La question technologique à la genèse du discours éthique de Hans Jonas. Une lecture du principe responsabilité( Télécharger le fichier original )par Bertin NKENGELE Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius de Kimwenza en RDC - Bachelier en philosophie 2013 |
2.4.6. 1.1.1. L'HOMME EN TANT QU'OBJET DE LA TECHNIQUENous allons ici évoquer quelques cas précis à travers lesquels nous pouvons bien percevoir que l'essence de l'agir humain s'est transformée. Nous parlerons successivement de la prolongation de la vie, de la manipulation génétique, de l'euthanasie et de la fécondation in vitro. Ces cas prouvent non seulement combien la nature de l'agir humain s'est transformée, mais également combien l'homme inventeur de la technique est devenu lui-même objet de la technique. Alors que celle-ci était jusque là envisagée « dans son application au domaine non humain »13(*). Avec la technologie, affirme Jonas, « l'homo faber applique son art à lui-même et s'apprête à inventer une nouvelle fabrication de l'inventeur et du fabricateur de tout le reste »14(*). 1.1.1.1. La prolongation de la vieLa mort était jadis considérée comme l'affaire de Dieu. Seul lui était considéré comme l'auteur de la vie et de la mort. Nul homme ne pouvait se prononcer sur sa mort, ne pouvait s'éterniser sur la terre, étant donné que la mort faisait partie et continue à faire partie des étapes de la vie. L'homme, à l'instar d'autres vivants, est appelé à naître, à croître et à mourir. Jonas affirme que « sa limite supérieure (celle de la mort bien entendue), les soixante-dix ans et dans le meilleur des cas `quatre-vingts' ne faisait pas l'objet d'un choix »15(*). En d'autres termes, l'homme de l'époque subissait la mort. La mort apparaissait, sans doute, comme un existential, c'est-à-dire une modalité de l'être, un caractère essentiel de l'homme. L'homme est un être dans les termes heideggériens voué à la mort, un être-toujours-et-déjà-en-vue-de-sa-mort. Cependant, avec l'avènement de la biomédecine, la biotechnologie, la technologie génétique, « la mort n'apparaît plus comme une nécessité faisant partie de la nature du vivant, mais comme un défaut organique évitable, susceptible au moins en principe de faire l'objet d'un traitement, et pouvant être longuement différé »16(*). En fait, l'homme moderne cherche, à tout prix, à éviter le vieillissement ou à vivre à perpétuité ce qui n'est pas toujours possible. De ce qui précède, trois conséquences éthiques dues à la prolongation de la vie peuvent être évoquées selon la perspective jonassienne : (i) le surpeuplement de la surface terre par un nombre pléthorique d'individus. (ii) la présence d'un monde composé des vieux, sans jeunes. Un monde constitué d'individus déjà connus, sans la surprise de ceux qui n'ont jamais existé. (iii) le manque d'innovations et de rénovation, étant donné qu'il n'y a pas d'hommes nouveaux capable de voir le monde autrement, avec des yeux nouveaux, capable de s'étonner et d'aider les adultes (vieux) à s'étonner.17(*) Pour Jonas, « la mortalité n'est que l'envers de la source permanente de `natalité' »18(*). Si on ne veut pas mourir, on doit ipso facto accepter de ne pas procréer. L'immunisation de l'homme contre la mort par la science peut paraître comme un cadeau qui « tourne au désavantage de l'homme »19(*). Ainsi donc, à ce sujet, la thèse de Jonas est : « simplement que rien que la perspective du cadeau soulève déjà des questions qui jamais auparavant n'étaient pas posées dans l'espace du choix pratique et qu'aucun principe de l'éthique d'autrefois, qui acceptait les constantes humaines comme allant de soi, n'est à la hauteur de leur discussion »20(*). L'éthique traditionnelle est devenue muette face à cette question. Puisque nous venons de parler de la prolongation de la vie comme refus de la mortalité, il s'avère aussi nécessaire de parler de l'euthanasie qui consiste à donner la mort douce à une personne vu sont état critique ou sa maladie c'est ce qui fera objet du point suivant. * 13 H., JONAS, Le Principe Responsabilité, p. 38. * 14 Ibid. * 15 Ibid., p. 39. * 16 Ibid. * 17 Ibid., p. 40. * 18 Ibid. * 19 Ibid. * 20 Ibid. |
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