la notion « d'enveloppe sonores du Soi ». En effet il a mis en évidence l'existence précoce d'un miroir sonore ou d'une peau « audio-phonique » en lien avec l'appareil psychique par étayage. En effet le « Le soi se forme comme une enveloppe sonore dans l'expérience du bain de sons, concomitante de celle de l'allaitement. Ce bain de son préfigure le Moi-peau et sa double face tournée vers le dedans

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dehors, puisque l'enveloppe sonore est composée de sons alternativement émis par l'environnement et par le bébé.

Le bain mélodique la voix de la mère, ses chansons, la musique qu'il entend, le bain mélodique de la voix de la mère, donne l'illusion d'un miroir sonore dont il fera l'expérience par des cris, puis par des gazouillis puis par des jeux d'articulation phonématique. Il s'agirait d'un miroir à double face à partir duquel s'ébaucherait une identité pré-individuelle par le jeu de l'expérience d'une « memeté » (terme employé par F. DOLTO), vocalique permettant de palier l'angoisse de la présence de la mère relativement à des éprouvés vibratoire constituant une image du corps pré-individuelle en y mêlant des éléments propres (ses éprouvés) et ceux qu'il emprunte à autrui (sa mère) même si la voix de la mère n'est pas encore perdue.

Alain Delbe dans « Le stade vocal » préfère isoler la notion de la voix du bain sonore en établissant la conception du stade vocal. 67

La voix maternelle est identifiée par le nourrisson très précocement et sont associés aux soins affectifs et maternels. Par ailleurs l'enfant ne peut produire que des sons vocaux, et l'adulte reproduit en miroir les sons vocaux du bébé. Plutôt que de parler d'enveloppe sonore, ne serait-il pas judicieux de parler d'enveloppe vocale ? La voix rompant le silence pallie l'angoisse de l'absence de la mère. Il y aurait donc un aspect contenant de la voix de la mère qui rassure le bébé en lui parlant et le regardant avec tendresse.

La voix par l'intermédiaire des creux des résonateurs, de la cavité bucco pharyngée et des vibrations qu'elle entraîne conduit à la notion de centre indissociable de l'équilibre psychique et physiologique, d'où le sentiment d'un centre vide vocale en lien avec l'image inconsciente du corps. D'ailleurs les techniciens du chant conseillent de rassembler leur voix au centre du corps. D'autre part, l'enfant est inscrit dans un langage soutenu par la voix s'inscrivant dans la dialectique contenant/contenu.

c) Jeu du dedans et du dehors :

D.W Winnicott fait référence à la voix comme un objet transitionnel car en effet, par le médium voix, ce qui se rejoue c'est de la présence et de l'absence de l'autre. Il y a aussi ce qui se joue du dedans et du dehors puisque la voix est intégrée au corps, et de ce

67 Alain Delbe psychologue « Le stade vocal » Édition le Harmattan 1995

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qu'elle a de contenu dans ce même corps et qui au fur et à mesure de l'élaboration symbolique, devient contenant. Par cette construction symbolique nous avons créé d'autres liens avec notre mère. Sa voix nous appelant nous aide à comprendre que nous n'étions pas elle et que nous tenions une place à part entière dans le monde. 68

Denis Vasse nous parle de la voix comme d'un nouvel ombilic qui relie la mère et l'enfant. C'est par sa voix que la mère a pu donner sa place à l'enfant dans le monde.

C'est par sa voix que la mère recrée le lien brisé par la rupture du cordon ombilical. Avant d'avoir un sens, la voix est synonyme de présence. Lorsque le bébé fera l'expérience du manque, les vocalises l'aideront à supporter l'absence de la mère, paroles abstraites qui le mèneront plus tard au langage. La guérison consiste à revenir en arrière, à rebrousser chemin afin de réactualiser le traumatisme.69

Alain Delbe définit le stade vocal aux alentours de six mois lorsque le nourrisson s'approprie sa voix, ou il comprend que les émissions vocales lui appartiennent.

L'identification à sa voix sera fondamentale pour la structuration de sa personnalité. Même si l'enfant communique avec de multiples canaux -geste, mimique toucher etc. seule la voix quand elle est parole est langage.70

d) La voix vide :

M. vient me voir car elle a peur de perdre sa voix. L'examen médical ne décèle rien de suspect au niveau organique.

Au cours des séances M. me confie que son père était injurieux et qu'elle avait pris l'habitude pour éviter les affres de son père de se taire.

Elle subit les violences verbales de la même manière de son mari. Ce qui fut l'élément déclencheur de ses problèmes vocaux fut une gifle qu'elle aurait reçu d'une dame à l'occasion d'une démarche administrative. Cet acte mit en exergue tout son vécu pulsionnel de l'enfance, le fait de vouloir s'émanciper de la voix paternelle qui lui disait « tais-toi » outre le fait que par des paroles violentes et haineuses l'humiliantes. Donc il s'agissait de se faire de plus possible oublier de son père et de de ce fait, de se taire, (terrer). La voix de son père venait se substituer à la sienne au point que la sienne était perdue cachée dans la grotte laryngée. C'est comme si

68 D.W Winnicott dans « objets transitionnels » coll. "Petite Bibliothèque Payot",

69 Denis Vasse « L'ombilic et la voix », Editions du Seuil 1974 op.cit.

70 Alain Delbe « Le stade vocal » Ed. L'Harmattan

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elle endossait la peau de l'autre « vocale » pour s'en protéger accablée par le poids du surmoïque.

La voix réduite au silence présentifie l'inaudible d'une parole perdue dans le trou vocalique. L'altération de la voix est certes organique, mais elle peut être aussi la marque d'une béance à être ou d'un manque à être. Derrière la dysphonie se révèle le symptôme d'une souffrance, que la voix vient révéler comme une fracture du discours.

La voix est pulsionnelle elle peut n'être que jouissance, dans l'errance d'une voix qui ne porte plus le mot (maux) ou désir à l'autre soutenant le discours qui prend corps.

Le corps est mis à nu par la sonore qui l'érotise. Phallique elle se fait geste intrusif qui déborde le corps. La voix prend alors le pas sur la parole à l'effet de la jouissance qui prend en otage le corps excluant le sujet de la parole. Malgré tout la voix peut revêtir plusieurs peaux au bénéfice de la sociabilité pour rendre la vie plus tolérable dans nos rapports à l'autre. Elle se fait enjôleuse, plaintive, geignardes, autoritaire etc.

Le vocal donc endosse comme un manteau, la souffrance que le sujet extériorise par le jeu vocal au jeu de la rencontre. La voix devient un par-dessus recouvrant le mot telle une peau qui étouffe la parole au risque de devenir un carcan. La voix s'éraille, s'étrangle à l'effet d'un mot qui chu dans le silence d'une voix qui ne peut soutenir le signifiant. La parole se délite étouffée par une voix qui voile le discours mais qui dévoile la souffrance du mal à dire. La voix se perd dans les méandres du discours, elle transporte avec elle un manque à dire, à être. De qui de quoi cette voix se fait-elle le portevoix ?

Bredouiller, bafouiller, bégayer etc. cela vient marquer plus qu'un « raté »de la profération, une buttée de l'acte de parole sur sa propre jouissance corporelle, vocale. 71 « La voix tient de la faille et du gouffre. La voix surgit de l'abîme du silence et par la résonance qu'elle donne au mot, elle indique la béance de l'abîme tout autant qu'elle l'occulte. La voix tien de l'esprit de la langue, celle du sujet ; elle lui donne une limitée nécessaire à la perception ; elle est ce par quoi l'esprit ou la langue s'appréhende. Mais en même temps elle donne aux mots une résonnance sans limites, celle de l'esprit. C'est en cette limite précisément que je placerai la voix en sa fonction symbolique, là où viennent à rencontre et à séparation la langue

71 Jean-Michel Vives « Les enjeux de la voix en psychanalyse dans la cure et hors cure « Presses Universitaire de Grenoble 2002

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et le sujet, et pour autant que sans elle, ni la langue ni le sujet ne saurait - et pour cause se dire. » « Lorsque la voix se noie dans une langue qui n'aurait pas d'attache particulière, elle indique, par sa défaillance délirante, le vertige d'un sentiment océanique où tout se dissout dans un mutisme imaginaire, d'un un sans Autre. »72

d) La perte :

Guy Rosolato rappelle que la « mémoire sonore « opère sur le phénomène du manque parce

qu'articulée à la séparation du corps d'avec celui de la mère. 73 Cette perte est évoquée dans

le poème de Lamartine dans ses méditations :

Les images de ma jeunesse

S'élèvent avec cette voix,

Elle m'inonde de tristesse,

Et je me souviens d'autrefois,

L'absence incite le poète à la faire revivre de façon sublimatoire au travers de l'écriture comme

un retour fantasmé au corps maternel.

E.Sechaud parle « d'un effet sublimatoire en de ça des mots qui se supplée à la perte de l'objet perdu. Pour elle, la sublimation issue de la perte maintient le lien à l'objet perdu, dans un mouvement de ré-objectivisation dont la force trouve sa source dans un réinvestissement libidinal de l'objet. « 74

Rappelons que l'infant est confronté à deux pertes, celle du cri lié à la demande et celle de la mère qui l'invite à la fusion vocale. Il devra pouvoir rester sourd au chant de la sirène, pour n'entendre que le chant de la poétesse qui l'invite à advenir. Cette surdité créera au sein de la psyché, un point sourd tout comme il y a un point aveugle pour pouvoir voir. Le sujet, pour advenir comme parlant, doit en tant qu'émetteur à venir, pouvoir oublier qu'il est récepteur du timbre originaire. Il doit pouvoir se rendre sourd au timbre primordial pour parler sans savoir ce qu'il dit, c'est à dire comme sujet de l'inconscient. Pour devenir parlant, le sujet doit acquérir une surdité spécifique envers cet autrui qu'est le réel du son musical de la voix. De même qu'un

72 Denis Vasse « l'arbre de la voix » Ed.Bayard

73 Guy Rosolato « Revue française de psychanalyse, January-February,1974 « la voix entre corps et langage »

74 E.Sechaud « La sublimation, un mouvement, la création » Revue Francaise de Psychanalyse, tome 69, année 2005 (65ème congrès des psychanalyses)

e) La jouissance comme « J'ouïr (de la voix).

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point aveugle structure la vision, l'acquisition d'un point sourd - acquis par le refoulement originaire - s'avère nécessaire.

Pour pouvoir entendre et parler. La voix primordiale est devenue "inouïe" et le sujet pourra conquérir sa propre voix. Bien qu'ayant perdu la jouissance de l'autre , qui serait de l'ordre de la » mal e diction »par ce que hors mots, pour trouver sa voix il faut que la voix de l'autre soit mal-entendue, comme si la perte n'était que partielle et qu'il en reste un bout, d'où l'objet « a » Le principe même de la pulsion invocante montre que le sujet de l'inconscient n'a pas oublié que pour devenir invoquant il a dû se rendre sourd à la pure continuité vocale de l'Autre. Cette surdité à la voix primordiale permettra au sujet à venir, à son tour, de donner de la voix. Celui ou celle qui n'aura pas été sourd à la voix de l'autre y restera suspendu et envahi, d'où les voix fantôme dans le cadre de la psychose.

Le mythe d'Echo : « Les métamorphoses d'Ovide » (livre III, 339-510) :

Dans la mythologie grecque, Écho est le nom d'une nymphe. Elle est l'héroïne de plusieurs mythes différents.

Zeus qui demande de détourner l'attention de sa femme Héra, en lui parlant sans cesse. Pendant ce temps Zeus peut se livrer à des « aventures amoureuses ». Héra, jalouse, comprend la tromperie et lance une malédiction sur Écho. Désormais, celle-ci ne peut plus parler la première, mais doit se contenter de répéter ce que les autres ont dit avant elle.

Dans un autre mythe, Écho rencontre Narcisse et en tombe amoureuse ; mais Narcisse, qui n'aime que son reflet, ne répond pas à son amour. De chagrin, la nymphe se retire dans une grotte. Comme elle ne se nourrit plus, elle finit par s'évaporer ; il ne reste d'elle que sa voix qui, toujours soumise à la malédiction d'Héra, répète sans cesse les dernières syllabes que l'on prononce.

Echo se trouve donc confrontée à imprononçable, sans une voix qui se fait jouissance d'un amour perdu à jamais. Une voix qui n'a pas d'adresse. La voix n'est que mélopée qui ne dit pas les mots mais se fait musique. Mais Echo disparait derrière cette voix jouissive car il n'y a pas d'adresse ni d'invocation. L'histoire d'Echo montre à quel point la parole est liée au désir envers Narcisse, qui reste incapable de l'entendre. Il ne reste plus qu'à se taire «se terrer» jusqu'à tel un spectre vocalique, qui ne dit plus rien.

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L'impossible possession de l'objet de la voix entraine une tension permanente entre le convoité et redouté. Convoitée en tant qu'étant liée au corps comme promesse de jouissance et redoutée car peut nous entraîner dans l'abysse d'un l'illimité vocalique aboutissant à la folie. Michel Poizat dans le mythe du « Covenant (pacte)» établit bien la limite entre « Le principe du « sama » est la jouissance de l'injonction créatrice. Se pose la question de l'incorporation, de nourriture, associée à cette audition primitive d'un verbe primordial créateur, et la notion de souvenir, de résonance, d'écho de cette voix impérative qui ordonne le monde. Le mythe de l'audition primordiale du Verbe créateur se prolonge par celui qui met en scène un pacte primitif liant Dieu à l'ensemble de ses créatures humaines. Toutes les âmes étaient plongées dans l'ivresse de cette parole. Il y a une articulation de la voix et le remémoration de la dimension sonore d'une parole fondant l'alliance entre Dieu et les hommes mais aussi le « OUI »d'Adam qui romps avec cette jouissance en acceptant d'obéir à la voix divine car « ob-ouir » (obaudire) c'est écouter se soumettre au temps de parole de l'autre, obéir c'est incorporer, assimiler cette parole. 75

La voix peut-être un ancrage à l'érotisation du corps de l'autre, dont la voix de l'aimé se ferait écho. Elle vient donc incarner quelque chose qui attendu de l'autre, qui vient à manquer.

Le mythe des Sirènes :

Dans la mythologie grecque, les Sirènes sont des créatures mi- femme mi- oiseau. Filles du fleuve Achéloos et de la muse Calliope, une punition d'Aphrodite ou de Déméter leur donnera cet aspect monstrueux. Dans la tradition la plus usitée elles sont au nombre de trois. L'une joue de la lyre, l'autre de la flûte et la troisième chante. Elles séjournent dans le détroit de Messine où les marins, charmés par leurs chants, perdent leur sens de l'orientation et leurs bateaux se fracassent sur les rochers. Rejetés sur les récifs, ils seront dévorés par les Sirènes.

Histoire d'Ulysse et les Sirènes :

Après la prise de Troie, Ulysse, ayant encouru la colère de Poséidon, dieu de la Mer, erra durant 10 ans sur les flots, affrontant de multiples dangers et aventures. Au moment de quitter la Magicienne Circée, chez qui il avait dû passer un an, elle le mit en garde sur le danger des Sirènes qu'il allait affronter. S'il tenait à écouter leurs chants, il devra boucher avec de la cire les oreilles de ses compagnons, et lui-même se faire attacher solidement au mât du bateau. Il suivit ses conseils, et les oreilles non bouchées, put ainsi, sans risque entendre leurs chants.

75 Michel Poizat « la voix du diable » Ed Métailié

L'oreille se fait regard et ce fait regard porte sur ce que le sujet donne à dé-voiler le narcissisme est mis rudement à l'épreuve. Cela traduit une peur mortifère d'un corps malade

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La voix de la jouissance dont parle Lacan J (le Séminaire Livre X, L'angoisse (1962-1963) non publié), se rapproche du râle de jouissance et de la mort du père de la horde primitive. La voix rejetée (werfen) partie ré réelle non symbolisée va subsister comme père mort increvable menaçant. La perte de la voix dans le cadre de la dysphonie ou aphonie peut en cacher une autre. Théodore Reik parle d'une mise en écho de la parole du sujet inconscient, qui pourrait être l'objet cause de la pulsion invocante. L'absence de voix, exclut le sujet du social qui peine à se faire entendre. La voix s'entend comme le visage se voit et nous renseigne sur comment la voix se porte et comment le sujet supporte sa souffrance.

La couleur de la voix est comme la couleur de la peau elle nous dit l'état du patient. Elle informe donc sur le désir, colère, haine peur, confiance, etc. Elle exhibe ce que nous croyons dissimuler c'est pour cela que (B .DeJurquet 1999) dit qu'elle est un secret visible. L'impossible appel à l'autre le renvoie à sa solitude et ébranle un corps qui s'épuise car « rien ne sort. » Le starter vocal ne fonctionne plus. Cet impossible appel va de pair avec le scopique car le patient ne regarde plus l'autre, son regard s'enlise dans une rêverie scopique, tout comme la voix s'enkyste dans le larynx.

Cette idée de rien ne sort nous renvoie au problème de l'anorexique qui ne rentre rien ou rien ne rentre. Dans le cadre de la dysphonie ou aphonie c'est la même chose. Le sujet présentifie sa souffrance par une « anorexie vocale » la parole étant dépossédée de la chair vocalique. Le corps en est réduit à un squelette consonantique dépouillé de la chair vocalique. La voix est réduite à un souffle qui s'évertue à atteindre l'autre par son appel au-secours. La voix s'organise comme elle peut, elle se fait crie, sanglot, aphonie, dysphonie, toux, déjection etc, pour se faire entendre de l'autre. Le mot est écorché par cette voix qui marque le trouble, voile le discours, mais dévoile le malaise. Alors le sujet crie à corps perdu son angoisse, malgré une voix perdue dans les méandres laryngés, béance de la demande du sujet à l'autre.

La faille du désir empêche le geste vocale permettant l'appel à l'autre. Cette voix perdue serait la voix du désir de l'autre. Le cri du nouveau-né n'est pas d'abord appel, il ne le deviendra que par la réponse de la voix de l'Autre où se marque son désir.

La première intervention de la voix d'Olympia est un aria « les oiseaux dans la charmille... ». Les vocalises y sont scandées, acrobatiques et aiguës. Le système langagier d'Olympia est une

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de sa voix qui ne soutint plus le mot, au risque de la mort intérieur du sujet. Le sujet cherche le moyen d'un geste vocale qui lui permettrait de faire peau neuve avec sa voix. Le geste vocale consiste en une pulsion qui permet l'envoie de la voix « l'en voix » à l'autre. Le sujet est pris par la perte du jeu présence/absence correspondant au fort/da dans « Au-delà du principe de plaisir »dont parle Freud. Ce qui est forclos c'est l'appel à l'autre et cet impossible appel empêche la présence de l'autre.

L'aphonie vient marquer l'absence de l'autre. Il reste le souffle le filet de voix qui donne la perspective de retrouvaille possible d'avec l'autre. On peut donc espérer une mue vocale qui permette de régler le conflit présence/absence.

La voix surmoïque de l'autre, peut prendre une telle place, parlant au lieu et place du sujet, qu'il en est réduit 'à un porte-parole de l'autre. La voix du sujet est déshabillée de sa propre peau pour revêtir celle de l'autre. La voix du sujet n'a plus qu'à se terrer « taire » au profit de l'autre qui parle à sa place. La voix de l'autre devient persécutrice car elle revient occuper tout l'espace. Le père devient un étranger persécuteur car non incorporé. Il s'agit donc de se débarrasser de cette voix qui encombre la zone laryngée.

La voix du sujet brille par son absence désertant la parole et laissant un trou, une indicible parole provoquant une aphonie.

Dans le 1er acte des contes d'Hoffmann d'Offenbach, Spallanzani, un brillant physicien construit un automate qu'il s'apprête à présent à la société comme « sa fille ». Il la nomme Olympia. Hoffmann, son élève, tombe éperdument amoureux d'Olympia sans reconnaître la nature inanimée d'Olympia. Après avoir chanté, l'automate offre au poète Hoffmann l'occasion d'une valse folle.

Mais Coppélius un vendeur, qui a donné la vue à l'androïde en vendant des yeux à Spallanzani, vient en pleine fête réclamer le prix de ses services. Dupé puis éconduit par Spallanzani, le pourvoyeur d'yeux se venge en brisant la poupée devant les invités hilares qui accablent Hoffmann effaré.

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discontinuité de micro-silences, qui montre que le sens est perdu, mais que la jouissance pointe à cause des aiguës proches du cri. Cet automate sur la demande de son « père » chante cet air qui obéit par de nombreuses notes piquées à la Loi du signifiant imposée par son créateur.

Objectivée, réduite à l'état de machine, elle dépend de lui pour donner de la voix « Ma fille obéissant à vos moindres caprices... dit Spallanzani», la voix devient un objet anal répondant à la demande de l'autre.

Jusque-là obéissant aux sollicitations paternelles, Olympia n'est pas en danger. Mais c'est grâce à la valse avec Hoffmann qu'Olympia va acquérir de l'autonomie. Elle dira « oui » à son père mais s'autorisera à valser en chantant un chant qui devient pratiquement orgasmique. Tant que les vocalises étaient scandées le rapport au signifiant était encore présent. Désir sans Loi, jouissance sans limite tout cela est dangereux, mieux vaut le détruire.

Olympia n'avait d'existence que par la demande de l'autre. Sa voix se faisant déchet devra se briser en même temps qu'elle.

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V- LA VOIX ET TRAUMATISME - LE TROU-VOCALIQUE

A la suite d'un stage que j'organisais sur la voix en art-thérapie, une jeune femme vient me rendre visite inquiète du fait qui lui est impossible de chanter car l'idée de chanter la paralyse complètement. C'est un travail qu'elle veut faire du fait de l'effet du contre transfert, qui risque d'envahir la séance art-thérapie orientée par la psychanalyse. Claire Gillie parle d'une automutilation vocale qui renvoie à une forme d'anorexie vocale. Chanter serait prendre des risques de donner à voir ou en entendre quelque chose de soi qui doit rester dans l'inouï, la voix chantée comme objet est rejeté au rebu de l'abject, menaçant. Ne serait-ce pas le risque de converger vers l'engloutissement de la relation duelle avec la mère « au risque de perdre une partie de la castration mais de se perdre tout entier comme vivant ? »76 Ne serait-ce pas un retour à la relation archaïque d'avec la mère par cet objet voix ? Ne serait-ce pas un dérapage, qui contreviendrait à la loi paternelle de flirter avec la jouissance de l'objet chu de la parole? Car que se passerait-il si elle y trouvait quelque jouissance ? « Mozart dans la flûte enchantée avait bien compris le déchaînement de la jouissance maternelle incarnée par la Reine de la nuit dont les performances vocaliques défient la loi du verbe, qui conduit Tamino au piège du fantasme à cause de la fascination que constitue la vocalité de la Reine de la nuit. Sarastro le père arrache sa fille Pamina à l'emprise de la jouissance maternelle. Les reines de la nuit remettent à Tamino une flûte taillée par Sarastro, c'est donc une quelque chose du père qui est transmis par les femmes. Cette flûte consiste à protéger Tamino de la quête séductrice de la reine de la nuit. La Flûte revêt un aspect symbolique ambivalent car elle à la fois féminine par la possibilité d'une virtuosité vocalique et à la fois masculine par son aspect phallique. L'instrument support de la voix du père et du verbe taillé par Sarastro fait barrage au débordement. La voix est à mi-chemin entre l'imaginaire et le symbolique, elle est mi- dire, et c'est le versant divinisé du père représenté par le prêtre qui permettra à Tamino et Pamina de renoncer à ce lieu de jouissance originel incarné par la Reine de la Nuit. »77La voix devient donc un lieu de désir assumé par l'un et par l'autre et de sortir du lieu de jouissance mortifère conférée à l'objet propre à la psychose.

76 Julia Kristeva « Pouvoirs de l'horreur » Ed.Essais

77 Michel Poizat « La voix du diable » Ed. Métaillé

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A l'effet du traumatisme, il y aurait un échec de l'appel de l'autre comme secourable qui fait défaut au moment où on aurait eu besoin de l'autre. La voix s'échoue alors comme une épave à la mère faute d'avoir été entendu. Le traumatisme laisse le sujet vide de sens, quat, dans un état de sidération. Cela renvoi à l'échec d'un dire d'une plainte et de la mise en place du symbolique qui en découle. Une position fantasmatique liée à la pulsion invocante s'installe de façon paranoïde et revendicatrice en l'existence d'un autre malfaisant, celui qui nous oblige à nous taire et qui jouit de notre douleur, ce qui conduit à une forme d'aliénation à cet autre méchant. La patiente à son récit à partir des cartes contes, en choisit un représentant un personnage en prison ayant un boulet au pied. D'autre part, elle me précise que quasiment tous les mois elle se trouve clouée au lit pétrifiée de douleurs. Pour elle ce boulet signifiait ce quelque chose auquel elle était aliénée, dont elle ne pouvait se débarrasser et qui la faisait souffrir. Ces symptômes ne seraient-ils pas la réponse à un autre persécuteur ou persécutrice, auquel elle obéit et l'oblige à se terrer (taire) percluse de douleurs comme enchaînée. Ce serait prendre le risque de découvrir ce dont on ne veut rien savoir « ça voir » que de chanter. Comme mécanisme de défense, il est préférable de s'en dispenser. Pourtant le chant libère, il est émancipateur, or le surmoi est si puissant qu'il l'empêche d'accéder à ses désirs qui ré-enchanteraient sa vie.

V-1 La forclusion vocale - Les hallucinations :

Pour Lacan : « Ce qui est forclos du champ symbolique revient sous forme hallucinatoire dans le réel ».Celui qui n'aura pas pu se structurer par l'intermédiaire du refoulement originaire, ce point sourd, se verra envahi par la voix de l'autre, il y restera suspendu et en souffrance. Lacan rapproche du râle de jouissance et de la mort du père de la horde primitive la voix inarticulée et la voix de la jouissance. La voix du père archaïque apparait comme obscène et féroce. La voix de l'autre s'impose de façon surmoïque par des injonctions « jouis ». L'autre s'adresse au sujet, mais le sujet est incapable de faire quoi que ce soit de cette adresse. La voix apparait comme fantomatique, comme réelle et menaçante. Freud parlera de voix folles et hurlantes de la conscience dans Totem et Tabou. Il y aurait donc forclusion primordiale à l'effet de la voix primordiale, qui fait retour comme une perception interne. La voix archaïque a été soustraite au pouvoir symbolisant et réapparait dans le réelle dénuée de signifiant.

Pour Lacan l'hallucination est une manière d'être au monde qui comme le délire n'est plus en adéquation en congruence avec un environnement composé de repères constants partagés par tous les représentants d'un groupe humain, un ensemble de signifiants. Les hallucinations sont

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dites vraies lorsqu'elles sont perçues de façon spatiale ou localisée et que le patient s'en défende en se fabriquant une armure (coton dans les oreilles, fabrication d'armure compliquée etc.) pour ne plus les percevoir.

La vocation psychotique venant tenter de suppléer ce qui manque à l'appel constitue l'oubli de l'Autre. Apparaît alors une voix hors-la-loi qui, telles les Erinyes poursuivant Oreste, ne le quitte pas parce qu'elles sont en lui et où qu'il fuie, sont toujours avec lui. C'est ce que nous montre dramatiquement la clinique de la psychose : des patients qui errent dans les hôpitaux l'oreille vissée à un transistor pour tenter de couvrir ses/ces voix. La loi permet donc à la voix de rester à sa place, c'est-à-dire inaudible.

Clérambault (1872-1934) s'est attaché à décrire les toutes premières étapes des processus psychotiques, notamment dans les délires chroniques hallucinatoires. Ces troubles inauguraux consistent en l'émergence au côté de pensées que je sujet reconnaît comme siennes, de productions mentales dépourvues de ce sentiment d'appartenance. Le sujet éprouvant une impression de facticité (qui n'a pas de contingences) les considère comme autonome par rapport à son propre psychisme. Cette activité mentale est dépourvue d'esthésie (sans sensation ni sensibilité) neutre au point de vue affectif et athématique (n'exprimant pas l'essence d'un individu) sur le plan idéique.

Pourtant bien que s'immiscent dans les cours de la pensée, les productions anormales bien qu'étant étrangères au sujet, n'en demeurent pas moins de l'ordre de la pensée, puisqu'elles sont dans la tête dans l'esprit du patient. Ces phénomènes parasites sont sans sensorialité ni spatialisation, ni totalité particulière, ni affectivité.

Par contre les voix venues de l'extérieur attribuées à un ou plusieurs personnages tenant des propos chargés de sens pour le patient déclencheront chez celui-ci une réaction émotive plus ou moins vive, d'autant que ces hallucination verbales, auditives peuvent être accompagnées d'hallucination psychosensorielles olfactives, tactiles, etc.. Les impressions d'étrangeté parce qu'extérieure conduiront le patient à dire qu'il est sous l'influence ou la possession des voix qu'il entend.

Jean Etienne Esquirol élabore la définition de l'hallucination comme une perception sans objet, définition retenue jusqu'à nos jour. «L'hallucination n'est pas seulement une perception privée du stimulus externe correspondant, mais la conviction intime d'une sensation actuellement

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perçue alors que nul objet extérieur approprié propre à exciter cette sensation n'est à la portée des sens «. 78

A la suite d'Esquirol, Falret, précisera que l'objet de l'hallucination doit paraître présent et tandis que le sens comme la, vue, ouïe, odorat et, goût, téguments, ne reçoit aucune impression. Par contre Bleuer fera de l'hallucination une représentation et non l'impression d'un objet, représentation à laquelle le sujet attribue une valeur de perception. Pour Freud, toute représentation inconsciente, doit pour devenir consciente, repasser par la perception pour être perçue comme objet externe. Dans l'hallucination, l'alternative dedans-dehors, représentation-perception, n'a plus de sens. Avec sa métapsychologie du système de perception-conscience, et avec sa théorie de la réalisation du désir dans le rêve et dans l'hallucination ; la dimension subjective sera définitivement instaurée, qu'on soit fou ou non fou.

V- 2 Le rien :

Que suis-je pour toi ? Rien peut-être ! Le « je » est rien. Cette affirmation définit la place vide de l'autre en tant qu'objet habitant le langage de façon fantasmatique ou l'autre du désir n'a pas sa place. Le rien renvoie à l'absence de négation propre à la psychose. Cette absence de négation, indique que le signifiant est barré et laisse un trou symbolique en rapport avec le nom du père. Ce qui permet la fermeture du corps, ce sont les occlusives qui participent à la coupure du souffle évitent la jouissance de la lallation pseudo- discours d'avec la mère. Le NON comme « NOM DU PÈRE » est porteur de la loi permettant une structuration de l'articulation de la parole qui inter-dit la chose évitant le risque de s'y resté pétrifié. Sans interdit il ne peut y avoir de sujet. Ne touche pas donne la dimension de ce qui est bon pour moi et ce qui ne l'est pas et de construire le désir. « La consonne crée une coupure à la jouissance pure de la voix et fait entrer l'enfant et dans la chaîne signifiante dont l'implication pulsionnelle dans cette chaîne se fait sous le signifié du Nom-du-père : papa. Les occlusives « ne pas », marquent donc cette fermeture. Lorsqu'elles disparaissent du langage, cela signifie un corps troué, où le langage n'a pas pris place dans le corps. L'hallucinée ne sait rien du savoir de l'autre quant à sa demande »79

78 J. -E.-D. Esquirol. Des hallucinations. (1817). Extrait « Des maladies mentales considérées sous le rapport médical, hygiénique, et médico-légal. » Paris, J.-B. Baillière, 1838, pp. 159-201. [Réédition : Paris, Frénésie Editions, 1989. 2 tomes en 1 vol. in-8°, dans la collection « Insania. Les introuvables de la Psychiatrie ».

79 Solal Rabinovich « les voix » Editions Eres

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Le rien d'objet qu'est le sujet pour l'autre, c'est réellement rien et le diable, la mère, où dieu occupent la place du rien dans l'autre. Selon Freud il y a rien dans un lieu de l'inconscient, chez Lacan c'est dans ce rien qu'apparaissent les voix se situant entre perception et conscience, venues du réel produit par l'expulsion d'abord, et la forclusion ensuite. Si Freud situe ce réel à l'extérieur du sujet, rejeté loin de lui, Lacan parle d'extrémité du réel. N'existerait-il pas des passerelles, des zones de contacts que nous pourrions emprunter ? La voix objet « a » est en même temps à l'intérieur et à l'extérieur. Proférée au-dedans, elle s'entend au dehors.

Cela signifie que les voix hallucinées vienne habiter un lieu d'où la forclusion du Nom du Père un chassé l'essentiel des inscriptions mnésiques. Rien est la part forclusive de la négation.80

V -3 Je suis pensé :

« Je suis parlé laisse entendre que le sujet ne sait pas lire le chapitre de son histoire, l'inconscient. C'est un chapitre censuré ou marqué par un blanc, ou occupé par un mensonge, dont la vérité se retrouvent ailleurs que dans le corps (symptômes hystériques) archives des souvenirs d'enfance. La voix reste lettre morte. La voix est l'objet chu de la parole marquant la faille du sujet comblée par la voix de l'autre. Je suis parlé, et j'obéis aveuglément à l'énoncé du surmoi. Je suis parlé par l'intermédiaire de l'autre qui parle. »81 « Comme le dit Denis Vasse l'image du corps dans la psychose est référé au fantasme d'un ombilic béant. Il n'y a pas de coupure symbolique le corps dans la psychose se présente comme un ombilic ouvert. Ce n'est pas par hasard que le psychotique cherche son lieu d'origine dans une sorte de continuité organique qui l'invite à pénétrer le corps de l'autre. »82 Seul le corps clos est interprétable en tant que corps d'un sujet soumis au langage, dans les rets duquel il vient se laisser prendre en prenant la parole. »83 La voix désormais s'épuise sans aucune représentation qui puisse donner organiser une pensée en lien avec son propre corps au langage et à l'autre, le signifiant de se trouve pas en lui et encore moi dans son moi. La voix est alors déconnectée du désir et s'opère comme détachée du corps comme la chose mortifère, qu'on contemple avec fascination.

Être pensé c'est n'avoir plus rien de secret et c'est être livré en pâture à l'autre. Denis Vasse parle d'un corps ouvert dans production imaginaire ne pouvant rien s'approprier. C'est être offert à la jouissance de l'autre qui jouit de vous penser. La voix n'est pas refoulée elle et pas

80 Solal Rabinovitch « Les voix » Ed. Eres op.cit.

81 Ibid

82 Denis Vasse « L'ombilic et la voix »Ed. Essais p. 97 op.cit.

83 Ibid p.99

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inscrite dans le corps. À l'origine le cri de l'enfant force sa mère à interpréter ses besoins vitaux, à défaut, cela peut le laisser dans une grande détresse, laissant le corps pensé comme réel, sans consistance dépourvue de sens, de telle sorte que comme le langage n'a pas pris. C'est par le langage et l'Ouïe que l'homme reçoit son statut de sujet conférant du passage du Je au Tu la parole le détache de la voix inorganisée uniquement pulsionnelle, aliénant le sujet à l'irreprésentable de telle sorte que la voix en réalité n'est que déchets et brisure de son.

Dans son rapport à l'autre, la voix n'est pas seulement mise en voix de la chaîne signifiante, elle est vocalisation du désir. Le signifiant n'y est pas seulement articulé, il est émis et vocalisé. En tant qu'objet « a », la voix est à la fois le silence et ce qui le brise. Séparé du corps, et détaché de la chaîne signifiante, l'objet ne s'insère pas seulement entre l'intérieur et extérieur, mais entre le sujet et l'autre confronté à l'énigme de l'autre. C'est alors que les voix s'égarent loin des supports de la chaîne signifiante. Elles sont comme les cris de mouettes pures voix sans énoncé qui incarne le reproche absent injonction muette. Ces voix deviennent persécutrices et profèrent des injonctions comme « tu dois » L'impératif rejoint le pulsionnel marquant la discordance entre le réel et la jouissance. En effet, dans la psychose l'absence de l'interdit parental conduit à la jouissance. Délocalisée à l'extérieur leur réalité nous est dévoilée, rendue visible de la structure du surmoi. Ce surmoi est le représentant du ça, d'un ça qui ne peut rien dire et ne fait que jouir, et ouïr c'est obéir.

V-4 Le bruit :

La voix porte en elle de façon intrinsèque des représentations imaginaire. Aristote écrit : « Pour qu'il y ait voix, il faut que l'être qui produit le choc mette en oeuvre quelque représentation (meta phantasias), car la voix est assurément un son chargé de signification (sèmantikos) et non pas un bruit produit simplement par l'air inspiré, comme la toux »84

Les craquements qu'entend Schreiber au début de sa maladie, et qui épouvantent parfois les phobiques révèlent l'indifférenciation du bruit et de la voix. Il ne s'agit pas seulement du bruit de la pensée entendue, il est aussi le bruit de l'autre, et révèle aussi la présence de l'être, car il marque une présence. Même si nous ne voyons pas les fantômes par exemple, nous sentons leur présence en ne nous fiant par exemple qu'à des bruits. Avant le mot, l'entendu n'est que du bruit, avant que la voix ne donne une forme au mot, l'entendu n'est que du bruit. Oswald

84 Aristote De anima, 420b.

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relève l'affaiblissement consonantique du discours des schizophrènes, les voyelles dominent largement. Il interprète ce phénomène comme une régression au stade pré-linguistique ramenant à l'absence de contrôle sphinctérien correspondant à une vocalisation pure proche de la cacophonie. 85

La voix pulsion invocante est la seule qui ait besoin de deux orifices l'oreille et la boucle audio phonatoire de la nôtre et de l'autre c'est pour cela qu'elle est prise dans le désir à l'autre. La voix est l'objet (a) soumis à la perte « Il faudra que la voix soit séparée de la jouissance et définitivement exclue du cri. Ce qui est exclu, c'est ce qui constitue les choses « sache » les petits bouts de voix, les hurlements, chus de la chose (das ding) de cette jouissance hors la loi instauratrice aboutissant au langage. Malgré tout dans la psychose le bruitage de l'autre de la jouissance, est en rapport avec le pulsionnel sonore faisant retour dans le réel des signifiants forclos. Cependant il reste une trace de plaisir ou de déplaisir. Pour devenir conscients, faits, traces mnésiques il faut passer par l'entendu. Dans la psychose l'intraduit est véhiculé par des représentations de mots. Ce sont des représentations de la chose qui est (das ding) reflet de quelque chose qui a été entendu. Il s'agit donc de la chose voix. »86 Les pensées sont perçues effectivement comme venant de l'extérieur et sont tenus pour vraies. Il y a confusion entre la chose voix et le mot entendu. La symbolique du mot n'est pas distincte de la chose-voix. C'est un souvenir cru, de mot articulé qui s'entend, souvenir que le sujet a reçu de l'Autre, mais qui est n'est plus lisible, il s'entend mais ne se lit pas. Halluciner c'est entendre des paroles véhiculant et du sens qui reviennent au sujet, sans lui apparaître comme siennes. Il y a une discordance entre le corps et le langage. La voix à déserté les mots hors sens de la vocalité. Hors sens, mais aussi hors lettre car il n'y a pas d'adresse. En fait ce qui compte, ce n'est pas ce que du dis c'est la voix. La voix devient donc pulsionnelle en discorde avec le signifiant. « Je m'entends parler avec la voix de ma mère, je m'entends parler de vive voix. Rien n'arrête cette voix, elle n'habite pas le corps. Toute signification a déserté l'énoncé par exemple : je suis platonique avec ma mère, /j'ai mis un bonnet pour retenir mes pensées. Si le signifiant est absent du langage, j'entends le signifié et j'y crois.

La voix s'entend dans le réel et souligne le caractère réel de l'énoncé. Elles peuvent arriver comme des injonctions par exemple : prend un couteau et tue- le. »87

85 Yan Fonagy « La vive voix » Ed. Payot

86 Solal Rabinovith « Les voix » Solal Rabinovitch » Ed. Eéres op cit.

87 Ibid

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Lorsque la voix est dégagée du langage et de toutes significations, elle ne veut rien dire au lieu de « ne rien dire ». Ce rien dire c'est la jouissance qui se fait pur voix. Là où il y a discorde, c'est que la conscience est confondue avec la pulsion. La voix ne rencontre aucun obstacle, rien ne l'arrête. Il n'y a pas de limite corporelle ni limite du monde. Mais nourrie par la pulsion elle se fait conscient parce qu'entendue. Parce qu'elles ne sont pas matérielles les voies dans la psychose sont l'essence même de la voix.

C'est le délire qui opère une liaison entre la voix et les mots qui tentent de réparer la discorde. L'hallucinée entend ce qu'elle énonce dans le réel de façon abrupte, il y a une impossibilité de départager ce qui s'entend du sens.

Il y a donc discorde entre le mot et la voix. Pourtant de ce qui traduit du signifiant c'est le signifié. Forcément des phrases entendues sont une vérité qui se fait injonction. Comment l'analyste peut-il entendre la plainte disjointe du dire. Comment créer un lien avec la voix en tant que soudée au corps.

Alors comment pourrait-on faire pour que le langage devienne chaire ?

La voix de l'analyste comme du thérapeute est à la fois le réel de sa présence sexuée. La voix du thérapeute ou celle de l'analyse ne pourrait-elle pas représenter le sujet pour sa propre voix ? Je me souviens en HEPAD d'une dame mutique qui ne quittait pas du regard ma bouche comme si elle si elle était rivée à ma voix. Elle ouvrait sa bouche à l'effet de ma voix en émettant des petits sons de satisfaction avec un regard gratifiant. Cela ne rappelle-t-il pas de la période enchanteresse ou la mère chantonne des mélodies à son enfant ? Elle attendait les moments de l'atelier chant avec impatience et son corps paraissait s'accorder au mien comme si je lui servais de transfert vocal, créant du lien en elle et moi. Pourrait-on prêter notre voix en prenant à notre charge la demande vocale de l'autre empêché pour permettre une rencontre ? L'analyste ne pourrait-il pas se glisser entre le mot et la chose, entre la voix et le verbe ?

L'analyste ne marquerai-il pas par sa présence une adresse. L'analyste ne pourrait-il pas répondre par le transfert au vide du rapport à la voix de la mère en prenant conscience de l'effet de sa voix sur l'analysant. ? « Au commencement était la voix de la mère ! » Aussi la voix de l'analyste ou du thérapeute permettrait-il de concourir à l'évolution de la jouissance de la voix de la mère pour qu'elle puisse être irrémédiablement perdue ? Faire advenir la voix comme objet « a » à condition d'y advenir soi- même comme je. La voix chantée permettrait de rendre

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plus lisible la voix et dans pacifier l'impact dans le réel, en laissant la place à l'image grâce à la modulation, la brillance et l'émotion du timbre. Jean Jean-Richard Freymann nous donne l'exemple d'une enfant anorexique qui donne de la voix et crie et parle constamment incapable de jouer de la présence et de l'absence par ses silences. Elle parle mais ne s'écoute pas, elle ne se préoccupe pas non plus de l'Autre. Ecouter sa voix du dedans c'est se prendre comme objet d'étude et objet de transfert. Après avoir entendu Callas elle se sent pousser des ailes de désir. Avec le chant elle peut jouer de la voix et respecter les silences musicaux. S'adressant à l'autre les mots peuvent trouver leur souffle en s'appuyant sur l'écriture des notes écrites sur la portée.»88

88 Richard Freymann « Les enjeux de la voix en psychanalyse dans et hors cure »Jean-Michel VIVVES (dir.) Presses Universitaires de Grenoble op.cit.

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VI -LA VOIX VOCALIQUE

VI - 1 Le chant dans la liturgie :

Pour Hildegarde Von Biden l'âme, est « symphonique » et s'exprime tout à la fois dans l'accord secret de l'âme et du corps et dans l'acte musical. A la fois terrestre et céleste, la musique joue alors le rôle d'un médium irremplaçable, capable de communiquer à l'humanité un peu de cette consonance céleste qui régnait dans le paradis avant la chute. La musique des hommes fait donc écho à la musique des sphères célestes et, à ce titre, elle est la forme la plus haute des louanges à la gloire de la création.

Dans l'Islam comme dans le christianisme la musique et le chant ont toujours été des médiums privilégiés comme relation à la divinité. Jean Chrysostome à propos des hymnes dit que : « l'homme n'est pas toujours disposé à entendre une parole divine qui les dépasse complètement ou qui est vidée de son sens à force d'être répétée. Utilisons le pouvoir de la voix pour l'amener à glorifier l'Etre divin », dit-il.

Dans le soufisme le chant ira jusqu'à susciter un forme de transe pour atteindre et pour susciter l'extase. En revanche, l'église ne tolère pas l'accession à l'extase qu'elle juge dangereuse et satanique notamment comme une transgression à la Loi canonique. La jouissance mystique doit s'affranchir de la jouissance érotique. C'est l'intelligence du coeur qui saisit celui qui chante selon Ghazzali « C'est celui qui aime Dieu, qui a une passion pour lui et qui aspire à le rencontrer, celui pour qui tout son frappe l'oreille est entendu comme venant de lui et en lui, c'est celui-là en qui la musique fait naître la transe. »89C'est la figure divine qui donne du sens pour éviter de se laisser submerger par la transe. La musique est utilisée comme garde-fou avec ses ensembles de règles pour empêcher le sujet d'être englouti dans le vide d'une jouissance dont- on ne reviendrait pas. Elle est plutôt une visée et non un but à atteindre. Hildegarde était consciente de se méfier du sentiment océanique que confère la transe mystique et de cette soumission à la loi du Verbe. Ne pourrait-on comparer sa métaphore selon laquelle : la Parole humaine est à considérer comme la Trinité dans l'Unité de la divinité le son (sonus), la force expressive (virtus) et le souffle (Flactus) c'est-à-dire : Le Son le Père, le fils né du père par le souffle et le sonus qui le manifeste et le présentifie, à la métaphore paternelle Réel symbolique imaginaire, le réel de la voix, la signifiant du père et le signifié le fils ? St Augustin ne dit-il pas : « Dieu est inconscient », « le désir, c'est la grâce »,

89Michel Poizat « la voix du diable » Ed. Métailié op.cit. Ghazzali cité par G.Rouget op.ci

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L'Esprit, n'est-ce pas, issu du NOM du père, cette articulation du désir au désir de l'Autre dans lequel il doit trouver sa place. Dans ce dont joui le sujet, il y a autre chose qu'un rapport à l'objet : un rapport à son désir à partir du NOM du père qui divise la jouissance et le désir, et induit le désir d'Autre-chose. L'esprit est issu de l'appel, de l'invocation, de la vocation : « Je (fais) dépendre mon désir de ton être, en ce sens que je t'appelle à entrer dans la voie de ce désir. » Dans l'allemand ancien, le Saint-Esprit se dit der heilige Witz (qui deviendra der heilige Geist). Or, dans le Witz, le mot d'esprit, l'Autre reconnaît la dimension du désir au-delà de ce que le signifiant peut signifier. Cet Autre est « au niveau de celui qui constitue la loi comme telle », il est « ce signifiant qui fonde le signifiant »,90

Les Pères de l'église se demandait s'il fallait maintenir les chants harmonieux à l'église, car provoquant trop d'émotion et « chatouillant les sens » au risque de détourner l'objet initial de réveiller l'ardeur à la louange. St Augustin dans le livre X des confessions se demande s'il faut laisser dans les églises un chant harmonieux, ou s'il vaut mieux s'attacher à la sévère discipline de St Athanase et de l'Eglise d'Alexandrie » « Je me plains qu'on ait si fort oublié ces saintes délicatesses des Pères et que l'on pousse si loin les délices de la musique, que loin de les craindre dans les cantique de Sion on cherche à se délecter de celles dont Babylone anime les siens »91

Jean-Laurent Le Cerf de La Viéville, seigneur de Fresneuse, (né en 1674 à Rouen où il mourut le 9 novembre 1707) était un magistrat et musicographe français. « Faire parler quelqu'un en chant » suppose que l'on accorde attention non seulement à ce qui est dit mains à la manière de le dire et au rapport entre le dicere et le dictum. Aussi applique-t-il une grille méthodique en vertu des vers d'Aristote : Quis, quid, ubi, quibus, auxililiis, cur, quomodi, quando. Qui s'exprime ? Avec quels sentiments ? En quel lieu eten quel langage pour oser parler de Dieu, comment parler à son Dieu, quand ? Ces règles correspondent pour Le Cerf au vrai et au juste, qui font une musique dévote en opposition à la musique théâtrale. Elle doit être simple, expressive et agréable en privilégiant le latin pour le chant dont les sonorités sont énergiques, douces, abondante et grave. 92

90 Jacques Lacan, Le Séminaire « Les formations de l'inconscient » (1957-1958) Ed. Seuil

91 Bossuet, « Maximes et réflexions » sur la Comédie, Paris Jean Anisson, 1694 p. 76-77

92 Monique Brulin « le verbe et la voix » théologie historique sur Le Cerf comparaison de la musique Française et Italienne

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Le Cerf de La Viéville (1674-1707) entre dans la magistrature et devient garde des sceaux du Parlement de Normandie, passionné de musique et d'opéra compare, la musique Française à l'Italienne. Concernant la musique en Eglise il met en évidence la convenance et la bienséance, que les choses soient bien claires dit Jean XXII la seule condition pour légitimer le plaisir sensuel de ces mélodies qui « caressent l'oreille » c'est d'exciter à la dévotion et de ne pas permettre à ceux qui psalmodient la louange divine de se laisser aller à l'engourdissement. Tout le reste est suspect ». Mais alors on peut se demander s'il n'y a pas une dichotomie, entre la volonté farouche de contrôler la jouissance lyrique dans la liturgie en y favorisant le grave, le rythme et la parole renvoyant à la voix paternelle et à la fois d'y rechercher au travers de la voix des castrats, une voix féminine enfantine peuplant les choeurs d'église. C''est en utilisant des voix des-sexuées en les maintenant dans des voix d'enfant que les castrats représentent la voix des anges. N'est-ce pas comme le dit Lacan pour éviter le regard que produit la voix sur l'autre et sa dimension maléfique, obscène ? Pour se tourner vers Dieu il faut détourner le regard de celui qui chante et à la fois éviter que ce regard pèse sur lui pour que celui qui chante soit tout à sa dévotion.

Nous sommes regardés sans savoir d'où « ça » nous regarde dit-il. Il faut bien détourner les adeptes de la pulsion démonique de la jouissance en une version angélique de la voix de l'ange gardien, voix parentale qui calme et prévient les débordements de la pulsion tel un démon.

« Le démon ou la voix de l'Autre, ce n'est pas un hasard si Lacan trouve dans une histoire de démon dans le texte de Jacques Cazotte, Le Diable amoureux le paradigme même du désir de l'homme comme désir de l'Autre.

Quand le héros évoque le démon, sa tête de chameau surgissant dans l'ouverture brutale d'une fenêtre, celui-ci fait résonner sa voix : ce qu'il articule, dans sa langue locale, c'est un retentissant : « Che vuoi ? » qui fait trembler tous les murs et surtout ébranle celui qui l'a invoqué jusqu'en ses tréfonds. Qu'est-ce à dire, sinon que, à travers la voix démoniaque,

le sujet se voit « réadressé », de façon tonitruante, la voix de son propre désir ? Il y a bien ici projection, mais ce qui est en jeu, en cette relecture, est cette instance de l'Autre en sa dimension symbolique. Rappel que l'homme est étranger à lui-même, sans pouvoir jamais s'échapper de ce qui constitue une forme de « damnation ». Vocifération de l'Autre à l'adresse du sujet, comme effet de retour de l'invocation, traduire par : « qu'as-tu fait de ton désir ? » Ou : « que veux-tu de l'Autre ? »

Ce qu'illustre bien le drame du « démon de midi » qui va de l'acédie monastique à la crise de mi-vie du profane. D'où le sujet se voit confronté à une déliaison pulsionnelle qui donne son

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caractère indéniablement « démonique » à ce tournant de vie, tourbillon de jouissance, mais épreuve de vérité du désir.

On le voit, le démon est un Janus bifrons, dieu à double visage. Il pourrait bien être la mise en voix ou « vocalises » du surmoi en sa double « valence », interdictrice et transgressive. Le plus curieux est qu'au-delà du mal, il y a l'angoisse du bien, comme l'atteste le destin du peintre Haitzmann analysé par Freud qui, guéri de sa névrose démoniaque, débarrassé de ses démons, découvre une angoisse des plus cuisantes : celle du bien, ce qui donne la vraie mesure de la complexité du sujet, tendu entre ange et démon, à redécouvrir, via le savoir de conscient, comme la version immanente de l'altérité »93.

VI-2 Le chant dans l'opéra :

Il est intéressant de savoir que dans les années 1920-1930 ce n'est autre qu'Herbert Graff, à savoir le « petit Hans» de Freud grande figure de la psychanalyse qui a réinventé la mise en scène dans l'opéra au XXème siècle.

Ce qui distingue l'opéra de la musique symphonique, ou de chambre est l'aspect théâtral avec un texte et une mise en scène. La différence entre le théâtre et l'opéra c'est que ce qui prime dans le théâtre c'est le texte et le langage dont les idées ou philosophie doivent être convaincantes grâce au jeu des acteurs et actrices. Dans l'opéra le livet et le texte sont soutenus par la musique qui permet de vibrer émotionnellement indépendamment du texte bien que la portée des mots à l'effet de la musique prenne une dimension plus importante car elle nourrit les mots de sa dramaturgie. Ainsi l'opéra est tiraillé entre deux potentialités concernant la voix entre corps et langage. Prima musica et poi le parole (d'abord la musique ensuite les mots). Il y a un dilemme entre l'aspect maternelle de la musique et l'aspect vocalique enveloppante douce heureuse et le père avec le récit consonantique qui provoque une barrière au charme envoutant du chant Pour exemple la musique endiablée dans Faust de Gounod, dd l'air de Méphistophélès « et Satan conduit le bal » qui pousse Faust à la jouissance absolue représentant son aspect obscène et tout puissant d'un Dieu noir qui pousse à jouir. C'est la voix la plus grave la plus noire qui représente le diable qui demandera de signer un pacte d'accès à la jouissance dont il devra payer le prix par le sacrifice du sang d'un être cher. Jean Michel Vives dit que L'opéra s'attache à donner une forme à cette absence de l'objet, à s'en approcher, à tourner autour, à le magnifier, parce que l'opéra permet de jouir sans trop de danger et que l'on s'aperçoit que derrière la voix sublimée se dissimule - à peine - le cri.

93 Paul-Laurent Assoun, « Le démon de midi », Editions de, 2008.Ed. de L'Olivier 2008

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Dans l'opéra chaque type de voix est adapté au rôle que le chanteur incarne. Le père sera plutôt basse ou baryton, le frère sera un baryton, l'amoureux un ténor, la jouvencelle une soprano légère ou coloratur, la femme mariée ou maitresse sera une soprano lyrique ou dramatique, la mère une mezzo ou mezzo-soprano.

Tout y est représenté dans l'opéra du drame familial, social, politique, la notion de pouvoir, passion amoureuse etc. C'est à l'époque romantique avec Verdi et Wagner que les voix contribuent à leur spécificité sexuelle et leur rôle dans le social et la famille, alors qu'à l'époque Baroque les Castrats chantaient indifféremment des hommes et des femmes. 94

Les musiciens doivent faire corps avec leur instrument prolongement d'eux-mêmes. Le chanteur fait un travail de corps à corps avec sa voix, le corps en tant qu'instrument et le corps biologique et psychique. Il faut beaucoup d'exigence pour atteindre la technique vocale, alliant aisance, souplesse et force. Il doit être attentif au moindres effets que produit la voyellisation, en lien avec le souffle, sans oublier l'énergie qu'il faut pour l'envoi de la voix, tout en protégeant l'appareil laryngé pour obtenir que la voix soit vibrante et tonique, sans oublier une musicalité impeccable avec une bonne connaissance solfégique. Le chanteur lyrique est un musicien accompli. Tout ce travail qui demande de longues années d'études, lui permet de tirer parti de l'expressivité de son corps en rapport avec ses propres émotions en lui donnant vie et mouvement. Par la prise de conscience de la voix liée au corps, le chanteur ne peut pas se perdre car il est accordé à la loi musicale.et la technique, sans oublier l'ancrage au sol, ce qui fait de lui un véritable arbre qui prend racine en terre. On pourrait comparer le chanteur à un le forgeron qui participe à la transformation par le savoir-faire « savoir fer ». Il se forge lui-même de sorte que « fort je » deviens.

La palatalisation permet grâce aux harmoniques des voyelles de rentrer en résonance avec les mots, par le contact avec les dents, les lèvres et le voile du palais et de retrouver cette instance orale des premiers instants et de la découverte des mots passant de l'oralité à l'auralité. Ces mots goûteux, qui font saliver convoquerait-il l'individu à des souvenirs de sensations buccales jadis oubliées ? A la manière de Wilfred BION qui évoque l'élément Bêta « pensée primitive »pouvant être transformée en élément Alpha (processus de symbolisation) le mot devient créatif et se met en mouvement grâce au texte chanté et demande des

94 Marie France Castarède « La voix et ses sortilèges » Ed. Les Belles lettres

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ressources intérieures insoupçonnées jusque-là ignorées du chanteur.

« On trouve [...] que les mots, les voyelles, les phonèmes sont autant de manières de chanter le monde et qu'ils sont destinés à représenter les objets, non pas, comme le croyait la théorie naïve des onomatopées, en raison d'une ressemblance objective, mais parce qu'ils en extraient et au sens propre du mot en expriment l'essence émotionnelle. »95

La voix est phallique grâce à la pulsion sous-glottique, on pourrait la comparer à une flèche qu'on lance et qui va percer quelque part dans le lointain. « Le sphincter glottique dont parle Ivan Fonagy illustrerait l'alternance d'expulsion vocale à la rétention par le sphincter glottique et régulerait le plaisir entre décharge du vagin laryngé et tenue du son comme s'il y avait rétention anale, ajoutant du plaisir à l'individu. Retrouver l'objet aimé-haï « la voix » au moyen de la sublimation permet de retrouver-créer réorienter ce même objet par la créativité et la sublimation de façon active. L'étonnement chez les patients au regard de leur voix retrouvée, proche du sublime semblerait se suppléer à leur agressivité. Cette fascination à l'égard de son expression vocale me paraissait proche de quelque chose de sexuelle. Le vagin laryngé paraissait se substituer à son vagin. Ceci aurait sans doute, avec le temps permis un déplacement suffisant pour être organisateur de plaisir suivi d'un réinvestissement narcissique. ». 96 Le chant et particulièrement l'opéra nous transporte dans le visuel et le spatial nous éloignant du charme hypnotique de la musique pure. Ce visuel même s'il est du côté de l'imaginaire, nous permet de nous tenir à distance de la jouissance. La représentation mentale des personnages et du décor tempère irreprésentable de la sonorité musicale. Nous sommes à la fois spectateurs, auditeurs et acteurs. L'opéra nous fait donc vivre le dilemme entre rêve et réalité, principe de plaisir et réalité. Le pouvoir cathartique de la musique provoque une décharge collective et individuelle salutaire pour le psychique de chacun.

VI - 3 La Voix du symptôme au et le sinthome :

« Freud nous dit que le symptôme serait indice et substitut d'une satisfaction qui n'a pas eu lieu.»97Pourtant en dépit du fait qu'il procure une satisfaction le sujet s'en plaint. La satisfaction est du côté de la jouissance qui n'est pas plaisir mais au-delà du principe de plaisir. Gillie-Guilbert dit que le sujet laisse une trace de son passage tels des déchets de sa

95 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, p. 218.

96 Ivan Fonagy « la vive voix » ed. Payot 1983 op.cit.

97 Sigmund.Freud `inhibition, symptôme et angoisse (1926) Paris, Quadrige/PUF, 1993, p 7

98 Jacques Lacan « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse » Ecrits, Paris, Le Seuil 1966

99 Ibid.

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desquamation vocale » laissant une écriture du corps en guise de signature vocale » On pourrait dire que la voix s'appelle, elle « ça pêle » La voix qui effrite le discours possède une écriture, comme une lettre en souffrance qui n'atteint pas son destinataire.

« L'inconscient est ce chapitre de mon histoire qui est marqué par un blanc ou occupé par un mensonge : c'est le chapitre censuré »98Le terme de mensonge est à entendre que c'est le fait qu'un signifiant vient à la place du signifié refoulé. « Mais la vérité peut être retrouvé, elle est inscrite ailleurs. »99Cette vérité on en garde la trace dans le corps. Avec le cas de Joyce Lacan a su remanier son point de vue sur la symptôme versus le synthome, grâce à l'écriture dont il jouit, il en use comme un musique et il la chante, c'est sa façon à lui de « vivre en acte ».

La souffrance se transformerait par la créativité et permettraient une réappropriation de ceux-ci. L'art deviendrait contenant en tant que direction agissante dont le sujet est partie prenante.

L'histoire vraie de Florence Foster Jenkins merveilleusement interprétée par Catherine FROT dans le rôle de Marguerite, est Née le 19 juillet 1868 à Wilkes-Barre.

Le premier obstacle que rencontre Florence Foster Jenkins, c'est son père, fortuné mais qui refuse de dépenser un centime pour que sa fille, prodige du piano, poursuive son apprentissage au sein des plus prestigieuses écoles de musique. Après la mort de son père elle décide

d'épouser un médecin, le docteur Jenkins, pour conserver son train de vie aisé. Malheureusement, ce dernier, infidèle, lui transmet la syphilis. L'arsenic utilisé pour traiter l'infection sexuellement transmissible à l'époque fait alors perdre ses cheveux à l'élégante, qui divorce finalement en 1902. Florence Foster Jenkins retombe sur ses pattes. Elle s'installe dans la ville des possibles nommée New York grâce et décroche un petit boulot de professeure de piano. Cependant, le plus gros obstacle à sa carrière de cantatrice, c'est que madame Foster Jenkins est incapable de tenir une note, elle chante faux A la mort de son père, elle hérite d'une immense fortune qui lui permet de lancer sa carrière de cantatrice, au grand dam de son mari. La soprano n'hésite pas à se comparer aux plus grandes chanteuses de son époque. Ses interprétations créent l'engouement auprès d'un public médusé par la médiocrité de cette voix inaudible. En 1976, à l'âge de 76 ans, elle se produit au Carnegie Hall. La presse s'y rend volontiers et les échos du lendemain sont désastreux et la renvoie à la réalité. Sous le choc de la réalité de cet accueil, Florence Foster Jenkins succombe d'une crise cardiaque deux jours plus tard.

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Ce qui est étonnant dans le cas de Florence Foster c'est qu'elle choix qu'elle fait de chanter plutôt que de faire ce pour quoi elle est douée le piano. Or Florence Foster ne peux vivre qu'au travers de l'art du chant, mais le problème c'est qu'elle chant faux et celle-ci ne l'entend pas. « Ni la mort ni le soleil ne peuvent se regarder en face » Ce déni de réalité pose question. C'est le principe de la voix en tant qu'elle est pulsionnelle et qui lui procure du plaisir et une jouissance immédiate qui sans doute la conduit à faire ce choix. Florence Foster se pare de vêtements extravagants se soumettant au regard obscène de l'autre pour en jouir, l'oeil et la voix participant de cette avidité orgasmique à se laisser se mettre à nu. La voix de Florence crie de dés-être, rien d'autre que la projection d'elle-même ne compte, se laissant prendre au mirage de sa voix Florence Foster est dans l'obsession du déni. Sa voix dénote et marque le vide de l'autre prise toute entière dans l'imaginaire. . Tout ça n'est que mensonge « ment songe » Cette voix délirante, hallucinée montre bien qu'il y a forclusion du Nom du Père et qu'il y a inaccessibilité à l'ordre symbolique. Et pourtant Florence Foster trouve asile par le chant, elle s'y réfugie, c'est la béquille qui la tient debout. Elle en joue de ce corps qui la présentifie et la met en acte. Mais elle n'interprète pas mais prête sa voix aux mots. La voix ne s'exprime ce de qui la prend au trippe, elle ne s'adresse pas à l'autre elle fait parler son image qu'elle s'est créé et dans laquelle elle se mire à l'effet de sa voix. Et malgré tout ça la tient debout. Dans le film de Marguerite le metteur en scène a bien compris le circuit de la pulsion invocante quand lorsque Marguerite voit son mari de la scène et s'adresse à lui, sa voix devient plus juste. Ça fait synthome. Le synthome est élevé au semblant devenu mannequin, voilé par les sublimations disponibles au magasin des accessoires » Dieu sait si elle en ajoute des accessoires. Tant qu'elle chante elle peut tenir, elle est vivante. Tout comme Joyce elle a trouvé dans le chant une suppléance pour se construire un égo, soit une idée d'elle comme corps.

Cependant le corps à ses limites et la jouissance aussi, confrontée à la butée du corps qui n'en peut plus. Ne pouvant accéder aux aigus elle provoque un forçage laryngée ce qui traumatise ses cordes vocales et elle fut obligée de s'arrêter à cause d'une hémorragie entrainant une hospitalisation d'urgence. Marguerite ne veut pas s'arrêter de chanter et est prête à recommencer dès lors qu'elle sera rétablie. Ceci la met en danger, c'est alors que les médecins décident dans le film de lui faire entendre sa voix avec un enregistrement. Le choc fut tel, et la sidération telle, que tout se brise et se dérobe sous ses pieds, elle tombe inanimée et meurt d'une crise cardiaque.

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Ce sera le but de l'analyste de recevoir cette pelure de voix en tant qu'adressé à lui. Il s'agit que son oreille soit comme une antenne qui entende cette voix « inouïe » parce que jamais entendue de l'autre, pour sortir le sujet son anonymat vocal. L'analyse entend ce qui est tombé dans l'oreille d'un sourd, et voilà que le sujet dit quelque chose par l'effet du transfert qui le sacralise en tant que sujet, en tant que locuteur. Une des manières de rencontrer l'inouï par la voix est le chant. Le chant libère le geste vocale, des exigences de la profération. C'est par la traversée du pulsionnel de la voix comme une promesse de jouissance s'écoutant chanter pur affect et puis parler découvrant peu à peu son identité vocalique. Alors le sujet ne parlera que si ça lui chante, car il ne donnera pas de la voix en vain, après avoir découvert l'être vocal de l'inconscient.

VI -4 Le chant comme aire transitionnel :

Winnicott considère que « l'oeuvre créée » dans une position médiane entre le spectateur et ce qu'il appelle la créativité de l'artiste, c'est-à-dire quelque chose qui est de l'ordre de la poussée, de l'éclosion de la vie intérieure vers le monde extérieur. L'oeuvre se situe donc dans un espace interstitiel, une aire transitionnelle qui assure le lien entre le spectateur et la vie créative, étant entendu que la créativité à laquelle Winnicott se réfère « est celle qui permet à l'individu l'approche de la réalité extérieure ».100

Karine vient me voir, car elle est en dépression depuis plusieurs mois. Elle est suivie par un psychiatre qui la met sous antidépresseur et lithium. Petits à petits au fur à mesure des séances, elle se découvre une jolie voix de soprano qu'elle ne connaissait pas. Les sons qu'elle produit ont une résonnance affective et émotionnelle dont elle peut me parler. Grace à la technique et la musique elle put trouver les moyens de considérer son corps comme un instrument musical et d'en jouer, avec un début de maitrise à sa guise.

« Chanter, en effet, c'est célébrer le monde, c'est vivre le monde en tant que corps à la gesture émotionnelle. Le passage du dire au chanter marque ainsi un certain seuil de «passionalisation» du corps. Ce seuil est transgressé, non seulement dans des contextes surcodés comme au théâtre ou à l'opéra, mais même dans le dire quotidien, et, comme le théâtre est au coeur de la vie de tous les jours, le chant de même est au coeur des discours les plus «disants». On peut évidemment faire appel à des critères acoustico-phonétiques nous permettant de décider

100 D.W. Winnicott, « La créativité et ses origines », dans Jeu et réalité Editions Folio/essais 1971, op.cit.

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théoriquement du seuil de transgression entre la voix disante et la voix chantante. `On constate en effet que le registre dans la parole n'est que d'une demi-octave, tandis que pour le chant, en général, il est de deux octaves et demie. Les lèvres et la langue sont minimalement actives dans la parole ; le volume dynamique et l'intensité du souffle, en moyenne, double dans le chant et la pression subglottale augmente dans le chant de 1 à 40. Le vibrato n'existe presque pas au niveau de la parole, la hauteur tonale est indéterminée et involontaire dans la parole tandis que dans le chant elle est mélodiquement déterminée. Ainsi la quantité et la durée des voyelles augmentent considérablement dans le chant, la voix, par conséquent, y devenant plus «voix» à cause de cette omniprésence de sons vocaliques.' »101

Le travail du souffle permet ce jeu de dedans dehors à l'effet de l'inspiration et de l'expiration conscientisée, pour émettre un son. Il est en lien avec la mort et la vie, car le la voix est éphémère. Une fois émise on ne peut revenir dessus, avec l'espoir que ça advienne à nouveau. Le regard est important aussi pour que la voix soit projetée au dehors, car elle s'adresse. On pourrait dire qu'elle se dirige vers un objectif à atteindre. La phrase musicale amène un plaisir éprouvé par le corps dont les sensations deviennent de plus en plus subtiles, raffinées et sensuelles, grâce au contact avec la langue, les dents et les lèvres, comme si les mots se transformaient en mets délicieux. « Il n'ait un usage heureux du corps en toute innocence car la musique est soumise à des lois qui permettent de contenir la jouissance tout en la promettant. » Nietzsche

Le chant est un moyen de trouver naturellement le moyen de lever les barrières surmoïques empêchant la pulsion d'être mise à jour. Il aide à se décharger d'un trop plein de tensions vers une quête de la satisfaction, correspondant au principe de plaisir et de s'affranchir du principe de réalité, permettant alors au de trouver un équilibre entre frustration et satisfaction

Le chant serait un dispositif énonciatif instaurant un pseudo dialogue avec le thérapeute, en remettant en scène des éprouvés, de telle sorte qu'il se représente au thérapeute par l'intermédiaire du geste vocal comme dans jeu de mots mis en musique. Ne serait-ce pas l'expérimentation d'une illusion reconnue comme prolongement du sonore de soi-même qui se donne à entendre à l'autre, comme symbolisation de représentations de mots ? Par la théâtralisation, Karine put sans doute rejouer le rapport du groupe vocal familial. Un jeu de passe- passe s'opèrerait entre la vie interne et la vie culturelle en lien avec les objets internes

101 Ivan Fonagy « la vive voix » Editions Payot 1983 op.cit.

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et les objets subjectifs par l'intermédiaire d'une médiation et le transfert avec le thérapeute. La voix rend transparent à soi-même et aux autres, aussi ce n'est pas aisé d' oser s'ouvrir à sa propre oreille sans avoir peur d'être confronté à ce qu'on peut y trouver, mais laisser l'imaginaire se mettre en oeuvre. La musique possède donc un fort potentiel affectif, fantasmatique et identificatoire. Séductrice, elle fait échos à nos voix intérieures. Elle permet des états fantasmatiques dont les images abstraites deviennent le signifiant d'un monde imaginaire.

Dans le travail du chant comme aire transitionnel, l'autre est toujours présent, ou supposé être présent, dans le sens où je me parle comme je lui parle et l'on peut en jouer sans se laisser délester par sa liberté d'être et de dire.

La question que l'on peut se poser c'est est-ce que l'aspect codifié du chant théâtral peut-il contaminer l'analyse dans les séances ou il y aurait une attente dans la réalisation d'un travail ? L'usage de la voix qu'elle soit technique ou art-thérapeutique entraine une implication d'une présence à soi c'est le « je » qui s'exprime, en présence à l'autre un tu qu'il soit public ou tiers au nom duquel je m'exprime. « Les facettes sont identitaires sont claires dans ces enjeux, être une voix juste et ajustée aux rôles sociaux à jouer ».102

« L'air transitionnel, peut permettre cet espace où l'on peut trouver son propre potentiel créatif et un nouvel élan vital à chaque inspire et expire alternant silence et vives voix ; se laisser être en habitant son corps et en projetant sa voix, passant de l'en-vie à l'en-voix.

« Nous touchons là au secret de cette passion innée pour la voix humaine qui habite tout grand musicien. Celui-ci n'y cherche ni une béquille conceptuelle pour sa musique, ni un moyen d'assouvir on ne sait quel impérialisme esthétique, mais tout simplement cette présence humaine qui le sens du sens. C'est l'homme qui est le foyer vivant de toute expression, c'est par et dans son chant qu'il fait venir la terre, c'est donc toujours lui qui dit le sens, même si ce sens vient du plus profond que lui et c'est sa voix qui le médium esthétique universel. »103

« La psychanalyse, c'est un peu comme une sonate thérapeutique à deux voix. La sonate, en musique, est une forme essentielle: dans les premiers moments, des thèmes sont exposés. Et puis ces thèmes vont être repris tout au long de l'oeuvre, mais harmonisés différemment, avec des accords différents, et à partir de là, ils vont prendre un autre sens. On pourrait dire que c'est la même chose pour la psychanalyse. Le patient va arriver avec ces thèmes qu'il va nous

102 Bernadette Bailleux « Et dedans et dehors...la voix. » Editions Universitaire de Louvain

103 Raymond Court, « le musical » Ed. Klincksieck, Paris, 1976

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raconter au début. Ces thèmes vont revenir au cours de la cure mais, par l'intervention du psychanalyste - c'est-à-dire par la façon dont il va les « harmoniser» -, peu à peu ils vont prendre un autre sens. Et le patient pourra alors relire son histoire différemment. Trouver sa voix, si j'ose dire, au sens de pouvoir prendre la parole dans le concert du monde sans être envahi de la parole et la voix des autres, est l'enjeu même de la cure psychanalytique. » 104

La théâtralisation de la voix par le chant lyrique présume toujours un dévoilement comme si le sujet tombait le masque, mais aussi une mise en scène de l'inconscient. Comme le dit Poizat: « Dans l'Opéra, la voix n'est pas l'expression d'un texte - le théâtre est là pour ça - c'est le texte qui est l'expression de la voix ».105

Elle met ces éléments sur scène, dans la mesure où elle réunit le drame, la voix, le corps, le langage, la jouissance et la musique. « La voix à l'opéra réunit et sépare, faisant jonction et disjonction entre corps et langage. La psychanalyse intervient également sur le langage, de manière à valoriser plus le corps et la musicalité du dire que le dire lui-même. Pour Harari : « [...] la matière pour l'analyste, le balbutiement, pas un langage structuré. » Ou encore : « [...] avant de ce qui est dit, importe `la musique' de ce qui est dit. » La psychanalyse n'est pas une analyse de contenu ; l'énonciation importe plus que l'énoncé. L'énoncé, fréquemment, vient fermer en syntagmes cristallisés ou en une parole planifiée, alignée, logique, qui ne travaille que pour la résistance. Prendre en compte l'énonciation, l'acte de dire, la musicalité de la parole, c'est prendre le sujet, non par le discours structuré, mais par sa chanson, par son balbutiement, par son bégaiement, par ces murmures. Pour cette raison, Lacan dit que le divan est le lieu où dire des bêtises, comme moyen de sortir de ce lieu de résistance du discours structuré. En outre, il a démontré que le contenu du discours n'est pas ce qui compte dans une analyse, mais le discours lui-même, dans sa musicalité, son rythme, son intensité et son intonation. »106 OXYMORON - Revue Psychanalytique et interdisciplinaire.

« La langue est dans le langage d'une sujet l'ensemble des équivoques sonores qui comptent pour lui et l'interprétation s'appuiera sur ces équivoques » Dira Lacan. Peu importe de quoi parle le sujet dans l'analyse s'il met en mouvement son inconscient, s'il se réveille. L'analyste

104 Entretien avec Jean-Michel Vives : La voix, de l'opéra à la psychanalyse »Propos recueillis par Annelise Schonbach , Revue les Science humaines Cercle Psy N° 10 - Sept-oct-nov 2013

105 Michel Poizat, « L'opéra ou le cri de l'ange « : essai sur la jouissance de l'amateur d'opéra, Paris, Éditions Métailié, 2001 p.203

106 Maurício Eugênio Maliska : La Voix à l'Opéra : Corps et Langage OXYMORON - Revue Psychanalytique et interdisciplinaire. http://revel.unice.fr/oxymoron/index.html?id=3636

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va s'intéresser au murmure de la voix et non au contenu de la parole, le dit ou l'énoncé, car on sait que le mot ne dit jamais la totale vérité et que c'est la voix qui lui donne du sens. « On voit bien que le signifiant se réduit là à ce qu'il est, à l'équivoque, à une torsion de voix. » Il s'agit de travailler avec la voix comme un reste du langage, dans une dimension qui est hors du sens, mais qui touche le réel, un réel qui se détache du corps. Un réel qui n'est que possible par points, sans ordre ni loi, un réel qui sonne dans le corps de la voix, un « réelangage ».107L'analyste entend la plainte de la voix, et le chant par son expressivité et la souffrance induit un plaisir à se plaindre d'une façon incantatoire, doux leurre qui va au-delà de la demande de consolation. Elle est une quête d'une jouissance originaire à laquelle le sujet ne peut que renoncer. Chanter c'est donner de la voix et le chanteur fait un don de sa voix à l'autre, il ne pourra reprendre cet objet qu'est la voix. Ce qui le maintien c'est être dans une relation d'écoute permettant d'écrire une partition entre voix et langage. Son engagement est total car tout le corps est mis en acte. On peut y percevoir, l'inattendu, la fragilité, l'impossible, et le possible d'une soudaineté d'inflexion, une ouverture à l'altérité, une voix d'être au monde, de naitre au monde, voix qui est entendue, comme mi- dire, ça parle la voix de l'inconscient.

107 Ibid

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VII -L'ILLUSION GROUPALE ET LA CHORALE

L'illusion groupale a toujours existée, que ce soit dans le monde religieux, idéologique ou artistique. Le groupe et un lieu de connaissance et de reconnaissance. La psychanalyse, n'envisage pas seulement le groupe sous l'angle des relations entre ses membres, mais aussi comme entité psychique, lieu de convergence des psychismes individuels, et comme « espace transitionnel »,

VII - 1 Le Caractère général du groupe :

Le groupe est doté des mêmes instances psychologiques que l'individuel mais pas des mêmes principes de fonctionnement. Le groupe fonctionne un peu comme une famille qui tente de rivaliser comme des frères et soeurs pour obtenir l'amour de leurs parents. Mais à la différence de la cure individuelle qui fait toucher du doigt la répétition d'une situation infantile, le groupe travail sur l'ici et maintenant avec les défenses et désirs inconscients actuels. L'interprétation est donc collective. Qui dit collectif dit mise en commun. Mais alors mis en commun de

quoi ?

Nous nous rappelons que la symbolisation chez l'enfant d'effectue d'une part dans un échange symbolique lié à la relation primaire fusionnelle et charnelle avec la mère qui conditionnera l'acquisition de la parole. Ensuite vient la période oedipienne qui permet d'instaurer l'organisation des lois naturelles et sociales. L'expérience que fait le groupe c'est de rejouer des positions persécutrices et dépressives envers l'imago maternelle et tente de dépasser l'angoisse de la perte maternelle.

C'est la mise en commun des représentations, des sentiments, des perceptions, des volitions (acte concret provenant de la volonté. La volonté est une faculté tandis que la volition est un acte). Le groupe est une mise en commun des images intérieures et des angoisses des participants. Tantôt une émotion commune peut donner une impression d'unité, tantôt le groupe se défend contre l'émotion qu'il ressent comme menaçante. Certains s'y abandonnerons, avec joie ou frénésie ou alors se replieront dans l'émoi envahissant et alors que groupe deviendra morne et apathique. En fait ces émois sont déclenchés par des images qui surgissent dans le groupe.

Les groupes se sentent narcissiquement menacés lorsqu'il y a risque de mettre en évidence des points faibles qu'ils veulent dissimuler et tenir leur propre image idéale qu'il souhaite entretenir. Des mécanismes de défense peuvent nuire à l'évolution du groupe.

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W.R Bion psychiatre militaire pendant la seconde guerre mondiale, était chargé des névroses de guerre. Confronté à l'afflux des malades, il proposa un travail de groupe qui l'amena à établir une théorie sur le fonctionnement du groupe. D»après Bion le comportement du groupe s'effectue sur deux tendances ;

1- Une tendance rationnelle dirigée vers une réalisation d'une tâche à effectuer.

2- Une tendance destructrice qui semble s'opérer à travers l'activation de processus régressifs chaotiques.108 Freud articulera une théorie rigoureuse sur le fonctionnement du groupe et ses mécanismes en psychanalyse. Pour lui, il l y a une certaine analogie entre le groupe et le rêve qui est une illusion individuelle qui se produit pendant le sommeil durant lequel il y a désinvestissement de la réalité extérieur et la formation d'un groupe qui se trouve isolé et retiré de la vie sociale et professionnelle le temps d'un séminaire, ou d'une formation. La réalité s'y trouve mise en parenthèse et le groupe se trouve surinvesti au niveau libidinal de sorte que le groupe même est devenu un objet libidinal. Cet objet est massivement investi. C'est un éprouvé par des membres d'un groupe ou d'une famille qui a comme fonction de maintenir les liens forts du groupe.

Le groupe a l'illusion d'être en famille d'où le sentiment exacerbé des groupes en général d'avoir une impression d'unicité éprouvant à un certain moment un sentiment d'être dans un groupe bon, dans lequel il est agréable de vivre. Donc le groupe est érigé en objet libidinal, c'est un objet-groupe, un Moi-idéal car il est du côté du narcissisme.

Pour Freud le narcissisme s'apparente à une perversion dans la mesure où il peut absorber la totalité de la vie sexuelle de l'individu. Il constitue cependant un stade de développement de la libido (énergie sexuelle qui part du corps et qui investit les objets), intermédiaire entre l'auto-érotisme et le choix de l'objet, dont seules les fixations et les formes excessives relèvent de la pathologie. Peut- être ce stade est-il inévitable au cours de tout développement normal ?

L'un des premiers exposés qu'ai présentés Freud à ce sujet concerna le président Schreiber ou il pose le narcissisme comme un stade normal de l'évolution de la libido. L'analyse du président Schreiber porte sur le choix d'objet homosexuel de celui-ci. L'homosexuel fait en sorte que son objet sexuel soit le plus semblable à lui-même; c'est pour cela qu'il choisit un individu du même sexe. Les homosexuels deviennent ainsi eux-mêmes leur propre objet sexuel, partant du narcissisme, il cherche quelqu'un qui lui ressemble et qu'il puisse l'aimer.

108 W.R. Bion (1961) « recherche sur les petits groupes » Paris PUF 1963

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VII-2 - Les émotions communes

La circulation émotionnelle est fantasmatique et inconsciente. Ces états affectifs sont archaïques et prégénitaux parce que le groupe est sous la dépendance de la nourriture intellectuelle et spirituelle et de la protection du leader.

Le Moi idéal (allemand : ichideal) se rapporte au sujet se percevant comme idéalisé (ce que j'ai été) projection narcissique sur sa majesté bébé. Donc il est héritier du narcissisme. Selon J. Lacan, le stade du miroir sur lequel je reviendrais, éclairerait cette première formation narcissique, qu'est le Moi idéal, où l'image de l'autre, celle du semblable est saisie dans le miroir par le regard de l'enfant et donne lieu à sa jubilation.

J. Laplanche et J.-B. Pontalis notent que l'idéal du moi serait pour Freud « l'instance de la

personnalité résultant de la convergence du narcissisme (idéalisation du moi) et des

identifications aux parents, à leurs substituts et aux idéaux collectifs. En tant qu'instance

différenciée, l'idéal du moi constitue un modèle auquel le sujet cherche à se conformer ».109

Freud ne distingue pas idéal du moi et moi idéal, certains auteurs distingueront les deux concepts. Nunberg, fait du moi idéal une formation antérieure au surmoi. « Le moi encore inorganisé, qui se sent uni au ça, correspond à une condition idéale ». Au cours de son évolution, l'enfant laissera derrière lui cet idéal narcissique et aspirera à y retourner comme un paradis perdu (très présent dans les psychoses). Lagache se distingue de Nunberg, il écrit « Le moi idéal conçu comme un idéal narcissique de toute puissance ne se réduit pas à l'union du moi et du ça, mais comme une identification primaire à un autre être, investit de la toute-puissance, c'est-à-dire la mère », « le moi idéal est encore révélé par des admirations passionnées pour de grands personnages de l'histoire ou de la vie contemporaine »110

L'idéal du moi (ce que je voudrais être) Il est l'héritier du conflit oedipien. Il est construit par l'enfant au fur et à mesure de ses identifications avec son entourage social et au rythme de ses échecs. Petit à petit le jeune enfant fixe les références qu'il cherchera ensuite à atteindre. Il est nécessaire en effet, que se produise un retournement de l'investissement des objets en investissement du moi pour que se constitue le narcissisme secondaire. Il y a deux étapes dans le narcissisme secondaire:

- le sujet concentre sur un objet ses pulsions sexuelles partielles

109 J. Laplanche et J.-B. Pontalis dans leur « Vocabulaire de la psychanalyse » (Paris, puf, 1967)

110 Sigmund Freud (1914) Pour introduire le narcissisme »,

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- ces investissements font retour sur le moi. La libido prend le moi pour objet.

VII- 3 Le groupe au sein de la chorale :

On se souvient du célèbre film des choristes, une comédie dramatique française réalisée par Christophe Barratier, sorti en 2004 L'histoire est inspirée de l'expérience de la chorale du centre Kergoat en bretagne, pionnière en matière d'éducation.

1949, un professeur de musique sans affectation, se voit contraint d'accepter un poste de surveillant. Ce nouveau poste est au sein d'un internat de rééducation pour mineur. Une rigueur de fer y est appliquée. Le nouveau surveillant, Clément Mathieu, a du mal à supporter ces méthodes. Le directeur Rachin a beaucoup de mal à faire régner l'ordre dans son établissement. Clément Mathieu va monter une chorale afin d'initier les enfants au chant et à la musique. Par le biais de la musique, il va tenter de changer et d'apporter un peu d'espoir dans le quotidien des pensionnaires de cet internat. Non seulement cela sera une grande victoire, mais il va y découvrir de vrais talents vocaux. Chacun purent s'exprimer et créer un espace créatif et émotionnel qui permit en commun de supporter les moments difficiles de la vie. « Une voix qui fournit à celui qui l'émet l'enveloppe sonore dont a manqué à l'entourer. »111

La voix, ses sonorités, ses intonations, sa musicalité jouent un rôle manifeste dans la construction identitaire des individus. La voix de l'autre, au même titre que le regard, agit comme un opérateur qui révèle le sujet à lui-même.

La voix est du dedans et du dehors car il s'agit d'abord d'incorporer le son, de l'analyser et de le sentir chevillé au corps pour qu'elle devienne invocante c'est- à-dire appeler l'autre à nous entendre et à nous répondre. C'est pourquoi elle participe de la construction psychique du sujet. L'autre non seulement nous investit de son regard, mais il nous entoure et nous pénètre de sa voix. La voix de cet autre, qui nous interpelle, nous révèle progressivement l'existence de l'extériorité et, avant même que nous puissions appréhender le sens des mots. C'est l'espace de ce qui est inter-dit qui fait sens nous apportant les premières marques de reconnaissances sur ce que nous sommes. 112

Il est utile, pour comprendre le rôle structurant de la voix, d'évoquer le rôle et les manifestations du Surmoi. Cette instance psychique, qui régule le Ça, est acquise dans la prime enfance par le

111 Didier Anzieu « L'enveloppe sonore du soi » dans : Nouvelle Revue de Psychanalyse (n° 13, 1976),pp. 161180

112 Bernadette Bailleux « et dedans et dehors...la voix « 2011 Presse Universitaire de Louvain

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biais d'une intériorisation des voix parentales. Dans ses premiers écrits, Freud explique que le Surmoi est né « de l'influence critique des parents, médiée par la voix ». Ces voix parentales précisément, qui deviennent « voix intérieures », portent en elles les référents socioculturels d'une communauté. Elles apportent un cadre à l'expressivité des affects et des pulsions de l'individu. Elles résonnent à l'intérieur du sujet, comme des autorisations ou des restrictions à cette expressivité.

Le Surmoi, en un mot, c'est la Loi. Loi morale, ordre posant les limites du Bien et du Mal ; et surtout celui de faire taire la voix de la mère pour entendre notre propre voix. Et c'est d'jà la voix du père qui pourra être la médiatrice et permettre la castration vocale posant un ordre au sein du chaos pulsionnel intérieur. Sans cette instance morale, le sujet serait en prise totale avec ses pulsions, poussé par ses virulents désirs de satisfaction libidinale parfois contradictoires. La voix de l'autre, au même titre que le regard qu'il pose sur nous, s'offre donc comme un cadre structurant pour l'individu. En effet, la voix de l'autre, de même que la musique d'une manière générale se situe comme le regard chargé du désir de l'autre, qui se pose sur nous, et qui nous invite à nous envisager comme l'unique objet de son désir

Par exemple, il n'est d'ailleurs pas rare d'entendre quelques fans témoigner du fait qu'ils ont la sensation que la musique qu'ils affectionnent particulièrement leur donne l'impression qu'elle leur est adressée personnellement. Et cela encore s'explique très bien : elle est pour eux le signifiant du désir de l'autre, à la fois porteur de jouissance (« pour que je jouisse, Tu dois être comme cela »), mais aussi désir qui fait naître l'illusion de l'omnipotence (« C'est Toi qui a le pouvoir de me faire jouir »). Pour dire les choses simplement : la musique aurait le pouvoir de signifier à l'individu sa propre désirabilité, de lui signifier sa puissance potentielle. Ce faisant, elle offrirait au fan une position narcissique particulièrement confortable : celle où le sujet est objet de satisfaction de l'autre, bout manquant de l'autre grâce auquel seulement il pourra jouir. Lorsqu'il écoute une musique, l'individu est mis en rapport avec sa propre sentimentalité, avec ses propres affects. Une musique lyrique pourra ainsi lui permettre de manifester sa tristesse, son désespoir. Une musique plus rythmée lui permettra d'expulser les pulsions agressives qui l'animent en son sein, d'exprimer sa rage. Une musique sensuelle le mettra en contact avec ses désirs charnels. La musique possède ainsi une dimension cathartique : elle est foncièrement libératrice et constitue un formidable exutoire.

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a) Le choeur :

Le choeur vit de l'instrument le plus précieux et le plus naturel qui soit la voix humaine. Le son commence à vivre quand il est uni à d'autres sons pour créer une atmosphère. . Si la littérature et la peinture restent avec le temps, la musique est éphémère. Au moment où elle nait elle meure l'instant d'après. De même la voix s'éteint à chaque expire et se réanime à chaque inspire.

Le désenchantement que l'adulte peut vivre à l'idée qu'il progresse vers son ultime soupir le pousse à habiter activement son souffle et à projeter sa voix de sorte que le sujet en souffrance passe de l'en-vie à l'en-voix. Cette-en-voix a besoin de l'imagination pour être dirigée vers l'auditoire. Ce que va encourager le chanteur à chanter pour l'auditoire c'est un sentiment de bonté, d'espérance de joie et de souffrance. Forcément touché par les émotions de la musique le chanteur est amené à exprimer ses émotions. Je parle d'une souffrance qui grâce à la musique évolue vers la paix intérieure. Donc le chanteur est amené à jouer de ses émotions qui deviennent illusion puisqu'il en joue un rôle d'interprète.

Du latin de base de l'époque "illusio", "illusorius". Le mot venait de "illudere" qu'on peut traduire par "se jouer de". Le mot "illudere" vient à son tour de "ludere" et "ludus" qui signifie "jouer en acte" par opposition avec "iocus" qui se rapporte aux "jeux de mots", aux "plaisanteries". Le pluriel "ludi" sert à dénommer "les jeux" qui avaient un caractère religieux ou officiel, notamment les jeux donnés en l'honneur des morts (origine étrusque).

Curieusement "ludi" est devenu "scolaire" de telle sorte que "ludi magister", mot à mot "maître des jeux", a désigné le maître d'école !

Au sens premier de "ludere", jouer s'est greffé celui de "singer, imiter par jeu", d'où "se jouer de, se faire un jeu de". Cela a donné "ludibrium", moquerie, dérision, objet de moquerie.

On aura pour dérivé "alludere", "faire allusion, effleurer de manière badine", ou "eludere" exclure du jeu.

En 1907 Freud montre que la création artistique a des liens avec le rêve éveillé : l'inspiration peut surgir comme un rêve que le créateur fait les yeux ouverts. L'adulte créatif se rapproche de l'enfant qui joue et qui se construit un monde fantastique qu'il peuple avec ses productions variée de son imagination. Il y a bien sur illusion idéaliste de celui qui croit détenir la vérité et qui se croit invulnérable omnipotent et omniscient. C'est cette mentalité fanatique que Freud définira comme une régression infantile n'omnipotence par trois caractéristiques : narcissique, toute puissance et projection qui est destructrice.

Mais revenons à l'illusion artistique bienfaisante telle que la décrit Freud. Freud se défiait de l'art musical car il n'y trouver pas de contenu significatif, quantifiable ni visu able car on ne

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peut en effet trouver d'image son. Pourtant la voix de la mère est primordiale puisqu'il l'entend avant toute chose. Il la reconnait avant qu'il ne reconnaisse son visage. La voix de la mère est musique par son contour mélodique qu'elle insuffle à ses paroles. Cette musique constitue une multitude d'impressions sensibles en de ça du discours intelligible et rationnel. Ces sonorités marquent le corps de l'enfant dont il gardera les traces affectives toute sa vie.

Si Winnicott pas plus que Freud n'a parlé spécifiquement de l'illusion musicale, il intègre les productions sonores de l'enfant dans les « phénomènes transitionnels ». Il parle notamment des gazouillis, du baby talk et du répertoire mélodique au moment de s'endormir qui interviennent dans l'aire intermédiaire en tant que phénomène transitionnels ». Ces mélodies et ritournelles il les retrouvera quand il sera seul pour palier à la séparation et à l'absence de la mère. Pour les grecs la musique était dans le haut de la hiérarchie des arts car elle se rapporte au premier registre symbolique dans lequel s'incarne la vie psychique. Si les arts plastiques sont des arts de l'espace, c'est-à-dire de la représentation visuelle, la musique est l'art du temps, c'est-à-dire de la conscience et de la vie intérieure. Elle conduit à la subjectivité du fait qu'elle est virtuelle, elle fait le lien entre un passé que l'on se remémore et subissons et un avenir qu'on invente et recrée. Puisqu'elle virtuelle, elle est illusion détachée du temps réel. Cette illusion nous permet de lutter contre l'angoisse de la mort. Le soupir en musique n'est jamais le dernier, il est un silence qui traverse un espace musicale. Ce temps musicale est vécu d'amour, de haine, de nostalgie, de présence et séparation, mais elle est toujours promesse d'union et de paix avec une impression d'accompli. Elle rappelle l'idéal maternel, sécurisant et permet de palier aux frustrations désillusions et conflits internes que l'on peut traverser sans dommage.

Bien qu'étant illusion, la musique ne peut rester abstraite elle a besoin du corps pour s'exprimer. Elle permet donc au corps d'être transcendé et donne au musicien l'illusion que la mort ne compte plus et de vivre un moment d'éternité.

Si le rêve est une illusion individuelle, le groupe peut avoir un rêve collectif. Ainsi toute situation de groupe serait vécue comme réalisation imaginaire de désir. Il a une sorte d'euphorie fusionnelle où tous les membres se sentent bien ensemble. Elle peut donc apporter un mieux à un sentiment d'insécurité développant la solidarité et la fraternité. La solitude est donc provisoirement exorcisée au sein de la chaleur communicative d'un groupe. Le groupe suscite un comportement régressif permettant de tenter de faire un retour à la fusion avec le bon objet des premiers temps de la vie. En ce sens il devient objet transitionnel rejouant l'image de la mère toute puissante. Le leader ou le chef de groupe évoque le père. En tant que père il instaure

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la loi des interdits qui marque le renoncement au rêve et de l'acceptation de la réalité telle qu'elle est avec ses frustrations et ses déceptions inévitables sans lesquels le groupe serait menacé de voguer dans de dangereuses chimères. On le voit notamment dans les sectes où le leader devient despotique et favorise l'idéologie maternante conduisant les adeptes au culte de la personnalité et à n'avoir plus aucun libre arbitre.

Donc il pourrait exister un aspect pervers de l'illusion idéologique avec ses dérives. Il est indispensable que chacun dans le groupe ait conscience de ses propres tendances hostiles qui aide à mieux tolérer autrui ; Freud se défiait de l'illusion religieuse et l'illusion idéologique lorsqu'elles se prennent pour la vérité absolue, mais il considérait l'illusion artistique comme illusion pure. Il s'agit de « jouer » avec des objets culturels sans risque de collusion avec la réalité. La partition musicale, est un gage de cohésion et d'entente, car plus l'orchestre ou la chorale est uni plus belle sera la production.

La communication doit être intense, et le rêve d'harmonie s'incarne dans la beauté de l'oeuvre exécutée. On pourrait dire que l'accord sonore est une métaphore de l'accord affectif. J'en ai fait l'expérience en dirigeant ma chorale au combien la production variait en fonction de l'état effectif de chacun. Si le groupe était en forme et uni nous avions un franc succès qui s'ensuivait de grandes embrassades et de reconnaissance les uns vis-à-vis des autres. La musique sauve le groupe d'un dogmatisme idéologique du chef qui se doit d'être fidèle à l'interprétation de l'oeuvre. Au sein de la chorale toute les voix concourent à l'harmonie de l'ensemble choral synthèse d'une grande famille.

Michel Serres déclare que « le choeur est le modèle réduit de la société idéale ».113 Le désir d'appartenance est comblé tout en renforçant le sentiment d'individualité car chacun a une place bien définie et un rôle à l'intérieur d'une entité projetée comme une famille idéale de sorte que les symboliques maternelle et paternelle sont actifs dans l'inconscient du groupe.

b) L'identification au chef :

« Le chef de choeur comme le chef d'orchestre est une figure paternelle qui, loin de séparer fantasmatiquement l'enfant de sa mère, l'y ramène pour une alliance heureuse et comblée. Il y a là sur le plan culturel, des occasions extraordinaires pour les musiciens et les chanteurs

113 Michel Serres, Interview par Claude Maupommé, France-Musique, le 28-03-81.

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d'abord, pour le public ensuite, de vivre ensemble cette plongée bienfaitrice dans le sein de la mère bonne nourricière, en l'occurrence la musique avec le sentiment océanique qui l'accompagne : expérience hors espace et du temps - c'est un rêve éveillé dirigé. »

114

Le chef a un rôle primordial dans la cohésion du groupe car il donne au groupe une consistance particulière dont il est le gardien. Il incarne le chef du clan Surmoïque tout puissant, il fait surgir la voix et affects des autres au profit d'un projet commun. Non seulement il dirige avec sa voix mais aussi avec ses mains. André Leroy-Gourhan pour qui la voix et la main sont étroitement liées avec le langage et la sensibilité esthétique, a attiré l'attention sur le rapport entre oralité et manualité avec la pulsion d'emprise comparable à ce que dit Freud des appétits cannibaliques et la faim.115

Freud dit que « le groupe c'est l'identification des membres au chef et entre eux ».116 L'identification au chef du groupe choeur se fait par le biais d'Eros mais il y a renoncement à l'amour sexuel pour le chef non dans une perspectif d'identification secondaire de dépassement de l'OEdipe, mais par un mécanisme d'identification primaire, primaire car le chef de choeur encourage et facilite les retrouvailles amoureuses avec la musique symbole maternel et cette identification préserve un amour idéalisé, purifié, proche du narcissisme. »

Narcissique parce qu'on aime l'objet pour la perfection que l'on souhaite à son propre Moi et cherche à satisfaire son propre narcissisme. Le chef ne peut être un hypnotiseur tel que le définit Freud 117 car le groupe a la tâche d'exécuter une partition de musique qu'elle soit instrumentale ou vocale dans des règles rigoureuses, devant la présence médiatisante du public qui participe au narcissisme de chacun donnant du poids à la réalité et à l'objectivité.

Freud parle de l'imago du chef qui assure le lien groupal. Le groupe rêve d'être sous la dépendance d'un chef juste, intelligent, fort et bon qui assure les responsabilités.118 Le chef de choeur est donc une figure paternelle qui au lieu de séparer l'enfant de sa mère l'y ramène pour une alliance heureuse et comblée. Le groupe n'a pas d'identité sexuelle il est prégénital car la musique est androgyne. Nous nous retrouvons dans un espace où le groupe lui-même est un

114 Marie France Castarède « l'enveloppe vocale » Ed Eres Mis en ligne sur Cairn.info le 01/07/2012 https://doi.org/10.3917/pcp.007.0017

115 André Lorou Gourhan « le geste et la parole » émission https://www.youtube.com/watch?v=UT3sN3Df2j4

116 Sigmund Freud, « Psychologie des masses et analyse du moi », chapitre 7, Paris, PUF, Coll. Quadrige, 2010.

117 Sigmund Freud. « Pour introduire le narcissisme » 1914

118 Sigmund Freud., « Psychologie des masses et analyse du moi », 1921, Nouv. trad. fr. in : Essais de Psychanalyse, Payot, 1981, p. 154

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objet transitionnel remplaçant le sein maternel, de sorte que le groupe et la musique sont des mères de substitution.

c) L'idéalisation et la sublimation :

La sublimation est la transposition du but pulsionnel. Il ne s'agit cependant pas d'une renonciation à une satisfaction, laquelle sera simplement trouvée autrement

. La sublimation ne nécessite pas le refoulement selon Freud qui a conceptualisé le terme sublimation en 1905 pour rendre compte d'un type particulier d'activité humaine (la création littéraire, artistique et intellectuelle) sans rapport apparent avec la sexualité mais tirant sa force de la pulsion sexuelle en tant qu'elle se déplace vers un but non sexuel en investissant des objets socialement valorisés.

La sublimation est donc un destin des pulsions tandis que l'idéalisation s'attache à l'objet. Sommes toutes on pourrait dire qu'avec la musique l'énergie du Moi serait désexualisé car il y a renoncement aux buts purement sexuels, au profit d'une dimension narcissique. Le chant s'accompagne toujours d'un plaisir érotique. Même s'il y a une participation du corps érotisée par la voix en la pulsion invocante , il a sublimation par la musique, ce qui permet aussi d'éviter tout dérive vers la jouissance. En effet les phénomènes vocaux sont sublimés mais non désexualisés à cause de la participation du corps de sorte que la libido corporelle serait réinvestie par la libido narcissique.

La sublimation va dans le sens de la réparation ou de l'instauration de l'objet total, objet total (enfant individualisé différencié totalement de la mère) qui est en relation avec le moi total ((bon objet ayant survécu aux attaques et aux dangers qui l'ont menacé) pendant les premiers mois de la vie pulsionnelle.

La sublimation serait le triomphe des pulsions de vie sur les pulsions de mort. Il m'est arrivé en parlant d'effet sublimatoire de vivre au sein de groupe de quelque chose qui nous laissait un peu en suspens avec une impression d'harmonie totale et dans cette situation, quelque chose dans le groupe venait se réparer.

Concernant l'idéalisation elle permet d'expulser le mauvais à l'extérieur (position paranoïde et schizoïde). La musique constitue une défense contre le bruit persécuteur. Le clivage grâce auquel s'établit l'illusion groupale tient une place fondamentale dans le vécu musical ; Il demeure présent et actif dans notre perception : entre silence et bruit, bruit et musique, bonne

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et mauvaise musique, juste ou faux, autant de catégorie subjectives qui opèrent dans nos choix, nos refus, attraits et nos répulsions.

d) Le déni de la perte de l'objet :

L'illusion groupale se constitue sur un déni de la perte de l'objet d'amour, cette défense collective contre l'angoisse de la perte est représentée par l'unisson dans le choeur. L'unisson l'objet perdu est récupéré par tous collectivement et magnifié. Dès la naissance nous faisons l'expérience de la perte de morceau soi sonore ; le cri, la perte de l'objet d'amour et la perte du corps de la mère. La musique serait un doux leurre (douleur) qui permettrait de sublimer l'angoisse de la perte. L'alternance son/silence permet de rejouer présence/absence ou encore vie/mort, car le sonore est l'expression de vivant. Par opposition à la musique qui apaise les tensions, le bruit perturbe. Le silence musical fait taire le bruit ambiant. Ainsi se produit-il une alternance de tension et de détente. Il est évident que nous faisons la différence entre le bon et le mauvais objet musical. Mais pour que l'harmonie du choeur soit parfaite et qu'il n'y ait pas de fausse note, il faut avoir conscience de la voix de l'autre et de la mise en relation de l'une à l'autre sans risque de confusion et perte des limites qui suppose que nous ayons une identité sonore ; Pour prendre le ton il faut en effet pourvoir permettre l'unisson de l'autre. Ce son ne pourra être son confusionnel et destructeur puisqu'il donne la place à l'autre. C'est aussi ainsi que se construit le bébé qui apprend qu'il n'est pas la voix de sa mère.

Il n'y a pas de danger de vouloir l'autre différent car le groupe oeuvre dans un seul but, la réalisation de l'oeuvre musicale même s'il y a des rivalités, jalousie qui circule dans le groupe, elles ne sont que des moyens de défense qui permettent de rejouer les affects et éviter la perte d'identité de chacun. En de ça du langage il y a l'autre langage du coeur (choeur). L'harmonie implique un état idéalisé où il y a illusion de la famille Mère dans la musique, le Père en la personne du chef de choeur et les enfants les choristes.

e) Le narcissisme groupal au sein de la chorale

Le groupe chorale est un corps il ne forme qu'un seul choeur. Mais cette idée de corps peut sembler être une menace pour l'individu, car l'être humain n'existe que comme sujet. Dans le groupe le sujet a peur d'être noyé dans la masse et risque de se sentir menacé dans son unité personnelle. En général c'est l'anonymat qui donne une impression de se perdre et de se décomposer en les autres personnes présentes. Le groupe risque de représenter un miroir qui

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se brise qui renvoie une image défigurée. Un groupe qui a réussi est un groupe qui est parvenu à supprimer cette image d'un corps morcelé et donc restaurer un corps propre.

La voix a cette particularité qu'on est dans une chorale obligé de l'entendre pour s'accorder avec les autres. On est donc un dans tout. Cet accord vient à nous rappeler la fonction vitale du holding dans le maintien physique et moral de l'enfant. Le rythme et le mouvement musical nous porte et nous transporte dans un espace de totale liberté dans une mobilité du corps tantôt active tantôt passive évoquant les soins du nourrisson. Le handling traduit la manipulation plaisir actif ou passif dans le jeu musical de sorte que Ch. Bollas 1989119 a proposé le concept d'objet transformationnel pour évoquer les toutes premières relations de soins prodigué par l'environnement et en l'occurrence la musique en groupe. Le jeu musical permet de répéter et de s'auto-stimuler de s'auto-calmer de se bercer au son de la musique qu'elle soit vocale ou instrumentale. Le sujet devient acteur du rôle de la mère pour lui-même et pour les autres. Françoise Dolto120 utilise de terme de mameté et bien la musique permet de se « mameter ». Si la musique nous porte le « holding »elle nous émeut voir même nous manipule le « handling »affectivement, corporellement, psycho physiologiquement nous permettant de rejouer activement nos ressentis. Elle emprunte ainsi des matériaux aux traces auditives d'avant l'usage de la parole et aux traces sensorimotrices d'avant la marche.

On entend par orature l'ensemble des genres dont le mode d'expression est la voix, et qui s'entrepose dans la mémoire, à la fois des narrateurs et des auditeurs. Elle sollicite principalement l'ouïe, le sens global, celui de l'invisible. Tout d'abord, on dit qu'elle constitue un art temporel, c'est-à-dire qu'elle s'inscrit, comme son nom l'indique, dans le temps. Elle reste un événement unique et irréversible. En effet, elle requiert des conditions particulières : la présence charnelle du récitant et de son assistance, le silence, l'intérêt et il faut également que l'orateur se sente d'humeur à pratiquer son art. Elle est sans retour, parce qu'on pourrait la comparer à une émission télévisée en direct. Ainsi, si le conteur se trompe, il aura la possibilité de se corriger, certes, mais son public se souviendra néanmoins de son erreur. On ne peut revenir en arrière et l'auditeur ne peut ajourner l'histoire. Il faut la saisir quand elle se déroule, car peut-être l'occasion ne se représentera-t-elle plus. Enfin, l'orature est un art de la sociabilité,

119Christopher Bollas ; Danielle Goldstein « L'objet transformationnel » (1989), trad.

Dans : Revue française de psychanalyse (vol. 53, n° 4, 1989) Article en page(s) : pp. 1181-1199 (19 pages) 120 Françoise .Dolto « L'image inconsciente du corps »Ed. Du Seuil

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car elle possède un caractère public et collectif. Elle consiste en la relation entre un émetteur et un récepteur.

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CONCLUSIONS

« Mon oreille avide d'entendre
Les notes d'or de sa voix tendre,
Tout mon être et tout mon amour
Acclament le bienheureux jour
Où, seul rêve et seule pensée,
Me reviendra la fiancée ! »
P. Verlaine, La Bonne Chanson.

La voix est un vaste sujet dont les effets au niveau psychique sont encore à découvrir. Nous pouvons remercier Lacan de l'avoir envisagé dans la théorie psychanalytique. J'ai tenté de cerner les en « je » de la voix, dans tous les aspects de la vie depuis, l'enfance jusqu'à l'âge adulte. Comment l'enfant devait être castré de la voix initiale pour devenir sujet parlant. J'ai élaboré l'importance au niveau social et notamment au sein du groupe qu'il soit familial ou autre en passant par la chorale notamment, comment la voix marque l'identité du sujet et la façon dont il s'impose ou pas dans la société au niveau hiérarchique. La voix du père devient loi instauratrice en passant de la voix de l'interdit à celle de l'inter-dit, c'est notamment ce qui a fait défaut dans la psychose dont la voix vient envahir l'espace psychique du sujet lorsque il y a forclusion du nom du père.

Le langage sans la voix est inenvisageable car sans la voix on resterait muet comme une carpe. Parler c'est entendre la voix de l'autre et la nôtre. Envisager la voix en psychanalyse c'est tacher de comprendre comment le sonore est resté en panne d'une symbolisation. C'est la possibilité d'offrir au sujet de mobiliser et de mettre en mouvement tout ce qui du corps en lien avec le langage a été entravé. C'est entendre la plainte du sujet et comment il arrive à bricoler avec son symptôme C'est comprendre comment le circuit pulsionnel de la voix prend sa

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source, son but et son trajet qui revient sur lui-même. La voix accompagne notre quotidien de tous les jours ainsi que nos représentations. Dans la cure analytique c'est entendre ce qui fait signe et ce que la voix supporte de non-dits énigmatiques. C'est aller vers le souffle de vie qui par sa fonction d'appel à l'autre, remet en marche la fonction de la relation et du désir de la rencontre. C'est par le chant que cet appel est le plus incantatoire. Dans le Phédon, Platon déclare que la philosophie est la musique suprême. La voix musicale s'est instaurée dans la culture avec ses codes et ses lois et peut être envisagée comme médium thérapeutique en art-thérapie. Je pense qu'il est important qu'un analyste soit mélomane pour favoriser son imaginaire et sa fantaisie qui remet en jeu ce qui du plus profond de nous fait jaillir la vitalité, parce que la musique et le chant laisse des traces de cette expérience vécue. Enfin c'est un enrichissement personnel qui a pour finalité l'échange et le partage. Entendre sa voix c'est aller vers soi, vers ce qui fait qu'on est « Je » Le chant et la musique c'est le sourire de l'âme.

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MISE EN SITUATION DE METIER

Bien que travaillant en tant que pédagogue et en tant qu'art-thérapeute orientation psychanalytique, je souhaite approfondir mes notions psychanalytiques pour alimenter ma clinique. Mon orientation professionnelle a évolué dans le sens où la psychanalyse sera une priorité. Avant d'en venir à cette formation universitaire, ce fut un long cheminement quant au choix de ma formation et j'ai trouvé que la formation universitaire était le plus appropriée. Le lien avec la philosophie fut très enrichissant et m'ont fait découvrir des auteurs que je n'avais pas lus. Revisiter Lacan notamment sur le sujet du social et du pouvoir en politique relativement au sujet fut très intéressant surtout que la voix en politique est très importante pour attirer l'attention du plus grand nombre du côté de la jouissance. Cela m'a donné beaucoup de temps de travail pour comprendre sa démarche car je n'ai pas un esprit mathématique, bien que la musique le soit mais elle me semble plus abordable. Cela m'a réellement mise au travail car jamais rien n'est acquis, et tout est encore et encore à remettre en question, pour faire évoluer la clinique, la recherche en est un bon moyen. Mon parcours tout au long de l'année fut un peu fastidieux car en travaillant ce n'est pas aisé mais très enrichissant et m'a montré que la psychanalyse a encore une carte à jouer dans notre société complètement clivée dans laquelle l'humain ni ne langage plus sa place. Avec l'avènement du numérique il est capitale de remettre le langage au centre de notre société. Il nous faut donc être visible dans la cité au risque que tous les métiers de pratique cognitiviste ne prennent le pas sur l'analyse. C'est ce que je compte faire dans le village que j'habite et dans tous les villages alentours.

Par chance j'ai déjà une structure et des locaux pour exercer, donc je ne peux guère en dire plus sur ce sujet.






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