La dégradation du couvert végétal
réduit les capacités productives des sols et conduit
inexorablement à une baisse de la production agricole. Par ailleurs, la
réduction des espaces cultivables des paysans a pour conséquence
la baisse des rendements agricoles. En effet, après la vente des terres,
les paysans exploitent de petites superficies pour l'agriculture ; étant
donné qu'ils n'ont pas suffisamment des moyens pour pratiquer une
agriculture intensive, ils se retrouvent face à la diminution des
récoltes. Cette situation contribue à la
détérioration des
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conditions de vie des populations. En plus, la FAO montrait en
2011 que les habitants les plus pauvres sont aussi ceux qui accèdent le
plus difficilement aux ressources en terre et en eau. Ceux-ci sont
piégés par la pauvreté, parce que leurs exploitations sont
petites, qu'ils disposent des sols de mauvaise qualité. Ils sont
particulièrement touchés par la dégradation des terres et
les effets des aléas climatiques. Ces deux facteurs réunis
montrent qu'il y a une menace sur la population rurale pauvre et
dépourvue de terre. Le pire est que les paysans pauvres qui
possédaient des espaces cultivables se retrouvent au fil des ans sans
terre et sans ressources financières. Par ailleurs, ceux-ci sont
exposés à la misère, à cause du fait qu'ils n'ont
pas de qualification pour prétendre à un emploi, ni ne disposent
d'autres sources de revenus. Aussi, par manque de capital et
d'opportunités économiques, ces populations pauvres sont
amenées à surexploiter leurs ressources limitées pour
satisfaire leurs besoins pressants. Cela aggrave les processus de
dégradation des ressources. Il y a donc un cercle vicieux entre
dégradation des ressources et pauvreté. En effet, la
dégradation des terres accroît la pauvreté qui en retour
conduit à des pratiques néfastes sur le milieu naturel
(REQUIER-DESJARDINS M., 2006). De plus, la pauvreté, le manque de
capital et de protection sociale, obligent les populations dont la subsistance
dépend de la terre à surexploiter celle-ci pour s'alimenter, se
loger, disposer de sources d'énergie et de revenus (TIENDREBEOGO Y.,
2013).
Les conflits liés aux ressources naturelles ont
toujours existé, en partie à cause des demandes multiples et des
pressions concurrentes s'exerçant sur les ressources (FAO, 2001).
La population vivant dans l'interface Ouagadougou
Tanghin-Dassouri fait savoir qu'il y a de temps à autre des conflits
liés au partage des revenus de la vente des terres et de la gestion des
ressources naturelles existantes sur les terrains vendus. En effet, les terres
appartiennent généralement à toute une famille, les
personnes souvent à l'origine de la vente de celle-ci ne veulent pas
partager le gain avec l'ensemble des héritiers. Cela crée parfois
des tensions, voire des conflits au sein des familles. Par ailleurs, les terres
sont parfois bradées sans l'assentiment de l'ensemble des
héritiers. L'un des faits marquant est le sort réservé aux
générations futures, car 64,67 % de la population estiment que
leurs enfants n'auront pas de terres à cause de la vente. Cette
étude vient renforcer celle menée par la GRAF en 2011, qui
révèle que les communes rurales sont confrontées à
la disparition de leur domaine foncier. À l'échelle des familles,
le problème de l'avenir des jeunes générations se pose
déjà, surtout dans un contexte où l'agriculture reste la
seule perspective d'emploi pour les ruraux. L'arrivée des nouveaux
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acteurs engendre de nombreux conflits dont les
conséquences peuvent être des crises entre les différentes
fractions de la société.
En outre, l'achat des grands domaines fonciers dans cette
partie du Burkina s'opère souvent par le biais d'une expropriation des
populations rurales, et une appropriation privative des ressources, auparavant
communautaires. Cette population sans terres cultivables est obligée de
s'installer dans des quartiers informels (zone non lotie), exposés
à la précarité et souvent privée des services
sociaux élémentaires. A l'avenir, les descendants de ces
populations dépourvues de terres risquent de troubler la quiétude
des agrobusiness men, car selon la FAO, (2001), les conflits peuvent
apparaître en cas d'exclusion des groupes d'utilisateurs de la gestion
des ressources naturelles.
Au plan social, on note une augmentation des tensions entre
autochtones, migrants et agro-pasteurs d'une part, et d'autre part, des
difficultés d'accès au foncier pour les jeunes agriculteurs.
À l'intérieur du pays, des conflits opposent les autochtones aux
migrants suite aux retraits des terres, les autochtones aux éleveurs
pour les mêmes raisons, auxquelles on peut ajouter l'occupation des
pistes à bétail, des berges, la disparition des pâturages,
etc. Par ailleurs, on se doit aussi de faire mention des conflits
intrafamiliaux liés à la vente des réserves
foncières par quelques membres de la famille (GRAF, 2011). Dans la
province du Kadiogo, en plus des problèmes ci-dessus cités, la
pression sur les terres est responsable de la modification des rapports
socioéconomiques entre éleveurs et agriculteurs (LIEUGOMG M.,
et al., 2007). La forte croissance démographique qui
amène la population à demander davantage de terres cultivables
est également la cause de la recrudescence de ces tensions. Par
ailleurs, l'occupation non autorisée (et non consensuelle) de terres
appartenant aux autochtones et l'expropriation de celles-ci pourraient
être des sources de conflits.
Selon ZONGO M., 2011, les conflits fonciers sont
généralement déclenchés par un faisceau de causes.
Si la raréfaction des terres constitue une première tentative
d'explication crédible, celle-ci cache cependant d'autres raisons,
notamment, l'interprétation divergente de la nature des anciennes
transactions ; le renouvellement des générations ;
l'émergence de la monétarisation ; le pluralisme institutionnel ;
l'interprétation conflictuelle des lois foncières de
l'État.
Une grande partie de la population rurale ne peut subvenir
à ses besoins en raison des inégalités d'accès
à la terre et/ou aux ressources qu'elle porte (eau, terre, couverture
végétale, potentiel touristique, etc.). La
préférence souvent accordée à l'agrobusiness dans
les politiques économiques accentue la pression sur les terres, avec de
forts risques économiques, sociaux et environnementaux à moyen et
long termes (COMITE TECHNIQUE, FONCIER ET DÉVELOPPEMENT, 2008).
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Dans l'avenir, à la périphérie de la
ville de Ouagadougou, la population sans terre et sans qualification aura du
mal à trouver de quoi se nourrir, se soigner, etc. Il pourrait y avoir
donc des conflits non pas comme ceux qui se passent ailleurs entre
éleveurs et agriculteurs, mais cette fois-ci entre les héritiers
du foncier (autochtones) et les nouveaux acteurs.