Conclusion générale
Que pensent les enseignants de l'Université de
N'Djamena de l'Internet et de son utilisation à des fins
professionnelles universitaires ? Que font les enseignants de
l'Université de N'Djamena de l'Internet dans leurs pratiques
professionnelles ? Quelles sont les niveaux de maîtrise et les
compétences réelles des enseignants de l'Université de
N'Djamena quant à l'utilisation professionnelle de l'Internet ?
A travers ces questions nous avons tenté, tout au long
de cette recherche, de déterminer et de comprendre comment les
enseignants de l'Université de Ndjamena font usage d'Internet pour
acquérir, transmettre et partager le savoir. Pour ce faire, nous nous
sommes orientés vers une mise en évidence de la situation
réelle des pratiques des enseignants de l'Université de
N'Djamena. Une démarche empirique menée proposant une
enquête par questionnaire (méthode quantitative) sur un total de
79 enseignants pour pouvoir déterminer la place de l'Internet chez les
répondants. En nous engageant dans cette démarche, nous
poursuivions les objectifs ci-après :
- Récolter des données sur les opinions
liées à l'utilisation de l'Internet par les enseignants de
l'Université de N'Djamena.
- Identifier les différentes utilisations et pratiques
de l'Internet par les enseignants de l'Université de
N'Djamena.
- Définir le niveau de maîtrise et les
compétences en Internet des enseignants de l'Université de
N'Djamena.
Les données quantifiables obtenues à l'issue du
dépouillement statistique de notre enquête par questionnaire ont
été renforcées par des questions ouvertes, qui nous ont
permis de recueillir les discours des enseignants sur la notion de l'Internet
et les informations qu'il contient. Renforçant à la fois notre
compréhension du pourquoi les enseignants de l'Université de
Ndjamena, n'utilisent pas assez l'Internet pour la recherche d'information, et
plutôt pour la communication, ainsi que celle du pourquoi tel outil ou
service et pas tel autre.
Nous nous sommes inscrits à partir de fait qu'en fin
2018, le Tchad comptait 1,7 millions d'utilisateurs Internet. Et la
littérature sur cette problématique, nous renseigne que les
enseignants du supérieur sont les grands utilisateurs de l'Internet
notamment pour la facilité en recherche d'information et la
communication (Karsenti et Dumouchel 2011 et 2013, Dumouchel 2016, le
Ministère de l'Enseignement Supérieur Français, l'UNESCO
2003- 2011, OCDE 2001 etc.).
119
Nous nous sommes partis du système d'enseignement
supérieurs du Tchad en général, pour voir comment ce
système a évolué dans le temps, et les
éléments qui caractérisent ses évolutions. En
spécifiant toujours le cas de l'Université de N'Djamena qui a
fait l'objet de l'enquête. Car, pour déterminer les pratiques
d'Internet chez les enseignants, il est important de savoir si le
système d'enseignement supérieur du Tchad encourage la recherche
scientifique et l'utilisation du numérique. Il découle de cette
section que, malgré le fait que le gouvernement consacre un fond pour
encourager la recherche scientifique, gage du développement d'un pays,
les enseignants du supérieur ne font presque pas la recherche,
(étude documentaire). A ce niveau, l'utilisation de l'Internet pour la
recherche scientifique semble inexistante, puisque la grande partie des
enseignants ne pratiquent pas les activités des recherches
scientifiques. C'est justement ce que confirme l'enquête du terrain.
Puis, nous avons fait un état de lieu de l'utilisation de la technologie
dans la société tchadienne en générale et en
éducation en particulière. Et il s'avère que le
gouvernement du Tchad n'a jamais cessé de ménager les efforts
pour une politique d'intégration des TIC dans tous les secteurs de la
vie tchadienne, notamment avec la création du ministère des
Postes et de Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication,
qui va dont s'occuper de diffusion de TIC dans l'ensemble du pays. C'est ainsi
que son organe en occurrence, l'Agence de Développement des Technologies
de l'Information et de la Communication (ADETIC) a été
créée pour faciliter la diffusion de TIC. Jusqu'aujourd'hui,
ADETIC s'occupe de l'ensemble des programmes et projets de développement
en vue de moderniser l'ensemble du pays par l'usage des TIC. En
éducation, la création de l'Université Virtuelle en 2005,
la distribution des ordinateurs aux enseignants du supérieur à
partir de 2009 et aux étudiants en 2012, font partis les oeuvres qui
méritent d'être évoqués pour cette recherche. De
même que l'accord-cadre du 05 mars 1999 entre l'AUF et l'Etat tchadien,
qui va permettre à son représentant (campus numérique de
la francophonie et IFADEM) de jouer un rôle moteur dans la formation et
la généralisation des TIC dans l'enseignement au Tchad.
Ce travail de terrain ainsi réalisé nous a
permis d'établir les conclusions ci-après sur la place de
l'Internet chez les enseignants du supérieur de l'Université de
N'Djamena :
En ce qui concerne les opinions relatives à la
compréhension de la notion d'Internet, sa définition, son
caractère révolutionnaire, ce qu'il permet la communication entre
les gens, sa facilité d'utilisation, le fait qu'il est difficile de
trouver ce que l'on cherche, etc., la population d'enquête partage un
point de vue favorable à son égard. Cependant, il faut dire que
les enseignants enquêtés ne partagent pas tous la même
opinion favorable à l'Internet dans leur vie professionnelle. Il y a
ceux qui pensent que, l'Internet est très loin de leur centre
d'intérêt.
120
Parmi eux, certains disposent même d'un ordinateur
portable et d'un téléphone intelligent, mais ils les utilisent
peu souvent pour se connecter. Pourtant, même dans ces cas, Internet est
vu de manière globalement positive, en raison de sa commodité et
du potentiel énorme qu'il recèle en termes de ressources et
principalement d'accès à différents modes de
communication. Cette opinion positive peut cependant fort bien cohabiter avec
des évaluations par ailleurs, très sévères de
différents aspects d'Internet. Certains jugent ainsi la communication
à travers l'Internet comme une forme de communication qui n'a pas assez
d'importance. D'autres, voient dans l'Internet, comme une technologie qui
améliore la communication entre les hommes. Malgré le manque de
bibliothèque dans les différents campus, la majorité
estime que les ressources traditionnelles, comme le livre, offrent toujours un
degré d'efficacité supérieur dans la recherche
d'informations sérieuses. Nous avons vu également que la question
des coûts liés à l'utilisation d'Internet représente
un obstacle majeur à son accessibilité sur une grande
échelle dans un avenir rapproché dans le cas du Tchad. En fin,
nous pouvons conclure que la plupart des enseignants enquêtés
expriment spontanément très peu de craintes ou
d'appréhension concernant la généralisation d'Internet
dans le monde du travail et du divertissement. C'est d'ailleurs ce qui explique
qu'ils considèrent de manière sereine l'impact d'Internet sur les
diverses sphères de l'activité sociale. Même si la
conception de l'Internet chez les répondants nous renvoie à une
double position, c'est-à-dire qu'il est défini en termes
d'avantages ou de méfaits, on constate que les enseignants sont aux
antipodes de ces prises de positions extrêmes sur le caractère
« révolutionnaire » de l'Internet. Et même si les
enseignants enquêtés ne perçoivent pas tous, le
côté positif de l'Internet, dans la
généralité, nous admettons que ces enseignants sont dans
la logique de Karsenti, T. et all (2014 p. 72, lorsqu'ils disent : «
Ne pas être à l'origine de la technologie n'est pas
gênant. Mais il est désagréable de ne pas utiliser les
nouvelles possibilités ».
En ce qui concerne les différentes pratiques de
l'Internet, l'analyse des résultats nous conduit à conclure que :
les enseignants de l'Université de N'Djamena disposent d'un nombre
important d'ordinateurs portables et de téléphones mobiles
pouvant se connecter. Mais ces derniers ne bénéficient pas
pleinement des possibilités qu'offre l'Internet. Il y'a également
une différence significative entre les genres de répondants. Les
hommes possèdent plus de l'ordinateur que les femmes, (86,66 % des
hommes contre 42,10% des femmes). Cependant toutes les enseignantes (femmes)
enquêtés utilisent les téléphones version
androïde. C'est pourquoi le résultat montre que, 93% de la
population étudiée ont accès à Internet par le
biais de téléphone mobile. Et avec une moyenne de 1h à
1h30mn de temps passé par jour sur l'Internet par les enseignants
enquêtés. Seulement 33,55% visitent souvent et 7,01% des
121
répondantes visitent très souvent les sites
Internet. Mais la population féminine visite moins les sites nets que
les hommes. En ce qui concerne la recherche de l'information pour leurs
intérêts personnels, le résultat est presque identique que
la précédente activité. Les enseignants ne connaissent pas
que l'Internet constitue un accès à une ressource puissante et
efficace en termes de recherche d'information, et qui contient de nos jours
presque « tout le savoir du monde ». Il est, dès
lors, anormal de constater qu'ils ont des hésitations à se
tourner vers Internet comme première source d'information documentaire.
Sur ce, seulement 26,31% et 21,05 % hommes utilisent souvent ou très
souvent l'Internet dans le cadre de leurs recherches académique. Tandis
que chez les femmes, ce constat est encore grave, car seulement 6,25% des
répondants de cette catégorie, utilisent l'Internet pour la
recherche de l'information dans le cadre de l'enseignement apprentissage. En
regardant ces chiffres, nous pouvons dire sans hésiter que si ces femmes
se connectent, elles ne le font pas souvent pour la recherche afin d'actualiser
leurs connaissances. Car, elles ne font presque pas recours à l'Internet
pour se documenter. Aussi, les enseignants de deux sexes n'utilisent pas
souvent les moteurs de recherche tels que Yahoo, Erudit, Wikipédia, Alta
Vista, Google, Google Scholar etc. C'est également la même chose
lorsqu'il s'agit de soumission d'article avant sa publication. Car la plupart
des enquêtés ne font pas la publication scientifique, (75.7% des
répondants affirment n'avoir jamais publié les articles
scientifiques sur Internet). De même, 73,68% déclarent n'avoir
jamais mis leurs cours en ligne. Et, en ce qui concerne la population
féminine, comme le précédent, les enseignantes affirment
à 100% qu'elles n'ont jamais mis leurs cours en ligne et n'ayant pas
publié un travail scientifique en ligne.
De façon générale, le résultat de
cette étude montre que la totalité des enquêtés
utilisent l'Internet pour rester en communication avec d'autres utilisateurs.
Donc la communication à travers l'Internet, est une
réalité que l'on peut observer chez les enseignants participants
de cette enquête. C'est pourquoi pour l'énoncé tel que
« Je me suis fait de nouveaux amis sur Internet », c'est
formidable de voir que la majorité des répondants confirment
qu'ils le font souvent ou très souvent. Chez les femmes, elles ont
à 100% qui affirment, qu'elles se font souvent des amies sur le Net,
même si chez les enseignants, quelques-uns disent n'avoir jamais eu des
amis sur le Net, soit 1,75%. Ceci pour dire que les enseignants
enquêtés utilisent très peu l'Internet pour la
majorité des activités que nous avons proposé et ne font
presque pas la publication scientifique. Finalement, si l'on constate qu'il y a
l'utilisation de l'Internet chez les enseignants de l'Université de
N'Djamena, la communication à travers les réseaux sociaux prendra
la première place. Car ces enseignants connaissent beaucoup plus
l'Internet, en ce qu'il facilite la communication entre les personnes.
122
En ce qui concerne la maîtrise envers certaines
applications d'Internet que nous avons convoqué pour la présente
enquête, les enseignants n'ont pas également la maîtrise
nécessaire pour les utiliser. Pour le logiciel de création de
page web, la majorité des enseignants de deux sexes, déclarent
qu'ils sont novices dans cette pratique (71,2%). Et nous avons constaté
que les enseignants n'ayant pas assez des expériences en enseignement
maîtrisent mieux le logiciel de création d'un page web. La plupart
des enseignants enquêtés (72,6%) qu'il soit hommes ou femmes n'ont
pas la maîtrise de l'environnement numérique d'apprentissage,
c'est-à-dire qu'ils n'ont pas la connaissance de cette application. Et
même les exceptions qui croient avoir une bonne maîtrise de
l'environnement numérique, il reste à vérifier, s'ils le
sont réellement. Mais pour l'utilisation de moteur de recherche, le
résultat est modéré. Car, 26,0% considèrent qu'ils
sont bons et 5,5% très bons dans l'utilisation de moteurs de recherche,
alors que la majorité ne sont pas capables de nommer un moteur de
recherche. Ce constat reste le même pour le catalogue et les bases des
données de la bibliothèque. Car, seulement 21,9% des
répondants se considèrent moyen dans l'utilisation de cette
application.
En fin, en ce qui concerne les compétences des
enseignants enquêtés en Internet et principalement dans les
domaines que nous avons limité la présente recherche (recherche
de l'information et de la communication), l'analyse des données
recueillies montre qu'en général la plupart des enseignants
enquêtés n'ont pas les compétences techniques pour une
meilleure utilisation de l'Internet dans le domaine de la recherche de
l'information. Car, ils ne savent ni déterminer les sources
pertinentes, ni évaluer, voir même l'utilisation de Google.
Cependant ils se voient compétent dans la communication à travers
l'Internet. Et comme le suggèrent les résultats de la
présente étude, l'utilisation de l'Internet par le biais du
modèle théorique de Moersch (1995, 2001) : le « Level of
Technology Implementation (le LoTI) » ; de Hall, et Hord (2001) : le
« Concems-Based Adoption Model » (CBAM), et la théorie des
compétences, démontrent clairement que la majorité de ces
enseignants sont encore à la phase des premières utilisations de
l'Internet dans leurs professions enseignantes.
Les limites de la recherche
En ce qui a trait aux limites de notre étude, notons
tout d'abord que le nombre des répondants ne permet pas de tracer un
portrait complet de l'utilisation de l'Internet par les enseignants de
l'Université de N'Djamena. La deuxième limite de cette recherche
est d'ordre matériel et financier. Elle justifie, d'une part, le temps
pris dans la réalisation de ce mémoire et, d'autre part, la
constitution de notre échantillon.
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La limite la plus importante à considérer et
celle d'ordre méthodologique. Car nous aurions pu recourir à la
méthode mixte, c'est-à-dire quantitative et qualitative pour
obtenir les informations afin de déterminer exactement les
différentes pratiques de l'Internet chez les enseignants. Mais
l'orientation méthodologique arrêtée exigeait de nous qu'il
faut s'en tenir à une seule méthode quantitative. Puisque nous
sommes partis sur la base que les enseignants enquêtés n'ont pas
des vocabulaires appropriés dans le domaine de l'Internet pour nommer ce
qu'ils font de l'Internet. Cela est vrai lorsque nous avons laissé
l'attitude aux enseignants de nommer trois sites qu'ils visitent souvent, mais
aucun enseignant n'a pu le faire. C'est pourquoi nous avons proposé nous
même les activités tirées de littérature sur
l'utilisation professionnelle de l'Internet pour soumettre à nos
répondants. Toutefois nous avons décidé de formuler assez
des questions ouvertes pour recueillir les opinions des
enquêtés.
Nous reconnaissons également que pour établir un
profil complet des usagers afin de donner un meilleur aperçu de la
situation générale des utilisations d'Internet à
l'Université, il faut prendre en compte tous les acteurs de
l'Université. Comprendre aussi comment les étudiants, qui sont la
cible des activités pédagogiques, appréhendent les
initiatives prises par les enseignants, interroger les autorités
académiques sur leur perception de l'intégration technologique ou
encore identifier et analyser les pratiques administratives, serait
déterminant dans cette quête. A ces limites, ouvre une perspective
sur de recherches futures devant prendre en compte ces autres acteurs du milieu
universitaire. Car, l'appropriation d'Internet chez les enseignants du
supérieur nécessite une politique (permanente) visant à
récolter les besoins des usagers en générale.
Suggestions
Tout au long de ce travail, nous avons montré que les
manques d'information, et la formation à l'utilisation de l'Internet
sont les causes majeures qui empêchent la meilleure utilisation de
l'Internet chez les enseignantes et enseignants enquêté(e)s. Ainsi
s'il y a lieu de suggestion nous ne pouvons que partir de ces causes pour mieux
suggérer.
De ce point de vue, on dénote que, les enseignants de
l'Université de N'Djamena sont à la fois peu formés, n'ont
pas aussi reçu les informations sur la plus-value de l'Internet et
manquent également des infrastructures performantes pour accueillir
l'Internet. C'est pourquoi ces enseignants ont du mal à se retrouver
dans un monde où les universitaires doivent nécessairement
publier les résultats de leur recherche. Pour remédier à
la situation, quelques pistes de solution peuvent être proposées.
D'une part, il importe à l'Université de N'Djamena de chercher
à augmenter le nombre de cours en formation continue portant
spécifiquement sur
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les compétences TIC et les compétences
informationnelles tels que prôné par l'Unesco (2011). D'autre
part, il faudrait que les professeurs de l'Université soient davantage
amenés à collaborer avec le Campus numérique de la
francophonie qui oeuvre dans le domaine TIC en éducation et qui pourra
organiser des formations aux compétences informationnelles. Aider aussi
ces enseignants dans la recherche documentaire, publication scientifique en
ligne. Il faut également que les enseignants qui ont déjà
un peu des compétences en TIC, organisent des temps en temps des
conférences scientifiques pour amener les autres enseignants à
comprendre la nécessité de l'Internet dans la vie d'un enseignant
de l'Université.
Enfin, alors que la recherche d'information représente
l'activité liée aux TIC la plus utilisée dans le domaine
de l'éducation, il est primordial de former les enseignants non
seulement à connaître et mettre en pratique efficacement les
diverses composantes propres aux compétences informationnelles, mais
aussi à acquérir des approches didactiques adéquates en
vue de les enseigner à leurs étudiants. Car, plus l'enseignant
est informé, plus il informe les étudiants de l'importance de
l'outil.
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