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Difficultés relationnelle soignant/soigné aux services des urgences : caractéristiques et facteurs favorisants


par Abir Issaoui et Souha Jbeli
Institut supérieur des sciences infirmières du Kef - Licence appliqué 2021
  

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III- les difficultés relationnelles :

Les difficultés relationnelles sontd'autant plus des sources d'insatisfaction pourl'infirmière que celle-ci conçoit son rôle commeun rôle d'aide et de protection pour unepersonne en situation de faiblesse. L'agressivitédu malade doit être acceptée et il ne reste àl'infirmière qu'à « prendre sur soi».(49)

1. Déshumanisation :

`' La déshumanisation est l'action de faire perdre à un individu ou un groupe d'individus son caractère humain, de ne pas lui accorder une humanité totale, de le voir comme moins qu'humain'' ''''''''''''''''''''''''(50)

En médecine, Haslam (2006) souligne les éléments déshumanisants suivants : le manque de soin personnalisé, de soutien, de toucher et de chaleur humaine, l'importance de l'instrumentalisation et de la standardisation, la négligence de l'unicité du patient et de son expérience subjective.(47)

Ce problème de déshumanisation, appelée aussi « dépersonnalisation », ayant trait à un ensemble de facteurs liés à l'organisation et aux conditions du travail en dissonance avec les besoins et les exigences du bien-être du soignant, mais aussi avec la qualité des soins, prodiguée aux patients. (Roch, 2008).(21)

En ce qui concerne, la dimension, « Dépersonnalisation » ou la déshumanisation des soins elle est, liée à un degré bas de pratiques relationnelles des soins en termes de fréquence, ce qui aurait des impacts négatifs sur la qualité des soins et la qualité relationnelle (communication, relation d'aide...), avec les usagers des soins. (21)

Les attributs du phénomène sont l'objectivation ou la vision fragmentée de l'individu, les interactions froides et impersonnelles, c'est-à-dire un soin non personnalisé, l'utilisation de représentations mentales standardisées ou le stéréotypage, la dépersonnalisation ou le sentiment de ne pas avoir de valeur et finalement, le rapport de pouvoir ou l'infantilisation.(47)

Les auteurs présentent sept thèmes émergents en lien avec les mauvais soins : être traité comme un numéro, l'infirmière est trop efficace et occupée, l'infirmière fait sentir le patient paresseux, elle n'informe pas les patients, elle a les mains dures, le soin n'est qu'un travail et, finalement, l'infirmière n'est qu'une exécutante.(47)

L'épuisement émotionnel s'exprime chez la personne par un sentiment de fatigue physique et psychique. La personne devient irritable, et passe par des crises de colère et de pleurs. La motivation pour aller travailler diminue, et survient une détérioration des relations avec les collègues au travail, et avec les patients. La dégradation progressive de l'état émotionnel mène la personne vers une autre phase soit, la déshumanisation de la relation à l'autre. Cet épuisement émotionnel est évoqué dans la littérature américaine sous le nom de « (John Wayne Syndrome). À l'image du célèbre acteur dans ses rôles de cow-boy, la personne devient impassible et indifférente à tous les problèmes, alors que les flèches, les balles sifflent à ses oreilles. » (Delbrouck, 2011, p. 36).(21)

C'est une phase qui se caractérise, tout simplement, par un désintérêt de l'autre. La personne ne perçoit plus le malade comme un être humain, mais plutôt comme un numéro de chambre, du lit, ou un objet, ou ce qu'appellent certains chercheurs «la chosification des patients ». Pour, Grebot (2008), la dépersonnalisation peut prendre des formes très rigides et se manifester par des actes de maltraitance, de stigmatisation, de rejet, etc. (Grebot, 2008, p.108). Il s'agit, en quelque sorte, d'une stratégie défensive déployée par le soignant pour faire face à la détresse psychologique, vécue au travail.(21)

C. Facteurs influençant :

1. Facteurs communs aux soignants et aux soignés : 

Soignants et soignés sont avant tout des êtres humains dont le niveau d'éducation,les capacités relationnelles et la maturité socio-émotionnelle diffèrent.

Tous traversentdes phases de bonheur et d'épreuves qui varient d'une personne à l'autre. Chacuny développe des traits de personnalité spécifiques, qui facilitent les relations avec autrui ou les compliquent.

Certains sont d'une nature conciliante... ou autoritaire ;d'autres font preuve de créativité là où bien des individus s'enferment entre les mursde leurs certitudes ; d'autres encore sont émotifs au risque d'être incompris de ceux pour qui l'intellect prime.

Ces traits s'accentuent souvent lorsque la fatigue ou lestress viennent interférer. Chacun, au-delà de la maladie ou de son travail, peut aussiêtre préoccupé, voire submergé, par des soucis personnels générant insécurité etsolitude : échec scolaire d'un enfant, divorce, deuil présent ou anticipé, les motifs nemanquent pas. S'y ajoutent les craintes liées à l'usure professionnelle, au vieillissement,aux risques de chômage, de paupérisation et d'exclusion sociale découlant desturbulences que connaissent nos sociétés.(5)

2. Facteurs liés à l'infirmier :

«Je me suis rendu compte, au cours de mon exercice quotidien, que les gens sont parfois victimes d'incendie tout comme les immeubles ; sous l'effet de la tension produite par notre monde complexe, leurs ressources internes en viennent à se consumer comme sous l'action des flammes ne laissant qu'un vide immense à l'intérieur, même si l'enveloppe externe semble plus ou moins intacte.'' (Herbert Freudenberger, 1980). (51)

Plusieurs ressentis psychologiques apparaissent, comme la dévalorisation de soi, la démotivation pour le travail, avec tout ce qui en découle comme effets négatifs ; (l'absentéisme justifié ou non, erreurs professionnelles...). Arrivant à ce stade, le soignant « s'appauvrit » dans ses sentiments, et dans sa relation avec l'autre. Et comme l'expriment les auteurs, Canoui, et Mauranges (2001) l'énergie intérieure du soignant se consume de façon sournoise, et la personne est atteinte dans son intimité, ou en d'autres termes en son « âme ». Une fois la vie émotionnelle et professionnelle du soignant est altérée, le soignant, refoule cette souffrance, jusqu'à qu'il atteigne le stade d'épuisement proprement dit.(21)

Intérieurement, le sujet va ressentir cet épuisement sous la forme d'unsentiment d'être « vidé », d'une fatigue affective au travail, d'une difficultéà être en relation avec les émotions de l'autre, si bien que travailleravec certains malades est de plus en plus difficile affectivement. C'estcomme si l'individu avait atteint son seuil de saturation émotionnelle en n'était plus capable d'accueillir une émotion nouvelleIl parle aussi d'unefatigue importante ressentie de façon inhabituelle. '''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''(52)

3. Facteurs liés aux patients :

a. Pathologie :

Le patient des urgences est un patient bien particulier : qu'il soit en détresse physique,psychique ou sociale, il se trouve toujours dans une situation qu'il n'a pas planifiée et àlaquelle il n'a pas eu le temps de s'habituer. Il arrive dans un environnement inconnu, stressantet souvent bondé, il n'a pas ses repères habituels et s'inquiète pour sa santé et son devenir.(3)

b. L'asymétrie de la relation :

L'utilisation de la terminologie interaction symétrique correspond essentiellement aux situations dans lesquels la symétrie des statuts et des rôles est attribuée au sujet de façon explicite. (53)

Le malade en situation de détresse aiguë peut se sentir objet de soin, dépossédé de sescapacités de réflexion et de décision. Le manque d'informations précises ou d'explicationsclaires accentue ce sentiment de passivité. (3)

c. La dépendance :

L'installation d'une relation asymétrique : le patient se sent dépendant du soignant qui a la connaissance.De la demande insatisfaite du patient résulte un climat tendu qui menace la relation soignant soigné.(3)

Le respect de l'autonomie du patient est l'un des grands acquis de la médecine moderne. Il renforce le lien social grâce à un humanisme renouvelée et rends toute sa signification à la rencontre entre la confiance du malade et la conscience du soignant, autour d'un contrat moral librement consenti. (54)

4. Facteurs organisationnels :

Les institutions de soins vivent de profondes mutations, comparables à celles quel'industrie a connues dans les années 1970. Elles mettent les soignants sous pressionavec en ricochets des répercussions que les patients peinent parfois à comprendre.(5)

Les déficits budgétaires, les difficultés d'une partie de la population à payer ses cotisationsmaladie et l'endettement des communautés publiques amènent les responsablespolitiques à faire pression sur les professionnels de la santé. Ceux-ci sontsommés d'augmenter leur productivité et de freiner leurs dépenses. L'hôpitala progressivement pris le pas surdes approches plus humaines. La gestion par flux tendu est devenue la norme dansles établissements de soins, sans que les conditions requises soient remplies. Sonretentissement sur la qualité des prestations et des relations est parfois important.(5)

En raison d'un déficit en personnel soignant, le nombre de patient attribué àchaque infirmière est considérable (Guardini et al. 2012). En conséquence, celaamène à une augmentation de la charge de travail et des situations complexes.''''''(55)

La nécessité du travail pluridisciplinaire fragilise l'équipe s'il ne peut se réaliserdans de bonnes conditions d'échanges, de coopération et d'entraide. Unmanque ou une insuffisance de concertation avec les médecins par rapport enparticulier aux décisions éthiques peut se révéler fort préjudiciable. De mêmesi une partie de l'équipe en a été exclue.(9)

M. Vachon1 a constaté que « les difficultés en rapport avec l'environnement professionnel(Conflits dans l'équipe et difficultés internes de communication) sonthabituellement plus fréquentes en soins palliatifs que celles qui sont liées aufait de s'occuper de malades mourants et de leurs familles ». (9)

De plus, il est rare de finir àl'heure le travail, ce qui engendre des heures supplémentaires en raison desimprévus survenus au cours de la journée. De ce fait, les longues journées sont plus difficiles àêtre récupérées et la fatigue se fait davantage ressentir. Ces derniers sont des éléments qui influencent négativement sur la décision de durer dans la profession.''''''(55)

Bien que le facteur temps influence nos pratiques, osons le dire, montrer et nous remettre en cause pour y arriver chaque fois que c'est humainement possible (9)

5. Les facteurs liés au travail en équipe :

Le manque de reconnaissance pour la profession de la part du grand public ou des autresprofessions de santé, la survalorisation des actes techniques, le manque de moyens participentà cette fatigue. De plus, la pression des patients exigeants et l'état d'encombrement du serviced'accueil des urgences induit un souci de rentabilité qui le pousse à entrer dans un mode desoins en chaîne, contribuant à une perte de sens dans la relation.(3)

Les répercussions sur le groupe du travail, se manifestent à travers la diminution de la productivité et de la qualité de travail, en plus d'une ambiance conflictuelle entre les membres de l'équipe soignante, sur le lieu de soins. En plus de la dimension relationnelle et communicationnelle qui est touchée, le fonctionnement et l'organisation du travail sont également affectés(21)

6. Les facteurs sociétaux :

a. La violence :

La longue durée d'attente et les rapports difficiles avec les patients et leurs familles, semblent constituer les facteurs les plus avancés dans l'émergence de la violence verbale qui dégénère dans la plupart du temps en violence physique.(Dejours, 2007). Dans la continuité de cette idée de la violence au travail, liée aux conditions du travail, (Gournay et al, 2002), stipulent que ce sont, essentiellement, la charge de travail, l'ambiguïté des rôles, les interruptions de tâches, les conflits interpersonnels, ainsi que toutes les difficultés relationnelles et communicationnelles, qui pourraient s'établir entre le soignant et le soigné. (21)

Selon le rapport de l'Organisation Mondiale de la Santé OMS (2002), la violence a des répercussions négatives sur cette relation. Les répercussions se manifestent à travers la dégradation de la qualité des soins fournis, et l'impact psychologique subi par les soignants. (OMS, 2002).

Alexandre Manoukian note que la violence « quelle qu'en soit sa forme n'est pas sans effets sur l'ensemble des protagonistes en présence102 ». Elle a des effets sur les soignants,cibles de la violence de leurs patients.-(56)

Le soignant peut ressentir de la peur, directement liée au danger perçu, et, a posteriori,de l'angoisse, due au traumatisme ou au microtraumatisme laissé par l'agression vécue.Cette angoisse est accompagnée de somatisations réactionnelles. Elle peut se traduire par desinsomnies et des cauchemars dus à la libération, la nuit, des charges émotionnelles refouléespendant la journée de travail.'''''''''-'''''''''''''''''''(57)

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery