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Economie experimentale et théorie des jeux.


par Adil FERTAH
Université Cadi Ayad - Diplôme des études supérieures approfondies en sciences économiques 2003
  

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2-1-3- Description de l'expérience : Hypothèses, Conditions

du travail et Résultats

En se référant à d'autres travaux précédents, SHUBIK suggère que le concept de solution non coopérative est le meilleur prédicteur ( parmi les quatre présentés dans cette expérience) dans une situation des jeux à somme non nulle. Ceci est vrai, ajoute-t-il, avec une seule modification. Les jeux seront joués sous la conditions d'information incomplète sur les règles. Cette incomplétude informationnelle est de deux sortes :

1- les joueurs seront informés seulement sur ses propres fonctions de paiements. Ils n'auront plus d'information sur les fonctions de paiements des autres joueurs. Pour chaque joueur, ses adversaires ( ou ses partenaires) seront choisi de manière aléatoire, en plus, toute communication sera interdite sauf celle via le moniteur qui transmettra l'information concernant les choix de chaque joueur après chaque période du Super Jeu.

2-les joueurs ne seront pas initialement informés sur le nombre de périodes pour les Super Jeux. Ceci pour éviter ce qu'a appelé l'auteur « les effets de conclusion », en d'autres termes afin d'éviter les raisonnement reposant sur le principe de la récurrence à rebours `` backward induction''. Les étudiants (joueurs) auront approximativement une minute par période.

Il faut noter ici que pour tester l'hypothèse selon laquelle la solution non coopérative est la meilleure parmi les quatre avancées, l'auteur ne s'est basé que sur les données des cinq dernières périodes pour chaque jeu. Le terme « meilleure » doit être compris dans un sens général parce qu'aucune solution ne peut être retenue pour tous les jeux.

La figure 9 ci-dessous donne les résultats observés pour les cinq dernières périodes.

 

Les paires de stratégies

Paire (joueurs)

1

Paire

2

Paire

3

Paire

4

Paire

5

Prédiction des solutions

[1] [2] [3] [4]

Jeu

1

(1 ; 1)

(1 ; 2)

(2 ; 1)

(2 ; 2)

-

-

-

5

-

-

-

5

-

-

-

5

-

-

-

5

-

-

-

5

X X X X

Jeu

2

(1 ; 1)

(1 ; 2)

(2 ; 1)

(2 ; 2)

-

-

2

3

-

-

-

5

-

-

3

2

-

1

2

2

-

5

-

-

X X

X X X

X X X

X X

Jeu

3

(1 ; 1)

(1 ; 2)

(2 ; 1)

(2 ; 2)

-

-

-

5

-

-

-

5

-

-

-

5

5

-

-

-

5

-

-

-

X X 6/25

4/25 X

9/25

X X 6/25

Jeu

4

(1 ; 1)

(1 ; 2)

(2 ; 1)

(2 ; 2)

5

-

-

-

5

-

-

-

5

-

-

-

5

-

-

-

3

1

1

-

X X 9/49 X

12/49 X

12/49 X

16/49 X

Jeu

5

(1 ; 1)

(1 ; 2)

(2 ; 1)

(2 ; 2)

-

-

3

2

-

-

1

4

-

-

1

4

-

-

-

5

-

-

1

4

X

X X X

Jeu

6

(1 ; 1)

(1 ; 2)

(2 ; 1)

(2 ; 2)

5

-

-

-

5

-

-

-

5

-

-

-

5

-

-

-

5

-

-

-

X X X X

X

X

X

Fig 9

En examinant les deux figures 8 et 9, on observe que l'ensemble des théories ont la même force prédictive pour le premier jeu, en plus cette observation est en complet accord avec les résultats concernant le jeu expérimental n°1. ceci affirme que les joueurs se dotent d'une rationalité effective.

Pour le deuxième jeu, les solutions [1] et [4] doivent être rejetées, tandis que les solutions [2] et [3] n'ont pas une force de résolution suffisante pour les prendre comme référence sur laquelle nous pouvons reposer notre prédiction des comportements réels des joueurs d'où leurs inconsistance par rapport aux données expérimentales. Ce que nous constatons pour ce jeu c'est qu'il y a une certaine tendance des joueurs à choisir la paire (2 ; 2) avec une grande fréquence, mais aucune des solutions n'a pu capter ce constat. L'auteur propose de rejouer ce jeu une deuxième fois mais en permutant les lignes et les colonnes parce qu'il pense que ce dernier constat ( le choix des joueurs de la paire (2 ; 2) ) ne se base pas sur le principe de rationalité, il avance, sans fermeté, qu'il y a derrière ce genre de comportement d'autres considérations (de type géométrique par exemple).

Pour le troisième jeu, les solutions [1] et [2] tiennent pour toutes les données, tandis que les solutions [3] et [4] doivent être rejetées.

Pour le quatrième jeu, les solutions [1] et [2] sont consistantes avec les donnés de l'expérience ( malgré que les données issues de la 5ème paire de joueurs reflètent une certaine variabilité. La solution [3] doit être rejetée et la solution [4] n'a pas une force de résolution satisfaisante.

Pour le cinquième jeu, ce qui est remarquable c'est que les joueurs font preuve d'une difficulté d'apprentissage, ils n'arrivent pas à coordonner leurs stratégies pour améliorer leur profit joint. Par conséquent, la solution [1] est rejetée tandis que toutes les autres solutions restent acceptables.

Pour le sixième jeu, les solutions [1], [2] et [3] sont en complèt accord avec les données expérimentales ; la solution [4] n'a pas une force de résolution satisfaisante.

Le tableau ci-dessous résume en quelque sorte les résultats de cette expérience :

 

Solutions

Jeux

 

1

2

3

4

1

Oui

Oui

Oui

Oui

2

Non

?*

?

Non

3

Oui

Oui

?

Non

4

Oui

Oui

?

?

5

Non

Oui

Oui

Oui

6

Oui

Oui

Oui

?

* le point d'interrogation ( ? ) indique que la solution n'a pas une force de résolution

A travers les résultats de son expérience, SHUBIK a pu tirer la conclusion suivante : pour l'ensemble des jeux - pris dans cette expérience - aucun concept de solution n'est prédominant. Parfois on trouve qu'ils sont consistant par rapport aux données de l'expérience, dans d'autres cas on trouve qu'ils sont rejetés ( faute de force de résolution ou mauvaise prédiction). Des modifications s'imposent donc. Ces dernières doivent être faite dans le sens de rendre compte de certains aspects tels que la réciprocité, la confiance, l'équité et plein d'autres facteurs que des expériences ultérieures ont essayé de mettre en valeur.

L'expérience de SHUBIK n'a pas pu juger d'une manière un peu plus claire sur la pertinence des concepts de solutions avancés (ou plus précisément sur la pertinence de l'équilibre de NASH comme l'a souhaité SHUBIK lui-même). Ces conclusions insatisfaisantes3(*)1 ont poussé l'auteur à se douter à propos de la méthode expérimentale comme outil de validation théorique. Ainsi il déclare dans la conclusion de son article : « there are great difficulties to be faced in attempting to use experimental games in vitro to learn about human processes in vivo.(...). The environnement of the simple experimental game probably destroys many of the factors contributing to the acceptance of stable standards of behaviour in societies or even in industries and trade associations »3(*)2. Il avance que la meilleure façon qui peut mettre en valeur l'apport de la méthode expérimentale - ce qui peut en dernier lieu mettre en lumière ces facteurs encore négligés par les conditions expérimentales - est la clarification de la relation entre environnement social et environnement expérimental.

Actuellement on est allé très loin dans le processus de clarification de cette relation parce que tous les théoriciens sont convaincus maintenant de la chose suivante : il y a deux logiques du cheminement vers l'équilibre qui sont envisagées. Soit, l'équilibre est atteint à l'aide du mécanisme d'équilibration supposé par la théorie. Soit, le processus menant à l'équilibre est complété par la présence d'éléments extra-rationnels, partagés entre les individus. Ces éléments peuvent être d'ordre psychologique (la sensibilité à l'équité ou l'aversion à l'inéquité, la réciprocité et l'absence d'envie) ou d'ordre sociologiques ( moeurs et habitudes). L'incorporation de ces éléments dans les modèles théoriques améliore certainement leur pouvoir prédictif mais, en faisant, une question importante s'impose : celle concernant le fondement et l'origine de ces éléments extra-rationnels3(*)3.

Dans ce qui suit on rencontrera un cas d'expérience où les jeux expérimentaux sont utilisés pour expliquer les comportements des gens lorsqu'il doivent choisir entre un investissement privé et un investissement public.

* 31 -il faut noter que ces résultats insatisfaisants sont dues en grande partie aussi à la nature même des jeux à joueurs et à somme non-nulle. Ainsi selon les termes de A. COLMAN : « The mathematical inconclusiveness of mixed-motive games (non-zero-sum games) can be explained by an abundance of psychologically interesting phenomena for which they provide precise models, such as cooperation and competition, risk taking and caution, trust and suspicion, altruism and spite, threats, retaliations, and commitments. ». Dans COLMAN. (1982). op.cit, p. 93.

* 32 - SHUBIK M. (1962), op. cit, p. 229. Outre le problème d'incompatibilité des environnements évoqué par SHUBIK dans cette citation , il y a celui de la capacité des joueurs à refléter des comportements conformes à la structure des paiements. COLMAN déclare à cet égard que : «  the finding of researches in this area therefore demonstrate beyond reasonable doubt that subjects in experimental games do not invariably play according to the explicit payoff structures presented to them. This problem strikes at the heart of experimental gaming and is badly in need of direct investigation » dans COLMAN (1982). op. cit, p. 118-119. Voir la réponse des éxpérimentalistes pour ce genre de critiques Supra. p. 25.

* 33 - Voir pour ce sujet :

- BOLTON G., OCKENFELS A. (2002), « ERC : a Theory of Equity, Reciprocity and Competition », American Economique Review, novembre, Vol. 92, n°5, p 1125-1155.

- FEHR E., SCHMIDT K. (1999), «  A Theory of Fairness, Competition, and Cooperation », Quaterly Journal of Economics, August, 3, p. 769-816.

- SCHOTTER A., WEISS A., ZAPATER I. (1996), « Fairness and survival in ultimatum and dictatorship games », Journal of Economic Behavior and Economics, vol. 31, p. 745-779.

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