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Quelle adoption de l’écriture inclusive dans la langue française et les discours politiques contemporains ?


par Manel Khalifa née Ben Salah
Université Sorbonne Paris 4 - Master sciences du langage parcours linguistique française et générale 2020
  

Disponible en mode multipage

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Quelle adoption de

l'écriture inclusive

dans la langue

française et les

discours politiques

contemporains ?

Mémoire majeur

Manel Ben Salah

28/05/2020

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Remerciements

La réalisation de ce mémoire a été possible grâce au concours de plusieurs personnes à qui je voudrais témoigner toute ma gratitude.

Je voudrais tout d'abord adresser toute ma reconnaissance à la directrice de ce mémoire, Madame Cécile Narjoux, pour sa patience, sa disponibilité et surtout ses judicieux conseils, qui ont contribué à alimenter ma réflexion.

Je souhaite adresser mes remerciements les plus sincères au corps professoral et administratif de Sorbonne université, pour la richesse et la qualité de leur enseignement et qui déploient de grands efforts pour assurer à leurs étudiants une formation actualisée.

J'adresse mes sincères remerciements à ma belle soeur Abla et sa fille Silsa, qui par leurs paroles, leurs conseils et leurs critiques ont guidé mes réflexions et questions durant mes recherches. Je souhaite particulièrement les remercier pour leur précieuse aide à la relecture et à la correction de mon mémoire.

Je remercie mes très chers parents Kilania et Kamel, et mon fiancé, Taha, qui ont toujours été là pour moi. Je les remercie pour leur soutien constant, leurs encouragements et leur confiance.

À tous ces intervenants, je présente mes remerciements, mon respect et ma gratitude.

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Table des matières

Remerciements 2

Introduction 4

I. Cinq siècles après sa disparition : le grand retour de l'écriture inclusive dans la

langue française 7

1.1. La féminisation des noms de métier 8

1.1.1. Les règles de féminisation des noms de métier jusqu'au XVIIe siècle 8

1.1.2. Le féminin conjugal s'impose à partir du XVIIe siècle 11

1.1.3. La révolution française : un espoir de changement de courte durée 12

1.2. Vers une féminisation de la grammaire 14

1.2.1. Les règles en écriture inclusive déjà inclusives 14

1.2.2. Les règles non inclusives qui font débat 15

1.2.3. Les propositions de neutralisation des genres - règle « épicène » 16

II. Analyse de la féminisation de la langue dans le discours politique

contemporain 18

2.1. Les caractéristiques d'un discours politique 20

2.1.1. Discours de la compétence et de l'autorité 20

2.1.2. Discours populaire 20

2.1.3. Quelle place pour les femmes dans la vie politique ? 20

2.1.4. L'évolution du vote féminin 21

2.1.5. Quid de « Un jour où la moitié de la France a rejoint l'autre moitié » ? 21

2.2. Analyse des discours des candidats à l'élection présidentielle 22

2.2.1. Emmanuel Macron 23

2.2.2 François Hollande 30

2.2.3 Jacques Chirac 47

Conclusion 58

BIBLIOGRAPHIE 61

4

Introduction

L'écriture inclusive « née de la volonté de faire changer les mentalités sur l'égalité homme /femme par le langage » (Bruno, 2017) « désigne l'ensemble des attentions graphiques et syntaxiques permettant d'assurer une égalité des représentants entre les femmes et les hommes » (Haddad, 2016).

Le débat sur l'écriture inclusive, qui remonte au 17e siècle (Cerquiglini, 2018), est revenue sur le devant de la scène suite à la parution en 2017 d'un manuel scolaire en écriture inclusive. Dans « Questionner le monde », des élèves de CE2 découvrent l'écriture inclusive définie par son auteur Raphael Haddad (2016) comme "un ensemble de manières de faire progresser l'égalité entre les hommes et les femmes dans l'écriture". Ce manuel « fait apparaître les noms de métiers, de titres, de grades et de fonctions avec une orthographe dite inclusive, qui fait figurer le masculin et le féminin, en les distinguant par un point ou un point médian ». A cette définition nous retiendrons plutôt celle d'Arbogast (2017) qui postule que l'écriture inclusive « n'exclue pas, même involontairement, des personnes censées être incluses dans les propos ».

Cette réforme de l'écriture est bien reçue dans les pays fervents défenseurs de la francophonie (Arbour et al., 2014). Ainsi, le Québec a été précurseur pour ce qui a trait à la féminisation des noms de métiers. Dès 1976, une terminologue est engagée par le gouvernement pour « officialiser la féminisation des titres en position d'autorité comme celui de ministre » (Jobin, 2019). La réforme se généralise trois années plus tard lorsque « la Gazette officielle du Québec préconise pour la première fois la féminisation des titres professionnels : on parle alors d'une avocate, d'une ministre ou d'une architecte » (Groussin, 2019, p.2). La féminisation des noms de métiers devient un sujet de première importance à cette époque dans la mesure où « l'accessibilité de nouvelles clientèles aux études universitaires, a vu son effectif d'étudiantes passer, depuis les années 70, de 45 % à 60 % » (Lamothe et al., 1992, p.3). Cette augmentation de la part d'étudiantes au sein des universités favorise une féminisation de la langue et plus précisément des noms de métiers. Le conseil d'administration québécois s'empare du sujet et « reconnaissait officiellement, en 1980, l'utilisation des titres féminins pour désigner les femmes (...). Celui-ci s'est vu confier le mandat d'établir une liste féminisée de tous les titres de fonctions » (Lamothe et al., 1992, p.3).

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La commission publia en 1992 un document de travail qui donna lieu à la coexistence des titres féminins et masculins et à l'insertion des noms féminins dans la phrase. Cette nouvelle réforme de la langue a bien progressé au Québec suite à l'adoption des chartes des droits de la personne, des lois et réglementations sur l'équité en emploi.

Cette tentative de réforme provoquera en France une violente levée de bouclier. Il est pourtant illusoire de penser que les règles linguistiques sont immuables. La langue est une mémoire, certes, mais ne se doit-elle pas d'évoluer et de s'enrichir au gré de l'histoire, de ses histoires ?

Malgré les réfractaires, une évolution apparaît néanmoins dans le discours politique, définit comme « un discours d'influence produit dans un monde social », et dont le but est d' « agir sur l'autre pour le faire agir, le faire penser, le faire croire » (Giglione, 1989, p. 9). Ce type de discours consacre une importance à la féminisation qui ne date cependant pas d'aujourd'hui. Le discours de général Charles de Gaulle et ce célèbre « Françaises, français » en est une représentation significative, bien que remis en cause par les Académiciens dans les années 1980 (Winock, 1998).

Nombreux sont ceux, à commencer par les cercles féministes, qui incitent à l'intégration de l'écriture inclusive dans les textes politiques, en accordant beaucoup d'importance à cet acte nécessaire pour l'émancipation de la femme et son acceptation dans la vie professionnelle et politique. En revanche, tous ne sont pas de cet avis. Preuve en est, la consigne donnée aux membres du gouvernement par le premier ministre actuel Edouard Philippe, de bannir des textes officiels cette forme d'écriture. Dans la circulaire du Journal Officiel n°0272 du 22 novembre 2017 il sera écrit « Je vous invite, en particulier pour les textes destinés à être publiés au Journal officiel de la République française, à ne pas faire usage de l'écriture dite inclusive », et de rajouter « Outre le respect du formalisme propre aux actes de nature juridique, les administrations relevant de l'Etat doivent se conformer aux règles grammaticales et syntaxiques, notamment pour des raisons d'intelligibilité et de clarté de la norme ».( Phillippe, 2017)

Cette affirmation nie tout engagement féministe dans l'écriture « inclusive » dans les textes politiques. Mais cela prouve-t-il la non-neutralité des politiciens face à l'écriture « féministe » ? Sont-ils radicalement pour un éloignement du langage féministe ou finalement pour une évolution modérée du langage, en faisant dans la demi-mesure ? Car il est à noter en parallèle que le texte défend la féminisation systématique des noms de fonctions employées dans des textes officiels.

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Ces évolutions démontrent le degré d'engagement féministe, ou à l'inverse le non engagement, des hommes et femmes politiques. Connaître l'approche politique face au débat sur l'écriture inclusive est essentiel selon nous, car un discours politique peut marquer un changement d'ère et une impulsion nouvelle. En revanche, un discours à lui seul ne suffit pas à faire tomber les barrières et à amorcer un changement de mentalité. La parité au sein des collectivités territoriales, des établissements publics, et des entreprises de façon plus large, est un excellent exemple. Pour tenir cette promesse électorale, le gouvernement de François Hollande a dû modifier la loi. Nous pouvons citer deux exemples emblématiques : la Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes et l'article 16 de la loi du 4 août 2016 pour l'obligation des entreprises en matière d'égalité professionnelle. Ces lois conduiront Schneider (2012) à écrire que « c'est une première dans l'histoire de la République Française que nous ayons un gouvernement totalement paritaire ».

Avant de creuser la problématique de notre mémoire « quelle adoption de l'écriture inclusive dans la langue française et les discours politiques contemporains ? », il nous faut préciser que l'objectif du lexique inclusif est de redonner au sexe féminin de la valeur et de l'importance, non seulement pour une « égalité linguistique » au niveau de langage (Mathieu et al., 2009) mais également au sein de la société.

Notre analyse de l'écriture inclusive « dans la pratique » abordera les questions de la féminisation de la langue française. La première partie s'attachera à analyser l'histoire de la féminisation de la langue et à étudier les règles de l'écriture inclusive. Dans cette partie nous présenterons les règles de la féminisation des noms de métiers et les règles grammaticales dans la langue française, qui permettent d'appréhender son histoire. La seconde partie visera à analyser les discours politiques de certains présidents de la république (avant et pendant leur mandat) et plus précisément d'étudier si ces discours ont évolué pour devenir plus inclusifs. Les discours des candidats et notamment ceux des présidents de la République peuvent démontrer le degré de leur engagement féministe ainsi que l'impact du contexte socio-économique sur leurs allocutions.

Il est important de souligner pour notre étude que les femmes représentent plus de la moitié de la population française, et autant en termes d'électeurs inscrits sur les principales listes électorales. Leur participation aux élections est de fait un enjeu de société pour les candidat-e-

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s « politiques ». Si discours féminisé il y a, est-il un discours de conviction, ou juste un discours de séduction ? L'objectif n'est-il pas juste une conquête de l'auditoire féminin ?

I. Cinq siècles après sa disparition : le grand retour de l'écriture inclusive dans la langue française

L'histoire de la féminisation de la langue est étroitement liée à la désignation de la femme par des noms qui l'identifie et qui la sépare de l'homme. C'est au XVIIe siècle que l'idée de désigner les femmes par des noms communs masculins apparaît et c'est donc ainsi que le débat sur l'écriture inclusive naquit.

La représentation graphique de la féminisation de la langue se base sur trois grands principes1: ? le fait d'accorder les fonctions, métiers, grades et titres, en fonction du genre : on parlera ainsi de chroniqueuse, chercheuse...

? l'utilisation à la fois du féminin ET du masculin quand on parle d'un groupe de personnes, soit par l'utilisation de ce qu'on appelle la double flexion - « les candidates et candidats » -, soit par le recours au « point milieu » - « les candidat·e·s » -, soit enfin par une reformulation épicène - « les personnes candidates ».

? on tente enfin d'éviter le recours aux termes « Femme » et « Homme » avec une majuscule de prestige et on préfère des termes plus neutres, comme « droits humains » plutôt que « droits de l'homme ».

Notre analyse de l'écriture inclusive dans cette partie du mémoire abordera les questions de la féminisation de noms de métiers en France en étudiant le « recul » de la linguistique française à partir du 17e siècle.

1 Source : Edouard Philippe décide de bannir l'écriture inclusive des textes officiels (2017). Site Le Monde (en ligne sur : https://www.lemonde.fr/politique/article/2017/11/21/le-premier-ministre-edouard-philippe-decide-de-bannir-l-ecriture-inclusive-des-textes-officiels_5218122_823448.html. Consultée le 3/12/2019.)

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1.1. La féminisation des noms de métier

Nous verrons dans cette partie du mémoire l'évolution de l'expression linguistique des identités du genre pour les noms de métiers en France et au Québec. L'accent sera mis sur l'histoire de la féminisation lexicale en France.

1.1.1. Les règles de féminisation des noms de métier jusqu'au XVIIe siècle

? En France

Jusqu'au XVIIe siècle, le français, comme le latin dont il est issu, distinguait féminin et masculin. La question de genre n'était pas évoquée. On trouvait par exemple miresse pour désigner une femme médecin (Mathieu, 1999, p.45-63) ou encore « académicienne, agente, ambassadrice, autrice, avocate, chancelière, chercheuse, chevalière, chirurgienne, clergesse, colonelle, commandeuse, conseillère, contrôleuse, défenseuse, doctoresse (...) » (Viennot, 2018, p. 72).

Afin de féminiser les noms de métiers, certaines règles ont été établies. Pour commencer, il faut rappeler que, pour désigner le genre d'un référent, il suffit de l'identifier au moyen d'un déterminant nominal, d'un article défini ou d'un article indéfini (le/la ; un/une). Il est également possible de recourir à un déterminant démonstratif (ce/cet/cette). Ainsi, pour désigner par exemple une femme députée, il est possible de dire la députée ou cette députée.

Ajoutons à cette règle les différentes variations de morphème à la fin du nom pour déterminer le féminin. En effet, il y avait la forme trice, qui consistait à remplacer un masculin finissant par le morphème eur par un nom identique dont le morphème devient trice.

Nous pouvons citer pour exemples directeur/ directrice, ambassadeur/ambassadrice, conservateur/conservatrice, etc.

Cette dérivation du masculin eur a une autre variante au féminin : en lieu et place de trice, la forme féminine devient soit euse comme dans chercheuse, entraineuse ou programmeuse soit eure comme dans professeure, gouverneure ou entrepreneure. Cette règle s'accompagne de l'apparition de noms se caractérisant par le doublement de la dernière consonne comme dans chirurgienne, électricienne ou informaticienne (Mathieu et al., 2009). Certains noms sont également féminisés à l'aide du suffixe esse comme maitresse, poétesse ou philosophesse.

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Nous pouvons finalement citer la règle de la forme épicène qui désigne un ensemble de « mots dont la forme ne varie pas entre le masculin et le féminin » (Haddad, 2016) comme pour gendarme, ministre, maire ou juge.

Bien que ces règles n'aient pas cessé d'évoluer, si nous nous concentrons sur le XVIIIe siècle, nous pouvons en voir quelques formes dans le tableau ci-dessous :

Tableau : règles d'écriture inclusive

e

esse

trice

euse

ienne

Forme dite
épicène

Médecine

Poétesse

Autrice

Graveuse

chirurgienne, doyenne, mécanicienne, pharmacienne

Artiste

Peintre

Philosophesse

Actrice

Professeuse

rhétoricienne

Architecte

Auteure

Peinteresse

Compositrice

Chercheuse

 

Comptable

Avocate

traductrice

Inventrice

Controleuse

 

Ministre

Artisane

libraresse

Ambassadrice

Toiletteuse

 

mannequin

Ecrivaine

Capitainesse

rédactrice

Metteuse en scène

 
 

philosophe

Doctoresse

 
 
 
 

Source : Viennot, 2017, p 46-62

? Au Québec

Suite à la réforme de 1980 qui « reconnaissait officiellement l'utilisation des titres féminins pour désigner les femmes (...)», différentes règles ont été établies pour féminiser les noms de métiers2. Ces règles sont employées tout en conservant quelques anciens principes et acquis de la langue française. En effet, au Québec, de nombreux noms de métiers, titres et fonctions existaient préalablement. C'est pourquoi il a fallu les conserver sans inventer des nouvelles formes. En d'autres termes, aux règles existantes s'ajoutent celles visant à féminiser les noms qui n'étaient utilisés qu'au masculin. Aussi, le féminin de directeur devient directrice et non directeure.

2 Pour plus de détails voir les 24 articles disponibles sur le site de l'Office Québécois de la Langue Française : http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?Th=1&Th_id=358&niveau=.

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Les règles de féminisation des noms de métiers au Québec étant diverses, nous allons commencer par présenter les noms composés féminins qui prennent plusieurs formes comme l'indique le tableau ci-dessous :

Tableau : règles de féminisation des noms composés féminins

 

Masculin

Féminin

Juxtaposer deux noms en les liant par un trait d'union

un mécanicien-
électronicien

une mécanicienne-
électronicienne

Le deuxième nom (épithète) caractérise le premier à la manière d'un adjectif

un conseiller cadre

une conseillère cadre

Deux noms sont joints par une préposition

un technicien en
radiologie

une technicienne en
radiologie

Un nom et un adjectif

un grand pilote

une grande pilote

Plusieurs combinaisons

un président-directeur
général

une présidente-
directrice générale

D'autres règles s'ajoutent à ces dernières :

- telles que celles relatives aux noms français polysémiques, comme cuisinière qui désigne à la fois une personne et un appareil électroménager. Il est concevable au Québec d'inventer et d'intégrer un autre emploi au nom.

- On peut aussi aborder les noms de métiers au masculin qui se terminent par la lettre c. Ces derniers, une fois féminisés, prennent un que en fin de mot comme par exemple un syndic/ une syndique.

- Si le masculin se termine par é, la règle appliquée sera l'ajout d'un e muet au féminin. Comme député/ députée ; employé/ employée.

- Deux possibilités s'offrent aux masculins se terminant par eur. Ils prennent un e au féminin, donnant soit eure comme dans professeur/professeure ou ingénieur/ingénieure, soit euse comme dans chercheur/ chercheuse ou chauffeur/ chauffeuse.

- Pour les noms masculins qui se terminent par teur, ils se féminisent en trice comme directeur/directrice, ou inspecteur/inspectrice.

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La forme de l'écriture épicène existant au Québec comme en France, à savoir les noms qui se terminent par e au masculin n'ont pas de forme féminine. On conserve donc le même nom quel que soit le sexe. Parmi les noms de métiers épicène nous pouvons citer diplomate, juge ou encore pilote.

Pour finir, en français québécois, l'ajout du mot femme aux noms de métier masculin, comme une femme médecin, n'est pas conseillé. En effet, le recours à cet ajout empêche l'emploi d'une forme féminine proprement dite : il est aisé de féminiser professeur en professeure, plutôt que d'utiliser femme professeure.

1.1.2. Le féminin conjugal s'impose à partir du XVIIe siècle

Tandis qu'au XVIIe siècle, l'usage de la règle de proximité n'imposait pas au féminin de « s'incliner » devant le masculin lors de l'accord des genres, l'accord de proximité disparaît peu à peu entre le XVIIe et le XIXe siècle au profit du genre masculin qualifié de genre noble (Nameche, 2018). Le masculin considéré comme neutre l'emporte au pluriel, et beaucoup de mots utilisés au féminin, comme par exemple peinteresse, sont condamnés (Viennot, 2014). Ajoutons au nom peinteresse les noms autrice et écrivaine qui ont été remis en question dès leur apparition. Le premier a été accusé de laideur, bien qu'il fasse partie d'une série de noms qui se terminent par « trice » comme actrice, traductrice ; le second a donné lieu à la blague suivante de la part de Bertrand Poirot-Delpech, un journaliste qui devint académicien : « dans le mot écrivaine, on entend vaine ». Mais, comme le souligne Viennot (2018, p. 75) « à ce compte-là, dans écrivain, on entend non seulement vain, mais écrit vain- ce qui est bien pire ».

Cette époque est marquée par l'implémentation de « normes classiques » qui marquent un recul de la langue (Paveau, 2002), recul lié à une volonté de minorer le rôle social de la femme (Wolf-Mandroux, 2019). Ainsi, dans l'ouvrage Grammaire générale ou exposition raisonnée des éléments nécessaires du langage (1767), nous pouvons lire « le masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle ». La linguistique évolue donc pour refléter le rôle que la société se fait de la femme. Elle est alors considérée comme un être faible et inapte à participer activement au développement de la société. Elle est dépendante de ses parents jusqu'à ce que cette dépendance soit transférée à son mari. Il était effectivement admis que « les femmes restent largement dominées par les hommes, l'article 213 du Code Civil imposait l'obéissance de la femme envers son mari » (Wailly, 2004, p. 1). Intellectuellement parlant, la femme était considérée comme un être

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ignorant, dépourvue de droits les plus élémentaires tels que l'éducation. Ce faisant, elle se trouvait généralement privée du droit de travailler, bien que quelques exceptions liées à son appartenance à une classe sociale supérieure soient à noter.

La place des femmes dans la société se réduisant comme peau de chagrin - elles éduquent les enfants et sont en charge de la bonne tenue du foyer - la langue du XVIIIe siècle pose un regard ironique et condescendant sur la féminisation des noms de métiers (Paveau, 2002). « Ainsi l'épouse se voyait décerner le titre féminisé de son mari à une époque où ces professions étaient fermées à la gent féminine, ce que le linguiste Bernard Cerquiglini appelle le féminin conjugal (...) » (De Féo, 2018).

Ce tournant linguistique majeur s'opère officiellement en 1718 avec la publication de la deuxième édition du Dictionnaire de l'Académie, institution créée en 1634 (et uniquement masculine jusqu'en 1981) dont la mission est de « conserver et perfectionner la langue française » et de rédiger le dictionnaire. La féminisation des noms de métiers est maintenue pour désigner la femme de l'homme exerçant le métier. Ainsi, dans la 1ère édition, une ambassadrice désignait une « femme chargée d'une ambassade » tandis que dans la 2e édition, une ambassadrice désigne l'épouse d'un ambassadeur (Wolf-Mandroux, 2019). Ce revirement est lourd de sens. La femme est de nouveau démunie de tout statut, avec un droit à la reconnaissance qui n'existe que par le biais d'un homme.

Certains noms de métiers, considérés comme « non nobles », demeurent pour leur part féminisés. C'est par exemple le cas de coiffeuse ou de boulangère qui désigne bien les femmes chargées de coiffer ou de faire le pain et non pas les épouses de coiffeurs ou de boulangers. Il en est tout autre pour professeuse ou procureuse qui, métiers plus nobles, sont féminisés certes, mais pour désigner la femme d'un professeur ou d'un procureur (De Féo, 2018).

1.1.3. La révolution française : un espoir de changement de courte durée

Le rapport Talleyrand, qui stipule que les femmes n'ont pas le droit à l'éducation et que leur rôle se limite à rester à la maison au service de leur famille, est publié en 1791. Il est intéressant de noter que cette même année marque la parution de « A Vindication of the Rights of Woman », le premier ouvrage prônant l'égalité entre homme et femme écrit par l'écrivaine et philosophe britannique Mary Wollstonecraft. En réponse à la dévalorisation du sexe féminin, Mary Wollstonecraft écrit dans son ouvrage « I attribute [these problems] to a false

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system of education, gathered from the books written on this subject by men, who, considering females rather as women than human creatures, have been more anxious to make them alluring mistresses than affectionate wives and rational mothers » (Site de British Library, 1791, p. 1).

Alors même que le rapport Talleyrand vise à édicter des règles sociétales, des débats sur les droits de la femme et son émancipation de l'autorité masculine commencent à agiter l'espace public. En effet, la révolution française, sans provoquer de changement radical, a permis à la femme de prouver qu'elle pouvait être au moins égale à l'homme. Cette évolution du regard que la société posait sur elle a été rendue possible par les interventions de quelques philosophes des lumières qui ont remis en question la place de la femme dans la société. Ainsi « entre 1725 et 1760 une quantité d'ouvrages favorables aux femmes, véritables apologies des "mérites des dames" qui provoquaient le sexe masculin en l'affrontant avec l'autre sexe dans une sorte de duel où qualités et défauts servaient d'armes. Ces néo-féministes cartésiens inspirés par Poulain de la Barre attribuaient aux femmes des vertus indéniables. » (Berg Kyssing, 1985, p. 1).

Diderot, considéré comme un philosophe féministe, critiqua le statut d'être inférieur de la femme dans son essai de 1772. Au même titre que Diderot, Nicolas de Condorcet lutta pour les droits des femmes et l'égalité des sexes. En effet, « Condorcet est convaincu (il le souligne dans ses écrits), qu'une société où cette égalité n'est pas assurée est une société bancale, qui se prive à terme de progrès et se condamne à la médiocrité. » (Caritat et al., 1743, p. 20). Voltaire, quant à lui, féminisa les métiers exercés par les femmes en écrivant par exemple « filles du Styx, huissière d'Atropos » (Viennot, 2017, p. 60). Au même titre que Voltaire, « en 1763, Rousseau écrit à une amie à propos d'un de ses portrais : « je crois que la peinteresse ne vous a pas flattée » (Viennot, 2018, p. 54).

Les philosophes des lumières, femmes et hommes, luttent donc contre toutes sortes de dévalorisations et non-considérations. Pour exemple, Madame de Beaumer écrit en 1762 « il semble que les hommes aient voulu nous ravir jusqu'aux noms qui nous sont propres. Je me propose donc, pour nous en venger, de féminiser tous les mots qui nous conviennent » (Viennot, 2017, p. 55). Bien que le XVIIIe siècle ait été un siècle de la révolution, non seulement française mais aussi de la femme, il ne restera pas dans les mémoires comme le siècle qui a su faire plier les « normes linguistiques classiques » et ce, malgré le dépôt d'un

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projet de loi en 10 articles visant, entre autre, à abolir la règle selon laquelle le genre masculin équivaut au genre noble (Rouch, 2018).

Bien que certains philosophes et écrivains luttent pour la féminisation des noms de métiers dès le XVIIIe siècle, les grammairiens continuent de préconiser l'emploi du masculin, considéré comme genre le plus noble. Ainsi, « dans l'édition de 1847, Bescherelle précisera avec fierté que la langue française s'est mise en opposition avec toutes les autres langues, en laissant au masculin tous ces noms auteur, docteur, géomètre, général, graveur, professeur, philosophe, poète etc, alors même que ces noms désignent des femmes » (Viennot, 2018, p. 52).

Il aura fallu cinq siècles à l'académie française, qui refusa le recourt à l'écriture inclusive et la féminisation de noms des métiers dès 1689, pour adopter le 28 février 2019 « à une large majorité un rapport sur la féminisation des noms de métiers, soulignant qu'il n'existait aucun obstacle de principe à la féminisation des noms de métiers et de professions » (Perrin, 2019, p. 1).

1.2. Vers une féminisation de la grammaire

On pourra remarquer avec l'étude faite ci-dessus « l'imposition » du genre masculin. La forme féminine n'est souvent signifiée que par un appendice ajouté au mot masculin. Dans la majeure partie des cas, elle n'a pas une « forme » qui lui est propre, mais une variante au mot masculin sur lequel elle prend appui. Aussi peut-on considérer que les carences observées dans les noms de métiers au profit du masculin se retrouvent aussi dans les règles grammaticales ? Le masculin l'emporterait-il aussi sur le féminin dans ce domaine ?

1.2.1. Les règles en écriture inclusive déjà inclusives

L'écriture inclusive se caractérise par l'accord de genre qui se résume par la présence d'un « e» à la fin du participe passé d'un verbe se conjuguant avec l'auxiliaire « être ». Citons les exemples suivants :

La fille est allée chez le docteur. Ma nièce est née en octobre. La branche est tombée.

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Un « e » est également employé à la fin d'un participe passé si le verbe se conjugue avec l'auxiliaire « avoir » mais seulement si le complément d'objet direct (COD) est placé avant ce verbe.

Exemples :

- J'ai appris la langue anglaise ? Je l'ai apprise.

- Paul a mangé une pomme ? Paul l'a mangée

De même qu'un « e » est ajouté à la fin d'un adjectif pour marquer le sexe féminin comme dans les exemples suivants :

- La voiture de mon père est noire.

- Ma meilleure amie est très élégante.

De plus, nous ne pouvons pas traiter les règles de l'écriture inclusive qui existaient déjà, sans évoquer les pronoms personnels qui mettent à la fois en valeur le genre masculin et féminin. Ainsi, on emploie « il » pour désigner le masculin (ce candidat, il est compétent), et « elle » pour désigner le féminin (cette candidate, elle est compétente). Et ces mêmes pronoms personnels peuvent désigner un emploi neutralisé. En d'autres termes, ils peuvent renvoyer à un élément neutre (la table, elle est carrée), ou un emploi dit impersonnel (il pleut, il faut) (Charaudeau, 2018). Dans ce cas, nous sommes face à la neutralisation dont l'emploi se manifeste clairement dans les articles et les déterminants ; plus précisément avec l'article défini « le » qui désigne à la fois le genre masculin (le repas est délicieux) et le genre neutre (le plus important c'est de tenter sa chance). Alors que pour certaines langues, comme l'espagnol (avec la forme lo) ou le portugais (avec la forme o) le neutre a une forme qui lui est bien spécifique.

1.2.2. Les règles non inclusives qui font débat

« En latin et en grec ancien, l'adjectif se rapportant à des noms de genres différents ne se mettait pas systématiquement au masculin, comme c'est le cas aujourd'hui en français. Il s'accordait avec le nom le plus proche. Cet usage dominait en ancien français et encore au Moyen Age. Au XVIIe et XVIII, il prévalait toujours » (Roubin, 2017, p. 5). Aussi, en Ancien français et au Moyen âge l'accord de l'adjectif et du participe passé se fait avec le nom le plus proche, comme dans les phrases suivantes :

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- Mon frère et ma soeur sont belles.

- Ma soeur et mon frère sont beaux.

- Les étudiants et les étudiantes sont présentes.

Dans la langue française, la règle de proximité a toujours été remise en question. Aujourd'hui, cette règle n'est pas appliquée. Ainsi, l'adjectif ou le participe s'accorde toujours avec le masculin. Ainsi, nous écrivons : Mon fils et ma fille sont mignons.

1.2.3. Les propositions de neutralisation des genres - règle « épicène »

L'écriture inclusive demeure un sujet complexe, acceptée par certains et rejetée par d'autres. Le recourt à l'écriture épicène et à la neutralisation est une proposition qui pourrait éventuellement éviter les obstacles pour désigner le genre. Ce type d'écriture est constitué de différentes « méthodes ». Pour identifier les deux genres, nous pouvons notamment trouver dans les règles épicènes, la formulation collective (terme générique ou neutre), la forme plurielle, les formes contractées (trait d'union, point médian ou parenthèse). On retrouve les trois formes précédemment énumérées dans les exemples suivants :

- Le personnel de l'hôtel est en réunion.

- Notre service a pour objectif de satisfaire la clientèle.

- Plusieurs personnes de notre quartier sont en difficulté.

- Les propriétaires de logement doivent assister à l'Assemblée Générale ordinaire

- Les candidat-e-s doivent préparer leur discours pour le débat télévisé.

- Un.e enseignant.e sera présent.e pendant l'intercours.

- Les étudiant(e)s doivent participer aux élections des délégué(e)s de classe

L'écriture épicène a ses limites. L'utilisation de ses différentes formes n'est pas toujours simple, et encore faut-il que le contexte s'y prête. Un des obstacles est, par exemple la forme contractée qui consiste à mettre un point médian ou un trait d'union au sein du mot pour désigner à la fois les deux sexes. « Cette forme s'emploie quand on veut alléger le texte en évitant les répétitions et/ou lorsqu'on a affaire à des mots dont les variantes féminine et masculine ne diffèrent que légèrement » (Têtue, 2016). En revanche cette forme peut nuire à la lisibilité d'un texte car elle ne se prête pas à une lecture à haute voix. Pour signifier leur

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non-adhésion à ces méthodes et montrer les limites de l'exercice, certains poètes comme Jean Grosjean propose de réécrire le poème « l'Albatros de Baudelaire en langage épicène.

« Souvent, pour s'amuser, les femmes ou hommes d'équipage

Prennent des albatros, vastes oiselles.seaux des mers, Qui suivent, indolent.e.s compagn.e.on.s de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers.

À peine les ont-ils déposé.e.s sur les planches,

Que ces reines ou rois de l'azur, maladroit.e.s et honteu.se.s.x, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches

Comme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce.tte voyageu.se.r ailé.e, comme elle ou il est gauche et veule !

Elle ou lui, naguère si belle ou beau, qu'elle ou il est comique et laid.e ! L'une ou l'un agace son bec avec un brûle-gueule,

L'autre mime, en boitant, la personne à mobilité réduite qui volait !

La poétesse ou le Poète est semblable à la princesse ou au prince des nuées

Qui hante la tempête et se rit de l'arche.è.r.e ; Exilé.e sur le sol au milieu des huées,

Ses ailes de géant.e l'empêchent de marcher ».

(Grosjean, 2018)

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II. Analyse de la féminisation de la langue dans le discours politique contemporain

Le corpus de ce mémoire regroupe un ensemble de discours politiques, en d'autres termes, des textes écrits en vue d'être prononcés oralement devant un public. Nous allons les décrire, les présenter et les analyser, en particulier sous l'aspect de l'écriture inclusive.

Cette partie de notre travail visera à analyser quelques discours politiques des présidents Emmanuel Macron, François Hollande, et Jacques Chirac,

Initialement, nous avions choisi d'étudier les trois derniers présidents de la République, à savoir Emmanuel Macron, François Hollande et Nicolas Sarkozy. Nous avons finalement choisi d'écarter Nicolas Sarkozy au profit de Jacques Chirac, car après analyse, l'étude des discours de Nicolas Sarkozy ne nous semblait pas pertinente. En effet, ce dernier n'est pas connu pour être un défenseur de l'égalité des sexes. Comme le souligne Brigaudeau (2012) « il n'est pas dit un mot de la parité ou de l'égalité des droits hommes-femmes dans le bilan du quinquennat. Pas une mention dans le dossier consacré à l'égalité des chances et la lutte contre les discriminations ». Au vu du recul de l'égalité homme-femme observé à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy, il est logique qu'il n'ait pas souhaité s'appesantir sur le sujet. Pourquoi un tel recul ? En premier lieu, cela s'explique par un désintérêt du président pour le sujet. Désintérêt assumé dès sa candidature puisqu'il n'a pas répondu à l'appel d'associations féministes l'invitant à exposer son programme en matière d'égalité des sexes. Seule l'égalité salariale semble avoir retenu son attention sans pour autant avoir conduit le projet à terme en prenant des mesures concrètes. Dès lors, « Cinq ans plus tard, les femmes touchent au total un salaire inférieur de 27% à celui des hommes selon l'Observatoire des inégalités » (Brigaudeau, 2012). En second lieu, deux décisions politiques ont conduit à un recul de l'égalité des sexes : « la réforme des retraites, dont on sait qu'elle pénalise particulièrement les femmes ; d'autre part la réforme de l'hôpital public, qui a provoqué la fermeture de dizaines de centres IVG, ce qui fait de la France un pays où le droit à l'avortement est menacé » (Beatrcegamba, 2012).

Tous ces éléments nous ont conduit à retirer Nicolas Sarkozy de notre panel d'étude. Nous avons choisi Jacques Chirac, choix qui nous semblait intéressant car il nous permettait d'aborder l'impact des différences générationnelles sur les discours présidentiels. La

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présidence de Jacques Chirac, de 1995 à 2007, se situe à une époque où la place de la femme dans la société était moins « polémique » qu'à notre époque contemporaine.

On va analyser quelques discours de ces présidents afin de montrer l'importance et l'influence de ce type de discours sur les individus. « Le discours politique s'est très souvent prêté à l'analyse de discours, car c'est un domaine de construction de sens qui se fonde sur un certain équilibre entre une structuration visant à produire un discours d'influence et des conditions de production généralement bien définies. » (Delmas, 2012, p.104). Pour rejoindre les propos de Virginie Delmas, on peut ajouter que la parole est omniprésente dans notre société actuelle, et le pouvoir des mots continue de fasciner. Le discours tient sa force dans la situation d'énonciation : voix, regard, rythme, posture, dont l'objectif à produire des effets persuasifs sur ses destinataires. La structuration des arguments est faite de manière rapide et directe. La parole étant accessible à tout le monde, le discours est un moyen d'agir rapidement. De plus, préparé ou non, il donne un sentiment de spontanéité qui confère à l'orateur une certaine sincérité. Selon la définition d'Aristote, « la rhétorique repose sur trois outils : le pathos (les émotions), le logos (la logique, les arguments rationnels) et l'ethos (la crédibilité de l'orateur) ? l'auditoire se sent concerné : variété et force d'émotions suscitées par la mise en scène de la parole (rire, larme, inciter à la haine). (...) Il lui donne le sentiment et la vérité. » (Thuillier, 2014).

Dans une société où les médias ont une place prépondérante, la parole est un outil de communication primordial. Pour convaincre un auditoire, les hommes politiques en ont parfaitement assimilé l'importance. Face à l'impact indéniable de la langue sur l'interlocuteur, nombreux sont les hommes politiques à avoir vu l'intérêt que peut représenter l'écriture inclusive dans leurs discours. Ce fut le cas du Général de Gaulle avec son célèbre « Françaises, français ! » dans son discours du 22 avril 1961. Le discours de « l'émetteur » face à un public mixte, femmes et hommes, doit pouvoir être entendu par « ses récepteurs » ; de cette manière, le locuteur pourra plus facilement faire entendre et exprimer ses intentions et ses choix. Dans ce même sens, l'objectif d'Arlette Laguiller par ses discours commençant par « Travailleuses, Travailleurs » est de s'adresser aux femmes et aux hommes, sans exception. Mais le fait d'intégrer le sexe féminin dans un discours peut être sujet de discorde. L'épisode à l'Assemblé National du député Julien Robert qui refusera de dire « Madame la présidente » en s'adressant à la présidente de séance la députée Sandrine Mazetier, est un exemple concret du malaise encore présent dans la sphère politique. Le député Julien Robert se défendra en disant « madame le président moi j'applique les règles de l'Académie

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Française ». Malaise d'autant plus important quand il s'agit de féminiser le nom d'une fonction.

2.1. Les caractéristiques d'un discours politique

2.1.1. Discours de la compétence et de l'autorité

Il est destiné à convaincre et persuader l'interlocuteur en employant des mots « savants, sages et raisonnables » traitants de sujets sérieux et annonçant des problèmes graves pour proposer par la suite des solutions compétentes qui attirent un électorat éventuel. L'objectif du locuteur étant d'avoir une influence sur le destinataire. « Le regard et la parole sont cliniques et disposent de la légitimité de l'autorité officielle. Il s'agit d'un discours de pouvoir mais surtout de pouvoir responsable il dénonce les dangers et annonce aussitôt son action immédiate. » (Gobin, 2011, p.3).

2.1.2. Discours populaire

« Le discours de gouvernement est un discours de propagande de type particulier, il se doit d'être plus feutré, arrondis aux angles afin de ratisser large et s'assurer que son soutien reste majoritaire car il est jugé non plus seulement sur des paroles mais aussi sur des actes » (Gobin, 2011). C'est un discours qui s'adresse à toute la population, aussi bien aux femmes qu'aux hommes, il s'adresse à toutes les classes sociales, et à toutes les catégories, et a pour seul objectif de convaincre le destinataire et gagner sa confiance.

2.1.3. Quelle place pour les femmes dans la vie politique ?

Pour mieux comprendre la place faite aux femmes dans la vie politique, retraçons en quelques lignes leur droit de vote dans l'Histoire. Si l'on regarde plus en arrière, le droit de vote était équivalent pour les hommes et les femmes, et ce jusqu'en 1789. C'est la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1789 qui a instauré « un universalisme unisexué ne s'appliquant qu'à la moitié masculine de la population », déclarait Réjane Sénac chargée de recherche CNRS - tiré de l'article « 70 ans après le droit de vote des femmes, 2014 ». Cette DUDH permettait d'exclure les femmes propriétaires de domaines, et ainsi d'être tenues de se faire représenter par des hommes. La Constitution de 1791 (qui va dans le sens d'une exclusion des femmes du gouvernement et de toute représentation à l'Assemblée Nationale) aboutira à une seconde exclusion, et une troisième par la Convention nationale de 1793

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(abolition et interdiction des clubs féminins par la loi). Dès lors les femmes passent au statut de mineures, sous la domination des hommes, incapables d'apporter « la modération de langage et la netteté des conceptions, qui sont indispensables dans les usages parlementaires » (Morlot, 1884,).

La France sera longtemps en retard dans ce combat pour l'égalité des votes. La Nouvelle-Zélande sera le premier pays à accorder le droit de vote aux femmes en 1893. Il sera accordé aux Anglaises, aux Suédoises, aux Polonaises et aux Allemandes en 1918. En 1919 pour les Etats-Unis (au niveau Fédéral), la Tchécoslovaquie et l'Autriche ; et en 1935 pour la Turquie. Il faudra attendre le 21 avril 1944, pour que le général De Gaulle signe l'ordonnance qui dispose dans son article 17 que « les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ». Les femmes françaises, après un long combat pour devenir des citoyennes à part entière, obtiennent enfin le droit de voter.

2.1.4. L'évolution du vote féminin

Le 21 avril 1945 les femmes votent pour la première fois et de manière massive. Apres ce premier enthousiasme vers les urnes, l'écart de participation se creuse. Bien que les raisons soient multiples (temps d'adaptation, choix des candidats, ...), il n'en résulte pas moins qu'en avril 1953, 25% des femmes reconnaissent ne pas avoir participé aux votes, contre 13% des hommes. Il faudra attendre les élections présidentielles de 1969 pour voir un taux de participation des femmes supérieur à celui des hommes. Et enfin il faudra attendre les années 80 pour que le chemin des urnes se fasse de manière plus spontanée chez les femmes, et que l'alignement des comportements entre les deux sexes se réalise. Depuis, les comportements face aux urnes ne relèvent plus d'un comportement particulier, mais devient homogène entre les femmes et les hommes. De plus les études montrent une symétrie entre l'électorat féminin et masculin dont le choix du vote est difficilement lié au sexe de l'un ou de l'autre. L'orientation des votes est dès lors très proche.

2.1.5. Quid de « Un jour où la moitié de la France a rejoint l'autre moitié » ?

Pour reprendre la formulation citée en amont concernant le discours populaire, « c'est un discours qui s'adresse à toute la population, aussi bien aux femmes qu'aux hommes, il s'adresse à toutes les classes sociales ». Le discours politique rentre-t-il dans cette catégorie ? S'adresse-t-il aussi bien aux femmes qu'aux hommes dans la pratique comme dans la théorie ? Avant de répondre à cette question il conviendrait de s'arrêter sur quelques chiffres ;

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celui de la moyenne de la population « votante » et des inscrits sur les listes électorales, par sexe, et de voir la place accordée aux femmes dans la vie politique depuis ces dernières années.

En Avril 2019, la France compte une population totale d'environ 65 millions de français. Les femmes représentent plus de la moitié de cette population : 51.6 %. Elles représentent par ailleurs 52 % des 44.6 millions d'électeurs inscrits sur les principales listes électorales. De fait, les femmes peuvent avoir un poids indéniable dans le résultat des votes.

Cette répartition est visible dans les tableaux suivants :

Tableau : Moyenne population votante et électeurs inscrits entre 18 ans et 90+ (en millions)3

Ensemble de la population votante (en millions)

50,5

Nombre d'hommes (en millions)

24,4

Ensemble de la population masculine votante (en pourcentage)

48,2

Nombre de femmes (en millions)

26,2

Ensemble de la population féminine votante (en pourcentage)

51,8

Electeurs inscrits sur liste principale (en millions)

44,5

Nombre d'hommes (en millions)

21,3

Population masculine sur l'ensemble des inscrits (en pourcentage)

47,9

Nombre de femmes (en millions)

23,2

Population féminine sur l'ensemble des inscrits (en pourcentage)

52

2.2. Analyse des discours des candidats à l'élection présidentielle

Devenir Président de la République française est l'ambition de beaucoup de politiciens et politiciennes. L'ambition est grande et loin d'être à la portée de tous. De ce fait, le discours politique est d'autant plus compliqué que son influence doit être la plus importante possible sur le plus grand nombre d'interlocuteurs. Il doit toucher les différentes catégories sociales, avec leur différence d'âge, de sexe, de croyance, de niveau et statut social. Cependant, dans

3 Source : Insee, estimations de population - enquête annuelle de recensement ; Répertoire électoral unique - électeurs inscrits sur les listes principales communales au 14 avril 2019.

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cette partie du mémoire, nous étudierons les discours politiques en analysant uniquement l'importance de la place qu'il accorde au sexe féminin.

Le Président François Hollande dira à la cérémonie du 16 avril 2012 : « Nous sommes ici pour célébrer une journée décisive de l'histoire de notre pays. Un jour où la moitié de la France a rejoint l'autre moitié pour exercer ses droits ». Ce ratio presque à l'équilibre entre femmes et hommes ne date bien entendu pas de 2012. Les proportions sont constantes depuis plusieurs décennies.

Le nombre que représentent les femmes sur l'ensemble de la population « votante » et sur l'ensemble des électeurs (trices) est un poids de taille. De même, il résultera de l'évolution du vote féminin que la classe politique ne pourra, dorénavant, sans doute plus composer sans celui-ci. Si tel est le cas, cela devrait transpirer dans les discours des candidats. Qu'en est-il ? Pour tenter de répondre à cette question, nous allons analyser les discours politiques de certains présidents à travers le prisme de la féminisation de la langue. Les discours seront ceux de l'actuel Président de la République Emmanuel Macron, et de deux de ses prédécesseurs, François Hollande et Jacques Chirac.

Il est à noter qu'en fin de paraphe de chacun des présidents, nous mettrons en exergue dans un tableau les termes les plus utilisés, ainsi que leur fréquence. Ce chiffrage sera pour nous un indicateur intéressant afin d'évaluer si la féminisation de la langue est un fait avéré.

2.2.1. Emmanuel Macron

Dans un premier temps nous analyserons les discours du candidat Macron, puis dans un second temps, du président Macron. Nous examinerons la place du genre masculin/féminin, avec une analyse des influences psychologiques, familiales et historiques.

Emmanuel Macron est le huitième Président de la Ve République française. Il a fait plusieurs discours politiques avant sa présidence dans plusieurs régions de France. Ses discours l'ont-ils conduit à la victoire grâce à une formulation plus féministe ? En ce qui concerne notre recherche, nous pouvons commencer par interroger le féminisme d'Emmanuel Macron. Ce dernier a affirmée en décembre 2016 au Women's Forum of the Economy & Society « I am a feminist ». Cette affirmation nous incite à regarder de plus près ses discours.

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? Discours du 10 décembre 2016

Il s'agit du premier discours prononcé par Emmanuel Macron à Paris (porte de Versailles) en tant que candidat à la présidentielle. C'est un discours décisif pour nous permettre d'appréhender la stratégie du candidat quant à la féminisation de ses discours.

Dans ce discours du 10 décembre 2016, le candidat aux élections présidentielles féminise effectivement la langue, en disant « près de 6 millions de Françaises et de Français qui connaissent une des formes de chômage » ; « toutes celles et ceux qui aujourd'hui font des promesses formidables n'expliquent jamais à qui on demande des efforts ». Bien que Macron utilise l'écriture inclusive dans ses discours, il est intéressant de noter qu'il exclue parfois la population féminine en ne s'adressant qu'aux hommes, comme lorsqu'il déclare par exemple « Nous réduirons ainsi les contraintes sans réduire en rien les droits et les libertés de nos concitoyens », « Et pour protéger les Français, nous aurons un deuxième bouclier, le bouclier social, dont ils ont besoin. ». Macron semble éviter de féminiser certains passages de son discours lorsqu'il traite de sujets essentiels, comme les libertés ou les droits sociaux. Peut-être est-ce dans un souci de leur conférer un aspect de vérité générale. Il utilise également

une tournure de phrase où le sexe féminin n'est évoqué qu'en fin de phrase : « Cela veut dire

que pour tous les salariés, tous les fonctionnaires, tous les indépendants de notre pays, toutes celles et ceux qui travaillent, le salaire net pour tous augmentera ». Son positionnement n'est donc pas si clair. Il est en effet difficile de dire que le candidat a recours à l'écriture inclusive dans la mesure où son discours n'est pas entièrement féminisé. Cela nous conduit à nous poser deux questions fondamentales : Macron va-t-il continuer à utiliser un certain degré d'écriture inclusive dans ses discours de Président ? Si tel est le cas, quelles sont les raisons qui le poussent vers cette féminisation ?

? Discours du 15 mai 2017

En analysant son discours du 15 mai 2017, nous constatons que le terme « les français » a été utilisé quinze fois, alors que « les françaises et les français » n'a été employé que six fois. Il en est de même pour l'emploi de « les citoyens ». Ce terme est revenu deux fois dans ce même discours, alors que le terme « les citoyennes » en était absent. Est-ce que cela signifie qu'il n'accorde pas la même importance aux femmes qu'aux hommes ? Ne sautons pas aux conclusions. En effet, l'emploi d'une formulation impersonnelle vise certainement à renvoyer à tous les individus et non pas à un genre en particulier. En disant tout simplement « les Français », il s'adresse à tout le peuple français. Il est difficile de parler de discrimination de

25

genre lorsqu'un locuteur applique des formulations appelées « règles de bon usage ».

On remarque néanmoins que les discours d'Emmanuel Macron, avant et après sa présidence, n'ont pas beaucoup changé en termes d'écriture inclusive. En effet la majorité des mots féminisés sont marqués par l'ajout du « e », comme dans « français, française » ou encore « chacun, chacune ». C'est cette règle qui est principalement employée. Mais il s'adresse surtout au peuple français sans chercher spécialement à orienter son discours vers la population féminine ou masculine.

? Discours du 25 novembre 2017

Le discours du 25 novembre 2017 ne peut s'analyser sans avoir à l'esprit le contexte historique dans lequel il s'inscrit. En effet, à l'automne 2017 des manifestations féministes ont eu lieu dans plusieurs grandes villes de France (Paris, Marseille, Toulouse, Lille...). Cela représentait une des plus grandes « révolutions » féministes en France. Elles réunissaient hommes et femmes qui revendiquaient la non-violence contre les femmes et l'égalité des sexes, en scandant « Ras le viol ! ». « Des dizaines de milliers de femmes et d'hommes, selon les organisatrices, sont descendus dans la rue samedi à l'appel du mouvement citoyen #NousToutes. Le collectif voulait un « raz-de-marée féministe » contre les violences sexistes et sexuelles, un an après le début de la vague MeToo... » pouvait-on lire dans la presse (Fabi, 2018). Ces manifestations inattendues ont pu inciter Emanuel Macron à utiliser dans ce discours l'écriture inclusive de manière beaucoup plus appuyée.

Après ces protestations de 2017, et à l'occasion de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, Le Président de la République a énoncé ce discours majoritairement féministe, adressé au peuple français devant lequel il entend défendre les droits de « chaque femme de la République ». C'était un discours long d'une quinzaine de pages, expliquant la bataille qu'il compte mener avec son gouvernement contre les inégalités existantes entre les femmes et les hommes, et exprimant son indignation à travers des phrases telles que : « ...une honte civique et politique, une honte nationale car la République en échouant à éradiquer ces violences, a échoué dans sa vocation même qui est celle d'éduquer, de civiliser, de protéger et ce discours de dignité, d'égalité de droits, de justice, de respect que la République ...» ou encore : «...Ce qu'ils mesurent mal aussi, c'est que cette vague de libération de la parole dit de notre société ; qu'elle est une société encore culturellement empreinte de sexisme...»

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Ce discours est de loin le plus féministe. Il débute par « Mesdames, Messieurs les Ministres, Mesdames, Messieurs les Parlementaires, Mesdames, Messieurs, ». Ainsi, Emmanuel Macron applique la règle qui consiste à indiquer ce qui est féminin par un nom féminin (mesdames) et ce qui est masculin par un nom masculin (messieurs), et de manière répétitive. Par cette distinction très marquée on peut constater qu'il accorde délibérément beaucoup d'importance à citer les deux genres. Il délaisse volontairement une formulation générale pour s'adresser au peuple français, en adoptant une formulation plus ciblée, plus inclusive, en employant autant le genre masculin que féminin.

Le substantif « femme » a été employé quatre-vingt-deux fois dans ce discours. L'emploi très fréquent de ce mot avait pour but de mettre en valeur le sexe féminin et de ne pas perdre à l'esprit l'objectif du texte, à savoir le défendre. C'est un moyen aussi de donner plus de poids au mot « femme » ainsi qu'à la réalité à laquelle il se rapporte. Le mot se transforme ainsi en un outil efficace pour influencer son interlocuteur, et pour aider à véhiculer une pensée.

Dans ce discours de 2017, on remarque aussi la présence de plusieurs règles d'écriture inclusive, ce qui comme dit précédemment n'est pas systématique dans les discours d'Emmanuel Macron. Ces règles sont présentes tout le long du discours de quinze pages. En effet, le locuteur a souvent recourt à l'emploi de pronom personnel « elle » ou « elles » pour montrer qu'il s'adresse directement et principalement aux femmes ; pour leur montrer aussi sa forte implication et qu'il est sensible à leur situation. On remarque aussi l'emploi régulier des pronoms démonstratifs « celle » et « celles » pour continuer à désigner un sujet féminin sans tomber dans la répétition. Ajoutons à ces deux règles, celle de l'accord du participe passé avec le sujet féminin comme dans la phrase suivante « En Région Ile-de-France, des femmes qui avaient été interrogées sous couvert d'anonymat... ». Ou encore de l'accord de l'adjectif avec le sujet comme « ces femmes battues, violées et tuées... » ; cette règle consistant à ajouter un « e », marqueur du féminin, à la fin d'un participe passé ou à la fin d'un adjectif.

De plus, il faut se rappeler qu'en 2017 l'Académie Française n'a pas encore adopté et encore moins accepté la féminisation des noms de métiers. Cependant le Président de la République n'hésite pas dans son texte à féminiser certains noms de métiers, comme dans les phrases suivantes « je vous en remercie Madame la Présidente » ; « Vous avez commencé, Madame la Ministre, à vous engager sur ce point » ; « Je sais votre sensibilité là aussi Madame la Ministre ». Cette féminisation des noms de métiers montre qu'Emmanuel Macron adhère à cette évolution de la langue. Son recourt à l'écriture inclusive dans son discours politique est une affirmation de son féminisme. Ce féminisme qui était visible tout au long de son discours

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par son refus et son rejet d'une attitude sexiste de la société, et son appel à oeuvrer contre : « nous créerons aussi le délit d'outrage sexiste qui sera verbalisable immédiatement pour un montant dissuasif. » ou encore « nous allons renforcer l'intervention de l'Inspection du travail en matière de lutte contre les violences sexuelles et sexistes ». Dans son discours, il s'engage même à intégrer dans le programme scolaire la lutte contre le sexisme « Dès 2018, dans toutes les écoles du service public, un module d'enseignement consacré à la prévention et à la lutte contre le sexisme ».

Regardons ce qui peut expliquer « le féminisme » d'Emmanuel Macron. Une des pierres angulaires sera ce qu'on appelle l'aspect personnel et familial. En premier lieu on peut évoquer sa relation avec sa femme, Brigitte Macron dont l'influence est reconnue et revendiquée par son époux. Elle est décrite comme étant une femme intelligente, forte, courageuse, et d'un appui indéfectible. Elle s'implique même dans la relecture et l'analyse de ses discours. Reconnaissance qu'Emmanuel Macron exprimera très vite en ces termes : « Aux miens, je veux dire merci. A toute ma famille et à Brigitte, toujours présente et encore d'avantage, sans laquelle je ne serais pas moi ». On peut naturellement penser qu'une femme professeure, une femme de caractère, une femme féministe ne peut créer des liens étroits avec

un homme que s'il est lui-même féministe. Sa grand-mère maternelle, Germaine Noguès a

aussi eu une grande influence sur lui. C'est avec elle qu'il a grandi et a pu mesurer la place, la valeur et l'importance de la femme, et non seulement dans la vie quotidienne, mais aussi sûrement, par extension, dans la langue.

Selon le psychanalyste Serge Hefez, pour comprendre la psychologie d'Emmanuel Macron il faut revenir à sa personnalité dès son enfance : "Quand on voit le rapport qu'il a eu avec sa grand-mère, puis celui avec celle qui allait devenir sa femme, on comprend qu'il a toujours eu le besoin absolu de séduire, de montrer combien il est extraordinaire. C'est le premier de la classe, l'enfant roi, et ça lui colle à la peau. Ça le met dans une proximité avec tous ». (Hefez, 2019) Il est probable que cet environnement féminin dans lequel il a grandi et évolué ait beaucoup contribué à son adhésion au courant féministe.

Pour ce qui est de l'aspect psychologique il est important de noter qu'Emmanuel Macron est jusqu'à ce jour le plus jeune président de la République Française, ce qui a pu être pour lui source de crainte quant à la grande responsabilité qui l'attendait. Ce sentiment d'obligation d'être à la hauteur, comme tout président certes, mais plus encore du fait de sa jeune expérience dans un monde politique qui ne pardonne rien, face à des citoyens et des citoyennes qui attendent de lui de trouver leur place dans la société ; et pour ces dernières

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cette place se situe aussi dans la langue française. Raison pour laquelle, profitant de la fraicheur de ses idées, il n'a pas hésité à « rétablir » dans ses discours la place de la femme dans la langue.

? Ses engagements en quelques chiffres :

? Primo-nomination4 :

- En 2017, les femmes représentent 49% des primo-nominations dans les emplois de l'encadrement supérieur et dirigeant de la fonction publique hospitalière. Elles représentent 36% des primo-nominé.e.s de la fonction publique de l'Etat et 34% des primo-nominé.e.s de la fonction publique territoriale. L'obligation légale est de 40%.

? Représentation féminine en 2019 dans les institutions de la culture et de la communication5 :

- 80% des PDG de l'audiovisuel public,

- 35% des directeur.rice.s des labels conventionnés de création artistique,

- 33% des directeur.rice.s du ministère de la Culture,

- 33% des présidences exécutives et des directions des établissements publics de la culture et de la communication,

- Et 11% des PDG ou DG des 100 plus grandes entreprises cultures.

? Conseils d'administration :

- 42,5% de femmes étaient administratrices dans les entreprises du CAC40 en 2018 (contre 38% en 2016 et 30% en 2014)6.

- 38,4% des femmes étaient administratrices dans les entreprises du SBF120 en 2016 (contre 33,7% en 2015, 30,5% en 2014 et 27,3% en 2013)7

.

? Parité à l'Assemblée nationale et au Sénat8 :

4 Source : Bilan de la mise en oeuvre du dispositif des nominations équilibrées au cours de l'année 2017, Rapport 2018. Publié en février 2019.

5 Source : Département des études, de la prospective et des statistiques, Observatoire de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la culture et la communication 2019, Ministère de la Culture, mars 2019.

6 Source : CAC40, Baromètre IFA - Ethics & Boards de la Composition des conseils, juin 2018

7 Source : SBF120, Palmarès IFA Ethics & Boards de la composition des conseils, février 2017

8 Source : Insee - (c) Observatoire des inégalités

29

- L'Assemblée nationale élue le 18 juin 2017 comprend 38,7 % de femmes. Il y a vingt ans, elle ne comptait que 11 % de femmes (et 6 % au Sénat).

Au regard de ces discours, Emmanuel Macron n'est pas le plus adepte de la féminisation de la langue. Son discours le plus féministe est celui de l'automne 2017 suite aux manifestations féministes. Ce fut un discours de circonstance donné à un moment où il se savait attendu et regardé. Cela se transcrit de manière très visible dans les comparatifs ci-dessous. Ses engagements en faveur des femmes transparaissent bien plus dans ses actions que dans ses

discours, tel qu'on peut le voir à travers les chiffres et tableaux ci-dessus.

29

? Comparatif des termes employés et leur fréquence :

Tableau : comparatif des mots féminins/masculins entre les quatre discours

Noms
féminins

10/12/16
Nb de fois

15/05/17
Nb de fois

25/11/17
Nb de fois

Noms
masculins

10/12/16
Nb de fois

15/05/17
Nb de fois

25/11/17
Nb de fois

Mesdames

0

2

3

Messieurs

0

2

3

Citoyennes

0

0

1

Citoyens /

concitoyens

11

1

6

Françaises

12

12

2

Français

27

22

1

Elues

0

0

0

Elus

2

0

0

Jeunes filles / Femmes

10

0

161

Jeunes /

hommes

10

0

43

Elles

0

0

28

Ils

26

6

17

Celles

9

0

1

Ceux

15

0

7

Chacune

7

0

1

Chacun

13

1

2

Toutes

10

1

4

Tous

26

4

13

Toutes et

tous

4

0

0

Tous et toutes

2

0

0

Féminisme

0

0

0

Compatriotes

0

2

0

Féministe

0

0

0

 
 
 
 

Parité

0

0

0

 
 
 
 

Egalité

4

1

23

 
 
 
 

Inégalité

1

0

5

 
 
 
 

Victime(s)

0

0

29

 
 
 
 

Aucune forme épicène n'a été employée

30

Tableau : comparatif des pronoms personnels « implicatifs » entre les quatre discours :

Pronoms personnels

 

10/12/16 Nb de fois

 

15/05/17
Nb de fois

 

25/11/17
Nb de fois

Je

128

 

15

 

60

 

Nous

187

 

28

 

85

 

Vous

69

 

2

 

42

 

Ce tableau est très significatif du point de vue de l'engagement personnel du locuteur. En effet, Emmanuel Macron s'engage en tant que Président de la France envers les femmes et les hommes de ce pays. C'est pourquoi, étudier le nombre de fois où il a utilisé les pronoms personnels « je » et « nous » semble important. La diminution drastique de leurs occurrences peut signaler une diminution de l'implication du président.

L'utilisation du pronom personnel « vous » à de nombreuses reprises, indique quant à elle une volonté forte de président d'encourager l'implication du peuple français.

2.2.2 François Hollande

François Hollande est le VIIIe Président de la Ve République. Son mandat présidentiel débute le 15 mai 2012 et s'achève le 14 mai 2017. François Hollande a montré son engagement au sujet de l'égalité femme-homme quand il était candidat aux présidentielles. En effet, il a exprimé de manière très marquée son inquiétude quant à la situation de la femme dans la société. De même, il a affiché son refus du rejet et de la marginalisation du sexe féminin de la vie professionnelle. François Hollande fut parmi les présidents qui se sont le plus impliqués dans les droits de la femme en s'engageant à amorcer un réel changement.

Cet engagement et ce souhait de bouleverser et d'améliorer la place de la femme dans la société sont « visibles » dans ses discours en tant que candidat aux élections présidentielles. En effet, le 13 avril 2012, quelques jours avant le premier tour des élections présidentielles, François Hollande prononce un discours qui met très fortement l'accent sur son inquiétude quant à la place des femmes dans la société, et qui affiche un soutien certain pour lutter contre les injustices subies par les femmes. Il dira : « Je partage les inquiétudes des citoyennes et

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citoyens face aux reculs des droits des femmes en France, en Europe et dans le monde » (Hollande, 2012, p.2), et confirme par là même sa volonté de faire de la France un pays qui valorise les droits de l'Homme et précisément ceux de la femme en tant qu'être humain égal à l'homme. Ainsi l'égalité des sexes semble être un sujet majeur parmi ses préoccupations. Cette lutte est pour lui un pas essentiel vers le progrès et le développement. Il ajoute : « Notre pays ne progressera pas si plus de la moitié de la société continue à être discriminée et freinée dans sa lutte pour l'émancipation.», « L'égalité entre les personnes est la garantie de la liberté, de l'émancipation individuelle, et du progrès collectif. » (Hollande, 2012, p.2),

L'engagement de François Hollande à travers ce discours est flagrant ; un engagement très visible par l'emploi fréquent du pronom personnel « je » qui dénote « un sujet source et maitre » de son dire (Revuz Authier, 1984, p.98) De même le recours au « je » dans un discours indique l'implication de la personne dans les promesses avancées : « La politique que je souhaite mener en faveur de l'égalité femmes-hommes aura pour objectif d'améliorer les conditions de vie des femmes de notre pays, de changer les rapports de genre vers davantage d'égalité, de liberté et d'émancipation ». On peut néanmoins deviner que deux approches sont possibles face à cet emploi répété du pronom personnel « je » ; soit l'objectif du locuteur est de persuader son interlocuteur dans le but de gagner plus de voix, soit il s'implique vraiment dans le(s) sujet(s) avancé(s).

Le terme « égalité » n'est pas en reste. Il est employé trente fois ; une manière d'insister sur l'intérêt qu'il porte à cette valeur fondamentale.

Mais ses discours sont-ils tous féminisés ? Si oui, le degré de féminisation est-il constant ?

? Discours du 08 mars 2012 - Journée Internationale des Femmes - François Hollande candidat

Le discours est écrit pour l'occasion de la Journée Internationale des Femmes. Il a une charge émotionnelle et symbolique très forte. Il est très palpable qu'il adresse ses paroles et ses pensées principalement aux femmes. Il cible clairement la population féminine en exprimant à plusieurs reprises sa solidarité, et en évoquant les nombreux projets qu'il leur a destinés. Il l'annonce d'ailleurs sans ambiguïté en répétant à quatre reprises l'expression « je m'adresse aux femmes », accentué par un « je veux saluer les femmes », « je veux saluer toutes les élues de France ». Le début même du discours s'annonce très féministe. En effet, François Hollande témoigne très rapidement au début de son discours, puis tout le long, de sa gratitude

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envers des personnalités publiques, certaines issues de son entourage politique proche, et d'autres parce qu'elles ont tout simplement oeuvré à combattre les inégalités. Reprenons les noms cités : Hélène Mandroux, Martine Aubry, Adeline Hazan, Nicole Mendez, Marie Gouze (dite Olympe de Gouges), Flora Tristan, Louise Michel, Léon Blum, François Mitterrand, Yvette Roudy, Lionel Jospin, général de Gaulle, Simone Veil, Edith Cresson, Ségolène Royal, Shirin Ebadi, Aung San Suu Kyi, Marie Curie. 14 femmes pour 4 hommes ! Aucun discours politique n'avait placé autant de femmes au-devant de la scène.

Assez rapidement il va adresser son discours à toutes les femmes : « Je m'adresse aux femmes, et notamment à celles qui se dévouent pour le bien commun, à ces infirmières, à ces aides-soignantes, à ces auxiliaires de vie, qui nous permettent d'être mieux soignés. Je m'adresse à ces caissières de la grande distribution, à ces employées de commerce, à ces employées administratives, celles qui nous reçoivent, celles qui nous accueillent, qui nous permettent d'être informés de nos droits », « à ces femmes qui souffrent de l'insécurité ou des violences ». On trouve dans ce discours un candidat conscient de la situation, qui s'adresse au peuple et non pas uniquement à une classe d'élites ; responsable et engagé, qui s'exprime librement et avec beaucoup d'émotions face à la situation des femmes « à toutes ces femmes de France, je veux leur dire ma gratitude, ma reconnaissance et également mon engagement.».

Son engagement est visible à travers l'évocation des sujets tels que l'amélioration de la place de la femme en tant que travailleuse, mère et victime. Il cite et remercie celles et ceux des personnalités publiques ou intellectuelles qui ont oeuvré à lutter contre les inégalités sexuelles et pour une considération de la femme comme un être actif, apte à participer au développement de la société. Il a rappelé la volonté de l'ancien Président François Mitterrand d'appliquer la loi de la parité professionnelle en disant : « François Mitterrand qui nomma pour la première fois une femme au ministère des Droits des femmes, Yvette Roudy. Yvette Roudy, qui fit voter en 1983, une loi sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, encore timidement, si timidement, appliquée. ». Il souhaite être dans cette continuité en créant à nouveau une ministre des Droits de la femme. Il réitère une promesse : « Autant de femmes que d'hommes composeront le prochain gouvernement. ». Dans le même esprit, il a mis l'accent sur l'initiative du général de Gaulle qui à la fin de la Seconde guerre mondiale a créé une loi permettant le droit de vote aux femmes « Je sais ce que l'on doit à de grandes figures de la République, au général de Gaulle qui a accordé, enfin, à la Libération, le droit

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de vote des femmes, par une ordonnance du 5 octobre 1944. ... pour qu'enfin les femmes puissent devenir des citoyennes ».

Son discours prend l'accent d'une plaidoirie en faveur des droits de la femme, avec le souhait de montrer que ses priorités en tant que futur Président seront destinées aux femmes.

Parler des femmes et de leurs situations peut être un indicateur du féminisme d'un candidat aux élections présidentielles, mais cela n'est bien entendu pas suffisant. Il faut ajouter à cette approche l'analyse de la féminisation de la langue employée par celui-ci.

On peut constater que le substantif « femme » est employé soixante-dix-huit fois. Une telle répétition d'un même mot dans un discours politique dévoile l'importance que le destinataire compte attribuer au sujet, et la force d'impact sur le récepteur. On remarque aussi une importante « féminisation » du vocabulaire. L'emploi tout au long du discours des pronoms personnels qui indique le féminin à la troisième personne du singulier « elle », et du pluriel « elles », est très répétitif - « elles montrent l'exemple, elles sont mieux que des symboles, elles sont la preuve que le combat des femmes.... ».

Cette écriture inclusive se remarque aussi par l'emploi de pronoms démonstratifs féminins « celles » : « Je pense aussi à celles qui n'en meurent pas mais qui se consument silencieusement dans la honte, dans la peur, dans la solitude », « Je m'adresse aux femmes, et notamment à celles qui se dévouent pour le bien commun ». Tout comme l'utilisation de « toute(s) » et « chacune(s) » qui sont des termes fréquemment employés par François Hollande : « pour toutes les femmes et pas seulement pour les mineures, et de façon confidentielle pour toutes .», « Je veillerai à ce que chacune en soit informée pour pouvoir y recourir .».

Ces pronoms en général, personnels et démonstratifs en particulier, renvoient à une seule catégorie de personnes, la femme. Il semble évident que l'intérêt du candidat est de valoriser le sexe féminin avec, et les mots et le mode d'écriture.

Il est difficile de nier le côté féministe de ce discours face à une telle profusion de signes de féminisation. On trouve très peu de paragraphes qui ne mentionnent pas la femme ; on ne trouve pratiquement aucun paragraphe dont la grammaire et le vocabulaire dans le genre féminin sont exclus. L'accord au genre féminin « e » s'empare de la majorité des adjectifs et des participes passés - « première », « nombreuses », « élue », etc.

Le langage est très majoritairement féminisé. Toutefois on peut signaler que le président a souvent recours au genre indifférencié, c'est à dire masculin, lorsqu'il s'adresse à la

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population, comme dans l'exemple « ...trois millions de Français aient participé à cette belle consultation. ». Il faut savoir raison garder, et ne pas chercher à féminiser tout et à tout prix. Le candidat désigne ici le peuple français et non pas uniquement les hommes.

On constate que ce discours de François Hollande est assez « révolutionnaire » par son degré de féminisme, dans la forme et dans le fond. Son implication envers toutes les femmes de France et dans le monde, montre la portée qu'il veut donner à son intervention. Il s'adresse aussi aux femmes étrangères immigrées, en évoquant l'exemple de Marie Curie : « je pense à une jeune immigrée polonaise venue ici en France..., Maria Skodowska. Le monde entier la connaît sous le nom de Marie Curie. Elle a apporté deux prix Nobel à la France » ; en parlant de la femme arabe et sa protestation pour devenir une femme libre : « Et ma pensée va particulièrement vers les femmes du monde arabe, ces femmes qui ont pris une part décisive dans le printemps démocratique... » ; sans oublier aussi le continent américain : « La date du 8 mars a été choisie pour commémorer une révolte, celle d'ouvrières américaines.... ».

Ces exemples révèlent l'engagement de François Hollande et sa volonté de défendre la cause féminine, ainsi que son souhait d'agir dans l'intérêt collectif.

La répétition du mot « émancipation » va dans ce sens : « Le féminisme, c'est un levier pour l'émancipation et transformation d'une société comme la nôtre. », « Cette rencontre entre la lutte des femmes pour leur émancipation », « Flora Tristan, une des grandes voix du monde ouvrier, a évoqué pour la première fois, l'émancipation des femmes. », « la femme devait être elle-même l'artisane de son émancipation », « il n'y a pas que des femmes qui ont permis l'émancipation et la liberté. ». Cette insistance dévoile la profondeur et l'importance qu'il accorde à la liberté de la femme, des femmes de tous pays confondus.

La liberté, l'égalité, et tout autre valeur de cet ordre sont l'oxygène de l'être humain. L'évocation à de nombreuses reprises par le candidat de ces valeurs, égalité, dignité, fraternité et liberté, montre l'importance qu'il leur accorde - « La République, c'est aussi la fraternité », « Des femmes qui continuent de lutter, qui ont lancé un appel pour la dignité et l'égalité », « il n'y a pas que des femmes qui ont permis l'émancipation et la liberté ».

? Discours du 13 avril 2012 - François Hollande encore candidat

Comparativement au discours du 08 mars, ce discours se situe presque au même niveau de féminisme et d'engagement. À la lecture de ce discours, on reste conforté dans le sentiment d'être face à un homme qui désire un changement radical, un changement de fond, comme en témoigne d'ailleurs le titre « le changement, c'est maintenant ». On a le sentiment très fort

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aussi d'être face à un candidat féministe qui cherche à rééquilibrer les droits de chacun-chacune, afin de tendre vers une égalité concrète des deux sexes dans tous les domaines, « Si je suis élu, j'ouvrirais un nouveau champ de conquêtes pour les droits des femmes, pour passer de l'égalité des droits à l'égalité réelle. ». Après lecture de différents discours de différentes personnalités politiques, tout sexe confondu, on remarquera qu'il est assez rare de trouver un discours politique aussi féministe ; on pourrait presque dire « entièrement » féministe. On aurait presque le sentiment que ce discours n'est qu'à l'adresse des femmes. Par ailleurs, ce discours de François Hollande est aussi très surprenant d'originalité par le nombre d'engagements pris en faveur des femmes. Ils seront au nombre de quarante ; fait unique chez un candidat à la présidence. De même la répétition (soixante fois) des termes « jeune(s)-filles(s)/jeune(s)-femme(s)/femme(s)/», montre d'autant plus que ce discours s'adresse aux femmes.

Le langage employé est très féminisé, avec une écriture inclusive mise en valeur par l'utilisation de plusieurs règles. On peut tout d'abord remarquer le recours à la féminisation des noms de métiers, comme dans l'exemple suivant « Je veillerai à ce que des postes d'infirmiers et infirmières scolaires soient créés ». Cette phrase montre clairement que François Hollande cherche réellement à différencier les deux sexes. Cette recherche de l'égalité des noms de métiers dans la langue renvoie au désir de tendre vers une autre égalité, celle de l'égalité professionnelle. D'ailleurs l'emploi à de nombreuses reprises de l'expression « égalité professionnelle » en est une représentation supplémentaire. Les constructions de phrases se font souvent dans une forme de « parité sexuelle ». Il a souvent recourt à l'écriture inclusive, comme dans les exemples suivants: « Je partage les inquiétudes des citoyennes et citoyens face aux reculs des droits des femmes en France, en Europe et dans le monde », « Je m'y attèlerai dès le 7 mai prochain si les Français et les Françaises me font confiance ». Ainsi il emploie le mot dans sa forme au féminin et au masculin afin de montrer qu'il s'adresse à deux groupes bien distincts. En distinguant chacun d'eux, il donne une réalité concrète à ceux et celles à qui il s'adresse, et les place de la sorte sur un même pied d'égalité. On retrouvera aussi cet esprit dans les phrases « pour permettre à toutes et tous de mieux articuler vie personnelle et professionnelle », « La sécurité doit être un droit pour tous et toutes.». On remarquera aussi l'équilibre qu'il cherche à établir en employant autant de fois la forme féminin-masculin (toutes et tous) et masculin-féminin tous et toutes. Ce point est essentiel pour montrer que son discours a été réfléchi à la virgule près. Cette recherche de l'équilibre absolu montre que rien n'est laissé au hasard, et qu'il y a un désir de cohérence

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entre les intentions revendiquées et le discours même.

Ces différents emplois de la féminisation du langage ont bien entendu pour objectif d'aller dans le sens du « féminisme » qu'il revendique, comme il est écrit dans son discours « Parce que je suis féministe, je m'inscris dans ce mouvement de progrès ». Il a voulu rendre visible ce féminisme non seulement à travers ses promesses mais aussi à travers les mots. Cela explique aussi la multiplication dans ce discours des règles employées de la féminisation de la langue. En effet, s'ajoute aux règles précédentes, celle de l'accord de participe passé avec le

sujet féminin comme : « Les femmes se sont battues pour disposer librement de leur corps et

les avancées qu'elles ont acquises », ou bien l'accord de l'adjectif comme «Les résistances sont nombreuses ».

Ce que l'on peut remarquer aussi dans ce discours est que François Hollande n'a pas seulement recourt à la féminisation de la langue par l'écriture inclusive, mais aussi par l'utilisation de l'écriture épicène, en employant la règle du point médian comme dans l'exemple suivant « Garantir l'accès à la contraception, notamment pour les mineur-e-s. ». Un tel emploi des différentes formes d'écriture féminisées montre le défi que Hollande se donne contre toute sorte d'inégalités. L'objectif étant aussi de prouver sa sincérité aux destinataires.

Ce discours de François Hollande est l'exemple le plus représentatif des discours féministes, de par le recourt très fréquent aux règles de féminisation de la langue, mais aussi de la diversité de sujets féminins traités - lutte contre la violence sexuelle, le partage des tâches de la famille entre les deux parents, la parité politique et le partage du pouvoir, l'encouragement à l'éducation et la sensibilisation contre le sexisme, etc.

Pour renforcer son appartenance au courant féministe, François Hollande promet aux femmes la création d'un ministère de droits des femmes - « La création d'un ministère des droits des femmes est la première étape d'une politique que je souhaite ambitieuse et qui, à mon sens, doit être au coeur du projet de société de la gauche, que je veux porter ».

Certes, François Hollande déclare de manière très claire dans ses discours du 08 mars et du 13 avril 2012 qu'il mettra tout en oeuvre pour une égalité des sexes. Certes, il annonce des réformes pour améliorer la situation de la femme, et de s'assurer qu'elles seront appliquées. Certes ces deux discours sont très féministes. Mais il n'est alors que candidat à la Présidence de la République. Pour connaitre son degré de féminisme, il faut en évaluer la continuité dans

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les discours qu'il formulera ensuite. C'est pourquoi il est important d'analyser quelques discours prononcés pendant sa présidence, et de voir s'il en a pérennisé la forme et le fond. Pour cela on a choisi ceux du 06 mai 2012 et du 1er décembre 2016 (rectifié le 21 juin 2017). Nous avons choisi le discours du 6 mai car il s'agit du premier discours du Président François Hollande. Ce discours allait donc poser les fondations de sa volonté de recourir à des discours dits inclusifs. De même le discours du 1er décembre est intéressant à analyser dans la mesure où il vise à dresser le bilan de ses réalisations dans le cadre de son mandat. Ce discours de fin de mandat revient également sur ses engagements pour l'égalité des sexes.

? Discours du 06 mai 2012 - François Hollande Président

Le discours du 06 mai est celui de la victoire pour François Hollande. Ce discours semble plus ou moins spontané, mais assurément court. Au-delà de cela est-il féministe ? L'écriture inclusive est-elle employée ?

On peut déjà remarquer que le discours du Président de la République commence par « Mes chers concitoyens », « Les Français (...) ». La place de cette phrase est très importante. C'est la première phrase que les destinataires entendront. C'est la première phrase du premier discours du Président de la République. Le premier qu'il énonce pour exprimer la joie de sa victoire, pour remercier le peuple français, mais aussi pour rappeler ses projets.

Malgré l'importance de ce discours, François Hollande fait le choix de n'évoquer le sexe féminin qu'à très peu de reprises - au nombre de quatre, contre 27 pour le sexe masculin.

De même, il emploie la formulation « Je serai le président de tous » et non pas « je serai le président de toutes et de tous ». Une telle phrase peut choquer les féministes et les femmes de manière générale. L'absence du pronom « toutes » exclue les femmes de ce discours. Il peut aussi donner le sentiment d'un désengagement du Président dans les futurs projets annoncés en faveur des femmes. Cela peut s'expliquer par le fait qu'Hollande n'a plus à séduire un électorat féminin pour gagner les élections puisqu'il a été élu. Aussi, manifeste-t-il moins ses inquiétudes quant à la situation des femmes. Mais ce revirement persiste-t-il tout au long du discours ?

La réponse est oui. Dans ce discours, le mot « femme(s) » n'est employé qu'une seule fois, le langage n'est pas féminisé. La plupart des termes énoncés sont au masculin : « aux électeurs », « nos citoyens », « les français », « tous les républicains ». Alors que ces mots existent au féminin et auraient pu être associés à leurs équivalents masculins (électrices,

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républicaines, concitoyennes, et françaises). À la décharge du locuteur, on apporte une nuance pour ce qui est de la phrase « j'aime les Français et je veux qu'entre nous, il y ait cette relation ». Il aurait été compliqué, si ce n'est indélicat pour un homme public, qui plus est le Président de la République d'y avoir ajouté « les Françaises ». Cela peut donner à tort une connotation sexuelle à la phrase.

On remarque une absence totale de l'utilisation de l'écriture inclusive, et qu'une majorité de termes employés sont masculins.

Sans en conclure qu'il est soudainement devenu anti-féminisme ou indifférent à la situation des femmes, son choix de s'adresser à la population française s'oriente néanmoins vers des termes appartenant à un champ lexical « neutre », et à des termes génériques qui regroupent les deux sexes.

Cependant il utilise à deux reprises une forme féminisée, comme dans les phrases suivantes « J'exprime ma profonde gratitude à toutes celles et à tous ceux qui ont, par leurs suffrages, rendu cette victoire possible. », « Chacune et chacun en France, dans la République, sera traité à égalité de droit et de devoir ». Le mot « femme » est utilisé le même nombre de fois que le mot « homme », et ceci de façon liée : « l'égalité aussi entre les hommes et les femmes », « tout ce qui fait finalement la force d'âme d'un homme ou d'une femme ». L'objectif de marquer une égalité des sexes à travers l'écriture se remarque peu, contrairement aux discours précédents du candidat, mais existe bien.

De même, il reste dans la continuité en rappelant quelques-uns de ses engagements qui incluent les femmes : « Les valeurs de la République, la liberté, l'égalité, la fraternité, la dignité humaine, l'égalité aussi entre les hommes et les femmes, la laïcité. Tout cela, c'est autant de leviers pour nous permettre d'accomplir la mission qui est la mienne. ».

À la lecture de ce discours, on se rend tout de même compte que celui-ci est bien moins féministe et féminisé que les précédents. Qu'en est-il par la suite ? Cela dénote-t-il un revirement, une situation qui a toujours été mais est restée cachée par un candidat ambitieux ? Ou cela est-il tout simplement dû à la spontanéité et la brièveté du discours ?

Pour répondre à cette question, on a choisi d'analyser le discours de fin de mandat de François Hollande, à savoir celui du 1er décembre 2016.

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? Discours du 1er décembre 2016 - fin de mandat de François Hollande

Dans ce discours François Hollande résume ses grandes réalisations pendant son mandat présidentiel. Ce discours est beaucoup plus neutre quant à son destinataire. Il s'adresse de manière plus générale au peuple français dans sa forme masculine. Mais on peut remarquer que l'emploi du masculin est prédominant : « français », « concitoyens », « élus », « chers compatriotes » (employés trois fois), « travailleurs français». Il ne s'est pas embarrassé avec la forme féminine de ces mots qui existent pourtant bien : françaises, concitoyennes, élues, chères, travailleuses françaises.

Cependant, il évoque de nouveau son engagement dans la lutte contre les inégalités envers les femmes, en employant une forme inclusive : « l'égalité entre les femmes et les hommes a été renforcée et la lutte contre les discriminations, celles qui blessent, a été amplifiée.». Il en est de même avec l'utilisation du pronom indéfini désignant le genre féminin dans la phrase suivante « J'ai fait en sorte qu'à chacune et à chacun, puisse être accordée une complémentaire santé ». On peut remarquer aussi que les mots « femmes » et « chacune » ont une place d'honneur ; ils sont cités en premier. L'idée est peut-être d'apporter une légère compensation.

Finalement il y a peu de choses à dire concernant la forme féminisée, si ce n'est qu'en dehors des deux phrases citées ci-dessus, elle est tout simplement absente.

On peut en déduire que les deux discours précédemment étudiés, sont des discours de circonstance donnés dans un contexte précis (comme à l'occasion de la Journée internationale des femmes), ou encore un discours dans lequel il se place clairement en candidat aux élections présidentielles.

Le discours n'est pas féministe, mais est-ce à dire que l'homme ne l'est pas ? On ne pense pas. François Hollande a oeuvré en faveur de l'égalité des sexes et à l'amélioration des conditions de la femme. Comparativement à ses prédécesseurs il n'a pas démérité dans son engagement pour aider les femmes à retrouver une reconnaissance sociale et politique. Alors, comment expliquer ses choix langagiers ? Une des premières pistes est que le président ne souhaite peut-être pas que son mandat soit « parasité » par le débat sur l'écriture inclusive. Choisir de rédiger tous ses discours de façon inclusive pourrait être assimilé à une revendication politique. Nous pouvons également émettre l'idée que le président soit aidé dans la rédaction de ses discours, comme cela se fait assez communément, par un spécialiste des discours. Or, ce dernier n'est peut être pas favorable au recours à l'écriture inclusive dont les règles sont encore débattues. Enfin, comme énoncé précédemment, le combat contre

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l'égalité homme femme si cher au candidat a peut être été relayé au second plan du Président, dans le but de prioriser d'autres sujets.

? Ses engagements en quelques chiffres :

? Représentation nationale au sein des Parlements9 :

- Lors des premières élections législatives suivant l'ordonnance du 21 avril 1944, 33 femmes ont été élues députées lors des élections d'octobre 1945, sur 586 député.e.s. Elles représentaient alors 5,6 % des élu-e-s.

- En octobre 2014, le Sénat est composé 25% de sénatrices (87 sur 348) contre 22,1% en 2011 (77 sur 348).

? Parité administrative, économique et sociale fin 2015, les femmes représentent10 :

- 55% de la fonction publique d'Etat

- 61,3% des postes dans la fonction publique territoriale

- 77,6% des postes de la fonction publique hospitalière

- 11% des préfet.e.s sont des femmes.

? Représentation des femmes des primo nominations ministérielles sur les emplois à la

décision du Gouvernement11 :

- 30% de primo-nomination de femmes en 2016, (obligation légale de 30%),

- 33% en 2015 (obligation légale de 30%),

- 32% en 2014 (obligation légale de 20%),

- 32% en 2013 (une obligation légale de 20%),

- 27% en 2012.

9 Sources : HCE, Parité en politique : entre progrès et stagnations, 2015, et HCE, Les chiffres clés de la parité aux élections sénatoriales, 2018.

10 Source : Rapport annuel sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, Edition 20167, publication août 2018 ; Chiffres-clé 2015 de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique.

11 Sources : Bilan annuel de la mise en oeuvre du dispositif des nominations équilibrées au cours de l'année 2018, Rapport 2018, publié en 2019 ; Rapport annuel pour l'année 2015 sur le dispositif des « nominations équilibrées » dans les emplois supérieurs et dirigeants de la fonction publique, Ministère de la fonction publique, 2016 ; Présentation de la politique Cadres dirigeants de l'Etat, Secrétariat général du gouvernement, 2017.

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? Accès aux responsabilités économiques12 :

- En 2013, les CESER (Conseils Economiques, Sociaux et Environnementaux Régionaux) sont composés de 27% de femmes et 73% d'hommes.

- En 2015, au Conseil économique, social et environnemental :

o 45,7% des conseiller.e.s sont des femmes,

o 2,5% des postes de gouvernance sont occupés par des femmes,

o 39,9% des travaux sont rapportés par des femmes,

o 29% des expert.e.s auditionné.e.s sont des femmes.

? Conseils d'administration13

- En 2016, il y a 38,4% d'administratrices dans les entreprises du SBF120. (33,7% en 2015, 30,5% en 2014 et 27,3% en 2013).

- En 2014, les femmes représentent 38% des créateur.rice.s d'entreprise (32% en 2010) et représentent 40% des auto-entrepreneur.se.s (29% en 2006).

? Parité à l'Assemblée nationale et au Sénat14

- Part des femmes en 2012 parmi les députés élus 26.8 %, elles étaient 5.9% en 1993 - Part des femmes en 2014 parmi les sénateurs 25 %, elles étaient 5.9% en 1998 .

Au-delà de ces chiffres, et des valeurs contenues dans les tableaux en page 28, il est intéressant d'analyser certains aspects de la vie de François Hollande. En effet, un examen des aspects personnels de sa vie nous permettra de découvrir sa relation avec les femmes et l'influence de ces dernières sur ses décisions et ses valeurs.

12 Source : HCE-Guide de la parité version longue février 2014 ; Délégation aux droits des femmes et à l'égalité du CESE, mai 2016.

13 Source : SBF120, Palmarès IFA Ethics & Boards de la composition des conseils, février 2017 ; Ministère du redressement productif, 2013, Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Vers l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, Chiffres clés 2016.

14 Source : Insee - Observatoire des inégalités

42

Beaucoup de femmes ont pu avoir une influence dans les choix de François Hollande, mais celle qui semble avoir le plus forgé sa personnalité depuis son enfance, est sa mère Nicole Tribert, une assistante sociale et catholique de gauche. Il suivra d'ailleurs le même courant idéologique de gauche qu'elle. Il s'inscrira au Parti socialiste, et elle en fera de même par la suite. Elle n'a cessé de soutenir son fils et de le conseiller. Elle a toujours été présente pour porter les ambitions de François Hollande - « tout au long de l'ascension politique de son fils, Nicole Tribert n'aura de cesse de le soutenir » (Poyard, s.d.). Nicole Tribert aura été le premier exemple et symbole de la femme forte, celle qui ne lâche pas. Il dira lors d'une interview « c'était ma plus fidèle militante » (Poyard, s.d.). Cette femme, cette mère était la première de son entourage à symboliser l'engagement féministe - une femme qui défendait les droits du sexe auquel elle appartenait. Il a placé ses pas dans ceux de sa mère quant à son positionnement face aux principes d'égalité.

Ses pas ont continué de s'inscrire dans ceux d'une autre femme, la mère de ses quatre enfants, Ségolène Royal. Ils se rencontrent à l'ENA. Fraîchement diplômée, elle appartiendra, comme son mari, au paysage politique français. Ils entrent tous les deux à l'Élysées en tant que conseillers de François Mitterrand. Ils seront aussi tous les deux députés, elle des Deux-Sèvres et lui de Corrèze. Sa carrière politique décolle pendant que celle de François Hollande est en sommeil ; elle devient ministre de l'Environnement en 1992. Tous les deux sont avant-gardistes, contre le mariage, ils vivront en union libre. Malgré leur séparation, et pour elle une défaite aux élections présidentielles de 2007, elle n'aura de cesse de soutenir son ex-compagnon, malgré parfois une concurrence certaine. Elle sera à ses côtés tout au long de la campagne présidentielle dans laquelle il s'engage, et ce jusqu'à sa victoire aux élections de 2012. Au vu de ces éléments, il est assez intuitif de penser que partager la vie d'une femme engagée en politique ne peut vous dédire d'un engagement en faveur des droits de la femme. François Hollande rendra hommage à plusieurs reprises aux femmes de manière générale, et en particulier à Ségolène Royale dans une interview donnée pour le magazine ELLE : « Elle a été, comme beaucoup de femmes, capable de concilier sa carrière et sa vie de famille ».

On ne peut parler des femmes qui ont joué un rôle dans sa vie sans mentionner Valérie Trierweiler, journaliste, membre de la rédaction du magazine Paris Match, et présentatrice des émissions politiques sur une chaîne de télévision (2005-2011). Elle partage sa vie durant neuf ans. C'est une femme engagée et indépendante, qui dira d'ailleurs ne pas vouloir du statut de première dame de France qui la relègue au rôle de « femme de ». Elle estime avoir à elle-seule un statut social et professionnel à part entière. François Hollande n'ira jamais à l'encontre de cette décision.

43

On peut ajouter un autre nom à cette liste. Yvette Roudy aura été un autre pilier pour François Hollande. Fidèle à ses principes, députée européenne de 1979 à 1981 et ministre des Droits de la femme pendant cinq ans dans le gouvernement de François Mitterrand, elle annonce en octobre 2011 qu'elle soutient le candidat François Hollande au primaire socialiste (après avoir soutenu Ségolène Royal au premier tour). Elle dira : « des deux candidats restant en lice (Hollande et Aubry), il est le seul qui ait donné de véritables preuves de son attachement aux droits des femmes en pesant de tout son poids pour augmenter la représentativité des femmes à l'Assemblée nationale lors des dernières législatives. » (Poyard, s.d.). Fidèle à ses principes, elle trouve chez Hollande le meilleur défenseur du sexe féminin, et croit en son honnêteté dans sa volonté et capacité à faire évoluer la situation de la femme.

De même, on ne peut évoquer les femmes qui ont entouré François Hollande sans parler de sa porte-parole Najat Vallaud-Belkacem ; d'abord dans la campagne des primaires du PS en 2009, puis pour l'élection présidentielle de 2012, puis du gouvernement. Elle sera la quatrième femme porte-parole de gouvernement (sur 25 jusqu'en 2017) de cette si petite liste, les précédentes étant : Georgina Dufoix (1984-1986 sous François Mitterrand), Catherine Trautmann (1997-1998 sous Jacques Chirac), Christine Albanel (mai-juin 2007 sous Nicolas Sarkozy), Valérie Pécresse (2011-2012 sous Nicolas Sarkozy). Najat Vallaud-Belkacem récupère par la suite le ministère des Droits de la femme, puis en 2014 celui de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. Le remaniement de 2014 du gouvernement la fera à 36 ans la première femme ministre de l'Éducation nationale. François Hollande, ainsi que son gouvernement, a su, en plaçant sa confiance en une femme, réhabiliter la place de celle-ci dans l'environnement politique.

On peut assez facilement déduire que, au-delà de ses valeurs personnelles et de sa perception qui lui est propre, le féminisme dont est empreint François Hollande est aussi le fruit d'un entourage féminin non négligeable. Sans remettre en question l'importance qu'il accorde naturellement à la place de la femme dans la société et en politique, son entourage féminin a dû néanmoins contribuer à valoriser cette place.

Cet entourage composé de femmes d'influence est-il le seul facteur de son féminisme ?

Il est indéniable que la famille, l'entourage, la vie personnelle, au sens large, ainsi que professionnelle ont un impact primordiale sur nos orientations et nos choix, mais ces aspects multifactoriels ne sont peut-être pas suffisants pour expliquer les convictions féministes d'une personne.

44

C'est la raison qui nous amène à étudier les aspects psychologiques et historiques qui ont pu influencer François Hollande.

Concernant l'approche psychologique et son incidence sur sa vie politique, on s'en réfère à l'analyse de Pascal de Sutter, docteur en psychologie politique, qui décrit François Hollande comme un homme pacifique, calme et raisonnable. Ces trois caractéristiques contribuent à ce que la personne fasse des choix de manière réfléchie, et en toute conscience de l'importance de chaque sujet. Pascal Sutter ajoutera à son analyse : « Il n'a aucun goût pour la domination hiérarchique et, contrairement aux autres candidats, n'éprouve pas de joie à "tuer" l'adversaire. » (Labbé et Recasens, 2012). Sûrement un des facteurs qui lui a permis de gagner une partie des voix des électeurs et électrices, ainsi que leur confiance. Cette capacité à avancer calmement est un vecteur pour mener une bataille au long court. Ce trait de caractère a favorisé sa lutte contre la discrimination faite aux femmes. Sutter écrira « un trait psychologique particulièrement adapté pour gérer les crises internationales. ».

Quant aux évènements historiques à l'étranger qui coïncident avec les élections présidentielles en France, on peut citer la nomination de Pauline Marois, première ministre en 2012 au Québec, après avoir été première femme chef d'un parti politique en 2007. Ainsi pour la première fois dans l'histoire de ce pays, une femme occupe un poste politique de cette envergure.

Cet événement a pu contribuer à ce que François Hollande et son gouvernement s'inscrivent dans la continuité du projet de la parité lancé timidement par François Mitterrand.

Comparé à la France, le Québec est le bon élève en matière de féminisation. Un ministère à la Condition féminine est créé dès 1979, dont Pauline Marois sera d'ailleurs chef de cabinet. Certes, en France, son presque équivalent est créé dès 1974 par Valérie Giscard d'Estaing, mais ce sera un secrétariat d'Etat et non un ministère de plein droit. Il devient un ministère de plein exercice sous Laurent Fabius en 1986, mais ne cessera de passer d'un « statut » à l'autre les années suivantes.

Plusieurs facteurs ont joué dans l'implication de François Hollande pour lutter contre l'inégalité des sexes, améliorer les droits de la femme ainsi que son émancipation, et enfin la rendre plus visible dans le secteur politique et dans la société de façon plus générale.

Son entourage, sa personnalité, ses valeurs, ses convictions profondes quant au bien-fondé de la cause, et sans doute l'influence du modèle québécois, sont des éléments-clés qui ont contribué à la mise en oeuvre du programme féministe de François Hollande. En revanche cela

45

n'apparait pas de manière constante à travers tous ses discours politiques, dans lesquels l'écriture inclusive et/ou la langue féminisée sont parfois absentes. Sorti des discours de circonstance, son choix se porte plus vers l'utilisation de termes génériques dans lesquels hommes et femmes sont réunis. On retrouve souvent « peuple français », « concitoyens », « compatriotes », « tous », etc.

Son bilan en faveur des femmes sera plus flagrant dans son action « sur le terrain » que dans le texte. Nous avons précédemment évoqué les raisons politiques et de rédaction des discours par un tiers. Il est également possible que François Hollande soit plus un homme d'actions que de paroles. Il considère peut être que le recours à l'écriture inclusive ne favorise pas réellement l'égalité des sexes, contrairement à sa loi des quotas par exemple.

46

? Comparatif des termes employés et leur fréquence :

Tableau : comparatif des mots féminins/masculins entre les quatre discours

Noms
féminins

08/03/12
Nb de fois

13/04/12
Nb de fois

06/05/12
Nb de fois

01/12/16
(rectif
21/06/2017)
Nb de fois

Mots masculins

08/03/12
Nb de fois

13/04/12
Nb de fois

06/05/12
Nb de fois

01/12/16
(rectif
21/06/2017)
Nb de fois

Mesdames

1

0

1

0

Messieurs

1

0

1

4

Citoyennes

3

1

0

0

Citoyens /

concitoyens

3

1

3

1

Françaises

4

1

0

0

Français

4

1

7

1

Elues

1

0

0

0

Elus

1

0

0

1

Jeunes filles / Femmes

103

60

1

1

Jeunes / hommes

26

28

1

1

Elles

44

3

0

0

Ils

3

0

0

0

Celles

8

0

1

0

Ceux

6

0

2

1

Chacune

1

0

2

1

Chacun

0

1

3

1

Toutes

11

0

1

0

Tous

10

0

10

0

Toutes et tous

0

1

0

0

Tous et toutes

0

2

0

0

Féminisme

6

1

0

0

Compatriotes

0

0

0

4

Féministe

2

2

0

0

 
 
 
 
 

Parité

5

10

0

0

 
 
 
 
 

Egalité

15

33

4

1

 
 
 
 
 

Inégalité

0

6

0

0

 
 
 
 
 

47

Tableau : comparatif des pronoms personnels employés entre les quatre discours

Termes employés

08/03/12
Nb de fois

13/04/12
Nb de fois

06/05/12
Nb de fois

01/12/16

(rectif 21/06/2017)
Nb de fois

Je

0

1

0

0

Nous

0

1

0

0

Vous

0

1

0

0

Tableau : comparatif des pronoms personnels « implicatifs » entre les quatre discours :

Pronoms
personnels

08/03/12
Nb de fois

13/04/12
Nb de fois

06/05/12
Nb de fois

01/12/16

(rectif 21/06/2017)
Nb de fois

Je

67

40

34

26

Nous

41

10

20

10

Vous

11

0

8

9

2.2.3 Jacques Chirac

Jacques Chirac, cinquième président français de la Ve République, a gouverné la France pendant douze ans de 1995 à 2007. Homme politique de la première heure il a, avant de devenir président, partagé à de nombreuses occasions sa vision de la femme. En 1978 il déclarera « Pour moi, la femme idéale, c'est la femme corrézienne, celle de l'ancien temps, dure à la peine, qui sert les hommes à table, ne s'assied jamais avec eux et ne parle pas ». On constate ici qu'il limite largement le rôle de la femme : elle doit tenir son foyer et être au service de l'homme. Il semble donc considérer qu'il existe une hiérarchie entre les sexes. Il est toutefois intéressant de noter qu'il précise que ces femmes là font partie de « l'ancien temps » indiquant en cela qu'il est conscient que la condition de la femme a changé. Preuve en est, alors premier ministre, il est confronté par Margaret Thatcher, première ministre du Royaume Unis, au sujet du remboursement d'une partie de la contribution anglaise au budget de l'Union Européenne. Cette rencontre donnera lieu à une des gaffes politiques les plus

48

célèbre : pensant que son micro est éteint Jacques Chirac s'exclamera « Mais qu'est-ce qu'elle me veut de plus cette ménagère15 ? Mes couilles sur un plateau ?».( Bouys, 2019)

L'emploi du terme mégère, qui désigne une femme acariâtre et méchante, n'est pas anodin. En effet, les femmes puissantes sont souvent stéréotypées et victimes de clichés parmi lesquels le fait qu'une femme de pouvoir est forcément dures et intransigeantes. Il est intéressant de constater que, même Président, Jacques Chirac n'a jamais caché sa vision « vieillotte » de la femme. Allant parfois jusqu'à taquiner le sexe féminin comme en 2008 lorsqu'il dira à une amie « Je vous confie Bernadette et ce que j'ai de plus précieux : mon chien Sumo ». Certains de ses propos doivent toutefois être modérés car il ne faut pas oublier que Jacques Chirac était réputé pour son humour franchouillard.

Dans cette partie du mémoire nous analyserons les discours politiques de Jacques Chirac sous l'angle de l'écriture inclusive. Cette analyse nous permettra de voir si ses discours reflètent sa vision de la femme et si cette dernière a évolué au cours de ses mandats.

Pour répondre à ces questions nous avons sélectionné trois discours situés à des moments différents de ses mandats. Nous entamons notre étude par le discours de 16 juillet 1995.

? Discours du 16 juillet 1995

1995 est la première année de présidence pour Jacques Chirac. Analyser un discours prononcé à cette période est donc intéressant car nous pourrons ainsi en déduire à la fin de notre étude le concernant, si ses années de présidence vont impacter ses discours en termes de féminisation.

Pour l'heure, Jacques Chirac est loin de féminiser ses discours. Le substantif « monsieur » est employé quatre fois pour désigner les métiers de maire, président, ambassadeur et rabbin ; à l'inverse, le substantif « madame » n'est pas du tout employé. Cela prouve que la majorité des postes sont occupés par des hommes. Cela dénote également que les rares femmes présentes à ses côtés sont gardées dans l'ombre. En ce qui a trait au nom de métier, Jacques Chirac ne les féminise pas comme l'indique l'utilisation par deux fois du terme « policiers » en lieu et place de « policiers et policières ». Cette non-intégration des femmes dans le domaine professionnel renvoie possiblement la femme à la place qui lui revient selon le Président : son foyer.

15 Ou mégère selon les sources

49

Le terme « les français » est employé sept fois, tandis que « les françaises » n'est pas du tout utilisé. En s'adressant au peuple français, le Président ne considère pas la femme comme destinataire de ses propos. Cette idée est renforcée par le fait qu'il évite d'employer des termes génériques comme « peuple, population, personnes... ». Le discours est masculinisé et Jacques Chirac multiplie le recours au pronom personnel « nous » (répété sept fois) pour s'inclure dans le discours et mettre en exergue le fait qu'il est un homme parmi les hommes.

La femme n'étant pas considérée comme réceptrice principale de l'information, cette élocution n'est pas riche en termes de féminisation. Néanmoins, l'ancien chef d'Etat évoque les femmes en recourant deux fois aux possessifs « celles » et une fois aux mots « femme » et « mesdames », seul réelle occurrence d'implication de la femme comme destinataire.

La lecture de ce premier discours nous permet de conclure que le Président n'était pas très impliqué dans des considérations féministes au début de sa présidence. Son discours est majoritairement tourné vers un public masculin comme le souligne le tableau ci-dessous qui récapitule la non féminisation de ce discours de 16 juillet 1995.

Tableau : comparatif des mots féminins/masculins dans le discours du 16 juillet 1995

Féminins

Nb de fois

Masculin

Nb de fois

Mesdames

1

Messieurs

1

Citoyennes

0

Citoyens

0

Françaises

0

Français

7

Femmes

1

Hommes

1

Elles

0

Ils

0

Celles

2

Ceux

2

Madame

0

Monsieur

7

Toutes

0

Tous

0

Jeunesse

1

 
 

Féminisme

0

 
 

Parité

0

 
 

Égalité

0

 
 

50

? Discours 16 avril 1999

Dans ce discours du 16 avril 1999, Jacques Chirac participe à la troisième conférence européenne consacrée à la participation équilibrée des femmes et des hommes dans les prises de décision. Ces conférences, dont la première a eu lieu à Athènes en 1992 et la seconde à Rome en 1996, ont permis de développer la notion de mixité en Europe. L'ancien chef d'Etat, y aborde « la nécessité de promouvoir le partage des responsabilités entre hommes et femmes au sein de l'environnement familial, professionnel et politique et sur le projet de révision constitutionnel pour l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives ». Ce discours qui fait clairement appel à l'égalité des sexes est un discours adressé aux deux sexes et nous pouvons le qualifier de féministe.

L'ancien président commence son discours par « Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Mesdames, Messieurs » montrant un revirement par rapport à son discours de 16 juillet 1995 qui commençait, rappelons-le, par « « Monsieur le Maire, Monsieur le Président, Monsieur l'Ambassadeur, Monsieur le Grand Rabbin, Mesdames, Messieurs, ». Ici, le sexe féminin est clairement inclus dans son discours et les postes de pouvoir occupés par les femmes ne sont pas éludés.

Le pronom personnel à la première personne du singulier « je » est répété quatorze fois. Cette insistance semble indiquer que l'ancien président souhaite prouver son implication pour ce sujet de première importance qu'est l'égalité femme homme. L'emploi du « je » le place au coeur du débat et démontre son engagement féministe. Le pronom personnel à la première personne de pluriel « nous » est, quant à lui, répété sept fois pour montrer que cet engagement doit être partagé par la société civile. Cet engagement est très visible à travers le recours insistant du substantif « femme » qui est répété quarante-deux fois (contre quatorze pour le substantif « homme »). La femme est donc valorisée dans ce discours visant à défendre ses droits.

L'utilisation des deux mots manifeste une volonté de changement : le terme « féminisme » est utilisé à deux reprises et le terme « féminin » à cinq. Jacques Chirac encourage l'avènement d'une société plus égalitaire, ce qui implique une évolution des conditions de vie de la femme. Il partage alors une liste de propositions visant à faire évoluer les mentalités. Les premières propositions touchent la sphère familiale comme le souligne la citation suivante « le partage équilibré des responsabilités entre parents ne se fait toujours pas correctement dans nos sociétés ». L'ancien président propose donc un partage plus équitable des tâches pour éviter

51

que la femme n'assume seule cette responsabilité, limitant ainsi ses possibilités d'évolutions dans d'autres sphères de la société. Les secondes propositions touchent la sphère professionnelle. Ainsi, Jacques Chirac plaide pour l'intégration de la femme au monde du travail : « le changement vient de l'engagement des femmes dans la vie professionnelle » ; « j'ai déjà souligné l'importance de l'engagement des femmes dans la vie professionnelle. ». Ces deux déclarations montrent que le discours est bien réfléchi : les mots sont choisis avec soin et des termes clés sont répétés pour renforcer le propos. Le mot « égalité » est répété deux fois et « mixité » quatorze fois ce qui indique que l'égalité passe par la mixité, donc la présence égalitaire des deux sexes dans les différentes activités de la société civile. Cette idée est renforcée par la répétition de l'expression « engagement des femmes dans la vie politique » qui insiste sur les valeurs d'égalité des sexes que Jacques Chirac souhaite transmettre.

En 1999, alors que les mentalités sont toujours masculines, Jacques Chirac décide donc de « corriger les inégalités » pour viser une sorte d'idéal sociétal, souligné par le recours à l'énumération : « Une démocratie féminisée, une démocratie rénovée, renouvelée, permettra d'ouvrir plus largement la voie à d'autres changements, qui modifieront la vie professionnelle et familiale des Françaises et des Français. ». Pour appuyer cette volonté d'une démocratie équilibrée, le président répètera ce terme quatre fois et utilisera les mots « mesdames » et « messieurs » de manière égale.

Cette notion d'idéal à atteindre est une fois de plus perceptible à la fin de son discours lorsqu'il qualifie la mixité de la façon suivante : « Mesdames et Messieurs, la mixité n'est pas une mode. Beaucoup plus qu'une simple revendication ». Pour Jacques Chirac, la démocratie ne peut que sortir grandie d'un essor de la mixité qui implique un plus grand respect des droits de l'Homme.

Bien qu'il soit « essentiel d'installer la mixité au coeur de nos démocraties », Jacques Chirac reconnait l'existence d'un plafond de verre. Ainsi, ce n'est pas parce que les femmes font des études qu'elles disposent des mêmes chances que les hommes, mais cela « donne des raisons d'espérer de nouveaux progrès ». Pour prétendre à une société égalitaire le chemin sera donc long et nécessitera une lutte contre la marginalisation féminine ainsi qu'un accompagnement de leur développement : « Elles doivent être mieux acceptées, mieux préparées et mieux organisées pour que les femmes ne soient pas pénalisées. ». Ce n'est qu'à ce prix qu'elles pourront un jour prétendre aux mêmes chances que les hommes.

52

Cette évolution sociétale implique également que le monde politique montre l'exemple. Jacques Chirac appelle donc à une plus grande intégration de la femme dans la vie politique : « L'égal accès des hommes et des femmes à la vie politique s'inscrit dans cette perspective » ; « Il y a quatre ans, j'avais indiqué aux Français que je faisais mien l'objectif de la parité pour la représentation des femmes en politique ». Cette volonté paritaire s'exprime à travers la répétition du terme « parité », utilisé à six reprises dans ce discours.

Pour terminer l'analyse de ce discours en faveur des droits des femmes, nous devons signaler que, malgré ses efforts, certains aspects de son discours ne sont pas inclusifs. Ainsi, il répète deux fois « les français » et une seule fois « les françaises ». Même constat pour l'indéfini « chacun » qui est répété deux fois, tandis que « chacune » n'est utilisé qu'une seule fois. Enfin, « toute » n'est pas utilisé contrairement à « tous » qui est employé quatre fois. Il n'en demeure pas moins que ce discours est un véritable appel à la lutte pour l'égalité des sexes.

Tableau : comparatif des mots féminins/masculins dans le discours du 16 juillet 1995

Féminins

Nb de fois

Masculin

Nb de fois

Mesdames

4

Messieurs

4

Toutes

0

Tous

2

Françaises

1

Français

2

Femmes

42

Hommes

14

Elles

10

Ils

1

Chacune

1

Chacun

2

Mixité

14

 
 

Celles

1

Ceux

2

Engagement

4

 
 

Féminisme

2

 
 

Féminin

5

Masculin

4

Parité

6

 
 

Egalité

2

 
 

? Discours 14 novembre 2005

Comme nous venons de le voir, le discours de Jacques Chirac de 1999 montre un tournant dans la mentalité du Président. Mais ce nouvel élan vers plus d'égalité homme/femme se maintient-il dans le temps ? Pour répondre à cette question, nous analyserons le discours du

53

14 novembre 2005 ; discours que nous pouvons qualifier de discours de fin de carrière, car il fut prononcé deux ans avant la fin du second mandat de Jacques Chirac.

La neutralité du discours se remarque dès la première lecture. L'ancien chef d'Etat évite de s'adresser à une catégorie spécifique d'individus. Il utilise donc des expressions générales comme « la société française ; la communauté française » ou encore « nos compatriotes » qu'il répète quatre fois ainsi que « les personnes » qu'il répète deux fois. Il n'emploi pas une fois les substantifs « femme » et « homme ».

Il a néanmoins recours à des mots de forme masculine : il emploi l'indéfini « chacun » huit fois et une seule fois « chacune » ; constat identique pour l'indéfini « tous » qui est employé quatre fois pour désigner soit les hommes soit toute la population française ; l'indéfini « toute(s) » n'est pas utilisé. Quand aux pronoms personnels, « ils », celui-ci est employé huit fois, tandis que « elles » est absent du discours. Enfin, le démonstratif « ceux » est répété trois contre zéro fois pour le démonstratif « celles ». Ce discours élude donc la présence des femmes et marque un retour en arrière en termes d'écriture inclusive.

Bien que les notions d'« engagement » de « valeurs » et d' « égalité » soient citées, cela n'est pas gage de son féminisme ou de son engagement. Preuve en est, comparativement à son discours de 1999, lors duquel l'ancien chef d'Etat a féminisé les noms de métiers, ceux-ci sont ici uniquement présentés sous leurs formes masculines « Et je veux rendre hommage aux forces de l'ordre, aux policiers, aux gendarmes, aux pompiers, aux maires et aux élus, aux magistrats, aux travailleurs sociaux, aux enseignants ». Aucune profession n'est féminisée, la femme semble de nouveau exclue de la langue et de la société de Jacques Chirac.

54

Tableau : comparatif des mots féminins/masculins dans le discours du 14 novembre 2005

Féminins

Nb de fois

Masculin

Nb de fois

Mesdames

0

Messieurs

0

Citoyennes

0

Citoyens

1

Françaises

1

Français

2

Certaines

0

Certains

1

Femmes

0

Hommes

0

Elles

0

Ils

8

Celles

0

Ceux

3

Chacune

1

Chacun

8

Toutes

0

Tous

4

Filles

1

Fils

1

Féminisme

0

 
 

Valeurs

2

 
 

Égalité

1

 
 

Engagement

2

 
 

La société française

1

Les jeunes

2

La communauté française

1

 
 

Compatriotes

4

 
 

Les personnes

2

 
 

Travailleuses

0

Travailleurs

1

Pompières

0

Pompiers

1

Enseignante

0

Enseignants

1

Policières

0

Policiers

1

Elues

0

Elus

1

? Les raisons de l'ambivalence du président quant à la condition féminine

L'étude des trois discours ne permet pas de déterminer l'orientation féministe de Jacques Chirac dans la mesure où l'ancien Président n'est pas clair dans ses engagements. Nous constatons un élan féministe en 1999, élan qui s'amenuise à mesure que passe son mandat. Alors quelles raisons peuvent expliquer ce féminisme exacerbé de 1999 ? La première étant que l'année 1999 fut marquée par la tenue de la troisième Conférence Européenne consacrée à la participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision. Et la seconde raison s'explique par l'adoption le 08 juillet 1999, par le gouvernement Jospin, de la Loi relative à l'égalité entre les femmes et les hommes qui « favorise l'égal accès des femmes et

55

des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » (les grandes étapes de la parité en politique, 2000). Pour mieux comprendre l'ambivalence de l'ancien Président quant à la place de la femme dans la société, nous allons l'étudier sous différents angles pouvant expliquer ses choix.

Commençons par analyser le rôle joué par la famille et l'entourage dans la personnalité de Jacques Chirac. Nous allons nous attarder sur les femmes qui sont entrées dans sa vie et l'ont influencé. Elles sont nombreuses car il était de notoriété publique que Jacques Chirac était « un amoureux des femmes très séducteur » (Deliere, 2019). En premier lieu nous pouvons citer celle qui l'a accompagné pendant 63 ans, sa femme Bernadette Chirac. Elle a vécu toutes ses aventures politiques et personnelles et l'a toujours soutenu comme elle le confirmera d'ailleurs elle-même : « Il sait qu'il peut compter mon appui et mon militantisme » (Guinhut, 2019). Cette même femme, source de force pour l'ancien président, fit preuve dans sa vie conjugale de beaucoup de résilience. Alors même qu'elle avait connaissance des relations extraconjugales de son mari, elle n'envisagea jamais de le quitter : « elle en a toujours été consciente et a fait en sorte de vivre avec » (Deliere, 2019). Cette forme de soumission a pu renforcer chez Jacques Chirac l'idée selon laquelle la femme n'est pas l'égale de l'homme et a pour mission principale de s'occuper de sa famille et de lui être fidèle coûte que coûte. Du propre aveu de Bernadette Chirac, son mari ne la considérait pas à sa juste valeur : « Vous savez mon mari, il n'est pas commode tous les jours. Quand il déjeune avec moi, même maintenant qu'il a pris sa retraite (...), il me dit : "Bah, qu'est-ce que vous avez fait ce matin ?" Il n'attend pas la réponse et il me dit : "Rien ! Comme d'habitude" » (Guinhut, 2019). Il est difficile d'attendre d'un homme qui ne respecte pas sa propre femme qu'il défende la cause féminine.

A l'inverse, sa fille Claude Chirac a joué un rôle primordial dans sa carrière politique comme le souligne Deliere (2019) : « elle travaille comme conseillère en communication et occupe également le siège de présidente de la fondation Chirac ». La propre fille de Jacques Chirac était donc un exemple de femme active, travailleuse et moderne. Elle l'aide même à gagner les élections présidentielles, et lui montre ainsi qu'une femme peut être l'égale d'un homme même dans un milieu réputé masculin. Elle se charge de la gestion de son image en 1988 puis devient responsable de sa stratégie de communication avant de prendre le poste de conseillère en communication après son élection de 1995 (Namias, 2009). Cette relation père/fille explique certainement que Jacques Chirac est loin d'être réfractaire à l'évolution de la condition féminine.

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L'étude de la psychologie de Jacques Chirac permet d'établir qu'il s'agit d'une personne équilibrée qui accorde beaucoup d'importance à l'avis des autres et cherche le compromis. Ce trait de caractère est loué par Charles Pasqua dans Le Figaro : « Jacques Chirac n'est pas notre chef, il est notre leader. Un chef commode et les autres obéissent. Un leader propose, écoute, et en fonction de ce qu'il croit être la bonne voie, arrête sa position. On peut discuter avec un leader et pas avec un chef » (Collovald, 1990, p. 880). Jacques Chirac était également connu pour sa franchise. Cela ne le dérangeait pas de se livrer quoi qu'en pense les autres, comme le souligne Namias en 2009 dans l'ouvrage Perles de Chirac : « c'est l'aspect le plus surprenant de son livre, Jacques Chirac n'hésite pas à aborder des sujets plus personnel » (Namias F, 2009). Si Jacques Chirac ne craint pas les critiques nous pouvons en conclure que ses discours reflètent purement et simplement son positionnement eu égard à la condition féminine. Nous ne pouvons pas qualifier Jacques Chirac de féministe ni dire de lui qu'il s'opposait à l'égalité homme/femme. Nous sommes en accord avec les propos de Le Vern (2019) qui dit de lui que « ce n'était pas une figure sexualisée mais une figure familiale marquée par la neutralité, pas menaçante pour le sujet. »

? Un féminisme différentialiste

Jacques Chirac peut être qualifié de féministe différentialiste, c'est-à-dire de féministe qui « cherchent à valoriser le corps féminin et les vertus qui en découlent, notamment celles amenées par le cycle menstruel et la maternité » (Denayrouse et Grosjean, 2019). Ce féminisme explique qu'il ait proposé d'instaurer un salaire maternel correspondant à une rémunération des mères au foyer par l'Etat.

Il est intéressant de constater que, tout en valorisant la place de la femme au foyer au sein de la société, il encourage un mouvement de féminisation politique dès son élection en tant que premier ministre : « le gouvernement Chirac, constitué le 27 mai 1974, comprend trois femmes, dont une ministre à part entière, établissant ainsi un double record. Tandis que Simone Veil est ministre de la Santé, Annie Lesur et Hélène Dorlhac de Borne sont secrétaires d'État, la première à l'Enseignement préscolaire, la seconde à la Condition pénitentiaire. Un mois et demi plus tard, la nomination de Françoise Giroud à la tête du secrétariat d'État à la Condition féminine, porte à quatre le nombre de femmes dans l'équipe (10,8 %). » (Sineau, 2020).

Jacques Chirac ne cessera d'encourager la parité. Son gouvernement passera de 10,8% de femmes en 1974 à 26% lors de son premier mandat présidentiel et 38% lors du second. C'est

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un bon énorme en comparaison du gouvernement Mitterrand de 1993-1995 qui ne comptait que 3 femmes sur les 30 postes à pourvoir. De plus, quatre femmes seront élues à la tête de ministères : Élisabeth Hubert sera ministre de la Santé publique et de l'Assurance maladie, Colette Codaccioni sera ministre de la Solidarité entre les générations, Corinne Lepage prendra la tête du ministère de l'Environnement et enfin Françoise de Panafieu dirigera le Tourisme.

Tableau : les femmes au gouvernement de Jacques Chirac

Période

Effectif total

Nombre de femmes

% de femmes

1995 - 1997

46

12

26

1997 - 2001

44

14

38

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Conclusion

« De tous les liens qui nouent les hommes dans la cité, le lien de la langue est le plus fort, parce qu'il fonde le sentiment d'appartenance à une communauté » (North, 2007, p. 2). Ce lien qui unie les hommes est certainement aussi vieux que l'humanité, mais ses origines, son fonctionnement et ses finalités demeurent hypothétiques.

La langue est un vecteur de communication ; c'est la transcription écrite du langage parlé. Le propre d'une langue est d'être vivante. Aussi, elle s'adapte aux évolutions historiques et sociétales et ses adaptations s'imprègnent dans le verbe, dans les mots et concepts ! Si une majorité des usagers d'une langue intègre telle ou telle forme dans leur parlé, alors, cette forme doit être acceptée, même si elle va à l'encontre des dogmes linguistiques car « Tous les moyens de l'esprit sont enfermés dans le langage, et qui n'a point réfléchi sur le langage n'a point réfléchi du tout. » (Alain, 1932).

La féminisation de certains vocables relèverait de l'évolution de la langue dans une société en perpétuelle mutation. Jusqu'au XVIIe siècle, le français, comme le latin dont il est issu, distinguait féminin et masculin. La question de genre n'était pas évoquée et l'usage de la règle de proximité n'imposait pas au féminin de « s'incliner » devant le masculin lors de l'accord des genres. La période du classicisme, dont l'impact sera spectaculaire par les changements sociétaux qui en découleront, marquera un tournant dans le monde politique, culturel, littéraire, et de manière plus générale, dans la société de l'époque - et jusqu'à ce jour certains ajouteront. Il en découlera peu à peu une masculinisation de la langue, et une prévalence du masculin sur le féminin : l'accord de proximité disparaît peu à peu entre le XVIIe et le XIXe siècle au profit du genre masculin qualifié de genre noble (Nameche, 2018). Le masculin considéré comme neutre l'emporte au pluriel, et beaucoup de mots utilisés au féminin, comme par exemple peinteresse, sont condamnés (Viennot, 2014, p.46). Bien que certains philosophes et écrivains luttent pour la féminisation de la langue dès le XVIIIe siècle, les grammairiens continuent à préconiser l'emploi du masculin, considéré comme genre le plus noble. Ainsi, « dans l'édition de 1847, Bescherelle précisera avec fierté que la langue française s'est mise en opposition avec toutes les autres langues, en laissant au masculin tous ces noms auteur, docteur, géomètre, général, graveur, professeur, philosophe, poète etc, lors même que ces noms désignent des femmes » (Viennot, 2018, p. 52).

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Il aura fallu cinq siècles à l'Académie française, qui refusa le recours à l'écriture inclusive et la féminisation des noms de métiers dès 1689, pour adopter le 28 février 2019 « à une large majorité un rapport sur la féminisation des noms de métiers, soulignant qu'il n'existait aucun obstacle de principe à la féminisation des noms de métiers et de professions » (Perrin, 2019, p. 1).

La seconde partie de notre mémoire visait l'étude de l'adoption de l'écriture inclusive dans les discours politiques contemporains. Nous avons analysé les discours des trois présidents de la Ve République suivants : Emmanuel Macron, François Hollande et Jacques Chirac. L'analyse des discours de l'actuel Président de la République laisse transparaître un homme au féminisme convaincu. Bien que seul son discours de l'automne 2017 soit très inclusif (du fait du thème, mais également des manifestations féministes de cette année) ; ses engagements en faveurs des femmes transparaissent dans ses actions. Tout comme Emmanuel Macron, François Hollande revendique son féminisme. Il ira jusqu'à déclarer « Parce que je suis féministe, je m'inscris dans ce mouvement de progrès ». Ce féminisme n'apparait pas de manière constante dans ses discours politiques car l'écriture inclusive y est parfois absente. En effet, sorti des discours de circonstance, son choix se porte plus vers l'utilisation de termes génériques. François Hollande demeure néanmoins très impliqué dans la lutte contre l'inégalité des sexes et l'amélioration des droits de la femme. Quant à Jacques Chirac (époque oblige ?), ses discours laissent peu de place à l'écriture inclusive. Tout comme ses discours, ses actes seront ambivalents : tantôt en faveur d'une émancipation franche de la femme tantôt enclin à la renvoyer derrière les fourneaux. Il n'en demeure pas moins le premier Président à avoir encouragé la parité au sein de son gouvernement et ce, dès les années 70.

Ce mémoire nous a permis de démontrer que les discours évoluent avec la société et contribuent à l'actualisation de la langue. Les discours semblent néanmoins évoluer moins vite que la société comme l'indique le faible degré de féminisation des discours de Présidents qui clament haut et fort leur féminisme. Ce mémoire traduit également l'importance du choix des mots dans un discours car « ne pas reproduire dans le langage la non-mixité des dominants, c'est rendre possible une plus grande mixité sur place en évitant que seuls des hommes se sentent légitimes à être présents. Il s'agit d'amorcer une prise de conscience sur le fait que le soi-disant universalisme de notre langue (mais pas que, et pas que sur le plan du genre) laisse de côté une partie de l'humanité » (Pourquoi féminiser notre langage est important, 2017).

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Et s'il n'y avait pas que les mots... Quand l'iniquité se trouve aussi dans une tenue jugée trop féminine ! Comment accepter de légiférer sur la féminisation des mots quand dans l'enceinte même de l'Assemblée Nationale, lieux dominé par les hommes, certains députés hommes s'appuyaient sur un règlement intérieur (rédigé par des hommes) pour contester les vêtements portés par une femme - vêtements jugés trop féminins pour l'hémicycle ! Au final on demande aux femmes de s'habiller comme les hommes, tout comme on demande à la langue qu'un mot féminin soit écrit au masculin. Rappelons-nous la mémorable passe d'armes de juillet 2012 entre Cécile Duflot, ministre de l'Ecologie et un groupe de députés hostiles qui moquaient les fleurs sur sa robe un peu courte. Gageons qui si elle avait porté un tailleur sobre et sombre, comme celui porté par les hommes, l'incident n'aurait pas eu lieu. Malheureusement le combat qui consiste à reconnaître l'identité féminine ne se situe pas que dans les mots. On comprend que le combat s'annonce difficile et que légiférer dans une Assemblée dominée par des hommes n'est pas gagné d'avance, et que le discours politique qui introduit l'écriture inclusive ainsi que toutes formes langagières féminisées risque de ne pas avoir que des adeptes. La féminisation des mots est aussi et surtout une question de pouvoir. Et pourtant cela n'a aucun sens d'un point de vue juridique ou grammatical, mais cela montre que l'état est masculin, et par extension que le français est une langue de pouvoir.

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