2.3 : Un Apôtre du tribalisme
Le Dictionnaire universel définit ce fléau
social comme : « La tendance à avantager les membres de son
ethnie, de sa région : » (Dictionnaire Universel 1995 :
1225)
Les textes de Mongo béti sont parsemés d'indices
qui font de ce chef d'Etat un tribaliste achevé. Il semble avoir fait du
tribalisme une technique de gestion des hommes : diviser, tribaliser pour mieux
régner. A force de concentrer et centraliser les pouvoirs, il
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transforme la République en royaume : « -
Alors quoi ? Tu ne devines pas, vraiment ? Notre roi fainéant n'a aucune
peine à nous dosser les uns contre les autres, avec les
stratégies tribalistes apparemment les plus éculées.
» (Mongo Beti 2000 :206) Le Monarque est un dictateur
ombrageux qui n'hésite pas à user du caporalisme sur sa propre
tribu pour s'en rassurer le soutien indéfectible :
Le chef de l'Etat et ses diverses forces de l'ordre
exerçaient un contrôle fébrile sur la capitale et son
arrière-pays, considérés comme son fief, la province dont
les populations, réputées de même ethnie que lui,
étaient censées épouser sa cause ou se montrer
indéfectiblement attachés à sa personne. » (Mongo
Beti : 190-191)
Parlant des pillages orchestrés du fait de la promotion
de la tribu du chef de l'Etat, Jean Fochivé, l'un des piliers de la
sécurité sous Paul Biya, affirme sous la plume de Fenkam :
Une nouvelle espèce d'hommes d'affaires vit le jour,
promue par employés d'Etat fictifs, des missions fictives...Bref, le
tout fictif gracieusement payé par l'Etat. Les Ewondo y allèrent
de si bon appétit que les frêles ressortissants Bulu aux estomacs
encore étroits se mirent à grogner. ( Fenkam 2003 : 199)
Pour Mongo Beti, les crédits amicaux, familiaux et
tribaux sont à l'origine des faillites des finances publiques et de
l'économie du pays :
Le mal dont souffraient les banques n'avait rien de
mystérieux, et même un observateur profane pouvait en
prédire l'issue fatale. D'énormes crédits étaient
consentis, non aux entrepreneurs qui avaient fait leurs preuves, mais aux amis
et aux tenants du pouvoir qui, y voyant une juste rémunération de
leur allégeance au régime, comme le dit un anciens directeur de
banque interrogé par un journaliste, se souciaient peu de rembourser
leurs emprunts. (Mongo Beti 1993 : 126)
Ce chef d'Etat, idéologue du repli identitaire aux
conséquences catastrophiques est aussi, à en juger par la
peinture que les textes font de lui, un parfait fugitif agoraphobe, par
ailleurs un véritable impotent et un parfait oiseau migrateur en exil
permanent.
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