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La traduction des constructions interrogatives

( Télécharger le fichier original )
par El Mostafa FTOUH
Université Moulay Slimane - Master langues, informatique et traduction 2010
  

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    1

    UNIVERSITE MOULAY SLIMANE Master: Langues,

    Faculté des Lettres et des Informatique et Traduction
    Sciences Humaines

    Beni Mellal

    LA TRADUCTION DES CONSTRUCTIONS
    INTERROGATIVES
    Fançais/ Arabe
    Corpus de base : Samarcande d'Amine MAALOUF

    Mémoire de fin d'études

    en vue de l'obtention du diplôme de

    Master

    Présenté par : Sous la direction de Mlle le professeur :

    Elmostafa FTOUH Amal OUSSIKOUM

    N° d'étudiant: 17/28L

    2010

    2

    REMERCIEMENTS

    J'adresse mes sincères remerciements à Mlle Amal OUSSIKOUM, ma directrice de recherche, pour sa disponibilité et sa rigueur, ainsi que pour son intérêt vis-à-vis de mon travail. Je lui suis reconnaissant de m'avoir soutenu durant toute la période de l'élaboration de ce modeste travail, ainsi durant deux années d'étude en master où j'ai pu connaître les bases et les principes de la recherche en linguistique et traductologie.

    Je remercie tous les professeurs qui m'ont enseigné et soutenu durant ces deux années du master. Je les remercie chaleureusement pour leurs soutiens, leurs conseils et leurs disponibilités à tout moment où mes collègues et moi avaient besoin d'eux. Je les remercie pour m'avoir inculqué l'amour d'aller si loin dans la recherche scientifique.

    Je tiens également à exprimer ma sincère gratitude envers les professeurs qui ont bien voulu faire partie du jury, d'avoir lu mon mémoire et de lui avoir accordé de leur temps précieux.

    Merci à ma famille et à tous mes amis qui, depuis le commencement de mes études dans ce master, m'ont encouragé et m'ont soutenu.

    Merci à vous tous pour votre soutien sans limite.

    3

    DÉDICACE

    Je dédie ce travail

    A ma famille

    A mes deux espoirs Nouha et Abdessamad

    A mon professeur encadrant

    A tous mes professeurs du Master

    A tous ceux qui me sont très chers,

    Avec tout mon amour fraternel et mes profonds

    respects, je vous souhaite le succès et le bonheur.

    TABLEAU DE L'ALPHABET PHONÉTIQUE UTILISE

    Dans la transcription des énoncés relevant de la langue arabe, nous avons opté pour le tableau suivant :

    ?

    ?

    È

    b

    ?

    t

    à

    o

    ?

    ú

    Í

    h

    Î

    X

    ?

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    ?

     

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    ?

     

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    ?

     

    Ú

    å

     

    Û

    g

     

    ?

    f

     

    ?

    q

    ß

    - ?

    k

     

    ?

    l

     

    ?

    m

     

    û

    n

    ?

    - ?

    h

     

    ?

    w

     

    'F

    y

    Ç

    â

    ?

    û

    'F

    î

    ó

    a

    ó

    u

    ó

    I

    4

    Voyelles longues Voyelles courtes

    5

    TABLEAU DES ABREVIATIONS

    Affir

    Affirmative

    Dict

    Dictionnaire

    Ed

    Edition

    Ex

    Exemple

    e.g.

    Par exemple

    Ibid

    Ibidem, au même endroit, dans la même oeuvre.

    i.e.

    A savoir

    Imp

    Impérative

    Inton

    Intonation

    Masc

    Masculin

    NP

    Noun phrase : syntagme prépositionnel

    P

    Proposition

    plur

    Pluriel

    p

    Page

    pers

    Personne

    pp

    Pages

    subj

    Subjonctif

    sing

    Singulier

    SN que

    syntagme nominal avec démonstratif que

    SN

    Syntagme nominal

    SV

    Syntagme verbal

    SVO

    Sujet, verbe, complément

    V

    Verbe

    VSO

    Verbe, sujet, complément

    6

    TABLE DES MATIERES

    REMERCIEMENTS

    DÉDICACE

    TABLEAU DE LA TRANSCRIPTION PHONÉTIQUE TABLEAU DES ABRÉVIATIONS

    INTRODUCTION 8

    PARTIE I : REPÈRES THÉORIQUES Erreur ! Signet non défini.

    I. L'INTERROGATION EN LANGUE FRANçAISE 11

    Introduction 11

    I.1 Les types d'interrogation 13

    I. 1.1 L'interrogation totale 13

    I.1. 2 L'interrogation partielle 16

    I.1. 3 L'interrogation directe et indirecte 22

    I. 2 Le point d'interrogation et l'intonation interrogative : 28

    I. 3 Les introducteurs interrogatifs 31

    3. 1. Les déterminants interrogatifs : 31

    I. 3. 2 Les pronoms interrogatifs. 32

    I. 3. 3 Les adverbes interrogatifs 33

    I. 4 La transformation interrogative 34

    I. 5 L'interprétation sémantique de l'interrogation 36

    I. 5. 1 Les conditions sémantiques pour le fonctionnement de la question 37

    I. 5. 2 Les valeurs illocutoires relatives à l'interrogation 38

    I. 5. 3 Différentes interprétations de l'adverbe interrogatif « comment » 40

    Conclusion du chapitre 42

    II. L'INTERROGATION EN LANGUE ARABE 42

    Introduction 42

    II. 1 Les types d'interrogations en langue arabe 43

    II. 1. 1 L'interrogation directe et indirecte 43

    II. 1. 2 L'interrogation totale et partielle 47

    II. 1. 3 L'interrogation selon l'élément interrogatif 48

    II. 2 La distribution des pronoms interrogatifs dans les phrases échos 50

    II. 3 Les caractéristiques morphologiques des complémenteurs 51

    II. 4 Les caractéristiques sémantiques des introducteurs interrogatifs 53

    II. 5 Analyse sémantique de l'interrogation modalisée en langue arabe 56

    7

    II. 5. 1 Les conditions de fonctionnement des verbes modaux dans les énoncés

    interrogatifs 58

    II. 5. 2 L'adjonction des verbes modaux dans les énoncés interrogatifs 60

    II.5.2.a La modalité grammaticale 61

    II.5.2.b La modalité lexicale 63

    Conclusion du chapitre. 64

    PARTIE II

    III. Analyse contrastive de l'interrogation en français et en arabe 65

    Introduction 66

    III. 1. La traduction et les universaux linguistiques 68

    III.2. Traduction et syntaxe 71

    Introduction 71

    III. 2. 1. La traduction de l'interrogation par type 72

    III. 2. 2. La traduction des mots interrogatifs 77

    III. 2. 3. Le point d'interrogation entre le français et l'arabe 80

    III. 2. 4. La traduction des pronoms indéfinis 82

    III. 2. 5. La traduction vers le duel (mutannâ) 83

    III. 2. 6. L'interrogation entre l'aspect accompli et inaccompli 84

    Conclusion du chapitre 87

    III.3. Traduction, sémantique et pragmatique 89

    Introduction 89

    III. 3. 1 Sur le plan lexical et sémantique 90

    III. 3. 2 Sur le plan pragmatique 94

    Conclusion du chapitre 99

    CONCLUSION 101

    CORPUS 104

    BIBILIOGRAPHIE 113

    INDEX 117

    8

    INTRODUCTION

    La performance langagière est une propriété humaine qui a pour objectif la communication interpersonnelle. C'est en associant la performance à la compétence linguistique que se produit toute langue naturelle. Les langues diffèrent de plusieurs points de vue, c'est pour assurer une entente entre les êtres humains que la traduction a eu lieu. Cette dernière a pour but de satisfaire un besoin humain, celui de la communication. Or, un ensemble de problèmes entravent ce processus.

    En outre, la question est une structure très récurrente dans nos communications. Elle constitue « une préoccupation théorique dont se sont emparées la linguistique, la logique, la philosophie, la psychologie et même l'anthropologie. Certains n'hésitent pas à considérer le questionnement comme une réalité fondamentale de l'esprit humain, sur laquelle les autres dimensions viendraient s'articuler »1. En effet, l'échange communicatif réussi est basé sur un bon emploi de la langue dans un champ discursif conventionnel entre les deux interlocuteurs. Le couple question / réponse serait de ce fait le noyau primitif de tout échange linguistique puisque la langue est employée pour communiquer avec autrui soit en demandant des informations soit en les fournissant.

    Notre travail consiste à faire une analyse contrastive entre les constructions interrogatives du français et celles de l'arabe, à étudier les formes du transfert des interrogatives, et à déceler les divergences et les convergences d'usage entre ces deux langues en question. Et pour ce faire, nous essayerons de répondre à la question de savoir comment s'effectue la traduction des constructions interrogatives du français vers l'arabe ? et

    1 Meyer, M., 1981, « L'interrogation : présentation », in Langue française, Paris, Larousse. P 3.

    9

    quels sont les problèmes d'ordre syntaxique, sémantique et pragmatique qui apparaissent lors de ce processus ?

    Dans cette même perspective, nous nous intéresserons à l'étude de quelques aspects linguistiques liés à la traduction de ce type d'énoncé à savoir les structures syntaxiques des interrogatives et les problèmes sémantiques et pragmatiques liés à la traduction de l'interrogation, etc. Pour ce faire, nous nous appuierons essentiellement sur les principes de la linguistique contrastive, qui inscrit l'activité traductive dans une large perspective linguistique, où les régularités différentielles permettent de mettre en relief les principales différences dans le fonctionnement des langues dont la connaissance s'avère importante lors de toute traduction. Cette analyse contrastive aura comme but de montrer les différences et les similitudes entre l'interrogation du français et celle de l'arabe lors du processus traductionnel.

    Le corpus, objet d'étude, est extrait du roman Samarcande2 de son auteur Amine Maalouf3, et de sa version arabe d'Afif Damachkia. Le

    2 Samarcande (1988), c'est la Perse d'Omar Khayyam, poète du vin, libre penseur, astronome de génie, mais aussi celle de Hassan Sabbah, fondateur de l'ordre des Assassins, la secte la plus redoutable de l'Histoire. Samarcande, c'est l'Orient du XIXè siècle et du début du XXè, le voyage dans un univers où les rêves de liberté ont toujours su défier les fanatismes. Samarcande, c'est l'aventure d'un manuscrit né au XIè siècle, égaré lors des invasions mongoles et retrouvé des siècles plus tard. Une fois encore, nous conduisant sur la route de la soie à travers les plus envoûtantes cités d'Asie, Amin Maalouf nous ravit par son extraordinaire talent de conteur, affirme Gilles Demert.

    Maalouf, A., 1988, Samarcande, Paris, Livre de poche. Abstract du roman

    3 Amine Maalouf est né à Beyrouth (Liban) en 1949. Journaliste de langue arabe et de culture française. Il est l'auteur de nombreux romans qui ont pour cadre le moyen orient, l'Afrique et le monde méditerranéen. L'ensemble de ses oeuvres interrogent les rapports politiques et religieux qu'entretiennent l'Orient et l'Occident, mais aussi les thèmes de l'exil et de l'identité, des sujets traités dans ses différents essais parmi lesquels 'Les Identités meurtrières' paru en 1989 ou 'Le Dérèglement du monde', publié en 2009.

    10

    corpus présente tous les types d'interrogations : totale, partielle, directe, indirecte, alternative, etc.

    Nous avons extrait les cent premières interrogations présentes dans les dix premiers chapitres de chacune des deux versions.

    Ce travail sera fait dans le cadre d'une perspective linguistique contrastive, entre la langue arabe qui présente deux points d'intérêts particuliers pour le linguiste : c'est une langue sémitique à morphologie riche, une langue qui observe l'ordre VSO et où, par conséquent, à la fois le NP sujet et le NP objet sont dominés par le même noeud dans la structure des constituants, à la différence de la langue française qui est une langue d'origine latine, et qui observe l'ordre SVO et où les deux noeuds SN1 et SN2 appartiennent à des espaces configurationnels différents.

    Toute langue naturelle est faite d'un agencement de structures syntaxiques. De ce fait, la traduction de la langue se réalise à travers la traduction de ses structures. Dans ce sens nous essayons de cerner les caractéristiques morphosyntaxique, sémantique, pragmatique et lexicologique de l'interrogation aussi bien dans la langue française que dans la langue arabe, afin de voir comment se fait le transfert entre les deux langues objets du travail.

    La forme interrogative est toujours liée à une situation de communication précise, elle n'est pas forcément liée à une demande d'information, Elle acquiert souvent d'autres valeurs sémantiques et pragmatiques liées à l'intension du locuteur. Le traducteur devait-t-il donc conserver la structure initiale ou alors tout reformuler pour que la question acquiert le sens et la valeur véhiculés par le texte de départ ? De même,

    les divergences syntaxiques entre le français et l'arabe influent-elles sur la valeur sémantique et pragmatique de la question ?

    11

    I. L'INTERROGATION EN LANGUE FRANÇAISE

    Introduction

    La question, comme élément essentiel dans toute communication, est présente dans toutes les langues naturelles. Plusieurs types

    12

    d'interrogation sont à distinguer, elles diffèrent de part, leurs constructions syntaxiques et les fins pour lesquelles elles sont posées.

    La question, dans le Petit Robert4, est définit comme étant une demande qu'on adresse à quelqu'un en vue d'apprendre quelque chose...C'est un sujet qui implique des difficultés, donne lieu à la discussion...une torture infligée aux accusés ou aux condamnés pour leur arracher des aveux...

    La question est liée, dans toute définition, à la demande d'informations. Or, dans d'autres contextes, la question peut acquérir des finalités pragmatiques c'est-à-dire qu'elle ne reste pas liée à la demande d'information mais elle acquiert d'autres valeurs d'ironie, de prescription, de conseil, etc. L'interaction interrogative fait intervenir deux individus. Il ne faut cependant pas perdre de vue que questionneur et questionné peuvent être la même personne. En plus, le locuteur peut interroger l'allocutaire pour pousser une autre personne à répondre. La question découle dans la plus part des cas d'un manque, le questionneur ne dispose pas de la réponse ou des réponses possibles5, ou parfois ne parvient pas à détecter la plus adéquate. Dans ce sens, l'interrogation a pour finalité la modification d'un état de croyance ou des dispositions à agir. Ainsi, la réponse contribue à l'élimination ou simplement à la réduction de l'incertitude. En effet, l'interrogation a pour force illocutoire la question. Celle-ci s'évalue plutôt selon les critères de pertinence, d'ambigüité, de maladresse ou de futilité. Dans ce sens, la question est à classer selon les types de réponses postulées : demande d'information, demande indirecte (mande), etc. Alors, la phrase interrogative est une question qui permet de

    4 Rey, A., 1994, Le Micro Robert, dictionnaire.

    5 Sauf dans une situation didactique où le locuteur est sensé avoir la réponse, mais sa question n'est qu'un outil de vérification de l'assimilation des acquis.

    13

    demander quelque chose ; elle se termine par un point d'interrogation et peut être affirmative ou négative. C'est l'une des modalités d'énonciation qui correspond à une attitude énonciative non thétique (le locuteur demande une information ou une validation) et à un acte de langage (celui de la question). En effet, la question transparait à travers la phrase interrogative mais ne s'y réduit pas.

    Il est question ici de dégager le fonctionnement de la question et de discuter certaines conditions qui régissent l'acte de questionner. La question n'est pas toujours liée à la demande d'information, c'est pour cela que le traitement des autres interprétations qui peuvent être assignées à la question est indispensable.

    I.1 Les types d'interrogation

    L'interrogation se manifeste sous différents états qui peuvent être traités selon la portée de l'interrogation (totale ou partielle), la nature de l'interrogation (directe ou indirecte) et la valeur de l'interrogation (interrogation rhétorique, demande d'information ou ordre déguisé.). Généralement, la phrase interrogative est marquée par une intonation montante dans l'orale et un point d'interrogation à l'écrit. Dans la langue soutenue, elle est marquée par une inversion ou une redondance du sujet.

    I. 1. 1 L'interrogation totale

    L'interrogation totale, ou ?interrogation globale? chez M. Grevisse6 ou encore ?interrogation connexionnelle? chez L. Tesnière7, demande une validation de l'énoncé entier et ne porte pas sur un tel ou tel constituant de la phrase. L'interrogation totale n'est pas une demande d'information,

    6 Grevisse, M., Goosse, A., 1993, Le bon usage, Paris, Duculot.

    7 Tesnière, L., 1988, Eléments de syntaxe structurale, Paris, Klincksieck.

    14

    puisqu'elle contient en elle-même tous les éléments lexicaux de la réponse. On y répond par « oui » ou « non » ou par « si / non » dans le cas de l'interro-négation totale8. Ce type d'interrogation ne comporte pas de mot introducteur comme le montrent les exemples suivants :

    (1) - Sais-tu reconnaître un ami? -oui/ non

    (2)- N'est-ce pas moi, benjamin O. Lesage, qui l'ai arraché à

    son Asie natale ? -si/ non.
    (Samarcande
    )

    En ce qui concerne l'ordre des mots, plusieurs configurations syntaxiques interrogatives sont possibles : l'interrogation peut être construite sans inversion du sujet (cf. (3)) ou avec inversion simple (cf. (4) et (5)) ou complexe du sujet (cf. (6)).

    (3)-Vous avez l'intention d'aller le voir ?

    (4)-Avez-vous l'intention d'aller le voir? (5)- Avez-vous mangé ?

    (6)-Marie dit-elle la vérité ?

    Nous constatons dans (6) que le sujet est repris par le pronom personnel (elle) placé après le verbe. Si le sujet est un nom, un pronom démonstratif (sauf ce), un possessif ou un indéfini, il est redoublé par le pronom personnel correspondant comme le montrent les exemples suivants:

    (7)- Le Cadi savait-il par ce geste... ?

    (8)- Le train de Paris est-il arrivé ?

    (9)- Cela ne va-t-il pas...?

    (10)- Le mien est-il arrivé ?

    8 Dubois, J., Lagane, R., 1973, La nouvelle grammaire du français, Paris, Larousse. P 155.

    (11)- 15

    Quelqu'un est-il venu?

    Comme nous l'avons signalé, l'interrogation totale porte sur l'ensemble du contenu propositionnel de la phrase (cf. (1), (2)). Elle peut porter sur l'action (cf. (8)) ou l'état du sujet (cf. (7)). L'interrogation directe portant sur l'action du sujet est marquée par une intonation ascendante et elle est fréquente à l'oral (cf. (12) et (13)), en temps que l'interrogation avec ?est-ce que? est réservée davantage à l'écrit (cf.

    (14)). Les réponses possibles à ces questions seront : Oui, il vient / Non, il ne vient pas.

    (12)- Vient-il ? (13)- Il vient? (14)- Est-ce qu'il
    vient?

    Dans les formes interro-négatives (cf. (15), (16) et (17)), les réponses possibles seront : Si, il vient / Non, il ne vient pas.

    (15)- Il ne vient pas?

    (16)- Ne vient-il pas?

    (17)- Est-ce qu'il ne vient pas?

    L'interrogation sur l'état du sujet peut prendre les formules

    d'interrogation comme dans les exemples (18), (19) et (20). Et les réponses possibles seront : Oui, il est malade. / Non, il n'est pas malade.

    (18)- Il est malade?

    (19)- Est-ce qu'il est malade?

    (20)- Est-il malade?

    (21)- Me faudra-t-il attendre d'être vieux pour exprimer ce que je

    pense? (Samarcande)

    Puisque l'interrogation totale porte sur toute la phrase, il y a une absence du mot interrogatif. La séquence régressive prend deux formes selon la nature du sujet. Lorsque le sujet est un pronom, nous optons pour une postposition simple du sujet (cf. (22)). Cette postposition est exclue

    16

    avec la plus part des verbes avec la première personne du singulier :*dors-je ? , *cours-je ? Et lorsque le verbe se termine par un « e » muet, il est prononcé avec un accent aigue cf. (23) et(24).

    (22) -Se rend-il à la taverne, ce soir-là..? (Samarcande)

    (23)- prié-je dieu pour mon paradis ?

    (24)- arrivé-je trop tard aujourd'hui ?

    Lorsque le sujet est un nom, le sujet demeure avant le verbe, mais il est repris après par un pronom anaphorique sujet : il, ils, elle, elles. Dans ce cas, on a une postposition complexe :

    (25)- Le Cadi savait-il par ce geste..?

    I.1.2 L'interrogation partielle

    L'interrogation partielle ou interrogation nucléaire est une demande d'information. M. Grevisse9 détermine sa portée sur l'élément que le locuteur ignore. Dans l'interrogation partielle, le locuteur demande une information qu'elle ne contient pas. « Elle porte sur un élément particulier de la phrase (le sujet, le complément d'objet, le complément circonstanciel, etc.), qui est représenté par un morphème interrogatif « qui », « que », « quand », etc. et on ne peut pas y répondre par (oui) ou par (non) » 10.

    L'interrogation partielle comme l'interrogation totale se termine par un point d'interrogation. Mais contrairement à l'interrogation totale qui peut se contenter d'un point d'interrogation sans mot interrogatif introducteur, l'interrogation partielle use de mot interrogatif souvent en tête de la phrase. Ce mot interrogatif peut être11 :

    9 M. Grevisse, 1986, Le bon usage, Paris, Duculot.

    10 Florence Mercier-Leca., 2000, 30 questions de grammaire française, P. 176.

    11 M. Grevisse., 1986, le bon usage, Paris, Duculot, P. 632.

    17

    Un pronom : qui, que, quoi, lequel, combien

    Un déterminant : quel, combien de

    Un adverbe : comment, où, pourquoi, quand

    (26)- A quel moment avait-il basculé de la témérité à la démence ? (Samarcande)

    L'interrogation partielle porte sur une partie de la phrase ou sur un de ses constituants, ce constituant peut être marqué [+/-animé]. Elle peut porter aussi sur la qualité d'un constituant ou sur la modalité de l'action.

    Lorsque l'interrogation porte sur l'identité d'un constituant qui a le trait [+animé], ce constituant peut être formulée comme suit :

    a- Attribut :

    (27)-a. Qui est-ce? / Qui est cet homme?

    -b. C'est Pierre

    (28)-a. Qui sont ces hommes?

    -b. Ce sont mes voisins

    Dans la forme familière le pronom interrogatif est souvent mis en fin de la

    phrase (cf. (29)).

    (29)- C'est qui ?

    b- Sujet ou Complément d'objet direct :

    Sujet : (30).a. Qui est-ce qui pleure?

    b. C'est mon fils qui pleure.

    Complément d'objet direct : (31).a. Qui est-ce qu'il a fait
    pleurer?

    -b. Il a fait pleurer mon fils.

    - Complément d'objet direct : (32) Qui a-t-il fait pleurer?

    18

    Si le sujet n'est ni un pronom personnel ni ·onT, l'inversion complexe est d'usage (cf. (33)).

    (33) Qui Pierre a-t-il fait pleurer ?

    c- Complément prépositionnel :

    (34). a. Avec qui est-ce qu'il est parti?

    b. Il est parti avec mon fils.

    c. Avec qui est-il parti ?

    Si le sujet n'est ni un pronom personnel ni ?on?, l'interrogation se construit avec une inversion complexe (cf. (35)). Et si le sujet est un nom, il est placé après le verbe ou le participe selon le temps employé simple ou composé (cf. (36)).

    (35)- Avec qui Pierre est-il parti ?

    (36)- Avec qui part Pierre ? / Avec qui est parti Pierre ? Par contre si l'élément sur lequel porte l'interrogation a le trait [- animé], les questions peuvent être formulées comme suit :

    a. Attribut

    (37)-a. Qu'est-ce que c'est? / Qu'est-ce ?

    b. C'est un livre.

    (38)-a. Qu'est-ce que ce livre? / Qu'est-ce que c'est que ce livre ?/

    b. Qu'est ce livre?

    c. Ce sont des cassettes.

    b. Sujet ou complément d'objet direct

    (39) a. Qui fait ce bruit?

    b. C'est la pluie battante qui fait ce bruit.

    (40) a. Qu'est-ce qu'il a ramassé? b. Il a ramassé des champignons.

    19

    Lorsque le sujet n'est ni un pronom personnel ni ?on?, il se place après le verbe (cf. (40)) si le temps est simple, ou après le participe passé si le temps est composé (cf. (41)).

    (40) Que ramasse Pierre ?

    (41) Qu'a ramassé Pierre?

    Si le verbe est à l'infinitif, l'introducteur interrogatif précède le verbe (cf. (42)).

    (42) Que faire ? Quoi faire ?

    Pour s'interroger sur un constituant inanimé, d'autres constructions avec des formes impersonnelles sont possibles (cf. (43.a,b,c)).

    (43)a. Que faut-il ? / Qu' est-ce qu'il faut ?

    b. Qu' y a-t-il ? / Qu' est-ce qu'il y a ?

    c. Que manque-t-il ? / Qu' est-ce qu'il manque ? On dit aussi:

    d. Que se passe-t-il? mais Qu'est-ce qui se passe? (Qu'est-ce qu'il se passe? est moins commun.)

    e. Que m'arrive-t-il? mais Qu'est-ce qui m'arrive? (Qu'est-ce qu'il m'arrive? est moins commun.)

    C. Complément prépositionnel :

    (44) a. Avec quoi est-ce qu'il l'a ouverte ?

    b. Il l'a ouverte avec un couteau.

    c. Avec quoi l'a-t-il ouverte?

    Lorsque le sujet n'est ni un pronom personnel ni ?on?, il est placé après le verbe si le temps est simple (cf. (46)), après le participe passé si le temps est composé (cf. (47)), ou l'inversion complexe (cf. (45)).

    (45) Avec quoi Pierre l'a-t-il ouverte ?

    (46) Avec quoi l'ouvre Pierre ?

    (47) Avec quoi l'a ouverte Pierre ?

    20

    Lorsque l'interrogation porte sur la qualité i.e l'identité, le rang, la mesure... de l'un des constituants de la phrase, les particules interrogatives employés sont soit les adjectifs quel /quelle / quels / quelles, soit les pronoms lequel / laquelle / lesquels / lesquelles.

    a. Attribut

    Si le sujet n'est ni un pronom personnel ni ?on?, celui-ci se place avant le verbe (cf (48)).

    (48) Quel homme est-ce monsieur ? / Lequel est-cet enfant?/ Quelle est ta pointure?

    . Sujet

    (49)a. Quelle chemise te va le mieux?

    b. C'est la rouge qui me va le mieux.

    (50)a. Laquelle te va le mieux?

    b. C'est la verte qui me va le mieux.

    . Complément d'objet direct

    Lorsque l'élément sur lequel porte la question est un C.O.D, l'introducteur interrogatif peut être un pronom interrogatif (cf. (51) et (52)).

    (51)a. Quelle chemise as-tu choisie? / Quelle chemise est-ce que tu as choisie?

    b. J'ai choisi la rouge.

    (52) a. Laquelle as-tu choisie? / Laquelle est-ce que tu as choisie? b. J'ai choisi la verte.

    Les contractions des pronoms avec les prépositions à et de deviennent auquel / auxquels / auxquelles / duquel /desquels / desquelles (cf (53), (54), (55) et (56)).

    (53) Auquel pensais-tu?

    (54)

    21

    Auquel est-ce que tu pensais? Je pensais à celui-ci.

    (55) Duquel te souviens-tu? /

    (56) Duquel est-ce que tu te souviens?

    Je me souviens de celui-ci.

    Lorsque l'interrogation porte sur les modalités de l'action, les adverbes de temps (cf. (57)), de lieu (cf. (58)), de manière (cf. (59)), de cause (cf. (60)) ou de quantité (cf. (61)) sont d'usage.

    (57) a. Quand pars-tu? / Quand est-ce que tu pars? b. Je pars demain.

    (58) a. pars-tu? / est-ce que tu pars? b. Je pars à Paris.

    (59) a. Comment pars-tu? / Comment est-ce que tu pars? b. Je pars en stop.

    (60) a. Pourquoi pars-tu? / Pourquoi est-ce que tu pars? b. Je pars parce que je suis fatigué

    (61) a. Combien en as-tu pris? / Combien est-ce que tu en as pris?

    b. J'en ai pris deux.

    Si le sujet n'est ni un pronom personnel ni ·on·, soit on fait l'inversion complexe (cf. (62 a, b, c, d)), soit on place le sujet après le verbe si le temps est simple, ou après le participe passé si le temps est composé (cf. (63 a, b, c, d)).

    (62).a. Quand le train part-il ? / b. Comment ta soeur va-t-elle ? /

    C .le train va-t-il ? / d. Combien ceci a-t-il valu?
    (63).a. Quand part le train ? / b. Comment va ta soeur ?

    c. va le train ? / d. Combien a valu ceci ?
    L'inversion complexe devient obligatoire si le verbe est accompagné d'un complément d'objet direct (cf. (64)), ou si le verbe est

    22

    accompagné d'un attribut (cf. (65)) et avec pourquoi (cf. (66)). Mais l'inversion complexe est en principe impossible si combien compose le sujet (cf. (67)).

    (64) Pierre a-t-il caché la bague ?

    (65) Quand Pierre est-il devenu avocat ?

    (66) Pourquoi Pierre part-il ?

    (67) * Combien de clients ont-ils protesté ?

    On oppose généralement les interrogations partielles, qui portent

    sur un constituant de la phrase, et les interrogations totales qui portent sur l'ensemble de l'énoncé. Cependant, cette distinction peut être égarante, car une interrogation comme «es-tu là pour me voir ? » peut sembler «partielle » dans la mesure où la question porte sur le motif de la venue lorsque la réponse peut être par exemple «je suis venu récupérer mon argent ». Elle peut être dite totale quand la réponse est censée être oui/non. En revanche, la question: « Qui vient ? » permet de parcourir mentalement l'ensemble des individus susceptibles de venir et exige de l'allocutaire de sélectionner un parmi tous les possibles.

    I. 1. 3 L'interrogation directe et indirecte

    J. Dubois estime «qu'il existe en français deux types principaux de phrases interrogatives »12 : il s'agit des interrogations directe et indirecte. Les deux phrases qui suivent sont des interrogations directes.

    (68) Serais-tu ivre, Seigneur ?

    (69) Qui es-tu donc ?

    12 Dubois, J., Dubois-Charlier, F., 1970, Eléments de linguistique française, Syntaxe, p. 208.

    23

    En outre, la phrase interrogative se définit par deux structures : celle qui constitue la demande et celle qui constitue la réponse. Dans le cas de la phrase (68) la réponse serait (oui/non), dans le cas de la phrase (69) la réponse est un syntagme nominal correspondant à celui qui est formé avec la forme « qui ». J. Dubois distingue deux catégories pour ces deux types de phrases : le premier type est un type ?oui/non? et le second est l'interrogation ·que·.

    Les deux phrases (68) et (69) sont des interrogatives directes. Cependant elles peuvent être enchâssées dans des phrases de base comprenant le verbe ?demander?:

    (68) a. Je demande si tu serais ivre, seigneur ?

    (69) b. Je demande qui es-tu donc?

    Ainsi, l'interrogation directe peut porter soit sur la totalité de la phrase, soit sur un constituant particulier. Comme pour l'interrogation totale, l'interrogation partielle se termine par un point d'interrogation. Elle est caractérisée par une intonation descendante, avec une note élevée sur le mot interrogatif placé en tête de la phrase.

    Cependant, dans les interrogatives indirectes, la notion d'interrogation est lexicalisée dans un verbe d'interrogation (demander, s'enquérir, etc.) ou de recherche d'information (ne pas dire, ne pas savoir, etc.), qui constitue le support de la principale. L'énoncé sur lequel porte l'interrogation intervient sous la forme d'une proposition subordonnée, complément d'objet direct du verbe de la principale. Elle s'appelle ainsi, parce que la question est formulée dans un style indirect. Elle est contenue dans une subordonnée qui dépend d'un verbe

    24

    introducteur. Cette partie qui contient la question indirecte s'appelle la proposition subordonnée interrogative. Elle n'admet l'utilisation ni de «est-ce que », ni de l'inversion du sujet, ni du point d'interrogation, et peut être aussi bien totale que partielle. Elle est dite totale lorsque la subordonnée est introduite par la conjonction ?si? (cf. (70)).

    (70). Je me demande si elle reviendra.

    Alors qu'elle est partielle lorsqu'elle est introduite par un déterminant interrogatif (cf. (71.a)), par un pronom interrogatif (cf. (71.b)) ou par un adverbe interrogatif (cf. (71.c)). L'interrogation indirecte est, par sa fonction, une complétive même si elle n'est pas introduite par une conjonction mais par un pronom ou un adverbe interrogatif, elle est généralement introduite par les mêmes mots que l'interrogation directe. Des particularités sont pourtant à signaler.

    (71).a Je me demande quelle heure il est.

    (71) .b Je ne sais pas qui est venu.

    (71).c Elle a demandé comment on obtenait une note
    supérieure à huit.

    Une dégradation rapide de la syntaxe de l'interrogation indirecte peut être signalée dans la langue contemporaine, comme le signale F.DELOFFRE : « il y a certainement longtemps que l'on entend dans la langue populaire des phrases comme : dis-moi est ce que tu veux venir, dis-moi ce que tu veux. C'est-à-dire que ce type de langage généralise dans l'interrogation indirecte des outils interrogatifs de l'interrogation directe13. »

    13 Deloffre, F., 1979, La phrase française, (7° édition), Paris, Cedes, P. 74.

    25

    Il peut y avoir une interrogation indirecte incluse dans une interrogation directe: « Sais-tu si Marie est venue ? ». Certains verbes introducteurs ont un sens interrogatif (demander, se demander, s'enquérir), d'autres non (savoir, chercher, regarder...). Dans une phrase comme « Je sais s'il est là », c'est donc la présence de ?si? qui permet de savoir que l'on a affaire à une interrogative et non à une complétive. Dans l'interrogation indirecte, la forme ?est-ce que? n'est jamais employée. Si le sujet est un pronom personnel ou ?on? ou ?ce?, il n'y a jamais d'inversion de sujet. Si le sujet n'est pas l'un d'eux, celui-ci se place de préférence avant le verbe mais il peut aussi, dans certains cas, se placer après le verbe (cf.(72.a)), celui-ci se place toutefois après le verbe, avec les interrogatifs qui et quel attributs (cf.(72.b)):

    72).a Je me demande ce train va. / Je me demande va ce

    train.

    72).b Je te demande qui est cet homme. / Je te demande quelle est ta pointure).

    M. Grevisse14 remarque que l'interrogation directe introduite par

    (ou si) peut faire confusion avec l'interrogation indirecte : « dans des phrases exprimant l'alternative dans l'interrogation directe, le second membre prend parfois la forme d'une interrogation indirecte introduite par (ou si), sans les phénomènes de l'inversion ou de reprise qui caractérisent l'interrogation directe 15».

    -Etes-vous soufrant, ou si c'est un méchant caprice ? (Musset, chandelier, III,4.)

    Les constructions avec « et si », confondues avec les interrogations du type : si nous allions nous promener. Ce type de modulation interrogative se caractérise par l'absence du point

    14 Grevisse, M., 1991, Le bon usage, Paris, Duculot, P. 629.

    15 Ibid.

    26

    d'interrogation dans certains exemples, tel que le postule Grevisse16 exprime une invitation plutôt qu'une interrogation.

    (73) Si vous retiriez votre chapeau ? (Gide, caves du Vat.,

    I,3)

    La proposition conditionnelle interrogative et exprimant une hypothèse sans expliciter le verbe principal introduite par (si) est considérée comme une subordonnée interrogative, c'est-à-dire qu'on a affaire à une interrogation indirecte.

    (74) Et s'il mourait pour rien ? (A.Camus, justes,P1, P383)

    L'interrogation n'est pas toujours liée à la demande d'information, elle est dite disjonctives lorsqu'elle énonce une alternative, puisque l'interlocuteur doit effectuer un choix sur lequel il doit décider (cf. (75)). Cette disjonction peut être explicitée aussi par ?oui? ou ?non? (cf. (76) et (77)). Une phrase interrogative peut ne pas commencer par un introducteur d'interrogation ni même par une proposition principale d'interrogation et coordonnée à une phrase non interrogative (cf. (78)).

    (75)- Vous me rendez mon argent ou je m'adresse au tribunal ?

    (76)- vous me rendez mon argent, oui ou non ?

    (77)- vous prenez une décision oui ou non ?

    (78)- Et son parcours millénaire, qui l'a interrompu, sinon

    l'arrogance de mon siècle ? (Samarcande).

    En revanche, elle est dite fictive lorsqu'elle n'appelle aucune réponse, elle correspond, quant au contenu de son message, à une

    16 Ibid., P. 630.

    27

    exclamation ou à une injonction, les exemples (78) et (79) en sont la parfaite illustration.

    (78)-Comment des gens qui placent si haut les vertus de l'hospitalité peuvent ils se rendre capables de violences contre un visiteur comme toi ? (Samarcande)

    (79)- Allez-vous bientôt vous taire ? Allez-vous payer ?

    L'interrogation oratoire est une interrogation fictive puisqu'elle n'est pas dite afin d'avoir une réponse précise : la réponse contredisant la question est admise comme évidente. Lorsque l'interrogation partielle est oratoire, la réponse supposée est négative (non, personne, jamais, etc.) (cf (80)). L'interrogation délibérative est adressée à soit même au moment où l'on doit prendre une décision (cf (81)).

    (80) .a. Me faudra-t-il attendre d'être vieux pour exprimer ce que je

    pense ? (Samarcande)

    (81) Pourtant que faire ? (Samarcande,)

    Certaines phrases interrogatives commencent par des conjonctions de coordination sans que celles-ci soient liées effectivement à ce qui la précède (cf. (82)). Une phrase interrogative peut être insérée dans une phrase énonciative sans que cette interrogation implique une réponse. L'élément inséré joue le rôle d'une incidente comme le montre la ponctuation (cf. (83)). Il se peut que l'interlocuteur utilise une phrase incidente semblable à une phrase elliptique par laquelle il demande une information ou un éclaircissement (cf. (84)).

    (82)-Et comment s'appelait ce maître, que je puisse au moins

    raconter ses bienfaits? ( Samarcande).

    28

    (83)-le coeur défaille en présence du nombre des oeuvres, que dis-

    je ?du nombre des chefs-d'oeuvre ? (valéry) .

    (84)-Il y a six mois de ça, j'avais cherché à vendre des couverts d'argenterie...Ah ! Qui venaient d'où ?

    ( J.Romain, cit. Gougenheim, dans Où en sont les études)

    I. 2 Le point d'interrogation et l'intonation interrogative :

    La production d'un énoncé est soumise à l'état psychologique et mental de l'interlocuteur, c'est pourquoi la prosodie de la phrase véhicule des informations extralinguistiques comme les émotions, l'état du locuteur ou la nature de la phrase (affirmative, interrogative ou exclamative). Une phrase interrogative est marquée à l'écrit par la présence d'un point d'interrogation et par une intonation montante à l'oral.

    Le point d'interrogation peut être dans certains cas le seul indice qui permet de savoir que l'énoncé est une question (cf. (85)).

    (85) Ma façon de prier. Ma façon de prier ? « Samarcande »

    Pour renforcer l'interrogation, le point d'interrogation peut être répété (cf. (86)) ou combiné avec le point d'exclamation (cf. (87) et (88)). Dans le dialogue, le point d'interrogation peut être inséré dans une phrase non interrogative pour exprimer une interrogation explicitée par la physionomie du locuteur durant un silence qui coupe son discours (cf. (89). Dans une phrase énonciative, le point d'interrogation peut paraître à la fin des mots exprimant un doute, comme : peut être, je crois, je suppose, sans doute, etc. (cf. (90)).

    (86)- Quelqu'un peut-il m'aider???

    (87)-

    29

    Qu'est-ce que vous me dites là?!

    (88)- comment ?!

    (89)-En tout cas, c'est un esprit bien placé. /-- ?../ - bien placé dans le monde des esprits. (Colette Sido, L.P., P53)

    (90)-peut être qu'il a sommeil ?

    Souvent l'exclamation utilise les mêmes moyens que l'interrogation, ce qui explique la présence d'un point d'interrogation à la fin d'une phrase exclamative avec une nuance interrogative comme le montre l'exemple (91):

    (91)- Quelle drôle de chose ?

    Quand les phrases interrogatives sont multiples et sont coordonnées par des conjonctions de coordination le point d'interrogation est mis à la fin de chaque phrase, et lorsque les phrases interrogatives se succèdent sans coordonnant celui-ci est mis à la fin de l'énoncé.

    Le point d'interrogation est omis quand la phrase interrogative est une sous phrase, (citation - discours direct), surtout quand la sous phrase nécessite elle-même un point d'exclamation ou deux points (cf. (92)). De même l'omission du point interrogatif vient après des locutions qui perdent leur valeur interrogative, surtout après : à bouche que veux-tu, le qu'on dira-t-on, le qui-vive (cf. (93)). Dans certains cas, le point d'interrogation est omis après des interrogations fictives quand celles-ci expriment une hypothèse, une éventualité, ou dans l'expression figée (cf. (94)). Il est omis aussi quand l'interrogation fictive équivaut à une phrase exclamative (cf. (95)) ou à une phrase injonctive, surtout lorsque la phrase est terminée par un point d'exclamation, lorsque la phrase est énonciative, et aussi quand l'interrogation est délibérative, à laquelle l'auteur répond lui-même (cf. (96)).

    (92)

    30

    Qui sait, peut être n'y a-t-il qu'une amante, cette nuit à Samarcande, peut être n'y a-t-il qu'un amant.

    (93) Ils s'embrassèrent à bouche que veux-tu. (Montherlant,
    Pitié pour les femmes, p.79)17

    (94) en-veux-tu, en voilà.

    (95) Or quoi de pire au monde que de perdre son père. (Sartre, Idiot de la famille, t. p. 234).

    (96)-Me laisser prendre et fouetter, jamais de la vie! (H. Bazin,
    vipère au poing, XVIII ).

    Pour marquer l'interrogation lorsque la phrase est longue, la montée se produit sur la partie proprement interrogative (cf. (97)).

    (97)-qu'il faudrait attendre huit siècles avant que le monde ne découvre la sublime poésie d'Omar Khayyam, avant que ses Robaiyat ne soient vénérés comme l'une des oeuvres les plus originales de tous les temps avant que ne soit enfin connu l'étrange destin du manuscrit de

    Samarcande ? (Samarcande)

    Lorsqu'il y a d'autres marques qui explicitent l'interrogation, comme dans l'interrogation partielle : (inversion, reprise du sujet, morphème interrogatif), l'intonation n'est pas nécessairement montante. La note est marquée sur le mot interrogatif, et elle est plus haute que sur le début de l'énoncé déclaratif (cf. (98) et (99)).

    (98)- Le cadi savait-il par ce geste, par ces paroles, il donnait naissance à l'un des secrets les mieux tenus de l'histoire des lettres ? « Samarcande »

    (99)- se trouve cet hôte si généreux, que je puisse lui adresser mes

    remerciements ? « Samarcande »

    17 Grevisse, M., 1991, Le bon usage, Paris, Duculot, p.163.

    31

    I. 3 Les introducteurs interrogatifs

    L'interrogation peut être directe ou indirecte. Chacune est introduite par des introducteurs interrogatifs propres. Ainsi, l'interrogation directe est introduite par un déterminant, un pronom ou un adverbe interrogatif.

    I. 3. 1. Les déterminants interrogatifs :

    Les déterminants interrogatifs sont : quel, quels, quelle et quelles. Ils indiquent que la question porte sur l'identité ou la nature d'un être animé (cf. (100)) ou inanimé (cf. (101)). Toutefois, il ne peut être ni précédé ni suivi d'un article ou d'un déterminant démonstratif ou possessif comme l'illustrent les exemples qui suivent. L'adjectif interrogatif quel peut s'employer aussi comme attribut. Dans ce cas, il ne joue son rôle de déterminant que par rapport à un nom qui n'est pas exprimé (cf. (102) et (103)).

    (100)-Quelle personne demandez-vous ?

    (101)-Quel est votre médecin traitant ?

    (102)-Quelles sont ses intensions ?

    (103)-Quelles intensions sont ses intensions ?

    On ne peut parler des déterminants interrogatifs sans évoquer les

    déterminants exclamatifs et les déterminants relatifs, qui ont les mêmes formes. Le déterminant exclamatif s'emploie dans les phrases exclamatives qui expriment la surprise, l'admiration ou l'indignation, et porte sur le thème indiqué par le groupe du nom. La distinction entre les adjectifs exclamatifs et les adjectifs interrogatifs se fait au niveau de

    32

    l'écrit par la marque de ponctuation qui termine la phrase (point d'interrogation ou point d'exclamation), et par l'intonation interrogative ou exclamative qui détermine la nature de l'adjectif et de la phrase avec, au niveau oral (cf. (104)).

    (104)-Quel que soit son jeu, je le gagnerai.

    I. 3. 2 Les pronoms interrogatifs.

    Un pronom remplace le plus souvent un nom ou un groupe nominal, mais il peut aussi se substituer à un adjectif ou à une proposition entière. Le fait qu'il puisse remplacer autre chose qu'un nom explique que l'on utilise parfois le terme de « substitut » au lieu de terme « pronom ». Les pronoms interrogatifs permettent de questionner sur l'identité (cf. (105)) ou l'action d'un être ou d'un objet (cf. (106)).

    (105) -De qui parle-t-on ?

    (106) -De quoi s'agit-il ?

    Le pronom interrogatif joue le rôle d'anticipant puisqu'il remplace un nom qui sera exprimé dans la réponse et se situe toujours en tête de la phrase interrogative, même quand le groupe de nom qu'il remplace devrait occuper une autre place comme le montre l'exemple suivant.

    (107) a. Qui appelez-vous ?

    b. J'appelle Jean.

    Les pronoms interrogatifs peuvent être simples ou composés, comme ils peuvent être suivi de l élément est-ce que (interrogatif complément) (cf. (108)).

    (108) Qui est ce qui est venu ?

    Les formes simples des pronoms interrogatifs sont ?qui?,?que? et ?quoi? : « qui » s'emploie pour différentes fonctions grammaticales avec ou sans préposition comme substitut d'un groupe de noms désignant un humain. Ainsi, les formes composées de l'article définit et de l'adjectif

    33

    interrogatif ?lequel?, ?laquelle?, ?lesquels?, ?lesquelles?, combinées avec les prépositions ?à? et ?de? deviennent : auquel, à laquelle, duquel, de laquelle, auxquels, desquels, etc.

    De même, les formes des pronoms interrogatifs peuvent être suivis de l'élément est-ce que (interrogatif sujet) ou est-ce que (interrogatif complément). Ainsi, dans l'interrogation indirecte les formes du pronom interrogatif sont les mêmes que dans l'interrogation directe, sauf que les formes complexes des pronoms interrogatifs ne doivent pas être employés, où ?qu'est-ce qui? et ?qu'est-ce que? auxquelles les formes ?ce qui? et ?ce que? doivent être substituées respectivement18. (cf. (109) et (110)).

    (109) a. Qu'est ce qui se passe ? -b. J'ignore ce qui se passe.

    (110) a. Que fais-tu ?

    -b. Dis-moi ce que tu fais.

    I. 3. 3 Les adverbes interrogatifs

    Nous pouvons distinguer cinq adverbes interrogatifs qui expriment le lieu (cf. (111)), la cause (112), le temps (113) et la manière (114):

    (111) Le lieu : est-il allé ?

    (112) La cause : Pourquoi la vie nous réserve souvent des surprises?

    (113) Le temps : quand est-il parti ?

    (114) La manière : comment avez-vous joué ?

    18 Grevisse, M., 1993, Le Bon Usage, Paris, Duculot, P. 1390. § 940.

    34

    I. 4 La transformation interrogative

    Toute phrase interrogative est en principe une phrase déclarative, la transformation interrogative est l'ensemble des modifications apportées à la phrase déclarative pour qu'elle acquièrt la forme interrogative. Notons qu'une phrase déclarative peut avoir cette portée interrogative grâce à l'intonation particulière qui marque la fin de l'énoncé dans le cas de l'interrogation totale comme le montre la différence entre les énoncés (115. a et b).

    (115).a. Ma façon de prier.

    b. Ma façon de prier ?

    L'interrogation totale ou partielle peut être marquée par l'insertion d'un pronom après le verbe ou l'auxiliaire qui correspond au nombre et au genre du sujet (cf. (116)), si le sujet est un pronom personnel, ce dernier disparaît, ce qui équivaut à une inversion de sujet (cf. (117)), et si le verbe se termine par un ·, il est prononcé un /t/ (cf. (118)). Ce type d'interrogation appartient surtout à la langue soutenue.

    (116) Ces arbres donnent-ils beaucoup de fruits ?

    (117) Il vient ? - *Il vient-il ? - Vient-il ?

    (118) a. Qu'entend-il par ceci ?

    b. /kãtãtil par s?si/ ?

    La construction (Inter+v+sujet) n'est pas admise avec l'interrogatif pourquoi comme le montre l'exemple suivant, la phrase (119) n'est pas acceptable.

    (119) * Pourquoi sont partis les enfants ?

    (120) Pourquoi sont-ils partis les enfants?

    35

    L'interrogation totale marquée en tête par l'emploi de la formule invariable ·est-ce que· exclue l'emploi du pronom personnel après le verbe, la phrase (122) est inacceptable.

    (121) Est-ce qu'il ira demain ?

    (122) * Est-ce qu'il ira-t-il demain ?

    Selon J. Dubois19, il n'existe en français que deux types de phrases interrogatives i.e. directe et indirecte. La première (interrogation directe) est explicitée par l'intonation ascendante, par l'inversion de sujet, par le point d'interrogation ou par l'introducteur interrogatif. Elle implique en structure profonde comme en structure de surface une seule phrase de base qui peut être enchâssée dans une phrase de base comprenant un verbe de type ?demander? et qui devient une complétive (cf. (124), ce qui rend cette phrase une interrogative+complétive. Comme le montrent les exemples suivants :

    (123) Qui viendra ?

    (124) Je demande qui viendra.

    La phrase interrogative directe correspond à la formule comme c'est le cas de l'exemple (123) :

    - Inter+P (Interrogation + Noyau)

    La règle de réécriture du constituant interrogatif est la suivante :

    a- (SN inter)+ INTON inter -(première formule)

    Inter???

    b- (SN inter)+ SN que + (INTO inter) -(deuxième formule)

    Les deux formules (a) et (b) correspondent aux deux structures interrogatives totale ; interrogation (oui/non) ou partielle ; interrogation (que).

    19 Dubois, J. et Dubois-Charlier, F., 1970, Eléments de linguistique française, syntaxe, Paris, Larousse, P. 208- 210.

    36

    Suivant J. Dubois et F. Dubois-Charlier, le choix se fait entre les deux formules suivantes :

    « 1. Le constituant interrogatif peut être fait d'un SN inter (abréviation de syntagme nominal interrogatif) et d'un Inton inter (abréviation de intonation interrogative). Ces deux formules sont l'un obligatoire (Inton inter), l'autre facultatif (SN inter).

    2. le constituant interrogatif peut être fait d'un SN que (syntagme nominal avec démonstratif que) constituant obligatoire et de deux constituants facultatifs qui sont ceux de la première formulation : SN inter (syntagme nominal interrogatif) et Inton inter (intonation interrogative20). »

    I. 5 L'interprétation sémantique de l'interrogation

    L'interrogation n'est pas toujours liée à la demande d'information, elle peut avoir d'autres fins et valeurs qui lui sont attribuées par inférence. La question est soumise à un certain nombre de conditions tant sémantiques que pragmatiques où les verbes énonciatifs ont un rôle dans l'orientation des questions vers des interprétations qui leur confèrent des valeurs indirectes qui sont soit des assertions soit des mandes21.

    Sémantiquement, la question est liée à : ·En est-il ainsi ?· Et qu'elle a une valeur suspensive. Le couple question/réponse est lié à des situations particulières et codifiées telles que l'interview, l'enquête sociologique, le discours pédagogique, l'interrogatoire, l'instruction judicaire, etc. Ainsi, l'acte de questionner est réalisé dans différentes situations pragmatiques de communication, il est soumis à différentes conditions qui en assurent le fonctionnement. Sans oublier la présence de

    20 Ibid

    21 Le mande est u n énoncé directif à valeur illocutoire de prescription, lié à la désirabilité ; qu'il en soit ainsi. « la notion de prescription est entendu, ici, dans le sens général de faire faire quelque chose à quelqu'un »

    Taifi, M., 2000, Sémantique linguistique : référence, prédication et modalité, publication de la faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Fes, SFR, P. 189.

    37

    deux interlocuteurs qui fondent la situation de communication qui est évidente.

    I. 5. 1. Les conditions sémantiques pour le fonctionnement de la question

    Pour obtenir une information, il faut satisfaire différentes conditions. En effet, le locuteur doit dans un premier temps être animé du désir d'obtenir une information pour mettre fin à son état d'incertitude ou de doute. Et pour que l'acte de questionner soit pertinent, il doit satisfaire une deuxième condition : il s'agit de sa présomption sur le savoir de l'énonciataire. En fait, l'énonciateur ne peut demander une information que s'il a une prémonition, une intuition ou tout autre état psychologique qui lui permet de présupposer que l'énonciataire peut fournir l'information demandée.

    La troisième condition consiste en ce que l'énonciataire est capable et apte à fournir l'information. Or, dans certains cas, l'allocutaire peut ne pas fournir l'information même s'il en dispose.

    La quatrième condition concerne la modalité de la question elle-même. La question doit être considérée comme une simple tentative

    d'obtenir une information et non pas une cause produisant
    automatiquement la réponse attendue. On s'accorde en général à percevoir une différence sémantique entre « Tu pars ? », « Pars-tu ? » et « Est-ce que tu pars ? ». En effet, « Tu pars ? », s'emploie plutôt pour un allocutaire qui semble agir en vue d'un départ, en revanche, « Est-ce que tu pars ? » ou « Pars-tu ? » préjugent moins de la réponse, laissent ouverte l'alternative. L'inversion du clitique sujet n'est nullement réservée à l'interrogation, on la trouve dans les incises, les hypothétiques, etc. Il

    38

    semble qu'elle permet de suspendre l'assertion, ce qui est requis dans l'interrogation.22

    Les interrogations partielles sont riches en présupposés, qui contribuent à enfermer l'allocutaire, à contraindre sa réponse; demander « Qui vient ? » ou «Pourquoi est-il en retard ? », c'est présupposer que quelqu'un est venu ou qu'il est en retard. Il arrive qu'un même énoncé supporte plus d'une interrogation partielle à la fois: « Qui est venu quand ? », « Qui a parlé à qui ? » Cette possibilité qu'a l'interrogation de porter sur l'ensemble de la phrase ou sur un seul constituant se retrouve dans la négation qui, elle aussi peut être partielle: «Je n'ai vu personne » ou totale: « Je n'ai pas vu Paul. »23

    I. 5. 2 Les valeurs illocutoires relatives à l'interrogation

    La question peut être liée à des fins pragmatiques et être investie pour d'autres valeurs illocutoires outre la demande de l'information. La question peut être utilisée pour instaurer une communication et accéder à autrui, pour éviter des regards, pour agir sur autrui (le séduire, le charmer, le compromettre, le blesser, etc.). Dans telles situations, le locuteur n'attend pas de réponses de la part de l'énonciataire et ce dernier n'est pas censé en fournir. Dans ce sens, la question revêt une fonction phatique qui en fait des moyens pragmatiques résidant dans les interactions verbales entres les interlocuteurs.

    Les valeurs illocutoires de la question sont multiples. L'interrogation peut être une question de confirmation et d'assentiment. Elle est utilisée pour faire sortir le locuteur de son état d'incertitude ou de doute. La question d'examen fait un meilleur exemple, elle est utilisée

    22 Maingueneau, D., 2001, Précis de grammaire pour les concours, (troisième édition), Paris, Nathan.

    23 Ibid.

    39

    pour évaluer les connaissances de l'étudiant et non pas pour recevoir une réponse recherchée.

    L'assertion peut revêtir l'habit de l'interrogation. Elle est liée à la description d'un état de chose. La question à valeur assertive peut être une constatation d'un état de chose partagé entre le questionneur et le questionné ;(il fait beau, n'est-ce pas ?), et peut être aussi une véritable question rhétorique qui est soumise à un ensemble de contraintes tant grammaticales que lexicales, comme le montre l'exemple suivant.

    (125) a. Ce n'est pas toi qui a fais ce travail ?
    b. Non, ce n'est pas moi qui ai fait ce travail ?

    La question peut être utilisée pour une fin qui est liée à la réaction du questionné, c'est-à-dire pour effectuer des actes directifs, c'est une valeur illocutoire de mande. Les verbes ?pouvoir? et ?vouloir? sont des verbes modaux souvent utilisés dans la question à interprétation de mande. Ils sont souvent utilisés dans des structures interrogatives de type : vouloir /pouvoir+sujet+P ? et qui sont susceptibles d'une lecture par inférence. On ne peut imaginer une situation où le locuteur demande à un passager : pouvez-vous m'indiquer le chemin de la municipalité ? où celui-ci se contente de lui répondre : oui je peux. De même pour une situation où un locuteur demande qu'on lui passe un stylo : voulez-vous me passez le stylo ? et le questionné se contente de lui répondre par oui sans aucune exécution d'action, (ici celle de lui passer un stylo). La situation serait plutôt drôle. La question rhétorique avec les verbes vouloir et pouvoir ne déclenchent pas des réponses mais des comportements. Face à la question voulez-vous P et pouvez-vous P, l'énonciataire est censé exécuter le contenu de P24.

    24 Taifi, M., 2000, Sémantique linguistique, Références, prédication et modalité, Fes, SFR.

    40

    I. 5. 3. Différentes interprétations de l'adverbe

    interrogatif « comment »

    Il est connu que l'adverbe d'interrogation "comment" est utilisé pour s'interroger sur la manière dont s'est produit un fait. H. Korzen25 a soulevé le cas de l'usage de "comment" pour s'interroger sur la cause, prenant alors le sens de "comment se fait-il que", comme l'illustrent les exemples suivants, où la réponse consiste en une proposition causale introduite par ·parce que·.

    (126) a. Comment savais- tu qu'elle était justement ce soir là? b. Parce que je l'avais suivie (Simenon, indicateur, P 156)

    (127) a. Comment le savez-vous?

    b. parce qu'elle me l'a dit. (Simenon, Maigret se trompe, P 12-13)

    Parfois l'usage de "comment" peut mener à une ambigüité d'interprétation : s'agit-il d'une interrogation qui porte sur la cause ou sur la manière ? Les exemples empruntés à B. De Cornulier26 en sont la parfaite illustration.

    (128) a. Comment Jean a -t-il survécu? (manière)
    b. En buvant du lait.

    (129) a. Comment a survécu Jean? (manière)
    b. En buvant du lait.

    (130) a. Comment Jean a -t-il survécu? (cause)
    b. C'est qu'il est résistant.

    Dans l'exemple (128) et (129), l'interrogation porte sur la manière, en (130) la réponse correspond à une interrogation de cause. Nous avons la

    25 Korzen, H., 1985, Pourquoi et l'inversion finale en français ?, Museum Tusculanum, presse universitaire de Copenhagen.

    26 CORNULIER de B., 1974, « Pourquoi et l'inversion du sujet non clitique », in ROHRER C. et RUWET N. (éds), Actes du colloque franco-allemand I. Etudes de syntaxe, Tübingen, Niemeyer. P. 139-163.

    41

    même phrase interrogative introduite par "comment" mais avec différentes interprétations : une de manière et une autre de cause. Dans ce cas là, c'est le contexte qui peut déterminer la finalité de l'introducteur "comment".

    J.C.L. Anscombre et O.Ducrot abordent une autre finalité de l'adverbe "comment" : celle de la contestation. Lorsque le locuteur répond à un énoncé par une interrogation où il manifeste une attitude de surprise, d'indignation ou une innocence disculpante. C.Olivier (1985) considère que c'est à partir d'un usage particulier de la manifestation de la surprise, qu'on réalise la contestation à l'aide de "comment"27.

    (131) a. ...Mme, Mille francs divisé en quatre titres de douze mille cinq cent chacun dont j'avais l'usufruit et les quatre enfants la nue propriété.

    b. Comment les quatre enfants ? j'ai cinq enfants, nom d'une pipe! (G.Duhamel, Gecile parmi nous, 174)

    La question explicitement exprimée serait:

    c. comment pouvez-vous dire que j'ai quatre enfants alors que j'en ai cinq? (Qui se trouve derrière l'énoncé "comment+P)? entrainé dans la stratégie de la contestation28.

    L'interrogation avec « comment » est aussi utilisée pour porter sur l'état (cf (132)), pour exprimer l'ironie (cf (133)) ou pour expliquer un fait (cf (134)).

    (132) comment vas-tu ?

    (133) comment tu as pu gaspiller tous ces cinq Euros ?

    (134) comment veux-tu que je viens à temps avec tout cet embouteillage?

    27Anscombre, J.C. et Ducrot, O., 1981, « Interrogation et argumentation », in Langue française, n°42, pp. 5-22.

    28Olivier, C., 1985, « L'art et la manière: comment dans les stratégies discursives » in Langages. Université de Toulouse-le-Mirail.

    42

    Conclusion du chapitre

    L'interrogation dans la langue française est de deux types : une interrogation directe et une interrogation indirecte. Lorsque l'interrogation admet une réponse positive ou négative, elle est dite totale, par contre, si elle porte sur un élément précis de l'énoncé interrogatif, elle est dite partielle. L'interrogation est modalisée par des verbes de modalité à savoir les verbes « pouvoir et vouloir » qui assignent à la phrase interrogative une valeur illocutoire de prescription par inférence. Les interrogations avec l'adverbe d'interrogation « comment » acquièrent différents interprétations, où la question peut porter alors sur la manière, la cause, la contestation, l'ironie ou l'explication.

    II. L'INTERROGATION EN LANGUE ARABE Introduction

    Chaque langue utilise des morphèmes et des structures interrogatives spécifiques, et l'interprétation de la question dépend du statut social et culturel des interlocuteurs. Ainsi, l'interrogation diffère quant à son interprétation et son but suivant la situation de communication. En effet, l'interrogation dans la langue arabe a des propriétés qui la différencient de celle de la langue française.

    La langue arabe, comme la langue française, dispose de deux types d'interrogations : une interrogation directe et une autre indirecte. Cette dernière ne se termine pas par un point d'interrogation et présente des propriétés différentes de celles attestées dans la langue française. L'interrogation en arabe est totale ou partielle selon sa portée, et selon sa valeur, elle peut être comme c'est le cas pour la langue française de type : rhétorique, demande d'information, ordre déguisé, etc.

    43

    Les grammairiens traditionnels comme Zamakhchari et autres, ont classé les interrogations en une classe dite "2istifhâm ta?awwori" et une autre dite "2istifhâm ta?dîqî"29.

    La modalité interrogative en arabe présente des particularités non seulement au niveau des procédés de l'interrogation, à savoir l'intonation, les morphèmes interrogatifs et la structure phrastique, mais aussi au niveau des buts et parfois même au niveau de la manière d'être. C'est-à-dire que le morphème interrogatif peut être utilisé pour différentes fins selon ses variantes : un seul élément interrogatif, affixé à de nouveaux morphèmes, peut changer de fonction ou de rôle sémantique, comme le cas du pronom interrogatif "mâdâ", qui avec l'adjonction des morphèmes prépositionnels "bi", "fi", "2ila" et " åalâ" devient successivement

    "bimâdâ","fi mâdâ","2ilâ mâdâ" et "calâ mâdâ" avec des changement de la valeur sémantique de celui-ci..

    II. 1 Les types d'interrogations en langue arabe

    II. 1. 1 L'interrogation directe et indirecte

    La langue arabe dispose de deux types d'interrogations : la première est directe et se termine par un point d'interrogation (cf. (1)), la seconde est dite indirecte et se termine par un point : c'est une interrogative dont le verbe introducteur est à sémantisme interrogatif (cf. (2)). L'interrogation en arabe se définit en général par deux structures : celle qui constitue la demande c'est-à-dire l'élément interrogatif qui apparaît à l'initial de la phrase "?arf 2istifhâm" ou " 2ism istifhâm"30, et celle qui constitue la

    réponse.

    1) 2alâ tarâ 2annahu garibun ?

    29 Fassi Fihri, A., 1982, Linguistique arabe : forme et interprétation, Publication de la faculté des lettres et des sciences humaines de rabat, Thèses et mémoires N° 9.

    30 Fassi Fihri, A., 1982, Linguistique arabe : forme et interprétation, Publication de la faculté des lettres et des sciences humaines de rabat, Thèses et mémoires N° 9.

    44

    -Ne vois-tu pas qu'il est étranger ?

    2) ?atasâ?alu in kunta tarâ ?annahu garibun.

    -Je me demande si tu vois qu'il est étranger.

    L'interrogation (1) est une interrogation directe. Cependant, elle peut être enchâssée dans une autre phrase comportant le verbe "tasâ?ala"

    pour devenir une interrogation indirecte (cf. (2)). Le verbe "tasâ?ala" peut

    être préfixé par la marque morphologique portant les traits du genre et du nombre du sujet dans l'aspect inaccompli [?a :je], [ta :tu, vous], [ya :il,

    elle, elles] et[na :nous]. Cette adjonction influe sur la désinence casuelle de ce verbe. Dans le cas du masculin singulier présent (anâ : je) et (anta: tu), le masculin et le féminin singuliers absents, (huwa :il, hiyya :elle), et dans la cas du masculin et féminin pluriels présents (na?nu :nous), la désinence est "u" le verbe devient dans le dernier cas par exemple "na-tasâal-u". Dans le cas du féminin singulier (anti :tu) la désinence est " ina " (ta- tasâ?al-îna), dans le cas du masculin pluriel présent (antum :vous) et

    le masculin pluriel absents (hum :ils) la désinence est " ûna ", dans le pluriel féminin présent (?antunna :vous) et du féminin pluriel absent

    (hunna :elles) la désinence est "na".

    La particularité de la langue arabe réside dans la présence d'un pronom personnel masculin ou féminin, qui n'est ni singulier ni pluriel, il s'agit du "mutannâ" « duel » »?antumâ» et »humâ» où la désinence casuelle est "âni". Le tableau suivant illustre ses combinaisons de l'aspect inaccompli:

    sujet

    Marque

    morphologique

    verbe

    Désinence casuelle

    ?ana :je

    ?a

    tasâ?al

    u

    45

    ?anta :tu ?anti :tu

    ?antumâ :vous (2

    personnes, masculin )

    ?antumâ :vous (2
    personnes, féminin) ?antum :vous

    ?antunna :vous

    na?nu :nous huwa :il

    hiyya :elle

    humâ : ils (2
    personnes, masculin)

    humâ : elles (2
    personnes, féminin) hum :ils

    hunna :elles

    ta ta ta

    ta

    ta ta na ya ta ya ya

    ya

    ya ya

    tasâ?al tasâ?al tasâ?al tasâ?al

    tasâ?al tasâ?al tasâ?al tasâ?al tasâ?al tasâ?al / yasâ?al tasâ?al

    tasâ?al tasâ?al

    u ina

    âni âni

    ûna na u u u âni

    âni âni

    ûna na

    Avec l'aspect accompli, seule la désinence casuelle change selon les pronoms personnels ; le tableau suivant es est l'illustration :

    sujet

    verbe

    Marque morphologique du sujet + Désinence casuelle

    tu ta ti tumâ

    tumâ

    tum tunna nâ a at

    â

    atâ

    û na

    ?ana :je ?anta :tu ?anti :tu

    antumâ :vous (2
    personnes, masculin )

    antumâ :vous (2
    personnes, féminin) ?antum :vous ?antunna :vous na?no :nous

    huwa :il hia :elle humâ : ils (2 personnes, masculin)

    humâ : elles (2
    personnes, féminin) hum :ils

    hunna :elles

    tasâ?al tasâ?al tasâ?al tasâ?al

    tasâ?al

    tasâ?al tasâ?al tasâ?al

    tasâ?al tasâ?al tasâ?al

    tasâ?al

    tasâ?al tasâ?al

    46

    L'interrogation indirecte est introduite par un verbe comme (sa?ala ou tasâ?ala ((cf. 2) et (3)).

    3) ?uridu ?an ?aårifa ?in kunta tarâ ?annahu garîbun.

    -Je veux savoir si tu penses qu'il est étranger.

    La transformation de l'interrogation directe en une interrogation indirecte a ses propres particularités. En outre, si l'enchâssement de la proposition principale dans la proposition subordonnée se fait en français

    47

    par le biais de la conjonction "si". Cette même transformation s'effectue en arabe au moyen des conjonctions suivantes : "2idã, mã-2idã, hal, 2inn " (cf. (5) et (6)).

    4) 2atasã2alu 2ida kunta satusãfiru.

    5) 2atasã2alu mã-2idã kunta satusãfiru.

    6) 2atasã2alu hal satusãfiru.

    -Je me demande si tu voyageras.

    Le passage de l'interrogation directe à l'interrogation indirecte en arabe, ne diffère pas de celle de la langue française. Le transfert se fait avec la conservation de l'outil interrogatif de l'interrogation directe dans la plus part des cas (cf. (8)).

    7) man úã2a ? -qui est venu ?

    8) atasã2alu man úã2a .

    -je me demande qui est venu.

    II. 1. 2 L'interrogation totale et partielle

    Selon la portée de l'interrogation, la question est liée à une

    affirmation ou à une infirmation du contenu de l'énoncé. Dans ce cas, elle est dite interrogation totale, et elle est introduite par l'élément interrogatif dit "?arf 2istifham", à savoir ("hal" et "2a" :est-ce que) (cf. 10 et 11). Les deux éléments interrogatifs ont la même signification. La réponse attendue est oui ou non.

    10)a) hal 2atã 2a?madu ?

    -Est-ce que Ahmed est venu ?

    11)a) 2a daxala 2a?madu ?
    -Est-ce qu'Ahmed est entré ?

    48

    L'interrogation totale peut être indirecte et introduite par un verbe à sémantisme interrogatif comme "tasâ2ala" ou une proposition

    interrogative comme "2uridu 2an 2aårifa", comme le montrent les exemples (10.b) et (11.b):

    10. b) 2uridu 2an 2aårifa hal 2atâ 2a?madu.

    - Je veux savoir si Ahmed est venu.

    11. b) 2atasâ2alu 2a daxala 2a?madu.

    - Je me demande si Ahmed est entré.

    L'interrogation partielle est introduite par un pronom interrogatif dit "2ism istifhâm", comme (:quoi, man :qui, kayfa : comment, 2ayna :

    où.). Elle peut être, à l'instar de l'interrogation totale, directe ou indirecte. Dans le cas de l'interrogation partielle directe, le pronom interrogatif est à l'initiale de la phrase interrogative. Dans le cas de l'interrogation indirecte totale, le pronom interrogatif est remplacé par une conjonction de subordination qui introduit l'enchâssée, comme le montrent les exemples suivants :

    12)a) 2ayna dahabta ?

    - où est ce que tu es parti ?

    12)b) 2atasâ2alu 2ayna dahabta .

    - je me demande où tu es parti.

    II. 1. 3 L'interrogation selon l'élément interrogatif

    Les éléments interrogatifs sont dits, selon Zamakhschari31, ? des

    particules interrogatives? et sont divisés en deux classes. Les grammairiens traditionnels distinguent plusieurs autres classes de particules. En effet, « On entend par particule un mot qui indique un sens qui est renfermé dans d'autres mots. Il y a plusieurs espèces de particules,

    31 De Sacy, S., 1829, Anthologie grammaticale arabe, Imprimerie royale, Paris. P. 240.

    49

    à savoir, particules d'annexion, particules assimilées au verbe, particules conjonctives, particules négatives,...particules interrogatives, au nombre de deux... » 32.

    Certains linguistes, comme Blashère33, parlent de deux types de particules interrogatives à savoir: les pronominaux et les adverbiaux. Ces outils interrogatifs sont soit des [?uruf ?istifhâm], soit [?asma? ?istifhâm] :

    a- La classe des interrogatives introduites par des particules interrogatives telles que ("hal" ou "2a" : est-ce que) et qui sont dits des complémenteurs (maw?ulât)34.

    b- La classe des interrogatives introduites par un pronom interrogatif, (:quoi, man :qui, kayfa : comment, 2ayna : où.)

    Cependant, la distinction morphologique correspondant aux éléments interrogatifs ne correspond ni à la distinction entre les interrogations (oui/non), où le questionné est sensé répondre négativement ou affirmativement, ni aux questions dites de constituants qui ne portent que sur la valeur attribuée à l'élément en question. Le premier type d'interrogation introduite par "?arf 2istifhâm" est appelée " 2istifham

    tasdiqi", alors que le second type introduit par "2ism istifhâm" est dit "

    2istifham ta?awwuri"35, il s'agit toujours d'une interrogation partielle (cf. 12.a et b)), alors qu'il est question soit d'une interrogation totale ou partielle dans le second cas (cf .(13.a et b)).

    13)a) 2a sâfarta lyawma ? - as-tu voyagé aujourd'hui?

    13)b)2a 2anta sâfarta lyawma ? - C'est toi qui a voyagé aujourd'hui?

    32 Ibid

    33 Blashère, R., 1975, Grammaire de l'arabe classique, 4 ème édition, Maisonneuve et Larose, Paris.

    34 Fassi Fihri, A., 1982, Linguistique arabe : forme et interprétation. Publication de la faculté des lettres et des sciences humaines de rabat, Thèses et mémoires N° 9.

    35 Ibid

    50

    L'interrogation en (13 .a) porte sur la vérité de la phrase entière. Cependant (13.b) ne met en jeu que la valeur du constituant topique (sujet) :(est-ce bien toi (2anta) ?).

    ?arf 2istifhâm (2a , hal) = 2istifham tasdiqi

    2ism istifhâm (ayna, kayfa, matâ, kam,etc.) = 2istifham ta?awwuri

    II.2 La distribution des pronoms interrogatifs dans les phrases échos

    Dans la phrase interrogative, le pronom interrogatif occupe une position préverbale externe36. Il peut être un NP sujet (cf. (14)), un complément d'objet (cf. (15)) ou un PP (cf. (16)). « Si l'interrogation doit occuper le commencement de la phrase, c'est par la seule raison que l'interrogation indique une forme déterminée entre les diverses formes dont le discours est susceptible : or tout mot qui remplit cette fonction, doit être placé en tête de la phrase. »37. (Sylvester De Sacy :1829).

    14)

    man dahaba l2âna?

    - Qui est parti maintenant?

    15)

    mâdâ tafåalu ?

    - Que fais-tu ?

    16)

    2ayna dahabta ?

    -Où es-tu part ?

     

    Cependant, la position du pronom interrogatif peut être une position interne comme c'est le cas des questions dites "échos". Dans ces questions, dites aussi multiples, un seul constituant est déplacé vers l'initiale de la phrase, et les autres occupent des positions internes (cf. (17)).

    17) man qâla mâdâ wa liman?

    - Qui a dit quoi et à qui?

    Dans l'interrogation indirecte, simple ou multiple, l'élément ou les éléments interrogatifs sont toujours à l'intérieur de la phrase. Le premier

    36 Ibid

    37 De Sacy, S., 1829, Anthologie grammaticale arabe, imprimerie royale, Paris. P. 260.

    51

    élément interrogatif joue le rôle de coordonateur entre la principale et la subordonnée interrogative.

    18. a) 2atasâ2alu man kataba rrisâlata.
    - Je me demande qui a écrit la lettre.

    18. b) 2atasâ2alu man kataba rrisâlata li man wa limâdâ.
    - Je me demande qui a écrit la lettre à qui et pourquoi.

    II. 3 Les caractéristiques morphologiques des complémenteurs

    Les complémenteurs (maw?ûlât) ont certaines propriétés morphologiques qui déterminent leur existence. Ils sont de deux types : simples ou composés. Un complémenteur simple comme "mâdâ" devient composé en le préfixant par des prépositions "bi, li, fi, åalâ" pour devenir " bimâdâ : avec quoi, limâdâ : pourquoi, fi mâdâ : où, åalâ mâdâ : sur quoi" (c.f (19.a, b, c, d et e)).

    (19)a )

    mâdâ taktubu ?

    - Qu'est ce que tu écris ?

    (19)b)

    bimâdâ taktubu ?

    - Avec quoi tu écris ?

    (19)c)

    limâdâ taktubu ?

    - Pourquoi tu écris ?

    (19)d)

    fi mâdâ taktubu ?

    - Où est-ce que tu écris ?

    (19)e)

    åalâ mâdâ taktubu ?

    - Sur quoi tu écris ?

    Les outils "kayfa" et "2ayna" perdent leurs sens interrogatif quand ils sont construits avec " ", et les constructions obtenues par le biais de cette combinaison sont incorrectes (cf. (20.a et b) et (21.a et b)).

    (20) a)* kayfa mâ þâ2a? b) * 2ayna mâ þâ2a?

    (21) a) kayfa þâ2a? - Comment est-il venu?

    b) 2ayna þâ2a? - Où est-il venu?

    52

    Toutefois, un mot non interrogatif combiné avec un complémenteur interrogatif devient interrogatif : c'est le cas par exemple du mot "waqt : temps", employé avec un pronom interrogatif " mâdâ " devient "waqta mâdâ : à quel temps" (cf. (22)).

    22)a) waqta mâdâ þi2ta ? - A quel temps tu es venu ?

    b) úi2tu waqta lmasâe. - Je suis venu le soir.

    Les complémenteurs interrogatifs " 2a" et " hal" ont des propriétés syntaxiques différentes. Le complémenteur " hal" ne peut pas être suivi d'un topique, (cf. (23.a et b)), à l'inverse du complémenteur " 2a". (cf. (24.a et b))38.

    (23) a* hal 2a?madan darabta ? -Est ce Ahmed que tu as frappé ? b) * hal 2anta úi2ta ? - Est-ce que tu es venu?

    (24) a) 2a 2a?madan darabta ? - Est-ce que tu as frappé Ahmed?

    b) 2a 2anta úi2ta ? - Est-ce que tu es venu?

    Une autre divergence entre les deux complémenteurs est recontrée dans l'interrogation alternative. L'élément interrogatif " 2a" peut être à l'initiale de celle-ci (cf. (25. a)), mais l'élément " hal" ne peut être à son initial (cf. (25. b)). Cet élément " hal" a les mêmes caractéristiques syntaxiques que les pronoms interrogatifs "matâ, man, kayfa, ayna" (cf. (25. c)).

    (25) a) 2a åindaka 2a?madu 2am hiðâmu?

    (25) b) * hal åindaka a?madu 2am hiðâmu?

    * matâ 2a?madu 2atâ?

    - As-tu Ahmed ou Hicham chez toi?

    (25) c)

    - Quand est-il venu Ahmed?

    38 Ibid

    53

    II. 4 Les caractéristiques sémantiques des introducteurs interrogatifs

    La modalité interrogative en langue française, peut être dénotée par le biais de l'intonation ascendante ou la présence d'un élément interrogatif à l'initiale de celle-ci. Une autre modalité correspond à l'interrogation indirecte qui est marquée par la conjonction de subordination (si) ou (ce que). Alors qu'en arabe, il y a plusieurs coordonnants à savoir (2inn, 2idâ,

    mâ 2idâ, etc.).

    Les éléments interrogatifs en arabe écrit sont multiples à l'instar de la langue française. Ils sont regroupés dans deux catégories à savoir les pronominaux et les adverbiaux39.

    Les morphèmes interrogatifs sont utilisés pour s'interroger sur la réalité d'un énoncé ou pour s'interroger sur un constituant de la phrase interrogative. Mais ces morphèmes ne sont pas privés de sens, chaque élément utilisé est doté d'un ensemble de caractères sémantiques qui nous permettent de l'utiliser dans un contexte et non pas dans un autre. En effet, un même interrogatif pronominal ou adverbial peut acquérir différentes interprétations sémantiques.

    a- Les pronominaux :

    hal /; est-ce que : c'est un morphème interrogatif employé pour s'interroger sur la réalité d'un procès ou d'un état désignée par la prédication (cf. (26)).

    26) hal þâ2a lwâli ? Est-ce que le Wali est venu ?

    2a ; est-ce que : est un pronom interrogatif qui porte sur la réalité prédicative, il a le même sens que hal. (cf. (27)).

    27) 2a þâ2a ? Est-ce qu'il est venu ?

    39 Barbara, R., 2006, « L'interrogation dans les proverbes en arabe marocain », in revue de la faculté des Lettres et des sciences humaines, Beni Mellal, N° 7.

    54

    mâdâ ; qu'est-ce que : il est utilisé pour la détermination ou la spécification de l'objet (cf. (28)).

    28) mâdâ tafåalu ? Que fais-tu ?
    ; qu'est-ce qui / qu'est-ce que : est employé pour s'informer d'une cause (29.a) ou d'un état (29.b)," mâ " est une variante de "mâdâ".

    29.a) mâ dahâka 2an ta2tiya lyawma ? - Qu'est-ce qui t'a
    empêché de venir aujourd'hui ?

    29.b) mâ bika? -Qu'est ce que tu as?
    Ayyu ; quel : est employé pour se demander de l'identité d'une personne ou de quelque chose.

    30) ayyu ?ayfin þâ2a? - Quel invité est venu ?
    man ; qui : ce pronom interrogatif peut porter sur le sujet (31), ou sur un pronom déterminatif (32).

    31) man yaq?i lî ðuglan? - Qui me rend un service ?

    32) kâna yaqûlu hâdâ ibnu man ? - Il disait, c'est le fils de qui ?

    b- Les adverbiaux :

    Lorsque la question est introduite par un des adverbiaux interrogatifs, elle porte sur un complément circonstanciel de la phrase.

    limâdâ ; pourquoi : ou ses variantes " lima" est utilisée pour demander la cause d'un événement (33),"bimâdâ: avec quoi " est une autre variante de "limâdâ ", elle est utilisé pour porter sur un complément circonstanciel (34).

    33) limâdâ þi2ta l2âna ? -Pourquoi es-tu venu maintenant ?

    34) bimâdâ taktubu ? - Avec quoi tu écris ?

    kayfa ; comment : s'utilise pour s'interroger sur la manière (35) ou l'état de quelque chose (36) ou de quelqu'un (37).

    35) kayfa wa?alta 2ilâ hunâ ? Comment es-tu arrivé jusqu'ici ?

    36)

    55

    kayfa hia ssayyaratu lúadidatu ? - Comment est la nouvelle voiture ?

    37) kayfa hâluka ? - Comment vas-tu ?
    kam ; combien : cet élément interrogatif est utilisé pour s'interroger sur la durée (38) ou sur la quantité (39).

    38) kam yawman gibta ? - Combien de jours tu t'es
    absenté ?

    39) kam qam?an úamaåta ? - Combien de blé as-tu
    rassemblé ?

    matâ ; quand : cet interrogatif est utilisé essentiellement pour s'interroger sur le temps (40).

    40) matâ sataåûdu ? - Quand reviendras-tu ?
    ?ayna ; : ou ses variantes ("?ilâ ?ayna " et " min ?ayna" : d'où)

    est employée pour dénoter le lieu. 41)a) ?ayna tadhabu ?

    b) ?ilâ ?ayna tadhabu ? - Où vas-tu ?

    c) min ?ayna hâdâ lgosnu ? - D'où vient cette branche ?

    ?am ; ou bien : cette particule corrélative construit avec la seconde proposition d'une alternative dont la première est commandée par "?a : est-ce que" une interrogation indirecte40 (cf. (42)). La particule "?am" s'emploie concurremment avec la particule interrogative "?a", qui est des

    fois sous-entendue, c'est-à-dire élidée (cf. (42. b)). S. De Sacy remarque que « les deux particules interrogatives sont a et hal. De ces deux particules, a est celle qui est d'un usage plus général ; on l'a supprime quelque fois, quand l'interrogation est d'ailleurs suffisamment indiquée, ...L'interrogation doit toujours occuper le commencement de la

    40 Blashère, R., 1975, Grammaire de l'arabe classique, 4 ème édition, Maisonneuve et Larose, Paris.

    56

    phrase. »41. En ce qui concerne la position de la particule interrogative dans la phrase, l'élément interrogatif doit toujours occuper le commencement de la phrase parce qu'il ne parle que des deux particules interrogatives "2a" et "hal" dans l'interrogation directe.

    42) a) 2a åindakum zaydun 2am åamr?

    b) åindakum zaydun 2am åamr?

    - il y a chez vous Zayd ou Amr ?

    Cependant, une certaine ressemblance apparaît entre les deux particules "2am" et "2aw : ou". La particule "2aw" est utilisée, selon Blashère, quand le locuteur n'est pas certain à propos du contenu de la phrase, dans l'exemple (43), il s'interroge sur l'événement du voyage et non pas s'il sera aujourd'hui ou demain, l'interrogé est sensé répondre par oui ou non (cf. (43)),

    Au contraire, la particule "2am" est employée lorsque le locuteur sait que le jugement qu'il énonce est vrai, et se demande qui est chez l'interlocuteur, est-ce Zayd ou Amr (cf. (42))42.

    43) 2a satadhabu lyawma 2aw gadan? - Partiras-tu aujourd'hui ou demain ?

    A la question (43), la réponse serait oui ou non et à la question (42), la réponse est Zayd ou Amr.

    II. 5 Analyse sémantique de l'interrogation modalisée en langue arabe

    Les énoncés interrogatifs relevant de la langue arabe et modalisés par des verbes tels ?2ista?âåa ; pouvoir?, ?2amkana ; pouvoir?, ?2arâda ;

    41 De Sacy, S., 1829, Anthologie grammaticale arabe, Imprimerie royale, Paris. P. 259.

    42 Blashère, R., 1975, Grammaire de l'arabe classique, 4 ème édition, Maisonneuve et Larose, Paris.P. 260, 261.

    vouloir?, ?åarafa ; savoir?, peuvent être interprétés comme des énoncés

    prescriptifs envers le locuteur pour qu'il se comporte d'une telle manière. La notion de modalité peut être interprétée comme étant une idée d'analyse sémantique qui permet de distinguer dans un énoncé : un dit (appelé contenu propositionnel) et une modalité qui est (un point de vue du sujet parlant sur le contenu). Il faut signaler que toute phrase est par principe modalisée, même sans verbe modal, ainsi la phrase suivante : (Samarcande est un roman) comporte une modalité minimale manifestée par le mode indicatif du verbe, et comporte aussi une modalité déclarative qui la différencie de la modalité interrogative ou impérative. Selon Cervoni43, A. Meunier a divisé les études de ce domaine en deux filières : la modalité d'énonciation qui révèle la relation entre le locuteur et l'auditeur, et la modalité d'énoncé qui caractérise les rapports entre le sujet de l'énoncé et la proposition. En effet, nous nous intéresserons à ces deux modalités.

    Austin pense que « tout énoncé sert à accomplir un acte illocutionnaire, et les éléments modaux (mode verbal, ordre des mots, intonation, etc.) permettent au locuteur d'indiquer quel acte illocutionnaire, ou quel type d'acte illocutionnaire, il entend accomplir par son énonciation »44. Ainsi l'énoncé modalisé par le verbe (·ista?âåa · pouvoir) (cf. (43)) est un énoncé qui sera conçu comme un défit, un ordre ou un conseil selon les contextes d'énonciation.

    43) ?a-tastatiåo an tarfaåa t-ta?addi ?
    Peux-tu relever le défit ?

    43 Cervony, J., 1987, L'énonciation : Linguistique nouvelle. Paris, PUF.

    57

    44 Recanati.F., 1979, Les énoncés performatifs, Paris, Les éditions de minuit Sueil. P. 44.

    58

    L'interprétation des énoncés à verbes modaux dépend d'une manière cruciale de l'emploi de ces verbes dans des contextes différents. On demande souvent à quelqu'un d'agir de telle sorte, mais cette demande est exprimée sous différentes conceptions : énoncé directif, déclaratif ou interrogatif.

    Après l'analyse de certains énoncés interrogatifs modalisés par des verbes modaux, nous avons pu relever certaines caractéristiques sémantiques et pragmatiques qui peuvent dévier l'énoncé interrogatif de sa valeur initiale qui est celle de la question à celle exprimant une directive à valeur illocutoire de prescription.

    Les interrogations sont souvent modalisées par des verbes modaux et qui peuvent leur assigner des valeurs illocutoires prescriptives par inférence. Par inférence on entend dire selon Kerbrat-Orecchioni45; « toute proposition implicite que l'on peut extraire d'un énoncé ». L'inférence

    recouvre aussi ce que Charlotte appelle « présuppositions », ça
    correspond aussi aux « implicatures » de Grice, aux « implications » de Recanati, aux « inférences » de Robert Martin et aux « sous-entendus » de Kerbrat-Orecchioni46. C'est un passage de la valeur illocutoire primitive à la valeur illocutoire dérivée.

    II. 5. 1 Les conditions de fonctionnement des verbes modaux dans les énoncés interrogatifs

    Pour que les interrogations modalisées fonctionnent en tant que prescriptions, elles doivent satisfaire un ensemble de conditions sémantique et pragmatique. Les énoncés (44, 45 et 46) sont des énoncés interrogatifs. Ils doivent être interprétés comme une prescription envers

    45 Kerbrat-Orecchioni, C., 1983, L'implicite, Paris, Armand Colil. P. 24.

    46 Avec des nuances bien sûr, puisque chaque linguiste assigne des particularités distinctives propres à son terme.

    59

    l'auditeur pour qu'il se comporte d'une telle manière, en l'occurrence ici, le fait de passer un stylo.

    44) ?a-tasta.tieu ?an toe.tiyan-i dãka l-qalama?

    45) ?a-yomkinuka ?an toetyian-i dãka l-qalama? Peux-tu me passer ce stylo?

    46) ?a-turidu ?an toetyian-i dãka l-9alama?
    Veux-tu me passer ce stylo?

    Pour que les énoncés modalisés acquièrent une valeur illocutoire prescriptive, un certain nombre de conditions préalables qui ne sont pas seulement linguistiques, mais qui sont aussi des données déontologiques et sociales doivent être satisfaites. En effet, des conditions nécessaires doivent être remplies pour que l'énoncé acquière cette valeur prescriptive.

    Les conditions de sincérité, de désirabilité et d'aptitude

    La sincérité est une qualité morale, c'est l'honnêteté dans l'expression des pensés et des sentiments. Les énoncés (44), (45) et (46) sont des interrogations qui expriment une désirabilité de la part de l'énonciateur. Celui-ci désire qu'un état de chose décrit ait lieu. Il est admis en référence au principe de réalisme naïf, que si on demande à quelqu'un de se comporter d'une telle manière, c'est qu'on désire sincèrement que l'état de chose, objet de notre demande, soit réalisé. Cette condition est surtout liée à l'énonciateur.

    Il est nécessaire, et par principe déontologique, d'admettre que l'énonciateur soit sincère dans son désir. Mais vu que la sincérité est une condition qui ne peut être mesurée concrètement, il faut admettre que tout énonciateur est sincère et que les énoncés prescriptifs, même non sincères, gardent leurs valeurs illocutoires prescriptives.

    60

    Quant à l'aptitude, c'est le fait d'avoir des dispositions physiologiques ou intellectuelles pour faire quelque chose. Si la sincérité et la désirabilité concernent l'énonciateur, l'aptitude quant à elle concerne l'énonciataire : c'est une condition nécessaire pour que l'objet de la prescription soit réalisé47. Considérons l'exemple (47) :

    47) ?alâ tasta?îåo ?an taqûma lî bihâda l-åamali ?

    - Ne peux-tu pas me rendre un service ?

    C'est un énoncé qui exprime une désirabilité de la part de l'énonciateur, mais cette prescription peut être frappée de nullité si cette condition d'aptitude de l'énonciataire n'est pas respectée. Ainsi on ne peut demander à quelqu'un de nous rendre un service que si on sait d'avance qu'il est apte à le faire, c'est-à-dire réaliser le contenu propositionnel de l'énoncé en question.

    Les conditions de sincérité, de désirabilité et d'aptitude font l'ensemble des éléments concomitants dont la satisfaction est nécessaire à la bonne exécution de l'acte désigné par le verbe modal. Cependant, il ne faut négliger ni les conditions de présence de l'auditeur ni la présence d'un canal de communication nécessaire pour l'exécution du contenu de la prescription.

    Dans cette perspective, Austin48 stipule que le bon fonctionnement des énoncés performatifs est perturbé si ces conditions ne sont pas satisfaites.

    II. 5. 2 L'adjonction des verbes modaux dans les énoncés interrogatifs

    Une valeur illocutoire de prescription est assignée indirectement et par inférence aux interrogations. En effet, deux procédés linguistiques sont utilisés pour construire des énoncés interrogatifs directifs modalisés par

    47 Taifi. M., 2000, Sémantique linguistique : référence, prédication et modalité. SFR, sciences du langage, publication de la faculté des lettres et des sciences humaines Fes, P. 190.

    48 Austin, J. L., 1970, Quand dire c'est faire, Paris, Seuil.

    61

    des verbes modaux49. Le premier relève de la grammaire et le second du lexique (cf. (48.b) et (48.a)).

    48)a ?alâ t-asta?îåo ?an t-umdia lî hâdihi l-waraqata ? Ne pouvez-vous pas me signer ce papier ?

    48)b ?a-yumkinuka ?an t-umdia lî hâdihi l-waraqata ?
    Pouvez-vous me signer ce papier ?

    Nous avons affaire, dans ces deux exemples à deux structures avec deux modalités qui expriment une directive de la part de l'énonciateur : une modalité grammaticale exprimée par la structure syntaxique interrogative et une modalité lexicale exprimée par les verbes modaux » istatâåa» et »?amkana».

    II.5.2.a La modalité grammaticale

    Les énoncés modalisés par des verbes modaux, ayant une valeur illocutoire de prescription, sont soumis à un certain nombre de règles grammaticales.

    Ainsi, les énoncés (48. a) et (48. b) visent la réalisation d'un état de chose, à savoir la signature d'un papier. Les constructions grammaticales, qui expriment une prescription, sont dites des constructions jussives. En tenant compte de la valeur prescriptive qui leur est commune et non leurs verbes modaux qui sont différents, ces énoncés expriment à travers la structure syntaxique interrogative une valeur illocutoire prescriptive50.

    Les énoncés prescriptifs peuvent être réflexifs ou non réflexifs. Le verbe dans ce dernier cas est à la deuxième personne du singulier, (t-astatîåo, y-umkinuka, tu-rîdo, t-aårifu, y-aúibu).

    49 Il existe aussi une modalisation par adverbe et par adjectif.

    50 Taifi. M., 2000, Sémantique linguistique, référence, prédication et modalité, SFR, sciences du langage, publication de la faculté des lettres et des sciences humaines, Fes, P. 191.

    62

    L'aspect du verbe modal marquant l'interrogation doit être lié au désir de la réalisation d'un acte qui ne peut être un fait relevant de l'accompli. Ainsi, la réalisation d'un état de chose, nécessite un verbe modal interrogatif à l'aspect inaccompli. De ce fait, l'énoncé (49) étant à l'accompli, ne peut être interprété comme une prescription. Les verbes modaux à valeur prescriptive sont liés à l'inaccompli dans ses deux formes : temps du présent et du futur.

    (49) istatâåa ?an y-um?yia lî l-waraqata?

    Entre autre, les verbes modaux utilisés dans des énoncés interrogatifs à valeurs prescriptives sont régis par une règle syntaxique : en français, la structure syntaxique est de type : voulez-vous + P ou pouvez-vous + P (cf. (50), où les verbes ?vouloir et pouvoir? sont utilisés comme des authentiques auxiliaires. Alors que dans la langue arabe, c'est la structure : particule interrogative + verbe + conjonction de coordination + P qui est d'usage (cf.(48 a et b)).

    50) voulez-vous me rendre un service ?

    Français

    Arabe

    Pouvoir, vouloir et savoir. voulez-vous + P

    Verbe+2°pers (sing/plur) + P ?

    ?Istatâåa, ?amkana,

    qadira

    particule interrogative

    + verbe + conjonction de coordination + P ?

    Les énoncés interrogatifs, modalisés par des verbes modaux, expriment des directives à travers des constructions jussives. Ces verbes sont utilisés à visée d'atténuer le discours. Toutes ces caractéristiques

    63

    font des verbes modaux des expressions appropriés à l'expressivité de l'énonciateur pour fournir des énoncés directifs.

    II.5.2.b La modalité lexicale

    Tout acte illocutionnaire a une certaine « force » et un certain « contenu propositionnel ». Dans l'énoncé (48), que nous reprenons pour convaincre, nous avons affaire à un acte illocutionnaire qui peut être interprété comme étant une prescription. Il peut être appliqué à la notation de Reichenbach 51 et Searl 52 de la façon suivante :

    48) ?a-yumkinuka ?an t-um?yia lî hâdihi l-wara9ata ?

    Requête + (demande de la signature d'un papier)

    Verbe modal (?amakana) + contenu propositionnel (description de la prescription)

    Il convient juste de dire que le verbe modal trouve sa position toujours dans la première partie de la combinaison et n'est ni suivi ni précédé d'un sujet puisque l'arabe fait partie des langues dites agglutinatives ou clitiques et à morphologie riche. En effet, c'est la marque morphologique adjointe qui prend en charge les propriétés du genre et du nombre du sujet.

    Tout énonciateur vise, par son énoncé, à agir sur l'auditeur. Cette action est exprimée par l'expressivité de l'énoncé, le locuteur se sert de la richesse du lexique, utilise différentes tournures, etc. et c'est ce qui fait l'objet de son expressivité. Le point de vue de Guillaume est d'une grande netteté. J. Cervoni, le résume ainsi : « tout acte d'expression vise à affecter l'allocutaire, et le locuteur dispose pour cela de (mille manières de le dire), l'ensemble de ces manières de dire constitue l'expressivité. On

    51 Reichenbach, H., 1947, Elements of Symbolic Logic, New York, Macmillan & Co.

    52 Searl, G., 1969. ?Speech Acts: An Essay in the Philosophy of Language?. Cambridge, England, Cambridge University press.

    64

    ne peut concevoir un acte de langage d'où l'expressivité serait totalement absente »53.

    Conclusion du chapitre

    La langue arabe comme la langue française présente différents types d'interrogations i.e. l'interrogation totale et partielle, directe et indirecte et l'interrogation modalisée et non modalisée. La langue française dispose de plusieurs introducteurs interrogatifs : les déterminants interrogatifs, les adverbes interrogatifs, les pronoms interrogatifs et les interrogations introduites par ?est-ce que?. C'est-à-dire qu'il y a une diversité d'introducteurs interrogatifs. La langue arabe ne dispose que de deux types d'introducteurs : les adverbiaux et les pronominaux, et il y a des linguistes qui n'en font aucun classement, et se contente de les nommer tous des particules interrogatives. Ces particules comme nous les avons montrées, ont des charges sémantiques diverses suivant l'intension du locuteur.

    La modalité prescriptive est garantie par l'ensemble des verbes modaux, dont le rôle est d'atténuer le discours et d'assigner une prescription par inférence. Ces verbes expriment des actes sollicités par le locuteur pour qu'il en soit bénéficiaire. Cette notion d'acte a été définit par A. Berrandonner comme inséparable de la notion de geste, parler pour lui c'est donc le contraire d'agir. Si pour Austin dire c'est faire, A. Berrandonner, lui, pense que « dire c'est ne rien faire » où la signification première de la phrase est purement représentative54. La notion Austinienne cesse d'être valable pour A. Berrandonner, c'est que les verbes performatifs ne servent pas à accomplir l'acte performatif, mais ils

    53 Cervoni.J., 1988, L'énonciation : Linguistique nouvelle, Paris, PUF. P. 69.

    54 Ibid. P. 113.

    servent à substituer la parole à l'action. Cette action est sous-entendue dans les énoncés modalisés par des verbes modaux.

    La langue arabe comme la langue française présente ce phénomène pragmatique comme un fait linguistique très récurrent.

    65

    III. Analyse contrastive de l'interrogation en français et en arabe

    Introduction

    Tous les grands ouvrages de la littérature et de la linguistique n'ont pu être connus, étudiés, et mondialisés que grâce à la traduction. De même, les grands écrivains sont connus et leurs travaux ont marqué l'histoire grâce à la traduction.

    La traduction littéraire garde toujours une position non négligeable dans le champ de la traduction en général. Elle concerne les romans, les poèmes et autres genres littéraires.

    En effet, la traduction littéraire demande des aptitudes en stylistique, une bonne imagination et des connaissances culturelles et linguistiques étendues. Il s'agit de reproduire l'effet intégral du texte original chez le lecteur en langue d'arrivée. La traduction doit être aussi aisée à lire, et susciter les mêmes émotions que le texte original, suivant l'adage de Cervantès : « ne rien mettre, ne rien omettre ».

    La traduction est donc un contact de langues : le traducteur doit disposer de deux langues. Ce qui rend cette tâche un fait de bilinguisme. Mais le bilinguisme peut mener à l'interférence : un énoncé, tel ?un simple soldat? peut être traduit ou transféré en langue anglaise en ?a simple soldier? au lieu de la forme anglaise existante ?a private?. Ce qui veut dire qu'il y a souvent une influence de la langue source sur la langue cible. Cette influence est décelée à travers les interférences qui sont considérées comme des erreurs ou fautes de traduction55. Cependant, il faut distinguer entre deux types de bilinguisme, comme l'ont remarqué A.

    66

    55 Jules Alfred Bréal, M., 1897, Essai de sémantique, Paris, Hachette, P. 173

    67

    Meiller et A. Sauvageot, à savoir le bilinguisme ordinaire qui mène aux interférences et « le bilinguisme des hommes cultivés »56.

    La question qui se pose est celle de savoir jusqu'à quel point, deux structures en contact peuvent être maintenues intactes, et dans quelle mesure l'une influera sur l'autre.

    Si nous admettons par principe que l'opération traduisante est un fait à double volets (deux langues), ce procédé ne peut être fait sans le contact entre ces deux volets. Mounin a décelé la problématique des différences de propriétés linguistiques entre les langues, et conclue que l'activité traduisante pose à la linguistique contemporaine un problème d'ordre théorique : « si on accepte les thèses courantes sur les structures des lexiques, des morphologies et des syntaxes, on aboutit à professer que la traduction devrait être impossible. »57. Or, l'existence des traducteurs est incontestable, ils produisent et nous nous servons de leurs productions. C'est pourquoi cette opinion d'impossibilité de traduction ne peut pas avoir une influence sur l'existence effective de la traduction. En effet, l'activité traduisante n'est jamais absente de la linguistique : R. Jakobson stipule qu'il n'y a pas de comparaison possible entre deux langues, sans recours à des opérations constantes de la traduction58.

    La possibilité pratique de la traduction trouve son appui dans l'existence des universaux : cosmogonique, psychologique, écologique, biologique, etc. l'hypothèse que les universaux existent facilite la tâche aux traducteurs59.

    56 Meillet, A. et Sauvaged. A., 1934, Conférences de l'institut de linguistique II, P. 7-9 et 10-13. 57Mounin, G., 1963, Les problèmes théoriques de la traduction, Paris, Gallimard, P. 8.

    58 Jakobson, R., 1959, Aspects of translation, MA. Cambridge, Harvard University Press, P. 234.

    59 Mounin, G., 1963, Les problèmes théoriques de la traduction, Paris, Gallimard, P. 192-233 & 251270.

    68

    E. Dolet60, donne quelques indices sur la phrase française, particulièrement dans les traductions qui ne sont pas calquées sur la langue source, l'essentiel pour lui est d'insister sur l'intension de l'auteur. Dolet souligne que c'est le sens qui fait la valeur de la traduction et non la structure. Ce qui veut dire que la sémantique est prioritaire par rapport à la syntaxe dans le domaine de la traduction. En effet, éviter le mot à mot dans une traduction revient à privilégier le sens au dépend de la forme.

    III. 1. La traduction et les universaux linguistiques

    Les propriétés différentielles sont l'ensemble des traits phonologiques, morphologiques, syntaxiques et sémantiques qui différencient une langue d'une autre. C'est dans ces distinctions que certains linguistes et traductologues se sont basés pour affirmer l'impossibilité de la traduction. Mais les thèses défendant la présence des universaux linguistiques ont opté pour une impossibilité théorique de la traduction et pour une possibilité pratique de celle-ci.

    Mounin, stipule que la linguistique contemporaine défend l'impossibilité théorique de la traduction, mais il montre en même temps les mesures et les limites dans lesquelles l'opération pratique de la traduction est relativement possible malgré les différences entre les langues61. La linguistique en temps que science est constituée d'une analyse qui tend naturellement à mettre en relief tout ce qui spécifie chaque langue. En effet, la différence entre les langues est le motif sur lequel est basée la théorie de l'impossibilité théorique de la traduction, et d'une possibilité pratique de celle-ci. Notre travail s'inscrit dans la même perspective.

    60 Skupien Dekens Carine., 2009, Traduire pour le peuple de dieu : La syntaxe française dans la traduction de la bible, Genève, Librairie Drol, P. 244.

    61 Mounin, G., 1963, les problèmes théoriques de la traduction, Paris, Gallimard, P. 192.

    69

    On n'a pas cessé de mettre des réflexions sur la manière de traduire fidèlement, vu que la traduction a toujours été considérée comme un fait d'appauvrissement d'une langue par rapport à une autre. C'est pourquoi les différences entre les langues font l'objet des études linguistiques qui étudient les problèmes qui entravent le processus traductionnel et les mécanismes à utiliser pour faire passer un texte d'une langue à une autre avec un maximum de fidélité.

    Devant l'impossibilité de la traduction, certains linguistes, entre autres Mounin, Nida, Aginsky et Serrus, ont traité le phénomène des universaux et ont montré que toutes les langues humaines disposent d'un ensemble d'universaux linguistiques qui facilitent la communication malgré les différences attestées entre les langues, ce qui donne une légitimité et une existence à l'opération traduisante. Les universaux linguistiques sont l'ensemble des traits communs à toutes les langues. Les premiers universaux sont dits, des cosmogoniques, du moment où tous les hommes habitent la même planète62. Les universaux écologiques, quant à eux, sont l'ensemble des phénomènes qui ont un rapport avec le froid et la chaleur, la pluie et le vent, la terre et le ciel, le règne animal et le règne végétal, les divisions du temps, jour et nuit, parties du jour, mois d'origine lunaire, etc. En fait, les mêmes phénomènes écologiques ont la même signification référentielle de base, et les cadres de référence au monde extérieur sont les mêmes : le froid, le chaud, le vent, la terre, le ciel, etc.63

    Dans le même sens, Martinet parle des universaux biologiques puisque tous les hommes habitent la même planète et ont en commun d'être ?homme? avec toutes les analogies physiologiques et

    62 Mounin, G., 1963, les problèmes théoriques de la traduction, Paris, Gallimard, P. 196.

    63 Ibid. P. 197.

    70

    psychologiques64. C'est la nature même, selon Tegner, qui trace les limites du découpage linguistique et, de ce fait, les langues coïncident65. Enfin, les universaux physiologiques concernent toutes choses perceptibles par l'être humain, et ils sont les mêmes en dépit de toutes différence spatio-temporelle. Les couleurs sont les mêmes partout, mais la nomination diffère selon les peuples et les langues.

    Cependant, existe-t-il des universaux en morphologie, en syntaxe et en sémantique ? Dans cette perspective, Bernatzik relève l'opinion de Ch. Serrus qui distingue au moins deux catégories d'universaux : les états et les procès. Mounin, quant à lui, dégage deux universaux linguistiques : le nom et le verbe. Les pronoms, quant à eux, ne font pas l'objet d'universalité linguistique. Mounin en parle ainsi « lorsque les Phi-Tang-Yong parlaient d'eux, ils ne disaient pas je ou nous, mais le fils s'en va, le père veut ça ou ça, ou bien les Yombri ont peur, les Yombri veulent partir etc. 66» ; l'absence des pronoms est constatée aussi chez quatre ou cinq groupuscules de quelques milliers d'individus au fond des montagnes indochinoises et des forêts brésiliennes ou dans les iles pacifiques, où il y a une absence totale des pronoms67.

    Malgré les différences que présentent les langues, la masse importante de traits universels est commune à toutes les langues. En effet, il faut admettre que la possibilité de la traduction de toute langue en une autre, trouve sa légitimité dans le cadre des universaux : « première tâche dans un solipsisme linguistique absolu68. »

    64 Martinet, A., 1950, Réflexions sur le problème de l'opposition verbo-nominale, JdP, N° 1, P. 104

    65 Öhman, S., 1953, « Théories of the linguistic field ». Word, N° 2, P. 130.

    66 Bernatzik, H.A., 1945, Les esprits des feuilles jaunes, Paris, Plon, P. 166.

    67 Mounin, G., 1963, les problèmes théoriques de la traduction, Paris, Gallimard, P. 210.

    68 Ibid, P. 123.

    71

    III.2. Traduction et syntaxe Introduction

    Correspondant selon Benveniste à l'un des trois comportements fondamentaux de l'homme, la question est, peut être, l'acte de langage le plus important pour la communauté parlante69. L'interrogation est une structure syntaxique qui mérite un arrêt pour une analyse bien approfondie quant à sa traduction. Et ceci vu les spécificités différentielles syntaxiques et sémantiques qu'elle présente entre les langues.

    Tout traducteur est obligé, de se vouer à l'étude différentielle des langues, et cela non seulement dans le domaine sémantique, mais aussi dans celui des structures grammaticales. Dans ce sens Mounin pense « (qu') un plan plus externe et traditionnel, aurait voulu que l'examen de la syntaxe vienne après celui du lexique. En fait, il n'a pas été possible de trouver une solution pour les problèmes posés par la syntaxe avant d'avoir analysé la réponse des universaux, et celle des situations non linguistiques aux problèmes de traduction »70. Le langage verbal n'est pas seulement un outil de communication servant à transmettre un message d'un individu à un autre, il est aussi le moyen qui reflète la pensée de ces individus, ce langage se compose fondamentalement de deux éléments à savoir un lexique sémantiquement structuré et une syntaxe à laquelle appartiennent certaines propriétés d'aspects71.

    En effet, si la traduction existe en dépit de l'hétérogénéité, quelques fois, radicale des syntaxes, c'est entre eux que doit exister des universaux

    69 Kerbrat-Orecchioni, C., 1991, La question, Paris, Pul, Abstract du livre.

    70 Mounin, G., 1963, les problèmes théoriques de la traduction, Paris, Gallimard. P. 251.

    71 Warnant, L., 1982, Structures syntaxiques du français, Paris, Les Belles Lettres, P. 20.

    72

    de syntaxe72. Mounin73 présente l'idée de Nida qui distingue dans toutes les langues du monde, quatre grandes parties du discours ou classes qui désignent les objets, les évènements, les abstraits : modificateurs des deux premières classes et les relationnels. Les universaux syntaxiques sont de quatre catégories : les verbes, les noms, les modificateurs et les conjonctions. Ce sont des catégories que l'on peut trouver dans toutes les langues malgré leurs différences linguistiques. Ceci explique la possibilité de la traduction du moment où on a une situation commune quels que soient l'écart et les différences syntaxiques entre la langue source et la langue cible. La grammaire ne peut être dissociée de la syntaxe : les deux étant, au sein du même texte, étroitement liées et exerçant une influence mutuelle l'une sur l'autre. A ce niveau, les contrastes entre le français et l'arabe se manifestent entre autres dans les types d'interrogation, le temps, l'aspect, l'emploi des éléments interrogatifs et l'usage des pronoms personnels.

    III. 2. 1. La traduction de l'interrogation par type

    Le corpus, extrait du roman Samarcande est composé de cent

    phrases interrogatives tirées des dix premiers chapitres. Il présente tous les types d'interrogations : totale, partielle, directe, indirecte, fictive, oratoire, alternative, délibérative, hypothétique, question-tag, avec inversion ou sans inversion du sujet...

    Après la comparaison des deux corpus, nous avons obtenu les statistiques illustrées dans les tableaux et les graphiques ci-dessous :

    L'interrogation dans le corpus source (français)

    Type d'interrogation

    Nombre

    Pourcentage

    directe totale

    31

    31%

    72 Mounin, G., 1963, les problèmes théoriques de la traduction, Paris, Gallimard, P. 252

    73 Ibid. P. 255.

    directe partielle

    25

    25%

    Indirecte totale

    4

    4%

    Indirecte partielle

    2

    2%

    Fictive (exclamative, injonctive)

    9

    9%

    Oratoire (rhétorique)

    16

    16%

    Alternative (double)

    4

    4%

    délibérative

    5

    5%

    incidente

    0

    0%

    Question-tag

    1

    1%

    hypothétique

    3

    3%

    35% 31%

    25%

    30%

    25%

    20%

    15%

    10%

    0%

    5%

    fréquence de l'interrogation par type (corpus français )

    4% 2%

    9%

    16%

    4% 5%

    0% 1% 3%

    Pourcentage

    Ce corpus présente tous les types d'interrogations, à l'exception de l'interrogation incidente. Nous constatons une prédominance des interrogations directes, i.e. totales et partielles, et l'interrogation rhétorique (72%). Vient après les autres types d'interrogations (indirecte totale et partielle, fictive, alternative, délibérative, question-tag et hypothétique) qui font ensemble un pourcentage de 28%.

    73

    L'interrogation dans le corpus arabe

    74

    Type d'interrogation

     

    Nombre

    Pourcentage

    directe totale

    35

    35%

    directe partielle

    27

    27%

    Indirecte totale

    5

    5%

    Indirecte partielle

    3

    3%

    Fictive (exclamative, injonctive)

    5

    5%

    Oratoire (rhétorique)

    15

    15%

    Alternative (double)

    3

    3%

    délibérative

    5

    5%

    incidente

    0

    0%

    Question-tag

    1

    1%

    hypothétique

    3

    3%

    20%

    40% 35%

    30%

    27%

    15%

    5% 3% 5%

    3% 5% 0% 1% 3%

    Pourcentage

    10%

    0%

    fréquence de l'interrogation par type (corpus arabe)

    Le tableau ci-dessus présente les statistiques des interrogations détectées dans le corpus cible. Tous les types d'interrogation y figurent à l'exception de l'interrogation incidente. Nous constatons donc une prédominance des interrogatives directes i.e. totales et partielles, et des interrogatives rhétoriques (77%), suivies des autres types d'interrogation

    75

    (indirecte totale et partielle, fictive, alternative, délibérative, question-tag et hypothétique) qui font ensemble un pourcentage de 23%.

    Comparaison et interprétation

    40%

    35%

    30%

    25%

    20%

    15%

    10%

    0%

    5%

    31%

    35%

    25% 27%

    15%

    9%

    4% 2%

    5% 3% 5%

    16%

    4% 5% 5% 3%

    3% 0% 1%

    0% 1% 3%

    Pourcentage (français) Pourcentage (arabe)

    Les pourcentages ne sont pas les mêmes : Certains types d'interrogations apparaissent avec la même fréquence dans les deux corpus notamment les questions-tag, les interrogations hypothétiques, etc. Le pourcentage élevé des interrogations directes vient du fait qu'elles sont généralement les plus fréquentes d'usage pour exprimer une demande. La même présence prépondérante de l'interrogation rhétorique est due au genre littéraire en usage qui tend à utiliser ce type d'interrogation selon des choix stylistiques et pragmatiques.

    Le pourcentage de types des interrogations qui change entre les deux corpus français et arabe montre que la traduction de l'interrogation ne doit pas être faite avec une conservation obligatoire de sa structure source. En effet, le traducteur garde le droit de changer le type d'interrogation suivant l'interrogation la plus adéquate pour poser une interrogation dans la langue cible.

    76

    Une interrogation directe peut être traduite par une autre indirecte avec une élision de la proposition principale interrogative et du point d'interrogation dans l'interrogation arabe:

    1) A quoi bon braver le sort, à quoi bon t'attirer le courroux du prince pour une simple femme, une veuve qui ne t'apporterait en guise de dot qu'une langue acrée et une réputation douteuse ?

    ÏÑÌãá Ñíãá Ç ÈÖÛ ßÓä ìáÚ ÑÌÊ ä äã ìæÏÌáÇ Çã ÑÏÞáÇ íÏÍÊ äã ìæÏÌáÇ Çã

    . ÉÈíÑã ÉÚãÓæ ØíáÓ äÇÓá ìæÓ ÉäÆÇÈ äã ßíáÅ áãÍÊ äá ÉáãÑ ÉÑãÇ

    Une interrogation rhétorique directe en une autre rhétorique indirecte :

    2) Les cuisses d'une vierge, est-ce là le seul territoire pour lequel il est encore prêt à se battre ?

    .åáÌ äã áÇÊÞáá ÇÏÚÊÓã áÇÒí áÇ íÐáÇ ÏíÍæáÇ ìãÍáÇ Çãå ÁÇÑÐÚ ÇÐÎ äæßí

    Une interrogation multiple peut être traduite par plusieurs interrogations directes indépendantes terminées par des points d'interrogation, ceci revient aux spécificités de la langue française qui admet un seul point d'interrogation à la fin de l'interrogation multiple, alors qu'en arabe le point d'interrogation doit marquer la fin de toute interrogation au sein de la même phrase interrogative multiple :

    3) Fuir trahir déjà attendre encore, prier ?

    äæÚÏíæ äæáÕí ÑÇÙäáÇ äæáíØí ÉäÇíÎáÇ äæáÌÚÊÓí äæÑí

    La traduction de l'interrogation du français vers l'arabe n'est pas soumise à la condition de la fidélité syntaxique, puisque le changement de type d'interrogation n'influe ni sur le contenu de l'interrogation ni sur sa charge sémantique ni sur le but pour lequel elle a été posée. Le traducteur s'intéresse peu à rendre fidèle toute interrogation du texte source. L'essentiel est de donner une version qui véhicule le même message.

    77

    III. 2. 2. La traduction des mots interrogatifs

    Les morphèmes interrogatifs sont utilisés pour s'interroger sur la réalité d'un énoncé ou pour s'interroger sur un constituant bien précis de la phrase interrogative. Les éléments interrogatifs en arabe sont multiples à l'instar de la langue française. La différence réside dans le fait que le français dispose de différentes catégories d'éléments interrogatifs à savoir les déterminants, les pronoms et les adverbes interrogatifs. De même, l'interrogation française peut être construite avec ou sans inversion de sujet, ou sans introducteur interrogatif. Par contre, l'interrogation en arabe peut être exprimée de trois manières à savoir des interrogatives avec ou sans introducteurs interrogatifs ; ceux-ci sont regroupés dans deux catégories à savoir les pronominaux et les adverbiaux.

    Pour analyser ces traductions, nous avons relevé tous les éléments interrogatifs relatifs à chaque corpus et nous avons obtenu les résultats suivants que nous dressons dans le tableau ci-dessous.

    Eléments d'interrogation en français

    Nombre

    pourcentage

    Eléments interrogatifs arabes

    Nombre

    pourcentage

    Les

    déterminants

    3

    2,97%

    Les

    pronominaux

    81

    75%

    Les pronoms

    13

    12,87%

     
     
     

    interrogation avec inversion du sujet

    54

    53,47%

     
     
     

    Les adverbes

    16

    15,84%

    Les

    adverbiaux

    16

    14,82%

    78

    Interrogation

     

    15

    14,85%

    Interrogation

    11

    10,18%

    sans inversion

     
     

    sans

     
     

    du sujet et sans

     
     

    introducteur

     
     

    introducteur

     
     

    interrogatif

     
     

    Le tableau ci-dessus montre que l'interrogation avec inversion du sujet dans la version française vient en tête par un pourcentage qui dépasse 53%, suivie des interrogations avec des pronoms interrogatifs ?qui, que, quoi, lequel, etc.?, des adverbes interrogatifs ?pourquoi, quand, comment, où, etc.? et des interrogations sans inversion de sujet avec un pourcentage de 41%. Nous remarquons par contre un faible usage des déterminants interrogatifs.

    Cependant, en langue arabe, les pronominaux interrogatifs ?hal?, ??a?, ?mâ?,? mâdâ?, etc. sont les plus fréquents par un pourcentage de

    75%. Les interrogations introduites par des interrogatifs adverbiaux ?kam, ayna, kayfa, etc.? ou celles sans introducteurs interrogatifs présentent un pourcentage de 25%.

    Comparaison et interprétation

    français

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    53,47%

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    12,87%

     
     
     

    15,84%

     

    14,85%

     
     

    14,82%

     
     
     

    2,97%

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    10,18%

     

    10,00%

    pourcentage

    80,00%

    70,00%

    60,00%

    50,00%

    40,00%

    30,00%

    20,00%

    0,00%

    arabe

    79

    L'analyse contrastive des éléments interrogatifs français et ceux de la langue arabe montre que la langue française dispose de six manières pour poser une interrogation74. En temps que l'arabe ne dispose que de trois manières d'interroger : les pronominaux, les adverbiaux et les interrogations sans introducteurs interrogatifs. L'usage fréquent des pronominaux interrogatifs en langue arabe trouve son explication dans le fait que le traducteur tend à traduire en pronominaux interrogatifs arabes la majorité des éléments d'interrogation de la langue française : il traduit par le biais des pronominaux interrogatifs les interrogations avec inversion de sujet (cf. (4 et 5)). Ce choix est dû aux spécificités syntaxiques de la langue arabe qui ne permet pas une inversion de sujet. Ceci est aussi valable pour les déterminants interrogatifs (cf. (6)), les pronoms interrogatifs (cf. (7)) et parfois même les adverbes interrogatifs (cf. (8)).

    74 Cinq genres d'éléments interrogatifs ont été utilisés par l'auteur, sauf l'élément « est-ce que », qui constitue en lui seul une classe indépendante.

    80

    Il est à noter que le corpus français ne présente aucun cas d'interrogation introduite par l'élément interrogatif ?est-ce que? jugé lourd et ancien75.

    4) Se rend-il à la taverne, ce soir-là, ou est-ce le hasard des flâneries qui le porte?

    åÊáãÍ íÊáÇ ?? ÚßÓÊáÇ ÉÏÕ ä ã ÁÇÓãáÇ ßáÐ í ÉäÇÍáÇ ìáÅ ÇÈåÇÐ äÇß ??

    5) Sais-tu reconnaitre un ami ?

    ÞíÏÕ ìáÅ ÑÚÊÊ íß ãáÚÊ

    6) Quel royaume a subsisté, quelle science, quelle loi, quelle vérité ? ÉÞíÞÍ Éí äæäÇÞ í ÊãÇÏ Éßáãã Éí

    7) Que restera-t-il demain des écrits des savants ?

    ÁÇãáÚáÇ áÇãÚ äã ÏÚÈ ìÞÈí íÐáÇ Çã

    8) Et son parcours millénaire, qui l'a interrompu, sinon l'arrogance de mon siècle ?

    Çä íÑÕÚ áÕ ÑíÛ ÇåÚØÞ íÐáÇ Çã ÉíÑåÏáÇ åÊáÍÑæ

    III. 2. 3. Le point d'interrogation entre le français et l'arabe

    Nous avons compté et comparé le nombre de points d'interrogations pour voir si le nombre de points d'interrogations diffère lors de la traduction d'un texte de la langue française vers la langue arabe. Le tableau suivant illustre ces hypothèses :

     
     
     

    Texte (français)

    source

    Texte cible (arabe)

    Pourcentage différentiel

    Nombre

    de

    points

    98

     

    100

    2%

    75 Grevisse, M., 1993, LE Bon Usage, Paris, Duculot. P. 605. § 389.

    81

    d'interrogations

     
     
     
     

    Après la comparaison des résultats obtenus dans le tableau ci-dessus, nous avons réalisé que le nombre de points d'interrogations entre le texte de langue française et le texte de langue arabe diffère. Le nombre de points d'interrogations dans le texte source est moins que celui du texte cible, il y a une différence qui ne dépasse pas un pourcentage de 2%.

    Comparaison et interprétation

    Nombre de points d'interrogations

    Texte source (français) Texte cible (arabe) Pourcentage différentiel

    100

    98

    2%

    Le texte cible présente plus de points d'interrogations que le texte source. Ceci est dû au choix du traducteur qui tend à traduire une seule interrogation directe multiple qui se termine par un seul point d'interrogation, par plusieurs interrogations directes qui se terminent par des points d'interrogation (cf. (9) et (10)). Cette différence trouve son explication dans les propriétés syntaxiques de chaque langue : en français, le point d'interrogation ne se met que vers la fin de toute la phrase interrogative, même si elle comprend plusieurs interrogations imbriquées. Alors qu'en langue arabe, le point d'interrogation doit être mis à la fin de chaque interrogation, au sein de la même phrase interrogative.

    82

    9) Est-il le seul à qui le vizir ait glissé ces mots, ne l'a-t-il pas confondu avec un autre, et pourquoi un rendez-vous aussi lointain, dans le temps et dans l'espace ?

    äÇß ÇÐÇãáæ ÑΠäíÈæ åäíÈ ØáÎí ãáÇ ÊÇãáßáÇ ßáÊÈ ÑíÒæáÇ åíáÅ Óãå íÐáÇ ÏíÍæáÇ äæßí

    äÇßãáÇæ äÇãÒáÇ í ÏÚÈáÇ ÇÐåÈ ÏÚæã10) Fuir trahir déjà attendre encore, prier ?

    äæÚÏíæ äæáÕí ÑÇÙäáÇ äæáíØí ÉäÇíÎáÇ äæáÌÚÊÓí äæÑíLa structure syntaxique de l'interrogation n'est donc pas figée : le

    traducteur a la possibilité de se comporter envers la traduction de la structure syntaxique de l'interrogation de la manière qui lui paraît adéquate : une interrogation directe peut devenir indirecte, une seule interrogation peut être fragmentée en plusieurs interrogations, etc. sans que cela n'altère le message de l'interrogation. Or, cette liberté a certaines limites, car les différences sémantiques ne permettent pas qu'une interrogation totale soit traduite en une autre partielle et vice-versa, et à cause de la diversité des réponses attestées dans les deux types de constructions.

    III. 2. 4. La traduction des pronoms indéfinis

    La traduction des pronoms indéfinis, e.g. ?aucun?, ?nul?, ?autre?, ?autrui?, ?un?, ?certain?, ?chacun?, ?plusieurs?, ?tout?, etc., présents dans notre corpus, ne pose aucun problème, vu la présence de leurs équivalents en langue cible (cf. (11) et (12)), et ce à l'encontre du pronom indéfini ?on?. L'analyse du corpus permet de constater que la traduction du pronom indéfini ?on? se fait principalement par l'intermédiaire du passif (cf. (13)), mais aussi en faisant appel aux pronoms personnels (cf. (14)) quand ?on? désigne une ou plusieurs personnes déterminées ou indéterminées, ou aux substantifs (cf. (15)).

    11). 83

    Es-tu le mécréant que certains décrivent ?

    ãåÖÚÈ åÕí íÐáÇ ÞíÏäÒáÇ äæßÊ

    12). L'erreur si je dis que depuis la mort d'Ibn-Sina nul ne les connaît mieux que toi ?

    ßäã ÇÑíÎ ÇäíÓ äÈÇ ÉÇæ Ðäã ÇåÑÚí

    13). On t'a entendu dire :...

    ÏÍ

    äã Çã

    åäÅ ÊáÞ ÇÐÅ ÇÆØÎã äæß

     
     
     
     
     

    ...: áæÞÊ ÊÚãÓ ÏÞá -

    14). N'est-ce pas celle-ci encore qu'Omar garde à l'esprit tandis qu'on le mène vers le quartier d'Asfizar où réside Abou-Taher, le cadi des cadis de Samarcande ?

    ÑåÇØ æÈ ãíÞí ËíÍ ÑÇÒÓ íÍ ìáÅ åäæÏæÞí ãåæ åÓä í ÑãÚ åÑÓ Çã ÇÖí ?? ÇÐå Óíáæ ÏäÞÑãÓ ÉÇÖÞ íÖÇÞ 15) Ne souhaite-t-on pas d'habitude que le jeune s'achève, que vienne le jour de la fête ?

    ÏíÚáÇ ãæí ãæÏÞæ ãÇíÕáÇ ÁÇÖÞäÇ ÉÏÇÚáÇ í ÓÇäáÇ íäãÊí áÇ

    L'analyse des interrogatives traduites illustrent les différences grammaticales et syntaxiques entre le français et l'arabe. Notamment la traduction des sujets, celle des personnes et des formes temporelles. Toutefois, la transformation et la modulation sont les procédés de traduction les plus utilisées pour remédier aux différences grammatico-syntaxiques entre les deux langues.

    III. 2.5. La traduction vers le duel (mutannâ)

    Sur le plan verbal, la langue arabe se distingue par la présence d'un pronom personnel qui réfère à deux personnes : il s'agit du ?mutannâ?. Le traducteur tend à le traduire en respectant la référence de la personne (cf. (16)). Le verbe français ?se rejoignent? est à la troisième personne du

    84

    pluriel, traduit en arabe en pronom personnel du duel (mutannâ) ?talâqayâ : ÇíÞáÇÊ?. Ce qui montre que la traduction d'une structure syntaxique n'est pas une opération mécanique, mais un fait qui ne force pas sur la langue cible ce qu'elle ne supporte pas. Le traducteur doit être attentif à ce genre de divergences pour que le texte cible revêt un aspect d'originalité et qui évite surtout les interférences et le solécisme 76 auxquels peut mener une traduction qui ne respecte pas les propriétés syntaxiques de la langue cible.

    16) Combien crois-tu qu'il y ait dans cette ville, à cet instant, d'amants qui, comme nous, se rejoignent ?

    ÉÙÍááÇ åÐå íæ ÉäíÏãáÇ åÐå í ÇäáËã ßäÙ í ÇíÞáÇÊ ÉÞÔÇÚæ ÞÔÇÚ äã ??

    III. 2. 6. L'interrogation entre l'aspect accompli et inaccompli

    L'inversion du sujet avec le verbe est l'un des moyens les plus utilisés en langue française pour interroger. Cependant, le verbe manifeste des différences de temps et d'aspects entre la langue française et arabe. Le verbe français a ses différents temps soit à l'accompli soit à l'inaccompli. La langue arabe est dite langue aspectuelle vu qu'elle ne dispose pas de la diversité temporelle de la langue française, le verbe en langue arabe n'exprime que des aspects.

    L'aspect est un trait grammatical associé au verbe, indiquant la façon dont le procès ou l'état exprimé est envisagé du point de vue de son développement. Tous les verbes au passé dénotent une action achevée du point de vue de celui qui parle. L'aspect est une manière d'envisager

    76 Le solécisme consiste à construire une syntaxe qui n'existe pas dans la langue cible. ?Emploi fautif, relativement à la syntaxe, de formes par ailleurs existante?.

    Rey. A., 1994, Le Micro Robert, dictionnaire, P. 1196.

    85

    l'action au moment où elle se produit et pas par rapport au moment où l'on en parle. En français, tous les temps simples font la marque de l'aspect inaccompli, alors que les temps composés sont toujours la marque de l'aspect accompli. Il s'agit d'un aspect grammatical, car l'aspect dépend alors du temps auquel le verbe est conjugué.

    En langue arabe, la classification est restreinte, le temps du passé ?al-mâ?î? exprime un aspect accompli, alors que ?l-mu?âriå? et ?l-?amr? expriment un aspect inaccompli.

    Nous avons essayé, en comparant les deux corpus, de voir si le passage du français vers l'arabe permet de maintenir les mêmes aspects de l'interrogation. Le tableau suivant montre les résultats obtenus après la comparaison des deux corpus.

     

    Aspect accompli

    Aspect inaccompli

    En langue française

    59

    75

    En langue arabe

    46

    88

    Nous pouvons parler d'un déséquilibre entre l'aspect dans la langue source et celui dans la langue cible. Le nombre d'interrogations exprimant un aspect inaccompli, dans le corpus en langue arabe, est élevé par rapport à celui de la langue source. Par contre le nombre de celles exprimant l'aspect accompli est inférieur par rapport à celui de la langue source.

    Comparaison et interprétation

    90

    80

    70

    60

    50

    40

    30

    20

    10

    0

    Aspect accompli

    59

    46

    Aspect inaccompli

    75

    88

    En langue française En langue arabe

    86

    La comparaison de l'aspect dans les deux langues objet du travail : le français et l'arabe, montre que le traducteur a tenu, dans certains cas, à ce que l'aspect accompli en français soit rendu par un aspect accompli dans la langue cible tel que l'illustre l'exemple (17) où ?as-tu donné? qui est traduite par le verbe accompli ?qaddamta :Êã ÏÞ ?. Or, dans différents cas, le traducteur n'a pas respecté l'aspect du verbe de la langue source (cf. (18)), le verbe dans l'exemple ? s'est embarqué ? dénote un aspect accompli exprimé par le temps du passé composé est traduit par un verbe exprimant un aspect inaccompli ?yub?ir : jÍÈí? (cf. (19)). Ce choix trouve son explication dans la présence de la particule de négation ?lam? qui précède le verbe, où l'aspect inaccompli n'est pas exprimé par le verbe mais par la particule de négation ?lam? qui exprime un fait du passé mais inachevé.

    Parfois la traduction du verbe vers le même aspect source ne transmet pas la même charge pragmatique du verbe (cf. (20)). L'aspect accompli du verbe (serais) est gardé dans le verbe cible (kunta : Êäß ). Mais si on inverse la traduction i.e. de l'arabe vers le français, nous pourrions traduire en : ?étais-tu ivre seigneur ?? au lieu de ?serais-tu ivre

    87

    seigneur ??, mais le conditionnel qui exprime une hypothèse et qui disparaît dans l'interrogation cible connote un respect du locuteur envers son interlocuteur, ce respect a disparu dans la traduction arabe.

    17) M'as-tu donné la vraie raison de ton refus ?

    ??

    ÊãÏÞ

    ßÖÑá íÞíÞÍáÇ ÈÈÓáÇ íá

    18) N'est ce pas dans mes bagages qu'il s'est embarqué sur le Titanic ?

    "ßíäÇÊíÊ " áÇ äÊã ìáÚ íÊÚÊã í ÑÍÈí ãáÇ

    19) Son père...n'avait-il pas inauguré son règne en tranchant une tête abondamment enturbannée ?

    ãÆÇãÚáÇ ÉÑíÈßáÇ ÓæÄÑáÇ äã ÓÑ ÚØÞÈ åÏåÚ åæÈ äÔÏí ãá

    20) Serais-tu ivre, Seigneur ?

    ÇäÇæÔä Êäß ??

    En effet, cette analyse montre que le traducteur ne peut rester fidèle quant à la traduction de l'aspect parce que la conservation de l'aspect altère le sens de l'interrogation. Si nous remplaçons dans l'exemple (21) les verbes (perdons et abandonnent) qui exprime un aspect inaccompli par des verbes exprimant le même aspect pour rester fidèle à l'aspect du verbe source, nous obtiendrons une interrogation fausse comme le montre la phrase suivante :

    ( ÇäáÇÌÑ ÇäÚ ìáÎÊí ÇÐÅ ÇäÔíÌ ÏÞä äÍä ÇÐÅ ÇåæÒÛ ÚíØÊÓä íß)

    21) Comment pourrions-nous les conquérir si nous perdons notre armée, si nos hommes nous abandonnent ?

    ÇäáÇÌÑ ÇäÚ ìáÎÊ ÇÐÅ ÇäÔíÌ ÇäÏÞ äÍä ÇÐÅ ÇåæÒÛ ÚíØÊÓä íß

    Conclusion du chapitre

    Malgré les différences entres les langues, la linguistique, en temps que science, essaie de mettre en relief tout ce qui différencie les langues.

    88

    En effet, les propriétés différentielles sont l'ensemble des traits phonologique, morphologique, syntaxique et sémantique qui distinguent une langue d'une autre. La traduction du français vers l'arabe pose différents problèmes liés aux divergences syntaxiques. La traduction de l'interrogation fait ressortir avec clarté la différence entre ces deux langues aussi bien sur le plan syntaxique que sur les plans sémantique et pragmatique.

    Pour remédier aux différents problèmes qui sous-tendent la traduction entre les deux langues, le traducteur fait appel aux deux procédés essentiels de la traduction à savoir la transformation et la modulation. Ainsi, le traducteur traduit en pronominaux interrogatifs arabes la majorité des éléments interrogatifs de la langue française. Ce choix dépend des structures syntaxiques de la langue arabe qui ne permettent pas par exemple une inversion de sujet pour exprimer une interrogation. De ce qui vient d'être dit, nous pouvons conclure que la langue arabe tend à utiliser les pronominaux interrogatifs plus que d'autres éléments ou manières interrogatives.

    En effet, la traduction de l'interrogation de la langue française vers la langue arabe n'est pas soumise à la condition de fidélité syntaxique, puisque le changement de type d'interrogation n'influe ni sur le contenu de l'interrogation, ni sur sa charge sémantique, ni sur le but pour lequel elle a été posée. Peu importe le type de l'interrogation, l'essentiel est de produire une interrogation qui transmet le même message que celle d'origine.

    Alors, la traduction de la structure syntaxique interrogative est un procédé qui demande au traducteur d'être très attentif quant aux divergences entre les langues. Et ceci, pour que le texte cible revêtisse un aspect d'originalité et surtout pour éviter les interférences et le solécisme

    89

    auxquels peut mener une traduction qui ne respecte pas les propriétés syntaxiques de la langue cible.

    III.3. Traduction, sémantique et pragmatique Introduction

    L'interprétation sémantique est la première phase du travail du traducteur, parce que la traduction consiste d'abord à comprendre le message. En effet, le traducteur doit saisir le sens de la façon la plus exacte et la plus complète avant de le transférer vers la langue cible. Cependant, cette tâche n'est pas d'une telle simplicité, vu les divergences d'ordre linguistique et culturel entre les langues : la langue est un polysystème très complexe fait de différents niveaux stylistique, grammatical, sémantique, etc. ces éléments font l'objet des divergences entre les langues et font de la traduction une tâche complexe qui demande au traducteur des connaissances linguistique et culturelle étendues afin de produire un travail qui tend plutôt vers l'originalité.

    Mounin relève l'importance du fait de comprendre les mots dans leurs sphères culturelles en invoquant l'idée de Nida qui pense que « les mots ne peuvent pas être compris correctement séparés des phénomènes culturels localisés dont ils sont les symboles 77». L'appartenance des deux langues objet du travail, notamment le français et l'arabe, à des sphères historico-culturelles différentes, oblige à traduire par équivalents car les mots sont mieux compris dans leur univers culturels.

    L'histoire de Samarcande se déroule dans un espace appartenant à la sphère perso-musulmane, à la lecture de la version traduite, le lecteur a l'impression de lire une version originale. De ce fait, l'interprétation

    77 Mounin, G., 1963, Les problèmes théoriques de la traduction, Paris, Gallimard. (Nida. E.A., 1945, « Linguistics and technilogy in translation problem ». Word, N° 2. P 207).

    90

    sémantique n'a pas fait un grand obstacle au traducteur puisque la religion musulmane lie les deux cultures perse et arabe. Le traducteur ne s'est pas contenté uniquement d'être fidèle au sens propre du texte, mais il a enrichie le texte par l'emploi d'un lexique plus expressif et plus spécifique à la langue et à la culture arabe.

    Sur le plan lexical et sémantique, nous allons étudier, des phénomènes linguistiques qui sont liés à la traduction mais ils ne sont pas liés étroitement à l'interrogation, ils peuvent figurer dans d'autres structures outre l'interrogation. Et ceci va être étalé sur un volet lexical, sémantique et pragmatique.

    III. 3. 1 Sur le plan lexical et sémantique

    Il est très difficile, sinon impossible, d'établir des équivalences

    lexicales sans avoir recours à l'analyse sémantique. Etant donné que le contenu sémantique des mots est analysable en traits sémantiques ou sèmes78, il faut d'abord identifier les sèmes dont le contenu sémantique se compose79. Ce n'est que de cette façon qu'on peut déterminer le sens d'une expression et qu'on peut vérifier si l'expression choisie comme équivalent a le même sens dans l'autre langue et présente les mêmes propriétés sémantiques requises. C'est donc dans l'analyse sémantique qu'il faut chercher la solution des problèmes relatifs à l'équivalence.

    Lors du processus de la traduction, l'interprétation sémantique ne peut être faite en dépendance du choix lexical. Ce n'est qu'à travers le

    78 Le sème est un "trait distinctif de la substance du signifié d'un signe (au niveau du morphème), et relativement à un ensemble donné de signes".

    Pottier, B., 1974, Linguistique générale. Théorie et description, Paris, Klincksieck, p. 330

    79 Ostrá, R., 1975, Structure onomasiologique du travail en français, Université Brunensis, Opéra. P. 191.

    91

    lexique que se tisse le sens de l'énoncé, ainsi l'analyse sémantique se fait grâce à l'analyse lexicale. En effet, l'analyse sémantique minutieuse permet de cerner le sens de l'expression à traduire et de s'assurer d'avoir bien choisi les termes équivalents.

    Sur le plan lexical, un léger décalage peut être remarqué entre les deux versions : cela se manifeste par des rajouts dans la version arabe. Ces mots introduits contribuent en effet à interpréter et à cerner le sens global du texte. Ces rajouts détectés ne peuvent pas être justifiés par les contraintes linguistiques, mais ils pourraient être expliqués par la simple volonté du traducteur qui s'est simplement permis quelques libres interprétations et par l'ajout de quelques adjectifs qualificatifs en pensant qu'il enrichirait le texte arabe.

    Le texte arabe est caractérisé par l'ajout entre autres de locution interjective, de locution interrogative ou de mots, et ce dans le but de préciser le sens du message original, comme l'illustrent les exemples (1), (2) et (3), respectivement. En outre, le nombre de ces ajouts reste limité, par souci de fidélité au texte.

    1) Comment ai-je pu ne pas reconnaître Omar, fils d'Ibrahim Khayyâm de Nichapour?

    ÑæÈÇÓíä äã ãÇíÎáÇ ãíåÇÑÈÅ äÈ ÑãÚ ÑÚ áÇ äßã íß !ááå Çí

    2) Combien de nuits le destin leur a-t-il accordées ?

    ìÑÊ Çí

    3) Fuir trahir déjà attendre encore, prier ?

    ÑÏÞáÇ Çãåá ÍÇÊ Éáíá ãß

    äæÚÏíæ äæáÕí ÑÇÙäáÇ äæáíØí ÉäÇíÎáÇ äæáÌÚÊÓí äæÑí

    Les ajouts dans le texte cible pourraient être détectés lorsqu'il s'agit de la traduction de quelques expressions métaphoriques par des expressions métaphoriques aussi mais avec des charges sémantiques différentes, comme le montre l'exemple (4) : dans le texte source, le sujet du verbe

    92

    ?être comblé? a le trait sémique [+concret], alors qu'en texte cible le sujet du verbe ?ÑãÛÊ : tagmura? a la trait sémique [+liquide].

    4) Khayyam devrait être comblé- un amant peut-il espérer plus tendre agression ?

    ãæÌåáÇ ÇÐå äã ÞÑÇ æÌÑí ä ÞÔÇÚ ÚÓæ í ?? -ÑãÚ ÉÍÑáÇ ÑãÛÊ ä íÛÈäí äÇß

    Il convient également de faire part de quelques pertes qui surviennent immanquablement, surtout au niveau lexical, mais ce ne serait pas sans répercussions sur la charge sémantique de l'énoncé (cf. (5)). En effet, les rajouts ou les abandons dépendent des fois de la volonté du traducteur. Ainsi, la traduction de l'exemple (5) montre la négligence du mot qui réfère dans le texte source à Dieu : dans le contexte de l'histoire, le cadi Abou Taher accuse Omar Elkhayyam de toucher à la divinité sacrée de dieu en produisant des quatrains profanes et d'une telle impiété. Le traducteur a négligé le mot ?seigneur? dans la version traduite, ceci reste un peu ambigu : est-ce par un respect religieux relatif au lecteur ou c'est un choix stylistique ?

    5) Serais-tu ivre, Seigneur ?

    ÇäÇæÔä Êäß ??

    Sur le plan sémantique, le traducteur tend surtout à donner une autonomie au texte arabe par le biais d'usage d'équivalents en langue cible. Il tend, à plusieurs reprises, de traduire le texte en lui donnant une valeur ajoutée au moyen de procédés d'enrichissement linguistique qu'offre la langue arabe, comme le montrent les exemples suivants :

    6) As-tu encore ton voile ?

    ßÈÇÞäÈ äíÙÊÍÊ ÊáÒ Çã

    93

    7) N'est-il pas vrai que tu as lu sept fois à Ispahan un volumineux ouvrage d'Ibn-Sina , et que, de retour à Nichapour, tu l'as reproduit mot à mot, de mémoire ?

    åÊáÞä ßäÇ æ ÇäíÓ äÈáÇ ÇãÎÖ ÇÏáÌã ÊÇÑã ÚÈÓ äÇåÕ í ÊÑÞ ßä ÇÍíÍÕ Óíá

    ÉÑßÇÐáÇ äã Éãáß Éãáß ÑæÈÇÓíä ìáÅ ßÊÏæÚ ìÏá

    Le traducteur a utilisé par exemple [niqâb] qui a des traits sémiques supplémentaires plus spécifiques que le terme français ?voile? (cf. (6)). Le voile étant un terme plus vague quant à sa référence en langue française, du fait qu'il désigne ce qui couvre aussi bien le visage que le corps, et il est souvent utilisé pour référer au [hijab] dans la religion musulmane. Dans la communauté arabe, le terme arabe [niqab] désigne un tissu qui couvre le visage en ne laissant paraître que les yeux. De même, le terme ?ouvrage? traduit vers l'arabe par ?muúallad? illustre cet aspect plus spécifique du terme arabe (cf. (7)), ce mot indique un livre dont la couverture est faite de cuire, c'est-à-dire un sème différentiel qui spécifie plus le sémème ?ouvrage?. Ce qui veut dire que les termes voile et ouvrage n'équivalent que partiellement aux termes [niqab et muúallad].

    Autrement-dit, l'aspect religieux, quelques fois absent dans le texte français, est omniprésent dans le texte arabe. Le traducteur a tendance à donner, en cherchant les traits sémiques les plus spécifiques, l'équivalent adéquat et convenable.

    Dans le même sens, le lexème ?destin?, qui a été traduit par [qadar], signifie en langue française un ensemble d'événements soumis au hasard ou à la fatalité..., et qui compose la vie d'un être humain80, alors que le mot [qadar] a une aura religieuse dans la culture musulmane, du fait qu'il est lié à la volonté divine et qu'il constitue un des cinq piliers fondamentaux auxquels doit croire tout musulman(cf. (9)), on peut dire de

    80 Rey. A., 1988, Le Micro Robert, Dictionnaire, Paris : (entrée : destin), P. 360. .

    94

    même pour les mots ?låid? et ?la fête? dans l'exemple (8). Cette charge sémantique est absente dans le texte source. Ceci évoque encore une fois le problème d'équivalence lorsqu'il s'agit de deux langues culturellement différentes.

    8) Ne souhaite-t-on pas d'habitude que le jeune s'achève, que vienne le jour de la fête ?

    ÏíÚáÇ ãæí ãæÏÞæ ãÇíÕáÇ ÁÇÖÞäÇ ÉÏÇÚáÇ í ÓÇäáÇ íäãÊí áÇ

    9) Combien de nuits le destin leur a-t-il accordées ?

    ìÑÊ Çí ÑÏÞáÇ Çãåá ÍÇÊ Éáíá ãß Les choix lexicaux pertinents du traducteur émanent d'une volonté à produire un texte qui revêt un caractère original et qui respecte le génie de la langue cible.

    III. 3. 2 Sur le plan pragmatique

    Comme nous l'avons signalé précédemment, la question n'est pas toujours liée à la demande d'information. Elle peut acquérir des fins pragmatiques par interprétation inférentielle, et être investie pour d'autres valeurs illocutoires outre la demande de l'information81.

    Les interrogations modalisées par les verbes ?pouvoir et devoir? sont dites des questions mandes82. Ils sont souvent utilisés dans des structures interrogatives de type : ?vouloir /pouvoir+ P ?? et qui sont susceptibles de recevoir une lecture par inférence. Ce type de question exprime une désirabilité déguisée de la part de l'énonciateur envers son interlocuteur pour qu'il se comporte d'une telle manière.

    81 Taifi. M., 2000, sémantique linguistique, référence, prédication et modalité, SFR, sciences du langage, publication de la faculté des lettres et des sciences humaines, Fes. PP. 211-215.

    82 Ibid, PP. 211-212.

    95

    L'interrogation n'est pas forcément liée à la demande d'information. Ainsi le locuteur (Omar Elkhayyam), dans l'exemple (10), fait une requête à sa bien-aimée. Il lui demande implicitement de rester auprès de lui et non si elle a la possibilité de rester chez sa cousine à Samarcande. Cette requête doit être appréciée par l'interlocuteur (la belle poétesse) par un raisonnement inférentiel, sinon, la réponse de la femme ne peut être comprise comme refus lorsqu'elle répond : ? j'ai ma place à la cour.?, ceci explique l'intension du locuteur de ce que sa bien aimée agisse d'une telle sorte et non pas de répondre à sa question. En outre, l'interrogation dans l'énoncé (11) est une question modalisée par le verbe vouloir. Le locuteur y exprime ce qu'il a voulu insinuer dans l'interrogation précédente où il invite sa bien- aimée à partager sa vie. La réponse de la femme illustre son refus permanent : ?Partager ta vie ? Il n'y a rien à partager?.

    10) Ne pourrais-tu rester chez ta cousine à Samarcande ?

    ÏäÞÑãÓ í ßÊÈíÑÞ ÏäÚ ÁÇÞÈáÇ ßÑæÏÞã í Óíá

    11) Ne voudrais-tu pas partager ma vie ?

    íÔíÚ íÊÑØÇÔã í äíÈÑÛÊ áÇ

    En outre, la traduction arabe satisfait le vouloir dire de l'auteur, mais il y a une tendance au niveau syntaxique à substituer, pour raisons stylistiques les verbes modaux par des substantifs comme le cas du verbe pouvoir, ainsi que pour d'autres verbes comme le montre le tableau suivant :

    Verbe

    Substantif

    pourrais

    ÑæÏÞã

    rester

    ÁÇÞÈáÇ

    partager

    É ÑØÇÔã

    96

    La question rhétorique est une figure de style très fréquente dans les textes littéraires. Elle est très répandue dans les deux textes objet de notre étude, i.e. source et cible, étant donné que le texte de Samarcande appartient à ce courant littéraire.

    Une question rhétorique est une question dont la réponse est évidente et qui «prétend forcer le destinataire à reconnaître explicitement ou non, ce que le locuteur tient pour vrai»83. En effet, la question rhétorique est utilisée non seulement pour des mesures stylistiques, mais aussi pour des fins pragmatiques. L'exemple (12) en est la parfaite illustration. Il s'agit en fait d'une ironie où le locuteur, le Cadi Abou Taher, reproche à Omar Elkhayyam d'avoir produit des quatrains plein de piété et de dévotion. L'adverbe interrogatif ?comment? n'est utilisé ni pour se demander de la cause ni pour la manière. La modalisation de l'énoncé est exprimée par le verbe pouvoir en langue française et par son équivalent en arabe le verbe ?amkana?, la traduction n'a pas infecté le sens pragmatique de l'énoncé vu que la langue arabe comme la langue française permet ce type d'interprétation.

    12) Comment ai-je pu ne pas connaître celui qui a composé ce robaï si plein de piété et de dévotion :

    °ÚÑæáÇ æ ìæÞÊáÇÈ ÉÌÖÇäáÇ ÉíÚÇÈÑáÇ åÐå ãÖä äã ÑÚ áÇ äßã íß

    L'interrogatoire est parmi les discours où l'interrogation est très utilisée, le locuteur demande souvent à l'accusé la confirmation ou l'infirmation de ce qu'on lui reproche. Le corpus, objet de notre étude, illustre ce type d'interrogations quant à l'usage d'interrogations indirectes. Des interrogations qui ne sont en réalité que des reproches auxquelles

    83 Anscombre, et all., 1977, L'argumentation dans la langue, Bruxelles, Pierre Mardaga, P. 28.

    l'accusé (Omar Elkhayyam) doit répondre pour confirmer ou infirmer ces accusations. En fait, les énoncés (13), (14) et (15) en sont l'exemple : il s'agit des accusations sous forme d'interrogations envers l'accusé Omar Elkhayyam auxquelles il devait se défendre devant le juge.

    13) On t'a entendu dire : « je me rends parfois dans les mosquées où l'ombre est propice au sommeil. »

    "

    ãæäáá ÊÇæã áÙáÇ ËíÍ ÏÌÇÓãáÇ ìáÅ ÇäÇíÍ ÈåÐ

    " :

    áæÞÊ ÊÚãÓ ÏÞá -

    14)

    97

    Ce ne sont pas seulement tes exploits qui se transmettent de bouche en bouche, de bien curieux quatrains te sont attribués.

    ÉÈíÑÛáÇ ÊÇíÚÇÈÑáÇ äã ÇÑíËß ßíáÅ äæÈÓäí ÓÇäáÇ ÑΠìáÅ ã äã ÉáÞÇäÊãáÇ ?? ÇåÏÍæ ßÑËÂã ÊÓíá

    15) On m'a rapporté des paroles d'une telle impiété que de les citer, je me sentirais aussi coupable que celui qui les a proférés.

    ÇåáÆÇÞ ÈäÐ áËÇãí íÈäÐ äÈ ÊÑÚÔá ÇåÊÑßÐ æá ÑßáÇ äã áÇæÞ íáÅ Êíãä ÏÞ

    Ce sont des interrogations-reproches qui, pour être interprétés comme des interrogations totales, nécessitent un raisonnement par inférence. Cependant, ces interrogations ne satisfont pas les conditions syntaxiques de l'interrogation directe ou indirecte: elles ne sont ni marquées par un point d'interrogation à l'instar des interrogations directes, ni introduites, à l'instar des interrogations indirectes, par des propositions principales interrogatives contenant des verbes introducteurs à sens interrogatifs (demander, s'interroger, savoir, etc.). Alors où pourrions-nous classer ce genre d'interrogations ? Elles peuvent être classées dans la catégorie des interrogations indirectes totales exigeant un raisonnement par inférence, puisqu'elles ne se terminent pas par un point d'interrogation. Le questionné est sensé répondre même si cette question lui est adressée implicitement.

    98

    En effet, vu l'absence des conditions syntaxiques relatives aux interrogations directes et indirectes, nous sommes invités à les reformuler de la manière qui satisfait ces conditions. L'interrogation (13) pourrait être reformulée de la manière suivante (cf. (16)).

    16) Je te demande si tu as dis : « je me rends parfois dans les mosquées où l'ombre est propice au sommeil. ».

    Ou bien par l'introduction d'un introducteur interrogatif pour que celle-ci devient une interrogation directe (cf. (17)).

    17) Est-ce que tu as dit: « je me rends parfois dans les mosquées où l'ombre est propice au sommeil » ?

    Les deux autres interrogations (14) et (15) peuvent être reformulées de la manière suivante pour devenir des interrogations indirectes totales répondant à toutes les conditions de celles-ci en y introduisant une proposition principale interrogative, ainsi l'interrogation (14) devient (17) et l'interrogation (15) devient (18):

    17 ) Ce ne sont pas seulement tes exploits qui se transmettent de bouche en bouche, je te demande si de bien curieux quatrains t'appartiennent.

    .ÑΠìáÅ ã äã ÉáÞÇäÊãáÇ ?? ÇåÏÍæ ßÑËÂã ÊÓíá

    .ÉÈíÑÛáÇ ÊÇíÚÇÈÑáÇ äã ßíáÇ ÓÇäáÇ åÈÓäíÇã ÇÍíÍÕ äÇß äÇ ßáÇÓÇ

    18) Je veux savoir si les paroles qu'on m'a rapporté, qui sont d'une telle impiété et que de les citer, je me sentirais aussi coupable que celui qui les a proférés, sont vrais.

    íá íãä Çã ÇÍíÍÕ äÇß äÇ ÑÚÇ äÇ ÏíÑÇ

    . ÇåáÆÇÞ ÈäÐ áËÇãí íÈäÐ äÈ ÊÑÚÔá ÇåÊÑßÐ æá íÊáÇ ÑßáÇ áÇæÞ äã

    99

    La visée et l'intension pragmatique de l'interrogation n'ont été altérées ni lors du passage du côté lexical ni du côté sémantique du français vers l'arabe. Ceci est dû d'une part, aux propriétés linguistiques communes aux deux langues permettant ce genre d'interrogations, et d'autre part à l'interlocuteur qui perçoit l'interrogation comme une demande nécessitant une réponse et non comme une simple assertion décrivant un état de chose.

    Conclusion du chapitre

    La recherche des équivalences présente souvent un obstacle à la traduction en matière d'interprétation sémantique. Nous nous demandons alors s'il est possible, en principe, de réaliser une traduction fidèle, c'est-à-dire de transposer dans la langue d'arrivée tout le message véhiculé par le texte de départ. La réponse serait positive, surtout dans une traduction comme celle que nous avons traitée, où le traducteur opte pour une analyse minutieuse des traits sémiques pour donner l'équivalent précis des items employés.

    La première étape donc du processus traductionnel correspond à une bonne interprétation sémantique qui permet de réécrire le texte de façon à ce qu'il soit une création.

    Une opinion générale consiste à affirmer que toute traduction entraîne un appauvrissement sémantique du message, une entropie ou un décalage entre le texte original et sa traduction. Ceci est dû, parait-il, au manque d'équivalents parfaits entre les langues. Dans ce cas, le traducteur se trouve obligé de sacrifier quelques traits sémiques qui ne sont pas disponibles dans la langue cible mais indispensables pour la transmission du sens général du message. C'est au sacrifice de traits stylistiques ou

    100

    culturels que le traducteur tend le plus souvent, ce qui rend le contenu du message plus pauvre ou même parfois faussé. Or, de tels sacrifices sont souvent difficiles à éviter parce que les deux langues ne disposent pas de niveaux socio-linguistiques similaires surtout lorsque le contexte l'oblige, sinon la traduction ne pourrait être qualifiée comme réussie. En outre, la traduction objet de notre étude infirme ce jugement : le lecteur pourrait avoir l'impression de lire une version originale et non pas une traduction : ceci est dû non seulement à la bonne connaissance du rituel islamique et de la maîtrise des deux langues sur tous les niveaux, mais aussi aux choix lexicaux du traducteur et à la nature même du sujet qui reflète une culture proche de la culture arabe.

    101

    CONCLUSION

    L'objectif premier du présent travail était d'effectuer une analyse contrastive entre les structures interrogatives du français et de l'arabe. Ayant choisi comme objet d'étude le roman Samarcande d'Amine Maalouf, nous nous sommes donné un double objectif : d'un côté, relever les divergences et les convergences d'ordre syntaxique entre les deux textes, et voir comment les différences syntaxiques peuvent influencer sur la traduction de telles structures. Voir d'un autre côté, si ces mêmes structures posent des problèmes de traduction que se soit au niveau sémantique ou au niveau pragmatique.

    La linguistique contrastive inscrit l'activité traductive dans la perspective des réflexions théoriques sur le fonctionnement des différents systèmes linguistiques. Dans ce sens, la traduction est un moyen pédagogique puisqu'il permet l'appropriation ou le perfectionnement d'une langue étrangère, et l'analyse traductologique permet d'étudier des théories, des principes et des mécanismes de la traduction. En effet, un bon traducteur ne peut le devenir qu'après la lecture des ouvrages traduits, ensuite, l'étude et l'analyse comparative des traductions pour arriver enfin au stade d'effectuer des traductions. Alors, l'analyse des oeuvres traduites par des professionnels est indispensable pour pouvoir traduire et pour que la traduction soit basée sur un savoir faire. Il convient de noter donc l'importance pédagogique, mais aussi pragmatique, des constants va-et-vient entre l'analyse et l'activité de la traduction : l'une se ressourçant en permanence à partir de l'étude de l'autre.

    102

    Nous avons montré dans le chapitre qui concerne les régularités et irrégularités syntaxiques entre le français et l'arabe, que le français et l'arabe ont des structures syntaxiques totalement différentes. Le français, comme l'arabe, présente différents types d'interrogations, mais la traduction de l'interrogation pose problème quand il s'agit de la traduction d'une structure syntaxique qui ne trouve pas d'équivalents dans la langue arabe, entre autres ; l'inversion de sujet, de même que le pronom indéfini ?on?, souvent utilisés dans l'interrogation en français. La différence réside aussi dans la diversité des éléments interrogatifs et des manières permettant d'exprimer l'interrogation en français par rapport à ceux de l'arabe qui sont moins nombreux, le duel [mutanna] propre à l'arabe, la traduction entre le français qui est langue temporelle et l'arabe dite langue aspectuelle, etc. tous ces aspects syntaxiques différentiels font de la traduction une tâche qui demande au traducteur une connaissance syntaxique double, sinon la traduction pourrait être caractérisée par les interférences ou le solécisme.

    La traduction de l'interrogation n'altère pas la charge sémantique et la visée pragmatique exprimées dans le texte source. Toutefois, le traducteur s'est permis des ajouts et des abondants selon les besoins du texte et de la langue cible. L'opération traduisante s'avère donc une opération souple soumise aux tendances du traducteur. Dans le texte arabe du roman Samarcande, Il s'est avéré que le traducteur a bénéficié de ce qu'offre la langue arabe en matière d'un lexique avec des traits sémiques plus spécifiques et précis. Ceci lui permet de produire un texte très cohérent jouissant d'un lexique plus expressif et donne à la version traduite une aura d'originalité parce « (qu') on exige précisément du

    traducteur qu'il sache (re)composer un texte comme s'il s'agissait d'une rédaction originale»84

    En effet, une bonne connaissance des syntaxes des deux langues, i.e. source et cible, le choix bénéfique de l'arsenal lexical, que peut offrir toute langue, et les connaissances culturelles des communautés de différentes langues sont des éléments majeurs susceptibles d'une traduction digne d'une bonne qualité.

    103

    84 Delisle, J., 1984, L'analyse du discours comme méthode de traduction, Ottawa, Éditions de l'Université d'Ottawa, PP. 217-218.

    104

    CORPUS

    L'interrogation directe partielle

    Interrogation française

    Interrogation arabe

    1)

    A quel moment avait-il basculé de la témérité dans la démence ?

    äæäÌáÇ ìáÅ ÉÑÇÓÌáÇ äã ìÑÊÇí ÍäÌ ìÊã

    2)

    Et son parcours millénaire, qui l'a interrompu, sinon l'arrogance de mon siècle ?

    áÕ ÑíÛ ÇåÚØÞ íÐáÇ Çã ÉíÑåÏáÇ åÊáÍÑæ

    Çä íÑÕÚ

    3)

    Qui es-tu donc ?

    äæßÊ äã ìÑÊ

    4)

    Quel est ton nom, étranger ?

    ÈíÑÛáÇ Çåí ßãÓÇ Çã

    5)

    Et toi, qui es-tu ?

    äæßÊ äã Êäæ

    6)

    Comment ai-je pu ne pas

    reconnaître Omar, fils

    d'Ibrahim Khayyâm de
    Nichapour ?

    ãíåÇÑÈÅ äÈ ÑãÚ ÑÚ áÇ äßã íß ! ááå Çí

    ÑæÈÇÓíä äã ãÇíÎáÇ

    7)

    Ma façon de prier ?

    ÉáÇÕáÇ í íÊÞíÑØ

    8)

    Comment as-tu reconnu l'imam Omar ?

    ÑãÚ ãÇãáÅÇ ìáÚ ÊÑÚÊ íß

    9)

    Où se trouve cet hôte si généreux, que je puisse lui adresser mes remerciements ?

    ÊÇí åíáÅ åÌæá íÎÓáÇ íÖãáÇ ÇÐå ÏÌ äí

    ÑßÔáÇ

    10)

    Et comment s'appelait ce maître, que je puisse au moins raconter ses bienfaits ?

    ä áÞáÇ ìáÚ ÚíØÊÓ ìáæãáÇ ÇÐå ãÓÇ Çã æ

    åáÇÖÈ ÑÈÎ

    11)

    Comment des gens qui placent si haut les vertus de l'hospitalité peuvent ils se rendre capables de violences contre un visiteur comme toi ?

    ÉæÇÍáÇ áÆÇÖ äæÚÖí ÓÇä ÚÇØÊÓÇ íß

    ÑÆÇÒÈ ìÐáÇ ÇæÞÍáí ä ÈÊÇÑãáÇ ìáÚ í

    ßáËã

    12)

    Pourtant que faire ?

    áãÚáÇ Çã ßáÐ Úã æ

    13)

    M'as-tu donné la vraie raison de ton refus ?

    íÞíÞÍáÇ ÈÈÓáÇ íá ÊãÏÞ ?? -

    ßÖÑá

     

    105

    Que restera-t-il demain des écrits des savants ?

    ÁÇãáÚáÇ áÇãÚ äã ÏÚÈ ìÞÈí íÐáÇ Çã

    15)

    Quel royaume a subsisté, quelle science, quelle loi, quelle vérité ?

    ÉÞíÞÍ Éí äæäÇÞ í ÊãÇÏ Éßáãã Éí

    16)

    Qu'en sais-tu ?

    ßÇÑÏ Çã æ

    17)

    Combien de nuits le destin leur a-t-il accordées ?

    ìÑÊ Çí ÑÏÞáÇ Çãåá ÍÇÊ Éáíá ãß

    18)

    Combien crois-tu qu'il y ait

    ÇäáËã ßäÙ í ÇíÞáÇÊ ÉÞÔÇÚæ ÞÔÇÚ äã ??

     

    dans cette ville, à cet instant, d'amants qui, comme nous, se rejoignent ?

    ÉÙÍááÇ åÐå íæ ÉäíÏãáÇ åÐå í

    19)

    Combien de femmes reste-t-

    ÊÇÞÔÇÚáÇ äã ?? ÁÇÓäáÇ äã ìÞÈí ãß

     

    il, combien d'amantes

    åäÑÊÎÇ íÐáÇ áÌÑáÇ ÉáíááÇ äíÞáÇíÓ

     

    rejoindront cette nuit

    ÉÑãÇ ÈÑÞÈ ãÇäí æÓ áÇÌÑ ãß ÉäÑÇÞãáÇÈæ

     

    l'homme qu'elles ont choisi ?

    åá áÐÈÊ ÉÑãÇ ÈÑÞÈ ÕÎáÇ ìáÚæ ÇåÈÍí

     

    semblablement, combien

    ÑíÛ áÚÊ ä äÚ ÇåÒÌÚ ÑíÛ ÈÈÓá ÇåÓä

     

    d'hommes dorment auprès d'une femme qu'ils aiment, d'une femme qui se donne à eux pour une autre raison que celle de ne pouvoir faire autrement?

    ßáÐ

    20)

    Qui sait, peut être n y a-t-il

    . í ÉáíááÇ ßÇäå äæßí áÇ ÏÞ íÑÏí äãæ

     

    qu'une amante, cette nuit à

    ÞíÔÚ ìæÓ ÉÏÍÇæ ÉÞíÔÚ ìæÓ ÏäÞÑãÓ

     

    Samarcande, peut être n y a-t- il qu'un amant.

    ÏÍÇæ

    21)

    Mais que valent les

    promesses d'un vainqueur?

    ÑÕÊäãáÇ ÏæÚæ ÉãíÞ Çã äßáæ

    22)

    Que faire, comment fuir, par quelle route ?

    ÞíÑØ í äã æ ÈÑåáÇ íß áãÚáÇ Çã

    23)

    Comment pourrions-nous les

    ÇÐÅ ÇäÔíÌ ÇäÏÞ äÍä ÇÐÅ ÇåæÒÛ ÚíØÊÓä íß

     
     

    conquérir si nous perdons notre armée, si nos hommes

    ÇäáÇÌÑ ÇäÚ ìáÎÊ

    106

     

    nous abandonnent ?

     

    24)

    Comment ose-t-il demander en mariage la fille du Prince des Croyants, issue de la plus noble lignée ?

    Ñíã ÉäÈÇ äã ÌÇæÒáÇ ÈáØ ìáÚ ÑÓÌí íß

    ÈÓäáÇ æ ÈÓÍáÇ ÊÇÐ äíäãÄãáÇ

    25)

    que me conseilles-tu ?

    íäÍÕäÊ ãÈæ

    26)

    viens-en fait, parle, qu'a dit Tughrul-Beg ?

    áÇÞ ÇÐÇã ãáßÊ ÚæÖæãáÇ ÞÑØ

    ßÈ"áÑÛØ"

    27)

    Mais où allons-nous si les gens du commun commencent à se mêler de nos querelles ?

    í äæáÎÏÊí ÉãÇÚáÇ ÏÈ ÇÐÅ ÇäáÂã äæßí Çã äßáæ

    ÇäÊÇÚÇÒä

    28)

    Est-ce l'énervement extrême, la précipitation l'embarras de tirer à si courte distance ?

    äã ÌÑÍÊáÇ ã ÉáÌÚáÇ ã ÌÇíåáÇ ÉÑæÓ íå

    ÑÕÞáÇ ÇÐåÈ ÉÇÓã äã ÞáÇØáÅ Ç

    29)

    C'est moi le maître du monde ! Qui pourrait se mesurer à moi » ?

    íäáÏÚí ä ÚíØÊÓí ÇÐäã !ÇíäÏáÇ ÏíÓ Çä

    30)

    Est-il le seul à qui le vizir ait glissé ces mots, ne l'a-t-il pas confondu avec un autre, et pourquoi un rendez-vous aussi lointain, dans le temps et dans l'espace ?

    ßáÊÈ ÑíÒæáÇ åíáÅ Óãå íÐáÇ ÏíÍæáÇ äæßí

    äÇß ÇÐÇãáæ ÑΠäíÈæ åäíÈ ØáÎí ÊÇãáßáÇ

    ãáÇ

     

    31)

    Et que peut-il me vouloir ?

    íäã ÏíÑí ä äßãí ÇÐÇãæ

    32)

    Et comment lui reprocher de prendre l'or que ses vers lui valent ?

    ÇåÑÚÔÈ åÊÞÍÊÓÇ ÈåÐ ÐÎ ìáÚ ãáÇÊ íßæ

    33)

    Pourquoi me le montres-tu ?

    åíäíÑÊ ÇÐÇãá

    34)

    Et qu'y a-t-il de si secret dans ce livre, des formules d'alchimie ?

    äã ÑÏÞáÇ ÇÐåÈ Ñæã äã ÈÇÊßáÇ ÇÐå í ÇÐÇãæ

    ÉíÆÇíãíß ÊáÇÏÇÚã ÉíÑÓáÇ

    35)

    Qu'y a-t-il , dis-moi ?

    . íá áÞ ßÇäå ÇÐÇã

    36)

    Où va-t-il ?

    ÈåÐí äí ìáÅæ

    37)

    Comment ai-je pu ne pas connaitre celui qui a composé

    íß

    ÉíÚÇÈÑáÇ åÐå ãÙä äã ÑÚÇ áÇÇ äßãÇ

     

    107

     

    ce robaï si plein de piété et de dévotion :

    ; ÚÑæáÇ æ ìæÞÊáÇÈ ÉÌÖÇäáÇ

    38)

    A quoi bon braver le sort, à

    äã ìæÏÌáÇ Çã ÑÏÞáÇ íÏÍÊ äã ìæÏÌáÇ Çã

     

    quoi bon t'attirer le courroux

    ÏÑÌãá Ñíãá Ç ÈÖÛ ßÓä ìáÚ ÑÌÊ ä

     

    du prince pour une simple femme, une veuve qui ne

    ìæÓ ÉäÆÇÈ äã ßíáÅ áãÍÊ äá ÉáãÑ ÉÑãÇ

     

    t'apporterait en guise de dot qu'une langue acrée et une réputation douteuse ?

    . ÉÈíÑã ÉÚãÓæ ØíáÓ äÇÓá

    39)

    Si telle est la position du

    ÇÐÇãá äíäãÄãáÇ Ñíã Þæã ÇÐå äÇß ÇÐÅ -

     

    prince des croyants, pourquoi a-t-il proposé un arrangement en dinars ?

    ÑíäÇäÏáÇÈ ÉíæÓÊ ÍÑÊÞÇ

     

    L'interrogation directe totale

    40)

    N'est-ce pas moi, benjamin O. Lesage, qui l'a arraché à son Asie natale?

    äã åÚÒÊäÇ äã ÌÇÓæá .Ú äíãÇÌäÈ Çä ÊÓá

    ÇíÓÂ åÓÑ ØÞÓã

    41)

    N'est ce pas dans mes bagages qu'il s'est embarqué sur le

     

    "ßíäÇÊíÊ " áÇ äÊã ìáÚ íÊÚÊã í ÑÍÈí ãáÇ

     

    Titanic ?

     
     

    42)

    Se rend-il à la taverne, ce soir-

     

    ã ÁÇÓãáÇ ßáÐ í ÉäÇÍáÇ ìáÅ ÇÈåÇÐ äÇß áå

     

    là, ou est-ce le hasard des flâneries qui le porte ?

     

    åÊáãÍ íÊáÇ ?? ÚßÓÊáÇ ÉÏÕ ä

    43)

    Ne vois-tu pas qu'il peut à peine remuer les lèvres ?

     

    åíÊÔ ßíÑÍÊ ÚíØÊÓí ÏÇßí åä ìÑÊ áÇ

    44)

    Serais-tu ivre, Seigneur ?

     

    ÇäÇæÔä Êäß ??

    45)

    N'est-ce pas cette vision de

     

    ä ÏÇÑ íÐáÇ ?? ÇÐå ÉäÌáÇ ÏåÔã äßí ãá

     

    paradis qu'a voulu évoquer le

     

    äãÒ ÏÚÈ ÇãÏäÚ áæåÌãáÇ åÑíËí

    ÚÑÔ ãÇÓÑáÇ

     
     

    peintre anonyme qui, bien plus tard, a entrepris d'illustrer le

     

    " ÊÇíÚÇÈÑáÇ " ØæØÎã ÏíæÒÊ í áíæØ

     

    manuscrit des Robaïyat ?

     

    ÉÑÈÚãáÇ ãæÓÑáÇÈ

    46)

    N'est-ce pas celle-ci encore

     

    åÓä í ÑãÚ åÑÓ Çã ÇÖí ?? ÇÐå Óíáæ

     
     

    qu'Omar garde à l'esprit

     

    æÈ ãíÞí ËíÍ ÑÇÒÓ íÍ ìáÅ åäæÏæÞí ãåæ

     

    tandis qu'on le mène vers le quartier d'Asfizar où réside

     

    ÏäÞÑãÓ ÉÇÖÞ íÖÇÞ ÑåÇØ

    108

     

    Abou-Taher, le cadi des cadis de Samarcande ?

     

    47)

    N'est-il pas vrai que tu as lu sept fois à Ispahan un volumineux ouvrage d'Ibn-

    ÚÈÓ äÇåÕ í ÊÑÞ ßä ÇÍíÍÕ Óíá åÊáÞä ßäÇ æ ÇäíÓ äÈáÇ ÇãÎÖ ÇÏáÌã ÊÇÑã äã Éãáß Éãáß ÑæÈÇÓíä ìáÅ ßÊÏæÚ ìÏá ÉÑßÇÐáÇ

     

    Sina , et que, de retour à

     
     

    Nichapour, tu l'as reproduit mot à mot, de mémoire ?

     

    48)

    Sais-tu reconnaître un ami ?

    ÞíÏÕ ìáÅ ÑÚÊÊ íß ãáÚÊ

    49)

    « Reconnaître un ami ? »

    " ÞíÏÕ ìáÅ ÑÚÊÊ "

    50)

    Es-tu le mécréant que certains décrivent ?

    ãåÖÚÈ åÕí íÐáÇ ÞíÏäÒáÇ äæßÊ

    51)

    L'as-tu jamais pensé ?

    Çãæí ßáÇÈ ìáÚ ßáÐ ÑØÎ ??

    52)

    Je me suis demandé : Que

    äã íÞÈ ÇÐÇã ÉäíÏãáÇ äã íÞÈ ÇÐÇã : ÊáÁÇÓÊæ

     

    reste-t-il de la ville qui

    : Çäå ÉãÆÇÞ ÊäÇß íÊáÇ ÉäíÏãáÇ

     

    s'élevait ici jadis?

    ãåÊÑÇÖÍ äã ìÞÈí íÐáÇ Çã äßá æ

     

    Mais que reste-t-il de leur civilisation ?

     

    53)

    Le Calif ne t'a-t-il laissé

    äÇßã í ÑΠåíÌæÊ í ÉíáÎáÇ ßá ÚÏí ãá

     

    aucune autre directive, aucune possibilité d'arrangement ?

    ÉíæÓÊáá

    54)

    Me faudra-t-il attendre d'être

    ÑÈÚá ÇÒæÌÚ ÍÈÕ ìÊÍ ÑÙÊä ä íÛÈäí

     

    vieux pour exprimer ce que je pense ?

    íÑÇß äÚ

    55)

    Le cadi savait-il par ce geste, par ces paroles, il donnait

    ßáÊæ ÑÕÊáÇ ÇÐåÈ åä ãáÚí íÖÇÞáÇ äÇß

    ÎíÑÇÊ ÑÇÑÓ ÑËßá ÉÇíÍáÇ Èåí äÇß áÇæÞáÇ

     

    naissance à l'un des secrets les mieux tenus de l'histoire des

    ÇÞáÇÛÊÓÇ ÈÇÏáÂÇ

     

    Lettres ?

     

    56)

    Qu'il faudrait attendre huit

    ä áÈÞ äæÑÞ ÉíäÇãË ÑÇÙÊäáÇÇ ÈÌí äÇß åä æ

     
     

    siècles avant que le monde ne

    áÈÞ æ ÚíÑáÇ ãÇíÎáÇ ÑãÚ ÑÚÔ ãáÇÚáÇ ÔÊßí

     

    découvre la sublime poésie

    áÇãÚ áÇ ÑËß Çåä ìáÚ ÊÇíÚÇÈÑáÇ áÌÈÊ ä

     

    d'Omar Khayyam, avant que

    ÑÚí ä áÈÞæ äãÒáÇ Ñã ìáÚ ÉÇÑØ

     

    ses Robaiyat ne soient vénérés comme l'une des oeuvres les plus originales de tous les temps avant que ne soit enfin

    ÈíÌÚáÇ ÏäÞÑãÓ ÉØæØÎã ÑíÕã ÇÑíÎ

    109

     

    connu l'étrange destin du manuscrit de Samarcande ?

     
     

    57)

    Puis-je espérer qu'en dépit de

     

    ìÑßÐ ÑãÚ ÉÌæÎáÇ ÙÊÍí áÇ æÌÑ ??

     

    tout ce qu'il a enduré, Khwajé

     

    åÇÓÇÞ Çã ?? äã ãÛÑáÇ ìáÚ ÏäÞÑãÓá ÉÆíÓ

     

    Omar ne gardera pas un trop mauvais souvenir de

     
     
     

    Samarcande ?

     
     

    58)

    Y as-tu des parents, des amis ?

     

    ÁÇÞÏÕ æ ÈÑÇÞÇ ßá

    59)

    Crois-tu qu'un seul homme y

     

    ìáÚ åãÓÇ ÏÍ ÔÞäí ä äßããáÇ äã äÙÊ

     

    graverait son nom pour d'attirer des remerciements ?

     

    ÏãÍáá ÇÈáØ ÇåÏÍ

    60)

    Me permettriez-vous

     

    áÛÔí áÇÄÓ ÍÑØÈ íá ÍãÓÊ áå ßáÐ Úã æ

     

    cependant de poser une question qui me hante l'esprit

     

    íáÇÈ

     

    ?

     
     

    61)

    L'éternité entière en compagnie d'ulémas sentencieux ?

     

    äíÑæÞæáÇ ÁÇãáÚáÇ ÉÈÍÕÈ åÑÓÈ ÏæáÎáÇ

    62)

    Son père...n'avait-il pas

    ÓæÄÑáÇ äã ÓÑ ÚØÞÈ åÏåÚ åæÈ äÔÏí ãá

     

    inauguré son règne en tranchant une tête abondamment enturbannée ?

     

    ãÆÇãÚáÇ ÉÑíÈßáÇ

    63)

    A-t-elle été introduite par un

     

    ãÑÊÍí äÈ ßÓãÊáÇ ÏíÏÔ áåÇÚ ÇåáÎÏ áå

     

    monarque trop soucieux de sa respectabilité? par un visiteur particulièrement méfiant ?

     

    ÑÐÍáÇ ÏíÏÔ ÑÆÇÒ ã

    64)

    Est-ce la pauvreté qui m'a conduite vers toi ?

     

    ßíáÅ íäÏÇÞ íÐáÇ ?? ÑÞáÇ äæßí

    65)

    Serait-ce pour lui qu'elle aussi tremble ?

     

    åáÌ äã ÇÖí ?? ÇåÇÌÊÑÇ äæßí

    66)

    Aurais-tu oublié le proverbe

    ÑÍÈáá Óíá " : ÑæËãáÇ áæÞáÇ ÊíÓä ÏÞ äæßÊ

     

    qui dit : « La mer ne connaît

    "

    ÁÇÞÏÕ äã ØÞ Ñíãáá áÇ æ äÇÑíÌ äã ØÞ

     

    point de voisins, le prince ne connaît point d'amis »?

     
     

    67)

    Belle comme cette poétesse ?

     

    ÉÑÚÇÔáÇ åÐåß ÁÇäÓÍ

    68)

    L'erreur si je dis que depuis la

     

    ÇåÑÚí ÏÍ äã Çã åäÅ ÊáÞ ÇÐÅ ÇÆØÎã äæß

     

    mort d'Ibn-Sina nul ne les connaît mieux que toi ?

     

    ßäã ÇÑíÎ ÇäíÓ äÈÇ ÉÇæ Ðäã

    69)

    Ne souhaite-t-on pas

     

    ãÇíÕáÇ ÁÇÖÞäÇ ÉÏÇÚáÇ í ÓÇäáÇ íäãÊí áÇ

     

    110

     

    d'habitude que le jeûne s'achève, que vienne le jour de la fête ?

    ÏíÚáÇ ãæí ãæÏÞæ

    70)

    Est-ce d'avoir tant pensé à cette femme qu'il croit maintenant l'entendre ?

    ØÑá ÉÑãáÇ åÐå ÊæÕ ÚÇãÓ ãåæÊ ÏÞ äæßí

    Çåí Ñß Çã

    71)

    As-tu encore ton voile ?

    ßÈÇÞäÈ äíÙÊÍÊ ÊáÒ Çã

    72)

    Les cuisses d'une vierge, est-

    íÐáÇ ÏíÍæáÇ ìãÍáÇ Çãå ÁÇÑÐÚ ÇÐÎ äæßí

     

    ce là le seul territoire pour lequel il est encore prêt à se battre ?

    .åáÌ äã áÇÊÞáá ÇÏÚÊÓã áÇÒí áÇ

    73)

    Sa disparition sans enfants

    ÞÇÑÛÅ ìáÅ ÈÞÚ ÑíÛ äã åÏÞ íÏÄí äá ìÑÊ

     

    n'allait-elle pas plonger l'Orient musulman dans l'anarchie ?

    ìÖæáÇ í íãáÇÓáÅÇ ÞÑÔáÇ

    74)

    Fuir trahir déjà attendre

    äæáíØí ÉäÇíÎáÇ äæáÌÚÊÓí äæÑí

     

    encore, prier ?

    äæÚÏíæ äæáÕí ÑÇÙäáÇ

    75)

    Est-ce un traitement à infliger à celui qui s'est battu comme un homme ?

    áÇÌÑáÇ áÇÊÞ ?ÊÇÞ äã ÇåÈ áãÇÚí ÉáãÇÚã åÐå

    76)

    As-tu vu tous ces

    åÈ äæØíÍí äíÐáÇ äíäæÇÚãáÇ ßÆáæ ?? ÊíÑ

     

    collaborateurs qui l'entourent ?

     

    77)

    Suis-je si bavard d'habitude ?

    ÉÏÇÚáÇ í ÑÇÐåã Çä

    78)

    Lui en as-tu parlé depuis ?

    ßÇÐã ÑãáÇÈ ÇåÊÍÊÇ ??

    79)

    Mais admets-tu au moins que

    ÉÑãáÇ åÐå äæßÊ ä áÞáÇ ìáÚ áÈÞÊ ?? äßáæ

     

    cette femme serait incapable d'envisager d'autre vie que celle de la cour ?

    ÑÕÞáÇ ÉÇíÍ ÑíÛ ÉÇíÍ ÉåÌÇæã äÚ ÉÒÌÇÚ

    80)

    Admets-tu que, pour toi, la vie

    áÇ ÉåíÑß ßÏäÚ ØáÇÈáÇ ÉÇíÍ ä ìáÚ ÞÇæÊ

     

    de cour est haïssable, insupportable, et que tu n'y resteras pas un instant de plus qu'il ne faut ?

    ÑËß ÉÏÍÇæ ÉÙÍá Çåí ãíÞÊ áÇ ßäæ ÞÇØÊ

    íÛÈäí Çãã

    81)

    Khayyam devrait être comblé-

    í ?? -ÑãÚ ÉÍÑáÇ ÑãÛÊ ä íÛÈäí äÇß

     

    un amant peut-il espérer plus tendre agression ?

    ãæÌåáÇ ÇÐå äã ÞÑÇ æÌÑí ä ÞÔÇÚ ÚÓæ

    82)

    C'est ce livre, n'est-ce pas ?

    ßáÐß Óíá ÈÇÊßáÇ ÇÐå

    83)

    Des poèmes interdits et

    Óä íÓä ?? ÉíÞæØÑåæ ÉãÑÍã ÏÆÇÕÞ

     
     

    hérétiques ? Ai-je l'âme d'un

    " ìæÓ ÊÓíá ÏÆÇÕÞáÇ åÐå äÅ ( ÑãÊã

     

    comploteur ? (Ce ne sont que

    ÉÇíÍáÇ áÇãÌæ ÑãÎáÇ äÚ "ÊÇíÚÇÈÑ

     

    des robaïyat sur le vin, sur la

    ).ÇåÑæÑÛæ

    111

     

    beauté de la vie et sa vanité )

     

    84)

    Toi, des robaïyat ?

    "ÊÇíÚÇÈÑ " ÈÊßÊ Êä

    85)

    Pourrais-tu m'en lire quelques vers ?

    ÊÇíÈáÇ ÖÚÈ íá ÑÞÊ ä ßá ??

    86)

    « le cadi m'a-t-il ouvert les yeux sur la vérité, ou bien m'a-t-il seulement voilé le bonheur ? » songe Khayyam.

    ÏÞ íÖÇÞáÇ äæßí ":áÇÆÇÓÊã ãÇíÎáÇ ÑßÊæ

    íäÚ ÈÌÍ åÇÑÊ ã ÉÞíÞÍáÇÈ íäÑÕÈ

    "ØÞ ÉÏÇÚÓáÇ

    87)

    Ne pourrais-tu rester chez ta cousine à Samarcande ?

    í ßÊÈíÑÞ ÏäÚ ÁÇÞÈáÇ ßÑæÏÞã í Óíá

    ÏäÞÑãÓ

    88)

    Ne voudrais-tu pas partager ma vie ?

    íÔíÚ íÊÑØÇÔã í äíÈÑÛÊ áÇ

    89)

    Partager ta vie ? (Il n'y a rien à partager !)

    )!åÇíÅ ßÑØÇÔ Çã ßÇäå

     
     

    90)Regarde-moi,

    Omar, une dernière fois ! Souviens-toi, je suis ton amante, tu m'as aimé, je t'ai aimé. Me reconnais-tu encore ?

    íä ÑßÐÊ ! ÉÑíÎ ÉÑÙä ÑãÚ Çí íá ÑÙäÇ

    ÊáÒ Çã . ßÊÈÈÍ íäæ íäÊÈÈÍ ßäæ ßÊáíáÎ

    íäÑÚÊ

    91)

    Vraiment pas le moindre coin pour étendre ma natte jusqu'à l'aube ?

    íÑíÕÍ Çåí ÔÑÇ ÇÞÍ ÉíæÇÒ äã Óíá

    ÑÌáÇ ìÊÍ

    92)

    Ne devrait-il pas à son tour, l'instant de surprise passé, refermer ses bras sur la taille de sa bien-aimée, la serrer, presser sur son corps toute la souffrance de l'éloignement, toute la chaleur des retrouvailles ?

    äÅ ÉÌÇãáÇ ÉÙÍá ÊÖÞäÇ ÏÞæ åíáÚ äÇß Çã åÊÈ æÈÍã ãÇæÞ áæÍ åíÏí åÑæÏÈ ãÖí ÈÇÐÚ ?? ÇåÏÓÌ ìáÚ ØÛÖíæ ÇåÑÕåíæ ÁÇÞááÇ ÁÏ áßæ ÉÞÑáÇ

     

    L'interrogation indirecte partielle

    93)

    Ils racontent comment, à

    ÚíãÌ

    í åÑËÂãÈ äæåæäí ÁÇÈØÎáÇ ÐÎæ

     

    l'heure de la bataille, il s'est

    ÉÚÇÓ

    ìÏÊÑÇ íß äæÑíæ ÏÌÇÓãáÇ

    í

     

    revêtu d'un linceul blanc et s'est parfumé aux aromates

    ÈæíØÈ ÎãÖÊæ ÖíÈÇ Çäß ÉßÑÚãáÇ

     

    des embaumeurs, comment il a

     

    åäÇÕÍ ?íÐ åÏíÈ ÏÞÚæ äíØäÍãáÇ

     

    noué de sa propre main la

    ÓæÑáÇ

    äíÇÔßáÇ ÉÌÇã äã äßãÊ íßæ

     

    queue de son cheval ,

    ÇÑØ ÏäÚ äííØäÒíÈáÇ äã äíáÓÑãáÇ

    112

     

    comment il a pu surprendre,

    íß äßáæ ãåæä ÚÏÌ íßæ åÑßÓÚã

     

    aux abords de son camp, les éclaireurs russes dépêchés par les Byzantins,

    comment il leur a fait trancher le nez, mais comment, aussi, il a rendu la liberté au basileus prisonnier.

    .äíÌÓáÇ ÑÕíÞáÇ ÍÇÑÓ ÇÖí ÞáØ

    94)

    Peux-tu me dire si, en

     

    áæÞÊ ä ßÊÚÇØÊÓÇ

    í ??

     

    introduisant des pièces d'or

    äÅ åãÇíÕ

    ÏÓí ÑãÚ »ÉÌæÎáÇ » äÇß

    äÅ íá

     

    dans sa bouche, et en les retirant aussitôt, khwajé Omar rompt le jeune ?

    ÇåÈÍÓ ìáÅ

    ÑÏÇÈ ãË åã í ÈåÐáÇ ÚØÞ áÎÏ

    95)

    Saurais-tu pourquoi il est à

     

    ÏäÞÑãÓ í ?? ÇÐÇãá

    ÑÚÊ

     

    Samarcand ?

     
     
     

    96)

    Sais-tu ce qui me fascine dans les sciences ?

     

    ãæáÚáÇ í íäÔåÏí Çã

    íÑÏÊ

     

    L'interrogation indirecte totale

    97)

    Il regrette de l'avoir laissé

    ÇÐÅ ÇãÚ áÁÇÓÊíæ ãáßÊí åßÑÊ åä ìáÚ ãÏÇä æå

     

    parler et se demande si ses

    åÚã ÍáÇÕ áÇ áßÔÈ ÊÑßÚ ÏÞ åÊÇãáß äßÊ ãá

     

    propos n'ont pas troublé irrémédiablement le regard qu'il pose sur son amante.

    .åÊÞíÔÚ ìáÅ ÇåÈ ÑÙäí íÊáÇ ÉÑÙäáÇ

    98)

    Ce ne sont pas seulement tes

    ìáÅ ã äã ÉáÞÇäÊãáÇ ?? ÇåÏÍæ ßÑËÂã ÊÓíá

     

    exploits qui se transmettent

    äã ÇÑíËß ßíáÅ äæÈÓäí ÓÇäáÇ ÑÎÂ

     

    de bouche en bouche, de bien curieux quatrains te sont attribués.

    .ÉÈíÑÛáÇ ÊÇíÚÇÈÑáÇ

    99)

    On t'a entendu dire : « je me

    ÏÌÇÓãáÇ ìáÅ ÇäÇíÍ ÈåÐ " : áæÞÊ ÊÚãÓ ÏÞá

     
     

    rend parfois dans les

    " ãæäáá ÊÇæã áÙáÇ ËíÍ

     

    mosquées où l'ombre est propice au sommeil. »

     

    100

    On m'a rapporté des paroles

    ÇåÊÑßÐ æá ÑßáÇ äã áÇæÞ íáÅ Êíãä ÏÞ

     

    d'une telle impiété que de les citer, je me sentirais aussi coupable que celui qui les a proférés.

    . ÇåáÆÇÞ ÈäÐ áËÇãí íÈäÐ äÈ ÊÑÚÔá

    113

    BIBILIOGRAPHIE

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    INDEX

    A

    accomplie 108, 109

    acte 16, 47, 72, 75, 77, 78, 79, 80, 87

    adverbiaux 61, 66, 68, 79, 95, 96, 97, 98

    analyse 11, 12, 71, 72, 84, 85, 87, 89, 98, 100, 104, 105, 108, 110, 114, 115

    arabe 1, 4, 7, 8, 11, 12, 13, 14, 54, 55, 56, 58, 59, 61,

    62, 63, 66, 70, 71, 77, 79, 80, 81, 87, 89, 91, 93, 94,

    95, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 105, 106, 107,

    108, 109, 111, 112, 113, 115, 117, 118, 119, 121, 122, 125, 126, 127, 128, 129, 143, 144, 145, 146

    aspect 9, 56, 57, 77, 87, 89, 102, 105, 106, 107, 108,

    109, 110,

    C

    communicatif 10

    communication

     
     

    10,

    14,

    15, 47,

    49, 75, 85, 88

    comparative

     
     
     
     
     
     

    11, 127

    compétence

     
     
     
     
     
     

    10

    contrastive

     
     
     
     

    8,

    11,

    13, 81, 98, 127

    convergences

     
     
     
     
     
     

    11, 127

    corpus . 12, 13, 89,

    90,

    91,

    92,

    93,

    95,

    99,

    104, 105, 107,

    114

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    D

     
     
     
     

    directe 6, 7, 13,

    17,

    18,

    27,

    28,

    29,

    30,

    31, 39, 41, 45,

    52, 54, 55, 58, 59, 60,

    70,

    79,

    89,

    91, 94, 101, 102,

    112

     
     
     
     

    divergences

    11,

    14,

    53,

    105, 111, 112, 113

    117

    -SEARL, J, R., 1969. Speech Acts: An Essay in the Philosophy of Language. Cambridge, England. Cambridge University press. 212 p. -SKUPIEN DEKENS, C., 2009, Traduire pour le peuple de dieu : La syntaxe française dans la traduction de la bible. Genève, Librairie Drol. 388 p.

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    lexique 76, 79, 88,

    linguiste

    linguistique . 2, 10, 11, 13, 27, 46, 47,

    82, 83, 84, 86, 87, 110, 113, 118 locuteur .... 14, 15, 16, 20, 34, 35, 37,

    71, 72, 79, 80, 109,

    103,

    113, 115,

    118

     
     
     
     

    13

    50,

    75,

    76,

    80,

    81,

    47,

    49,

    50,

    51,

    70,

    M

    modalité .... 8, 21, 48, 50, 54, 66, 71, 75, 76, 78, 80, 115, 114

    morphosyntaxique 13, 53

    mot 17, 19, 21, 28, 35, 37, 38, 61, 63, 65, 84,

    N

    nom 18, 20, 39, 40, 41, 52, 86, 117, 117, 118, 119

    P

    particules 24, 61, 70, 80

    partielle . 7, 13, 17, 20, 21, 27, 28, 29, 33, 37, 38, 43, 44,

    46, 48, 53, 54, 59, 60, 62, 79, 89, 90, 91, 92, 102,

    pédagogique 47,

    performance 10

    performatifs 72, 75, 80,

    point 6, 16, 17, 20, 28, 31, 34, 35, 36, 40, 42, 45, 53, 54, 55, 71, 79, 83, 94, 101, 106, 110, 104

    pragmatique9, 11, 13, 14, 16, 53, 73, 80, 98, 98, 98, 99, 100, 100, 100, 101, 101

    pronominaux 61, 66, 67, 79, 95, 96, 97, 98, 111
    pronoms .... 6, 7, 9, 11, 19, 24, 25, 40, 41, 53, 57, 62, 66,

    79, 86, 89, 95, 96, 97, 99, 104,

    Q

    qualité 21, 24, 74, 129

    question 7, 10, 14, 15, 16, 25, 27, 28, 31, 33, 34, 39, 46,

    47, 48, 49, 52, 53, 59, 60, 62, 68, 71, 73, 75, 83, 86,

    87, 89, 91, 92, 100, 101, 102, 102, 104, 104

    questionné 15, 49, 61, 104

    questionneur 15, 49

    S

    Samarcande .. 1, 8, 12, 17, 19, 20, 21, 32, 33, 34, 37, 38,

    71, 89, 89, 90, 90, 91, 91, 91,92, 94, 94, 95, 100

    sémantique 7, 8, 9, 11, 13, 14, 16, 46, 48, 53, 55, 71,

    73, 75, 76, 82, 84, 86, 87,88, 104

    sens 13, 14, 15, 16, 30, 46, 49, 50, 61, 64, 67, 82, 84,
    86, 87, 110, 112,

    solécisme 106,

    source 82, 84, 88, 89, 93, 95, 100, 101, 105, 107,

    structure10, 13, 14, 45, 54, 76, 77, 84, 87, 93, 102, 105, 112, 118, 118

    syntaxe 17, 20, 30, 46, 51, 84, 86, 87, 88, 106,

    syntaxique 8, 11, 76, 77, 87, 95, 102, 105, 111, 112,

    119, 119, 118

    118

    E

    énoncé 11, 17, 27, 28, 34, 36, 37, 38, 43, 44, 46, 48, 51,

    52, 53, 59, 67, 71, 72, 73, 74, 75, 77, 78, 79, 82, 95, 115,

    énonciation 16, 72, 79, 144, 145

    expression 36, 74, 79, 114, 115

    expressivité 78, 79

    F

    français ..1, 11, 13, 14, 16, 17, 27, 45, 50, 58, 77, 87, 88, 89, 93, 95, 96, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 105, 106, 107, 108, 109, 111, 112, 113, 114, 116, 118, 119,119

    française 8, 10, 12, 13, 20, 27, 30, 46, 51, 52, 54, 59, 66,

    79, 80, 81, 83, 84, 94, 95, 97, 98, 99, 100, 102, 103,

    106, 107, 111, 112, 113, 116, 116,

    G

    grammaire 17, 20, 48, 61, 62, 76, 89, 111, 112,

    I

    illocutoire 16, 46, 50, 53, 73, 74, 75, 76

    inaccompli 9, 56, 77, 102, 106, 107, 108, 110

    indirecte ..6, 7, 13, 16, 17, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 39, 41,

    45, 52, 54, 55, 56, 58, 59, 60, 63, 66, 70, 79, 89, 91, 92, 94, 102

    inférence 46, 50, 53, 73, 75, 80, 120, 123

    interférences 82, 105, 112, 128

    interrogatifs ... 6, 7, 8, 16, 29, 30, 39, 40, 41, 42, 53, 54,

    59, 61, 62, 63, 65, 66, 67, 68, 71, 72, 73, 75, 76, 77,

    78, 79, 89, 95, 96, 97, 98, 111

    interrogation .... 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 24, 25, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 58, 59, 60, 62, 63, 66, 70, 71, 77, 79, 81, 87, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95,?96, 97, 98, 99, 101, 102, 103, 106, 107, 109, 110, 111, 114, 115

    interrogative 6, 7, 14, 15, 16, 17, 27, 28, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 40, 41, 42, 43, 45, 46, 51, 53, 54, 55, 58, 60, 62, 63, 66, 67, 70, 72, 76, 77, 94, 95, 99, 101, 102, 112, 115

    intonation .. 6, 17, 18, 28, 34, 37, 38, 40, 44, 45, 46, 53, 54, 66, 72

    introducteurs .... 6, 7, 30, 39, 53, 66, 79, 95, 97, 98, 123 inversion... 17, 18, 22, 24, 25, 26, 28, 30, 31, 38, 44, 45,

    48, 50, 51, 89, 95, 96, 97, 98, 106, 111

    L

    langage 16, 30, 75, 76, 79, 87, 88,

    langagière 10

    langue . 4, 7, 8, 10, 12, 13, 14, 17, 30, 31, 32, 37, 39, 44, 52, 53, 54, 55, 56, 58, 59, 66, 71, 77, 79, 80, 82, 84, 85, 87, 88, 93, 94, 95, 97, 98, 100, 101, 102, 103, 105, 106, 107, 108, 111, 112, 113,

    lexical 9, 112, 114, 115,

    lexicologique 13

    119

    T

     
     

    U

     
     
     
     
     
     

    totale . 6, 7, 13, 17, 18, 19, 20, 27, 28, 29, 37, 42, 43, 44,

    46, 48, 53, 54, 59, 60, 62, 79, 87, 89, 90, 91, 92, 102, 104

    universaux

    8,

    V

    83,

    84,

    85,

    86,

    87,

    88

    traducteur 12, 14, 82, 85, 87, 93, 95, 98, 100, 101

     
     
     
     
     
     
     
     

    traduction8, 9, 10, 11, 12, 13, 81, 82, 83, 84, 85, 87, 88,

    verbe 5, 18, 19,

    20, 22, 23, 24,

    25,

    26,

    28,

    30,

    31,

    42,

    89, 93, 95, 100, 100, 104, 104

    traductive 11, 103

    traductologique 2, 103

    44, 45, 55, 56,

    110, 100, 100,

    57, 58, 60, 61, 71,

    101, 101, 103

    72, 75, 77, 78, 86,






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