MASTER EN QUALITE ET GESTION DES RISQUES
Dans quelle mesure l'adoption d'un Plan de
Continuité d'Activité en entreprise permet de faire face à
une crise sanitaire ?
Mémoire présenté par Mathieu GIUSIANO
Promotion 2019/2020
Tuteur Bruno TIBERGHIEN
« La continuité d'activité est une
philosophie d'entreprise qui consiste
à préparer la guerre en temps de paix
»
Sophie Huberson & Benoit
Vraie
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier toute l'équipe
pédagogique et les intervenants professionnels responsables de la
formation en Master de Qualité et Gestion des risques de l'IMPGT pour en
avoir assuré la partie théorique et nous avoir fait part de leurs
expériences.
Je tiens à remercier tout particulièrement mon
tuteur de mémoire, Bruno TIBERGHIEN pour ses conseils et sa
disponibilité quant à l'élaboration de ce
mémoire.
Enfin, je tiens à remercier l'ensemble des personnes ayant
accepté de participer à l'enquête qualitative et qui ont
apporté des éléments de réponses enrichissante pour
l'analyse du sujet traité.
Sommaire
Introduction
Section 1 : Les enjeux d'une gestion de la crise
sanitaire en entreprise
I- La crise sanitaire
II- Le plan de continuité d'activité
III- Le PCA en période de crise sanitaire
Section 2 : Démarche empirique et
résolutions managériales
I- Analyse de terrain : le défi de l'application du
PCA dans le cadre de la crise sanitaire de la COVID-19
II- Préconisations managériales en vue d'une
évolution du PCA en matière de crise sanitaire
Conclusion
Tables des matières Bibliographie
Résumé
5
Introduction
Depuis toujours, une entreprise est perçue comme une
entité qui produit des ressources afin de satisfaire les besoins de la
société. L'INSEE définit celle-ci comme une «
unité économique, juridiquement autonome dont la fonction
principale est de produire des biens et services pour le marché ».
Toutefois, on ne peut se limiter à cette seule vision
élémentaire. Effectivement, la vie d'une entreprise est
dépendante de l'évolution économique, d'un système
concurrentiel grandissant, d'une multiplication et d'une complexification de
règlementations.
Pour pérenniser leurs activités, les
organisations se doivent d'être en interaction avec leur environnement
dont l'instabilité peut conduire à l'émergence de risques.
Outre le fait que « l'entreprise est au centre de forces concurrentiels
» (Porter, 1985), l'apparition de nouveaux choix d'organisation (Aoki,
1986), l'avancée technologique, les mutations du système
industriel ou encore l'information en réseaux sont autant de facteurs de
risques. En effet, les évènements de crises tels que Bhopal
(Inde, 1984), la navette Challenger (Etats-Unis, 1986), Tchernobyl (URSS, 1986)
ou plus récemment comme l'explosion de l'usine AZF (France, 2001),
Fukushima (Japon, 2011), ou Beyrouth (Liban, 2020) ont «
démontré à la communauté internationale que le
risque zéro n'existait pas »1. De plus, au cours des
vingt dernières années, la mondialisation avec la multiplication
des échanges qu'elle implique, engendre une plus grande transmission de
ces risques provocant de fait des crises de plus grande ampleur2. En
effet, les échanges commerciaux, de communication et les
déplacements humains au niveau planétaire ont explosé. La
mondialisation facilite la circulation des personnes, des biens et des services
et de fait, facilite aussi la circulation et la diffusion des crises sur les
territoires. Au même titre que la crise financière des
Subprimes de 2008, qui a eu des conséquences à
l'échelle internationale, la mondialisation est aussi vectrice de
transmission de crise sanitaire. C'est notamment le cas pour la Grippe
Espagnole en 1918 qui a provoqué plus de 50 millions de morts dans le
mort rendant exsangue les pays atteints, ou encore le virus Ebola qui s'est
très largement répandu sur l'ensemble des pays du continent
africain depuis 1976.
Cela conduit à une nécessité pour les
entreprises de mettre en place une gestion des risques. Ce processus vise
à « assurer par tous les moyens la sécurité
industrielle et la préservation des
1 DAUTUN et al. (2014), « Le traitement de
l'incertitude en gestion de crise : mise en place d'une veille
stratégique du territoire », Hal. Archives ouvertes.
2 D. PLIHON et al. (2008), « Mondialisation et
crises financières », Les rendez-vous de la
mondialisation.
6
éléments clef de son fonctionnement et de
son développement » (Sabathier et al., 2008). A ce titre, la
littérature abondante en matière de gestion des risques
présente le Plan de Continuité d'Activité (PCA) comme un
outil pertinent et adapté pour les organisations en réponse aux
crises. Le PCA correspond à l'ensemble des mesures visant à
assurer, selon divers scénarii de crise, le maintien des
activités critiques de l'entreprise. Il a pour objet de «
décliner la stratégie et l'ensemble des dispositions qui sont
prévues par une organisation pour garantir la reprise et la
continuité de ses activités à la suite d'un sinistre ou
d'un événement perturbant gravement son fonctionnement normal
»1. Autrement dit, le PCA semble être un outil
indispensable pour identifier les risques, menaces et
vulnérabilité qui pourrait avoir un impact sur les
activités de l'organisation.
En revanche, la crise sanitaire, dans toute sa
singularité exige une adaptation des activités entrepreneuriales
dans un environnement fortement impacté voire
détérioré. Elle revêt alors un caractère
« atypique par le fait de son envergure tant géographique que
par son aspect multidimensionnel »2. L'ampleur de la crise
sanitaire touche tous les secteurs de l'économie et vient perturber
l'équilibre collectif. Les aspects inédits, incertains, inconnus,
sont autant de menaces pour la population et a fortiori, pour les entreprises
et le maintien de leurs activités.
Du fait du caractère singulier de la crise sanitaire et
des multiples conséquences qu'elle engendre, il nous a paru pertinent de
se demander dans quelle mesure l'adoption d'un Plan de Continuité
d'Activité en entreprise permet d'y faire face.
Dans l'objectif de cerner plus en détail les enjeux
liés à cette problématique, nous relèverons dans
une première partie les enjeux d'une gestion de la crise sanitaire en
entreprise. Pour cela, nous définirons la notion de crise sanitaire, le
concept de continuité d'activité et l'intérêt de son
adoption par les entreprises en vue de faire face à ce type de crise.
Dans une seconde partie, nous comparerons les théories exposées
précédemment avec les données de terrain recueillies dans
le cadre d'une démarche empirique de mise en place du PCA en
réponse à la crise sanitaire de la COVID-19. Nous proposerons
également des préconisations managériales permettant de
fournir des réponses complémentaires pour une entreprise en vue
de faire face aux crises sanitaires actuelles et futures.
1 A. COURSAGET et L. HASS (2015), « Le plan de
continuité d'activité (PCA) : approche méthodologique
», Sécurité et Stratégie, p13-20.
2 J. LARRIEU (2012), « La crise sanitaire,
curiosité ou paradigme ? », Crise(s) et Droit,
p.161-178.
SECTION 1
7
Les enjeux d'une gestion de crise sanitaire en
entreprise
8
I. La crise sanitaire
A. La notion de crise au sens large
Afin d'apprécier la notion de crise sanitaire, il
convient de définir la crise au sens large du terme. En effet, nous
constaterons dans cette partie que le concept de crise revêt une
multitude de dimensions. Il apparait que la vision d'une crise peut être
perçue différemment selon les acteurs et le domaine
d'étude1. Par ailleurs les études menées sur le
sujet de différents sociologues et chercheurs ont permis de
définir plus précisément cette notion notamment via la
création de typologies.
1. Définition
A l'origine, une crise définissait « des
phénomènes pathologiques se manifestant de façon brutale
et intense, mais pendant une période limitée, et laissant
prévoir un changement généralement décisif, en bien
ou en mal, dans l'évolution d'une maladie »2. Selon
Hippocrate cette notion de crise renvoyait au domaine médical pour
lequel il existe une crise heureuse et une crise funeste. La
crise était le moment où il fallait décider du traitement
à promulguer au patient. Le terme évolue avec l'historien grec
Thucydide dans son livre sur La Guerre du Péloponnèse
traitant du conflit entre les athéniens et les spartiates. En
effet, la crise revêt alors une nouvelle dimension, un nouvel
état, qui est la conséquence même d'une prise de
décision. Elle n'apparait plus uniquement comme un processus de
changement, mais devient un lieu de réflexion sur
l'évènement et ses origines, « moments de
vérité où s'éclairait la signification des hommes
et des événements »3.
Etymologiquement le mot crise provient du grec krisis
qui signifie décision, jugement. En cela, la crise constitue une
rupture d'équilibre qui nécessite l'adoption de choix. Cette
prise de décision va donc permettre de surmonter la crise ou bien de la
subir.
1 M. MILET (2005). Cadres de perception et luttes
d'imputation dans la gestion de crise : l'exemple de « la canicule »
d'août 2003. Revue française de science politique, vol.
55 (4), 573-605
2 Trésor de la Langue Française
(TLFI)
3 R. STARN, (1976) « Métamorphoses d'une
notion », in Communications, n° 25, pp. 4-18
9
Somme toute, il est possible de décrire la crise comme
étant « un événement pénible aux
conséquences fâcheuses qui s'insère dans un
phénomène en mouvement et qui implique des individus
»1. Ainsi, pour Hermann en 1972, « une crise est une
situation qui menace les buts essentiels des unités de prise de
décision, réduit le laps de temps disponible pour la prise de
décision, et dont l'occurrence surprend les responsables ». Il
s'agit donc pour lui d'un évènement externe ou interne soudain
qui vient perturber l'équilibre de l'organisation, on parle alors
d'approche événementielle. De son côté, Shrivastava
(1988) définit les crises comme des « événements
à faible probabilité et à fort impact ». En
réaction à la catastrophe de l'usine de pesticides à
Bhopal survenu en 1984, il ajoute toutefois, que « les crises ne sont pas
des événements, mais des processus étendus dans le temps
et l'espace » (1992). Ainsi, dans cette approche, une crise serait
l'aboutissement de plusieurs évènements à l'origine
interdépendants les uns des autres. En effet, en raison d'un contexte
organisationnel et environnemental dans lequel ils se produisent, ces
évènements évoluent, engendrant des réactions en
chaîne, objets même de l'origine de la crise.
De même, Karl E. Weick (universitaire américain -
professeur en science de l'organisation) démontre que derrière
les organisations les plus complètes en apparence (SAMU, aiguilleur du
ciel, contrôleur de central nucléaire, ...) peuvent exister de
nombreuses situations exceptionnelles ou fluctuantes qui sont de l'ordre de
l'inattendu et de l'inimaginable. Ces aléas, selon Weick (1988) «
menace les buts fondamentaux d'une organisation ». Enfin, plus
récemment, Thierry Libaert (expert en communication des organisations)
appuie cette théorie en précisant que bien souvent l'opinion
publique a tendance à confondre la crise et son élément
déclencheur comme une seule et même chose. En effet, la crise est
une sédimentation plus ou moins longue et plus ou moins complexe selon
les domaines concernés. L'élément déclencheur ne
serait que l'étincelle révélant la crise.
Perrow (1984) et Forgues (1996) développent quant
à eux une approche processuelle de la crise qui n'est pas
imprévisible. En effet, l'organisation d'une entreprise est construite
sur divers processus au sein desquels peut survenir un dysfonctionnement
potentiellement repérable. Des erreurs humaines, sociales,
entrepreneuriales ou la combinaison de celles-ci peuvent être à
l'origine d'une crise. Cette approche fait l'hypothèse que
l'évènement intervient sur un terrain
1 J. BOUMRAR (2010). « La crise : levier
stratégique d'apprentissage organisationnel. » Vie &
sciences de l'entreprise, 185-186 p.13
10
propice à la survenue d'une crise. Dans ce cas,
l'origine de la crise peut être identifiée1. Les
auteurs de l'approche processuelle distinguent ainsi trois phases d'une crise
:
· La phase de déclenchement
: où se retrouvent les origines de la crise ;
· La phase aiguë : qui
concerne trois manifestations critiques :
a) la convergence des informations et des
événements vers l'entreprise ;
b) le dérèglement de ses routines de gestion ;
c) la remise en cause de son identité, sa culture, sa
mission et ses valeurs.
· Phase de rééquilibrage et de
changement : moment où l'entreprise peut opter soit
pour retourner au statu quo, soit initier un changement profond.
Par conséquent, en se basant sur l'approche
processuelle, une catastrophe ou un accident industriel peut être
considéré comme un phénomène normal bien qu'il soit
imprévu. Ce sont des « événements rares mais
inévitables » qui ne peuvent pas être une surprise,
puisqu'ils font déjà partie du système de l'entreprise
(Perrow, 1984 ; Forgues, 1996).
2. Les phases et typologies d'une crise
Les différentes phases d'une
crise
Une situation de crise est un évènement
dynamique qui est amené à évoluer dans le temps. De ce
fait, le cycle de vie d'une crise a été étudié par
des chercheurs afin de cerner les enjeux et les impacts liés à
celle-ci. En 1986, Steven Fink propose quatre étapes du
déroulement d'une crise. La première est la phase de
pré-crise qui fait apparaitre les signes avant-coureurs, les premiers
signaux d'une crise. La seconde étape dite phase aiguë,
équivaut à l'éruption de la crise dans une ou plusieurs
sphères (économique, sanitaire, politique, ...). Par la suite
vient la phase chronique qui engendre une période de doute, de
questionnement, d'auto-analyse afin de lutter et faire face à la crise
vécue. En dernier lieu survient la phase de résolution
correspondant à la résorption de la crise qui s'accompagne d'un
retour à la normal. Il s'agira d'une période de
1 Roux-Dufort C., «A passion for imperfections:
revisiting crisis management», in press, 2005.
11
restructuration, de réparation mais également de
l'évaluation de la situation qui peut notamment se faire via un retour
d'expérience.1
A partir des travaux établis par S. Fink puis
complétés par P. Lagadec (1991) et Mitroff (1994), le chercheur
Pierre Bérubé (2018)2 propose un modèle
d'évolution de la crise plus étoffé qui comprend cinq
phases. Au sein de chacune d'elles, l'auteur propose une stratégie de
communication et une gestion particulière afin de faire face à la
crise.
· L'incubation ou la phase
préliminaire : Autrement appelée phase
pré-crise comme nous avons pu le voir plus haut, cette phase correspond
à la préparation de crise avec les conditions qui permettent son
émergence. C'est à cet instant qu'il est primordial de mettre en
place une gestion préventive de la crise.
· La phase de
déclenchement : il s'agit ici d'une rapide perte de
contrôle de la situation qui nécessite une quête
d'information. L'entrée en communication de la crise devient
officielle.
· La phase chronique : La crise
prend une très grande proportion et une intensité extrême.
C'est « le moment où les repères tombent et où
s'installe l'incertitude, le chaos » (P. Bérubé). Lors
de cette période située au coeur de la crise, le gestionnaire
doit alors prendre le soin de contrôler autant que possible les
répercussions de celle-ci dans l'organisation.
· Le redressement : Cette phase
de transition tend vers une situation un peu plus contrôlée. La
crise perd en intensité, il s'agit à présent de
reconstruire, ramener de l'ordre et entamer la reprise des activités.
· La cicatrisation : lors de
cette phase l'organisation se transforme et s'adapte à son nouvel
environnement. L'objectif à présent est de réduire les
effets négatifs si une telle crise serait amenée à se
reproduire.
· Le retour à l'incubation
: bien qu'il ne s'agisse pas véritablement d'une
nouvelle phase de la crise, le retour à l'incubation marque la fin de
cette dernière. Il convient de préciser que la stabilité
est encore fragile et pour cela, le gestionnaire doit demeurer en situation de
veille et de prévention pour se préparer à une potentielle
future crise. En effet, selon P. Bérubé « de nouvelles
crises sont toujours en gestation ».
1 Steven Fink, «Crisis Management: Planning for
the Inevitable», 1986, p.20-25
2 Pierre Bérubé. « La gestion
des communications en situation de risque et de crise » In
Introduction aux relations publiques. Fondements, enjeux et pratiques,
2018
12
Les typologies de la crise
Les nombreuses définitions qui peuvent être
faite selon les auteurs autour du concept de crise peuvent être
expliquées par les multitudes de dimensions que cette notion peut
prendre.
Selon Gerald Meyers, ancien PDG d'American Motors Corporation
il existerait 9 types de crises au sens organisationnel :
- La crise d'opinion,
- La rupture du marché,
- La crise produit,
- La crise de succession,
- La crise de trésorerie,
- La crise sociale,
- L'OPA Hostile : il s'agit d'une offre publique d'achat d'une
entreprise souhaitant en
acquérir une autre,
- La crise politique,
- La régulation/dérégulation :
réguler un secteur économique/supprimer la régulation
Nous pouvons toutefois imaginer de nombreuses autres formes
de crises conduisant à une rupture d'équilibre telles que la
crise écologique, la crise médiatique, mais également la
crise sanitaire. Ces crises peuvent avoir de réels impacts sur les
organisations au niveau humain, financier et organisationnel.
Les nombreux travaux sur le sujet ont permis d'approfondir
les origines de crises. C'est ainsi qu'en 1988 les auteurs Mitroff, Pauchant et
Shrivastava ont établi une typologie de la crise. Pour cela, ils ont
pris en compte l'origine de la crise qu'elle soit interne ou externe à
l'organisation, ainsi que son origine technologique ou humaine. Ils illustrent
de façon très structurée leur théorie avec la
présentation ci-dessous :
13
Enfin, pour compléter l'étude sur les dimensions
et les formes de crise pouvant exister, le chercheur français Patrick
Lagadec propose en 1989 un classement de ces crises davantage lié
à la perception que l'on peut s'en faire. Il les décline comme
suit :
· La crise « inimaginable
» : que l'on n'imaginait pas mais qui survient ;
· La crise « négligée
» : dont les causes étaient connues par l'organisation
;
· La crise « quasi inévitable
» : l'organisation n'avait que peu, voire pas de moyen pour y
faire face ;
· La crise « compulsive
» : inaptitude à gérer de
manière efficace et efficiente l'organisation ;
· La crise « voulue »
: provoqué sciemment par l'entreprise.
L'auteur Shel Holtz en étudiant les
conséquences d'une crise sur une entreprise, les a, quant à lui,
réparties au fil des ans en quatre grandes catégories :
· La crise « météorique
» : le danger ne pouvait être
anticipé, mais l'organisation doit prouver via sa stratégie de
communication qu'elle en est la victime ;
· La crise de « prédation
» : quelque chose devant rester secret dans
l'organisation est révélée au public ;
·
14
La crise de « détérioration
» : l'organisation a négligé
des aspects de gestion ou son niveau de performance est trop peu
élevé ;
· La crise « persistante
» : qui perdure dans le temps.
Nous pouvons ainsi constater que les différentes
définitions des auteurs ayant écrit sur le sujet peuvent
expliquer l'existence de ces nombreuses typologies de crise.
3. Crise et incertitude
Dans son ouvrage Pour une crisologie, le sociologue
et philosophe français Edgar Morin met en relation le
phénomène de crise et la notion d'incertitude. En cela, il
écrit « C'est bien le premier sens qu'apporte avec lui le mot
crise : le surgissement de l'incertitude là où tout semblait
assuré, réglé, régulé, donc,
prédictible »1
L'incertitude peut être défini à la fois
comme une situation imprévisible en sus de l'existence d'un état
incertain. Selon le sociologue et chercheur Y. Chalas, l'incertitude est
l'« inconnu et l'inattendu généralisés
». La notion d'incertitude qualifie de fait des situations pour
lesquelles la « connaissance des différents scénarios
possibles ainsi que leurs conséquences, est limitée, voire
inexistante » (Haddad, Benois, 2014). Elle est également
décrite comme une situation qui résulte du mélange entre
insuffisance des connaissances scientifiques et imprévisibilité
des effets, provenant du caractère complexe de cette même
situation (Chailleux, 2016).
Ainsi, comme nous avons pu le voir
précédemment, tandis que la crise correspond à une prise
de décision, l'incertitude quant à elle renvoi à
l'incapacité de décider. De ce fait, bien que la notion de crise
et celle d'incertitude puissent se compléter, cette discordance tend
à engendrer une incapacité à agir de manière
rationnelle en période de crise. A cette notion d'incertitude peut
s'ajouter l'inimaginable (ou inconcevable) qui rendent les acteurs incapables,
à un moment donné, de se figurer l'événement
à venir, un événement « hors-cadre», qui demande
un changement radical dans la manière de concevoir et de mettre en
oeuvre une gestion de crise. L'économiste J. Keynes résuma
l'incertitude en 1937 en disant « we simply don't know ».
1 Morin, 1984 [1981a], p.326)
15
L'incertitude peut provenir de l'écart entre le volume
d'information requis pour l'exécution des tâches et le volume
d'information détenu par les acteurs organisationnels concernant les
différentes données du problème auquel ils font face. En
cela, la prise de décision en période de crise est fortement
corrélée avec l'information collectée et
l'interprétation qui en est faite par les décideurs. Cette prise
de décision peut également être influencée par le
caractère d'urgence qu'engendre la situation de crise. En
complément de ces éléments, le théoricien Karl E.
Weick développe la notion de sensemaking. Ses recherches
portent sur la capacité à détecter des anomalies afin
d'adapter son action de manière appropriée au cours d'une
situation incertaine1. Le sensemaking correspond donc à la
création de sens, la construction du sens en situation de crise et de
catastrophe entrainant la perte de repères. A travers son étude,
Karl E. Weick apporte de l'importance à la qualité des
interactions entre les membres d'un collectif de travail au sein d'une
organisation. Il découle de son analyse quatre facteurs pouvant influer
cette construction du sens.
· Les facteurs individuels : il
s'agit de la capacité à repérer, sélectionner et
interpréter les indices essentiels permettant la compréhension
d'une situation de crise dans un contexte d'incertitude.
· La situation de travail : la
charge cognitive ou charge mentale (John Sweller et Fred Paas) peut
également rendre les gens moins attentifs à d'éventuels
indices permettant la compréhension de la situation.
· Le collectif de travail : la
qualité des interactions entre les collaborateurs peut apparaitre comme
un frein dans le processus de fabrication du sens. En effet, les niveaux
hiérarchiques, l'absence de variété de point de vue et de
compétences sont autant de variables pouvant réduire la
compréhension de la situation via la recherche collective de sens.
· Les processus d'organisation
: il s'agit ici de la culture organisationnelle, les systèmes de
management, les attentes de la direction ou encore le pilotage de celle-ci
pouvant influencer la fabrication du sens.
1 Karle E. Weick, «Sensemaking in
Organizations», Sage, Thousand Oaks, 1995
16
La notion de sensemaking et d'incertitude sont
étroitement liée. En effet, en période de crise,
l'incertitude est omniprésente, notamment lors de la phase chronique (S.
Fink). De ce fait, la création de sens parait primordiale pour le
gestionnaire en charge d'établir des plans d'actions. En effet, la
qualité, la pertinence et la quantité d'informations sont
essentielles dans le processus décisionnel.
B. Notion de crise sanitaire
Edgar Morin (2020) déclare dans le journal Le
Monde « Cette crise nous pousse à nous interroger sur
notre mode de vie, sur nos vrais besoins masqués dans les
aliénations du quotidien ».
Après avoir cerné les dimensions d'une crise,
la multitude des formes qu'elle peut prendre et les visions que les
gestionnaires peuvent s'en faire, il convient à présent de
s'intéresser plus en détail à la crise sanitaire. Pour
cela, nous définirons tout d'abord ce qu'est une crise sanitaire,
comment elle apparait et par quels canaux elle peut se développer et se
transmettre.
1. Définition d'une crise sanitaire
Jean François Girard dans son Rapport sur la Mission
d'Evaluation et d'Expertise de la Veille Sanitaire en France définit la
crise sanitaire comme « une situation qui menace les buts essentiels
des unités de prises de décisions, qui réduit le peu de
temps disponible pour cette prise de décision et dont l'occurrence
surprend les responsables ». La crise apparait comme une menace pour
l'état de santé d'une population qui nécessite une
réponse adaptée du système de santé. La
terminologie de crise provient de deux caractéristiques : l'état
d'urgence de la situation et le caractère inédit du risque de par
sa nature, son ampleur ou sa localisation ayant conduit à l'apparition
de cette crise. L'origine du risque sanitaire quant à elle peut provenir
de plusieurs canaux dont la consommation d'aliments ou de produits nocifs sur
la santé, une catastrophe naturelle, une pollution de l'environnement,
une épidémie, etc.
17
La notion de crise sanitaire est donc fortement
corrélée à un problème de santé publique. De
ce fait, des dispositifs de veille et d'alerte sont mis en oeuvre afin de
collecter des données par l'existence d'indicateurs de morbidité,
de mortalité et d'exposition. Pour cerner véritablement
l'apparition d'une crise sanitaire, il faut se baser sur certains
critères :
· La fréquence : le nombre
d'individu concerné doit être relativement important ;
· La gravité : le
problème de santé peut entrainer un bousculement important dans
la qualité de vie de l'individu au niveau social mais aussi en raison
d'une invalidité pouvant aller jusqu'au décès ;
· Les conséquences sur le
système de soin : le phénomène
nécessite une forte mobilisation en ressources et en énergies de
la part des professionnels.
Un dispositif de veille est également essentiel pour
se prémunir de l'apparition soudaine d'une crise sanitaire. Selon
l'Institut de Veille Sanitaire française, la veille consiste en une
« collecte et une analyse, en continu, [...] de signaux évoquant un
risque pour la santé publique, dans une perspective d'alerte,
d'anticipation et d'action précoces ». La veille est primordiale
dans le système de santé, et c'est la raison pour laquelle elle
se fait à différents échelons. De nombreuses institutions
telles que les Cellules interrégionales d'épidémiologies
(CIRE), l'Institut de Veille Sanitaire, ainsi que les Directions
Départementales des Affaires Sanitaires et Sociales coopèrent
pour relever les signaux d'alerte d'un risque sanitaire afin d'en
évaluer la menace qui peut peser sur la santé de la
population.
Par ailleurs et dans l'objectif de cadrer l'évolution
de la situation sanitaire, il existe trois niveaux d'alerte.
- Niveau 1 : Il s'agit ici d'une gestion courante des
alertes sanitaire. Les conséquences sont minimes pour la santé de
la population et par conséquent la situation ne nécessite que peu
de moyens humains et financiers. L'intervention de l'Organisation Mondiale de
la Santé est elle aussi minime.
18
- Niveau 2 : Le Centre Opérationnel de
Régulation et de Réponses aux Urgences Sanitaires et Sociales
(CORRUSS) est renforcé d'une équipe dédiée à
la gestion d'un évènement particulier ayant un impact sanitaire
significatif. La situation nécessite une action modérée
autant au niveau national que par l'OMS.
- Niveau 3 : l'évènement a des
conséquences importantes sur la santé publique. Ce niveau
s'accompagne de l'activation du centre de crise sanitaire en raison du
caractère exceptionnel de la situation. Cela passe notamment par la mise
en place d'une cellule de gestion de crise active 7 jours sur 7. De plus, L'OMS
propose une aide de grande envergure et une équipe d'appui issue de
l'OMS est apportée dans les pays touchés par la crise.
2. Du signal d'alerte à la notion de crise sanitaire
Comme nous avons pu le constater précédemment,
pour parvenir à une situation de crise sanitaire, des signaux d'alerte
doivent être reconnus par les institutions tant au niveau local, que
national et international. En effet, une alerte de santé publique ne
peut se faire que par l'existence d'un signal vérifié
représentant une menace pour la population. Le Rapport d'un groupe de
travail de l'Institut de la Veille Sanitaire en mai 2005 définit le
système sanitaire comme « une surveillance
épidémiologique qui vise à détecter le plus
précocement possible tout événement sanitaire anormal
représentant un risque potentiel pour la santé publique, quelle
qu'en soit la nature ». L'objectif est donc de prévenir
l'apparition de risques sanitaires pouvant conduire à un état de
crise, et également d'établir des mesures afin d'alerter et
protéger la population sur ce phénomène.
Ainsi, pour assurer le bon fonctionnement du système
d'alerte, il convient de vérifier le signal en lui-même,
c'est-à-dire sa pertinence, et l'évaluation de la menace et les
risques qui peuvent peser sur la population. La première étape
consiste en une détection des signaux qui peuvent être de natures
variables :
· Signaux en rapport avec le signalement d'une maladie
à déclaration obligatoire ;
· Signaux détectés par un système
de surveillance (notamment via les indicateurs de mortalité et de
morbidité) ;
· Signaux notifiés ou détectés en
relation avec un évènement de santé ;
·
19
Signaux notifiés ou détectés en relation
avec une exposition ;
· Signaux d'origine interministérielle,
européenne ou internationale.
Dans un second temps et après avoir analyser
d'où provenait le signal d'alerte, il convient de s'attarder sur la
portée et l'intensité du signal. Cette analyse peut s'effectuer
selon différents niveaux :
· L'alerte de portée
nationale : l'importance ou la portée du risque
dépasse le cadre local, il sera donc nécessaire de coordonner la
situation au niveau régional ou national ;
· Alerte de portée locale avec
appui : bien que la portée ne soit que locale,
l'évaluation de la situation ou la prise en charge de celle-ci
nécessite un appui extérieur ;
· Alerte de portée locale
nécessitant une information : L'alerte se situe au niveau
local, toutefois bien que la situation soit gérée par la
Direction départementale des Affaires sanitaire et sociales, des
informations doivent également provenir du niveau national afin de
cerner la menace de la situation sanitaire ;
· Alerte de portée locale
: ici l'alerte est gérée par la Direction départementale
des Affaires sanitaire et sociales ;
· Alerte non confirmée :
le signal d'alerte n'apparait pas comme une menace et n'engendre donc pas de
risque pour la santé d'une population.
20
Il est possible de représenter l'évaluation de la
portée du signal d'alerte via un logigramme.
Evaluation de la portée des signaux d'alerte
sanitaire
Figure 1 : Contribution de l'InVS à
l'élaboration du Plan Régional de Santé Publique,
2005
Nous avons pu constater qu'un risque sanitaire pouvait
provenir de différents canaux. Pour faire face à une crise
sanitaire liée à une épidémie, le gouvernement
français développe une stratégie opérationnelle
issue du Plan de Prévention et de Lutte Pandémie Grippale. La
démarche consiste à mettre en oeuvre des actions qui seront
déployées jusqu'à trois stades différents en
fonction de l'évolution et la gravité de la crise sanitaire.
Ø Stade 1 : Freiner
l'introduction du virus sur le territoire
A ce stade, une stratégie préventive est
déployée dès la détection de premiers cas
avérés sur le territoire national. Il s'agit d'endiguer la
propagation de l'épidémie sur une plus large zone
géographique et d'assurer une rapide prise en charge médicale des
patients atteints. En appliquant le Règlement Sanitaire International
(RSI), un contrôle s'opère également au niveau des
frontières pour éviter une plus large introduction de
l'épidémie sur le territoire national.
Ø 21
Stade 2 : Freiner la propagation du virus
sur le territoire
Lorsque les autorités ont connaissance de
différents foyers répartis sur le territoire national, le stade 2
est enclenché. Ainsi, des mesures-barrières sont mises en place
et une organisation plus stricte du système sanitaire s'opère sur
les foyers concernés. C'est à cette étape que seront
alloués des ressources spécifiques pour faire face à cette
épidémie. Peuvent également être
décidées les fermetures d'établissements scolaires.
Ø Stade 3 : Atténuer les
effets de la vague épidémique
Lorsque le niveau épidémiologique dépasse
le stade de foyers et s'étend sur l'ensemble du territoire national, le
stade 3 est déclenché. Il s'agit d'éviter une
pandémie et de limiter les conséquences sanitaires, humaines et
économiques au niveau national. Des mesures drastiques sont alors
prises, à savoir la fermeture des écoles mais également
différents autres lieux publics pouvant aller jusqu'à des mesures
de confinement total.
De ces différentes méthodes d'analyse de crise
sanitaire, jusqu'aux moyens mis en oeuvre pour faire face à celle-ci, de
nombreux acteurs institutionnels interviennent à la fois pour
communiquer à la population sur les différentes décisions
et à la fois pour organiser les plans d'actions.
3. Les acteurs qui veillent à la crise sanitaire
Pour assurer la prévention d'une crise sanitaire, des
institutions et organisations oeuvrent tant sur le plan local que sur le plan
international en établissant des veilles sanitaires et en
définissant des stratégies. Elles agissent en collaboration avec
les Etats qui, eux seuls, peuvent déclarer officiellement une situation
de crise sanitaire sur leur territoire.
22
Au niveau international
En matière de Santé Publique sur le plan
international, l'Organisation Mondiale pour la Santé est une institution
incontournable. Cette agence spécialisée de l'Organisation des
Nations Unies (ONU) créée en 1948 a pour voeu d'améliorer
les perspectives d'avenir et la santé future pour toutes les populations
du monde. Pour assurer pleinement sa mission, l'OMS compte 194 Etats Membres et
travaille dans 150 bureaux de pays. Elle travaille donc étroitement avec
ses pays en soutenant leur politique en matière de santé et en
coordonnant les actions sur leur territoire tout en les mettant en lien avec
différents partenaires. Parmi ses nombreux domaines d'activités,
l'OMS priorise ses actions sur les maladies non transmissibles, les maladies
transmissibles mais aussi la préparation, la surveillance et les plans
d'actions pour faire face aux crises sanitaires qui peuvent survenir. En cela,
l'OMS joue un rôle essentiel pour les Etats membres en leur fournissant
de l'aide quant à la préparation des situations d'urgence. De ce
fait, l'OMS évalue les risques sanitaires afin d'établir une
classification des situations d'urgence dans le but de cerner leurs ampleurs et
leurs complexités. Cela permet à l'OMS de préparer et
affecter ses ressources afin d'apporter l'aide nécessaire, d'adapter sa
stratégie de communication et de déclencher des procédures
d'actions d'urgences pour répondre à la situation sanitaire.
Ainsi, concernant les interventions en cas de crise, l'OMS a établi un
plan stratégique qui oeuvre à réduire la charge mondiale
liée à la mortalité, à la morbidité et au
handicap. Par ailleurs, elle élabore un cadre d'actions d'urgence pour
présenter sa procédure de classification, ses critères
d'actions et ses fonctions essentielles lors de cette situation d'urgence.
Dans ce cadre, en 2005 le Règlement Sanitaire
International entre en vigueur dans le but de protéger tous les Etats de
la propagation internationale des maladies. Cet instrument juridique
international a plusieurs objectifs, notamment de détecter,
réduire et d'éliminer les sources de propagation de l'infection,
améliorer la surveillance sanitaire, et prendre des dispositions
préventives pouvant aller jusqu'à entraver les voyages et
échanges internationaux.
Au niveau national
En France, la loi de modernisation du système de
santé du 1er mai 2016 précise et élargi les
missions de l'Agence Nationale de Santé Publique. Autrement
appelée Santé Publique France, cette nouvelle institution
constitue la fusion entre l'Institut de Veille Sanitaire (InVS), l'Institut
National de Prévention et d'Education pour la Santé (INPES),
l'Etablissement de préparation et de Réponse aux Urgences
Sanitaires (EPRUS) ainsi que Addictions Drogues Alcool Info
23
Service (ADALIS). Elle assure de fait une multitude de
missions, et plus spécifiquement une observation et une surveillance
épidémiologique afin de connaitre l'Etat de santé de la
population française pour mettre en place des politiques de santé
adaptées aux besoins et aux problèmes de santé. Elle
réalise également une veille sanitaire en permanence afin de
pouvoir agir dès l'apparition de signaux pouvant attester de l'existence
de risques sanitaires.
Plus largement en France c'est le ministère des
Solidarités et de la Santé qui est en charge de la mise en oeuvre
de la politique dans les domaines relevant de la Santé Publique. Des
agences nationales agissent ainsi sous la tutelle de ce ministère afin
de garantir la réussite de cette mission telles que l'Agence Nationale
de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé
(ANSM) et l'Agence nationale de Sécurité Sanitaire de
l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). L'ANSM,
créée par la loi du 29 décembre 2011 place ses
préoccupations dans la sécurité de l'usager et
l'accès des patients à l'innovation thérapeutique. De ce
fait, elle est responsable de l'évaluation scientifique et technique des
médicaments et des produits biologiques. Il est également
important de préciser que l'ANSM est en charge d'identifier les
médicaments dont l'approvisionnement doit être assuré et
notamment en période de crise sanitaire. L'ASNES quant à elle,
créée par la loi du 1er juillet 2010 par la fusion de
deux agences (l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des
Aliments et l'Agence Française de Sécurité Sanitaire de
l'Environnement et du Travail) oeuvre à la sécurité
sanitaire humaine dans les domaines de l'environnement, du travail et de
l'alimentation. Ainsi, comme il est spécifié dans le Code de la
Santé publique, article L1313-1, l'ANSES a pour principale mission
« de réaliser l'évaluation des risques, de fournir aux
autorités compétentes toutes les informations sur ces risques
ainsi que l'expertise et l'appui scientifique et technique nécessaires
à l'élaboration des dispositions législatives et
réglementaires et à la mise en oeuvre des mesures de gestion des
risques ». En complément de cette mission, l'ANSES se doit
également d'évaluer les risques relevant de substances
chimiques.
En prenant l'exemple de ces deux agences, on constate en effet
que de nombreuses institutions nationales oeuvrent pour la surveillance et la
protection des individus en matière de Santé Publique.
24
Au niveau local
En France, au niveau local, l'Agence Régionale de
Santé (ARS), est chargée de la mise en oeuvre de la politique de
santé dans les régions. En cela, elle assure le financement des
actions de prévention, la gestion au quotidien des risques sanitaires
ainsi que l'accompagnement des citoyens par l'accès à la
santé pour tous. Elle assure donc la coordination entre la politique
nationale en matière de Santé Publique et son exécution
effective au niveau local. Ainsi, créée par la loi Bachelot et
apparue en avril 2010, l'ARS est en charge « du pilotage régional
du système de santé ». En période de crise, l'ARS
assure un rôle essentiel. En effet, elle est l'entité qui prend
les décisions et gère l'organisation du système de
santé dans les régions. Parmi ses nombreuses missions, elle
autorise l'augmentation des capacités hospitalières, organise les
opérations de transports de patients entre les régions, est en
charge de l'approvisionnement en médicament et programme les tests de
dépistages. Pour assurer ses missions, l'ARS dispose de plusieurs
sources de financement. Outre les subventions de l'Etat et les contributions
des régimes d'Assurances Maladie, les ressources financières
peuvent également provenir de la Caisse Nationale de Solidarité
pour l'Autonomie et les Régimes Obligatoires d'Assurances Maladie.
Enfin, l'ARS peut également bénéficier de dons et de
versements provenant des collectivités territoriales.
Afin de rendre opérationnelle sa stratégie et
afin de réaliser ses missions dans les régions, l'Agence
Nationale de Santé Publique dispose de Cellules d'Intervention en
Région (CIRE), rattachées à l'ARS. La mission principale
des CIRE est la veille sanitaire et la surveillance
épidémiologique orientée vers l'alerte, afin de pouvoir
réagir rapidement pour contrôler une situation. De ce fait, les
CIRE assurent trois missions essentielles :
- L'expertise des signaux sanitaire et la
réponse aux alertes : Une CIRE peut être
amenée à investiguer sur des risques
épidémiologiques afin de proposer des mesures de
prévention, de gestion ou de contrôle.
- Le développement et le pilotage des
systèmes de surveillance régionalisé : Les
CIRE assurent le prolongement de l'activité nationale de Santé
Publique France dans les domaines de la surveillance et l'observation de
l'état de santé des individus sur le territoire.
- Etudes et expertises : Ces
études ont pour vocation de répondre aux objectifs
opérationnels et participer à l'amélioration des
connaissances pour proposer une aide quant à la prise de
décision.
25
C. Les impacts et conséquences d'une crise
sanitaire
1. Crise sanitaire : crise prévisible ?
Dans une tribune parue dans le journal Le Monde le 25 mars
2020, le sociologue et philosophe français Bruno Latour écrit
qu'une « crise sanitaire prépare, induit, incite à se
préparer à la mutation climatique »1. En
effet, l'apparition d'une crise sanitaire peut conduire à des
conséquences parfois plus graves que la crise en elle-même. Les
impacts d'une crise sanitaire peuvent toucher de multitudes domaines tels que
l'économie et les finances, l'environnement ou encore le social. De son
côté, Bill Gates avait annoncé en réponse à
la crise sanitaire d'Ebola que « si quelque chose tue plus de 10
millions de personnes dans les prochaines décennies, ce sera
probablement un virus hautement contagieux plutôt qu'une guerre
». Mais le fondateur de Microsoft n'est pas le seul à avoir
anticipé la multiplication de crises sanitaires. La Central Intelligence
Agency imaginait déjà de tels scénarii. Le livre Le
nouveau rapport de la CIA : comment sera le monde en 2025 paru en 2009
énonce que la prochaine menace mondiale sera « l'apparition
d'une nouvelle maladie respiratoire humaine virulente, extrêmement
contagieux, pour laquelle il n'existe pas de traitement adéquat ».
Ce rapport ajoute également que « si une maladie
pandémie se déclare, ce sera sans doute dans une zone à
forte densité de population, de grande proximité entre humains et
animaux, comme il en existe en Chine et dans le Sud-Est asiatique
»2.
Notre époque contemporaine a déjà fait
face à de nombreux épisodes de crise sanitaire. Les
épidémies apparaissent comme la principale source de crise
sanitaire. Au début du 20ème siècle, la grippe
espagnole a entrainé entre 20 et 50 millions de victimes selon les
sources. La catastrophe de Tchernobyl en 1986 a été un
épisode sanitaire sans précèdent ayant engendré des
conséquences terribles car, outre-les quelques 900 000 victimes, il y eu
de graves séquelles sur l'état de santé des individus sur
le plus long terme du fait des rejets radioactifs dans l'air. Plus
récemment, c'est la crise sanitaire de la COVID-19 qui conduit à
un véritable bousculement dans le système de santé.
1 Bruno Latour, « La crise sanitaire incite
à se préparer à la crise économique », Le
Monde, 25 mars 2020
2 Le nouveau rapport de la CIA : comment sera le
monde en 2025 ? présenté par Alexandre Adler, Editions Robert
Laffont, S.A., Paris, 2009
2. 26
Crise sanitaire : nos modes de vie remis en question ?
En 2008, une étude a démontré qu'au
cours des 60 dernières années sur les 355 maladies infectieuses
recensées, plus de 60% étaient d'origine animale, et parmi elles
70% d'origine sauvage1. Il s'agit de la zoonose, c'est-à-dire
la transmission d'une maladie infectieuse des animaux vertébrés
à l'être humain. Le journaliste scientifique David Quammen annonce
en ce sens que la « Zoonose est un mot d'avenir, dont le XXIe
siècle fera un grand usage »2. L'émergence
de ces formes de pandémies est motivée par des facteurs
socio-économiques, environnementaux et écologiques3.
Notre société mondialisée, l'hyperconsommation et
l'augmentation exponentielle de la population mondiale sont autant de vecteurs
favorisant l'apparition de crise sanitaire, et plus spécifiquement
d'origine animale. En effet, l'être humain est amené à
s'approprier des territoires sauvages afin de s'y implanter que ce soit pour y
habiter mais également pour y installer des entreprises ou des espaces
d'agriculture. C'est ainsi qu'en 1999, des mesures radicales ont dû
être prises en Malaisie. La déforestation à
proximité de la ville de Nipah, a favorisé l'implantation de
nombreuses industries de viande porcine dans cette zone. Toutefois, la
présence d'animaux sauvages dans la région a provoqué la
transmission de virus à l'homme par l'intermédiaire des porcs.
Après l'apparition de symptômes inquiétants chez les
ouvriers et afin d'éviter la propagation d'une épidémie
virulente, près de mille soldats ont reçu l'ordre d'abattre
quelque 600 000 porcs dans le seul Etat de Negeri Sembilan, en Malaisie. On
peut de fait constater que pour endiguer le plus rapidement possible un
début d'épidémie et dans le même temps
préserver la santé publique, les autorités peuvent prendre
des mesures draconiennes. En effet, les conséquences d'une crise
sanitaire peuvent être parfois désastreuses.
3. Les conséquences multiples d'une crise sanitaire
Au niveau économique, une crise sanitaire et les
éventuelles mesures pour y faire face sont des facteurs entrainant un
ralentissement de l'activité nationale, voire mondiale. Dans ce secteur,
la crise actuelle de la COVID-19 annonce de véritables bousculements. En
effet, la Banque
1 Jones, K., Patel, N., Levy, M. et al. Global trends
in emerging infectious diseases. Nature 451, 990-993 (2008)
2 David Quammen, Spillover-Animal Infections and the
Next Human Pandemic (2013)
3 Smolinski, MS, Hambourg, MA & Lederberg,
J.Microbial Threats to Health: Emergence, Detection, and Response (National
Academies Press, Washington DC, 2003)
27
Mondiale annonce que l'économie planétaire va
connaitre sa pire récession depuis la Seconde Guerre Mondiale. Elle
prédit une baisse du PIB mondiale entre -3% et -5%. Cela peut
s'expliquer par le caractère particulier qu'engendre la crise sanitaire
de la COVID 19. En effet, il apparait que la crise engendre à la fois un
choc d'offre et à un choc de demande, ce qui est phénomène
relativement rare car bien souvent, un ralentissement économique
provient soit de l'un soit de l'autre. Le choc d'offre tout d'abord provient du
fait de la fermeture d'entreprises causées par le confinement, un
ralentissement économique dans de très nombreux pays dans le
monde qui ne permet pas de s'approvisionner complètement et
également de nombreux secteurs à l'arrêt tels que la
construction ou la restauration. Le choc de demande quant à lui
s'explique d'une part car les entreprises voyant leur activité tourner
au ralenti n'achète plus de produit ou de service. D'autre part, outre
le confinement qui limite la liberté de consommation des individus ces
derniers anticipent également une situation difficile en raison du
ralentissement économique global. En France, on prévoit une
récession de 12% et un déficit budgétaire de 14%. Cette
récession économique peut entrainer un cercle vicieux. C'est la
raison pour laquelle les pouvoirs publics optent pour des politiques de
relance, notamment en mettant en place du chômage partiel en France afin
que les individus soient incités à consommer. C'est aussi la
raison pour laquelle les pays membres de l'Union Européenne ont
signé un accord pour un Plan de relance de grande envergure à
plusieurs milliards d'euros pour pallier la hausse de chômage. Par
ailleurs, une partie du fonds de relance sera dédié à
divers programmes de recherche, de développement rural ou encore de
transition énergétique. Selon le chef économiste de
Groupama Asset Management Christophe Morel, parce qu'elle a affecté tous
les pays simultanément, la crise sanitaire de la COVID-19 peut
être perçue comme une « opportunité historique
d'envisager des solutions aux défis à long terme sous la forme
d'une destruction créatrice schumpetérienne ». La crise
actuelle, malgré ses conséquences terribles d'un point de vue
économique et sanitaire, peut être un moment clé pour
reconstruire notre société de demain, notamment en
préservant l'environnement et respecter les zones géographiques
sauvages, bien souvent source de crise sanitaire.
Par ailleurs comme nous avons pu le constater, une crise
sanitaire engendre un ralentissement économique. Ainsi, il apparait que
ces périodes de crise s'accompagnent d'une hausse du chômage qui
sous-entend également une augmentation de la précarité et
de la pauvreté. Les conditions de vies sont alors
dégradées de par des conséquences directes telles que le
stress et l'anxiété grave mais aussi des conséquences
indirectes comme la malnutrition provenant de la
28
pauvreté et autres comportements à risque
(tabagisme, alcoolisme, ...). De plus, les mesures de confinement prises par
les gouvernements dans le monde entrainent également d'autres risques
qui ne sont, a priori, pas en lien avec la crise sanitaire de la COVID-19.
Parmi ces risques, il est possible de relever des cas de suicides,
l'augmentation de violences conjugales et des décès provenant
d'autres maladies. En effet, il apparait que les efforts justifiés du
gouvernement et des systèmes de santé visant à stabiliser
la situation sanitaire et préserver la population, peuvent a contrario
conduire à l'apparition de nouveaux risques au sein de la population.
Enfin, le ralentissement économique qu'engendre une
crise sanitaire a également eu des répercussions sur
l'environnement. L'augmentation croissante de la population mondiale, une
empreinte carbone très élevé pour les habitants des pays
développés et les activités industrielles très
polluantes sont autant de facteurs qui fragilisent l'écosystème
de notre planète. De nombreuses études attestent d'une hausse de
CO2 s'accompagne d'une augmentation des températures. Les
mesures de l'observation de Mauna Loa à Hawaï démontrent que
le niveau de CO2 a doublé depuis l'époque
préindustrielle, c'est-à-dire dans au milieu du
18ème siècle. De plus, le Groupe d'Experts
Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC) estime un
réchauffement climatique compris entre +2,3°C et +4,5°C dans
les décennies à venir. Toutefois, l'apparition d'une crise
sanitaire vient ralentir l'activité économique, et de fait les
impacts négatifs sur la planète. Concernant les pandémies
majeures telles que la peste noire et la grippe espagnole, la diminution des
impacts écologiques provenaient de fort taux de
mortalité.1 En effet, la main d'oeuvre devient plus rare et
l'activité économique s'en voit touchée. Ainsi, le
prélèvement des ressources naturelles et les émissions de
CO2 diminuent fortement. La crise de la COVID-19 a également
eu des répercussions sur l'environnement. Selon une étude faite
en février 20202, les mesures de confinement et l'arrêt
net de l'activité économique en Chine tout d'abord aurait
provoqué un recul de 200 millions de tonnes en émissions de
CO2. Plus globalement, on compte une baisse de 17% des
émissions de CO2 quotidiennes mondiales par rapport à
la moyenne de 2019. Les mesures de confinement ont fait diminuer le trafic
routier qui a réduit de 43%. En Ile-de-France, la circulation a
baissé de 90% pour une amélioration de la qualité de l'air
de l'ordre de 20% à 30%. Il apparait donc que l'apparition d'une crise
sanitaire
1 Barry John M., The Great Influenza: The Epic Story
of the Greatest Plague in History, New York : Viking, 2004
2 Myllyvirta Lauri, Analysis: Coronavirus
Temporarily Reduced China's CO2 Emissions by a Quarter », Carbon Brief, 19
février 2020
29
a des nombreuses conséquences, que ce soit au niveau
économique, écologique mais également sur la santé
des populations à court et long terme.
Dans cette première partie, nous avons pu
apprécier les origines d'une crise sanitaire, leurs manifestations dans
les domaines économiques, sanitaires et écologiques et les
acteurs en charge de préserver la santé de leur population.
De fait, les entreprises peuvent être plus ou moins
impactées par une situation de crise sanitaire en raison des
conséquences de la crise en elle-même tout d'abord, mais
également du fait des décisions politiques prises en faveur de la
préservation de la santé publique. C'est pourquoi afin de se
préparer à une telle situation un outil peut être mis en
place dans les organisations, le Plan de Continuité
d'Activité.
II. Le Plan de Continuité d'Activité
A. Le PCA - Origine
1. Les premières normes
« Le hasard ne favorise que les esprits
préparés » - Louis Pasteur
La multiplication de situations de crise telle qu'on a pu le
constater précédemment nécessite la mise en place d'outils
permettant d'assurer la continuité de l'activité des entreprises,
et ceci tout en préservant la santé de leur personnel. En 1988 la
création du DRI (Disaster Recovery Institute) apporte une
première vision de la continuité d'activité. Cet institut
apporte des conseils et du soutien à de nombreuses entreprises dans le
monde et fournit notamment des formations, accréditation et leadership
éclairé sur la thématique de continuité
d'activité. C'est donc pour faire face à l'apparition de
catastrophe qu'apparaissent les Plans de Secours Informatiques (PSI), les Plans
de Reprise d'Activité (PRA) et les Plans de Continuité
d'Activité (PCA). Le Comité de la Réglementation Bancaire
et Financière en date du 21 février 1997 modifié le 8
janvier 2004, définit le PCA dans son article 4 comme « l'ensemble
des mesures visant à assurer, selon divers scénarios de crises, y
compris face à des chocs extrêmes, le
30
maintien, le cas échéant de façon
temporaire selon un mode dégradé, des prestations de services
essentielles de l'entreprise puis la reprise planifiée des
activités ». Ces plans s'attachent à répondre
à une situation d'incertitude et à prévoir
l'imprévisible afin de limiter les pertes et préserver la
santé des salariés en période de crise. Il s'agit donc,
pour une entreprise, de pallier les conséquences de l'arrêt de son
activité, voire de contribuer à l'éviter en identifiant
différents types de scénarios qui pourraient survenir. C'est
ainsi que le Plan de Continuité d'Activités doit répondre
à deux objectifs. Le premier est d'identifier les principaux
événements qui pourraient frapper et rendre indisponible pour une
durée significative une organisation ou un site. Cela peut provenir des
catastrophes naturelles, d'actes terroristes, de malveillance, de
pandémie, etc. Le second objectif correspond à la conception d'un
plan de continuité d'activité optimisant les processus pour une
reprise normale d'activité de l'organisation ou du site. Par ailleurs,
un PCA permet de limiter les conséquences d'un sinistre à court
et à long terme. A court terme tout d'abord il limite les pertes de
chiffre d'affaires, de marge, de pénalités de retard, etc. A long
terme ensuite, il limite les pertes de clients, de l'image de marque, des
impacts juridiques, voire des problèmes sociaux.
L'instauration du PCA s'appuie sur deux sources :
· La norme British Standard Institute BS 25
999 : cette norme de Management de la Continuité
d'Activité (MCA) apparu en 2006 comprend deux parties. La
première partie pose les bases de bonnes pratiques quant à
l'établissement des processus, des principes et des terminologies du
MCA. La seconde partie est davantage axée sur les exigences de la mise
en place, l'exploitation et l'amélioration du MCA.
· La norme ISO 22 301 : Mise
à jour en 2019, cette récente norme a pour vocation de fournir un
cadre de référence pour planifier, établir, mettre en
oeuvre, exécuter et améliorer le Système de Management de
Continuité d'Activité. Prévue pour être applicable
à toutes les organisations, la présente norme vise à faire
de la continuité d'activité un processus majeur de
l'organisation.
Il convient également de préciser que
l'élaboration d'un PCA équivaut à l'établissement
de procédures documentées servant de guide à toutes les
organisations visant à faire face à une situation de catastrophe
pour laquelle quatre scénarii peuvent apparaitre :
l'indisponibilité des
31
ressources humaines, l'inaccessibilité et
l'indisponibilité des bâtiments, l'interruption du système
d'information et de la téléphonie ainsi que la défaillance
de prestataire et sous-traitants stratégiques. La prise en compte de ces
différents éléments via un PCA donne de fait un avantage
concurrentiel aux organisations puisqu'il démontre un signe de
maturité de l'organisme et rassure les parties prenantes.
De plus, l'apparition de la notion de continuité
d'activité via l'existence des normes a permis de légitimer la
fonction de Responsable Plan de la Continuité des Activités
(RPCA). Dans le cadre de l'élaboration et de la gestion d'un PCA, le
RPCA a la charge de sa formalisation de manière efficiente, son
évaluation ou encore la mise à jour d'outils permettant la bonne
réalisation des missions de contrôle. Parmi ses nombreuses
missions, le RPCA se doit d'assurer la vision d'ensemble de la
Continuité d'activité dans le cadre de son système de
management, il doit mettre à jour le Plan de Reprise d'Activité
et le Plan de Continuité d'activité de manière
régulière afin que ces documents soient en constante
adéquation avec la réalité du marché et doit avoir
une vision à long terme de la démarche au-delà des moyens
alloués.
2. Aspect réglementaire
Afin d'apprécier l'importance et le poids qu'a pris la
notion de Système de Management de la Continuité
d'Activité (SMCA), il convient de préciser le cadre
réglementaire qui a permis l'évolution de cette notion.
Il apparait que l'élaboration d'un PCA est obligatoire
dans certains secteurs. Le comité de Bâle, créé en
1974 regroupe les représentants des banques centrales et autres
organismes de surveillance bancaire. Il est la principale instance
d'établissements des normes et recommandations des activités
bancaires. C'est ainsi qu'en 2004, les Accords de Bâle II rendent
obligatoire l'élaboration d'une PCA dans les banques. Il s'agit
d'intégrer une culture du risque et de préparer les banques
à d'éventuelles catastrophes pouvant conduire à la mise en
place d'une stratégie de continuité d'activité afin de
maintenir l'équilibre financier mondial. Plus largement, les accords de
Bâle II s'appuient sur trois piliers. Le premier est axé sur
l'exigence de fonds propres des banques qui doivent représenter au moins
8% des crédits qu'elles ont accordés. Il s'agit de
prévenir les risques des crédits via un calcul plus
sophistiqué afin d'assurer une liquidité des banques en
période de crise. Le deuxième pilier repose sur la
procédure de surveillance de la gestion des fonds propres qui consistent
en une évaluation de l'adéquation du
32
niveau de ces fonds propres en lien avec les risques auxquels
ils peuvent être confrontés. Enfin, le troisième pilier
promeut la transparence et la discipline du marché. Les banques ont une
obligation accrue de communiquer leur état financier ainsi que le
montant effectif de leurs fonds propres.
La seconde obligation d'élaboration d'un PCA concerne
les sociétés cotées au NYSE. C'est la loi Sarbanes-Oxley
du 30 juillet 2002 qui impose donc aux entreprises cotées au New York
Stock Exchange qui constitue la plus grande bourse mondiale d'assurer un
contrôle interne. Cela passe notamment par la mise en oeuvre de
procédures cadrées en matière de contrôle interne.
Il convient de relever que l'objectif premier de cette loi est de «
fournir des contrôles protégeant l'information contre toute
utilisation, divulgation ou modification non autorisée et contre tous
dommages ou pertes à l'aide de contrôle ». Il s'avère
en effet, que le PCA est un outil permettant de limiter les pertes
financières, et en cela il répond à la présente
loi. Toutefois, la loi ne concerne pas uniquement les entreprises
américaines. Les entreprises européennes ayant des
intérêts avec les entreprises américaines que ce soit par
l'existence de filiales ou diverses autres relations commerciales peuvent
également être soumises à cette loi. Néanmoins, la
loi Sarbanes-Oxley, ou loi SOX, trouve son influence en France avec la Loi de
Sécurité Financière en 2003. De fait, ladite loi repose
sur trois axes majeurs que sont la responsabilité accrue des dirigeants,
un renforcement du contrôle interne ainsi qu'une réduction des
sources de conflits d'intérêt.
Enfin, Solvabilité II provenant de la Directive du
Parlement Européen et du Conseil en 2009 rend obligatoire
l'élaboration d'un plan de continuité dans les secteurs de
l'assurance. En effet, l'alinéa de l'article 41 sur les Exigences
générales en matière de gouvernance stipule que « les
entreprises d'assurance et de réassurance prennent des mesures
raisonnables afin de veiller à la continuité et à la
régularité dans l'accomplissement de leurs activités, y
compris par l'élaboration de plans d'urgence. A cette fin, elles
utilisent des systèmes, des ressources et des procédures
appropriés et proportionnés »1. Il s'agit une
fois encore d'instaurer des procédures qui permettent d'élaborer
et de documenter des plans d'urgence afin de s'assurer que l'activité
peut être maintenue, en dégradé, en période de
crise.
1 Directive 2009/138/CE du Parlement Européen
et du Conseil
33
Toutefois, hormis les cas spécifiques décrits
précédemment, l'élaboration du PCA n'est pas une
obligation dans une organisation. De même, aucune loi n'impose à
un organisme de maintenir son activité en période de crise.
Ainsi, bien qu'il soit fortement recommandé de mettre en place un PCA
afin d'assurer la pérennité de l'entreprise, l'employeur n'est
pas tenu de maintenir son activité lorsqu'un évènement
affecte le fonctionnement normal de l'entreprise.
B. Norme ISO 22 301
1. Origine de la norme ISO 22 301
La norme ISO 22 301 correspond à une norme relative au
Système de Management pour la gestion de la Continuité des
Activités (SMCA) dans le domaine de Sécurité et
Résilience. Comme nous avons pu le constater précédemment,
la présente norme remplace la BS 25 999 du British Standards Institute.
L'Organisation Internationale de Normalisation (ISO) qui introduit les normes
dans les domaines industriels et commerciaux a ainsi instauré en 2012 le
SMCA. Le SMCA est un processus de gestion globale qui veille aux menaces
potentielles pesant sur l'organisation et les impacts de celles-ci sur
l'activité. Il s'agit donc de préserver les intérêts
vis-à-vis des principales parties prenantes, sa réputation, sa
marque ainsi que les valeurs qu'elle promeut. De plus, puisque la norme ISO 22
301 s'inscrit dans le cadre du système de management d'une organisation,
elle évolue dans un cycle d'amélioration continue. Cela signifie
que le processus doit assurer un effort continu afin d'améliorer les
produits, les services et les processus. Pour s'assurer de cette
procédure, la norme ISO 22 301 se découpe en quatre parties
issues de la roue de Deming :
Ø Plan : Il s'agit de la
planification de la continuité. Cette phase passe par l'implication de
la direction dans la mise en oeuvre et l'application de cette norme. Elle
comprend de fait l'élaboration d'une politique de continuité en
respectant les exigences légales. C'est lors de cette phase que le
responsable du SMCA analyse les risques pouvant affecter la bonne conduite de
l'activité afin d'en faire ressortir les solutions de continuité
possible et les ressources à allouer pour les réaliser.
Ø Do : A ce stade, il faut
mettre en oeuvre les processus en charge de la continuité
d'activité. Cela correspond donc à des dispositifs de gestion de
crise, un protocole de
34
veille et d'alerte mais aussi l'élaboration du Plan de
Reprise d'Activité. Ce document établit les procédures qui
permettent la reprise des activités en adoptant des mesures temporaires
pour répondre aux exigences habituelles à la suite d'un incident.
C'est lors de cette phase que le Plan de communication est également
instauré dans le but que chacun des collaborateurs soient
concernés et impliqués dans la procédure de
continuité d'activité.
Ø Check : Cette phase
consiste à surveiller, mesurer et parfois auditer les procédures
relevant de la norme ISO 22 301. L'établissement d'exercices et de tests
permet de s'assurer de la fiabilité des procédures en
réponse à une crise. Cela passe notamment par la pertinence des
scénarii de risques et l'évaluation des mesures de
réductions des impacts en cas de survenance d'un risque majeur. Il
s'agira de prendre des mesures de correction si des écarts apparaissent
entre les attentes des procédures et leur réalisation
effective.
Ø Act : Cette dernière
étape s'axe véritablement sur la thématique de
l'amélioration continue. Le retour d'expériences des tests et
exercices faits lors de la phase précédente permet de comprendre
la nature et l'amplitude des écarts entre le cadre méthodologique
tel qu'il a pu être énoncé et la réalité des
pratiques mises en oeuvre.
Par ailleurs, le SMCA a également pour vocation
d'améliorer la résilience de toute entreprise. La notion de crise
est fortement corrélée à la notion de changement. En effet
l'apparition d'une crise peut faciliter le changement organisationnel. On parle
alors de changement radical pouvant être définit comme « un
changement majeur, global et rapide qui survient en situation de crise
réelle ou appréhendée »1. Il convient de
préciser qu'en réponse à une crise, le changement peut
être volontaire et délibéré2. Mais le
changement peut aussi être subi, ce qui engendre des répercussions
négatives pour l'organisation. C'est dans ce contexte que la notion de
résilience prend tout son sens. La résilience peut s'apparenter
à la valeur caractérisant la résistance à un
traumatisme où l'intérêt réside dans sa
capacité à évoluer et à grandir. L. Bout
définit en 2005 la résilience organisationnelle comme « un
principe qui réside dans la capacité à sortir plus fort
d'un traumatisme et qui permet de mettre en évidence la capacité
intrinsèque
1 Soparnot, R, 2005 :33
2 Demers, C, 1999
35
des organisations à retrouver leur état
d'équilibre, soit leur état initial, soit un nouvel
équilibre, pour fonctionner après un désastre ».
Cette notion fait écho à la continuité d'activité
car la résilience permet également de relever la capacité
d'une organisation à faire face à une crise en y résistant
dans un premier temps, mais aussi en changeant et en grandissant. Ce constat
s'apparente fortement à l'amélioration continue dans lequel
évolue le SMCA issue de la norme ISO 22 301.
2. Méthodologie de la norme ISO 22 301
Nous avons pu voir précédemment que le SMCA
s'inscrit dans une démarche qualité à travers le PDCA en
tant que système de management. De ce fait, le Plan de Continuité
d'Activité est assimilé à la culture de l'organisation. La
norme ISO 22 301 décrit en ce sens la méthodologie à
adopter pour assurer de manière efficience l'intégration du SMCA
au sein d'une entreprise.
Les prérequis à la mise en oeuvre d'un
SMCA
L'objectif d'un SMCA est de déterminer les processus
où il est nécessaire de minimiser voire supprimer les risques
potentiels pouvant bousculer le fonctionnement normal de l'activité et
pouvant entacher la santé des salariés. Pour cela, il est
primordial d'identifier en amont les objectifs de l'organisation et les
obligations vis-à-vis des parties prenantes ainsi que les processus
métiers et les différentes activités. Cela permettra de
déterminer les activités critiques de l'organisation, qui sont
indispensables à sa pérennité. Il est également
nécessaire de recenser les besoins des acteurs essentiels à la
continuité d'activité en mode dégradé suite
à la survenance d'un évènement majeur. Un fonctionnement
en mode dégradé consiste en la fourniture de produit ou de
service jugé indispensable malgré le manque de ressources
financières, matérielles et humaines notamment dans le cadre
d'une situation de crise. C'est la raison pour laquelle l'estimation des
ressources minimales nécessaire pour la reprise des activités
doit être faite également au plus tôt. Le SMCA permettra
également d'estimer deux indicateurs primordiaux dans la gestion de
crise. Le premier est le Délai Cible de Rétablissement (Recovery
Time Objective/RTO) qui est la durée maximale d'interruption
après un sinistre. Cet indicateur est mis en lien avec le Recovery Point
Objective (RPO) qui correspond au niveau d'informations nécessaire
à une activité afin qu'elle puisse être
opérationnelle lors de sa reprise.
36
Cette première étape de mise en place d'un SMCA
permet d'établir des objectifs qui s'apparent bien souvent à la
préservation des intérêts du personnel et des autres
parties prenantes, la conformité aux engagements légaux et
réglementaires, le maintien du niveau de performance financière
mais aussi l'avantage concurrentiel que l'adoption de cette norme peut apporter
par rapport aux entreprises concurrentes n'ayant pas réalisé
cette démarche. L'atteinte de ces objectifs passe par la
définition d'un périmètre qui détermine ce qui est
inclus dans le SMCA et ce qui en est exclu. La définition du
périmètre est un facteur à ne pas négliger car s'il
n'est pas clairement défini le SMCA ne répondra pas aux attentes
lors d'une crise ce qui peut fragiliser l'organisation au lieu de la renforcer.
Il existe trois frontières du périmètre :
Ø Les limites organisationnelles : il s'agit
ici de prendre en compte les unités organisationnelles qui seront inclus
dans le SMCA, leurs structures ainsi que les responsabilités de chacun.
Ce premier périmètre est généralement public et
peut être consulté sur le site Web de l'entreprise ou sur leur
intranet.
Ø Les limites des lignes d'activité :
Plus précisément, on détermine à ce stade les
produits et/ou services qui seront inclus dans le SMCA.
Ø Les limites physiques : il s'agit du lieu
géographique qui sera inclus dans le périmètre, ainsi que
les besoins nécessaires pour assurer son bon fonctionnement, notamment
en mode dégradé.
La mise en oeuvre d'un SMCA
En prenant en compte les divers éléments
détaillés plus haut, la mise en oeuvre d'un SMCA consiste
à rendre opérationnel la stratégie de continuité
d'activité. En effet, la stratégie doit être en
cohérence avec les ressources disponibles en cas de situation de crise.
Pour cela, il est pertinent de mettre à dispositions des collaborateurs
des outils facilitant la communication tels que des lignes
téléphoniques d'urgence, des salles de réunions
équipées ou encore des VPN (Virtual Private Network),
c'est-à-dire un système qui permet de créer un lien direct
entre des ordinateurs distants tout en les isolant du reste du trafic. Pour
rappel, l'apparition d'une crise peut conduire à différents
scénarii d'indisponibilité (par site, par activité, par
pays, ...) auxquels les stratégies de continuité
d'activité se devront de répondre. C'est au caractère
singulier et unique d'une crise et aux conséquences spécifiques
qu'elle engendre que le SMCA se doit de répondre.
37
Afin de s'assurer que les stratégies de
continuité d'activité soient cohérentes, deux indicateurs
doivent être établis. Le premier est la Durée Maximale
d'Indisponibilité Admissible (DMIA). Selon l'ISO 22 301, il permet de
définir le « temps nécessaire pour que les impacts
défavorables pouvant résulter de la non-fourniture d'un
produit/service ou de la non-réalisation d'une activité,
deviennent acceptables ». Il correspond au RTO dont nous avons fait
état précédemment. Le second indicateur est le Business
Impact Analysis (BIA). Toujours selon la norme ISO 22 301 il est défini
comme le « processus d'analyse des activités et de l'effet qu'une
perturbation de l'activité peut avoir sur elles ». Autrement dit,
le BIA est chargé d'identifier les activités et les processus
critiques de l'organisation pour en analyser les impacts et les
conséquences en cas d'arrêt des activités. Pour assurer
cela, le BIA contient un descriptif de l'ensemble des activités, et
notamment les activités jugées critiques, et l'évolution
des impacts sur celles-ci. Une méthode d'évaluation des risques
permet leur identification et leur évaluation dans l'objectif de les
hiérarchiser. Pour cela, deux facteurs doivent être prise en
compte : la gravité du risque et sa fréquence. La gravité
du risque correspond au niveau de perte qu'implique la survenance d'un
sinistre. La fréquence du risque équivaut au nombre de fois
où le sinistre se réalise. Chacun de ces deux indicateurs est
évalué par ordre croissant (généralement de 1
à 4). Cela signifie que le niveau de risque correspond au produit de ces
deux indicateurs (un risque côté à 1 sur sa gravité
et sa fréquence sera un risque faible/ un risque côté 4
sera élevé). L'ensemble des risques et leur cotation sera
représenté dans une cartographie des risques. Ce document permet
de faire ressortir les risques pour lesquels l'impact est le plus
élevé. La finalité de cette méthode consiste
à réaliser des plans de prévention pour faire diminuer
l'impact de ces risques, c'est-à-dire transformer un risque brut
élevé en un risque résiduel comportant un impact moindre.
Il existe trois grands types de mesures :
Ø La mesure préventive
: cette mesure située en amont d'un potentiel sinistre veille à
s'assurer que les impacts de l'apparition de celui-ci ne touchent pas ou
très peu l'organisation.
Ø La mesure de détection
: déclenchée lors de l'incident, cette mesure
à court terme donne rapidement des informations sur la situation afin
d'agir au plus vite. On peut prendre pour exemples les alarmes incendies, les
caméras de sécurités, les systèmes de
détection d'intrusion...
Ø
38
La mesure corrective : Située
à posteriori d'un sinistre, la mesure corrective consiste à
atténuer les conséquences de celui-ci. Ces mesures doivent
être prises en compte dans l'amélioration continue que promeut la
norme ISO 22 301.
Outre l'importance primordial que nécessite
l'évaluation des risques, la mise en oeuvre du SMCA se doit
également d'établir des mesures à prendre en cas de crise.
Pour cela, la stratégie de continuité doit faire figurer les
différentes solutions de repli oeuvrant à préserver la
santé du personnel. Par ailleurs, une cellule de crise doit être
constituée. Elle peut être composée des membres du
personnel dont :
Ø Le responsable de la cellule de
crise : Il a la responsabilité de l'organisation. De fait,
il est la personne qui prendra les décisions stratégiques,
désigne le pilote de la cellule de crise et valide avec lui la
composition de la cellule. Il est également chargé d'anticiper
les conséquences à moyen et long terme.
Ø Le responsable
opérationnel : Généralement élu pilote
de la cellule de crise, il est chargé d'évaluer la situation, de
mettre en place des solutions pour assurer sereinement la reprise des
activités et coordonne les ressources techniques et logistiques.
Ø La fonction communication :
elle définit et met en oeuvre les politiques de communication en interne
auprès du personnel pour lui communiquer la conduite à tenir.
Elle communique également les informations à l'externe, notamment
pour les médias, les clients, les fournisseurs, ...
Ø La fonction logistique :
elle a la charge d'allouer les ressources pour assurer la reprise des
activités, et gère le site lors de la crise. La fonction
logistique est également tenue d'assurer le retour à la normale
sur le site principal après une période
d'indisponibilité.
A travers les membres qui composent la cellule de crise, on
constate qu'elle est une entité essentielle en période de crise.
En effet, elle est responsable des décisions conduisant à la
bonne continuité des activités et à la préservation
de la santé de son personnel. Ainsi pour faciliter l'organisation et la
bonne communication entre ses membres, il est important de
prédéfinir les salles de gestion de crise et de les
équiper d'outils essentiels tels que des téléphones, une
imprimante et un fax, des prises réseaux et autres fournitures de
bureau.
39
Pour faciliter l'organisation en gestion de crise et garder
une traçabilité des décisions, de nombreuses fiches sont
renseignées. Parmi elles, existe :
· Les fiches « aide à la
décision » : elles permettent dès l'apparition
de la crise de faciliter la prise de décision en envisageant les
solutions les plus adaptées à la situation ;
· La fiche « point de situation
» : elle permet la remontée d'information en temps
réel auprès des acteurs concernés dans l'objectif de
déterminer les actions à mener et les responsables qui en auront
la charge ;
· La fiche « bilan de crise
» : remplie à la fin de la crise cette fiche permet
de faire un bilan sur la situation finale avec notamment le recensement des
impacts et la rédaction d'un compte rendu complet ;
· La fiche « retour d'expérience
» : dans un souci d'amélioration continue, cette
fiche permet de recenser les points forts et les points faibles qui ont pu
être relevés lors des différentes phases de la crise.
Contrôler, mesurer et améliorer le
SMCA
Afin d'assurer l'amélioration continue du SMCA, il est
essentiel de réaliser des tests qui permettent de relever les points
faibles et les points forts de celui-ci. La mise en place d'exercices va
également familiariser les acteurs du PCA avec les procédures ce
qui assure une meilleure anticipation des incidences et des crises. Tous ces
éléments veillent à la mise à jour de
manière régulière du SMCA et vérifie que les
acteurs du PCA soient toujours compétents. La phase de tests a donc une
grande importance du fait qu'ils permettent de relever la capacité de
l'organisation à mettre en oeuvre le PCA et à assurer sa bonne
utilisation. L'ensemble des tests aboutit à un Retour
d'Expérience (REX). Autrement dit, le retour de ces tests permet de
tirer des enseignements afin de mettre à jour et corriger le PCA. En
cela, la norme ISO 22 301 déclare que « cumulés au fil du
temps, les exercices et tests valident l'ensemble des dispositions en
matière de continuité d'activité, en impliquant les
parties concernées ».
Il existe différents types de tests :
Ø Test « sur table » :
il s'agit de mobiliser la cellule de crise afin de vérifier sa
capacité de réaction, d'adaptation et de réalisation des
procédures.
Ø Test « sélectif »
: il cible une ou plusieurs activités critiques pour évaluer
la mise en oeuvre de la gestion de la continuité en cas de crise.
Ø
40
Test PCA global : centré sur
l'ensemble de l'organisation en conditions réelles, il s'agit du type de
test le plus complet qui permet d'évaluer la totalité des
processus et l'ensemble des acteurs clés.
Il convient de préciser que pour les différents
types de tests, le personnel peut soit être informé de la date de
réalisation et son envergure, soit ne pas l'être pour assurer une
réelle mise en situation.
Outre la réalisation de tests et d'exercice, il est
pertinent de mesurer la performance du SMCA. La performance d'un système
peut être perçue comme l'évaluation de l'effort
consacré à l'atteinte d'un objectif particulier. Pour cela un
indicateur de performance doit permettre à un décideur de
conduire une action particulière ou lui permettre d'en évaluer le
résultat. Pour être pertinent, l'indicateur doit être
associé à un objectif stratégique mais il doit
également permettre de comprendre les facteurs de réussite ou
d'échec. De plus, il est possible de distinguer les indicateurs
quantitatifs qui portent sur des éléments chiffrés, des
indicateurs qualitatifs qui décrivent la qualité d'un
résultat. Dans le cadre de l'évaluation d'un SMCA, il est
possible d'évaluer la performance du système via des indicateurs
tels que le coût moyen d'un incident, le nombre d'heures de formation par
employés, le nombre d'exercices réalisés en un an, etc.
Pour finir, l'audit interne est également un moyen
incontournable pour évaluer son système de management. Selon
l'Institut des Auditeurs Internes, l'audit interne peut être
défini comme « une activité indépendante et objective
qui donne à une organisation une assurance sur le degré de
maîtrise de ses opérations, lui apporte ses conseils pour les
améliorer, et contribue à créer de la valeur
ajoutée ». L'objectif de l'audit interne pour une organisation
consiste à l'aider dans l'atteinte de ses objectifs en évaluant
ses processus, son contrôle et sa gouvernance. En matière de SMCA,
l'auditeur sera amené à examiner l'état des lieux,
c'est-à-dire si ses activités critiques ont été
correctement analysée et si la stratégie est en cohérence
avec ses besoins. Il évaluera également la conduite du projet du
PCA avec l'adéquation des ressources mobilisées, son
intégration dans la culture de l'entreprise et la qualité des
processus supports. Ainsi, en plus de vérifier la pertinence du
système de management, l'audit interne va également
vérifier sa conformité par rapport au référentiel
de la norme ISO 22 301.
41
C. Le Plan de Continuité d'Activité en
réponse à la crise sanitaire
1. Le PCA : un outil qui se veut préventif
Il semble intéressant de se pencher sur l'application
d'un Plan de Continuité d'Activité en réponse à une
crise sanitaire pour plusieurs raisons. Comme nous avons pu le constater, une
crise peut être de plusieurs natures et peut également être
amenée à évoluer. Au niveau national, il est fait
état de cinq risques majeurs pouvant conduire à une situation de
crise : la menace terroriste, les risques naturels, les risques technologiques,
les risques sanitaires et les risques cyber. Ainsi, une crise d'origine
technologique (ou industrielle) peut conduire à une crise sanitaire en
cas de libération dans l'air, l'eau ou le sol de produits chimiques.
Nous avons pu nous rendre compte que la crise peut être
évaluée différemment selon la perception des acteurs
concernés, toutefois il s'avère que le concept de crise est
fortement corrélé avec la notion d'incertitude. En France, le
Plan National de Prévention de de Lutte « Pandémie Grippale
» annonce que « le propre de la crise tient à l'incertitude.
S'il est possible de la réduire, on ne peut jamais l'éliminer
totalement ». Bien que cette notion d'incertitude soit inhérente
à chaque crise, elle prend une place prépondérante en
situation de crise sanitaire. En ce sens, le chercheur C. Roux-Dufort
résume la crise en une « somme d'accumulation de
déséquilibres et d'ignorance managériale
»1. Il apparait en effet que l'incertitude est d'autant
plus forte lors de crises sanitaires anxiogènes en raison du
caractère indéfini de celles-ci. Dans un entretien avec le Centre
National de la Recherche Scientifique (CNRS) en avril 2004, Edgar Morin
explique qu'initialement les citoyens étaient rassurés de voir le
président Emmanuel Macron s'entourer d'un conseil scientifique. Mais
devant les avis et points de vue contradictoires des scientifiques entre eux,
il est apparu que la science ne peut pas toujours fournir de réponse en
matière de crise sanitaire telle que celle de la COVID-19. Le philosophe
déclare alors « nous essayons de nous entourer d'un maximum de
certitudes, mais vivre, c'est naviguer dans une mer d'incertitudes, à
travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se
ravitaille ». Une organisation ressent la même chose au cours
de son évolution en souhaitant acquérir de nouvelles parts de
marché, en se développant en interne, par le partenariat de
nouveaux partenaires, etc. Cela est d'autant plus vrai en période de
crise ou de nombreux repères deviennent caduques et ne permettent plus
d'assurer le bon suivi de l'activité et l'évolution de
l'environnement. En cela, la planification apparait comme un dispositif
permettant d'encadrer
1 C. Roux- Dufort, « Gérer et
décider en situation de crise », Dunod 2002.
42
l'activité en période de crise, mais elle doit
également comporter une part de flexibilité et d'agilité,
notamment en période de crise sanitaire. Nous avons pu voir que la mise
en place d'un PCA permettait de répondre à une
indisponibilité de ressources d'ordre humain, matériel ou du
système informatique. Néanmoins il apparait que lors d'une crise
sanitaire apparaissent de nombreuses indisponibilités
simultanément. Bien souvent les PCA sont adaptés pour
répondre à des situations brusques liés à des
pénuries de ressources et d'infrastructures locales. A contrario, une
crise sanitaire provenant d'une pandémie n'engendre, a priori, aucun
dégât matériel mais peut conduire à des impacts
extrêmes sur l'état de santé d'une vaste population. Une
partie du personnel peut être affecté par le virus, les
déplacements peuvent être réduits afin de limiter la
contagion, et la présence dans les infrastructures pourrait être
réduite durant un certain temps. De plus, les conséquences
induites au niveau mondial par une pandémie rendent la définition
du périmètre des indisponibilités plus difficile. Suite
à la pandémie de la COVID-19, Edgar Morin explique qu'il est
très difficile d'en cerner les dimensions en raison du fait que l'on ne
connait pas l'origine même du virus, les différentes formes qu'il
peut prendre et sa potentielle évolution ainsi que les personnes
auxquelles il s'attaque. De plus, les conséquences initialement
sanitaires peuvent conduire à l'apparition de crises ultérieures
ou concomitantes d'ordre social et économique.
2. Le PCA face à la complexité et la virulence des
récentes crises sanitaires
En matière de Plan de Continuité
d'Activité il est évident qu'il est nécessaire de
prévoir des mesures de prévention pour la protection des
salariés tout en maintenant l'activité en sécurisant les
postes essentiels. En cela, il est important d'anticiper des scénarii de
risques afin de préparer en amont des plans d'actions réalisables
lors d'une situation de crise. Toutefois, il n'est pas possible de tout
anticiper en raison du caractère incertain d'une crise. En effet, les
accidents industriels de Tchernobyl en 1986 et de Fukushima et 2011 ont
impacté de nombreuses organisations sur des zones très
étendues. Ces deux catastrophes nucléaires ont eu des
conséquences telles que nul ne pouvait les prédire. Ainsi, outre
l'impossibilité de se rendre dans les locaux situés dans la zone
d'exclusion nucléaire, les risques sanitaires sont également
omniprésents. La radioactivité induite par l'explosion peut quant
à elle perdurer dans l'air, l'eau et les sols pour de nombreuses
années. Suite à l'accident nucléaire de Fukushima, le
Ministre de la Science du pays a indiqué que 30 000km2 du sol
japonais restaient contaminés au césium.
43
A ce titre, une zone de 1 800 km2 est
classée comme durablement inhabitable. Ces paramètres ne sont que
peu imaginés dans la conscience du gestionnaire en charge de
l'élaboration du PCA. Toutefois, concernant les organisations se situant
à proximité de sites Seveso, et tout particulièrement des
centrales nucléaires, il est pertinent de rapporter les risques encourus
dans le PCA car bien qu'ils ne paraissent que peu réalisables,
l'Histoire nous a démontré que le pire peut se produire. A ce
titre il est également possible de prendre pour exemple l'explosion de
l'usine AZF en 2001 située en plein coeur de la ville de Toulouse. Tout
comme l'accident survenu à Beyrouth le 4 août dernier, c'est la
réaction chimique de nitrates d'ammonium qui a été
à l'origine de l'explosion. Bien que les dégâts en pertes
humaines et matériels soient considérables, il est possible de
constater les effets à plus long terme. En effet, suite à
l'accident de l'usine AZF, une étude a permis de répertorier les
conséquences sanitaires de l'évènement. Il est apparu que
sur un échantillon de 2500 individus, 30% d'entre eux ont
été victimes d'acouphènes dans les années qui
suivirent. Par ailleurs, 15% des hommes et 22% des femmes ont souffert de
stress posttraumatique. Ces éléments viennent démontrer
qu'un accident à l'origine industriel peut engendrer de
sévères conséquences sur l'état de santé
d'une population. A travers le Business Impact Analysis (BIA) présent au
sein du PCA, il est possible d'imaginer les scénarios dont nous avons pu
faire état afin de protéger au mieux la santé des
employés de l'organisation tout en veillant à assurer la
continuité de l'activité. En cela, il apparait primordial de
définir de manière pertinente le périmètre du PCA
par une analyse complète du contexte géographique et
organisationnel. Par ailleurs, l'élaboration du PCA permettra de
définir la stratégie de continuité selon le
scénario de crise. En effet, la gestion de crise sous-entend une mise en
oeuvre de dispositifs et procédures nécessaires pour conduire les
activités critiques de l'organisation.
En matière de pandémie grippale, le PCA
s'avère également très utile. Une pandémie peut
avoir des conséquences sur l'état de santé d'une
population et pour cela, il est important d'instaurer des moyens de
prévention pour limiter sa propagation. En ce sens, l'objectif d'un PCA
Pandémie est à la fois de protéger les salariés en
limitant la propagation de la pandémie tout en maintenant un certain
niveau d'activité. Le mode de contamination d'un agent pathogène
peut se faire sous plusieurs formes : contamination par contact, contamination
par microgouttelettes ou microparticules aéroportées,
contamination par vecteur (moustique, aliments, ...). Les conséquences
d'une pandémie sur une organisation peuvent relever d'une diminution des
effectifs dont une indisponibilité simultanée de plusieurs
dirigeants, des annulations de commandes ou l'impossibilité de les
satisfaire, ou encore d'une interruption forcée d'activité.
44
Il apparait également que les gouvernements peuvent
prendre des dispositions particulières pour protéger la
santé de leurs citoyens et contenir la propagation du virus. C'est ce
que nous avons pu constater en France le 17 mars 2020 avec les mesures de
confinement prisent pour limiter la propagation du virus SARS-COV-2, plus connu
sous le nom de COVID-19. Il est toutefois difficile pour le gestionnaire
d'imaginer une pandémie d'une telle envergure. A ce titre, et pour
fournir un cadre d'analyse, l'OMS recommande plusieurs scénarii se
caractérisant notamment par une vague pandémique allant de 8
à 12 semaines avec un taux d'absentéisme de 25% tout au long de
la pandémie, pouvant aller à 40% sur les deux semaines de pointe.
Par ailleurs, il est défini plusieurs niveaux d'alerte pandémique
pour une entreprise passant d'une période de vigilance à une
période d'alerte pandémique pouvant aller jusqu'à une
période pandémique maximale. A chacune de ces niveaux
correspondent des mesures adaptées retranscrites dans le PCA. Pour faire
face à une pandémie grippale, il est essentiel de sensibiliser le
personnel sur les mesures de protection à adopter. Parmi les principales
mesures de précaution il y a se laver les mains de manière
régulière, éviter les personnes malades, porter des
masques de protection. De fait, ces éléments seront
indiqués dans le PCA Pandémie à travers les
matériels nécessaires en cas de pandémie et les consignes
d'hygiène et de sécurité en cas de contamination.
Pour résumer, le PCA est un outil reprenant de
nombreuses thématiques permettant d'assurer une continuité
d'activité en préservant la santé des salariés.
Cela passe notamment par l'établissement de procédures de
précaution pour se prémunir de la situation sanitaire en
protégeant la santé du personnel et du public.
III. Le PCA en période de crise sanitaire
A. Le PCA : un outil managériale
expérimenté
1. Les facteurs de réussite du PCA
Depuis sa première apparition dans le milieu des
années 1990, le Plan de Continuité d'Activité a pu
s'enrichir au gré de l'avancée des expériences et des
événements de crise dont nous avons pu faire état
précédemment. En effet, il est esentiel de rappeler que pour
devenir un outil performant dans une entreprise, le PCA doit être mis
à jour de manière régulière. Cette actualisation de
l'outil peut se faire après des audits, après des tests et/ou
exercices mais
45
également après la survenance d'une crise ayant
permis de relever les points faibles de l'organisation en matière de
continuité d'activité. La norme ISO 22 301 établi en 2012
fournit un cadre méthodologique mais aussi une reconnaissance à
l'international des bonnes pratiques sur le Système de Management de
Continuité d'Activité par le biais de cette certification.
On peut ainsi constater que le PCA apparait comme un outil de
management pertinent et reconnu pour assurer la continuité de
l'activité pour une organisation en réponse à une crise.
En effet, l'élaboration structurée d'un PCA dans une entreprise
va permettre, lorsqu'une crise survient, de prendre les décisions
adéquates dans les meilleurs délais. Toutefois, pour que l'outil
puisse être véritablement performant il est nécessaire de
relever les facteurs de réussite.
Ø Pourquoi réaliser un PCA
? : Cette question essentielle va permettre de définir les
activités assurant la pérennité de l'entreprise. Cela
signifie que le PCA ne concourt pas à préserver
l'intégralité de l'organisation mais bel et bien certaines
activités, certains secteurs. La réflexion autour de cette
question apparait donc comme incontournable, coeur de travail pour impulser les
démarches en faveur de ces activités jugées critiques.
Ø La composition : Le PCA
comporte de nombreux éléments à mettre en place dont
notamment des activités, des procédures, de la documentation,
etc. Bien que tous ces éléments n'apparaissent pas comme
primordiaux, leur mise en place tend à assurer au mieux la
préservation de l'activité. Dans la composition du PCA on
retrouve :
o L'analyse d'impact sur le business (BIA) : Pour
rappel, cette analyse va permettre de détailler les activités
critiques et essentielles à la pérennité de l'entreprise.
L'objectif est donc d'anticiper les impacts qu'il est possible de rencontrer si
une de ces activités cesse. Cela comprend également les relations
avec les différentes parties prenantes de l'entreprise, et plus
particulièrement les clients et les fournisseurs.
o Le Plan de Continuité Opérationnel (PCO) :
Après la survenance de la crise, cette étape consiste
à redémarrer l'activité avec un minimum de ressources pour
délivrer un minimum de produits et/ou de services. C'est ce qu'on
appelle plus communément le mode « dégradé ».
o Le Plan de Reprise Informatique (PRI) : De la
même manière que l'on redémarre les activités de
produits et/ou de services, le PRI a pour finalité de remonter le
système informatique qui a pu être détruit ou qui a pu
être indisponible que ce
46
soit par l'accessibilité des locaux mais
également par des pertes de données. Il semble important de
définir un PRI quand on sait l'importance que prennent les Technologies
de l'Information et de la Communication (TIC) dans la gestion des
activités de nos jours.
o Gestion de crise : Ce module est d'une grande
importance. En effet, même si le PCA n'est pas finalisé ou ne
répond pas au caractère spécifique de la crise, cela
permet d'avoir des outils suffisant pour gérer l'évènement
et parvenir à redémarrer l'activité plus sereinement.
o Plan de communication : La communication revêt
un rôle très important. Elle va s'orienter vers la presse, les
médias, les clients, fournisseurs et autres partenaires sans oublier les
collaborateurs qui ont besoin d'avoir les informations relatives à
l'évolution de la crise et ses impacts sur la gestion au l'entreprise.
La communication va également être un levier pour diminuer le
stress et l'anxiété qui peuvent émerger du fait de la
situation de crise.
Ø Un pilotage par la Direction
: Tout d'abord, il faut bien considérer que bien que le
Plan de Continuité d'Activité se doit d'être impulsé
par la Direction, il touche l'ensemble de l'organisation de manière
horizontal. Qu'elles soient critiques ou non-critiques, toutes les
activités vont être concernées par le PCA. C'est la raison
pour laquelle la Direction doit être porteur de ce projet et de sa bonne
réalisation. Pour ce faire, elle doit s'impliquer dans toutes les phases
de la continuité d'activité. Sans cela, le PCA peut être
voué à l'échec ou peut avoir des impacts très
négatifs sur l'entreprise après la survenance d'une crise.
Ø Une culture d'entreprise :
Il s'avère que plus le PCA est intégré dans l'entreprise
et dans l'ensemble des activités, plus la capacité de
résilience va augmenter. Cela va parfois permettre d'engendrer une
certaine autonomie des processus du fait de l'implication récurrente de
la stratégie de continuité d'activité.
Ø Focaliser sur l'indisponibilité :
Afin de prévenir les conséquences d'une crise, il
est préférable de se focaliser sur les indisponibilités
plutôt que sur les risques eux-mêmes. En effet, cela va permettre
un gain de temps et d'argent car le PCA veille à répondre
à ces indisponibilités et à assurer la continuité
d'activité malgré ce manque de ressources.
Ø
47
Adapter la technologie : Les
avancées technologiques permettent de préserver de nombreuses
données essentielles à l'entreprise, autant en matière de
continuité d'activité qu'en facteur clés de succès
qui assurent sa pérennité et son avantage sur le marché.
Il est donc pertinent de s'équiper et de former les collaborateurs
autour de la technologie. Néanmoins, il apparait comme évident de
trier les données que l'on souhaite conserver au risque d'engranger un
trop-plein d'informations.
Ø Pratiquer : Comme le
préconise la norme ISO 22 301, il est essentiel de pratiquer par des
tests et des exercices le PCA afin de rendre l'organisation toujours plus
résiliente et autonome en matière de continuité
d'activité. Cela va par ailleurs conduire à l'apparition de
reflexes. Ainsi, dès la survenance de la crise, il sera possible de
mettre en oeuvre les premiers modes opératoires pour conduire la
continuité d'activité sans avoir à chercher dans les
procédures les conduites à tenir. Enfin, plus l'entreprise aura
réaliser des tests et exercices, et plus son personnel sera autonome. On
parvient dès lors à mettre en pratique un PCA de façon
véritablement efficiente.
A travers ces différents éléments, on
constate que la seule mise en place d'un PCA ne permet pas de répondre
à une crise. Pour cela, il est essentiel que la Direction soit
impliquée dans le projet. En ce sens, une stratégie
réfléchie de communication doit s'établir à travers
les principaux partenaires ainsi qu'au personnel. De plus, pour assurer son
efficience, le PCA doit être intégrer dans le système de
management de l'entreprise, notamment pour assurer son amélioration
continue.
2. REX et PCA
Le Retour d'Expérience (REX-RETEX) est un processus
très important en matière de continuité d'activité.
L'OMS défini le REX comme « une évaluation en profondeur des
actions de gestion entreprises au cours d'un événement de
santé publique, faites par la suite afin d'identifier les lacunes, les
leçons et les meilleures pratiques ». Ainsi, concernant un
événement d'ordre sanitaire, l'OMS ajoute que le REX « offre
une approche structurée pour les individus et les organisations
impliqués dans la préparation et la réponse aux
événements sanitaires de réfléchir à leurs
expériences et leurs perceptions sur la réponse donnée
à l'événement ». Il apparait donc
48
que le RETEX ne consiste pas en une simple suite de remarques
mais bel et bien une réflexion sur les enjeux soulevés par une
crise. En ce sens, il met en exergue les points positifs et les points
négatifs d'une organisation dans sa qualité d'adaptation face
à une crise, et en cela, se veut être un outil
d'amélioration continue pour l'entreprise. En effet la norme ISO 22 301
énonce qu'une « organisation doit continuellement améliorer
l'efficacité de son dispositif de continuité d'activité et
de gestion de crise soit à la suite d'exercices, d'audits mais aussi de
crises réelles et leurs retours d'expériences ». Ainsi, le
REX est un processus qui a permis de faire évoluer le PCA et son
applicabilité en temps de crise.
Par ailleurs, les différentes crises majeures que nous
avons relevées précédemment dont Tchernobyl, Fukushima,
AZF, etc., ont également pu être des bases de réflexion
pour améliorer la prévention et assurer au mieux la
continuité d'activité pour de très nombreuses entreprises.
Bien que beaucoup de structures n'aient pas été directement
impactées par les conséquences de ces événements,
elles ont néanmoins pu mettre à jour leur PCA tant au niveau de
leur BIA que de leur stratégie de communication ainsi que dans la
gestion de leur cellule de crise. Par conséquent, les faits marquants de
l'Histoire qui ont conduit à des situations de crise ont
été des sources conduisant à l'amélioration de
l'outil de management qu'est le PCA pour le rendre toujours plus performant.
L'étude quant à l'amélioration de l'outil a notamment
permis de faire ressortir une construction du PCA fondée sur les
conséquences d'une crise et non pas les risques
générés. Ainsi, dans un article paru dans
Sécurité et Stratégie, Stéphanie Ruelle
déclare que « ces réflexions donnent un caractère
très opérationnel à la gestion des crises et à la
continuité d'activité qui ne doivent plus être
considérées comme des activités connexes à
l'entreprise »1.
Nous avons démontré qu'il est primordial
d'élaborer le PCA en collaboration étroite entre la Direction et
le personnel ainsi que divers autres partenaires. En matière de crise
sanitaire, la grippe A (H1N1) a favorisé l'élaboration d'un PCA
dans les entreprises pour faire face à un épisode
d'épidémie pouvant aller jusqu'à une situation de
pandémie. A ce titre, Patrick Le Moal, Directeur adjoint du travail au
sein de la Direction Régionale du Travail, de l'Emploi et de la
Formation Professionnel en Haute Normandie a constaté que de nombreuses
entreprises se sont inquiétées des conséquences d'une
telle épidémie. En réponse à l'intérêt
d'établir un PCA pour anticiper la crise sanitaire de la Grippe A en
2009, Patrick Le Moal déclare « si cette
1 Ruelle, S. (2012). Continuité
d'activité et gestion de crise : de la technique à l'humain.
Sécurité et stratégie, 10(3), 32-40.
49
pandémie ne se déclare pas, il est
statistiquement envisageable que nous en connaissions une autre dans les
années à venir ». Ainsi, les entreprises ayant mis en
oeuvre un PCA en amont de la survenance d'une crise ont pu anticiper des
actions à mettre en oeuvre si une autre crise survenait. Par ailleurs,
il ajoute que le PCA « est en fait un travail plus global sur la
préparation de l'entreprise à un fonctionnement en mode
dégradé. Sachant qu'aujourd'hui beaucoup travaillent
déjà en flux tendu, avec des effectifs « serrés
» et de fortes dépendances entre les métiers, on
s'aperçoit que cette réflexion n'est pas inutile ». On
constate de fait que l'élaboration d'un PCA, en plus de son objectif
premier qui est de faire face à une crise, est présenté
une fois encore comme un outil rendant une organisation davantage
résiliente et assure son efficience.
Néanmoins, outre son apport qui peut procurer dans la
gestion d'une crise, le PCA présente également des aspects
négatifs
B. Le PCA : le dévoiement de l'outil de ses
réelles finalités
1. Les limites intrinsèques au PCA
Malgré son souhait d'anticiper et répondre
à une crise, le PCA présente néanmoins quelques
faiblesses. Tout d'abord il convient de rappeler que le PCA n'apparait pas
comme une solution miracle en temps de crise. En effet, une organisation ne
peut déployer un PCA lors de la survenance d'une crise et imaginer ainsi
sauver ses activités critiques. Pour être efficace, l'outil doit
être élaboré en amont de la crise afin d'anticiper les
impacts sur l'organisation et les possibles actions qui permettent de
préserver le personnel et les ressources clés. C'est la raison
pour laquelle un PCA doit être mis à jour de manière
régulière. Toutefois, aux yeux de certains dirigeants, le PCA
peut être un outil couteux. Ainsi, bien qu'il soit mis en place dans les
entreprises, il n'est pas une priorité dans un grand nombre d'entre
elles, et de fait est rarement mis à jour. De ce constat découle
une mauvaise communication de l'outil auprès du personnel ce qui rend
son application très complexe.
Bien qu'il existe une norme, l'ISO 22 301, qui permet de
définir les principes généraux d'un plan de
continuité d'activité et son intégration dans le
système de management d'une entreprise,
50
le PCA devient bien souvent qu'une procédure de plus
dans un tiroir pour beaucoup d'organisations. Tandis que le PCA procure une
sensation de sécurité pour l'organisation, et notamment pour ses
dirigeants, il devient dans ce cas très peu efficace.
L'élaboration d'un PCA entraine une mise en place de procédures
supplémentaires et spécifiques à la gestion de crise. Mais
l'apparition d'exercices, de tests ou d'audits, peuvent être
perçus comme fastidieux et couteux. Néanmoins, ces étapes
sont primordiales pour prendre en compte les évaluations des risques, la
vulnérabilité des processus, les nouvelles réglementations
et leurs impacts sur l'organisation de l'entreprise. Les crises ne surviennent
que rarement, ainsi sans la réalisation de tests et exercices qui
permettent la maitrise instinctive des processus, le risque de subir un
dysfonctionnement est davantage élevé. Clotilde Marchetti,
Directrice de l'offre « Risques Extrêmes » dans les cabinets
d'Audit Grant Thornton déclare qu'il « ne suffit pas de mettre
en place un PCA, il faut le faire vivre. Les organisations évoluent et
les hommes changent au sein des organisations. Il faut donc s'assurer
régulièrement que les PCA sont toujours adaptés et les
tester à travers des exercices pour que les personnes soient mieux
armées en condition de crise. Il y a un sujet à la fois de
formation et de compétence non seulement pour les spécialistes et
responsables du PCA, mais aussi pour les métiers et les fonctions
support ». Toutefois, il s'avère que dans 88% des cas, le PCA
n'est actualisé qu'annuellement. C'est alors que l'objectif premier qui
est de contenir les effets négatives d'une crise n'est pas atteint, la
mauvaise application des procédures relevant du PCA fait apparaitre de
nouveaux risques.
Par ailleurs, c'est bel et bien le coût en temps et en
argent qui désincite les dirigeants à la bonne mise en place d'un
PCA dans leur entreprise. En effet, le projet d'élaboration d'un PCA ne
permet pas de gagner de l'argent à une organisation, il est donc
considéré et traité comme un centre de coûts. Bien
qu'il puisse être perçu comme une assurance en cas de crise, nous
avons pu constater que son application seule ne permet pas de maitriser la
totalité des conséquences de la crise et préserver ainsi
l'ensemble de ces activités. Et puisqu'un PCA n'assure pas pleinement la
pérennité de l'entreprise, son coût peut apparaitre comme
un frein pour les dirigeants. A ce titre, en France, le Secrétariat
Général de la Défense et de la Sécurité
Nationale propose dans le Guide pour réaliser un Plan de
Continuité d'Activité un schéma permettant
d'apprécier le coût de la mise en place d'un PCA et lien avec la
durée de l'interruption de l'activité.
51
Schéma : Coût de mise en place d'un PCA
Source : SGDSN, Guide de réalisation d'un PCA
Ce que le SGDSN relève, c'est qu'il est possible que le
coût de mise en place d'un PCA puisse s'avérer plus
élevé que les conséquences de l'interruption de
l'activité. Dans ce cas, il serait préférable de mettre
oeuvre une stratégie de prévention et de protection pour limiter
ces conséquences mais également préserver la santé
du personnel. In fine, une étude menée par les cabinets d'audits
Grant Thornton sur plus de 5000 entreprises a démontré que bien
que 60% d'entre elles entretiennent le projet de réalisation d'un PCA
avec leur Direction, seuls 15% des sondés ont véritablement mis
en place un PCA dans leur entreprise. Clotilde Marchetti ajoute à cela
que « le maintien en conditions opérationnelles des PCA est
souvent perçu comme une corvée administrative et chronophage,
alors qu'il existe des solutions digitales ou innovantes pour le faciliter
».
Il est également possible d'externaliser la mise en
place de son PCA, notamment en matière de continuité du
système d'information. Mais là encore, son coût par rapport
à la probabilité de survenance d'une crise n'incite que
très peu les directions d'entreprises à opter pour cette
méthode. D'autant plus qu'à cela s'ajoute des enjeux de
responsabilité et une obligation de résultat.
La dénomination du PCA peut également être
trompeuse. En effet, la notion de « Plan » induit que l'ensemble des
procédures sont écrites, anticipées et lors de la
survenance d'une crise il ne
52
suffira que de déployer le PCA pour assurer la
pérennité de l'entreprise et préserver l'état de
santé du personnel. La pandémie COVID-19 a démontré
la défaillance du PCA sur ce sujet. En effet, le PCA peut
répondre à une indisponibilité de ressources humaines, une
indisponibilité des locaux ou encore une interruption du système
d'information mais peu d'entreprises ont anticipé une
indisponibilité des ces trois domaines simultanément. C'est ce
que le statisticien Nassim Nicholas Taleb a dénommé Le Cygne
Noir1. Il s'agit d'une théorie selon laquelle un
évènement imprévisible et peu probable se réalise
et a des conséquences de grandes envergures. Autrement dit, le cygne
noir repose sur les caractéristiques relevant d'une anomalie, d'un
impact extrêmement fort, et d'une prévisibilité
rétrospective et non prospective. C'est dans ce contexte que la
rigidité de la documentation du PCA et le cadrage des procédures
l'a emporté sur la flexibilité. La simultanéité des
indisponibilités en raison de la dimension de la crise sanitaire fait
apparaitre des points faibles dans l'organisation de la continuité
d'activité : les cellules de crise mettent davantage de temps à
s'organiser en raison du caractère inédit et de l'ampleur de la
crise, le confinement a ralenti le processus de gestion de crise, que peu
d'entreprises avaient anticipé le télétravail comme
solution de repli (avant le confinement, seuls 7% des salariés
français selon Forum Vies Mobiles). Ainsi, bien que le PCA soit un outil
essentiel dans le domaine de la gestion des risques et la continuité
d'activité, la crise de la COVID-19 a permis de constater qu'il
présentait des limites. La crise est imprévisible par nature,
notamment car elle nait et évolue dans des systèmes complexes. A
ce titre, l'élaboration d'un PCA peut donner une illusion de
contrôle alors qu'il est difficile d'envisager l'ensemble des
scénarios permettant de limiter les conséquences d'une crise.
Enfin, nous avons constaté que le PCA se réalise
en priorisant les activités jugées critiques pour la survie de
l'organisation. De ce fait, il est essentiel d'une part que la Direction soit
fortement impliquée, et d'autre part que les Directions métier se
sentent concernées par le sujet. Afin d'apprécier la
criticité des processus métiers, il est nécessaire
d'auditionner les managers opérationnels qui sont les seuls à
pouvoir évaluer ce qui est critique ou non dans leur activité.
Néanmoins cela soulève une faille dans la bonne gestion de la
procédure de continuité d'activité. En effet, les services
et les équipes peuvent entrer en concurrence pour justifier leur valeur
et leur position dans leur entreprise. Certain se sentirait lésé
de constater que leur activité n'est pas perçue comme importante
pour l'organisation. Cela peut déboucher sur des conflits
1 Rioust de Largentaye, A. (2011). Nassim Nicholas
Taleb, Le Cygne noir, la puissance de l'imprévisible.
Afrique contemporaine, 237(1), 157-160
53
en interne mais peut également apparaitre comme une
source d'anxiété quant à la pérennité de
leur emploi qui ne serait pas indispensable pour l'entreprise.
2. Le dévoiement du PCA de ses finalités
Nous avons pu constater qu'une mauvaise élaboration et
une mauvaise application du PCA en temps de crise peut engendrer davantage de
dommages que la crise en elle-même. C'est la raison pour laquelle, il est
primordial de nommer un responsable du PCA. Ce dernier doit être
doté d'une délégation de pouvoir conforme aux
règles juridiques pour assurer sa mission. Pour cela, le responsable
devra être doté de moyens suffisant pour réaliser le PCA,
et qu'il dispose de la compétence et l'autorité pour l'instaurer
dans l'organisation. Cela signifie également que le
délégataire aura la responsabilité pénale du PCA.
Ainsi, la mise en place d'une délégation de pouvoir dans le cadre
de l'élaboration d'un PCA va permettre au délégataire de
représenter l'organisation dans les limites de ses attributions.
L'avocat à la Cour Maître Couturier déclare en ce sens que
la délégation de pouvoirs consiste en « un transfert
d'une autorité, ce qui implique non seulement le transfert d'un pouvoir
de décision et celui de la responsabilité attachée
à ce pouvoir ». Pour être effective d'un point de vue
légale, la délégation de pouvoir doit comprendre :
- Un lien de subordination entre les parties (Cass Ch. Soc. 27
mars 2019 n°18-11.679),
- Des domaines de compétences précis et
spécifiques (Cass., Ch. Crim., 20 octobre 1999, numéro 98-83562 ;
et Cass., Ch. Crim, 21 octobre 1975, numéro 75-90427)
- Une délégation de la compétence, de
l'autorité et des moyens nécessaire (Cass., Ch. Crim, 30 octobre
1996, Bull. Crim. Numéro 389).
Toutefois la délégation de pouvoir en
matière de continuité d'activité n'est pas anodine.
Malgré l'instauration d'une politique de prévention des risques,
les conséquences d'une crise peuvent être telles que cela peut
entrainer des dommages et une interruption de l'activité. Dans un monde
ultra-concurrentiel, ces conséquences peuvent constituer un fort
préjudice pour l'entreprise mais également l'ensemble de ces
partenaires. Dans un tel cas, les responsabilités provenant d'un tel
dysfonctionnement incombent aux dirigeants. C'est ainsi que la
délégation de pouvoir dans la réalisation d'un PCA prend
son sens. En effet, la délégation de pouvoir et la
délégation de responsabilités qui en découle lors
d'un dysfonctionnement vont alors reposer sur la personne en charge du PCA au
sein de l'organisation. C'est un moyen pour les dirigeants de
54
se dédouaner de leurs responsabilités lors d'une
mauvaise application du PCA. En effet, plusieurs décisions rendues en
1993 en matière de délégation de pouvoir précise
que « hors le cas où la loi en dispose autrement, le chef
d'entreprise [...] peut s'exonérer de sa responsabilité
pénale s'il rapport la preuve qu'il a délégué ses
pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de
l'autorité et des moyens nécessaires ». Ainsi, en cas d'une
mauvaise gestion de prévention des risques ou d'une mauvaise
élaboration du PCA, la responsabilité incombera au responsable et
non aux dirigeants. A ce titre, le PCA peut être perçu par ces
derniers comme un outil permettant de se dédouaner en cas de
dysfonctionnement lors de la survenance d'une crise.
Par ailleurs, le PCA permet d'assurer la continuité des
activités par l'intermédiaire des personnes clés de
l'entreprise. A ce titre, l'élaboration du PCA doit être fortement
corrélée avec la gestion des ressources humaines. Le BIA
(Business Impact Analysis) a pour vocation d'identifier les ressources humaines
essentielles permettant d'assurer la continuité d'activité. Cela
peut être anticipé et planifié pour des crises de courtes
durées lorsqu'il s'agit d'une indisponibilité temporaire de
locaux en raison d'un incendie ou d'actes de malveillance. Mais rares sont les
entreprises à avoir anticipé la crise de la COVID-19 et ses
conséquences multifactorielles sur une longue durée. En effet,
outre le fait que cette crise sanitaire ait touché de nombreux pays dans
le monde, elle a conduit à des mesures inédites de confinement
généralisées. Cela a fait apparaitre de nouveaux risques
principalement humains qu'à ce jour, le PCA n'est pas en mesure de
prendre en compte.
SECTION 2
55
Démarche empirique et résolutions
managériales
I. Analyse de terrain : le défi de l'application
du PCA dans le cadre
56
de la crise sanitaire de la COVID-19
A. La crise sanitaire de la COVID-19
La crise sanitaire du COVID-19 a pu être un sujet
d'étude afin d'apprécier l'applicabilité d'un PCA en temps
de crise sanitaire. Il convient néanmoins de définir le contexte
d'étude de cette pandémie.
Le 31 décembre 2019, la Commission sanitaire de Wuhan,
une ville chinoise d'environ 10 millions d'habitants, signale un groupe de
personne atteintes de pneumonie. Quelques jours plus tard, le 11 janvier 2020,
la Chine communique publiquement la séquence génétique du
virus COVID-19. Le virus correspond à un syndrome respiratoire aigu
sévère (Sras). Rapidement, le phénomène prend de
l'ampleur, des cas sont détectés dans les pays frontaliers
à la Chine. Pour prévenir l'épidémie, le
ministère de la santé en France alerte les ARS avec comme
objectif d'« assurer la réponse opérationnelle aux urgences
sanitaires grâce à une équipe de médecins, de
pharmaciens, d'ingénieurs spécialisés en santé
publique et de gestionnaires de crise ». Le 20 janvier 2020, le
pneumologue Zhong Nanshan, responsable de la découverte du virus,
révèle que ce dernier est transmissible entre les humains.
Dès le lendemain, l'ensemble des habitants de la région du Hubei
en Chine, soit plus de 50 millions d'habitants, sont placés en
confinement afin d'enrayer la propagation de l'épidémie. C'est le
30 janvier 2020, soit plus d'un mois après la détection du
premier patient touché par le virus que l'Organisation Mondiale de la
Santé qualifie l'épidémie d'urgence sanitaire publique.
Cela signifie que la situation sanitaire met en péril la santé de
la population et à ce titre, des mesures exceptionnelles peuvent
être prises. Des évènements de foules telles que le
rassemblement religieux qui s'est tenu à Mulhouse le 15 février
2020 ou encore le match de football opposant l'Atalanta et Valence sont
perçus comme des « bombes biologiques », véritables
vecteurs favorisant la propagation du virus. La revue Science
déclare par le biais de spécialistes, que le virus est
inarrêtable et la pandémie inévitable. Début mars on
compte plus de 100 000 contaminés selon l'OMS. Pour se prémunir,
les pays ferment leurs frontières, le 9 mars la population italienne se
voit confinée et la France la rejoint quelques jours plus tard, le 17
mars. Dans son discours le président français Emmanuel Macron
aura répété six fois « nous sommes en guerres
». Dans le même temps l'Europe devient le nouveau foyer
principal de la pandémie. Puis ce sera au tour des Etats-Unis
57
d'être touché par le virus. En réponse
à cela, le président américain Donal Trump remet en cause
l'OMS déclarant qu'elle s'est « complètement plantée
». Pour appuyer sa déclaration, les Etats-Unis ont
déclenché début juillet 2020 la procédure de
retrait de l'OMS qui sera effective le 6 juillet 2021. Fin juillet, on compte
plus de 600 000 décès pour un total de 15 millions de personnes
infectés par le virus1.
Bien que la pandémie de la COVID-19 ait une ampleur
mondiale et que de nombreux scientifiques se penchent sur le sujet, de grandes
zones d'ombres persistent encore. Sur son origine tout d'abord, les recherches
suggèrent que le virus proviendrait de chauves-souris mais on ne sait
pas encore par quel moyen il a atteint l'homme. On ne sait pas non plus comment
se transmet le virus entre les humains, combien de temps il perdure sur
différentes surfaces, mais également sa
sévérité. Plusieurs études ont cherché
à comprendre pourquoi le virus pouvait être
particulièrement virulent chez un individu mais anodin pour un autre. Il
est néanmoins apparu qu'il est possible de mettre en relation
l'âge avancé d'un patient et le risque de mortalité. Une
étude britannique parue dans la revue médicale « The Lancet
» a démontré que la COVID-19 est particulièrement
redoutable pour les personnes de plus de 60 ans avec un taux de
mortalité de 6,4% dont un taux de mortalité de 13,4% pour les
personnes de plus de 80 ans. Pour les moins de 60 ans, le taux de
mortalité ne serait que de 0.32%. Enfin, ce qui rend la maitrise de la
pandémie délicate c'est qu'aucune prescription médicale
efficace n'est connue encore à ce jour. L'office fédéral
de la santé publique en Suisse écrit sur son site qu' «
à ce jour, il n'existe aucun traitement spécifique contre les
infections dues aux coronavirus. Les possibilités thérapeutiques
se limitent à traiter les symptômes ».
Que ce soit en raison de la rapide propagation de la
pandémie et la méconnaissance sur le virus en lui-même, les
mesures exceptionnelles prises pour préserver l'état de
santé des populations a engendré un véritable
ralentissement économique. Les mesures de confinement prises dans de
nombreux pays dans le monde provoque des conséquences économiques
de grandes ampleurs. La Banque Centrale Européenne estime que le Produit
Intérieur Brut de l'Union Européen devrait chuter de 7,4% dans
l'année 2020. Les pays les plus touchés tels que l'Espagne et
l'Italie pourrait connaître une récession de plus de 9%. Ce
constat s'apparente d'un fort taux de chômage. Aux Etats-Unis, le nombre
de demandeurs d'emploi a fait un bond de 3 millions de personnes en quelques
semaines.
1 Etude
Statista.com ; 23 juillet 2020
58
A partir de ces différents éléments, il
semble pertinent de se demander si l'application d'un PCA dans une entreprise
permet de minimiser les conséquences d'une crise sanitaire telle que
celle de la COVID-19. En effet, son élaboration pourrait-il de maintenir
les activités critiques de l'organisation en préservant
l'état de santé des salariés, assurer sa
pérennité et faire face à la crise. Pour étudier
cela, nous avons réalisé des entretiens semi directifs dont nous
allons faire état.
B. Méthode utilisée : les entretiens semi
directifs
1. Choix de la méthode
Nous avons constaté précédemment que la
crise de la COVID-19, bien qu'elle ait touchée l'ensemble de la
population en raison des mesures drastiques prises par le gouvernement, a pu
être perçue et vécue différemment selon les
individus. Il est en de même pour les entreprises en France. A ce titre,
on suppose que la mise en application du PCA en réponse à la
crise sanitaire que nous traversons peut varier selon les organisations. Pour
ces raisons et afin de cerner véritablement les enjeux de
l'élaboration d'un PCA nous avons choisi d'interviewer des personnes
travaillant dans différents secteurs d'activité.
Il existe de nombreux types de collecte d'information tels que
l'observation directe, l'analyse de documents, les questionnaires ou encore les
entretiens. Dans le cadre de nos travaux nous avons opté pour la
réalisation d'entretien pour plusieurs raisons. Tout d'abord nous
souhaitions avoir des réponses détaillées quant à
l'élaboration du PCA au sein des entreprises des répondants. A ce
titre, les entretiens semblent être la forme de collecte d'informations
la plus pertinente. En effet, il permet la formulation de questions qui
n'étaient initialement pas prévues dans le guide d'entretien. Par
ailleurs, outre les informations communiquées explicitement, l'entretien
facilite la compréhension et la dimension des réponses
grâce à l'attitude des répondants, leur comportement lors
de la formulation des questions. Autrement dit, l'entretien semi-directif
permet la collecte d'informations orale de manière qualitative et,
contrairement à un entretien non directif, est suffisamment
structuré pour pouvoir le cadrer. La réalisation d'un guide a
ainsi pu servir de fil rouge lors des entretiens. Il a permis de définir
selon un certain ordre les thèmes abordés mais a également
été amené à évoluer lors de la
réalisation des entretiens.
59
Nous avons ainsi pris contact avec trois entreprises de
secteurs économiques différents dont l'activité
était impactée à différents niveaux par la crise.
La première, Sodexo, société française de
sous-traitance de service assure des prestations diverses principalement des
services de restauration et de maintenance technique. Au sein de cette
entreprise, nous avons eu l'opportunité de réaliser un entretien
avec le facility manager du site des Pennes Mirabeau. Sa mission consiste
à prendre en charge l'ensemble des services liés à la
gestion des prestations du client Coca Cola et notamment celles concernant la
restauration et la sécurité. Il nous semblait intéressant
d'analyser comment une multinationale telle que Sodexo, l'un des plus gros
fournisseurs mondiaux de services de restauration collective au capital de 15
milliards d'euros et coté à la Bourse de Paris depuis 1983 a
appréhendé la crise sanitaire de la COVID-19 et comment
l'entreprise a déployé son PCA au niveau local.
Le deuxième entretien s'est effectué
auprès de l'Etablissement Français du Sang (EFS). Cet
établissement public administratif sous statut d'établissement
public à caractère industriel et commercial (EPIC) assure une
mission de service public en matière de transfusion sanguine. En effet,
l'EFS assure l'autosuffisance de la France en produits sanguins et, à ce
titre, est chargé de collecter, préparer, qualifier et distribuer
ces produits sanguins labiles en vue de leur transfusion. Du fait de son
statut, l'EFS se doit de respecter le principe de continuité de service
public. Cela signifie que l'EFS doit répondre aux besoins
d'intérêt général et cela sans interruption. En ce
sens, il nous semblait pertinent d'interroger la personne en charge du plan de
continuité d'activité au sein de cet établissement afin
d'apprécier son élaboration et son déploiement en
réponse à la crise sanitaire actuelle. Cette interview est
d'autant plus intéressante puisqu'elle concerne le secteur
médical, véritable acteur au cours de la gestion de la
pandémie en France.
Enfin, dans le souhait d'avoir une vision la plus exhaustive
possible de la réponse des entreprises pour lutter contre la crise
sanitaire, il nous a semblé judicieux de contacter une enseigne du
secteur alimentaire. En effet, nous savons que ce secteur était
considéré parmi les entreprises dites « en première
ligne » dès le début de la pandémie et de
manière exponentielle durant le confinement. C'est la raison pour
laquelle nous avons pris contact avec le magasin Netto situé à
Fuveau. Cette enseigne appartient au groupe Intermarché dont nous savons
que la part de marché a augmenté de 1,7% en mars et avril 2020,
progression nette jamais vu selon les
60
experts, représentant désormais 16,7% du
secteur1. C'est pour cela que nous avons joint le responsable du
magasin de Netto à Fuveau, dans l'objectif de comprendre comment
l'enseigne a pu assurer le surcroit de leur activité en cette
période de pandémie. Alors que prédominait un
ralentissement économique dès le mois de mars 2020 avec des
échanges commerciaux internationaux fortement impactés, la
distribution des magasins d'alimentation en a de fait été
perturbée tandis que la demande des consommateurs a quant à elle
augmenté durant la même période.
2. Déroulement des entretiens semi directifs
Dans un premier temps, il nous semblait primordial que les
entretiens se déroulent dans un climat favorable, le plus calme et
serein possible. C'est la raison pour laquelle nous avions planifié le
rendez-vous quelques jours en avance afin que les répondants ne soient
pas déstabilisés et puissent se préparer à leur
manière à l'entrevue. Il ne s'agissait pas non plus de prendre
les interviewés de court et que cela ne s'apparente à un moment
stressant s'ajoutant à leur planning, mais bel et bien un instant
d'échange sur le sujet. Les entretiens ont eu lieu dans des espaces
isolés afin de limiter le passage et la coupure de l'interview par la
présence de tierces personnes.
Avant le déroulement de chaque entretien, lors de la
prise de rendez-vous, nous avons expliqué le cadre de notre
démarche. En effet, nous avons fait part aux répondants de la
raison qui nous a amené à les interroger, et plus
précisément notre sujet d'étude ainsi que la
problématique que nous avons soulevée. A cette étape nous
avons également insisté sur le caractère anonyme des
entretiens, cela dans le souhait de rassurer les répondants et de
favoriser un climat de confiance. En prémisse des entretiens, en sus de
rappeler l'anonymat de leur réponse, nous avons évoqué les
thèmes abordés afin d'être transparent et pour que les
répondants sachent sur quelle thématique peuvent porter les
questions. Concernant le recueil de données, les interviews ont
été enregistrées dans le souhait d'assurer une meilleure
retranscription. De plus, cela a permis d'alimenter la discussion et non de
rester figé sur le guide d'entretien ou sur la prise de notes
uniquement.
1 Etude de l'Institut Kantar, 30/07/2020
61
Bien que nous nous soyons limités à trois
entretiens, cela ne constitue pas un véritable problème quant
à l'analyse et la qualité des données recueillies. En
effet, selon Karl E. Weick, à partir de sa théorie du
sensemaking, il est possible d'établir des théories en
partant de l'analyse d'un seul cas1. Ainsi, l'intervention de trois
répondants nous a permis de relever des données de
qualités de manière suffisante pour obtenir une analyse
exploitable et non biaisée.
Chacun des entretiens a duré entre 15 et 30 minutes
selon les répondants. Pour permettre le traitement des données
qualitatives et leurs analyses de manière précise, nous avons
choisi de les coder. Pour cela, nous avons retenu la phrase comme unité
de codage pour ensuite entamer la phase d'élaboration de la grille de
codage.
C. Analyse des résultats
Dans le cadre de l'analyse, nous serons amenés à
retranscrire les propos des différentes personnes interviewées
à savoir, le facility manager de la société Sodexo
(Répondant 1), le responsable qualité au sein de l'Etablissement
Français du Sang (Répondant 2) et la responsable du magasin Netto
(Répondant 3).
1. Le PCA en réponse à la crise COVID-19
Nous pouvons constater en premier lieu que chacune des
structures contactées a effectivement mis en place un Plan de
Continuité d'Activité pour pallier les conséquences de la
crise sanitaire de la COVID-19. Il semble de fait que le PCA soit un outil de
management pertinent et adapté aux situations de crise, et en
l'occurrence aux particularités d'une crise sanitaire. En effet, en
matière de crise sanitaire, le PCA peut apporter des solutions aux
organisations qui doivent faire face non seulement à leurs
indisponibilités mais aussi aux impacts plus globaux,
économiques, sociaux et sanitaires. Nous pouvons ainsi remarquer, que
pour deux répondants, le PCA a été conçu en
réponse immédiate à la situation sanitaire actuelle de
coronavirus. La responsable du magasin Netto explique que son
élaboration s'est faite « dès le début de la
crise sanitaire ». Le répondant 1 déclare quant
à lui avoir « mis en place un PCA au moins d'avril ».
Ce dernier
1 Karl WEICK, dans Sensemaking in Organizations,
Californie, « Sage Publication », 1995
62
ajoute que la mise en oeuvre de l'outil s'est faite en «
KO ». L'importance et la gravité de ce terme met en
exergue la soudaineté et la nécessité de répondre
à l'urgence de l'évènement dans le but de maintenir les
activités critiques de l'entreprise tout en préservant le
personnel. L'interviewé 3 insiste à ce propos en
spécifiant que l'entreprise a « essayé de vite combler
les manques, [...] d'être le plus réactif possible ».
Nous remarquons que ces deux entreprises, dans la nécessité de
prendre des décisions rapidement, ont utilisé le PCA qui s'est
avéré être l'outil le plus approprié face à
l'urgence de la situation. En complément de cette réponse
à l'urgence, le PCA apparait comme un dispositif d'anticipation de
besoins. A ce titre, le répondant 1 explique que le PCA a permis d'
« anticiper éventuellement une demande ».
Suite à cela, nous avons questionné les
interviewés sur l'efficacité même de l'instrument en
réponse à la crise de la COVID-19. Une fois encore, les
répondants 1 et 3 ont été affirmatifs à ce sujet,
le facility manager de Sodexo répondant « tout à fait,
oui ! » et la responsable du magasin Netto « Oui ! Ah oui !
». Cette dernière précise que « on est l'un
des magasins qui s'en est le mieux sorti déjà par rapport au
groupe à nous car on est quatre magasins sur le même PDG, puis par
rapport à nos concurrents autour ». Bien qu'ayant
élaboré le PCA en urgence dès l'apparition de la crise et
bien que ce dispositif n'ait pas fait l'objet d'une élaboration au
préalable, nous constatons que l'entreprise est parvenue à tirer
profit des atouts de cet outil et de fait à maintenir son
activité. Toutefois, les réponses de l'interviewé 2 ont
soulevé une problématique en matière de maintien de
l'activité par le biais d'un PCA. Il s'avère en effet que l'EFS
dispose de cet outil depuis plusieurs années. En cela, le responsable
qualité déclare « on en a depuis des années,
c'est pas quelque chose de nouveau car ça fait partie de nos exigences
règlementaires ». On pourrait supposer que l'outil soit alors
connu, maitrisé et facilement applicable par les gestionnaires et leurs
collaborateurs. Or cela n'a visiblement pas été le cas. En effet,
lorsque nous avons été amenés à lui demander si
l'application de l'outil a contribué au bon maintien de
l'activité tel qu'ils l'auraient imaginé, le répondant 2
admet que « par le PCA en lui-même je te dirai que non
». Il rajoute à cela « Non c'est pas notre PCA qui
nous a permis de fonctionner la preuve pendant une semaine on nous a dit que
tout le monde rentre chez eux ». Force est de constater que dans ce
cas l'activité a été véritablement interrompue
alors même qu'il s'agit d'un EPIC, ce statut exigeant la
continuité du service public. Nous relevons ainsi qu'une entreprise qui
dispose déjà d'un PCA bien en amont d'une crise ne peut se
prémunir de l'arrêt de son activité. Cela est d'autant vrai
dans le cadre d'une crise sanitaire du fait de son aspect multidimensionnel
tant sur les activités mêmes de l'entreprise que sur les relations
avec les différents acteurs. L'interviewé 2 insiste à ce
sujet déclarant que « on a un
63
PCA qui s'appelle Pandémie et qu'on va devoir
remettre à jour hein, ça va être le nouveau projet de
l'année ». Nous sommes donc amenés à nous
demander si les méthodes d'élaboration du PCA par l'EFS et les
procédures de mise en oeuvre qui en découlent ne sont pas trop
rigides et ne révèlent pas une potentielle absence
d'agilité de la part de l'établissement. Il peut apparaitre un
risque de manque de souplesse dans les processus et donc une difficulté
d'adapter l'outil au caractère inédit intrinsèque à
une crise.
Afin de bénéficier du réel potentiel de
l'outil, la norme ISO 22 301 préconise de réaliser des tests et
des exercices. En effet, cela permet de familiariser les collaborateurs avec
les procédures à suivre en période de crise pour qu'ils
aient la capacité de les adapter sans difficulté. C'est aussi
l'opportunité de relever les points forts et les points faibles du
dispositif liés aux aléas de la continuité
d'activité et de réviser les process le cas
échéant. Cela ne semble pas être un point évident et
prioritaire à ce jour pour les entreprises. Pour les entreprises des
répondants 1 et 3 qui ne disposaient pas d'un PCA jusqu'alors, la mise
à jour de l'outil n'est à ce stade qu'envisagée. La
responsable du magasin Netto précise à ce sujet « Oui !
Parce que même si c'est pas le COVID, ça peut servir ».
Alors que l'EFS dispose de PCA depuis quelques années ceux-ci, selon le
répondant 2, « sont mis à jour autant que besoin.
Là, le COVID ça nous le faire mettre à jour ».
On constate que l'EFS ne semble mettre à jour l'outil uniquement en
réponse à un évènement générant des
problèmes organisationnels. Il ne s'agit donc a priori pas d'une
réelle mise à jour telle que le préconise la norme ISO 22
301. Cela peut être une des raisons pour laquelle le PCA Pandémie
de l'EFS n'a pas su répondre pleinement aux enjeux de la crise sanitaire
de la COVID-19. A ce titre, le responsable qualité ajoute « la
crise nous montre que notre PCA n'est pas adapté à telle ou telle
crise et bien on enrichira le PCA par de nouvelles façons de faire
».
2. La conduite de projet du PCA
Dans le but de cerner les enjeux liés à
l'élaboration même du PCA au sein de chacune des organisations
interrogées, nous avons posé différentes questions
relevant de la conduite effective du PCA.
Dans un premier temps, nous avons souhaité connaitre
les acteurs ayant participé à l'élaboration de l'outil. En
effet, parmi les facteurs de réussite du PCA il est fait état de
l'importance d'impliquer l'ensemble de l'organisation au niveau horizontal. Le
PCA est un dispositif
64
transversal qui repose sur la nécessité d'un
travail collaboratif des parties prenantes. Globalement, les entreprises
interviewées semblent avoir conscience de cette nécessité.
Le répondant 1, en charge d'une petite équipe de seulement 3
personnes a, pour sa part, travaillé en autonomie. Il disposait d'une
marge de manoeuvre et une flexibilité facilitant la mise en oeuvre du
PCA. En effet, il déclare à ce propos « J'ai un petit
restaurant avec trois personnes. Donc c'est assez facile de dégrader la
prestation. Et j'ai dégradé que légèrement par
rapport à ce qu'on fait d'habitude ». Lorsque nous avons
interrogé le responsable qualité de l'EFS sur le sujet, ce
dernier a répondu que « tous les métiers » ont
participé à son élaboration. Il ajoute que «
chacun a produit sa stratégie de continuité d'activité
». De son côté, le répondant 3 a également
précisé que de nombreux acteurs ont participé à
l'élaboration du PCA. A ce titre, elle déclare « on
s'est tous unis pour que le magasin continue à fonctionner correctement
». Que l'élaboration de l'outil se soit faite en amont ou en
réponse immédiate à la crise, il s'avère que les
principaux acteurs ont été mobilisés de façon
effective autour de ce projet.
Par la suite, il nous a semblé intéressant de
s'attarder sur le volet communication, à savoir comment le PCA est les
plans d'actions qui en découlent ont-ils été
présentés au personnel. Ce point revêt une réelle
importance car, en période de crise, il est primordial que le personnel
ait une lisibilité sur les actions menées, puisse comprendre
l'ensemble des process et les méthodes utilisées. A contrario,
une mauvaise communication de l'outil peut apparaitre comme un frein à
sa mise en oeuvre et engendrer des effets négatifs qui entravent la
bonne continuité de l'activité. L'EFS de par ses nombreux
collaborateurs et ses nombreuses activités dispose d'outils
collaboratifs via lesquels il diffuse les informations. L'un de ses principaux
canaux de communication est GEDEON (Gestion Electronique des Documents En
Organisation Nationale). Les différentes procédures relevant des
PCA ont été enregistrées sur cet outil. Le
répondant 2 assure en ce sens que « tout le monde peut y avoir
accès ». Par ailleurs, les PCA sont directement transmis
auprès de « 181 personnes qui sont concernés pour
l'appliquer ». On constate de fait que l'EFS n'a pas
négligé cette stratégie de communication, travail
facilité par le fait que l'établissement est doté de
logiciels adaptés. De son côté, le répondant 3,
responsable d'une équipe de 8 personnes, a privilégié les
échanges directs et informels principalement sur les conduites à
tenir. Elle rappelle ainsi que « on en parlait
régulièrement surtout au niveau des pauses, [...] surtout de tout
ce qui est hygiène/désinfection, le port du masque, bien veiller
à communiquer avec les clients ». Néanmoins, afin de ne
pas générer davantage de stress qu'implique l'activité
lors de cette période de pandémie, la responsable du magasin
rajoute « on en a parlé mais après on a essayé de
penser à autre chose... Pas de focaliser non plus
65
dessus ». En raison de la
spécificité de l'activité de distribution alimentaire, du
statut des employés et de l'intensité accrue de leurs
tâches lors de la période de confinement, la responsable, par ce
choix, a souhaité préserver ses collaborateurs.
Au cours de nos recherches, nous avons relevé certaines
limites quant à l'usage du PCA dans les entreprises. Parmi elles, nous
nous sommes interrogés sur le rôle et la responsabilité du
dirigeant depuis l'élaboration jusqu'à son application. En effet,
nous avons appris que pour assurer son bon fonctionnement, un responsable se
doit d'être identifié. Cela s'opère par une
délégation de pouvoir du dirigeant vers un de ses collaborateurs
et de façon concomitante d'une délégation de
responsabilité. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité
questionner les répondants précisément sur la
responsabilité prise par les dirigeants lors de cette crise sanitaire.
Le répondant 1 de Sodexo ayant été interviewé en
amont de ce questionnement, n'a pas pu apporter des éléments de
réponse sur le sujet. De leur côté, les répondants 2
et 3 ont insisté sur l'implication et la prise de responsabilité
de leur dirigeant au cours de la pandémie. Le responsable qualité
de l'EFS déclare en ce sens que « la Direction a pris sa
responsabilité plein pot. Ils étaient sans arrêt en train
d'évaluer la situation, de voir comment on pouvait modifier les
pratiques, comment on pouvait réajuster au quotidien presque...
». Pour le magasin Netto, la responsable rapporte que concernant le
PDG de l'enseigne, celui-ci a « tout suivi ! De près comme de
loin [...], toujours présent ne serait-ce que par mail, par
téléphone, pour savoir si on avait besoin de quelque chose en
particulier, si on allait bien... ». Nous savons que le leadership et
l'implication de la Direction dans l'élaboration et la mise en place
d'un PCA constitue un facteur de réussite. Nous constatons que cet
aspect primordial a été assumé par les dirigeants des deux
entreprises concernées. Au regard de la réussite du maintien de
leur activité, cela démontre de façon concrète et
effective que l'implication des dirigeants est essentielle et indispensable.
3. Retour d'expérience de mise en oeuvre d'un PCA face
à la crise de la
COVID-19
L'entretien semi-directif a pour avantage, au-delà de
répondre aux questions issues du guide d'entretien, de faire
émerger des ressentis professionnels et personnels, voire des
éléments d'informations complémentaires permettant
d'étoffer notre analyse. C'est ainsi que plusieurs points ont pu
être évoqués et développés.
66
Tout d'abord, il apparait que la crise sanitaire de la
COVID-19 et des mesures exceptionnelles qui ont été prises au
niveau national, notamment par le confinement, a démontré que le
télétravail peut très souvent constituer un mode de
travail pertinent en matière de continuité d'activité. Au
sein de l'EFS, cette pratique n'existait pas. L'établissement a dû
mettre en place dans l'urgence ce nouveau mode de fonctionnement. A ce titre,
le responsable qualité s'avance à promouvoir cela en disant que
« même le télétravail, ça il faudra qu'on
le mette ». Cela semble d'autant plus important que la mise en place
du télétravail au sein des processus support va permettre la
continuité des activités des processus de réalisation et,
in fine, de maintenir les activités de l'organisation.
Le répondant 2 poursuit en insistant sur les limites
relatives au PCA et plus précisément sur l'établissement
des différents scénarii envisagés par l'entreprise. En
effet, selon lui il n'est pas possible de concevoir de façon exhaustive
des plans d'actions pour toutes les situations de crise pouvant survenir. En
cela, le PCA semble répondre à des situations déjà
connues. Toutefois, par définition une crise revêt un
caractère inédit et inconnu. Il déclare en ce sens «
il y a des limites... et les limites ce sont les connaissances qu'on a
quoi. Les connaissances et l'expérience qu'on a d'une situation de crise
». Pour insister sur cette idée, il rajoute « tant
que tu es pas confronté à la situation tu peux pas imaginer. On
peut l'imaginer mais on s'appelle pas tous Steven Spielberg ». Ainsi,
selon le responsable qualité de l'EFS, le PCA apparait comme l'outil
idéal pour prémunir une organisation d'une crise connue et
anticipée. En revanche, il ne semble adapté à des
situations totalement inédites. Pour étayer son propos, il
s'exprime ainsi, « Parce qu'on peut pardonner de ne pas être
prêt face à une situation qu'on ne connaissait pas, mais on peut
pas pardonner le fait de se retrouver... de pas être prêt devant
une situation qu'on connaissait ».
En dernier lieu, le répondant 1, facility manager de
Sodexo, apporte sa vision du PCA pour une application dans le futur au regard
des expériences vécues lors de la pandémie de la COVID-19.
A son avis, a propos du PCA « si on veut que ça s'applique il
faudrait que ça devienne une obligation ». Selon lui, il est
un instrument qui apportera des solutions dans les crises futures, qui
même parcellaires, pourront bénéficier à
l'entreprise et au maintien de son activité et par ricochet à ses
partenaires. Le répondant 1 et le répondant 2 s'accordent par
ailleurs pour dire que le PCA revêt des « enjeux
stratégique [...], financier », cela pour deux raisons. D'un
point de vue positif, le PCA pourrait constituer un avantage concurrentiel pour
les organisations. En effet, cela permettrait de faciliter les échanges
et les partenariats, détenir un PCA serait un gage de
sécurité pour les partenaires commerciaux et financiers. D'un
point de vue négatif,
67
l'entreprise peut être amenée à faire
appel à un cabinet spécialisé pour l'élaboration
d'un PCA, prestation représente un coût pour l'entreprise et qui
peut constituer un frein à sa mise en place.
II. Préconisations managériales en vue
d'une évolution du PCA en
matière de crise sanitaire
A. Dimension humaine
Il apparait que la mise en application des procédures
issues d'un PCA en réponse à une crise ne peut se faire sans une
intervention et une implication effective de l'ensemble des collaborateurs
d'une organisation. C'est la raison pour laquelle nous proposerons dans cette
partie des préconisations managériales en matière
d'élaboration et d'application du PCA par le biais de la gestion des
ressources humaines en réponse à une crise sanitaire.
1. Le capital humain
Chaque individu dispose de connaissances, compétences,
expériences et savoir-être qui lui sont propres. Gary Becker, prix
Nobel d'économie en 1992 définit ce capital humain comme «
l'ensemble des capacités productives qu'un individu acquiert par
accumulation de connaissances générales ou spécifiques, de
savoir-faire, etc. »1. A ce titre, il représente
une véritable richesse pour les organisations. En ce sens, l'auteur
démontre qu'une bonne gestion du capital humain permet d'assurer une
meilleure productivité et de rendre l'entreprise efficiente. Toutefois,
une crise sanitaire qui touche autant les organisations que les individus au
niveau professionnel mais aussi personnel, peut fragiliser le capital humain en
cette période critique. La situation inédite et incertaine d'une
crise sanitaire conduit l'entreprise à poursuivre son activité en
mode dégradé. De fait, le capital humain peut ne pas être
pleinement sollicité au
1 G.S.BECKER, (1964), « Human Capital, a
theoretical and empirical analysis », Columbia University Press for the
National Bureau of Economic Research.
68
cours de cette crise. Or, le maintien de l'activité de
l'entreprise dépend de cet investissement humain.
Les enquêtes qualitatives que nous avons
réalisées ont démontré que la réussite de
l'application du PCA a été en partie assuré par la
capacité des collaborateurs à adapter leurs compétences en
période anormale d'activité. La connaissance du métier, de
l'organisation ou les tâches à accomplir facilite l'agilité
et la flexibilité du personnel en vue de poursuivre de manière
efficiente l'activité.
La mise en place d'une gestion du capital humain est un
véritable atout pour assurer la compétitivité de
l'entreprise mais a fortiori pour lutter de façon efficiente aux impacts
d'une crise sanitaire. Ainsi, les collaborateurs seront plus à
même d'appliquer les plans d'actions découlant du PCA. Il apparait
donc essentiel pour les organisations de préserver le capital humain.
Plusieurs leviers permettent d'y accéder. Le premier est d'identifier et
de valoriser les compétences et expériences déjà
acquises par les employés pour les mettre à profit en
période de crise. Il est également important de préserver
les collaborateurs. Cela passe par la rémunération mais aussi par
une gestion du temps de travail tenable en période de crise. Cette
démarche revêt un double enjeu. Cela engendrera un sentiment
d'appartenance et une plus grande implication des employés,
bénéfiques pour eux-mêmes. Et les résultats attendus
en matière de continuité d'activité s'en trouveront de
fait améliorés.
2. L'intelligence collective comme facilitateur de
l'élaboration et
l'application d'un PCA
Comme nous avons pu le constater précédemment,
il est essentiel pour une organisation de préserver son capital humain,
ceci afin de faire face à une crise sanitaire et d'assurer la
continuité de l'activité. Ainsi, l'implication et la
volonté de chacun des collaborateurs en vue de surmonter cet
évènement et les impacts qu'il engendre est primordial. A ce
titre, l'intelligence collective apparait comme un levier efficace pour
élaborer mais aussi appliquer de manière pertinente le PCA en
réponse à une crise. Le philosophe et chercheur en science de
l'information et de la communication Pierre Levy définit l'intelligence
collective comme « une intelligence partout distribuée, sans
cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit
à
69
une mobilisation effective des compétences
»1. Cette notion apparait comme un prolongement du capital
humain puisqu'elle permet la mise en commun des compétences,
connaissances, créativités ou encore capacité de
réflexion des collaborateurs pour contribuer à l'atteinte des
objectifs d'une organisation. En matière de PCA, l'intelligence
collective permet d'imaginer divers scénarii de crise, d'en
évaluer les impacts sur l'activité et de proposer des
procédures pertinentes pour assurer la continuité de
l'activité. En effet, la motivation individuelle et collective provenant
du bien-être au travail, du sens donné aux missions ainsi que le
respect des règles de vie en communauté sont autant de facteurs
favorisant l'intelligence collective.
Il existe de nombreux outils et méthodes permettant de
développer l'intelligence collective dans les organisations et notamment
en matière d'élaboration d'un PCA. Tout d'abord il est
nécessaire de créer une dynamique de groupe positive. Pour
parvenir à cela, le manager doit veiller à instaurer un climat de
confiance, à favoriser la coopération au sein de son
équipe mais aussi encourager la prise de parole et l'esprit
créatif. Des sessions de TeamBuilding par la création d'exercices
ou de jeux représentant une situation de crise est l'occasion pour les
individus à travailler collectivement et de manière ludique. Cela
permet également aux collaborateurs de s'exercer à l'application
du PCA telle que le préconise la norme ISO 22 301 mais aussi à
leur donner l'opportunité de repérer des dysfonctionnements et
les erreurs de procédures en vue de les améliorer.
Nous avons vu préalablement que le PCA revêt un
caractère transversal puisqu'il relève l'ensemble des
activités critiques d'une organisation en vue d'en assurer leur
continuité en période de crise. Cela suppose des échanges
avec de nombreux acteurs internes et externes à l'organisation. Le Forum
Ouvert apparait donc comme une technique créative efficace pour
échanger sur un sujet. Dans les années 80, le romancier et
journaliste Harrison Owen a mis en évidence que les meilleurs
idées émergeaient lors des pauses café2. La
création d'un Forum Ouvert avec les parties intéressées au
sujet de l'élaboration d'un PCA permet de faire émerger des
visions et des idées pertinentes pour assurer au mieux une
continuité d'activité. Pour rendre ce temps d'échange
efficace, il est nécessaire de convier les personnes concernées
par la thématique afin de maitriser le fil de la discussion et de faire
ressortir de celle-ci un véritable plan stratégique en
matière de PCA.
1 P. LEVY, (1994), « L'Intelligence collective :
Pour une anthropologie du cyberspace », Poche.
2 H. OWEN, (1993), « Open Space Tecnology : A
user's guide », Broché
70
Par ailleurs, divers outils, notamment digitaux, existent de
nos jours pour permettre aux collaborateurs de partager leurs idées et
d'éventuelles solutions quant au maintien de leur activité en
période de crise sanitaire. L'objectif de cette démarche est donc
d'élaborer un PCA permettant de répondre de manière
efficiente à une crise sanitaire, et d'assurer la reprise des
activités dans les meilleurs délais.
3. La conduite au changement
La survenance d'une crise, et notamment d'une crise sanitaire
en raison du caractère multidimensionnel de ses impacts, constitue un
véritable bousculement dans la vie d'une entreprise et pour celle de ses
collaborateurs. Nous avons constaté qu'étymologiquement, la
notion de « crise » traduit une rupture d'équilibre.
Dès lors, l'organisation va devoir s'adapter et modifier ses habitudes
pour évoluer dans ce nouvel environnement incertain. C'est ce que
promeut le PCA. Toutefois, le facteur clé de réussite de mise en
oeuvre d'un PCA réside dans l'implication et la volonté des
collaborateurs. En effet, le facteur humain peut constituer la principale cause
d'échec du projet. Pour cela, mettre en place une démarche de
conduite du changement en amont d'une crise semble pertinent. La conduite du
changement peut être définit comme « l'accompagnement d'un
processus de transformation de l'entreprise, dans un contexte qui
évolue, que ce choix soit subi ou stratégique ». Cette
démarche revêt des enjeux économiques en évitant une
perte de temps et de productivité, des enjeux sociologiques liés
à un besoin social, ainsi que des enjeux psychologiques en vue de faire
diminuer les risques psychosociaux pouvant apparaitre en raison du changement.
La crise sanitaire de la COVID-19 a engendré un véritable
bousculement dans la gestion organisationnelle des entreprises et dans la vie
personnelle des collaborateurs. Les mesures de confinement prises par le
Gouvernement ainsi que la mise en oeuvre du télétravail
apparaissent comme des changements prégnants pour le personnel. Une mise
en oeuvre de conduite du changement permet donc de sensibiliser le personnel
autour du projet de mise en application du PCA et de l'accompagner dans
l'évolution organisationnelle qu'implique une crise.
De nombreux outils existent pour assurer la démarche de
conduite du changement. Le psychologue américain Harold J. Leavitt a
proposé une analyse des facteurs majeurs concourant à la
réussite de la gestion du changement dans une approche qu'il a
développé en 1965 sous le nom de « Diamant de Leavitt
».
71
Schéma : Diamant de Leavitt
Cette étude s'articule autour de quatre piliers qui sont
:
· Les individus : les
employés de l'organisation constituent un premier facteur essentiel dans
la réussite du changement. Ils sont fortement impliqués dans la
démarche en raison de leur connaissance de la structure mais surtout de
leurs aptitudes, leurs compétences et leurs connaissances
personnelles.
· Les tâches : il s'agit
à la fois des missions de chacun des collaborateurs et des
résultats attendus.
· L'organisation : ce pilier
concerne le type de structure organisationnelle (fonctionnel, divisionnel,
matricielle ou en réseau), et l'aspect communication qui découle
du système hiérarchique.
· Technologie : cela comprend
l'ensemble des systèmes de technologie de l'information et de
communication (TIC) et les systèmes informatiques de gestion quotidienne
de l'entreprise.
S'appuyer sur le « Diamant de Leavitt » pour
faciliter la conduite de changement que suppose un PCA en réponse
à une crise sanitaire semble pertinent. On constate que les quatre
facteurs clés du changement inclus dans l'outil sont
précisément ceux que préconise la norme ISO
72
22 301. Par ailleurs, nous avons pu relever au cours de notre
étude que la crise sanitaire et les mesures prises par les Etats peuvent
être source de RPS. De même, une mauvaise gestion de conduite du
changement peut également engendrer l'apparition de RPS. Dès
lors, prendre en compte cette dimension humaine en amont de
l'élaboration du PCA est un élément majeur pour sa
réussite.
Parmi les autres méthodes de conduite de changement, le
modèle de Burke et Litwin est également un outil qui peut
être utilisé dans l'application d'un PCA. W. Warner Burke et
George H. Litwin, consultants en gestion du changement, ont
élaboré ce théorème dans les années 60 en
prenant en compte douze composants identifiées au sein d'une
organisation en vue de les analyser et comprendre comment ils sont liés
les uns aux autres en période de changement. Ce modèle permet de
prendre en compte tous les domaines de l'organisation afin d'en omettre aucun
et d'éviter un échec du projet, d'autant que ces derniers sont
tous interconnectés.
Schéma : Modèle de Burke et Litwin
73
Les douze éléments tels que
présentés sur le schéma ci-dessus se répartissent
autour de trois grands groupes qui sont :
- Facteurs transformationnels : ce
sont les éléments qui concernent l'entreprise dans sa
globalité ;
- Facteurs transactionnels : il
s'agit des items qui correspondent aux activités quotidiennes de
l'organisation ;
- Facteurs de performance : ces
derniers se rapportent à la performance individuelle et collective
liée à la rentabilité et la production.
Ce modèle permet de mieux analyser les
différents scénarii possibles en matière de changement. De
par les nombreux items qu'il comporte et de la prise en compte de
l'environnement externe dans la conduite du changement, le modèle de
Burke et Litwin permet d'aider à élaborer le PCA dans le cadre
spécifique d'une crise sanitaire. En cela, il assure une conduite
efficiente du changement et une meilleure performance en matière de
continuité d'activité.
B. Dimension technologique et informatique
1. Cloud Computing et télétravail
Nous avons pu constater à travers la littérature
abondante en matière de PCA que la continuité d'activité
ne peut être pleinement assurée sans un système
d'information (SI) efficace. Le système d'information correspond
à l'ensemble des ressources permettant la collecte, le stockage, la
gestion, l'analyse et la diffusion de l'information au sein d'une organisation.
A ce titre il regroupe les équipements liés aux
télécommunications et aux stockages ainsi que le traitement et
l'archivage des données. En cela, le SI apparait comme un
élément central du fonctionnement d'une entreprise.
Néanmoins, nous avons également mis en évidence que la
survenance d'une crise engendre des situations d'indisponibilités de
ressources humaines, d'accès aux sites, de défaillances des
prestataires et fournisseurs mais aussi du SI et des réseaux
télécoms. En effet, sur ce dernier point il peut s'agir d'une
destruction des serveurs, d'une interruption du système d'information et
des applications utilisées par les directions ou encore d'une
interruption pour le service de téléphonie. Selon une
enquête réalisée auprès de 1000
74
responsable en 2017, 82% des entreprises avouent être
victimes d'interruption dans leur système informatique. Pour ces
raisons, il semble essentiel de se prémunir et d'anticiper ces
indisponibilités afin d'assurer dans les meilleurs dispositions la
continuité de l'activité.
Dans son élaboration, le PCA oeuvre à recenser
les risques inhérents à l'organisation en matière du SI
afin de les minimiser. En effet, concernant les systèmes d'information
et de communication, le guide pour réaliser le PCA du Secrétariat
général de la défense et de la sécurité
nationale préconise une architecture « permettant de
répondre aux exigences en termes de délais de secours et de perte
de données maximale admissible ». Il relève que les moyens
de télécommunication sont un point de vulnérabilité
majeur en période de crise. De même, le risque
d'indisponibilité à l'accès aux données peut
être élevé. Pour pallier ces risques, le PCA apporte une
solution pour assurer la continuité effective de l'activité.
Néanmoins la crise sanitaire, en raison de son
caractère multidimensionnel, engendre des indisponibilités plus
larges encore. En effet, en prenant pour exemple la crise sanitaire de la
COVID-19 et les mesures drastiques prises par les gouvernements, de nouvelles
problématiques ont émergé en matière de
continuité d'activité. Tout comme l'ont
révélé nos enquêtes qualitatives, et plus
spécifiquement encore dans le cadre de l'EFS, les organisations n'ont
pas anticipé les mesures de confinements imposées par les Etats.
Ainsi, les plans stratégiques pour maintenir l'activité s'en sont
vus bousculés. Le télétravail est rapidement apparu comme
une solution pertinente. Toutefois, pour assurer ce nouveau mode de travail, le
SI doit évoluer en ce sens.
En matière d'évolution du SI, l'instauration
d'un Cloud Computing semble incontournable pour permettre aux organisations de
sauvegarder leurs données tout en assurant leur exploitation en
période de crise. Le Cloud est un modèle dans lequel
l'organisation consomme des ressources informatiques de tous types tels que la
puissance de calcul, des serveurs, des applications ou de l'espace de stockage
et cela par internet. Il permet donc l'exploitation de l'ensemble de ces
ressources sans avoir d'infrastructures techniques qui seront chez le
fournisseur. Cela constitue un premier avantage puisque le cloud élimine
la nécessité d'investir dans du matériel et des logiciels
ainsi que dans la gestion et la sécurisation des données
stockées. En outre, le cloud est un service mesurable. Cela signifie que
le client et le fournisseur peuvent mesurer l'usage qui est fait des ressources
informatiques et permet donc au client d'évaluer financièrement
le coût de son utilisation du cloud. Par ailleurs, puisque les
données sont stockées sur un réseau étendu
(internet), le cloud permet une grande accessibilité et agilité.
Nous savons qu'en matière de continuité d'activité, ces
deux qualités sont essentielles car elles traduisent la capacité
d'une
75
organisation à réagir en période de
crise. Le fournisseur s'assure que le matériel soit
régulièrement mis à niveau pour offrir de réelles
performances dans le traitement des données faites par les clients. Il
est également possible d'héberger son cloud en privé afin
que l'ensemble des ressources soit utilisées de façon exclusive
par l'entreprise, dans un souci de protection des données. A ce titre,
le stockage des données dans un cloud revêt un double enjeu
puisqu'il permet à la fois de protéger les données et
pallier l'indisponibilité des SI lors d'une survenance de crise mais
aussi d'offrir une réponse rapide et efficace pour maintenir les
activités de l'organisation. L'hébergement des données en
Cloud peut se faire via de nombreux fournisseurs tels que Hostinger, Kamatera
ou encore CloudWays en France.
Puisqu'il permet d'avoir accès aux données de
l'organisation par un simple accès à Internet, le Cloud est la
réponse parfaite à la mise en place du télétravail.
Toutefois, pour protéger les transmissions de données entre les
serveurs et les collaborateurs en télétravail, une connexion
sécurisée doit être établit afin de sécuriser
ces données. Le Virtual Private Network (VPN) ou réseau virtuel
privé en français, est un dispositif pertinent en la
matière car il assure la confidentialité, le cryptage des
données ainsi que l'anonymat en ligne.
Afin d'assurer la bonne application de ces
éléments en période de crise sanitaire, il est primordial
de prendre en considération ces outils dès l'élaboration
d'un PCA. Cela signifie également que les collaborateurs doivent
être sensibilisés à leur existence et leur utilisation. Le
télétravail est une organisation de travail particulière
qui exige une réflexion bien en amont de son application. Sa seule mise
en place en urgence pour assurer la continuité de l'activité en
période de crise sanitaire n'est pas pertinent, d'autant que
l'équipement représente un coût pour l'organisation qui n'a
pas été anticipé et l'adaptation de l'individu à
télétravailler nécessite une formation. Sans ces
étapes essentielles, l'improvisation du télétravail peut
être source de RPS.
2. La cybersécurité
Au cours d'une crise sanitaire, l'ensemble des acteurs
économiques, bousculés par les évènements, se
concentrent en priorité sur le maintien de leur activité, les
process de productivité et la préservation de l'état de
santé de leurs collaborateurs. Cela fait apparaitre une faille critique
qui est celle de la cybersécurité. La cybersécurité
est un dispositif dédié à la
76
protection des données et l'intégrité des
ressources informatiques connectées ou installées sur un
réseau d'entreprise. Elle est destinée à défendre
ces ressources contre tous les cybercriminels.
En période de crise sanitaire, le déploiement
massif des solutions numériques tels que le télétravail,
les téléconférences, la télémédecine,
etc. pour pallier les mesures de confinement prises par les Gouvernements a
démultiplié les cyberattaques. Didier Schreiber, directeur
marketing chez Zsclaer, société mondiale de
sécurité de l'information basée sur le cloud, a
déclaré qu'au cours de la crise du coronavirus « une
augmentation de plus de 30 000% des attaques informatiques de type
hameçonnage, logiciels malveillants ou des sites malicieux qui ciblent
les télétravailleurs ». Pour illustrer ses propos, il ajoute
qu'en janvier ils ont constaté « 1200 attaques informatiques
liées au Covid-19... et on en était à 380 000
cyberattaques début avril ! ».
Outre l'utilisation d'un VPN pour protéger les
données d'une organisation, il est essentiel de protéger les
collaborateurs aux actes cybercriminels. Les postes informatiques des
télétravailleurs ont constitué des cibles bien plus
fragiles et attaquables que les serveurs surprotégés des
entreprises. Le point d'accès de ces pirates reposait sur le
caractère anxiogène de la crise sanitaire et par le biais de
phising et sites malveillants sur le thème de la COVID-19 ont
très rapidement pénétré les systèmes.
Pour optimiser la protection et la sauvegarde des
données de l'entreprise, il est important de sensibiliser les
collaborateurs sur les bonnes pratiques à adopter en matière de
sécurité, et notamment dans le cadre du
télétravail. Il est également important de
privilégier l'utilisation des outils numériques
déjà mis en place par l'entreprise et non pas s'orienter vers de
nouveaux logiciels méconnus de l'organisation qui peuvent
présenter des failles. Enfin, la dotation d'antivirus et pare-feu sur
l'ensemble des ordinateurs alloués aux télétravailleurs
constituent un investissement indispensable pour l'entreprise.
C. Vers un PCA résilient
La résilience d'une organisation est l'objectif final
de l'élaboration d'un PCA. Pour les organisations, la résilience
contribue à la performance en absorbant les chocs d'une crise. Elle
constitue une capacité nécessaire à la survie de
l'entreprise dans un environnement instable.
77
Toutefois, en période de crise sanitaire d'une ampleur
telle que celle que revêt la pandémie COVID-19, le processus de
résilience ne peut facilement se concrétiser. En effet, le climat
anxiogène toujours pesant de la crise et les difficultés à
retrouver un fonctionnement serein et habituel des activités entrave la
résilience.
Pour que le PCA atteigne cette finalité de
résilience, des dispositions élaborées bien en amont et
faisant l'objet d'actualisation régulière sont
nécessaires. Selon Gary Hamel et Liisa Valikangas, « la
résilience en tant que capacité à éviter la crise
est le résultat d'un apprentissage continu »1.
L'environnement d'une organisation est en constante
évolution, et cela même en période de crise sanitaire. En
effet, les décisions réglementaires prises par les
autorités sont susceptibles d'exiger des changements dans l'organisation
des entreprises. Un dispositif de veille permanente semble donc pertinent. Il
permet d'anticiper l'apparition de nouveaux risques sanitaires par le
décryptage d'informations sur le sujet. Une veille dans le domaine de
l'innovation fournira à l'entreprise les connaissances sur les nouveaux
outils de management en matière de continuité
d'activité.
Nous avons également relevé au cours de notre
étude que la réussite d'un PCA est fortement
corrélé à l'implication des acteurs, et tout
particulièrement de la Direction. A ce propos, Patrick Lagadec
défend l'idée « que seul un engagement réel des
dirigeants peut amener une organisation à apprendre d'une situation de
crise »2. A ce titre, l'ensemble des collaborateurs d'une
entreprise ont tout intérêt à participer
régulièrement à des formations permettant d'une part
d'élaborer des plans d'actions efficace pour le maintien des
activités, et d'autre part de leur fournir les connaissances et
compétences nécessaires pour les adapter. La professeure en
sociologie Mathilde Bourrier déclare à ce sujet que « la
résilience passe par une grande vigilance quant à la bonne
intégration et la compréhension du personnel »3.
Cela appui l'idée que les collaborateurs doivent être
sensibilisés et accompagnés pour contribuer à la
résilience de l'organisation.
1 Gary Hamel & Liisa Valikangas, (2003), «
The quest for resilience », Harvard Business Review.
2 Patrick Lagadec, (1995), « Cellule de crise-les
conditions d'une conduite efficace ».
3 Mathilde Bourrier, (2001), « Organiser la
fiabilité ».
78
Conclusion
La crise sanitaire de la COVID-19 a apporté une
nouvelle dimension à la notion de gestion de crise à laquelle
l'ensemble des entreprises ont dû se confronter. Son caractère
inédit, multidimensionnel et incertain dans l'espace et le temps a
bouleversé les activités des organisations qui n'aurait jamais
imaginé être un jour confrontées à ce type
d'évènement. Qu'elles aient déjà adopté un
Plan de Continuité d'Activité (PCA) ou pas, le maintien de leurs
activités critiques a été ébranlé. L'ampleur
est telle que l'Union Européenne a décidé d'adopter un
Plan de Relance de 750 milliards pour aider les pays membres à relever
leur économie. Ce financement permet dans un premier temps de
sauvegarder les productions nationales et par là même les emplois,
mais également de prévenir l'inévitable crise
économique qui suit la crise sanitaire.
Ces différents éléments nous ont conduit
à nous questionner l'efficacité du PCA en réponse à
une crise sanitaire.
Afin de répondre à cette question, nous avons
analysé la littérature consacrée à ce sujet qui
nous a éclairé sur les méthodes existantes
d'élaboration et d'application d'un PCA. En complément de nos
recherches nous avons réalisé une enquête qualitative
auprès de trois entreprises de secteurs d'activité
différents dans le souhait d'avoir une vision concrète de
l'application d'un PCA au cours de la pandémie COVID-19. Il
s'avère que pour chacune des organisations interrogées, le PCA a
permis la survie de leur activité.
Notre étude a fait ressortir qu'une application stricto
sensu d'un PCA ne garantit pas le maintien effectif de l'activité de
l'organisation. Sa réussite est dépendante de la manière
dont le PCA est élaboré et est réellement appliqué
en période de crise. En effet, il apparait indispensable de prendre en
compte un certain nombre de paramètres pour que le PCA atteigne les
objectifs attendus. Sur le volet humain, cela passe avant tout par la
volonté de la direction de fédérer le personnel dans ce
projet et par l'implication de l'ensemble des collaborateurs. Par ailleurs, une
continuité d'activité ne peut se faire sans un accompagnement
technologique adapté et facilement déployable. Se rajoutent bien
sûr des actions autres mais toute aussi importantes qui apportent des
éléments complémentaires et essentiels à
l'élaboration et l'application du PCA en réponse à une
crise sanitaire telles qu'un dispositif de veille sur l'évolution de
l'environnement externe de l'entreprise, une attention toute
particulière à l'apparition des risques psychosociaux, ou encore
une actualisation régulière et rigoureuse du PCA en
intégrant les risques sanitaires toujours plus prégnants.
79
Table des matières
Introduction 5
Section 1 : Les enjeux d'une gestion de crise sanitaire en
entreprise
I. La crise sanitaire 8
A. La notion de crise au sens large 8
1. Définition 8
2. Les phases et typologies d'une crise 10
3. Crise et incertitude 14
B. Notion de crise sanitaire 16
1. Définition d'une crise sanitaire 16
2. Du signal d'alerte à la notion de crise sanitaire
18
3. Les acteurs qui veillent à la crise sanitaire 21
C. Les impacts et conséquences d'une crise sanitaire 25
1. Crise sanitaire : crise prévisible ? 25
2. Crise sanitaire : nos modes de vie remis en question ? 26
3. Les conséquences multiples d'une crise sanitaire 26
II. Le Plan de Continuité d'Activité 29
A. Le PCA - Origine 29
1. Les premières normes 29
2. Aspect réglementaire 31
B. Norme ISO 22 301 33
1. Origine de la norme ISO 22 301 33
2. Méthodologie de la norme ISO 22 301 35
C. Le Plan de Continuité d'Activité en
réponse à la crise sanitaire 41
1. Le PCA : un outil qui se veut préventif 41
2. Le PCA face à la complexité et la virulence des
récentes crises sanitaires 42
III. Le PCA en période de crise sanitaire 44
A. Le PCA : un outil managériale expérimenté
44
1. Les facteurs de réussite du PCA 44
80
2. REX et PCA 47
B. Le PCA : le dévoiement de l'outil de ses réelles
finalités 49
1. Les limites intrinsèques au PCA 49
2. Le dévoiement du PCA de ses finalités
53 Section 2 : Démarche empirique et résolutions
managériales
I. Analyse de terrain : le défi de l'application du PCA
dans le cadre de la crise sanitaire de la COVID-
19 56
A. La crise sanitaire de la COVID-19 56
B. Méthode utilisée : les entretiens semi directifs
58
1. Choix de la méthode 58
2. Déroulement des entretiens semi directifs 60
C. Analyse des résultats 61
1. Le PCA en réponse à la crise COVID-19 61
2. La conduite de projet du PCA 63
3. Retour d'expérience de mise en oeuvre d'un PCA face
à la crise de la COVID-19 65
II. Préconisations managériales en vue d'une
évolution du PCA en matière de crise sanitaire 67
A. Dimension humaine 67
1. Le capital humain 67
2. L'intelligence collective comme facilitateur de
l'élaboration et l'application d'un PCA 68
3. La conduite au changement 70
B. Dimension technologique et informatique 73
1. Cloud Computing et télétravail 73
2. La cybersécurité 75
C. Vers un PCA résilient 76
Conclusion 78
81
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84
Résumé :
Ces dernières décennies, les organisations ont
dû faire face à une multiplication des risques économiques,
environnementaux, technologiques, humains ou sanitaires. Cela a conduit les
entreprises à instaurer une véritable gestion des risques pour
anticiper d'éventuelles crises susceptibles de mettre en péril
leur survie. Le Plan de Continuité d'Activité (PCA) apparait
alors comme un outil pertinent et adapté pour les organisations afin
d'anticiper et surmonter de potentielles crises. Cet instrument, non
obligatoire à ce jour, semble toutefois essentiel dans la vie d'une
entreprise.
La littérature abondante semble démontrer que le
PCA est l'outil adéquat pour faire face à toute crise. Or, la
crise sanitaire actuelle de pandémie COVID-19 remet quelque peu en cause
l'efficacité de sa contribution à minimiser les impacts d'une
crise d'une telle ampleur.
Pour cerner véritablement les enjeux et les limites
d'un PCA dans le cadre d'une crise sanitaire, une enquête qualitative a
été réalisée auprès de trois organisations.
L'analyse des résultats a permis de mettre en évidence que la
mobilisation des acteurs autour de l'élaboration du PCA est plus
efficace encore que l'adoption effective de l'outil en période de
crise.
Abstract :
In recent decades, organisations have had to deal with an
increasing number of economic, environmental, technological, human or health
risks. This has led companies to implement real risk management to anticipate
possible crises that could jeopardize their survival. The Business Continuity
Plan (BCP) then appears as a relevant and adapted tool for organisations to
anticipate and overcome potential crises. This instrument, which is not
mandatory to date, seems however essential in the life of a company.
The abundant literature seems to show that the PCA is the
right tool to deal with any crisis. However, the current health crisis of the
COVID-19 pandemic somewhat calls into question the effectiveness of its
contribution to minimising the impacts of a crisis of such magnitude.
In order to truly identify the challenges and limits of a BCP
in the context of a health crisis, a qualitative survey was carried out among
three organisations. The analysis of the results showed that the mobilisation
of stakeholders around the development of a BCP is even more effective than the
actual adoption of the tool in times of crisis.
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