La mise en oeuvre des normes internationales de protection des défenseurs des droits de l'homme au Cameroun( Télécharger le fichier original )par François Denis SAME TOY Université Catholique d'Afrique Centrale - Master en Droits d el'Homme et Action Humanitaire 2012 |
III. CONTEXTE DE L'ETUDEIl semble opportun ici au regard des interrogations soulevées par la problématique de départ, d'examiner les aspects juridique (A) et social (B), du contexte dans lequel s'insère cette étude. A. Contexte juridique« Il est temps d'assurer une véritable protection des défenseurs des droits de l'Homme. »6(*) C'est essentiellement en ces termes que ce pose le débat actuel relatif à la problématique des militants pour la cause des droits universels. « Aujourd'hui, la promotion et la protection du droit de défendre les droits de l'Homme constitue un intérêt croissant à travers le monde entier. [Traduit de l'anglais] »7(*) En effet, la communauté internationale semble de plus en plus, s'imprégner de l'idée selon laquelle il devient pressant, voire même salutaire, d'apporter un soutien effectif à l'oeuvre des défenseurs. Cette préoccupation n'est bien évidemment pas née ex nihilo. Deux facteurs apportent de façon logique, une explication à l'essor de cette dernière. Il s'agit d'une part, du fait que les différents acteurs se soient rendus compte de l'importance de l'oeuvre des défenseurs, pour la protection des droits universels. A cet effet, l'ex Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies (ONU) Koffi ATA ANAN, déclarait de façon fort éloquente, in extenso que : « les défenseurs des droits de l'homme sont au coeur du mouvement de défense des droits de l'homme partout dans le monde. Ils oeuvrent en faveur d'une transformation démocratique destinée à accroître la participation des individus aux décisions qui affectent leur existence. Les défenseurs des droits de l'homme contribuent à l'amélioration des conditions sociales, politiques et économiques et à la réduction des tensions sociales et politiques, et s'emploient à promouvoir, aux plans national et international, un climat de paix et des conditions favorisant la sensibilisation aux droits de l'homme. Ils constituent la base sur laquelle s'appuient les organisations et les mécanismes régionaux et internationaux de défense des droits de l'homme, notamment ceux des Nations Unies, pour promouvoir et protéger les droits de l'homme. »8(*) Cette affirmation traduit la prise de conscience, par les décideurs du système universel de protection des droits de l'Homme, de ce que les activités des défenseurs sont fondamentales aussi bien pour l'exercice universel des droits humains, que pour le plein exercice de la démocratie et de l'État de droit. La vérité selon laquelle le travail qu'ils réalisent inlassablement est crucial pour le renforcement des démocraties.9(*) D'un autre côté, l'intérêt pour la protection des défenseurs est né aussi du constat macabre de l'accroissement des risques auxquels ceux-ci se trouvaient exposés, dans l'exercice de leur mission. En effet, il devenait aisé de remarquer fort à propos qu' « aujourd'hui encore, dans des sociétés démocratiques, les défenseurs des droits humains continuent d'être victimes d'exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées, d'agressions, de menaces et de harcèlements, de campagnes de diffamation et d'actions judiciaires intentées à leur encontre, de restrictions au droit d'accès aux informations détenues par l'État, de contrôles administratifs et financiers abusifs, et de l'impunité dont jouissent les auteurs de ces violations. »10(*) Ces réalités avaient un impact fort conséquent et gênaient considérablement l'action des militants, pourtant vitale pour la promotion des droits de l'Homme. La communauté internationale a donc conçu non seulement l'opportunité, mais aussi la nécessité de doter les défenseurs d'une protection spécifique efficace et d'un cadre réglementaire leur permettant de travailler librement et sans entrave, harcèlement ou menace.11(*) Cette reconnaissance s'est faite par le droit. La Commission des droits de l'homme de l'ONU12(*) a mis en lumière l'importance des travailleurs des droits humains dans la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l'homme.13(*) En effet, en réponse à la situation critique traversée par les défenseurs, par sa résolution 53/144 du 9 Décembre 1998, l'Assemblée Générale des Nations Unies a unanimement adopté la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales universellement reconnus. Ce après, plus d'une décennie de campagnes et de négociations.14(*) Il s'agit du premier instrument de droit international portant de façon spécifique sur la protection des défenseurs. En avril 2000, soit moins de deux ans après l'adoption de la Déclaration, la Commission des droits de l'Homme des Nations Unies a adopté la résolution E/CN.4/RES/2000/61, qui crée le mandat du représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l'Homme. Il s'agit du premier mécanisme créé à l'échelle internationale, destiné à protéger les défenseurs des droits de l'Homme conformément à la déclaration de 1998.15(*) La nécessité de protéger les défenseurs, a également été reconnue par les différents systèmes régionaux de protection des défenseurs des droits de l'Homme. En Décembre 2001, par la résolution AG/RES.1818, l'Assemblée générale des Etats de l'Organisation des Etats américains (OEA) crée l'Unité des défenseurs des droits humains de la Commission Interaméricaine des droits de l'Homme.16(*) En 2004, le Conseil de l'Union européenne (UE) a mis au point les « orientations de l'Union européenne concernant les défenseurs des droits de l'Homme ».17(*) En 2004, la Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples adopte la première résolution sur la protection des défenseurs africains, la résolution ACHPR/Res. 69(XXXV)04, dans laquelle est créée la fonction de Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits humains en Afrique.18(*) De manière générale, « les instruments relatifs aux droits de l'homme consacrent des droits que les États sont tenus de respecter et de garantir à toutes les personnes relevant de leur juridiction. »19(*) Aussi, dans cette mesure, la politique prise à l'international a inexorablement des répercussions au niveau interne des pays. Le Cameroun étant membre des Nations Unies et de l'Union africaine, a été également concerné par la dynamique impulsée au sein de ces institutions, relativement à la protection des défenseurs. L'engagement de ce pays en matière de promotion et de protection des droits de l'Homme en général et des prérogatives des militants de ces derniers en particulier, se traduit au niveau juridique, par deux processus corolaires à savoir : la constitutionnalisation des droits de l'Homme et leur encadrement législatif. Relativement au premier point, il faut observer que « la proclamation des droits fondamentaux est une constante dans les différents textes constitutionnels camerounais. »20(*) C'est dire que d'une part, le Cameroun marque son attachement aux valeurs prônées par les textes internationaux des droits de l'Homme, en intégrant dans sa constitution, les droits qu'ils consacrent. D'autre part, la législation interne consacre et protège les droits et libertés fondamentaux de la personne humaine. Aussi, certaines lois disposent sur l'exercice de prérogatives individuelles et collectives cruciales pour l'opérationnalisation de l'oeuvre des défenseurs. Il s'agit par exemple de la loi n° 90/53 du 19 décembre 1990 portant liberté d'association et de la loi n° 90/52 relative à la liberté sociale, adoptée également le 19 décembre 1990. Ces deux textes consacrent dans l'ordre interne, des libertés dont l'existence est primordiale pour la défense efficiente des droits de l'Homme. Il faut donc dire que la protection des défenseurs représente une nécessité prise en compte par le Cameroun, notamment sur le plan juridique. * 6 Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme (OBS), L'obstination du témoignage, Rapport annuel 2011, p. 9. * 7 East and Horn Africa Human Rights Defenders Project (EHAHRDP), Defending human rights: resource book for human rights defenders, 2nd edition, p. 2. * 8 Rapport du Secrétaire général de l'ONU à l'Assemblée générale, 55ème session, A/55/292, 11 août 2000 cité dans Rapport sur la situation des défenseurs des droits de l'Homme dans les Amériques, CIDH, pp 7-8. * 9 Commission Interaméricaine des droits de l'Homme, Rapport sur la situation des défenseurs des droits de l'Homme dans les Amériques, OEA/Ser.L/V/II. 124, Doc. 5 Fr, adopté à sa 124ème session ordinaire, 7 mars 2006, p. 1. * 10 Idem, p. 1. * 11 OBS, Op. Cit., p.15. * 12 Il s'agit de l'actuel Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies. * 13Commission Interaméricaine des droits de l'Homme, Op. Cit., p. 7. * 14 EHAHRDP, Op. Cit., p. 2 (traduit de l'anglais). * 15 Idem, p. 4. * 16 EGUREN L. E. et QUINTANA M. M., Protection des défenseurs des droits humains : bonnes pratiques et leçons tirées de l'expérience, Protection International, 2011, p. 6, disponible sur www.protectionline.org (consulté le 19/08/2013). * 17 Commission Interaméricaine des droits de l'Homme, Op. Cit., p. 8. * 18 EGUREN L. E. et QUINTANA M. M., Op. Cit., p. 6. * 19 Commission Interaméricaine des droits de l'Homme, Op. Cit., p. 1. * 20 Idem, p. 1. |
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