1.3. Des pratiques successorales discriminatoires par
rapport à l'accès de la femme à la propriété
foncière
Au Cameroun, la succession est régie par la coutume. En
vertu de cette coutume, le principe est que les filles n'héritent pas du
patrimoine foncier familial. Seul
l'igiseke10 leur est accordée. Les
quelques exceptions concernent notamment le cas d'une descendance exclusivement
féminine, si la descendance masculine s'est éteinte sans laisser
d'enfants.
Par rapport à un partage équitable de
l'héritage, la plupart des hommes, dont les points de vue sont aussi
soutenus par certaines femmes, expriment certaines inquiétudes :
Premièrement, l'opinion répandue chez les hommes
considère que le partage équitable de l'héritage entre les
filles et leurs frères constituerait une injustice à leur
égard. En effet, les filles bénéficieraient d'une double
succession, celle issue de leurs parents et celle en provenance de leurs beaux
parents. Alors que les hommes ne peuvent prétendre qu'au seul
héritage dans leur propre famille. Cette façon de faire aurait
pour conséquence la dislocation des familles. En effet, les femmes
issues des familles avec des disponibilités foncières très
limitées se verraient répudiées et les garçons
chercheraient à épouser des filles de familles riches, disposant
de propriétés foncières à hériter (Mbayinil,
2017)11.
Un deuxième argument est tiré de l'atomisation
continue de la terre due à la pression démographique.
Peuplé de près de 17 463 836 habitants sur une superficie de
475.444 km2, le Cameroun, présente une densité de 37,5 habitants
au km2 pour une population essentiellement
10 Portion de terre octroyée collectivement aux
filles et exploitée en usufruit souvent viager.
11 MBAYINIL (2017), Femmes et succession au
Cameroun.6p
11
Femmes et accessibilité à la
propriété foncière au Cameroun 2018/2019
ONANA Jean Christophe Master Professionnel en
Démographie
agricole (RGPH, 2005). Dans cette situation, la terre devient
très convoitée entraînant ainsi de nombreux conflits intra
familiaux et communautaires. Ainsi, les hommes semblent s'opposer au partage
équitable des terres familiales avec leurs soeurs dans le but
d'éviter la multiplication des prétendants à des
propriétés déjà trop exigües, ce qui serait de
nature à augmenter exponentiellement les conflits
fonciers12.
De plus, le contexte socioculturel camerounais, est
caractérisé par les us et coutumes dont la plupart encouragent
les exclusions ou les restrictions fondées sur le sexe et consacrent la
primauté de l'homme dans plusieurs domaines. On peut citer en droite
ligne l'exclusion de la femme à l'accès à la terre (RNP,
2011). Par ailleurs, les représentations sociales des rôles
masculins et féminins dans la société camerounaise,
contribuent encore à maintenir les disparités sexuelles en
défaveur de la femme.
Les us et coutumes au Cameroun, sont fondés sur le
système patriarcal traditionnel, généralement
défavorables à la promotion de la femme. L'analphabétisme
de la population en générale et des femmes en particulier est
encore un problème préoccupant, limitant la participation des
femmes au processus de développement et de la gestion des affaires
publiques et d'autre part, leur accès aux sphères de prise de
décision. En 2005, sur 100 femmes âgées de 15 ans ou plus,
36 environ, sont analphabètes (RGPH, 2005). Les femmes ont souvent,
à subir l'effet des politiques raciales qui sont souvent les legs
insinuants de l'ère coloniale. C'est la conjonction de cet
héritage colonial et de pratique foncières qui ont suivi
l'indépendance que l'on doit la marginalisation des citadins pauvres et
en particuliers les femmes.
Les coutumes, diffèrent selon les régions. En
effet, dans certaines, elles sont souples, dans d'autres rigides. Dans ce
dernier cas de figure, les femmes ont juste le droit d'exploiter les terres
pour les besoins domestiques et économiques. Mais, en aucun cas, elles
n'osent demander à devenir propriétaire (Mbayinil, 2016). Les
pesanteurs sociologiques et culturelles, font de la femme, un être
relégué au second rang. La femme, est valorisée par
rapport à la procréation. La division du travail confine, les
femmes aux tâches domestiques non visibles et non valorisées.
Tous les problèmes, que les femmes rencontrent dans le
foncier relèvent de la tradition et coutume (Mbayinil, 2017).
L'accès à la propriété foncière et domaniale
chez les peuples de la forêt, reste l'apanage des hommes qui tiennent les
femmes à très bonne distance de ce débat. Qu'elle soit
mariée ou dans sa famille nucléaire, la femme n'a pas droit
à ce privilège (Zang, 2018). Le même auteur, argue son
propos en affirmant que « les pesanteurs coutumiers et les
12 Ibidem
12
Femmes et accessibilité à la
propriété foncière au Cameroun 2018/2019
ONANA Jean Christophe Master Professionnel en
Démographie
égoïsmes des hommes continuent d'exclurent la
gente féminine du cercle des bénéficiaires des terres et
des titres fonciers ».
Par ailleurs, le niveau d'instruction des femmes peut
contribuer à renforcer cet état de chose. En effet, la
durée moyenne du nombre d'années d'étude chez les femmes
est de 5,5 ans chez les femmes ; largement en dessous de celui des hommes qui
est à 7,0 ans (RGPH, 2005). Cette durée moyenne faible chez les
femmes, traduit en fait un malaise qui est celui d'un abandon rapide des
classes pour des motifs de mariages, et grossesses précoces etc. La
conséquence directe de ce phénomène est donc la
disqualification progressive dans les sphères sociales et un statut
social plutôt faible de la femme.
Le contexte socio-culturel, exposé ici, permet de
mettre en lumière le statut social que la tradition et les coutumes
assignent à la femme et, la marginalisation qui peut s'en suivre
concernant l'accès au foncier.
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