CHAPITRE IV : DISCUSSION
IV.1. INCIDENCE
Durant la période de notre étude allant du 01
janvier au 31 décembre 2001, 1087 nouveau - nés étaient
admis dans le Service de néonatologie de l'HPGRK dont 292 pour des
infections bactériennes materno - foetales, soit une incidence de
26,86%. Comparée à d'autres études faites en Afrique,
cette incidence a été inférieure à celle de Mavinga
et al (36%) et de Kouéta et al (73,9%), réalisées
respectivement à Kinshasa (RDC) (35) et à Ouagadougou
(Burkinafaso) (36). Elle a été, par contre supérieure
à celles observées par Djoupomb Njanang M. (30,41%) à
l'Hôpital Gynéco - Obstétrique et Pédiatrique de
Yaoundé (HGOPY) (23), Pierana R. et al (20,27%) à Madagascar (37)
et Aboussad et al (2 - 3%) au Maroc (39). L'incidence hospitalière de
26,86% observée dans notre étude a été
supérieure à celles observées dans quelques pays
développés : Etats - Unis, France et Inde où celle -
ci a été respectivement évaluée à 0,64 %o, 4
%o et 16,8 %o naissances vivantes (5). Les variations de ces incidences peuvent
être attribuées soit à la qualité du plateau
technique ou soit à la méthodologie utilisée.
La fréquence hospitalière très
élevée (26,86%) de l'infection bactérienne materno -
foetale observée dans notre étude aurait été en
rapport avec la présence d'un des facteurs de risque lors de
l'établissement du diagnostic tels que les pathologies associées
à la grossesse, des anomalies durant l'accouchement et la
présence de manifestations cliniques chez le nouveau - né
à la naissance ou pendant l'hospitalisation. Les hémocultures,
paramètres biologiques qui devraient apporter plus de précisions
dans l'établissement du diagnostic de l'infection bactérienne
materno - foetale n'ont pas été réalisées d'une
manière systématique.
IV.2. CARACTERISTIQUES GENERALES
Dans notre étude, le sexe masculin a été le
plus touché (60,62%) que le sexe féminin (39,38%) par l'infection
materno - foetale avec un sex ratio de 1,53. Ce constat a été
également observé par Cimiotti et al à New York (38),
Aboussad et al au Maroc (39), Chokoteu au Mali (40) et Djoupomb Njanang M.
à l'HGOPY (23). Cette prépondérance du sexe masculin a
été notée par les auteurs sans qu'aucune explication
spécifique n'en soit donnée.
Dans notre étude, 46,58% des nouveau - nés atteints
ont été des prématurés. Ce taux a été
plus faible à ceux rapportés par Pierana R. et al (23,5%)
à Madagascar (37), Cisse (11,4%) à Dakar (10), Gérardin P.
et al (18,9%) (41) et Emira Ben H. et all (22,9%) en Tunisie (45). Selon
Gourmont (42), la gravité de l'infection a été plus grande
chez le prématuré où le risque d'infection materno -
foetale a été majorée à 4 - 5 fois plus
fréquente que chez le nouveau - né à terme. La
prématurité a été par conséquent l'une des
causes la plus fréquente de l'infection bactérienne materno -
foetale. Ainsi, les femmes ayant un risque inopiné d'accouchement
prématuré devraient accéder à l'antibioprophylaxie
(10).
Nous avons observé durant notre étude, 48,97% de
nos nouveau - nés atteints avaient un poids de naissance (PN<2500g).
Cette donnée corrobore celles de Pierana R. et al à Madagascar
(37), Yao Atteby (44) à Abidjan et Emira Ben H. et al en Tunisie (45)
ayant respectivement observé 23,1%, 33,6% et 18% des nouveau -
nés avec un faible poids de naissance dans leurs études. Le poids
de naissance (PN<2500g) constitue un facteur de risque élevé
d'infection (43) ; cela justifierait l'incidence élevée
d'infections bactériennes materno - foetales observée chez les
nouveau - nés avec un poids de naissance < 2500g admis pendant la
période de notre étude.
IV.3. CARACTERISTIQUES SOCIO - DEMOGRAPHIQUES DES
MAMANS
Dans notre série, la majorité des mères
avaient un âge compris entre 26 et 30 ans dans une proportion de 28,42%
avec une moyenne de 27,0798 ans. Cette observation corrobore celle de MATUMONA
qui a rapporté une moyenne de 28 ans dans son étude
réalisée en 2010 aux CUK (15). Ce constat serait en rapport avec
la population féminine constituée des jeunes mamans dans notre
pays.
Dans notre étude, 46,92% d'infections bactériennes
materno - foetales ont été observées chez les primipares.
Cette donnée corrobore celle observée aux Etats - Unis (5) ;
celle - ci a été notée sans qu'aucune explication
scientifique n'en soit donnée.
IV.4. ANTECEDENTS OBSTETRICAUX
Dans notre étude, la RPM >12 heures, la fièvre
maternelle ont constitué les facteurs de risque d'infection les plus
fréquents ; ils ont été respectivement
observées à 41,44% et 27,39%. En Tunisie (32), Emira Ben H. et al
ont constaté la prépondérance de RPM à 63,2% et la
fièvre maternelle à 57,7%, tandis que Kago et al à l'HCY
(46) et Chomeni (47) à Yaoundé ont respectivement constaté
en 1991 et 2001 la prédominance des leucorrhées fétides et
de la RPM ; alors que dans l'étude réalisée par
Balaka et al à Lomé, l'accouchement à domicile et
l'anomalie du liquide amniotique ont été
prépondérant (48). Dans les pays développé,
notamment en France, les facteurs de risque généralement
retrouvés ont été l'anomalie du LA et la RPM en France. En
effet, selon les données de l'Agence Nationale d'Accréditation et
de la Santé (5), la RPM, la prématurité inexpliquée
< 35SA et la fièvre maternelle > à 38°C avant ou en
début de travail, sont les critères majeurs d'infection
bactérienne materno - foetale qui pourrait expliquer leur
prépondérance dans notre étude.
IV.5. SIGNES CLINIQUES ET BIOLOGIQUES DES NOUVEAU - NES A
L'ADMISSION ET DURANT L'EVOLUTION
La fièvre (46,92%), la détresse respiratoire
(24,31%) et l'ictère (21,58%) ont constitué les motifs de
consultation, de transfert ou d'appel les plus fréquemment
rencontrées dans notre étude.
En 2007, Djoupomb Njanang M. (23) a constaté que la
fièvre (44,95%), les troubles de comportement (32,11%) dont
l'irritabilité et le refus de téter, les troubles respiratoires
(28,90%) dont la détresse respiratoire et la toux ont constitué
les motifs de consultation les plus fréquemment observés à
l'HGOPY. Pierana R. et al ont décrit la fièvre (63,7%), les
troubles digestifs (13,9%) et les troubles respiratoires (13,6%) comme
principales manifestations d'infections materno -foetales ; alors que
Ayivi (Cotonou) (50) et Akaffou (Abidjan) (51) ont décrit des troubles
digestifs suivis des troubles neurologiques. Selon Yao Atteby (44), les
principaux symptômes se sont manifestés par des troubles
neurologiques, des signes cutanés, de la détresse respiratoire et
la fièvre. Les signes cliniques doivent toujours être pris en
compte ; et tout nouveau - né qui présente toute anomalie
clinque, sans raison apparente doit être a priori suspect d'infection
(52).
Lors de l'établissement du diagnostic devant
l'impossibilité de réaliser une hémoculture ou un
prélèvement bactériologique, la CRP, la leucocytose et la
thrombopénie présentant des perturbations ont été
prises en faveur d'une infection bactérienne materno - foetale. Nous
avons constaté dans les anomalies de la NFS, une hyperleucocytose avec
GB > 25000 leucocytes/mm3 à 30,10% (soit 31/103 cas), une
leucopénie avec GB < 5000 leucocytes/mm3 à 18,44%
(soit 19/103 cas) et une thrombopénie avec plaquettes < 150 000
thrombocytes/mm3 à 51,46% (soit 53/103 cas). Aboussad (39) au
Maroc en 1996 avait décrit une thrombopénie dans 6% des cas.
Dans notre étude, nous avons retrouvé une CRP
positive dans 58,02% (soit 47/81 cas). Pierana R. et al (37), Aboussad (39) et
Yao Atteby (44) ont noté CRP positive respectivement à 28,7%,
58,7% et 52%. Ainsi, la CRP est un bon marqueur biologique quoi que tardif de
l'infection materno - foetale avec une spécificité et une
sensibilité respectivement de 78% et 91% (5). Même s'il ne permet
pas de faire une nette différence entre l'infection bactérienne
et virale comme la procalcitonine qui ne s'élève qu'en cas
d'infection bactérienne, elle demeure l'un des meilleurs marqueurs
biologiques de l'infection bactérienne materno - foetale.
IV.6. PROTOCOLE THERAPEUTIQUE
Devant le contexte anamnestique infectieux basé sur les
symptômes et signes physiques à l'admission, une bithérapie
a été administrée aux nouveau - nés suspect
d'infection. Dans un contexte anamnestique et/ou la présence des signes
cliniques à l'admission, une trithérapie a été
instaurée précocement sans attendre les résultats des
examens paracliniques, afin d'éviter une éventuelle
dissémination systémique (sepsis néonatal).
L'antibiothérapie était probabiliste, justifiée selon les
germes les plus fréquemment rencontrés en cas d'infection materno
- foetale, à savoir Escherichia coli (sensible aux
Céphalosporines de 3ème génération),
Listéria monocytogène (sensible à la Pénicilline),
et le Streptocoque â hémolytique du groupe B (sensible aux deux).
L'utilisation d'association de la gentamicine ou Amikacin avec les â
lactamines a été à titre de synergie. L'infection
bactérienne materno - foetale a été traitée
systématiquement par une antibiothérapie probabiliste en
attendant l'isolement des germes. Ceci corrobore l'étude de Pierana et
al à Madagascar (45).
IV.7. EVOLUTION CLINIQUE
Nous avons constaté une évolution favorable ou
bonne dans 75,68% des cas. Il y a un abandon de traitement dans 4,80% et le
décès dans 19,52% des cas. Pierana R. et al (37), Cisse CT.et all
(10) et Aboussad et al (39) ont observé un taux de mortalité
respectivement de 8 ,4%, 19,51% et 46%. En effet, cette mortalité
néonatale est différente d'un pays à un autre et d'une
structure hospitalière à une autre. Ceci serait du au reflet du
niveau socio - économique des parents du nouveau - né et de la
qualité des soins dans les structures hospitalières dans ces
différents pays en développement.
Le nouveau - né avec un poids de naissance <2500g ont
un taux de mortalité de 59,65%. Chokoteu au Mali (40) et Mutombo en Cote
d'Ivoire (49) ont aussi observé une létalité importante
dans la tranche des nouveau - nés avec faible poids de naissance. En
effet selon les données de l'OMS, les nouveau - nés de faible
poids de naissance représentent un risque élevé de
décès, soit vingt fois plus que le nouveau - né à
terme (3).
Dans notre étude nous avons observée une
mortalité élevée de 59,65% chez les nouveau - nés
prématurés. Selon l'analyse des factoriels des correspondances
des variables, la mortalité croit au fur et à mesure que
l'âge gestationnel diminue. Aboussad et al au Maroc (39) et Mutombo en
Cote d'Ivoire (49) ont noté que la prématurité
était associée à une létalité importante. Le
transfert d'anticorps de la mère au foetus étant plus important
dans la deuxième moitié du troisième trimestre (23), cela
pourrait expliquer la susceptibilité importante des nouveau - nés
prématurés aux infections et aux décès comme nous
l'avons constaté.
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