Réflexion sur le processus de démocratisation en Afrique. Cas de la république démocratique du Congo.( Télécharger le fichier original )par Christophe Zamba Mungongo Université libre De Kinshasa - Licence en droit public 2012 |
Introduction généraleLe titre du présent travail constitue une incitation au lecteur à suivre l'évolution politique de l'Afrique de manière générale et plus particulièrement celle de la RDC. Notre introduction se consacrera d'abord, à une problématique (I), après, les hypothèses de recherche (II), suivit du choix et de l'intérêt du sujet (III), ensuite, la délimitation du travail (IV), et la méthodologie (V), enfin, le plan sommaire (VI). I. ProblématiquePoser la problématique d'un sujet de recherche revient à s'interroger sur la question ou les questions sur lesquelles le chercheur aimerait apporter des éclaircissements ou des réponses (différentes toutefois d'une solution définitive). En fait, il ne s'agit pas tant d'apporter une réponse que de la construire progressivement, en approfondissant la question initiale. Il importe en ce qui nous concerne, de faire une « réflexion sur le processus de démocratisation enAfrique, cas de la RDC », de donner une vue panoramique sur ledit processus, son bilan, ses blocages et le cas échéant de trouver des thérapeutiques appropriées. En effet, le projet démocratique en RDC est un chantier en perpétuel recommencement. Bien que les efforts les plus importants en matière de construction d'une société démocratique aient été réalisés au cours des dix dernières années, la quête pour une meilleure société démocratique est plus vieille. Les élections communales de 1957, réalisées à titre expérimental, s'étaient déroulées dans un cadre colonial de dominant-dominé. Les élus issus de ces élections étaient donc soumis à certaines contraintes dans l'exercice de leur mandat.2(*) De même, les élections législatives nationales et les élections présidentielles, au second degré, qui ont conduit en 1960 à la première assemblée législative et à la formation du premier gouvernement n'ont assuré ni la stabilité des institutions, ni la paix à notre peuple. L'ignorance, l'impréparation politique ou la mauvaise application du projet démocratique a parfois constitué un élément catalyseur aux périodes les plus tragiques de l'histoire post coloniale de la RDC. La révocation du premier ministre élu E. Patrice Lumumba le 5 septembre 1960, suivie de son assassinat en janvier 1961, a déclenché une avalanche de violations des règles de la représentativité démocratique qui sont à l'origine de la longue crise politique, des sécessions et des guerres civiles entre 1960 et 1964.2(*) Le mépris de la majorité issue des élections démocratiques de mai et juin 1965 a fait le lit du coup d'Etat militaire de novembre 1965 qui a préparé les 25 ans de dictature de Mobutu.Ecartée du système de gouvernance pendant la période la plus longue de l'histoire post coloniale de la RDC, la démocratie fait aujourd'hui l'objet de désirs intransigeants de la part des citoyens. Nous pouvons compter plus d'une trentaine d'années, que plusieurs pays d'Afrique parmi lesquels la RDC, ont vécu des systèmes monolithiques et totalitaires. Mais, avec le vent de la pérestroïka, la pression des mouvements estudiantins et de la société civile, la plupart d'entre eux se sont résolus à s'engager sur la voie du changement devant les conduire à l'instauration de sociétés démocratiques où l'exercice des droits fondamentaux sera effectif et le progrès possible. C'est ainsi que le processus démocratique interrompu par le coup d'Etat du 24 novembre 1965 refit surface le 24 avril 1990. Dans cet ordre d'idée, le processus actuel a débuté le 24 avril 1990 lorsque le président Mobutu Sese Seko a annoncé une série de réformes, parmi lesquelles la fin du régime de parti unique, l'ouverture au multipartisme, la séparation des pouvoirs, le pluralisme syndical et la fixation d'une période de transition vers un régime démocratique. Il a ensuite accepté l'initiative de l'opposition de convoquer le 15 juillet 1991, une conférence nationale souveraine regroupant plus de 2000 délégués des partis politiques, d'organisations de la société civile et de divers groupements socioprofessionnels chargés de dresser le bilan de la gouvernance au Congo depuis son indépendance et de définir l'agenda de la période de transition. La mise en oeuvre effective du processus de transition défini par la CNS avait connu d'énormes difficultés dues principalement aux nombreux désaccords entre acteurs politiques sur ses échéances et son contenu. Ce processus a finalement été interrompu par les crises politiques provoquées par les guerres civiles qui se sont succédé entre 1996 et 2002.Le sentiment de frustration des aspirations démocratiques a souvent été donné pour explication à l'adhésion d'une frange importante de citoyens aux rebellions armées. Plus récemment, la demande d'instaurer une démocratie fondée sur les libertés fondamentales a été avancée parmi les justifications aux crises et conflits politiques violents qui ont successivement endeuillé le pays entre 1996 et 2002 et figure aussi parmi les éléments caractérisant les efforts déployés en RDC au cours des dix dernières années pour rompre avec un passé par des guerres civiles et un régime dictatorial. Cette demande se justifie par des accords politiques successifs conclus par les belligérants pour mettre fin à ces guerres civiles en vue de restaurer la démocratie et de promouvoir la paix.En plus des belligérants et du gouvernement de Kinshasa, les délégués de la société civile et des partis politiques ont été invités à prendre une part active à ces négociations de paix, appelées aussi : « dialogue inter congolais », qui s'est déroulé en Afrique du sud entre avril et décembre 2002. L'accord global et inclusif conclu à Pretoria le 17 décembre 2002 par les participants est largement crédité pour avoir non seulement mis fin à la seconde vague de conflits armés débutée en 1998, mais aussi et surtout pour avoir déclenché un processus de transition vers la démocratie, en mettant en place les institutions de transition, le cadre institutionnel pour l'organisation des élections, ainsi que la procédure d'élaboration et d'adoption d'une nouvelle constitution. La constitution du 18 février 2006, adopté par référendum organisé en décembre 2005, instaure un cadre démocratique mettant en place des procédures assurant une séparation effective des pouvoirs entre les institutions représentant les trois pouvoirs classiques, tout en garantissant leur bon fonctionnement. A côté de ces institutions classiques, la constitution prévoit des institutions d'appui à la démocratie chargées de veiller au respect des mécanismes de contre poids démocratiques et de conduire des élections transparentes. Ces procédures démocratiques sont néanmoins confrontées à un défi majeur d'effectivité quelques années seulement après l'entrée en vigueur de la nouvelle constitution.Les institutions d'appui à la démocratie ont des difficultés à jouer leur rôle de veille démocratique et voient, pour certaines, leur crédibilité sérieusement mise en doute. En particulier, la commission électorale a des difficultés à maintenir le même niveau de crédibilité et de professionnalisme dont elle a joui à l'occasion de la gestion des élections de 2006. Le parlement, hormis sa mission d'élaborer et de voter des lois, il a aussi exercé son rôle de contrôle sur l'exécutif, mais avec une effectivité de plus en plus incertaine. Sa crédibilité comme institution indépendante de contre poids est, en plus, constamment questionnée au vu de l'emprise de plus en plus évidente qu'exerce l'exécutif, à travers le parti au pouvoir, sur la majorité parlementaire. En dépit du vote d'une loi sur le statut de l'opposition politique, le rôle que devrait jouer les partis politiques de l'opposition comme force de propositions et de critiques, est limité par leur manque de ressources et l'absence de démocratie en leur sein. Depuis lors, malgré la volonté réellement exprimée par la population de s'engager effectivement sur le chemin de la démocratisation, le changement voulu s'accompagne de tensions, heurts et accrocs.2(*) Au regard de ce tableau désolant, tout laisse à croire que la démocratie n'est pas faite pour les congolais. C'est la raison pour laquelle nous allons dans le cadre de notre travail, analyser le processus démocratique sur base des questions suivantes : Ø Pourquoi les congolais ont-ils opté pour la démocratie, quelle démocratie, et comment la faire advenir ? Ø Comment les congolais pensent-ils construire une infrastructure démocratique appropriée, un Etat où la normalité serait le substrat référentiel absolu pour tous et la chose publique gérée rationnellement en fonction des aspirations des populations ? Ø Quelle analyse pouvons-nous faire du processus démocratique en RDC, 23 ans après son lancement ? Ø Le peuple congolais n'est-il pas à la fois auteur et victime de sa passivité et de sa complicité dans la gestion de la chose publique par ses dirigeants politiques ? Ø Quelle thérapeutique appropriée faut-il proposer pour curer cette endémie en RDC ? Telles sont les questions auxquelles notre analyse essayera de répondre anticipativement par des hypothèses que nous pourrons inspecter plus tard pour y parvenir à une conclusion conséquente. * 1SabakinuKivilu, Démocratie et paix en RDC, Kinshasa, PUK, 1999, p11. * 2P. NgomaBinda, J. OtemikongoMandefuYahisule, Leslie MoswaMombo, Démocratie et participation à la vie politique: une évaluation des premiers pas dans la troisième république, SouternAfrica, Open Society, 2010, p. 2. * 3B. HamuliKabaruza, Reconstruction et démocratisation de la RDC, Kinshasa, CNONGD, 1997, p. 11. |
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