Une approche socio-historique de la violence au XIXème siècle: le cas d'une conspiration à Lyon en 1817( Télécharger le fichier original )par Nicolas Boisson Université Pierre Mendès France Grenoble - Master recherche 2008 |
II-2.2 Un contexte pré-électoral d'affrontements entre constitutionnels et ultras
Comme nous l'avons déjà fort bien présenté, les députés ultras se sentaient menacés quant à l'avenir de leur influence à la Chambre introuvable, depuis la décision du roi de la dissoudre par l'ordonnance du 5 septembre 1816. Convaincu que cette décision nuit à ses intérêts, le parti ultra dans un sens renoue avec une certaine forme de terrorisme légal en usant de ces réseaux locaux pour déstabiliser le parti constitutionnel. Georges Ribe note avec justesse : « Désormais, la tactique des ultras s'appliquera à démontrer au Roi que la politique inaugurée le 5 septembre favorisait les espérances et les audaces du parti révolutionnaire ; que la poursuite d'une telle politique aboutirait au renversement des Bourbons. Se servant de leur influence locale, ils pouvaient agir, dans les départements, à leur guise et essayer d'amener le Roi à changer ses ministres, en grossissant des menées souvent réelles. »247(*). En effet, les ultras lyonnais exploitent systématiquement un climat politique local, où dominent les rumeurs de complots en tout genre et la peur économique liée à la crise des subsistances, pour attaquer le camp des constitutionnels. Cette stratégie est d'autant plus judicieuse qu'il faut noter qu'à cette époque, l'Etat central et à fortiori la Cour, ne croient pas à ces rumeurs de complots provinciaux. Pour preuve, ces documents consultés aux archives nationales, attestant presque d'un certain mépris de Paris pour les petites agitations politiques locales des ultras lyonnais. La conspiration est vue de Paris avant tout comme une rumeur, et ceci notamment au sein du ministère de la Police générale. Dans une réponse à une lettre de la préfecture du Rhône de mars 1817, le ministère parle de « bruits » de conspiration, mais n'y croit pas vraiment248(*). Cette assurance de la capitale de la tranquillité politique du Rhône est d'autant plus un atout pour les ultras lyonnais, qu'ils peuvent désormais compter sur un effet de surprise, et influencer leur roi dans leur sens, en réveillant chez lui la peur d'une révolution, et en provoquant donc le complot bonaparto-républicain du 8 juin. En exploitant savamment ce climat de peurs et de rumeurs, les ultras du Rhône peuvent mener leur bataille contre le camp des constitutionnels hors d'une Chambre des députés dont ils ne détiennent plus la majorité depuis son renouvellement en octobre 1816. Le nerf de la guerre des autorités ultras lyonnaises comme le général Canuel ou le maire, le comte de Fargues, sera donc la manipulation de l'opinion en réactivant la peur classique d'un complot visant à ramener l'Empereur et ses guerres, ou encore d'une nouvelle Terreur jacobine qui marqua tant les esprits et les mémoires des Lyonnais en 1793. Les ultras lyonnais sont d'autant plus portés vers ce type de stratégie secrète, que leurs influences diminuent à la Chambre, et qu'ils comprennent la réalité de l'affirmation politique des constitutionnels et de la percée des libéraux. De plus, le renouvellement annuel de la Chambre par cinquième plonge le pays dans l'affrontement électoral permanent, et les ultras, en juin 1817, à quelques mois des législatives cherchent à porter au grand jour le « scandale » ou « l'affaire », qui diminuera leurs adversaires constitutionnels. L' « affaire », ils iront donc dans le Rhône, jusqu'à la « faciliter » en infiltrant la conspiration bonapartiste du 8 juin, en provoquant son déroulement par la stratégie de la provocation militaro-policière dirigée par le général ultra, le comte de Canuel, avec la passivité complice du maire de Lyon, le comte de Fargues. Enfin, il demeure que le complot du 8 juin, manipulé par les ultras de Lyon et le faisant ainsi échapper à ses auteurs, devait dans tous les cas éclater dans un contexte de répression et de vexation de la part de la réaction royaliste à l'égard des opposants désignés au régime restauré : bonapartistes et jacobins. Cela nous mène donc à observer le troisième type de facteurs explicatifs historiques et politiques de ces troubles, auquel je souscris le plus volontiers, à savoir, celui des spécificités de l'histoire lyonnaise. * 247 Georges Ribe, op.cit, p.240. * 248 Voir la lettre confidentielle de la Préfecture du Rhône du 3 mars 1817. Archives nationales (Paris), carton coté F7 96 95. |
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