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ARTICLE
De l'image du Président dans les Trois
derniers romans de Mongo Beti Auteur : Jean Baptiste
NTUENDEM
Doctorant en Sciences du Langage, Littératures et
Cultures françaises et francophones.
UNIVERSITE DE DSCHANG
ECOLE DOCTORALE
jbntuendem@gmail.com
77622980/97243478
Jean Baptiste NTUENDEM est né le 29
Juin 1965 à Yaoundé. Inscrit à l'Université de
Yaoundé en 1986 après l'obtention du Bacc A, ses 3 ans de ce
côté seront couronnés par une Licence ès Lettres
Modernes Françaises, Option Langue, Littérature et Civilisation
Anglaises en 1989. Admis en 1991 à l'Ecole Normale Supérieure de
Yaoundé, il en ressort 3e de sa promotion en 1993, nanti du
Diplôme de Professeur des Lycées d'Enseignement Secondaire
Général. En 1986, il obtient une Maîtrise en
Littérature française à l'Université de Dschang. En
2011, il soutient une Thèse de Master II .Il est actuellement Doctorant
en Sciences du Langage, Littératures et Cultures Françaises et
Francophones à l'Université de Dschang, et ses recherches et
publications portent sur l'imagologie
Sa forte implication dans l'encadrement des
élèves au sein des clubs d'activités culturelles (Clubs
Journal, Littérature, Lecture, Unesco, Francophonie,
Théâtre) va lui valoir d'être sélectionné par
la Commission Nationale de l'Unesco pour le Cameroun et la
Fédération Nationale des Associations, Centres et Clubs Unesco du
Cameroun pour une formation dans le projet de la Décennie de la Non
Violence et de la Culture de la Paix au profit des Enfants du monde (2001
-2010) .Depuis 2004 ,il est consacré par L'UNESCO et le Haut
Commissariat du Canada au Cameroun comme Promoteur et Vulgarisateur de la Non
Violence et de la Culture de la Paix grâce à ses savoirs locaux.
Il est actuellement Censeur au Lycée Bilingue de Dschang, Journaliste
dans une Radio Communautaire de cette ville universitaire, et Directeur de la
Publication d'un Magazine pour Jeunes : ACADEMOS.
TABLE DE MATIERES INTRODUCTION
I-UN HERITIER DU POUVOIR COLONIAL ET UN
DICTATEUR-TYRAN.
1-1- Un héritier-marionnette
1-2- Un dictateur sanguinaire et tyran sournois
II- UN IDEOLOGUE DU REPLI IDENTITAIRE
2-1- Un promoteur du favoritisme 2-2- Un Partisan du
Népotisme 2-3- Un Apôtre du tribalisme
III- UN IMPOTENT « OISEAU MIGRATEUR
»
3-1- Un Président fainéant 3-2- Un Président
kleptocrate 3-3- Un Débiteur mendiant 3-4- Un Vacancier
absentéiste CONCLUSION
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RESUME
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La problématique de la déliquescence
systématique de l'image de la classe dirigeante des Etats africains
francophones de la post colonie et plus précisément celle du chef
de l'Etat en personne est de plus en plus une grande préoccupation de la
littérature africaine francophone qui la pose avec une nouvelle forme de
liberté de ton et d'écriture.
Si d'habitude, du point de vue de la société
mise en texte le Président de la République revêt les
attributs d'un Dieu incarné, attributs forgés par l'appareil
idéologique qui travaille son image à savoir : les orateurs
attitrés, les intellectuels organiques, les écrivains, la presse
gouvernementale et internationale, nous découvrons toutefois chez les
auteurs africains francophones une écriture réaliste,
teintée d'humour, d'ironie et de satire, qui déconstruit
systématiquement cette pseudo-image divine et qui la projette sous des
formes extrêmement dégradées. Mongo Béti fait partie
de ces écrivains qui font du Président d'une République
dite bananière, un véritable matériau littéraire
qui structure ses trois derniers romans : L'Histoire du fou (1994),
Trop de soleil tue l'amour (1999) et Branle-bas en noir et blanc
(2000).
Mots clés : Président -Chef de
l'Etat -Dictateur- Despote -Tyran-République bananière.
Abstract:
The issue of the systematic destruction of image of the ruling
classe in postcolonial francophone African States and particularly that of the
head of State is more preoccupying in freedom of tone and writing.
If the societal writings consider the president of the
Republic as a god , consideration brought in the ideology in place ,which works
out his image :good orators ,intellectuals,writers,the governmental and
international Media ,we however discover realistic pieces of writings with
francophone African Writers, made up with humour,irony and satire which
systematically deconstruct the pseudogodly image thus excessively degrading .
Mongo Beti is one of the writers who makes the president of the Republic
considered as a «République bananière»,a genuine
literary tool structuring his last three
novels : L'histoire du fou (1994), Trop de soleil
tue l'amour (19991),and Branle bas en noir et blanc (2000)
Key words :
President -Head of State -Tyran -Dictator -
Despote « République bananière ».
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INTRODUCTION
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Beaucoup de textes de Mongo Beti représentent le peuple
africain en proie à une double force oppressive : celle des vieillards
alliés des colons, .et celle des nouveaux dirigeants qui s'illustrent
comme des dictateurs fourbes. Christian Monnin qui a perçu ces enjeux
dans Ville cruelle révèle ceci : « Il faut
encore se pencher sur les liens qui unissent les deux types d'oppression et qui
font parfois des vieillards les alliés objectifs du pouvoir blanc.
» ( Monnin 1999 :7) Autre enjeu très perceptible, c'est la
subordination des chefs traditionnels aux colonisateurs : « ...il est
logique que les chefs traditionnels soient aux ordres du colonisateur, comme le
dit l'oncle maternel de Banda » (Monnin : 7). Avec les
romans écrits après son retour d'exil, actualité oblige,
Mongo Beti a une nouvelle perception de la réalité
socio-politique de l'Afrique noire francophone postcoloniale. Sa fiction
romanesque s'enrichit de nouvelles analyses de la manière dont les
hommes politiques exercent leurs pouvoirs et gèrent la chose publique et
les hommes. Au centre de ces préoccupations : la décolonisation
manquée, la problématique de la gestion des nouveaux ordres
politiques que sont : l'indépendance, la chute du mur de Berlin, le
discours de la Baule et les transitions démocratiques. Qui sont
ceux-là que l'ancienne métropole a choisis pour jouer ce
délicat rôle et pour conduire à bon port le gouvernail des
nouveaux Etats ?
L'objet de cette modeste réflexion est de noter chez
l'écrivain Mongo Beti, un portraitiste qui amorce avec force humour et
ironie le renouvellement de la perception du pouvoir dans la fiction romanesque
africaine en cette aube de troisième millénaire.
I-HERITIERS DU POUVOIR COLONIAL ET DICTATEURS TYRANS
De prime à bord, lorsque nous lisons Mongo Beti dans
ses trois derniers romans, l'image qui se dévoile des chefs d'Etat de
l'Afrique noire francophone est celle des dignes héritiers du pouvoir
colonial dans un contexte de décolonisation manquée. Ces derniers
qui règnent en dictateurs aveugles sur leur peuple muselé et
timoré sont malheureusement
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réduits eux- aussi par leurs maîtres tapis dans
l'ombre à un rôle piteux de pantins au service du rayonnement
exclusif de l'ancienne métropole.
1-1- Héritiers marionnettes
Chronologiquement, L'Histoire du fou, roman
publié en 1994, remonte aux sources de l'indépendance du
Cameroun, à en juger par la palette d'événements
historiques et par l'emploi des datations chiffrées. Le narrateur montre
ici, avec force emphase, le rôle historique de la France, championne des
manoeuvres de basse besogne, dans la désintégration et dans
l'installation au pouvoir d'un « dictateur complaisant »
:
Ce fléau ( la délation) n'avait cessé de
dévaster la jeune République depuis son indépendance
proclamée le 1er Janvier 1960 dans le tumulte, la discorde et
le sang, trois malédictions dont le mariage maléfique allait
infliger tragédie sur tragédie à notre peuple (...) Trop
heureuse de saisir enfin l'occasion d'une revanche facile sur ses
déboires asiatiques, l'ancienne métropole jeta dans la balance
son expérience de manoeuvrière à la fois politique et
militaire : elle installa un dictateur complaisant et lui fit endosser une
guerre civile larvée. ( Mongo Beti 1994 :13)
L'oeuvre s'ouvre sur l'ère Ahidjo au Cameroun, avec
l'évocation de la date historique de l'indépendance du Cameroun,
le 1er janvier 1960. Par ailleurs, la liberté de ton choisie
par l'auteur se lit dans sa volonté de dénoncer par des
périphrases à connotation péjorative les manoeuvres
politiques et militaires de cette France qui n'est pas explicitement
dénommée ici, et le nouveau chef d'Etat dont la première
désignation revêt déjà un caractère
dépréciatif : « un dictateur complaisant ».
En effet, le dictionnaire universel définit le
dictateur en ces termes : « homme politique qui exerce un pouvoir
absolu, sans contrôle.» (Dictionnaire universel 1995 : 359)
C'est d'ailleurs sous cette appellation que le chef de l'Etat sera
régulièrement mis en texte dans notre corpus.
Comme le montre le narrateur à l'aide de l'image
mythologique « enfer », et la périphrase : « Pantin
» de l'hyperbole : « les ruses les plus révoltantes
», et du paradoxe « le langage de la haine et celui de la
réconciliation » .le chef de l'Etat qu'il se refuse de
dénommer ici « cet homme », n'est qu'un
véritable pantin rusé et extrêmement violent :
7
Chacun, et sans doute lui-même le premier, sentait que cet
homme s'était condamné à l'enfer de la fuite en avant
interrompue, pantin interchangeable, loufoque et pourtant tragique, parant
toujours au plus pressé, il devait désormais accumuler ces ruses
les plus révoltantes (...) tenir tour à tour mais dans un
même élan le langage de la haine et celui de la
réconciliation, invectiver un jour pour supplier le lendemain, prodiguer
de la main gauche ce qu'il retirait de la main droite, ou vice-versa. (Mongo
Beti : 185)
Pour les exilés de retour d'exil, ces dictateurs ne
sont que des marionnettes :« la foule avait eu la révélation
soudaine de ce que les intellectuels exilés, auparavant taxés
d'extrémisme, répétaient depuis toujours : ses dirigeants
étaient autant de marionnettes dont les ficelles étaient
tirées par l'étranger. » (Mongo Beti : 95)
« L'étranger » ici renvoie à
l'ancienne métropole, pour ne pas citer la France. D'ailleurs, cette
France fait office de protectrice desdits pantins :
Lui-même excepté, sans doute aussi ses
protecteurs de l'ancienne métropole, chacun présentait maintenant
que le destin du dictateur, instrument d'un monde présomptueux, dont il
incarnait si bien l'aveugle entêtement et la déshumanisation,
était de se fracasser un jour contre le mur. (Mongo Beti : 186)
L'image de l'apprenant pantin resté sous l'emprise
tutélaire d'un maître reste très visible dans le texte de
Mongo Beti qui, puisant dans la réalité, fait dire à
Moustapha, l'un des personnages de Branle-Bas :
Ecoute ceci : quand ce nullard de chef de l'Etat, tu sais, le
meilleur élève de Français Mitterrand, pressé par
le FM, a décidé de nous sucrer les trois quarts de nos salaires,
des collègues nous ont proposé de former un syndicat et
d'entreprendre un bas avec le régime, sous forme de grève
illimitée. (Mongo Beti 2000 : 205-206)
Cet héritage colonial et cette extrême
dépendance des Présidents marionnettes ont amené Ambroise
Kom à se poser la question de savoir : « l'aliénation
culturelle suffit-elle à expliquer la fidélité avec
laquelle les héritiers successifs du pouvoir colonial continuent de
servir les intérêts métropolitains ? » ( Kom 2000
: 8-9)
Jérémie Kroubo Dagnini, dans une étude
des dictatures et du Protestantisme en Afrique noire depuis la
décolonisation, atteste avec force détails ce pouvoir que les
dictateurs ont hérité de l'ancienne métropole. «
Mis au pouvoir par l'entreprise pétrolière ELF, de l'aveu
même de son PDG (de 1989 à 1993),Loik Le Floch Prigent ,
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Paul Biya succéda au président Ahmadou
Ahidjo, qui avait été lui-même mis en place par Jacques
Foccart. » ( Kroubo Dagnini 2008 : 121)
Il ne fait aucun doute que les dictateurs africains d'une
génération à une autre sont des purs produits de la
France. C'est ailleurs ce que Monkam Yvonne-Marie perçoit très
bien de ses lectures de Mongo Beti lorsqu'elle affirme :
« D'après Mongo Beti, la déconfiture multidimensionnelle de
l'Afrique francophone est le fait d'une décolonisation avortée,
la France ayant usé de ses astuces pour maintenir sa présence et
son pouvoir sur le continent noirs. » ( Monkam 2009 : 67)
Il se dégage de ces analyses, l'image des
héritiers du pouvoir colonial. Il apparaît que ce sont de
véritables pantins à la solde du maître- manipulateur et
manoeuvrier. S'il
est vrai que ces postiches tirent leur pouvoir non du peuple,
mais du bienfaiteur colonial, il ressort que la confiscation ou l'exercice
absolu de ce pouvoir fait d'eux de véritables
dictateurs sanguinaires et de tyrans fourbes et sournois.
1-2 : Dictateurs sanguinaires et tyrans sournois
Les textes de Mongo Beti montrent que l'ancienne
métropole, ayant installé ses suppôts au pouvoir, les
pilotes à merveille dans l'ombre. Au nom de l'Etat d'urgence par
exemple, le peuple innocent et les opposants vont subir une répression
meurtrière :
Quand enfin. Zoaételeu reparut après 6
années peut-être plus interminables pour les siens que pour
lui-même, et alors que le chef de l'Etat poursuivait contre le maquis
révolutionnaires de l'Ouest une guerre qui s'exaspérait chaque
jour et où s'épuisaient lentement les facultés de la
nation, il fut manifeste que ce n'était plus le même homme au
moins quant à sa personne physique. (Mongo Beti 1994 : 15)
Plongé dans un climat d'insécurité
permanente, le pays apparaît comme un véritable laboratoire des
violences perpétuelles. L'auteur, dans un style qui lui est propre, met
en relief ce rituel de la terreur qui s'exprime par les inquisitions
régulières : « Les paysans, habitués à
l'inquisition permanente des alguazils du dictateur, s'y soumettaient sans
rechigner. » (Mongo Beti : 22).Autant le peuple est tenu au strict
respect de mutité par la soldatesque du dictateur, autant les
révolutionnaires sont persécutés et exterminés :
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Non père, il y a plus de guerre. Les maquisards
eux-mêmes, qu'on croyait invincibles, ont été
écrasés, les uns après les autres, par le chef de l'Etat.
Il y a quinze ans que le dernier chef maquisard a été
capturé, jugé et exécuté sur la place de son
village natal. (Mongo Beti : 20-21)
Ces témoignages faits par Narcisse à son
père, le patriarche Zoaétéleu, enfermé pendant six
ans, sont révélateurs de la gravité de cette chasse
à l'homme ritualisée. Parlant de l'Etat d'urgence permanent qui
règne à cette époque, Ambroise Kom écrit :
Jamais codifié mais repris comme un refrain dans tous
les textes ayant trait aux libertés, le terme « ordre public »
à servir de prétexte à l'institution de la censure de
l'expression, aux arrestations arbitraires, aux répressions sanglantes
et mortelles, à la légitimation d'un Etat d'urgence permanent. (
Kom 2000 : 18)
Au sujet de la persécution sauvage des maquis, il
écrit :
Au -delà des camps de concentration de Mantoun, de
Tcholliré, de Yoko etc. dans lesquels ils broyaient les dissidents, on
se souviendra du prix que payèrent la région et le peuple
bamiléké, réputés réfractaires à son
régime. J. Lamberton qui écrivait en 1960 : « Le Cameroun
s'engage sur le chemin de l'indépendance avec, dans sa chaussure un
caillou bien gênant ce caillou, c'est la présence d'une
minorité ethnique : les bamiléké, en proie à des
convulsions dont l'origine ni les causes ne sont claires pour personne (...).
D'ailleurs, la région bamiléké vécut sous l'Etat
d'urgence pendant ses vingt-cinq ans de pouvoir. ( Kom :16)
Le peuple et les révolutionnaires ne sont pas les
seules cibles et les seules victimes du dictateur qui a définitivement
militarisé la vie sociopolitique. Beaucoup de passages font allusions
aux hommes en tenues, aux prises avec la foule : « Alors, ils remirent
sur leur jeep les hommes du dictateur chef de l'Etat, désarmés,
méconnaissables, les visages tuméfiés, les uniformes en
lambeaux, victimes à leurs tours sans défense, livrés aux
outrages de la foule. » (Mongo Beti 1994 : 25)
Si cette autre foule fait preuve d'héroïsme,
ailleurs le chef de l'Etat tyran fait de nombreuses victimes :
Alors que la crise de l'armée, au lieu de se
dénouer pacifiquement, menaçait de se traduire à tout
moment en hostilités ouvertes (...) des troubles politiques
éclatèrent dans une province de l'Ouest maritime (...) Le chef de
l'Etat y dépêcha des troupes qui n'hésitèrent pas
à ouvrir le feu à plusieurs reprises sur des cortèges de
civils désarmés et même sur un défilé
d'enfants, laissant cinq fois un grand nombre de morts sur le pavé.
(Mongo Beti : 178)
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L'image du chef de l'Etat est celle d'un monstre sanguinaire
qui privilégie l'arbitraire. Le symbole de cet arbitraire est la victime
Zoaételeu, patriarche arrêté arbitrairement et
incarcéré pendant plusieurs années. L'univers
carcéral ici est un univers de maltraitance absolue : « Comme
vente ans plus tôt, personne pas la suite n'osa s'approcher des
établissements successifs où l'on disait Zoaételeu
était détenu et maltraité (...) et, comme trente ans plus
tôt, ce fut à nouveau le calvaire pour Zoaételeu... »
(Mongo Beti : 74)
Cet univers carcéral n'est qu'une escale vers la mort,
car le procès n'est qu'une formalité d'usage comme l'affirme le
tortionnaire.
Ton cas est désespéré, confia-t-il un
jour au patriarche : tu es déjà condamné à mort, le
jour de ton exécution est même fixé. Ton procès ?
Une formalité. Tu seras fusillé. On t'attachera au poteau, on te
posera le bandeau fatal sur les yeux. J'entends déjà, l'officier
crier l'ordre terrible : en joue, feu ! (Mongo Beti : 79)
Le dictateur lutte sur plusieurs fronts. Après le front
populaire, c'est le front de son adversaire politique qui veut lui arracher le
pouvoir par les armes :
On convenait que le chef de l'Etat rassemblerait certainement
une plus grande quantité d'armes et de troupes que son adversaire, mais
en même temps que ce dernier avait d'excellentes stratégies, les
meneurs d'hommes les plus avisés et surtout les meilleurs positions,
étant donné que les régiments qui lui étaient
favorables comptaient dans les casernes de la capitale ou de ses environs.
(Mongo Beti : 130)
Il s'agit d'un dictateur qui doit faire dace à des
coups d'Etat répétés car son régime est très
instable du fait de ses crimes. Parlant de ces modes d'alternance au pouvoir,
modes propres à cette partie de l'Afrique, Ambroise Kom explique :
D'ailleurs, même les changements intempestifs. Coups et
contre coups d'Etat qui maquèrent les premières années de
la postcolonie africaine ne s'expliquent pas seulement par les luttes internes
de pouvoirs mais aussi et surtout par les velléités
d'indépendance réelle ou supposée de certains
héritiers immédiats du pouvoir colonial. En revanche, quelques
pays doivent l'étonnante longévité de leurs « leaders
» à leur exemplaire vassalité. (Kom 2000 :84)
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Michel Kounou a lui aussi analysé le curieux
phénomène de coups d'Etat récurrents en Afrique noire
francophone. Pour lui, le coup d'Etat dans cette partie du globe est un acte
politique plutôt que militaire :
Le coup d'Etat est l'expression la plus spectaculaire de la
militarisation des Etats africains. (Sur l'expression la plus brutale d'une
lutte politique interne, entre groupes soucieux hégémoniques
s'affirmant, à travers une institution étatique regroupant une
minorité qui monopolise la contrainte militaire. ( Kounou 2007 : 348)
S'il est vrai que le Cameroun a connu jusqu'à nos jours
deux régimes et deux présidents, les textes de Mongo Beti font
allusion à trois chefs d'Etat qui se succèdent sans
véritable transition démocratique, mais uniquement à
l'issue des coups d'Etat. Cette succession ou cette forme de transition a
toujours été en vogue en Afrique, au point où le 06 Avril
1984, le Cameroun en a connu, juste après que Paul Biya avait à
peine amorcé la deuxième année de son règne.
Toutefois, une lecture minutieuse dans les détails des faits historiques
et des notations textuelles laisse entrevoir clairement le long règne
d'Ahidjo et le relais de Paul Biya. Pour l'auteur, si Ahidjo était un
dictateur sanguinaire, Paul Biya quant à lui est un dictateur
sournois.
L'image que nous présente Mongo Beti du règne du
Président est essentiellement délabrée, car ce dernier n'a
aucun réflexe démocratique, et il s'emploie non pas à
mettre le peuple au centre de son projet de gouvernance, mais de ruser avec lui
et de s'en éloigner davantage. C'est pourquoi le narrateur trouve en lui
un« démagogue aventurier » :« Les paysans,
incapables de prendre la mesure du privilège qui leur était
octroyé, restaient cois (...) pris avec l'entrain accoutumé des
populations frustres livrées à la démagogie d'un
aventurier. » (Mongo Beti 1994 : 166)
Il voit en cet aventurier un tyran avec qui il ne faut pas
pactiser, au risque de se laisser avoir : « -Tu es l'homme qui a
survécu, lui dit l'avocat, tu es l'oracle. Ne l'oublie jamais. C'est de
toi que les tiens attendent des savoir ce qu'il faut faire. Dis-leur qu'ils
doivent éviter de se compromettre avec un tyran, fût-il des
leurs. » (Mongo Beti : 166) Il lit en lui un animal féroce, un
reptile qui étrangle lentement le peuple : « -celui qui
que
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vous prenez pour le nouveau messie n'est qu'un boa qui
enroule patiemment ses anneaux visqueux autours du peuple, avant de
l'étrangler dès qu'il pourra le faire au moindre risque,
répétait sans cesse l'avocat... » (Mongo Beti : 166)
L'auteur emploie ici un contraste qui met en relief deux images du chef de
l'Etat. Dans l'imaginaire populaire, c'est « le nouveau messie
» il utilise cette périphrase mythologique du messie biblique
libérateur et rédempteur futur du peuple d'Israël qu'il
oppose à l'image réelle du chef de l'Etat qui « n'est
qu'un boa», la métaphore animale du boa est très forte
car contrairement à certains reptiles comme la couleuvre qui est
inoffensive ou la vipère dont le venin mortel agit dans les minutes qui
suivent, l'action du boa est lente, donc elle fait souffrir plus. Pendant que
le dictateur démagogue -aventurier spolie la presse dite
indépendante, il emploie les colonnes des journaux gouvernementaux pour
mieux éblouir le peuple des slogans aussi bruyants que creux :
Le nouveau chef de l'Etat, homme en apparence
énigmatique, n'avait pris aucune décision tranchée, ce
contentant de semer dans ses rares allocutions quelques formules qui faisaient
beaucoup de bruit, mais ne signifiaient rien, comme renouveau, moralisation,
rigueur ; les colonnes des journaux gouvernementaux en retentissaient aussi
périodiquement. (Mongo Beti : 170)
En effet, les termes : « renouveau», «
moralisation » et « rigueur» rentrent bien
dans le registre lexical du régime politique et social du
Président Paul Biya, et nous rappellent le congrès du Parti au
pouvoir, tenu en 1985 à Bamenda. Autant ces médias
gouvernementaux rehaussent le lustre de son image et véhiculent son
idéologie, autant le dictateur se fait sourd aux cris et aux appels des
médias indépendants et de l'opposition :
Protestations indignées des chefs de l'opposition,
éditoriaux incendiaires dans les journaux indépendants, rien n'y
fit. Le pouvoir appliquait une tactique qu'on peut appeler de l'édredon
: il ne répondait à aucune accusation, défaillait les
interpellations, faisait la sourde oreille aux propositions de dialogue...
(Mongo Beti : 172)
Il s'agit ici, d'un dictateur qui a résolument
décidé de museler et de spolier la presse. Bébète
reconnaît d'ailleurs en lui l'ennemi juré des médias :
- Papa, fit Bébète d'un air affolé, un
homme en tenue dans le local du journal ? C'est quoi ça ? De la
provocation ? Vous ne vous rappelez donc
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plus les menaces du chef d'Etat-major ? On peut lancer une
grenade, une bombe. Nous sommes l'ennemi public du dictateur. (Mongo Beti :
105)
Tous les journalistes de la presse indépendante sont
conscients des dangers permanents qui les guettent. D'ailleurs, le Journal
intitulé Aujourd'hui la démocratie est persécuté le
long de Trop de soleil tue l'amour, cas son rédacteur en -chef
a osé dénoncer la braderie des forêts.
Tu as orchestré une campagne à propos de
l'exploitation forestière et quand tu touches au bois ici,
forcément, tu énerves les Français (...) A l'on croire,
les Français sont entrain de stoker les bois tropicaux prix chez nous en
prévision d'une pénurie de bois de menuiserie et de
décoration qui va concerner les années 2020 au 2030. (Mongo Beti
: 54)
Parlant de la censure de la presse au Cameroun, Ambroise kom
fait cette réflexion :
De nombreux journaux qui refusent de s'inféoder au
pouvoir en place ont été souvent censurés, interdits ou
même suspendues pendant de longs mois. Il en est ainsi des titres tels
que le Messager, La Nouvelle expression, Challenge Hebdo, Galaxie, tec. Les
journalistes eux-mêmes ont été victimes de poursuites
judiciaires et souvent arbitrairement détenus. (kom 2000 :19)
Le discours de La Baule n'a véritablement pas eu
d'effets escomptés sur le dictateur démagogue, par une ouverture
réelle au dialogue avec l'opposition, ni sur la libéralisation
systématique du secteur de la presse. Le règne du chef de l'Etat
s'apparente progressivement à une dictature totalitaire, car toutes les
institutions de contrôle du pouvoir sont menacées. C'est ainsi
que, poussé par les conseils de son maître à libérer
les partis politiques et la presse, le dictateur-démagogue ruse :
Sur les conseils de l'ancienne métropole, qui jouait
habilement sur plusieurs claviers, le chef de l'Etat décréta, du
bout des lèvres, la liberté des partis politiques et de la
presse. Dans le fait, il était en proie à la panique, et
reprenait de la main gauche ce qu'il était contraint
décéder de la main droite. (Mongo Beti 1999 : 179)
Le narrateur fait certainement allusion au discours tenu par
le Président français, François Mitterrand à la
Baule le 20 Juin 1990 à l'occasion de la séance solennelle
d'ouverture de la 16ème conférence des chefs d'Etat de
France et d'Afrique. A ce sujet du muselage de la presse Mongo Beti
écrit :
Sans l'effet de ce qu'on a appelé le vent d'Est, plus
que par la grâce de la conférence de la baule, les régimes
autocratiques de l'Afrique francophone
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ont dû se résigner au moins en apparence,
à l'émergence d'une presse indépendante. Mais, les
mauvaises habitudes des pouvoirs et, en particulier les réflexes, de
censure étaient tellement enracinés que les journaux libres
vivent constamment au Cameroun du moins, dans une relation de bras de fer avec
les pouvoirs en place. (Mongo Beti 1993 : 83)
Le dictateur n'est pas seulement entre la presse
indépendante qui dénonce le scandale de la braderie des forets.
Pis encore, son autocratie l'amène à annuler une loi votée
par son propre parlement. Le directeur de l'Andeconini en parle d'ailleurs avec
beaucoup de curiosité : « -Je croyais qu'il y avait
déjà une loi interdisant l'exploitation des grumes, intervint le
directeur de l'Andeconini .» (Mongo Beti : 136)
En effet, s'il y'a dictature, c'est justement parce que le
Chef de l'Etat abuse de son pouvoir exécutif et s'hasarde sur le terrain
du parlement : « -Je sais, elle date s'il y a quatre ans, poursuivit
le force. Oui, mais elle est restée lettre morte ; parce que le chef de
l'Etat en retarde sans cesse l'application, il a tous les pouvoirs, même
celui d'annuler une loi votée par son parlement, c'est ce qu'il
s'apprêterait d'ailleurs à faire. » (Mongo Beti :
136)
La duplicité et la surdité du dictateur à
l'endroit de son maître et de son peuple se manifestent par l'enfermement
et la diversion :
-Rien d'étonnant, fit l'avocat ; il ne peut pas bouger
de son bunker, le pauvre vieux. Tous le pays est en ébullition. Les
partis politiques manifestent partout et réclament la convocation d'une
conférence nationale, comme au Bénin. Des coupeurs de route
sévissent dans certaines régions du Nord. Et le gouvernement de
dénoncer les bandits. (Mongo Beti : 182)
Ce passage est d'une richesse historique et stylistique de
grande facture et mérite qu'on s'y attarde. En effet, l'avocat qui
dénonce ici la réclusion insensible du dictateur
exprime de la pitié pour ce dernier qu'il qualifie de
« pauvre vieux». Par ailleurs, il montre comment la
gérontocratie a des séquelles, car le vieux reste enfermé
dans son « bunker» pendant que le pays est en «
ébullition »le mot bunker, d'origine allemande, connote
une
forteresse militaire, un réduit fortifié, ici,
il est employé dans une tournure périphrastique pour montrer
comment le dictateur vit dans un retranchement militarisé, coupé
du peuple
qu'il croit diriger. La métaphore hyperbolique de
l'ébullition est l'expression des manifestations très chaudes du
peuple et des partis politiques. Plus loin, nous notons
15
l'emploi de la comparaison « une conférence
nationale, comme au Benin »en référence analogique au
Bénin est très significative, car dès la fin 1989,
s'enclenche au Bénin un processus exemplaire de transition à la
démocratie. Dans un pays en totale banqueroute, au bord de la guerre
civile, le Président Kérékou, au pouvoir depuis le coup
d'Etat de 1972, Choisit de composer avec les opposants, en les conviant, le 7
Décembre 1989, à une conférence nationale des forces
vives. Réunie du 19 au 28 Février 1990, la conférence,
autoproclamée souveraine, dégage par consensus, les fondements
d'un nouvel ordre constitutionnel : elle suspend la loi fondamentale
Marxiste-léniniste de 1977 ; elle instaure le multipartisme
intégral ; elle organise, jusqu'à la tenue d'élection
concurrentielles, la cohabitation entre Mathieu Kérékou ,
maintenu à son poste mais dépouillé de l'essentiel de ses
pouvoirs, et Nicéphore Soglo, Premier Ministre élu par elle ;
elle désigne un Haut Conseil de la République , organe
constituant, législatif et de contrôle ;enfin elle arrête
les grandes lignes d'une constitution s'achèvera sans encombe
après la Baule avec l'élection présidentielle de Mars
1991, remportée par Nicéphore Soglo au détriment de
Mathieu Kérékou .
Nous comprenons que cette allusion au Bénin sert
à mettre en relief le contraste saisissant de la réception d'un
discours de la Baule par deux chefs d'Etat d'Afrique Noire francophone et son
application réelle sur le terrain. Bien au contraire, au Cameroun, c'est
le règne de la dictature totalitaire qui se sert de la ruse au quotidien
:
Les partis politiques reconnus par le Chef de l'Etat, mais
indésirables dans la réalité, se réunissaient dans
des enceintes privées et rédigeaient des notions
enflammées sommant le chef de l'Etat de convoquer sans délai une
conférence nationale souveraine, préalable nécessaire,
proclamaient-ils, à la transition d'un régime de dictature
totalitaire à une gestion démocratique et transparente de la
République. (Mongo Beti : 193)
Cette crise du multipartisme au Cameroun, crise attestant
l'échoc de la transition démocratique est d'ailleurs bien
perçue et relevée dans ce rapport :
Au début des années 1990, des partis
d'opposition voient le jour, et des élections multipartistes sont
organisées. Pendant deux ans et demi, le régime est
sérieusement menacé dans les bureaux de vote et dans la rue, et
les frustrations provoquent des violences généralisées en
1991. Mais après
16
avoir survécu à ce nouveau défi, le
Président Paul Biya et son parti parviennent à faire reculer les
réformes et restaurent un régime autoritaire derrière une
façade de pratiques démocratiques. ( Rapport Afrique de crisis
2010 : i)
Le dictateur -tyran exerce une violence armée sur les
partis d'opposition :
Les gens du parti du dictateur ne connaissent qu'un langage,
les coups- coups de matraque distribués toujours
généreusement, à tort et à travers bien sûr,
coups de fusil ou de pistolet tirés de préférence à
bout portant ou dans le tas, coups de Jarnac divers, spécialité
coutumière aux groupes humains que le courage n'étouffe pas.
» (Mongo Beti 1999 :66)
Cette violence contre les opposants est assimilée aux
violences exercées par le tyran Mobutu :
Plaise à Dieu que Kabila réussisse à
chasser Mobutu. Nous prendrions peut-être exemple sur lui pour continuer
la chasse aux tyrans. Moi, je comprends nos amis de l'opposition ; ils ont
déjà subi la fessé une fois, ils ne tiennent pas à
s'exposer de nouveau à ce supplice. (Mongo Beti : 70)
Ces propos sont ceux du directeur de publication du journal
engagé Aujourd'hui la
démocratie. PTC fait ici allusion à la
fessée légendaire administrée par le régime de Paul
Biya à ses opposants en 1990. La dictature du Despote rusé ne se
limite pas uniquement à l'exclusion des opposants du jeu politique et
à leur persécution, elle se lit aussi sur une
pratique mafieuse qui entache les élections. En effet,
le lecteur comprend qu'il se pratique une stratégie d'exclusion des
jeunes qui ne peuvent pas s'inscrire sur les listes électorales
de peur qu'ils ne constituent une importante menace pour la
stabilité et la pérennité du régime en place
:« La question de faciliter leur inscription sur les listes
électorales, ce serait un raz-de-marée nous serions
balayées. Quelle idée saugrenue. Nous sommes en Afrique, cher
ami, pas à carpentras. Quand on fait des élections, ce n'est pas
pour les perdre, pardi ! » (Mongo Beti : 188)
Cette révélation sur les pratiques
antidémocratiques du dictateur-tyran sournois fait
écho à cette autre : « Est-ce que son
Excellence notre Président ni aura pas des problèmes par la suite
justement à cause de ces élections douteuses ? Les gens n'aiment
pas
tellement les élections louches. » (Mongo Beti
: 193)
17
Malgré cette inquiétude, le Président
Fraudeur réussit à forcer la communauté internationale
à reconnaître et à légitimer son régime
autocratique :
Il y a cinq ans, ils nous ont dénoncés avec une
virulence haineuse, sous prétexte que nos élections
législatives n'avaient pas été transparentes. C'est le mot
à la mode. Est-ce que son excellence notre Président n'a pas
été reçu ensuite à Washington avec les hommages dus
à son rang, puis à Paris, à Bonn, et même à
Londres par Madame Thatcher, la dame de fer, soi-même ? Et
couronné docteur honoris causa dans ne prestigieuse Université
américaine ? Nos relations avec le Fonds Monétaire International
et la Banque Mondiale ne sont pas au beau fixe aujourd'hui ? (Mongo Beti :
194)
Cette interrogation ironique de l'homme à la
sahélienne de bonne coupe met évidement en relief le contraste
entre les pratiques antidémocratiques d'un dictateur et l'accueil que
ses partisans occidentaux lui réservent. En effet, s'agit-il
réellement de ses amis et partisans ? Le récit de Mongo Beti
montre qu'il ne s'agit que des amitiés de façade, car nous sommes
dans une République dite bananière où les lobbies
économiques contrôlent tout le vrai pouvoir :
Ou alors un envoyé. Yankee du FM, en compagnie du
président de notre République bananière, costumés
trois pièces l'un et l'autre par 35°C à l'ombre comme des
clowns débiles, cravates jusqu'au bord supérieur de la
lèvre inférieure, trimbalés dans une Mercedes aux vitres
teintées, ça se voit beaucoup ici aussi, et c'est pas triste non
plus : ces deux-là peuvent marcher ensemble et même bras dessus
bras dessous, personne ne s'en offusquera. (Mongo Beti : 2000 :29)
En dehors des crimes ouvertement connus sur ses adversaires
politiques et sur la foule par son armée et par sa milice, les derniers
romans de Mongo Beti montrent qu'il existe d'autres crimes silencieux qui sont
commis sur les religieux et sur la personne même de la première
dame. Roman de l'angoisse par excellence, Trop de soleil tue d'amour
nous situe au coeur d'une République francophone post coloniale
où règnent des assassinats répétés sans
recherche des coupables. Le roman s'ouvre sur des faits insolites : le vol des
CD de Zam, le journaliste engagé qui a écrit de violents articles
contre les dirigeants sans foi ni loi qui bradent les forêts du pays.
Pour le réduire au silence, les services secrets ont
déposé un corps dans son placard. Il s'agit de l'incriminer et de
le culpabiliser pour meurtre. En effet un respectable ecclésiastique a
été assassiné, on ne sait ni par qui, ni pourquoi :
18
Qui, Mzilikazi n'était pas vraiment ce que l'on appelle
un dissident, encore moins un opposant. Il lui était même
arrivé, quoique très discrètement et en s'entourant d'une
sorte d'élégance, de prendre fait et cause pour la dictature,
sous couleur des fustiger les fauteurs de désordre de l'opposition,
ainsi qu'il sied à un respectable ecclésiastique. (Mongo Beti :
21)
Les assassinats sont récurrents et la femme du
président en est aussi victime : « - Quoi, la femme du
président morte, vraiment soupira un leader politique de l'opposition.
Mon Dieu que peut donc signifier tout ceci, Dans quel étrange pays
sommes-nous aujourd'hui, est-ce que nous allons tous y passer ? Et pourquoi ?
» (Mongo Beti : 75)
La multiplicité des interrogations ici est l'expression
même d'une très forte inquiétude. En effet, si nous nous
référons à l'histoire récente du Cameroun, nous
constatons que la fiction de Mongo Beti s'enracine très bien dans la
réalité dont elle se nourrit. Cette réalité
historique camerounaise situe la mort de la femme du Président Paul Biya
le 29 Juillet 1992 à l'âge de 55ans. Le récit semble
attribuer cette mort à son propre époux de Président :
Comme tous nos compatriotes, les deux amis étaient
intarissables à propos de cette tragédie, sans exemple, à
moins de remonter à Poppée, l'épouse de Néron,
tuée par ce dernier à coup de pied dans le ventre alors qu'elle
était enceinte. Certes, ni réputée femme battue. (Mongo
Beti : 80)
Le narrateur montre que l'insensibilité, l'apathie du
dictateur ne se manifestent pas seulement contre les opposants et le peuple,
mais aussi contre sa propre épouse : « mais ceux qui
s'étaient imaginé qu'un forfait si abominable allait
nécessairement ébranler la dictature ne tardèrent pas
à déchanter. » (Mongo Beti :81)
Qu'il s'agisse de l'assassinat de Maurice Mzilikazi, des deux
soeurs religieuses ou du décès de la première dame, le
texte montre que le dictateur reste de marbre. En effet, il s'agit d'un despote
véritablement coupé de son peuple, de ses propres militants, et
très impopulaire. La symbolique du «bunker» qui
revient avec une certaine récurrence dans notre corpus est à
souligner : « Le nouveau chef de l'Etat avait fait venir de l'ancienne
métropole une célèbre entreprise de travaux publics
qu'était en train de transformer son palais, érigé
déjà à la manière d'une forteresse, en une sorte de
bunker. » (Mongo Beti 1994 :172) Il se dégage de cette mise en
relief, l'image d'un chef d'Etat soucieux de sa protection et
extrêmement
19
dépensier. Il ne croit pas en l'expertise de ses propos
compatriotes sortis de l'Ecole des Travaux Publics. Non content de se couper de
son peuple par l'érection de sa forteresse, le dictateur-homophobe
s'entoure des ceintures des armées personnelles :
Notre Sese Seko à nous en est encore à
l'édification du bunker, ensuite il érigera des armées
personnelles, trois murs de feu, ou quatre, ou cinq, disposés en cercles
concentriques, et plus rien ne pourra l'atteindre. Un tyran éternel,
dans le domaine politique au moins, voilà notre seul apport à la
culture universelle, comme dirait l'autre. (Mongo Beti : 173)
Pour le narrateur de Mongo Beti, cette réclusion, cette
agoraphobie du dictateur-despote est une technique savamment mûrie pour
s'éterniser au pouvoir dont il redoute une menace d'alternance :
-C'est, proclamait l'avocat, le symbole de ce le régime
deviendra nécessairement. Cet homme, que vous admirez aujourd'hui, n'a
déjà plus qu'une obsession : rendre son évolution
irréalisable, se reclure dans une citadelle inexpugnable, au propre
comme au figuré, comme fait un despote africain pour anéantir
toute menace d'alternance. (Mongo Beti : 172)
Il s'agit en fait d'un chef d'Etat homophobe et psychopathe
qui a une peur névralgique d'une éventuelle insurrection du
peuple qu'il dirige et dont il est malheureusement très
éloigné pour ne pas dire totalement coupé :
Le pouvoir du chef l'Etat était apparemment devenu une
citadelle imprenable, en tout cas hors d'atteinte d'une insurrection populaire.
On dirait que le chef de l'Etat avait maintenant dans les sous-sols et les
caves de son palais assez de munitions et de vivres pour tenir pendant
plusieurs mois... » (Mongo Beti : 201)
Malgré la double érection murale et soldatesque
pour sa protection personnelle, nous avons l'image d'un chef d'État
ombrageux qui a une peur hallucinante de perdre son pouvoir : « point
n'était aujourd'hui besoin d'être sorcier pour deviner leurs
ombres rendues furtives et fiévreuses la panique, en transe dans les
sous- sols du bunker où se terrait le chef de
l'État.»(Mongo Beti : 188)
Ce qui reste de son image dans la conscience populaire, c'est
qu'il a beaucoup gagné en impopularité :
20
« -La police ? La police ici ? Le pouvoir ici,
monsieur, c'est une partie de base-ball entre Ouistitis, je vous l'ai
dit.
- On me dit que le régime et son président sont
très impopulaires. Est-ce vrai ?
- Impopulaires, ô combien, monsieur. Vous n'imaginez
pas. Attendez un peu. « (Mongo Beti 199 : 172)
Cette impopularité ne se ressent pas seulement dans le
peuple mécontent. Il n'est qu'à constater la crise de confiance
qui se manifeste au sein de son propre parti :
Je déplore que le ciment de la confiance manque
désormais entre les militants de notre grand parti et la haute direction
de l'Etat. Il faut le dire et redire, la discipline fout le camp. Où est
l'époque où une simple adresse de son Excellence notre
Président suffisait pour réchauffer l'enthousiasme et resserrer
les rangs ? (Mongo Beti : 197)
Ce constat poignant et cette interrogation de l'homme à
la saharienne de bonne coupe sont révélateurs de la
décrépitude de l'édifice moral du parti du
Président-Despote. Ce tyran sournois ne s'enferme pas dans sa citadelle
pour réfléchir sur les grandes questions nationales et
internationales. Bien au contraire, notre corpus démontre à
suffisance que ce fugitif agoraphobe est aussi un véritable
idéologue du repli identitaire, tant son favoritisme, son
népotisme, son tribalisme et son régionalisme n'ont aucun
équivalent.
II-UN IDEOLOGUE DU REPLI IDENTITAIRE
Pour gérer la chose publique, le chef de l'Etat ne fait
aucun effort pour choisir et s'entourer des citoyens et des patriotes
équilibrés, méritants et intègres. Bien au
contraire, il privilégie la politique désintégratrice du
favoritisme au détriment de la méritocratie.
2.1 : Un artisan du favoritisme
Le Dictionnaire Universel définit le favoritisme en ces
termes : « tendance à accorder des avantages par faveur, au
mépris de la règle ou du mérite : »
(Dictionnaire Universel 1995 : 474)
21
Les hommes de main du chef de l'Etat et ses favoris sont
présents dans tous les secteurs d'activité où ils brillent
cependant par leurs impérities et par leur déséquilibre
moral, à l'instar de l'officier frivole :
C'était quelques jours plus tard un autre
pèlerinage auprès d'un autre clan, et ainsi de suite. Cette
stratégie ne laissa pas de produire des effets lorsque vint enfin le
procès du vieil homme, d'autant plus que son dossier n'avait
guère été étudié par le jeune officier
frivole qui tenait lieu de procureur, un favori du chef de l'Etat. (Mongo Beti
1994 :89)
Ce passage dévoile, s'il en était besoin, le
contrôle de l'armée et de la justice par le Président
dictateur. Par ailleurs, il est démontré que le favoritisme de
cet homme se manifeste sur les plans politiques et financiers, car pour
bénéficier des crédits bancaires faramineux sans
perspectives de remboursement, il suffit d'avoir une carte du parti :
Itinéraire devenu banal, parce que le plus facile
à parcourir, on s'érige d'abord en personnage au-dessus de tout
soupçon en entrant dans la cohorte des dirigeants par l'achat de la
carte du parti au pouvoir ; puis on décroche au Crédit Agricole,
un établissement très complaisant pour les politiciens
véreux pourvu que leurs mocassins n'aient jamais foulé aucune
glèbe, un emprunt dont le montant ne craint pas la plus vertigineuse
succession de zéros. (Mongo Beti : 1999 : 186)
Le chef de l'Etat a un penchant aveugle non seulement pour ses
favoris, pour les dirigeants véreux et mesquins, mais également
et surtout pour sa famille.
2.2. : Un Artisan du népotisme
Notre corpus laisse lire d'un bout à l'autre de
l'intrigue, une forte désintégration de l'unité nationale,
car le chef de l'Etat abuse des faveurs insoupçonnables qu'il accorde au
quotidien, à ses proches. En effet, le Dictionnaire Universel
définit ce que nous qualifions de Népotisme en ces termes :
« Abus d'influence d'un notable qui distribue des emplois, des faveurs
à ses proches. » (Dictionnaire Universel 1995 : 824)
D'un texte à l'autre, plusieurs indices
dévoilent la prédominance de la famille, de la tribu et de la
région du Chef de l'Etat sur toutes les autres que le récit
n'évoque presque pas. Tout laisse croire qu'on voit dans une
République où il est établi une institutionnalisation des
comportements antisociaux que sont : le Népotisme, le
22
Tribalisme et le régionalisme comme stratégies de
gouvernance. La famille et la tribu sont
gorgées de privilèges qui tiennent
ostentatoirement le haut du pavé. Le narrateur présente le
conseil de famille comme un ramassis de prédateurs belliqueux qui
prêchent l'exclusion sociale :
Le chef de l'Etat se résolut enfin de réunir autour
de lui ce qu'il faut bien appeler son conseil de famille, véritable nid
de faucons prêchant la guerre en toute circonstance. Ils lui
présentaient quotidiennement qu'il fallait avoir de l'étoffe, de
l'audace, du courage, du cran, de la décision, de la fermeté, de
la suite dans les idées quand on était un Chef. (Mongo Beti 1994
:106)
Il s'agit d'un chef d'Etat dont les proches sont de
véritables dangers pour la santé économique du pays. En
effet, son frère aîné excelle dans les fraudes bancaires
:
-Le risque ? Intervient le frère aîné du
Chef de l'Etat, virtuose des opérations bancaires frauduleuses. Nous
avons la confiance du Fonds Monétaire Internationale et de la Banque
Mondiale, sans compter le Ministre des Finances et le Ministre de la
coopération de notre ancienne métropole. (Mongo Beti : 107)
Le frère cadet occupe le poste privilégié
de diplomate aux Etats-Unis d'Amérique : « -Que là
aussi, comme dans l'ancienne métropole, les dirigeants nous soient
favorables, secrètement ou ouvertement, c'est un point acquis, opina le
premier secrétaire de l'ambassade de Washington, par ailleurs
frère cadet du chef de l'Etat. » (Mongo Beti :
107)
La Présidence de la République fourmille des
membres de sa famille :
« -Il faut passer la chose dans l'opinion, dit le
rédacteur en chef de Nation-Tribune, fils aîné de la plus
jeune soeur du chef de l'Etat, frais moulu d'une école de journalisme
étrangère et d'ailleurs chef de la cellule de communication de la
Présidence. » (Mongo Beti : 108)
Les Ministères en sont envahis : «-Qui, mais
les esprits sont particulièrement échauffés au Centre
hospitalier universitaire, déclara le Ministre de la santé,
agrégé de médecine et accessoirement frère
aîné du Chef de l'Etat. La plupart de nos fonctionnaires
appartiennent à des ethnies qui nous sont hostiles. » (Mongo
Beti : 109)
Dans les Universités, on les retrouve à la
tête des institutions :
23
Il y a une possibilité à laquelle personne ne
semble songer, intervint le deuxième mari de l'unique tante maternelle
du chef de l'Etat, se disant par ailleurs titulaire d'un DEA de Psychologie
appliquée de la Faculté de Rouen et, malgré son âge
avancé, Chef du Département de cette discipline à
l'Université Nationale... (Mongo Beti : 109)
Les Ministères sont saturés des membres de sa
famille, personnes impotentes, gênantes et véreuses :
On suggérait avec insistance d'accepter l'entrée
dans le gouvernement d'hommes intègres et compétents, au lieu des
membres de sa famille qui encombrent les Ministères dont ils traitaient
les caisses comme leurs cassettes personnelles. Le Chef de l'Etat n'en fit
rien, promit réfléchir, mais répandit dans les villes des
milices occultes qui semaient une terreur aussi insidieuse
qu'imprévisible. (Mongo Beti : 178-179)
Le fils aîné, lui aussi, brille par des
échecs scolaires qui obligent son père à le faire passer
devant un jury national corrompu :
Dans sa famille où titres et qualifications
s'entrechoquaient dans un cliquetis sans cesse renouvelé, cet homme
n'avait pas de titre, hormis celui de fils aîné du chef de l'Etat
; il n'avait aucune qualité, hormis celle de bachelier, section A ( avec
une seule langue vivante)-Encore avait-il fallu, pour qu'il
décrochât enfin le parchemin convoité, retirer ce
personnage sans égal d'un établissement privé de
l'ancienne métropole au terme de cinq échecs successifs et le
rapatrier manu militari, car il se plaisait beaucoup là-bas, pour le
produire devant un jury national dont les membres avaient dîné la
veille dans la salle à manger d'apparat du Palais paternel. (Mongo Beti
: 111)
Mongo Beti ne se contente pas de dénoncer le repli
identitaire de ce chef d'Etat qui pratique à souhait le favoritisme et
privilégie la famille, il dénonce également son tribalisme
très accentué.
2.3 : Un Apôtre du tribalisme
Le Dictionnaire universel définit ce fléau
social comme : « La tendance à avantager les membres de son
ethnie, de sa région : » (Dictionnaire Universel 1995 :
1225)
Les textes de Mongo béti sont parsemés d'indices
qui font de ce chef d'Etat un tribaliste achevé. Il semble avoir fait du
tribalisme une technique de gestion des hommes : diviser, tribaliser pour mieux
régner. A force de concentrer et centraliser les pouvoirs, il
24
transforme la République en royaume : « -
Alors quoi ? Tu ne devines pas, vraiment ? Notre roi fainéant n'a aucune
peine à nous dosser les uns contre les autres, avec les
stratégies tribalistes apparemment les plus éculées.
» (Mongo Beti 2000 :206) Le Monarque est un dictateur
ombrageux qui n'hésite pas à user du caporalisme sur sa propre
tribu pour s'en rassurer le soutien indéfectible :
Le chef de l'Etat et ses diverses forces de l'ordre
exerçaient un contrôle fébrile sur la capitale et son
arrière-pays, considérés comme son fief, la province dont
les populations, réputées de même ethnie que lui,
étaient censées épouser sa cause ou se montrer
indéfectiblement attachés à sa personne. » (Mongo
Beti : 190-191)
Parlant des pillages orchestrés du fait de la promotion
de la tribu du chef de l'Etat, Jean Fochivé, l'un des piliers de la
sécurité sous Paul Biya, affirme sous la plume de Fenkam :
Une nouvelle espèce d'hommes d'affaires vit le jour,
promue par employés d'Etat fictifs, des missions fictives...Bref, le
tout fictif gracieusement payé par l'Etat. Les Ewondo y allèrent
de si bon appétit que les frêles ressortissants Bulu aux estomacs
encore étroits se mirent à grogner. ( Fenkam 2003 : 199)
Pour Mongo Beti, les crédits amicaux, familiaux et
tribaux sont à l'origine des faillites des finances publiques et de
l'économie du pays :
Le mal dont souffraient les banques n'avait rien de
mystérieux, et même un observateur profane pouvait en
prédire l'issue fatale. D'énormes crédits étaient
consentis, non aux entrepreneurs qui avaient fait leurs preuves, mais aux amis
et aux tenants du pouvoir qui, y voyant une juste rémunération de
leur allégeance au régime, comme le dit un anciens directeur de
banque interrogé par un journaliste, se souciaient peu de rembourser
leurs emprunts. (Mongo Beti 1993 : 126)
Ce chef d'Etat, idéologue du repli identitaire aux
conséquences catastrophiques est aussi, à en juger par la
peinture que les textes font de lui, un parfait fugitif agoraphobe, par
ailleurs un véritable impotent et un parfait oiseau migrateur en exil
permanent.
III-UN IMPOTENT OISEAU MIGRATEUR
Des analyses minutieuses montrent que le Chef de l'Etat brille
par son impéritie chronique. Il n'est, à tout prendre, qu'un
fainéant qui n'aspire qu'à aller en villégiatures et
qu'à se reposer.
25
3.1. Un Président fainéant
Le récit de Mongo Béti laisse un vide sur
l'exercice réel du pouvoir et la prise de parole par le Chef de l'Etat.
L'image qui se dégage de sa peinture est celle d'un indolent qui
n'aspire qu'à jouer, à se reposer et à voyager. C'est
d'ailleurs ce qui a inspiré cette analyse de Fandio qui affirme :
Dès lors, le Cameroun de Zamakwé dont il sera
question dans le roman semble ainsi un pays dirigé par un chef d'Etat en
vacances. Dans l'un des rares moments consacrés au personnage, le
narrateur qui le nomme tantôt « le Président fainéant
» tantôt « le Président dictateurs » dit justement
de lui que « son rêve secret est de se reposer tout le temps
(Soleil, 127). ( Fandio 2001 :4)
L'itinéraire du Président fainéant est
bien tracé par le narrateur et repérable dans le récit.
Lorsqu'il n'est pas tout simplement en réclusion dans son bunker
où il s'est terré et où il bénéficie d'une
protection des plus sophistiquées, on le retrouve dans son village
où, loin de se consacrer à l'étude des dossiers
importants, il se consacre exclusivement à des activités ludiques
du temps de ses ancêtres.
- Et vous dites révoltés par la
prolifération et la persistance des dictateurs (...) vous me ferez
toujours narrer, vous qui vous dites des intellectuels. Tu devrais te faire
raconter à quoi ton Président passe son temps dans son village
natal, quand, par hasard, il s'y trouve. Aux mêmes activités que
ses ancêtres il y cent ans, il joue à l'awalé, le bougre,
pas du tout à étudier les dossiers où à se
concerter avec ses Ministres. Où ils sont nés nos dictateurs ?
Où ils ont grandi? D'où ils sortent ? D'une
génération spontanée, peut-être, et pas de chez nous
? Ils ont été parachutés par Jésus-Christ, si
ça se trouve, ou par le méchant Belzébuth ? Ce n'est pas
nos traditions qui les ont façonnés. (Mongo Beti 2000 :205)
Eddie est un contestataire revenu de son exil occidental
où il a certainement vu comment les présidents gèrent
leurs républiques. C'est surtout cette riche expérience
d'exilé de retour qui l'amène à se révolter devant
l'inertie, devant la paresse et devant l'inconscience d'un Chef d'Etat
frappé d'hibernation intellectuelle, et qui paralyse lui-même la
vie politique et l'action gouvernementale en coupant les concertations
ministérielles et les autres activités politique .Il s'agit alors
d'un président fainéant qui a laissé tout son pouvoir
vacant. Le Président fainéant n'a, selon Eddie, aucune notion de
la gestion des finances, de l'eau et de l'énergie secteurs pourtant
très importants de la vie socio-économique :
26
C'était une boutade de mauvais goût d'Eddie : selon
lui, après la privatisation très controversée des banques,
de l'eau, de l'électricité, il restait désormais celle de
la police et de l'armée, et même de l'Etat. Alors, du mois, le
Président, un fameux fainéant, serait enfin assuré de
pouvoir se reposer tout le temps, son rêve secret. (Mongo Beti 1999
:121-122)
N'ayant pas le temps de se mettre à la réflexion
et à l'étude des vrais dossiers pour une gouvernance attendue, le
Président fainéant se consacre davantage à la satisfaction
de ses instincts libidineux. Le récit nous le présente comme
quelqu'un qui a un régiment de concubines : « -Mais n'y a-t-il
pas un risque ? S'inquiéter le père de la plus jeune concubine du
chef de l'Etat. » (Mongo Beti 2000 : 107)
L'un des domaines où ce Président
fainéant semble toutefois avoir réussi avec éclat, c'est
dans le domaine des détournements des biens publics.
2.2 : Un Président kleptocrate
Notre corpus soumet à nos lectures l'image d'un
Président en perte totale d'intégrité et de patriotisme.
Cet homme sans pouvoirs réels est un corrompu maladif que le narrateur
qualifie de « Malfaiteur » : « ...Ce sont alors les
officiers félons du tribunal militaire, les dirigeants corrompus de ce
gouvernement de marionnettes, qu'il faudrait juger immédiatement et
prendre sans délai, y compris évidement le chef de l'Etat, le
premier de ces malfaiteurs. » (Mongo Beti 194 :98)
Son irresponsabilité et sa délinquance sexuelle
se lisent très bien sur sa sexualité débridée qui
s'exprime dans un rite quotidien de licence de moeurs :
Le Chef de l'Etat se retira, abondamment
inélégamment les siens dans une lourde atmosphère de
perplexité. C'est seulement en s'unissant cette nuit-là à
une femme inconnue, comme il lui arrivait quotidiennement, qu'il arrêta
sa décision. Sa partenaire éphémère lui apparut
singulièrement crispée, froide, en un mot impropre à
l'acte d'amour. Le Chef de l'Etat en fut si dépité qu'il
préféra interrompre ses élans : (Mongo Beti : 147)
Sa partenaire éphémère la divinise,
faisant de lui un Dieu considéré comme tel dans l'imaginaire
populaire : «-Excellence, dit-elle, je vous supplie de ne pas
m'en
27
vouloir ; vous êtes notre père à tous,
notre Dieu, je voudrais vous complaire, mais j'ai si peur. » (Mongo
Béti : 147)
Le Président kleptocrate est un dictateur
extrêmement corrompu qui vit aussi des piteuses retombées des
trafics et des fraudes de toutes sortes :« -Le Ministre sait pourtant
qu'on les accuse (les forestiers) de ne pas payer les taxes grâce
à toute sorte de trafics et fraudes, observa en chuchotant le Corce, ou
de les payer au Président et non à l'Etat, mais le Ministre
n'élève aucune objection, ça promet. » (Mongo
Beti 2000 : 139)
Il s'agit en effet, d'un Président qui a ouvert les
portes à toutes sortes de désintégrations :
Chez nous, le Chef de l'Etat fait dans l'évasion des
capitaux, Ministres et hauts fonctionnaires dans l'import-export et autres
business pas toujours honnêtes, curés et évêques dans
le maraboutisme, assurer et banquiers dans l'extorsion de fonds comme de
gangsters, les écoliers dans la prostitution, leurs mamans dans le
maquereautage, les toubibs dans le charlatanisme, les garagistes dans le trafic
de voitures volées, on fait tous dans l'escroquerie. (Mongo Beti :
224)
Toutes ces désintégrations sont incarnées
par le dictateur, tant sur le plan physique que moral :
Notre vraie colère, s'il e en advient une, n'est pas
dirigée contre l'oppresseur étranger, la multinationale qui ronge
notre peuple, le dictateur, homme sans classe et sans envergure, qui brade
notre patrimoine naturel, la caste vénale et corrompue de nos dirigeants
qui ont fait un loisir banal du détournement de fonds publics et de
l'évasion des capitaux, mais toujours contre l'ethnie rivale comme au
Moyen Age des autres continents. (Mongo Beti : 99)
Le Kleptocrate a initié un mode de financement de
certains de ses proches et il a aussi réussi à museler
l'intelligentsia du pays à l'aide des crédits bancaires de
complaisance :
Il vivait très confortablement, ayant
bénéficié, comme presque tous les notables du pays, de
crédits bancaires de complaisance, qui n'allaient pas sans la protection
au moins secrète du pouvoir, et qu'il n'avait d'ailleurs pas
remboursés, pareil à tant d'autres, la dictature usant et abusant
de cette technique pour tenir en laisse et museler à peu près
tout ce qui comptait dans notre intelligentsia. (Mongo Beti 1999 :22)
28
Spécialiste de la gabegie, le kleptocrate se rassure que
les piliers de son régime
bénéficient eux- aussi des crédits
bancaires de complaisances et de l'exonération des taxes
douanières : « -Dis, ma petite amie se demanda comment
ça se fait que tu aies de si jolis trucs, toi ? Déclara Zam. Tu
es pourtant de l'opposition, non ? Tu n'as pas de crédit bancaire de
complaisance comme les piliers du régime et leurs amis, tu n'es pas
exonéré des taxes douanières ? » (Mongo Beti :
38)
Pour le personnage d'Eddie, il s'agit d'un dictateur qui a
fait de la gabegie un mode privilégié de
récupération de l'opinion :
-ce qui s'est vu, en revanche, riposta Eddie aussi sec, c'est
un certain factum, intitulé qui gouverne vraiment le pays ? Ecrit
à l'époque pour faire l'éloge du dictateur, que vous
créditiez alors d'esprit d'ouverture et de tolérance. On dirait
que vous avez oublié cette prestation, en ce cas vous seriez seul ; elle
vous valut beaucoup d'honneurs, et sans doute d'espèces sonnantes et
trébuchantes ; c'était alors la tradition. C'est trop facile ; on
sert la dictature à pied baisés pendant des années, on
prend soin durant ce temps de se remplir les proches en puisant dans les
caisses de l'Etat... (Mongo Beti 1999 :72)
Le récit de Mongo Beti montre que, le kleptocrate
dépensier ayant désolé les caisses de l'Etat avec sa caste
au pouvoir, a rendu cet Etat presque exsangue. Désormais,
il devient un débiteur auprès de ses
salariés et un mendiant auprès des financiers
extérieurs.
3-3 : Un débiteur -mendiant
A parcourir notre corpus d'un bout à l'autre, nous
constatons une sorte de
cohérence dans le récit. En effet, l'image
réelle du Président se dévoile progressivement et se
complète au fil de l'intrigue. C'est ainsi que nous découvrons en
lui un spécialiste de la gabegie qui se révèle comme un
débiteur insolvable auprès de ses salariés dont il va
par
ailleurs baisser drastiquement les salaires :
L'atmosphère s'alourdit brusquement, les sarcasmes
contre les militaires se transformaient en grimaces lorsqu'il fut
annoncé que le Chef de l'Etat avait fait appel au Fonds Monétaire
International et à la Banque Mondiale pour l'aider à se
dépatouiller d'une impasse des finances nationales qui s'apparentait
à la banqueroute (...) on apprit que les salaires des fonctionnaires
ainsi que ceux des
29
employés des entreprises nationales seraient compromis
dans les mois suivants. (Mongo Beti 2000 :177)
En effet, gestionnaire indélicat de la chose publique,
le kleptocrate fainéant, du fait de son autocratie, n'est plus en odeur
de sainteté avec ses bailleurs de fonds qui, offusqués, vont le
sevrer de leurs aides : « -Le Président va de plus en plus loin
quémander des sous, ses vieux amis occidentaux refusaient
désormais d'aider un fainéant qui n'a jamais rien compris
à la bonne gouvernance. » (Mongo Beti : 23)
Il s'agit d'un Président fainéant qui a perdu la
confiance et la crédibilité auprès des financiers jadis
à son chevet d'ogre insatiable et indélicat. N'ayant plus d'aide
pour réanimer son économie moribonde, il va priver les
salariés de leurs dus pendant trois mois avant de les réduire au
trois quart :
Les salaires des fonctionnaires n'avaient pas
été versés depuis trois mois. Il se chuchotait d'ailleurs
que le Fonds Monétaire International et la banque Mondiale avaient
renoncé à traiter avec le gouvernement du dictateur, faute de
réaménagements politiques suggérés longtemps par
eux avec insistance mais en vain. (Mongo Beti : 201)
Michel Kounou relève fort à propos les dangers
qui guettent les Chefs d'Etat trompés par les pseudo aides au
développement lorsqu'il déduit :
Il faut donc être complètement amnésique,
pour ne pas comprendre que toutes les sommes d'argent supposées aider
l'Afrique ne sont que fictives, u simple jeu d'écriture auquel se
prêtent encore allègrement des dictateurs et politiciens
irresponsables ou stipendiés, ou simplement de meilleurs
élèves auto proclamés de la légion
néo-coloniale. ( Kounou 2007 : 284)
A lire le récit de Mongo Beti attentivement, le lecteur
comprend très bien que le Chef de l'Etat qui a des biens outre-
atlantiques où il se trouve plus à l'aise que dans son pays,
multiplie et diversifie ses cibles auprès desquelles il croit pouvoir
ressusciter son économie agonisante, mais en vain :
Georges, qui s'adaptait vite depuis quelques temps,
acquiesça de la tête tout en s'attablant. Deux clients, parlant
d'une table à l'autre, s'affrontaient en faisant assaut
d'éloquence et de science politique. L'un prétendait que le
Président revenait d'une cure à Baden-Baden, en Allemagne,
où il avait une clinique
30
personnelle, l'autre affirmait que le Président
était de retour d'une visite à Brunei, émirat
pétrolier richissime dont le sultan, un homme très moderne, avait
promis une aide financière à notre Président, à
condition qu'il lui rende une visite d'allégeance et se convertisse
à l'islam. (Mongo Beti 2000 :22)
Notre corpus dévoile régulièrement les
facettes d'une image lézardée d'un Chef
d'Etat voyageur très instable dans son propre pays.
L'essentiel de sa vie se passe à l'étranger où il va
quémander de l'aider, se soigner ou se reposer.
2-4 : Un Président vacancier
Le Chef de l'Etat trône à la tête d'un pays
morbide et d'une instabilité sociopolitique qui mérite
réflexions. Cependant, ce dernier semble trouver dans des
séjours prolongés et répétés
à l'étranger une thérapeutique personnelle : «
D'abord, ici, rien ne rime jamais à rien. Est-ce que l'imagine un
pays, constamment en proie aux convulsions sociales, ethniques et politiques,
sous-développé de surcroît, où le Chef de l'Etat
peut s'octroyer six grandes semaines de villégiature à
l'étranger ?» (Mongo Beti 1999 :11)
A cette interrogation du narrateur de Trop de soleil tue
l'amour fait écho cette autre du commissaire dans Branle-bas
: « -Laissons ça Norbert. Prends même six mois pour
enterrer chacune de tes mamans, je m'en fous. Quand le rand chef
disparaît de chez nous là tu vas même lui dire que quoi ? Je
te demande Norbert, qui va même lui dire quoi ? » (Mongo Beti
2000 :119-110)
Dans les analyses de Fandio, le critique trouve en ces
séjours répétés et prolongés à
l'étranger la recherche d'un remède à l'impéritie
du dictateur migrateur : « Il n'est sans doute pas
exagéré de penser que les séjours
répétés à l'étranger du personnage
constituent une sorte de quête du dictateur pour une
solution à cette véritable impotence dont-il souffre. » (
Fandio 2001 :4)
Le Chef de l'Etat n'est pas seulement insensible aux
convulsions sociopolitiques que vit son pays en permanence. Faute d'y trouver
des remèdes, il en ajoute plutôt, à
cause de la paralysie que provoquent ses sorties et ses
entrées dans la capitale :
31
Eddie lui exposa alors gentiment que la ville était
divisée en deux, comme une pastèque, par un axe qui, parti du Sud
et filant au Nord, reliait l'aéroport au palais du Président, et
que, quand le Président se rendait à l'aéroport ou en
revenait, comme il arrivait souvent, car c'était un grand voyageur, une
espèce d'oiseau migrateur, le passage de l'une à l'autre de ces
zones était interdit aux véhicules automobiles durant des heures
entières sinon pour la journée. (Mongo Beti 2000 :12)
En effet, Eddie et Georges s'apprêtent à
traverser la ville pour se rendre au siège du Journal
Aujourd'hui la démocratie où la rédaction
fête la prise du pouvoir par Kabila à
Kinshasa. Ce qui est davantage intéressant dans cette
séquence, ce sont des figures de style très expressives que le
personnage d'Eddie emploie. Il compare la ville à une
«pastèque». Plus loin, il utilise la
périphrase «palais du Président», en lieu et
place de
«palais présidentiel». Par ailleurs,
nous avons cette autre périphrase : «un grand
voyageur» et la métaphore animale «une espèce
d'oiseau migrateur». Que dire de toutes
ces images fortes ? Elles ont une connotation
péjorative et montrent non seulement que ce Président est
possessif et égoïste, mais qu'il est d'une errance
déconcertante pour une
autorité qui a le gouvernail de l'Etat en main. La
société du texte nuance cette image traditionnellement
gravée dans l'imaginaire populaire et qui fait du Président un
Dieu vivant comme l'appelle sa concubine éphémère. Ici, le
petit peuple, représenté par le
chauffeur de taxi, a du Président, l'image d'un homme
sans coeur, très insensible et irresponsable, dont les voyages
récurrents bloquent tout, paralysent la vie socio-
économique et fait de nombreuses victimes
résignées :
-Patron, c'est vrai ça, fit en se tournant de trois
quarts vers le toubab le taximan qui s'était hardiment mêlé
au débat, pas le problème du Président, ça, c'est
vrai, hein. Même les gens, ils meurent, hein. Tu veux emmener à la
maternité la femme qui doit accoucher vite, vite, tout est
bloqué, tu fais comment ? Un vieux papa tombe là par terre, il
met la main son coeur, il fait ah, ah, ah, il va mourir, mais tout est
bloqué, tu fais comment ? Quand le Président sort, c'est comme
ça. J'ai vu ça toujours. (Mongo Beti : 13)
Au sujet de ces dysfonctionnements, tandis Mouafou fait cette
réflexion :« -Du point de vue politique, c'est également
l'identique et le répétitif qui prévalent. Le politique
phagocyte l'économique, à preuve, chacune des sorties du
Président a pour corollaire la
32
paralysie de la capitale, orchestrant ainsi un manque
à gagner terrible aux opérateurs économiques. » (
Tandia Mouafou 2009 :7)
CONCLUSION
Au terme d'une analyse à la dimension du travail ainsi
produit, force est de constater que la littérature africaine francophone
de la postcolonie s'enrichit davantage de nouveaux matériaux
littéraires comme l'image du Chef de l'Etat qu'elle textualise. Notre
corpus est d'autant plus lisible qu'il offre à décrypter une
image extrêmement désintégrée de ceux-là qui
ont l'auguste responsabilité de tenir le timon d'une République.
En effet, nos recherches ont pu nous montrer que les Chefs d'Etat d'Afrique
noire francophone sont des dignes héritiers du pouvoir colonial qu'ils
servent aveuglement sans partage. Cette soumission aveugle à l'ancien
maître est d'autant plus visible que c'est lui qui les a installés
au pouvoir au détriment des vrais patriotes intègres. Dès
lors, forts de leurs pouvoirs sans limites et sans contrepoids, ils agissent en
maîtres absolus. La vie sociopolitique est militarisée ; les
institutions de contre pouvoir son spoliées à l'instar de la
presse qui est muselée, les partis politiques sont sabordés et
les opposants persécutés. Les Chefs d'Etat, tels qu'ils nous sont
présentés ici, sont à l'image de Mobutu Sesse Seko
à qui le narrateur fait régulièrement allusion. S'il est
vrai que les récits mentionnent la succession de trois Chefs d'Etat
à la tête de la République dite bananière, il n'en
demeure pas moins vrai que deux principaux régimes sont longuement
dépeints d'un texte à l'autre. Une date historique, comme le
1er janvier 1960 nous situe à l'aube du règne
d'Ahmadou Ahidjo au Cameroun, installé au pouvoir par les manoeuvres
politiques et militaires de l'ancienne métropole. Si Ahidjo
apparaît comme un dictateur sanguinaire, son successeur lui, est peint
comme un tyran sournois :« Chez nous, à un despotisme
sanguinaire venait de succéder une dictature sournoise... »
(Mongo Beti 1999 : 73). Nous retrouvons les slogans
politiques de ce dernier dans ces formules :
33
Le nouveau Chef de l'état, homme en apparence
énigmatique, n'avait pris aucune décision tranchée, se
contentant de semer dans ses rares allocutions quelques formules qui faisaient
beaucoup de bruit, mais ne signifiaient rien, comme renouveau, moralisation,
rigueur... (Mongo Beti 1994 :170)
Ce nouveau chef d'Etat est présenté comme un
idéologue et fervent partisan du repli identitaire. Autant il croit
à ses protecteurs armés, autant il s'entoure exclusivement de ses
amis, de sa famille et de sa tribu pour prétendre gérer le pays.
Toutefois, il nous apparaît comme un véritable impotent qui
n'aspire qu'à se reposer, quand il ne passe pas son temps au village
à jouer, ou quand il agit par ailleurs en un parfait kleptocrate qui a
institutionnalisé les évasions des capitaux et la corruption
électorale. C'est un gestionnaire démagogue aventurier qui se
montre insolvable devant ses salariés et devant ses créanciers.
Les voyages incessants en terres étrangères font de lui un
vacancier en quête d'un remède à son impéritie.
BIBLIOGRAPHIE
I-LE CORPUS
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Julliard.
Mongo béti 1999 : Trop de soleil tue l'amour, Paris :
Editions Julliard. Mongo Béti 2000 : Branle -bas en noir et blanc, paris
: Editions Julliard.
II-OUVRAGES GENERAUX
Fenkam, Frédéric 2003 : La révélation
de Jean Fochivé, Paris : Editions Minsi.
Kom, Ambroise 1996 : Education et démocratie en Afrique,
le temps des Illusions, Paris : l'Harmattan.
Kom, Ambroise 2000 : La Malédiction francophone,
Yaoundé : CLE.
Kounou, Michel 2000 : Panafricanisme : de la crise à la
renaissance une stratégie globale
de reconstruction effective pour le troisième
millénaire, Yaoundé : Editions CLE. Mongo Béti 1993 : La
France contre l'Afrique : Retour au Cameroun, Paris : la
découverte.
III-ARTICLES
Cameroun : Etat fragile ? Rapport Afrique de Crisis Group n°
160, 25 Mai 2010
Kroubo Dagnini, Jérémie 2008. « Dictatures et
protestantisme en Afrique Noire depuis la décolonisation : le
Résultat d'une politique franco-africaine et d'une influence
américaine certaine. » HAOL, NUM 17.
Monnin, Christian 1991. « Ville cruelle de Mongo Beti :
Négritude et responsabilité. » Liberté, vol 41,
n°6, (246).
IV-THESES
Monkam, Yvonne-Marie 2009 : L'oeuvre post-retour d'exil de Mongo
Béti : The University Arizona.
34
V-DICTIONNAIRES
35
Dictionnaire Universel 1995 : Hachette /Edicef.
VI-WEBOGRAPHIE
Fandio , Pierre, « Trop de soleil tue l'amour et en
attendant le vote des bêtes sauvages : deux extrêmes, un bilan des
transitions démocratiques en Afrique. » Africain studies Quarterly
7, n°1 : [ Online] URL http : // web.africa.ufl edu/asq/v7/:1a1.htm
2001.
Tandia Mouaffou, J J Rousseau, « Enjeux
esthético-idéologiques du stéréotype dans les
derniers romans de Mongo Béti. » in cahiers de narratologie [ en
ligne] 17/ 2009, mis en ligne le 22 Décembre 2009, consulté le 15
Janvier 2011. URL : http : // narratologie. Revues Org/1274.
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