WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'épidémie d'ebola en Guinée, en Sierra Leone et au Libéria de 2014-2016: analyse des données, impact sur les systèmes de santé et importance de la surveillance épidémiologique communautaire


par Rams MPALE
UNICAF - Master 1 et 2 en Management de la santé 2024
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

    Master 1 et 2 en Santé publique

    Option Management de la santé

    1

    L'épidémie d'Ebola en Guinée, en Sierra Leone et au

    Libéria de 2014-2016 : Analyse des données, impact

    sur les systèmes de santé et importance de la

    surveillance épidémiologique communautaire

    Rams MPALE RAMAZANI
    R2205D14518765
    Epidémiologie et santé publique
    54220
    Devoir-1

    Kinshasa, le 20 mai 2023

    2

    I. Introduction

    Le virus Ebola appartient au genre Ebolavirus de la famille des Filoviridae (filovirus), même famille que le virus Marburg. Il comprend 6 espèces : ebolavirus Bundibugyo, ebolavirus Forêt de Taï, ebolavirus Reston, ebolavirus Soudan, ebolavirus Zaïre et ebolavirus Bombali. Le virus Ebola ont été découverts en 1976 après les épidémies touchant le Soudan et la République Démocratique du Congo. Ils ont entrainé encore 27 autres épidémies avant la flambée de 2014 touchant initialement la Guinée (Chippaux, 2014).

    Au mois de décembre 2013, une flambée de l'épidémie d'Ebola plus importante que les épidémies antérieures en termes de cas de décès observées et de la vitesse de propagation de la maladie, avait touché l'Afrique de l'Ouest où le premier cas avait été diagnostiqué dans la région de Guéckédou en Guinée selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Au mois de mars 2014, le ministère de la santé Guinéen et les Médecins Sans Frontières (MSF) avaient été saisis d'une maladie hors du commun caractérisée par de la fièvre, de fortes diarrhées, des vomissements et des cas élevés de décès (Baize et al., 2014, tel que cité dans Simon-Lorière et Lysaniuk, 2015). Cet intervalle de temps de trois mois entre le diagnostic du premier cas et la déclaration de la maladie, avait entrainé, par manque des mesures de prévention et de contrôle de l'épidémie, sa propagation au-delà des frontières Guinéennes, notamment en Sierra Léone et au Libéria (Chowell et Nishiura, 2014). Ces trois pays Ouest africains, considérés comme foyer initial de l'épidémie, avaient enregistré 10.114 cas d'Ebola et 4.912 décès au 25 octobre 2014 sur les 10.141 cas d'Ebola et 4.922 décès enregistrés dans le monde par l'OMS (Niang, 2014 ; Simon-Lorière et Lysaniuk, 2015).

    Mais quelle était l'ampleur de cette épidémie en Guinée, Sierra Léone et au Libéria ? et son impact sur les systèmes de santé de ces pays Ouest africains ainsi que leçons apprises de cette crise ? A travers ces questions, mon essai se proposera de présenter et analyser les données sur la morbidité et la mortalité de l'épidémie d'Ebola dans ces trois pays de 2014 à 2016, d'expliquer les différents termes épidémiologiques utilisés et d'en donner leurs significations, d'analyser l'impact de l'épidémie sur leurs systèmes de santé et les enseignements tirés de cette crise, de discuter sur l'importance de la surveillance épidémiologique communautaire dans la gestion et la prévention des épidémies. Enfin, il tentera de formuler des recommandations permettant aux autorités et professionnels de santé publique de pays africains de rester aux aguets pour faire face aux éventuelles épidémies.

    3

    II. Présentation et analyse des données de l'épidémie d'Ebola en Guinée, en Sierra Léone et au Libéria de 2014 à 2016

    2.1. Présentation des données démographiques et de l'épidémie d'Ebola en Guinée, en Sierra Léone et au Libéria de 2014 à 2016

    Tableau 1

    Présentation des données de l'épidémie d'Ebola en Guinée, en Sierra Léone et au Libéria de 2014 à 2016

     

    Année

    Pays

    Indicateurs

    2014

    2015

    20161

    Guinée

    Population totale 2

    11.333.365

    11.625.998

    11.930.985

    Nombre total de décès

    121.024

    123.035

    124.421

    Nombre de cas confirmés d'Ebola

    2.397

    3.351

    3.811

    Nombre de décès dus à Ebola

    1.708

    2.536

    2.543

    Sierra Léone

    Population totale

    7.140.688

    7.314.773

    7.493.913

    Nombre total de décès

    79.204

    80.111

    78.356

    Nombre de cas confirmés d'Ebola

    7.354

    8.704

    14.124

    Nombre de décès dus à Ebola

    2.758

    3.955

    3.956

    Libéria

    Population totale

    4.519.398

    4.612.329

    4.706.097

    Nombre total de décès

    41.980

    44.286

    44.809

    Nombre de cas confirmés d'Ebola

    3.110

    3.151

    10.675

    Nombre de décès dus à Ebola

    3.423

    4.809

    4.809

    Source : OMS (2014) et OMS (2015)

    Le tableau 1 présente les données démographiques (population totale et nombre total de décès) et les données de l'épidémie d'Ebola (nombre de cas confirmés d'Ebola et nombre de décès dus à Ebola) de 2014 à 2016 de chacun de 3 pays. Les données démographiques ne sont pas cumulées, tandis que les données de l'épidémie sont cumulées. De 2014 à 2016, les 3 pays avaient enregistré 28.610 cas confirmés d'Ebola (soit 3.811 cas en Guinée, 14.124 en Sierra

    1 Les données de l'année 2016 sur l'épidémie d'Ebola proviennent du tableau inclus dans le Devoir 1 - Conseils du module Epidémiologie et santé publique de l'UNICAF résumant les nombres de cas et de décès, entre 20142016, par pays.

    2 Les données démographiques (population totale et nombre total de décès) de 2014 à 2016 proviennent des statistiques de la banque mondiale. Mondiale. https://donnees.banquemondiale.org/pays

    4

    Léone et 10.675 au Libéria) et 11.308 décès (soit 2.543 cas en Guinée, 3.956 en Sierra Léone et 4.809 au Libéria).

    Il faudra noter que lors de la revue documentaire, les données trouvées pour l'année 2015 ne couvre pas toute l'année. Ce sont des données de l'OMS au 20 décembre 2015.

    2.2. Présentation des données non cumulées de l'épidémie d'Ebola en Guinée, en Sierra Léone et au Libéria de 2014 à 2016

    Tableau 2

    Données non cumulées de l'épidémie d'Ebola en Guinée, en Sierra Léone et au Libéria de 2014 à 2016

     

    Guinée

    Sierra Léone

    Libéria

     

    Nombre de cas confirmés d'Ebola

    Nombre de décès dus à Ebola

    Nombre de cas confirmés d'Ebola

    Nombre de décès dus à Ebola

    Nombre de cas confirmés d'Ebola

    Nombre de décès dus à Ebola

    2014

    2.397

    1.708

    7.354

    2.758

    3.110

    3.423

    2015

    954

    828

    1.350

    1.197

    41

    1.386

    2016

    460

    7

    5.420

    1

    7.524

    0

    Total

    3.811

    2.543

    14.124

    3.956

    10.675

    4.809

    Le tableau 2 présente les données non cumulées des cas confirmés d'Ebola et des décès dus à Ebola en Guinée, Sierra Léone et au Libéria de 2014 à 2016. Il y avait plus de cas confirmés d'Ebola en 2014 en Sierra Léone (7.354) et au Libéria (3.110) qu'en Guinée (2.397). Par contre en 2015, il y avait plus de cas confirmés en Sierra Léone (1.350) et en Guinée (954) qu'au Libéria (41). En 2016, le Libéria avait enregistré plus de cas d'Ebola, soit 7.524, par rapport à la Sierra Léone (5.420) et à la Guinée (460). Au cours de deux premières années, le Libéria avait enregistré plus de décès (3.423 contre 1.386), suivi de la Sierra Léone (2.758 contre 1.197) et de la Guinée (1.708 contre 828). En 2016, la Guinée et la Sierra Léone avaient enregistré respectivement 7 décès et 1 décès dus à Ebola, et le Libéria n'avait enregistré aucun décès.

    Au total pour la période allant de 2014 à 2016 la Sierra Léone avait enregistré plus de cas confirmés d'Ebola (soit 14.124) que le Libéria (soit 10.675) et la Guinée (soit 3.811). En revanche, le Libéria avait enregistré plus de décès (soit 4.809) que la Sierra Léone (3.956) et la Guinée (2.543).

    Comme je viens de l'évoquer ci-dessus, les données trouvées pour l'année 2015 sont des données de l'OMS au 20 décembre 2015. Ce qui fait qu'une partie des données du 21 au 31 décembre 2015 est comptabilisée en 2016, entrainant de fois des inadéquations entre le nombre

    5

    de cas d'Ebola et le nombre de décès enregistrés en 2015. Tel est le cas du nombre des décès dus à Ebola (1.386) qui est supérieur au nombre de cas d'Ebola (41) au Libéria.

    2.3. Analyse des données de l'épidémie d'Ebola en Guinée, en Sierra Léone et au Libéria de 2014 à 2016

    2.3.1. Données sur la morbidité

    2.3.1.1. Incidence d'Ebola en Guinée, en Sierra Léone et au Libéria

    Graphique 1

    Incidence pour 100.000 habitants de l'épidémie d'Ebola en Guinée, en Sierra Léone et au Libéria de 2014 à 2016

    103

    18

    1

    180

    160

    160

    140

    69

    8 4

    2014 2015 2016

    72

    120

    100

    80

    60

    40

    21

    20

    0

    Guinée Sierra Léone Libéria

    Le graphique 1 montre que l'incidence de l'épidémie d'Ebola en 2014 était plus élevée en Sierra Léone (103 cas pour 100.000 habitants) suivie du Libéria (69 cas pour 100.000 habitants) et de la Guinée (21 cas pour 100.000 habitants). La tendance de l'incidence de l'épidémie d'Ebola était en régression de 2014 à 2015 dans les 3 pays. Elle avait connu une forte régression de 2014 à 2015 de 99% au Libéria (69 à 1 cas pour 100.000 habitants), de 83% (103 à 18 cas pour 100.000 habitants) en Sierra Léone, et de 62% en Guinée (21 à 8 cas pour 100.000 habitants). De 2015 à 2016, l'incidence de l'épidémie d'Ebola avait régressé seulement en Guinée (de 8 à 4 cas pour 100.000 habitants, soit de 50%). Elle avait cependant augmenté en Sierra Léone de 300% (18 à 72 cas pour 100.000 habitants) et spectaculairement au Libéria (de 1 à 160 cas pour 100.000 habitants). L'épidémie d'Ebola avait été modérément contagieuse au Libéria et en Sierra Léone et faiblement contagieuse en Guinée.

    6

    L'incidence est le nombre de nouveaux cas observés d'une maladie pendant un moment donné et dans une population donnée (Bonita, 2010). Le taux d'incidence peut refléter l'efficacité des mesures préventives mises en place pour réduire ou arrêter la propagation d'une maladie, c'est-à-dire de nouveaux cas (Indicateurs de santé, s.d.).

    Il faudra noter que mon essai n'a pas analysé la prévalence de l'Ebola, car cette dernière est souvent calculée pour les maladies chroniques comme le VIH, le diabète, etc. et non pas pour les maladies aigues comme Ebola.

    2.3.2. Données sur la mortalité

    2.3.2.1. Taux brut de mortalité en Guinée, en Sierra Léone et au Libéria

    Graphique 2

    Taux brut de mortalité pour 1000 habitants en Guinée, en Sierra Léone et au Libéria de 2014 à 2015

     
     
     
     

    11,5

    11,1

    11,0

     

    11,0

    10,7

    10,6

    10,5

    10,5

     
     

    10,4

    10,0

    9,3

    9,6

    9,5

    9,5

     
     
     

    9,0

     
     
     

    8,5

     
     
     

    8,0

    2014

    2015

    2016

    Guinée Sierra Léone Libéria

    La Sierra Léone avait un taux brut de mortalité élevé de 2014 à 2016, suivie de la Guinée et du Libéria. Les taux bruts de mortalité de la Sierra Léone et de la Guinée avaient une tendance à la baisse au fur du temps, soit de 11,1 à 10,5 décès pour 1000 habitants en Sierra Léone et de 10,7 à 10,4 décès pour 1000 habitants en Guinée, et étaient un peu plus élevés que celui du Libéria. Cependant, le taux brut de mortalité du Libéria avait une tendance à la hausse au fur du temps, soit de 9,3 à 9,5 décès pour 1000 habitants, malgré une baisse de 9,6 à 9,5 décès pour 1000 habitants de 2015 à 2016. Ceci démontre que les conditions sanitaires d'une manière

    7

    générale étaient meilleures au Libéria qu'en Guinée et Sierra Léone. En 2016, la Guinée et Sierra Léone avaient presque les mêmes conditions sanitaires.

    Le taux brut de mortalité est le nombre de décès ne tenant pas compte d'un facteur associé dans une population donnée à un moment donné (Boukharouba, s.d.). Il montre les conditions sanitaires d'un pays ou d'une contrée.

    2.3.2.2. Taux de mortalité spécifique pour Ebola

    Graphique 3

    Taux de mortalité spécifique pour 100.000 habitants pour Ebola en Guinée, en Sierra Léone et au Libéria de 2014 à 2016

    80

    76

    70

    60

    50

    40

    30

    30

    20

    16

    15

    0,06

    0,01 0,00

    39

    2014 2015 2016

    10

    7

    0

    Guinée Sierra Léone Libéria

    D'une manière générale, le taux de mortalité spécifique pour Ebola était très faible dans les 3 pays de 2014 à 2016. Il allait croissant de 2014 à 2016 en Guinée (15, 39 et 76 décès pour 100.000 habitants) et en Sierra Léone (7, 16 et 30 décès pour 100.000 habitants) et presque nul au Libéria. La Guinée avait un taux de mortalité pour Ebola plus élevé que la Sierra Léone et le Libéria de 2014 à 2016. Ceci démontre que l'épidémie d'Ebola avait été plus grave en Guinée qu'en Sierra Léone et au Libéria.

    Le taux de mortalité spécifique est le nombre de décès pour une cause donnée pendant un moment donné dans une population donnée (Indicateurs de santé, s.d.). Il montre la gravité d'une maladie.

    Eu égard au problème des données de l'année 2015 évoqué ci-haut, mon essai a utilisé les données cumulées 2014-2016 pour chacun de pays afin de calculer le taux de létalité d'Ebola.

    Graphique 4

    Taux de mortalité spécifique pour 100.000 habitants pour Ebola en Guinée, en Sierra Léone et au Libéria, données cumulées en 2016

    102

    53

    21

    Guinée Sierra Léone Libéria

    120 100 80 60 40 20 0

    Si nous considérons les données de l'épidémie en 2016, le Libéria (102 décès pour 100.000 habitants) avait un taux de mortalité spécifique pour Ebola supérieur à la Sierra Léone (53 décès pour 100.000 habitants) et la Guinée (21 décès pour 100.000 habitants).

    2.3.2.3. Taux de létalité

    Graphique 5

    67%

    28%

    45%

    Guinée Sierra Léone Libéria

    70% 60% 50% 40% 30% 20% 10%

    0%

    Taux de létalité d'Ebola en Guinée, en Sierra Léone et au Libéria pour la période de 2014 à 2016

    9

    Pour la période allant de 2014 à 2016, il y avait 67% de décès dus à Ebola en Guinée, suivie du Libéria (45%) et de la Sierra Léone (28%). L'épidémie d'Ebola était plus virulente en Guinée qu'au Libéria et en Sierra Léone. D'une manière générale, la prise en charge d'Ebola n'était pas de qualité dans ces trois pays, car l'indicateur standard d'une prise en charge adéquate est un taux de létalité < 1% (Olson et al., s.d.).

    Le taux de létalité est le nombre de décès dus à une maladie par rapport au nombre total de cas observés pour cette maladie. Il montre le risque d'occasionner la mort.

    Graphique 6

    Cas confirmés, probables et suspects de maladie à virus Ebola dans le monde (données au 17 janvier 2016)

    Source : OMS (2016, figure 1)

    Au regard de ce graphique, 99,9% du poids de l'épidémie d'Ebola en termes de cas et des décès dans le monde de 2014 à 2016 étaient portés par la Guinée, la Sierra Léone et le Libéria (cas : 28.602/28.638 ; décès : 11.301/11.316).

    10

    2.3.2.4. Taux de mortalité proportionnel

    Graphique 7

    Taux de mortalité proportionnel dû à Ebola en Guinée, en Sierra Léone et au Libéria pour la période 2014-2016

     

    3,7°h

     
     
     
     
     
     
     
     

    Libéria

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    131075

    Sierra Léone

    1,7°h

    237671

    Guinée

    0,7°h

    368480

    0 50000 100000 150000 200000 250000 300000 350000 400000

    Taux de mortalité proportionnelle 2014-2016 Nombre total de décès 2014-2016

    Le graphique 7 nous montre que le taux de mortalité proportionnel de 2014 à 2016 était de 3,7% au Libéria, 1,7% en Sierra Léone et 0,7% en Guinée. Ceci signifie que 3,7% de décès au Libéria étaient dus à Ebola pendant la période de 2014 à 2016 ; 1,7% en Sierra Léone et 0,7% en Guinée.

    Le taux de mortalité proportionnel est le nombre de décès dû à une cause donnée pendant une période donnée par rapport au nombre total de décès pendant la même. Il montre la gravité de la maladie par rapport aux autres causes de décès.

    III. Impact de l'épidémie d'Ebola sur les systèmes de santé de la Guinée, Sierra Léone et du Libéria et leçons apprises y afférentes

    3.1. Impact de l'épidémie d'Ebola sur les systèmes de santé de la Guinée, Sierra Léone et du Libéria

    L'épidémie d'Ebola avait impacté les systèmes de santé de la Guinée, la Sierra Léone et du Libéria qui, bien avant, étaient déjà défaillant en termes d'infrastructures sanitaires (en quantité et en qualité), de l'offre des services de santé, de ressources humaines (faible quantité en personnel soignant et manque de personnel qualifié), de gestion de l'information sanitaire, de surveillance épidémiologique, de disponibilité des médicaments, de gouvernance et de financement de la santé selon un expert des Nations Unies envoyé pour la riposte à Ebola, et aussi en termes d'accès à l'eau potable et de manque d'hygiène. D'une manière générale, l' épidémie d'Ebola avait entrainé la réduction de la fréquentation des établissement de soins

    11

    de santé (ESS) ; la réquisition de certains médecins pour la riposte à l'épidémie ; la rupture de certains intrants (à l'exemple des médicaments antirétroviraux) ; la fermeture de certains ESS (60% de centres de prise en charge du VIH avaient fermé au Libéria au mois de novembre 2014) à cause de la contamination de certains prestataires de soins et du refus d'autres par crainte de contamination (Note Guinée/Sierra Leone/Libéria : Epidémie d'Ebola, 2015).

    En outre, par crainte d'être mis en quarantaine à cause de la fièvre avec les personnes infectées par le virus d'Ebola et par manque de prise en charge, l'épidémie d'Ebola avait augmenter les décès dû au paludisme (Note Guinée/Sierra Leone/Libéria : Epidémie d'Ebola, 2015).

    3.1.1. Impact sur les ressources humaines (personnel soignant)

    Selon la Note Guinée/Sierra Leone/Libéria : Epidémie d'Ebola (2015), avant l'épidémie d'Ebola, les trois pays n'avaient que 1.303 médecins, soit moins de 3 médecins pour 100.000 habitants. L'apparition de l'épidémie avait entrainé 509 décès parmi le personnel soignant au 1er juillet 2015 (OMS, 2015, 1er juillet) renforçant ainsi la faible quantité en personnel soignant (voir tableau 3 ci-dessous).

    Tableau 3

    Situation du personnel soignant de la Guinée, du Libéria et de la Sierra Léone au 1er juillet 2015

    Membres du personnel Membres du personnel Nombre de médecins

    soignant infectés soignant décédés avant l'épidémie

    Guinée

    191

    96

    1147

    Libéria

    378

    192

    41

    Sierra Léone

    305

    221

    115

    Total

    874

    509

    1303

    Source : Note Guinée/Sierra Leone/Libéria : Epidémie d'Ebola (2015, tableau 5)

    3.1.2. Impact sur le service de santé maternelle

    Au regard des risques encourus par le personnel médical lors des accouchements par voie basse ou des césariennes dus au contact avec les liquides biologiques maternels, certains établissements de soins de santé avaient refusé l'accès à bon nombre de femmes enceintes, car environ un tiers du personnel médical décédé de suite de l'épidémie d'Ebola en Sierra Léone entre avril et septembre 2014 étaient des sage-femmes et autre personnel s'occupant des soins

    12

    de la mère et du nouveau-né. Ainsi environ 120.000 futures mères seraient décédées entre le début de l'épidémie et la fin du mois d'octobre 2015 selon les estimations du Fonds des Nations Unies pour la population, UNFPA en sigle (Note Guinée/Sierra Leone/Libéria : Epidémie d'Ebola, 2015).

    Selon UNFPA toujours, l'épidémie d'Ebola avait presque doublé le taux de mortalité maternelle qui était déjà très élevé au Libéria et en Guinée autour de 650 décès sur 100.000 naissances et en Sierra Léone à 1.100 décès pour 100.000 naissances (Note Guinée/Sierra Leone/Libéria : Epidémie d'Ebola, 2015). Ces taux élevés de mortalité maternelle dans ces pays avant même l'apparition de l'épidémie étaient dus généralement à la fragilité et à la faible utilisation des systèmes de santé de l'Afrique de l'Ouest (Ridde, 2012, tel que cité dans Diaby et al., 2018).

    3.1.3. Impact sur la vaccination des enfants

    Une augmentation des cas de rougeole avait été constaté en Guinée et en Sierra Léone, et même quelques cas avaient été aussi constatés au Libéria lui qui n'avait aucun cas de rougeole en 2013. Ceci était dû à la restriction de la vaccination par ces pays à cause de l'épidémie d'Ebola (Note Guinée/Sierra Leone/Libéria : Epidémie d'Ebola, 2015).

    IV. Importance de la surveillance épidémiologique communautaire dans la gestion et la prévention des épidémies

    Diaby et al. (2018) souligne que tout système de santé doit être résilient, c'est-à-dire capable de faire rapidement face à la situation d'urgence tout en assurant la continuité des services de soins essentiels à la population. En conséquence, les stratégies de la riposte (prévention, soins et traitement, etc.) doivent être multisectorielles impliquant les secteurs santé et non santé, y compris les communautaires. Ces principales stratégies sont entre autres la mobilisation des ressources internes et externes tant humaines, matérielles que financières ; la coordination des interventions de la riposte à l'épidémie d'Ebola ; la mise au point d'un système de surveillance active des cas suspects d'une épidémie et le suivi des cas contacts durant toute la période d'incubation de la maladie (isolement pendant au moins 21 jours après exposition pour les cas contacts d'Ebola) ; la mise en place d'un programme d'éducation, information et communication en collaboration avec la communauté afin de freiner la propagation de la maladie ; et la prise en charge des cas confirmés de la maladie.

    13

    L'arrêt de la propagation d'une épidémie repose sur « la surveillance pour la recherche active des cas et le suivi de tous les cas (Kieny et al., 201, tel que cité dans Desclaux et Sow, 2015). Plusieurs secteurs avaient été impliqués dans cette surveillance épidémiologique parmi lesquels le secteur communautaire qui auparavant n'était pas impliqué dans la riposte aux maladies. La surveillance à base communautaire (SABC) était d'une importance capitale dans la riposte à l'épidémie d'Ebola. Des organisations à base communautaire avaient été installées dans tous les quartiers et des leaders d'opinion (individus, jeunes, femmes, chefs religieux, etc.) avaient été mobilisés aux cotés des prestataires médicaux pour assurer cette surveillance. Ils avaient été formés et avaient contribué à la sensibilisation de la population sur les modes de transmission et prévention de la maladie, la distribution des kits de lavage des mains, à la gestion de fausses rumeurs, à la notification des cas suspects et au suivi des cas contacts, à la déclaration des cas de décès et des étrangers nouvellement arrivés dans la communauté (Fortin, 2017 ; Maltais, 2019 ; Mbaye et al., 2017).

    Par ailleurs, la communauté avait été aussi impliqué, à l'exemple de la Guinée, dans la surveillance active en ceinture (SA-CEINT) en 60 jours autour des cas de guérison d'Ebola. Cette surveillance consistait aux visites régulières aux domiciles des malades guéris pour les prélèvements du sang, du sperme pour une éventuelle analyse afin de déterminer la durée de survie du virus (Maltais, 2019).

    V. Conclusion

    En somme, mon essai avait comme objectifs de présenter et analyser les différents indicateurs de morbidité et mortalité de l'épidémie d'Ebola en Guinée, en Sierra Léone et au Libéria de 2014 à 2016, d'expliquer les différents termes épidémiologiques utilisés et d'en donner leurs significations, d'analyser l'impact de l'épidémie d'Ebola sur les systèmes de santé de ces trois pays d'Afrique de l'Ouest et les leçons apprises de cette épidémie, de discuter sur l'importance de la surveillance épidémiologique communautaire dans la gestion et la prévention des épidémies, et enfin, de formuler des recommandations permettant aux professionnels de santé publique de rester focus à l'avenir sur base des déterminants sociaux.

    L'épidémie d'Ebola n'avait pas été très contagieuse d'une manière générale au Libéria et en Sierra Léone et faiblement contagieuse en Guinée, sauf si l'on considère seulement des zones touchées. En 2016, le Libéria avait une incidence de 160 cas pour 100.000 habitants, soit environ deux fois plus que celle la Sierra Léone et 40 fois plus que celle de Guinée. Ce dernier

    14

    est le pays qui avait connu un taux d'incidence inférieur par rapport aux deux autres, sauf en 2015 où son incidence était en deuxième position après la Sierra Léone. L'incidence de ces trois pays avait connu une chute de 2014 à 2015, puis une montée de 2015 à 2016. Ce qui a reflété l'efficacité de la riposte en 2015 et un relâchement en 2016. Cette tendance pour l'incidence, en 2016, est aussi remarquée pour le taux de mortalité spécifique pour Ebola qui était aussi élevé au Libéria (102 décès pour 100.000 habitants), soit environ deux fois plus que celui de la Sierra Léone et cinq fois plus que celui de la Guinée.

    Cependant l'épidémie d'Ebola était virulente dans les trois pays, mais plus virulent en Guinée qu'au Libéria et en Sierra Léone. En 2016, la Guinée avait un taux de létalité d'Ebola d'environ 7 décès sur 10 cas, alors qu'au Libéria il était d'environ 5 décès sur 10 cas et en Sierra Léone environ 3 décès sur 10 cas. Cette virulence dans les trois pays pourrait être expliquée par la faible qualité de la prise en charge d'Ebola. Ces trois pays avaient porté 99,9% du poids de l'épidémie sur le plan mondial en 2016. En outre, plus de cas de décès sont dus à Ebola au Libéria (3,7%), suivi de la Sierra Léone (1,7%) et de la Guinée (0,7%), montrant ainsi sa gravité par rapport à d'autres maladies au Libéria et Sierra Léone.

    Par ailleurs, l'épidémie d'Ebola avait eu un impact négatif sur les systèmes de santé de la Guinée, Sierra Léone et du Libéria, entrainant ainsi le faible accès aux services de santé, la fermeture de certains établissements de santé, la diminution du personnel soignant dans les services par réquisition de certains médecins pour la riposte à l'épidémie et par contamination ou décès d'autres ou par refus de peur d'être contaminé, la rupture en médicaments à l'exemple des antirétroviraux. L'épidémie avait aussi augmenté les cas des décès dus au paludisme et des décès maternels, et aussi de cas de la rougeole.

    Eu égard à crise sanitaire, la surveillance à base communautaire avait été d'une grande importance dans la sensibilisation et distributions des kits de lavage des mains dans la communauté, dans la notification des cas suspects et le suivi des cas contacts, dans la déclaration des cas de décès et aussi des étrangers nouvellement arrivés dans la communauté. Elle avait été aussi d'une grande importance, particulièrement en Guinée, dans la surveillance active en ceinture des cas guéris.

    Au regard de cette étude des cas, je recommande aux autorités politico-administratives des pays africains d'améliorer l'offre de services de santé et de mettre en place une couverture santé universelle afin d'accroitre la fréquentation des services de santé, de mettre en place des

    15

    stratégies permettant de rendre résilients leurs systèmes de santé (Diaby et al., 2018) entre autres la mise sur pied des plans de gestion des urgences pour leur meilleure anticipation et des directives pour une bonne gouvernance au moment de crise (Jouffroy et al., 2015, tel que cite dans Maltais, 2019) ; le renforcement de la surveillance épidémiologique au niveau des frontières et de différentes portes d'entrée dans le pays, tout en créant des partenariat transfrontaliers ; l'intégration des unités d'isolation et le développement des laboratoires équipés (Maltais, 2019) ; le renforcement de l'engagement communautaire en mettant en place une surveillance à base communautaire avant l'apparition d'une épidémie ; le renforcement des capacités des professionnels de santé et de la communauté sur les mesures de prévention et de contamination des maladies à caractère épidémique et l'utilisation des équipements de protection individuelle (Fortin et al., 2017) . Aux professionnels de santé, de mettre en pratique régulièrement les mesures standards de prévention des infections lors des consultations et autres actes médicaux.

    Enfin, cet essai n'a pas pu analyser les différents obstacles à l'engagement de la communauté, qui jadis, était déjà victime des politiques restrictives lors des épidémies depuis l'époque coloniale voire actuellement. Ces obstacles à l'engagement communautaire seront discutés dans les recherches ultérieures.

    16

    Références

    Baize, S., Pannetier, D., Oestereich, L., Rieger, T., Koivogui, L., Magassouba, N., Soropogui, B., Saliou Sow, M., Keïta, S., De Clerck, H., Tiffany, A., Dominguez, G., Loua, M., Traoré, A., Kolié, M., Malano, E.R., Heleze, E., Bocquin, A., Mély, S., ...Günther, S. (2014). Emergence de la maladie à virus Ebola du Zaïre en Guinée. Le journal de médecine de la nouvelle Angleterre, 371(15), 1418-1425. DOI : 10.1056/NEJMoa1404505

    Bonita, R., Beaglehole, R., & Kjellstro·m, T. (2010). Éléments d'épidémiologie (2e éd). Organisation mondiale de la santé.

    Boukharouba, H. (s.d.). Les indicateurs de santé. https://fmedecine.univ-setif.dz/Cours/indicateurs%20de%20sant%C3%A9.pdf

    Chippaux, J. P. (2014). Epidémies de la maladie à virus Ebola en Afrique : les débuts d'une saga tragique. Journal des animaux venimeux et des toxines dont les maladies tropicales, 20, 1-14. http://www.jvat.org/content/20/1/44

    Chowell, G., Nishiura, H. (2014). Transmission dynamics and control of Ebola virus disease (EVD): a review. BMC Medicine, 12(196), 1-17. http://www.biomedcentral.com/1741-7015/12/196

    Desclaux, A., & Sow, K. (2015). « Humaniser » les soins dans l'épidémie d'Ebola ? Les tensions dans la gestion du care et de la biosécurité dans le suivi des sujets contacts au Sénégal. Revue internationale francophone d'anthropologie de la santé, (11). https://doi.org/10.4000/anthropologiesante.1751

    Diaby, A., Mohamed, A. S., Tall, I., & Boiro, D. (2018). Les systèmes de santé ouest africains à l'épreuve de la maladie à virus Ebola : Quelles stratégies pour y faire face. Jaccr Africa, 2(1), 27-33.

    Fortin, A., Vroh Benie Bi, J., & Soulimane, A. (2017). Les enseignements de l'épidémie d'Ebola pour une meilleure préparation aux urgences. Santé publique, 29(4), 465-475. DOI 10.3917/spub.174.0465

    Indicateurs de santé. (s.d.). https://fmed.univ-
    tlemcen.dz/ressources/documents_actualites/scolimed_157.pdf

    Jouffroy, R., Nahon, M., Delpech, P., Puidupin, A., Tourtier, J.-P., Carli, P., & Vivien, B. (2015). Comment organiser les soins pré- et intra hospitaliers en cas d'affluence massive de patients ? Réanimation, 24(5), 557?572. https://doi.org/10.1007/s13546-015-1100-4

    17

    Kieny, M. -P., Evans, D. B., Schmets, G., & Kadandale, S. (2014). Résilience des systèmes de santé : réflexions sur la crise Ebola en Afrique de l'Ouest. Bulletin de l'Organisation Mondiale de la Santé, 92, 850. http://dx.doi.org/10.2471/BLT.14.149278

    Maltais, S. (2019). La gestion résiliente des crises sanitaires dans les États fragiles : étude de la crise d'Ebola en Guinée (Thèse). École de développement international et mondialisation, Ottawa, Canada.

    Mbaye, E. M., Kone, S., Kâ, O., Mboup, S. (2017). Évolution de l'implication des communautés dans la riposte à Ebola. Santé publique, 29(4), 487-496. DOI 10.3917/spub.174.0487

    Note Guinée/Sierra Leone/Libéria : Epidémie d'Ebola (2015).
    https://www.sem.admin.ch/dam/data/sem/internationales/herkunftslaender/afrika/gin/ GIN-SLE-LBR-ebola-f.pdf

    Olson, D., Fesselet, J.-F., Grouzard, V. (s.d.). Prise en charge d'une épidémie de choléra.

    Médecins Sans Frontières.

    https://medicalguidelines.msf.org/fr/viewport/CHOL/francais/8-3-indicateurs-epidemiologiques-essentiels-25297148.html consulté le 19 mai 2023

    Organisation Mondiale de la Santé (2014). Feuille de route pour la riposte au virus Ebola : point sur l'évolution récente au 31 décembre 2014.

    Organisation Mondiale de la Santé (2015). Rapport de situation sur la flambée de maladie à virus Ebola au 23 décembre 2015.

    Organisation Mondiale de la Santé (2015, 1er juillet). Rapport sur la situation d'Ebola Situation.

    http://apps.who.int/ebola/current-situation/ebola-situ-ation-report-1-july-2015 Organisation Mondiale de la Santé (2016). Rapport de situation sur la flambée de maladie à

    virus Ebola au 17 janvier 2016.

    Ridde, V. (2012). L'accès aux soins de santé en Afrique de l'ouest : Au-delà des idéologies et des idées reçues. Les Presses de l'Université de Montréal.

    Simon-Lorière, H., & Lysaniuk, B. (2015). La diffusion d'Ébola dans les pays de la Mano River : approche géographique. EchoGéo.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry