ARTICLE
De l'image de la France
Dans
Les trois dernières fictions romanesques de
Mongo Beti
Auteur : Jean Baptiste
NTUENDEM
Doctorant en Sciences du Langage, Littératures
et Cultures françaises et francophones
677 62 29 80 / 697 24 34 78
jbntuendem@gmail.com
UNIVERSITE DE DSCHANG
ECOLE DOCTORALE
CAMEROUN
Juillet 2013
SOMMAIRE
I-LES MANOEUVRES POLITIQUES ET MILITAIRES
NEOCOLONIALES DE L'ANCIENNE METROPOLE.
I-1- La France promotrice et protectrice des dictateurs
africains.
I-2- L'organisatrice des guerres civiles, des génocides
et des coups d'Etat en Afrique.
I-3- Les Ingérences françaises et l'espionnage
rampant en Afrique.
I-4- La France raciste et xénophobe : les
dérives de la francophonie.
II-LES MANOEUVRES D'EXPLOITATION NEOCOLONIALE DES
ECONOMIES.
II-1-Monopoles français et prédation des
richesses naturelles africaines.
II-1-1- Le Monopole des Importations et des Exportations en
Afrique.
II-1-2- Le Franc CFA en Afrique : Une monnaie coloniale
de domination.
II-1-3- Le Pétrole africain: Un Monopole
d'ELF Aquitaine
II-1-4- Le Bois africain: Un Monopole des forestiers
français.
II-2- Le FMI et la Banque Mondiale : Deux Institutions
Financières de domination impérialiste.
III-LA CORRUPTION RAMPANTE DES MOEURS FRANCAISES
III-1- La Sexualité débridée.
III-1-1_La Fellation
III-1-2- La Pédophilie
III-1-3- Le Proxénétisme
RESUME
La question des relations entre la France et ses anciennes
colonies est davantage d'actualité au coeur de la littérature
d'Afrique noire francophone postcoloniale qui la textualise à travers
une déconstruction des discours issus des appareillages
idéologiques officiels de tout bord, et dévoile les manoeuvres
néocoloniales de domination et les stratégies de
désintégration des souverainetés nationales africaines.
Mongo Beti, écrivain francophone situé à cheval entre deux
espaces et deux cultures francophones (française et camerounaise), se
positionne comme un grand observateur privilégié des rapports
séculaires et actuels que ces deux pays entretiennent, et dépeint
avec force ironie, humour et satire, une image affreuse de la France dans sa
production littéraire post retour d'exil : L'histoire du fou
( 1994), Trop de soleil tue l'amour ( 1999) et
Branle- bas en noir et blanc ( 2000), il fait de la France Afrique ou
mieux de l'image de la France, un véritable matériau
littéraire.
Mots clés :
Indépendance- Postcolonie- Ancienne métropole-
Désintégration - souverainetés.
Abstract
The problem of relationship between France and its former
colonies is more and more on the agenda and at the heart of postcolonial
francophone literature which puts this down through the deconstruction of
speeches from all the official ideological machines and unveils all neocolonial
practices of domination and disintegration strategies of African National
sovereignties.Mongo Beti ,Francophone writer sandwiches between two francophone
spaces and cultures (French and camerounian),stands as great observer of the
relationship held by both countries. He heavily depicts irony,humour, and
satire ,a frightful image of France in its literary production after return
from exile. In L' histoire du fou (1994) ,Trop de soleil tue
l'amour (1999) ,Branle bas en noir et blanc (2000) ,he makes
of Françafrique or better still of the image of France ,a genuine
literary tool .
Keywords: Postcolony-Former metropole
-Desintegration -Sovereignties.
INTRODUCTION
Les rapports séculaires et actuels entre la France et
ses anciennes colonies ont toujours été diversement
perçus, car si les liens officiels qui existent entre cette ancienne
métropole et l'Afrique noire francophone post coloniale sont
présentés par les appareillages idéologiques officiels de
tout bord comme amicaux et fraternels, du côté de cette
région du continent noir, ils sont régulièrement
évalués par des écrivains africanistes et africains comme
relevant de la pure supercherie entre dominant et dominés. L'objet de
cette modeste réflexion que nous nous proposons de mener dans l'espace
de cet article est d'apprécier l'autre regard textualisé par la
plume d'un écrivain francophone dont la double appartenance spatiale et
culturelle à la France et au Cameroun fait de lui un observateur
privilégié de ces deux sociétés qui entretiennent
des rapports de domination très voilés et sournois dans la
réalité , mais que notre corpus dévoile dans un
contexte de porosité des frontières et de mondialisation.
Notre problématique est de savoir s'il peut y avoir des
raisons de croire qu'il existe des éventuelles possibilités entre
deux pays, deux nations, deux races et deux peuples dits souverains, amis et
frères ,de garder des liens historiques porteurs de l'estampille
de la civilisation, du dialogue, de la compréhension mutuelle,
d'intégration, d'aide, d'échanges, de brassage des populations et
de coopération dans un contexte réel de domination
systématique effective et de confiscation des souverainetés d'une
partie par l'autre.
Notre hypothèse est simple : notre corpus nous
offre à lire des rapports apparemment sains, mais réellement
infectés. L'exploitation d'une pléthore d'indices pertinents et
irréfutables milite en faveur de cette hypothèse, au regard du
foisonnement et de la diversité des thèmes
développés par Mongo Beti qui a toujours privilégié
l'approche sociologique au détriment de l'ethnologisme. A la suite de
Gustave Massiah, ami de Mongo Beti, nous constatons que la pensée
politique de l'écrivain, étonnement moderne et actuelle,
s'organise autour de la lutte contre le néocolonialisme en tant que
système, et en particulier le néocolonialisme français en
Afrique. Notre approche s'appuiera sur l'appareillage méthodologique de
la sociocritique qui étudie comment les textes de culture formulent les
codes, les foyers d'unités et de dispersion et les conflits d'une
société.C'est une approche qui s'attarde sur l'univers social
présent dans le texte. Il s'agira pour nous d'étudier les
mécanismes de textualisation des conflits comme la confiscation des
souverainetés, l'installation des serviteurs loyaux du système
colonial, la militarisation de la vie sociopolitique comme reproduction du
contrôle interne de la domination externe, le contrôle
monopolistique de la monnaie et des richesses naturelles et la mise en place de
l'arsenal insupportable des lois racistes sur l'immigration entre autres... Les
trois derniers romans de Mongo Beti dévoilent à n'en point
douter, la terrible politique France africaine et laissent apparaître le
vrai visage de la France : une France barbare, prédatrice, honteuse
et hypocrite. Ce corpus est un véritable réquisitoire des
forfaitures de l'ancienne métropole en Afrique.
I-LES MANOEUIVRES POLITIQUES ET MILITAIRES
NEOCOLONIALES DE LA FRANCE.
Comme tous les historiens et les politologues qui se sont
penchés sur l'histoire des décolonisations en Afrique noire
francophone, Mongo Beti pense avec force conviction que la France est à
l'origine des désintégrations des souverainetés politiques
dans cette partie du continent noir. Ses trois derniers romans écrits
après son retour d`exil permettent de lire toute une gamme de
manoeuvres politiques et militaires conçues pour maintenir sa
présence et son hégémonie sur le continent noir. Pour lui,
toutes les désintégrations sociopolitiques émanent de la
décolonisation partielle ou manquée des colonies
françaises. Par ailleurs, cette ancienne métropole installe des
dictateurs complaisants, sanguinaires, totalitaires complètement
manipulables à sa guise. La même manoeuvrière va instaurer
des partis uniques et organiser une chasse aux opposants, des guerres civiles,
des génocides et des coups d'Etat à répétition.
L'intégrité des Etats ainsi partiellement
décolonisés connaîtra davantage une réelle fracture
du fait d'une coopération néocolonialiste qui conditionne l'aide
au développement par la démocratisation, alors qu'elle propose
des holdups électoraux à ses amis en cas de perte des
élections. L'ancienne métropole, comme la désigne le
narrateur tout le long de son récit, a non seulement
développé des systèmes d'espionnage très
sophistiqués, mais elle a aussi multiplié des actions de
mercenariat qui lui ont permis de défaire à volonté tous
ceux des chefs d'Etat africains qui se sont rebellés contre sa tutelle.
Pour un contrôle systématique et permanent des politiques
intérieures et extérieures de ses anciennes colonies, elle a
garanti son ingérence et a mis un accent sur la francophonie politique
au détriment de la francophonie linguistique. Le regard que porte
l'auteur sur les rapports qui existent entre l'Ancienne métropole et ses
anciennes colonies est d'autant plus inquiet qu'il fait ressortir l'image d'une
France dont le racisme et la xénophobie se lisent sur l'arsenal des lois
sur l'immigration, sur les charters qu'elle organise, et sur la
lepénisation galopante en France.
I-1- La France promotrice et protectrice des dictateurs
A lire minutieusement Mongo Beti, nous comprenons que cet
écrivain engagé situe la malédiction que subit l'Afrique
noire francophone aux indépendances manquées, car pour lui, la
décolonisation française est un processus jamais achevé
et, c'est d'ailleurs un fait théorique qui porte gravement atteinte
à la souveraineté réelle de ces Etats :
L'attitude et les arrières pensées de l'ancienne
métropole inspiraient d'ailleurs des conjectures aussi extravagantes que
contradictoires. Visant tantôt d'un savoir-faire débonnaire, de
rouerie ou de cynisme, cette puissance occidentale, forte de son
honorabilité, et surtout d'une modernité, avait réussi la
gageure de maintenir dans la posture humiliante du protectorat colonial des
Républiques africaines dont le statut juridique équivalait
théoriquement à la pleine souveraineté. (Mongo Beti
1994 : 133)
Parlant de cette décolonisation française
irréelle, l'auteur affirmait déjà un an plus tôt
dans son ouvrage intitulé : La France contre l'Afrique :
retour au Cameroun : « Il aurait fallu en
somme que le Cameroun jouisse d'une réelle indépendance, et qu'il
soit à même de se procurer tout seul les voies et les moyens d'une
démocratisation et d'un développement sans doute douloureux et
même aléatoires, mais libres, adultes et
authentiques. » (Mongo Beti 1993 : 176) Kroubo Dagnini
explicite d'ailleurs les manoeuvres politiques françaises en ces
termes :
Ainsi en 1958, le général de gaulle mit en place
une stratégie oeuvrant pour une décolonisation partielle des
colonies françaises, dont le but officiel fut leur émancipation
progressive mais dont l'objectif officieux était leur maintien sous la
tutelle politique, économique et militaire de la France. Pour ce faire,
il lueur proposa l'appartenance à une structure nommée la
« communauté », prévoyant leur autonomie au
niveau interne, mais leur dépendance vis-à-vis de la France dans
les domaines de la défense, de la diplomatie, de la monnaie et du
commerce extérieur. ( kroubo Dagnini 2008 : 114)
Notre corpus montre bien que, après avoir réussi
à désintégrer cette souveraineté par l'octroi d'une
indépendance fictive, l'ancienne métropole a opté pour des
dictateurs sanguinaires, véritables serviteurs de ses
intérêts :« Trop heureuse de saisir enfin
l'occasion d'une revanche facile sur ses déboires asiatiques, l'ancienne
métropole jeta dans la balance son expérience de
manoeuvrière à la fois politique et militaire : elle
installa un dictateur complaisant et lui fit endosser une guerre civile
larvée. » (Mongo Beti 1994 :13)
La dépendance des anciennes colonies vis-à-vis
de la France dans les domaines de la défense et de la diplomatie lui
permettent de développer des déploiements des manoeuvres
militaires qui violent les droits de l'Homme :
Ses interventions militaires sur le continent noir ne se
comptaient plus, elles étaient même entrées dans la
tradition de la diplomatie internationale, au point de ne soulever aucune
reproduction. Elites et dirigeants africains impuissants devaient compter avec
sa férule de la même façon qu'avec les changements de
saison, les secousses telluriques ou tous les cataclysmes qu'on dit naturels.
(Mongo Beti : 133)
Il s'agit, en fait, d'une ancienne métropole
calculatrice, douée d'esprit de convoitise et pétrie de
duplicité qui protège et cajole ses marionnettes dans le seul but
d'exploiter le pétrole national dont elle s'assure la main mise :
Pour les uns, elle avait fait son chouchou du chef de l'Etat,
et pour rien au monde elle ne l'abandonnerait. Elle encourageait en sous-main
le ministre d'Etat qui s'était engagé, s'il devenait le
maître, à lui abandonner la maîtrise totale de
l'exploitation du pétrole national. (Mongo Beti : 133)
En effet, beaucoup d'observateurs de la vie politique
camerounaise sont d'avis que la France protège ses amis dictateurs dans
le seul but de piller les ressources naturelles. C'est ce qu'affirme Jean
Fochivé dans ses révélations faites à Fenkam
Frédéric :
La France accusera un sérieux retard dans le rang des
grandes nations. Comme une mère d'enfants qui veut rattraper un bus
entraînant derrière elle sa bande de marmots, la France qui se
veut être la nourrice de l'Afrique se verra débordée et
envahie par des Africains fuyant la misère d'une oppression sauvage
à laquelle elle a involontairement contribué. Ces petits
dictateurs d'Afrique qu'elle a toujours protégés n'ont jamais
raté une seule occasion de croire aux peuples paupérisés
qu'ils sont victimes des pillages systématiques d'une France insatiable.
(Fenkam 2003 : 217)
Sous la plume de Mongo Beti, cette marionnette de l'ancienne
métropole est une sorte de monstre qui est à la tête d'un
régime despotique :
Voilà donc à l'agonie l'ogre qui, pendant trente
ans, avait craché sur nous tant de souffrance ! Car personne ne
doutait que ce fût l'agonie si longtemps guettée du régime
despotique installé ici par l'ancienne métropole en 1960, tenu
à bout de bras par elle, aujourd'hui vaincu moins par la vaillance de
ses ennemis que par la logique enfin dévoilée de sa nature
d'enfant non viable, pareil aux bébés hydrocéphales.
(Mongo Beti : 192)
Malgré le soutien à la dictature, l'auteur, dans
un ton oraculaire, prédit la chute du monstre en proie à
l'adversité et victime de sa tyrannie.
On ne voyait que trop au contraire quels désastres
l'avenir poussait vers lui comme une meute de chiens hurleurs galopant encore
au loin, certes, mais ventre à terre. Lui-même excepté,
sans doute aussi ses protecteurs de l'ancienne métropole, chacun
présentait maintenant que le destin du dictateur, instrument d'un monde
présomptueux, dont il incarnait si bien l'aveugle entêtement et la
déshumanisation, était de se fracasser un jour contre le mur.
(Mongo Beti : 188)
Les fictions post retour d'exil de Mongo Beti cernent
davantage les forfaitures de la France en Afrique noire francophone et montrent
à suffisance cette ancienne métropole au centre d'une cruelle
organisation des guerres civiles, des génocides et des coups d'Etat.
I-2- L'organisatrice des guerres civiles, des
génocides et des coups d'Etat.
Les forfaitures de l'ancienne métropole sont
nombreuses et les textes de Mongo Beti en rendent suffisamment compte. La
guerre civile vécue dans le pays francophone décrit par le
narrateur est explicitement évoquée dans L'Histoire du
fou, et porte la responsabilité lointaine de l'ancienne
métropole :« Trop heureuse de saisir enfin l'occasion
d'une revanche facile sur ses déboires asiatiques, l'ancienne
métropole jeta dans la balance son expérience de
manoeuvrière à la fois politique et militaire : elle
installa un dictateur complaisant et lui fit endosser une guerre civile
larvée. » (Mongo Beti 1994 : 13)La France qui sert
de mentor à son dictateur l'aide à déclencher une guerre
civile contre les révolutionnaires qui revendiquent
l'indépendance totale du pays :
... Il n'avait pu présenter sa carte d'identité,
crut pouvoir adoucir son tortionnaire en dénonçant à tout
hasard Zoaételeu comme étant le maillon stratégique d'un
réseau de militants clandestins et de guérilleros, tous acabits
avec lesquels le chef de l'Etat porté à bout de bras par
l'ancienne métropole, venait d'engager une guerre sans merci. (Mongo
Beti 1994 : 14)
Autant la guerre est menée dans la province du centre
contre les militants clandestins, autant elle est poursuivie à l'Ouest
contre les maquis révolutionnaires, avec l'appui de l'ancienne
métropole : « Quand enfin Zoaételeu reparut
après six années peut-être plus interminables pour les
siens que pour lui-même, et alors que le chef de l'Etat poursuivit contre
les maquis révolutionnaires de l'Ouest une guerre qui
s'exaspérait chaque jour et où s'épuisaient lentement les
facultés de la nation... » (Mongo Beti : 15)
L'auteur de Trop de soleil tue l'amour montre que, pour maintenir son
emprise en Afrique, l'ancienne métropole est prête à tout.
Le génocide au Rwanda est évoqué ici plusieurs fois et
porte sa responsabilité lointaine : « Nous n'aimons
pas beaucoup les Français ici, déclarait le patron ; ces
gens-là n'ont jamais oublié qu'ils ont été nos
maîtres. Regardez ce qui s'est passé au rwanda. Ils sont
prêts à tout pour maintenir leur emprise. » (Mongo
Beti 1999 : 26) Si dans cette première allusion à la guerre
civile et au génocide rwandais n'est pas très explicite, une
vingtaine de pages plus loin, la responsabilité des Français est
explicitement établie dans cette boucherie humaine :
« Après leur génocide du Rwanda, ils ne devraient
même pas sortir dans la rue. Si seulement kabila réussissait enfin
à les expulser du zaïre... » (Mongo Beti :
47)
Le voeu formulé ici par le personnage d'Eddie montre
non seulement l'omniprésence française en Afrique noire
francophone, mais surtout toutes ses contributions désastreuses dans les
massacres des populations dans cette partie du continent africain. D'ailleurs,
d'un texte à l'autre, cette crise du Rwanda revient dans les propos
d'Eddie, et sous la plume de l'auteur comme une véritable
obsession :
C'est vrai, ça, faut pas toujours incriminer les
toubabs. Des salauds, les toubabs. D'accord, tout à fait d'accord, ils
le reconnaissent eux-mêmes parfois, comme en ce moment avec l'affaire du
génocide du Rwanda et les dérives d'Elf aquitaine dans le golfe
de Guinée ce qui est plus sympa, nous n'avons même plus de
mérite à les dénoncer, les toubabs, quand ils s'y
mettent, le font eux-mêmes mieux que nous. (Mongo Beti 2000 :207)
L'ancienne métropole est perçue dans notre
corpus comme l'instigatrice principale des persécutions des leaders
politiques et des coups d'Etat. L'emprisonnement du leader de l'UPC
Félix Moumié porte les empreintes de la France, et PTC
dénonce ce triste événement historique qui montre
davantage la cruauté des Français : « les
Français, c'est le poison, rappelez-vous le Dr Félix
Moumié- ou l'accident de la route. C'est raffiné, quoi, il y a la
classe. » (Mongo Beti 1999 : 55) L'assassinat de
Félix Moumié avait déjà fait l'objet de la
préoccupation de Mongo Beti, hors fiction, dans son essai
intitulé Main basse sur le Cameroun publié en 1972.
Dans cet essai, il montre que c'est un agent des services secrets
français qui s'était déguisé sous
l'identité d'un journaliste pour commettre ce lugubre forfait :
Quant à Félix-Roland Moumié, autre chef
révolutionnaire camerounais assassiné, là au moins il est
impossible de laisser les services d'action psychologique d'Ahmadou Ahidjo
vaticiner des échafaudages rocambolesques : Moumié comme je
l'ai déjà dit d'ailleurs, fut tout bonnement empoisonné
à Genève par un soi-disant journaliste, en vérité
un agent des services secrets français, nommé Bechtel, avec
lequel il avait eu l'imprudence à peine croyable de dîner en
tête-à-tête. (Mongo Beti 1972 : 149)
L'historien camerounais de renom, Engelbert Mveng situe avec
exactitude la date de cet empoisonnement le 3 Novembre 1960 :
« Il est mort le 3 Novembre 190, en Suisse empoisonné par un
certain William Bechtel, officier des services secrets français. (C'est
la conclusion de l'enquête menée par la police
fédérale suisse.) (Mveng 1985 :183)Les circonstances de cet
empoisonnement sont bien élucidées par un upéciste,
compagnon de lutte de Moumié :
On connaît la suite des événements :
dans un premier temps, Bechtel parvient à gagner la confiance de
Moumié à Accra en se faisant passer pour un journaliste. Ensuite,
il lui conseille d'aller soigner son foie à Genève, chez de
grands spécialistes qu'il pouvait lui recommander. Les deux hommes se
retrouvent donc en Suisse, le Samedi 15 Octobre 1960, ils dînent dans un
restaurant du vieux Genève : «le plait d'argent» (...) A
son retour, une autre surprise : son vin a changé de goût, il
est devenu paralysie des organes vitaux commence à le gagner.
Médecin, il identifie le Thallium, un poison violent, et accuse la main
rouge et le SDECE. Il mourra le 3 Novembre 1960 dans la clinique genevoise
où on l'avait transporté. Betchel sera poursuivi, acquitté
et blanchi par la justice helvétique. (Eyinga 1991 :128)
Les textes de Mongo Beti ne montrent pas seulement que la France
sait organiser des guerres civiles, des génocides et des
empoisonnements. Nous avons pu lire ses implications dans ces nombreux coups
d'Etat et putches qui structurent ces fictions, et également ses
arbitrages complices et complaisants : « Mais l'assaut
brutal à la Kalachnikov, ça, c'est africain, c'est Mubutu contre
Lumumba, Eyadema contre Sylvanus Olympio, Compaoré contre Sankara,
ou Tombalbaye contre Outel Bono. » (Mongo Beti 1999 :
55)L'Afrique noire francophone post coloniale est peinte comme le
théâtre des manoeuvres politiques et militaires d'une ancienne
métropole qui ruse à suffisance et manipule à
volonté tous les chefs d'Etat à sa guise et à sa
fantaisie.
Il se murmurait pourtant ici et là, et pas seulement
dans l'entourage immédiat de l'avocat, que les chefs militaires
dissidents se préparaient à une confrontation avec le nouveau
pouvoir que, d'ailleurs, cette perspective troublait à en juger par les
indices manifestes. Ils disposaient d'un armement redoutable, grâce
auquel il leur suffisait de quelques semaines, au plus, pour balayer le nouveau
chef de l'Etat et ses troupes. Ils s'étaient jusqu'alors retenus
d'entamer les hostilités parce qu'ils s'interrogeaient à propos
de l'attitude de l'ancienne métropole qui avait réussi à
garder son soufrage secret, laissant croire à chaque camp qu'il
accordait la préférence. (Mongo Beti 1994 : 171)
Cette attitude secrète de la France cache plutôt
sa sournoise et sa duplicité, elle agit en faveur de son dictateur
pantin :
La fraction élégante du public, s'aveuglant de
ses illusions, se gaussait des préventions de démocratie venant
de militaires présentés traditionnellement comme l'incarnation de
l'esprit fascinant. L'ambassade de l'ancienne métropole, craignant
d'être destituée de son statut d'arbitre, se bornait à
insinuer auprès de qui voulait l'entendre des appréciations
désenchantées sur la fraction militaire opposée au chef de
l'état ; elle hésita d'ailleurs de moins en moins à
lever son masque et à se poser carrément en mentor du seul chef
de l'Etat et de son clan, ce qui n'incitait pas peu les deux camps à
exacerber leur exécution mutuelle. (Mongo Beti : 177)
Les complots et les conjurations de l'ancienne
métropole en Afrique noire francophone sont d'ailleurs bien reconnus par
le Président François Mitterrand dans son allocution
prononcée à l'occasion de la séance solennelle d'ouverture
de la 16ème conférence des chefs d'Etat de France et
d'Afrique :
De la même manière, j'interdirai toujours une
pratique qui a existé parfois dans le passé et qui consistait
pour la France à tenter d'organiser des changements politiques
intérieurs par le complet et la conjuration. Vous le savez bien, depuis
neuf ans, cela ne s'est pas produit et cela ne se produira pas.1
Il faut bien noter que ce discours de la Baule date du 20 Juin
1990, alors que François Mitterrand a été élu en
1981. L'aveu du Président François Mitterrand dévoile
à suffisance les pratiques manoeuvrières de la France
néocolonialiste. S'il est établi que l'ancienne métropole
s'illustre comme une excellente manoeuvrière politique et militaire qui
sait organiser des guerres civiles, des empoisonnements et des coups d'Etat, il
faut encore lui reconnaître cette habilité à
s'ingérer dans les affaires de ces colonies et d'y pratiquer un
espionnage rampant.
I-3- Ingérences, et espionnage rampant des
Français
Les rapports qui lient l'ancienne métropole à
ses anciennes colonies sont tellement brumeux et opaques que l'on n'arrive pas
clairement à comprendre en quoi ces dernières pourraient
être appelées Etats souverains. En effet, leurs
souverainetés politiques sont tellement entamées et
désintégrées qu'elles fonctionnent comme de nouvelles
colonies, car la France est omniprésente et veut tout
contrôler ; c'est ce qui amène Norbert à dire ce qui
suit à Georges :
Moi, je n'aime pas travailler avec les coopérants
blancs, surtout les Français. Ils dérangent trop avec leurs
méthodes. Nous sommes en Afrique ici, et pas chez vous autres. Les
Toubabs veulent toujours tout savoir de ce qui se passe chez nous. Est-ce que
je te demande comment ça se passe chez toi ? (Mongo Beti
1999 : 127)
Cette ingérence, le policier Norbert l'assimile
volontiers à une recolonisation :
Comment ça, chez moi ? Protesta Norbert, je me
suis plus chez moi ici ? Vous, les français, vous voulez faire la
recolonisation maintenant ? Alors, c'est vrai ce qu'on dit dans les
journaux indépendants ? Vous, les Français, vous venez nous
recoloniser ? Les Toubabs reviennent pour tout prendre ? (Mongo
Béti : 130).
L'ancienne métropole est omniprésente et ses
immixtions se font remarquer même dans les milieux
universitaires :
Mais l'opinion fut outrée de voir mettre en doute un
événement aussi grave, auquel était sans doute
mêlé, disait-on maintenant, le gouvernement de l'ancienne
métropole, à moins que, coutumiers de l'immixtion dans les
Républiques africaines, il n'eut orchestré lui-même ce
qu'on commençait à qualifier de boucheries dans les milieux
universitaires. (Mongo Beti 1994 : 95)
Nos analyses nous ont montré que la France
s'ingère dans tous les domaines de la vie socio politique de ce pays
d'Afrique noire francophone. Par ailleurs, nous avons pu lire dans tout notre
corpus une rage d'espionnage rampant. Le personnage de Georges Lamotte dont
l'identité réelle reste très floue aux yeux de beaucoup de
personnages est le symbole même de l'espionnage français. Eddie
n'hésite pas à lui rappeler que tous les Français sont des
barbouzes : « -est-ce que je ni inquiète de savoir
si vous êtes une barbouze, moi ? Vous ne savez donc pas ce qu'on dit
des français ici ? Que vous êtes tous des
barbouzes. » (Mongo Beti 2000 : 47) Georges
généralise d'ailleurs cette image à tous les Blancs qui
résident sur le continent africain : « - Ecoutez
bien, Eddie, déclara l'homme blanc. Je ne sais même pas ce que
veut dire ce mot. De toute façon, vous ne me croiriez pas. Tous les
blancs en Afrique sont des Barbouzes, vous seriez bien le seul à
échapper à ce fantasme. » (Mongo Beti : 223)
S'il est vrai que Georges ironise ici, il n'en demeure pas moins vrai qu'il est
régulièrement indexé comme une barbouze. Dans ses
conversations avec Bébète, cette dernière y insiste :
« on dit que tous les Français sont des barbouzes. Tu es
une barbouze ? Pourquoi tu m'as caché... » (Mongo
Beti 1999 :95) Georges apparaît désormais comme un bon
serviteur de la coopération franco-africaine :
Le lendemain, le directeur de l'ANDECONINI, à qui
Georges venait de rendre compte en bon serviteur de la coopération
franco-africaine, lui déclara ; - Bravo, chers ami, trois fois
bravo ! Vous n'imaginez pas le prix des informations que vous nous
apportez là ; en fait elles n'en ont pas. Encore une fois, bravo.
(Mongo Beti : 202)
L'image qui se dégage aussi de cette ancienne
métropole est celle d'un pays qui excelle dans les fraudes
électorales et qui sait également manipuler l'opinion.
I-4- La France fraudeuse et manipulatrice de
l'opinion
Trop de soleil tue l'amour est le roman du retour des
exilés. C'est aussi un regard posé sur certains
dysfonctionnements perceptibles dans la vie politique de l'ancienne
métropole qui se projette comme modèle de fraudes
électorales. Autant elle aide ses protégés dictateurs
africains à frauder à chaque scrutin électoral, autant
elle-même manipule les urnes :
C'est pour ainsi dire une institution dans ces pays là
mêmes qui se prétendent de vieilles démocraties, sinon les
inventeurs de la démocratie. Sinon les inventeurs de la
démocratie. Camarades, est-ce que vous connaissez le nombre de demandes
d'annulation déposées devant les tribunaux après la
récente élection s législatives françaises ?
Trois cent cinquante six, pas une de moins, camarades. Il n'y a de demande
d'annulation que s'il y eu fraude cela concerne la moitié des
députés français. La moitié des
députés français ont été élus
grâce à la fraude. (Mongo Beti 2000 : 192)
Dans l'étude que nous avons faite sur l'image du
Président dans les derniers romans de Mongo Beti, il nous a
été donné de constater que ce dictateur qui
bénéficie des protections de l'ancienne métropole est un
tyran qui spolie la presse dite indépendante pendant que la presse
gouvernementale est contrôlée et instrumentalisée comme
outil de propagande politique et de manipulation de l'opinion. Nous avons pu
lire aussi les traces de la presse étrangère, en l'occurrence la
presse écrite et la presse électronique françaises. Il
s'agit d'une presse complaisante et complice de la dictature qui sévit
ici. Dans la monotonie existentielle qui sévit dans cette
république bananière, la presse française apparaît
comme la seule diversion : « Les journaux du monde
civilisé, seule diversion au désespoir rampant, arrivent avec une
semaine de retard. » (Mongo Beti 1999 : 12)La presse
écrite française dont on retrouve les traces dans L'Histoire
du fou est l'Univers. La légèreté avec laquelle elle
gère les informations qu'elle diffuse montre une carence très
grave dans la déontologie et dans l'éthique de la profession
journalistique. Le narrateur note :
Tout semblait avoir commencé avec un journal de
l'ancienne métropole, l'univers, quotidien paraissant le soir, qui, en
évoquant l'affaire du marabout des putschistes, sans avoir
dépêché d'envoyé spécial sur place, sans
bénéficier des conseils et de la documentation d'aucun
correspondant local(...) s'était autorisé à
d'écrire par la caricature la situation politique du pays. (Mongo Beti
1994 : 94)
L'univers est une presse méprisante qui est
au service de la dictature. Toutefois, son manque de professionnalisme porte
entorse à l'image même du dictateur qu'elle protège :
« Au lieu de l'effet de désamorçage
espéré, le mépris affiché par l'univers avait
abouti au résultat exactement inverse, qui allait rendre plus
périlleuse que jamais la position de son protégé, le
dictateur chef de l'Etat. »(Mongo Beti : 95)
La presse de l'ancienne métropole est un outil de
manipulation de l'opinion utilisé dans sa diversité pour
nettoyer et pour embellir l'image du dictateur qu'elle protège :
Le pays était livré à ce que, avec le
recul, je ne peux appeler autrement qu'une anarchie policière.
L'ancienne métropole avait eu beau se démener dans la coulisse,
inspirer des articles de presse remplis des plus nobles
références, commander à la hâte des ouvrages aussi
savants qu'il est imaginable, financier à grands frais des reportages
télévisés à la gloire de son protégé,
l'image de sa position que laissait le chef de l'Etat n'était pas, (...)
une dynastie victorienne... » (Mongo Beti 1994 : 187)
Par contre, cette presse pro impérialiste au service de
la dictature est très apte au dénigrement et à la
moquerie, quand il est question de l'Afrique noire francophone :
En revanche, une information fâcheuse à propos
des ressources de sieur Ndibilongo Joachim ne serait pas seulement
préjudiciable, à son image personnelle, elle
éclabousserait toute l'élite de notre société
toujours exposée au dénigrement et aux moqueries de
l'étranger. Les médias de là-bas, qui voient bien la
paille dans nos yeux mais ignorent la poutre des leurs, auraient tôt fait
d'extrapoler et de généraliser. (Mongo Beti 2000 :
328-329)
Dans les rapports qui existent entre l'ancienne
métropole et ses anciennes colonies, la francophonie apparaît aux
yeux de Mongo Beti comme un instrument d'oppression et non de partage. A cette
francophonie politique qui sert essentiellement à instituer et à
perpétuer la conquête sous le couvert du partage linguistique
s'ajoute les relents de racisme et de xénophobie français.
I-5- Les dérives de la Francophonie, le racisme
et la Xénophobie de la France
S'il est vrai que la Francophonie fait l'objet de deux
mentions seulement dans notre corpus, nous avons noté toutefois qu'elle
ne bénéficie pas d'une appréciation favorable. Bien au
contraire, non seulement on lit un rejet des Français, mais aussi celui
de leur Francophonie : « Les français, nous n'en
voulons plus ici, mais alors plus du tout. Mais est-ce que c'est leur
problème ? D'abord ce fut leur foutu franc CFA, une vraie
calamité. Et voilà qu'ils viennent en plus nous casser les pieds
avec leur francophonie. » (Mongo Beti 1999 : 27)
Mongo Beti pense que la Francophonie linguistique est
irréelle, ou plutôt un mensonge :
...Comment prétendre coopérer avec un peule sans
parler la langue où il bègue depuis des
millénaires ? Voyez-vous, messieurs, la francophonie est un concept
mensonges, au moins sur le plan linguistique, et sans doute sur tous les
autres. Mais il faut faire avec, que voulez vous ? Au demeurant, qu'est-ce
que le mensonge, sinon un synonyme de la politique parmi d'autres ? (Mongo
Beti 2000 : 128)
Que ce soit dans ses fictions ou hors fiction,
l'écrivain contestataire garde une position très critique face
à la francophonie. Dans le rebelle II, il la
dénonce avec véhémence lorsqu'il dit :
Non, je ne le crois pas du tout, je l'ai dit très
souvent. D'ailleurs, je suis contre la francophonie des Français, c'est
un instrument d'oppression. C'est un échafaudage d'idées, qui
d'ailleurs n'ont rien à voire avec la langue française,
conçue pour maintenir les Africains sans autel. Ça n'est pas du
tout un instrument de développement, ni de libération, puisque
tut ce qui concerne la francophonie, institution, argent, vient de la France.
L'initiative est absolument aux Africains et d'ailleurs, en Afrique, on
préfère les chefs d'Etat aux écrivains, qui sont pourtant
les dépositaires de cette langue française. ( Djifack 2007 :
163)
Si la Francophonie des Français est perçue par
Mongo Beti comme un instrument d'oppression au service du
néocolonialisme, il apparaît également très clair
que cette ancienne métropole est dépeinte comme raciste et
xénophobe, au regard de l'arsenal des lois Pasqua sur l'immigration qui
rendent l'entrée et le séjour en France très
compliqués, et compte tenu de l'idéologie
développée et étendue par la lepénisation.
Théorie fondée sur l'idée de la supériorité
de certaines races sur les autres, le racisme est un ensemble de comportements
fondés, consciemment ou non, sur cette théorie, sur cette
doctrine. Dans notre corpus, deux noms français sont rattachés au
racisme et à la xénophobie des Français. Le narrateur fait
allusion à Jean Marie le Pen et à son idéologie politique
en ces termes : « ... à l'époque de cette
chronique, polluée par une lepénisation galopante, Eddie,
accusé de trafic de stupéfiants, a été
expulsé de Franc par charter. » (Mongo Beti
1999 :43) En effet, la lepénisation est un néologisme
politique qui désigne l'appropriation progressive par le public de tout
ou partie des thèmes développés par Jean marie le Pen, le
leader du Front National à cette époque. La lepénisation
est une idéologie d'autant plus dangereuse qu'elle est très
redoutée, même dans les Lycées français des
anciennes colonies, comme le remarque si bien, le jeune journaliste :
En tout cas, le proviseur n'en voulait pas, de ce groupuscule.
Il menaçait de chasser le jeune homme, qui le traitait de raciste, de
lepéniste et même de nazi. Ca agaçait le proviseur, mais
ça le paralysait aussi, c'est quand même fâcheux de se faire
traiter publiquement de lepéniste ici, c'est très mauvais pour la
carrière, d'autant qu'il n' a effectivement des problèmes de
racisme au Lycée français. (Mongo Beti 2000 : 74)
Quant à Charles Pasqua, le narrateur affirme :
« C'était au début des années 80, bien
avant que cela ne devienne une mode avouée avec le Ministre Charles
Pasqua lors de la première cohabitation. » (Mongo
Beti : 43) Bébète qui maîtrise l'actualité en
France avoue à Georges qu'elle ne se ferra pas ridiculiser par les lois
Pasqua : « pas question de quitter mon pays (...) est-ce que
tu dois même si on me laissera sortir de l'avion une fois dans ton
pays ? Et les lois Pasqua, tu en fais quoi ? Une crème de
goyave ? » (Mongo Beti : 94) En effet, nommé
ministre de l'intérieur dans le premier gouvernement de cohabitation
lorsque Jacques Chirac était premier ministre de François
Mitterrand, de 1986 à 1989, Charles Pasqua, à cette fonction, est
l'auteur de la loi portant son nom, rendant plus difficile le séjour des
étrangers en France. De 1993 à 1995, il est à nouveau
ministre de l'intérieur du gouvernement Balladur, alors premier ministre
de François Mitterrand, la réforme du code de la
nationalité française dite « réforme Pasqua» est
votée par le parlement. Parlant de l'immigration africaine en Europe,
Georges fait cette réflexion :
En réalité, l'Afrique demeure le plus grand
commun diviseur de la classe politique française, pas tellement dans
l'expression des bonnes intentions, là tout le monde est d'accord, mais
dans les attitudes concrètes, c'est tout à fait autre chose. Au
moins à propos de l'immigration, tous les observateurs en retrait de la
scène politique sont unanimes : au sahel, par exemple, c'est le
sauve- qui peut des jeunes vers l'abondance et la liberté, c'est
-à - dire vers l'Europe... » (Mongo Beti : 2000 :
129)
Cette abondance et cette liberté paraissent illusoires
d'autant plus que nous notons des vagues d'expulsions par charters
décriées par l'auteur. Le porte-parole de Mongo Beti sur cette
question épineuse est Georges qui affirme :
« Rappelez-vous l'église saint-bernard et Jugez si la
situation est grave. Bien fait. Nous avons détruit l'Afrique, l'Afrique
va nous détruire à sa manière, celle de
miséreux... » (Mongo Beti : 129) Les allusions aux
expulsions par charters sont récurrentes dans Trop de soleil tue
l'amour qui est le récit des retours des exilés au pays
natal. Mais, pour beaucoup, c'est un retour forcé et
déshumanisant qui traduit la xénophobie des
Français : « ...les Français nous sortent par
les yeux avec leur francophonie et leur franc CFA, et voilà qu'ils se
mettent à expulser nos frères de chez eux, et encore par charters
entiers... » (Mongo Beti : 47)
Le rapatriement par charters est d'ailleurs très mal
perçu, car les expulsés en sortent violentés, comme
Eddie : « N'empêche qu'Eddie sans conteste un des plus
beaux spécimens d'homme aigri et amer, sans doute parce qu'il avait
été rapatrié par charter, il faut reconnaître
à sa décharge que c'est là une épreuve à
laquelle on survit généralement très mal. »
(Mongo Beti : 98) Le narrateur trouve inhumains ces expulsions par
charters qu'il compare à une sorte de mort :
Tiens, il y'aurait peut-être un roman ou une
pièce de théâtre à écrire un jour sur ce
thème, qui s'intitulerait : y'a-t-il une vie après les
charters ? Pas bête du tout comme idée. Pas bête du
tout. Les jeux ne se figurent pas combien c'est terrible d'être
ramené chez soi par un vol charter. Il faudrait expliquer, le public
réaliserait peut-être ce qu'il y a d'inhumain dans cette
procédure. (Mongo Beti : 98)
L'image d'une manoeuvrière politique et militaire
collée à l'ancienne métropole n'est pas une illusion, au
regard de l'argumentation sus-menée qui a pris appui sur les trois
derniers romans post retour d'exil de Mongo Beti. S'il est vrai que les
dictateurs d'Afrique francophones sont de dignes serviteurs très loyaux
du système colonial, si ces pays se trouvent submergés par les
vagues de guerres civiles, de génocides et de coups d'Etat
récurrents, il faut tout simplement reconnaître que la
décolonisation gaulliste consacre le retour à l'âge d'or de
l'exploitation coloniale. Comme la deuxième partie de cette
réflexion va le démontrer, l'image de la France est davantage
celle d'une manoeuvrière économique véritable
prédatrice qui désintègre les souverainetés
économiques de ses anciennes colonies.
II- LES MANOEUVRES NEOCOLONIALES D'EXPLOITATION
ECONOMIQUE
La France manoeuvrière est d'une présence
envahissante en Afrique noire francophone où elle est très
puissante, grâce aux multiples tentacules de ses multinationales qui
contrôlent l'essentiel de l'économie. C'est ce que les critiques
appellent le néocolonialisme .En effet, le néocolonialisme
est défini comme suit : « Le
Néocolonialisme désigne, à partir des années 1960,
les diverses tentatives d'une ex-puissance coloniale de maintenir par les
moyens détournés ou cachés la domination économique
ou culturelle sur les anciennes colonies après leur
indépendance »1La mainmise française sur les
matières premières africaines a fait l'objet de la
préoccupation de beaucoup de critiques. Mongo Beti, cité par
Jooned Khan, affirme :
La France est encore très présente en
Afrique'', dit-il, sur un le ton du simple constat.' Le pétrole ,le gaz
,les richesses minières, les banques, les forets, les déchets
toxiques, depuis le Congo-Brazzaville jusqu'en Cote d'Ivoire ,en passant
par le Gabon, le Cameroun, la République Centrafricaine ,le Tchad ,le
Niger, le Bénin, le Togo et le Burkina Faso .Cette vaste
région est aux mains de toutes sortes ,plus ou moins reliées des
intérêts français. (Khan 2010 :2_3)
II-1- Monopoles français et prédation des
richesses
En Afrique noire francophone, l'ancienne métropole a
mis sur pied une série de mécanismes très solides qui vont
lui garantir, à très long terme, sinon éternellement, une
série de monopoles économiques qui vont lui assurer une
prédation éhontée des richesses.
II-1-1- Le Monopole des importations et des
exportations
Plusieurs critiques ont pu affirmer que la France a une
hantise morbide de perdre ses anciennes colonies. Pour ne pas y arriver, elle
s'est assuré un certain nombre de monopoles. Parmi ces monopoles, Mongo
Beti dénonce la main mise sur les importations :
Ecoutez-moi là : pourquoi je dois passer par un
concessionnaire français d'ici, et non pas un compatriote, si je veux
acheter une voiture japonaise ? Pourquoi pas un compatriote
concessionnaire ? Pourquoi nous sommes indépendants alors si nous
ne pouvons même pas avoir un des nôtres concessionnaire de marques
japonaises ? (Mongo Beti 1999 : 26)
1-http://fr.wikipedia.org/wiki/N0/0c30/0A90colonialisme
Le personnage de PTC pose là une question capitale qui
touche à la souveraineté économique du pays. Il montre
très clairement que la France s'assure le monopole de l'import-export,
et exclut les autochtones de ces circuits économiques. L'autre
mécanisme économique de domination française sur ses
anciennes colonies est le franc CFA qui est une véritable camisole qui
contraint ces dernières à commercer en priorité et dans
les conditions préférentielles avec elle.
II-1-2-Le Franc CFA : Une monnaie coloniale de
domination
Pour beaucoup de politologues des relations entre la France et
ses anciennes colonies, la domination politique et militaire des anciennes
colonies s'accompagne d'une domination économique par le truchement du
franc CFA, monnaie contrôlée par la Banque de France. Pour Mongo
Beti, le franc CFA est une véritable
calamité : « Les Français, nous n'en
voulons plus ici, mais alors plus du tout. Mais est-ce que c'est leurs
problèmes ? D'abord ce fut leur foutu franc CFA, une vraie
calamité. » (Mongo Beti : 27) Nous constatons que
PTC, le responsable du journal. Aujourd'hui la démocratie
parle de cette monnaie issue de la colonisation avec beaucoup de
mépris et de distance. Il emploie les termes très
dévalorisants comme : « foutu » et
« calamité ». En effet, le terme «
foutu » connote la ruine, la perte de valeur, alors que la
«calamité»est un désastre collectif qui afflige tout un
pays. Le pétrole est la ressource naturelle la plus convoitée par
l'ancienne métropole, au regard de ses enjeux politiques et
économiques. Parlant de la perte de la valeur du Franc CFA autrement
appelée dévaluation, Ambroise Kom qui se démarque comme
grand observateur de ses fluctuations souligne l'impacte grave de cette
dévaluation sur la baisse des salaires et sur le pouvoir d'achat des
Camerounais :
Je n'insisterai pas sur l'histoire du franc CFA crée en
1948 .Amarré au franc français depuis lors, il a cours dans
quatorze pays d'Afrique noire. Sa dévaluation de 50° /°
survenue en Janvier 1994, c'est connu, a engendré d'énormes
perturbations économiques. Au plan scolaire, livres et autres
matériels didactiques, presque tous importés d'Europe depuis
toujours ont vu leurs prix multipliés par deux à un moment
où dans un pays comme le Cameroun, les salaires des agents publics
avaient subi, peu avant ladite dévaluation une diminution de l'ordre de
75°/°. ( Kom 2000 :125 )
II-1-3- Le Pétrole africain : Un Monopole
d'ELF Aquitaine
Nos analyses nous ont fait comprendre que l'ancienne
métropole pille systématiquement les ressources naturelles de ses
anciennes colonies avec la mise en place du système ELF qui vise
à assurer la main mise sur le pétrole :
« ...Comme ELF Aquitaine avec le pétrole en Afrique
centrale... » (Mongo Beti : 55)
Le narrateur mongo bétien montre quelles sont les
manoeuvres diverses de l'ancienne métropole qui complote pour mettre en
place ses suppôts afin de bien pomper librement le pétrole
africain :
Pour le uns, elle avait fait son chouchou du chef de l'Etat,
et pour rien au monde elle ne l'abandonnerait. Elle enverrait ses soldats si le
dictateur était menacé de quelque façon. Pour d'autres,
elle encourageait en sous-main le Ministre d'Etat qui s'était
engagé, s'il devenait le maître, à lui abandonner la
maîtrise totale de l'exploitation du pétrole
national... (Mongo Beti 1994 :133)
Parlant de la nébuleuse ELF en Afrique et ses
objectifs, son Président Loïck le Flock-Prigent affirme :
On va appeler un chat un chat : ELF a été
crée pour maintenir l'Algérie et les Noirs nègres dans
l'orbite française par le biais du pétrole. Avec les
Algériens, ça a capoté. Avec les rois nègres,
ça se poursuit. Le système a été crée pour
permettre cette opacité. Le Président d'ELF est donc un
« Ministre bis » de la coopération. C'est pourquoi
le Général de Gaule avec son homme de l'ombre Foccart a
placé à sa tête un homme des services secrets. Et c'est
pourquoi ELF a de tout temps financé les services secrets. ELF avait
donc trois objectifs : industriel, diplomatique et
politique. 1(*)
Beaucoup de critiques ont pu faire l'état des lieux
pour mettre en relief les véritables ramifications de cette grosse
machine multinationale en Afrique noire francophone. Pour Ambroise Kom, Elf
tire les soixante quinze pour cent de sa production au Golfe de Guinée,
ce qui explique tous les enjeux que cela représente à ses
yeux :
Elf-Aquitaine est une puissance, c'est un Etat dans l'Etat en
France .C'est là-bas la première entreprise, la plus
puissante .Et elle fait des bénéfices
énormes .D'où est_ce qu'elle tire les 75 de sa
production pétrolière ? Du Golfe de Guinée,
c'est-à-dire d'Angola, du Gabon, du Congo, du Cameroun et du
Nigéria. Elf ne peut pas accepter qu'il y ait une incertitude dans les
approvisionnements en pétrole de la France Pas d'incertitude donc, pas
de nouveau venu comme président, pas d'alternance. ça me parait
comme une analyse beaucoup plus percutante, beaucoup plus pertinente, beaucoup
plus opérationnelle que toute autre spéculation. (Kom :
157)
S'il est un scandale politique et écologique qui
revient de manière obsessionnelle au fil des textes de Mongo Beti, c'est
bel et bien la question de l'exploitation frauduleuse et massive des essences
forestières.
II-1-4- La Main -mise française sur les
forêts africaines
L'exploitation forestière est une exclusivité
française. L'ancienne métropole emploie une stratégie qui
consiste à en stocker en prévision, sur plusieurs
décennies :
Tu as orchestré une campagne à propos de
l'exploitation forestière, et quand tu touches au bois ici,
forcément, tu énerves les Français ; c'est la
thèse de PTC. Il en connaît un bout sur la question, pas le
même que toi, l'autre bout. A l'en croire, les Français sont en
train de stocker les bois tropicaux pris chez nous en prévision d'une
pénurie de bois de menuiserie et de décoration qui va concerner
les années 2020 ou 2030. (Mongo Beti 1999 :54)
La question de l'exploitation abusive et frauduleuse des
grumes est au centre des fictions post retour d'exil de Mongo Beti. A en croire
Georges, l'or vert est au centre des manoeuvres politiques de la France qui
redoute un éventuel changement politique :
- je ne crois pas, dit le corse, il n' y a pas de fumée
sans feu. Savez-vous pourquoi vous ne m'avez pas eu d'élections libres,
ni même d'élection du tout ? Pressions des forestiers, qui
redoutent un changement, la pire éventualité à leurs yeux.
C'est toujours l'enjeu. Elections, oui, à condition qu'elles soient
gagnées d'avance par leur homme, avec l'approbation de Paris. (Mongo
Beti 2000 : 136)
Les forestiers, quant à eux, plaident pour leur
thèse, une thèse selon laquelle l'arrêt de leur
activité léserait l'Etat africain qui ne vit en grande partie
que de ses taxes : « Les forestiers se
succédèrent à la tribune pour développer
unanimement la thèse improbable selon laquelle l'interdiction d'exporter
les grumes allait surtout léser l'Etat africain, dont le budget
était alimenté pour une aprt considérable par les taxes
frappant cette activité. » (Mongo Beti : 138-139)
Toutefois, le directeur de l'ANDECONINI dénonce une grosse mafia
française qui s'appuie sur des complices locaux :
- Pas grand-chose répondit le directeur de
l'ANDECONINI, sinon que ces gens- là, forts de la complicité des
dirigeants africains très intéressés et d'autres appuis
que je n'ose pas expliciter, se dérobent à toutes les
velléités de contrôle et se livrent à des
activités frauduleuses. J'ai entendu parler de pratiques à peine
croyables, comme de grumes acheminées jusqu'à l'océan pour
flottage à l'abri de tout regard le long de rivières des villages
riverains à travers la forêt équatoriale. (Mongo
Beti : 135)
Pour Georges, l'exploitation abusive des grumes au quotidien
est tout simplement un véritable crime écologiste, voire un crime
contre l'humanité : « les grumes sont toujours
acheminées par milliers chaque jour vers le grand port. Vous pouvez le
voir, vous qui êtes sur place. C'est un véritable crime
écologiste, assimilable même, à mon avis, à un crime
contre l'humanité. » (Mongo Beti : 136)
Mongo Beti, comme nous l'avons vu plus loin, montre que l'Afrique noire
francophone n'a pas de souveraineté monétaire, car le franc CFA
est un instrument de domination, un goulot d'étranglement pour le
développement des économies africaines. Il montre
également que cette Afrique-là est victime des monopoles tant sur
l'or noir que sur l'or vert. En outre, nous avons pu déceler chez cet
écrivain dit rebelle, la dénonciation d'une France qui contraint
ses anciennes colonies à l'endettement auprès du Fonds
Monétaire International et auprès de la Banque Mondiale.
II-2- Le FMI et la Banque Mondiale : Institutions
financières de domination impérialiste
Les rôles de la Banque Mondiale et du Fonds
Monétaire International sont très ambigus dans notre corpus. En
effet, comme il a été démontré plus haut, le franc
CFA est considéré par Mongo Beti comme une monnaie «
foutue». Il s'agit d'une monnaie :
Crée initialement en 1939, juste avant la
deuxième guerre mondiale, de fait le franc CFA est officiellement
née le 26 Décembre 1945, jour où la France ratifie les
accords de Bretton Woods et procède à sa première
déclaration de parité au Fonds Monétaire Internationale
(FMI). Il signifie alors « franc des colonies françaises
d'Afrique ». Il est alors émis par la caisse centrale de la
France.2(*)
Le narrateur de Mongo Beti montre que le dictateur maladroit
et impotent a fragilisé l'économie de la république
bananière qu'il dirige .Après ces dérives, il fait
régulièrement appel au secours du Fonds Monétaire
international et de la Banque Mondiale pour sortir de l'impasse
financière qu'il a crée. Toutefois, ces prêts ne sont pas
destinés à solder la dette intérieure, mais ils sont
destinés à rembourser la dette extérieure
uniquement :
L'atmosphère s'alourdit brusquement, les sarcasmes
contre les militaires se transformèrent en grimaces lorsqu'il fut
annoncé que le chef de l'Etat avait fait appel au Fonds Monétaire
International et à la Banque Mondiale pour l'aider à se
dépatouiller d'une impasse des finances nationales qui s'apparentait
à la banqueroute. Le plus urgent, apparemment, était de
rembourser la dette extérieure, dont le montant exact n'avait d'ailleurs
jamais été publié. (Mongo Beti 1994 : 177)
Plus loin, nous voyons ces institutions faire pression sur lui
afin qu'il améliore son système de gouvernance :
Cela ne s'était jamais vu depuis l'indépendance.
Le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale firent
parallèlement pression sur le chef de l'Etat pour qu'il mette fin
à la corruption, au gaspillage et à l'évasion frauduleuse
des capitaux. On lui suggérait avec insistance d'accepter
l'entrée dans le gouvernement d'hommes intègres et
compétents, au lieu des membres de sa famille. (Mongo Beti :
178)
Quelques pages plus loin, le narrateur revient sur les
conditions déplorables des salariés misérables, et le
refus de ces deux institutions de traiter avec le gouvernement du
dictateur :
Les salaires des fonctionnaires n'avaient pas
été versés depuis trois mois. Il se chuchotait d'ailleurs
que le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale avaient
renoncé à traiter avec le gouvernement du dictateur, faute des
réaménagements politiques suggérés longtemps par
eux avec insistance mais en vain. (Mongo Beti : 193)
Les visées de ces institutions ne sont pas
humanitaires, mais impérialistes, car au lieu de mettre l'accent sur le
social et dans les secteurs importants que sont l'éducation et la
santé, elles mettent davantage l'accent et la priorité sur le
remboursement de la dette. Ces mécanismes capitalistes et
impérialistes sont décriés par les exilés qui sont
de retour : « Se scandalisaient-ils des financements
dérisoires de l'éducation et de la santé ?
Priorité au remboursement de la dette, leur rétorquent la banque
Mondiale et le Fonds Monétaire International. » (Mongo
Beti : 75) Malgré les pressions faites sur le dictateur mais sans
succès, ces institutions gardent de bonnes relations avec ce
dernier : « Nos relations avec le Fond Monétaire
International et la Ban que Mondial ne sont-elles pas au beau fixe
aujourd'hui ? De quoi avez-vous donc peur, toutefois en peau de
lapin ? « (Mongo Beti : 194) Cette complicité
avec la dictature est bien confirmée et mise en exergue par le
narrateur qui ironise en ces termes :
Ou alors un envoyé Yankee du FMI en compagnie du
Président de notre république bananière, costumés
trois pièces l'un et l'autre pas 35°C à l'ombre comme des
clowns débiles, cravatés jusqu'au bord supérieur de la
lèvre inférieure, trimbalés dans une Mercedes aux vitres
teintées, ça se voit beaucoup ici aussi, et c'est pas triste non
plus, ces deux-là peuvent marcher ensemble et même bras dessus
bras dessous, personne ne s'en offusquera. (Mongo Beti 2000 : 29)
Tout ce qui précède permet au FMI et à la
Banque Mondiale d'imposer des plans d'ajustement structurels à ces pays
francophones d'Afrique noire, consistant en grande partie de programmes de
privatisation qui résultent en une détérioration de la
santé et de l'éducation en même temps qu'à la
paupérisation des populations. Au final, ces institutions
financières qui sont de mèche avec l'ancienne métropole
sont de véritables agences, gestionnaires de l'impérialisme du
capitalisme hégémonique.
CONCLUSION
Au regard des analyses sus- menées, compte tenu des
résultats obtenus, nous constatons avec certitude que Mongo Beti se
positionne résolument comme un écrivain rebelle très
radical dont les regards posés sur ce qu'il appelle le long de ses
récits « l'ancienne métropole» sont sans complaisance.
Il ressort de ses trois dernières fictions une image d'une France
extrêmement possessive et d'une présence très cupide,
vorace et envahissante en Afrique noire francophone, malgré les
indépendances de façade octroyées à ses anciennes
colonies. Ses manoeuvres politiques et militaires consistent à
installer de véritables marionnettes au pouvoir pour mieux
contrôler l'appareil politique. Ces pantins qui n'ont aucun compte
à rendre aux peuples règnent en maîtres absolus en
s'appuyant sur l'armée et sur la police très violente. Il en
ressort une dictature sanglante et fourbe qui militarise la vie socio
politique. Cette même France qui n'est pas explicitement
évoquée ici est au centre d'une cruelle organisation des guerres
civiles, des génocides et des coups d'Etat à
répétition. Ses ingérences dans tous les secteurs de la
vie socio politique ajoutées à ses vagues d'espionnage font
d'elle une France néocoloniale. Son racisme et sa xénophobie se
lisent sur l'arsenal des lois Pasqua sur l'immigration, ainsi que sur les
expulsions barbares des sans papiers et les évacuations par charters que
sur la lepénisation galopante. Les manoeuvres économiques de
l'ancienne métropole sont clairement dénoncées par Mongo
Beti qui montre qu'elle est une véritable prédatrice des
richesses naturelles de ses anciennes colonies dont elle s'assure les
monopoles. Ces monopoles concernent les importations et les exportations, la
monnaie issue de la colonisation, le pétrole et les forêts entre
autres. Mongo Beti met également un accent sur les moeurs
désintégrées des Français qui mènent une
sexualité débridée dans ces anciennes colonies.
Références bibliographiques
I-CORPUS
Mongo Beti. (1994), L'Histoire du fou, Paris, Julliard.
Mongo Beti. (1999), Trop de soleil tue l'amour, paris,
Julliard.
Mongo Beti.(2000), Branle-bas en noir et blanc, Paris,
Julliard.
II-OUVRAGES GENERAUX
Djiffack, André 2007 : Le Rebelle II, Paris :
Gallimard.
Eyinga, Abel 1991 : L'UPC, Une révolution
manquée ? Vol 13, Paris : Editions Chaka .
Fenkam, Frédéric 2003 : La
révélation de Jean Fochivé, Paris :
Editions Minsi .
Kom, Ambroise 2000 : La malédiction francophone,
Ydé : CLE.
Kom,Ambroise 2002 :Mongo Beti parle ,Bayreuth African
Studies 54.
Mongo Beti. 1972 : Main basse sur le Cameroun,
Rouen : Editions François Maspero.
Mveng ,Engelbert 1985 :Histoire du Cameroun ,Tome II
,Ydé :CEPER.
III-ARTICLES
Khan, Jooneed 2010.»Mongo Beti et le blues de l'Afrique
naufragée» in SAMBE, N0 16 - Juillet - Décembre.
Kroubo Dagnini, Jérémie
2008. « Dictatures et protestantisme en Afrique Noire depuis la
décolonisation :le résultat d'une politique franco-africaine
et d'une influence américaine certaine »HAOL,NUM 17 .
IV-DISCOURS
Discours de François Mitterrand
à La Baule ,20 Juin 1990.
V -WEBOGRAPHIE
http://fr.wikipedia.org/w/index.php?tille=franccfafold
did= 78 13 65 19.
http://fr.wikipedia.org/wiki/N0/0c30/0A90colonialisme
www.dvdelflapompeafrique.com/elf-Pompe-afriquesynopsis
* 1
www.dvdelflapompeafrique.com/elf-Pompe-afriquesynopsis.
* 2
http://fr.wikipedia.org/w/index.php?tille=franccfafold
did= 78 13 65 19.
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