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Les rapports entre position sociale et position scolaire: étude sociologique à  partir du cas des volontaires de l'éducation à  Rufisque au Sénégal

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par Mamadou NGOM
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - D.E.A de sociologie 2004
  

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    SOMMAIRE

    DEDICACES REMERCIEMENTS

    SOMMAIRE : 1

    INTRODUCTION : 2

    Première Partie : Cadre général et méthodologique : 5-30

    Chapitre I : Cadre Général : 6

    I - Problématique : 6

    II - Objectifs : 10

    III- Hypothèses : 11

    IV - Modèle théorique : 12

    V - Cadre conceptuel : 15

    VI - Revue critique de la littérature : 17

    Chapitre II : 24

    I - Univers de l'étude : 24

    I-1 - Cadre de l'étude 24

    I-2 - La population cible : 25

    I-3 - Echantillonage : 25

    II - Les techniques d'investigation : 27

    II-1 - La Prè-enquête : 27

    II-2 - La recherche documentaire : 27

    II-3 - L'entretien semi directif : 28

    II-4 - Le questionnaire : 28

    II-5 : L'observation participante : 29

    III - L'Enquête proprement dite : 29

    III-1 - Déroulement de l'enquête : 29

    III-2 - Les difficultés rencontrées : 30

    Deuxième Partie : Historique du recrutement et de la formation

    des maîtres au Sénégal : 32-51
    Chapitre I : Recrutement et formation des maîtres du début

    du XXème siècle à l'érection des EFI 33

    I - Recrutement et Formation des maîtres avant 1960 : 33

    II - Recrutement et formation des maîtres après 1960 : 35

    Chapitre II - Recrutement, formation et plan de carrière

    des volontaires de l'éducation : 41

    I - Le projet des volontaires de l'éducation : 41

    I-1 - Montage institutionnel : 41

    I-2 - Gestion du projet : 42

    II - L'expérience d'autres pays en matière de volontariat : 44

    III - Recrutement, formation et plan de carrière de carrière

    des VE : 45

    III-1 - Recrutement des VE : 45

    III-2 - Formation des VE : 48

    III-3 - Plan de carrière des volontaires : 50

    III-4 - Rôle du PVE dans le PDEF : 51

    Troisième Partie : Présentation, Analyse et interprétation

    des données de l'enquête : 54-73

    Chapitre I : Identification des volontaires et motifs de leur

    engagement dans le volontariat de l'éducation : 55

    I - Identification des volontaires : 56

    I-1 - Age des VE : 56

    I-2 - Sexe et situation matrimoniale : 57

    I-3 - Statut socioprofessionnel des parents : 58

    I-4 - Niveau d'étude et diplômes obtenus : 60

    II - Motifs de l'engagement des diplômés dans le volontariat

    de l'éducation : 64
    Chapitre II : Conditions de travail et difficultés rencontrées

    dans l'exercice du métier : 69

    I - Situation et difficultés financières des VE : 69

    I-1 - Problèmes financiers des VE : 69

    I-2 - La mutuelle des VE : 72

    II - Problèmes pédagogiques des VE : 73

    CONCLUSION : 77

    BIBLIOGRAPHIE : 80

    ANNEXES : 83

    Introduction

    Le caractère général et persistant des inégalités sociales devant l'enseignement est l'un des faits les mieux établis de la sociologie de l'éducation. La problématique du rapport entre le niveau d'instruction et la position sociale semble être beaucoup plus discutée. S'il y a presque unanimité sur le fait « qu'il existe généralement une relation élevée entre le niveau d'instruction atteint par un individu et son statut social »1 ; l'on ne peut pas pour autant conclure que l'atteinte d'une position scolaire élevée implique directement l'accès à une position sociale élevée. D'autres facteurs comme l'origine sociale continuent «à peser au moment de l'entrée dans la vie active, dans le choix du premier emploi, voire dans la carrière ultérieure des diplômés»2 . Autrement dit, le niveau scolaire élevé est incapable, à lui seul, de permettre une ascension sociale qui est le produit d'une combinaison de plusieurs facteurs.

    Dans le cas précis des volontaires de l'éducation (VE), les faits semblent confirmer cette idée dans la mesure où l'on y rencontre des personnes dont le niveau académique élevé n'empêche pas qu'ils soient dans une catégorie socioprofessionnelle inférieure. .

    Les résultats d'une étude d'évaluation effectuée une année après le démarrage du projet révèle que 17 % des volontaires ont la maîtrise ou plus ; 18 % la Licence, 17 % le Duel II, 16,5 le Duel I, 27 % le Baccalauréat et seulement 4,5 % le BFEM ou équivalent ; alors que le niveau requis pour être volontaire est le BFEM.

    1 Boudon (R ) : L'inégalité des chances : La mobilité sociale dans les sociétés industrielles, Paris, A . COLIN, 1973, 237 p

    2 Gomis (S) : La relation Famille école au Sénégal : Le travail scolaire des enfants à Dakar, Paris,l'Harmattan, 2003,307pp.

    Par ailleurs, l'étude3 montre que 40 % des volontaires justifient leur entrée dans le corps par nécessité de trouver un emploi.

    Ces résultats troublants qui remettent en cause d'une certaine manière l'idée souvent admise selon laquelle le niveau d'instruction élevé est gage de réussite sociale nous incite à (nous) poser la question de savoir pourquoi l'affluence des diplômés (d'un niveau élevé) dans le volontariat de l'éducation ?

    Notre travail destiné à répondre à cette question s'articulera autour de trois parties essentielles :

    Première partie : Cadre général et méthodologique

    Deuxième partie : Il sera question dans cette partie de voir, le montage institutionnel du projet des volontaires de l'éducation (PVE), l'historique de la formation et du recrutement des maîtres au Sénégal, l'expérience d'autres pays en matière de volontariat, le recrutement et la formation des volontaires au niveau des contenus, de l'organisation, de la durée, des acteurs, des conditions et des résultats. Il y sera également question du statut, du plan de carrière des volontaires qui sont à Rufisque et du rapport entre le PVE et le PDEF(Programme Décennal de l'Education et de la Formation)

    Troisième partie : Elle sera consacrée à la présentation, à l'analyse et à l'interprétation des données de l'enquête.

    3 PVE. Rapport d'évaluation des modalités de mise en oeuvre du PVE, de son impact, de ses conséquences (version finale), Septembre 1996.

    PREMIERE PARTIE :

    CADRE GENERAL ET METHODOLOGIQUE

    CHAPITRE I : CADRE GENERAL :

    PROBLEMATIQUE :

    Si l'on en juge par l'intérêt que suscitent à l'heure actuelle les problèmes relatifs à l'enseignement, par la qualité et le nombre des ouvrages et articles concernant l'éducation, la fréquence des colloques et échanges de vues sous des formes diverses, il apparaît nettement que la formation de l'homme est l'une des préoccupations majeures de notre époque. Cette fièvre de recherche s'accompagne d'un certain nombre d'actions et de politiques qui ne sont en réalité que des tentatives de réponse à la crise de l'éducation qui secoue la plupart des pays en voie de développement. L'Etat sénégalais a ainsi consacré l'éducation comme la pierre angulaire de l'idéal partagé de construction du développement national ; des efforts considérables ont, depuis 1960, été faits dans le domaine de la scolarisation.

    Depuis l'accession à l'indépendance, les orientations de la politique éducative ont défini des taux de scolarisation à atteindre. Dans le premier plan quadriennal (1961-1964), l'objectif était de scolariser 50 % des enfants d'age scolaire dans une école primaire capable d'assurer la sélection d'éléments viables pour la construction d'une élite en même temps qu'une préparation à la vie dans le milieu urbain et rural.

    L'atteinte de la scolarisation universelle était envisagée entre 1990 et 1975 mais, à la fin du 3ème plan quadriennal le taux de scolarisation obtenu était de 41 %. Le gouvernement recule encore l'échéance de vingt ans.

    Le Sénégal a hérité d'une situation économique relativement bonne en 1960 et a profité de cet acquis avec un taux de croissance de 2,5 % en moyenne jusqu'en

    1971, année où la situation commence à se dégrader. En effet, de 1971 à 1986 le PIB a accusé sept années de croissance négative. C'est ainsi que démarra la politique de l'ajustement structurel. En 1979 sont prises les premières mesures de redressement avec un plan de stabilisation à court terme d'un an. Ensuite suivra le plan de redressement économique et financier (1980-1984) et le plan d'ajustement à moyen et long terme (1985-1992).

    Cette période d'ajustement s'est caractérisée par un taux brut de scolarisation (TBS) qui recule de façon considérable. Il est passé de 58 % à 54 % entre la période de 1990 et 1994, en dépit des efforts du gouvernement sénégalais en matière d'allocations budgétaires en faveur de l'éducation (33 % du budget, on annonce 40% pour l'année 2004/2005).

    L'éducation élémentaire se caractérise ainsi par :

    - Une disparité entre les villes et les campagnes qui reste significative : le PBS est de 80 % en 1996 en zone urbaine contre seulement 38,5 % en zone rurale.

    - Une disparité entre sexe : un écart de 14 points sépare la scolarisation des garçons et celle des filles.

    - Un nombre d'élèves par enseignant qui croît très rapidement alors que la proportion de maîtres qualifiés diminue ;

    - Deux taux de redoublement et d'abandon scolaire qui progressent : le taux national de redoublement est de 13,4% 4(toutes classes confondues) ; et sur 88 élèves de l'enseignement élémentaire, seuls 15 accèdent à l'enseignement moyen à l'issue duquel il ne reste plus que 06 élèves dont un seul obtiendra le baccalauréat ;

    - L'introduction des classes multigrades et à doubles flux qui, bien qu'améliorent l'accès à l'école, ne reste pas moins un compromis du point de vue de la qualité de l'enseignement.

    4 Il est à noter que ce nombre ne reflète pas vraiment la réalité car c'est l'Etat qui fixe le quota des élèves qui redoublent. Il y'a alors une grande proportion qui passe sans avoir la moyenne.

    Cette tendance à la baisse du TBS est d'autant plus préoccupante qu'elle intervient au moment où le Sénégal, après les engagements pris à l'occasion de la conférence de Jomtien de 1990 s'est fixé des objectifs en rapport avec les réalités et possibilités nationales : atteindre un TBS de 65 % en 1998 et 75 % en 2000 grâce à l'appui du PDRH2 (Projet de Développement des Ressources Humaines) qui prévoyait la construction et l'équipement de 3 500 nouvelles salles de classe.

    En outre, des efforts considérables ont été réalisés par les parents d'élèves, les collectivités locales et les ONG (Organisation Non Gouvernementale), qui construisent en moyenne 700 à 800 salles de classe par an5.

    Cependant, face au coût de revient élevé du maître par rapport aux moyens de l'Etat, le recrutement d'enseignants en nombre suffisant pose un sérieux problème car la construction de salles de classe devrait s'accompagner d'un recrutement de maîtres.

    Alors, pour faire face à cette situation, le gouvernement du Sénégal a fait de la réduction du coût du maître, un impératif économique pour juguler le déficit. C'est ainsi qu'il a mis en place un certain nombre de mesures et de stratégies comme :

    - La fermeture des Ecoles Normales Régionales (qui avaient une durée de formation de quatre ans).

    - L'érection des Ecoles de Formations d'instituteurs (EFI) avec cycle de formation court d'un an.

    - L' « opération ailes de dinde » : opération de recrutement direct en 1990 de 400 enseignants de niveau BFEM.

    5 ECO AFRIQUE : Etude sur les stratégies de mise en place d'un statut pereme pour les volontaires de l'éducation nationale, Décembre 1997 (Tous les chiffres sus mentionnés sont tirés de ce document)

    - Et enfin des flux de recrutement d'instituteurs avec la règle des 80 % d'instituteurs adjoints (qui ont un coût inférieur à celui des instituteurs) pour 20 % d'instituteurs.

    C'est dans cette logique de la réduction du coût de l'enseignant à l'élémentaire que l'Etat du Sénégal eut recours au Projet des volontaires de l'éducation. En effet, le projet entendait mobiliser et faire participer activement le potentiel de jeunes diplômés à l'oeuvre de l'éducation pour tous6.

    Les volontaires de l'éducation bénéficient d'une bourse de 60 000 F CFA par mois (c'était 50 000 F au début). Le projet a démarré en 1995 et en 2004 nous en sommes à la dixième génération. Seulement ce système des volontaires n'a pas existé sans faire du bruit. La presse en parle tout le temps, de même que les parents d'élèves qui estiment souvent que cela ne fait qu'accentuer la dégradation déjà poussée du système éducatif national car les volontaires ne sont pas bien formés. Ces derniers de leur côté revendiquent de meilleures conditions comme l'augmentation de leur bourse (car ils n'ont pas de salaire), leur paiement à temps, une insertion dans la fonction publique etc. Les pouvoirs publics en ce qui les concerne multiplient les actions en leur faveur (élaboration d'un plan de carrière, possibilité d'un recrutement dans la fonction publique quand on a rempli certaines conditions, augmentation de la bourse etc....). En 2003, il y'a eu à Rufisque une école qui n'a enregistré aucune réussite à l'examen de l'entrée en sixième et d'aucuns ont eu à accuser le recours aux volontaires qui pour eux améliore certes l'accès à l'école pour la population scolarisable mais en même temps a un rôle très négatif sur la qualité des enseignements au niveau du département de Rufisque qui est l'un des départements de la région de Dakar où l'on compte le plus de volontaires de l'éducation.

    6 Le Sénégal s'est fixé un objectif de la scolarisation universelle en 2015

    Cette situation nous incite à un certain nombre d'interrogation à savoir :

    - Qui sont les volontaires de l'éducation nationale à Rufisque ? Quelle est leur trajectoire ?

    - Comment se fait-il que le niveau de formation élevé ne se traduise pas par une position sociale élevée chez certains volontaires ?

    - Quels sont les principaux problèmes auxquels sont confrontés dans l'exercice de leur métier ?

    Telle est la problématique autour de laquelle vont tourner nos investigations.

    Objectif :

    Toute recherche demande que les objectifs soient au préalable clairement définis afin de bien la mener.

    Dans le cadre de notre étude, l'objectif principal est de comprendre pourquoi certaines personnes qui ont atteint un certain niveau académique (Baccalauréat, Maîtrise) se font recruter dans le projet des volontaires alors que le niveau requis pour être volontaires n'est que le BFEM (Brevet de Fin d'Etude Moyenne).

    Cette situation nous a paru paradoxale car en principe, une position scolaire élevée devrait permettre d'occuper une position sociale élevée. Il nous a semblé alors nécessaire d'y consacrer une recherche plus approfondie.

    La réalisation de cet objectif général passe nécessairement par l'atteinte des objectifs spécifiques suivants :

    - Identifier les volontaires de l'éducation et déterminer leurs trajectoires

    - Analyser les facteurs de leur engagement dans le volontariat surtout pour ce qui ont un niveau qui pourrait leur permettre d'être dans une catégorie socioprofessionnelle plus élevée.

    - Identifier les problèmes auxquels ils sont confrontés dans l'exercice de leur métier et dans la vie d'une manière générale.

    Hypothèses :

    Nous rappelons que l'hypothèse est une réponse anticipée, une explication plausible d'un phénomène, provisoirement admise et destinée à être soumise au contrôle méthodique de l'expérience. Elle peut être confirmée ou infirmée par les résultats issus du terrain. Ainsi pour nous :

    Hypothèse principale

    - L'affluence des diplômés dans le volontariat de l'éducation pourrait trouver son explication dans leur origine familiale donc dans une sorte d'héritage social qui déterminerait leurs stratégies face à l'école et au marché de l'emploi ; ou encore dans la saturation de ce dernier. C'est juste pour avoir de l'argent et financer d'autres projets qu'ils sont volontaires. Ils vont quitter l'enseignement à la première occasion. Ce n'est qu'une stratégie de survie.

    Hypothèses secondaires

    - Les volontaires sont souvent des diplômés de l'enseignement supérieur issus de familles pauvres.

    - Leur principal problème est d'ordre financier ; les autres étant directement ou indirectement liés à celui-ci (logement, frais de déplacement, soutien familial etc.).

    Le modèle théorique :

    Notre problématique principale étant de comprendre pourquoi dans le cas précis des VE, l'obtention d'une position scolaire élevée n'a pas permis d'accéder à une position sociale élevée, il nous a semblé plus indiqué d'inscrire notre recherche dans la mouvance de l'individualisme méthodologique de Raymond Boudon qui repose sur deux axiomes fondamentaux :

    - L'affirmation selon laquelle on ne peut expliquer les phénomènes sociaux qu'à la condition de partir des individus, de leurs motivations et de leurs actions. Le sociologue doit d'abord étudier les actions individuelles qui constituent l'élément de base du social puis montrer comment ces actions ont interféré pour donner naissance à un phénomène social.

    - L'établissement du fait que les individus sont rationnels. Cette rationalité a un sens beaucoup plus large chez Boudon que celui que lui conférait Max Weber (1864-1920). Il estime, en effet, qu'une action est rationnelle pour peu qu'elle soit orientée par un intérêt, une valeur ou même la tradition. L'action d'un individu est rationnelle nous dit-il, si « celui-ci a de bonnes raisons d'agir ». La rationalité signifie, en termes précis, chez Boudon que, les individus adoptent des stratégies en fonction de l'environnement économique, institutionnel, historique etc. Mais en aucun cas, cet environnement ne peut déterminer une action qui reste la conséquence d'un choix individuel. Ainsi, un élève issu d'un milieu défavorisé

    peut en tirer avantage aussi bien pour faire des études courtes que pour faire des études longues afin de bénéficier d'une mobilité sociale ascendante.

    Dès lors, tout phénomène social se constitue par agrégation (par sommation) des comportements individuels. Ainsi Boudon parle d'« effets émergents »pour désigner le phénomène social résultant de l'agrégation des comportements individuels. Bien souvent ces effets émergents sont des « effets pervers », ce qui signifie qu'ils ne correspondent pas aux intentions originelles des individus. L'exemple donné par Boudon lui-même concerne la dévalorisation des diplômes : alors qu'il est rationnel pour chaque étudiant de chercher à obtenir le diplôme le plus élevé afin d'accéder à un emploi qualifié et bien rémunéré, l'adoption de cette stratégie par des dizaines de milliers d'étudiants aboutit, quand l'offre d'emplois n'augmente pas avec la même vitesse, à une dévalorisation des diplômes.

    C'est dans cette logique que, pour expliquer la répartition des positions sociales, Boudon distingue distribution sociale et distribution scolaire :

    - D'une part les structures sociales ne peuvent être modifiées par le système scolaire. Elles sont déterminées par des contraintes structurelles (économiques et technologiques). Autrement dit, l'école n'agit pas sur la viscosité sociale.

    - D'autre part, il y a une diversité des parcours scolaires et des inégalités de résultats. La réussite scolaire, en fonction de l'origine familiale s'explique par une succession de choix rationnels des familles compte tenu de leur position dans l'espace social.

    Les individus, en fonction de ressources économiques et culturelles, apprécient différemment les risques et les coûts de l'investissement scolaire. Par exemple, dans les milieux populaires les gains attendus de la poursuite des études sont faibles et les potentialités d'échec sont fortes (réciproquement pour les classes aisées).

    La réduction des inégalités scolaires ne s'accompagne pas toujours d'une réduction des inégalités sociales7.

    En 1963, C.A. Anderson8 étudie le rapport entre le diplôme relatif et le statut social relatif du père par rapport au fils. Un fils ayant un diplôme plus élevé que son père devrait avoir un statut social plus élevé ; or il n'en est pas toujours ainsi : c'est ce qu'on appelle le « paradoxe d'Anderson ». Dans L'inégalité des chances, Boudon, reprenant cette analyse, souligne que le nombre de positions scolaires augmente beaucoup plus rapidement que le nombre de positions sociales élevées ; ce qui entraîne mécaniquement une dévalorisation objective des diplômes scolaires sur le marché de l'emploi. Cette analyse de Boudon nous semble pertinente dans notre recherche qui s'intéresse à l'explication de l'affluence des diplômés dans le volontariat de l'éducation nationale. En effet, cette analyse de Boudon nous porte à croire que c'est parce qu'il y a plus de diplômes élevés que de positions sociales élevées qu'il y'ait des diplômés qui soient dans une position sociale inférieure. Mais le problème reste entier car pourquoi à diplômes égaux un individu A accède à une position sociale élevée et un individu B, une position inférieure ? Il y a lieu de considérer d'autres facteurs.

    En outre, si l'individu rationnel échappe au déterminisme culturel (contrairement à la théorie de l'habitus de Pierre Bourdieu), il n'échappe pas pour autant souvent au déterminisme économique. L'étudiant issu d'un milieu modeste, par exemple, qui « choisit » de faire des études courtes faute de moyens financiers a une conduite largement déterminée par un contexte économique sur lequel il n'a pas de prise. Ce déterminisme économique reconnu par Boudon reste pertinent pour notre étude car l'engagement des volontaires n'est pas une action totalement indéterminée, résultant exclusivement des stratégies individuelles des acteurs, les

    7 Boudon ® : Inégalité des chances ; Paris, A. COLIN, 1979

    8 Anderson (C.A) : cité par Boudon : Op.cit

    volontaires ont donc une conduite rationnelle mais d'une « rationalité limitée ». L'individu rationnel de Boudou est, en principe, indéterminé mais rencontre sur sa route de telles contraintes que sa marge de manoeuvre est des plus réduites. Après tout, écrit Boudon, déclarer que la famille qui refuse de pousser un enfant vers des diplômes élevés est victime des mécanismes qu'elle a intériorisés par l'effet de son environnement « n'est qu'une manière polie de traiter ces acteurs d'imbéciles9 »

    Cadre conceptuel :

    Nous avons, dans ce travail, eu recours à quelques concepts et notions dont il convient de définir de façon opérationnelle. En effet nous avons eu à utiliser les concepts de mobilité sociale, de position sociale, de position scolaire, la notion de volontaire de l'éducation etc.

    Mobilité sociale :

    Elle désigne, selon P.A Sorokin10 qui institutionnalise le terme en 1927, le passage d'un individu (mobilité individuelle) ou d'un groupe d'individus (mobilité collective) d'un groupe social à un autre. On distingue plusieurs formes de mobilité :

    - La mobilité intergénérationnelle (ou mobilité biographique) qui désigne la mobilité au cours d'une vie pour les individus d'une génération donnée.

    - La mobilité intergénérationnelle désigne le changement de statut social des individus de la génération des enfants par rapport aux individus de la génération des parents. C'est justement cette acception que nous utilisons dans le cadre de ce travail. Ainsi, les volontaires qui occupent un statut social supérieur à celui de leurs pères ou mères ont connu une mobilité sociale ascendante ; ceux qui ont un statut social inférieur, une mobilité sociale descendante et l'absence de mobilité (même statut social que les parents) traduit le phénomène de la « viscosité sociale ». Ce dernier semble résulter de ce que l'on appelle l'hérédité sociale (les

    9 Raymond Boudon : La logique du social, Paris, Hachette, 1983

    10 Sorokin (P.A) : cité par Boudon : L'inégalité des chances, op.cit

    individus héritent de la position sociale de leurs parents quel que soit le niveau scolaire qu'ils ont atteint).

    Par ailleurs, nous avons entre autres formes de mobilités, la mobilité géographique (ou spatiale), la mobilité professionnelle (changement de situation professionnelle) etc.

    La position sociale :

    C'est le statut social occupé par un individu à un moment donné de sa vie. La répartition des positions sociales s'est faite à l'aide de la classification des catégories socioprofessionnelles (CSP) du Sénégal.

    La position scolaire :

    Nous entendons par position scolaire le niveau académique ou le diplôme obtenu par les individus considérés. C'est en effet à partir du diplôme le plus élevé obtenu par un individu que nous déterminons sa position scolaire. Boudon a eu à distinguer distribution scolaire et distribution sociale et note que le système scolaire est incapable à modifier la structure sociale.

    Le volontariat de l'éducation

    Il désigne une politique qui vise, face au déficit lancinant en maîtres, à recruter chaque année 1200 diplômés (le chiffre est en train d'être revu à la hausse- 3000 VE en 2004/2005). Le volontaire bénéficie d'une bourse mensuelle de 60 000 FCFA (soit moins de la moitié du salaire d'un instituteur adjoint).

    Avec le chômage endémique, le PVE a rencontré un grand succès (pour la première génération, on a 28 candidats pour un poste à pourvoir.

    Le contrat d'engagement était de deux ans renouvelable une seule fois. Mais la question de l'après volontariat se posait avec acuité aussi bien pour les volontaires que pour le gouvernement sénégalais. Remercier les volontaires par cohorte de

    1200 entraîne un besoin équivalent en maîtres qu'il faudrait nécessairement combler pour éviter la fermeture des classes ; et le volontaire considère légitime de réclamer son intégration dans la fonction publique après quatre années de sacrifice. C'est ainsi que l'Etat a adopté des stratégies de mise en place d'un statut pérenne pour les volontaires de l'éducation. Nous allons y revenir dans la deuxième partie de ce travail.

    Revue critique de la littérature :

    Le mouvement et la position des individus dans le système des catégories socioprofessionnelles a fait l'objet de beaucoup de théories explicatives qui peuvent être regroupées en deux grandes catégories : les théories naturalisant la différenciation sociale et celles de l'hérédité sociale, du déterminisme social.

    Pour les premières, nous pouvons citer F- Galton (1821-1911) et sa théorie de l'eugénisme 11qui tente de démontrer à partir de données statistiques, l'hérédité du « génie » et la nécessité d'une politique eugénique visant à encourager la fécondité des « élites » de la société. Convaincu du caractère héréditaire des aptitudes sociales, Galton en conclut que les « grands hommes » naissent dans la famille des « grands hommes ».

    Nous ne saurons partager ce point de vue dans la mesure où l'histoire montre qu'il existe d'éminents personnages qui ont une origine très modeste et inversement des membres de l'élite de la société ont vu leurs descendants occuper une position sociale très basse. Si les aptitudes à réussir socialement relevaient du biologique, il n'aurait aucune chance pour un fils d'ouvrier de devenir cadre supérieur par exemple ; ce qui n'est pas toujours le cas.

    11 Galton (F) : citer par Montoussé (M) et Renouar (G) : 100 Fiches pour comprendre la sociologie, BREAL, 1997, 234 p.

    Cette conception a eu une influence considérable, notamment à travers l'oeuvre d'A. Carrel (1873-1944) intitulé : L'homme cet inconnu12. Il y synthétise la conception de Galton en notant la nécessité d'une politique favorisant les mécanismes sociaux accentuant la sélection : « nous savons que la sélection naturelle n'a pas joué son rôle depuis longtemps. (...) nous devons chercher, parmi les enfants, ceux qui possèdent de hautes potentialités. (...). Et donner ainsi à la Nation une aristocratie non héréditaire. (...). Pour la perpétuation d'une élite, l'eugénisme est indispensable. L'établissement par l'eugénisme d'une aristocratie biologique héréditaire serait une étape importante vers la solution des grands problèmes de l'heure présente ».Nous croyons que cette théorie est sociologiquement insoutenable car des anthropologues comme Claude LéviStrauss13 ont solidement démontré que les aptitudes sociales et culturelles sont de l'ordre de l'acquisition. L'on ne peut soutenir de façon rigoureuse qu'une personne est par exemple ouvrier parce que dans sa constitution biologique il existe quelque chose qui le prédispose à l'être et qui lui a été transmis génétiquement par ses parents. L'explication de la position sociale des individus est à chercher ailleurs que dans le biologique.

    Toujours dans les théories naturalisant la différenciation sociale, nous pouvons noter la théorie des élites de V. Pareto (1848-1923) pour qui toute société est divisée en deux groupes : les dirigeants (formant l'élite) et les dirigés. Il définit l'élite comme les membres « supérieurs » de la société c'est-à-dire ceux qui ont des qualités éminentes apportant pouvoir et prestige. Il y a une élite au sein de chaque type d'activité. On distingue par exemple au sein de l'élite politique celle non gouvernementale et celle gouvernementale.

    12 Carrel (A) : L'homme cet inconnu, Paris. Plon, 1935, 356 p

    13 Lévi-Strauss (C) : Race et Histoire,

    Les membres de cette dernière assurent leur pérennité dans les instances dirigeantes à l'aide de deux qualités contraires mais complémentaires : la coercition et le consentement. Ainsi, gouverner exige deux qualités contradictoires : il faut à la fois être souple (c'est-à-dire rusé) et avoir l'art de la persuasion ; de plus il faut être capable d'utiliser la force, la violence pour supprimer toute velléité de contestation. Ces qualités vont correspondre aux deux types psychologiques opposés à savoir les «renards » et les « lions ». Selon Pareto, on trouve rarement ces deux vertus politiques chez les mêmes personnes14.

    Cependant, il développe l'idée selon laquelle il existe une « circulation des élites » (remplacement de l'ancienne élite par la nouvelle). La hiérarchie a, pour lui, un fondement naturel, mais celle-ci ne se fait pas obligatoirement par transmission génétique, car le fait d'y appartenir pour les héritiers peut avoir un effet émollient (les fils n'ont pas forcement les qualités de leurs pères). Ainsi, cette supériorité innée n'implique pas une hiérarchie invariable car il y a « circulation des élites ».

    Enfin, Mosca (G) (1848-1941) comme Pareto, a une approche dichotomique de la société ; celle-ci étant séparée en deux classes : dirigeants et dirigés. Les premiers vont monopoliser le pouvoir et profiter des avantages induits avec des méthodes soit légalistes, soit arbitraires. En plus de la coercition et de la manipulation, l'élite va se servir de l'idéologie pour légitimer sa domination. Ainsi, religion et nationalisme sont des vecteurs permettant de structurer la société dans un sens voulu par les élites.

    En revanche, si certains développent des théories naturalisant la position sociale des individus, d'autres par contre, expliquent la position des uns et des autres par l'hérédité sociale (ou le déterminisme social).

    14 Paréto (V) : cité par Busino (G) Elites et élitisme, Paris, PUF, 1992

    Pour K. Marx (1818-1883), la mobilité sociale apparaît comme un instrument de pérennité de la classe bourgeoise : « plus la classe dominante est capable d'intégrer les hommes éminents des classes dominées, plus durable et dangereuse sera sa domination »15.Ainsi, pour lui, même si on a des diplômes élevés on doit préférer se maintenir dans sa position sociale d'origine. En tout cas nous ne croyons pas que ce soit le cas pour les volontaires qui semblent être plutôt victimes de leur origine sociale modeste.

    P.A.Sorokin (1889-1968)16 met l'accent sur les mécanismes autorégulateurs de la société. Ces derniers reposent sur l'action d'instances d'orientation (« sélection agencies ») dont la nature varie avec l'époque et la société dans laquelle elles sont à l'oeuvre. Celles-ci vont réguler le passage d'une position sociale à une autre. Ainsi, pour Sorokin, dans les sociétés industrielles modernes, le double mouvement des idées démocratiques d'une part (entraînant l'égalité formelle des citoyens), et des mutations industrielles d'autres part (entraînant la différenciation des positions sociales), fait que se développe une société méritocratique de classes. Dans celle-ci les instances d'orientation sont représentées principalement par la famille et l'école. Nous voyons donc là un rapport entre la position scolaire et la position sociale qui sera déterminée par l'environnement personnel de l'individu concerné (caractéristiques physiques et intellectuelles, conjoncture, condition de départ) et de la force des « agences d'orientation ».On a bien chez Sorokin une théorie fonctionnaliste de la mobilité sociale qui s'oppose à l'interprétation marxiste. Pour lui, en effet, la mobilité sociale est nécessaire au bon fonctionnement de la société.

    D'autres auteurs comme, D.Betraux, C.Baudelot, R.Establet et P.Bourdieu mettent l'accent sur la reproduction de la structure sociale.

    15 Marx (K) : cité par Beitone (A) et Al : Sciences sociales, Paris, Dalloz, 2002

    16 Sorokin (P.A) : cité par Boudon : op.cit

    Pour D. Bertaux17, il n'existe pas de mobilité sociale, c'est l'hérédité sociale qui est la règle. Ce qui est important, c'est la façon dont le système capitaliste produit à la fois la structure des « places sociales » et des individus conformes à ces dernières. La reproduction sociale est l'unique facteur de la distribution sociale. C'est la reproduction nécessaire des structures et non le choix des individus qui détermine les positions sociales auxquels ils accèdent : « il faut penser `le choix du métier ` comme choix par le métier (ce sont les métiers qui nous choisissent). (...) Selon cette perspective, l'unité d'analyse n'est plus « l'individu » mais la position dans structure particulière ». Nous pouvons dire à la lumière de ce point de vue de Bertaux que les VE n'ont pas choisi le volontariat, mais ont plutôt été choisis par lui. Autrement dit, c'est parce qu'ils n'ont pas le choix qu'ils sont dans le volontariat.

    C.Baudelot et R.Establet, dans L'école capitaliste en France18, notent d'une part le fait que les diplômes (ENA, polytechnique) donnant accès aux postes de dirigeant restent sociologiquement très fermés et d'autre part que la croissance exponentielle des diplômes intermédiaires pour l'encadrement répond à une nécessité du système capitaliste.

    Pour P. Bourdieu19, l'école transforme les inégalités sociales en inégalités scolaires. Elle a donc pour lui, une fonction de sélection sociale. Celle-ci est neutralisée par l'école à travers une domination symbolique et légitimer par l'idéologie méritocratique républicaine.

    Toujours dans le rapport position scolaire/position sociale R. Boudon avance l'idée selon laquelle les structures sociales ne peuvent être modifiées par le système scolaire. Elles sont plutôt déterminées par des contraintes structurelles

    17 Bertaux (D) : Destins personnels et structure de classe, PUF, 1977

    18 Baudelot (C) et Establet (R) : L'école capitaliste en France,

    19 Bourdieu (P) et Passeron (JC) : La reproduction, Ed. Minuit, 1970

    (économique et technologique). Pour lui, les positions scolaires élevées augmentent beaucoup plus rapidement que les positions sociales élevées ; ce qui entraîne mécaniquement une saturation du marché de l'emploi, donc une difficulté réelle des diplômés d'avoir une insertion socioprofessionnelle équivalente à leurs diplômes ainsi dévalorisés.

    Pour ce qui est du phénomène spécifique du volontaire de l'éducation ; il n'a pas fait l'objet de beaucoup d'écrits. En effet, les seuls documents que nous avons pu trouver sont principalement :

    - Le « rapport d'évaluation des modalités de mise en oeuvre du PVE, de son impact, de ses conséquences » (1996), étude financée par la Banque Mondiale et qui était juste destinée à recueillir, sur le terrain, des données quantitatives et qualitatives, après un an d'exécution du projet. Ces données devraient servir pour une prise de décision, une rectification et une amélioration des performances de celui-ci ; et aussi pour engager la bataille d'opinion contre les détracteurs du projet.

    - L'étude effectuée par le Cabinet ECO AFRIQUE et dont le rapport est intitulé : « Etude sur les stratégies de mise en place d'un statut pérenne pour les volontaires de l'éducation nationale », Décembre 1997. Cette étude propose les stratégies de pérennisation du recrutement des volontaires.

    -La communication de Monsieur Makhtar SOW, directeur adjoint du PVE lors de l'atelier de LOME du 28 au 30 juin 1999 intitulée : « Financement de l'éducation : Exemple des volontaires du Sénégal ». Il y expose les problèmes qui ont conduit à la création du PVE, la nature de l'intervention, ses objectifs, ses réalisations, les performances des volontaires dans les examens professionnels (CAP, CEAP), etc.

    Seulement, il est à noter que la plupart de ces études ne montrent pas trop les faiblesses du projet des VE, ils cherchent pour la plupart à gagner la bataille d'opinion engagée contre les détracteurs du projet, à convaincre les bailleurs de fond etc. Ce qui compromet la recherche du point de vue de son objectivité.

    Par ailleurs, certains brochures et dépliants distribués par le PVE et la presse nationale aussi bien orale qu'écrite nous ont été d'un très grand apport.

    CHAPITRE II : CADRE METHODOLOGIQUE

    La méthodologie est la marche rationnelle de l'esprit vers la vérité, un ensemble organisé de démarches intellectuelles permettant de bien mener un travail quelconque de recherche.

    Compte tenu de la nature de notre objet d'étude qui porte sur la relation entre niveau d'instruction et insertion socioprofessionnelle, nous avons porté notre choix sur les deux méthodes classiques de la sociologie à savoir la méthode qualitative et celle quantitative.

    I - UNIVERS DE L'ETUDE

    I-1-Le cadre de l'étude

    Le choix de Rufisque comme cadre d'étude n'est pas le fruit d'un hasard. En effet, Rufisque fait partie des départements de Dakar où l'on compte le plus de volontaires du fait du nombre important de villages qui en fait partie. De plus, il y a eu, l'année dernière à Rufisque, une école dont nous tairons le nom, qui n'a eu aucune réussite à l'examen de l'entrée en sixième et d'aucuns ont eu à accuser les volontaires de l'éducation. C'est ainsi que le département de Rufisque nous a semblé être un cadre bien indiqué pour notre recherche d'autant plus que l'EFI de Dakar y est installée et des volontaires y sont formés.

    Le département de Rufisque est subdivisé en deux IDEN (inspection départementale de l'éducation nationale) : Rufisque I et Rufisque II. C'est cette dernière qui a plus servi de cadre pour notre étude car Rufisque I ne recrute pas de

    volontaires ; les quelques VE qui s'y trouve lui viennent directement du ministère (la liste sécuritaire, nous allons y revenir).

    L'IDEN de Rufisque II par contre, évalue chaque année ses besoins en maîtres et procède au test de recrutement au niveau local. C'est ce qui explique la présence massive de VE.

    I- 2 - La population cible

    C'est la catégorie de personnes auprès desquelles s'est effectué le recueil des données. En effet nous avons eu à cibler :

    - le directeur du PEV (Projet des Volontaires de l'Education)

    - Les inspecteurs départementaux de l'éducation nationale de Rufisque. - Les directeurs d'école de Rufisque

    - Les responsables syndicaux du SELS (Syndicat des Enseignants Libres du Sénégal)

    - Les volontaires, les maîtres contractuels et les enseignants insérés dans la fonction publique qui sont passés par le volontariat.

    - Les nouveaux volontaires qui sont stagiaires à l'EFI de Rufisque.

    Telles sont les personnes auprès desquelles nous avons effectué nos enquêtes.

    I- 3 - Echantillonnage

    « L'échantillon est le sous-ensemble des personnes tirées dans la population de référence et qui roule à base d'information »20. Nous avons utilisé aussi bien la méthode probabiliste que celle non probabiliste. En effet, pour les stagiaires nous avons utilisé l'échantillonnage par quota (qui est une technique non probabiliste) et

    20 Grawitz (M) : Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, 1990,1140p

    celui du hasard simple pour les autres catégories de notre population cible. Sa taille est de : voir tableau.

    Population interrogée

    Effectif

    Volontaire de l'éducation

    20

    Stagiaire de l'EFI

    45

    Directeur d'école

    05

    Inspecteur de l'éducation

    04

    Responsable syndical

    03

    Directeur du projet

    01

    Directeur adjt du projet

    01

    Total

    79

    NB : Il est à noter que les directeurs d'écoles, inspecteurs, responsables syndicaux, le directeur du projet et le directeur adjoint du projet ont été interrogés dans cadre des entretiens. Seul les VE et les volontaires stagiaires ont fait l'objet d'enquêtes par questionnaires.

    En outre, en dehors des enquêtes formelles, nous avons eu à discuter de façon informelle avec plusieurs personnes censées détenir des informations pouvant nous aider à mieux comprendre la problématique des volontaires de l'éducation.

    A l'EFI de Rufisque, nous avons eu à recueillir beaucoup d'informations auprès des formateurs qui sont tous des inspecteurs de l'éducation.

    II - LES TECHNIQUES D'INVESTIGATION

    Ce sont les procédés opératoires par lesquels se fait le recueil des données. Dans le cadre de notre étude nous avons eu recours à plusieurs procédés :

    - la pré - enquête

    - la recherche documentaire ;

    - l'entretien semi - directif ;

    - le questionnaire ;

    - l'observation - participante.

    II-1-La pré-enquête

    Avant d'entreprendre notre recherche documentaire, nous nous sommes appliqué à observer directement (sans support, c'est-à-dire, sans questionnaire ni guide d'entretien) tout ce qui avait trait au volontariat de l'éducation.

    Nous avons, en effet, effectué des enquêtes exploratoires en nous entretenant avec des personnes ressources (Inspecteurs de l'éducation, directeurs d'écoles, enseignants, syndicalistes etc..) Pour avoir une idée plus ou moins précise sur la question.

    II- 2 - La recherche documentaire

    Ayant ainsi eu une idée sur le phénomène, nous avons fait le tour de certains bibliothèques et centres de documentation pour avoir des informations sur le thème. En effet, à la bibliothèque de l'université, au niveau du ministère de l'éducation, à la direction du projet des volontaires de l'éducation, à l'IA (Inspection d'académie) de Dakar, à l'EFI de Rufisque, au centre de documentation du DPS (Direction de la Prévision et des Statistiques), nous avons

    pu trouver des documents sur le sujet. Cependant, les écrits portant sur les volontaires ne sont pas très nombreux (CF revue de la littérature).

    Les quotidiens de la ville de Dakar ont également été une précieuse source de documentation. C'est à partir de ces recherches que nous avons pu élaborer nos questionnaires et guides d'entretien et formuler nos hypothèses de travail.

    II-3 - L'entretien semi -directif

    Nous avons effectué des entretiens à l'aide d'un guide (voir annexe) avec des directeurs d'écoles, des inspecteurs de l'éducation, des responsables syndicaux, le directeur du projet et le directeur adjoint ; entretiens qui nous ont permis de mieux comprendre le phénomène que nous étudions.(Pour les détails : voir annexes)

    II-4 - Le questionnaire

    Il s'est adressé principalement aux volontaires qui sont dans les classes et aux volontaires stagiaires qui sont en formation à l'EFI. Il comprend 04 grandes rubriques :

    I -Identification ;

    II - Niveau d'étude et diplômes obtenus ;

    III -Motifs de l'engagement dans le volontariat ;

    IV -Condition de travail et difficultés rencontrées

    Pour les détails sur le questionnaire : (voir Annexe).

    II-5 - L'observation participante :

    Elle nous a permis d'aller au delà des discours et des écrits portants sur les volontaires et qui sont souvent empreints de subjectivisme. En effet, nous sommes allé à l'EFI de Rufisque en tant que stagiaire et avons eu à suivre les cours, à participer aux activités du foyer socioéducatif et culturel, à échanger avec les volontaires-stagiaires etc. Ce qui nous a permis de connaître un peu la réalité sur le recrutement, la formation (durée effective, contenu, condition) et sur les conditions d'exercice du métier. Ce qui est souvent dit officiellement à propos du recrutement, de la formation et du traitement des volontaires n'est pas toujours ce qui se passe réellement sur le terrain ; et c'est justement cette observation participante qui nous a permis d'aller au-delà de ce qui est apparent et découvrir la réalité cachée pour une raison ou une autre. Les inspecteurs formateurs ont eu à discuter avec nous sur tous ce sur quoi nous avons eu à les interroger sans aucune méfiance.

    II - L'ENQUETE PROPREMENT DITE

    II-1- Déroulement de l'enquête

    Après avoir élaboré nos outils d'enquête (questionnaire, guide d'entretien), nous avons effectué un pré -test. Cinq questionnaires ont, en effet, été administrés à des volontaires et 03 entretiens effectués pour tester la fiabilité de nos outils. Ce travail préalable nous a permis de reformuler certains questions et thèmes et d'en éliminer d'autres.

    Il nous a, par ailleurs, préparé à l'enquête proprement dite en nous donnant une idée du terrain, de ses exigences et de sa nature.

    Pour l'administration des questionnaires, nous avons utilisé la méthode du dépôt compte tenu du fait que notre population est instruite. Nous avons, ainsi, profiter des stages pratiques des stagiaires de l'EFI de Rufisque pour la distribution des questionnaires. Ils étaient disséminés dans toutes les écoles des deux IDEN - Inspection Département de l'Education Nationale) pour effectuer des stages. Nous avons, alors, donné à chacun d'eux quelques exemplaires de questionnaire pour qu'ils les remettent aux volontaires et Maîtres contractuels trouvés sur place. Une note introductive a accompagné chaque questionnaire précisant l'objet de l'enquête. A la fin de leur stage, ils sont revenus à l'EFI avec les questionnaires déjà remplis. Ce stage « à responsabilité entière » s'est effectué du 07 au 25 juin 2004.

    Pour ce qui est des entretiens, c'est nous même qui les avons effectué entre la date du 14 Mai 2004 et le 12 Août 2004.

    Nous avons enregistré les entrevues à l'aide d'un magnétophone et avons fini toutes les enquêtes de terrain le 12 Août 2004. Nous n'avons cependant pas manqué de rencontrer quelques difficultés.

    II-2 - Les difficultés rencontrées

    Nous étions confrontés au cours de notre recherche à des obstacles d'ordre humain, matériel ou financier.

    Nous avions décidé de faire nos enquêtes pendant les vacances pour des raisons d'emploi du temps mais cela s'est avéré impossible car pendant cette période il nous serait impossible de trouver les volontaires. C'est pourquoi nous avons profité de l'année scolaire pour faire toutes les enquêtes de terrain.

    Concernant les obstacles humains nous pouvons citer la méfiance de certains acteurs qui doutent de l'utilisation ultérieure des réponses recueillies. C'est ainsi qu'ils ont tout bonnement refusé de répondre à certaines questions, ou donné des réponses dont nous avons découvert la fausseté par la suite.

    L'autre difficulté a été liée au fait que nous étions obligé de faire nos enquêtes avant que les volontaires ne partent en vacance. Cependant le coup de main des stagiaires de l'EFI nous a permis de surmonter cette difficulté.

    Pour ce qui est des obstacles d'ordre financier et matériel ; ils sont liés aux problèmes de transport, de saisie, de photocopie des documents etc.Tout cela a été quelque peu onéreux par rapport aux revenus dont nous disposons.

    DEUXIEME PARTIE :

    HISTORIQUE DU RECRUTEMENT ET DE LA

    FORMATION DES MAITRES AU SENEGAL

    CHAPITRE I : RECRUTEMENT ET FORMATION

    DES MAITRES DU DEBUT DU XXème SIECLE A

    L'ERECTION DES E F I :

    Depuis l'implantation de la première école française à Saint-Louis en 1816 par un instituteur-missionnaire du nom de Jean Dard, le recrutement et la formation des maîtres n'ont pas cessé de subir des bouleversements. Ainsi de 1817 à 1903, la question du recrutement et de la formation ne s'est posée qu'en terme de formation académique. Après cette période c'est l'ère des cours normaux (jusqu'en 1960). D'autres changements sont également intervenus après l'accession du pays à l'indépendance.

    I- RECRUTEMENT ET FORMATION DES MAITRES AVANT 1960 :

    L'enseignement mutuel qui servit au premier instituteur sénégalais (Jean Dard), privilégiait largement la formation académique pour la démultiplication de l'enseignement. Jean Dard, nous dit Joseph Gaucher, devait estimer d'abord les capacités de ses moniteurs et après seulement les former moralement à leur future fonction et « les dresser à la gymnastique de l'enseignement mutuel »21, un processus mis en place en deux journées au plus..

    Avec la disparition définitive de l'école mutuelle et la relève assurée par les FRERES PLOERMEL, la question de la formation reste inchangée. L'idée selon laquelle la chose pédagogique pouvait se suffire d'une assez bonne instruction demeure ; le reste s'acquiert par une longue expérience pratique. Cette restriction ne résolvait pas pour autant les problèmes : le mode d'enseignement simultané (les FRERES PLOERMEL faisaient exécuter en même temps le même travail à un

    21 Gaucher (J) : Les débuts de l'enseignement en Afrique francophone. Jean Dard et l'école mutuelle de Saint-Louis Sénégal.

    groupe d'élèves) requerrait un personnel important auquel la communauté religieuse sur laquelle reposait désormais tout l'enseignement élémentaire ne se dérobait pas. Mais, si la régularité et le dévouement des FRERES ne souffraient pas de critique, il n'en était pas de même de leur niveau de connaissance. Il avait été mis en question en conseil privé lors de la discussion des programmes pour l'arrêté du 03 Janvier 1838. Le débat sur le niveau de compétence souvent décevant avait d'ailleurs un caractère plus global. Il se retrouvait dans tous les services. L'administration locale accusait l'administration centrale de se débarrasser de ses pires éléments dans la colonie alors qu'il fallait plus de qualité que dans la métropole.

    Ce débat de formation sera sans solution jusqu'à la création en 1884 de l'école secondaire dans laquelle le directeur des FRERES PLOERMEL percevait le couronnement d'un édifice bien structuré qui lui servira d'école normale : « Nous pouvons donc travailler ici bien tranquillement sans être inquiétés au sujet des titres universitaires autres que le brevet supérieur et même moins...Notre école bien constituée servira d'école normale à nos frères des écoles primaires et nous pouvons préparer les sujets sur place pourvu que vous nous donniez les sujets nécessaires pour bien consolider l'oeuvre en ces débuts »22.

    Cette institution, à sa fermeture avait formé déjà 18 instituteurs et il y en aurait bien davantage si cette formation éminemment utile avait été rémunérée comme d'autres moins pénibles.

    Dans cette situation, l'insuffisance du personnel demeure malgré le besoin urgent d'enseignement justifié tant du point de vue économique qu'idéologique. Au risque de voir l'instruction publique se limiter dans les villes, une nouvelle réforme s'imposait.

    22 Le livre africain 198p

    + L'école normale de Saint-Louis

    C'est la première école de formation de maîtres au Sénégal. Créée en1903, elle dépendait dans un premier temps du gouverneur général et était fusionnée à l'école des fils de chefs.

    + Les cours normaux des moniteurs

    Ils recrutaient sur concours des élèves âgés de 13 ans au moins et 17 ans au plus parmi les titulaires du Certificat d'Etudes Primaires. Le C.N ne comportait qu'une seule promotion. Le recrutement avait lieu tous les trois ans. Les deux premières années étaient consacrées à l'enseignement général et la troisième et dernière à la formation professionnelle.

    + Les cours normaux des instituteurs adjoints :

    Ils recrutaient sur concours des élèves titulaires du C.E.P.E. et âgés de 14 à15 ans. La formation débouchait sur le Brevet élémentaire (B.E) suivi d'une formation professionnelle à l'issue de laquelle était délivré le certificat de fin d'étude des cours normaux, mention : instituteur adjoint (I.A).

    Ce sont là les grands axes de la formation des maîtres avant 1960.

    II- RECRUTEMENT ET FORMATION DES MAITRES APRES 1960 :

    Avec l'accession du Sénégal à l'indépendance, naît la nécessité de réorienter le système éducatif vers de nouveaux besoins de développement et aux objectifs de la conférence d'Addis Abéba (Ethiopie du 15 au 25 Mai1961).

    Cours normaux d'instituteurs adjoints, Ecoles Normales, Centres Régionaux de formation professionnelle (C.R.F.P.) et Cycles de formation accélérée constitueront pour l'essentiel les structures de formation des maîtres de l'école élémentaire.

    + Les Cours Normaux et C.R.F.P. :

    A la place des cours normaux des moniteurs, sont érigés les cours normaux (C.N.) fonctionnant comme des établissements secondaires. L'année de formation étant supprimée, les jeunes titulaires du B.E.P.C. passaient le concours de l'Ecole normale William Ponty (ENWP) ou l'Ecole Normal des jeunes filles de Rufisque tandis que les autres entraient dans les C.R.F.P, structures accueillant des titulaires du B.E.P.C pour la formation en un an d'instituteurs et d'instituteurs adjoints.

    + Les écoles normales (E.N.) :

    Il en existait deux :

    -L'ENWP transférée de Sébikhotane à Thiès en 1963 et qui plus tard abritera et donnera sa dénomination d'une part aux institutions de formation des jeunes filles installées à Rufisque à savoir l'E.N. des jeunes filles et d'autre part le cours normal de Thiès.

    -L'école normale des jeunes filles de Rufisque transférée en 1966 à Thiès. Elle recrutait sur concours des élèves titulaires du B.E.P.C. Les élèves postulant au Baccalauréat des séries A, D et C, les structures fonctionnaient comme dans les seconds cycles des lycées. Les bacheliers étaient subdivisés en trois catégories : la première était orientée à l'université, la seconde à l'E.N.S (école normale

    supérieure) pour la formation de professeurs de collège, la troisième catégorie directement dans les classes sans formation professionnelle préalable.

    + Les cycles de formation rapide

    En 1962 /1963, des stages accélérés s'organisaient pendant les grandes vacances pour pallier le déficit en personnel enseignant. Des maîtres de niveau très faible seront ainsi mis dans les classes. Certains auront tout juste le niveau du C.M.2.

    En 1968, arrêt du recrutement dans les cours normaux dont les dernières promotions terminaient leur cursus en 1972.

    En cette année, suite aux bouleversements de1968, le système éducatif post indépendance connaissait pour la première fois une réforme en profondeur qui, dans le domaine de la formation des maîtres, se concrétisait par la création d'écoles normales de type nouveau. En effet, en 1972, les ENWP de Thiès, l'E.N pilote de Mbour étaient réformée. A la place de nouvelles structures formaient des instituteurs ordinaires en quatre (04) ans. Les E.N étaient au nombre de cinq (05) :

    -L'E.N.R William Ponty de Thiès;

    -L'E.N.R DE Bambey;

    -L'E.N.R de Saint-Louis ;

    -L'E.N.R DE Mbour ;

    -L'E.N.R Germaine Legoff pour les institutrices à Thiès.

    La formation était sanctionnée par le B.S.E.N dont la note de services n° 621/MEN/SG/DEP du 23/01/1976 attestait le niveau supérieur au Baccalauréat : « La scolarité, les programmes et les méthodes d'enseignement sont de nature à

    leur (élèves maîtres) donner un niveau de formation générale nettement supérieur au Baccalauréat et une formation professionnelle qui s'appuie sur une connaissance réelle du milieu, connaissance qu'animent le désir et l'aptitude à promouvoir celui-ci ».23

    En 1983, l'E.N.R.W.P de Thiès fusionnait avec l' Ecole régionale de Mbour pour s'installer à Kolda sous la dénomination de E.N.R de Kolda. Le Sénégal possédait ainsi six institutions de formation des instituteurs :

    - l'E.N.R Germaine Legoff de Thiès ;

    - l'E.N.R de Bambey ;

    - l'E.N.R de Saint-Louis ;

    - l'E.N.R William Ponty de Kolda ;

    - le CFPS de Thiès ;

    - le CFPP de Dakar ;

    Les écoles normales régionales recrutaient des titulaires du BEPC ou DFEM, âgés de 18 à 20 ans. Le CFPS et le CFPP recrutaient, eux des jeunes titulaires respectivement du Baccalauréat ou du DFEM pour une année de formation professionnelle. A côté de ces structures, des réformes successives se sont intéressées à la formation des maîtres.

    + L'Opération « Ailes de dindes » :

    En 1990, 400 enseignants ont été recrutés au niveau du BFEM et formés en un mois par l'INEADE et la DEPEE à Thiès.

    23 P.V.E : Rapport d'évaluation des modalités de mise en oeuvre du P.V.E, de son impact de ses conséquences.op. cit.

    Les modalités de recrutement ainsi que la répartition des quotas n'ont pas été clairement spécifiées.

    Le document utilisé pour leur formation initiale a été amélioré et a servi de module standard pour la formation des volontaires de l'éducation (V.E). L'appellation « ailes de dindes » a un caractère péjoratif et fait allusion à l'importation massive à l'époque de carcasses de dindes venant d'Europe et bon marché, de véhicule d'occasion par la suite.

    + Le recrutement des élèves maîtres des E.F.I :

    En 1994, les Ecoles Normales ont cédé la place aux Ecoles de formation des instituteurs (E.F.I). Elles étaient au nombre de quatre (04) :

    -l'E.F.I de kolda ;

    -l'E.F.I de Louga ;

    -l'E.F.I de Saint-louis ;

    -l'E.FI de Thiès.

    Le recrutement se faisait en deux niveaux de concours :

    · Le niveau I ou BFEM :

    Il concerne tout sénégalais et /sénégalaise âgé d'au plus 30ans et titulaire au moins du BFEM ou équivalent.

    Pour cette catégorie, les disciplines ciblées pour servir de base de test étaient : la dissertation, la dictée, l'explication de texte, les Sciences Naturelles, l'Histoire ou la Géographie (pour ces trois dernières, le candidat opérait un choix).

    · Le niveau II ou Bac

    Au même titre que le niveau précédent, pouvait faire acte de candidature, tout sénégalais âgé de 30 ans au plus mais cette fois titulaire du Bac. Pour les

    disciplines, base des épreuves, c'étaient la dissertation, l'explication de texte, les Mathématiques, les Sciences Naturelles, l'Histoire ou la Géographie.

    Les épreuves étaient tirées du niveau de la Terminale (programmes en vigueur).

    La formation dans les EFI ne dépassait pas 5 mois et comprenait deux volets : une formation théorique et une formation pratique sous forme de stage dans les écoles. Les EFI sont actuellement relayées par le projet des volontaires de l'éducation.

    CHAPITRE II : RECRUTEMENT, FORMATION

    ET PLAN DE CARRIERE DES VOLONTAIRES DE

    L'EDUCATION

    INTRODUCTION

    Par souci de démocratiser l'accès à l'éducation, le gouvernement sénégalais a lancé en Juillet 1995 le projet des volontaires de l'éducation (PVE).Grâce à ce projet, 1200 jeunes diplômés de l'enseignement secondaire et supérieur ont été recrutés pour aller enseigner dans les zones les plus défavorisées en matière d'éducation et souvent très démunies. C'est ainsi qu'il sera question dans ce chapitre de voir le montage institutionnel du projet, l'expérience d'autres pays en matière de volontariat, de recrutement, la formation et le plan de carrière des VE.

    I - LE PROJET DES VOLONTAIRES DE L'EDUCATION :

    I-1-Le montage institutionnel du projet :

    Les V.E sont régis par les dispositions de l'arrêté ministériel n° 0005558/MEN/MDCEBLN du 15 Juin 1995 portant création du projet des volontaires de l'éducation et fixant les conditions de sélection de formation et de prise en charge des V.E dans le secteur formel de l'éducation de base24.

    Il indique également les obligations du V.E, la durée du projet estimée à quatre (04) ans avec une période d'extinction de quatre (04) ans, la composition et les missions du comité de pilotage.

    24 Internet : www. Google.fr

    En complément de cet arrêté, des notes techniques à l'attention du ministre rendent compte :

    -Du lancement du projet dont le déclic a été amorcé avec l'information des syndicats ; leurs réactions ont mobilisé la presse écrite et parlée. « Cette situation parait avoir désorienté la direction du projet qui s'est focalisée sur ces derniers au détriment des autres acteurs au plan national et local ».

    -Des sources de financement provenant :

    · De partenaires au développement pour assurer le démarrage.

    · du budget de l'Etat pour la prise en charge des bourses des V.E. -Des perspectives de pérennisation du projet à travers :

    · l'engagement de l'Etat à recruter les meilleurs V.E dans la fonction publique après les quatre ans sur la base d'un quota qui restait à déterminer.

    · la mutuelle des V.E ( nous allons y revenir dans la troisième partie).

    · la régionalisation qui présente des opportunités relatives à aux attributions des collectivités locales liées au secteur de l'éducation.

    · Le décret 96-346 du 08Mai 1996 autorisant les V.E à se présenter au C.E.A.P (pour les titulaires du B.F.E.M) et au C.A.P (pour les titulaires du bac) dans une perspective de faire carrière dans l'enseignement.

    I-2-Gestion du projet des V.E

    Pour plus de flexibilité dans la gestion, le projet bénéficie d'une autonomie au niveau financier et administratif. Il est ainsi géré au niveau central par une direction composée comme suit :

    -un directeur ;

    -un directeur adjoint ; -un gestionnaire ;

    -un secrétariat ;

    -un personnel de soutien

    Au niveau décentralisé, les I.D.E.N gèrent le projet. Elles assurent : -le recrutement, la formation initiale et continue des V.E.

    -l'affectation ;

    -l'organisation de la signature de l'engagement des V.E à servir le pays. - les formalités administratives pour le paiement des V.E au niveau local.

    Par ailleurs, le projet dispose de son propre local, d'outils informatiques et de partenaires au développement qui ont accepté d'apporter leur appui ponctuel en mettant à sa disposition des moyens financiers et matériels conséquents :

    -l'agence Canadienne pour le Développement International (ACDI) a assuré le financement du lancement du projet (sensibilisation) et du recrutement de la première génération pour un montant de 11 073 800 FCFA.

    -UNICEF : Financement de la formation et de l'élaboration des documents de la formation : 82 552 800 FCFA.

    -mission Française de coopération et d'action culturelle : paiement des bourses de formation des V.E de la première génération : 180 000 000FCFA. - banque Mondiale : Financement de la première étude d'évaluation du PVE (Septembre 1996) : 9 715 500FCFA.

    II- L'EXPERIENCE D'AUTRES PAYS EN MATIERE DE VOLONTARIAT :25

    C'est en 1963 que le président des Etats-Unis, J.F KENEDY lançait le mouvement du corps de la paix pour jeter un pont entre l'Amérique et plus particulièrement les anciennes colonies d'Afrique. Un an après soit le 19 Janvier 1964, treize (13) volontaires du progrès ouvraient au Tchad la voie de l'action de l'Association française des volontaires du Progrès de la paix (AFVP) en Afrique noire.

    Ainsi, de 1963 à1968, l'AFVP permettait à plus de 5 000 jeunes Français de réaliser leur « désir de solidarité avec les peuples africains ».

    Les volontaires japonais suivront. Ce sont chaque année, 1 000 jeunes professionnels de 20 à 39 ans, qui partent pour deux ans. L'un des slogans utilisés pour le recrutement est le suivant : «Voulez-vous transpirer pour les pays en voie de développement ? ». Ils sont ainsi, 2 500 volontaires en 1992 dans les pays du Tiers Monde ; mais ils sont surtout nombreux au Sénégal et au Maroc.

    L'intervention de ces différents mouvements de volontaires est en rapport avec cette notion capitale de la solidarité entre les peuples, entre les hommes, entre les cultures.

    Dans la sous région, principalement au Mali et Burkina Faso, depuis quelques années, des voies nouvelles similaires sont ouvertes pour trouver des solutions alternatives au déficit en personnel.

    25Extrait de « Le volontaire de l'éducation », document réalisé par la direction du P.V.E

    Le gouvernement malien recrute des vacataires dans le secteur de l'éducation. Ceux-ci signent un contrat d'un an renouvelable avec l'Etat.

    Au Burkina Faso le recours aux volontaires remonte aux années 80. L'Etat recrutait entre 400 et 800 agents dans le cadre du Service national de Développement (SND). Le taux de scolarisation est ainsi passé de 16,5% en1983 à 31% en 1993 soit une augmentation de prés de 90% en neuf ans.

    En 1996, ils sont 1100 jeunes burkinabés recrutés chaque année qui, ensemble avec les enseignants, luttent pour assurer l'éducation au plus grand nombre.

    Ces expériences furent des exemples pour le PVE DU Sénégal.

    III- LE RECRUTEMENT, LA FORMATION ET LE PLAN DE CARRIERE DES V.E :

    II-1- Le recrutement des V.E :

    Le recrutement des V.E s'effectue aussi bien au niveau local qu'au niveau central. En effet au niveau central des candidats sont recrutés au niveau de la direction du projet qui organise un test de recrutement composé d'une dissertation et d'un entretien de confirmation avec un jury après admissibilité. Peut ainsi faire acte de candidature tout sénégalais ou sénégalaise âgé de 30 ans au plus et titulaire du BFEM ou tout diplôme admis en équivalence. C'est la liste de ces candidats que l'on appelle « liste sécuritaire » car elle permet de pourvoir aux postes qui seraient vacants dans des IDEN qui ne recrutent pas. Ces VE de la liste sécuritaire sont souvent affectés dans des zones reculées du pays.

    Au niveau local, sur la base des besoins exprimés par chaque IDEN à partir des prévisions et projections de la carte scolaire, les volontaires recrutées (1200 les années passées et 3000 en 2004/2005) sont répartis en quotas. Les dossiers de candidature sont ainsi ouverts dans les IDEN attributaires de quotas.

    Toutes les opérations liées au recrutement se font au niveau de la circonscription scolaire (dossier de candidature, constitution du jury, choix des sujets, correction et proclamation des résultats). Cela a le double mérite de promouvoir les originaires des localités retenues et d'éviter les coûts de l'organisation d'un concours de recrutement centralisé. Les VE recrutés dans une circonscription sont gérés par l'IDEN et ne peuvent être affectés d'un département à un autre.

    En cas de manquement grave d'un VE, l'inspecteur départemental peut le démettre et convoquer un jury pour procéder à son remplacement

    Il est cependant à noter que si officiellement le recrutement devrait se faire comme indiqué plus haut, l'observation sur le terrain nous montre que la réalité est parfois toute autre. Le recrutement de gré à gré y est quelque chose de très courant. Le cas de N.S ? 25ans, stagiaire à l'EFI de Rufisque nous semble en être une parfaite illustration. Voici son discours : « ...J'ai eu mon bac en 1999 et ai été orientée au département d'histoire. En 2000 j'ai été victime d'un accident de la circulation qui m'a poussée à arrêter les études ; et depuis je suis restée sans rien faire. C'est ainsi que mon père qui est médecin m'a proposée de faire le volontariat, ce que j'ai refusé au début. Mais c'est lui-même qui a fait des démarches pour mon recrutement. Je n'ai fait aucun concours ou test, mon père m'a trouvée à la maison pour me demander d'aller remplir les formalités d'inscription à l'EFI. J'ai même refusé au début, c'est pourquoi je suis venue très en retard. Je ne compte pas du tout faire carrière dans l'enseignement ...»

    Nous voyons à travers ce discours que le test de recrutement n'est pas un passage obligé pour être VE. Il suffit d'avoir ce que les acteurs eux même appellent « le bras long ». Et puis NS n'est pas la seule à être dans cette situation à l'EFI.

    Lors de nos visites d'observation à l'EFI de Rufisque, nous avons eu à constater de nouvelles venues de stagiaires jusqu'au courant du mois de Mai alors que le recrutement se fait normalement en octobre ; Et quand nous avons interrogé le directeur de l'EFI sur leur provenance, il nous a répondu qu'ils provenaient de la liste d'attente. Cela ne nous a pas convaincu car une augmentation des effectifs a été constatée alors que la liste d'attente ne fait que remplacer les démissionnaires. Quand nous lui avons reposé la question une autre fois, il a évoqué la permutation avec des stagiaires d'autres EFI (même chose que pour la liste d'attente, la permutation n'a pas d'effet sur les effectifs). Quand au mois de Mai de nouveaux recrus étaient venus, ce sont les stagiaires eux-mêmes qui se sont posé des questions ; et le directeur de répondre avec un ton ironique : « Ce sont les amis d'Abdoulaye Wade26 ». Nous pensons que ces propos peuvent se passer de commentaires.

    Par ailleurs, nos investigations nous révèlent que l'effectif initial de l'EFI, toutes classes confondues (elle comptait 04 classes) était de 175 stagiaires et l'effectif au mois de Mai de 263 stagiaires soit une augmentation de 88 stagiaires de provenance douteuse. La plupart de ces derniers nous ont clairement signifié qu'ils n'ont pas fait de concours.

    Ces faits constituent un compromis du point de vue de la crédibilité du recrutement des VE car il y a parmi ces personnes des VE qui n'ont que le BFEM et qui ont arrêté les études depuis plus de 10 ans. Il y a même des VE menuisiers,

    26 Président de la République du Sénégal

    commerçants etc. qui comptent allier cette activité avec l'exercice du métier d'enseignant.

    C'est d'ailleurs ces considérations qui expliquent la recommandation du Rapport Général du séminaire d'évaluation des conclusions des Etats Généraux de l'Education et de la Formation (EGEF) selon laquelle il fallait « Démocratiser et crédibiliser » le recrutement des vacataires et volontaires de l'éducation27.

    Après le recrutement suit la formation initiale et continue des VE.

    II-2-Formation des volontaires de l'éducation :

    La formation des VE se déroule en six mois (du mois de Janvier au mois de Juin). Elle s'effectue en deux phases : une formation initiale qui alterne cours théoriques et pratique de classes avec l'assistance de maîtres d'application expérimentés ; et une formation continue avec l'encadrement du corps de contrôle et du directeur d'écoles.

    Nos investigations à l'EFI nous ont permis d'avoir des informations plus amples sur la formation initiale des VE au niveau des contenus, de l'organisation, de la durée effective, des acteurs, des conditions et des résultats.

    Du point de vue des contenus, la formation initiale des VE comprend des cours théoriques et trois stages pratiques :

    -un stage d'imprégnation qui s'effectue dès le début de la formation. Ainsi les VE sont envoyés dans des « écoles d'application » pour observer pendant deux semaines des leçons effectuées par des maîtres expérimentés. Ils prennent ainsi le

    27 DPRE : Rapport Général des conclusions des EGEF, Dakar, les 17, 18 et19 Novembre 2003

    film des leçons observées et font des discussions d'évaluation avec le maître à la fin du cours. A l'issue des quinze jours de stage, chaque VE rédige un rapport à rendre.

    - Un autre stage au mois de mars donne quelques responsabilités au VE qui effectue des leçons sous la supervision du maître. Sa durée est également de deux semaines.

    -Le troisième et dernier stage dit « à responsabilité entière » rend le VE maître de sa classe. Le maître se contente d'observer sans intervenir en notant les erreurs éventuelles qu'il montrera au VE lors des discutions d'évaluation qui ont lieu à la fin de la journée.

    Les cours théoriques quant à eux concernent la didactique du Français à l'élémentaire, celles des mathématiques, de l'éveil, la psychologie de l'enfant, la déontologie, les activités du préscolaire, la pédagogie générale, l'informatique etc.28.

    Par ailleurs l'EFI est dotée d'outils informatiques, d'une machine photocopieuse neuve, de salles de classe en nombre suffisant, d'une direction, d'une direction des études, d'un secrétariat ; bref l'on peut dire que le cadre est adéquat pour la formation.

    Seulement il est à noter qu'il existe un écart entre la durée de formation proclamée et celle effective (démarrage tardif des cours. Pas de rigueur dans la surveillance, etc.). M.B, 28 ans, stagiaire à l'EFI de dire : « Je ne viens qu'une seule fois par semaine et c'est juste pour avoir des nouvelles de l'EFI. Je n'ai pas le temps, je travaille dans des chantiers, car je suis père de famille [...] On fait

    28 Pour plus de détails, voir l'emploi du temps dune des classes de l'EFI en Annexes.

    rarement l'appel ici, et même si on le fait, mes amis répondront présent pour moi ». Ces propos illustrent bien l'absence, sinon le manque de surveillance.

    La formation initiale est sanctionnée par une attestation de stage qui leur est délivrée à la fin de la formation (au mois de juin). Il est à préciser qu'il n'y a d'examen et que les devoirs ne sont pas notés.

    II- 3 -Plan de carrière des volontaires de l'éducation :

    Il a été défini lors de « la concertation nationale sur le devenir du volontaire de l'éducation »29 organisée du 04 au 06 Février 1998. Cette concertation a réuni l'ensemble des acteurs et partenaires de l'école : autorités administratives et académiques, parents d'élèves, enseignants à la retraite, volontaires de l'éducation, collectivités locales, syndicats d'enseignants, partenaires au développement et les ministères concernés.

    A l'issu des travaux, un consensus s'est réalisé pour la création d'un nouveau corps devant accueillir les volontaires à la fin de leur volontariat. C'est celui des maîtres contractuels (M.C). Dans ce nouveau corps, les anciens V.E perçoivent un salaire (et non plus une bourse) et peuvent faire carrière dans l'enseignement (11 catégories). Ils peuvent avancer tous les deux ans et atteindre le plafond après 22 ans de service.

    A partir de ce corps, les M.C, titulaires de diplômes professionnels (CEAP ou CAP) peuvent être recrutés dans la fonction publique.

    C'est ainsi qu'un plan de carrière a été mis en place et comprend 3 paliers : + Volontariat ;

    + Contractualisation ;

    + Titularisation dans la fonction publique.

    29 Sow (Makhtar), directeur adjoint du projet.

    Le volontariat devient ainsi le passage obligé pour entrer dans l'enseignement élémentaire.

    Depuis l'année 2003, 600 M.C sont titularisés chaque année dans la fonction publique et la durée de volontariat est réduite à 03 ans en Octobre 2002 et à 02 ans en octobre 2004.

    Il est à noter par ailleurs que l'on ne peut pas parler du PVE sans évoquer le P.D.E.F (Programme Décennal de l'Education et de la Formation) dont il contribue à la réalisation.

    II-4 - Rôle du PVE dans le PDEF :

    Une scolarisation universelle de qualité est devenue une urgence en raison de l'ignorance de plus en plus grandissante et de ses corollaires : la pauvreté, la malnutrition, l'insécurité, les maladies, les guerres... ces diverses calamités menacent le devenir de l'Afrique et du monde entier. C'est ainsi que, parmi les six objectifs définis par le Forum mondial « Education pour tous » de Dakar 2000, il a été retenu de « faire en sorte que, d'ici à 2015, tous les enfants, en particulier les filles, les enfants en difficulté et, ceux qui appartiennent à des minorités ethniques aient la possibilité d'accéder à un enseignement primaire obligatoire et gratuit de qualité et de le suivre jusqu'à son terme ».30

    Au Sénégal, le P.D.E.F est à la fois un cadre et un outil pour la réalisation des objectifs d'éducation pour tous dans la période de 2000 à 2010.

    « Le PDEF est avant tout sur une approche programme reposant sur une gestion de l'éducation dans sa globalité tout en tenant compte de la spécificité de chacune de ses composantes [...] A travers cette approche, le PDEF s'oriente

    30 Revue Pédagogique : ADEF / Afrique, N° 1, Mai 2004

    essentiellement vers l'amélioration de l'accès, de la qualité et de la gestion de l'éducation et de la formation dans une perspective de scolarisation universelle de 2000 à 2010 ». C'est surtout, en ce qui concerne la composante « accès » que la contribution du Projet des Volontaires de l'éducation a été la plus significative. En effet, en terme d'accès, les résultats attendus se résumaient dans ses grandes lignes à :

    - Construire six mille (6.000) salles de classe.

    - Recruter 2000 à 2500 enseignants par an, au niveau de l'enseignement élémentaire. Sur ce point, le PVE a même dépassé les résultats attendus en recrutant 2700 enseignants par an ; nombre qui est revu à la hausse à partir de 2004 avec un recrutement de 3000 enseignants.

    - Relever le TBS à 75 % en veillant à la parité entre filles et garçons. Là également le PVE a fait des résultats très positifs. Aussi, entre 1995 et 2003, le TBS est passé de 54, 6 % à 75, 8 % avec un bond de 21,2 points soit un rythme de croissance de 2,8 points par an31. Les disparités entre régions et entre garçons et filles ont également été largement réduites. Le tableau ci-dessus en est une illustration :

     

    1995

    2003

    Région

    TBS

    Rang

    TBS

    Rang

    Dakar

    88,4 %

    1er

    85,2 %

    5ème

    Diourbel

    24,2 %

    10ème

    46,8 %

    10ème

    Fatick

    42,8 %

    5ème

    66,9 %

    7ème

    Kaolack

    36,8 %

    8ème

    51,8 %

    9ème

    Kolda

    41,1 %

    6ème

    96,5 %

    2ème

    Saint-Louis

    55,9 %

    4ème

    85,5 %

    4ème

    Tamba

    38,9 %

    7ème

    88,3 %

    3ème

    31 Entretien avec le Directeur du PVE

    Louga

    34,5 %

    9ème

    65,5 %

    8ème

    Thiès

    56 %

    3ème

    79,3 %

    6ème

    Ziguinchor

    88,4 %

    1er

    100,9 %

    1er

    Sénégal

    54,6 %

    -

    75,8 %

    -

    - Alphabétiser 120 000 personnes par année dans le sous-secteur de l'éducation non formelle. Ici, il faut noter que le PVE ne prend pas cela en charge mais l'étude d'évaluation a montré que les V.E contribuent de leur propre initiative à l'alphabétisation des adultes dans leur communauté d'accueil.

    De ce qui précède nous voyons que le Projet des volontaires prend, presque entièrement, en charge la composante accès du P.D.E.F.

    Seulement, la question se pose de savoir s'il ne constituera pas un blocage en ce qui concerne la composante qualité. La massification peut-elle rimer avec la qualité ?

    TROISIEME PARTIE :

    PRESENTATION - ANALYSE ET

    INTERPRETATION DES DONNEES DE

    L'ENQUETE

    CHAPITRE I : IDENTIFICATION DES VOLONTAIRES DE L'EDUCATION ET MOTIFS DE LEUR ENGAGEMENT DANS LE METIER

    Avant de commencer l'analyse de nos tableaux issus des enquêtes de terrain auprès des acteurs (VE, Stagiaires), nous estimons nécessaire de donner quelques précisions sur la nature des regroupements de modalités que nous avons effectués dans le cas de certaines variables comme par exemple celle de la catégorie socioprofessionnelle (CSP) des parents. Nous nous sommes, à cet effet, inspiré des regroupements faits par Monsieur Souleymane GOMIS32dans son étude sur la relation famille-école au Sénégal. Ainsi l'activité économique des parents se présente désormais en deux modalités « cadres supérieurs, moyens et riches commerçants » (C.S.M.R.C) et la modalité « ouvriers, employés, artisans et autres agents »(O.E.A.A.A).

    La première modalité regroupe en son sein les professions suivantes : enseignant, infirmier, médecin, ingénieur, magistrat, entrepreneur, grand commerçant et autres cadres. Elle est désignée par le label « catégorie des populations à niveau de vie élevé et moyen » (nivem).

    La deuxième modalité de cette même variable CSP des parents est constituée « d'ouvriers, d'artisans, de petits vendeurs, de chauffeurs, de retraités, de chômeurs et de débrouillards ». Les individus de cette seconde modalité de la variable sont désignés par le label « catégorie de la population à niveau de vie faible » (nivf).

    Cette variable nous permet de déterminer l'origine sociale des V.E.

    32 Gomis (S) : Relation famille-école, op.cit

    Nous avons fait de même pour la variable « niveau académique » en la résumant en deux modalités dont une première que nous avons appelée « diplômés de l'enseignement supérieur » et qui regroupe le baccalauréat, le DUEL, la licence, la maîtrise ou plus ; et une deuxième « diplôme de l'enseignement moyen » qui équivaut au BFEM.

    Cette variable nous permet de déterminer la « position scolaire » des V.E.

    Nous nous proposons dans ce chapitre de voir, conformément à notre question de départ, les motifs qui ont poussé les diplômés de l'enseignement supérieur au volontariat de l'éducation bien que le niveau requis soit le BFEM. Mais avant d'en arriver là, il convient de voir qui sont les volontaires de l'éducation ? Quelle est leur trajectoire ? Cela, dans la mesure où nous espérons trouver dans leur identité et leur parcours des éléments explicatifs de leur engagement dans cette activité.

    I - IDENTIFICATION DES V.E A RUFISQUE :

    I-1 - Age des VE :

    En observant le tableau n°1 ci-dessous, on s'aperçoit que les âges des VE varient entre 20 et 45 ans. Par ailleurs, le calcul de la moyenne arithmétique et du mode nous montre que l'âge moyen des VE est de 32 ans (Moy.arith.) et que l'âge le plus fréquent est de 36 révolus (Mode).

    Pour ce qui est des stagiaires (volontaires de la dixième génération recrutés en octobre 2003 en formation dans les E.F.I, au moment où nous faisions nos enquêtes), l'âge moyen est de 28,66 ans (moyenne arithmétique) et la majeure partie des volontaires stagiaires ont un âge de 24 révolus (Mode) (Tableau 2).

    Les différences d'âge entre les VE qui sont dans les classes et les stagiaires s'expliquent par le fait que parmi les VE, il y en a qui sont de la première génération, donc qui ont fait dix (10) ans de service.

    Mais dans les deux cas, l'age est relativement élevé par rapport à l'âge normal au BFEM (diplôme requis pour être VE). Cela peut s'expliquer par le fait que la plupart d'entre eux ont un diplôme supérieur au BFEM et que les quelques personnes qui n'ont que le BFEM ont été dans d'autres secteurs d'activité (commerce, enseignement dans le privé, formation professionnelle). Cette situation est un des problèmes du Projet car certains volontaires estiment avoir désappris et jugent la durée de la formation très courte pour leur permettre d'être « dans le bain ». « Je suis titulaire du BFEM et suis restée sans rien faire, sinon m'occuper de mon ménage[...] Je ne crois pas que les six mois de formation me remettront dans le bain », déclare S.Nd, 35, mariée, mère de 03 enfants. Nous pensons que ces propos sont édifiants par rapport à l'idée développée plus haut.

    Tableau 1 : Répartition des VE selon l'âge

    Classes d'âge

    [20-24]

    [25-29]

    [30-34]

    [35-39]

    [40-44]

    Non réponse

    Total

    Effectif

    02

    04

    04

    06

    01

    03

    20

    Source : Enquêtes

    Tableau 2: Répartition des stagiaires selon l'âge

    Classes d'âge

    [20-24]

    [25-29]

    [30-34]

    [35-39]

    [40-44]

    Total

    Effectif

    06

    20

    18

    00

    01

    45

    Source : Enquêtes

    I-2 - Sexe et situation matrimoniale :

    Le tableau n° 3 nous montre que 60 % des VE interrogés sont des hommes et 40 % des femmes. Par ailleurs, 60 % sont des célibataires, 30 % des mariés, 5 % de

    divorcés et 5 % de veufs. Nous constatons également que parmi les mariés, 66,7 % sont des femmes. Cela tient au fait que l'âge au mariage des femmes est plus bas que celui des hommes.

    Pour les volontaires-stagiaires, nous avons 37,78 % d'hommes et 62,22 % de femmes avec 31,12 % de mariés et 66,67 % de célibataires.

    Tableau n° 3 : Répartition des VE selon le sexe et le statut matrimonial

    S.M Sexe

    Célibataire

    Marié

    Divorcé

    Veuf

    Total

    effectif

    %

    effectif

    %

    effectif

    %

    effectif

    %

    effectif

    %

    M

    10

    50

    02

    10

    -

    -

    -

    -

    12

    60

    F

    02

    10

    04

    20

    01

    05

    01

    05

    08

    40

    Total

    12

    60

    06

    30

    01

    05

    01

    05

    20

    100

    Tableau n° 4 : Répartition des stagiaires selon le sexe et le statut matrimonial

    S.M

    Sexe

    Célibataire

    Marié

    Divorcé

    Total

    effectif

    %

    effectif

    %

    effectif

    %

    effectif

    %

    M

    15

    33,34

    02

    4,45

    -

    -

    17

    37,78

    F

    15

    33,34

    12

    26,67

    01

    2,22

    28

    62,22

    Total

    30

    66,67

    14

    31,12

    01

    2,22

    45

    100

    Source : Enquêtes

    I-3- Statut socioprofessionnelle des parents :

    En observant les tableaux 5 et 6, on voit que 85 % des VE sont originaires de familles à niveau de vie faible (nivf) contre seulement 15 % qui proviennent de familles à niveau de vie élevé et moyen (nivem). En outre les enquêtes révèlent que la quasi-totalité des VE ont une mère ménagère ou couturière (95 %).

    Pour ce qui est des stagiaires de l»EFI, nous avons 64,45 % qui viennent de familles niveau de vie faible et 35,55 % qui ont une origine sociale plus élevée (Tableau 7).

    Si nous nous sommes intéressés à la profession de la mère c'est parce qu'avec le développement du travail de la femme, nous estimons qu'il ne faille plus seulement s'en tenir à la profession du père pour désigner le statut social des individus. Dans l'Afrique traditionnelle, le rôle de la femme était « fondamentalement la procréation et la tenue de la maison »33. La femme avait ainsi la situation sociale de son mari ; mais actuellement, la famille a connu de profonds bouleversements qui font que l'on ne peut plus ne pas prendre en compte la profession de la mère dans la détermination du statut social des individus.

    Dans le cas aussi bien des VE interrogés que des stagiaires de l'EFI, nous voyons qu'ils sont pour la plupart issus de familles à niveau de vie faible. Ce qui pourrait être un facteur explicatif de leur engagement dans le volontariat de l'éducation (nous allons y revenir).

    Tableau 6 : Statut social du père des VE

    Statut socioprofessionnel du père

    Effectif

    %

    Cs.m.rc

    03

    15

    Oeaaa

    17

    85

    Total

    20

    100

    Source : Enquête

    33 Adepoju (A) : La famille africaine : Politiques démographiques et développement, Paris, Karthala, 1999, 318 p.

    Tableau 7 : Statut socioprofessionnel du père des stagiaires

    Statut socioprofessionnel du père

    Effectif

    %

    Cs.m.rc

    16

    35,55

    Oeaaa

    29

    64,45

    Total

    45

    100,00

    Source : Enquête

    I-4 - Niveau d'étude et diplômes obtenus :

    Le tableau 8 montre que 75 % des VE de Rufisque sont diplômés de l'enseignement supérieur et 25 % seulement ont le BFEM (niveau requis pour être candidat au volontariat de l'éducation).

    Pour ce qui concerne les volontaires stagiaires à l'EFI de Rufisque, le Tableau 9 montre que 48,89 % parmi eux ont le BFEM contre 51,11 % de diplômés de l'enseignement supérieur ; et il est à noter qu'il existe parmi les diplômés de l'enseignement supérieur, un nombre important de VE qui ont atteint le niveau de la maîtrise ou plus.

    En outre, moins de 10 % de ceux qui ont été orientés à l'université l'ont quittée parce qu'ils ont « cartouché » et 10 % y sont toujours inscrits, alliant ainsi les deux activités (enseigner et étudier).

    Par ailleurs, 75 % des VE n'ont pas encore eu leur diplôme professionnel (CAP ou CEAP) sans lequel ils ne pourront pas être titularisés dans la fonction publique. Il est à préciser que le VE peut se présenter au CAP ou au CEAP dès sa deuxième année de service. Mais il n'est pas rare de voir des MC, qui ont fait dix ans sans avoir à se présenter au moins une seule fois à ces examens professionnels. Cet état de fait s'explique, pour les acteurs, par le fait qu'ils n'ont pas le désir de faire carrière dans l'enseignement. M.D, 40 ans, VE de la première génération de

    dire : « Je n'ai pas fait les examens professionnels parce que je ne compte pas du tout rester dans l'enseignement [...]Je cherche de l'argent pour aller investir ailleurs [...] Mais, cela ne veut aucunement dire que je ne fasse pas convenablement mon travail ».

    Il ressort de ces propos de M.D l'idée que le fait de ne pas vouloir rester dans l'enseignement ne conduit pas forcément le volontaire à négliger son travail.

    Tableau 8 : Niveau académique des VE

    Niveau académique

    Effectif

    %

    D.E.S34

    15

    75

    BFEM

    05

    25

    Total

    20

    100

    Source : Enquête

    Tableau 9 : Niveau académique des stagiaires de l'EFI

    Niveau académique

    Effectif

    %

    D.E.S

    23

    51,11

    BFEM

    22

    48,89

    Total

    45

    100

    Tableau 10 : Diplôme professionnel des VE

    Avez-vous un diplôme professionnel ?

    Effectif

    %

    D.E.S

    05

    25

    BFEM

    15

    75

    Total

    20

    100

    Source : Enquête

    34 DES : Diplômés de l'enseignement supérieur

    Nous nous sommes enfin intéressé à l'activité des VE avant leur engagement dans le volontariat de l'éducation. C'est ainsi que le tableau 11 nous révèle que 35 % des VE étaient étudiants ou élèves juste avant leur engagement, 35 % sont restés sans rien faire, 20 % enseignaient dans les écoles privées et 10 % faisaient du commerce.

    Pour ce qui est des stagiaires, 13,33 % ne faisaient rien juste avant leur entrée dans le volontariat de l'éducation, 20 % étaient élèves ou étudiants, 17 % enseignants dans les écoles privées, 15,56 % étaient en formation professionnelle (pour la plupart en informatique), 15,56 avaient des contrats dans des entreprises et ceux qui restent étaient vigiles, militaires, en stage dans une entreprise ou bien faisaient du commerce (cf Tableau 12).

    L'analyse des tableaux nous permet de dire que beaucoup parmi les VE ont tenté de gagner leur vie ailleurs. C'est parce qu'ils n'ont pas pu avoir une insertion professionnelle meilleure qu'ils sont engagés dans le volontariat. « Je faisais du commerce après avoir arrêté les études à l'université, estime S.L, mais j'ai estimé que l'on a beaucoup plus de sécurité financière si on a un salaire quand bien même il est petit. On est sûr au moins de l'avoir toutes les fins de mois ; alors que pour le commerce, cela peut être bon aujourd'hui et mauvais demain ».

    Ces propos de S.L, 29 ans, célibataire, et VE à Rufisque II nous donnent déjà une idée sur les motifs de l'entrée des VE dans le métier. Pour lui, on est volontaire juste pour avoir de l'argent, de la « sécurité financière ».

    Tableau 11 : Qu'est ce que vous faisiez juste avant d'être V.E ? Réponse des volontaires

    Activités effectuées

    Effectif

    %

    Etudes

    07

    35

    Enseignement dans le privé

    04

    20

    Commerce

    02

    10

    Rien

    07

    35

    Total

    20

    100

    Tableau 12 : Réponse des stagiaires de l'EFI

    Activités effectuées

    Effectif

    %

    Rien

    06

    13,33

    Etudes

    09

    20

    Enseigner dans le privé

    08

    17,78

    Formation professionnelle

    07

    15,56

    Contrat en entreprise

    07

    15,56

    Stage

    03

    06,67

    Commerce

    03

    06,67

    Vigile

    01

    02,22

    Militaire

    01

    02,22

    Total

    45

    100

    L'identification des VE nous a permis de mieux appréhender les motifs de leur engagement dans le volontariat de l'éducation. Qu'est ce qui, chez certains VE, fait que l'obtention d'un diplôme élevé ne permet pas d'accéder à une position sociale tout aussi élevée ?

    Cette question sera traitée avec les causes de l'engagement des VE dans le métier.

    II - MOTIFS DE L'ENGAGEMENT DES DIPLOMES DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR DANS LE VOLONTARIAT

    De ce qui précède, nous savons que les volontaires ont pour la plupart obtenu un diplôme universitaire (75 %) et il y en a même qui sont toujours inscrits à l'université ; D'autre part, la majeure partie de ceux qui ont quitté l'université ne l'ont pas fait par ce qu'ils ont « cartouché ». Cela nous autorise à dire que les VE sont majoritairement dans une situation académique qui pourrait leur permettre d'avoir une activité professionnelle socialement et économiquement plus valorisée. C'est le cas de M.S, 28 ans stagiaire à l'EFI de Rufisque qui déclare : « Je sus inscrit en Licence de Lettres Modernes et en même temps, je suis titulaire du diplôme d'assistant social. Je suis sorti de l'ENDSS cette année, mais puisque l'emploi n'est pas garanti, je me suis engagé dans le volontariat en attendant de trouver mieux. Je suis marié donc je ne peux rester sans rien faire... ».

    L'analyse de ces propos de M.S montre que l'engagement dans le volontariat peut trouver explication dans la saturation du marché de l'emploi car, quand bien même il est détenteur d'un diplôme professionnel (diplôme d'Etat d'assistant social) l'insuffisance de l'offre de d'emploi empêche M.S de trouver l'emploi désiré. Le volontariat devient ainsi pour lui une simple « issue de secours », il y est « en attendant de trouver mieux ».

    Aussi, ressort-il de ce discours l'idée que le VE accède à ce métier par contraintes économiques et nécessité : « Je suis marié » dit-il, ce qui sous-entend qu'il a des responsabilités sociales et financières qui l'obligent à gagner sa vie quelque part même s'il n'aime pas cette activité.

    En sus, l'analyse du tableau 13 relatif au projet de carrière des VE montre clairement qu'ils n'avaient pas comme ambition initiale de devenir enseignant. En effet, 05 % seulement des personnes interrogées ont déclaré avoir l'enseignement comme projet de carrière. Les 95 % qui restent, évoquent les professions comme : administrateur civil, journalisme, diplomate, sage-femme d'Etat, interprète, etc. certains espèrent même, à travers le volontariat accéder aux fonctions d'administrateur civil par le biais des concours professionnels.

    Ces données nous révèlent que ces diplômés de l'enseignement supérieur débarquent dans le volontariat juste pour échapper au chômage. L'idée de S. Gomis35 développée dans son étude citée plus haut en est une parfaite illustration. Il écrit : « Ils (les étudiants originaires des milieux populaires) se présentent à plusieurs concours sans grande motivation et atterrissaient là où ils sont admis sans forcément connaître au préalable les contraintes et les compétences exigées par la profession. Ils accèdent à ce métier comme à un autre non par conviction mais plutôt par accident.. ».

    Nous voyons bien à travers ces propos que l'origine sociale est largement déterminante par rapport à l'attitude des diplômés vis-à-vis du marché de l'emploi.

    Tableau 13 : Projet de carrière

    Métier souhaité

    Effectif

    %

    Enseignant

    01

    05

    Autres professions

    19

    95

    Total

    20

    100

    35 Gomis (S) : La relation famille-Ecole au Sénégal, op.cit

    Il apparaît clairement de ce tableau que les VE interrogés n'ont pas une vocation enseignante. Cela illustre parfaitement l'idée de Bertraux36 selon laquelle il faut penser le choix du métier comme choix par le métier ; c'est à dire par exemple que les VE n'ont pas choisi délibérément d'être volontaires ; ils ont été contraints par des facteurs comme l'origine sociale. Concernant cette dernière, nous avons justement découvert que la majeure partie des VE (85 %) sont originaires de familles à niveau de vie faible (95 % ont une mère ménagère ou couturière, et 85 % ont un père appartenant à la catégorie des « ouvriers, employés, artisans et autres agents »-o.e.a.a.a-).

    Nous pouvons donc dire que si leur origine sociale modeste n'a pas empêché les volontaires de réussir à l'école, elle n'en est pas moins une entrave quant à leur insertion socioprofessionnelle. Autrement dit, à diplômes égaux, celui qui a une origine sociale élevée a plus de chance de réussir socialement que celui qui est issu de familles à niveau de vie faible. On peut ainsi déduire que ces VE qui ont des diplômes élevés sont victimes de leur origine sociale modeste qui est la principale cause de leur engagement dans le volontariat de l'éducation. La plupart avaient d'autres ambitions que l'enseignement et évoquent souvent l'argent et les difficultés économiques pour justifier leur entrée dans le métier comme en atteste le tableau 14.

    Tableau 14 : Pourquoi avez-vous été volontaire ?

    Motif évoqué

    Effectif

    %

    Faute de mieux

    07

    35

    Argent

    05

    25

    Echec à l'université

    02

    10

    Destin

    02

    10

    Tremplin

    02

    10

    Amour du métier

    02

    10

    Total

    20

    100

    Source : Enquête

    36 Bertraux (D) : op.cit

    L'analyse des causes évoquées par les acteurs conforte bien la position que nous avons défendue plus haut selon laquelle l'engagement des diplômés de l'enseignement supérieur dans le corps des VE s'explique sinon exclusivement, du moins en partie par leur origine sociale modeste dans la mesure où seulement 10 % des VE justifient leur engagement en évoquant « l'amour du métier ». Tous ceux qui restent parlent d'argent, de contraintes économiques ou d'absence de choix. En tout cas l'argent est le mot qui revient le plus. D'ailleurs certains enseignants non volontaires considèrent que ceux-ci sont là que pour amasser des sous et financer d'autres projets. C'est le cas de cet enseignant cité dans le rapport de l'étude d'évaluation37. Il déclare : « Ils (les VE) ne sont là que pour l'argent, et partiront à la première occasion sans crier gare ».

    Par ailleurs, le tableau 15 révèle que la plupart d'entre eux ne comptent pas rester dans l'enseignement (75 %) et ils estiment à 55 % ne considérer le volontariat de l'éducation que comme une « simple issue de secours ».

    En revanche, l'avis des inspecteurs montre que même s'ils ne veulent pas, ils ne quittent que très rarement le métier, peut-être qu'ils n'aiment pas le métier au début, mais une fois entrer dans le corps, ils finissent par aimer et décident de faire carrière. M.D, inspecteur-formateur à l'EFI de Rufisque de dire : « Je ne suis pas sûre que les VE entrent dans le métier par amour ou vocation, mais ce qui est certain c'est qu'ils finissent presque tous par aimer l'enseignement. J'en veux pour preuve le fait que nous ne voyons que très rarement des VE qui démissionnent.».

    Nous pouvons rétorquer à M.D que le fait de ne pas démissionner n'est pas une preuve de l'amour du métier car celui qui y est entré par contraintes économiques ne quittera pas tant que la contrainte persiste.

    37 PVE : Rapport général , op.cit

    Nous pouvons dire en bref que la principale cause de l'engagement des VE est leur origine sociale modeste. Le volontariat constitue pour eux une sorte « d'issue de secours ». C'est pour eux un passage pour accéder à une situation sociale plus élevée.

    Tableau 15 : Comptez-vous rester dans l'enseignement ?

     

    Effectif

    %

    Oui

    04

    20

    Non

    15

    75

    Non réponse

    01

    05

    Total

    20

    100

    Source : Enquête

    Tableau 16 : Le volontariat est-il pour vous une simple issue de secours ?

     

    Effectif

    %

    Oui

    11

    55

    Non

    09

    45

    Total

    20

    100

    Nous pouvons en définitive, dire que même si le volontariat est parfois accepté comme acte de civisme voire de patriotisme, la raison profonde qui motive le choix des candidats (souvent issus de famille à niveau de vie faible) est l'obtention d'un emploi régulièrement rétribué.

    Mais quelles sont les difficultés rencontrées par les VE dans l'exercice de leur métier ?

    CHAPITRE II : CONDITIONS DE TRAVAIL ET DIFFICULTES RENCONTREES DANS L'EXERCICE DU METIER

    Depuis le démarrage du projet, le volontariat de l'éducation n'a pas cessé de faire parler de lui. Les volontaires se sont organisés en syndicat : le S.E.L.S (Syndicat des Enseignants Libres du Sénégal) et chaque année on assiste à des grèves répétées de leur part visant à l'amélioration de leur condition car les VE sont confrontés à des difficultés aussi bien financières et matérielles que pédagogiques (difficulté à tenir correctement une classe). C'est ainsi que nous avons jugé nécessaire de voir comment les VE, eux-mêmes, apprécient-ils leur situation ?

    I - SITUATION ET DIFFICULTES FINANCIERES DES VE :

    I-1 - Problèmes financiers des VE :

    Comme nous l'avons dit précédemment, les volontaires n'ont pas de salaire mais plutôt une bourse de 60.000 F CFA mensuelle versée par l'Etat, soit moins de la moitié du salaire d'un instituteur adjoint. C'est ainsi que, ce qui a été payé aux VE de 1995 à 1999 est de 7.847.800.000 F CFA . Ce que l'Etat aurait dû payer s'il avait recruté des IA s'élève à 18.233.861.200 soit une différence de 10.386.061.20038 alors que le VE effectue exactement le même travail que l'instituteur adjoint (IA). 85 % des VE déclarent ainsi ne pas être d'accord avec le principe de la bourse et en considèrent le montant souvent comme insuffisant, dérisoire ou modique. Pour eux, c'est une injustice car on ne peut pas comprendre

    qu'ils effectuent le même travail que leurs collègues non volontaires au moment ceux-ci peuvent leur payer trois fois S.ND que nous avons cité plus haut de dire :
    « Nous ne saurons être d'accord avec cette bourse de misère qui ne nous permet

    38 MEN : Tableau au comparatif du coût des VE et des IA (1995-1999)

    même pas de survivre ; surtout quand on a une famille en charge. C'est de l'exploitation, seulement nous n'avons pas le choix [...].Le S.E.L.S doit radicaliser la lutte et tordre la main aux autorités de ce pays ».

    N.S n'est qu'un exemple parmi presque tous ses autres collègues qui se considèrent comme étant victimes d'une injustice.

    Certains VE pensent que non seulement la bourse ne leur permet pas de vivre, mais aussi et surtout sa modicité leur empêche de faire convenablement leur travail. S. ND continue : « ...Il m'arrive, quand la fin du mois approche de ne plus aller en classe juste parce que je n'ai pas de quoi payer le ticket de transport. J'éprouve également des difficultés réelles pour me payer des fiches pendant cette période du mois ».

    Tableau 17 : Etes-vous d'accord avec le principe de la bourse

    Réponse

    Effectif

    %

    Oui

    01

    05

    Non

    17

    85

    N.R39

    02

    10

    Total

    20

    100

    Tableau 18 : Comment jugez-vous le montant de la bourse ?

    Réponse

    Insuffisant

    Dérisoire

    Minime

    Modique

    Minable

    Acceptable

    Total

    Effectif

    09

    04

    03

    02

    01

    01

    20

    %

    45

    20

    15

    10

    05

    05

    100

    39 Non réponse

    De ces deux tableaux, nous nous rendons compte que les VE sont loin d'être satisfaits du traitement financier dont ils sont l'objet. La plupart d'entre eux ne sont d'accord ni avec le principe, ni avec le montant de la bourse versée par l'Etat. Autrement dit, ils estiment qu'un travailleur doit avoir non pas une bourse mais plutôt un salaire. L'appellation même de bourse donnée au pécule reçu par les VE pose ainsi problème pour ceux-ci ;

    D'un autre côté, le jugement porté sur le montant montre qu'ils ne sont pas satisfaits du tout. C'est d'ailleurs ce qui explique que la plupart des VE ont des activités parallèles (commerce, pêche, menuiserie bois etc.). Nous avons eu à rencontrer un VE qui continue à gérer son atelier de menuiserie tout en enseignant.

    En outre, l'analyse du tableau 19 montre que la quasi-totalité des VE n'ont rien réalisé de concret avec leur bourse. Ils ne font que soutenir leur famille et survivre avec leur bourse quand bien même ils étaient engagés pour épargner et financer d'autres projets. C'est peut-être ce qui justifie le fait évoqué plus haut par un inspecteur selon qui les VE ne démissionnent que très rarement. Ils peinent à trouver un emploi meilleur et n'ont pas, d'un autre côté, la possibilité d'épargner pour investir éventuellement dans d'autres secteurs. C'est ainsi qu'ils risquent souvent de faire carrière dans l'enseignement sans une grande motivation.

    Tableau 19 : Quelles réalisations faites-vous avec votre bourse ?

    Réponse

    Soutien familial

    Survie

    Commerce

    Aucune

    NR

    Total

    Effectif

    05

    04

    01

    09

    01

    20

    %

    25

    20

    05

    45

    05

    100

    Pour ce qui est du retard dans le paiement de la bourse, ils estiment à l'unanimité qu'ils sont payés à temps actuellement. Seulement, les anciens disent qu'au début ils pouvaient rester deux mois sans percevoir, mais avec les acquis du S.E.L.S, ce problème est devenu un mauvais souvenir.

    Le logement également n'a pas posé de problème car la plupart d'entre eux habitent Rufisque et ceux qui sont dans les villages environnants sont hébergés gratuitement par les communautés d'accueil.

    Concernant la prise en charge sociale, les VE ne l'ont pas mais ont une mutuelle qui offre un certain nombre de prestations.

    2°) La mutuelle des volontaires de l'éducation

    Dés le lancement du PVE, le gouvernement du Sénégal a pris la décision de sensibiliser les 1200 volontaires de la première génération pour les amener à mettre sur pied une mutuelle qui devrait prendre en charge leurs problèmes de santé.

    C'est ainsi que 31 délégués représentants les VE recrutés dans les 31 circonscriptions scolaires se sont réunis en assemblée générale le 10 décembre 1995 pour constituer la mutuelle des volontaires de l'éducation. Les textes fondamentaux (statuts, règlement intérieur) ont été étudiés et adoptés et un conseil d'administration de dix (10) membres élus a été constitué avec à sa tête un Président (tous des VE).

    L'Etat a mis à la disposition de cette mutuelle un gestionnaire de formation et des locaux, à la demande des VE.

    Depuis février 1996, la mutuelle est fonctionnelle (locaux équipés) et elle prend en charge :

    - 100 % des frais d'hospitalisation des VE malades et 5 membres de sa famille (pour les mariés),

    - 100 % des frais d'accouchement

    - 40 % des soins externes (consultation, ordonnance etc.)40,

    - En outre, la mutuelle fait un prêt de 60 000 FCFA remboursable sans intérêt au VE en 6 mois en raison de 10 000 F par mois.

    Ce prêt est donné au mois d'octobre pour permettre au VE de payer les frais de déplacement vers leurs lieux d'affectation. Les fonds de la mutuelle proviennent de la cotisation de ses membres et de l'aide de partenaires. Les VE donnent chaque mois 2 700 F soit 32 000 annuel.

    La mutuelle avait un deuxième domaine d'intervention correspondant à la réinsertion future des VE qui souhaiteraient s'investir dans l'enseignement privé et dans le non formel (cela parce qu'au début, le projet de devait durer que 04 ans au bout desquels les VE devraient être remerciés).

    Il s'agissait donc de financer des projets éducatifs initiés par les VE arrivés au terme de leur engagement (04 ans).

    II- PROBLEMES PEDAGOGIQUES DES VE :

    Les problèmes pédagogiques des VE sont souvent liés à la durée de la formation initiale (qui est petite) à une absence de formation continue et enfin à une difficulté d'insertion dans le milieu professionnel.

    40 Entretien avec les responsables de la mutuelle et les VE eux-mêmes

    Pour ce qui est de la formation, en effet, nous avons vu dans la deuxième partie de ce travail que sa durée n'était pas satisfaisante pour les VE. Elle ne leur a pas permis d'avoir le bagage nécessaire pour gérer convenablement une classe. Il ne sont donc pas très bien préparés à leur tâche. MD, formateur à l'EFI, leur disait souvent : « la durée de la formation est insuffisante mais la meilleure manière d'apprendre à nager, c'est de plonger »41.

    C'est pour dire que quand bien même la formation n'est pas très satisfaisante avec une longue pratique vous finirez par devenir de bons maîtres.

    Cependant, la réalité du terrain montre que :

    - La plupart des VE sont ponctuels, assidus, sérieux dans le travail et qu'ils entretiennent de bonnes relations avec leurs élèves (entretien avec les directeurs d'école)

    - Les performances des VE en matière de gestion administratives de la classe sont jugées moyennes par les directeurs qui les gèrent et leurs performances pédagogiques médiocres.

    - Les performances de leurs élèves sont jugés moyennes,

    - Les difficultés pédagogiques qu'ils rencontrent le plus souvent résident dans la conduite des leçons de langage et de calcul (didactique), la tenue de classes spéciales (classe à double flux, classes multigrades et CM2) et l'évaluation objective du travail des enfants.

    Les avis sont presque unanimes sur la nécessité de renforcer le suivi et le recyclage axé sur la maîtrise de la didactique des disciplines fondamentales.

    Pour ce qui est de la formation continue des VE, ils estiment ne recevoir que très rarement des visites d'inspection.

    41 Observation participante

    Par ailleurs, l'analyse des rapports avec le milieu professionnel montre que :

    - les VE entretiennent de bonnes relations avec l'équipe pédagogique de leur école (directeurs, enseignants non volontaires, volontaires),

    - Les relations avec l'IDEN et ses services sont également jugées très bonnes par 85 % des VE. Les IDEN trouvent en ce qui les concerne, que les VE sont « consciencieux et respectent le règlement scolaire ».

    Il convient de noter que très souvent, une bonne coopération entre IDEN et VE a fait prévaloir des rapports de camaraderie qui ont abouti à une collaboration franche et spontanée.

    L'IDEN est assez souvent interpellé et directement par les VE, qui trouvent en lui l'interlocuteur pouvant répondre de manière claire à leurs sollicitations (information sur le PVE, bourses, communications avec l'extérieur).

    Ils estiment en outre à 40 % être bien acceptés par les enseignants non volontaires contre 30 % qui considèrent ces derniers comme faisant l'objet d'un « complexe de supériorité ». Les propos suivants d'un enseignant non volontaire, cité dans l'étude d'évaluation42 confortent ces derniers dans leur idée. Il dit : « les volontaires ne sont pas des collègues, ils sont des compagnons d'école au même titre que les femmes de charge et les gardiens ». Cela montre que les relations VE/ autres enseignants ne sont pas toujours bonnes.

    C'est ainsi que tous les volontaires interrogés sont syndiqués et appartiennent tous au SELS (Syndicat des Enseignants Libres du Sénégal) qui constitue la seule organisation syndicale des VE).

    42 PVE : Etude d'évaluation op. cit.

    Parmi les acquis du SELS, les VE interrogés ainsi que les responsables syndicaux évoquent :

    - La réduction de la durée du volontariat qui passe de 04 à 03 ans en octobre 2002 et à 02 ans en octobre 2003 ;

    - La titularisation dans la fonction publique de 600 MC par an, à partir de 2003 ;

    - octroi d'indemnité de direction ;

    - possibilité offerte au MC d'entrer à l'ENS pour devenir professeur ou inspecteur de l'enseignement ;

    - participation des MC au mouvement régional et national du personnel ;

    - augmentation de la bourse des VE qui passe de 50 000 F à 60 000 F CFA ;

    - participation des MC titulaires de diplôme professionnel aux concours professionnels de la fonction publique ;

    - En bref, nous pouvons dire qu'il y a eu des améliorations très importantes
    dans les conditions d'existence et de travail des VE ces dernières années.

    CONCLUSION

    Nous avons eu à montrer que depuis 1816, date de la création de la première école au Sénégal, le recrutement et la formation des maîtres n'ont pas cessé de subir des bouleversements. C'est ainsi que de 1817 à 1903, la question du recrutement et de la formation des maîtres s'est posée en terme de niveau académique. L'enseignement mutuel de Jean Dard considérait, en effet, la chose pédagogique comme pouvant se suffire d'une assez bonne instruction générale (niveau académique élevé), le reste s'acquérant par une longue expérience pratique. Avec les Frères PROERMEL, la situation est restée inchangée.

    A partir de 1903, c'est l'ère des cours normaux des moniteurs qui recrutaient sur concours ses agents.

    Après 1960, on assiste successivement à la création des cours normaux d'instituteurs adjoints et CRFP, à celui des écoles normales, des cycles de formation rapide (pour combler le déficit en personnel enseignant), les écoles normales réformées, « l'opération ailes de dinde », l'érection des EFI en 1994 et le projet des volontaires de l'éducation. On voit donc que le recours à des cycles de formation rapide ne date pas d'aujourd'hui (en 1962-1963, des stages accélérés s'organisaient pendant les grandes vacances pour pallier le déficit en maîtres. Il y a également l'opération ailes de dinde en 1990).

    Seulement, pendant cette période on avait recours à des maîtres de niveau académique très faibles (pour l'opération de 1962, il y avait même certains qui avaient juste le niveau du CM2 et pour celui de 1990 ce fut le BFEM).

    Par contre, pour le projet des volontaires, quand bien même le niveau requis est le BFEM, la plupart des VE ont un diplôme supérieur. Cette affluence des diplômes de l'enseignement supérieur dans le volontariat de l'éducation trouve ainsi son explication dans leur origine sociale modeste (85 % sont issus de familles à niveau de vie faible et 95 % ont une mère soit ménagère soit couturière) qui détermine largement leurs stratégies face au marché de l'emploi. L'obtention d'un diplôme élevé ne garantit pas chez eux l'accès à une position sociale élevée. Cependant, on ne peut pas dire qu'ils ne sont pas rationnels, totalement déterminés par leur origine sociale, mais qu'ils sont plutôt rationnels d'une rationalité limitée. Ils ont « choisi » mais leur choix reste déterminé par des contraintes extérieures (origine sociale). Le diplômé issu d'une famille aisée aurait une attitude différente ; il attendrait par exemple de trouver l'emploi désiré alors que celui qui vient des milieux défavorisés n'a pas les moyens d'attendre. Il est interpellé par des besoins vitaux (soutien de famille, sa propre survie etc). C'est ainsi que, au lieu d'attendre et de chercher l'emploi désiré. Il adopte une stratégie d'insertion rapide et facile en attendant de trouver mieux. C'est le cas des VE qui sont pour la plupart à la recherche d'un emploi régulier et rémunéré pour échapper au chômage.

    Seulement le traitement salarial dont ils sont l'objet fait que, comme nous le disions dans les hypothèses, le problème principal des VE est d'ordre financier. Ils estiment de façon unanime que le montant de la bourse est « modique » et qu'il ne leur permet pas de travailler convenablement et d'épargner pour pouvoir investir ailleurs comme ils l'auraient souhaité. Ils ont également des problèmes d'ordre pédagogique mais de moindre importance pour eux, que ceux d'ordre financier. Ces problèmes pédagogiques sont surtout liés à la courte durée de la formation.

    Nous avons enfin confirmé avec nos enquêtes de terrain notre hypothèse selon laquelle les VE de Rufisque sont pour la plupart des diplômés de

    l'enseignement supérieur et que leur engagement dans le volontariat s'explique surtout par leur origine sociale modeste.

    Il est à noter que la question reste loin d'être épuisé. En effet, nous estimons nécessaire d'évaluer l'impact des volontaires sur l'enseignement élémentaire

    Rufisquois, voire national aussi bien du point de vue de l'accès que de la qualité(deux composantes du PDEF). Il se pose également le problème de l'avenir même
    du corps des instituteurs car les VE ne cotisent pas à la caisse de retraite. Et est-ce
    le recrutement d'enseignants en nombre suffisant suffit pour régler le problème si
    l'on sait qu'il y a parfois des personnes qui sont réticents à envoyer leurs enfants à
    l'école ? Autant de questions qui font que la question mérite des
    approfondissements.

    BIBLIOGRAPHIE :

    1°) ADEPOJU (A) : La famille africaine : politiques démographiques et développement, Paris, Karthala, 1999 - 318 p.

    2°) ANDERSON (A.C) : cité par Boudon : L'inégalité des chances, Paris, A. Colin, 1973 - 237 p.

    3°) BAUDELOT (C) et ESTABLET (R) : L'école capitaliste en France,

    4°) BERTAUX (D) : Destins personnels et structure de classe, Paris PUF, 1977.

    5°) BOUDON ( R ) : L'inégalité des chances : la mobilité sociale dans les sociétés industrielles, Paris, A. Colin, 1973 - 237 p.

    6°) BOUDON ( R ) : La logique du social, Paris, Hachette, 1983.

    7°) BOURDIEU (P) et PASSERON (J.C.) : La reproduction, Ed. minuit, 1970.

    8°) CARREL (A) : L'homme, cet inconnu, Paris, Plon ; 1935 - 356 p.

    9°) CUIN (C.M) : Les sociologues et la mobilité sociale, paris, PUF, coll. Le Sociologue, 1994.

    10°) D.P.R.E.E : « Rapport général des conclusions des EGEF », Dakar, les 17, 18, 19 novembre 2003.

    11°) ECO AFRIQUE : « Etude sur les stratégies de mise en oeuvre d'un statut pérenne pour les volontaires de l'éducation nationale », Dakar, décembre 1997.

    12°) GAUCHER (J) : Les débuts de l'enseignement en Afrique francophone. Jean Dard et l'école mutuelle de Saint- Louis (Sénégal).

    13°) GUEYE (MB. Nd) : 4ème revue annuelle du PDEF : « Enjeux, recommandations, perspectives » in revue pédagogique ADEF/AfRIQUE, n° 1, mai 2004.

    14°) LEVI-STRAUSS : Race et Histoire, Paris, UNESCO, 1970, 50 p.

    15°) MARX (K) : cité par Beitone (A) et Al : Sciences sociales, Paris, Dalloz, 2002

    16°) MONTOUSSE (M) et RENOUAR (G) : 100 fiches pour comprendre la sociologie, BREAL, Rosny, 1997 - 234P .

    17°) PRETO (V) : cité par BUSINO (G) : Elites et élitisme, Paris, PUF, 1992.

    18°) PVE : « Evaluation des modalités de mise en oeuvre du projet des volontaires de l'éducation, de son impact, de ses conséquences : Rapport d'évaluation », Dakar, septembre 1996.

    19°) PVE : « Les volontaires de l'éducation », octobre 2004.

    20°) SOROKIN (P.A) cité par BOUDON : L'inégalité des chances : la mobilité sociale dans les sociétés industrielles, Paris, A. Colin, 1973, 237p.

    21°) SOW (M) : « Financement de l'éducation : Exemple des volontaires du Sénégal », Atelier de Lomé du 28 au 30 juin 1999.

    22°) WADE (A) et AL : Rapport d'évaluation de la formation initiale des enseignants au Sénégal, Mémoire CREI, ENS Dakar, 1989.

    ANNEXES

    EMPLOI DU TEMPS DE L'EFI

    HORAIRE

    LUNDI

    MARDI

    MERCREDI

    JEUDI

    VENDREDI

    8H

    10H

    Français

    Eveil

    Pédagogie générale

    français

    mathématiques

    10h

    10h15

    P A U S E

    10H 15

    12H

    Psychologie

    mathématiques

    Didactique des
    langues nationales

    Activité du
    préscolaire

    informatique

    APR E S MID I

     

    Législation et déontologie

    Initiation à la recherche et à l'animation

    X

    éveil

    X

    17h 17h15

    P A U S E

    17H 15

    19H

    Activité du
    préscolaire

    Atelier pédagogique

    X

    Santé et
    nutrition

    Pédagogie
    générale






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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry