Quelle adoption de
l'écriture inclusive
dans la langue
française et les
discours politiques
contemporains ?
Mémoire majeur
Manel Ben Salah
28/05/2020
2
Remerciements
La réalisation de ce mémoire a été
possible grâce au concours de plusieurs personnes à qui je
voudrais témoigner toute ma gratitude.
Je voudrais tout d'abord adresser toute ma reconnaissance
à la directrice de ce mémoire, Madame Cécile Narjoux, pour
sa patience, sa disponibilité et surtout ses judicieux conseils, qui ont
contribué à alimenter ma réflexion.
Je souhaite adresser mes remerciements les plus
sincères au corps professoral et administratif de Sorbonne
université, pour la richesse et la qualité de leur enseignement
et qui déploient de grands efforts pour assurer à leurs
étudiants une formation actualisée.
J'adresse mes sincères remerciements à ma belle
soeur Abla et sa fille Silsa, qui par leurs paroles, leurs conseils et leurs
critiques ont guidé mes réflexions et questions durant mes
recherches. Je souhaite particulièrement les remercier pour leur
précieuse aide à la relecture et à la correction de mon
mémoire.
Je remercie mes très chers parents Kilania et Kamel, et
mon fiancé, Taha, qui ont toujours été là pour moi.
Je les remercie pour leur soutien constant, leurs encouragements et leur
confiance.
À tous ces intervenants, je présente mes
remerciements, mon respect et ma gratitude.
3
Table des matières
Remerciements 2
Introduction 4
I. Cinq siècles après sa disparition : le
grand retour de l'écriture inclusive dans la
langue française 7
1.1. La féminisation des noms de métier
8
1.1.1. Les règles de féminisation des noms de
métier jusqu'au XVIIe siècle 8
1.1.2. Le féminin conjugal s'impose à partir du
XVIIe siècle 11
1.1.3. La révolution française : un espoir de
changement de courte durée 12
1.2. Vers une féminisation de la grammaire
14
1.2.1. Les règles en écriture inclusive
déjà inclusives 14
1.2.2. Les règles non inclusives qui font débat
15
1.2.3. Les propositions de neutralisation des genres -
règle « épicène » 16
II. Analyse de la féminisation de la langue dans
le discours politique
contemporain 18
2.1. Les caractéristiques d'un discours politique
20
2.1.1. Discours de la compétence et de l'autorité
20
2.1.2. Discours populaire 20
2.1.3. Quelle place pour les femmes dans la vie politique ? 20
2.1.4. L'évolution du vote féminin 21
2.1.5. Quid de « Un jour où la moitié de la
France a rejoint l'autre moitié » ? 21
2.2. Analyse des discours des candidats à
l'élection présidentielle 22
2.2.1. Emmanuel Macron 23
2.2.2 François Hollande 30
2.2.3 Jacques Chirac 47
Conclusion 58
BIBLIOGRAPHIE 61
4
Introduction
L'écriture inclusive « née de la
volonté de faire changer les mentalités sur
l'égalité homme /femme par le langage » (Bruno, 2017)
« désigne l'ensemble des attentions graphiques et syntaxiques
permettant d'assurer une égalité des représentants entre
les femmes et les hommes » (Haddad, 2016).
Le débat sur l'écriture inclusive, qui remonte
au 17e siècle (Cerquiglini, 2018), est revenue sur le devant
de la scène suite à la parution en 2017 d'un manuel scolaire en
écriture inclusive. Dans « Questionner le monde », des
élèves de CE2 découvrent l'écriture inclusive
définie par son auteur Raphael Haddad (2016) comme "un ensemble de
manières de faire progresser l'égalité entre les hommes et
les femmes dans l'écriture". Ce manuel « fait
apparaître les noms de métiers, de titres, de grades et de
fonctions avec une orthographe dite inclusive, qui fait figurer le masculin et
le féminin, en les distinguant par un point ou un point médian
». A cette définition nous retiendrons plutôt celle
d'Arbogast (2017) qui postule que l'écriture inclusive «
n'exclue pas, même involontairement, des personnes censées
être incluses dans les propos ».
Cette réforme de l'écriture est bien
reçue dans les pays fervents défenseurs de la francophonie
(Arbour et al., 2014). Ainsi, le Québec a été
précurseur pour ce qui a trait à la féminisation des noms
de métiers. Dès 1976, une terminologue est engagée par le
gouvernement pour « officialiser la féminisation des titres en
position d'autorité comme celui de ministre » (Jobin, 2019).
La réforme se généralise trois années plus tard
lorsque « la Gazette officielle du Québec préconise pour
la première fois la féminisation des titres professionnels : on
parle alors d'une avocate, d'une ministre ou d'une architecte »
(Groussin, 2019, p.2). La féminisation des noms de métiers
devient un sujet de première importance à cette époque
dans la mesure où « l'accessibilité de nouvelles
clientèles aux études universitaires, a vu son effectif
d'étudiantes passer, depuis les années 70, de 45 % à 60
% » (Lamothe et al., 1992, p.3). Cette augmentation de la part
d'étudiantes au sein des universités favorise une
féminisation de la langue et plus précisément des noms de
métiers. Le conseil d'administration québécois s'empare du
sujet et « reconnaissait officiellement, en 1980, l'utilisation des
titres féminins pour désigner les femmes (...). Celui-ci s'est vu
confier le mandat d'établir une liste féminisée de tous
les titres de fonctions » (Lamothe et al., 1992, p.3).
5
La commission publia en 1992 un document de travail qui donna
lieu à la coexistence des titres féminins et masculins et
à l'insertion des noms féminins dans la phrase. Cette nouvelle
réforme de la langue a bien progressé au Québec suite
à l'adoption des chartes des droits de la personne, des lois et
réglementations sur l'équité en emploi.
Cette tentative de réforme provoquera en France une
violente levée de bouclier. Il est pourtant illusoire de penser que les
règles linguistiques sont immuables. La langue est une mémoire,
certes, mais ne se doit-elle pas d'évoluer et de s'enrichir au
gré de l'histoire, de ses histoires ?
Malgré les réfractaires, une évolution
apparaît néanmoins dans le discours politique, définit
comme « un discours d'influence produit dans un monde social »,
et dont le but est d' « agir sur l'autre pour le faire agir, le
faire penser, le faire croire » (Giglione, 1989, p. 9). Ce type de
discours consacre une importance à la féminisation qui ne date
cependant pas d'aujourd'hui. Le discours de général Charles de
Gaulle et ce célèbre « Françaises,
français » en est une représentation significative,
bien que remis en cause par les Académiciens dans les années 1980
(Winock, 1998).
Nombreux sont ceux, à commencer par les cercles
féministes, qui incitent à l'intégration de
l'écriture inclusive dans les textes politiques, en accordant beaucoup
d'importance à cet acte nécessaire pour l'émancipation de
la femme et son acceptation dans la vie professionnelle et politique. En
revanche, tous ne sont pas de cet avis. Preuve en est, la consigne
donnée aux membres du gouvernement par le premier ministre actuel
Edouard Philippe, de bannir des textes officiels cette forme d'écriture.
Dans la circulaire du Journal Officiel n°0272 du 22 novembre 2017 il sera
écrit « Je vous invite, en particulier pour les textes
destinés à être publiés au Journal officiel de la
République française, à ne pas faire usage de
l'écriture dite inclusive », et de rajouter « Outre
le respect du formalisme propre aux actes de nature juridique, les
administrations relevant de l'Etat doivent se conformer aux règles
grammaticales et syntaxiques, notamment pour des raisons
d'intelligibilité et de clarté de la norme ».(
Phillippe, 2017)
Cette affirmation nie tout engagement féministe dans
l'écriture « inclusive » dans les textes politiques. Mais cela
prouve-t-il la non-neutralité des politiciens face à
l'écriture « féministe » ? Sont-ils radicalement pour
un éloignement du langage féministe ou finalement pour une
évolution modérée du langage, en faisant dans la
demi-mesure ? Car il est à noter en parallèle que le texte
défend la féminisation systématique des noms de fonctions
employées dans des textes officiels.
6
Ces évolutions démontrent le degré
d'engagement féministe, ou à l'inverse le non engagement, des
hommes et femmes politiques. Connaître l'approche politique face au
débat sur l'écriture inclusive est essentiel selon nous, car un
discours politique peut marquer un changement d'ère et une impulsion
nouvelle. En revanche, un discours à lui seul ne suffit pas à
faire tomber les barrières et à amorcer un changement de
mentalité. La parité au sein des collectivités
territoriales, des établissements publics, et des entreprises de
façon plus large, est un excellent exemple. Pour tenir cette promesse
électorale, le gouvernement de François Hollande a dû
modifier la loi. Nous pouvons citer deux exemples emblématiques : la
Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité
réelle entre les femmes et les hommes et l'article 16 de la loi
du 4 août 2016 pour l'obligation des entreprises en matière
d'égalité professionnelle. Ces lois conduiront Schneider
(2012) à écrire que « c'est une première dans
l'histoire de la République Française que nous ayons un
gouvernement totalement paritaire ».
Avant de creuser la problématique de notre
mémoire « quelle adoption de l'écriture inclusive
dans la langue française et les discours politiques contemporains
? », il nous faut préciser que l'objectif du lexique
inclusif est de redonner au sexe féminin de la valeur et de
l'importance, non seulement pour une « égalité linguistique
» au niveau de langage (Mathieu et al., 2009) mais également au
sein de la société.
Notre analyse de l'écriture inclusive « dans la
pratique » abordera les questions de la féminisation de la langue
française. La première partie s'attachera à analyser
l'histoire de la féminisation de la langue et à étudier
les règles de l'écriture inclusive. Dans cette partie nous
présenterons les règles de la féminisation des noms de
métiers et les règles grammaticales dans la langue
française, qui permettent d'appréhender son histoire. La seconde
partie visera à analyser les discours politiques de certains
présidents de la république (avant et pendant leur mandat) et
plus précisément d'étudier si ces discours ont
évolué pour devenir plus inclusifs. Les discours des candidats et
notamment ceux des présidents de la République peuvent
démontrer le degré de leur engagement féministe ainsi que
l'impact du contexte socio-économique sur leurs allocutions.
Il est important de souligner pour notre étude que les
femmes représentent plus de la moitié de la population
française, et autant en termes d'électeurs inscrits sur les
principales listes électorales. Leur participation aux élections
est de fait un enjeu de société pour les candidat-e-
7
s « politiques ». Si discours féminisé
il y a, est-il un discours de conviction, ou juste un discours de
séduction ? L'objectif n'est-il pas juste une conquête de
l'auditoire féminin ?
I. Cinq siècles après sa disparition : le
grand retour de l'écriture inclusive dans la langue française
L'histoire de la féminisation de la langue est
étroitement liée à la désignation de la femme par
des noms qui l'identifie et qui la sépare de l'homme. C'est au
XVIIe siècle que l'idée de désigner les femmes
par des noms communs masculins apparaît et c'est donc ainsi que le
débat sur l'écriture inclusive naquit.
La représentation graphique de la féminisation
de la langue se base sur trois grands principes1: ? le fait
d'accorder les fonctions, métiers, grades et titres, en fonction du
genre : on parlera ainsi de chroniqueuse, chercheuse...
? l'utilisation à la fois du féminin ET du
masculin quand on parle d'un groupe de personnes, soit par l'utilisation de ce
qu'on appelle la double flexion - « les candidates et candidats » -,
soit par le recours au « point milieu » - « les
candidat·e·s » -, soit enfin par une reformulation
épicène - « les personnes candidates ».
? on tente enfin d'éviter le recours aux termes «
Femme » et « Homme » avec une majuscule de prestige et on
préfère des termes plus neutres, comme « droits humains
» plutôt que « droits de l'homme ».
Notre analyse de l'écriture inclusive dans cette partie
du mémoire abordera les questions de la féminisation de noms de
métiers en France en étudiant le « recul » de la
linguistique française à partir du 17e
siècle.
1 Source : Edouard Philippe décide de bannir
l'écriture inclusive des textes officiels (2017). Site Le Monde (en
ligne sur :
https://www.lemonde.fr/politique/article/2017/11/21/le-premier-ministre-edouard-philippe-decide-de-bannir-l-ecriture-inclusive-des-textes-officiels_5218122_823448.html.
Consultée le 3/12/2019.)
8
1.1. La féminisation des noms de
métier
Nous verrons dans cette partie du mémoire
l'évolution de l'expression linguistique des identités du genre
pour les noms de métiers en France et au Québec. L'accent sera
mis sur l'histoire de la féminisation lexicale en France.
1.1.1. Les règles de féminisation des noms de
métier jusqu'au XVIIe siècle
? En France
Jusqu'au XVIIe siècle, le français,
comme le latin dont il est issu, distinguait féminin et masculin. La
question de genre n'était pas évoquée. On trouvait par
exemple miresse pour désigner une femme médecin
(Mathieu, 1999, p.45-63) ou encore « académicienne, agente,
ambassadrice, autrice, avocate, chancelière, chercheuse,
chevalière, chirurgienne, clergesse, colonelle, commandeuse,
conseillère, contrôleuse, défenseuse, doctoresse (...)
» (Viennot, 2018, p. 72).
Afin de féminiser les noms de métiers, certaines
règles ont été établies. Pour commencer, il faut
rappeler que, pour désigner le genre d'un référent, il
suffit de l'identifier au moyen d'un déterminant nominal, d'un article
défini ou d'un article indéfini (le/la ; un/une). Il est
également possible de recourir à un déterminant
démonstratif (ce/cet/cette). Ainsi, pour désigner par
exemple une femme députée, il est possible de dire la
députée ou cette députée.
Ajoutons à cette règle les différentes
variations de morphème à la fin du nom pour déterminer le
féminin. En effet, il y avait la forme trice, qui consistait
à remplacer un masculin finissant par le morphème eur
par un nom identique dont le morphème devient trice.
Nous pouvons citer pour exemples directeur/ directrice,
ambassadeur/ambassadrice, conservateur/conservatrice, etc.
Cette dérivation du masculin eur a une autre
variante au féminin : en lieu et place de trice, la forme
féminine devient soit euse comme dans chercheuse, entraineuse
ou programmeuse soit eure comme dans professeure, gouverneure ou
entrepreneure. Cette règle s'accompagne de l'apparition de noms se
caractérisant par le doublement de la dernière consonne comme
dans chirurgienne, électricienne ou informaticienne (Mathieu et al.,
2009). Certains noms sont également féminisés à
l'aide du suffixe esse comme maitresse, poétesse ou
philosophesse.
9
Nous pouvons finalement citer la règle de la forme
épicène qui désigne un ensemble de « mots dont la
forme ne varie pas entre le masculin et le féminin » (Haddad,
2016) comme pour gendarme, ministre, maire ou juge.
Bien que ces règles n'aient pas cessé
d'évoluer, si nous nous concentrons sur le XVIIIe
siècle, nous pouvons en voir quelques formes dans le tableau
ci-dessous :
Tableau : règles d'écriture inclusive
e
|
esse
|
trice
|
euse
|
ienne
|
Forme dite épicène
|
Médecine
|
Poétesse
|
Autrice
|
Graveuse
|
chirurgienne, doyenne, mécanicienne, pharmacienne
|
Artiste
|
Peintre
|
Philosophesse
|
Actrice
|
Professeuse
|
rhétoricienne
|
Architecte
|
Auteure
|
Peinteresse
|
Compositrice
|
Chercheuse
|
|
Comptable
|
Avocate
|
traductrice
|
Inventrice
|
Controleuse
|
|
Ministre
|
Artisane
|
libraresse
|
Ambassadrice
|
Toiletteuse
|
|
mannequin
|
Ecrivaine
|
Capitainesse
|
rédactrice
|
Metteuse en scène
|
|
|
philosophe
|
Doctoresse
|
|
|
|
|
Source : Viennot, 2017, p 46-62
? Au Québec
Suite à la réforme de 1980 qui «
reconnaissait officiellement l'utilisation des titres féminins pour
désigner les femmes (...)», différentes règles
ont été établies pour féminiser les noms de
métiers2. Ces règles sont employées tout en
conservant quelques anciens principes et acquis de la langue française.
En effet, au Québec, de nombreux noms de métiers, titres et
fonctions existaient préalablement. C'est pourquoi il a fallu les
conserver sans inventer des nouvelles formes. En d'autres termes, aux
règles existantes s'ajoutent celles visant à féminiser les
noms qui n'étaient utilisés qu'au masculin. Aussi, le
féminin de directeur devient directrice et non directeure.
2 Pour plus de détails voir les 24 articles
disponibles sur le site de l'Office Québécois de la Langue
Française :
http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?Th=1&Th_id=358&niveau=.
10
Les règles de féminisation des noms de
métiers au Québec étant diverses, nous allons commencer
par présenter les noms composés féminins qui prennent
plusieurs formes comme l'indique le tableau ci-dessous :
Tableau : règles de féminisation des noms
composés féminins
|
Masculin
|
Féminin
|
Juxtaposer deux noms en les liant par un trait
d'union
|
un mécanicien- électronicien
|
une mécanicienne- électronicienne
|
Le deuxième nom (épithète)
caractérise le premier à la manière d'un
adjectif
|
un conseiller cadre
|
une conseillère cadre
|
Deux noms sont joints par une
préposition
|
un technicien en radiologie
|
une technicienne en radiologie
|
Un nom et un adjectif
|
un grand pilote
|
une grande pilote
|
Plusieurs combinaisons
|
un président-directeur général
|
une présidente- directrice générale
|
D'autres règles s'ajoutent à ces dernières
:
- telles que celles relatives aux noms français
polysémiques, comme cuisinière qui désigne
à la fois une personne et un appareil électroménager. Il
est concevable au Québec d'inventer et d'intégrer un autre emploi
au nom.
- On peut aussi aborder les noms de métiers au masculin
qui se terminent par la lettre c. Ces derniers, une fois
féminisés, prennent un que en fin de mot comme par exemple un
syndic/ une syndique.
- Si le masculin se termine par é, la
règle appliquée sera l'ajout d'un e muet au féminin. Comme
député/ députée ; employé/
employée.
- Deux possibilités s'offrent aux masculins se
terminant par eur. Ils prennent un e au féminin, donnant soit
eure comme dans professeur/professeure ou
ingénieur/ingénieure, soit euse comme dans
chercheur/ chercheuse ou chauffeur/ chauffeuse.
- Pour les noms masculins qui se terminent par teur,
ils se féminisent en trice comme directeur/directrice,
ou inspecteur/inspectrice.
11
La forme de l'écriture épicène existant
au Québec comme en France, à savoir les noms qui se terminent par
e au masculin n'ont pas de forme féminine. On conserve donc le
même nom quel que soit le sexe. Parmi les noms de métiers
épicène nous pouvons citer diplomate, juge ou encore
pilote.
Pour finir, en français québécois,
l'ajout du mot femme aux noms de métier masculin, comme une
femme médecin, n'est pas conseillé. En effet, le recours
à cet ajout empêche l'emploi d'une forme féminine
proprement dite : il est aisé de féminiser professeur en
professeure, plutôt que d'utiliser femme
professeure.
1.1.2. Le féminin conjugal s'impose à partir
du XVIIe siècle
Tandis qu'au XVIIe siècle, l'usage de la règle
de proximité n'imposait pas au féminin de « s'incliner
» devant le masculin lors de l'accord des genres, l'accord de
proximité disparaît peu à peu entre le XVIIe et le XIXe
siècle au profit du genre masculin qualifié de genre noble
(Nameche, 2018). Le masculin considéré comme neutre l'emporte au
pluriel, et beaucoup de mots utilisés au féminin, comme par
exemple peinteresse, sont condamnés (Viennot, 2014). Ajoutons au nom
peinteresse les noms autrice et écrivaine qui ont été
remis en question dès leur apparition. Le premier a été
accusé de laideur, bien qu'il fasse partie d'une série de noms
qui se terminent par « trice » comme actrice, traductrice ; le second
a donné lieu à la blague suivante de la part de Bertrand
Poirot-Delpech, un journaliste qui devint académicien : « dans le
mot écrivaine, on entend vaine ». Mais, comme le souligne Viennot
(2018, p. 75) « à ce compte-là, dans écrivain, on
entend non seulement vain, mais écrit vain- ce qui est bien pire
».
Cette époque est marquée par
l'implémentation de « normes classiques » qui marquent un
recul de la langue (Paveau, 2002), recul lié à une volonté
de minorer le rôle social de la femme (Wolf-Mandroux, 2019). Ainsi, dans
l'ouvrage Grammaire générale ou exposition raisonnée
des éléments nécessaires du langage (1767), nous
pouvons lire « le masculin est réputé plus noble que le
féminin à cause de la supériorité du mâle sur
la femelle ». La linguistique évolue donc pour refléter
le rôle que la société se fait de la femme. Elle est alors
considérée comme un être faible et inapte à
participer activement au développement de la société. Elle
est dépendante de ses parents jusqu'à ce que cette
dépendance soit transférée à son mari. Il
était effectivement admis que « les femmes restent largement
dominées par les hommes, l'article 213 du Code Civil imposait
l'obéissance de la femme envers son mari » (Wailly, 2004, p.
1). Intellectuellement parlant, la femme était considérée
comme un être
12
ignorant, dépourvue de droits les plus
élémentaires tels que l'éducation. Ce faisant, elle se
trouvait généralement privée du droit de travailler, bien
que quelques exceptions liées à son appartenance à une
classe sociale supérieure soient à noter.
La place des femmes dans la société se
réduisant comme peau de chagrin - elles éduquent les enfants et
sont en charge de la bonne tenue du foyer - la langue du XVIIIe siècle
pose un regard ironique et condescendant sur la féminisation des noms de
métiers (Paveau, 2002). « Ainsi l'épouse se voyait
décerner le titre féminisé de son mari à une
époque où ces professions étaient fermées à
la gent féminine, ce que le linguiste Bernard Cerquiglini appelle le
féminin conjugal (...) » (De Féo, 2018).
Ce tournant linguistique majeur s'opère officiellement
en 1718 avec la publication de la deuxième édition du
Dictionnaire de l'Académie, institution créée en
1634 (et uniquement masculine jusqu'en 1981) dont la mission est de «
conserver et perfectionner la langue française » et de
rédiger le dictionnaire. La féminisation des noms de
métiers est maintenue pour désigner la femme de l'homme
exerçant le métier. Ainsi, dans la 1ère
édition, une ambassadrice désignait une « femme
chargée d'une ambassade » tandis que dans la 2e
édition, une ambassadrice désigne l'épouse d'un
ambassadeur (Wolf-Mandroux, 2019). Ce revirement est lourd de sens. La femme
est de nouveau démunie de tout statut, avec un droit à la
reconnaissance qui n'existe que par le biais d'un homme.
Certains noms de métiers, considérés
comme « non nobles », demeurent pour leur part
féminisés. C'est par exemple le cas de coiffeuse ou de
boulangère qui désigne bien les femmes chargées de coiffer
ou de faire le pain et non pas les épouses de coiffeurs ou de
boulangers. Il en est tout autre pour professeuse ou procureuse qui,
métiers plus nobles, sont féminisés certes, mais pour
désigner la femme d'un professeur ou d'un procureur (De Féo,
2018).
1.1.3. La révolution française : un espoir de
changement de courte durée
Le rapport Talleyrand, qui stipule que les femmes n'ont pas le
droit à l'éducation et que leur rôle se limite à
rester à la maison au service de leur famille, est publié en
1791. Il est intéressant de noter que cette même année
marque la parution de « A Vindication of the Rights of Woman »,
le premier ouvrage prônant l'égalité entre homme et
femme écrit par l'écrivaine et philosophe britannique Mary
Wollstonecraft. En réponse à la dévalorisation du sexe
féminin, Mary Wollstonecraft écrit dans son ouvrage « I
attribute [these problems] to a false
13
system of education, gathered from the books written on
this subject by men, who, considering females rather as women than human
creatures, have been more anxious to make them alluring mistresses than
affectionate wives and rational mothers » (Site de British Library,
1791, p. 1).
Alors même que le rapport Talleyrand vise à
édicter des règles sociétales, des débats sur les
droits de la femme et son émancipation de l'autorité masculine
commencent à agiter l'espace public. En effet, la révolution
française, sans provoquer de changement radical, a permis à la
femme de prouver qu'elle pouvait être au moins égale à
l'homme. Cette évolution du regard que la société posait
sur elle a été rendue possible par les interventions de quelques
philosophes des lumières qui ont remis en question la place de la femme
dans la société. Ainsi « entre 1725 et 1760 une
quantité d'ouvrages favorables aux femmes, véritables apologies
des "mérites des dames" qui provoquaient le sexe masculin en
l'affrontant avec l'autre sexe dans une sorte de duel où qualités
et défauts servaient d'armes. Ces néo-féministes
cartésiens inspirés par Poulain de la Barre attribuaient aux
femmes des vertus indéniables. » (Berg Kyssing, 1985, p.
1).
Diderot, considéré comme un philosophe
féministe, critiqua le statut d'être inférieur de la femme
dans son essai de 1772. Au même titre que Diderot, Nicolas de Condorcet
lutta pour les droits des femmes et l'égalité des sexes. En
effet, « Condorcet est convaincu (il le souligne dans ses
écrits), qu'une société où cette
égalité n'est pas assurée est une société
bancale, qui se prive à terme de progrès et se condamne à
la médiocrité. » (Caritat et al., 1743, p. 20).
Voltaire, quant à lui, féminisa les métiers exercés
par les femmes en écrivant par exemple « filles du Styx,
huissière d'Atropos » (Viennot, 2017, p. 60). Au même
titre que Voltaire, « en 1763, Rousseau écrit à une amie
à propos d'un de ses portrais : « je crois que la peinteresse ne
vous a pas flattée » (Viennot, 2018, p. 54).
Les philosophes des lumières, femmes et hommes, luttent
donc contre toutes sortes de dévalorisations et
non-considérations. Pour exemple, Madame de Beaumer écrit en 1762
« il semble que les hommes aient voulu nous ravir jusqu'aux noms qui
nous sont propres. Je me propose donc, pour nous en venger, de féminiser
tous les mots qui nous conviennent » (Viennot, 2017, p. 55). Bien que
le XVIIIe siècle ait été un siècle de la
révolution, non seulement française mais aussi de la femme, il ne
restera pas dans les mémoires comme le siècle qui a su faire
plier les « normes linguistiques classiques » et ce, malgré le
dépôt d'un
14
projet de loi en 10 articles visant, entre autre, à
abolir la règle selon laquelle le genre masculin équivaut au
genre noble (Rouch, 2018).
Bien que certains philosophes et écrivains luttent pour
la féminisation des noms de métiers dès le XVIIIe
siècle, les grammairiens continuent de préconiser l'emploi du
masculin, considéré comme genre le plus noble. Ainsi, «
dans l'édition de 1847, Bescherelle précisera avec fierté
que la langue française s'est mise en opposition avec toutes les autres
langues, en laissant au masculin tous ces noms auteur, docteur,
géomètre, général, graveur, professeur, philosophe,
poète etc, alors même que ces noms désignent des femmes
» (Viennot, 2018, p. 52).
Il aura fallu cinq siècles à l'académie
française, qui refusa le recourt à l'écriture inclusive et
la féminisation de noms des métiers dès 1689, pour adopter
le 28 février 2019 « à une large majorité un
rapport sur la féminisation des noms de métiers, soulignant qu'il
n'existait aucun obstacle de principe à la féminisation des noms
de métiers et de professions » (Perrin, 2019, p. 1).
1.2. Vers une féminisation de la grammaire
On pourra remarquer avec l'étude faite ci-dessus «
l'imposition » du genre masculin. La forme féminine n'est souvent
signifiée que par un appendice ajouté au mot masculin. Dans la
majeure partie des cas, elle n'a pas une « forme » qui lui est
propre, mais une variante au mot masculin sur lequel elle prend appui. Aussi
peut-on considérer que les carences observées dans les noms de
métiers au profit du masculin se retrouvent aussi dans les règles
grammaticales ? Le masculin l'emporterait-il aussi sur le féminin dans
ce domaine ?
1.2.1. Les règles en écriture inclusive
déjà inclusives
L'écriture inclusive se caractérise par l'accord
de genre qui se résume par la présence d'un « e»
à la fin du participe passé d'un verbe se conjuguant avec
l'auxiliaire « être ». Citons les exemples suivants :
La fille est allée chez le docteur. Ma
nièce est née en octobre. La branche est
tombée.
15
Un « e » est également employé
à la fin d'un participe passé si le verbe se conjugue avec
l'auxiliaire « avoir » mais seulement si le complément d'objet
direct (COD) est placé avant ce verbe.
Exemples :
- J'ai appris la langue anglaise ? Je l'ai apprise.
- Paul a mangé une pomme ? Paul l'a mangée
De même qu'un « e » est ajouté à
la fin d'un adjectif pour marquer le sexe féminin comme dans les
exemples suivants :
- La voiture de mon père est noire.
- Ma meilleure amie est très élégante.
De plus, nous ne pouvons pas traiter les règles de
l'écriture inclusive qui existaient déjà, sans
évoquer les pronoms personnels qui mettent à la fois en valeur le
genre masculin et féminin. Ainsi, on emploie « il » pour
désigner le masculin (ce candidat, il est compétent), et
« elle » pour désigner le féminin (cette
candidate, elle est compétente). Et ces mêmes pronoms
personnels peuvent désigner un emploi neutralisé. En d'autres
termes, ils peuvent renvoyer à un élément neutre (la
table, elle est carrée), ou un emploi dit impersonnel (il pleut, il
faut) (Charaudeau, 2018). Dans ce cas, nous sommes face à la
neutralisation dont l'emploi se manifeste clairement dans les articles et les
déterminants ; plus précisément avec l'article
défini « le » qui désigne à la fois le genre
masculin (le repas est délicieux) et le genre neutre (le plus important
c'est de tenter sa chance). Alors que pour certaines langues, comme l'espagnol
(avec la forme lo) ou le portugais (avec la forme o) le neutre a une forme qui
lui est bien spécifique.
1.2.2. Les règles non inclusives qui font
débat
« En latin et en grec ancien, l'adjectif se
rapportant à des noms de genres différents ne se mettait pas
systématiquement au masculin, comme c'est le cas aujourd'hui en
français. Il s'accordait avec le nom le plus proche. Cet usage dominait
en ancien français et encore au Moyen Age. Au XVIIe et XVIII, il
prévalait toujours » (Roubin, 2017, p. 5). Aussi, en Ancien
français et au Moyen âge l'accord de l'adjectif et du participe
passé se fait avec le nom le plus proche, comme dans les phrases
suivantes :
16
- Mon frère et ma soeur sont belles.
- Ma soeur et mon frère sont beaux.
- Les étudiants et les étudiantes sont
présentes.
Dans la langue française, la règle de
proximité a toujours été remise en question. Aujourd'hui,
cette règle n'est pas appliquée. Ainsi, l'adjectif ou le
participe s'accorde toujours avec le masculin. Ainsi, nous écrivons :
Mon fils et ma fille sont mignons.
1.2.3. Les propositions de neutralisation des genres -
règle « épicène »
L'écriture inclusive demeure un sujet complexe,
acceptée par certains et rejetée par d'autres. Le recourt
à l'écriture épicène et à la neutralisation
est une proposition qui pourrait éventuellement éviter les
obstacles pour désigner le genre. Ce type d'écriture est
constitué de différentes « méthodes ». Pour
identifier les deux genres, nous pouvons notamment trouver dans les
règles épicènes, la formulation collective (terme
générique ou neutre), la forme plurielle, les formes
contractées (trait d'union, point médian ou parenthèse).
On retrouve les trois formes précédemment
énumérées dans les exemples suivants :
- Le personnel de l'hôtel est en réunion.
- Notre service a pour objectif de satisfaire la
clientèle.
- Plusieurs personnes de notre quartier sont en
difficulté.
- Les propriétaires de logement doivent assister à
l'Assemblée Générale ordinaire
- Les candidat-e-s doivent préparer leur discours pour le
débat télévisé.
- Un.e enseignant.e sera présent.e pendant
l'intercours.
- Les étudiant(e)s doivent participer aux élections
des délégué(e)s de classe
L'écriture épicène a ses limites.
L'utilisation de ses différentes formes n'est pas toujours simple, et
encore faut-il que le contexte s'y prête. Un des obstacles est, par
exemple la forme contractée qui consiste à mettre un point
médian ou un trait d'union au sein du mot pour désigner à
la fois les deux sexes. « Cette forme s'emploie quand on veut
alléger le texte en évitant les répétitions et/ou
lorsqu'on a affaire à des mots dont les variantes féminine et
masculine ne diffèrent que légèrement »
(Têtue, 2016). En revanche cette forme peut nuire à la
lisibilité d'un texte car elle ne se prête pas à une
lecture à haute voix. Pour signifier leur
17
non-adhésion à ces méthodes et montrer les
limites de l'exercice, certains poètes comme Jean Grosjean propose de
réécrire le poème « l'Albatros de Baudelaire en
langage épicène.
« Souvent, pour s'amuser, les femmes ou hommes
d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiselles.seaux des mers, Qui
suivent, indolent.e.s compagn.e.on.s de voyage, Le navire glissant sur les
gouffres amers.
À peine les ont-ils déposé.e.s sur les
planches,
Que ces reines ou rois de l'azur, maladroit.e.s et
honteu.se.s.x, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté
d'eux.
Ce.tte
voyageu.se.r ailé.e,
comme elle ou il est gauche et veule !
Elle ou lui, naguère si belle ou beau, qu'elle ou il
est comique et laid.e ! L'une ou l'un agace son bec avec un
brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, la personne à
mobilité réduite qui volait !
La poétesse ou le Poète est semblable à
la princesse ou au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'arche.è.r.e
; Exilé.e sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant.e l'empêchent de marcher
».
(Grosjean, 2018)
18
II. Analyse de la féminisation de la langue dans
le discours politique contemporain
Le corpus de ce mémoire regroupe un ensemble de
discours politiques, en d'autres termes, des textes écrits en vue
d'être prononcés oralement devant un public. Nous allons les
décrire, les présenter et les analyser, en particulier sous
l'aspect de l'écriture inclusive.
Cette partie de notre travail visera à analyser
quelques discours politiques des présidents Emmanuel Macron,
François Hollande, et Jacques Chirac,
Initialement, nous avions choisi d'étudier les trois
derniers présidents de la République, à savoir Emmanuel
Macron, François Hollande et Nicolas Sarkozy. Nous avons finalement
choisi d'écarter Nicolas Sarkozy au profit de Jacques Chirac, car
après analyse, l'étude des discours de Nicolas Sarkozy ne nous
semblait pas pertinente. En effet, ce dernier n'est pas connu pour être
un défenseur de l'égalité des sexes. Comme le souligne
Brigaudeau (2012) « il n'est pas dit un mot de la parité ou de
l'égalité des droits hommes-femmes dans le bilan du quinquennat.
Pas une mention dans le dossier consacré à
l'égalité des chances et la lutte contre les discriminations
». Au vu du recul de l'égalité homme-femme
observé à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy, il est
logique qu'il n'ait pas souhaité s'appesantir sur le sujet. Pourquoi un
tel recul ? En premier lieu, cela s'explique par un
désintérêt du président pour le sujet.
Désintérêt assumé dès sa candidature
puisqu'il n'a pas répondu à l'appel d'associations
féministes l'invitant à exposer son programme en matière
d'égalité des sexes. Seule l'égalité salariale
semble avoir retenu son attention sans pour autant avoir conduit le projet
à terme en prenant des mesures concrètes. Dès lors,
« Cinq ans plus tard, les femmes touchent au total un salaire
inférieur de 27% à celui des hommes selon l'Observatoire des
inégalités » (Brigaudeau, 2012). En second lieu, deux
décisions politiques ont conduit à un recul de
l'égalité des sexes : « la réforme des retraites,
dont on sait qu'elle pénalise particulièrement les femmes ;
d'autre part la réforme de l'hôpital public, qui a provoqué
la fermeture de dizaines de centres IVG, ce qui fait de la France un pays
où le droit à l'avortement est menacé »
(Beatrcegamba, 2012).
Tous ces éléments nous ont conduit à
retirer Nicolas Sarkozy de notre panel d'étude. Nous avons choisi
Jacques Chirac, choix qui nous semblait intéressant car il nous
permettait d'aborder l'impact des différences
générationnelles sur les discours présidentiels. La
19
présidence de Jacques Chirac, de 1995 à 2007, se
situe à une époque où la place de la femme dans la
société était moins « polémique »
qu'à notre époque contemporaine.
On va analyser quelques discours de ces présidents afin
de montrer l'importance et l'influence de ce type de discours sur les
individus. « Le discours politique s'est très souvent
prêté à l'analyse de discours, car c'est un domaine de
construction de sens qui se fonde sur un certain équilibre entre une
structuration visant à produire un discours d'influence et des
conditions de production généralement bien définies.
» (Delmas, 2012, p.104). Pour rejoindre les propos de Virginie Delmas, on
peut ajouter que la parole est omniprésente dans notre
société actuelle, et le pouvoir des mots continue de fasciner. Le
discours tient sa force dans la situation d'énonciation : voix, regard,
rythme, posture, dont l'objectif à produire des effets persuasifs sur
ses destinataires. La structuration des arguments est faite de manière
rapide et directe. La parole étant accessible à tout le monde, le
discours est un moyen d'agir rapidement. De plus, préparé ou non,
il donne un sentiment de spontanéité qui confère à
l'orateur une certaine sincérité. Selon la définition
d'Aristote, « la rhétorique repose sur trois outils : le pathos
(les émotions), le logos (la logique, les arguments rationnels) et
l'ethos (la crédibilité de l'orateur) ? l'auditoire se sent
concerné : variété et force d'émotions
suscitées par la mise en scène de la parole (rire, larme, inciter
à la haine). (...) Il lui donne le sentiment et la vérité.
» (Thuillier, 2014).
Dans une société où les médias ont
une place prépondérante, la parole est un outil de communication
primordial. Pour convaincre un auditoire, les hommes politiques en ont
parfaitement assimilé l'importance. Face à l'impact
indéniable de la langue sur l'interlocuteur, nombreux sont les hommes
politiques à avoir vu l'intérêt que peut représenter
l'écriture inclusive dans leurs discours. Ce fut le cas du
Général de Gaulle avec son célèbre «
Françaises, français ! » dans son discours du 22
avril 1961. Le discours de « l'émetteur » face à un
public mixte, femmes et hommes, doit pouvoir être entendu par « ses
récepteurs » ; de cette manière, le locuteur pourra plus
facilement faire entendre et exprimer ses intentions et ses choix. Dans ce
même sens, l'objectif d'Arlette Laguiller par ses discours
commençant par « Travailleuses, Travailleurs » est de
s'adresser aux femmes et aux hommes, sans exception. Mais le fait
d'intégrer le sexe féminin dans un discours peut être sujet
de discorde. L'épisode à l'Assemblé National du
député Julien Robert qui refusera de dire « Madame la
présidente » en s'adressant à la présidente de
séance la députée Sandrine Mazetier, est un exemple
concret du malaise encore présent dans la sphère politique. Le
député Julien Robert se défendra en disant «
madame le président moi j'applique les règles de
l'Académie
20
Française ». Malaise d'autant plus
important quand il s'agit de féminiser le nom d'une fonction.
2.1. Les
caractéristiques d'un discours politique
2.1.1. Discours de la compétence et de
l'autorité
Il est destiné à convaincre et persuader
l'interlocuteur en employant des mots « savants, sages et raisonnables
» traitants de sujets sérieux et annonçant des
problèmes graves pour proposer par la suite des solutions
compétentes qui attirent un électorat éventuel. L'objectif
du locuteur étant d'avoir une influence sur le destinataire. «
Le regard et la parole sont cliniques et disposent de la
légitimité de l'autorité officielle. Il s'agit d'un
discours de pouvoir mais surtout de pouvoir responsable il dénonce les
dangers et annonce aussitôt son action immédiate. »
(Gobin, 2011, p.3).
2.1.2. Discours populaire
« Le discours de gouvernement est un discours de
propagande de type particulier, il se doit d'être plus feutré,
arrondis aux angles afin de ratisser large et s'assurer que son soutien reste
majoritaire car il est jugé non plus seulement sur des paroles mais
aussi sur des actes » (Gobin, 2011). C'est un discours qui s'adresse
à toute la population, aussi bien aux femmes qu'aux hommes, il s'adresse
à toutes les classes sociales, et à toutes les catégories,
et a pour seul objectif de convaincre le destinataire et gagner sa
confiance.
2.1.3. Quelle place pour les femmes dans la vie politique
?
Pour mieux comprendre la place faite aux femmes dans la vie
politique, retraçons en quelques lignes leur droit de vote dans
l'Histoire. Si l'on regarde plus en arrière, le droit de vote
était équivalent pour les hommes et les femmes, et ce jusqu'en
1789. C'est la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1789 qui
a instauré « un universalisme unisexué ne s'appliquant
qu'à la moitié masculine de la population »,
déclarait Réjane Sénac chargée de recherche
CNRS - tiré de l'article « 70 ans après le droit de vote
des femmes, 2014 ». Cette DUDH permettait d'exclure les femmes
propriétaires de domaines, et ainsi d'être tenues de se faire
représenter par des hommes. La Constitution de 1791 (qui va dans le sens
d'une exclusion des femmes du gouvernement et de toute représentation
à l'Assemblée Nationale) aboutira à une seconde exclusion,
et une troisième par la Convention nationale de 1793
21
(abolition et interdiction des clubs féminins par la
loi). Dès lors les femmes passent au statut de mineures, sous la
domination des hommes, incapables d'apporter « la modération de
langage et la netteté des conceptions, qui sont indispensables dans les
usages parlementaires » (Morlot, 1884,).
La France sera longtemps en retard dans ce combat pour
l'égalité des votes. La Nouvelle-Zélande sera le premier
pays à accorder le droit de vote aux femmes en 1893. Il sera
accordé aux Anglaises, aux Suédoises, aux Polonaises et aux
Allemandes en 1918. En 1919 pour les Etats-Unis (au niveau
Fédéral), la Tchécoslovaquie et l'Autriche ; et en 1935
pour la Turquie. Il faudra attendre le 21 avril 1944, pour que le
général De Gaulle signe l'ordonnance qui dispose dans son article
17 que « les femmes sont électrices et éligibles dans
les mêmes conditions que les hommes ». Les femmes
françaises, après un long combat pour devenir des citoyennes
à part entière, obtiennent enfin le droit de voter.
2.1.4. L'évolution du vote féminin
Le 21 avril 1945 les femmes votent pour la première
fois et de manière massive. Apres ce premier enthousiasme vers les
urnes, l'écart de participation se creuse. Bien que les raisons soient
multiples (temps d'adaptation, choix des candidats, ...), il n'en
résulte pas moins qu'en avril 1953, 25% des femmes reconnaissent ne pas
avoir participé aux votes, contre 13% des hommes. Il faudra attendre les
élections présidentielles de 1969 pour voir un taux de
participation des femmes supérieur à celui des hommes. Et enfin
il faudra attendre les années 80 pour que le chemin des urnes se fasse
de manière plus spontanée chez les femmes, et que l'alignement
des comportements entre les deux sexes se réalise. Depuis, les
comportements face aux urnes ne relèvent plus d'un comportement
particulier, mais devient homogène entre les femmes et les hommes. De
plus les études montrent une symétrie entre l'électorat
féminin et masculin dont le choix du vote est difficilement lié
au sexe de l'un ou de l'autre. L'orientation des votes est dès lors
très proche.
2.1.5. Quid de « Un jour où la moitié de
la France a rejoint l'autre moitié » ?
Pour reprendre la formulation citée en amont concernant
le discours populaire, « c'est un discours qui s'adresse à
toute la population, aussi bien aux femmes qu'aux hommes, il s'adresse à
toutes les classes sociales ». Le discours politique rentre-t-il dans
cette catégorie ? S'adresse-t-il aussi bien aux femmes qu'aux hommes
dans la pratique comme dans la théorie ? Avant de répondre
à cette question il conviendrait de s'arrêter sur quelques
chiffres ;
22
celui de la moyenne de la population « votante » et
des inscrits sur les listes électorales, par sexe, et de voir la place
accordée aux femmes dans la vie politique depuis ces dernières
années.
En Avril 2019, la France compte une population totale
d'environ 65 millions de français. Les femmes représentent plus
de la moitié de cette population : 51.6 %. Elles représentent par
ailleurs 52 % des 44.6 millions d'électeurs inscrits sur les principales
listes électorales. De fait, les femmes peuvent avoir un poids
indéniable dans le résultat des votes.
Cette répartition est visible dans les tableaux suivants
:
Tableau : Moyenne population votante et électeurs
inscrits entre 18 ans et 90+ (en millions)3
Ensemble de la population votante (en
millions)
|
50,5
|
Nombre d'hommes (en millions)
|
24,4
|
Ensemble de la population masculine votante (en
pourcentage)
|
48,2
|
Nombre de femmes (en millions)
|
26,2
|
Ensemble de la population féminine votante (en
pourcentage)
|
51,8
|
Electeurs inscrits sur liste principale (en
millions)
|
44,5
|
Nombre d'hommes (en millions)
|
21,3
|
Population masculine sur l'ensemble des inscrits (en
pourcentage)
|
47,9
|
Nombre de femmes (en millions)
|
23,2
|
Population féminine sur l'ensemble des inscrits
(en pourcentage)
|
52
|
2.2. Analyse des discours des candidats à
l'élection présidentielle
Devenir Président de la République
française est l'ambition de beaucoup de politiciens et politiciennes.
L'ambition est grande et loin d'être à la portée de tous.
De ce fait, le discours politique est d'autant plus compliqué que son
influence doit être la plus importante possible sur le plus grand nombre
d'interlocuteurs. Il doit toucher les différentes catégories
sociales, avec leur différence d'âge, de sexe, de croyance, de
niveau et statut social. Cependant, dans
3 Source : Insee, estimations de
population - enquête annuelle de recensement ; Répertoire
électoral unique - électeurs inscrits sur les listes principales
communales au 14 avril 2019.
23
cette partie du mémoire, nous étudierons les
discours politiques en analysant uniquement l'importance de la place qu'il
accorde au sexe féminin.
Le Président François Hollande dira à la
cérémonie du 16 avril 2012 : « Nous sommes ici pour
célébrer une journée décisive de l'histoire de
notre pays. Un jour où la moitié de la France a rejoint l'autre
moitié pour exercer ses droits ». Ce ratio presque à
l'équilibre entre femmes et hommes ne date bien entendu pas de 2012. Les
proportions sont constantes depuis plusieurs décennies.
Le nombre que représentent les femmes sur l'ensemble de
la population « votante » et sur l'ensemble des électeurs
(trices) est un poids de taille. De même, il résultera de
l'évolution du vote féminin que la classe politique ne pourra,
dorénavant, sans doute plus composer sans celui-ci. Si tel est le cas,
cela devrait transpirer dans les discours des candidats. Qu'en est-il ? Pour
tenter de répondre à cette question, nous allons analyser les
discours politiques de certains présidents à travers le prisme de
la féminisation de la langue. Les discours seront ceux de l'actuel
Président de la République Emmanuel Macron, et de deux de ses
prédécesseurs, François Hollande et Jacques Chirac.
Il est à noter qu'en fin de paraphe de chacun des
présidents, nous mettrons en exergue dans un tableau les termes les plus
utilisés, ainsi que leur fréquence. Ce chiffrage sera pour nous
un indicateur intéressant afin d'évaluer si la
féminisation de la langue est un fait avéré.
2.2.1. Emmanuel Macron
Dans un premier temps nous analyserons les discours du
candidat Macron, puis dans un second temps, du président Macron. Nous
examinerons la place du genre masculin/féminin, avec une analyse des
influences psychologiques, familiales et historiques.
Emmanuel Macron est le huitième Président de la
Ve République française. Il a fait plusieurs discours
politiques avant sa présidence dans plusieurs régions de France.
Ses discours l'ont-ils conduit à la victoire grâce à une
formulation plus féministe ? En ce qui concerne notre recherche, nous
pouvons commencer par interroger le féminisme d'Emmanuel Macron. Ce
dernier a affirmée en décembre 2016 au Women's Forum of the
Economy & Society « I am a feminist ». Cette affirmation nous
incite à regarder de plus près ses discours.
24
? Discours du 10 décembre 2016
Il s'agit du premier discours prononcé par Emmanuel
Macron à Paris (porte de Versailles) en tant que candidat à la
présidentielle. C'est un discours décisif pour nous permettre
d'appréhender la stratégie du candidat quant à la
féminisation de ses discours.
Dans ce discours du 10 décembre 2016, le candidat aux
élections présidentielles féminise effectivement la
langue, en disant « près de 6 millions de Françaises et
de Français qui connaissent une des formes de chômage » ;
« toutes celles et ceux qui aujourd'hui font des promesses formidables
n'expliquent jamais à qui on demande des efforts ». Bien que
Macron utilise l'écriture inclusive dans ses discours, il est
intéressant de noter qu'il exclue parfois la population féminine
en ne s'adressant qu'aux hommes, comme lorsqu'il déclare par exemple
« Nous réduirons ainsi les contraintes sans réduire en
rien les droits et les libertés de nos concitoyens », « Et
pour protéger les Français, nous aurons un deuxième
bouclier, le bouclier social, dont ils ont besoin. ». Macron semble
éviter de féminiser certains passages de son discours lorsqu'il
traite de sujets essentiels, comme les libertés ou les droits sociaux.
Peut-être est-ce dans un souci de leur conférer un aspect de
vérité générale. Il utilise
également
une tournure de phrase où le sexe féminin n'est
évoqué qu'en fin de phrase : « Cela veut dire
que pour tous les salariés, tous les
fonctionnaires, tous les indépendants de notre pays, toutes celles et
ceux qui travaillent, le salaire net pour tous augmentera ». Son
positionnement n'est donc pas si clair. Il est en effet difficile de dire que
le candidat a recours à l'écriture inclusive dans la mesure
où son discours n'est pas entièrement féminisé.
Cela nous conduit à nous poser deux questions fondamentales : Macron
va-t-il continuer à utiliser un certain degré d'écriture
inclusive dans ses discours de Président ? Si tel est le cas, quelles
sont les raisons qui le poussent vers cette féminisation ?
? Discours du 15 mai 2017
En analysant son discours du 15 mai 2017, nous constatons que
le terme « les français » a été utilisé
quinze fois, alors que « les françaises et les français
» n'a été employé que six fois. Il en est de
même pour l'emploi de « les citoyens ». Ce terme est revenu
deux fois dans ce même discours, alors que le terme « les citoyennes
» en était absent. Est-ce que cela signifie qu'il n'accorde pas la
même importance aux femmes qu'aux hommes ? Ne sautons pas aux
conclusions. En effet, l'emploi d'une formulation impersonnelle vise
certainement à renvoyer à tous les individus et non pas à
un genre en particulier. En disant tout simplement « les Français
», il s'adresse à tout le peuple français. Il est difficile
de parler de discrimination de
25
genre lorsqu'un locuteur applique des formulations
appelées « règles de bon usage ».
On remarque néanmoins que les discours d'Emmanuel
Macron, avant et après sa présidence, n'ont pas beaucoup
changé en termes d'écriture inclusive. En effet la
majorité des mots féminisés sont marqués par
l'ajout du « e », comme dans « français, française
» ou encore « chacun, chacune ». C'est cette règle qui
est principalement employée. Mais il s'adresse surtout au peuple
français sans chercher spécialement à orienter son
discours vers la population féminine ou masculine.
? Discours du 25 novembre 2017
Le discours du 25 novembre 2017 ne peut s'analyser sans avoir
à l'esprit le contexte historique dans lequel il s'inscrit. En effet,
à l'automne 2017 des manifestations féministes ont eu lieu dans
plusieurs grandes villes de France (Paris, Marseille, Toulouse, Lille...). Cela
représentait une des plus grandes « révolutions »
féministes en France. Elles réunissaient hommes et femmes qui
revendiquaient la non-violence contre les femmes et l'égalité des
sexes, en scandant « Ras le viol ! ». « Des dizaines de
milliers de femmes et d'hommes, selon les organisatrices, sont descendus dans
la rue samedi à l'appel du mouvement citoyen #NousToutes. Le
collectif voulait un « raz-de-marée féministe » contre
les violences sexistes et sexuelles, un an après le début de la
vague MeToo... » pouvait-on lire dans la presse (Fabi, 2018).
Ces manifestations inattendues ont pu inciter Emanuel Macron à
utiliser dans ce discours l'écriture inclusive de manière
beaucoup plus appuyée.
Après ces protestations de 2017, et à l'occasion
de la journée internationale pour l'élimination de la violence
à l'égard des femmes, Le Président de la République
a énoncé ce discours majoritairement féministe,
adressé au peuple français devant lequel il entend
défendre les droits de « chaque femme de la République
». C'était un discours long d'une quinzaine de pages,
expliquant la bataille qu'il compte mener avec son gouvernement contre les
inégalités existantes entre les femmes et les hommes, et
exprimant son indignation à travers des phrases telles que : «
...une honte civique et politique, une honte nationale car la
République en échouant à éradiquer ces violences, a
échoué dans sa vocation même qui est celle
d'éduquer, de civiliser, de protéger et ce discours de
dignité, d'égalité de droits, de justice, de respect que
la République ...» ou encore : «...Ce qu'ils mesurent
mal aussi, c'est que cette vague de libération de la parole dit de notre
société ; qu'elle est une société encore
culturellement empreinte de sexisme...»
26
Ce discours est de loin le plus féministe. Il
débute par « Mesdames, Messieurs les Ministres, Mesdames,
Messieurs les Parlementaires, Mesdames, Messieurs, ». Ainsi, Emmanuel
Macron applique la règle qui consiste à indiquer ce qui est
féminin par un nom féminin (mesdames) et ce qui est masculin par
un nom masculin (messieurs), et de manière répétitive. Par
cette distinction très marquée on peut constater qu'il accorde
délibérément beaucoup d'importance à citer les deux
genres. Il délaisse volontairement une formulation
générale pour s'adresser au peuple français, en adoptant
une formulation plus ciblée, plus inclusive, en employant autant le
genre masculin que féminin.
Le substantif « femme » a été
employé quatre-vingt-deux fois dans ce discours. L'emploi très
fréquent de ce mot avait pour but de mettre en valeur le sexe
féminin et de ne pas perdre à l'esprit l'objectif du texte,
à savoir le défendre. C'est un moyen aussi de donner plus de
poids au mot « femme » ainsi qu'à la réalité
à laquelle il se rapporte. Le mot se transforme ainsi en un outil
efficace pour influencer son interlocuteur, et pour aider à
véhiculer une pensée.
Dans ce discours de 2017, on remarque aussi la présence
de plusieurs règles d'écriture inclusive, ce qui comme dit
précédemment n'est pas systématique dans les discours
d'Emmanuel Macron. Ces règles sont présentes tout le long du
discours de quinze pages. En effet, le locuteur a souvent recourt à
l'emploi de pronom personnel « elle » ou « elles » pour
montrer qu'il s'adresse directement et principalement aux femmes ; pour leur
montrer aussi sa forte implication et qu'il est sensible à leur
situation. On remarque aussi l'emploi régulier des pronoms
démonstratifs « celle » et « celles » pour continuer
à désigner un sujet féminin sans tomber dans la
répétition. Ajoutons à ces deux règles, celle de
l'accord du participe passé avec le sujet féminin comme dans la
phrase suivante « En Région Ile-de-France, des femmes qui
avaient été interrogées sous couvert d'anonymat... ».
Ou encore de l'accord de l'adjectif avec le sujet comme « ces
femmes battues, violées et tuées... » ; cette
règle consistant à ajouter un « e », marqueur du
féminin, à la fin d'un participe passé ou à la fin
d'un adjectif.
De plus, il faut se rappeler qu'en 2017 l'Académie
Française n'a pas encore adopté et encore moins accepté la
féminisation des noms de métiers. Cependant le Président
de la République n'hésite pas dans son texte à
féminiser certains noms de métiers, comme dans les phrases
suivantes « je vous en remercie Madame la Présidente » ;
« Vous avez commencé, Madame la Ministre, à vous engager sur
ce point » ; « Je sais votre sensibilité là aussi
Madame la Ministre ». Cette féminisation des noms de
métiers montre qu'Emmanuel Macron adhère à cette
évolution de la langue. Son recourt à l'écriture inclusive
dans son discours politique est une affirmation de son féminisme. Ce
féminisme qui était visible tout au long de son discours
27
par son refus et son rejet d'une attitude sexiste de la
société, et son appel à oeuvrer contre : « nous
créerons aussi le délit d'outrage sexiste qui sera verbalisable
immédiatement pour un montant dissuasif. » ou encore
« nous allons renforcer l'intervention de l'Inspection du travail en
matière de lutte contre les violences sexuelles et sexistes ».
Dans son discours, il s'engage même à intégrer dans le
programme scolaire la lutte contre le sexisme « Dès 2018, dans
toutes les écoles du service public, un module d'enseignement
consacré à la prévention et à la lutte contre le
sexisme ».
Regardons ce qui peut expliquer « le féminisme
» d'Emmanuel Macron. Une des pierres angulaires sera ce qu'on appelle
l'aspect personnel et familial. En premier lieu on peut évoquer sa
relation avec sa femme, Brigitte Macron dont l'influence est reconnue et
revendiquée par son époux. Elle est décrite comme
étant une femme intelligente, forte, courageuse, et d'un appui
indéfectible. Elle s'implique même dans la relecture et l'analyse
de ses discours. Reconnaissance qu'Emmanuel Macron exprimera très vite
en ces termes : « Aux miens, je veux dire merci. A toute ma famille et
à Brigitte, toujours présente et encore d'avantage, sans laquelle
je ne serais pas moi ». On peut naturellement penser qu'une femme
professeure, une femme de caractère, une femme féministe ne peut
créer des liens étroits avec
un homme que s'il est lui-même féministe. Sa
grand-mère maternelle, Germaine Noguès a
aussi eu une grande influence sur lui. C'est avec elle qu'il a
grandi et a pu mesurer la place, la valeur et l'importance de la femme, et non
seulement dans la vie quotidienne, mais aussi sûrement, par extension,
dans la langue.
Selon le psychanalyste Serge Hefez, pour comprendre la
psychologie d'Emmanuel Macron il faut revenir à sa personnalité
dès son enfance : "Quand on voit le rapport qu'il a eu avec sa
grand-mère, puis celui avec celle qui allait devenir sa femme, on
comprend qu'il a toujours eu le besoin absolu de séduire, de montrer
combien il est extraordinaire. C'est le premier de la classe, l'enfant roi, et
ça lui colle à la peau. Ça le met dans une
proximité avec tous ». (Hefez, 2019) Il est probable que cet
environnement féminin dans lequel il a grandi et évolué
ait beaucoup contribué à son adhésion au courant
féministe.
Pour ce qui est de l'aspect psychologique il est important de
noter qu'Emmanuel Macron est jusqu'à ce jour le plus jeune
président de la République Française, ce qui a pu
être pour lui source de crainte quant à la grande
responsabilité qui l'attendait. Ce sentiment d'obligation d'être
à la hauteur, comme tout président certes, mais plus encore du
fait de sa jeune expérience dans un monde politique qui ne pardonne
rien, face à des citoyens et des citoyennes qui attendent de lui de
trouver leur place dans la société ; et pour ces
dernières
28
cette place se situe aussi dans la langue française.
Raison pour laquelle, profitant de la fraicheur de ses idées, il n'a pas
hésité à « rétablir » dans ses discours
la place de la femme dans la langue.
? Ses engagements en quelques chiffres :
? Primo-nomination4 :
- En 2017, les femmes représentent 49% des
primo-nominations dans les emplois de l'encadrement supérieur et
dirigeant de la fonction publique hospitalière. Elles
représentent 36% des primo-nominé.e.s de la fonction publique de
l'Etat et 34% des primo-nominé.e.s de la fonction publique territoriale.
L'obligation légale est de 40%.
? Représentation féminine en 2019 dans les
institutions de la culture et de la communication5 :
- 80% des PDG de l'audiovisuel public,
- 35% des directeur.rice.s des labels conventionnés de
création artistique,
- 33% des directeur.rice.s du ministère de la Culture,
- 33% des présidences exécutives et des
directions des établissements publics de la culture et de la
communication,
- Et 11% des PDG ou DG des 100 plus grandes entreprises
cultures.
? Conseils d'administration :
- 42,5% de femmes étaient administratrices dans les
entreprises du CAC40 en 2018 (contre 38% en 2016 et 30% en
2014)6.
- 38,4% des femmes étaient administratrices dans les
entreprises du SBF120 en 2016 (contre 33,7% en 2015, 30,5% en 2014 et 27,3% en
2013)7
.
? Parité à l'Assemblée nationale et au
Sénat8 :
4 Source : Bilan de la mise en oeuvre du
dispositif des nominations équilibrées au cours de l'année
2017, Rapport 2018. Publié en février 2019.
5 Source : Département des études, de la
prospective et des statistiques, Observatoire de l'égalité entre
les femmes et les hommes dans la culture et la communication 2019,
Ministère de la Culture, mars 2019.
6 Source : CAC40, Baromètre IFA - Ethics &
Boards de la Composition des conseils, juin 2018
7 Source : SBF120, Palmarès IFA Ethics
& Boards de la composition des conseils, février 2017
8 Source : Insee - (c) Observatoire des
inégalités
29
- L'Assemblée nationale élue le 18 juin 2017
comprend 38,7 % de femmes. Il y a vingt ans, elle ne comptait que 11 % de
femmes (et 6 % au Sénat).
Au regard de ces discours, Emmanuel Macron n'est pas le plus
adepte de la féminisation de la langue. Son discours le plus
féministe est celui de l'automne 2017 suite aux manifestations
féministes. Ce fut un discours de circonstance donné à un
moment où il se savait attendu et regardé. Cela se transcrit de
manière très visible dans les comparatifs ci-dessous. Ses
engagements en faveur des femmes transparaissent bien plus dans ses actions que
dans ses
discours, tel qu'on peut le voir à travers les chiffres
et tableaux ci-dessus.
29
? Comparatif des termes employés et leur
fréquence :
Tableau : comparatif des mots féminins/masculins
entre les quatre discours
Noms féminins
|
10/12/16 Nb de fois
|
15/05/17 Nb de fois
|
25/11/17 Nb de fois
|
Noms masculins
|
10/12/16 Nb de fois
|
15/05/17 Nb de fois
|
25/11/17 Nb de fois
|
Mesdames
|
0
|
2
|
3
|
Messieurs
|
0
|
2
|
3
|
Citoyennes
|
0
|
0
|
1
|
Citoyens /
concitoyens
|
11
|
1
|
6
|
Françaises
|
12
|
12
|
2
|
Français
|
27
|
22
|
1
|
Elues
|
0
|
0
|
0
|
Elus
|
2
|
0
|
0
|
Jeunes filles / Femmes
|
10
|
0
|
161
|
Jeunes /
hommes
|
10
|
0
|
43
|
Elles
|
0
|
0
|
28
|
Ils
|
26
|
6
|
17
|
Celles
|
9
|
0
|
1
|
Ceux
|
15
|
0
|
7
|
Chacune
|
7
|
0
|
1
|
Chacun
|
13
|
1
|
2
|
Toutes
|
10
|
1
|
4
|
Tous
|
26
|
4
|
13
|
Toutes et
tous
|
4
|
0
|
0
|
Tous et toutes
|
2
|
0
|
0
|
Féminisme
|
0
|
0
|
0
|
Compatriotes
|
0
|
2
|
0
|
Féministe
|
0
|
0
|
0
|
|
|
|
|
Parité
|
0
|
0
|
0
|
|
|
|
|
Egalité
|
4
|
1
|
23
|
|
|
|
|
Inégalité
|
1
|
0
|
5
|
|
|
|
|
Victime(s)
|
0
|
0
|
29
|
|
|
|
|
Aucune forme épicène n'a été
employée
30
Tableau : comparatif des pronoms personnels «
implicatifs » entre les quatre discours :
Pronoms personnels
|
|
10/12/16 Nb de fois
|
|
15/05/17 Nb de fois
|
|
25/11/17 Nb de fois
|
Je
|
128
|
|
15
|
|
60
|
|
Nous
|
187
|
|
28
|
|
85
|
|
Vous
|
69
|
|
2
|
|
42
|
|
Ce tableau est très significatif du point de vue de
l'engagement personnel du locuteur. En effet, Emmanuel Macron s'engage en tant
que Président de la France envers les femmes et les hommes de ce pays.
C'est pourquoi, étudier le nombre de fois où il a utilisé
les pronoms personnels « je » et « nous » semble important.
La diminution drastique de leurs occurrences peut signaler une diminution de
l'implication du président.
L'utilisation du pronom personnel « vous » à
de nombreuses reprises, indique quant à elle une volonté forte de
président d'encourager l'implication du peuple français.
2.2.2 François Hollande
François Hollande est le VIIIe
Président de la Ve République. Son mandat
présidentiel débute le 15 mai 2012 et s'achève le 14 mai
2017. François Hollande a montré son engagement au sujet de
l'égalité femme-homme quand il était candidat aux
présidentielles. En effet, il a exprimé de manière
très marquée son inquiétude quant à la situation de
la femme dans la société. De même, il a affiché son
refus du rejet et de la marginalisation du sexe féminin de la vie
professionnelle. François Hollande fut parmi les présidents qui
se sont le plus impliqués dans les droits de la femme en s'engageant
à amorcer un réel changement.
Cet engagement et ce souhait de bouleverser et
d'améliorer la place de la femme dans la société sont
« visibles » dans ses discours en tant que candidat aux
élections présidentielles. En effet, le 13 avril 2012, quelques
jours avant le premier tour des élections présidentielles,
François Hollande prononce un discours qui met très fortement
l'accent sur son inquiétude quant à la place des femmes dans la
société, et qui affiche un soutien certain pour lutter contre les
injustices subies par les femmes. Il dira : « Je partage les
inquiétudes des citoyennes et
31
citoyens face aux reculs des droits des femmes en France,
en Europe et dans le monde » (Hollande, 2012, p.2), et confirme par
là même sa volonté de faire de la France un pays qui
valorise les droits de l'Homme et précisément ceux de la femme en
tant qu'être humain égal à l'homme. Ainsi
l'égalité des sexes semble être un sujet majeur parmi ses
préoccupations. Cette lutte est pour lui un pas essentiel vers le
progrès et le développement. Il ajoute : « Notre pays ne
progressera pas si plus de la moitié de la société
continue à être discriminée et freinée dans sa lutte
pour l'émancipation.», « L'égalité entre les
personnes est la garantie de la liberté, de l'émancipation
individuelle, et du progrès collectif. » (Hollande, 2012,
p.2),
L'engagement de François Hollande à travers ce
discours est flagrant ; un engagement très visible par l'emploi
fréquent du pronom personnel « je » qui dénote «
un sujet source et maitre » de son dire (Revuz Authier, 1984,
p.98) De même le recours au « je » dans un discours indique
l'implication de la personne dans les promesses avancées : « La
politique que je souhaite mener en faveur de l'égalité
femmes-hommes aura pour objectif d'améliorer les conditions de vie des
femmes de notre pays, de changer les rapports de genre vers davantage
d'égalité, de liberté et d'émancipation ».
On peut néanmoins deviner que deux approches sont possibles face
à cet emploi répété du pronom personnel « je
» ; soit l'objectif du locuteur est de persuader son interlocuteur dans le
but de gagner plus de voix, soit il s'implique vraiment dans le(s) sujet(s)
avancé(s).
Le terme « égalité » n'est pas en
reste. Il est employé trente fois ; une manière d'insister sur
l'intérêt qu'il porte à cette valeur fondamentale.
Mais ses discours sont-ils tous féminisés ? Si oui,
le degré de féminisation est-il constant ?
? Discours du 08 mars 2012 - Journée Internationale des
Femmes - François Hollande candidat
Le discours est écrit pour l'occasion de la
Journée Internationale des Femmes. Il a une charge émotionnelle
et symbolique très forte. Il est très palpable qu'il adresse ses
paroles et ses pensées principalement aux femmes. Il cible clairement la
population féminine en exprimant à plusieurs reprises sa
solidarité, et en évoquant les nombreux projets qu'il leur a
destinés. Il l'annonce d'ailleurs sans ambiguïté en
répétant à quatre reprises l'expression « je
m'adresse aux femmes », accentué par un « je veux
saluer les femmes », « je veux saluer toutes les
élues de France ». Le début même du discours
s'annonce très féministe. En effet, François Hollande
témoigne très rapidement au début de son discours, puis
tout le long, de sa gratitude
32
envers des personnalités publiques, certaines issues de
son entourage politique proche, et d'autres parce qu'elles ont tout simplement
oeuvré à combattre les inégalités. Reprenons les
noms cités : Hélène Mandroux, Martine Aubry, Adeline
Hazan, Nicole Mendez, Marie Gouze (dite Olympe de Gouges), Flora Tristan,
Louise Michel, Léon Blum, François Mitterrand, Yvette Roudy,
Lionel Jospin, général de Gaulle, Simone Veil, Edith Cresson,
Ségolène Royal, Shirin Ebadi, Aung San Suu Kyi, Marie Curie. 14
femmes pour 4 hommes ! Aucun discours politique n'avait placé autant de
femmes au-devant de la scène.
Assez rapidement il va adresser son discours à toutes
les femmes : « Je m'adresse aux femmes, et notamment à celles
qui se dévouent pour le bien commun, à ces infirmières,
à ces aides-soignantes, à ces auxiliaires de vie, qui nous
permettent d'être mieux soignés. Je m'adresse à ces
caissières de la grande distribution, à ces employées de
commerce, à ces employées administratives, celles qui nous
reçoivent, celles qui nous accueillent, qui nous permettent d'être
informés de nos droits », « à ces femmes qui souffrent
de l'insécurité ou des violences ». On trouve dans ce
discours un candidat conscient de la situation, qui s'adresse au peuple et non
pas uniquement à une classe d'élites ; responsable et
engagé, qui s'exprime librement et avec beaucoup d'émotions face
à la situation des femmes « à toutes ces femmes de
France, je veux leur dire ma gratitude, ma reconnaissance et également
mon engagement.».
Son engagement est visible à travers l'évocation
des sujets tels que l'amélioration de la place de la femme en tant que
travailleuse, mère et victime. Il cite et remercie celles et ceux des
personnalités publiques ou intellectuelles qui ont oeuvré
à lutter contre les inégalités sexuelles et pour une
considération de la femme comme un être actif, apte à
participer au développement de la société. Il a
rappelé la volonté de l'ancien Président François
Mitterrand d'appliquer la loi de la parité professionnelle en disant
: « François Mitterrand qui nomma pour la première fois
une femme au ministère des Droits des femmes, Yvette Roudy. Yvette
Roudy, qui fit voter en 1983, une loi sur l'égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes, encore timidement, si
timidement, appliquée. ». Il souhaite être dans cette
continuité en créant à nouveau une ministre des Droits de
la femme. Il réitère une promesse : « Autant de femmes
que d'hommes composeront le prochain gouvernement. ». Dans le
même esprit, il a mis l'accent sur l'initiative du général
de Gaulle qui à la fin de la Seconde guerre mondiale a
créé une loi permettant le droit de vote aux femmes « Je
sais ce que l'on doit à de grandes figures de la République, au
général de Gaulle qui a accordé, enfin, à la
Libération, le droit
33
de vote des femmes, par une ordonnance du 5 octobre 1944.
... pour qu'enfin les femmes puissent devenir des citoyennes ».
Son discours prend l'accent d'une plaidoirie en faveur des
droits de la femme, avec le souhait de montrer que ses priorités en tant
que futur Président seront destinées aux femmes.
Parler des femmes et de leurs situations peut être un
indicateur du féminisme d'un candidat aux élections
présidentielles, mais cela n'est bien entendu pas suffisant. Il faut
ajouter à cette approche l'analyse de la féminisation de la
langue employée par celui-ci.
On peut constater que le substantif « femme » est
employé soixante-dix-huit fois. Une telle répétition d'un
même mot dans un discours politique dévoile l'importance que le
destinataire compte attribuer au sujet, et la force d'impact sur le
récepteur. On remarque aussi une importante « féminisation
» du vocabulaire. L'emploi tout au long du discours des pronoms personnels
qui indique le féminin à la troisième personne du
singulier « elle », et du pluriel « elles », est
très répétitif - « elles montrent
l'exemple, elles sont mieux que des symboles, elles sont la
preuve que le combat des femmes.... ».
Cette écriture inclusive se remarque aussi par l'emploi
de pronoms démonstratifs féminins « celles » : «
Je pense aussi à celles qui n'en meurent pas mais qui se
consument silencieusement dans la honte, dans la peur, dans la solitude »,
« Je m'adresse aux femmes, et notamment à celles qui se
dévouent pour le bien commun ». Tout comme l'utilisation de
« toute(s) » et « chacune(s) » qui sont des termes
fréquemment employés par François Hollande : «
pour toutes les femmes et pas seulement pour les mineures, et de
façon confidentielle pour toutes .», « Je veillerai à
ce que chacune en soit informée pour pouvoir y recourir
.».
Ces pronoms en général, personnels et
démonstratifs en particulier, renvoient à une seule
catégorie de personnes, la femme. Il semble évident que
l'intérêt du candidat est de valoriser le sexe féminin
avec, et les mots et le mode d'écriture.
Il est difficile de nier le côté féministe
de ce discours face à une telle profusion de signes de
féminisation. On trouve très peu de paragraphes qui ne
mentionnent pas la femme ; on ne trouve pratiquement aucun paragraphe dont la
grammaire et le vocabulaire dans le genre féminin sont exclus. L'accord
au genre féminin « e » s'empare de la majorité des
adjectifs et des participes passés - « première »,
« nombreuses », « élue », etc.
Le langage est très majoritairement
féminisé. Toutefois on peut signaler que le président a
souvent recours au genre indifférencié, c'est à dire
masculin, lorsqu'il s'adresse à la
34
population, comme dans l'exemple « ...trois
millions de Français aient participé à cette
belle consultation. ». Il faut savoir raison garder, et ne pas
chercher à féminiser tout et à tout prix. Le candidat
désigne ici le peuple français et non pas uniquement les
hommes.
On constate que ce discours de François Hollande est
assez « révolutionnaire » par son degré de
féminisme, dans la forme et dans le fond. Son implication envers toutes
les femmes de France et dans le monde, montre la portée qu'il veut
donner à son intervention. Il s'adresse aussi aux femmes
étrangères immigrées, en évoquant l'exemple de
Marie Curie : « je pense à une jeune immigrée polonaise
venue ici en France..., Maria Skodowska. Le monde entier la connaît sous
le nom de Marie Curie. Elle a apporté deux prix Nobel à la France
» ; en parlant de la femme arabe et sa protestation pour devenir une
femme libre : « Et ma pensée va particulièrement vers
les femmes du monde arabe, ces femmes qui ont pris une part décisive
dans le printemps démocratique... » ; sans oublier aussi le
continent américain : « La date du 8 mars a été
choisie pour commémorer une révolte, celle d'ouvrières
américaines.... ».
Ces exemples révèlent l'engagement de
François Hollande et sa volonté de défendre la cause
féminine, ainsi que son souhait d'agir dans l'intérêt
collectif.
La répétition du mot « émancipation
» va dans ce sens : « Le féminisme, c'est un levier pour
l'émancipation et transformation d'une société
comme la nôtre. », « Cette rencontre entre la lutte des femmes
pour leur émancipation », « Flora Tristan, une des
grandes voix du monde ouvrier, a évoqué pour la première
fois, l'émancipation des femmes. », « la femme devait
être elle-même l'artisane de son émancipation »,
« il n'y a pas que des femmes qui ont permis l'émancipation
et la liberté. ». Cette insistance dévoile la
profondeur et l'importance qu'il accorde à la liberté de la
femme, des femmes de tous pays confondus.
La liberté, l'égalité, et tout autre
valeur de cet ordre sont l'oxygène de l'être humain.
L'évocation à de nombreuses reprises par le candidat de ces
valeurs, égalité, dignité, fraternité et
liberté, montre l'importance qu'il leur accorde - « La
République, c'est aussi la fraternité », « Des
femmes qui continuent de lutter, qui ont lancé un appel pour la
dignité et l'égalité », « il n'y a
pas que des femmes qui ont permis l'émancipation et la liberté
».
? Discours du 13 avril 2012 - François Hollande encore
candidat
Comparativement au discours du 08 mars, ce discours se situe
presque au même niveau de féminisme et d'engagement. À la
lecture de ce discours, on reste conforté dans le sentiment d'être
face à un homme qui désire un changement radical, un changement
de fond, comme en témoigne d'ailleurs le titre « le changement,
c'est maintenant ». On a le sentiment très fort
35
aussi d'être face à un candidat féministe
qui cherche à rééquilibrer les droits de chacun-chacune,
afin de tendre vers une égalité concrète des deux sexes
dans tous les domaines, « Si je suis élu, j'ouvrirais un
nouveau champ de conquêtes pour les droits des femmes, pour passer de
l'égalité des droits à l'égalité
réelle. ». Après lecture de différents discours
de différentes personnalités politiques, tout sexe confondu, on
remarquera qu'il est assez rare de trouver un discours politique aussi
féministe ; on pourrait presque dire « entièrement »
féministe. On aurait presque le sentiment que ce discours n'est
qu'à l'adresse des femmes. Par ailleurs, ce discours de François
Hollande est aussi très surprenant d'originalité par le nombre
d'engagements pris en faveur des femmes. Ils seront au nombre de quarante ;
fait unique chez un candidat à la présidence. De même la
répétition (soixante fois) des termes «
jeune(s)-filles(s)/jeune(s)-femme(s)/femme(s)/», montre d'autant plus que
ce discours s'adresse aux femmes.
Le langage employé est très
féminisé, avec une écriture inclusive mise en valeur par
l'utilisation de plusieurs règles. On peut tout d'abord remarquer le
recours à la féminisation des noms de métiers, comme dans
l'exemple suivant « Je veillerai à ce que des postes
d'infirmiers et infirmières scolaires soient
créés ». Cette phrase montre clairement que
François Hollande cherche réellement à différencier
les deux sexes. Cette recherche de l'égalité des noms de
métiers dans la langue renvoie au désir de tendre vers une autre
égalité, celle de l'égalité professionnelle.
D'ailleurs l'emploi à de nombreuses reprises de l'expression «
égalité professionnelle » en est une
représentation supplémentaire. Les constructions de phrases se
font souvent dans une forme de « parité sexuelle ». Il a
souvent recourt à l'écriture inclusive, comme dans les exemples
suivants: « Je partage les inquiétudes des citoyennes
et citoyens face aux reculs des droits des femmes en France, en Europe
et dans le monde », « Je m'y attèlerai dès le
7 mai prochain si les Français et les Françaises me font
confiance ». Ainsi il emploie le mot dans sa forme au féminin
et au masculin afin de montrer qu'il s'adresse à deux groupes bien
distincts. En distinguant chacun d'eux, il donne une réalité
concrète à ceux et celles à qui il s'adresse, et les place
de la sorte sur un même pied d'égalité. On retrouvera aussi
cet esprit dans les phrases « pour permettre à toutes et
tous de mieux articuler vie personnelle et professionnelle »,
« La sécurité doit être un droit pour tous et
toutes.». On remarquera aussi l'équilibre qu'il
cherche à établir en employant autant de fois la forme
féminin-masculin (toutes et tous) et
masculin-féminin tous et toutes. Ce point est
essentiel pour montrer que son discours a été
réfléchi à la virgule près. Cette recherche de
l'équilibre absolu montre que rien n'est laissé au hasard, et
qu'il y a un désir de cohérence
36
entre les intentions revendiquées et le discours
même.
Ces différents emplois de la féminisation du
langage ont bien entendu pour objectif d'aller dans le sens du «
féminisme » qu'il revendique, comme il est écrit dans son
discours « Parce que je suis féministe, je m'inscris dans ce
mouvement de progrès ». Il a voulu rendre visible ce
féminisme non seulement à travers ses promesses mais aussi
à travers les mots. Cela explique aussi la multiplication dans ce
discours des règles employées de la féminisation de la
langue. En effet, s'ajoute aux règles précédentes, celle
de l'accord de participe passé avec le
sujet féminin comme : « Les femmes se sont
battues pour disposer librement de leur corps et
les avancées qu'elles ont acquises », ou
bien l'accord de l'adjectif comme «Les résistances sont
nombreuses ».
Ce que l'on peut remarquer aussi dans ce discours est que
François Hollande n'a pas seulement recourt à la
féminisation de la langue par l'écriture inclusive, mais aussi
par l'utilisation de l'écriture épicène, en employant la
règle du point médian comme dans l'exemple suivant «
Garantir l'accès à la contraception, notamment pour les
mineur-e-s. ». Un tel emploi des différentes formes
d'écriture féminisées montre le défi que Hollande
se donne contre toute sorte d'inégalités. L'objectif étant
aussi de prouver sa sincérité aux destinataires.
Ce discours de François Hollande est l'exemple le plus
représentatif des discours féministes, de par le recourt
très fréquent aux règles de féminisation de la
langue, mais aussi de la diversité de sujets féminins
traités - lutte contre la violence sexuelle, le partage des tâches
de la famille entre les deux parents, la parité politique et le partage
du pouvoir, l'encouragement à l'éducation et la sensibilisation
contre le sexisme, etc.
Pour renforcer son appartenance au courant féministe,
François Hollande promet aux femmes la création d'un
ministère de droits des femmes - « La création d'un
ministère des droits des femmes est la première étape
d'une politique que je souhaite ambitieuse et qui, à mon sens, doit
être au coeur du projet de société de la gauche, que je
veux porter ».
Certes, François Hollande déclare de
manière très claire dans ses discours du 08 mars et du 13 avril
2012 qu'il mettra tout en oeuvre pour une égalité des sexes.
Certes, il annonce des réformes pour améliorer la situation de la
femme, et de s'assurer qu'elles seront appliquées. Certes ces deux
discours sont très féministes. Mais il n'est alors que candidat
à la Présidence de la République. Pour connaitre son
degré de féminisme, il faut en évaluer la
continuité dans
37
les discours qu'il formulera ensuite. C'est pourquoi il est
important d'analyser quelques discours prononcés pendant sa
présidence, et de voir s'il en a pérennisé la forme et le
fond. Pour cela on a choisi ceux du 06 mai 2012 et du 1er
décembre 2016 (rectifié le 21 juin 2017). Nous avons choisi
le discours du 6 mai car il s'agit du premier discours du Président
François Hollande. Ce discours allait donc poser les fondations de sa
volonté de recourir à des discours dits inclusifs. De même
le discours du 1er décembre est intéressant à
analyser dans la mesure où il vise à dresser le bilan de ses
réalisations dans le cadre de son mandat. Ce discours de fin de mandat
revient également sur ses engagements pour l'égalité des
sexes.
? Discours du 06 mai 2012 - François Hollande
Président
Le discours du 06 mai est celui de la victoire pour
François Hollande. Ce discours semble plus ou moins spontané,
mais assurément court. Au-delà de cela est-il féministe ?
L'écriture inclusive est-elle employée ?
On peut déjà remarquer que le discours du
Président de la République commence par « Mes chers
concitoyens », « Les Français (...) ». La place de cette
phrase est très importante. C'est la première phrase que les
destinataires entendront. C'est la première phrase du premier discours
du Président de la République. Le premier qu'il énonce
pour exprimer la joie de sa victoire, pour remercier le peuple français,
mais aussi pour rappeler ses projets.
Malgré l'importance de ce discours, François
Hollande fait le choix de n'évoquer le sexe féminin qu'à
très peu de reprises - au nombre de quatre, contre 27 pour le sexe
masculin.
De même, il emploie la formulation « Je serai le
président de tous » et non pas « je serai le président
de toutes et de tous ». Une telle phrase peut choquer les
féministes et les femmes de manière générale.
L'absence du pronom « toutes » exclue les femmes de ce discours. Il
peut aussi donner le sentiment d'un désengagement du Président
dans les futurs projets annoncés en faveur des femmes. Cela peut
s'expliquer par le fait qu'Hollande n'a plus à séduire un
électorat féminin pour gagner les élections puisqu'il a
été élu. Aussi, manifeste-t-il moins ses
inquiétudes quant à la situation des femmes. Mais ce revirement
persiste-t-il tout au long du discours ?
La réponse est oui. Dans ce discours, le mot «
femme(s) » n'est employé qu'une seule fois, le langage n'est pas
féminisé. La plupart des termes énoncés sont au
masculin : « aux électeurs », « nos citoyens »,
« les français », « tous les républicains ».
Alors que ces mots existent au féminin et auraient pu être
associés à leurs équivalents masculins
(électrices,
38
républicaines, concitoyennes, et françaises).
À la décharge du locuteur, on apporte une nuance pour ce qui est
de la phrase « j'aime les Français et je veux qu'entre
nous, il y ait cette relation ». Il aurait été
compliqué, si ce n'est indélicat pour un homme public, qui plus
est le Président de la République d'y avoir ajouté
« les Françaises ». Cela peut donner à tort
une connotation sexuelle à la phrase.
On remarque une absence totale de l'utilisation de
l'écriture inclusive, et qu'une majorité de termes
employés sont masculins.
Sans en conclure qu'il est soudainement devenu
anti-féminisme ou indifférent à la situation des femmes,
son choix de s'adresser à la population française s'oriente
néanmoins vers des termes appartenant à un champ lexical «
neutre », et à des termes génériques qui regroupent
les deux sexes.
Cependant il utilise à deux reprises une forme
féminisée, comme dans les phrases suivantes « J'exprime
ma profonde gratitude à toutes celles et à tous ceux qui
ont, par leurs suffrages, rendu cette victoire possible. », «
Chacune et chacun en France, dans la République, sera
traité à égalité de droit et de devoir ».
Le mot « femme » est utilisé le même nombre de fois
que le mot « homme », et ceci de façon liée : «
l'égalité aussi entre les hommes et les femmes »,
« tout ce qui fait finalement la force d'âme d'un homme ou d'une
femme ». L'objectif de marquer une égalité des
sexes à travers l'écriture se remarque peu, contrairement aux
discours précédents du candidat, mais existe bien.
De même, il reste dans la continuité en rappelant
quelques-uns de ses engagements qui incluent les femmes : « Les
valeurs de la République, la liberté, l'égalité, la
fraternité, la dignité humaine, l'égalité aussi
entre les hommes et les femmes, la laïcité. Tout cela, c'est
autant de leviers pour nous permettre d'accomplir la mission qui est la mienne.
».
À la lecture de ce discours, on se rend tout de
même compte que celui-ci est bien moins féministe et
féminisé que les précédents. Qu'en est-il par la
suite ? Cela dénote-t-il un revirement, une situation qui a toujours
été mais est restée cachée par un candidat
ambitieux ? Ou cela est-il tout simplement dû à la
spontanéité et la brièveté du discours ?
Pour répondre à cette question, on a choisi
d'analyser le discours de fin de mandat de François Hollande, à
savoir celui du 1er décembre 2016.
39
? Discours du 1er décembre 2016 - fin de mandat de
François Hollande
Dans ce discours François Hollande résume ses
grandes réalisations pendant son mandat présidentiel. Ce discours
est beaucoup plus neutre quant à son destinataire. Il s'adresse de
manière plus générale au peuple français dans sa
forme masculine. Mais on peut remarquer que l'emploi du masculin est
prédominant : « français », « concitoyens »,
« élus », « chers compatriotes » (employés
trois fois), « travailleurs français». Il ne s'est pas
embarrassé avec la forme féminine de ces mots qui existent
pourtant bien : françaises, concitoyennes, élues,
chères, travailleuses françaises.
Cependant, il évoque de nouveau son engagement dans la
lutte contre les inégalités envers les femmes, en employant une
forme inclusive : « l'égalité entre les femmes et les
hommes a été renforcée et la lutte contre les
discriminations, celles qui blessent, a été
amplifiée.». Il en est de même avec l'utilisation du
pronom indéfini désignant le genre féminin dans la phrase
suivante « J'ai fait en sorte qu'à chacune et à chacun,
puisse être accordée une complémentaire santé
». On peut remarquer aussi que les mots « femmes » et
« chacune » ont une place d'honneur ; ils sont cités en
premier. L'idée est peut-être d'apporter une légère
compensation.
Finalement il y a peu de choses à dire concernant la
forme féminisée, si ce n'est qu'en dehors des deux phrases
citées ci-dessus, elle est tout simplement absente.
On peut en déduire que les deux discours
précédemment étudiés, sont des discours de
circonstance donnés dans un contexte précis (comme à
l'occasion de la Journée internationale des femmes), ou encore un
discours dans lequel il se place clairement en candidat aux élections
présidentielles.
Le discours n'est pas féministe, mais est-ce à
dire que l'homme ne l'est pas ? On ne pense pas. François Hollande a
oeuvré en faveur de l'égalité des sexes et à
l'amélioration des conditions de la femme. Comparativement à ses
prédécesseurs il n'a pas démérité dans son
engagement pour aider les femmes à retrouver une reconnaissance sociale
et politique. Alors, comment expliquer ses choix langagiers ? Une des
premières pistes est que le président ne souhaite peut-être
pas que son mandat soit « parasité » par le débat sur
l'écriture inclusive. Choisir de rédiger tous ses discours de
façon inclusive pourrait être assimilé à une
revendication politique. Nous pouvons également émettre
l'idée que le président soit aidé dans la rédaction
de ses discours, comme cela se fait assez communément, par un
spécialiste des discours. Or, ce dernier n'est peut être pas
favorable au recours à l'écriture inclusive dont les
règles sont encore débattues. Enfin, comme énoncé
précédemment, le combat contre
40
l'égalité homme femme si cher au candidat a peut
être été relayé au second plan du Président,
dans le but de prioriser d'autres sujets.
? Ses engagements en quelques chiffres :
? Représentation nationale au sein des Parlements9
:
- Lors des premières élections législatives
suivant l'ordonnance du 21 avril 1944, 33 femmes ont été
élues députées lors des élections d'octobre 1945,
sur 586 député.e.s. Elles représentaient alors 5,6 % des
élu-e-s.
- En octobre 2014, le Sénat est composé 25% de
sénatrices (87 sur 348) contre 22,1% en 2011 (77 sur 348).
? Parité administrative, économique et sociale fin
2015, les femmes représentent10 :
- 55% de la fonction publique d'Etat
- 61,3% des postes dans la fonction publique territoriale
- 77,6% des postes de la fonction publique hospitalière
- 11% des préfet.e.s sont des femmes.
? Représentation des femmes des primo nominations
ministérielles sur les emplois à la
décision du Gouvernement11 :
- 30% de primo-nomination de femmes en 2016, (obligation
légale de 30%),
- 33% en 2015 (obligation légale de 30%),
- 32% en 2014 (obligation légale de 20%),
- 32% en 2013 (une obligation légale de 20%),
- 27% en 2012.
9 Sources : HCE, Parité en politique : entre
progrès et stagnations, 2015, et HCE, Les chiffres clés de la
parité aux élections sénatoriales, 2018.
10 Source : Rapport annuel sur l'égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique,
Edition 20167, publication août 2018 ; Chiffres-clé 2015 de
l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la
fonction publique.
11 Sources : Bilan annuel de la mise en oeuvre du
dispositif des nominations équilibrées au cours de l'année
2018, Rapport 2018, publié en 2019 ; Rapport annuel pour l'année
2015 sur le dispositif des « nominations équilibrées »
dans les emplois supérieurs et dirigeants de la fonction publique,
Ministère de la fonction publique, 2016 ; Présentation de la
politique Cadres dirigeants de l'Etat, Secrétariat général
du gouvernement, 2017.
41
? Accès aux responsabilités
économiques12 :
- En 2013, les CESER (Conseils Economiques, Sociaux et
Environnementaux Régionaux) sont composés de 27% de femmes et 73%
d'hommes.
- En 2015, au Conseil économique, social et
environnemental :
o 45,7% des conseiller.e.s sont des femmes,
o 2,5% des postes de gouvernance sont occupés par des
femmes,
o 39,9% des travaux sont rapportés par des femmes,
o 29% des expert.e.s auditionné.e.s sont des femmes.
? Conseils d'administration13
- En 2016, il y a 38,4% d'administratrices dans les
entreprises du SBF120. (33,7% en 2015, 30,5% en 2014 et 27,3% en 2013).
- En 2014, les femmes représentent 38% des
créateur.rice.s d'entreprise (32% en 2010) et représentent 40%
des
auto-entrepreneur.se.s (29% en
2006).
? Parité à l'Assemblée
nationale et au Sénat14
- Part des femmes en 2012 parmi les députés
élus 26.8 %, elles étaient 5.9% en 1993 - Part des femmes en 2014
parmi les sénateurs 25 %, elles étaient 5.9% en 1998 .
Au-delà de ces chiffres, et des valeurs contenues dans
les tableaux en page 28, il est intéressant d'analyser certains aspects
de la vie de François Hollande. En effet, un examen des aspects
personnels de sa vie nous permettra de découvrir sa relation avec les
femmes et l'influence de ces dernières sur ses décisions et ses
valeurs.
12 Source : HCE-Guide de la parité version
longue février 2014 ; Délégation aux droits des femmes et
à l'égalité du CESE, mai 2016.
13 Source : SBF120, Palmarès IFA Ethics &
Boards de la composition des conseils, février 2017 ; Ministère
du redressement productif, 2013, Ministère des affaires sociales, de la
santé et des droits des femmes, Vers l'égalité
réelle entre les femmes et les hommes, Chiffres clés 2016.
14 Source : Insee - Observatoire des
inégalités
42
Beaucoup de femmes ont pu avoir une influence dans les choix
de François Hollande, mais celle qui semble avoir le plus forgé
sa personnalité depuis son enfance, est sa mère Nicole Tribert,
une assistante sociale et catholique de gauche. Il suivra d'ailleurs le
même courant idéologique de gauche qu'elle. Il s'inscrira au Parti
socialiste, et elle en fera de même par la suite. Elle n'a cessé
de soutenir son fils et de le conseiller. Elle a toujours été
présente pour porter les ambitions de François Hollande - «
tout au long de l'ascension politique de son fils, Nicole Tribert n'aura de
cesse de le soutenir » (Poyard, s.d.). Nicole Tribert aura
été le premier exemple et symbole de la femme forte, celle qui ne
lâche pas. Il dira lors d'une interview « c'était ma plus
fidèle militante » (Poyard, s.d.). Cette femme, cette
mère était la première de son entourage à
symboliser l'engagement féministe - une femme qui défendait les
droits du sexe auquel elle appartenait. Il a placé ses pas dans ceux de
sa mère quant à son positionnement face aux principes
d'égalité.
Ses pas ont continué de s'inscrire dans ceux d'une
autre femme, la mère de ses quatre enfants, Ségolène
Royal. Ils se rencontrent à l'ENA. Fraîchement
diplômée, elle appartiendra, comme son mari, au paysage politique
français. Ils entrent tous les deux à l'Élysées en
tant que conseillers de François Mitterrand. Ils seront aussi tous les
deux députés, elle des Deux-Sèvres et lui de
Corrèze. Sa carrière politique décolle pendant que celle
de François Hollande est en sommeil ; elle devient ministre de
l'Environnement en 1992. Tous les deux sont avant-gardistes, contre le mariage,
ils vivront en union libre. Malgré leur séparation, et pour elle
une défaite aux élections présidentielles de 2007, elle
n'aura de cesse de soutenir son ex-compagnon, malgré parfois une
concurrence certaine. Elle sera à ses côtés tout au long de
la campagne présidentielle dans laquelle il s'engage, et ce
jusqu'à sa victoire aux élections de 2012. Au vu de ces
éléments, il est assez intuitif de penser que partager la vie
d'une femme engagée en politique ne peut vous dédire d'un
engagement en faveur des droits de la femme. François Hollande rendra
hommage à plusieurs reprises aux femmes de manière
générale, et en particulier à Ségolène
Royale dans une interview donnée pour le magazine ELLE : « Elle
a été, comme beaucoup de femmes, capable de concilier sa
carrière et sa vie de famille ».
On ne peut parler des femmes qui ont joué un rôle
dans sa vie sans mentionner Valérie Trierweiler, journaliste, membre de
la rédaction du magazine Paris Match, et présentatrice des
émissions politiques sur une chaîne de télévision
(2005-2011). Elle partage sa vie durant neuf ans. C'est une femme
engagée et indépendante, qui dira d'ailleurs ne pas vouloir du
statut de première dame de France qui la relègue au rôle de
« femme de ». Elle estime avoir à elle-seule un statut social
et professionnel à part entière. François Hollande n'ira
jamais à l'encontre de cette décision.
43
On peut ajouter un autre nom à cette liste. Yvette
Roudy aura été un autre pilier pour François Hollande.
Fidèle à ses principes, députée européenne
de 1979 à 1981 et ministre des Droits de la femme pendant cinq ans dans
le gouvernement de François Mitterrand, elle annonce en octobre 2011
qu'elle soutient le candidat François Hollande au primaire socialiste
(après avoir soutenu Ségolène Royal au premier tour). Elle
dira : « des deux candidats restant en lice (Hollande et Aubry), il
est le seul qui ait donné de véritables preuves de son
attachement aux droits des femmes en pesant de tout son poids pour augmenter la
représentativité des femmes à l'Assemblée nationale
lors des dernières législatives. » (Poyard, s.d.).
Fidèle à ses principes, elle trouve chez Hollande le meilleur
défenseur du sexe féminin, et croit en son honnêteté
dans sa volonté et capacité à faire évoluer la
situation de la femme.
De même, on ne peut évoquer les femmes qui ont
entouré François Hollande sans parler de sa porte-parole Najat
Vallaud-Belkacem ; d'abord dans la campagne des primaires du PS en 2009, puis
pour l'élection présidentielle de 2012, puis du gouvernement.
Elle sera la quatrième femme porte-parole de gouvernement (sur 25
jusqu'en 2017) de cette si petite liste, les précédentes
étant : Georgina Dufoix (1984-1986 sous François Mitterrand),
Catherine Trautmann (1997-1998 sous Jacques Chirac), Christine Albanel
(mai-juin 2007 sous Nicolas Sarkozy), Valérie Pécresse (2011-2012
sous Nicolas Sarkozy). Najat Vallaud-Belkacem récupère par la
suite le ministère des Droits de la femme, puis en 2014 celui de la
Ville, de la Jeunesse et des Sports. Le remaniement de 2014 du gouvernement la
fera à 36 ans la première femme ministre de l'Éducation
nationale. François Hollande, ainsi que son gouvernement, a su, en
plaçant sa confiance en une femme, réhabiliter la place de
celle-ci dans l'environnement politique.
On peut assez facilement déduire que, au-delà de
ses valeurs personnelles et de sa perception qui lui est propre, le
féminisme dont est empreint François Hollande est aussi le fruit
d'un entourage féminin non négligeable. Sans remettre en question
l'importance qu'il accorde naturellement à la place de la femme dans la
société et en politique, son entourage féminin a dû
néanmoins contribuer à valoriser cette place.
Cet entourage composé de femmes d'influence est-il le seul
facteur de son féminisme ?
Il est indéniable que la famille, l'entourage, la vie
personnelle, au sens large, ainsi que professionnelle ont un impact primordiale
sur nos orientations et nos choix, mais ces aspects multifactoriels ne sont
peut-être pas suffisants pour expliquer les convictions féministes
d'une personne.
44
C'est la raison qui nous amène à étudier
les aspects psychologiques et historiques qui ont pu influencer François
Hollande.
Concernant l'approche psychologique et son incidence sur sa
vie politique, on s'en réfère à l'analyse de Pascal de
Sutter, docteur en psychologie politique, qui décrit François
Hollande comme un homme pacifique, calme et raisonnable. Ces trois
caractéristiques contribuent à ce que la personne fasse des choix
de manière réfléchie, et en toute conscience de
l'importance de chaque sujet. Pascal Sutter ajoutera à son analyse :
« Il n'a aucun goût pour la domination hiérarchique et,
contrairement aux autres candidats, n'éprouve pas de joie à
"tuer" l'adversaire. » (Labbé et Recasens, 2012).
Sûrement un des facteurs qui lui a permis de gagner une partie des voix
des électeurs et électrices, ainsi que leur confiance. Cette
capacité à avancer calmement est un vecteur pour mener une
bataille au long court. Ce trait de caractère a favorisé sa lutte
contre la discrimination faite aux femmes. Sutter écrira « un
trait psychologique particulièrement adapté pour gérer les
crises internationales. ».
Quant aux évènements historiques à
l'étranger qui coïncident avec les élections
présidentielles en France, on peut citer la nomination de Pauline
Marois, première ministre en 2012 au Québec, après avoir
été première femme chef d'un parti politique en 2007.
Ainsi pour la première fois dans l'histoire de ce pays, une femme occupe
un poste politique de cette envergure.
Cet événement a pu contribuer à ce que
François Hollande et son gouvernement s'inscrivent dans la
continuité du projet de la parité lancé timidement par
François Mitterrand.
Comparé à la France, le Québec est le bon
élève en matière de féminisation. Un
ministère à la Condition féminine est créé
dès 1979, dont Pauline Marois sera d'ailleurs chef de cabinet. Certes,
en France, son presque équivalent est créé dès 1974
par Valérie Giscard d'Estaing, mais ce sera un secrétariat d'Etat
et non un ministère de plein droit. Il devient un ministère de
plein exercice sous Laurent Fabius en 1986, mais ne cessera de passer d'un
« statut » à l'autre les années suivantes.
Plusieurs facteurs ont joué dans l'implication de
François Hollande pour lutter contre l'inégalité des
sexes, améliorer les droits de la femme ainsi que son
émancipation, et enfin la rendre plus visible dans le secteur politique
et dans la société de façon plus
générale.
Son entourage, sa personnalité, ses valeurs, ses
convictions profondes quant au bien-fondé de la cause, et sans doute
l'influence du modèle québécois, sont des
éléments-clés qui ont contribué à la mise en
oeuvre du programme féministe de François Hollande. En revanche
cela
45
n'apparait pas de manière constante à travers
tous ses discours politiques, dans lesquels l'écriture inclusive et/ou
la langue féminisée sont parfois absentes. Sorti des discours de
circonstance, son choix se porte plus vers l'utilisation de termes
génériques dans lesquels hommes et femmes sont réunis. On
retrouve souvent « peuple français », « concitoyens
», « compatriotes », « tous », etc.
Son bilan en faveur des femmes sera plus flagrant dans son action
« sur le terrain » que dans le texte. Nous avons
précédemment évoqué les raisons politiques et de
rédaction des discours par un tiers. Il est également possible
que François Hollande soit plus un homme d'actions que de paroles. Il
considère peut être que le recours à l'écriture
inclusive ne favorise pas réellement l'égalité des sexes,
contrairement à sa loi des quotas par exemple.
46
? Comparatif des termes employés et leur
fréquence :
Tableau : comparatif des mots féminins/masculins
entre les quatre discours
Noms féminins
|
08/03/12 Nb de fois
|
13/04/12 Nb de fois
|
06/05/12 Nb de fois
|
01/12/16 (rectif 21/06/2017) Nb de fois
|
Mots masculins
|
08/03/12 Nb de fois
|
13/04/12 Nb de fois
|
06/05/12 Nb de fois
|
01/12/16 (rectif 21/06/2017) Nb de fois
|
Mesdames
|
1
|
0
|
1
|
0
|
Messieurs
|
1
|
0
|
1
|
4
|
Citoyennes
|
3
|
1
|
0
|
0
|
Citoyens /
concitoyens
|
3
|
1
|
3
|
1
|
Françaises
|
4
|
1
|
0
|
0
|
Français
|
4
|
1
|
7
|
1
|
Elues
|
1
|
0
|
0
|
0
|
Elus
|
1
|
0
|
0
|
1
|
Jeunes filles / Femmes
|
103
|
60
|
1
|
1
|
Jeunes / hommes
|
26
|
28
|
1
|
1
|
Elles
|
44
|
3
|
0
|
0
|
Ils
|
3
|
0
|
0
|
0
|
Celles
|
8
|
0
|
1
|
0
|
Ceux
|
6
|
0
|
2
|
1
|
Chacune
|
1
|
0
|
2
|
1
|
Chacun
|
0
|
1
|
3
|
1
|
Toutes
|
11
|
0
|
1
|
0
|
Tous
|
10
|
0
|
10
|
0
|
Toutes et tous
|
0
|
1
|
0
|
0
|
Tous et toutes
|
0
|
2
|
0
|
0
|
Féminisme
|
6
|
1
|
0
|
0
|
Compatriotes
|
0
|
0
|
0
|
4
|
Féministe
|
2
|
2
|
0
|
0
|
|
|
|
|
|
Parité
|
5
|
10
|
0
|
0
|
|
|
|
|
|
Egalité
|
15
|
33
|
4
|
1
|
|
|
|
|
|
Inégalité
|
0
|
6
|
0
|
0
|
|
|
|
|
|
47
Tableau : comparatif des pronoms personnels
employés entre les quatre discours
Termes employés
|
08/03/12 Nb de fois
|
13/04/12 Nb de fois
|
06/05/12 Nb de fois
|
01/12/16
(rectif 21/06/2017) Nb de fois
|
Je
|
0
|
1
|
0
|
0
|
Nous
|
0
|
1
|
0
|
0
|
Vous
|
0
|
1
|
0
|
0
|
Tableau : comparatif des pronoms personnels «
implicatifs » entre les quatre discours :
Pronoms personnels
|
08/03/12 Nb de fois
|
13/04/12 Nb de fois
|
06/05/12 Nb de fois
|
01/12/16
(rectif 21/06/2017) Nb de fois
|
Je
|
67
|
40
|
34
|
26
|
Nous
|
41
|
10
|
20
|
10
|
Vous
|
11
|
0
|
8
|
9
|
2.2.3 Jacques Chirac
Jacques Chirac, cinquième président
français de la Ve République, a gouverné la France pendant
douze ans de 1995 à 2007. Homme politique de la première heure il
a, avant de devenir président, partagé à de nombreuses
occasions sa vision de la femme. En 1978 il déclarera « Pour
moi, la femme idéale, c'est la femme corrézienne, celle de
l'ancien temps, dure à la peine, qui sert les hommes à table, ne
s'assied jamais avec eux et ne parle pas ». On constate ici qu'il
limite largement le rôle de la femme : elle doit tenir son foyer et
être au service de l'homme. Il semble donc considérer qu'il existe
une hiérarchie entre les sexes. Il est toutefois intéressant de
noter qu'il précise que ces femmes là font partie de «
l'ancien temps » indiquant en cela qu'il est conscient que la condition de
la femme a changé. Preuve en est, alors premier ministre, il est
confronté par Margaret Thatcher, première ministre du Royaume
Unis, au sujet du remboursement d'une partie de la contribution anglaise au
budget de l'Union Européenne. Cette rencontre donnera lieu à une
des gaffes politiques les plus
48
célèbre : pensant que son micro est
éteint Jacques Chirac s'exclamera « Mais qu'est-ce qu'elle me
veut de plus cette ménagère15 ? Mes couilles sur un
plateau ?».( Bouys, 2019)
L'emploi du terme mégère, qui
désigne une femme acariâtre et méchante, n'est pas anodin.
En effet, les femmes puissantes sont souvent stéréotypées
et victimes de clichés parmi lesquels le fait qu'une femme de pouvoir
est forcément dures et intransigeantes. Il est intéressant de
constater que, même Président, Jacques Chirac n'a jamais
caché sa vision « vieillotte » de la femme. Allant parfois
jusqu'à taquiner le sexe féminin comme en 2008 lorsqu'il dira
à une amie « Je vous confie Bernadette et ce que j'ai de plus
précieux : mon chien Sumo ». Certains de ses propos doivent
toutefois être modérés car il ne faut pas oublier que
Jacques Chirac était réputé pour son humour
franchouillard.
Dans cette partie du mémoire nous analyserons les
discours politiques de Jacques Chirac sous l'angle de l'écriture
inclusive. Cette analyse nous permettra de voir si ses discours
reflètent sa vision de la femme et si cette dernière a
évolué au cours de ses mandats.
Pour répondre à ces questions nous avons
sélectionné trois discours situés à des moments
différents de ses mandats. Nous entamons notre étude par le
discours de 16 juillet 1995.
? Discours du 16 juillet 1995
1995 est la première année de présidence
pour Jacques Chirac. Analyser un discours prononcé à cette
période est donc intéressant car nous pourrons ainsi en
déduire à la fin de notre étude le concernant, si ses
années de présidence vont impacter ses discours en termes de
féminisation.
Pour l'heure, Jacques Chirac est loin de féminiser ses
discours. Le substantif « monsieur » est employé
quatre fois pour désigner les métiers de maire, président,
ambassadeur et rabbin ; à l'inverse, le substantif « madame
» n'est pas du tout employé. Cela prouve que la
majorité des postes sont occupés par des hommes. Cela
dénote également que les rares femmes présentes à
ses côtés sont gardées dans l'ombre. En ce qui a trait au
nom de métier, Jacques Chirac ne les féminise pas comme l'indique
l'utilisation par deux fois du terme « policiers » en lieu et place
de « policiers et policières ». Cette non-intégration
des femmes dans le domaine professionnel renvoie possiblement la femme à
la place qui lui revient selon le Président : son foyer.
15 Ou mégère selon les sources
49
Le terme « les français » est
employé sept fois, tandis que « les françaises
» n'est pas du tout utilisé. En s'adressant au peuple
français, le Président ne considère pas la femme comme
destinataire de ses propos. Cette idée est renforcée par le fait
qu'il évite d'employer des termes génériques comme «
peuple, population, personnes... ». Le discours est masculinisé et
Jacques Chirac multiplie le recours au pronom personnel « nous »
(répété sept fois) pour s'inclure dans le discours et
mettre en exergue le fait qu'il est un homme parmi les hommes.
La femme n'étant pas considérée comme
réceptrice principale de l'information, cette élocution n'est pas
riche en termes de féminisation. Néanmoins, l'ancien chef d'Etat
évoque les femmes en recourant deux fois aux possessifs «
celles » et une fois aux mots « femme » et
« mesdames », seul réelle occurrence d'implication de
la femme comme destinataire.
La lecture de ce premier discours nous permet de conclure que
le Président n'était pas très impliqué dans des
considérations féministes au début de sa
présidence. Son discours est majoritairement tourné vers un
public masculin comme le souligne le tableau ci-dessous qui récapitule
la non féminisation de ce discours de 16 juillet 1995.
Tableau : comparatif des mots féminins/masculins
dans le discours du 16 juillet 1995
Féminins
|
Nb de fois
|
Masculin
|
Nb de fois
|
Mesdames
|
1
|
Messieurs
|
1
|
Citoyennes
|
0
|
Citoyens
|
0
|
Françaises
|
0
|
Français
|
7
|
Femmes
|
1
|
Hommes
|
1
|
Elles
|
0
|
Ils
|
0
|
Celles
|
2
|
Ceux
|
2
|
Madame
|
0
|
Monsieur
|
7
|
Toutes
|
0
|
Tous
|
0
|
Jeunesse
|
1
|
|
|
Féminisme
|
0
|
|
|
Parité
|
0
|
|
|
Égalité
|
0
|
|
|
50
? Discours 16 avril 1999
Dans ce discours du 16 avril 1999, Jacques Chirac participe
à la troisième conférence européenne
consacrée à la participation équilibrée des femmes
et des hommes dans les prises de décision. Ces conférences, dont
la première a eu lieu à Athènes en 1992 et la seconde
à Rome en 1996, ont permis de développer la notion de
mixité en Europe. L'ancien chef d'Etat, y aborde « la
nécessité de promouvoir le partage des responsabilités
entre hommes et femmes au sein de l'environnement familial, professionnel et
politique et sur le projet de révision constitutionnel pour
l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions
électives ». Ce discours qui fait clairement appel à
l'égalité des sexes est un discours adressé aux deux sexes
et nous pouvons le qualifier de féministe.
L'ancien président commence son discours par «
Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les
Parlementaires, Mesdames, Messieurs » montrant un revirement par
rapport à son discours de 16 juillet 1995 qui commençait,
rappelons-le, par « « Monsieur le Maire, Monsieur le
Président, Monsieur l'Ambassadeur, Monsieur le Grand Rabbin, Mesdames,
Messieurs, ». Ici, le sexe féminin est clairement inclus dans
son discours et les postes de pouvoir occupés par les femmes ne sont pas
éludés.
Le pronom personnel à la première personne du
singulier « je » est répété quatorze fois. Cette
insistance semble indiquer que l'ancien président souhaite prouver son
implication pour ce sujet de première importance qu'est
l'égalité femme homme. L'emploi du « je » le place au
coeur du débat et démontre son engagement féministe. Le
pronom personnel à la première personne de pluriel « nous
» est, quant à lui, répété sept fois pour
montrer que cet engagement doit être partagé par la
société civile. Cet engagement est très visible à
travers le recours insistant du substantif « femme » qui est
répété quarante-deux fois (contre quatorze pour le
substantif « homme »). La femme est donc valorisée dans ce
discours visant à défendre ses droits.
L'utilisation des deux mots manifeste une volonté de
changement : le terme « féminisme » est
utilisé à deux reprises et le terme « féminin
» à cinq. Jacques Chirac encourage l'avènement d'une
société plus égalitaire, ce qui implique une
évolution des conditions de vie de la femme. Il partage alors une liste
de propositions visant à faire évoluer les mentalités. Les
premières propositions touchent la sphère familiale comme le
souligne la citation suivante « le partage équilibré des
responsabilités entre parents ne se fait toujours pas correctement dans
nos sociétés ». L'ancien président propose donc
un partage plus équitable des tâches pour éviter
51
que la femme n'assume seule cette responsabilité,
limitant ainsi ses possibilités d'évolutions dans d'autres
sphères de la société. Les secondes propositions touchent
la sphère professionnelle. Ainsi, Jacques Chirac plaide pour
l'intégration de la femme au monde du travail : « le changement
vient de l'engagement des femmes dans la vie professionnelle » ; «
j'ai déjà souligné l'importance de l'engagement des femmes
dans la vie professionnelle. ». Ces deux déclarations montrent
que le discours est bien réfléchi : les mots sont choisis avec
soin et des termes clés sont répétés pour renforcer
le propos. Le mot « égalité » est
répété deux fois et « mixité »
quatorze fois ce qui indique que l'égalité passe par la
mixité, donc la présence égalitaire des deux sexes dans
les différentes activités de la société civile.
Cette idée est renforcée par la répétition de
l'expression « engagement des femmes dans la vie politique »
qui insiste sur les valeurs d'égalité des sexes que Jacques
Chirac souhaite transmettre.
En 1999, alors que les mentalités sont toujours
masculines, Jacques Chirac décide donc de « corriger les
inégalités » pour viser une sorte d'idéal
sociétal, souligné par le recours à
l'énumération : « Une démocratie
féminisée, une démocratie rénovée,
renouvelée, permettra d'ouvrir plus largement la voie à d'autres
changements, qui modifieront la vie professionnelle et familiale des
Françaises et des Français. ». Pour appuyer cette
volonté d'une démocratie équilibrée, le
président répètera ce terme quatre fois et utilisera les
mots « mesdames » et « messieurs » de manière
égale.
Cette notion d'idéal à atteindre est une fois de
plus perceptible à la fin de son discours lorsqu'il qualifie la
mixité de la façon suivante : « Mesdames et Messieurs,
la mixité n'est pas une mode. Beaucoup plus qu'une simple revendication
». Pour Jacques Chirac, la démocratie ne peut que sortir
grandie d'un essor de la mixité qui implique un plus grand respect des
droits de l'Homme.
Bien qu'il soit « essentiel d'installer la
mixité au coeur de nos démocraties », Jacques Chirac
reconnait l'existence d'un plafond de verre. Ainsi, ce n'est pas parce que les
femmes font des études qu'elles disposent des mêmes chances que
les hommes, mais cela « donne des raisons d'espérer de nouveaux
progrès ». Pour prétendre à une
société égalitaire le chemin sera donc long et
nécessitera une lutte contre la marginalisation féminine ainsi
qu'un accompagnement de leur développement : « Elles doivent
être mieux acceptées, mieux préparées et mieux
organisées pour que les femmes ne soient pas pénalisées.
». Ce n'est qu'à ce prix qu'elles pourront un jour
prétendre aux mêmes chances que les hommes.
52
Cette évolution sociétale implique
également que le monde politique montre l'exemple. Jacques Chirac
appelle donc à une plus grande intégration de la femme dans la
vie politique : « L'égal accès des hommes et des femmes
à la vie politique s'inscrit dans cette perspective » ; « Il y
a quatre ans, j'avais indiqué aux Français que je faisais mien
l'objectif de la parité pour la représentation des femmes en
politique ». Cette volonté paritaire s'exprime à
travers la répétition du terme « parité
», utilisé à six reprises dans ce discours.
Pour terminer l'analyse de ce discours en faveur des droits
des femmes, nous devons signaler que, malgré ses efforts, certains
aspects de son discours ne sont pas inclusifs. Ainsi, il répète
deux fois « les français » et une seule fois « les
françaises ». Même constat pour l'indéfini «
chacun » qui est répété deux fois, tandis que «
chacune » n'est utilisé qu'une seule fois. Enfin, « toute
» n'est pas utilisé contrairement à « tous » qui
est employé quatre fois. Il n'en demeure pas moins que ce discours est
un véritable appel à la lutte pour l'égalité des
sexes.
Tableau : comparatif des mots féminins/masculins
dans le discours du 16 juillet 1995
Féminins
|
Nb de fois
|
Masculin
|
Nb de fois
|
Mesdames
|
4
|
Messieurs
|
4
|
Toutes
|
0
|
Tous
|
2
|
Françaises
|
1
|
Français
|
2
|
Femmes
|
42
|
Hommes
|
14
|
Elles
|
10
|
Ils
|
1
|
Chacune
|
1
|
Chacun
|
2
|
Mixité
|
14
|
|
|
Celles
|
1
|
Ceux
|
2
|
Engagement
|
4
|
|
|
Féminisme
|
2
|
|
|
Féminin
|
5
|
Masculin
|
4
|
Parité
|
6
|
|
|
Egalité
|
2
|
|
|
? Discours 14 novembre 2005
Comme nous venons de le voir, le discours de Jacques Chirac de
1999 montre un tournant dans la mentalité du Président. Mais ce
nouvel élan vers plus d'égalité homme/femme se
maintient-il dans le temps ? Pour répondre à cette question, nous
analyserons le discours du
53
14 novembre 2005 ; discours que nous pouvons qualifier de
discours de fin de carrière, car il fut prononcé deux ans avant
la fin du second mandat de Jacques Chirac.
La neutralité du discours se remarque dès la
première lecture. L'ancien chef d'Etat évite de s'adresser
à une catégorie spécifique d'individus. Il utilise donc
des expressions générales comme « la
société française ; la communauté française
» ou encore « nos compatriotes » qu'il
répète quatre fois ainsi que « les personnes »
qu'il répète deux fois. Il n'emploi pas une fois les substantifs
« femme » et « homme ».
Il a néanmoins recours à des mots de forme
masculine : il emploi l'indéfini « chacun » huit fois
et une seule fois « chacune » ; constat identique pour
l'indéfini « tous » qui est employé quatre
fois pour désigner soit les hommes soit toute la population
française ; l'indéfini « toute(s) » n'est pas
utilisé. Quand aux pronoms personnels, « ils »,
celui-ci est employé huit fois, tandis que « elles »
est absent du discours. Enfin, le démonstratif « ceux
» est répété trois contre zéro fois pour
le démonstratif « celles ». Ce discours élude
donc la présence des femmes et marque un retour en arrière en
termes d'écriture inclusive.
Bien que les notions d'« engagement » de
« valeurs » et d' « égalité »
soient citées, cela n'est pas gage de son féminisme ou de
son engagement. Preuve en est, comparativement à son discours de 1999,
lors duquel l'ancien chef d'Etat a féminisé les noms de
métiers, ceux-ci sont ici uniquement présentés sous leurs
formes masculines « Et je veux rendre hommage aux forces de l'ordre,
aux policiers, aux gendarmes, aux pompiers, aux maires et aux élus, aux
magistrats, aux travailleurs sociaux, aux enseignants ». Aucune
profession n'est féminisée, la femme semble de nouveau exclue de
la langue et de la société de Jacques Chirac.
54
Tableau : comparatif des mots féminins/masculins
dans le discours du 14 novembre 2005
Féminins
|
Nb de fois
|
Masculin
|
Nb de fois
|
Mesdames
|
0
|
Messieurs
|
0
|
Citoyennes
|
0
|
Citoyens
|
1
|
Françaises
|
1
|
Français
|
2
|
Certaines
|
0
|
Certains
|
1
|
Femmes
|
0
|
Hommes
|
0
|
Elles
|
0
|
Ils
|
8
|
Celles
|
0
|
Ceux
|
3
|
Chacune
|
1
|
Chacun
|
8
|
Toutes
|
0
|
Tous
|
4
|
Filles
|
1
|
Fils
|
1
|
Féminisme
|
0
|
|
|
Valeurs
|
2
|
|
|
Égalité
|
1
|
|
|
Engagement
|
2
|
|
|
La société française
|
1
|
Les jeunes
|
2
|
La communauté française
|
1
|
|
|
Compatriotes
|
4
|
|
|
Les personnes
|
2
|
|
|
Travailleuses
|
0
|
Travailleurs
|
1
|
Pompières
|
0
|
Pompiers
|
1
|
Enseignante
|
0
|
Enseignants
|
1
|
Policières
|
0
|
Policiers
|
1
|
Elues
|
0
|
Elus
|
1
|
? Les raisons de l'ambivalence du président quant
à la condition féminine
L'étude des trois discours ne permet pas de
déterminer l'orientation féministe de Jacques Chirac dans la
mesure où l'ancien Président n'est pas clair dans ses
engagements. Nous constatons un élan féministe en 1999,
élan qui s'amenuise à mesure que passe son mandat. Alors quelles
raisons peuvent expliquer ce féminisme exacerbé de 1999 ? La
première étant que l'année 1999 fut marquée par la
tenue de la troisième Conférence Européenne
consacrée à la participation équilibrée des femmes
et des hommes à la prise de décision. Et la seconde raison
s'explique par l'adoption le 08 juillet 1999, par le gouvernement Jospin, de la
Loi relative à l'égalité entre les femmes et les hommes
qui « favorise l'égal accès des femmes et
55
des hommes aux mandats électoraux et fonctions
électives » (les grandes étapes de la parité en
politique, 2000). Pour mieux comprendre l'ambivalence de l'ancien
Président quant à la place de la femme dans la
société, nous allons l'étudier sous différents
angles pouvant expliquer ses choix.
Commençons par analyser le rôle joué par
la famille et l'entourage dans la personnalité de Jacques Chirac. Nous
allons nous attarder sur les femmes qui sont entrées dans sa vie et
l'ont influencé. Elles sont nombreuses car il était de
notoriété publique que Jacques Chirac était « un
amoureux des femmes très séducteur » (Deliere, 2019).
En premier lieu nous pouvons citer celle qui l'a accompagné pendant 63
ans, sa femme Bernadette Chirac. Elle a vécu toutes ses aventures
politiques et personnelles et l'a toujours soutenu comme elle le confirmera
d'ailleurs elle-même : « Il sait qu'il peut compter mon appui et
mon militantisme » (Guinhut, 2019). Cette même femme, source de
force pour l'ancien président, fit preuve dans sa vie conjugale de
beaucoup de résilience. Alors même qu'elle avait connaissance des
relations extraconjugales de son mari, elle n'envisagea jamais de le quitter
: « elle en a toujours été consciente et a fait en sorte
de vivre avec » (Deliere, 2019). Cette forme de soumission a pu
renforcer chez Jacques Chirac l'idée selon laquelle la femme n'est pas
l'égale de l'homme et a pour mission principale de s'occuper de sa
famille et de lui être fidèle coûte que coûte. Du
propre aveu de Bernadette Chirac, son mari ne la considérait pas
à sa juste valeur : « Vous savez mon mari, il n'est pas commode
tous les jours. Quand il déjeune avec moi, même maintenant qu'il a
pris sa retraite (...), il me dit : "Bah, qu'est-ce que vous avez fait ce matin
?" Il n'attend pas la réponse et il me dit : "Rien ! Comme d'habitude"
» (Guinhut, 2019). Il est difficile d'attendre d'un homme qui ne
respecte pas sa propre femme qu'il défende la cause féminine.
A l'inverse, sa fille Claude Chirac a joué un
rôle primordial dans sa carrière politique comme le souligne
Deliere (2019) : « elle travaille comme conseillère en
communication et occupe également le siège de présidente
de la fondation Chirac ». La propre fille de Jacques Chirac
était donc un exemple de femme active, travailleuse et moderne. Elle
l'aide même à gagner les élections présidentielles,
et lui montre ainsi qu'une femme peut être l'égale d'un homme
même dans un milieu réputé masculin. Elle se charge de la
gestion de son image en 1988 puis devient responsable de sa stratégie de
communication avant de prendre le poste de conseillère en communication
après son élection de 1995 (Namias, 2009). Cette relation
père/fille explique certainement que Jacques Chirac est loin
d'être réfractaire à l'évolution de la condition
féminine.
56
L'étude de la psychologie de Jacques Chirac permet
d'établir qu'il s'agit d'une personne équilibrée qui
accorde beaucoup d'importance à l'avis des autres et cherche le
compromis. Ce trait de caractère est loué par Charles Pasqua dans
Le Figaro : « Jacques Chirac n'est pas notre chef, il est
notre leader. Un chef commode et les autres obéissent. Un leader
propose, écoute, et en fonction de ce qu'il croit être la bonne
voie, arrête sa position. On peut discuter avec un leader et pas avec un
chef » (Collovald, 1990, p. 880). Jacques Chirac était
également connu pour sa franchise. Cela ne le dérangeait pas de
se livrer quoi qu'en pense les autres, comme le souligne Namias en 2009 dans
l'ouvrage Perles de Chirac : « c'est l'aspect le plus
surprenant de son livre, Jacques Chirac n'hésite pas à aborder
des sujets plus personnel » (Namias F, 2009). Si Jacques Chirac ne
craint pas les critiques nous pouvons en conclure que ses discours
reflètent purement et simplement son positionnement eu égard
à la condition féminine. Nous ne pouvons pas qualifier Jacques
Chirac de féministe ni dire de lui qu'il s'opposait à
l'égalité homme/femme. Nous sommes en accord avec les propos de
Le Vern (2019) qui dit de lui que « ce n'était pas une figure
sexualisée mais une figure familiale marquée par la
neutralité, pas menaçante pour le sujet. »
? Un féminisme
différentialiste
Jacques Chirac peut être qualifié de
féministe différentialiste, c'est-à-dire de
féministe qui « cherchent à valoriser le corps
féminin et les vertus qui en découlent, notamment celles
amenées par le cycle menstruel et la maternité »
(Denayrouse et Grosjean, 2019). Ce féminisme explique qu'il ait
proposé d'instaurer un salaire maternel correspondant à une
rémunération des mères au foyer par l'Etat.
Il est intéressant de constater que, tout en valorisant
la place de la femme au foyer au sein de la société, il encourage
un mouvement de féminisation politique dès son élection en
tant que premier ministre : « le gouvernement Chirac, constitué
le 27 mai 1974, comprend trois femmes, dont une ministre à part
entière, établissant ainsi un double record. Tandis que Simone
Veil est ministre de la Santé, Annie Lesur et Hélène
Dorlhac de Borne sont secrétaires d'État, la première
à l'Enseignement préscolaire, la seconde à la Condition
pénitentiaire. Un mois et demi plus tard, la nomination de
Françoise Giroud à la tête du secrétariat
d'État à la Condition féminine, porte à quatre le
nombre de femmes dans l'équipe (10,8 %). » (Sineau, 2020).
Jacques Chirac ne cessera d'encourager la parité. Son
gouvernement passera de 10,8% de femmes en 1974 à 26% lors de son
premier mandat présidentiel et 38% lors du second. C'est
57
un bon énorme en comparaison du gouvernement Mitterrand
de 1993-1995 qui ne comptait que 3 femmes sur les 30 postes à pourvoir.
De plus, quatre femmes seront élues à la tête de
ministères : Élisabeth Hubert sera ministre de la Santé
publique et de l'Assurance maladie, Colette Codaccioni sera ministre de la
Solidarité entre les générations, Corinne Lepage prendra
la tête du ministère de l'Environnement et enfin Françoise
de Panafieu dirigera le Tourisme.
Tableau : les femmes au gouvernement de Jacques Chirac
Période
|
Effectif total
|
Nombre de femmes
|
% de femmes
|
1995 - 1997
|
46
|
12
|
26
|
1997 - 2001
|
44
|
14
|
38
|
58
Conclusion
« De tous les liens qui nouent les hommes dans la
cité, le lien de la langue est le plus fort, parce qu'il fonde le
sentiment d'appartenance à une communauté » (North,
2007, p. 2). Ce lien qui unie les hommes est certainement aussi vieux que
l'humanité, mais ses origines, son fonctionnement et ses
finalités demeurent hypothétiques.
La langue est un vecteur de communication ; c'est la
transcription écrite du langage parlé. Le propre d'une langue est
d'être vivante. Aussi, elle s'adapte aux évolutions historiques et
sociétales et ses adaptations s'imprègnent dans le verbe, dans
les mots et concepts ! Si une majorité des usagers d'une langue
intègre telle ou telle forme dans leur parlé, alors, cette forme
doit être acceptée, même si elle va à l'encontre des
dogmes linguistiques car « Tous les moyens de l'esprit sont
enfermés dans le langage, et qui n'a point réfléchi sur le
langage n'a point réfléchi du tout. » (Alain, 1932).
La féminisation de certains vocables relèverait
de l'évolution de la langue dans une société en
perpétuelle mutation. Jusqu'au XVIIe siècle, le
français, comme le latin dont il est issu, distinguait féminin et
masculin. La question de genre n'était pas évoquée et
l'usage de la règle de proximité n'imposait pas au féminin
de « s'incliner » devant le masculin lors de l'accord des genres. La
période du classicisme, dont l'impact sera spectaculaire par les
changements sociétaux qui en découleront, marquera un tournant
dans le monde politique, culturel, littéraire, et de manière plus
générale, dans la société de l'époque - et
jusqu'à ce jour certains ajouteront. Il en découlera peu à
peu une masculinisation de la langue, et une prévalence du masculin sur
le féminin : l'accord de proximité disparaît peu à
peu entre le XVIIe et le XIXe siècle au profit du
genre masculin qualifié de genre noble (Nameche, 2018). Le masculin
considéré comme neutre l'emporte au pluriel, et beaucoup de mots
utilisés au féminin, comme par exemple peinteresse, sont
condamnés (Viennot, 2014, p.46). Bien que certains philosophes et
écrivains luttent pour la féminisation de la langue dès le
XVIIIe siècle, les grammairiens continuent à
préconiser l'emploi du masculin, considéré comme genre le
plus noble. Ainsi, « dans l'édition de 1847, Bescherelle
précisera avec fierté que la langue française s'est mise
en opposition avec toutes les autres langues, en laissant au masculin tous ces
noms auteur, docteur, géomètre, général, graveur,
professeur, philosophe, poète etc, lors même que ces noms
désignent des femmes » (Viennot, 2018, p. 52).
59
Il aura fallu cinq siècles à l'Académie
française, qui refusa le recours à l'écriture inclusive et
la féminisation des noms de métiers dès 1689, pour adopter
le 28 février 2019 « à une large majorité un
rapport sur la féminisation des noms de métiers, soulignant qu'il
n'existait aucun obstacle de principe à la féminisation des noms
de métiers et de professions » (Perrin, 2019, p. 1).
La seconde partie de notre mémoire visait
l'étude de l'adoption de l'écriture inclusive dans les discours
politiques contemporains. Nous avons analysé les discours des trois
présidents de la Ve République suivants : Emmanuel Macron,
François Hollande et Jacques Chirac. L'analyse des discours de l'actuel
Président de la République laisse transparaître un homme au
féminisme convaincu. Bien que seul son discours de l'automne 2017 soit
très inclusif (du fait du thème, mais également des
manifestations féministes de cette année) ; ses engagements en
faveurs des femmes transparaissent dans ses actions. Tout comme Emmanuel
Macron, François Hollande revendique son féminisme. Il ira
jusqu'à déclarer « Parce que je suis féministe,
je m'inscris dans ce mouvement de progrès ». Ce
féminisme n'apparait pas de manière constante dans ses discours
politiques car l'écriture inclusive y est parfois absente. En effet,
sorti des discours de circonstance, son choix se porte plus vers l'utilisation
de termes génériques. François Hollande demeure
néanmoins très impliqué dans la lutte contre
l'inégalité des sexes et l'amélioration des droits de la
femme. Quant à Jacques Chirac (époque oblige ?), ses discours
laissent peu de place à l'écriture inclusive. Tout comme ses
discours, ses actes seront ambivalents : tantôt en faveur d'une
émancipation franche de la femme tantôt enclin à la
renvoyer derrière les fourneaux. Il n'en demeure pas moins le premier
Président à avoir encouragé la parité au sein de
son gouvernement et ce, dès les années 70.
Ce mémoire nous a permis de démontrer que les
discours évoluent avec la société et contribuent à
l'actualisation de la langue. Les discours semblent néanmoins
évoluer moins vite que la société comme l'indique le
faible degré de féminisation des discours de Présidents
qui clament haut et fort leur féminisme. Ce mémoire traduit
également l'importance du choix des mots dans un discours car «
ne pas reproduire dans le langage la non-mixité des dominants, c'est
rendre possible une plus grande mixité sur place en évitant que
seuls des hommes se sentent légitimes à être
présents. Il s'agit d'amorcer une prise de conscience sur le fait que le
soi-disant universalisme de notre langue (mais pas que, et pas que sur le plan
du genre) laisse de côté une partie de l'humanité »
(Pourquoi féminiser notre langage est important, 2017).
60
Et s'il n'y avait pas que les mots... Quand l'iniquité
se trouve aussi dans une tenue jugée trop féminine ! Comment
accepter de légiférer sur la féminisation des mots quand
dans l'enceinte même de l'Assemblée Nationale, lieux dominé
par les hommes, certains députés hommes s'appuyaient sur un
règlement intérieur (rédigé par des hommes) pour
contester les vêtements portés par une femme - vêtements
jugés trop féminins pour l'hémicycle ! Au final on demande
aux femmes de s'habiller comme les hommes, tout comme on demande à la
langue qu'un mot féminin soit écrit au masculin. Rappelons-nous
la mémorable passe d'armes de juillet 2012 entre Cécile Duflot,
ministre de l'Ecologie et un groupe de députés hostiles qui
moquaient les fleurs sur sa robe un peu courte. Gageons qui si elle avait
porté un tailleur sobre et sombre, comme celui porté par les
hommes, l'incident n'aurait pas eu lieu. Malheureusement le combat qui consiste
à reconnaître l'identité féminine ne se situe pas
que dans les mots. On comprend que le combat s'annonce difficile et que
légiférer dans une Assemblée dominée par des hommes
n'est pas gagné d'avance, et que le discours politique qui introduit
l'écriture inclusive ainsi que toutes formes langagières
féminisées risque de ne pas avoir que des adeptes. La
féminisation des mots est aussi et surtout une question de pouvoir. Et
pourtant cela n'a aucun sens d'un point de vue juridique ou grammatical, mais
cela montre que l'état est masculin, et par extension que le
français est une langue de pouvoir.
61
BIBLIOGRAPHIE
Bard Christine., Le Nan F. « Dire le
genre avec les mots, avec le corps », CNRS éditions, 2019, 304
pages.
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