UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR
FACULTE DES SCIENCES ET TECHNIQUES
Département de biologie animale
Année : 2015 Numéro : 282
IMPACTS DE L'EXPLOITATION ARTISANALE DE L'OR
SUR LA CONSERVATION DU CHIMPANZE AU SENEGAL
Mémoire de Diplôme de Master II en Biologie
Animale
Spécialité : ECOLOGIE ET GESTION DES
ECOSYSTEMES
Présenté et soutenu le 08 mars 2016 à
15h
Au Département de Biologie Animale
Par
M. Massylla NDIAYE
Né le 13 Janvier 1989 à Pikine
MEMBRES DU JURY
Présidente : Mme Constance AGBOGBA, Maître de
conférences (FST/UCAD).
Membres : M. Cheikh Tidiane BA, Professeur titulaire
(FST/UCAD).
M. Papa Ibnou NDIAYE, Maître-assistant (FST/UCAD)
M. Abdoulaye Baïla NDIAYE, Maître de recherches
(IFAN/UCAD)
M. Taïbou BA, Naturaliste / Ecologiste (Centre de Suivi
Ecologique)
DEDICACES
Je dédie ce modeste travail à :
> Ma maman Aminata Ngom et à
mon défunt père Alioune Badara NDIAYE (qu'Allah
l'accueille dans son paradis) qui ont beaucoup fait pour moi ;
> Ma grande soeur Maguette NDIAYE et son mari
Ousmane THIAM, pour leur soutien indéfectible. Que DIEU
récompense vos oeuvres et vous prête longue vie chargée de
bonheur et de bonne santé ;
> Mes frères et soeurs (Mamadou Sarr
NDIAYE, Mamadou NDIAYE, Thiane NDIAYE), ainsi qu'à tous les membres de
la famille, pour leur encouragement et leur soutien de tous les jours ;
> Mon oncle Ngagne Gueye pour son soutien et
ses conseils ;
> Tous mes amis, que notre amitié soit
éternelle ;
> Mes promotionnaires du Master biologie
Animale ;
> A tous les professeurs du
Département de Biologie animale.
Toutes les personnes, qui ont
participé de près ou de loin à nôtre
éducation et à nôtre apprentissage.
REMERCIEMENTS
Je rends grâce à Allah le tout puissant pour nous
avoir donné la santé, la volonté, la force
d'étudier et de travailler pour la rédaction du présent
mémoire.
Je tiens d'abord à remercier le Dr Papa Ibnou
NDIAYE et Dr Stacy Marie LINDSHIELD pour nous avoir
proposé ce sujet et accepté de nous encadrer, pour leur
disponibilité et leur efficacité dans ce travail.
Ce travail a été effectué dans le cadre
du projet « Assessment of Mercury Contamination in the Drinking water
supply of Senegal's Endangered Chimpanzee » financé par The Rufford
Small Grants for Nature de la Fondation Rufford.
Mes remerciements vont également à l'endroit de
Kelly BOYER ONTL et Todd ONTL pour leur aide et leur
implication dans ce travail.
J'adresse mes remerciements, tout particulièrement au
Professeur Cheikh Tidiane BA et à Mme Constance
AGBOGBA qui ont bien voulu participer à l'encadrement de ce
travail et à son évaluation. Leurs conseils et leur rigueur dans
le travail ont été à l'origine de l'admiration que nous
éprouvons pour eux. Je remercie également tous les membres du
jury d'avoir accepté de nous accorder une partie de leur temps pour
juger notre travail.
Je remercie aussi les Professeurs Jill PRUETZ
et Pape Mbacké SEMBENE pour leurs
enseignements, leurs conseils et leur disponibilité.
Je tiens à exprimer toute ma gratitude à
ma famille dont le soutien a été essentiel tout au long
de mes études et particulièrement au cours de ce travail.
Je remercie tous ceux, qui de près ou de loin, ont
participé à la réalisation de ce travail sans
oublier Landing BADJI, Dondo KEITA, Michel SADIAKHO,
Saiba KEITA et Toumany KEITA ainsi que tous les habitants des villages
de Fongoli, Djédji et Kharakhéna qui ont facilité mon
intégration et mes travaux de terrain.
Enfin, je remercie du fond du coeur tous mes camarades
de ma promotion de la Faculté de Sciences et Techniques avec
qui j'ai passé des moments inoubliables aussi bien dans les amphis que
dans le campus social.
SOMMAIRE
INTRODUCTION 1
CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE 3
I.1. Zones d'études 3
I.1.1. Localisation 3
I.1.2. Caractéristiques biophysiques 3
I.1.2.1. Climat et température 3
I.1.2.2. Relief et sol 4
I.1.2.3. Hydrographie 5
I.1.2.4. Végétation 5
I.1.2.5. Faune 6
I.1.3. Caractéristiques démographiques 6
I.2. L'orpaillage à Kédougou 7
I.3. Le mercure 7
I.3.1. Généralités sur le mercure 7
I.3.2. L'utilisation du mercure dans l'orpaillage 8
I.3.3. La Toxicité du mercure 9
I.4. Le Chimpanzé 10
I.4.1. Généralités sur le Chimpanzé
10
I.4.2. Répartition géographique et menaces 10
CHAPITRE II : MATERIEL ET METHODES 12
II.1 Matériel 12
II.2. Méthodes 12
II.2.1. Enquêtes et observations 13
II.2.2. Identification des sites d'échantillonnages 13
II.2.3. Technique de prélèvement d'eau 14
II.2.4. Conservation des prélèvements 14
II.2.5. Analyse de l'eau 15
CHAPITRE III : RESULTATS ET DISCUSSION 16
III.1. Résultats 16
III.1.1. Les sites d'orpaillages (diouras) 16
III.1.1.1. Présentation et description des sites
d'orpaillages 16
III.1.1.2. Extraction de la roche et récupération
de l'or 17
III.1.2. Impacts de l'orpaillage sur les habitats des
chimpanzés 18
III.1.3. Impact de l'utilisation du mercure par les orpailleurs
sur les eaux 21
III.1.3.1. Les teneurs en mercure des eaux du PNNK 22
III.1.3.2. Les teneurs en mercure des eaux de Kédougou
22
III.1.3.3. Les teneurs en mercure des sites des différents
villages 23
III.2. Discussion 25
CONCLUSION, PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS 28
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 29
WEBOGRAPHIES 32
LISTE DES ABREVIATIONS
i
ANACIM : Agence nationale de l'aviation civile
et de la météorologie du Sénégal ANSD :
Agence nationale de la statistique et de la démographie
CITES: Convention on international trade in
endangered species of fauna and flora
DNACPN : Direction nationale de l'assainissement
et du contrôle des pollutions et des
nuisances
IAEA : Agence internationale de l'énergie
atomique
OMS : Organisation mondiale de la
santé
ONUDI : Organisation des nations unies pour le
développement industriel
PASMI : Programme d'appui au secteur minier
PIC : Plan d'investissement communal
PNNK : Parc national du Niokolo Koba
UE : Union européenne
UICN : Union internationale pour la conservation
de la nature
UNEP : United nations environment programme
USA : Etats Unis d'Amérique
LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX
II
LISTE DES FIGURES
Figure 1: Localisation des zones d`études
3
Figure 2: Moyenne mensuelle pluviométrie
à Kédougou de 1985 à 2014 4
Figure 3: Variation interannuelle de la
pluviométrie à Kédougou de 1986 à 2014 4
Figure 4: (a) Fleuve Gambie ; (b) Point d'eau
à Kharakhéna 5
Figure 5: Le cycle biogéochimique du
mercure 9
Figure 6: Le Chimpanzé Pan troglodytes
verus 11
Figure 7: Localisation des sites
échantillonnés dans la région de Kédougou 13
Figure 8: Prélèvement d'un
échantillonnage d'eau 14
Figure 9: Le dioura de Fongoli (a) ; le dioura
de Kharakhéna (b) 17
Figure 10: Les différents processus
utilisés pour le traitement de l'or 18
Figure 11: Schéma simplifié du
principe de récupération de l'or par les orpailleurs à
Kédougou 18
Figure 12: Puits miniers abandonnés 19
Figure 13: Moulin broyeur 20
Figure 14: L'abattage des arbres par les
orpailleurs 20
Figure 15: Teneurs moyennes en mercure (ng/L)
dans le PNNK 22
Figure 16: Les teneurs moyennes en mercure entre
les sites orpaillés (Kédougou) et non
orpailllés (PNNK) 23 Figure 17:
Comparaison des teneurs moyennes en mercure entre les sites de Djédji et
le
PNNK. 23 Figure 18: Comparaison des teneurs
moyennes en mercure entre les sites de Fongoli et le
PNNK. 24 Figure 19: Comparaison des teneurs
moyennes en mercure entre les sites de Kharakhéna et le
PNNK 24 Figure 20: Comparaison des teneurs en
mercure entre les villages de Djédji, Fongoli et
Kharakhéna 25
LISTE DES TABLEAUX
Tableau I: Teneurs moyennes en mercure (ng/L)
des eaux analysées 21
Tableau II: Normes relatives à la
qualité des eaux 21
III
Tableau III: Statistiques
générales sur les teneurs en mercure (ng/l) des points d'eau de
la
région de Kédougou et du PNNK 22
INTRODUCTION
1
L'exploitation des ressources minières, en particulier
l'or, est une pratique très ancienne en Afrique de l'ouest et au Sahel
(Mbodj, 2011). Elle a, tout au long de l'histoire, constitué la base de
la richesse et/ou de la puissance de nombreux empires et royaumes de la
sous-région (Keita, 2001).
Au Sénégal cette activité remonte
à plusieurs siècles dans la région de Kédougou,
comme l'indiquent de nombreux témoignages, récits d'habitants et
travaux de recherche (Mintech International, 2004).
Pendant plusieurs siècles, l'exploitation de l'or a
été exclusivement réalisée de manière
artisanale, au sein des communautés plus ou moins petites, et
essentiellement en dehors des périodes de culture comme la saison
sèche. De ce fait, cette forme traditionnelle d'exploitation aboutissait
à la production de faibles quantités d'or par rapport aux
potentialités existantes et demeurait aussi moins néfaste pour
l'environnement naturel.
Mais aujourd'hui, partout dans la région de
Kédougou, l'orpaillage a pris un autre visage, et surtout un rythme plus
soutenu et plus accéléré favorisant l'utilisation de
nouvelles techniques susceptibles d'avoir des impacts négatifs sur
l'environnement et la faune.
Pour le moment, quelques études ont été
réalisées et publiées sur les risques sanitaires et
environnementaux liés à l'extraction de l'or à petite
échelle communément appelée orpaillage en Afrique. Par
contre au Sénégal, il n'existe que peu de données sur ce
thème (Butaré et Keita, 2010 ; Sow, 2010 ; PASMI, 2009 ; Niane,
2014).
L'objectif général de notre étude est de
mettre en exergue l'impact de l'orpaillage sur la conservation du
Chimpanzé au Sénégal. Pour cela, nous avons comme
objectifs spécifiques :
? D'identifier les impacts de l'orpaillage sur l'environnement
immédiat des chimpanzés, ? De déterminer le niveau de
contamination par le mercure des sites
d'approvisionnement en eau pour les chimpanzés afin
d'évaluer les risques potentiels
d'empoisonnement.
L'ensemble de ce mémoire se compose de trois chapitres
:
Le premier chapitre est consacré à la
synthèse bibliographique sur l'orpaillage, le mercure et le
Chimpanzé au Sénégal ;
2
Le second chapitre décrit le matériel et les
méthodes utilisés pour cette étude ;
Le troisième chapitre est consacré à la
présentation et la discussion de nos résultats, suivi d'une
conclusion, des recommandations et des perspectives.
CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
3
I.1. Zones d'études I.1.1.
Localisation
Notre étude s'est déroulée à
Bandafassi et à Saraya dans les villages de Fongoli (12°40'985N,
12°13'662W), Djédji (12°40'537N ,12°10'680W) et
Kharakhéna (12°54'462N, 11°31'161W) situés dans la
région de Kédougou, au Sud Est du Sénégal (Figure
1).
Figure 1: Localisation des zones
d`études (source :
www.gadm.org)
I.1.2. Caractéristiques biophysiques I.1.2.1. Climat
et température
La région de Kédougou est
caractérisée par un climat de type soudanien qui se traduit par
une alternance de deux saisons très contrastées : une saison
sèche de novembre à mai et une saison des pluies de juin à
octobre (Figure 2). C'est l'une des zones du pays les mieux arrosées
avec une pluviométrie moyenne (Figure 3) supérieure à 1000
mm (Pruetz et Bertolani, 2009 ; ANACIM, 2015), et une humidité moyenne
annuelle pouvant aller jusqu'à 80% pour les valeurs maximales et 40%
pour les valeurs minimales (ANACIM, 2015).
4
Les températures sont généralement
élevées dans la région en raison de la
continentalité avec des maximas pouvant osciller entre 34°C et
38°C entre mars et avril et des minimas de 21° à 25°C au
mois de janvier (ANACIM, 2015).
Pluie (mm)
|
350 300 250 200 150 100 50
0
|
|
Figure 2: Moyenne mensuelle
pluviométrie à Kédougou de 1985 à 2014 (source :
ANACIM, 2015)
1600
1986 1990 1994 1998 2002 2006 2010 2014
pluie(mm)
1400
1200
1000
400
800
600
200
0
Cumul annuel
Moyenne annuelle
Figure 3: Variation interannuelle de la
pluviométrie à Kédougou de 1986 à 2014 (source :
ANACIM, 2015)
I.1.2.2. Relief et sol
Le relief de la région est le plus accidenté du
pays avec un point culminant de 581 m à Sambangallou au sud. Il est
essentiellement constitué par des collines entrecoupées par des
plateaux et des vallées qui constituent les principales zones de culture
(Ba et al., 1997). Les sols sont formés sur un socle primaire
ou roche volcano- sédimentaire. Ils se répartissent en plusieurs
types avec une prédominance des sols peu évolués
d'érosion gravillonnaire et des sols ferrugineux tropicaux (PIC, 2012 ;
ANSD, 2012).
5
I.1.2.3. Hydrographie
La région dispose de nombreux ruisseaux et des marigots
temporaires à côté des cours d'eau pérennes dont les
principaux sont la Falémé à l'Est et le fleuve Gambie et
ses affluents (ANSD, 2012 ; Niane, 2014). La Gambie (Figure 4a) et la
Falémé qui constituent les deux grands fleuves entrent en
étiage par endroits et jouent un rôle important dans le
développement local (agriculture, alimentation en eau des hommes et du
bétail). Il existe également des points d'eau permanents (Figure
4b) qui jouent un rôle très important sur la conservation de la
faune sauvage en particulier les chimpanzés, car ils constituent une
source d'approvisionnement en eau très importante durant la saison
sèche.
a b
Figure 4: (a) Fleuve Gambie ; (b) Point d'eau
à Kharakhéna (source : Massylla Ndiaye, 2015) I.1.2.4.
Végétation
La région renferme d'importantes ressources
forestières. Les formations végétales sont
caractérisées par des savanes boisées, des forêts
claires, des forêts sèches en voie de dégradation et des
forêts rupicoles situées le long des cours d'eau comme le fleuve
Gambie et la Falémé (Ba et al., 1997 ; ANSD, 2012). Ce
paysage est coupé par le relief accidenté qui multiplie les
habitats écologiques d'où l'importance de la flore qui est la
plus riche et la plus variée du Sénégal (ANSD, 2012). Ces
formations végétales constituent l'habitats de plusieurs
espèces. Ainsi, les petites zones de forêt galerie fournissent la
nourriture et l'abri aux chimpanzés (Pruetz, 2006).
En outre, selon Diouf (1999) deux types de groupements
végétaux caractérisent la région :
? Le groupement à Acacias seyal sur sol
argileux comprend des arbres de grandes tailles
tels les baobabs dominants (Adansonia digitata), des
fourrées (Guiera senegalensis,
6
Combretum glutinosum par exemple) et des
espèces épineuses comme Balanites aegyptiaca et Ziziphus
mauritiana ;
? Le groupement à Combretum glutinosum qui
peut varier d'une savane arbustive à une savane arborée.
Les espèces végétales potentiellement
menacées dans cette zone sont entre autres Pterocarpus erinaceus,
Cordyla pinnata, Borassus aethiopum (Niane, 2014) et Khaya
senegalensis.
I.1.2.5. Faune
La région représente l'un des derniers bastions
de la faune du Sénégal. En effet, selon Ba et al.
(1997), la faune animale est caractérisée par la
présence de grands herbivores bovidés (élan de Derby,
buffles, hippotragues), d'insectivores (hérissons et musa-raignes), de
Chiroptères (chauve-souris), de Lagomorphes (lièvres) et des
Rongeurs (ordre des Myomorphes). On note aussi la présence de grands
fauves félidés et hyénidés (lions,
panthères, hyènes tachetées), de petites antilopes
(masewel, guib harnaché, ourébi) et des singes (galagos,
cynocéphales, patas, cercopithieques). La région abrite
également une grande partie du PNNK (Parc national du Niokolo Koba) qui
joue un rôle important sur la conservation de la faune sauvage (ANSD,
2012).
I.1.3. Caractéristiques démographiques
La région de Kédougou concentre 1% de la
population du Sénégal avec une densité de huit (8)
habitants au km2. Cependant elle reste peu peuplée malgré une
forte migration observée ces dernières années, due
à l'exploitation intense de l'orpaillage et le début de
désenclavement de la zone, avec le bitumage de la route
Kédougou-Dialacoto en 1981 et Kédougou-Saraya en 1986 (ANSD,
2012). La population est estimée à 137485 habitants en 2012,
constituée majoritairement de femmes (52,3%) et de jeunes (les moins de
20 ans représentent 55,9% contre 2,2% pour les plus de 60 ans).
Malgré ses ressources minières et une bonne pluviométrie,
Kédougou reste l'une des régions les plus pauvres du
Sénégal avec 86% de la population qui vivent au-dessous du seuil
de pauvreté (ONUDI, 2009).
Sur le plan ethnique les groupes Pulaars et Mandingues
(Malinkés, Diakhankés, Bambaras) constituent les groupes les plus
représentés avec respectivement 41% et 34,2% de la population. Le
reste, 24,8% est partagé entre les populations autochtones
(Bédicks, Bassaris, Dialonkés, Koniaguis) et immigrées
pour raisons d'affectation ou d'affaires (ONUDI, 2009).
7
La région de Kédougou reste fortement une zone
rurale. La répartition de la population selon le milieu
révèle que 83,6% de la population vit dans la zone rurale. Le
taux d'urbanisation de 16,4% reste très faible. La population est
inégalement répartie entre les départements. Selon les
projections démographiques de l'ANSD (2012), 54,8% de la population sont
concentrées dans le Département de Kédougou, 29,4% dans le
Saraya et 15,8% dans Salémata.
I.2. L'orpaillage à Kédougou
L'exploitation artisanale de l'or, désignée
sous le terme d'orpaillage est pratiquée depuis longtemps dans plusieurs
villages de la région de Kédougou. Cette activité a vu le
jour avec l'or alluvionnaire, appelé nara qui a fait l'objet
d'une exploitation pendant plusieurs décennies dans beaucoup de village
(Doucouré, 2015). Ce type d'orpaillage alluvionnaire était
surtout pratiqué pendant la saison sèche et demeurait l'apanage
exclusif des femmes du village dont il constituait l'une des principales
activités pendant cette période de l'année. Cependant avec
la découverte de l'or filonien, les hommes ont investi progressivement
l'orpaillage à leur tour ainsi que les migrants internes (ou les
nationaux) et les étrangers. Ainsi l'orpaillage devient une
activité principale et s'organise essentiellement autour des sites
miniers artisanaux communément appelés diouras en
malinké. Ces sites d'orpaillage, loin d'être des zones d'anarchie,
fonctionnent sur la base de règles établies au sein même
des communautés d'orpailleurs (Doucouré, 2015), et regroupent
plus de 50.000 personnes de toutes catégories (propriétaire du
terrain, migrants national, immigrant) avec une quantité d'or extraite
estimée à 500kg/an et un revenu d'environ 5000f CFA/jour (DNACPN,
2009). Mais au cours de ces dernières années, avec la
flambée du prix de l'or et le début de l'exploitation
industrielle, notamment la présence active de sociétés
canadienne, australienne et sud-africaine dans l'exploration, on assiste
à une prolifération des diouras avec l'utilisation
massive et sans aucune mesure de récupération du mercure
élémentaire (Niane, 2014).
L'exploitation qui à l'origine était
entièrement artisanale devient de plus en plus modernisée avec
l'utilisation d'engins par exemple pour détecter la présence
d'or, creuser, évacuer les eaux, broyer les pierres.
I.3. Le mercure
I.3.1. Généralités sur le mercure
Le mercure est un métal présent naturellement
à des concentrations variables au niveau des océans, de
l'atmosphère et de l'écorce terrestre.
8
Sa dynamique dans l'environnement est conditionnée par
trois propriétés fondamentales : physique, par sa
volatilité à température ambiante ; chimique, par sa
stabilité du fait de ses liaisons avec le carbone et le soufre et
biologique par sa très forte bioconcentration et sa toxicité
(Cossa et Ficht, 1999). De ce fait il est considéré comme un
polluant global du fait de sa large dissémination à partir d'une
concentration très faible dans l'atmosphère. Sa forme la plus
mobile est le mercure élémentaire (Hg°). Ses formes les plus
stables sont le sulfure et le séléniure (Hg Se). Sa forme la plus
toxique est le méthyl mercure (CH3Hg+) (Clarkson, 1997 ; Boening, 2000).
Ce dernier composé, en très faible quantité dans l'eau, se
concentre jusqu'à dix millions de fois dans les organismes aquatiques,
particulièrement chez les poissons carnivores. En effet, le mercure peut
entrer dans le système aquatique par différents moyens :
dépôt atmosphérique sec et humide, ruissellement de surface
et/ou directement à partir des eaux usées localement
polluées. Ainsi les écosystèmes aquatiques sont
particulièrement sensibles à la contamination par le mercure du
fait des conditions physico-chimiques et biologiques pouvant faciliter les
transformations des différentes espèces chimiques du mercure qui
contrôlent son cycle biogéochimique (Pestana et al., 2000
; Wang et al., 2009) et sa circulation à l'échelle du
globe.
I.3.2. L'utilisation du mercure dans l'orpaillage
Le mercure est utilisé dans l'orpaillage pour extraire
l'or du minerai par la formation d'un amalgame or-mercure (UNEP, 2012). Cette
méthode d'extraction de l'or est utilisée par les orpailleurs,
car elle est moins coûteuse que la plupart des autres méthodes,
qu'elle est à la portée d'une personne seule travaillant en
exploitant indépendant et qu'elle est à la fois rapide et facile
(UNEP, 2012). Dans l'ensemble du monde, l'exploitation artisanale de l'or est
responsable d'environ 37 % des émissions de mercure et elle
représente la source la plus importante de pollution mercurielle de
l'air et de l'eau (UNEP, 2013). Autour des points où l'amalgame est
chauffé, la teneur de l'air en vapeurs de mercure peut atteindre des
valeurs très préoccupantes et elle dépasse presque
toujours la limite fixée par l'OMS pour l'exposition de la population
générale, c'est-à-dire 1,0 ìg/m 3 (UNEP, 2012).
Les exploitants ne sont pas les seuls à subir cette
exposition ; il en va de même des communautés qui vivent au
voisinage des lieux d'exploitation (UNEP, 2012) ainsi que la faune.
Après vaporisation, le mercure finit par se déposer dans le sol
et les sédiments des lacs, des cours d'eau, des baies et des
océans où les micro-organismes anaérobies le transforment
en méthyl mercure (figure 5).
9
Dans les étendues d'eau, le méthyl mercure est
absorbé par le phytoplancton, ingéré par le zooplancton et
les poissons, contaminant ainsi la chaîne alimentaire.
Il s'accumule notamment chez les espèces
prédatrices à longue durée de vie comme les squales et les
espadons (OMS, 2007).
Figure 5: Le cycle biogéochimique du
mercure (source : Boubou et al, 2006a) I.3.3. La
Toxicité du mercure
Le mercure est un élément chimique très
toxique. Sa libération dans l'environnement entraîne une
intoxication massive des populations humaine et animale locales, voire celles
très éloignées des lieux d'émissions. Le
consommateur est ainsi exposé à des doses qui peuvent, dans les
extrêmes cas, occasionner à long terme une neurotoxicité
grave (Sow, 2010). Ainsi Quelques impacts ont été
étudiés sur la vie sauvage :
? Inhibition de la croissance des algues, des bactéries,
des champignons,
? Elévation de la mortalité embryo-larvaire
étudiée par exemple chez les amphibiens,
? Moindre succès reproductif et pontes inhibées
chez le poisson zébré et d`autres
espèces,
? Inhibition de la spermatogenèse étudiée
par exemple chez Poecilia reticulata),
? Inhibition de croissance chez la truite arc-en-ciel, avec
mortalité élevée des embryons
et des larves,
10
? Moindre succès de reproduction (couvées plus
petites) et de survie des canetons chez les oiseaux d'eau vivant en milieux
pollués par le mercure (IAEA, 1984).
De manière générale, le mercure est un
contaminant ubiquiste dangereux et toxique pour toutes les espèces
vivantes connues. Ainsi, les chimpanzés qui vivent dans des zones
proches des lieux d'exploitation dans la région de Kédougou ne
sont donc pas épargnés.
I.4. Le Chimpanzé
I.4.1. Généralités sur le
Chimpanzé
Le Chimpanzé Pan troglodytes fait partie de la
classe des mammifères, de l'ordre des Primates et de la famille des
Hominidés (figure 6). Au Sénégal, nous avons la sous
espèces de l'Afrique occidentale, Pan troglodytes Verus, qui
vit exclusivement dans les régions sud-est du pays (Tambacounda et
Kédougou). Le Chimpanzé est menacé de disparition dans
tous ses habitats en milieu naturel. Il est inscrit dans la catégorie
des espèces « En Danger » sur la liste rouge de l'UICN et des
espèces menacées (Humle et al., 2008). L'espèce
est également protégée par la Convention sur le Commerce
International des Espèces de Faune et de Flore Sauvages Menacées
d'Extinction (CITES) ou « Convention de Washington » de 1973. Son
régime alimentaire essentiellement frugivore et ses déplacements
importants (plusieurs kilomètres par jour) dans leurs habitats
expliquent leur rôle dans la dissémination des graines et donc
dans la conservation des espèces végétales qu'ils
consomment (Badji, 2013). Leur reproduction est lente (7 à 8 mois de
gestation), comparée à la plupart des autres espèces
sauvages. Ce qui rend difficile une reprise rapide des populations (UICN,
2004). Une femelle de chimpanzé ne se reproduit qu'à l'âge
de 14 ans et ne donne naissance à un petit que tous les cinq ou six ans
(Sugiyama 1999 ; Boesch et Boesch-Achermann, 1990).
Cependant cet état de fait pourrait être aggraver
en cas de contamination par le mercure, qui est sans doute un inhibiteur de la
reproduction.
Parmi les grands singes, le Chimpanzé est le plus
proche de l'Homme, avec une ressemblance génétique de 98,5%
(Barriel, 2004). Cette proximité accorde un intérêt
particulier aux chimpanzés.
I.4.2. Répartition géographique et
menaces
Le Chimpanzé d'Afrique occidentale Pan troglodytes
verus, autrefois présent dans 12 ou 13pays, a actuellement une
distribution parcellaire qui couvre seulement huit pays (Guinée,
Côte d'Ivoire, Mali, Libéria, Guinée-Bissau, Sierra Leone,
Sénégal, Ghana.).
11
Le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée sont les seuls
pays entièrement inclus dans l'aire de distribution naturelle des
chimpanzés (UICN, 2004).
Ces pays ont également les zones les plus
étendues de distribution de chimpanzés, grâce à leur
diversité en habitats terrestres qui conviennent à ceux-ci (UICN,
2004).
La distribution des Chimpanzés au Sénégal
se limite à la région administrative de Tambacounda dans le PNNK
et dans certaines zones de la région de Kédougou située au
sud-est du pays (UICN, 2004). Au Sénégal, le Chimpanzé
Pan troglodytes verus vit dans des conditions climatiques de savane
très dures. À cela s'ajoute dans la région de
Kédougou la forte pression anthropique exercée sur l'habitat du
Chimpanzé qui est liée surtout au développement des
activités agricoles et minières et la compétition avec les
hommes pour l'accès à des ressources critiques alimentaires
(Badji, 2013). Ainsi, la pollution des points d'eau par le mercure pourrait
avoir de lourdes conséquences, car pendant la saison sèche, quand
l'eau est rare, les chimpanzés doivent boire de l'eau presque tous les
jours dans ces derniers.
Figure 6: Le Chimpanzé Pan
troglodytes verus (source :
Blogs.scientificamerican.com)
CHAPITRE II : MATERIEL ET METHODES
12
II.1 Matériel
Nous avons utilisé le matériel ci-dessous pour
effectuer notre étude.
+ Matériel de terrain
V' GPS de marque
V' Un appareil photo
V' Fiche d'enquête
V' Fiches de terrain
+ Matériel
d`échantillonnage
V' Des Tubes de 25 ml
V' Des Sachets en plastique
V' Des Gants
+ Traitement des données
V' Logiciel Qgis 2.12.0
V' Logiciel Excel
V' Logiciel Stat view
II.2. Méthodes
Notre étude a été réalisée
principalement dans trois villages de la région de Kédougou :
Fongoli, Djédji et Kharakhéna correspondants aussi à des
zones d'habitations de groupes de chimpanzés. Nous avons effectué
dans ces localités plusieurs séries d'enquêtes, de
prospections et d'échantillonnages d'eau sur une période de 30
jours entre les mois de juin et juillet 2015. Après les enquêtes
effectuées dans les villages et au niveau des lieux d'orpaillage ou
diouras, nous avons procédé à des observations au
niveau des lieux d'exploitation pour vérifier la véracité
des données d'enquêtes, procéder à des observations
de terrains pour identifier les zones d'échantillonnage d'eau,
l'organisation du travail dans les diouras et de zones de traitement
des roches avec le mercure. Des prospections nous ont été faites
pour voir si les chimpanzés continuent à fréquenter ces
endroits ou leurs environs immédiats.
Des échantillonnages d'eau ont été
également prélevé dans le PNNK, dans des endroits
où il n'y a pas d'orpaillage grâce à leur statut de
protection pour servir de témoins.
13
II.2.1. Enquêtes et observations
Elles se font par interrogation directe d'une personne ou d'un
groupe de personne au niveau des diouras et des villages
correspondants à nos zones d'étude en suivant notre fiche
d'enquêtes. Ces enquêtes sont complétées par des
séries d'observations directes sur le terrain afin d'avoir des
informations complètes et non erronées. Ces enquêtes ont eu
pour but d'identifier les méthodes et les produits utilisés par
les orpailleurs pour exploiter et traiter l'or mais aussi pour avoir une
idée sur les zones à échantillonner.
II.2.2. Identification des sites
d'échantillonnages
C'est une étape très importante dans la collecte
des échantillons. Elle consiste à une inspection à pied ou
en voiture dans les différentes zones étudiées
potentielles de renfermer des points d'eau. A l'issu de ces prospections,
plusieurs sites ont été identifiés et
échantillonnés (figure 7). Il est à noter que la
localisation de ces sources d'eau utilisées par les chimpanzés a
été facilités par plusieurs études et
enquêtes antérieures effectuées par plusieurs auteurs dans
ces zones.
Figure 7: Localisation des sites
échantillonnés dans la région de Kédougou (source :
www.gadm.org)
14
II.2.3. Technique de prélèvement d'eau
Les prélèvements ont été
effectués sur les différents sites (points d'eau) des villages de
Djédji, Fongoli et Kharakhéna où se concentrent
d'importantes activités minières (orpaillage) et dans le PNNK
(témoin) où il y'a une absence d'activités minière.
L'échantillonnage consiste à prélever de l'eau au niveau
des sites ciblés à l'aide d'un tube et des gants afin
d'éviter la contamination des échantillons (figure 8). Avant
chaque prélèvement, le tube est rincé trois fois avec de
l'eau présente sur le site afin que les échantillons contiennent
seulement l'eau à échantillonner. Dans chaque site nous utilisons
deux tubes pour échantillonner afin de réduire les biais lors des
analyses au laboratoire. Les tubes contenant l'échantillon d'eau sont
mis dans des sachets en matière plastiques sur lesquels est
marqué le nom de la zone échantillonnée. La date et les
caractéristiques environnementales (la quantité de
sédiment, le niveau et la couleur de l'eau, la présences ou
l'absence de végétaux) du site sont notées à chaque
prélèvement et seront utilisées comme une aide à
l'interprétation des résultats.
Prélèvement d'eau
Mare d'eau
Figure 8: Prélèvement d'un
échantillonnage d'eau (source : Massylla Ndiaye, 2015) II.2.4.
Conservation des prélèvements
Les échantillons récoltés sont
conservés en mettant une à deux gouttes d'acide chlorhydrique
(Hcl) fort à pH égal à 2 dans les tubes pour
éliminer les microorganismes qui pourraient éventuellement se
développer dans les échantillons. Le développement des
microorganismes se traduit par une consommation des molécules
présentes dans les eaux échantillonnées. Les tubes ainsi
conservés sont mis dans un glacer pour les protéger et
transportés au laboratoire.
15
II.2.5. Analyse de l'eau
Les analyses des échantillons sont effectuées au
laboratoire de chimie de l'Institut de Technologie Alimentaire (ITA) de Dakar
pour mesurer les quantités totales de mercure contenues dans les eaux.
Pour ce faire, la méthode américaine EPA 7473 (analyse mercure
par décomposition thermique, amalgamation et absorption atomique) a
été utilisée.
Les échantillons d'eau sont décomposés
thermiquement dans un four à température contrôlée
et en présence d'oxygène. Les gaz issus de la
décomposition sont ensuite traités en faisant circuler de
l'oxygène dans la section catalytique du four pour oxyder et
piéger les halogènes, les oxydes d'azote et de soufre. Les
produits de décomposition restants sont ensuite transportés vers
un amalgamateur qui piège sélectivement le mercure. Après
rinçage du système avec de l'oxygène pour éliminer
tout le gaz restant ou les produits de décomposition, l'amalgamateur est
chauffé rapidement pour libérer les vapeurs de mercure. Le
mercure ainsi libéré est dosé par spectrométrie UV
à 253,7 nm à l'aide des cellules d'absorption placées dans
le trajet lumineux. L'absorbance est mesurée à longueur d'onde de
253,7 nm. Le signal d'absorbance est fonction de la concentration en
mercure.
CHAPITRE III : RESULTATS ET DISCUSSION
16
III.1. Résultats
III.1.1. Les sites d'orpaillages (diouras)
Les enquêtes et les séries d'observations
directes sur le terrain ont permis d'obtenir des informations sur la structure
et le fonctionnement des diouras d'une part et leurs impacts sur les
habitats des chimpanzés d'autre part.
III.1.1.1. Présentation et description des sites
d'orpaillages
? Le dioura de Fongoli
Le site d'orpaillage de Fongoli (figure 9a) se situe sur un
plateau à quelques kilomètres du village. Les coordonnées
géographiques du dioura sont :12°40'890N, 12°14'219W.
Il présente quelques dizaines de damas ou puits miniers avec plus de
cents orpailleurs. Le dioura reste avant tout un espace cosmopolite
renfermant à la fois la population locale et des ressortissants de la
sous-région (Mali, Gambie, Guinée) et multi-professionnel
(orpailleur, vendeurs, forgerons, gardiens). La plupart des orpailleurs
viennent des villages environnants comme Gari, Banta Tekento, Cheikhouto,
Marwodi, Tomboronkoto.
? Le Dioura de Kharakhéna
Comparé au dioura de Fongoli, celui de
Kharakhéna (figure 9b) est très vaste et très actif et est
situé sur une colline. Ses coordonnées géographiques sont
: 12°54'462 N, 11°31'161W. Il présente plusieurs damas (ou
fosses d'exploitation) voir des centaines. Le processus d'obtention d'un damas
ou puit minier consiste à choisir un emplacement non encore
occupé par un exploitant dans le dioura et
procédé à son enregistrement par une carte d'exploitation
valable pour cinq ans. La carte matérialise le nom et le numéro
de l'exploitant. Le dioura regroupe des individus d'origine divers
constitué à majorité par des burkinabais, des togolais,
des ivoiriens, des gambiens, des maliens, et des guinéens. Le dioura
est aussi un espace multi-fonctionnel où orpailleur, vendeur,
forgeron, et bailleur entretiennent des relations indissociables. En dehors des
activités, le dioura est gardé par des personnes
appelées tomboulmans en malinké. Ces tomboulmans
sont chargés de surveiller les activités dans le dioura, de
régler les conflits entre les orpailleurs, de veiller au respect des
règles de partage, d'attribuer les damas aux propriétaires et de
veiller au bon fonctionnement du dioura.
17
a b
Figure 9: Le dioura de Fongoli (a) ; le dioura
de Kharakhéna (b) III.1.1.2. Extraction de la roche et
récupération de l'or
? La récupération de la roche
L'extraction de l'or consiste à l'isolement et à
la récupération de l'or dans le but de le vendre. Elle
débute par l'extraction des roches qui sont supposées renfermer
l'or. Celle-ci se fait par le creusement de puits ou damas d'environ 30
à 60 mètres de profondeur (figure 10a). Avant l'extraction des
roches et leur mise dans des sacs, les femmes de manière
générale très actives dans ce procédé
effectuent des tests pour déceler la présence ou l'absence de
l'or dans ces roches. Ces tests consistent à piler et à tamiser
la roche puis à procéder au lavage simple avec de l'eau. Une fois
la roche ou le minerai extraite, elle est mise dans des sacs et stockée
dans les entrepôts avant d'être partagés entre les
différents acteurs qui ont participés à l'activité.
Les parts diffèrent selon le statut de l'orpailleur.
? Traitement et récupération de
l'or
Les traitements de l'or se font en général dans
les concessions au niveau des villages (figure11) pendant les jours de repos
c'est-à-dire les lundis et les vendredis. L'extraction de la roche
consiste à concasser (figure 10b) et à piler la roche en poudre
grâce à un mortier ou un moulin puis tamisée pour
recueillir une poudre. La poudre obtenue est mélangée directement
avec de l'eau dans des bassines contenant le mercure (figure 10c) ou dans
certain cas, elle est versée avec de l'eau sur une table inclinée
tapissée de morceaux de tissu pour faciliter l'écoulement de
l'eau et des particules légères et pour retenir les particules
lourdes dont l'or (figure 10d). Le concentré ainsi obtenu dans les deux
cas est additionné au mercure et malaxé à main nue pour
obtenir l'amalgame or-mercure (figure 10e).
Ce processus permet de récupérer une grande
partie des particules fines se trouvant dans des concentrés d'or et de
sables noirs. L'or brut est ensuite récupéré en faisant
chauffer l'amalgame manuellement à l'aide d'un fourneau et une
cuillère à charbon le plus souvent à l'air libre (figure
10f). L'amalgame ainsi chauffé occasionne simultanément
l'évaporation du mercure sous forme de vapeur dans l'atmosphère.
Le reste du mercure est perdu sous forme liquide avec les déchets
miniers rejetés à côté du lieu de traitement. A
Kharakhéna le restes des déchets miniers est stocké et
revendu à d`autres traiteurs qui utilisent davantage le mercure pour
extraire le reste de l'or.
a b c
d
e
f
18
Figure 10: Les différents processus
utilisés pour le traitement de l'or : (a) puit minier ;(b) concassage
;(c ; d) concentration ;(e) amalgame or-mercure ;(f) chauffage et
récupération de l'or
Figure 11: Schéma simplifié du
principe de récupération de l'or par les orpailleurs à
Kédougou
19
III.1.2. Impacts de l'orpaillage sur les habitats des
chimpanzés
Les séries d'observations directes sur le terrain ont
permis d'obtenir des données qualitatives sur les impacts de
l'orpaillage sur l'environnement.
? Modification du paysage
L'une des premières conséquences
observées dans les diouras, est la modification du paysage
à cause des puits creusés ou damas. La plupart des puits ou damas
sont inactifs et abandonnés et peuvent être dangereux pour le
déplacement des chimpanzés (figure 12). Ces modifications de
paysage pourraient devenir également des éléments ou
signaux pouvant intervenir sur la modification du comportement des
chimpanzés.
Figure 12: Puits miniers abandonnés
? La pollution sonore
Les sites d'orpaillage constituent l'un des endroits les plus
bruyants de la région à cause des vibrations produites par le
creusement des puits, le concassage et le broyage du minerai, le fonctionnement
de certaines machines telles que les moulins (figure13), les groupes
électrogènes, les pompes, les marteaux piqueurs, les motos et
même parfois les cris des orpailleurs. Ces émissions sonores
très fortes, pourraient avoir des conséquences très
néfastes, non seulement sur la santé humaine, mais aussi sur la
faune sauvage en particulier les chimpanzés qui sont très
sensibles aux bruits. En effet ces émissions peuvent inciter le
déplacement des chimpanzés vers d'autres zones moins favorables
pour leur survie.
Cependant, nous n'avons pas pu effectuer des mesures de bruit
lors de notre étude pour quantifier la pollution sonore afin de les
comparer aux normes règlementaires requises.
20
Figure 13: Moulin broyeur
? La déforestation
La déforestation est l'une des plus grandes
conséquences observées dans les sites d'orpaillage (figure 14).
En effet le développement des sites d'orpaillage entraine le creusement
de millier de puits et une forte pression sur les ressources ligneuses ; il
s'agit de coupes non réglementaires de bois, notamment destiné
à la constitution de piquets utilisés pour la sécurisation
des mines artisanales. La déforestation contribue à la
destruction des écosystèmes ainsi que les habitats
destinés à conserver la faune sauvage notamment les
chimpanzés considérés comme une espèce
menacée.
Figure 14: L'abattage des arbres par les
orpailleurs
En outre, la déforestation peut créer des
conditions défavorables poussant les chimpanzés à migrer
vers d'autres zones où les conditions d'habitats sont susceptibles
d'être défavorables à leur adaptation.
21
En effet les chimpanzés présentent des
conditions de vie très strictes régies par la présence de
nourriture en abondance comme les fruits de Saba senegalensis,
Adansonia digitata, et Pterocarpus erinaceus pour la
construction des nids et l'eau de boisson en permanence. Ainsi de nombreux
arbres comme Pterocarpus erinaceus qui servent de support pour les
nids sont abattus par les orpailleurs pour la sécurisation des puits de
minerai.
III.1.3. Impact de l'utilisation du mercure par les
orpailleurs sur les eaux
Ces données constituent les premières mesures de
concentration en mercure total dans les différentes zones
d'approvisionnement en eau pour les chimpanzés en général
et la population locale en particulier, au niveau des villages de
Djédji, Fongoli et Kharakhéna. Le tableau I résume les
teneurs en mercure mesurées dans les eaux
échantillonnées.
Tableau I : Teneurs moyennes en mercure en
nanogramme par litre (ng/L) des eaux
analysées
Zone
|
Site
|
Nombre
d'échantillons
|
Teneur moyenne Hg(ng/L)
|
Djédji
|
Djédji Point d'eau
|
4
|
100
|
Fleuve la Gambie
|
14
|
100
|
Djédji Puit
|
2
|
100
|
Fongoli
|
Keur Wani dioura
|
12
|
316,66
|
Grand Trou
|
2
|
100
|
Fatiko
|
4
|
175
|
Sakhato
|
2
|
100
|
Fongoli Fleuve
|
4
|
100
|
Fongoli Puit
|
2
|
100
|
Kharakhéna
|
Bassari
|
2
|
100
|
Sapola balengoma
|
2
|
1100
|
Nord Kharakhéna
|
2
|
100
|
Kharakhéna Pompe
|
2
|
100
|
Lahou
|
18
|
116,66
|
PNNK
|
Vallée Stella
|
6
|
100
|
Mont Assirik
|
2
|
100
|
Vallée du Lion
|
6
|
100
|
Tableau II : Normes relatives à la
qualité des eaux
Normes
|
Hg (ng/L)
|
Références
|
USA
|
2000
|
Drinking water regulation. USA-EPE. Avril 1992
|
UE
|
1000
|
Directive européenne du 1507.80-80 /778/CEE
|
OMS
|
1000
|
Guidelines for dring quality 1983
|
22
III.1.3.1. Les teneurs en mercure des eaux du PNNK
Les teneurs en mercure relevées dans les eaux du PNNK
(témoin) sont faibles et constantes avec une moyenne de 100 ng/L
(figure15 et tableau III) très inférieures aux normes
internationales recommandées sur la qualité des eaux (tableau
II).
Lahou Vallée Stella Mont Assirik
Sites du pnnk
120
100
80
60
40
20
0
Teneur Hg(ng/L) moyenne en
Figure 15: Teneurs moyennes en mercure (ng/L)
dans le PNNK III.1.3.2. Les teneurs en mercure des eaux de
Kédougou
Les concentrations moyennes en mercure relevées dans
les eaux des différents villages de la région Kédougou
(N=70) varient de 100 à 1100 ng/L, avec une moyenne
générale et un écart-type de 174,286 #177; 237,337 ng/L
(figure 16 et tableau III). Ces valeurs dépassent les teneurs
mesurées dans le PNNK et les études menées sur d'autres
zones d'orpaillage mais restent inférieures aux normes
recommandées par l'Union européenne (CEE, 1980), l'OMS (1983) et
les USA (1992) (tableau II). Ainsi les différentes zones
d'approvisionnement en eau pour les chimpanzés présentent une
faible contamination par le mercure en comparaison avec les teneurs
trouvées dans le PNNK. Cependant, il est intéressant
d'évaluer le niveau de contamination des différents sites aux
seins des villages.
Tableau III : Statistiques
générales sur les teneurs en mercure (ng/L) des points d'eau de
la région de Kédougou et du PNNK
Statistiques descriptives
|
Hg total (ng/l)
|
|
Kédougou
|
PNNK
|
Moyenne
|
174,286
|
100
|
Médiane
|
100
|
100
|
Mode
|
100
|
100
|
Ecart-Type
|
237,332
|
0
|
Minimum
|
100
|
100
|
Maximum
|
1300
|
100
|
Nombre d'échantillons
|
70
|
14
|
200
Teneur moyenne en Hg(ng/L)
|
|
|
|
|
|
|
150
|
|
|
|
|
|
100
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
50
|
|
|
|
|
|
0
|
|
|
|
|
|
Kédougou PNNK
Zones
|
|
23
Figure 16: Les teneurs moyennes en mercure
entre les sites orpaillés (Kédougou) et non orpailllés
(PNNK)
III.1.3.3. Les teneurs en mercure des sites des
différents villages
L'analyse comparative des résultats a montré que
principalement tous les sites du village de Djédji présentent des
teneurs en mercure faibles et homogènes (100 ng/L), identiques à
celles relevées dans le PNNK (témoins) (figure 17) et dans les
eaux de surfaces non polluées trouvées par d'autres
études.
Djédji Point d'eau
|
Fleuve la Gambie Djédji Puit Sites du village de
Djédji
|
Fongoli PNNK
120
100
80
60
40
20
0
Teneur moyenne en Hg(ng/L)
Figure 17: Comparaison des teneurs moyennes
en mercure entre les sites de Djédji et le PNNK.
Les données de concentration en mercure relevées
sur les différents sites du village de Fongoli donnent une moyenne
générale de 220,833 ng/L. La comparaison de ces teneurs en
mercure avec celle relevée dans le PNNK montre une évolution
similaire, sauf pour les sites de Fatiko et de Keur Wani dioura, qui
présentent des concentrations supérieures à celles
relevées dans le PNNK (tableau I et figure18).
24
Par ailleurs, tous les deux sites présentent des
teneurs en mercure inférieures aux normes internationales
recommandées sur la qualité des eaux (tableau II) et
supérieures aux valeurs naturelles du mercure dans les eaux de
surface.
Fongoli PNNK
Teneur moyenne en Hg(ng/L)
|
350
|
|
|
|
300
|
|
|
|
250
200
|
|
|
|
150
|
|
|
|
100
50
|
|
|
|
0
|
|
|
|
|
|
|
Keur Wani Dioura
|
Grand Trou
|
Fatiko Sakhato Fongoli Fongoli
Fleuve Puit
|
Figure 18: Comparaison des teneurs moyennes
en mercure entre les sites de Fongoli et le PNNK.
Les teneurs en mercure dans les eaux prélevées
dans le village de Kharakhéna présentent une moyenne globale de
188,462ng /L. L'analyse de la répartition des concentrations en mercure
dans les eaux de Kharakhéna par comparaison avec les valeurs
relevées dans le PNNK (figure 19) montre des teneurs faibles et
similaires, sauf pour le site de Sopala Balangoma qui présente une
teneur moyenne en mercure supérieure à celles trouvées
dans le PNNK. En outre, le site de Sopala Balangoma présente une teneur
moyenne en mercure qui est un peu au-dessus des normes recommandées par
l'Union européenne (CEE, 1980) et l'OMS (1993) et en dessous des normes
recommandées par les USA (1992) (tableau II).
Sites du village de Kharakhéna
Teneur moyenne en Hg(ng/L)
1000
800
600
Kharakhéna PNNK
400
200
0
Bassari Nord
Lahou
Kharakhéna
Sapola balengoma
Kharakhéna Pompe
1200
Figure 19: Comparaison des teneurs moyennes
en mercure entre les sites de Kharakhéna et le PNNK
25
En résumé, nos résultats montrent une
absence de contamination des sites du village de Djédji et une faible
contamination par le mercure des sites de Fatiko et de Keur Wani dioura du
village de Fongoli, et celui de Sopala Balangoma du village de
Kharakhéna. La teneur moyenne est plus importante à Fongoli
qu'à Kharakhéna (figure 20). Ceci en comparaison avec les
données du PNNK considéré comme le site témoin non
impacté par l'orpaillage.
Teneur moyenne en Hg(ng/L)
|
150 100 50 0
|
250
200
Kédougou PNNK
Djédji Kharakhéna Fongoli Villages
Figure 20: Comparaison des teneurs en mercure
entre les villages de Djédji, Fongoli et Kharakhéna
III.2. Discussion
L'exploitation de l'or (industrielle et artisanale) est
aujourd'hui une menace réelle pour la survie des chimpanzés dans
la région de Kédougou. En effet, elle contribue à la
destruction de l'habitat des chimpanzés. Ces mêmes constats ont
été montrés par Badji (2013) qui affirme que l'orpaillage
est l'un des plus importants facteurs de dégradation et de pollution de
l'habitat des chimpanzés, et s'étend jusqu'aux galeries
forestières considérées comme les principales zones
d'habitats des chimpanzés à Fongoli.
En plus de la destruction progressive des habitats et
l'utilisation anarchique de produits chimiques, on assiste à une
arrivée massive de populations étrangères qui sont des
consommateurs potentiels de viande sauvage. Ceci augmente les risques de
braconnage des chimpanzés. D'après Ndiaye (1999), les populations
de Kédougou ne consommaient pas la viande de chimpanzé. Ce qui
contribuait beaucoup à sa conservation au Sénégal. Mais,
avec le contexte actuel, il y a lieu de s'inquiéter si des mesures
idoines de gestion ne sont pas prises.
26
Les résultats d'analyse des eaux des principaux sites
d'exploitations de l'or présentent des teneurs moyennes en mercure
élevées avec par exemple une valeur maximale de 1100ng/L, tandis
que les eaux des sites non impactés par l'orpaillage (PNNK)
présentent des teneurs faibles avec des valeurs constantes de 100ng/L.
Les concentrations obtenues sont cependant inférieures aux normes
internationales recommandées sur la qualité des eaux de surfaces
et supérieures à celles trouvées au Ghana (28,7 à
420,3 ng/L ; Donkor et al, 2006), au Burkina Faso (0,38 à 21,38
ng/L ; Ouédraogo et al, 2013), en Afrique du Sud (0,01 à
253 ng/L ; Lusilao-Makiese et al, 2013) et au Guyane française
(5 à 30 ng/L ; Boudou et al, 2006b). Nos résultats
semblent montrer des concentrations en mercure beaucoup plus
élevée au niveau des points d'eau proches des sites
d'orpaillages. Ces données s'accordent avec les résultats de
Niane (2014), qui montrent des concentrations plus élevées (973,8
ng/L) sur les sites du fleuve Gambie proche des lieux de traitement de l'or.
Ces observations peuvent être expliquées par la libération
directe du mercure élémentaire utilisé pendant le
processus de fusion par les orpailleurs. En effet, le chauffage de l'amalgame
or-mercure à l'air libre sans aucune forme de recyclage ainsi que le
rejet des déchets après traitement par les orpailleurs,
libèrent le mercure dans l'environnement (Guedron et al,
2009).Van Straaten (2000) a pu montrer par des études de flux de
matières au niveau des sites d'orpaillage en Tanzanie et au Zimbabwe que
la majorité du mercure (60%) est perdu sous forme liquide avec les
déchets miniers et le reste (40%) lors du brûlage de l'amalgame
pour enlever l'excès de mercure. Le mercure ainsi libéré
est source de pollution de l'air, du sol, des eaux et des sédiments des
zones proches des sites d'orpaillage.
Nos résultats concernant les teneurs en mercure dans
les différents sites du village de Djédji évoluent de
façon similaire à celles obtenues au niveau des sites non
impactés par l'orpaillage (PNNK). Ceci est à mettre en relation
probablement avec la distance entre les lieux de traitement de l'or et les
sites concernés, bien vrai que dans cette zone l'orpaillage a
été suspendu depuis plusieurs mois. En effet il existe une
distance très importante entre les sites ou le traitement de l'or est
effectué et les points d'eau concernés. Dans ces circonstances la
contamination ne peut s'effectuer que par les retombés
atmosphériques. Cette idée est renforcée par les
études de Fitzgerald et al (1998), qui soutiennent que
l'enrichissement des couches superficielles en mercure dans les zones
éloignées de toute source directe de contamination est
plutôt lié aux apports atmosphériques d'origine
anthropique.
27
Cependant, d'autres facteurs du milieu peuvent affecter le
dépôt du mercure sur les eaux de surfaces (absorption par les
sédiments, les végétaux, les sels dissous et les
matières organiques (Stumm et Morgan, 1981).
Nos résultats ont également montré au
niveau des sites de Fatiko et Keur Wani dioura du village de Fongoli et dans le
site de Sopala Balengoma du village de Kharakhéna, des concentrations en
mercure supérieures à celles obtenues dans les sites non
impactés par l'orpaillage (PNNK). Cela s'explique par une source de
contamination directe. En effet ces zones sont très proches des sites
d'exploitation minière avec un niveau d'eau moyen et une quantité
importante en sédiment. Ces sédiments proches des lieux de
traitement de l'or présentent de fortes concentrations en mercure total
(Niane et al, 2014). Ainsi, le mercure retenu par ces sédiments
pourrait être sources de contamination de la colonne d'eau superficielle
lors de leur libération.
Les concentrations en mercure trouvées dans les sites
de Fatiko, Keur Wani dioura et sopala Balengoma des villages de Fongoli et
Kharakhéna, bien que inferieures au normes internationales
recommandées sur la qualité des eaux pourraient constituer un
réel danger pour les chimpanzés grâce à l'effet
cumulatif du mercure au cours du temps. En plus les sites de Fatiko et Keur
Wani dioura sont considères comme les principales sources
d'approvisionnement en eau pour les chimpanzés vivant à Fongoli
(témoignages d'un guide de Fongoli).
CONCLUSION, PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS
28
Le but de cette étude était de mettre en exergue
l'impact de l'orpaillage sur la conservation du chimpanzé dans la
région de Kédougou.
Notre étude a montré que malgré les
retombées positives sur l'économie de la région,
l'orpaillage est susceptible d'avoir un impact négatif sur
l'environnement et la faune. En effet, nos résultats
révèlent que l'exploitation minière artisanale contribue
à la destruction de l'habitat des chimpanzés par la
déforestation et le creusement de centaine de puits miniers dans les
sols. Ces derniers peuvent créer des conditions défavorables
poussant les chimpanzés à migrer vers d'autres zones où
les conditions d'habitats sont susceptibles d'être défavorables
à leur adaptation.
En outre, nos résultats démontrent une certaine
contamination par le mercure des zones d'approvisionnement en eau pour les
chimpanzés due à la libération du mercure par les
orpailleurs lors du traitement de l'or. Ainsi les points d'eau des sites de
Keur Wani dioura, Fatiko et Sopala Balangoma des villages de Fongoli et
Kharakhéna présentent des teneurs moyennes en mercure
supérieures à celles relevées dans le Parc National du
Niokolo Koba (PNNK). Les teneurs en mercure de ces sites bien que
inférieures aux normes recommandées sur la qualité des
eaux, pourraient constituer un risque potentiel pour les chimpanzés
grâce à un effet cumulatif du mercure au cours du temps.
C'est pourquoi il s'avèrerait utile de faire des
études plus approfondies en caractérisant la distribution et la
spéciation du mercure dans ces eaux, et dans les aliments
consommés par les chimpanzés, et peut être faire des
études directes sur les selles des chimpanzés.
Pour pallier à ces problèmes et pour une
meilleure conservation des chimpanzés dans la zone, nous recommandons
:
? Sensibilisation des orpailleurs sur les risques et les
dangers de l'utilisation anarchique du mercure ;
? Délimitation et aménagement des sites
d'orpaillages et des lieux de traitement du minerai vers des zones sans danger
pour les chimpanzés ;
? Inciter les orpailleurs à une réhabilitation des
sites après usage et au reboisement ; ? Former les orpailleurs sur la
gestion des déchets miniers ;
? Revoir la réglementation sur la vente, le transport
et l'utilisation du mercure sur l'ensemble des sites d'orpaillage en
activité.
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Président : Mme Constance AGBOGBA, Maître de
conférences (FST/UCAD). Membres : M. Cheikh Tidiane BA, Professeur
titulaire (FST/UCAD).
M. Papa Ibnou NDIAYE, Maître-assistant (FST/UCAD)
M. Abdoulaye Baïla NDIAYE, Maître de recherches
(IFAN/UCAD) M. Taïbou BA, Naturaliste / Ecologiste (Centre de Suivi
Ecologique
Impacts de l'exploitation traditionnelle de l'or sur
la conservation du chimpanzé au Sénégal
Résumé : L'exploitation
artisanale de l'or connue sous le nom de l'orpaillage est une activité
très ancienne qui remonte à plusieurs siècles dans la
région de Kédougou. Elle a été exclusivement
réalisée de manière artisanale, au sein des petites
communautés, et essentiellement en dehors des périodes de culture
comme la saison sèche. Mais aujourd'hui, partout dans la région
de Kédougou, on assiste à une prolifération des diouras
avec l'utilisation de nouvelles techniques susceptibles d'avoir des impacts
négatifs sur l'environnement et la faune. L'objectif de cette
étude est de mettre en exergue les impacts de l'orpaillage sur la
conservation du chimpanzé au Sénégal. Pour ce faire, des
enquêtes, des observations et des échantillonnages d'eau ont
été effectués sur une période de 30 jours entre les
mois de juin et juillet 2015 dans les villages de Djédji, Fongoli et
Kharakhéna. Des échantillons d'eau témoins ont
été également prélevés à
l'intérieur Parc national de Niokolo Koba. Les échantillons d'eau
ont été analysés pour déterminer les concentrations
totales en mercure contenues dans les sites d'approvisionnement en eau pour les
chimpanzés. Nos résultats révèlent que
l'exploitation minière artisanale contribue à la destruction de
l'habitat des chimpanzés. En outre, nos résultats montrent une
certaine contamination par le mercure des zones d'approvisionnement en eau pour
les chimpanzés due à la libération du mercure par les
orpailleurs lors du traitement de l'or. Ainsi nous pensons que des mesures de
gestion adéquates doivent être prises pour exploitation
minière plus rationnelle prenant en compte la conservation des
ressources naturelles, en particulier la faune et la flore.
Mots clés : Orpaillage, mercure,
pollution des eaux, chimpanzé
Impacts of traditional gold mining on the conservation of
chimpanzees in Senegal
Summary: Artisanal small-scale gold mining
known as «orpaillage» is an ancient activity going back centuries in
the Kedougou region. It was exclusively conducted in the traditional way, in
relatively small communities, and during the dry season outside the period of
cultivation. However, throughout the region of Kédougou today, there is
a proliferation of artisanal gold mines employing new techniques that may have
negative impacts on the environment and wildlife. The objective of this study
is to highlight the impact of gold mining on the conservation of chimpanzees in
Senegal. To do this, interviews, observations and water sampling were carried
out over a period of 30 days between the months of June and July 2015 in the
villages of Djédji, Fongoli and Kharakhéna. Witnesses of water
samples were also collected inside the Niokolo Koba National Park. The water
samples were analyzed to determine the total concentrations of mercury
contained in the water supply sites for chimpanzees. Our results indicate that
artisanal mining contributes to the destruction of chimpanzee habitat. In
addition, our results show a low mercury contamination of the water supply
areas for chimpanzees due to the release of mercury by miners during the gold
processing. Thus, we believe that adequate management measures should be
considered for safer and more sustainable mining that take into account the
conservation of natural resources, especially wildlife.
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