III.2. Discussion
L'exploitation de l'or (industrielle et artisanale) est
aujourd'hui une menace réelle pour la survie des chimpanzés dans
la région de Kédougou. En effet, elle contribue à la
destruction de l'habitat des chimpanzés. Ces mêmes constats ont
été montrés par Badji (2013) qui affirme que l'orpaillage
est l'un des plus importants facteurs de dégradation et de pollution de
l'habitat des chimpanzés, et s'étend jusqu'aux galeries
forestières considérées comme les principales zones
d'habitats des chimpanzés à Fongoli.
En plus de la destruction progressive des habitats et
l'utilisation anarchique de produits chimiques, on assiste à une
arrivée massive de populations étrangères qui sont des
consommateurs potentiels de viande sauvage. Ceci augmente les risques de
braconnage des chimpanzés. D'après Ndiaye (1999), les populations
de Kédougou ne consommaient pas la viande de chimpanzé. Ce qui
contribuait beaucoup à sa conservation au Sénégal. Mais,
avec le contexte actuel, il y a lieu de s'inquiéter si des mesures
idoines de gestion ne sont pas prises.
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Les résultats d'analyse des eaux des principaux sites
d'exploitations de l'or présentent des teneurs moyennes en mercure
élevées avec par exemple une valeur maximale de 1100ng/L, tandis
que les eaux des sites non impactés par l'orpaillage (PNNK)
présentent des teneurs faibles avec des valeurs constantes de 100ng/L.
Les concentrations obtenues sont cependant inférieures aux normes
internationales recommandées sur la qualité des eaux de surfaces
et supérieures à celles trouvées au Ghana (28,7 à
420,3 ng/L ; Donkor et al, 2006), au Burkina Faso (0,38 à 21,38
ng/L ; Ouédraogo et al, 2013), en Afrique du Sud (0,01 à
253 ng/L ; Lusilao-Makiese et al, 2013) et au Guyane française
(5 à 30 ng/L ; Boudou et al, 2006b). Nos résultats
semblent montrer des concentrations en mercure beaucoup plus
élevée au niveau des points d'eau proches des sites
d'orpaillages. Ces données s'accordent avec les résultats de
Niane (2014), qui montrent des concentrations plus élevées (973,8
ng/L) sur les sites du fleuve Gambie proche des lieux de traitement de l'or.
Ces observations peuvent être expliquées par la libération
directe du mercure élémentaire utilisé pendant le
processus de fusion par les orpailleurs. En effet, le chauffage de l'amalgame
or-mercure à l'air libre sans aucune forme de recyclage ainsi que le
rejet des déchets après traitement par les orpailleurs,
libèrent le mercure dans l'environnement (Guedron et al,
2009).Van Straaten (2000) a pu montrer par des études de flux de
matières au niveau des sites d'orpaillage en Tanzanie et au Zimbabwe que
la majorité du mercure (60%) est perdu sous forme liquide avec les
déchets miniers et le reste (40%) lors du brûlage de l'amalgame
pour enlever l'excès de mercure. Le mercure ainsi libéré
est source de pollution de l'air, du sol, des eaux et des sédiments des
zones proches des sites d'orpaillage.
Nos résultats concernant les teneurs en mercure dans
les différents sites du village de Djédji évoluent de
façon similaire à celles obtenues au niveau des sites non
impactés par l'orpaillage (PNNK). Ceci est à mettre en relation
probablement avec la distance entre les lieux de traitement de l'or et les
sites concernés, bien vrai que dans cette zone l'orpaillage a
été suspendu depuis plusieurs mois. En effet il existe une
distance très importante entre les sites ou le traitement de l'or est
effectué et les points d'eau concernés. Dans ces circonstances la
contamination ne peut s'effectuer que par les retombés
atmosphériques. Cette idée est renforcée par les
études de Fitzgerald et al (1998), qui soutiennent que
l'enrichissement des couches superficielles en mercure dans les zones
éloignées de toute source directe de contamination est
plutôt lié aux apports atmosphériques d'origine
anthropique.
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Cependant, d'autres facteurs du milieu peuvent affecter le
dépôt du mercure sur les eaux de surfaces (absorption par les
sédiments, les végétaux, les sels dissous et les
matières organiques (Stumm et Morgan, 1981).
Nos résultats ont également montré au
niveau des sites de Fatiko et Keur Wani dioura du village de Fongoli et dans le
site de Sopala Balengoma du village de Kharakhéna, des concentrations en
mercure supérieures à celles obtenues dans les sites non
impactés par l'orpaillage (PNNK). Cela s'explique par une source de
contamination directe. En effet ces zones sont très proches des sites
d'exploitation minière avec un niveau d'eau moyen et une quantité
importante en sédiment. Ces sédiments proches des lieux de
traitement de l'or présentent de fortes concentrations en mercure total
(Niane et al, 2014). Ainsi, le mercure retenu par ces sédiments
pourrait être sources de contamination de la colonne d'eau superficielle
lors de leur libération.
Les concentrations en mercure trouvées dans les sites
de Fatiko, Keur Wani dioura et sopala Balengoma des villages de Fongoli et
Kharakhéna, bien que inferieures au normes internationales
recommandées sur la qualité des eaux pourraient constituer un
réel danger pour les chimpanzés grâce à l'effet
cumulatif du mercure au cours du temps. En plus les sites de Fatiko et Keur
Wani dioura sont considères comme les principales sources
d'approvisionnement en eau pour les chimpanzés vivant à Fongoli
(témoignages d'un guide de Fongoli).
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