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INTRODUCTION GENERALE
Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS),
environ 40 % de la population mondiale, habitant essentiellement dans les pays
les plus pauvres, est exposée au paludisme. Cette maladie tue chaque
année 1,5 à 2,7 millions de personnes à travers le monde,
dont un million d'enfants de moins de cinq ans [OMS, 2003].
Environ neuf (9) cas sur dix (10) concernent l'Afrique
Subsaharienne. L'Afrique comptabiliserait prés de 90 % des cas dont la
plupart sont des enfants en bas âge et des femmes enceintes.
Ces statistiques sont largement en-deçà de la
réalité. En effet, elles ne prennent pas en compte les victimes
de la maladie qui décèdent dans les campagnes loin de toutes
structures médicales. De plus, on reconnaît aujourd'hui que le
paludisme est à la fois une maladie due à la pauvreté et
une cause de pauvreté [OMS, 2001]. Autant dire que s'il fallait
éradiquer un des fléaux africains, le paludisme arriverait sans
doute en tête de liste.
Le Sénégal n'échappe pas à cette
maladie. Son profil épidémiologique se caractérise par une
endémicité stable marquée par une recrudescence
saisonnière et une létalité importante dans les formations
sanitaires et dans les ménages [Ndiaye et al, 2007]. A titre
d'exemple une morbidité de 1.240.158 cas de paludisme a
été enregistrée en 2006, soit un pourcentage de 38 % des
motifs de consultation [MSMP/SNIS, 2007].
Conscients de l'impact négatif du paludisme, les chefs
d'Etat africains avaient manifesté leur souhait de combattre
efficacement la maladie lors du sommet de l'Organisation de l'Unité
Africaine (OUA) en Juin 1997 à Harare (Zimbabwe). Cette initiative s'est
soldée par la ratification, le 24 Avril 2000, de la déclaration
du plan d'action d'Abuja (Nigeria) sur le projet « Faire Reculer le
Paludisme » (Roll Back Malaria) en Afrique. Lequel projet émane de
la proposition lancée en 1998 par l'Organisation Mondiale de la
Santé (OMS), le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF), le
Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et la Banque
Mondiale (BM) convaincus que seule « une approche globale et
coordonnée permettrait de lutter efficacement contre la maladie ».
Ce plan s'était fixé comme objectifs à atteindre avant fin
2005 :
·
8
au moins 60 % des patients atteints de paludisme aient
accès à un traitement approprié dans les 24 heures suivant
la survenue des symptômes ;
· au moins 60 % des enfants et des femmes enceintes
soient protégés du paludisme par des moustiquaires
imprégnées d'insecticide ;
· au moins 60 % des femmes enceintes aient accès
à un chimioprophylaxie ou un traitement préventif
approprié.
Au Sénégal, la lutte contre le paludisme est du
ressort du Programme National de Lutte contre le Paludisme. En marge des
engagements d'Abuja, ce programme vise à atteindre les résultats
suivants :
· au moins 60 % pour 2005 et 80 % en 2009 des personnes
à risque, surtout les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq
ans, puissent bénéficier de la combinaison la plus
appropriée des mesures de protection personnelle et communautaire telles
que les moustiquaires traitées aux insecticides et d'autres
interventions accessibles et abordables pour prévenir l'infection et la
souffrance ;
· au moins 60 % pour 2005 et 80 % en 2009 des femmes
enceintes aient accès au traitement préventif intermittent,
conformément aux recommandations du programme national de lutte contre
le paludisme ;
· au moins 60 % pour 2005 et 80 % en 2009 des cas
probables ou confirmés de paludisme aient accès à un
traitement rapide, adéquat et abordable dans un délai de 24
heures après l'apparition des symptômes conformément aux
recommandations du programme national de lutte contre le paludisme.
Cependant, ces actions ont à peine diminué la
morbidité proportionnelle palustre au Sénégal. Elle est
passée de 35,72 % en 2001 à 33,57% en 2006 [MSMP/SNIS, 2007]. Ce
faible rendement peut s'expliquer, d'une part, par le fait que le manque
d'information et d'éducation des populations compromet
l'efficacité des services sanitaires.
D'ailleurs, le rapport d'activités de 2005 du programme
national de lutte contre le paludisme mentionne que « les agents de
santé ne parviennent pas toujours à mener des stratégies
de prévention. Ainsi, on constate souvent une insuffisance de transfert
de compétence des agents de santé aux populations ».
Au demeurant, d'autres difficultés entravent la lutte
contre le paludisme. Car nous savons que « les problèmes que pose
la protection sanitaire des populations ne peuvent être
9
qu'exceptionnellement attribué, à des causes
isolées, mais qu'ils sont dus à un ensemble de facteurs qui se
conjuguent et influent les uns sur les autres : facteurs sanitaires et
nutritionnels, facteurs géographiques, facteurs démographiques,
facteurs psycho-culturels, facteurs socio-économiques et facteurs
politiques » [Belloncle et al, 1975].
A l'image du pays, la Communauté Rurale de Mampatim,
qui est notre zone d'étude, est caractérisée par une forte
endémicité palustre. Elle est située dans la région
de Kolda, plus précisément dans l'arrondissement de Dabo (cf.
carte 1), entre12°52' de latitude nord et 14°60' de longitude ouest.
Avec les Communautés Rurales de Bagadadji, Coumbacara, Dabo et
Salikégné, elle forme l'un des trois (3) arrondissements du
département de Kolda. Elle est limitée à l'Ouest par la
Communauté Rurale de Dabo, au Sud et à l'Est par le
département de Vélingara et au Nord par la Communauté
Rurale de Médina Yoro Foulah. Elle couvre une superficie de 510
km2 et englobe 108 villages et hameaux.
Cette étude qui porte sur les facteurs de risques et
l'accès aux soins pour le paludisme dans la Communauté Rurale de
Mampatim est appréhendée en terme de relation entre l'homme et
son environnement et d'accessibilité des structures sanitaires. La zone
d'étude se singularise par une longue saison des pluies qui dure de
quatre (4) à six (6) mois. Cette caractéristique climatique,
auxquelles s'ajoutent les conditions de vie précaires de la population,
fait que la Communauté Rurale de Mampatim offre un cadre idéal de
développement des maladies à transmission vectorielle comme le
paludisme. La récurrence de la maladie au sein de la population est
accentuée par une faible couverture sanitaire obligeant certains malades
à rester sur place.
Partant de ces observations, ce Travail d'Etude et de
Recherche s'inscrit dans la contribution de la géographie de la
santé quant à la connaissance et la compréhension des
faits de santé. En effet, « l'apport de la géographie de la
santé est plus que la simple addition des soins et de la
géographie des maladies, encore moins de leur juxtaposition. Elle vise
à mettre en perspective les déterminants naturels et sociaux des
états de santé en des lieux donnés » [Salem,
1998].
Ce travail est composé de trois parties :
? la première partie traite des caractéristiques
socio-démographiques et économiques et de l'offre de soins dans
la Communauté Rurale de Mampatim ;
? la deuxième partie analyse le recours aux soins et la
morbidité palustre dans l'espace communautaire de Mampatim ;
10
? la troisième partie étudie les facteurs de
risque du paludisme et les différentes stratégies de lutte
développées contre la maladie dans la Communauté Rurale de
Mampatim.
4,01000
420000
500000
580000
660000
5001000
660000
5801000
4
4
4
i
+
+
+
+
+ + + +
Carte N°1: Situation de la Communauté Rurale
de Mampatim
+ + + +
+Régi on de Kol da
300
600
Klometres
+
Légende
Communauté Rurale de Mampatim Département de
olda
Région de Kolda
Carte réalisée par Boubou Thiam Source: Base de
données CSE
11
12
I- PROBLEMATIQUE
I.1- CONTEXTE ET JUSTIFICATION DE
L'ETUDE
Au Sénégal, le paludisme sévit à
l'état endémique et demeure un problème de santé
publique majeur. Il représente 35% des motifs de consultation [MSPM,
2006]. Il constitue la première cause de morbidité et de
mortalité dans les groupes les plus vulnérables, à savoir
les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes, mais n'épargne
nullement les adultes.
Le complexe pathogène du paludisme exige de l'eau, du
sang et de la chaleur [Coz, 1973]. En effet, dans les zones sahéliennes,
la transmission est surtout observée en saison pluvieuse mais elle peut
se maintenir en saison sèche à proximité des mares plus ou
moins permanentes là où se concentre à cette époque
la population humaine [Mbaye, 1997].
Ces conditions favorables à la prolifération des
moustiques se retrouvent au niveau de la Communauté Rurale de Mampatim.
Elle se situe au niveau de la région de Kolda dans la zone
soudano-guinéenne caractérisée par une pluviométrie
annuelle de 400 à 1200 mm où la transmission du paludisme est
plus longue et la prémunition plus précoce. Selon le
Ministère de la Santé et de la Prévention Médicale
(M.S.P.M), la région de Kolda a le taux de morbidité
proportionnelle palustre le plus élevé du Sénégal,
42,67%, loin de la moyenne nationale qui est de 33,57 % [MSPM/SNIS, 2007].
Notre zone d'étude n'est pas épargnée par
cette endémie. A titre d'exemple, la présomption palustre est
passée de 3.663 cas en 2001 à 5.788 cas en 2005 (Rapports
d'activité des postes de santé, 2001 et 2005). Ainsi, la
pluviométrie joue un rôle important dans le développement
du paludisme. Cependant, d'autres éléments agissent directement
ou indirectement sur la prolifération des moustiques vecteurs de la
transmission du paludisme.
L'anthropisation du milieu peut se traduire par une
modification du réseau hydrographique (barrages, irrigation,...), des
couverts végétaux (notamment par la déforestation) et par
l'habitat [Niang, 2006]. Les conséquences de ces modifications des
espaces naturels se font sentir sur le plan sanitaire. En effet, « dans la
plupart des pays sahéliens, l'objectif de l'autosuffisance alimentaire
est à l'origine d'une politique de développement des cultures
irriguées. A l'instar de ces pays, le Sénégal a mis en
place un vaste programme d'aménagements hydro-agricoles (barrages,
digues...) visant à résoudre le problème de la
sécurité alimentaire liée à une pluviométrie
déficitaire chronique. Or, ces aménagements
13
peuvent entraîner une perturbation complète des
écosystèmes. Ils sont susceptibles d'apporter des
répercussions profondes sur les maladies à transmission
vectorielle, en particulier le paludisme » [Hervé et al,
1998].
Mampatim fait partie des Communautés Rurales où
la Société de Développement Agricole et Industriel
(SODAGRI) intervient depuis 1974 dans le cadre du développement rural
intégré du bassin de l'Anambé. « La riziculture
irriguée fait paraître le risque d'un développement des
maladies à transmission hydrique (paludisme, bilharziose...) »
[Niang, 1997].
A ces problèmes environnementaux, s'ajoute une
difficulté d'ordre biologique particulière pouvant augmenter la
transmission du paludisme. On remarque que l'immunité est mal acquise
chez les individus. Ce qui se traduit par une apparition récurrente de
la pathologie au sein de la population au point que certaines personnes
finissent par la considérer comme une fatalité. Des comportements
à risques qui rendent pénible la lutte contre la maladie.
D'autant plus que les malades ont des difficultés pour accéder
aux structures de soins du fait de la faible couverture sanitaire de la
région de Kolda.
La fréquence de la maladie renvoie donc à des
facteurs aussi bien biologiques, qu'environnementaux, démographiques et
économiques. Tous ces facteurs font que la Communauté Rurale de
Mampatim constitue un milieu favorable au développement du paludisme.
De ce fait, notre Travail d'Etude et de Recherche essai de savoir
:
? Quels sont les facteurs qui peuvent favoriser le
développement du paludisme ?
? Quelles sont les zones les plus touchées par la maladie
?
? Quelles sont les populations les plus affectées par la
maladie ?
? Quels sont les types de recours aux soins des populations en
cas d'accès palustre ?
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