Cette étude est partie du constat selon lequel
très peu de femmes ont accès à la propriété
foncière au Cameroun. L'existence de nombreux programmes, et textes de
lois dédiés à l'amélioration de sa condition et
particulièrement de son accès à une
propriété foncière ont certes, contribué à
faire évoluer positivement sa situation. Toutefois, la proportion des
femmes qui a accès à une propriété foncière
en 2014 obtenu à partir de l'enquête MICS V, reste faible (8%) sur
l'ensemble du territoire national. Cette situation est préoccupante dans
la mesure où elle concerne la quasi-totalité des femmes (92%), de
plus cette situation aggrave davantage leur pauvreté, leur
dépendance socioéconomique et empêche leur participation
effective à la croissance économique et le développement
du Cameroun car c'est une main d'oeuvre conséquente qui est
privée d'un facteur de production utile à tout type
d'investissements.
Sur la base des constats précédents, ce travail
se proposait d'analyser les facteurs qui sont à l'origine de ce faible
accès à la propriété foncière chez les
femmes au Cameroun. La question ayant donné lieu à cette
recherche fut la suivante : quels sont les facteurs explicatifs du
faible accès à la propriété foncière chez
les femmes Camerounaises ? Nous nous sommes par conséquent
fixés pour objectif général, de contribuer à une
meilleure connaissance des facteurs explicatifs du faible niveau d'accès
à la propriété foncière chez les femmes au
Cameroun, afin de mettre à la disposition des pouvoirs publics et des
acteurs intervenant dans le domaine du genre, des connaissances leurs
permettant d'améliorer les stratégies et programmes de lutte
contre les pesanteurs qui limitent l'accès des femmes à la
propriété foncière. L'atteinte de cet objectif
général se décline à la réalisation des
objectifs spécifiques suivants:
· étudier les variations différentielles
(socioculturelles, socioéconomiques et sociodémographiques) de
l'accès des femmes à la propriété foncière
;
· dresser le profil des femmes ayant accès
à la propriété foncière ;
· identifier les déterminants de l'accès
à la propriété foncière et leurs mécanismes
d'actions ;
· hiérarchiser les facteurs explicatifs de
l'accès à la propriété foncière
En passant en revue les différentes approches qui
expliquent l'accès à la propriété foncière,
nous avons opté pour une approche globale qui tient compte à la
fois de plusieurs approches en raison du caractère complexe du
phénomène étudié. La revue de la littérature
sur l'accès au foncier, nous a permis de construire un cadre conceptuel
qui matérialise notre hypothèse
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Femmes et accessibilité à la
propriété foncière au Cameroun 2018/2019
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Démographie
générale. Cette hypothèse
générale se décline en neuf (09) hypothèses
spécifiques. Ainsi pour vérifier ces hypothèses et
répondre à nos objectifs, nous avons confronté la
réflexion théorique avec les données issues de
l'enquête MICS V réalisée en 2014 au Cameroun. Sur le plan
méthodologique, nous avons mobilisé les méthodes
d'analyses descriptives et explicatives. Au niveau descriptif, nous avons fait
recours à l'analyse bi-variée et l'Analyse Factorielle des
Correspondances Multiples (AFCM) ; au niveau explicatif, nous avons fait une
régression logistique binomiale. L'évaluation de la
qualité de ces données au chapitre 3 a
révélé qu'elles sont acceptables pour l'étude. En
amont, une analyse contextuelle du pays (chapitre 1) et une revue de
littérature sur le sujet (chapitre 2) nous ont permis d'identifier les
facteurs susceptibles d'être utilisés dans l'explication de
l'accès à la propriété foncière chez les
femmes de 15-49 ans au Cameroun. Les différentes analyses
opérées aux chapitres 4 et 5 ont abouti au bilan suivant
:
Au niveau descriptif, huit (08) des dix (10) variables
prédictives mobilisées influencent significativement
l'accès à la propriété foncière chez les
femmes de 15-49 ans au Cameroun, au seuil de 1%. Ces variables sont : le milieu
de résidence, la région de résidence, le niveau
d'instruction, l'appartenance à une association de tontine, l'âge
de la femme, le statut matrimonial, le statut d'activité, l'accès
au crédit au cours des douze (12) derniers mois. Par ailleurs, l'Analyse
Factorielle des Correspondances Multiples (AFCM) nous a permis de mettre en
exergue les groupes cibles (femmes qui n'ont pas accès à la
propriété foncière). Ceux-ci sont constitués des
femmes vivant dans les ménages de niveau de vie faible, qui sont
inactives, qui ont un faible niveau d'instruction faible et qui n'ont pas eu un
crédit au cours des douze (12) derniers mois précédent
l'enquête.
Pour s'assurer de la validité des observations
descriptives (qui peuvent s'avérer somme toute fallacieuses) nous avons
procédé à un essai d'explication de l'accès
à la propriété foncière chez les femmes de 15-49
ans au Cameroun en recourant à la régression logistique
binomiale. Il en est ressorti que les facteurs qui déterminent
l'accès à la propriété foncière chez ces
femmes au Cameroun sont (dans l'ordre décroissant des contributions
à l'explication du phénomène) : statut matrimonial,
l'appartenance association de tontine, du statut d'activité, la
région de résidence, l'âge de la femme, de l'accès
au crédit au cours des douze (12) derniers mois, du milieu de
résidence et du niveau d'instruction. Ainsi, le statut matrimonial,
l'appartenance à une association de tontine et le statut
d'activité sont in fine, les facteurs les plus incriminables
dans le maintien du faible niveaccu d'accès à la
propriété foncière chez les femmes Camerounaises.
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Femmes et accessibilité à la
propriété foncière au Cameroun 2018/2019
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Démographie
Après avoir présenté les
mécanismes d'action de chacun de ces facteurs, nous avons discuté
les résultats obtenus en se référant au contexte et
à la revue de la littérature sur le sujet. Cela nous aura
également permis de confronter les hypothèses spécifiques
issues de la théorisation aux résultats empiriques. Des neuf (09)
hypothèses spécifiques formulées, six (H2 ; H3 ; H5 ; H6 ;
H7 ; H8), sont confirmées ; une (H4), est partiellement confirmée
et deux (H1 ; H9) sont infirmées.
Comme toute étude scientifique, ce travail comporte
des insuffisances qu'il est important de relever : D'abord, les données
du MICS 2014, utilisées n'ont pas été collectées de
façon spécifique pour une étude sur l'accès au
foncier chez les femmes camerounaises. Bien qu'elles fournissent certaines
informations essentielles devant servir à la compréhension de ce
phénomène. Ces données ne fournissent pas d'informations
sur le contexte institutionnel, les informations relatives au mode d'obtention,
à la maîtrise des textes sur le foncier par la femme etc.
Au-delàs, d'une approche quantitative du phénomène, une
étude qualitative aurait permis d'améliorer la qualité
d'informations et d'analyses faites. Par ailleurs, l'étude qualitative,
aurait également permis de comprendre, les différentes
perceptions du phénomène par les femmes et également chez
les hommes.
Ensuite, les caractéristiques utilisées ont
été considérées au même niveau d'analyse ; ce
qui n'est pas conforme à la réalité. En effet, les
caractéristiques individuelles, celles relatives aux ménages et
celles relatives à la communauté ne se situent pas au même
échelon et devraient être analysées en tenant compte de
cette hiérarchie. De plus, les bases de données en Afrique
subsaharienne ont le défaut, soit d'être riche en données
démographiques au détriment des données
économiques, soit l'inverse (NOUETAGNI, 2004). Les bases de
données du MICS V, n'échappent pas à cette
réalité. Ainsi, bien que les données sur la participation
des femmes au développement, soient captées par cette
enquête, les données sur les indicateurs du foncier semblent
être sommairement captées. Cet état des choses nous privent
d'analyses poussées pour la compréhension des liens causals entre
l'accès à une propriété foncière et les
différentes variables explicatives.
Enfin, les tranches d'âge qui se limitent à 49
ans, ne permettent pas de saisir toute la complexité du
phénomène car, sous-estiment une grande frange de la population
féminine.
En guise d'ouverture pour les études à venir,
nous proposons qu'une étude soit menée sous le prisme des
analyses multiniveaux qui prendraient en compte la structure
hiérarchique des données. Aussi, une étude
spécifique en rapport avec la question de l'accès des femmes
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Femmes et accessibilité à la
propriété foncière au Cameroun 2018/2019
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(toutes tranches d'âge confondues) au foncier doit
être menée afin de mieux comprendre le phénomène et
orienter les politiques en la matière. De plus, nous proposons
également qu'une enquête qualitative spécifique sur le
phénomène afin de saisir le pourquoi, le comment du
phénomène et les perceptions des différents acteurs.
En dépit des limites évoquées, les
résultats issus de ce travail peuvent servir de base à la
formulation de recommandations adressées aux décideurs
politiques. Une étude démographique serait non aboutie si elle ne
s'accompagne pas de recommandations pertinentes en vue de l'amélioration
des conditions de vie des populations. Nous recommandons ainsi :
· Aux ministères en charge de
l'éducation formelle (primaire, secondaire,
supérieur)
L'influence de l'instruction s'étant
avérée positive dans l'influence sur l'accès à la
propriété foncière, nous recommandons à ce
ministère d'initier et de renforcer les programmes d'enseignement qui
mettent l'accent sur la parité homme-femme dans l'accès aux
ressources et partant de la ressource foncière. En effet, une meilleure
appropriation de l'information par les élèves/étudiants
(tout sexe confondu) permettra de « casser » progressivement les
mentalités qui peuvent animer le jeune garçon de ce jour et
future parent de demain à accorder une part « égale »
dans le processus de partage de l'héritage. De plus, ces programmes
doivent inclure des modules qui permettront de développer le leadership
féminin notamment en matière de revendications de leurs
droits.
· Au Ministère de la Promotion de la Femme
et de la Famille (MINPROFF)
L'âge de la femme, le statut d'activité
s'étant avérés positive dans l'influence de l'accès
à la propriété foncière, nous recommandons à
ce ministère d'intensifier les sessions de sensibilisation et de
formation de la jeune fille, de renforcer le financement des activités
et projets mis en place par les jeunes filles. Il est à noter que ce
dernier cas devrait être réalisé en partenariat avec le
Ministère des PME (Petites et Moyennes entreprises) ; le
Ministère de la Jeunesse et de l'Education Civique (MINJEC). De plus,
l'appartenance à une association de tontine, influençant
positivement l'accès à la propriété
foncière, nous recommandons à ce ministère de faire des
campagnes de sensibilisation sur le bien-fondé de l'appartenance de la
gente féminine à des associations de différentes nature.
Car, elles structurent et promeuvent le leadership féminin.
· Au Ministère des Domaines du Cadastre et
des affaires foncières (MINDCAF)
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Femmes et accessibilité à la
propriété foncière au Cameroun 2018/2019
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Démographie
Cette étude est arrivée à la conclusion
selon laquelle les variables socioculturelles (instruction, appartenance
à une association de tontine) créent des conditions limites pour
l'accès des femmes à la propriété foncière.
Nous recommandons à ce ministère dont l'une des missions est :
l'élaboration des textes législatifs et réglementaires
relatifs aux secteurs domaniaux, cadastraux et fonciers, de veiller
à l'application effective de ces textes pour faciliter un accès
durable et équitable à la propriété foncière
chez l'homme et la femme. De plus, il doit faciliter l'accès à un
terrain viabilisé et sécurisé à la femme peu
importe son milieu de résidence car, c'est le ministère de
tutelle de la Mission d'Aménagement et d'Equipements des Terrains
Urbains et Ruraux (MAETUR) qui est en charge de ces questions. Cette
proposition, permettra de résoudre les difficultés d'accès
liées au milieu de résidence comme cela a été
démontré dans cette étude.
Par ailleurs, les résultats de l'étude ont
montré également que de nombreuses femmes ont une
propriété foncière sans titre foncier, ce qui les
maintient dans une forme d'insécurité foncière et de
précarité. En effet, elles peuvent se voir
déposséder de ces terres par des tiers à la suite du
décès de leur époux pour celles qui sont mariées,
ou alors subir une espèce d'escroquerie (double vente) pour des femmes
célibataires. Nous recommandons de ce fait, des campagnes de
sensibilisation et de facilitation des procédures d'obtention des titres
fonciers.
· Aux autorités
coutumières
Les variables culturelles (le poids des traditions),
s'étant avérées significatives sur l'accès des
femmes à la propriété foncière, nous recommandons
à celles-ci, du fait, qu'elles sont des relais de l'administration
centrale sur le plan local ; la sensibilisation des communautés dont
elles ont la charge sur les méfaits liés à la
discrimination de la femme sur l'accès aux biens et notamment de
l'accès à la propriété foncière. Par
conséquent, les campagnes d'éducation et d'information sur les
droits de la femme en général et de la fille en particulier en
partenariat avec les pouvoirs publics doivent être menées afin de
commencer à lever les barrières socioculturelles qui
empêchent les femmes d'accéder à une
propriété de façon sécurisée.
· A l'INS et ses partenaires
Pour des éventuelles nouvelles éditions de
l'enquête par grappes à indicateurs multiples (MICS) au Cameroun,
nous recommandons à l'Institut National de la Statistique de
compléter des informations relatives à la question
foncière. Exemple : mode de succession, stratégies d'accès
au foncier etc.
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Femmes et accessibilité à la
propriété foncière au Cameroun 2018/2019
Nous recommandons à l'Institut National de la
Statistique d'associer aux enquêtes quantitatives sur la participation de
la femme au développement, des enquêtes qualitatives qui
permettront de mieux appréhender le phénomène.
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