xii. c. Effet du rang des naissances sur
la survie des enfants
Chaque grossesse demande à la mère une certaine
quantité d'énergie à dépenser, non seulement pour
mettre celle-ci à terme, mais aussi pour l'accouchement de l'enfant. Par
conséquent, les grossesses trop nombreuses mettent en danger la
santé de la mère et celle du nouveau-né. D'après
une étude menée en Egypte, le taux de mortalité du
nourrisson dès la cinquième naissance était
supérieur de 38% à celui constaté pour les
troisième et quatrième naissances (Ibrahim, 1993).
Cette aggravation peut s'expliquer en partie par l'âge
plus élevé à la maternité, ce qui constitue une
menace pour la mère et pour le nourrisson. En effet, le rang de
naissance est corrélé avec l'âge à la
maternité. Il est possible que la diminution des ressources et
l'exposition accrue aux maladies infectieuses entrent en ligne de compte. En
Afrique, les études de Venkatacharya et Tesfay Teklu (1986) cité
par Rakotondrabé (1996) ont montré que la précocité
du mariage rend les enfants de rang un plus exposés à
l'insuffisance pondérale ou à la prématurité.
Beghin (1993) a montré, pour les pays peu
développés, qu'à partir du deuxième enfant la
probabilité de mourir pour le nouveau-né est une fonction
croissante du rang de la naissance.
En définitive, on remarque que l'un des facteurs
à travers lesquels la P.F influence la mortalité infantile
provient du changement qu'elle est susceptible d'induire dans la composition
sociale des naissances selon l'âge de la mère, la parité
atteinte et leur espacement (Potter, 1987, p.4). Si la pratique contraceptive
permet aux femmes de choisir le moment opportun de concevoir
conformément au nombre d'enfants désirés, peut-on affirmer
qu'une augmentation de la prévalence contraceptive au sein d'une
population, en apportant des changements dans les comportements
procréateurs, contribue à la réduction de mortalité
comme le pense Main (Main, 1981) ?
Selon Potter (1988, p.5), les résultats
dépendent de l'état où se trouve le pays par rapport
à la transition de fécondité. Dans une situation de
faible prévalence contraceptive, il y a de fortes chances que les femmes
les plus instruites, donc d'une certaine classe sociale, soient les plus
disposées à utiliser les méthodes contraceptives modernes.
Dans tels cas, il est fort probable que les changements attendus dans la
composition des naissances soient minces et les effets sur la survie des
enfants faibles.
Théoriquement les changements induits par la P.F,
à savoir la diminution de la proportion des naissances aux âges
à haut risque, de rangs élevés et l'allongement des
intervalles intergénésiques suite à une meilleure
utilisation des méthodes contraceptives moderne, augmentent les chances
de survie des enfants.
L'étude faite par Bongaarts (1987) après
comparaison dans les fréquences des grossesses à haut risque sur
un groupe de 41 pays en développement se trouvant à
différents stades de leur transition, montre une association
négative entre la prévalence contraceptive moderne et le nombre
des naissances de sixième rang ou issus des femmes adolescentes.
Paradoxalement, il remarque une réduction des intervalles
intergénésiques et une large proportion de naissances de premier
rang dans les pays où cette pratique contraceptive moderne est
élevée ; facteurs susceptibles d'augmenter les risques de
mortalité des enfants.
De ces analyses, il résulte un doute quant aux
répercussions d'une augmentation de la prévalence contraceptive
moderne sur la mortalité infantile. Selon cet auteur, rien ne permet de
dire que l'acheminement d'un pays vers une meilleure régulation des
naissances améliore forcement les chances de survie des enfants. En
effet, ses observations montrent d'une part une action positive de la P.F sur
la survie infantile et une association négative entre la
prévalence contraceptive moderne et le nombre de naissances de rang
supérieur, et d'autre part, que celle-ci induit des facteurs
susceptibles de compromettre la survie de l'enfant telle qu'une
réduction des intervalles intergénésiques et une large
proportion de naissances de rang un pouvant concerner en bonne partie des
adolescentes.
Cependant, ces conclusions aussi pertinentes qu'elles soient,
ne suffisent pas pour ôter à la régulation des naissances
toute contribution dans la baisse de la mortalité infantile.
Néanmoins, elles invitent à un examen plus fouillé des
relations entre le niveau micro (individuel) et le niveau macro (collectif)
quant à la contribution de la P.F sur les chances de survie
infantile.
Deux faits sont donc à noter :
l'augmentation de la proportion des naissances de rang un, qui est explicable
par l'utilisation des méthodes contraceptives moderne et la
réduction des intervalles entre les naissances qui semble difficile
à expliquer. Bongaarts avance comme explication l'abandon de
l'allaitement prolongé au sein et de l'abstinence post-partum.
Cela nous pousse à nous interroger si ces deux facteurs
(allaitement prolongé au sein et l'abstinence post-partum) ne seraient
pas plus efficaces pour allonger l'intervalle intergénésiques que
le recours aux méthodes contraceptives moderne. Selon Bongaarts (1987,
p.330): « traditional birth spacing practices are major
determinants of the proportions of short birth intervals and variation in age
at marriage is the principal cause of variation of birth to teenage
mothers».
La complexité des facteurs de la mortalité des
enfants et leurs interdépendances suggèrent que l'âge
à l'accouchement, la parité atteinte et l'intervalle
intergénésique, aussi pertinents qu'ils soient, ne peuvent en
aucun cas être dissociés des facteurs socioéconomiques
(Chen, 1983) et environnementaux (Mosley, 1985, p.122) qui agissent
conjointement ou à travers eux.
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