Les déterminants des performances à l'exportation des entreprises industrielles camerounaises( Télécharger le fichier original )par Sébastien FOTUE NJOMOU Institut Sous-régional de Statistique et d'Economie Appliquée (ISSEA, Yaoundé-Cameroun) - Ingénieur d'Application de la Statistique 2005 |
CHAPITRE 5 : ESTIMATION DES MODÈLES ET ANALYSE DES RÉSULTATSC omme nous l'avons vu dans le chapitre précédent, la modélisation du comportement d'exportation des entreprises se déroule en deux étapes. La première modélise la décision d'exporter, et la seconde, les performances à l'exportation des entreprises ayant décidé d'exporter. Dans la suite de ce chapitre, les estimations et l'analyse des résultats seront présentées pour chacune de ces étapes. 5.1 MODÉLISATION DE LA DÉCISION D'EXPORTERDans cette première étape, est estimée une équation expliquant la probabilité d'exporter. Les facteurs explicatifs de la décision d'exporter sont identifiés et classés par ordre d'importance. 5.1.1 ESTIMATION DU MODÈLE « DÉCISION D'EXPORTER »Les résultats présentés dans le tableau ci-dessous confirment la validité du modèle pour l'ensemble des entreprises comme pour les seules PE. Aucune variable n'est en revanche significative dans le modèle estimé pour les MGE (raison pour laquelle les résultats y afférents ne figurent pas ci-dessous). 5.1.2 ANALYSE DE LA DÉCISION D'EXPORTATIONLes résultats ci-dessous font apparaître le rôle déterminant de l'effet taille dans la décision d'exportation tant pour l'ensemble des entreprises que pour les seules PE. Globalement, les entreprises exportatrices ont une taille plus grande. La probabilité pour une entreprise d'exporter est positivement corrélée à sa taille : les entreprises ayant entre 50 et 100 salariés ont 10 % de chance de plus d'être exportatrices par rapport à celles ayant moins de 50 salariés. Les chances supplémentaires sont de 12 % chez les entreprises de plus de 100 salariés. Pour les PE, les écarts sont encore plus importants : les entreprises qui emploient de 50 à 100 salariés ont 41 % de chance de plus d'exporter que les entreprises de taille plus petite. Tableau 15 : Les facteurs explicatifs de la décision d'exportation
Source : INS, Nos calculs + (-) significatif à 10 % ; ++(--) significatif à 5 % ; +++(---) significatif à 1 % ; ns : non significatif ; Réf : modalité de référence Plusieurs éléments peuvent justifier l'importance de la taille dans la décision d'exporter des entreprises : - les entreprises de grande taille ont en moyenne un volume d'affaires plus important24(*). Or l'accès aux marchés internationaux nécessite justement des moyens plus importants, soit pour acquérir un niveau suffisant d'information relatif au marché (habitude de consommation, adaptation du produit à un nouvel environnement, demande actuelle, demande future, connaissance de la concurrence locale, etc.), soit pour rechercher des partenaires, installer un réseau de distribution et de commercialisation et développer une stratégie de marketing adaptée. - les aléas importants liés aux marchés internationaux (barrières commerciales, risque de change, risque de non-paiement, etc.) sont plus faciles à absorber par les entreprises de grande taille qui en raison de leur volume d'affaires important peuvent les affecter à une gamme variée d'activités ou de produits. Ainsi, seules les entreprises ayant atteint une certaine taille peuvent avoir accès aux marchés étrangers. À quel niveau situer cette taille minimale ? Le modèle estimé pour les entreprises de plus de 100 salariés n'a révélé aucun facteur explicatif de la décision d'exporter, pas même la taille. Ce résultat suggère l'existence d'une taille limite au-delà de laquelle la question de l'exportation ne se poserait plus en termes de décision. Les MGE au-delà de cette limite - qu'on pourrait situer précocement autour de 100 salariés - sont souvent internationalisées et leur production s'adresse à des marchés qui dépassent le cadre du territoire national. Pour celles-ci, la question d'exporter ne se pose plus, le marché « naturel » étant alors mondial. Le modèle réalisé sur l'ensemble des entreprises a également montré qu'il serait difficile de distinguer plus finement les entreprises de plus de 100 salariés du point de vue de leur probabilité d'exporter. Il est en effet apparu que les entreprises ayant entre 100 et 200 salariés ont la même probabilité d'exporter que les entreprises de taille plus grande (cf. Tableau 15). Cent semble être donc la taille critique en dessous de laquelle il serait risquant pour une entreprise industrielle camerounaise d'exporter. Le modèle estimé ci-dessus montre également l'influence non négligeable du secteur d'activité sur la décision d'exportation des entreprises industrielles camerounaises ; son impact est toutefois moindre comparé à celui de la taille. Il apparaît que les entreprises situées dans des secteurs traditionnellement exportateurs (« Industries chimiques », « Bois et papier ») ont plus tendance à vendre une partie de leur production à l'étranger. En effet, les entreprises des secteurs « Industries chimiques » et « Bois et papier » ont respectivement 9 et 10 % de chance de plus d'exporter qu'une entreprise du secteur « Agro-industries ». Les entreprises du secteur « Textiles et autres industries » ont quant à elles autant de chance d'exporter que celles de l'agro-industrie (coefficient associé non significatif). Outre la taille et le secteur d'activité, d'autres variables semblent également conditionner l'ouverture des entreprises sur le marché international ; certaines ayant même un impact très important. C'est le cas par exemple de la productivité apparente du travail, qui mesure la valeur ajoutée dégagée par 1 FCFA de frais de personnel payé. Il est significativement plus élevé pour les entreprises exportatrices. Les entreprises ayant un personnel qualifié et expérimenté ont plus de chances d'exporter que celles dont le personnel est moins qualifié. La concurrence, plus accrue sur les marchés étrangers (souvent très exigeant en terme de qualité) justifierait l'utilisation d'une main d'oeuvre qualifiée et expérimentée par les entreprises exportatrices. La complexité de certains modes de production fait de la qualification et de l'expérience du personnel des facteurs essentiels de compétitivité. Le ratio d'immobilisation, qui mesure la part immobilisée dans l'actif total est significativement plus élevé pour les entreprises qui n'exportent pas. Les chances d'exporter sont d'autant plus faible que la part immobilisée dans l'actif total est élevée : les entreprises ayant un ratio d'immobilisation de plus de 60 % ont 53 % de chance de moins d'être exportatrices par rapport à celles donc le ratio d'immobilisation est inférieur à 20 %. Les entreprises exportatrices se caractérisent donc par un actif circulant important. Celles-ci en ont sans doute besoin pour préfinancer leurs exportations, négocier des contrats, prospecter les marchés étrangers ciblés, etc. Le ratio de fonds de roulement, plus faible pour les entreprises exportatrices confirme la nécessité pour celles-ci de disposer d'un actif circulant important au moment de l'exportation. Pour les entreprises exportatrices, le délai de recouvrement des créances étant souvent plus long, il est important qu'elles disposent de liquidités suffisantes pour faire fonctionner leurs cycles d'exploitation. La probabilité pour une entreprise d'exporter est également positivement corrélée au taux de capitaux permanents. Ce taux qui reflète la stabilité des ressources de l'entreprise à moyen-long terme est plus élevé pour les entreprises exportatrices. La situation d'indépendance financière de l'entreprise qu'il traduit est également un élément qui compte dans la décision d'exporter. Le rôle important joué par le ratio d'immobilisation, le ratio de fonds de roulement et le taux de capitaux dans la décision d'exporter de l'ensemble des entreprises et des PE peut se résumer ainsi : pour exporter, les entreprises ont besoin de fonds circulants mais aussi d'une meilleure assise financière. Des résultats ci-dessus, il apparaît également que la probabilité d'exporter diminue significativement avec le rendement des équipements. Autrement dit, plus les équipements d'une entreprise sont à rendement élevé, moins elle a des chances d'exporter. Ce résultat est à priori surprenant. Toutefois, en analysant la distribution des entreprises suivant le rendement des équipements et la taille, on constate que les entreprises à taux de rendement des équipements élevé ne sont pas celles de grande taille (Voir Tableau A.9 en annexe) ; or la probabilité d'exporter croit avec la taille de l'entreprise. C'est ce qui pourrait expliquer le résultat curieux évoqué plus haut.
Pour chaque dimension explicative (taille, secteur, ratio de gestion et d'activité), les écarts entre les coefficients extrêmes des variables dichotomiques qui la constituent sont interprétables. Il est ainsi possible de classer les différentes variables explicatives par ordre d'importance. Après classement, il apparaît que c'est d'abord la productivité apparente du travail qui détermine la décision d'exportation de l'ensemble des entreprises industrielles camerounaises ; la taille qui se situe à un niveau très proche vient en seconde position. Exporter semble être une question de qualification et de taille dans l'industrie camerounaise. Le secteur d'activité semble intervenir très peu dans la décision d'exporter, puisqu'il est classé en avant-dernière position derrière le rendement des équipements, le taux de capitaux permanents et le ratio d'immobilisation. Si on exclut les MGE, les PE fondent leur décision d'exportation plutôt sur le niveau de leurs actifs circulants : le ratio d'immobilisation est le facteur le plus discriminant. Viennent ensuite le taux de capitaux permanents, le ratio de fonds de roulement. Les questions financières sont prioritairement prises en compte par les PE dans leur décision d'exporter. La taille vient en avant-dernière position précédée par le secteur d'activité. Tableau 16 : Classement des variables explicatives et écart entre coefficients extrêmes
* 24 Voir Tableau A.3 en annexe |
|