5.3. Déroulement des entretiens
En raison du contexte de crise sanitaire et pour des
commodités géographiques, les onze entretiens (Annexe 3)
ont été conduits par le biais d'outils visiophoniques en
période de déconfinement. La majorité des
personnes interviewées étaient à domicile à
l'exception de trois qui ont souhaité répondre à cet
entretien depuis lieu de travail. Les entretiens ont débuté par
le rappel du cadre éthique de cette recherche : un consentement
recherché pour l'enregistrement de l'échange et la
confidentialité des données recueillies. Les échanges ont
pu se dérouler dans des conditions favorables à l'expression
d'une parole libre. Les professionnels interrogés m'ont paru
enthousiastes pour évoquer leur métier, leurs pratiques et
parfois même leurs questionnements et leurs difficultés. En fin
d'entretien, ils ont pu exprimer une certaine satisfaction suite aux
échanges en me précisant qu'il était «
intéressant de mettre des mots sur les pratiques ».
La communication a, semble-t-il, été
facilitée par ma connaissance du sujet et notamment des publics
rencontrés, ce qui m'a permis de « lire entre les lignes ».
Néanmoins, ce qui peut apparaître comme un atout a dû
être manié avec précaution car il convient de garder
à l'esprit une neutralité de chercheur, une posture de «
non-savoir ». Cet atout peut-être un inconvénient car ma
connaissance du sujet, ma position de travailleur social a pu être un
frein à la libre expression de leurs pensées au regard du
sujet.
Cet exercice m'a permis de prendre la mesure des
difficultés de cette méthode empirique. La conduite d'entretien a
pour objectif d'accompagner l'Autre dans l'expression de ses propres
pensées. Bien que la reformulation, mettant en pratique la
non-directivité, soit un outil facilitateur, il est parfois difficile de
rester dans la neutralité objective attendue par l'exercice. Il est
nécessaire de s'adapter à la personne interviewée :
répond-elle trop brièvement ? S'éloigne-t-elle du sujet ?
Cherche-t-elle à me déstabiliser ? Ou tout simplement a-t-elle
compris la question ? Il m'a été d'autant plus difficile de
repérer dans l'immédiateté de l'instant les sous-entendus
et les non-dits afin de rebondir dessus pour permettre leur expression. Cela ne
m'a pas empêché de m'y essayer, parfois avec maladresse mais je
ressors grandie de cette expérimentation et riche de nouveaux savoirs.
J'ai pu découvrir ce que Bardin (1997, p. 94) appelle « l'apparence
tortueuse, contradictoire, « à trous », avec digressions
incompréhensibles, dénégations troubles, retours en
arrière, raccourcis, échappées fuyantes ou clartés
trompeuses. ». Cet exercice nécessite un savoir-faire et une
capacité de prise de recul qui, à mon humble avis, ne peut
s'acquérir que par la pratique.
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