Nicolas BOISSON
Année universitaire 2000/2001
UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE
INSTITUT D'ETUDES POLITIQUES DE GRENOBLE
MEMOIRE DE TROISIEME ANNEE
Les figures de Joseph Rey de Grenoble
(1779-1855) :
conspirateur libéral,
« philosophe » et socialiste
« utopique ».
Sous la direction d'Olivier IHL et de Philippe VEITL
Séminaire : Les mises en scène du politique
Je tiens à remercier Mme Imbert et Christophe du
département « Archives » de la bibliothèque
municipale de Grenoble pour l'efficacité de leur aide.
SOMMAIRE
Introduction...........................................................................6
MISE EN PLACE DU CONTEXTE HISTORIQUE
Les luttes libérales et/ou
républicaines sous la Restauration: entre « tentations
conspiratives » et « légitimité du
légalisme »
I - Des conspirations Carbonari aux conspirations
libérales françaises : la difficile organisation des
mouvements libéraux sous la
Restauration.......................................................................25
I-1 Le renouvellement du mode «conspiratif »
de résistance politique : le mouvement libéral italien et la
lutte pour l'indépendance nationale..............26
I-1.1 la naissance avortée des Carbonari et les
prémisses du mouvement libéral en
Italie ...................................................................................26
I-1.2 La question des origines françaises de la
Charbonnerie italienne : les Bons Cousins
Charbonniers................................................................30
I-1.3 La révolution espagnole et la renaissance des
Carbonari : la révolution libérale à Naples de
1820...................................................... ...34
I-2 L'influence du mouvement italien en France : des
premiers complots militaires (1816-1817) à la création d'une
Charbonnerie française
(1821-1823).......................................................................................37
I-2.1 De l'écroulement de l'Empire (avril 1814) aux
retours des Bourbons ( mai-juin
1814).....................................................................37
I-2.2 La vive réaction aux débuts de la
seconde Restauration en France : la conspiration militaire de
« Didier » à Grenoble (1816) et l'insurrection de
Lyon (1817)
.............................................................................................40
Introduction au conspirateur Joseph Rey : le
renouvellement des conspirations en
France................................................................................................44
Les premières conspirations en France, réactions
contre réaction : les complots bonaparto-orléanistes
(1816-1817)..................................................................44
I-2.3 La difficile fédération des
libéraux et la nécessité de l'organisation
secrète : la création de l'Union à Grenoble par
l'avocat Joseph Rey (1816-1817)......49
Présentation de l'Union de Joseph Rey (1816-1820) :
un « cercle » libéral....52
L'initiation de Rey au monde
conspiratif............................................53
La création de
l'Union..................................................................54
Les buts de
l'Union.....................................................................54
Les premiers membres de l'Union : la question du
« cercle libéral » ...........56
Mise en place du réseau et aperçu des actions de
l'Union........................59
LES FIGURES DE JOSEPH REY
De l'intellectuel libéral au socialiste
« utopique »
II - Joseph Rey de Grenoble : conspirateur du 19
août 1820 au sein de
l'Union..............................................................................65
II-1 Bref parcours biographique de Rey jusqu'en
1819..............65
II-1.1 Les débuts de l'engagement politique de
Rey : de son « Adresse à l'Empereur » (mars
1815) à la création de l'Union (février
1816)...............................................................................................66
II-1.2 Sa défense des conjurés de 1816 et sa
radiation de l'Ordre des avocats (1819)
..............................................................................70
II-2 L'affiliation de Rey au projet du 19 août
1820..................72
Préliminaires à son entrée en
conspiration.................................74
Dispositions morales et politiques de Joseph Rey en
1819 : son refus de participer à la première conspiration de
Dumoulin...................................................74
Considérations de Rey sur la radicalisation du climat
politique, décembre 1819-juin 1820 : de Decazes à
Richelieu................................................77
La rencontre de Rey et de Bérenger de la Drôme
à Paris : première initiation de Rey au complot par
Bérenger............................................................82
II-2.1 Premières hésitations d'un
intellectuel........................83
II-2.2 Son entrée en conspiration et le plan des
conjurés..........85
II-2.3 Les conspirateurs et leurs
motivations........................92
II-3 Découverte et échec du
complot...................................97
II-3.1 Maladresses et
trahisons........................................97
II-3.2 Dernière tentative de reprise du projet sous
l'égide de Rey et
Dumoulin.....................................................................................100
II-3.3 Le sévère récit du
procès des conjurés par Joseph Rey : aigreurs et
désillusions........................................................................102
III - Le socialiste « utopique » Joseph
Rey : retour à ses origines et sur ses
origines........................................................................104
III- 1 Retour sur sa
jeunesse....................................105
III-2. 1820-1826 : exil en
Angleterre..........................106
III-3. 1826-1830 : tentative de vulgarisation de la
pensée de Robert Owen en France et expérience
saint-simonienne..........................109
III-4. 1830-1847 : découverte de Fourier et tentative
de ralliement des
socialistes.............................................111
Conclusion..............................................................................114
Table des
annexes......................................................................121
INTRODUCTION
« Napoléon, tu règnes de
nouveau !... Jamais un mortel, ne réunit en si peu de temps,
les extrêmes de deux fortunes opposées, ne conçut ou
n'exalta des desseins si vastes et plus extraordinaires !... La profonde
conception des projets, l'étonnante rapidité dans leur
accomplissement, tout semble attacher à ta personne le sceau d'un
prestige surnaturel...Toi seul, par la force de ton génie,
sembles rapprocher dans le plus court espace, les phases les plus
variées de l'histoire entière ; tu confonds les
siècles, tu subjugues les sens et la raison tout à la
fois ; il semble qu'on ne puisse plus que se taire et t'admirer !...
Cependant, Ô Napoléon ! à l'instant même
ou rien ne paraît devoir surpasser désormais ta gloire et ton
pouvoir.... Dans cet instant...jamais un mortel ne fut plus près que toi
d'un effrayant abîme !... Un seul pas peut t'y précipiter
à jamais, avec ta gloire et ton pouvoir !... Ecoute, Ô
Napoléon ! écoute la voix libre d'un vrai citoyen, de ton
véritable ami, peut-être. Jamais tu n'eus plus besoin de
connaître la vérité dans tout son jour (...). Ton propre
sort va dépendre du système que tu suivras dès le principe
de ton nouveau règne. Tout est perdu, si tu songes à
t'imiter encore toi-même !...(...) ».
Ces mots, largement reproduits à la fin du mois de
mars 1815 dans les colonnes du journal libéral Le
Constitutionnel1(*),
sont ceux du citoyen grenoblois Joseph Philippe Estienne REY (1779-1855),
républicain et socialiste « utopique » tombé
dans l'oubli2(*), dont nous
nous efforcerons lors de cette étude de présenter les multiples
visages. Alors Président du tribunal civil de Rumilly, cet inconnu du
grand public osa de vive voix, par sa courte et élogieuse Adresse
à l'Empereur3(*), dont nous venons de donner un bref
aperçu, le mettre en garde contre la tentation de renouer avec son
propre despote.
En effet, le retour en France de Napoléon de
l'île d'Elbe4(*)
sème le trouble. Louis XVIII, terrorisé par la nouvelle, donne
dés le 5 mars, l'ordre de partir en chasse contre
« l'usurpateur ». Le frère du roi, le comte
d'Artois, lui prête même concours en appelant aux autorités
civiles et militaires. Mais comme le note avec justesse Jean
Tulard : « A qui obéir en ce mois de mars
1815 ? A l'empereur ou au roi ? Quel est le souverain
légitime ? »5(*). La France est alors en pleine ébullition. De
l'arrivée de Napoléon sur le sol français le
1er mars à sa prise du pouvoir le 20 mars, Louis XVIII
s'étant enfui la veille pour Lille, le pays se divisera
étrangement entre d'une part, un groupe hétéroclite
composé de nostalgiques de la grandeur du première empire et
surtout d'un peuple privé de nombre des acquis de la Révolution,
en attente de la libération du pays des Bourbons6(*), et d'autre part une petite
élite de libéraux modérés ne croyant pas à
juste titre aux aspirations républicaines de l'empereur revenu7(*). Ces « vingt
jours » furent donc décisifs pour l'avenir d'un pays8(*), menacé de guerre civile
et surtout d'une reprise inévitable de la guerre entre la France et
l'Europe si Napoléon remonte sur le trône.
Dés lors, au milieu de toute cette agitation , la voix
discrète de Joseph Rey apparaît comme celle d'un homme audacieux,
courageux, n'hésitant pas au sein d'un pays à nouveau en proie au
doute, à modérer autant les ardeurs de l'empereur revenu
qu'à sanctionner les dérives du monarque. Cette
« Adresse » ne passa d'ailleurs pas aussi inaperçu
que l'on pourrait le penser au regard du faible intérêt
porté par l'historiographie nationale à la personne de Joseph
Rey. Elle trouva écho dans le Dauphiné où un certain Henri
Beyle, dit Stendhal, de passage à Grenoble au début du mois
d'août 1837 rendit hommage au courageux patriote :
« C'est dans la chambre où j'écris qu'un juge de
Grenoble, M. Joseph Rey, osa lui (Napoléon) dire que la France l'aimait
comme un grand homme, l'admirait comme un savant général, mais ne
voulait plus du dictateur qui, en créant une nouvelle noblesse, avait
cherché à rétablir tous les abus presque oubliés.
Le discours de Rey, qui pouvait avoir cinquante lignes, fut imprimé en
deux heures et à vingt mille exemplaire, et le soir tous les Grenoblois
le répétaient à Napoléon. S'il eût compris
cette voix du peuple, lui ou son fils régnerait encore, mais la France
eût perdu la supériorité littéraire, celle de toutes
qui, ce me semble, lui fait le plus d'honneur. »9(*). Rey, né aussi
à Grenoble, était un ami de jeunesse de Stendhal. Ce dernier
regardait déjà avec bienveillance ce rigoureux idéaliste.
Les propos éclaircissant du jeune Stendhal sur son compatriote
méritent à nouveau d'être
rapporté : « Rey, philosophe, se propose de
publier un système où il prouvera que le bonheur particulier est
toujours lié au bonheur général. C'est ce que je lui
souhaite. Veut faire plusieurs comédies dans ce système. Me
paraît très froid, à vingt-cinq ans »10(*).
Il ne sera pourtant nulle question de littérature ou
de comédies ici, mais bien d'un intellectuel au sens propre du terme,
qui conciliant réflexions et engagement, théorie et pratique, fut
à bien des égards, nous le verrons, un
précurseur. Précurseur dans l'adoption au sein des
libéraux français de la dynamique du mode conspiratif de
résistance à l'oppression accrue du régime
restauré de Louis XVIII dans les années 1819-1820, il parvint
aussi dans la seconde moitié de sa vie, après de multiples
voyages, à enrichir de ses influences, les écoles socialistes
françaises dites « utopiques » de la première
moitié du XIXème siècle.
Avant de présenter brièvement quels furent ses
tumultueux parcours politiques et intellectuels, parcours d'ailleurs intimement
liés, il convient d'insister sur le caractère dérangeant
que peut susciter auprès de certains un tel
éclectique. Fernand Rude dans sa biographie
consacré au socialiste Joseph Rey rapporte le cas intéressant de
M. Henri Martineau, directeur en 1943 de la revue et des éditions Le
Divan, qui bien que non contemporain de Rey se permit d'émettre
à son égard les plus sévères et injustes
jugements : « Joseph Rey, écrit-il,
jouait à la ville le philosophe gourmé, le
ténébreux conspirateur non moins que le tapeur sans scrupules. Il
se drapait dans sa toge illusoire de vieux romain pour vivre au crochet de
petits camarades aussi pauvres que lui. En échange, il expliquait la
doctrine, se vantait de ses fréquentations chez Destutt de Tracy et
Cabanis et affectionnait les formules renouvelées de
l'antique : « Adieu, le papier reste court, mais non pas
mon coeur. » En un mot, il convient de voir en lui l'agitateur de
tous les temps et de tous les pays, celui qui court carrière dans la
plus louche politique et vit au détriment des naïfs.
»11(*). Des
faveurs d'Henri Beyle aux considérations déplacées de M.
Martineau, le personnage de Joseph Rey ne laissa donc pas indifférent
ceux qui se sont intéressés un temps soit peu à sa vie.
Introduisons à présent le personnage en précisant les
études historiques disponibles à son sujet.
Première présentation biographique de
Joseph Rey12(*)
1.Les sources documentaires consacrées à
Rey
Si nous citerons parfois quelques passages de sa propre
biographie « morale et politique »13(*), extraite de ses
Mémoires que nous aborderons réellement dans les chapitres II et
III, cette notice introductive demeurera essentiellement construite à
partir des rares éléments biographiques existant sur Rey. Ceux-ci
apparaissent sous deux formes : d'une part à travers des notices
biographiques de dictionnaires historiques (1) et d'autre part à travers
de brèves « études » biographiques
disponibles pour l'essentiel à la bibliothèque municipale de
Grenoble (2). L'ensemble de ces sources précieuses sera donc
complété dans cette étude par un travail
d' « archives » sur une sélection
d'écrits de Joseph Rey. Nous y viendrons dans quelques instants.
(1). les dictionnaires historiques :
Deux notices de ce type, recommandées comme
première approche, furent utilisées. La plus synthétique
est incontestablement celle réalisée par Adolphe Rochas dans sa
Biographie du Dauphiné14(*). On pourra alors la compléter de la notice du
Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français15(*), sous la direction de Jean
Maîtron. Ces deux dictionnaires constituent de bons « outils
basiques » de repérage biographique autant pour la figure de
Rey que pour celles de ses contemporains, et plus précisément des
personnalités de son entourage politique et intellectuel. Ajoutons aussi
en ce qui concerne l'entourage de Rey le recours au Dictionnaire
biographique de la Drôme16(*).
(2). Les études biographiques :
On en compte quatre de qualité et d'orientation
variées. Essayons de les classer brièvement.
L'étude la plus complète est celle
déjà évoquée de Fernand Rude17(*). Riche d'annotations diverses,
elle balaye tous les aspects de la vie de Rey : sa jeunesse, son
engagement publique, ses rencontres, ses réflexions et son apport
théoriques. Elle s'accentue cependant plus sur la présentation du
philosophe-socialiste « utopique ».
Une étude d'aussi excellente qualité est celle
de Henry Dumolard18(*).
Elle constitue une bonne introduction aux « Mémoires
politiques » de Joseph Rey, sur lesquels nous porterons aussi le plus
d'attention. L'engagement politique de Rey s'y trouve bien retracé.
Dans la même lignée que l'étude de
Dumolard, celle de Georges Weill19(*) n'est pas à négliger.
Enfin, deux études plus secondaires peuvent être
requises. Sur la période « St Simonienne » de Rey,
on consultera l'étude de Pierre Avril20(*) et enfin de qualité moindre, notons
l'étude de A. Demougeot21(*).
2.Joseph Rey de Grenoble (1779-1855): une vie
«mouvementée », entre engagement et
« utopies ».
Joseph-Philippe-Estienne22(*) Rey naît à Grenoble le 24 octobre 1779,
dans une famille de commerçants aisés, de Jean Rey, marchand
confiseur-liquoriste, et de Françoise-Marie Chenavier23(*). Il est baptisé le
lendemain à l'église St-Hugues24(*). Joseph Rey vit une enfance assez triste du fait des
mauvais rapports qu'il entretient avec son père, nous y reviendrons plus
tard...Il passe une grande partie de son enfance et de sa jeunesse dans
l'officine de ses parents. Sa mère, devinant déjà en lui
une intelligence au-dessus de la confiserie, lui porte les plus hautes
ambitions. Cependant Rey ne parvient à fuir le foyer familial que
tardivement, tyrannisé par un père qui souhaite plus le voir
reprendre son commerce fructueux. Issu d'une famille aisé, il fait ses
études au collège de Grenoble25(*) où il puise, note
t'il : « comme presque tous ceux qui reçoivent
ce genre d'éducation, le germe des idées
républicaines, telles qu'on les entendait alors, et qui
sont répandus si éloquemment dans l'histoire des Grecs et des
Romains »26(*). Rey est en effet un féru de culture
classique. A quinze, il s'abreuve déjà de lectures
philosophiques. Mais loin de vouloir devenir un érudit, il rêve
surtout, rapporte t'il : « aux moyens de rendre l'homme plus
heureux en le rendant meilleur »27(*). Adolescent, il remarque déjà dans la
boutique de son père qui est son observatoire
que : « tous les vices du peuple viennent de son
avilissement, du sentiment de son néant dans la
société »28(*). Mais passons sur son enfance puisque nous y
reviendrons ultérieurement.
Sa mère, qui souhaite le voir devenir avocat,
réussit à l'envoyer à Paris en 1802...lui qui
affectionnait tant sa ville natale au point d'aimer à se faire appeler
« Joseph Rey de Grenoble ». Il y fait alors des
études très vastes. Débutant dans un premier temps celles
des sciences naturelles, il se consacre très vite et sérieusement
au droit29(*) tout en
continuant la lecture des philosophes. C'est une période décisive
de la vie du jeune Rey. « Transporté » par la
lecture des Eléments d'Idéologie, Il part le 18 octobre
1804 à la rencontre de son auteur, le philosophe Antoine Destutt de
Tracy30(*), maître
à penser des Idéologues, les héritiers de Locke et de
Condillac. Celui-ci le reçoit chaleureusement et ne tarde pas à
le prendre sous sa coupe. Rey rapporte : « ...(il)
m'accueillit avec la plus extrême bonté, sans autre recommandation
que le vif désir d'instruction qu'il remarqua en moi...dés ce
moment, il devint pour moi un second père »31(*). Tracy aidera, en effet,
Rey durant tout le long de sa carrière dans la fonction publique mais
surtout en ami, le conseillera beaucoup... Nous y reviendrons aussi
ultérieurement.
Le jeune Idéologue, qui ne cesse depuis qu'il est
à Paris de maintenir son ardeur au travail32(*), obtient finalement en 1807
son grade de licencié en droit de la Faculté de Paris. Fort de
son amitié avec Destutt de Tracy, celui-ci le fait entrer, la même
année, dans la magistrature comme substitut du Procureur impérial
à Plaisance33(*).
De là datent ses premières considérations sur
l'administration impériale et surtout sur le fonctionnement de la
justice. Il en profite pour apprendre l'Italien et approfondir ses recherches
sur les législations européennes. Supportant pourtant assez mal
le climat italien34(*),
Rey demande au début de l'année 1810 sa mutation. On le retrouve
alors à Mayence comme premier substitut. Rey se plait beaucoup dans son
nouveau poste. Moins surchargé de travail, Rey retrouve le temps
d'affiner ses recherches dans les bibliothèques et notamment dans celles
des universités d'Heidelberg et de Francfort35(*). Sa situation
financière s'améliore aussi, recevant un traitement de huit mille
francs. Cependant, avec la mise en place du blocus continental sont
créés sur le Rhin des tribunaux spéciaux de douanes. Ayant
fait ses preuves, l'administration impériale souhaite qu'il y entre
comme procureur ! Mais Rey, qui avait une aversion pour les juridictions
d'exception refuse cette promotion. Destutt de Tracy lui somme cependant
d'oublier son orgueil et parvient à apaiser les conflits entre Rey et
ses supérieurs hiérarchiques. A contre coeur mais ne voulant pas
blesser son mentor, il devient en 1812, président du nouveau tribunal
des douanes de Lunebourg, poste qu'il occupera jusqu'à la fin de
l'Empire. Durant ces huit premières années de magistrature en
pays annexés, Rey est scandalisé par l'asservissement de la
justice à l'autorité impériale. Il ne cesse d'entrer en
conflit avec différents corps de fonctionnaires, qu'il s'agisse de
l'armée, des préfets ou des agents fiscaux ! Nous y
reviendrons afin d'illustrer un peu plus la force de caractère du
personnage.
Bref, avec la chute du régime impérial, Rey,
non mécontent de rentrer en France36(*), se retrouve cependant dans une position difficile.
Les Bourbons revenus ( aussi appelés à cette époque, les
« exilés ») risquent d'être des plus
défiants vis à vis de l'ancienne administration impériale.
Ainsi son maître Destutt de Tracy, pourtant assez peu
apprécié du nouveau gouvernement, parvient à lui retrouver
un poste à sa convenance. Tracy, avec l'aide de l'avocat de Schonen,
part s'adresser directement au ministre Dambray qui lui aurait répondu
en ses termes : « Si M.Rey veut aller dans le ressort de
Grenoble, son pays natal, je lui promets la place qu'il
désirera !... »37(*). Rey choisit alors la présidence du Tribunal
civil de Rumilly, dans le département du Mont-Blanc et prête
serment de fidélité à Louis XVIII le 13 novembre 1814.
Toujours aussi critique vis à vis du fonctionnement de la nouvelle
administration royale38(*), il apprécie cependant à cet
époque le fébrile compromis
« monarcho-républicain » du nouveau régime.
Louis XVIII qui s'était auto-proclamé « roi des
Français » lors de sa déclaration du 2 mai 1814
à St Ouen, avait du prêter serment à la Constitution en
échange de l'élaboration de la Charte39(*), adoptée en
séance royale le 4 juin.
Bien qu'appréciant le
« génie » de Napoléon, Rey observe donc comme
beaucoup des libéraux modérés avec méfiance le
retour de l'empereur en France. Affligé par la passivité du
peuple à « vouloir se courber de nouveau devant le
despote »40(*),
il « salue » nerveusement avec son Adresse à
l'Empereur41(*) le
retour de l'empereur d'une manière assez particulière. S'il
exalte son génie, il n'hésite pas à lui donner les plus
sévères conseils, le mettant en garde contre tout nouveau despote
et l'appelant à la paix.
Ce qui constitue le « premier acte de la vie
publique de Joseph Rey »42(*) lui attire aussi ses premiers ennuis avec le
gouvernement rétabli. Rey qui est accusé d'avoir tenu des
« paroles de blâme pour le gouvernement antérieur du
roi »43(*) est
alors sommé d'en « faire le désaveu, ainsi qu'une
protestation de son attachement personnel aux membres de la
dynastie. »44(*). Rey ne se laisse pas à impressionner par la
menace et refuse de prêter un tel serment
d' «affection » pour la dynastie des Bourbons45(*), ni pour aucune autre
d'ailleurs.... Refusant de se plier, il perd toute chance de
réintégrer l'administration publique, il a d'ailleurs perdu son
poste de Président du tribunal civil de Rumilly, suite à la perte
de la France du territoire de la Savoie (traité de Paris).Il revient
alors dans sa ville natale où il se fait inscrire au barreau. Il n'y
reste pas longtemps. S'affirme alors nettement chez lui sa conscience
politique, plutôt libérale
« modérée » à l'origine... Mais
dès le début de l'année 1816, frappé d'apprendre la
répression en Prusse de sociétés secrètes comme la
Tugendbund46(*), il repart
pour l'Allemagne. De là date l'idée de créer
lui-même à l'image de la société des
« carbonari »47(*), une organisation à vocation internationale
devant regrouper toutes les forces libérales. Rey lui donne le nom de
« l'Union » et organise avant son départ, le 26
février 1816, sa première assemblée à Grenoble. Il
est décidé à l'origine de ne soutenir que les
résistances légales, en excluant tout recours à la
violence. Nous y reviendrons.
Conformément à la tradition italienne des
« Carbonari » et des
« sociétés » secrètes
antérieures (allemandes et françaises), la plus grande
discrétion devait être assurée par ses membres,
recrutés avec précaution après examen individuel. L'Union
ayant une vocation politique « libérale »,
les premiers membres sont au début surtout un ensemble assez
hétéroclite de notables grenoblois comme Champollion le Jeune, le
peintre Simon Triolle, l'avocat Félix Réal, et Bérenger
de la Drôme, tous amis de Rey. Ce dernier part donc en Allemagne
promouvoir avec prudence cette nouvelle organisation politique libérale.
Il se rend à nouveau à Heidelberg puis Mayence, Spire, Landau...
où il avait établi ses premiers contacts. Il organise dans toutes
ces villes des comités locaux, placés sous la direction d'hommes
de confiance. Restant plusieurs mois en Allemagne, il s'assure notamment
d'affilier deux Français en exil : Desportes et surtout l'avocat
Charles Teste, dont Rey avait été le secrétaire à
Paris...
Rey rentre en France dans l'année 1817, profitant
aussi de son voyage pour prendre quelques contacts en Suisse. De retour
à Grenoble dans sa fonction d'avocat, il apprend que pendant son
absence, en 1816, ont été fomentées des conspirations
militaires, visant à renverser le pouvoir royal, toutes
déjouées et sévèrement
réprimées48(*). Rey très marqué par cette
répression, accepte en 1819, dans sa qualité d'avocat, d'assurer
la défense des familles des victimes49(*)... Sa conscience politique désormais
résolument orientée vers la lutte contre la répression du
régime, Rey décide de s'établir à Paris. Durant son
voyage vers la capitale, il en profite pour organiser à Lyon un
comité de l'Union sous l'égide de l'avocat Duplan. Arrivé
à Paris en 1817, où il se fait inscrire au barreau, il rencontre
les avocats libéraux Mérilhou et Odilon Barrot qu'il
intègre à l'Union. Epoque importante dans la formation du
réseau parisien de l'Union, Rey fonde avec l'aide de Lafayette, connu
dans les salons de Tracy, l'Union parisienne. Très vite, ils parviennent
à intégrer tout un cercle de libéraux parisiens allant des
députés Voyer d'Argenson, Dupont de l'Eure, de Corcelles aux
généraux Tarayre, de Pompières ; des journalistes
comme Comte, Dunoyer du Censeur, Chatelain du Courrier
français ; des professeurs comme Victor Cousin, des magistrats
comme de Schonen, Girod de l'Ain... Rapidement, les Unionistes songent à
étendre leur réseau au Nord, à l'Est, dans la Seine, dans
la Loire et la Haute-Loire. L'année 1819 est très riche de
formations d'organisations libérales, sociétés politiques,
comme la loge des Amis de la Vérité née sous l'impulsion
de Cousin ou la Société de la Liberté de la Presse,
déjà très active à Paris en 181950(*). Il conviendra plus tard de
préciser les rapports qu'eurent les deux organisations citées
avec l'Union.
En cette même année 1819, Rey devenu populaire
suite à son Adresse à l'Empereur, s'occupe d'instruire
la plainte des familles des victimes dauphinoises de la répression de la
conspiration de Didier (1816). Il envoie ainsi un violent réquisitoire
qui prend la forme d'un manifeste politique contre le général
ayant signé l'acte d'exécution des militaires insurgés, le
général Donnadieu. Nous reviendrons plus en détail sur
cette affaire. Ce dernier qui poursuit Rey pour diffamation, obtient sa
radiation du Conseil de l'Ordre des avocats, le 08 juillet 1819. Dés
lors, notre « honnête » homme ne s'occupe plus que de
conspirations.
En 1820, Il réactive l'Union suite au
durcissement du régime opéré par le second
ministère Richelieu, qui dés le mois de mars 1820 tente
d'écraser toute expression des opinions libérales en suspendant
la liberté de presse. Rey organise alors un « comité
d'action » intégrant Lafayette et les députés
Voyer d'Argenson, Manuel, Dupont de l'Eure... Ce comité qui prendra par
la suite le nom de « comité directeur », ne voyant
plus, la censure rétablie, de moyens d'organisation d'une lutte
légale, semble de plus en plus séduit par l'idée des
conspirations. En effet, durant ces années 1819-1820, le climat
politique devient des plus délétères. De l'annulation
inconsidérée de l'élection du député
libéral grenoblois Grégoire en septembre 1819, sous la pression
des « ultras », jusqu'à l'adoption par la chambre
à majorité « ultra » de la loi dite
« du double vote », le 30 juin 1820, Louis XVIII sous
l'impulsion de l'austère duc de Richelieu ne cesse d'étouffer
toute expression politique des libéraux. La répression devant le
palais Bourbon, le 3 juin 1820, d'un important mouvement étudiant
opposé au vote de cette loi illégitime décide alors les
Unionistes à organiser une conspiration, organisée autour de
l'idée d'une prise d'armes militaire.
L'idée n'est cependant pas de Rey, jusqu'alors
toujours convaincu de la nécessité de ne pas user de la violence.
La naissance et la mise en place de cette conspiration, qui devait
éclater le 19 août 1820 dans plusieurs villes de France, sont des
plus complexes. Un chapitre complet lui sera donc consacré. Comme toutes
les conspirations libérales à venir avec la naissance par la
suite dans les années 1820-1821 d'une Charbonnerie française (
prenant le relais des Carbonari italiens...), celle du 19 août 1820, dite
du « Bazar51(*)français », est aussi un
échec. L'entreprise fut comme bien souvent à l'époque
infiltrée par la Police.
Soulignons ici le rôle de médiateur que
tenta de tenir Joseph Rey au sein d'une entreprise qui très vite
tournait au fiasco. Le 20 août 1820, la Police arrête les derniers
conjurés n'ayant pu s'enfuire. S'ensuit un sévère
procès devant la Cour des Pairs des principaux
« leaders », procès auquel Rey échappe,
parvenu à s'enfuire en Suisse puis en Allemagne. Il n'en est pas moins
condamné à mort par contumace par la Cour des Pairs, ce qui le
contraint à l'exil. Dés lors commence la seconde partie de la vie
de Joseph Rey.
Rey trouve asile politique en Angleterre. Arrivé au
mois de juillet 1821, il y restera cinq ans. Apprenant l'Anglais, et
recommençant ses études sur la législation locale52(*), Rey est surtout
confronté à la misère de la population, découvrant
comme il les appellera dans ses Mémoires, les « classes
nécessiteuses de la nation »53(*). L'Angleterre subissait alors le contre coup de la
dépression économique de l'année 1817. Sur la
recommandation de Lafayette, Rey entre en relation avec l'économiste
Jérémie Bentham54(*) pour lequel en tant qu'Idéologue, il se sent
de grandes affinités. Mais surtout cette première confrontation
avec la réalité de la classe ouvrière anglaise le pousse
à s'intéresser au système
« communiste » ou plutôt
« communautariste » auquel travaille Robert Owen55(*). Très vite
passionné par l'utopie « communautariste » d'Owen,
il tente de l'assimiler à ses conceptions libérales... Nous
essaierons de les entrevoir quoique très changeantes...Bref, Rey se
plonge dans le courant des socialismes « utopiques » de la
première moitié du XIXème siècle.
En 1825, il s'initie au Saint-Simonisme par
l'intermédiaire d'Olinde Rodrigues qui lui envoie quelques
numéros du Producteur, organe des Saint-Simoniens. Il liera
ainsi plus tard des amitiés avec des membres célèbres
comme Enfantin et Bazard. L'année suivante, c'est cette fois vers
Fourier que Rey se tourne suite à la lecture de son
Traité d'association domestique et agricole (1822). Rey
tentera plus tard un syncrétisme de ses
« découvertes », nourrissant sa réflexion
quant à l'élaboration du « juste
gouvernement »56(*).
En 1826, Rey est contraint de rentrer en France. En effet,
passé cinq ans, d'après la législation de l'époque,
tout condamné à mort par contumace encourait la mort civile s'il
ne se représentait pas devant la juridiction. Il se présente
alors de nouveau devant le garde des sceaux Dambray qui après maintes
discussion concède à intervenir en sa faveur auprès du
nouveau souverain Charles X. Ce dernier qui n'avait pas connaissance de Rey
l'amnistie sans autre formalité le 1er novembre 1826.
L'époque est alors bien différente de celle des années
1820. Le carbonarisme s'est éteint en France comme Italie sans que Rey
ait pu réellement y participer et le socialisme prend son envol autour
d'une jeunesse tournée vers l'étude des problèmes sociaux.
Les diverses écoles, saint-simonienne, fouriériste, cabetiste...
s'affrontent autour de la question du « meilleur »
système politique.
Rey peut ainsi, fort de ses connaissances, intégrer ce
petit cénacle, notamment en publiant en septembre-octobre 1826, dans
le Producteur, des extraits de ses Lettres sur le système de
la coopération mutuelle et de la communauté de tous les biens
d'après les plans de M.Owen57(*). Il rencontre alors les plus illustres membres de ces
écoles socialistes, comme Cabet, les saint-simoniens Enfantin et Bazard,
le communiste Buonarroti... Il se livre à cette époque plus que
jamais à l'étude du malaise social.
« Vulgarisant » la pensée de Robert Owen, il
n'hésite pas à enrichir et à s'enrichir de ses
différentes écoles. Avec la révolution de 1830 et
l'affirmation d'une majorité libérale , Rey obtient de Lafayette
le 25 octobre 1830 sa réintégration dans la magistrature et est
nommé conseiller à la Cour royale d'Angers. Déçu
à nouveau de l'échec des journées de Juillet dans
l'instauration définitive d'un régime libéral58(*), Rey se tourne à la fin
de l'année 1831 vers les Saint-simoniens. Rey critiquant la
mysticité du dogme, ceci ne demeurera qu'un épisode passager
où durant une année, il se consacra à la propagande
saint-simonienne. En 1837, Rey adhère plus solidement au
Fouriérisme en s'abonnant le 28 juillet au journal la Phalange.
Il deviendra même actionnaire de la Démocratie pacifique,
second journal des Phalanstériens. En 1842, il se tourne vers les
néo-babouvistes en s'abonnant à la Fraternité.
Cependant, Rey est encore empreint du « communalisme
owenien » et est soucieux de vouloir fédérer ces
diverse écoles autour d'Owen et de Fourier. Rey tenta à maintes
reprises de faire venir Owen à Paris.... Ainsi Rey, qui avait foi en une
unité prochaine des socialistes, adresse le 20 juin 1847 aux
rédacteurs de la Démocratie pacifique un Appel au
ralliement des socialistes59(*), qui sera publié le 27. Cet appel
pourtant salué par ses camarades reste « lettre
morte », les divisions entre Fouriéristes et communistes trop
profondes pour être effacées par la volonté d'un seul
homme...
Rey, mis à la retraite en 1844, s'occupe depuis de
fondations philanthropiques, promouvant notamment l'Instruction publique... Il
observe alors tranquillement la révolution de 1848, toujours pleins
d'espoirs de voir un jour s'installer durablement les bases d'un ordre garant
de la « conciliation générale des intérêts
individuels », fondement selon lui de la paix sociale. La
République un temps retrouvée, il se présente alors aux
élections législatives de 1849. Profession de foi assez terne, il
n'est pas élu et ses espoirs sont vite déçus par le coup
d'Etat du 2 décembre 1851 signant le retour des Bonaparte... Rey meurt
à Grenoble le 18 décembre 1855.
Au terme de cette première et nécessaire
présentation biographique du personnage, il apparaît bien que
Joseph Rey ne fut donc pas ce « Rastignac »
qu'évoque M.Martineau dans sa préface des « Lettres
à Stendhal »60(*), mais bien une figure
« stendhalienne », de par la somme d'écrits qu'il
prit soin de laisser à la ville de Grenoble. La bibliothèque
municipale compte pas moins de quatre-vingts documents signés de sa
plume, allant de ses Mémoires, ses traités, exposés,
« adresses », « journaux », lettres de
plaintes, notes, pétitions, projets de colonies agricoles et
industrielles diverses... jusqu'à son imposante correspondance61(*). Des choix ont du être
faits, ce qui nous amène à présenter les axes de recherche
de la présente étude.
La question du cadre historique de la vie de Joseph
Rey : dynamique politique et dynamique biographique
La vie de Joseph Rey s'étend sur plus de soixante
quinze années. Tour à tour, juriste, avocat, constitutionnaliste,
publiciste, conspirateur, puis socialiste « utopique »,
philanthrope, il demeura actif jusqu'à son dernier souffle. Né
sous le règne de Louis XVI, il connut par la suite les
« deux » empires et les « deux »
restaurations. Chacune de ces périodes politiques influence la conduite
de Rey, ce qui nous contraindra tout au long de ce travail à apposer
dynamique historique et dynamique biographique. De cette première
présentation biographique de Rey, trois temps peuvent être
dégagés :
- une première période qui s'étend de sa
jeunesse studieuse sous le Consulat et le premier empire (1799-mai 1814)
jusqu'à sa première « manifestation »
publique avec son Adresse à l'Empereur (mars 1815).
- le temps des premiers engagements politiques ( de 1815
à 1819) qui le mène à « conspirer »
(1820).
- Enfin, l'exil et ses rencontres, le retour à
la réflexion et à l'engagement
« intellectuel » (1826-1847).
De ces trois époques, on distingue nettement le
« va et vient » constant qu'effectuait Rey entre engagement
publique, rencontres et retraite intellectuelle. Une cohérence
biographique apparaît tout aussi nettement... La vie de Rey fut comme il
affirme lui-même constamment orientée par le goût de la
justice, de la science , avec à terme l'espoir peut-être de
connaître enfin la République !
Donc, à travers ces deux figures du
conspirateur et du théoricien-publiciste socialiste,
s'esquisse un même personnage, marqué par une indépendance
et une ouverture d'esprit , à la croisée du XVIIIème
siècle de par sa formation et du XIXème siècle par son
engagement. Ces deux figures retenues feront donc chacune l'objet d'un chapitre
(II et III), avec comme fil directeur les rôles de conciliateur et
de précurseur que tenta de tenir Joseph Rey. Conciliateur
d'intérêts divergeant lors de la préparation de la
conspiration du 19 août 1820, et précurseur en France des
premières conspirations libérales. Précurseur à
nouveau de par son intérêt qu'il porta au théoricien Robert
Owen en diffusant sa pensée en France et à nouveau
médiateur au sein des écoles socialistes utopiques
françaises de la première moitié du XIXème
siècle.
Dés lors, différents
éléments de problématique doivent nous
permettre d'interroger le personnage sous l'angle de ces deux figures.
- Une première interrogation légitime sera la
suivante : Comment Rey, à l'origine résolument pacifiste
et satisfait du compromis « monarcho-constitutionnel » de
1814 fut-il amené à conspirer contre Louis XVIII ?
Un retour historique sur la transmission au sein des libéraux
français de l'exemple des luttes « carbonaris » sera
donc effectuer dans un premier chapitre (I)62(*). Cette question de la réunion des
élites libérales au sein de « cercles » et/ou
de « sociétés », devenant
nécessairement « secrètes » avec le
durcissement du régime des années 1819-182063(*), sera abordée à
l'aide de travaux de Jardin64(*), Agulhon65(*) et surtout à l'aide de celui de
Lambert66(*). Ainsi au
cours de ce chapitre, nous introduirons l'Union, société
secrète libérale créée par Joseph Rey.
- la seconde interrogation portera sur
l'engagement phare de Rey, à savoir sa participation active à la
préparation et à la coordination du complot raté du 19
août 1820 (II)67(*). Quelles furent les motivations des
conjurés ? Pourquoi et comment l'entreprise a t'elle
échoué ? Quelle place y occupa Rey ?...
- Enfin, il nous restera à entrevoir les trente cinq
dernières années de la longue vie de ce personnage.
Nous présenterons donc le socialiste
« utopique » (III)68(*) au travers d'une part d'un retour sur sa
jeunesse (1799-1815), sur son initiation à la pensée de R.Owen
(1822-1823) et d'autre part à travers ses différentes rencontres
au sein des écoles socialistes du début du XIXème
siècle...
Mais avant d'entrer plus en détail dans la vie de celui
que le fouriériste Victor Considérant qualifiait de
« socialiste, homme de bien »69(*) , abordons dans un premier
temps la question de la naissance en France des premières conspirations
libérales.
MISE EN PLACE DU CONTEXTE HISTORIQUE
Les luttes libérales et/ou
républicaines sous la Restauration: entre « tentations
conspiratrices » et « légitimité du
légalisme »
« Je me souviens que le poids du taureau
agonisant failli faire crouler le plancher à claire-voie sous lequel je
me tenais pour recevoir l'aspersion sanglante. J'ai réfléchi par
la suite aux dangers que ces sortes de sociétés presque
secrètes pourraient faire courir à l'Etat sous un prince faible,
et j'ai fini par sévir contre elles, mais j'avoue qu'en présence
de l'ennemi elles donnent à leurs adeptes une force quasi divine. Chacun
de nous croyait échapper aux étroites limites de la condition
d'homme, se sentait à la fois lui-même et l'adversaire,
assimilé au dieu dont on ne sait plus bien si il meurt sous une forme
bestiale ou s'il tue sous forme humaine. »
Marguerite Yourcenar,
Mémoires d'Hadrien.
I - Des conspirations Carbonari aux conspirations
libérales françaises : la difficile organisation des
mouvements libéraux sous la Restauration
Comprendre le développement, en France sous la seconde
restauration, de mouvements « conspiratifs », qu'ils soient
de nature « libérale » ou
« bonapartiste » nous impose de revenir brièvement
sur la chute de l'Empire napoléonien et l'éveil des consciences
nationales qui s'en suivit.
L'acte final du congrès de Vienne le 9 juin 1815 puis
la cinglante défaite de Napoléon à Waterloo au soir du 18
juin 1815 scelle définitivement la fin de l'Europe napoléonienne
et le retour des derniers Bourbons en exil. L'Europe est totalement
redessinée au profit de la Prusse et de l'empire d'Autriche-Hongrie.
Habsbourg et Bourbons se partagent de nouveau l'Europe. C'est le début
de l'ère du système Metternich70(*) qui tiendra plus de trente ans. Les pays vaincus sont
ainsi considérablement amputés. Metternich sur la base d'une
Confédération germanique (39 Etats) présidée par
l'Autriche, fait de l'Italie un protectorat autrichien. Celle-ci est
désormais divisée en huit Etats. L'équilibre du nouvel
ordre est assuré par la constitution le 26 septembre 1815 d'une
« Sainte-Alliance » proposée par le Tsar Alexandre
Ier, rassuré par la défaite finale de Napoléon. Le but de
cette alliance est de « comprimer » les aspirations
nationales en restaurant les bases de l'Ancien régime : monarchie
de droit divin, domination de la noblesse... Cependant très vite, cette
restauration « contre-révolutionnaire » se trouve
confrontée à la survie depuis l'Empire de mouvements des
nationalités, qui ne cessent depuis 1815 de s'exprimer avec
véhémence. De plus, cet éveil des nationalités se
doublent désormais de mouvements libéraux réclamant la
liberté politique. Comme le note J.L Robert71(*), libéralisme et
nationalisme s'expriment souvent simultanément au cours de la
période 1815-1848 en Europe centrale. Peu nombreux à l'origine,
ces « déçus » du retour des rois en Europe,
« privés » de tout espoir de connaître enfin
la liberté au sein de leur nation, s'accroissent au fil des ans dans
l'ombre des gouvernants. Ces mouvements nationaux et/ou libéraux se
développeront alors d'abord en Italie ( dés 1806-1808) et en
Allemagne (1815) avant d'atteindre la France (1819-1820).
I-1 Le renouvellement du mode
«conspiratif » de résistance politique : le
mouvement libéral italien et la lutte pour l'indépendance
nationale.
Si l'Allemagne compte à cette époque diverses
associations patriotiques72(*), c'est sur les Carbonari que nous focaliserons notre
attention, marquant d'une plus grande influence les conspirateurs
français à venir.
I-1.1 la naissance avortée des Carbonari et les
prémisses du mouvement libéral en Italie
Le mouvement libéral italien est intiment lié
à la lutte pour l'indépendance nationale du pays. Lutte qui
naît précocement sous l'Empire sous l'impulsion de la
société naissante des Carbonari, et inquiétant
déjà Napoléon73(*). Une figure importante, peut-être à
l'origine des premières Ventes74(*) carbonari, est à cette époque celle du
français Pierre-Joseph Briot, sur laquelle nous reviendrons plus en
détail. Député au conseil des Cinq-Cents (1798), il
demandait déjà la déchéance des rois de Sardaigne
et de Naples. Multipliant sa propagande pour l'indépendance italienne,
Napoléon l'envoie à l'île d'Elbe en l'an IX ! On le
retrouve cependant en Italie, dans les Abruzzes et en Calabre de 1806 à
1809. A cette même époque se développent dans ces
mêmes provinces les premières Ventes carbonari italiennes qui
regroupaient à l'origine tous les proscrits de l'Empire, royalistes ou
républicains.
Comme le note Serge Hutin75(*), les Carbonari ont fait beaucoup parler d'eux au
siècle dernier, et de nombreux romans les ont mis en scène,
prêtant souvent à leurs motivations, de même qu'à
celles pourtant différentes des Francs-maçons, les pires
desseins76(*). Cependant,
bien que disposant déjà en 1813 de nombreuse Ventes, notamment
dans le royaume de Naples, leur action est vite étouffée au
retour en cette même année de Joachim Murat77(*). Ce dernier qui avait
épousé Caroline Bonaparte, roi du royaume de Naples de 1808
à 1815, s'inquiète à juste titre de l'extension de
cette société secrète au sein de l'armée
et de la jeunesse, et décide, sous le conseil du
général Manhes, la fermeture de leurs Ventes le 6 novembre 1813.
Les Carbonari sous l'Empire ne commencèrent donc qu'à s'organiser
clandestinement, ne pouvant s'exprimer légalement. Cependant, ce
même Murat tentera de s'appuyer sur les Carbonari pour reconquérir
son trône perdu suite à la chute de l'Empire en juin 1815.
L'épisode fut trop bref et infructueux pour qu'on s'y attarde.
Murat fusillé le 13 octobre 1815, l'Autriche suite au
Congrès de Vienne reprend donc le contrôle de la péninsule
italienne. Le pays se trouve alors partagé entre souverains
interposés, en huit Etats. Le royaume de Naples, objet de toutes
les convoitises, devient augmenté de la Sicile, le Royaume uni
des Deux Siciles placé entre les mains du roi Ferdinand Ier
(Habsbourg), ex-roi Ferdinand IV de Naples et III de Sicile... Passé ces
partages sommes tout assez compliqués entre souverains autrichiens, la
nouvelle Italie « autrichienne » ne peut satisfaire la
population privée à nouveau de son identité.
La Restauration inaugure en effet en Italie le retour
à une législation tatillonne, avec une remise en vigueur des
droits de douanes d'Etat à Etat altérant considérablement
les échanges commerciaux. Le mécontentement ne tarde pas. Une
bourgeoisie agacée par ces nouvelles lois qui servent plus le Royaume
que leurs affaires n'hésite pas à exprimer son
mécontentement et parfois même à regretter le temps de
l'Empire. Nous abordons là une épisode décisif de
l'histoire italienne, traditionnellement nommé Risorgimento
(réveil). Unité nationale, libertés constitutionnelles et
indépendance sont les trois objectifs de ce premier mouvement
libéral et national italien. Tirant son influence de la
Révolution française et du temps de l'Empire, le Risorgimento ne
sera jamais un mouvement de masse78(*). Il est porté à l'origine par un
mouvement d'intellectuels, souvent nostalgiques de l'antique grandeur italienne
alors mise en scène par les écrivains (Léopardi, Manzoni),
les compositeurs (Rossini, Verdi), et qu'entretiennent pieusement les
historiens (la Deputazione di storia patria sera créée
à Turin en 1842). Ainsi comme le note Tacel, « des
militaires aigris provenant de la Grande Armée, des fonctionnaires ou
des collaborateurs de l'administration napoléonienne, des fils de
famille désoeuvrés, intoxiqués de romantisme, des
aventuriers généreux ou avides, lui fournissent des
états-majors sinon des effectifs ; ils seront rejoints, et en
partie relayés par des hommes d'affaires, des propriétaires
capitalistes, qui donneront au Risorgimento une démarche plus
réfléchie »79(*). Notons au passage une composition sociologique
hétérogène que l'on retrouvera sous les mêmes formes
au sein des conjurés français du 19 août 1820... Mais cette
troisième forme du Risorgimento, qui suivra le
mazzinisme propagé par le mouvement Jeune Italie dans
les années 1830, ne s'affirmera que vers 1840.
Revenons aux années 1815-1820. Le premier
élément actif du « réveil » italien
est le carbonarisme. Le phénomène ne cesse de se
développer secrètement dans l'Italie de 1815, Carbonari et
Francs-Maçons étant alors indistinctement poursuivis. Lambert
évoque d'ailleurs l'existence possible à cette époque de
relations entre les deux corporations80(*)... Bref, les Carbonari s'implantent surtout dans
l'ancien Royaume de Naples. Très vite, la répression s'organise
contre le mouvement sous l'égide du ministre de la police Canosa. Une
société secrète de répression des Carbonari, dite
des « Calderari » (chaudronniers) se charge de
réduire au silence les Carbonari. Cette société
anti-carbonari devenant rapidement un groupe terroriste incontrôlable,
sera plus tard en 1816 supprimé par décret royal de Ferdinand
Ier. Ainsi, dés 1815, ce mouvement secret d'opposition au sein duquel
« ecclésiastiques, noblesse et riches propriétaires
se montrèrent les plus ardents à propager les doctrines
libérales, et se classèrent indifféremment parmi les
Carbonari et les Maçons, en occupèrent les dignités et
parvinrent à habilement à en diriger les
esprits »81(*) est sévèrement
réprimé.
La constitution d'un mouvement unitaire ,
déjà rendu difficile par la division politique du pays et
l'éclatement de sociétés secrètes (Carbonari,
Adelfi, Guelfi...82(*))
marquées par les particularismes régionaux, ne semble donc pas
encore possible dans ces années 1815-1816. Entre 1817 et 1820, les
Carbonari s'étendent de manière maximale, dans le Royaume des
Deux-Siciles, dans le Piémont à partir de 1818 où ils
disposent de contacts avec l'Adelfi, ainsi que dans les Etats pontificaux. Le
pape Pie VII condamnera d'ailleurs la « secte » des
Carbonari le 13 septembre 1821, condamnation renouvelée par la suite par
le pape Léon XII, le 13 mars 1826, accusant la société
secrète d'être à l'origine des difficultés de
l'Eglise. Afin de comprendre les craintes qu'elle pouvait susciter, il convient
d'en venir brièvement à sa composition et à ses
motivations. Regroupant de nombreux militaire, des représentants de
l'aristocratie, de la bourgeoisie et de la jeunesse étudiante, ses
membres n'étaient pas athées, ce qui pouvait déranger le
clergé. Ils luttaient selon l'objectif commun de chasser les
Autrichiens. C'était peut-être d'ailleurs le seul objectif
politique clair et commun que s'assignaient les Carbonari, rejoignant ainsi le
grand élan libéral européen du début des
Restaurations. Abordons à présent la question de leurs
origines.
I-1.2 La question des origines françaises de la
Charbonnerie italienne : les Bons Cousins Charbonniers.
. Comme le note Serge Hutin à propos des
Carbonari: « si leurs complots sont bien connus, on est beaucoup
moins renseigné sur leurs origines »83(*). Celles-ci sont effet des
plus controversées. Le travail de Pierre-Arnaud Lambert84(*) tente d'éclairer un peu
plus les mystères entourant cette question. Si certains ont pu rattacher
l'origine de cette société aux courants
« illuministes » du XVIème siècle85(*) ou peut-être un peu plus
sérieusement à l'ordre secret des Illuminés de
Bavière86(*), la
thèse la plus solide semble demeurer celle d'une filiation avec
l'organisation des Bons Cousins Charbonniers. Notons déjà
qu'il y a selon Lambert87(*) aucun lien direct entre les Illuminés de
Bavière et les Bons Cousins Charbonniers. Si Weishaupt des
Illuminés avait conçu un modèle maçonnique
d'organisation secrète, l'organisation des Bons Cousins Charbonniers
(B*C*C) s'apparente plus à celle d'un compagnonnage.
Issue d'une ancienne corporation de métiers
supposée être celle du métier de charbonnier, cette
société d'entraide compagnonique aurait été pour la
première fois découverte en Franche-Comté et en
Bourgogne, vers la fin du XVIIIème siècle et ce bien que
leurs membres se réunissant dans les bois88(*) faisaient remonter l'existence
de leur société à des temps plus reculés. Diverses
légendes se confondent à ce sujet. La première serait
celle de sa création par la grâce de Saint Thibaut, saint
fréquemment représenté tenant dans une main une hache et
dans l'autre une lanterne. On appelle ainsi parfois aussi Fendeurs les
Bons Cousins Charbonniers. Une autre légende situe leurs origines au
IVème siècle après Jésus Christ ; une
dernière enfin associerait même François Ier à sa
création... Bref, cette société qui comptait trois
grades : Apprenti, Maître, Compagnon, rappelle beaucoup les
Francs-Maçons dans son organisation et sa philosophie. Les Charbonniers
auraient d'ailleurs opéré des rapprochements avec les
Francs-Maçons allant jusqu'à la création d'une
« Maçonnerie forestière », puis d'une
société maçonnique des Fendeurs,
créée à Paris en 174789(*).
Les Bons Cousins, outre les professions du bois et de la
forêt, comptaient parmi leurs membres : bourgeois, artisans,
ecclésiastiques... Sujette à la suspicion sous le régime
de la Terreur, la société des Bons Cousins doit stopper ses
activités et préciser ses motivations. Intéressant
épisode qui nous renseigne sur le rapprochement à venir avec les
Carbonari italiens. Lors de l'interrogatoire du comité de Surveillance
des Jacobins de Lons-le-Saunier, des membres auraient affirmé leurs
penchant pour des idées constitutionnelles modérées et
surtout leur attachement à une société fondée sur
la plus parfaite égalité, protestant aussi de leur
fidélité à la « Nation, à la loi et au
roi »90(*).
L'organisation dissoute en 1793 par le comité Jacobin de Lons suite
à la dénonciation de la société populaire, les
gentils Cousins Charbonniers continuèrent de se réunir dans les
bois et à jouer un rôle politique indéniable selon
l'historien Albert Mathiez91(*). En effet dés les première
années de la Restauration, les Bons Cousins notamment ceux de Dijon
auraient repris leurs activités bien que devant garantir aux
autorités leur innocence politique.
Nous en arrivons à la question de la filiation de
cette société avec celle des Carbonari italiens. Comme le note
Lambert92(*), Bons Cousins
et Carbonari italiens se rejoignent d'abord sur une légende commune,
celle de François Ier comme protecteur des Bons Cousins et de Saint
Thibaut comme fondateur. Ce n'est certes qu'une légende mais la force
des mythes fondateurs n'est jamais à négliger, surtout dans ce
domaine93(*). Diverses
études, de celle de Albert Mathiez94(*) à l'Histoire des sectes religieuses
(1828) de l'abbé Grégoire95(*) évoquent cette filiation entre Bons Cousins et
Carbonari. La confirmation plus récente de cette filiation s'est
révélée par une attention plus approfondie portée
sur le personnage et l'action de Pierre-Joseph Briot96(*), député au
Conseil des Cinq Cents en 1798 déjà évoqué plus
haut.
Pierre-Joseph Briot
Né le 17 avril 1771 à Orchamps (Doubs),
Pierre-Joseph Briot, professeur au collège de Besançon pendant la
Révolution, se rend à Gay où la présence de Bons
Cousins est selon Lambert97(*) attestée. Briot appartenait à cette
société98(*)
qui nous l'avons vu était bien implantée dans les
départements du Doubs, du Jura et de la Côte d'Or. Envoyé
par ses électeurs du Doubs au Conseil des Cinq-Cents en 1798, il
s'intéresse grandement à la situation politique italienne,
devenant même le chantre d'une indépendance italienne99(*). Il multiplie alors les
voyages en Italie, y rencontrant peut-être Philippe Buonarroti100(*), figure clés du
réseau conspiratif européen sous la Restauration101(*). De retour de son exil de
l'île d'Elbe en l'an IX, envoyé par Napoléon, Briot est
bien dans les Abruzzes et en Calabre de 1806 à 1809, où
employé comme intendant de la ville de Chieti102(*) (Abruzzes), il fut en
relation avec Lucien Bonaparte103(*) et Salicetti, tous trois d'opinion
républicaine. Il organise alors dans ces mêmes années et
secrètement les premières Ventes carbonari, soutenu à
l'époque par Murat qui le nomme conseiller d'Etat du royaume de Naples,
cherchant chez lui un appui plus solide que celui de son beau-frère. Les
efforts des bons Cousins Charbonniers installés en Italie furent en tout
cas impuissants à maintenir le roi Joachim Murat sur son
trône104(*). Mais
les idées de ces derniers dureront bien longtemps après que leur
leader Briot, retourné en France relancer le mouvement secret, ne soit
nommé directeur de la compagnie d'assurance « Le
Phénix » à Briançon, compagnie
soupçonnée par la police de Charles X d'abriter en 1825 les
derniers charbonniers français et d'avoir été le point
central de l'organisation105(*)... Le rôle de Briot dans l'organisation d'une
Charbonnerie italienne en 1808-1809 sur la base de la corporation des Bons
Cousins francs-comtois, puis dans la ré-extension de la Charbonnerie
italienne en France dans les années 1820-1821 est donc trop souvent
méconnu, le personnage étant resté, comme le note Jean
Maîtron106(*),
dans l'ombre du conspirateur Buonarroti....
Bref, en 1819, ce dernier a tout de même réussi,
malgré et peut-être grâce à l'interdiction royale de
la société, à réunir en son sein: jeunes
étudiants, demi-soldes mécontents, ancien fonctionnaires de
l'Empire...tout un ensemble assez hétéroclite d'individus
s'adonnant certes à d'étranges rituels107(*) mais marquant
déjà leur indépendance envers les monarchies et
préparant ainsi leur lutte à venir pour la liberté et
l'égalité. Les Carbonari se développèrent donc
considérablement malgré la surveillance policière. Le
recrutement qui faisait une large place aux affirmations religieuses, voir
mystiques108(*) permit
à la célèbre société, selon certains
auteurs, de réunir en 1819, un effectif de 642 000 membres
dispersées dans toute la péninsule italienne109(*) !
Venons-en à présent aux conditions historiques
de mobilisation d'une telle force et donc au passage de la conspiration
à l'insurrection.
I-1.3 La révolution espagnole et la renaissance
des Carbonari : la révolution libérale à Naples de
1820
Le partage de l'Europe entre les souverains des dynasties des
Bourbons et des Habsbourg qu'inaugure la période de la
Restauration110(*), est
donc mal accepté. « Fourgons de l'étranger »
?, « Divine surprise ? », libre à chacun
d'interpréter ce nouveau despote. Il n'en demeure pas moins que les
régimes précédents qu'ils s'agissent de brefs
intermèdes républicains ou de l'Empire sont encore dans les
esprits. Les monarques renouant avec la tradition absolutiste, les
libertés confisquées, le mécontentement grandit
très vite. Très souvent d'abord dans l'ombre comme nous l'avons
vu avec les Carbonaris, il finit toujours par éclater sous une forme
insurrectionnelle.
Les premiers troubles apparaissent d'abord en Espagne au
début de l'année 1820, où une insurrection des troupes
militaires destinées à combattre les colons
révoltés d'Amérique latine, oblige le roi Ferdinand
à rétablir la Constitution de 1812 votée par les
« Cortés » (assemblées législatives)
de Cadix. Celle-ci avait en effet été abolie au retour du roi
d'Espagne en 1814. Cet événement nommé
pronunciamiento111(*) de 1820 opèrera alors une fonction de
déclencheur au sein du mouvement du Risorgimento italien
et de leurs éléments actifs, les Carbonaris. Ces derniers, en
effet, multipliaient depuis quelques années, les échecs dans
leurs tentatives d'insurrection. La tentative la plus infructueuse fut celle
tentée à Macerata en 1817, dans les Etats de l'Eglise ! Cet
échec du à un manque d'organisation et surtout à l'absence
de contact avec une base populaire solide se solda par une vive
répression qui décima les premiers chefs du mouvement112(*).
Il fallut alors attendre l'année 1818 pour voir le
général Guglielmo Pepe113(*) reprendre en main la société
secrète. Son action fut des plus efficaces. Il organise militairement la
Carbonaria, la dote de milices, généralement
constituées de « citoyens honorables », suffisamment
fortunés pour pouvoir s'équiper eux-mêmes. Le
général Pepe veille aussi à entretenir une certaine
moralité et une discipline exemplaire en leur sein, notamment en
s'assurant même de leur dévouement à la religion114(*) !
Une fois la Carbonaria militarisée, il lui reste
à fédérer le mouvement au niveau territorial, ce qui au
vue de la surveillance de l'Etat fut plus difficile. Il n'en demeure pas moins
qu'en deux ans, Pepe parvient à rendre la Charbonnerie
opérationnelle. Les milices formées, Pepe s'attèle
à un soulèvement des garnisons de Naples. L'insurrection
éclate le 3 juillet 1820 dans plusieurs régions du pays...
Débutant, à l'origine au sein de l'armé, le mouvement
gagne rapidement la population civile. Ainsi, à Turin, les
insurgés gagnent vite la sympathie des étudiants115(*). Dans le Piémont
où les Carbonari étaient bien organisés, la victoire
semble un temps acquise...le roi Victor-Emmanuel Ier abdiquant en faveur de son
frère Charles-Félix. Reste cependant la prise décisive de
Naples où siège le roi Ferdinand. Après une lutte ardente,
les insurgés parviennent à forcer le roi Ferdinand du royaume des
Deux-Siciles à ratifier une Constitution sur le modèle de la
Constitution des Cortés espagnols. Comme le note Lambert, la
constitution espagnole fascinait les libéraux et les Carbonari, bien que
peu d'entre eux l'eussent lue et sans doute comprise116(*). Celle-ci prévoyait
la mise en place d'une assemblées unique, ayant l'initiative du vote du
budget et limitant les pouvoirs du roi en restreignant l'usage des ordonnances
royales... Cependant, notons au passage que la remise en vigueur en Espagne de
la « Constitution de Cadix » ne subsistera que par le
maintien d'un gouvernement libéral jusqu'en 1823, année de
l'expédition française en Espagne lancée par Louis
XVIII...
Revenons en Italie. L'insurrection est un succès.
Ferdinand, face au peuple est contraint de ratifier la constitution le 5
juillet 1820, mais finit par choisir de porter à la tête du
royaume son fils François, duc de Calabre. Ce dernier prête donc
serment à la nouvelle constitution et acceptent de nommer au sein de son
gouvernement des Carbonari et des hommes d'Etat de l'époque de Murat,
d'ailleurs assez méfiants vis à vis des Charbonniers...
Les Carbonari entrés au pouvoir, le
général Pepe se permit même un défilé
triomphant dans la ville de Naples, entouré de ses milices et au couleur
de la société secrète. Celle-ci d'ailleurs était
donc devenue à présent une véritable société
populaire et publique, présente à tous les niveaux de la vie
politique. Portée par la jeunesse, acquise aux idées
libérales, la Carbonaria connaît alors ses riches heures.
Très vite cependant, le gouvernement se voit abusivement
sollicité. En effet, en octobre 1820, s'ouvre le parlement napolitain et
éclate la question sicilienne. L'île pourtant converti au
libéralisme du mouvement des Carbonari dans un premier temps, souhaite
voir maintenu son autonomie au sein du royaume des Deux-Siciles...
Revendication inacceptable pour le nouveau gouvernement
carbonari, Pepe charge son frère le général Florestano de
réprimer une insurrection qui avait éclaté à
Palerme en juillet 1820 et force la Sicile à garantir dix mille hommes
à disposition du royaume en cas de représailles de l'empire
austro-hongrois. En effet, la Sicile est à cette époque le
premier Etat que les Autrichiens visent à ramener sous leur joug. Pepe
eut une bonne intuition puisque le 29 octobre 1820, Autrichiens, Russes et
Français décident lors du congrès de Troppau d'engager la
lutte contre la « dissidence » italienne. La campagne
autrichienne en Italie s'engage alors et malgré les efforts de Pepe pour
préparer l'armée à une guerre contre l'Autriche, les
troupes « carbonari » ne peuvent résister aux
assauts autrichiens. Dés la fin du mois de janvier 1821, les
armées autrichiennes franchissent le fleuve Pô et gagnent le Sud.
Sans grande difficulté, les Autrichiens entrent à nouveau dans
Naples le 23 mai, signant la fin de la révolution libérale
italienne.
Ainsi comme le note Lambert117(*), si les Carbonari connurent dans un premier temps
beaucoup d'échecs, ils contribuèrent activement à ouvrir
l'histoire de l'opposition libérale secrète en Europe118(*). Les Carbonari furent des
précurseurs dans le renouvellement du mode conspiratif d'opposition
libérale. Comme le mouvement militaire espagnol du
pronunciamiento (début 1820), ils eurent une grande influence
sur l'essor du mouvement libéral français de par, leur choix du
complot au sein d'une organisation secrète, et plus encore de par
l'espoir suscité par le succès de la révolution
napolitaine de juillet 1820. Ceci nous amène à aborder
l'influence qu'exerça la création et les activités de la
Carbonaria sur les premières formes d'opposition au retour des
Bourbons en France.
I-2 L'influence du mouvement italien en France :
des premiers complots militaires (1816-1817) à la création d'une
Charbonnerie française (1821-1823)
Nous venons de présenter la naissance et l'action de
l'opposition libérale italienne au travers de la société
des Carbonari. Il nous faut à présent revenir sur la situation
française des années 1815-1820, afin d'illustrer la filiation
entre le mouvement conspiratif italien « affirmé »
et le mouvement conspiratif français, alors encore naissant. Cette
section vise à introduire ainsi la première étape de la
vie politique de Joseph Rey, à savoir la création de sa propre
société secrète, l'Union et son adhésion à
la première conspiration libérale française que nous
présenterons dans le second chapitre. Revenons d'abord brièvement
sur le contexte historique français des années 1815-1820.
I-2.1 De l'écroulement de l'Empire ( avril 1814)
aux retours des Bourbons ( mai-juin 1814)
En 1814, tout semble annoncer déjà un
effondrement de l'Empire napoléonien. Napoléon ne cesse de perdre
ses possessions extérieures et l'état économique et social
de la France souffre du coût des campagnes militaires. Echouant lors de
la campagne de Russie en 1812 puis sur le front de Prusse en 1813,
Napoléon a perdu en mars 1813 la précieuse alliance autrichienne
de Metternich qui choisit le camp des Alliés (empire russe, Prusse). A
cette date, il semble déjà bien que l'Empire compte ses derniers
jours119(*).
Napoléon bat à nouveau en retraite lors de la campagne d'Autriche
à l'automne 1813 (3-6 octobre). A la fin du mois d'octobre 1813,
Napoléon a encore perdu 60 000 hommes dans la bataille et doit se
replier sur le Rhin. A la fin de l'année 1813, Napoléon perd
déjà l'essentiel de ses conquêtes. L'Espagne a du
être rendue au trône de Ferdinand VII (11 décembre 1811),
l'Italie comme nous venons de le voir a été cédée
à l'Autriche, notamment par le traître Murat qui a signé un
pacte d'alliance avec les Autrichiens le 14 janvier 1814. La Hollande est
perdue le 16 novembre 1814, Guillaume d'Orange de retour. Il en est de
même pour la Suisse où l'acte de Médiation entre
Alliés et forces impériales est rompu, ainsi qu'en Allemagne
où les Alliés suppriment les Etats créés par
l'Empereur. Les Alliés (Russes, Autrichiens, Prussiens) sont maintenant
aux portes de la France qui accumulent les difficultés
intérieures. Les défaites ont en effet amené la crise
financière : augmentation des impôts, difficultés
à payer les soldes ; une crise économique et sociale :
nombre de Français hors des frontières reviennent, ramenés
par la défaite alors que les subsistances et les produits de
première nécessité commencent à manquer,
phénomène aggravé par l'effort de guerre et la
conscription120(*). Les
difficultés politiques ne tardent pas surgir et les critiques se font
jour121(*), notamment du
coté des royalistes gagnés par l'agitation. Notons
déjà au début de l'année 1814 la
réapparition de la Congrégation jésuite et surtout des
exactions de l'ordre « ultra » et secret des Chevaliers de
la Foi mené par Berthier de Sauvigny et des Francs
régénérés122(*)... Napoléon aura beau réagir, il est
trop tard. Le 31 mars les Autrichiens entrent dans Paris, l'armistice est
signé.
Napoléon reconnaît alors sa défaite et sa
déchéance, proclamée par le Sénat le 2 avril
1814123(*), en abdiquant
le 6 avril. Le Sénat confie alors le pouvoir au comte de Provence,
frère de Louis XVI, futur Louis XVIII... Napoléon part donc
s'exiler à l'île d'Elbe, l'île du
« repos » dont on lui a offert la pleine
souveraineté ainsi qu'une rente annuelle de deux millions de francs
payée par la France. Embarqué le 28 avril, il n'y arrivera que le
4 mai, traqué par les royalistes. L'Empereur parti, le comte de
Provence, rappelé par le Sénat promet d'observer la nouvelle
Constitution (6 avril 1814)124(*), le 3 mai 1814 lors de sa déclaration
à Saint-Ouen. Il se déclare alors roi des Français,
ouvrant la période dite de la « première
Restauration »125(*). Sa légitimité doit cependant
être assuré en reconnaissant en partie les institutions et acquis
de 1793.
Il signe et proclame une Charte constitutionnelle le 4 juin
1814 dont le texte devait initialement limiter le pouvoir royal en
entérinant les dispositions de la Constitution du 6 avril. Poudre aux
yeux que fut cette Charte !... ne confortant en réalité que
la pleine souveraineté du roi, sous prétexte d'incarner
l'unité de l'Etat et de la Nation. Cette Charte, comme l'explique
Jean-Claude Caron126(*),
est surtout la traduction d'un rapport de force entre nécessité
d'assurer une représentation nationale et réaffirmation du
pouvoir royal. Louis XVIII, d'ailleurs assez réticent à l'origine
à accepter la constitution préparée par le Sénat,
« abri du personnel révolutionnaire »127(*), ne se résigna
à la signer que sous la pression du Tsar Alexandre et de l'Angleterre,
qui se font alors les avocats d'une constitution écrite. Affichant un
préambule d'Ancien régime128(*), la Charte maintenait l'existence d'une Chambre des
députés, élue au suffrage censitaire129(*), et par une Chambre
des Pairs, héréditaire ou nommée à vie par le
roi ! Ce dernier d'ailleurs interfère directement dans le travail
législatif, puisque en réalité il a l'initiative des lois
et les promulgue. De plus, le fameux article 14 lui donnait le droit de faire
« les règlements et ordonnances nécessaires pour
l'exécution des lois et la sûreté de
l'Etat »130(*), porte ouverte en réalité, comme nous
le verrons dans un instant à tous les abus...
Ainsi, si à l'origine la constitution
« sénatoriale » du 6 avril 1814 prévoyait
bien un certain équilibre monarcho-constitutionnel entre un
exécutif royal et un pouvoir législatif dévolu au
Sénat et à une Chambre des députés, son
remplacement par la Charte du 4 juin, et surtout l'interprétation qu'en
faisait Louis XVIII, annonçait déjà le despote à
venir du nouveau régime...
I-2.2 La vive réaction aux débuts de la
seconde Restauration en France : la conspiration militaire de
« Didier » à Grenoble (1816) et l'insurrection de
Lyon (1817)
Cependant, si les dispositions de la Charte semblent plus
favoriser un régime de centralisation du pouvoir dans les mains du roi
que constituer une réelle garantie de respect des institutions
révolutionnaires comme l'existence d'un corps législatif
autonome, ce « bout de papier »131(*) que méprise en
réalité le roi est de plus en plus critiqué par les
ultras, ne lui reconnaissant aucune légitimité... Dés
lors, la Charte devint étrangement le cri de ralliement des
libéraux, seul compromis certes insatisfaisant mais en danger, assurant
légalement le maintien d'un régime constitutionnel. C'est dans ce
climat d'incertitude et de défiance du pouvoir royal que les
premières réactions à ce retour larvé à
l'Ancien régime vont apparaître.
Retour sur l'échec des Cents-jours de
Napoléon et sur l'avènement d'une seconde Restauration
La première réaction à observer fut
peut-être déjà constituée par l'accueil que
réservèrent les Français au retour de l'Empereur au
pouvoir le 20 mars 1815 lors de l'épisode des Cents-Jours. Celui qui fut
salué comme « le soldat de la Révolution »
par une bonne partie du pays n'affirmait t'il pas aux premiers jours de son
second règne, peut-être certes pour séduire les
libéraux, son « goût des constitutions, des
débats, des élections libres, des ministres responsables, de la
liberté de la presse... »132(*) ? Il n'en demeure pas moins, que
installé aux Tuileries le 20 mars 1815, après un périlleux
périple de vingt-jours à travers le pays, déjà
évoqué précédemment, Napoléon affirma par
ses Actes additionnels, (que Rey critiqua), à la Constitution,
l'interdiction de retour : aux Bourbons, au culte
« privilégié et dominant », à
« l'ancienne noblesse féodale... »133(*). En effet, souvenons-nous
que le premier retour des Bourbons après la chute de l'Empire se solda
par une épuration des éléments bonapartistes de certaines
administrations. Cette épuration qui toucha surtout en profondeur les
préfectures de police134(*), le ministère totalement
réorganisé par Louis XVIII, ne pouvait que relancer avec le
retour de Napoléon les luttes entre bonapartistes accusés
de « régicides » et ultras, les libéraux
s'adaptant plutôt à l'époque au grès des
régimes... Bref, les Cents-jours apparurent déjà comme une
première période d'expression du rejet de nombre de
Français de ce retour illégitime d'un pouvoir royal. Des
pamphlets royalistes répondaient aux attaques de Napoléon, qui
fut contraint comme son prédécesseur de se plier à la
Charte.
Cependant, l'empereur qui dés son retour attira
à nouveau sur la France les foudres des Alliés, ne faisait pas
l'unanimité. La Chambre du 1er juin 1815, nouvellement
réélue ne se composait étrangement que d'assez peu de
bonapartistes ; l'abstention avait d'ailleurs atteint un taux
record135(*). En effet,
le 09 juin 1815, est signé l'acte final du congrès de Vienne et
se forme alors une septième coalition contre la France. Napoléon
reparti en campagne militaire se retrouve à nouveau
dénoncé par l'ensemble de l'Europe des rois. Le 18 juin marque la
défaite militaire et politique finale de Napoléon à
Waterloo. Le dernier « vol de l'Aigle » semble bien prendre
sa fin. Les libéraux pourtant hostiles à un second retour de
Monsieur (Louis XVIII), ne peuvent plus soutenir l'empereur. Le 21 juin,
à l'arrivée de Napoléon vaincu, loin de se rallier autour
de lui pour sauver le pays vaincu136(*), ils décidèrent de soutenir la demande
d'abdication de l'empereur, seule voie possible vers un traité de paix.
Citons parmi ces libéraux le général Lafayette et Benjamin
Constant, plus attachés à la paix qu'à l'empereur.
Désormais, la France est en pleine confusion, ne pouvant plus conserver
l'Empereur et déçu par Louis XVIII. Comme le note Louis Girard,
les Chambres désirent à l'époque un roi
« vraiment constitutionnel »137(*).
Napoléon abdique donc une seconde fois et c'est la
dernière, le 22 juin 1815, confiant sa succession à son fils
Napoléon II, acceptée comme compromis par les Chambres qui
bloquent toute régence. Eclate alors dans toute la France un triste
épisode de réaction
« contre-révolutionnaire » : la Terreur
blanche. Durant tout le mois de juin 1815, des royalistes organisés
en bande partent massacrer des populations civiles réputées
jacobines ou bonapartistes. Les militaires de l'ancienne garde sont souvent les
premières victimes de ces bandes qui sévissent dans l'Ouest,
notamment les « verdets » du comte d'Artois (future Charles
X...) et surtout dans le Sud de la France, dans la vallée du
Rhône, dans le Gard ,en Provence, où les assassinats contre les
Jacobins et les bonapartistes se multiplient et ce malgré l'attention du
nouveau gouvernement provisoire mené par Fouché138(*).
Pendant ce temps, on se hâte à la Chambre de
discuter depuis le 23 juin les articles d'une nouvelle constitution plus
libérale. Cependant, alors que le projet était presque
entièrement voté, le 08 juillet, Louis XVIII entre dans Paris et
avec l'appui de la garde nationale fait bloquer l'accès des
parlementaires à la Chambre législative. Ce bref épisode
peu connu de la tentative d'une refonte constitutionnelle des libéraux
de gauche prit donc vite fin avec le retour en force de Louis XVIII. Selon
Girard139(*), le texte
« oublié » et « sans suite » de
juillet 1815, marqué par un réel souci social de l'instruction,
de l'assistance et de la laïcité, évoquait bien une oeuvre
d'Idéologue (primauté de la Chambre législative
élue, responsabilité politique des ministres...). Mais
passons sur cette épisode libéral à nouveau avorté.
Louis XVIII, de retour au pouvoir le 8 juillet 1815, constitue
un étrange gouvernement (juillet-septembre 1815) regroupant le trop
fidèle Talleyrand et le traître Fouché, gouvernement
composé de fonctionnaires de l'empire, encore présent dans les
esprits. Louis XVIII tente de tempérer le climat politique agité
entre d'une part, une fraction de la population encore acquise au prestige de
l'empire défunt, notamment au sein de l'armée et de la fonction
publique, une élite libéral encore modérée mais
tenant au strict respect de la Charte, et d'autre part une population assez peu
confiante suite aux événements de la Terreur blanche et à
l'agitation des ultras. Qui plus est un grave problème institutionnel
commence à se poser sérieusement, l'absence de loi
électorale...Dés lors, une « pagaille » se
diffusa lors des élections législatives du mois d'août
1815. On du en effet utilisé les collèges électoraux de
l'empire qui ne répondait pas aux conditions d'âge et de cens
prescrites par la Charte... Le résultat fut des plus
étonnants ; les mêmes collèges à quelques mois
de distance envoyèrent une majorité de sens
opposée140(*). En
mai, les libéraux disposaient d'une petite majorité et en
août ce furent les ultras qui exploitant l'échec de
Napoléon et lui attribuant tous les maux de la nation,
remportèrent une victoire écrasante (350 députés
ultra sur 398 !). L'impotent et bavard Louis XVIII, agréablement
surpris d'un tel succès de son camp, l'aurait cyniquement
qualifié de « chambre introuvable ». Cette
élection marque donc une crise dans la continuité des acquis de
la Révolution et l'on craint même un retour de 1793, d'une
nouvelle terreur ultra face à une lutte
« républicaine ». La contestation se fait cependant
de manière plus ombrageuse tant le régime joue hypocritement de
son adhésion renouvelée à la Constitution, par le maintien
de la Charte... Nous en arrivons ainsi au constat d'une réapparition des
conspirations, mode secret et amateur de protestation au sein d'un
régime doucement verrouillé...
Introduction au conspirateur Joseph Rey :
le renouvellement des conspirations en France
Les premières conspirations en France,
réactions contre réaction : les complots
bonaparto-orléanistes (1816-1817)
Ainsi, nous en arrivons parallèlement à la
jonction historique du mode conspiratif141(*) italien présenté
précédemment avec la société des Carbonaris, et des
différentes vagues de conspirations qui éclatent en France
entre 1816 et 1823. Insistons à nouveau sur les différences de
nature des complots éclatant entre ces deux dates. Nous nous appuierons
ici essentiellement sur la thèse de Lambert142(*) et sur le travail de
André Jardin143(*). On distingue en France dans ces années
1816-1823 trois types de manifestation d'opposition secrète, de la plus
amateur et sujette à l'échec, à la plus
organisée : le complot insurrectionnel spontanée, le complot
insurrectionnel organisé et enfin le réseau conspiratif.
Ces trois types correspondent naturellement à la
portée (moyens investis) de chacune de ces entreprises secrètes
et à l'expérience de leurs auteurs. Si l'échec demeure
bien souvent la caractéristique commune de ces trois types d'opposition
secrètes, on repère tout de même un accroissement de
l'efficacité organisationnelle de ces entreprises en tendant avec le
temps à s'organiser sous le mode de la conspiration organisée.
En effet, des petits complots militaires de 1816-1817 à la Charbonnerie
française des années 1821-1823 en passant par la conspiration
libérale d'août 1820, un net effort de structuration des moyens se
dessine, même si les conditions historiques
« objectives » évoluent elles-aussi durant ces
années. Plus précisément, on ne peut comparer et encore
moins assimiler les très amateurs premiers complots militaires de
tendance bonapartiste, voir peut-être orléaniste, des
années 1816 et 1817 avec d'une part une entreprise libérale un
peu moins amateur qu'est celle du 19 août 1820, objet du chapitre II, et
encore moins d'autre part avec les insurrections menées par la
Charbonnerie française des années 1821-1823, que Rey n'a pas
intégrée, choisissant dés 1820 de renoncer à
toute idée de conspiration... Observons donc le premier groupe
défini.
Revenons pour cela aux années 1814-1815, début
du second règne de Louis XVIII et de ses difficultés à
maintenir l'ordre dans le pays. Nous avons évoqué la
réapparition d'une Terreur blanche en juin 1815, sous le
gouvernement Fouché-Talleyrand sévissant presque à travers
tout le territoire contre bonapartistes, jacobins et libéraux, il nous
faut en préciser la nature et ses conséquences. Cette terreur
ultra-royaliste qui s'étend de la défaite de Napoléon au
soir de Waterloo au retour au pouvoir du roi était bien le fait d'une
vengeance de certaines provinces contre le régime des Cents-jours de
l'Empereur144(*). Pour
un récit complet de l'épisode, le lecteur pourra s'orienter vers
les pages 33, 34 et 35 de l'ouvrage de Jardin précédemment
cité. Résumons brièvement. Celle-ci débute avant
Waterloo, en Normandie sous l'égide du duc d'Aumont tentant d'organiser
un premier soulèvement. Le mouvement s'étendit très vite
dans les terres chouannes de la Bretagne au Maine, en passant par la
Vendée. Le mouvement est vite réprimé par les
généraux Lamarque et Travot.
Plus grave est le mouvement qui touche le sud de la France,
où des protestants seront massacrés par des milices catholiques.
Puis c'est au tour de Marseille où après la nouvelle de la
défaite de Waterloo, une garnison de militaires et leurs familles fut
entièrement décimées (50 morts, 200 blessés, 80
maisons brûlées en deux jours)145(*). Il en fut de même dans le sud-Ouest,
où à Toulouse sévissait le groupe des
« verdets », qui portait la cocarde verte du comte
d'Artois, ce dernier très certainement personnellement impliqué
dans ces massacres et sûrement aussi en contact avec la
société ultra dégénérée des
Chevaliers de la Foi146(*) . De même, ce retour des guerres de religion
entre catholiques ultra et protestants atteint Nîmes où des
bourgeois protestants furent molestés, frappés à coup de
battoir à clous imprimant des fleurs de lys... ( 37 morts)147(*) etc. Bref, la haine des
ultras semait la terreur tandis que les « complices » des
Cents-jours étaient sanctionnés de
« régicide », l'administration épurée
des éléments bonapartistes (surtout l'armée...).
A une réaction de type populaire, excitée par
les milices ultra s'ajoutait donc une réaction
institutionnalisée. La « Chambre introuvable » que
nous avons déjà évoquée devenait le
théâtre d'une « terreur légale » des
ultras qui fort de leur majorité votent successivement d'octobre 1815
à juillet 1816 une loi de sûreté générale (29
octobre à laquelle seul le député Voyer d'Argenson osa
s'opposer), une loi contre les écrits et les cris séditieux (9
novembre), une loi organisant des cours prévôtales (27
décembre) et une loi d'amnistie bannissant les
« régicides » (2 janvier) parmi lesquels Carnot, le
peintre David, etc.148(*). L'épuration de l'administration fut ainsi
des plus sévères, touchant plus du quart des fonctionnaires (70
000 personnes arrêtées pour motifs politiques et 6 000
condamnés). Ainsi les officiers supérieurs
soupçonnés de bonapartisme passaient soit en conseil de guerre ou
devant la Cour des Pairs. Le cas le plus marquant, indignant la population fut
celui du maréchal Ney, jugé par la Cour des Pairs,
condamné à la peine capitale et exécuté le 7
décembre 1815. De même les différentes Cours
prévôtales nouvellement instituées jugent les suspects par
dizaine de milliers et la loi de sûreté générale du
31 octobre 1815 suspend toute liberté individuelle... Le
parallèle que fait Chaline149(*) avec le régime de Vichy est donc tout
à fait justifié. Ainsi, lorsque Louis XVIII dissout la Chambre
introuvable le 5 septembre 1816, cette Terreur
« légale » a déjà profondément
indigné la population qui lors du scrutin des 25 septembre et 4 octobre
1816 se tourne enfin vers les libéraux. La Restauration vivra alors sa
première phase de libéralisation du régime sous le premier
ministère Richelieu ... Nous y viendrons dans quelques
instants...
Cette restauration d'une terreur légale principalement
orientée contre les anciens fonctionnaires au service de l'Empire eut
pour effet prévisible de ranimer une veille tentation qu'est le
complot150(*). Deux
complots/conspirations marquent en 1816 et 1817 le renouvellement de ce mode de
résistance et préfigure par la composante militaire de ceux-ci
les conspirations libérales à venir, à savoir la
conspiration dite du Bazar français ( 19 août 1820
coordonnée par l'Union de Joseph Rey, Chapitre II) et les grandes
conspirations de la Charbonnerie française des années
1821-1823151(*).
L'armée est ici déjà un élément central,
un « invariant » traversant ces différentes
entreprises.
Une des premières formes conspiratrices de
résistance à l'oppression du nouveau régime est l'affaire
dite des « Patriotes de 1816 »152(*) . Il s'agissait d'un groupe
d'ouvriers qui avaient manifesté leur opposition au régime en
imprimant des cartes proclamant pompeusement « Union, Honneur,
Patrie ». Les affiliés dénommèrent leur
organisation « Organisation secrète des patriotes de
1816 ». Lambert note avec ironie qu'en réalité,
l'organisation n'avait rien de secrète, infiltrée depuis
longtemps par la police153(*). Un ex-agent destitué sous la Restauration
s'infiltra assez vite dans l'organisation, un petit groupe, et joua le
rôle de provocateur en préparant un plan d'attaque des Tuileries.
La police très vite renseignée par le mouchard fit
procéder à vingt-huit arrestations. Trois conjurés,
sûrement les meneurs, furent condamnés à mort... Il semble
qu'il s'agissait selon Lambert154(*) d'une conjuration visant à renverser le
gouvernement au profit de Napoléon II,
l' « Aiglon » qui devait prendre la succession de
l'Empereur... Les « Patriotes de 1816 » se rattachaient
donc au courant bonapartiste de conjurations.
La seconde conspiration, un peu mieux organisée, fut
celle dite de « Didier » (Grenoble, 1816). Paul Didier,
drômois d'origine155(*), né en 1758, avocat au Parlement de Grenoble
lorsque éclate la Révolution, est avant tout
caractérisé par le nombre extraordinaire de ses revers
politiques. Adhérant dans un premier temps aux principes de la
révolution, il rejoint le camp royaliste avec le retour de Louis XVIII,
ouvrant même un cabinet d'affaire destiné à aider les
émigrés à rentrer en France... Il devient bonapartiste
lors du coup d'Etat du 18 brumaire et sera alors nommé professeur
à l'école de droit de Grenoble avant d'en devenir directeur...
Louis XVIII à nouveau rentré, il obtient de lui une place au
conseil d'Etat, au titre de maître des requêtes. Perdant son poste
lors des Cents-Jours, il adopte des vues orléanistes...souhaitant
installé le duc d'Orléans à la place de Louis XVIII. Tour
à tour révolutionnaire, royaliste, bonapartiste, royaliste puis
orléaniste, Didier est le type même du politiquement
« inclassable ». D'ailleurs, d'après la description
qu'en fait Lambert156(*), il n'était pas exclure qu'il était un
peu fou...persuadé que Talleyrand et Fouché avaient fondé
une association secrète, l'Indépendance nationale dont
le but était de chasser Louis XVIII au profit du duc d'Orléans...
Bref, Didier recruta à Lyon et Grenoble dés la fin de
l'année 1814 les principaux conjurés d'un complot visant à
amener le duc d'Orléans au pouvoir ! Orléaniste dans les
buts, mais bonapartiste dans les moyens, le complot tramé à la
fin du mois d'avril 1816 faisait appel à de nombreux militaires
licenciés de l'armée impériale. Notons que la conspiration
du 19 août 1820 se composait aussi de nombreux demi-soldes...
L'insurrection devait éclater le 4 mai, de villages situés aux
alentours de Grenoble pour finalement y converger. A nouveau, la police
était au courant de l'entreprise mais sous l'impulsion du
général Donnadieu que Rey poursuivra pour « assassinats
judiciaires », elle choisit de laisser la conspiration
éclater. L'insurrection se produisit dans une désorganisation
des plus totales et les troupes du général Donnadieu
brisèrent violemment le mouvement. Ayant considérablement
exagéré l'importance du mouvement selon Lambert157(*), le bourreau Donnadieu signa
l'ordre d'exécution des vingt et un insurgés, dont le meneur Paul
Didier.
Une dernière conspiration à noter est celle de
Lyon qui éclata en 1817. Complot à caractère bonapartiste,
il prit aussi sa source de casernes des environs de Lyon. Le mouvement
s'étendit sur onze communes avant d'être aussi violemment
réprimé par le général Canuel. On compta deux cents
arrestations dont onze se soldèrent symboliquement par des
exécutions capitales pour l'exemple.
C'est donc bien dans un climat de répression politique,
de restriction des libertés publiques et de surveillance
policière que parviennent tout de même à s'organiser dans
ces années 1815-1820 de véritables sociétés
secrètes ou simple groupements de civils et de militaires, animés
par la même conviction de la réussite possible d'un complot.
L'exemple de ces complots voués dés l'origine
à l'échec, bonapartistes, ou orléanistes, fait
déjà apparaître la prégnance du facteur militaire,
l'affiliation de simples demi-soldes ou même d'officiers licenciés
de l'armée impériale comme nous allons le constater avec
l'étude de la conspiration du 19 août 1820. Venons-en avant tout
à la question de l'influence de ces premières et obscures
entreprises de conspiration contre le pouvoir royal sur le mouvement
libéral français des années 1815-1820.
I-2.3 La difficile fédération des
libéraux et la nécessité de l'organisation
secrète : la création de l'Union à Grenoble par
l'avocat Joseph Rey (1816-1817)
De la dissolution de la Chambre introuvable, le 5 septembre
1816 à l'assassinat du duc de Berry, le 13 février 1820, le
mouvement libéral pourtant très éclaté ne va cesser
de tenter de porter sa voix, ses critiques contre la radicalisation du
régime. On peut brièvement résumer cette période
jusqu'à la mort de Louis XVIII en septembre 1824 et la montée sur
le trône de son frère le comte d'Artois qui prendra le nom de
Charles X. Nous avons déjà évoqué la
«séquence » du gouvernement Fouché-Talleyrand
(juillet-septembre 1815) et l'ampleur de la réaction
« anti-révolutionnaire » qu'elle organisa. Louis
XVIII, conscient peut-être d'avoir été peut-être un
peu trop rapide dans la restauration de mesures très répressives,
visant à affirmer sa domination, congédie Talleyrand et appelle
le duc de Richelieu, le 26 septembre 1815, à la présidence du
conseil et au ministère des affaires étrangères. Le
même jour fut signé le traité de la Sainte-Alliance entre
l'Autriche, la Prusse et la Russie.. Louis XVIII doit alors rassurer et
« pacifier » le pays. Le duc de Richelieu devait assurer
cette fonction. Homme d'Etat plus que politicien selon Caron158(*), Richelieu ne parvint pas
à former un « parti » le soutenant et doit
très vite apprendre à gouverner pendant un an sans l'appui d'une
Chambre ultra, qui lui est plutôt hostile... Son action fut cependant
décisive durant les deux ministères qu'il occupa entre 1815 et
1821.
En septembre 1816 le ministre de la police Decazes obtient la
dissolution de la chambre ultra dont les excès lassaient le roi et
inquiétaient les autres puissances européennes. Des
élections sont organisées et prennent place les 25 septembre et 4
octobre. A la grande surprise générale, elle voit
déjà la renaissance des premiers libéraux
modérés, les Constitutionnels159(*) (150 élus), les libéraux de gauche (15
élus) contre 90 sièges pour les ultras. S'ouvre alors la
période dite du « gouvernement des
Constitutionnels »160(*) qui de septembre 1816 à février 1820
avec l'assassinat du duc de Berry dans la nuit du 13/14 marquera une
période importante de libéralisation du régime. Cette
période s'étend sous le premier ministère Richelieu (26
septembre 1815-18 décembre 1818) et le gouvernement Decazes
(décembre 1818-février 1820).
Sous le premier ministère Richelieu, on observe le
réveil des libéraux-constitutionnels avec notamment leurs
premiers succès électoraux, mais aussi Richelieu est
confronté aux premières conspirations bonapartistes
évoquées précédemment (Didier, Grenoble,
1816 ; Lyon, 1817) et sait s'imposer face à ces relents
bonapartistes. Confronté aussi à une crise économique des
années 1816-1817, Richelieu amorce la première
« libéralisation » du régime qui permit
très vite aux libéraux de se constituer en parti, « le
parti des Indépendants »161(*) en 1817. Deux lois importantes marquent son premier
ministère :
- la loi Laîné : loi
électorale du nom du ministre de l'Intérieur de Richelieu.
Votée en janvier 1817, elle organise les élections
législatives au suffrage direct mais censitaire, au scrutin de liste
dans les chefs lieux de départements, ce qui avantage de fait la
bourgeoisie urbaine, souvent libérale162(*). Le débat précédant le vote de
cette loi fut un plus des animés que connurent ces années et
ranima la ligne de fracture entre monarchistes et libéraux qui se
décidèrent enfin à s'organiser autour de ce nouvel
acquis.
- La loi Gouvion-Saint-Cyr (mars 1818) : cette loi
militaire très critiquée aussi par les ultras organisait le
recrutement par volontariat et par tirage au sort, réglementant
notamment l'avancement, au détriment des nobles qui ne pouvaient plus
dés lors entrer directement dans l'armée en tant qu'officiers.
Ces deux lois fortement critiquées par la droite du
ministère entraînèrent la démission de Richelieu, le
18 décembre 1818.
Le nouveau ministère mené par Decazes,
très apprécié de Louis XVIII, poursuivit cependant
l'oeuvre de Richelieu. Epurant les ultras de l'administration, Decazes
mène une politique ouvertement libérale en s'appuyant notamment
sur les doctrinaires. Désirant « royaliser la nation et
nationaliser les royalistes », il tente de faciliter l'essor de la
presse en faisant voter la loi de Serre (mars 1819) qui prévoyait
un renvoi des procès de presse aux jurys et facilitait la
création de journaux, en la limitant à une déclaration et
au dépôt d'un cautionnement de 10 000 F. Cette loi entraîna
donc un essor de la presse nationale et régionale, de tendance
libérale ou ultra. Elle marquait la fin de l'autorisation
préalable et de la censure. Passée grâce au soutien du
groupe des Constitutionnels, elle fut supprimée avec le rappel de
Richelieu en février 1820, sous la pression des ultras... Mais restons
en à ces années 1815-1819 qui sont celles de l'essor d'un
mouvement libéral éclaté.
Celui-ci débute difficilement sous le premier
ministère Richelieu dans les années 1816-1817, avec notamment
l'impulsion de la loi Laîné, qui permet l'entrée des
libéraux à la Chambre. Cependant le mouvement163(*) libéral peine
à se fédérer tant on compte en son sein de nuances. Des
Idéologues aux Constitutionnels/Doctrinaires puis aux
Indépendants, les divergences autour du bien-fondé de la Charte
rendent difficile toute idée d'union. Pour une présentation plus
détaillée de ces courants, le lecteur se reportera aux premiers
chapitre de l'ouvrage de Louis Girard164(*).
Dans ce contexte de division des libéraux
français et de censure de leur expression politique (1815-1816),
notamment à la Chambre encore dominée par les ultras, nous
pouvons introduire Joseph Rey et la création de sa propre structure
d'expression politique, non un parti mais plutôt un cercle regroupant
selon les mots de Lambert « des hommes de principes plutôt que
des hommes de parti »165(*) . Cette organisation prit la forme d'une
société secrète nommée
« l'Union ».
Présentation de l'Union de Joseph
Rey (1816-1820) : un
« cercle » libéral
Nous nous baserons à nouveau pour cette
présentation de l'Union sur le chapitre complet et sûr que lui
consacre Lambert dans sa thèse166(*). Pour le lecteur plus soucieux de trouver la
présentation de son auteur, le volume T .3939 des Mémoires
de Joseph Rey relate de manière très dense les conditions de sa
création167(*).
Reprenons donc le fil biographique. Rey, comme nous l'avons
évoqué en introduction dans la première
présentation biographique, est revenu à Grenoble168(*) ouvrir un cabinet d'avocat
vers la fin de l'année 1815. Mais Rey devait vite repartir pour
l'Allemagne « satisfaire aux devoirs de la reconnaissance en
prêtant ses services de légiste à une famille qui lui avait
offert naguère un refuge contre la chance des persécutions, et
qui venait de perdre son chef dont la succession offrait beaucoup
d'embarras »169(*) . Lors de ce petit périple, Rey lut dans un
journal que le roi de Prusse venait de décider d'interdire toute
société secrète et notamment la « ligue de la
vertu » (Tugendbund)170(*). Profondément choqué par cette
nouvelle censure, répression à l'égard des
sociétés secrètes libérales, Rey décida de
monter sa propre organisation secrète171(*). Notons qu'il n'existait pas à
l'époque en France de société secrète
libérale, la Charbonnerie italienne se (ré)introduisant en France
qu'en 1820.... Rey fut donc déjà un précurseur dans ce
domaine.
L'initiation de Rey au monde conspiratif
Observons avant tout que Rey fut dés sa jeunesse
initié au monde conspiratif172(*). Il a dix-huit ans et assiste à Paris au
démantèlement de la Conjuration des Egaux de Babeuf ( 1796) qui
fut dirigée contre le Directoire. Il prétend même qu'il
connaissait un des accusés qu'il désigne prudemment dans ses
Mémoires par la lettre « J »173(*) . Il précise
même que cet adjudant général « J » le
mit en relation avec d'autres mécontents du même bord et assista
à quelques débats animés...où
« régnait l'espoir de renverser bientôt le pouvoir
régnant »174(*). Rey n'adhéra pas à ce type de
conspiration, il était d'ailleurs plus préoccupé par ses
études... Il note cependant que l'expérience l'avait
séduite en écrivant : « Il était
dans ma destinée de ne jamais suivre mes goûts sans la plus grande
contrariété... »175(*).
La seconde conspiration à laquelle Rey fut
convié dans sa jeunesse fut une conspiration républicaine
dirigée contre le premier consul, Napoléon venant de
s'autoproclamer consul à vie... Cette conspiration républicaine
appelée « conjuration des couteaux » s'appuyait
déjà sur l'idée d'un complot militaire « auquel
on désirait affilier la jeunesse des écoles »176(*). Les conjurés
prêteraient d'abord « le serment des
couteaux »177(*) au cri de Vive la République ! Rey
raconte assez critique : « qu'on devait
poignarder le premier consul, et rétablir la république
sous une forme mais dérisoire que celle de la constitution de l'an
XVIII... cette dernière entrait parfaitement dans mon
idée »178(*) . Mais Rey qui était pacifiste... avait
naturellement quelque réticence au meurtre. Notre Idéologue se
remémorant l'assassinat de César par son frère Brutus et
la tyrannie qu'il amena, choisit de ne pas participer non plus à cette
hasardeuse entreprise. « On me recommanda seulement le
secret »179(*) note t'il pour finir. Il s'en alla ensuite
trouver Destutt de Tracy. Revenons-en à la création de
l'Union.
La création de l'Union
Rey rentre donc en France en février 1816,
décidé à créer sa propre société
secrète. Il en parle d'abord à quelques-uns de ces amis
grenoblois parmi lesquels le peintre Simon Triolle et le pas encore
célèbre Champollion le Jeune. Lors de la première
assemblée, le 28 février 1816, il fut décidé de son
nom et de son objet : « Nous l'appelâmes l'Union,
et il faut se garder de la confondre avec le Carbonarisme qui, n'étant
venu que plus tard, l'étouffa au contraire dans ses bras trop
tumultueux »180(*). Première société
secrète libérale, l'Union fut bien en effet « une des
trois bases principales sur lesquelles s'édifiera la
Charbonnerie »181(*)avec la société des Chevaliers de la
Liberté (société implantée dans le pays de Loire)
et la loge maçonnique parisienne des Amis de la Vérité,
que Rey contribua à mettre sur pied182(*).
Les buts de l'Union
Abordons la question de son objet. Selon Dumolard183(*), tous les documents internes
de l'Union aurait été détruits sous la Restauration, mais
Lambert dans ses recherches retrouva par hasard un texte qui semble être
un exemplaire de ses statuts184(*). Nous baserons donc sur les versions de Dumolard et
de Lambert. Par ailleurs, nous pourrons préciser le caractère
pleinement libéral de l'Union au cours du récit des buts des
conspirateurs du 19 août 1820 (chap II).
L'Union se voulait avant tout devenir à terme un
réseau d'influence, elle n'aspira jamais à devenir un parti
politique bien qu'elle soutenait les libéraux185(*). Citons l'article 1 de ses
statuts : « L'Union a pur but unique de propager les
principes libéraux. Les principes libéraux sont ceux qui tendent
à améliorer l'état des hommes en société, en
l'instruisant de ses droits et devoirs. Leur base essentielle est la
justice ; l'Union n'exercera qu'une influence. »186(*) . On remarque tout de
même le ton républicain prononcé du texte, insistant bien
sur les notions de droits et de devoirs, la lutte pour la liberté
devait toujours être conciliée avec l'idéal de
justice des Unionistes. Le préambule était à ce titre
très explicite : « Les agents de tyrannie
étant partout et depuis longtemps organisés pour obtenir leurs
fins , les amis de la liberté, c'est à dire du libre exercice des
droits de tous, qui n'est que l'accomplissement de la justice éternelle,
devaient à leur tour s'organiser pour reconquérir ces
droits... »187(*).
Cette lutte secrète devait donc s'opérer au
sein d'une petite structure188(*), afin de ne pas tomber sous le coup de la loi :
« Après avoir bien médité le plan de notre
association, dont nous rédigeâmes les articles,
précédé d'un préambule explicatif de nos motifs,
nous songeâmes à nous constituer d'abord dans la ville de
Grenoble, où se trouvaient tant de bons éléments à
cet égard. (les noms sont rayés) Cependant nous
voulûmes d'abord nous borner au nombre de vingt, pour pouvoir nous
réunir sans tomber sous le coup de l'article 291 du code
pénal... »189(*) . Le recours au secret devait en être
facilité et s'illustrait comme une noble réponse à la
violence du régime : « ...dans le plus grand
nombre des Etats l'organisation du pouvoir étant violente, il fallait
bien recourir au seul moyen d'action resté possible, c'est à dire
d'agir en secret et avec toute la prudence nécessaire. Le moyen
principal devait être la propagation générale des
idées des Lumières et des justes principes de droit social, afin
d'en répandre au moins l'esprit en tous lieux, tant que la force brutale
des gouvernants empêcherait de les faire passer dans les
institutions... »190(*).
Dés lors, l'Union de par les convictions de son
fondateur, bannissait à l'origine tout recours à la
violence, la société ne s'assignait qu'une action purement
morale de diffusion des idées et des valeurs libérales. Tous
les moyens alors disponibles devaient être sollicités. On
emploierait la presse, la tribune, on soutiendrait le barreau et les
écoles, on fonderait des cabinets de lecture et des bibliothèques
populaires191(*). En
effet, dans l'esprit de Rey, cette société devait prendre
rapidement un caractère international en s'organisant sous la forme
d'un réseau, souple car exempt de tout fonctionnement
hiérarchisé. Il note : « l'Union est
perpétuelle et universelle. L'Union universelle se compose des Unions
partielles qui sont toutes égales entre elles et ne peuvent être
soumises à aucun degré de prééminence ou de
hiérarchie. Une union partielle ne peut être instituée
d'une manière distincte, si le nombre des membres pouvant se
réunir ne s'élève à cinq. »192(*) Ceci nous
amène à la composition et au fonctionnement de la
société secrète.
Les premiers membres de l'Union : la question du
« cercle libéral »
Rey partit pour l'Allemagne quelques jours après la
première réunion constitutive de l'Union, le 28 février
1816, cherchant à ramener « quelques débris »
de sociétés secrètes allemandes au sein de son
réseau193(*). Il
avait notamment déjà établi des contacts à
Heidelberg... Dés lors les premiers recrutements de l'Union furent
décidés par les camarades grenoblois de Rey. Ce dernier se
chargeant de recruter dans toute la France, notamment à Paris et en
Allemagne où il recruta les proscrits Desportes et l'avocat Charles
Teste dont Rey avait été le secrétaire. Notons au passage
la solennité du rite d'admission, rappelant étrangement celle des
Carbonari : « Chaque unioniste à la
première assemblée de l'Union qui aura lieu après son
admission prendra l'engagement suivant : « Sur mon honneur,
je promets de concourir de tout mon pouvoir au but de l'Union, de faire en
toute occasion pour mes frères ce que je voudrais qu'ils fissent pour
moi, enfin de garder toute ma vie le secret le plus inviolable sur tout ce qui
pourra tendre à dévoiler l'existence de
l'Union. »194(*). Dés lors « l'admission
n'a lieu qu'à l'unanimité des unionistes présents à
la délibération (... ) il doit toujours y avoir présent
à la délibération au moins la moitié plus un des
membres de l'Union... »195(*). Une solidarité et un dévouement
totale devaient caractérisés ses
membres : « L'Union toute entière doit secours
et protection à chacun de ses membres... »196(*), « Tous les
membres de l'Union lui doivent un tribut d'efforts pour le but commun.
Toutefois, la garantie de leur zèle est uniquement dans le sentiment du
devoir, seul mobile de l'Union »197(*).
Les premiers membres de l'Union furent donc choisis avec
prudence, essentiellement au sein de la petite élite libérale de
l'époque. Il s'agissait en effet bien de former un
« cercle » libéral. Le concept de cercle
mérite d'être précisé avant de présenter les
principaux affiliés et les ramifications territoriales de
l'organisation.
L'Union se composant essentiellement de notables :
avocats, magistrats, députés libéraux, professeurs,
officiers en retraite ou encore en activité...elle avait surtout comme
point d'uniformité entre ses membres le caractère bourgeois.
Maurice Agulhon dans son ouvrage le Cercle dans la France bourgeoise,
étude d'une mutation de sociabilité198(*), souligne la
cohésion que conférait aux membres des cercles,
sociétés, associations du début du XIXième
siècle un regroupement restreint et « borné »
par un certain niveau occupé dans l'espace social. Le premier
élément essentiel de ces cercles, souvent d'ailleurs à
leur origine, est l'amitié existant au préalable ou
susceptible de se développer par la suite entre ses membres. Pour cela,
l'affiliation s'opère donc souvent au préalable par un examen
explicite ou insidieux des opinions politiques du prétendant, voire de
ses goûts et de ses moeurs... On observait en effet sous la Restauration
« une familiarisation croissante de la bourgeoisie avec
l'institution-cercle, avec la facilité, les commodités et la
souplesse qu'elle offre, avec l'habitude prise en haut lieu de la
tolérer, fait qu'on l'a utilisée de plus en plus à des
fins diverses... »199(*) . La remarque d'Agulhon est des plus pertinentes et
s'applique parfaitement aux membres de l'Union qui dans leur ensemble
témoignent déjà de l'expression politique d'une classe
moyenne politiquement encore difficilement
« sondable », mais niée dans ses convictions
libérales par le régime de la Restauration.
Toujours en s'appuyant sur Agulhon, on note que l'Union
symbolise bien la symbiose société-cercle200(*). En effet,
souvenons-nous que l'ambition de Rey à travers l'Union était bien
de diffuser au maximum l'esprit des idées libérales. Rey
insistait sur le fait qu'il ne s'agissait que d'exercer une influence mais ne
considérons pas trop naïvement ces voeux pieux et n'oublions pas
que ce qui devait être à l'origine qu'une pacifique
société de propagande libérale constitua par la suite une
des bases principales d'un complot visant à un coup d'Etat... De
même, gardons en tête que Rey à la fin de sa vie tenta une
carrière politique à partir du même discours un peu flou,
voire parfois aux accents mystiques, diffusé au sein de l'Union et en
espérant trouver écho auprès de ses anciens amis... Mais
refermons cette parenthèse. La mise en réseau des libéraux
à laquelle aspirent les Unionistes par le biais de comités locaux
illustre bien la nécessité de créer secrètement un
mouvement de masse d'une élite dispersée. La démarche de
l'Union peut ainsi se résumer aussi par ces observations d'Agulhon sur
la structuration d'un groupe politique autour de
cercles : « un groupe politique de base, en province
également, ce n'est encore rien d'autre qu'une cellule de
sociabilité, dans laquelle s'est dégagée une opinion
commune. Quant à la politique organisée, ce n'est encore rien
d'autre que l'établissement d'une liaison entre ces
« sociétés »,
« cercles »,
« réunion »... »201(*). L'Union en effet fut un des
moteurs principaux de la tentative de coup d'Etat du 19 août et ses
membres, notamment Rey, envisageaient bien de rétablir leur propre
gouvernement (chapII) après organisation d'un référendum.
Dés lors, il n'est peut-être pas interdit de penser que
déjà nombre d'affiliés à l'Union envisageaient en
son sein leur carrière politique future au sein du parti
libéral/républicain202(*)... Revenons à ses membres en 1816 et à
son extension.
Nous n'observons là que la formation du noyau dur de
l'organisation entre 1816 et 1817, la seconde vague la plus importante fut en
réalité constituée par les appels à l'affiliation
au projet du 19 août 1820. Le recrutement des premiers membres de l'Union
fut essentiellement opéré au sein de l'élite
libérale « avérée » du pays alors que
le complot soutenu par l'Union dut prendre appui sur une base beaucoup plus
hétérogène, mêlant bonapartistes, libéraux
« modérés » et
« authentiques », civils et militaires, jeunes et plus
vieux... Les premiers adhérents et les plus marquants résidaient
dans le Dauphiné comme Jean-François Champollion203(*) que nous avons
déjà évoqué et qui venait de perdre sa place de
bibliothécaire à la ville de Grenoble, l'avocat grenoblois
Félix Réal, Bérenger de la Drôme ancien avocat
général à la Cour de Grenoble que nous aurons à
présenter plus précisément, ou encore Baude de Valence,
ancien sous-préfet de l'Empire... Puis
l' « Union-mère », nom donné à
l'organisation de Grenoble, s'étendit un peu plus dans le
Dauphiné sous l'impulsion de Bérenger de la Drôme pour
atteindre le Midi de la France. Mais elle ne s'étendit à d'autres
régions qu'avec le concours de Rey qui ne cessait de voyager, partant
« recruter » le maximum de libéraux,
« semant » les « germes » de
l'association là où c'était possible...
Mise en place du réseau et aperçu des
actions de l'Union
Rey tissa au gré de son expédition (1816-1817)
un véritable réseau. A Francfort, il recruta le magistrat
Charles Teste dont il avait été le secrétaire en 1805-1806
et lui demanda d'installer un comité de l'Union en Belgique204(*). Lors de son retour sur
Grenoble vers la fin de l'année 1817, Rey lança aussi une
création de comité en Suisse, par l'intermédiaire du
général Laharpe, ex-précepteur d'Alexandre de Russie, qui
vivait retiré dans le canton de Vaud ainsi qu'en Savoie. Arrivé
à Grenoble début 1817, Rey, infatigable, repart aussitôt
pour Paris où il compte installer l'Union parisienne. On observe donc
une extension de la société secrète du sud vers le nord de
la France. Pendant son voyage pour Paris, Rey fait une halte à Lyon
où il organise l'Union lyonnaise (fin 1817) avec l'aide de Duplan et de
Gros de Lyon. Rey organisait ainsi trois centres stratégiques de l'Union
( Paris, Lyon et Grenoble). Peut-être songeait-il déjà
à leur utilité future pour organiser une conspiration ?
Il demeure que l'installation d'un relais au sein de la
capitale, l'Union parisienne, était essentielle de par la simple et
bonne raison qu'elle concentrait et concentre toujours toute
l'ébullition politique de l'époque et que Rey y avait
déjà scellé de nombreuses et utiles amitiés. Ainsi
Rey trouva le vénérable général Lafayette alors
député, auquel il avait été introduit durant sa
jeunesse par son maître Destutt de Tracy que nous avons
déjà évoqué en introduction. A l'aide de Lafayette,
Rey parvint donc à mettre sur pied l'Union parisienne au début de
l'année 1819205(*).
Ainsi seront intégrés au sein de l'Union
parisienne : les députés Lafayette, Voyer d'Argenson, Dupont
de l'Eure, de Corcelles, les généraux Tarayre et Demarçay,
de Pompières, de Beauséjour ; des journalistes comme Comte
et Dunoyer du Censeur, et Chatelain du Courrier
français, le vénérable Victor Cousin alors professeur
à l'Ecole normale, des magistrats comme de Schonen et Girod de l'Ain,
tous deux conseillers à la Cour de Paris et surtout des avocats du
barreau parisien : Odilon Barrot, Mauguin, Berville, et
Mérilhou206(*). Parmi ceux dont l'entrée sera
refusée, faute de témoigner suffisamment d'une opinion
républicaine, citons le banquier Laffitte, le général Foy,
Manuel, Benjamin Constant, pourtant ami de Rey et Casimir
Périer207(*).
Viendra alors l'extension à l'Ouest du pays surtout au sein des
garnisons militaires de la Loire et de la Haute-Loire dans les quelques mois
suivant la décision du projet du 19 août...
Un dernier mot concernant l'affiliation d'un traître en
Allemagne. Joseph Rey, lors de sa fuite pour l'Allemagne à la suite de
la découverte du complot, rencontra en 1820 un ancien membre de
sociétés secrètes allemandes : le Danois
Witt-Doering. Personnage des plus obscures, parent du baron Ferdinand
d'Eckstein qui avait aidé Louis XVIII à fuire pendant les
Cents-Jours. Doering réussit à duper Rey en faisant preuve de
beaucoup d'enthousiasme pour sa société secrète. Il n'en
demeure pas moins que Rey le qualifie de traître dans ses
Mémoires208(*),
le soupçonnant d'être notamment à l'origine de
l'arrestation de Victor Cousin... L'extrême activité de Rey
n'était donc pas sans risque, le personnage demeurant d'ailleurs
peut-être aussi à l'époque pas assez méfiant et
peut-être encore trop naïf... L'expérience des trahisons de
par la découverte du complot du 19 août devait endurcir notre
conspirateur amateur. Ceci nous amène à dresser un bref tableau
des activités de l'Union de 1817 à 1820.
L'Union, comme nous l'avons vu, s'était posée
pour principe de ne pas recourir à la violence. Elle le maintiendra
jusqu'à l'extrême radicalisation du régime dés
février 1820 avec l'assassinat du duc de Berry dans la nuit du 13 au
14209(*) et le rappel du
second ministère Richelieu qui sera des plus répressifs vis
à vis des libertés publiques.
L'activité de l'Union fut étroitement
liée à celle de son fondateur, résidant à Paris
à partir de 1817. Rey, inscrit au barreau de Paris la même
année, prenait place au sein du petit groupe d'avocats libéraux
précédemment cités et ces derniers le chargèrent
très vite de défendre devant les tribunaux les principes de 1789
et les libertés garanties par la Charte210(*). Parmi ceux- ci, ces amis
Odilon Barrot et Mérilhou le chargèrent de plaider en faveur du
« Père Michel », un colonel, ancien royaliste
converti au libéralisme qui dérangeait particulièrement le
pouvoir en place depuis qu'il avait publié un petit pamphlet politique
contre la famille royale211(*). Rey accepta et son plaidoyer212(*) fut pour Rey l'occasion
d'une belle passe d'armes avec le représentant du parquet, Marchangy, en
1818. Rey s'affirmait déjà comme un « honnête
homme », prêt à défendre ses concitoyens.
A nouveau, le talent rhétorique et la fine
connaissance judiciaire de Rey furent sollicités, lorsque les
libéraux grenoblois lui demandèrent en 1819 de prendre la
défense des familles des victimes du général Donnadieu,
les vingt et un insurgés de la conspiration grenobloise de Didier
(1816), le meneur, tous condamnés à mort et
exécutés sans appel en 1816. Rey qui venait de prendre
connaissance de l'affaire213(*), mena sa propre enquête et adressa alors une
plainte au nom des familles des victimes contre le général
Donnadieu, sous le motif « d'assassinat
judiciaire »214(*). Un acte de bravoure qui lui coûta son titre
d'avocat. Rey fut rayé du conseil de l'Ordre des avocats, pour avoir
soi-disant tenu des propos diffamatoires envers l'officier Donnadieu... De
même, quelques mois plus tard il sera étrangement rayé des
listes électorales sans motif précis215(*)... Mais nous reviendrons
dans un instant sur ce qui fut qualifié par les libéraux
d'« assassinat judiciaire »216(*) et sur la prise en charge de
cette plainte par Rey.
Parmi les réalisations les plus intéressantes et
porteuses de l'Union, il nous faut peut-être commencer par évoquer
la création de ramifications sous l'impulsion de Rey et de Cousin. En
effet, Rey, revenu à Paris de ses voyages en Allemagne et en Suisse,
décida dans l'année 1817 d'élargir l'aura de
l'Union217(*).
Dés lors Rey s'attela, une fois l'Union parisienne organisée,
à monter une loge de type maçonnique : la loge des Amis de
la Vérité218(*). Cousin219(*) joua un rôle prépondérant dans
la mise sur pied de cette organisation, en puisant ses premiers membres parmi
la jeunesse au sein de laquelle il exerçait à l'époque une
grande influence. Notons au passage que
« l'éclectique » Cousin travaillait aussi à
développer une société de réflexion
« sensualiste » : « La société
diablement philosophique ! »220(*).
De même, l'Union aidera activement en 1819 à la
mise en place d'une organisation libérale importante :
l'Association pour la liberté de la Presse. Constituée en 1819
par le duc Victor de Broglie et son beau-frère Auguste de Staël,
cette association inspira notamment le garde des sceaux de Serre, qui
préparera la loi sur la liberté de la presse de mars 1819
facilitant la création de journaux. Cette Association se
réactivera notamment à Lyon sous Louis-Philippe avec le retour
à la censure opéré par le régime221(*).
Plus encore, une des entreprises les plus importantes de
l'Union fut la campagne qu'elle mena en septembre 1819 pour l'élection
de Grégoire. Rey et Bérenger de la Drôme
s'impliquèrent tout particulièrement dans cette campagne. L'Union
de l'Isère publia ainsi un manifeste en faveur de
Grégoire : « Electeurs, ne soyez pas indécis
sur vos choix et vos nominations ; entrez paisiblement dans l'enceinte
consacrée aux prérogatives de vos droits les plus nobles et les
plus sacrés ; déposez-y sans crainte, et dans le calme de
vos consciences, vos bulletins. Que les noms des Grégoire, des
Savoie-Rollin, des Français de Nantes et des Sappey y soient inscrits.
Ces mandataires sont dignes de vous, de la patrie et de la
liberté »222(*). Grégoire élu avec le soutien
des ultras qui préféraient un
« modéré » aux Jacobins, Rey tente de s'en
expliquer dans ses mémoires, en insistant sur le fait qu'il s'agissait
« par la voie du peuple, de consoler un vieillard aussi
vénérable des indignités que lui avait fait subir un
pouvoir forcené, en le faisant précédemment exclure du
Sénat et de l'Institut national, contre toutes les lois et les
règles de la justice... »223(*).
Il n'en demeure pas moins que l'élection fut
annulée sans aucun motif précis à la fin de l'année
de 1819 avec le raidissement opéré par les ultras disposant de
nouveau de la majorité à la Chambre. Rey explique que ce fut
là un des déclencheurs dans l'esprit de certains unionistes dont
Jean-Baptiste Dumoulin, ancien officier de l'Empereur, d'une possible mise en
place d'un complot militaire, s'appuyant sur une sédition
générale de militaires déçus par le régime.
Dumoulin, que nous présenterons dans le second chapitre, exposa son plan
d'attaque à Rey et Bérenger de la Drôme. Rey, dans un
premier temps méfiant vis à vis des tendances bonapartistes de
Dumoulin, hésita à engager l'Union dans cette voie du complot, et
ce jusqu'à sa révolte face aux évènements de juin
1820.
Ceci nous amène donc à présenter le
récit de Rey de la conspiration du 19 août 1820, récit
inédit et nous révélant la première figure du
conspirateur-médiateur que revêtit alors Joseph Rey le temps d'un
été.
LES FIGURES DE JOSEPH REY
De l'intellectuel libéral au socialiste
« utopique »
« Les révolutions sont les seules pages
de l'histoire qui méritent qu'on ouvre, qu'on pose le
livre »
Cavaignac224(*)
« Conspiration : dessein formé
secrètement entre plusieurs contre les pouvoirs publics (...) Concours
vers un même effet », dictionnaire Littré, 1990.
II- Joseph Rey de Grenoble : conspirateur du 19
août 1820 au sein de l'Union
Comme le note à juste titre Georges Weill, le
récit inédit de Joseph Rey de la grande conspiration
libérale du 19 août 1820, de par sa véracité et les
détails de son organisation, lui confère un grande valeur
historique225(*).
Dés lors, comme nous avions porté une grande attention à
l'étude du premier volume 226(*) de ses Mémoires relatant cet épisode,
nous avons choisi de lui consacrer un chapitre de cette étude, en
cédant la parole à son auteur Joseph Rey. Avant d'entrer dans le
récit de la conspiration, revenons brièvement sur la formation de
la conscience politique du jeune Rey, de son Adresse à l'Empereur
à sa révolte face aux événements de juin 1820, afin
de mieux comprendre son engagement dans l'entreprise du 19 août.
II-1 Bref parcours biographique de Rey jusqu'en 1819
Le troisième volume 227(*) des Mémoires de Rey est des plus instructifs
quant à l'évolution de la conscience politique de notre
personnage. De sa jeunesse studieuse à son goût pour les
sociétés secrètes qui le mena comme nous venons de le voir
à créer l'Union « libérale », Rey n'a
cessé de développer son esprit critique en oscillant de
manière permanente entre une nécessaire distanciation
intellectuelle vis à vis des tumultes politiques de son époque
et haussements de voix, voire nous pourrions dire vulgairement aujourd'hui
« véritables coups de gueule », face à tout
ce qui pouvait lui apparaître de l'ordre de l'injustice ou de la simple
déraison.
II-1.1 Les débuts de l'engagement politique de
Rey : de son « Adresse à l'Empereur » (mars
1815) à la création de l'Union (février 1816)
Nous nous basons là à nouveau sur son propre
récit biographique (T.3940, trois chapitres de 1779 à 1820) qu'il
prend soin de qualifier de « moral » et
« politique ». En effet, comprendre la question de la
maturation de la conscience politique du jeune Rey nous imposera d'insister sur
la formation de l'Idéologue Rey, chose que nous ferons en abordant la
seconde partie de la vie de Rey (chapitre III). Nous reprenons donc ici le fil
biographique à partir des premières réflexions de Rey sur
l'Empire228(*).
En 1807, Rey est substitut du procureur impérial
à Plaisance (Italie). Ici débute selon Rey sa
« première vie officielle »229(*) marquée par une
grande ardeur au travail et une certaine reconnaissance vis à vis de
l'Empire, il écrit : « Si dans mes jugements,
j'étais susceptible d'obéir à des motifs
d'intérêts, personne d'autre plus que moi ne serait porté
à exalter le temps de l'empire, puisque j'avais fait d'abord une
avancée rapide... »230(*). Cependant Rey s'affirmait déjà
comme un humaniste critique vis à vis de Napoléon en
écrivant : « J'ai le bonheur trop peu compris de
trouver une source de jouissance ailleurs que dans un matériel
égoïsme et je ne sais accorder la louange qu'aux actes qui me
semble avoir eu véritablement pour fin le triomphe de la justice et le
bonheur de l'Humanité...Or si il était possible que
Napoléon eut jamais connu un pareil dessein, il faudrait concevoir qu'il
fut bien malheureux dans les moyens qu'il employa pour
l'exécuter... »231(*). « L'Adresse à
l'Empereur » trouvait donc déjà sa source d'inspiration
de la critique à venir du despote de Napoléon.
A cette époque Rey s'adonne à ses premiers
débats politiques, bien qu'assez peu intégré au sein de la
communauté italienne en étant français. Il apprend
très vite la langue du pays et parvient déjà à
l'utiliser avec finesse lorsqu'il doit plaider. Il raconte notamment ses
premiers démêlés avec l'administration militaire. Il
rapporte qu'il fut un jour en charge de défendre un gamin violemment
frappé à la tête dans une auberge de Plaisance par
« un gros major de cavalerie »232(*). L'administration militaire
tenta de faire pression sur Rey afin qu'il prononce une relaxe de l'officier.
Il s'y refusa naturellement et condamna le major à une peine
d'emprisonnement. Un ami du major vint alors le menacer en ces termes :
« ...vous, monsieur, qui avez osé requérir
une peine d'emprisonnement contre mon camarade, et qui avez mis tant de
passion dans toute cette affaire... »233(*). Rey répondit de
son droit : « N'allez pas plus loin monsieur, et cela dans
votre intérêt, car si vous m'injuriez, j'ai le droit de vous faire
arrêter. »234(*). Echappant de peu à une provocation en
duel, Rey dans sa clairvoyance et sa pacifique bonté finit par
comprendre l'acte de faiblesse du major et se résigna à
alléger sa peine... Rey affirmait déjà en Italie son
goût de la justice mais aussi n'hésitait pas à manifester
ses premières critiques vis à vis de l'administration
impériale. Au tribunal de Mayence, où il venait de prendre
fonction en 1810 toujours en tant que premier substitut, il note :
« il n'y avait pas un seul légiste, les autres ne savaient
pas un mot de droit »235(*) .
De là datent encore ses premières
considérations sur l'impérialisme et sa doctrine du
« matérialisme politique ». Il condamne alors son
adoption par Napoléon : « Qu'il trouve dans nos
coeurs une indulgente absolution, mais qu'on ne vienne pas sans cesse le
proposer comme un modèle de l'art de régner, ni comme un ami du
progrès social ! »236(*), il ajoute : « ne fut-il pas
des hommes qui s'étaient formés à la fausse école
du matérialisme politique... »237(*). De même, ces
quelques propos éclairent aussi sur la déception suscitée
en réalité par Napoléon chez
Rey : « Ah ! si l'homme doit être
jugé, non seulement par les efforts de ses actions, mais surtout par le
principe qui les dirigea, il n'exista jamais de souverain, qui, plus que
Napoléon, doive un compte rigoureux, du mal qu'il fit, et du bien
imminent qu'il aurait pu faire, avec un génie tel que le sien et le
peuple de héros qu'il avait le bonheur de commander !...(...) car
ce sont définitivement les idées qui gouvernent les
hommes, et il ne peut sortir que de malheureuses conséquences
des erreurs qu'ils ont généralement
acceptées... »238(*). Dés lors, on entrevoit plus clairement
la position de Rey lors de l'épisode des Cents-Jours. Rentré en
France et arrivé à Grenoble au début du mois de mars 1815,
il vient d'obtenir sa place de Président du Tribunal civil de Rumilly et
ce avec l'aide de son maître Destutt de Tracy qui fit pression sur le
chancelier Dambray. C'est de cette époque qu'il aurait encore
déclaré à un de ses compatriotes :
« ...Oh (non) l'exercice des fonctions publiques ne vous place
pas essentiellement sur un lit de douleur, comme l'a prétendu
fâcheusement un de nos ex-ministres...quant à moi, je n'ai fait
que mon devoir ! »239(*). Rey paraît alors un peu aigri, et se
précise alors son attitude vis à vis de l'Empereur.
L'épisode des Cents-Jours agace Rey qui critique
« la facilité du peuple à vouloir se courber de
nouveau sous le despote de Napoléon »240(*), lors du passage de
l'empereur à Grenoble le 08 mars 1815. Il décide ainsi une nuit
d'élever publiquement la voix : « Tristement,
affaibli de ces symptômes d'une retraite dans toutes nos fautes
( ?), je rentre chez moi pour me mettre au lit ; mais cela
me fut impossible, et, dans une nuit entière pleine d'insomnies, pleine
de plus profondes émotions, je rédigeai mon Adresse à
l'Empereur qui fit alors sensation d'autant plus extraordinaire qu'on
était moins accoutumés depuis bien longtemps au langage fin
( !) de l'auteur et aux principes qu'il exprimait »241(*). Comme le note Rey, ce
qui fut bien le premier acte de sa vie politique
« détermina pour tout le reste de (sa)
carrière, le genre de part qu(`il) deva(it)
prendre aux affaires publiques... »242(*). En effet, cette
adresse qui fut reproduite dans les jours suivants dans les colonnes du
Constitutionnel semblait pour Rey qui n'en fut pas sanctionné,
avoir même influencé la conduite de Napoléon :
« Non, seulement il ne fit pas inquiéter l'auteur, mais le
lendemain de la publication à Paris (31/03/1815), on vit
paraître un décret accordant la liberté de la presse la
plus limitée. »243(*). Selon Rey :
« C'était une manière de répondre aux
appréhensions que je lui manifestais si hautement. C'est là
peut-être un des plus beaux actes de ses règnes, et qui n'a pas
été assez remarquable... Malheureusement, il n'obéit
pas longtemps à de telles inspirations»244(*). Rey prit donc selon
lui avec cette adresse son première engagement
« libéral » mais observe bien avec la défaite
de Waterloo que Napoléon ne sut écouter sa parole amicale.
Si ce discours permit à Rey de sortir de l'ombre, il
lui attira aussi ses premiers ennuis vis à vis de l'administration
royale de Louis XVIII. Il rapporte ainsi que ayant perdu son poste à
Rumilly suite à la perte de la Savoie française avec la chute de
l'empire en juin 1815, il se vit refuser tout poste dans la nouvelle
administration royale sous le motif d'avoir tenu des propos injurieux envers la
famille des Bourbons. Rey en rapporte l'épisode dans sa biographie
morale et politique : « Le procureur
général me communiqua une lettre du ministre, disant en substance
qu'en ayant dans les Cents-jours publié une Brochure (Mon adresse
à l'Empereur), contenant des paroles de blâmes pour le
gouvernement antérieur du roi, il fallait que j'en fisse le
désaveu, ainsi qu'une protestation de mon attachement personnel
aux membres de la dynastie ...ce à quoi je répondis à
M le Procureur général, quant aux paroles dont il s'agissait, que
la lecture de l'écrit où elles étaient exprimées
faisaient voir clairement qu'elle n'avait point eu pour but d'insulter la
famille royale alors tombée de son rang, ce qui était d'ailleurs
entièrement opposé à mon
caractère... »245(*). Rey ne fut point entendu et ne s'abaissa pas
devant la menace : « A l'égard de la
protestation d'attachement personnel à la famille royale, je dis que je
n'en concevais ni la possibilité, ni la convenance »246(*). Souvenons-nous que la
France subissait alors la vague de la « Terreur blanche »
et Rey fit donc preuve déjà d'un certain courage, motivé
par son attachement à la Charte : « Je ne
pouvais prendre aucun engagement qui eût eu une autre contre-partie que
celle du serment de la fidélité politique, corrigé de tout
magistrat, obligation qui était d'ailleurs corrélative de celle
d'obéissance à la Charte »247(*).
Il n'en demeure pas moins que son adresse lui permit de se
faire un nom au sein de sa ville natale où « le parti
libéral était déjà en grande
majorité »248(*). Mais l'enfant du pays « dut bientôt
l'abandonner pour satisfaire aux devoirs de la
reconnaissance »249(*) et partit pour l'Allemagne. Nous avons
déjà évoqué ce premier voyage mais notons à
nouveau que pendant son absence éclate la conspiration de Didier
(février1816). Rey à son retour note à ce
sujet : « J'y serais certainement resté
étranger, comme tous mes amis politiques de Grenoble, qui ne la
trouvaient pas dans leurs principes, et n'avaient pas confiance dans le
chef... »250(*) . Rey, en effet, comme nous venons de le voir
était alors occupé à structurer l'Union et à
étendre son recrutement. Rey redevenait ainsi « homme de
l'ombre » mais ne devait pas le rester longtemps au regard de sa
stature au sein de l'Union.
II-1.2 Sa défense des conjurés de 1816 et
sa radiation de l'Ordre des avocats (1819)
Brillant orateur, Rey qui avait déjà fait ses
preuves, avait ouvert son cabinet d'avocat à Grenoble en 1816. Rendu
à l' « espace privé », il pouvait donc
d'autant mieux s'atteler au sein du cercle de l'Union, à diffuser les
idées libérales. Rey à ce sujet avait tenté
d'opérer une synthèse des reformes libérales, essentielles
et urgentes pour le pays, nous y reviendrons assez vite dans le chapitre III.
Notons déjà l'essentiel de celle-ci contenue dans un petit
ouvrage écrit en 1815, De l'état actuel de la France sous le
rapport de quelques idées politiques251(*) :
- Respect du Constitutionnalisme de 1814 et plus encore des
acquis de 1793
- primauté du Corps législatif
- indépendance de la Justice
- droit de réunion, d'association et liberté de
la presse.
Reconnu pour être très attaché aux
principes des droits de la défense, les membres de l'Union le chargent
à son retour à Grenoble en 1817 d'assurer la défense du
Père Michel condamné pour diffamation pour son petit pamphlet
adressé contre la famille royale...ouvrage qui selon Rey s'adressait
à tous, aux classes moyennes... Un plaidoyer vigoureux qui lui valut
encore quelques remontrances du Barreau, pour qui devant le despote royal,
« une telle menace n'était qu'inspirer au Barreau, ce
qu'on appelait une « crainte à se
taire » »252(*).
Enfin, plus encore, Rey illustre à nouveau son courage
et sa rigueur juridique en se chargeant d'instruire la plainte des familles
victimes de « l'assassinat juridique » du
général Donnadieu à l'encontre des vingt et un
insurgés de la conspiration de Didier (1816). Les membres de l'Union
l'avaient chargé du dossier. Selon Rey, les arrêts de morts
avaient été prononcés par un commissaire militaire et il y
avait eu ensuite une mise en état de siège du département
décidé par le général Donnadieu, décision
fort exagérée selon Rey. Rey rapporte ainsi
qu' « il s'agissait donc de savoir si le gouvernement avait
eu le droit de prendre une si terrible adresse, qui fit toute l'action sociale
dans les mains vicieuses de l'autorité militaire, avec des pouvoirs
presque illimités »253(*). Rey mena donc sa propre enquête, partant
consulter les habitants de Grenoble qui furent témoins de
l'épisode, « des personnes d'opinions diverses, en
n'admettant aucun fait que je n'eusse contrôlé scrupuleusement les
premières indications. »254(*). Arrivant au constat d'une
sur-exagération de la répression menée par Donnadieu,
répression qui s'est soldée par vingt et une exécutions
sommaires, Rey adresse au procureur du roi une plainte au nom des familles
contre Donnadieu et l'ancien préfet Montlivaut. Rey fut alors poursuivi
par Donnadieu pour « calomnie ». Notons que selon Rey,
Donnadieu avait quant à lui été condamné à
une peine de deux ans de prison pour un écrit déclaré
infamant envers la personne du roi255(*). Rey qui qualifia d' « assassinat
judiciaire » la répression de Donnadieu et de l'ancien
préfet Montlivaut commise en 1816, donna à sa demande
un véritable caractère politique.
Cependant non seulement, le dossier ne sera pas
réouvert mais il lui attirera encore des châtiments disciplinaires
malgré la qualité de l'enquête dont Rey se justifie
beaucoup256(*). Ainsi
sur réquisitoire du procureur général Béllard, le
conseil de l'ordre décide par arrêté du 8 juillet 1819 de
rayer son nom du Conseil de l'Ordre des avocats. Notons enfin que Rey ne put
réellement se défendre de cette mesure totalement arbitraire, ce
dernier étant lorsqu'il apprit la nouvelle, en fuite pour l'Allemagne
suite à l'échec du complot.
Ce fut donc la requête de trop et Rey ne semblait
d'ailleurs plus trop soutenu par ses amis l'ayant jugé cette fois
peut-être trop « zélé » dans son
enquête. Il note amèrement finissant sa biographie morale et
politique : « Aussi même parmi ceux qui
m'accordaient de bonnes intentions, et qui avaient quelques sympathies pour nos
tendances, je n'étais qu'un rêve-creux, ou un exalté et
parmi mes adversaires j'étais un forcené séditieux, un de
ceux prédicateurs de désordre...Que de fois, dans ma double
carrière de la magistrature et du barreau n'ai-je été en
butte à de tels jugements !...Oh !
...sagesse...prétendue sagesse de la terre !...celui qui
prévoie les maux, qui les signalent, qu'en indique d'abord paisiblement
le remède, celui-là est un insensé, un artisan du
trouble ; et ceux qui proposent eux-mêmes le mal rongeur, ou ceux
qui lui prêtent l'appui d'une funeste tolérance, ceux-là
tous sont les seuls vrais sages, les seuls prudents, les seuls amis de la Paix
publique et de l'Ordre social !... »257(*). Sur ces sages paroles,
abordons à présent la question de la radicalisation du
régime durant les années 1819-1820 et la mise en place d'une
conspiration militaire à laquelle Rey et l'Union joueront un rôle
actif.
II-2 L'affiliation de Rey au projet du 19 août
1820
Il s'agit là de présenter le récit de
cette première conspiration libérale, prélude aux
conspirations de la Charbonnerie française des années 1821-1823.
Nous nous appuierons donc sur le récit de Rey, contenu dans le premier
volume de ses Mémoires politiques258(*).
Comme nous l'avons présenté dans la
première partie de cette étude, les années 1819 et 1820
sont des plus « agitées » ; marquée
d'une part par une première tentative de
« libéralisation » du régime sous le
ministère Decazes (janvier 1818-février 1820) et d'autre part une
réaffirmation de l'autoritarisme royal avec, suite à l'assassinat
du duc de Berry, le rappel du duc de Richelieu (février
1820-décembre 1821) qui s'attellera cette fois à briser le
mouvement libéral, notamment avec la mise en place de la loi dite du
« double vote »259(*) . Cette radicalisation du régime
trouvera d'ailleurs son apogée avec le ministère suivant,
dirigé par Villèle (décembre 1821-septembre 1824). Mais
restons focalisés sur ces deux années 1819 et 1820, dont la
déplorable évolution politique va mener quelques
réfractaires au régime à fomenter un complot.
Reprenons donc le fil biographique. Au 8 juillet 1819, Rey
est définitivement exclu de l'Ordre des avocats pour son attaque contre
le général Donnadieu. Désormais sans emploi et dans une
situation économique un peu précaire, il vit à Paris de
l'aide de ses amis de l'Union et notamment de ses camarades du barreau
parisien, Mérilhou et Odilon Barrot. Il ne s'occupe en
réalité des lors que de resserrer les liens entre l'Union et la
Loge des Amis de la Vérité, précédemment
citée et sous la direction de Victor Cousin. Il intègre aussi
à cette époque avec quelques unionistes comme Chatelain et
Mérilhou, le comité secret de l'Association pour la
Liberté de la Presse, précédemment citée et dont
Rey avait participé à l'éviction.
Rey est désormais un homme mûr, il a quarante
ans et s'est affirmé publiquement comme un ennemi de l'évolution
répressive que prend le régime de Louis XVIII depuis son retour
au pouvoir. Indigné par la violente répression du complot de
Didier (1816) et par l'inexistence d'une réelle indépendance de
la Justice, pourtant garantie en théorie par la Charte du 4 juin 1814,
Rey observe comme premier déclencheur de la
« radicalisation » d'une frange des
libéraux260(*)
le triste épisode de l'annulation de l'élection de
Grégoire à Grenoble par la Chambre sous la pression des ultras,
alors majoritaires en septembre 1819. Cependant, il nous faut ici insister ici
sur l'attitude de recul que conserve Rey vis à vis de tous recours
à des moyens illégaux de résistance, de la fin de
l'année 1819 au déchaînement des passions suscitées
par l'assassinat du duc de Berry en février 1820. Le réel
déclencheur d'une radicalisation de l'attitude politique de Rey sera
plus encore sa révolte face aux événements de juin,
réel motif de son engagement dans les voies
« conspiratives ». Revenons en détail sur
l'évolution de ce pacifiste.
Préliminaires à son entrée en
conspiration
Dispositions morales et politiques de Joseph Rey en
1819 : son refus de participer à la première conspiration de
Dumoulin...
Fin 1819, Rey, fatigué de voire constamment toute
entreprise libérale réduite au silence par un pouvoir
abaissé devant les intimidations des ultras, partage son temps à
des réflexions juridiques, constitutionnalistes et politiques sur son
époque. Les premières pages de ces Mémoires sur la
Restauration261(*)
sont à ce titre des plus explicites. Le parti libéral, dans
l'incapacité de poursuivre la lutte par des moyens légaux face
« à un gouvernement qui violait ouvertement le principe de
toute légalité et le respect du à la
représentation nationale »262(*), s'affirmait plutôt alors comme un sage
résigné, convaincu peut-être un peu naïvement que
l'heure de la reconnaissance des libéraux viendrait assez tôt et
naturellement263(*). En
effet, Rey affirme en 1819 qu' « ...il n'était pas
dans mes principes de recourir à la violence contre le pouvoir tant que
je croyais possible de lutter par les voies
légales. »264(*). De toute manière en cette fin
d'année 1819, Rey s'était à nouveau replongé dans
ses réflexions et recherches. Il note
que : « peu à peu, de ma tendance constante vers
les influences intellectuelles, j'avais résolu de m'éloigner du
mouvement purement politique, et de rentrer principalement dans une
sphère de prédilections d'où je croyais qu'on dût
sitôt me faire sortir... »265(*). En effet, Rey à cette époque,
encore empreint de ses études de droit et de son vif
intérêt pour les questions constitutionnelles, venait de fonder
avec le jeune Dupin et M. de Beaufort, avocat à Paris, un journal
mensuel, Législation et Jurisprudence, dont le directoire
regroupait les principaux membres du barreau de Paris.
Dés lors, Rey s'explique sur son refus de participer
à de premières conspirations aux buts assez peu
affirmés266(*).
Rey introduit ici un personnage central, qui sera aussi à l'origine de
la conspiration du 19 août 1820 : Jean-Baptiste Dumoulin267(*).
Jean-Baptiste Dumoulin
Dumoulin268(*), qui avait six ans de moins que Rey, était
aussi originaire de Grenoble. Rey qui l'avait rencontré de retour
à Grenoble en 1815, l'admirait beaucoup bien qu'il demeurait
réticent face à ses tendances bonapartistes :
« Je dois au surplus m'empresser d'ajouter qu'il y avait dans son
coeur, à coté de ses impulsions décevantes qui furent
à mes yeux la plus fatale erreur de ces temps, un profond sentiment de
patriotisme, mêlé d'un ressentiment très fort,
d'impressions appartenant à l'époque
républicaine. »269(*). Dumoulin était selon Rey un personnage
impulsif, doté d'une personnalité hors du
commun : « Lorsque l'Empire vit consolider et
s'étendre la réaction anti-révolutionnaire des derniers
temps de la République...Dumoulin (trop jeune) ne put résister
à l'entraînement presque général des hommes de sa
génération »270(*). Selon Rey, en effet, jusqu'à la
première Restauration, Dumoulin se souciait assez peu de politique.
Dumoulin gérait alors à Grenoble une fabrique de gants, industrie
prospère. Mais Dumoulin était « lié
d'enfance » avec Apollinaire Emery, chirurgien-major de la garde
impériale, qui suivit Napoléon à l'île d'Elbe. De
là daterait son penchant bonapartiste qui se révéla
lorsqu'il accueillit chaudement Napoléon à la Mure le 07 mars
1815. Rey raconte qu'il reçu le soir même des mains de l'Empereur
la croix d'honneur, et les grades de capitaine de la Garde et d'officier
d'ordonnance de l'Empereur271(*). Blessé à Waterloo, fait prisonnier
à Anvers jusqu'en 1816, il rentre en France en 1818. Pendant deux
années, Dumoulin fit du commerce avec la Hollande, spécule,
opérant « quelques études sur le crédit
public, il créa des opérations gigantesques de bourses dans
lesquelles il réalisa plusieurs millions de bénéfices en
l'espace d'une année »272(*). Cependant Rey ajoute, insistant sur la
caractère burlesque du personnage : « Mais
bientôt, comme si tout ce qui regarde cet homme peu ordinaire devait
être frappé du sceau de l'instabilité..., il perdit d'un
seul coup le fruit de ses heureuses combinaisons
financières »273(*). Dumoulin, ruiné, aurait dés lors
développé une haine sans limite envers les Bourbons. En effet,
selon Rey, Dumoulin aurait été l'un des premiers à avoir
osé déployer lors du passage de Napoléon à Grenoble
le 08 mars 1815, l'étendard tricolore aux cris de « Vive la
Liberté ! Vive l'Empereur ! »274(*).
Dés lors, Rey ne fut pas surpris de le voir arriver un
jour à son domicile parisien en mai 1819, pour lui demander l'appui de
l'Union, à laquelle d'ailleurs il n'appartenait pas, pour un vague
projet de coup d'Etat militaire. Rey tentant de le raisonner
rapporte : « Dumoulin était plus avide d'action
et ne tarda pas à concevoir un plan des plus hardis dont le
Dauphiné devait encore être le Théâtre...Il
s'agissait de s'emparer des forts de Briançon, de s'y retrancher avec
douze à quinze cents hommes bien dévoués, afin
d'appeler du haut de cette tribune escarpée, la révolte du
Piémont, de la Savoie, et de tous les départements de l'Est...On
se serait en même temps ménager des intelligences à
Grenoble et à Lyon, pour pouvoir frapper le plus tôt possible des
coups décisifs et de là se porter encore sur
Paris.»275(*).
Rey demeurait sceptique et précise que le projet devait aussi reposer
sur Bérenger de la Drôme276(*), qu'il jugeait belliqueux. Rey qui comme nous
l'avons vu s'affirmait dans son essence comme un
« pacifiste » ou simple légaliste refusa donc
d'adhérer à l'entreprise : « ...un autre
motif me décida encore à ce refus ; je craignais d'autre
part un mouvement purement bonapartiste et ce n'était pas là ce
qui pouvait me satisfaire...Je lui promis au reste le secret, et il fut
certainement bien tranquille à cet égard. »277(*).
Notons donc bien que le souvenir de la conspiration de Didier
était encore bien présent dans nombre d'esprits
d'opposants au régime...souvent plus des
« mécontents » bonapartistes, d'ailleurs que de
véritables libéraux selon Rey. Rey note ainsi à propos de
la lassitude de nombre d'anciens membres de l'armée
impériale : « A cette époque, beaucoup
d'officiers supérieurs de l'ancienne armée, mécontents
à divers titres, et n'ayant pour nourrir leur imagination que les
regrets du passé et les rêves de l'avenir, saisissaient toutes les
occasions pour se voir et faire échange de leurs
sentiments »278(*). Rey ne participa donc pas au complot de
Dumoulin et de Bérenger, complot qui ne put de toute manière
être mis à exécution. En effet, Bérenger qui lui
était membre de l'Union tenta une dernière fois de convaincre Rey
en lui apportant une teinte plus républicaine279(*). Rey refusa de nouveau et
Bérenger se reporta sur un autre membre de l'Union, le
général Ledru des Essarts qui remplaçait à Grenoble
le tristement célèbre général Donnadieu. Celui-ci
accepta de participer au complot mais malheureusement le hasard voulut qu'il
soit muté quelques semaines avant la date prévue de
l'insurrection. Bérenger280(*) et les autres unionistes affiliés au projet,
décidèrent finalement sous le conseil de Rey de reporter le
projet.... dés qu'une occasion meilleure se présenterait. Et
celle-ci devait se présenter dés juin 1820.
Considérations de Rey sur la radicalisation du
climat politique, décembre 1819-juin 1820 : de Decazes à
Richelieu
Rey en cette fin d'année 1819 demeurait donc assez
réservé sur l'idée d'un renversement violent du
régime. Alors trop absorbé par d' « importants
travaux scientifiques », ce ne fut qu'au début de
l'année suivante, qu'observant la folie des ultras, il sentait de plus
en plus que le recours à des moyens légaux devenait
définitivement obsolète et de moins en moins possible.
Rey rapporte ainsi : « Arriva le mois
de février 1820, qui fut signalé par l'assassinat du duc de
Berry. Cet attentat produisit l'effet d'un coup de foudre : tandis qu'il
excitait au plus haut point les fureurs des ultras, il frappa de stupeur les
libéraux, qui sentirent de suite le parti que les premiers allaient en
tirer contre eux »281(*). En effet, cet épisode que nous avons
déjà présenté précédemment ranima
à nouveau les attaques des ultras qui désormais accusaient toutes
les forces politiques en présence d'en être à l'origine, du
groupe des Constitutionnels ou Orléanistes !
Ainsi, de même que les « ultras »
s'étaient emparés de l'élection de Grégoire, ils
s'évertuaient à présent à déstabiliser
Decazes. Rey est d'ailleurs assez sévère à son sujet. Les
ultras, en annulant l'élection de Grégoire en profitèrent
pour « déclarer une guerre ouverte à la loi des
élections »282(*). Rey évoque là le remaniement de
la loi électorale qui s'en suivit. « La règle
unique ne fut encore que de recourir à son misérable moyen de la
bascule (...) pour satisfaire les ultras, on avait diminué les membres
qui tenaient à la loi électorale, c'est à dire Gouvion St
Cyr, Louis et le Président du Conseil lui-même, ainsi que le
général Dessolle qui avait été remplacé par
M. Decazes dans cette dernière qualité... »283(*). On fit alors en
échange quelques concessions aux
libéraux : « On rappela une partie des
exilés et l'on fit entrer dans la chambre des Pairs les titulaires
exclus en 1814 pour cause politique...(..) M.Decaze s'entendait avec les
doctrinaires, qui avaient un projet de loi électorale moins
antilibéral que celui de la Cour mais sans cesser de faire des
démarches auprès de « Monsieur », pour
tâche d'avoir l'appui de royalistes purs » 284(*).
Rey était assez sceptique vis à vis de cette
constante nécessité pour Decazes de se plier devant les ultras et
d'en être réduit à ne pouvoir gouverner sans solliciter un
appui du roi. Pour Rey : « Il fallait simplement
modifier quelques dispositions réglementaires de la Charte, pour
lui donner plus de force, ainsi qu'à la chambre des
députés »285(*) . Il ajoute : « ce
système équivoque ne satisfaisait personne...et ainsi se
préparait l'isolement où devait se trouver plus tard le
Ministère »286(*). Ainsi, la tension ne fit qu'augmenter entre
les ultras et les libéraux lorsque fut aborder à la Chambre la
question du droit de pétition qui fut finalement interdit. Rey
note : « L'ordre du jour sur ces pétitions ne
fut prononcée qu'à une majorité de trois voix, et elle ne
peut-être obtenue que pour le vote de trois
Ministres ! »287(*). Dés lors avec l'assassinat du duc de
Berry, les ultras « ne connurent en effet plus de bornes dans
leurs accusations et dans l'expression de leurs projets
réactionnaires...Ils accusèrent le parti libéral en masse,
et M.Decaze, et jusqu'au duc d'Orléans »288(*). Conséquence
prévisible de la colère des ultras face à la mort du seul
successeur à venir de la dynastie des Bourbons, la réaction des
ultras contre les libéraux fut
immédiate : « Le lendemain, les ultras
proposèrent aux chambres deux lois d'exception, l'une contre la
presse, l'autre contre la liberté individuelle ; et si
l'on n'apporta pas de suite un projet contre la loi électorale, c'est
qu'on voulait conquérir auparavant par les deux premières
mesures, les moyens de faire passer la première plus
facilement »289(*). La réaction sévère de la
droite légitimiste finit par lasser Decazes, incapable à
présent de se faire entendre et de concilier les deux bords. Rey
commente sa démission : « Première manoeuvre
qui fit constituer le suivant Ministère de M. de Richelieu, sous lequel
furent votées les trois lois dont il vient d'être parlé, et
dont la discussion fut un des éléments les plus prochains des
mouvements insurrectionnels qui précédèrent et
amenèrent même notre conspiration »290(*).
Cependant Rey précise à juste titre que toute
tentative insurrectionnelle était vaine et même alors impensable
dans l'esprit des libéraux tant que ces derniers ne parvenaient point
à se fédérer. Rey raconte qu'il songeait alors à
l'Union comme point de convergence des diverses tendances au sein des
libéraux : Doctrinaires, Constitutionnels et Indépendants.
L'entreprise semblait difficile, voire impossible. Mais cependant, il observe
avec joie que les premiers, suite à la disgrâce de Decazes, se
rallièrent à l'opposition contre les lois exceptionnelles
malgré leur silence face aux premiers projets des ultras de 1816-1817...
Ce ne fut qu'un mince espoir car Rey se voyait de moins en moins
conforté dans sa conviction d'assister à la réapparition
d'une lutte légale entre un bloc libéral uni et les
légitimistes : « Tout le parti libéral avait
les yeux ouverts sur les vues complètement liberticides du parti de la
Cour et il n'était alors plus permis de douter, ni d'espérer le
succès d'une lutte purement constitutionnelle....tout dans l'horizon
politique de la France annonçait que désormais sous ce
prétexte ( l'assassinat du duc de Berry), on pousserait le
gouvernement aux mesures les plus extrêmes contre tout principe de
liberté .»291(*).
Notons d'ailleurs que les autres souverains européens
demandaient des « garanties contre l'esprit
révolutionnaire », il était donc tant pour les
libéraux d'organiser la lutte en intensifiant la contestation. Rey note
à ce sujet le rôle de l'Union
libérale : « On sentit donc le besoin de
redoubler d'efforts, et de s'adresser aux sentiments des masses comme derniers
moyens de salut »292(*). Tous les journaux du parti commencèrent
à redoubler d'effort malgré la censure. Il s'agissait de
« ....donner l'alarme en faisant voir les conséquences
inévitables du renversement médité des institutions
actuelles, savoir la prédominance exclusive des classes
privilégiées, le retour des dîmes et des droits
féodaux, le triomphe de l'intolérance religieuse, la restitution
même des biens féodaux, et par dessus tout l'odieuse intervention
de l'étranger »293(*). Dés lors, les libéraux
s'organisèrent autant que possible sous « une couleur
constitutionnelle », demandant légitimement le strict respect
de la Charte constitutionnelle du 4 juin 1814.
Arrive alors le mois de mai 1820 et la confirmation du
durcissement du régime de Richelieu. Rey à cette époque,
rapporte-il , était occupé dans ses recherches
« scientifiques » : « ..j'étais
alors au plus haut point d'absorption des travaux scientifiques, auxquelles on
a vu que j'étais voué depuis quelques temps
auparavant »294(*) . C'est d'ailleurs, soulignons-le la raison
principale pour laquelle Rey, qui le reconnaît lui-même,
était dépassé lors des préparatifs de la lutte...
Les premières censures publiques affligèrent grandement Rey et
notamment lorsqu'elle s'abattit violemment sur les paroles des professeurs
Guizot et Cousin : « Ce fut alors qu'il suspendit les cours
publiques de M.Guizot et de M.Cousin, dont les allusions politiques tenaient
la jeunesse dans une excitation constante contre la marche du
pouvoir »295(*) . Ainsi Rey raconte qu'on interdit même
l'accès des étudiants étrangers dans les facultés
de médecine, de droit et qu'on se mit à exiger des
étudiants des cartes d'entrée d'auditeurs. Rey note
qu' « il s'agissait pour le gouvernement de prendre des
mesures de précaution contre l'esprit d'insurrection qui prenait de
toute part. »296(*) . Rey observe ainsi qu'on rapprocha de Paris la
garde royale, on organisa dans l'armée une police secrète
très active, dont notons le déjà les agents Vidal et Petit
infiltreront la conjuration du 19 août 1820... Le gouvernement en ce
début du mois de mai 1820 est donc déjà très
méfiant, pressé « d'en finir au plus tôt avec
l'esprit de révolte »297(*) .
Plus encore le contexte de la révolution espagnole et
des premiers succès des Carbonari italiens « ranima
prodigieusement l'espoir des libéraux
français »298(*) . Rey rapporte : « Au milieu
de toutes ces conjonctures intérieures, un événement de la
plus haute importance avait eu lieu à l'extérieur. L'Espagne
avait fait sa révolution constitutionnelle... »299(*) . Et c'est dans ce
contexte d'ébullition des libéraux que s'ouvrirent violemment les
débats de juin 1820 sur le projet de la nouvelle loi électorale
dite « du double vote ». Provoquant à nouveau de
violentes controverses parmi les députés et d'importantes
manifestations, sévèrement réprimées. Rey raconte
qu'en effet, du côté de la chambre, Lafayette, Manuel et Benjamin
Constant firent presque un appel au drapeau tricolore, multipliant leurs
louanges à la jeunesse. Les débats se déroulent même
dans une forme d'ivresse générale. Il note que le
député libéral de Chauvelin, suite à un amendement
de la Charte proposée par Camille Jourdan, libéral, fut à
sa sortie acclamé aux cris de « vive la Charte !, Vive
Chauvelin ! ». L'ivresse générale des
libéraux à la Chambre se propagea vite dans tout Paris et ceci ne
manqua pas d'inquiéter le gouvernement.
Toute la police et la gendarmerie furent très vite,
mises sur le pied de guerre. Rey s'indigne alors et résume alors la
faible tactique de Richelieu : « Il s'agissait d'une
manoeuvre concertée par les Gardes de Monsieur, qui secondés par
la police, avaient résolu d'opposer violemment le cri de Vive le
roi ! à celui de Vive la Charte ! »300(*). S'ensuivit alors une
violente vague de répression contre les étudiants301(*) rassemblés devant le
Palais Bourbon. Rey rapporte ainsi que les policiers et les gardes royaux
s'étaient déguisés en bourgeois : « Ils
s'étaient armés d une canne, ou avait un marteau d'un
côté, d'une petite hache de l'autre, afin de pouvoir à leur
gré couper ou assommer... »302(*). Rey raconte enfin que les troupes
s'échelonnaient dans toute la largeur des quais et des rues, faisant
obstacle à la foule qui ne pouvait fuir et « lorsqu'ils
s'en trouvaient un certain nombre au milieu des crieurs de Vive la
République !, tous désarmés, sans concert, et ne
se reconnaissant pas pour la plupart, s'élançaient à
l'improviste sur tel ou tel groupe, et frappaient impitoyablement ceux qui leur
tombaient sous la main. Ensuite dès que leurs adversaires, surpris
d'abord mais se révoltant contre de pareils attaques, prenaient à
leur tour l'offensive, ils se replaçaient bravement derrière la
troupe qui les laissait passer tandis qu'elle était prête à
saluer ceux qui les poursuivaient... » 303(*).
La rencontre de Rey et de Bérenger de la
Drôme à Paris : première initiation de Rey au complot
par Bérenger.
Rey nous apprend de même qu'il fut lui aussi victime de
cette violente répression. La tête fatiguée, Rey se
promenait sur les quais de la Seine lorsque deux gardes des corps royales
vinrent lui crier aux oreilles d'un ton
menaçant : « Dis Vive le Roi ! et rien que Vive
le Roi ! », Rey toujours aussi peu sensible à se laisser
dicter ses volontés, répondit alors maladroitement :
« Vive le roi ! et Vive la Charte ! ». Sans avoir
même le temps de réaliser, Rey s'effondrait sous les
coups304(*). A peine
relevé de son passage à tabac, Rey s'en va trouver repos chez son
ami Benjamin Constant, qui habitait en bas de la rue St Honoré. Et c'est
sur le chemin qu'il croise Bérenger de la Drôme, qui
déjà réfléchissait à un départ de
mouvement pour Grenoble. Rey note : « Il songeait bien
à profiter de l'agitation produite dans tout le pays puis du mouvement
de Paris pour effectuer le projet qu'il mûrissait depuis si longtemps en
Dauphiné, mais il ne me fit part d'aucun projet, ni passé, ni
actuel pour la capitale »305(*). Bérenger était donc bien
décidé cette fois à mener à terme le complot
fomenté à l'origine par Dumoulin, un an auparavant (Voir plus
haut). Et là, à la grande surprise de Rey, Bérenger
était déjà entré en contact avec des membres de
l'Union parisienne, comme les députés Lafayette, Voyer d'Argenson
et Dupont de l'Eure. sans même que Rey n'en fut au courant... Rey
était d'ailleurs d'une manière générale à
cette époque assez peu au courant des complots se tramant au sein
même de l'Union.
Il rapporte même ce qui peut paraître assez
burlesque qu'il apprit de la bouche Bérenger de la Drôme en mai
1820 qu'il était recherché par la police306(*), sûrement pour ses
fréquentations avec ce dernier et Dumoulin. Ainsi de la même
manière que Rey s'était engagé un peu de manière
contrainte dans la défense des familles des conjurés de
1816307(*), notre
pacifique constitutionnaliste, ardent défenseur de la Charte se voyait
malgré tout affilié au complot à venir. Abordons
brièvement la question de ses hésitations et l'affirmation
progressive de son adhésion à d'autres recours que ceux du
légalisme.
II-2.1 Premières hésitations d'un
intellectuel
Rey observe en effet la radicalisation des libéraux
français à l'annonce des révolutions napolitaines et
espagnoles. Il rapporte ainsi dans ces termes l'opinion des libéraux de
l'époque : « Quoi ! se disait-on avec un profond
dépit, quoi !, non seulement l'Espagne a fait sa révolution,
sans que nous ayons su l'imiter, mais Naples, ce pays aux moeurs
efféminées, ce pays si faible par lui-même a osé
secouer le joug en face des armées autrichiennes, tandis que nous, les
fils du grand peuple, naguère dominateurs de l'Europe, nous supportons
le nôtre avec la plus lâche
résignation ! »308(*) . Rey indique que ce fut bien le
déclencheur du réveil des libéraux français :
« Alors ce manifesta dans Paris comme une sorte
d'épidémie conspirative générale, qui se
communiquent aux hommes influents, de toutes les nuances de l'opposition,
jusqu'aux doctrinaires, dont plusieurs devinrent les plus ardents prorogateurs.
On se recherchait de toutes parts pour former des alliances offensives, et
personne ne dissimulaient ses intentions d'en finir avec le parti opposé
d'une manière ou d'une autre. »309(*) Ainsi, il était
donc certain qu' « à cette époque, le
mouvement insurrectionnel était devenu général dans le
camp des libéraux »310(*) . Les révoltes espagnoles et
italiennes jouèrent donc bien un rôle décisif quant
à l'amorce d'un complot.
A ce titre comme nous allons le voir dans quelques instants,
le caractère militaire de l'insurrection napolitaine
fut des plus influents sur l'esprit des conjurés d'août 1820.
Soulignons à nouveau le rôle de fin observateur dans lequel Rey se
cantonna jusqu'à sa seconde rencontre, cette fois décisive, avec
le capitaine et bonapartiste Jean Baptiste Dumoulin.
Rey qui n'apprit qu'à la fin du mois de juin
l'existence de ce projet de complot militaire, se remettait alors du douloureux
épisode de matraquage dont il fut l'objet, nous explique que la
composition du complot devait autant faire appel à des
éléments civils que militaires : « les
premiers instigateurs appartenaient tous à l'ordre civil, où
à la classe des militaires hors service, mais qui avaient senti
l'impossibilité de rien faire sans l'armée sans avoir au moins
neutralisé l'action funeste que le principe de l'obéissance
passive lui avait fait prêter jusque là aux desseins tyranniques
du Gouvernement »311(*). Ainsi selon Rey, on observait bien le
rôle de convergence, de catalyseur de ces « forces
mécontentes », joué par une élite
libérale essentiellement adhérente de l'Union et issue du barreau
(Odilon Barrot, Mérilhou ... ) de l'Instruction publique (Victor Cousin)
ou directement de la Chambre (d'Argenson, Lafayette...) ! Cependant on ne
négligera pas non plus rôle prépondérant d'officiers
de l'ancienne garde impériale... Nous y viendrons dans le point II-2.3.
Rey note ainsi que, si auparavant : « il n'y avait eu que
des tentatives isolées, fournies par quelques brouillons, sans l'appui
des voeux généraux, il était alors si peu vrai que le
mouvement d'alors ne tint qu'à des individualités peu nombreuses,
car partout où se trouvaient leurs personnes
pénétrées de ce moindre sentiment national, elles
témoigneraient hautement la douleur où les plongeait notre
abaissement politique, ainsi que le vif désir de s'en relever à
tout prix.. » 312(*).
Rey témoigne donc déjà du
caractère médian que devait prendre
l'entreprise en faisant appel autant à des éléments civils
que militaires, à la jeunesse d'un Cariol313(*) ou d'un Sautelet qu'à
la sagesse d'hommes comme Lafayette. De même dans son chapitre sur les
buts et caractères du complot, Rey précisera d'une manière
pourtant encore obscure le dévouement de l'entreprise à
l'établissement d'un gouvernement réellement représentatif
des « éléments moyens » de la
société... Jusqu'en juin 1820, Rey demeura donc volontairement
distant vis à vis de ce projet dont il ne connaissait alors à
peine l'origine. Il note à ce sujet : « Il n'est
pas étonnant que je n'aie rien su alors de ce que faisaient mes amis
politiques, avec qui d'ailleurs je rompu toute relation par
prudence... »314(*). Le « déclic » ne
viendra en effet qu'au hasard à nouveau d'une rencontre de Dumoulin puis
de Cousin à Paris vers la fin du violent mois de juin 1820...
II-2.2 Son entrée en conspiration et le plan des
conjurés
« C'est au milieu de ces dispositions que, sur
la fin de juin, ou au commencement de Juillet, je rencontrai de nouveau
Dumoulin »315(*). Rey se promenait en effet dans les rues de
Paris, méditant sur ses nobles recherches scientifiques, lorsqu'il tomba
sur le tumultueux Dumoulin, véritable instigateur de la conspiration
à venir. Dumoulin, ami d'enfance de Rey, infatigable érudit et
impatient homme d'action, tente alors à nouveau de rallier Rey au
mouvement conspiratif. Rey nous décrit cette scène des plus
instructives sur le caractère de notre personnage et les dispositions
des conjurés de l'époque : « A peine
m'eut-il aperçu, qu'il s'écria d'un ton amer :
« Eh bien ! En êtes-vous encore à vos scrupules de
légalité ?...Croyez-vous toujours qu'on puisse lutter
politiquement avec ceux qui savent si bien nous faire sabrer ? Non lui
répondis-je, non je ne supporte pas à ce point la bonhomie, mais
je pense qu'il ne faudrait pas entreprendre une opération
inconsidérée, qui ne servirait qu'à fournir de nouvelles
victimes à nos oppresseurs... »316(*). Et Dumoulin
exaspéré par la passivité de Rey lui répondit
froidement : « Et que vous faudrait-il donc, pour vous
donner quelque confiance ? Faut-il vous mettre en rapport avec plusieurs
colonels, avec des généraux même de l'ancienne
armée ? Faut-il aussi vous prouver qu'une partie de l'armée
active est avec nous, et que nous sommes assurés de plusieurs
officiers ? »317(*). Rey, d'un naturel assez prudent exigeait bien
des garanties. « Si vous établissez tout cela, reprit Rey,
on aurait la chance de ne pas faire une échauffourée, et alors je
pourrais moi-même vous donner d'importants auxiliaires dans le
civil ; Mais quel est votre but ?...Pensez-vous toujours à
votre Prince Eugène, et à une conspiration
bonapartiste ?318(*). Rey fut assez vite rassuré dés
lors que Dumoulin lui rappela que les Bonaparte n'avaient pas soutenu le
mouvement libéral italien. « Quant au but c'est de faire
comme l'armée espagnole qui a su forcer le roi à rentrer dans les
voies constitutionnelles »319(*)renchérit le capitaine Dumoulin.
Rey, cette fois convaincu, se serait exclamé :
« A la bonne heure ! , mais pardonnez-moi, si je
désirerai voir quelques unes des personnes que vous m'avez
indiquées... »320(*). C'est ainsi que Rey se résolut à
porter son concours à la conjuration. La première rencontre de
Rey des conjurés s'organisa chez le général
Pajol321(*) puis se
poursuivit chez le colonel Duchant, un colonel d'artillerie (demi-solde).
Apprenant notamment les collaborations au complot des colonels Sourd, Fabvier,
Sauzet...,Rey, assuré de garanties solides, quitta alors Dumoulin, lui
promettant de le revoir bientôt. Rey fut cependant assez vite repris par
les doutes : « D'abord je ne pouvais me dissimuler les
dangers à courir en cas d'échec, bien résolu que
j'étais à ne pas manquer au poste qui me serait
assigné ; mais je songeai de plus à ceux qui ne manqueraient
pas de m'atteindre, même après le succès, étant bien
décidé à lutter de tout mon pouvoir contre les mauvaises
passions politiques qui ne manqueraient pas de se faire jour dans le parti
vainqueur... » 322(*). Mais surtout, sa première source de souci
était qu' « enfin, il me fallait renoncer,
peut-être, pour toujours, à mes heures d'études, à
ma carrière des progrès pacifiques, et ce n'était pas
là une de mes moindres douleurs » 323(*).
Enfin, la rencontre de Victor Cousin324(*) mit définitivement
terme à ses doutes. « J'étais en proie à ces
perplexités lorsque me promenant sur un des boulevards, je rencontre
Cousin, qui fit un cri d'exclamation à ma vue et me dit : mais
d'où sortez-vous donc ? On vous cherche partout, il s'agit d'un
grand mouvement populaire, pour forcer enfin le roi à rentrer dans les
voies de la Charte. Plusieurs de nos amis communs y travaillent depuis quelques
temps et moi, j'ai complètement organisé la jeunesse des
écoles ? J'ai surtout une compagnie de quatre cent des plus jeunes
gens les plus dévoués, ayant leur uniforme et des armes, au
maniement desquelles ils s'exercent journellement et qui, sous le commandement
de Montebello, doivent se présenter au jour convenu devant
l'école de droit ou de médecine afin d'entraîner par leur
exemple l'ancienne garde nationale et tous les patriotes de ces
quartiers. »325(*). Rey était alors plutôt
séduit par Cousin : « ....Je me sentis soulagé
d'un grand poids, quant aux craintes de fausses directions de l'affaire, sous
le rapport des principes... J'avais en effet une grande confiance dans ceux de
Cousin et des autres hommes avec qui je savais comment ils devaient agir ;
mes doutes furent dissipés sous ce rapport, et je me promis dés
ce moment de toutes mes forces à l'accomplissement d'un dessein qui ne
se présentait plus à moi que comme un des plus nobles
devoirs. »326(*) . Abordons à présent , la
question de la mise place d'un plan d'organisation de la conspiration.
Celle-ci devait reposer sur les différents
réseaux secrets des mouvements libéraux, qu'il s'agisse bien
entendu de l'Union, mais aussi de La Loge des Amis de la
Vérité ou encore du Bazar français. Ainsi, la mise en
place d'un « réseau » conspiratif fut pensée
par le curieux Victor Cousin. Parti pour quelques jours à Turin, faire
quelques recherches, Cousin mit auparavant en rapport Rey avec ses
principaux agents de Paris, tandis que Rey de son coté lui
« fournissait les moyens de communiquer confidentiellement le long de
sa route avec les unionistes de Saône et Loire, de Lyon, de Grenoble et
même du Piémont si cela était
possible »327(*). De même, Cousin avait mis Rey en rapport avec
quelques-uns de ses élèves les plus affiliés, entre autres
Cariol et Sautelet, tous deux membres de la loge des Amis de la
Vérité. Le premier rapporte Rey, devint plus tard banquier
à Clermont, puis le second Sautelet, qui fut libraire à Paris
finit par se suicider en 1831. Bref, Rey rapporte qu'il fut mis en rapport
ensuite avec De la Plesse, jeune avocat qui devint député et qui
faisait partie selon Rey de la loge franc-maçonne et bretonne des Amis
de l' « Armorique »328(*) . De même, Cousin mit ensuite Rey en rapport
avec l'étudiant Lamy, que Cousin désignait comme « son
bras droit »329(*). « Doué d'une grande
énergie, mêlée à beaucoup
d'exaltation »330(*), Lamy était un élément
important, au même titre que Mérilhou, de Corcelles et d'Argenson,
qui eux étaient affiliés à l'entreprise depuis plus
longtemps encore...
Notons au passage des révélations
intéressantes de Rey sur les premières percées d'un
carbonarisme français au sein même de l'Union parisienne. Rey
était semble t-il à peine au courant de l'existence et de la
nature de cette société secrète, il écrit dans ses
mémoires : « Il paraît ainsi, d'après
les renseignements postérieurs, qu'un commencement d'organisation du
carbonarisme avait déjà eu lieu à Paris, et que
plusieurs de mes amis politiques membres de l'Union en faisaient partie,
entre autres Lafayette, De Schonen et Cousin, sans que j'en n'eusse
été informé, par suite de la retraite toute scientifique
à laquelle on a vu que je m'étais voué quelques
temps »331(*) . Ainsi Rey nous apprend par
l'intermédiaire de Cousin l'origine des quatre-cents jeunes gens,
prêt au combat dont parle Cousin : « ...Il paraissait
que l'organisation militaire dont Cousin m'avait révélé
l'existence puisait surtout ses éléments dans ce premier noyau de
la Charbonnerie et dans les deux loges maçonniques dont j'ai
parlé ( la loges des Amis de la Vérité et la loge de
l'Armorique) »332(*). Rey qui ne connaissait pas bien le mouvement
carbonari présumait que l'organisation « ...ne datait que
du moins de juin, époque où le parti libéral était
entièrement pris au dépourvu pendant les
troubles... »333(*). Rey, à partir de ce point, aux
lendemain de la répression des événements de juin 1820,
pris donc selon ses mots « une part tout à fait active
à l'affaire »334(*), il ajoute : « comme
c'était pour moi un objet d'entière conviction que je m'y livrai
avec toutes les forces de mon âme »335(*).
Sur ce abordons la question du statut et du rôle de Rey
dans l'élaboration pratique du complot. Rey nous révèle
que : « ...bien qu'intervenu, lorsque les choses
étaient bien avancées, je me trouvai bientôt l'un des
trois agents principaux, qui comme on le verra, eurent le plus
d'influence dans les phases ultérieures de la conspiration, et qui
parvinrent à y mettre quelque esprit
d'ensemble. »336(*). En effet, Rey jouera un rôle
déterminant dans les tentatives de relance du complot, lors de sa
découverte par les autorités... Rey, disons le nettement,
était un élément précieux pour les conjurés
de part son statut privilégié d'ancien haut fonctionnaire de la
Justice et d'avocat qui lui fait dire que : « je me
trouvais, par mes diverses relations , placé comme un lien
entre le civil et le militaire, d'une part, et d'un autre coté entre
les sociétés secrètes et les autres coopérateurs du
complot. »337(*). Mais quelles étaient les
premières actions envisagées alors par les
conjurés ?
Le plan du complot du 19 août 1820 était
extrêmement flou et aléatoire. Il laissait ainsi
déjà entrevoir l' « amateurisme » de
l'entreprise et l'échec qui ne pouvait qu'en découdre...
Cousin avait prévu qu'au soir du 19 août 1820,
nous reviendrons sur la question du choix de la date, six-cents jeunes pour la
plupart des étudiants, formés en bataillons réguliers et
bien armés, se tiendraient prêts au premier signal du grand Cousin
à rameuter le quartier latin et la légion du bas Rhin qui
stationnait là à cette époque. On distingue
déjà la volonté des conjurés de mêler la
jeunesse libérale à l'armée, préalablement
infiltrée de par ses officiers et sous officiers les plus
mécontents vis à vis du pouvoir royal restauré. Les
étudiants déjà en juin fort motivés ne prirent pas
réellement en compte le sérieux de l'entreprise, le jour dit.
Selon Rey, il paraîtrait que, au soir du 19 août, ces derniers
« devisaient joyeusement en buvant du punch, et attendant
distraitement le signal de l'action... »338(*). Il était ensuite
prévu d'ameuter les fédérés des faubourgs, afin de
s'emparer du château de Vincennes, d'où Barthe, avocat
libéral, déclarerait au peuple de Paris la prise du pouvoir
royale et la mise en place d'un gouvernement provisoire....( en attendant de
s'entendre sur les formes du nouveau gouvernement...), présidé
par la Lafayette. L'entreprise était donc ambitieuse et
nécessitait un solide appui militaire. Précisons de même
que le mouvement devait ensuite s'étendre en province, notamment au sein
des garnisons militaires infiltrées... Abordons cette question de la
structuration du réseau « conspiratif ».
Rey et Cousin étaient en charge de convaincre
secrètement la province de la solidité de l'entreprise. Cousin
lors de son voyage pour Turin fit ainsi quelques haltes à Valence et
à Chambéry, d'où il raviva la foi des libéraux de
ces villes en les informant du plan en cours.
Rey, quant à lui, avait pour mission essentielle et
déterminante de réunir tous ses anciens camarades unionistes. Il
devait ainsi rallier tous les libéraux de l'Isère, du
Rhône, des Hautes-Alpes, de la Drôme, de la Saône et de la
Loire... A Lyon, il rallia ainsi de l'Union lyonnaise, l'avocat Gros de Lyon et
Duplan. Avant d'aborder la question de l'intégration de
l'élément militaire au complot, que nous allons traiter dans le
point suivant, donnons quelques éclaircissements sur la question des
fonds déployés.
Rey est en effet très attaché à cette
question et tient à rétablir un peu de vérité
à ce sujet, à travers ses Mémoires politiques, chose qu'il
fait d'ailleurs très souvent339(*)... Il dément ainsi formellement la
thèse répandue plus tard d'une
« énormité » des fonds financiers
dévolus à cette entreprise. Il tient ainsi à
démentir toutes les affirmations notamment d'historiens, qui auraient
soutenu l'idée d'un large financement par le banquier Laffitte, qu'on
aurait ainsi dépeint comme le généreux commanditaire de
l'entreprise... Selon Rey, il n'en est rien, les conjurés n'auraient pas
dépensé un seul centime pour ce complot, mis à part le
maigre capital de base apporté par le capitaine Nantil et Dumoulin. Le
financement se serait opéré dans les derniers jours de juillet et
d'août. M. de Corcelles, avocat libéral, originaire de Lyon et
ancien membre de l'Union lyonnaise, aurait donner à Rey la
première somme de dix mille francs puis le lendemain, une seconde somme
de mille francs. Puis, Rey évoque la participation financière de
Mérilhou, autre avocat parisien et ancien membre de l'Union parisienne,
qui aurait fait don aux conjurés de la somme de soixante dix-mille
francs ! Tout aussi généreux fut Lafayette, véritable
mécène de la conjuration, qui offrit de sa poche la même
somme de soixante dix-mille francs. En effet, son adhésion au complot
fut du ressort de Rey qui partit le trouver dans sa demeure à
« La Grange » où le vieux général
s'était retiré. Il le trouva sur son lit ! et Lafayette,
pourtant affaibli, fut heureux d'apporter avec son fils son concours au
projet... De même, il accepta l'idée des conjurés de le
porter à la tête du futur gouvernement provisoire. Lafayette
émettait cependant une seule restriction : aucune violence ne
devait être exercer à l'encontre des Bourbons...
Le capital formé début août, les
conjurés investirent dans une voiture, nécessaire pour envoyer
Lafayette à Brest, d'où il devait garantir aux conjurés
l'appui de la garnison militaire. Il y parvint et rapporta à nouveau
trois mille francs aux conjurés. L'argent étant bien le nerf de
la guerre de toute entreprise d'une telle ampleur, les conjurés d'autres
émissaires en Province chercher des financements, comme ce fut les cas
de Pailhés et de Soffréon. Début août, les questions
de financement étaient donc plus ou moins réglées. Il
restait désormais à décider collectivement de la date
à laquelle l'insurrection devait éclater.
Cette épisode marqua déjà les
premières difficultés des conjurés à coordonner
leurs actions et à s'entendre. Rappelons que les conjurés
étaient dispersés dans tout le pays et que la lenteur des moyens
de communication de l'époque ne permettait pas une grande souplesse
d'organisation. Le temps pressait et il était impératif de
maintenir « le secret » jusqu'au jour
« J ». De là se formèrent les
premières failles, trouvant leur origine dans l'extrême
surveillance policière qui régnait à l'époque...
Aux alentours du 07 août, M de Corcelles envoya à
Voyer d'Argenson, qui était alors occupé à ses forges
d'Oberbruck en Alsace, par l'intermédiaire de Monchy ( fabricant de bleu
de Prusse et marchand de bois à Nancy) , une tabatière à
double fond qui contenait un message chiffré. La lettre était
adressée à un certain M. Bachelier, qui n'était en fait
que Voyer d'Argenson... Le subterfuge fut cependant découvert et le
ministère public intercepta la lettre. Rey note que la Police fut ainsi
déjà au courant treize jours avant la date clés, des plans
de conspiration pour la ville de Paris. La lettre parvint cependant à
Voyer d'Argenson dans la deuxième semaine d'août, la police
surveillant dés lors de prés les conjurés... A la
même époque, l'unioniste Gros de Lyon tentait aussi de joindre
d'Argenson à l'aide de messages chiffrés.... Quelles
étaient les questions abordées dans ces messages ?
Il fallait parvenir d'une part à lier les mouvements de
l'est (Argenson) et du sud-est (Gros de Lyon, Duplan, Bérenger de la
Drôme...), et d'autre part à coordonner les suites
« provinciales » de la conspiration qui devait d'abord
éclater à Paris340(*). La question majeure pour celle des conjurés
en ce début de mois d'août était donc celle du choix de la
date à laquelle éclaterait le complot. Dumoulin proposait
à juste titre d'agir le plus vite possible, proposant la date du 10
août. Mais Rey, de Corcelles et le général Merlin
étaient réticents à agir ce jour là, estimant que
cette date porterait « mauvaise augure »341(*). Une seconde date reportant
au 15 le jour « J » fut alors proposée. Tous s'y
accordaient mais le général Merlin encore une fois opposa son
veto, devant à cette date présider la fête communale
d'Eaubonne dont il était maire... C'est ainsi que les conjurés en
vinrent à trancher pour une intervention dans la nuit du 19 au 20
août. Pourquoi cette date ? Rey prétend l'avoir
oublié... Ajoutons seulement que les préparatifs à la
conspiration annonçait déjà l'échec à venir
du complot. Venons-en à présenter ses principaux membres et le
but assez flou de l'entreprise.
II-2.3 Les conspirateurs et leurs motivations
Le caractère fondamentale de cette conspiration est sa
forte prédominance de l'élément militaire. Rey nomme en
effet, dans son récit du complot du 19 août, pas moins de
soixante-treize conjurés ! Prés des trois quarts sont des
militaires souvent des sous-officiers en « demi-solde » et
dont cinquante-deux, encore en activité. On répertorie ainsi
douze lieutenants, neuf sous-lieutenants, neuf capitaines, sept adjudants, un
général de division, un lieutenant colonel, un sergent... La
première question pouvant se poser est alors celle des raisons de leur
soutien à une entreprise qui se voulait
« libérale ». Rey donne quelques explications. Selon
Rey, qui côtoya longuement ces militaires au sein du Bazar
français, arrière boutique parisienne dans laquelle se
rencontrait nombre d'ennemis du régime, ces derniers s'engagèrent
dans le complot plus par mécontentement vis à vis des
restrictions du régime que par un réel engagement
républicain. Ceci nous amène à présenter les
différents conjurés que nous n'avons pas encore
évoqués. Commençons par les éléments
militaires.
Nombre des conjurés de l'armée se
recrutèrent par l'intermédiaire du Bazar français.
Rey note à son sujet qu'il s'agissait : « du
rendez-vous le plus ordinaire des conjurés, ce qui fit croire au
Ministère public, lors de la poursuite de la conspiration, que ce
n'était point une entreprise commerciale sérieuse, et qu'elle
n'avait été faite que pour masquer les trames des
conspirateurs »342(*) . Son fondateur et son gestionnaire
était entre autre le colonel Sauzet. Il s'agissait d'une bonne
« planque » pour les
conspirateurs : « dés la formation positive du
complot, ses auteurs sentirent qu'en effet leurs rencontres auraient là
plus de sécurité qu'ailleurs, en raison de l'affluence naturelle
du public »343(*) . Les leaders dauphinois de la
conspiration y trouvèrent donc le nécessaire appui militaire, par
l'intermédiaire de Mallent : « un autre motif,
également naturel de ces rencontres fréquentes fut la part que
Nantil et Dumoulin firent de leurs projets au nommé Mallent, l'un de nos
compatriotes dauphinois qui était l'administrateur gérant du
Bazar, ainsi qu'à Combes-Syes, l'un des bailleurs de
fonds »344(*).
Des rencontres fréquentes se firent donc au Bazar entre Dumoulin,
Nantil, Sauzet, Mallent et d'autres principaux officiers-conspirateurs comme le
lieutenant colonel Maziau et le commandant Bérard. Il faut ici souligner
à nouveau le rôle de Dumoulin qui y recruta notamment M. de Seran,
ancien préfet d'empire ainsi que Poubelle, ancien clerc-notaire.
Parmi ces officiers et sous officiers déçus du
régime et donc engagés dans la conspiration du 19 août,
notons le cas significatif que rapporte Rey de Lavarderie. Lavarderie,
lieutenant du second régiment de la Garde royale, complotait selon Rey
parce que son père avait été destitué d'une place
au sein de l'administration des Postes, sous la première Restauration.
Le mécontentement suite au « nettoyage » de
l'administration impériale par Louis XVIII à ses retours
était ainsi souvent le facteur principal de l'engagement de ces
militaires dans des « voies conspiratrices ». Le fameux
Paul Didier de la conspiration avortée de 1816, qui souleva avec lui
nombre de mécontents, anciens militaires, fonctionnaires de l'empire,
paysans... n'était pas lui aussi, tout comme Rey d'ailleurs, un ancien
magistrat destitué ? C'est donc bien dans le terreau militaire de
la France post-napoléonienne, que les conjurés libéraux
trouvèrent les forces vives de leur complot. Ainsi, Rey rapporte de
même le cas de Lavocat, ancien sous-lieutenant de la garde
impériale, « ulcéré contre la famille
royale »345(*)
qui n'avait en effet, en raison de son passé militaire bonapartiste, pas
pu intégré la garde royale... De même, le capitaine Trogot,
ancien militaire d'empire complotait alors qu'il venait d'obtenir de
l'avancement...Enfin, Nantil et Bachelu, général de division qui
leva la garnison de Brest, étaient d'anciens militaires de l'Empire et
complotaient alors qu'ils avaient été maintenus dans leur rang
par Louis XVIII346(*)...
Nantil qui devait être l'un des principaux tenants du projet était
fils « d'un père partisan sincère et
éclairé de la Révolution de 1789 »347(*). Bref, tout ces militaires
destitués ou encore « d'active » étaient
caractérisés par la même frustration face au régime
des Bourbons. Encore empreint du souvenir des glorieuses heures des campagnes
napoléoniennes et de leur ivresse, ils évoluaient à
présent dans une France vaincue, humiliée dont le nouveau
régime les sanctionnait à présent. Il faut là
rappeler la précarité qui touchait alors certains militaires, les
« demi-soldes » tels qu'on les appelait à
l'époque... L'ennui et la frustration constituaient donc le moteur de
ces mécontents. Une figure, note Rey, symbolisait complètement
l'état d'esprit de ces militaires mécontents : Jean-Baptiste
Dumoulin, que nous avons déjà présenté. Ce
fougueux bonapartiste qui « offrit son bras et sa fortune à
Napoléon »348(*) avait proclamé publiquement sa haine des
Bourbons et opérait ainsi la jonction entre les cercles
libéraux et les cercles militaires . Comme le note Rey :
« A cette époque, beaucoup d'officiers supérieurs
de l'ancienne armée, mécontents à divers titres, et
n'ayant pour nourrir leur imagination que les regrets de posséder les
rêves de l'avenir, saisissaient toutes les occasions de se voir, pour
faire échange de leurs sentiments. »349(*). Rey évoque ici
l'infiltration de Dumoulin au sein du Bazar. Dumoulin y recrutera encore en
juin 1820, les généraux en retraite : Pajol et Merlin...mais
aussi le lieutenant colonel Caron. Bref , retenons au sujet de
l'élément militaire, le rôle moteur de l'ennui et du
désoeuvrement dans leur décision de s'engager dans les voies du
complot350(*).
Abordons la formation de l'élément civil du
complot. L'énorme majorité des conjurés étaient
formée d'intellectuels, souvent de notables ennemis du régime
royale. On comptait ainsi : - deux députés du parti
libéral : Lafayette et Voyer d'Argenson
- onze avocats : Barthe, M. Beaufort
d'Angoulème, M. de Corcelles, Gros de Lyon, Dupin le Jeune,
Mérilhou, Pinet, De la Plesse, de Schonen, Poubelle, Duplan et Rey.
- un professeur d'université : Victor Cousin
- Trois étudiants de Cousin : Cariol, Sautelet,
et Lamy. De même que le jeune duc de Montebello dont Cousin était
le précepteur...
Ainsi, ces éléments civils devaient, une fois
le coup d'Etat réussi..., prendre la tête d'un gouvernement
provisoire. Rey qui devait prendre la charge de « reconstruction
sociale » du pays participa à l'élaboration de la liste
des membres de ce gouvernement de l'ombre :
- Président : Lafayette
- Ministère de l'Intérieur : Voyer
d'Argenson
- Ministère des Finances : Laffitte
- Ministère de la Justice : Dupont de l'Eure
- Ministère de la guerre : le
général Taraire
...
Le ministère du Culte serait supprimé et celui
de la Police intégré à celui de l'Intérieur. Notons
au passage que Rey ne devait prendre de poste si ce n'est celui d'un
ministère de l'Education publique dont il comptait proposer
l'idée aux conjurés après la prise du pouvoir351(*). Rey refusa ainsi le poste
de la Justice qu'on lui proposa en premier lieu. Il note à ce
sujet : « Je crus devoir refuser ce poste et ce ne fut
point par modestie comme l'affirme Dumoulin...en réalité, je
n'étais point une notabilité assez considérable
pour inspirer un confiance générale... »352(*) . Retenons plutôt
que Rey était déjà à cette époque plus
attaché aux questions sociales : « Ensuite,
déjà à cette époque, je m'étais beaucoup
occupé d'études par l'éducation (Jacotot, Owen) et,
c'était à mes yeux la tâche la plus belle et la plus
urgente pour tout homme qui ne voudrait pas seulement une révolution
d'intérêts matériels, mais qui aurait surtout en vue la
régénération morale de ses
semblables !...(...) Une telle destination ne pouvant donc alors
m'être dévolue, mon plus cher désir, dans le cas de
succès, était de faire parti d'une commission qu'on aurait
chargé de faire un plan d'éducation vraiment
nationale. »353(*). Dés lors, Rey songeait à six
mesures de « reconstruction sociale »354(*) :
- « convoquer de suite une assemblée
nationale sur les bases les plus libérales pour parer à
toutes les éventualités extraordinaires de la crise, et en
même temps pour reconstituer le gouvernement
définitif. »
- « Organiser de suite la garde nationale
et un système d'instruction militaire, avec instructeurs les
officiers et sous-officiers de l'ancienne armée »
- « Refondre les grades d'officiers
supérieurs et d'officiers généraux, autant pour les
arracher des hommes qui ne le méritent pas, que pour attacher les
officiers inférieurs et les sous officiers au nouvel ordre des choses,
en faisant parmi de nombreuses promotions », on devine au passage
comment les conjurés ont pu ainsi d'avantage séduire
l'élément militaire...
- « Abolir les contributions indirectes en
donnant la demi-solde à tous les employés de cette
administration, jusqu'à ce qu'ils puissent être pourvus d'autres
emplois ...et replacer le produit de cet impôt, soit par des
économies, notamment par une forte réduction sur la liste civile,
et par la suppression de la maison militaire royale ; soit par une
augmentation de l'impôt foncier mais sur les grands
propriétaires seulement, de cette sorte que les
propriétaires moyens ne subissent aucune augmentation et que les
petits propriétaires éprouvassent même une
diminution »
- « Etablir un système d'impôt sur
le revenu, comme cela a lieu dans quelques parties de la
Suisse. »
- « Enfin, s'occuper sans délai d'une
série d'institutions tendant à l'amélioration physique
et morale du sort des classes souffrantes »
Nombre des points de réforme proposés par Rey
semblent laisser présager à l'instauration de la
République, et même assez « sociale », dans le
cas d'une réussite du complot. Cependant, Rey insiste bien dans ses
mémoires que l'idée même de République ne traversait
pas à l'époque l'esprit des conjurés... Ceci nous
amène à illustrer brièvement par les propos de Rey le flou
total concernant les buts des conjurés, et surtout le cadre de
reconstruction du nouveau gouvernement en cas de succès.
Rey insiste grandement sur le fait que la finalité du
complot n'était pas la République : « A aucune
autre époque de notre histoire depuis cinquante ans, on ne pensa moins
qu'alors à la République. Ce mot lui-même était
presque inconnu aux quatre-vingt-dix-neuf centièmes de la jeune
armée »355(*) . En effet, les formes du gouvernement
définitif devait être entendues que lorsque le coup d'Etat eut
été réalisé. Le seul moteur idéologique des
conjurés ; au sein desquels se côtoyaient autant de
bonapartistes, libéraux de toutes tendances, voire sûrement des
orléanistes, demeurait donc leur opposition commune au régime
restrictif de Louis XVIII. Rey nous rapporte : « Dans le
principe, tous ceux qui cherchèrent à se réunir contre le
gouvernement parurent d'accord sur le point qu'il ne s'agissait que de le
forcer à rentrer dans la Charte...Je suis persuadé cependant que
ceux qui avaient pour point de départ dans l'opinion bonapartiste eurent
toujours la pensée d'un mouvement pour
Napoléon... »356(*) . Et en effet, comme nous l'avons
déjà évoqué, c'était bien au nom des
idées pour l'Empire que les conjurés libéraux avaient
monté l'esprit des officiers mécontents et de toute la masse des
sous-officiers... Ainsi se posait la question d'un compromis à trouver
entre les différentes tendances des conjurés. Celui- ci devait
s'appuyer sur les valeurs, sommes toutes républicaines de la
« liberté »,
l'« égalité », la
« nation ». Rey nous le
livre : « Nous avions lieu d'espérer d'ailleurs
qu'avec une révolution faite au nom de l'égalité et des
sentiments nationaux, la liberté pourrait aussi trouver sa place ;
quelle que fut la bannière spéciale qui serait
déployée comme moyen, nous restâmes toutefois d'accord
jusqu'au bout que le mouvement ne serait dirigé qu `aux cris de
Vive la France ! et A bas les
privilèges ! »357(*) . Rey précise alors, comme nous
l'avons déjà entrevue et qui apparaît comme un
référent commun à sa personnalité, le rôle de
conciliateur et médiateur qu'il tenta de tenir au milieu des
passions des conjurés : « Je contribuais beaucoup
à ce résultat, en représentant que notre mission devait se
borner à renverser l'obstacle qui s'opposait à tout bon
gouvernement, mais que la nation seule avait le droit de décider
ensuite elle désirerait constituer l'autorité publique...(...) et
c'est moi qui fut spécialement chargé par nos hommes d'action de
pourvoir aux nécessités de la reconstruction sociale,
dés que le mouvement destructeur aurait été
accompli... »358(*). Rey devait donc pacifier le mouvement, une
fois la victoire acquise. Il s'était d'ailleurs engagé
auprès de Lafayette à ce qu'aucune violence ne soit faite
à l'encontre de la famille royale... Il n'y avait pas même lieu de
s'en inquiéter tant le déroulement du complot tourna très
vite au fiasco.
II-3 Découverte et échec du complot
L'échec prévisible de ce complot tenant trop de
l'amateurisme s'expliquait selon Rey qui y revient longuement dans ses
mémoires, par deux facteurs principaux : l'imprudence et le manque
d'organisation des conjurés.
II-3.1 Maladresses et trahisons
La question du maintien du secret au sein d'une organisation
aussi vaste (plus de soixante quinze conjurés) et si
hétérogène devait déjà laisser entrevoir la
possibilité d'une infiltration policière, alors grandement
facilitée. Rey insiste ainsi beaucoup sur le manque de prudence dont les
conjurés ne purent qu'être victimes, précipités par
le temps... Rey observe ainsi à juste titre qu'il fut même
surprenant que l'entreprise ne fût découverte dans son ensemble,
que quelques jours avant sa date
opératoire : « Le secret aussi doit être
extrêmement difficile, et si je m'étonne d'une chose pour la
conspiration de 1820, c'est qu'elle n'ait pas été
découverte bien avant qu'elle ne le fut, car on a conspiré
presque à ciel ouvert pendant deux mois, et cela avec les personnels
les plus nombreux, les plus variés, et très souvent
inconsidérément choisis »359(*) . En effet, selon Rey,
il semblait que le 14 août, rien ne fut encore véritablement
découvert... ce qui semble tout de même peu probable suite aux
différentes interceptions de courriers entre les conjurés
dés le début du mois.
Bref, Rey met en cause l'imprudence du capitaine Nantil qui
« pour avoir voulu trop gagner, perdit
tout. »360(*). Nantil361(*), était en charge d'assurer au complot le
concours d'une partie de la garde royale. Il se rend à Saint Denis, le
15 août au matin, où siègent les deuxième et
cinquième régiment de la garde royale. Deux adjudants, Robert et
Gaillard, doivent en permettre la prise de contrôle en séduisant
plusieurs officiers et sous officiers de ces régiments. Les adjudants
voient se présenter à eux un sous-officier du cinquième
régiment : le sergent major Petit. Ce dernier s'avèrera
être un traître, envoyé par la Police... La rencontre et
l'infiltration de Petit se déroula de la manière suivante. Le 14
août au soir, les adjudants Gaillard et Robert invitent Petit à
dîner dans l'intention de la soumettre à l'examen de Nantil et de
la faire entrer dans la confidence. Premier signe étrange qui aurait
dû inquiéter Nantil, Petit vient accompagné d'un autre
sergent-major dénommé Vidal. Ainsi, le régiment du
lieutenant Lavarderie, conjuré, était infiltré. Lavarderie
était en charge de recruter au sein de son régiment des
éléments susceptibles de collaborer puis il devait les
présenter à Nantil. Lavarderie était convaincu que les
sergents Vidal et Petit étaient des hommes sur qui l'on pouvait compter
et n'hésita pas à les présenter à Nantil.
Le lendemain, Nantil, convaincu de leur
honnêteté les charge de rameuter au sein du régiment
d'autres conjurés. Très vite, la trahison se
révèle. Vidal et Petit, au lieu de satisfaire à leur
mission, courent rendre compte au Maréchal Druaut, leur colonel, de tout
ce qu'ils ont entendu la veille362(*). Le colonel assez sceptique demande à Petit
d'infiltrer d'avantage la conspiration. Ainsi, le lendemain, 16 août
1820, Petit et Vidal se rendent à l'auberge du Grand Turc retrouver
à nouveau Gaillard et Robert ; dîner au cours duquel survient
Nantil. Petit et Vidal laissent transparaître une attitude
étrange, désignant en permanence Nantil sous le nom de capitaine
« Pilote »... Ils parviennent ainsi sans éveiller le
moindre soupçon chez Nantil à lui proposer de rencontrer, Chenard
un capitaine à demi-solde susceptible aussi de collaborer...Un autre
rendez-vous est fixé le lendemain, 17 août, toujours à
l'auberge du Grand Turc. Rey décrit la scène de
l'infiltration : « le lendemain, donc à l'heure du
dîner, arrive Petit accompagné du nommé Chenard,
agent de police... »363(*). Gaillard et Robert avaient ainsi malgré
eux contribué à laisser la police infiltrer le complot, en
portant leur confiance dans les sergents Petit et Vidal. Très vite, ils
parvinrent à s'informer de l'ensemble de l'entreprise et à en
informer le « grand malin » Chenard... Rey rapporte
ainsi que : « le samedi 19 août, le grand malin
Chenard, à qui Robert avait écrit de se rendre aussitôt
chez Nantil, s'y présente en effet, et apprend que le mouvement doit
éclater le jour même à neuf heures du
soir.. »364(*). La conjuration fut donc définitivement
« noyautée » le 19 août, date prévue de
son éclat... Cependant si le gouvernement connaissait depuis le
début du mois l'existence de ce projet de conspiration, il en
connaissait à présent la date... Rey rapporte alors que le
Ministère de Richelieu ne tarda pas à s'inquiéter et
à réagir. Le 18 août 1820, il fut alors
décidé en conseil de cabinet que la conjuration ne devait pas
éclater365(*) .
Débuta alors une vague d'arrestation des officiers et l'on ferma les
« barrières » de Paris. De même, le
château de Vincennes fut mis sous protection spéciale...
Tous semblait pourtant déjà prêt du
coté des conjurés en cette veille du 19 août, Bérard
avait réussi à prendre la tête de la légion des
côtes du Nord, Nantil celle de la légion de la Meurthe, Bachelu
contrôlait la garnison de Brest.... De même, les « jeunes
gens » s'étaient organisés, complètement
prêts à marcher et Rey ajoute « qu'on pouvait
même compter sur le concours des fédérés de
1815.. »366(*) . Rey accuse ainsi dans la découverte du
complot la date trop tardive du 19 août...
Observant la veille le déploiement extraordinaire des
troupes dans Paris, notre conspirateur averti ne songera pas cependant à
plus s'en interroger. Arrive le vingt août et Rey observe que la
conspiration n'a pas éclaté ! Inquiet, il court à
travers Paris pour tenter de trouver Nantil. Entrant sur son chemin chez un
barbier, ce dernier lui confirme ses
inquiétudes : « J'appris bientôt sans
trahir la moindre émotion, qu'il y avait eu beaucoup de mouvement dans
la nuit aux abords de la caserne, qu'on avait fait plusieurs arrestations, et
qu'on avait fait partir de bon matin la légion, dont un bataillon devait
être passé par la barrière St Denis ou St
Martin... »367(*). Rey apprit assez vite l'arrestation de Nantil
en croisant dans la rue un de ses soldats...
Pris de panique, Rey ne songeait à présent
qu'à retrouver Dumoulin. Rey songeait en effet à relancer la
conspiration : « Un plan hardi que m'avait
suggéré l'attitude de la légion de la Meurthe était
de tenter avec son secours un coup de main insurrectionnel, pendant que le
gouvernement était encore tout étourdi de sa découverte,
puis de revenir sur Paris lui tenir tête et tâcher de
délivrer nos amis... »368(*). Rey retrouva ainsi Dumoulin à son
domicile et lui exposa ses vues. Fort de voir que Dumoulin ne s'était
lui non-plus pas découragé, ils décident ensemble de
relancer un dernier coup de force. Dumoulin apprend par ailleurs à Rey
la trahison du commandant Bérard, qui était en charge de mener
les troupes du Nord... Le mouvement ne pouvait donc repartir que de la
province... et Cousin, quant à lui, demeurait toujours introuvable.
II-3.2 Dernière tentative de reprise du projet
sous l'égide de Rey et Dumoulin
Rey se chargea alors de gagner Lyon et Grenoble, d'où
il pensait relancer le mouvement : « Je devais partir pour
Lyon et Grenoble, en traversant le département de Saône et Loire,
et en touchant, si il était possible, ceux de la Loire et de la Haute-
Loire, où l'Union était bien organisée, afin
d'entraîner le mouvement de tout le sud-est de la France »
369(*). Dans la
précipitation, Rey décide imprudemment de rendre une
dernière fois visite à Dumoulin, afin de peaufiner le plan de
relance à partir des comités grenoblois et lyonnais de l'Union.
Grave erreur de Rey, qui sans la présence d'esprit de Dumoulin aurait
été probablement arrêté le jour même que
lui... Rey nous livre ainsi un épisode assez burlesque de son
arrivée chez Dumoulin, au beau milieux d'agents de
police : « ...il demeurait au rez- de chaussée
et ses fenêtres étaient ouvertes. Je le vis me faire des signes
que je ne compris pas, en sorte que ce fut sans défiance que je frappa
à sa porte. Elle me fut ouverte par un individu à figure sinistre
que je pensai être tout de suite un agent de police et qui me demanda
impérieusement ce que je voulais et qui
j'étais... »370(*). Par chance, Dumoulin parvint à simuler
une dispute avec Rey, au sujet d'une grandiloquente histoire de dettes... Rey
qui compris la nature de la situation, se prit alors au jeu jusqu'à
empoigner Dumoulin ! Les agents exaspérés mirent Rey dehors
sans autre forme de procès... Rey, en fuite, s'en alla trouver quelques
unionistes de Lyon.
De passage à Macon , vient alors à Rey une
idée de soulèvement populaire, en lançant simplement une
rumeur : « Pour y exciter simplement le gros de la
population, on aurait répandu le bruit que notre territoire était
de nouveau menacé, qu'une troisième invasion se préparait
aux frontières de la Suisse et de l'Italie...et qu'il fallait absolument
une levée en masse pour seconder notre armée....en même
temps, on aurait fait sonner un tocsin général et l'on se serait
tenu prêt à organiser régulièrement la garde
nationale, ainsi mise en mouvement » 371(*) . Il s'agissait donc de
créer un mouvement de foule...
Arrivé à Lyon, Rey se rend chez Duplan. Ce
dernier lui apprend que « le colonel Pailhés, en charge du
mouvement de Lyon, s'était conduit d'une extrême maladresse et
avait éloigne de lui toute confiance... »372(*). Le mouvement de Lyon
avait donc aussi échoué et peu d'espoir pouvait encore y
être porté... Rey se rend alors en vitesse à Grenoble,
où il y place ses derniers espoirs... De plus en plus inquiet de la
menace policière, pesant sur lui, il court trouver Bérenger de la
Drôme qui habitait sur les quais de l'Isère. Montant chez
Bérenger, il y trouve non sans surprise le fameux Cousin, encore
enthousiaste et non moins convaincu de pouvoir relancer le mouvement...
Apercevant de la fenêtre de Béranger les canons de la garde, il
suggéra, vu la faible surveillance des gardes d'en enlever quelques-uns
afin de les mettre à la disposition d'une insurrection devant
éclater à Romans !373(*) . Cependant, Cousin ne convainquit naturellement
personne, lui même n'en était pas convaincu, de la
crédibilité de son plan et chacun s'en alla (re)prendre sa
fuite.
Rey déçu de l'échec de la conspiration
et se sentant poursuivi, à juste titre d'ailleurs, décide alors
de s'enfuire pour la Suisse, en passant par la Savoie, toujours muni d'un faux
passeport ! De là, date le renoncement de Rey à toute
entreprise de conspiration. Apprenant de plus sa condamnation à mort,
par contumace, il choisit de s'exiler en Angleterre, et de partir retrouver son
ami Jeremy Bentham... Mais revenons d'abord brièvement sur le
sévère récit qu'il donne du procès des
conjurés du 19 août 1820.
II-3.3 Le sévère récit du
procès des conjurés par Joseph Rey : aigreurs et
désillusions
L'instruction de l'affaire dura, selon Rey, trente-cinq
jours. Et dés le début de ces trente-cinq jours, la plupart des
conjurés arrêtés passèrent aux aveux, suite aux
révélations des traîtres, Petit, Vidal et Chénard.
Rey nous livre ici un récit assez hautain du déroulement du
procès. Il écrit sans hésiter à propos de ces
camarades : « Je dois le dire, ils montrèrent
généralement beaucoup de faiblesse, prouvant par là que
leur participation au complot n'était pas une affaire de
principes... »374(*) .
L'affaire, mettant en cause des anciens officiers, sollicita
ainsi la réunion de la Cour des Pairs et d'une Cour de
Sûreté, présidées par la chancelier d'Ambray, auquel
Rey échappait cette fois... Rey s'adonne alors dans son chapitre
consacré au jugement des conjurés à quelques
réflexions sur le déroulement du procès. De l'avis de Rey,
aucun plaidoyer ne fut remarquable, mis à part Dumoulin qui fut des plus
courageux en revendiquant l'ensemble de ses actes. Rey note :
« la noble défense de Dumoulin contrariait beaucoup celle
des autres prévenus, décidés à rejeter tout le
poids de l'accusation sur Nantil ». Rey observe que Dumoulin,
pris d'élans burlesques, finit par apitoyer la Cour qui décida de
l'acquitter. En effet selon Rey : « son physique
singulier, ses allures bizarres, sa surdité en faisaient un être
assez peu équilibré »375(*). Dumoulin interrompit même l'avocat
remerciant la Cour de son indulgence, et revendiqua tout son rôle au sein
de la conspiration...
Dés lors Dumoulin échappa à toute
condamnation alors qu'il était clair qu'il avait été un
des plus ardents provocateurs de la conspiration. Rey souligne ce paradoxe en
énumérant les condamnations. Résumons-en
l'essentiel : - vingt quatre accusés furent mis hors de cause dont
Dumoulin, Lamy, Caron , Bérard....
- six furent condamnés à cinq ans de
prison
- trois
furent condamnés à mort par contumace, Nantil, Lavocat et
Rey.
Rey observe pour finir son
récit : « j'étais si
pénétré du sentiment que je n'avais fait qu'obéir
à un devoir impérieux, pur de tout mobile personnel, que
j'étais prêt à tout braver pour soutenir ma foi...(...) et
dés lors, j'aurais certainement compromis tous ceux dont les relations
avec moi auraient été prouvées. »376(*).
Rey, prévenu à temps de la vague d'arrestations
des conjurés du 19 août, réussit à prendre la fuite
pour la Suisse puis l `Allemagne. Aigri, fatigué, cette aventure du
19 août, qui malgré ses voeux pieux d'un total dévouement
à la cause des conjurés, demeura pour lui une expérience
difficile. Il s'attache dés lors à entamer une période
d'exil. Exil politique mais aussi exil intellectuel, Rey, dans sa
quarantième année, décide de revenir aux études et
réflexions, qu'il dut laisser de coté durant l'épisode de
juin à août 1820. Nous en arrivons ainsi à la
dernière étape de la vie de Joseph Rey où s'affirme la
figure du « socialiste utopique ».
« Conserve-toi, instruis-toi, modère-toi,
vis pour tes semblables, afin qu'ils vivent pour toi. »
Constantin-François Volney,
Catéchisme du citoyen français (1793)
III-Le socialiste « utopique »
Joseph Rey : retour à ses origines et sur ses origines
Les trente cinq dernières années de la vie de
Joseph Rey sont marquées par de nombreuses rencontres qui
(ré)alimenteront ses premières réflexions « de
jeunesse », marquées déjà par sa foi constante
en la « perfectibilité » de l'Homme.
Peut-être par réaction à l'échec de
la conspiration « libérale » du 19 août 1820,
Rey ne se tourne à présent que vers l'étude du
« meilleur gouvernement des hommes » et part à la
rencontre des différentes écoles socialistes de la
première moitié du XIXème siècle. Il entame alors
dés 1821 avec son exil en Angleterre où il y découvrira la
doctrine communautaire « utopique » de Robert Owen, une
longue traversée « utopique » qui mènera
successivement notre Idéologue à se convertir à l'utopie
d'Owen (1826-1830), à s'initier à l'école saint
simoniènne (1831-1833) et aux utopies phalanstériennes, pour
finalement tenter un bref retour en politique, par des voies légales
cette fois, en 1849. Il s'attachera entre temps à tenter de convaincre
ardemment ses camarades de la nécessité et de la
possibilité d'opérer un syncrétisme des pensées
socialistes, trop en proie aux divisions théoriques. La vie de Joseph
Rey se déroulant sur un mode cyclique, abordons ce dernier cycle de sa
vie intellectuelle en le rattachant à sa jeunesse.
III-1 Retour sur sa jeunesse
La jeunesse de Joseph Rey laissait déjà
entrevoir l'envolée intellectuelle qu'il finirait par réaliser.
Se sentant déjà enfermé dans la petite boutique
grenobloise de ses parents, il rêvait longuement dés son plus
jeune âge aux véritables moyens de « servir
l'humanité »377(*). Ses moyens devaient être l'étude
constante et ininterrompue du plus grande nombre de sciences. Dés lors,
sa fuite du foyer familiale fut pour lui une libération, quittant un
père qui ne l'aurait pas assez chéri378(*) . Rey avait cependant pu
développer déjà une grande sensibilité qui
transpire abondamment dans l'ensemble de ses écrits. Celle-ci trouvait
sa source dans ses premières lectures. Il évoque ainsi celle du
Don Quichotte de Cerventes : « un livre qui fut
pour moi une école très sérieuse de morale et même
des premiers principes de politique...oh ! me disais-je si j'avais le
pouvoir d'agir ainsi sur le sort des hommes, comme je m'empresserais d'imiter
ce bon gouvernement ! combien je m'efforcerais de ne jamais oublier les
préceptes, de son digne maître ! »379(*). Puis ce sera la
lecture toute aussi décisive de Télémaque
« dont les notions plus développées, sur la morale
et la politique, laissèrent aussi dans mon esprit des traces
ineffaçables. »380(*) . Ces lectures381(*) formèrent ainsi le
caractère profondément « pacifique » du
futur Idéologue.
Profondément marqué par l'épisode de la
Terreur révolutionnaire, duquel il observe les désastres à
Lyon382(*), il sera
tout aussi horrifié par l'épisode de la Terreur
blanche383(*) et se
déclarera depuis prêt « à lutter corps et
âmes pour le triomphe du véritable ordre social,
inséparable du triomphe définitif des lois
éternelles de la justice, et de l'établissement pratique des
inspirations à la fraternité
générale... »384(*). Cependant un tel dessein nécessitait
bien que le jeune provincial monte à la capitale. A dix sept ans, Rey
arrive donc à Paris où il fut toujours « studieux,
réfléchi et plein de prudence dans ses
relations »385(*) . Ainsi lui qui était
« décidé à mourir plutôt que de
s'arrêter un seul instant, tant qu'(il) n'aurai(t) pas jeté un
coup d'oeil sur toutes les sciences »386(*), ne pouvait que
céder à la tentation d'aller frapper à la porte de celui
qui allait devenir son mentor, Destutt de Tracy. Rey avait en effet
été bouleversé par la lecture de ses Eléments
d'Idéologie. Rey qui affirmait alors : « la
méthode de Tracy est la méthode positive, c'est à
dire qui consiste à na jamais admettre comme principe aucune proposition
qui ne soit déduite de l'observation rigoureuse des
faits »387(*).
Joseph Rey, dés sa jeunesse studieuse,
développa donc un sens rigoureux de la curiosité. Trait de
caractère qui se manifeste à nouveau par son goût, suite
à une période d'engagements publiques prononcés, à
se porter de nouveau vers un travail théorique des plus importants. Rey,
dés 1820, ne cessera d'écrire, de sceller ses réflexions
que lui inspirera chacune de ses rencontres.
Il nous faut donc désormais pour illustrer ce
« retour aux sources » qu'opère Rey, reprendre le
fil biographique à partir de ses premières années d'exil
en Angleterre.
III-2. 1820-1826 : exil en Angleterre
Traqué par la police suite à sa participation
au complot du 19 août, Rey décide en 1821, de partir pour Londres.
Sans argent, il lui vient d'abord à l'idée de se lancer dans une
entreprise de distillation de Ratafia de cerises et autres liqueurs
dauphinoises... Entreprise bien infructueuse qu'il abandonna rapidement, se
reposant plutôt sur le soutien financier que ses amis de l'Union lui
prodiguèrent pendant quelques années, à raison d'une rente
annuelle de 1 200 francs388(*)... Rey s'en contentera, observant à
l'époque avec bien plus de souci le sort des classes laborieuses
anglaises.
Il décide ainsi de profiter de son exil pour tenter
de rencontrer les grandes figures intellectuelles de l'île. Il se tourne
d'abord vers l'économiste Jérémie Bentham, qui l'accueille
chaleureusement, en mettant à sa disposition sa vaste
bibliothèque. Retrouvant dans ce cadre, la calme et la
sérénité, Rey trouve enfin le temps d'achever la
rédaction de ses derniers ouvrages, commencée souvent en
1815389(*), juste avant
le choc à venir du retour de Napoléon puis des Bourbons et des
vagues de conspirations... Observant de près la question de la
paupérisation croissante de la population anglaise, il s'attèle
à de nombreuses réflexions sur les questions d'éducation.
En effet, de là dateraient ses premières
convictions de l'existence d'un système harmonieux d'éducation.
Il rapporte ainsi : « cette nouvelle carrière
intellectuelle devait d'autant plus m'attacher que là, seulement, je
devais trouver la pacification de mon coeur, le retour de toutes mes tendances
vers les voies de la conciliation et vers l'établissement des principes
sans lesquels il ne peut y avoir de véritable paix entre les
hommes »390(*). Ce retour à la
sérénité devait se confirmer par un second choc
intellectuel, qui eut pour lui un impact comparable à la
découverte de l'Idéologie. Ce fut la découverte des
écrits de Robert Owen, par la lecture de ses Nouveaux aperçus
sur la société ou Essais sur la formation du caractère
humain (1812). Rey se passionna donc pour le système de Robert
Owen391(*) et publiera
à son retour en France une synthèse de son
système392(*),
qui passera pourtant assez inaperçue.
En effet, il nous faut insister sur la forte concurrence dont
les thèses d'Owen souffraient en réalité en France.
Présentons brièvement ses idées393(*). Owen comme nombre de
socialistes utopiques de l'époque part du postulat que la nature est
bonne et que c'est la civilisation qui l'aurait altéré par un
développement ne privilégiant plus le souci d'éthique. Un
des moyens à mettre en oeuvre pour se rapprocher à nouveau de cet
état de nature, naïvement imaginé comme idyllique serait
d'en revenir à une éducation rationnelle, en tuant les tendances
égoïstes de chaque individu dés son plus jeune âge...
Ainsi dans ses « Idées de la communauté », il
prophétise que : « dans un système
rationnel de société, les enfants ayant été
élevés de manière à n'acquérir que des
habitudes et des sentiments basés sur l'état de nature, la
propriété privée deviendra inutile et même
impossible. »394(*) . En effet, Owen était partisan d'un
système social basé sur le mode de regroupements
coopératifs où chacun en exerçant une tâche qui lui
est bien dévolue participerait à l'intérêt
général. Souvent empreinte de rigorisme moral, la pensée
d'Owen s'appuie sur les valeurs bibliques de l'amour du prochain... Mais
passons ces considérations. Retenons surtout, le poids accordé
à un primat de l'agriculture sur l'industrie, qui fait de son
communisme, un communisme agraire. De même, l'extrême importance
accordée au concours de chaque membre de la communauté (Owen
refusait le droit de grève), le travail étant pour Owen seule
source du bonheur au sein d'une société qui doit fortement
encadrer l'individu : « L'organisation et le gouvernement
de la société seront donc fondés sur la certitude que
l'homme ne forme ni sa personne, ni sa volonté... »395(*)
Mais Rey en profita aussi pour s'initier à la doctrine
de Saint-Simon.
Olinde Rodrigues, un des principaux disciples de
l'école saint-simonienne lui envoie en effet en 1825 quelques
numéros du Producteur, organe des saint-simoniens. Rey sera
assez séduit par la doctrine et entretiendra dés 1830 une
abondante correspondance avec plusieurs disciples comme Enfantin396(*), qui fut un grand ami de
Rey. Cependant, en 1826, Rey doit rentrer en France. Conscient du délai
de cinq ans, passé lequel tout condamné à mort par
contumace encoure la mort civil, il choisit de regagner Paris.
III-3. 1826-1830 : tentative de vulgarisation
de la pensée de Robert Owen en France et expérience
saint-simonienne
En 1826, Rey arrive à Paris en juillet et doit se
présenter devant le garde des sceaux afin de s'enquérir de son
sort.
Avec l'appui à nouveau de Dambray, Rey se voit
autoriser de rester à Paris. Il est même amnistié quelques
mois plus tard par Charles X, qui n'avait pas connaissance de son passé
de comploteur...
Rey à nouveau accepté sur le sol
français, retrouvait alors une toute autre situation politique
qu'à celle de son départ. Les velléités
« conspiratrices » s'étaient finalement tues avec la
fin des dernières conspirations de la Charbonnerie française en
1823 et le mouvement libérale renonçait définitivement
à ce type d'entreprises ... Surtout, le pays connaissait une renaissance
intellectuelle avec le succès des doctrines de Saint-Simon, de Fourier
ou de Cabet... Rey, qui de toute manière avait définitivement
renoncé aux conspirations, ne pouvait donc qu'accueillir ainsi avec
joie la renaissance de débats autour de l'étude des
problèmes sociaux.
Il en profite donc pour tenter d'en enrichir le contenu en
diffusant les thèses de Robert Owen. Il publie ainsi en 1828 ses
Lettres sur le système de coopération mutuelle qui
relancent un vif débat au sein des disciples de Fourier, Cabet et
Saint-Simon, sans que pourtant, ces derniers ne s'arrêtent sur les
thèses assez obscures de Owen. Cependant, Rey s'évertuera
jusqu'en 1830 de promouvoir le système communautaire de Robert Owen ,
tentant avec quelques autre fanatiques de ce « communisme »
paternaliste de faire venir en vain M.Owen à Paris397(*) ...
Bref, arrive 1830 et ses « trois
glorieuses », dont l'espoir de voir enfin la République
s'installer est vite anéanti l'année suivante par le retour
cette fois du derniers des Orléans : Louis-Philippe. Rey
s'écria alors : « Nous étions en 1831, et
tant d'autres actes avaient déjà montré les vues
rétrogrades du gouvernement...Quelle douleur, alors, quand je songeai
aux tristes résultats du mouvement sublime de l'année
précédente !... et pourtant qu'il eût
été facile alors d'entreprendre la reconstitution pacifique de la
société ! »398(*). Rey semblait alors, face à un climat de
tension sociale et politique, de plus en plus convaincu de la
possibilité d'une mise en oeuvre d'une reconstruction sociale, telle que
déjà il pouvait y songer en 1820.
En effet, les années 1830 marquent déjà
l'exacerbation de la tension de la classe ouvrière . Eclatent en
juillet-novembre 1830, les premières grèves exigeant une
augmentation des salaires et une diminution de la journée de travail et
apparaîtront par la suite les premiers actes de luddisme. De même,
le climat politique cède à nouveau à la violence, se
multipliant dés février 1831 des émeutes
anticléricales et antilégitimistes à Paris et en Province.
On notera aussi les révoltes des canuts lyonnais , du 6 au 10 avril
1831, qui annoncèrent les graves troubles et émeutes des faubourg
de Saint-Denis au mois de juin... Bref, éclate dans ses 1830-1831 la
colère des ouvriers, victime de conditions de travail
déplorables...
Face à ces troubles sociaux et politiques, Rey rejoint
l'école de Saint-simon qui dresse une sévère critique des
désordres sociaux en les reliant comme Owen, à l'absence de prise
en compte du patronat de la douleur physique et morale du prolétaire.
Ainsi, les saint simoniens dénonçaient les propriétaires
oisifs et demandaient l'abolition de tous les privilèges de la
naissance. Ils exigeaient ainsi que les institutions réduites au
désordre, prennent réellement en charge la question de
l'amélioration physique, intellectuelle et morale de la classe la plus
nombreuse et la plus pauvre... L'enseignement devait donc prendre une place
considérable au sein du société, où chacun devait
pouvoir trouver une place correspondant à ses dispositions
premières. Comme le disait l'adage des simoniens, « A chacun
selon ses oeuvres »...
Cependant, Rey critiquait la mysticité des dogmes
simoniens, laissant une trop grande place à un certain fatalisme... Rey
défendait plutôt l'idée d'une élévation des
classes par le milieu, rompant avec l'axiome de hiérarchie sociale
maintenue au sein de la doctrine de l'Eglise Saint-simonienne. Bref,
l'épisode saint-simonien de Rey restera court : 1832-1833. Il se
consacrera pendant un an à la propagande de leur doctrine, après
avoir été initié par Olinde Rodrigues qui demeurera
toujours avec Enfantin un bon camarade.
III-4. 1834-1847 : découverte de Fourier
et tentative de ralliement des « socialistes
utopiques »
Très vite, Rey poursuit son immersion au sein des
différentes écoles socialistes utopiques françaises, en
s'initiant au Fouriérisme.
En 1837, il s'abonne ainsi à la Phalange.
En accord avec nombre de points de la théorie de Fourier, la
considérant même sur nombre de points comme infiniment
supérieur à tour ce qui a été écrit
auparavant, Rey saluait le principe d' une association harmonique
réalisée par l'idéal du Phalanstère, cité
harmonieuse ou l'homme retrouverait son épanouissement dans le travail,
devenu expression profonde de chacun. Il y retrouvait là certains des
principes égalitaires de la doctrine de Robert Owen, et faisant
peut-être défaut chez celle de St Simon et ses disciples. Saluant
notamment l'idée d'un droit à un minimum de satisfaction sociale,
Rey notait qu'elle rompait là avec le fatalisme saint-simonien, tout en
préservant l'idée commune de la nécessité du
travail comme première vertu morale.
Rey établissait alors de premiers ponts
théoriques entre les doctrines d'Owen et de Fourier. Ainsi lorsque en
1842, Rey décide de s'abonner au premier journal babouviste la
Fraternité, c'est aussi pour en tirer une synthèse de ces
meilleurs éléments théoriques.
Les babouvistes du nom de leur maître, Gracchus Babeuf,
proposait un communisme égalitaire reposant sur l'obligation du travail,
la socialisation du sol et du capital et comme chez les saint-simoniens, ils
s'accordaient à penser que chacun put accorder ses capacités
à ses besoins...
Rey, alors très séduit par ce nouvel apport
théorique se permit de répondre au journal communiste et de lui
adresser une noble critique de l'exposé théorique :
« J'admets bien que pour les premières transformations de
l'état social actuel dans celui de la vie commune, la
nécessité d'imposer la loi du travail ; mais je pense avec
Owen et Fourier, que le travail, quand il sera convenablement
organisé et lorsque la génération nouvelle sera
dépouillées de nos habitudes vicieuses, sera tellement
accompagné d'attrait que sa privation serait une des plus grandes peines
qu'on pût infliger à l'homme en bonne
santé... »399(*) . Rey songeait là à nouveau au
modèle communautaire de Owen, et plus précisément à
un modèle de petite échelle, comme celui d'un village
communautaire comme put l'être l'expérience ratée de la
communauté d'Owen : New Harmony, installée en 1824
en Nouvelle Angleterre. Il ajoute ainsi : « Je pense comme
vous, qu'il ne faut pas en règle générale compter sur les
puissants du jour pour arriver à la réalisation de notre
système et qu'il importe extrêmement d'instiller peu à peu
dans les masses les idées qui les constituent ; mais je crois, et
cette fois encore avec Owen et Fourier, qu'un seul essai partiel, bien fait,
serait d'une force irrésistible pour amener la conviction des plus
incrédules et par là-même, sans aucune difficulté
sérieuse, l'avènement général du système.
Pour y arriver, au contraire, même progressivement, par voie de mesure
générale, prise de prime abord, combien de luttes
épouvantables n'aurait-on pas à soutenir, au milieu desquelles
surtout seraient gravement compromis les sentiments harmoniques qui doivent en
faire la base ? .. »400(*).
Rey de par cette lettre au journal communiste La
Fraternité opérait encore un rapprochement entre Fourier et
Owen, seul rapprochement qu'il pouvait peut-être se permettre. En effet,
Rey était très attaché l'idée d'unifier ces
différentes écoles socialistes, se déchirant trop souvent
sur de fins points théoriques.
L'aboutissement de cette démarche fut ainsi son
Appel au ralliement des socialistes401(*), petite brochure devant mettre en
lumière les points de convergences entre les différentes
écoles socialistes « utopiques » . Il
s'agissait à l'origine d'une lettre qui fut envoyée le 20 juin
1847 aux rédacteurs de la Démocratie pacifique, second
organe des Phalanstériens qui fit suite à la Phalange.
Cet appel sonnait de manière prophétique la
nécessité d'une mise en mouvement unitaire des socialistes alors
que le régime de la monarchie de Juillet, en difficulté, ouvrait
une faille. Notons les sages paroles de fédération de Rey :
« Sachons nous tolérer mutuellement, et ajourner au besoin
nos dissidences, pour agir de concert sur tous les points où nous sommes
d'accord. Qui sait d'ailleurs si, dans cette action commune d'un bon concours,
on ne verra pas s'adoucir ou même disparaître plusieurs de ces
dissidences, et s'évanouir beaucoup de malentendus qu'entretenait
surtout l'acrimonie des discussions ?... »402(*).
Ce noble appel ne fit pourtant pas l'unanimité au sein
des socialistes alors interpellés.
Ainsi si le phalanstérien Victor Considérant
salua le courage de Rey en le qualifiant « du plus ancien et
du plus respectable des partisans de la doctrine de la
communauté »403(*), l'utopique Cabet qui restait à nouveau
dans ses marges, lui répondit
sèchement : « Vous désirez l'union, moi
aussi et tout le monde ; je voudrais que tous les hommes fussent des
anges, que tous les journaux fussent d'accord, que Louis-Philippe fût
communiste, cela irait bien plus vite. Mais il ne faut pas se faire illusion,
il faut prendre les hommes comme ils le sont, avec leurs vanités et
leurs ambitions ; il ne faut pas se contenter de dire : je voudrais,
il est à désirer, il faudrait..., mais il faut agir, agir sans
cesse et de son mieux, pour faire le plus de bien
possible »404(*).
La révolution de 1848 lui donna cependant raison sur la
force de l'unité politique face à l'ennemi. Elle verra ainsi
l'arrivée au pouvoir de ces anciens camarades libéraux, Dupont de
l'Eure et Garnier-Pages entrant au sein du gouvernement provisoire. Il tentera
alors une dernière percée politique en tant que
« libéral-utopique ». Sa profession de foi aux
élections législatives de 1849 est ainsi des plus floues :
« Le principe fondamental de toutes mes pensées (...)est
l'application rigoureuse de la justice dans la distribution des avantages
sociaux. Il faut cesser désormais de les accumuler sur la tête de
ceux qui déjà possèdent avec excès, au
détriment de ceux qui n'ont pas le nécessaire, ou qui ne
parviennent qu'avec peine à se le procurer... »405(*). Rey ne sera pas
élu et se résignera durant les dernières années de
sa vie à financer diverses associations philanthropiques. Il meurt
à Grenoble, le 18 décembre 1855.
CONCLUSION
Nous venons d'entrevoir la longue et tumultueuse vie de
Joseph de Grenoble. Il apparaît au terme de cette étude, que ce
personnage revêtit bien des habits, multipliant les engagements
politiques et intellectuels. Tour à tour,
« magistrat » épris du respect de la stricte
application de la justice lorsqu'il se charge de la défense des
conjurés de 1816, « conspirateur libéral »
lorsque le régime de Louis XVIII affirme définitivement
outre-passer la Charte et donc son engagement constitutionnel, Rey finit par
s'assagir en se révélant comme un des premiers socialistes
utopiques français, soucieux de rassembler les diverses tendances de ce
mouvement éclaté.
Retenons donc de Rey, la figure centrale d'un
« indépendant », prêt à créer
lui-même sans aucune expérience sa propre société
secrète, ralliant un complot militaire à tendance plutôt
bonapartiste dans sa composition alors que rien ne prédispose ce
libéral à comploter ; choisissant comme
référent principal de son engagement
« utopique », Robert Owen alors totalement inconnu des
différentes écoles socialistes de l'époque et pariant
enfin sur une possible unité de ces dernières...
Tour à tour, homme de l'ombre puis homme public, Rey
ne cessa donc au cours de sa longue vie de s'illustrer par sa curiosité
et son acharnement, à toujours garder l'espoir de parvenir un jour,
à rendre les hommes meilleurs pour les rendre plus heureux.
BIBLIOGRAPHIE
I- Sources
Archives :
- à la bibliothèque municipale de
Grenoble :
-Ecrits de Joseph Rey :
- Mémoires sur la Restauration, 244p+218p+90p,
T.3938.
- Ma biographie morale et politique depuis l'époque
de ma naissance jusqu'en 1820, 145p, T .3940.
- Appréciations des divers partis qui furent
opposés à la branche aînée des Bourbons après
la première révolution, 190p, T.3939.
- Adresse à l'Empereur, Paris, Emery, 31 mars
1815, 16p, U 2964.
- Lettres sur le système de coopération
mutuelle et de la communauté de tous les biens, d'après les plans
de M. Owen Paris Sautelet et Cie, 1828, O 3566.
- Du perfectionnement des études légales dans
l'état actuel de la société, Paris, Treutel, Wurtz,
1827, U.5241.
- Des Institutions judiciaires de l'Angleterre
comparées à celles de la France et de quelques autres Etats
anciens et modernes, Paris, Nêve, 2 volumes, 1826, O.3560.
.
- Théorie et pratique de la science sociale,
Angers, Ernest Le Sourd, 3 volumes, 1842, O.14 575.
- Des bases de l'ordre social, Angers, Ernest Le Sourd,
2 volumes, in 8ème, 1836, X 98.
- De l'état actuel de la France sous le rapport des
idées politiques, Paris, Delaunay, librairie Charles imprimeur,
1814, 23 p., X.84.
- Des bases d'une Constitution...ou de la balance des pouvoirs
d'un Etat, 1815, X 87.
- Requête à M. le Garde des sceaux tendant
à décliner la juridiction du Conseil d'Etat, pour Pierre
François Régnier, et autres habitants du département de
l'Isère, en suite de la plainte par eux contre portée contre M.
le Vicomte de Donnadieu et ses complices, accusés d `
« assassinat » ; Paris, 8 juin 1819, 23p.,
coté O 3563.
- Requête de M.Rey propriétaire
à M. le procureur du roi président le tribunal de Grenoble du
16/09/1819 sur sa radiation des listes électorales, 2p. ;
coté U 2999.
- Profession de foi électorale du citoyen Joseph
Rey, ex conseiller à la cour d'appel de Grenoble. Grenoble, le
30 avril 1849, 3p, X 82.
- Mémoire pour Joseph Rey de Grenoble, avocat
contre une décision du conseil de discipline des avocats de Paris qui
prononce sa radiation du tableau de l'ordre des avocats., Paris,
Renaudière, 50 p., U 2986.
- Correspondance St-simonienne, décembre
1831-septembre 1832, T.3958
- Correspondance communiste, 1842, T.3951.
- Appel au ralliement des socialistes, Paris,
Librairie Phalanstérienne, 1847, 15 p., in T.3939, op.cit.
- Biographies existantes sur Joseph Rey :
- Pierre Avril, Un magistrat socialiste sous
Louis-Philippe, Joseph Rey de Grenoble et sa correspondance St
Simonienne,1779-1855, éditions de Grenoble, typographie et
lithographie, Allier Frères 1907, 19 p, V 12 127.
- A. Demougeot, Le socialiste Joseph Rey de
Grenoble ; sans date, ni lieu d'édition, VH 31 41.
- Henri Dumolard, Joseph Rey de Grenoble (1779-1855) et
ses « Mémoires politiques » ; Grenoble,
Allier, 1927, in Annales de l'Université de Grenoble, T IV
n°1, p 72 à 111, coté V 23 199.
- Fernand Rude, Un socialiste utopique oublié,
Joseph Rey ( 1779-1855), conférence faite à la Faculté
des Lettres de Grenoble, le 13 mars 1944, Extrait des Annales Lettres de
l'Université de Grenoble, tome XX, année 1944,
éditions de Grenoble, Allier, 1907, 32 p, V 16 351.
- Georges Weill, Les Mémoires de Joseph Rey, in
Revue historique, n°157, 1928, 111 p., V.23 773.
- A propos de Joseph Rey :
On retrouvera les appréciations de Stendhal
dans :
- Stendhal, « Mémoires d'un
touriste » in Voyages en France, textes établis,
présentés et annotés par V. del Litto, collection La
Pléiade, Gallimard, Paris, 1992, p.374.
- Stendhal, « Journal »
(1801-1805), édition Le Divan, Paris, 1937, p.101.
- « Lettres à Stendhal
(1803-1806) », recueillis et annotés par V. del Litto,
préface de Henri Martineau, Le Divan, Paris, 1943, t.1, p.xxxv.
II - Ouvrages :
- Manuels d'histoire et usuels :
- Jean-Claude Caron, La France de 1815 à 1848,
collection Cursus, Armand Colin, Paris, 1993, 190 p.
- Jean-Claude Caron, La nation, l'Etat et la
démocratie en France de 1789 à 1914, collection U, Armand
Colin, Paris, 1995, 364 p.
- Jean-Pierre Chaline, La Restauration, PUF,
collection Que sais-je ?, 1ère édition, 1998, 127 p.
- François Furet, La Révolution, t.2,
1814-1880, collection Pluriel, Hachette, 1988, 526 p.
- Jean Garrigues, La France de 1848 à 1870,
collection Cursus, Armand Colin, Paris, 1995, 190 p.
- Lucien Genet, Révolution,
Empire 1789-1815; Paris, Masson Histoire,3ème
édition, 1994, 217 p.
- Louis Girard, Les libéraux français
1814-1875, collection historique, Aubier Montaigne, Paris, 1985, 277 p.
- Jean-Philippe Guinle, Les souverains de la France,
Poche Larousse Bordas, 448 p.
- Pierre Miquel, Histoire de la France, Librairie
Arthème Fayard, 1976, 643 p.
- Marcel Prélot, Georges Lescuyer, Histoire des
idées politiques, Précis, Dalloz, 13ème
édition, 1997, 702 p.
- René Rémond, L'Ancien Régime et la
Révolution, 1750-1815, t.1 Introduction à l'histoire de notre
temps, Points Histoire, Paris, Seuil, 1974, 215 p.
- René Rémond, Le XIXème
siècle, 1815-1914, t.2 Introduction à l'histoire de notre
temps, Points Histoire, Paris, Seuil, 1974, 248p.
- Sous la direction de J.L Robert, Le XIXème
siècle, Paris, Bréal, 1995, 352 p.
- Max Tacel, Restauration, Révolutions,
Nationalités 1815-1870, 5ème édition,
Paris, Masson Histoire, 1994, 318 p.
- Jean Tullard, Les révolutions de 1789 à
1851, collection Histoire de France, Livre de poche, Arthème Fayard,
1985, 568 p.
- Jean Tullard, Les vingt jours, Louis XVIII ou
Napoléon ?, 1er-20 mars 1815, Paris, Fayard, 282 p,
2001.
- Jean-Charles Volkmann, La chronologie de l'histoire de
France, éditions Jean-Paul Gisserot, Paris, 1997, 128 p.
- Georges Weill, Histoire du Parti républicain en
France de 1814 à 1870, Paris, Félix Alcan éditeur,
1900, 550 p.
- Georges Weill, L'éveil des Nationalités et
le Mouvement libéral (1815-1848), collection Peuples et
Civilisations, Librairie Félix Alcan, Paris, 1930, 592 p.
- Ouvrages plus
« théoriques » :
- sur les libéraux et la question du
« cercle » :
- Maurice Agulhon, Le Cercle dans la France bourgeoise
1810-1848, étude d'une mutation de sociabilité, librairie
Armand Colin, Paris, cahiers des annales n°36, 1977, 105 p.
- Christophe Charles, Les intellectuels en Europe au
XIXème siècle, essai d'histoire comparée, Points
Histoire, Paris, Seuil, 1996, 452 p.
- A.Jardin/A-J Tudesque, La France des notables,
t 1.l'évolution générale 1815-1848, collection
Points Histoire, Paris, Seuil, 1973, 119 p.
- A.Jardin/A-J Tudesque, La France des notables, t 2. la
vie de la nation 1815-1848, collection Points Histoire, Paris, Seuil,
1973, 251 p.
- sur la jeunesse des années
1815-1820 :
- A.B Spitzer, The French Generation of 1820, Princeton
University Press, 1987, 335 p.
- A.B Spitzer, Old Hatreds and Young Hopes, The French
Carbonari against the Bourbon Restoration, Harvard University Press, 1971,
334 p.
- sur les sociétés secrètes, les
conspirateurs et les « mythes »
politiques :
- A.F, Petit Essai sur le Carbonarisme, Bulletin du
Centre de documentation du Grand Orient de France, n°9, 1958, p.45
à 49 ; disposé en annexe.
- Jack Chaboud, Les Francs-Maçons, ces
bâtisseurs du temple intérieur, Aubéron , Paris, 1997,
220 p.
- Alessandro Galante Garrone, Philippe Buonarroti et
les Révolutionnaires du XIXème
siècle (1828-1837), Editions Champ Libre, Paris, 1975, 397 p.
- René Guénon, Aperçus sur
l'Initiation, Editions traditionnelles, Paris, 2000, 303 p.
- Raoul Girardet, Mythes et Mythologies politiques,
collection points Histoire, Seuil , 1986, 205 p.
- Serge Hutin, Les sociétés
secrètes, PUF, Que sais-je ?, 12ème
édition, 1952, 127 p.
- Pierre-Arnaud Lambert, Les sociétés
secrètes, de la Compagnie du Saint Sacrement aux conspirations
Carbonari, essai sur le mode conspiratif d'organisation politique,
thèse de doctorat de 3ème cycle soutenue à l'IEP de
Grenoble, UPMF, 2 volumes, 388p+207p, décembre 1984.
- Pierre-Arnaud Lambert, La Charbonnerie française
1821-1823, Du Secret en Politique, PUL, 1995, 136 p.
Sur le thème socialisme et utopie:
- Sébastien Charléty, Histoire du
Saint-Simonisme, éditions Gonthier, Paris, 1931, 282 p.
- Yolène Dilas-Rocherieux, L'Utopie ou la
mémoire du Futur, de Thomas More à Lénine, le rêve
éternelle d'une autre société, éditions Robert
Laffont, Paris, 2000,
- Serge Dupuis, Robert Owen, Socialiste utopique
1771-1858, éditions du CNRS, Paris, 1991, 361 p.
- Paul Louis, Cent cinquante ans de pensée
socialiste, Librairie Marcel Rivière et Cie, Paris, 1947, 261 p.
- Dictionnaires :
- Sous la direction de Jean-Louis Voisin, Dictionnaire des
personnages historiques, collection Encyclopédies d'aujourd'hui,
livre de Poche, collection La Pochothèque, 2001, 1166 p.
- Sous la direction d'Eric Saunier, Encyclopédie de
la Franc-Maçonnerie, collection Encyclopédies d'aujourd'hui,
livre de Poche, collection La Pochothèque, 2000, 982 p.
- Journal de la France et des Français,
Chronologie politique, culturelle et religieuse de Clovis à 2000, Quarto
Gallimard, 2001, 2407 p.
- Rivarol, Petit Dictionnaire des Grands Hommes de la
Révolution, Desjonquères, PUF, 1987, 122 p.
- Adolphe Rochas, Biographie du Dauphiné, 2
volumes, Slatkin reprints réédition, Genève, 1971. Voir la
notice consacrée à Joseph Rey dans le volume 1, p.343, 344, 345
et 346 ( disposé en annexe) et la notice consacrée à
Bérenger de la Drôme dans le volume 1, p.107 et 108
(disposé en annexe).
- Dictionnaire biographique de la Drôme, tome 1,
« Librairie dauphinoise », 1900. Voir la notice
consacrée à Bérenger de la Drôme, p.92 à
95.
- Sous la direction de Jean Maîtron, Dictionnaire
biographique du mouvement ouvrier français, 3 volumes,
éditions Ouvrières, Paris, 1972-1978. Voir la notice
consacrée à Joseph Rey dans le volume 3, p.304, 305 et 306. De
même, on retrouvera une notice sur Pierre-Joseph Briot dans le volume 1,
p. 306.
- Daniel Ligou, Dictionnaire de la
Franc-Maçonnerie, PUF, 1987. Voir l'article sur la Charbonnerie, p.
216.
- Georges Six, Dictionnaire des généraux
français de la République et de l'Empire, Paris, G.Saffroy, 2
volumes, 1934.
- Robert et Cougny, Dictionnaire des parlementaires
français, depuis le 1er mai 1789 jusqu'au 1er mai
1884, Paris, Bourloton, 1890.
Divers :
- Numéro spécial de la revue L'Histoire
sur les Francs-Maçons, n°256, juillet-août 2001.
- Article en anglais sur la Charbonnerie signé A.B
Spitzer consultable à l'adresse internet suivante :
http://www.ohiou.edu/-chastain/ac/charbon.html;
consultable en annexe.
TABLE DES ANNEXES
1- Petit Essai sur le Carbonarisme tiré du
Bulletin du Centre de documentation du Grand Orient de France, n°9, 1958,
p.45 à 49.
2- Articles sur les Idéologues et sur l'Eclectisme,
tirés de l'encyclopédie Universalis
3- Notice biographique de Pierre-Joseph Briot, tirée du
dictionnaire Jean Maîtron, op.cit.
4- Article sur Philippe Buonarroti, tiré
l'encyclopédie Universalis.
5- Portrait de Philippe Buonarroti
6- Notice biographique de Joseph Rey, tirée de la
Biographie du Dauphiné de Adolphe Rochas.
7- Article sur la Charbonnerie de A.B Spitzer
8- Statuts de l'Union libérale, tirés de la
thèse de Pierre-Arnaud Lambert.
9- Carte des lieux où les principaux conjurés du
19 août 1820 trouvèrent leurs complices.
10- Portrait de Jean-Baptiste Dumoulin.
11- Notice biographique de Bérenger de la Drôme,
tirée de la Biographie du Dauphiné de Adolphe Rochas.
12- Article sur Robert Owen, tiré de
l'encyclopédie Universalis.
13- Article sur St-Simon et le St-simonisme, tiré de
l'encyclopédie Universalis.
14- Article du Monde Diplomatique sur l'ouvrage de P-A
Lambert, La Charbonnerie française 1821-1823.
15- Copies « fac-similés »
d'extraits des Mémoires sur la Restauration de Joseph Rey.
* 1 Le
Constitutionnel, créé en 1815, était un des
principaux organes de presse des Libéraux, et plus
précisément du parti des Indépendants de
« gauche » qui s'affirma à partir de 1817,
« profitant d'une certaine libéralisation du
régime » (J-C Caron, p.13). Il compta jusqu'à 17 000
abonnés selon J-C Caron (p.13), nombre déjà
considérable au regard de la censure qui sévit jusqu'aux lois De
Serre de mars 1819, votées avec difficulté sous le
ministère Decazes, et qui
« allégèrent » pour un temps les
procédures de création de journaux. Elles ne constituèrent
que le bref intermède « libéral » du
régime « monarcho-constitutionnel » restauré
par Louis XVIII, intermède qui prit fin avec le rappel du duc de
Richelieu... En 1815, Le Constitutionnel n'est donc encore qu'un
organe de presse de « moyenne » envergure s'adressant
à une élite libérale en expansion, où s'accorde une
pensée classique sur le plan économique (J.B Say, A Smith)
à un discours résolument individualiste sur le plan politique,
réclamant la garantie du compromis de la Charte du 4 juin 1814,
établi entre démocrates et Bourbons... Nous aurons l'occasion de
revenir plus précisément sur cet épisode. Collaborent
à cette entreprise autant de libéraux
« authentiques » comme le général Lafayette
et le banquier Laffitte que de « littérateurs à gages
de Napoléon » (Louis Girard, p.85). Les auteurs cités
correspondent aux ouvrages suivants : Jean-Claude Caron, La France de
1815 à 1848, collection Cursus, Armand Colin, Paris, 1993, 190 p. et
Louis Girard, Les libéraux français 1814-1875, collection
historique, Aubier Montaigne, Paris, 1985, 277 p..
* 2 Comme le note à
juste titre Fernand Rude dans son introduction à une petite biographie
consacrée à Rey : « Il existe à
Grenoble une rue Joseph Rey. Mais vous demanderiez en vain à un
Grenoblois moyen, voire même à un habitant de cette rue qui est ce
personnage, seuls quelques érudits pourraient vous répondre
(....) [et pourtant] tout Stendhalien digne de ce nom connaît
Joseph Rey ». Fernand Rude, Un socialiste
« utopique » oublié Joseph Rey (1779-1855),
conférence faite à la Faculté des Lettres de Grenoble, le
13 mars 1944, Extrait des Annales Lettres de l'Université de Grenoble,
tome XX, année 1944, Imprimerie Allier, Grenoble, 1944, p.3. Cette rue
existe bien toujours, longeant parallèlement et symboliquement... la
voie ferrée, face à l'avenue de Vizille.
* 3 Joseph Rey, Adresse
à l'Empereur, 16 p., elle fut écrite le 23 mars 1815
à Grenoble alors que Napoléon vient, tout juste arrivé
aux Tuileries le 20 mars au terme du périlleux épisode des
« vingt jours », de former son gouvernement, comprenant
notamment Fouché, traître à venir..., et mettant terme
à la première restauration du Bourbon Louis XVIII. Reproduite
par Le Constitutionnel dans les jours suivants, elle fut finalement
imprimée sous la forme d'une petite plaquette (Paris, éditions
Emery, 31 mars 1815), consultable comme l'essentiel des écrits de Rey,
aux archives de la Bibliothèque municipale de Grenoble, sous la cote U
2964. Nous aurons l'occasion de revenir plus précisément sur
cette fameuse « Adresse à l'Empereur » dans le
chapitre II-1.
* 4 Napoléon
débarqua en France, à Golfe-Juan, le 1er mars 1815,
après avoir quitté l'île d'Elbe le 26 février.
Arrivé sans difficulté à Grenoble le 8 mars, l'historien
Jean Tulard rapporte même qu'il
confiera : « Jusqu'à Grenoble on me traita
d'aventurier. A Grenoble, je fus prince. », Jean Tulard, Les
Vingt Jours (1er-20 mars 1815), Napoléon ou Louis XVIII ? ,
Fayard, Paris, 2001, p.9. Le démocrate Rey, nous le verrons par la
suite, fut assez sceptique quant à un maintien du « compromis
de 1814 », en la seule personne de
« l'Aigle ».
* 5 Jean Tulard, op.cit, p.9.
* 6 Jean Tulard rapporte
ainsi que « c'est un courant populaire qui, en France l'invite
à recommencer la révolution contre l'Europe des rois »,
Jean Tulard, op.cit, p.10. Voir aussi à ce sujet les pages de Raoul
Girardet consacrées au mythe du Sauveur en la personne de
Napoléon, Raoul Girardet, Mythes et mythologies politiques,
collection Points Histoire, Seuil, Paris, 1986, p.73 à 78. Ajoutons
enfin avec Louis Girard que le régime déclinant depuis dix mois
sans en avoir pleine conscience, l'empereur qu'on avait laissé partir
dans l'indifférence « revenait salué comme le soldat de
la Révolution qu'il avait été aussi. Mais le
soulèvement n'était pas général, il concernait
surtout la moitié est du pays », Louis Girard, op.cit,
p.19.
* 7 Citons parmi ces
libéraux, Benjamin Constant qui publia le 19 mars 1815 dans le
Journal des débats un violent article contre le retour de
Napoléon. cf. Patrice Gueniffey (pour le XIXème siècle),
le Journal de la France et des Français, Chronologie politique,
culturelle et religieuse de Clovis à 2000, Quarto Gallimard, Paris,
2001, p.1367. Notons que Joseph Rey, ami de Benjamin Constant, appartenait
à l'époque à ce groupe de libéraux sceptiques quant
à un retour de l'empereur dans des voies démocratiques. Rey ne
s'était pas trompé à ce sujet. Napoléon,
réinstallé aux Tuileries et contraint de composer avec les
libéraux, ne manifesta t'il pas à nouveau sa tendance au
népotisme en déclarant : « Le goût
des constitutions, des débats, des harangues paraît revenu... des
discussions publiques, des élections libres, des ministres responsables,
la liberté de la presse... je veux tout cela... le repos d'un roi
constitutionnel peut me convenir ; il conviendra plus sûrement
encore à mon fils. », cité par Louis Girard,
op.cit, p.20.
* 8 « La crise dura
vingt jours, vingt jours dont les conséquences pèsent encore sur
nous », Jean Tulard, op.cit, p.11
* 9 Note faite à
Grenoble, le 8 août 1837, Stendhal, « Mémoires d'un
touriste » in Voyages en France, textes établis,
présentés et annotés par V. del Litto, collection La
Pléiade, Gallimard, Paris, 1992, p.374.
* 10 Stendhal,
« Journal » (1801-1805), édition Le Divan,
Paris, 1937, p.101.
* 11 « Lettres
à Stendhal (1803-1806) », recueillies et annotées
par V. del Litto, préface de Henri Martineau, Le Divan, Paris,
1943, t. I, p. xxxv, cité par Fernand Rude, op.cit, p. 3. Rude,
exaspéré par la remarque de Martineau et rappelant le temps
où le jeune Rey, alors étudiant à Paris en 1802, n'eut
« bien souvent, pour assouvir (sa) faim, que du pain et de
l'eau », n'hésite pas à lui
répondre : « Mais M.Henri Martineau, qui n'a sans doute
jamais eu faim dans vie, ne pouvait être ému par un tel
passage » (sic !), Fernand Rude, op.cit, p.6.
* 12 Cette première
biographie a pour but de familiariser le lecteur avec le personnage en
dégageant les grands axes de sa vie. Il s'agit là surtout, au
regard des périodes historiques qu'elle
traverse, d'illustrer les imbrications de la « dynamique
politique » et de la « dynamique
biographique ».
* 13 Joseph Rey, Ma
Biographie morale et politique depuis l'époque de ma naissance en 1779
jusqu'en 1820, manuscrit de 145 pages, disponible comme les deux autres
volumes manuscrits de ses Mémoires à la BM de Grenoble, sous la
cote T 39.40. Il s'agit là du premier volume de ses Mémoires,
rédigés entre 1839 et 1841, avec comme le note à juste
titre Georges Weill, l'intention de les publier ; Georges Weill, Les
Mémoires de Joseph Rey, in Revue historique, n°157,
Paris, 1928, p.291.
* 14 Adolphe Rochas,
Biographie du Dauphiné, 2 volumes, Slatkin reprints
réédition, Genève, 1971, cf. article consacré
à Joseph Rey dans le volume 1, p.343, 344, 345 et 346. Elle offre
notamment au lecteur une bibliographie quasi-exhaustive des écrits de
Joseph Rey. Voir aussi l'article consacré à Bérenger de la
Drôme ( à ne pas confondre avec le célèbre
chansonnier...), ami de Rey affilié au sein de l'Union à la
conspiration du 19 août 1820, volume 1, p. 107 et 108.
* 15 Sous la direction de
Jean Maîtron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier
français, 3 volumes, éditions Ouvrières, Paris,
1972-1978, cf. article consacré à Joseph Rey dans le volume 3, p.
304, 305 et 306.
* 16 Dictionnaire
biographique de la Drôme, tome 1,
« Librairie dauphinoise », 1900. Voir l'article
consacré à Bérenger de la Drôme, p.92 à
95.
* 17 Fernand Rude, Un
socialiste « utopique » oublié Joseph Rey
(1779-1855), conférence faite à la Faculté des Lettres
de Grenoble, le 13 mars 1944, Extrait des Annales Lettres de
l'Université de Grenoble, tome XX, année 1944, Imprimerie Allier,
Grenoble, 1944, 32.p, disponible à la BM de Grenoble sous la cote V.16
351.
* 18 Henry Dumolard,
Joseph Rey de Grenoble (1779-1855) et ses « Mémoires
politiques », in Annales de l'Université de
Grenoble, T.IV, n°1, Grenoble, Allier, 1927, p.71 à 111,
disponible à la BM de Grenoble sous la cote V.23 199.
* 19 Georges Weill, Les
Mémoires de Joseph Rey, in Revue historique, n°157,
Paris, 1928, p.291 à 307, disponible à la BU Droit Lettres de
Grenoble sous la cote V.23 773.
* 20 Pierre Avril, un
magistrat socialiste sous Louis Philippe, Joseph Rey de Grenoble et sa
correspondance St Simonienne (1779-1855), in Bulletin d'Ethnologie et
d'Anthropologie, t. XIV, n°1 et 2, édition Typographie et
Lithographie, Allier Frères, Grenoble, 1907, 19 p, disponible à
la BM de Grenoble sous la cote V.12 127.
* 21 A. Demougeot, Le
socialiste Joseph Rey de Grenoble, sans date, ni lieu
d'édition , disponible à la BM de Grenoble sous la cote VH
3141.
* 22 Adolphe Rochas, op.cit,
lui attribue par erreur dans sa notice les prénoms de
Joseph-Philippe-Auguste.
* 23 Cf. Adolphe Rochas,
op.cit, p.343.
* 24 Henry Dumolard, op.cit,
p.73.
* 25 Rey ne précise
pas lequel.
* 26 Joseph Rey, T.3940,
op.cit, p.3. Nombre de passages sont soulignés de sa main dans ses
manuscrits. On pourra d'ailleurs apprécier la finesse de son
écriture en se reportant aux documents annexes où sont
disposées des copies « facs similés »
extraites de ses Mémoires sur la Restauration, trois
paginations : 244p +218p+90p, coté T 3938 à la BM de
Grenoble.
* 27 Joseph Rey, T 3940,
op.cit, p.23.
* 28 Joseph Rey, cité
par Fernand Rude, op.cit, p.6.
* 29 « Sentant
désormais le besoin des notions juridiques pour pénétrer
d'une manière plus fructueuse dans l'examen des institutions sociales,
je me décidai à faire des études de droit pour lesquelles
j'avais beaucoup de répugnance, avant de les avoir
considérées sous ce point de vue. Aussi ne me bornai-je pas au
positif des lois, ni à leur pure actualité, m'efforçant
d'entrer dans la théorie de leurs motifs en recherchant dans leur
histoire la filiation des circonstances qui les avaient successivement
amenées au point où elles se trouvent. J'aimais aussi à
comparer nos propres lois avec celles des autres nations, modernes ou
anciennes, rien n'étant plus propre à faire
réfléchir profondément et à faire sortir des
préjugés étroits d'une nationalité exclusive. Enfin
n'oubliant jamais qu'il n'est point de science vraiment profitable à
l'humanité, si elle n'est éclairée du flambeau d'une
saine philosophie, je continuai les lectures que j'avais commencées
dans cette branche depuis l'âge de quinze ans », Joseph
Rey, T 3940, p.32-33.
* 30 Le comte Antoine
Destutt de Tracy (1754-1836) fut une des grandes figures d'un courant
philosophique né sous l'Ancien régime, nommé
« Idéologie ». Il fut l'auteur des
Eléments d'Idéologie (1801-1804), ouvrage dans lequel il
soutenait voir dans la sensation la source du jugement et des idées
générales, auteur aussi d'une grammaire et d'un traité de
logique. Délaissant la métaphysique et méfiants vis
à vis de la psychologie, les Idéologues demeurèrent sous
la Restauration dans l'ombre de l'école, alors en pleine expansion, de
Victor Cousin, dite de l' « Eclectisme », nommée
aussi « Sensualisme ». Les principaux représentants
du courant des Idéologues furent Destutt de Tracy, le médecin
Georges Cabanis (1757-1808) et le moraliste et sociologue
Constantin-François Volney (1757-1820). Nous
(ré)évoquerons à nouveau ultérieurement ces
écoles philosophiques, à travers notamment l'étrange
figure de Victor Cousin qui, malgré leurs divergences intellectuelles,
collabora avec Rey à la conspiration du 19 août 1820...Cf. article
sur l'Eclectisme en Annexe.
* 31 Joseph Rey, T 3940,
p.33-34.
* 32 « Je me
mis à travailler quinze à seize heures par jour et je suivis ce
rythme pendant cinq ans (... ) j'étais décidé
à mourir plutôt qu'à m'arrêter un seul moment,
tant que je n'aurais pas jeté un coup d'oeil sur toutes les sciences,
non que j'eusse la folle présomption de pouvoir toutes les
posséder, mais parce que j'apercevais déjà leur lien
général, et sentais qu'on ne pouvait arriver à une bonne
théorie sur la destiné de l'homme, sans avoir au moins quelques
notions des divers éléments, physiques et moraux, qui agissent
sur lui. », Joseph Rey, op.cit, T 3940, p.29.
* 33 Rey confie dans sa
biographie qu'il fut au début de sa carrière assez peu sûr
de lui : « ...tremblant d'être au-dessous d'une telle
tâche, je fus sur le point d'envoyer ma démission au pouvoir
général... », Joseph Rey, op.cit, T.3940, p55,
56.
* 34 Rey, surchargé
de travail, tomba malade et son médecin lui ordonna de changer de
climat. T.3940, p.60
* 35 « Aussi
n'eus-je là presque aucune lutte officielle à soutenir ; et
n'étant pas surchargé de travail, je pus facilement profiter des
nouveaux moyens d'instruction qui s'offrirent à moi de toute
part. », Rey, T.3940, p.71,72.
* 36 Après un voyage
assez pénible en bateau sur les flots du Rhin, le patriote Rey
note : « Enfin, nous touchâmes le sol de la
France ! », Rey, T.3940, p.96.
* 37 Joseph Rey, T.3940,
p.97.
* 38
« ...Oh ! (non) l'exercice des fonctions publiques ne vous
place pas essentiellement sur un lit de douleur, comme l'a
prétendu fâcheusement un de nos
administrés. », Rey, op.cit, T3940, p.100.
* 39 Nous reviendrons sur
les dispositions de cette trop fameuse Charte du 4 juin 1814, qui très
vite ne fut pas respectée. Dans tous les cas, il convient de
préciser que les dispositions initiales du document étaient loin
d'annoncer une libéralisation du régime. La religion catholique
déclarée religion d'Etat, Louis XVIII affirmait sa pleine
souveraineté indépendamment de tout droit de regard des
assemblés. Celles-ci comprenaient deux chambres : la chambre des
Pairs (seconde chambre) d'où le Sénat ( issu de la
Révolution) fut réduit de ses membres les plus libéraux
(soixante dix membres furent recrutés parmi l'ancienne noblesse), et la
chambre des députés, toujours soumise à la menace d'une
dissolution royale.
* 40 Rey, op.cit, T.3940,
p.100
* 41 Rey, Adresse
à l'Empereur (31 mars 1815), , op.cit, U 2964. Déjà
présentée en début de l'introduction.
* 42 « ...dans
une nuit entière d'insomnies, pleines de profondes émotions, je
rédigeai mon adresse à l'Empereur qui fit alors ma sensation
d'autant plus extraordinaire qu'on était moins accoutumé depuis
bien longtemps, au langage fin (!) de l'auteur et aux principes qu'il
exprimait (...) il détermina pour tout le reste de ma
carrière, le genre de part que je devais prendre aux affaires
publiques. », Joseph Rey, op.cit, T 3940, p.101.
* 43 Joseph Rey, op.cit, T
3940, p.116.
* 44 Joseph Rey, op.cit, T
3940, p.116. La seule phrase « déplacée »
envers les Bourbons pourrait être la suivante : « De
vils folliculaires, l'encensoir et l'or à la main,
livrèrent une guerre impie à toutes les idées vraiment
nobles et généreuses. », Rey, op.cit, U 2964,
p.6.
* 45 « A
l'égard de la protestation d'attachement personnel à la famille
royale, je dis que je n'en concevais, ni la possibilité, ni la
convenance. », Joseph Rey, op.cit, T.3940, p.117.
* 46 La Tugendbund, aussi
appelée « ligue de la vertu » était une
association allemande formée en avril 1808 à Königsberg pour
contribuer à l'origine au redressement de la Prusse, humiliée par
la défaite de Tilsit. Dissoute sur ordre de Napoléon en 1809,
elle fut proscrite en 1815 pour ses tendances libérales.
* 47 Société
politique italienne que nous présenterons en détail dans le
premier chapitre.
* 48 Parmi elles, notons
déjà la tentative avortée de la conspiration de Didier
(1816), curieux avocat drômois au Parlement de Grenoble qui parvint
à soulever contre Louis XVIII une vingtaine d'insurgés, pour la
plupart des militaires licenciés de l'armée impériale.
Nous reviendrons sur cet épisode des premières conspirations
militaires des années 1816-1817, premières conspirations
auxquelles Rey ne participa pas.
* 49 Les vingt et un
insurgés de la conspiration de Didier furent tous exécutés
sans véritable procès.
* 50 Pour plus de
détails sur le développement de ces sociétés
républicaines qui prirent leur essor sous Louis-Philippe, on consultera
l'ouvrage de Georges Weill, Histoire du parti républicain en
France de 1814 à 1870, Félix Alcan éditeur,
Paris, 1900, 550 p.
* 51 Le Bazar était
une boutique située rue Cadet à Paris, dans laquelle les
conjurés préparèrent leur plan de soulèvement des
garnisons. Nous y reviendrons...
* 52 Rey se met alors
à écrire divers ouvrages de réflexion théorique sur
le droit. , comme son Du perfectionnement des études légales
dans l'état actuel de la société, Paris, Treutel,
Wurtz, 1827, U.5241 ou son Des Institutions judiciaires de l'Angleterre
comparées à celles de la France..., Paris, Duverger, 1826,
O.3560.
* 53 J. Rey, op.cit, T. 3938,
p.63, deuxième pagination.
* 54 Bentham aidera Rey
financièrement mais aussi mettra à sa disposition sa large
bibliothèque !
* 55 Robert Owen (1771-1858)
avait déjà exposé sa doctrine en 1812 dans ses Nouveaux
aperçus sur la société ou Essais sur la formation du
caractère humain et en 1818 dans son Adresse aux souverains,
au titre évocateur pour Rey...
* 56 Rey écrira un
traité regroupant ces réflexions théoriques, Des Bases
de l'Ordre social, Angers, Ernest Le Sourd, 1836, 2 vol, X.98. OEuvre qu'il
dédiera à la mémoire de son maître Destutt de
Tracy.
* 57 Joseph Rey, Lettres
sur le système de la coopération mutuelle et de la
communauté de tous les biens d'après les plans de M.Owen,
Paris Sautelet & Cie, 1828, O.3566.
* 58 « O
France ! ô ma patrie ! Le moment n'était donc pas venu
de ta véritable gloire, ce moment où, vraiment reine du monde par
le seul ascendant de ton génie civilisateur, tu pourras enfin
déposer le glaive sans lâcheté ; où tu pourras
sans crainte convertir le fer en instruments de travail, source unique de la
moralité et du bonheur des peuples, comme de la moralité et du
bonheur des individus ? (...) je ne puis croire à
l'éternité d'une loi pareille ; et quoique me refermant
encore avec tristesse dans la pensée des épreuves douloureuses,
ma foi n'en est pas moins vive pour un avenir plus heureux de
l'humanité ! », Joseph Rey, Mémoires sur
la Restauration, op.cit, T.3938, p.122,123, 2nde pagination.
* 59 Joseph Rey, Appel
au ralliement des socialistes, Paris, Librairie Phalanstérienne,
1847, 15.p, inséré dans le second volume de ses Mémoires
intitulé Appréciations des divers partis qui furent
opposés à la branche aînée des Bourbons après
la première Révolution, 197 p., T. 3939.
* 60 Henri Martineau,
préface des « Lettres à Stendhal »
(1803-1806), op.cit.
* 61 Une liste
non-exhaustive des principaux écrits de Rey disponibles aux archives de
la ville de Grenoble est disposée en bibliographie.
* 62 Cette essentielle
rétrospective devra nous permettre d'apprécier la portée
historique de l'engagement du libéral Rey. Le lecteur trouvera
d'ailleurs plus d'informations sur ce sujet dans l'imposante thèse de
Pierre Arnaud Lambert, Les sociétés secrètes :
de la compagnie du Saint-Sacrement aux conspirations carbonari, essai sur le
mode conspiratif d'organisation politique, thèse de
3ème cycle en science politique soutenue à l'IEP de
Grenoble, 2 volumes, 388p. + 207 p., décembre 1984.
* 63 En ce qui concerne le
contexte historique, nous avons travaillé à l'aide de manuels et
d'ouvrages assez « classiques » sur l'histoire du
XIXème siècle comme celui de Jean-Claude Caron, La France de
1815 à 1848, op.cit ; celui de Louis Girard, Les
Libéraux français 1814-1875, op.cit ; celui de Jean
Tulard, Les révolutions de 1789 à 1851, livre de poche,
Fayard, Paris, 1985, 568 p; toujours de Jean Tulard sur l'épisode des
« vingt jours », Les vingt jours, Louis XVIII ou
Napoléon ? (1er-20 mars 1815), Fayard, Paris, 2001,
284 p. ; celui de François Furet, La Révolution
1814-1880, t.2, collection Pluriel, Hachette, 1988, 526 p.; l'ouvrage de
Lucien Genet, Révolution Empire 1789-1815, 3ème
éd, Masson Histoire, Paris, 1994, 217 p. ; l'ouvrage de Max Tacel,
Restaurations Révolutions Nationalités, 1815-1870,
5ème éd, Masson Histoire, Paris, 1994, 318p.et enfin
le petit ouvrage de Jean-Pierre Chaline, la Restauration, Que
sais-je ?, PUF, 1998, 127p. De même, ajoutons le Journal de la
France et des Français, Chronologie politique, culturelle et religieuse
de Clovis à 2000, op.cit. Quarto Gallimard, Paris, 2001, 2407 p.
* 64 André Jardin/
André-Jean Tudesq, La France des notables, t.1 L'évolution
générale 1815-1848, Points histoire, Seuil, Paris, 1973, 249
p.
* 65 Maurice Agulhon, Le
cercle dans la France bourgeoise 1810-1848, étude d'une mutation de
sociabilité, cahiers de annales n° 36, Armand Colin, 1977, 105
p.
* 66 Pierre Arnaud Lambert,
Les sociétés secrètes : de la compagnie du
Saint-Sacrement aux conspirations carbonari, essai sur le mode conspiratif
d'organisation politique, thèse de 3ème cycle
en science politique soutenue à l'IEP de Grenoble, 2 volumes, 388p. +
207 p., décembre 1984. On consultera plus volontiers la synthèse
de ce travail publié sous le titre : Pierre Arnaud Lambert, La
Charbonnerie Française 1821-1823, du secret en politique, PUL, 1995,
136 p.
* 67 Une attention toute
particulière sera portée l'épisode conspiratif de Rey. Le
récit de la conspiration du 19 août, raconté par Rey dans
le volume 1 de ses Mémoires sur la Restauration, T.3938, op.cit,
est inédit et assez peu connu. Les deux autres volumes des
mémoires politiques de Joseph Rey sont : Appréciations
des divers partis qui furent opposés à la branche
aînée des Bourbons après la première
Révolution, manuscrit d'environ 180 p., coté T 3939 et Ma
Biographie morale et politique depuis l'époque de ma naissance en 1779
jusqu'en 1820, manuscrit de 145 pages, coté T 3940.
* 68 Concernant ce chapitre,
notre attention se portera sur les écrits suivants de Rey :
Adresse à l'Empereur, U.2964, op.cit ; Ma biographie
morale et politique depuis l'époque de ma naissance en 1779 jusqu'au
commencement de 1820, T.3940, op.cit ; De l'état actuel de
la France sous le rapport de quelques idées politiques, Paris,
Delaunay, librairie Charles imprimeur, 1814, 23 p, X84 ; Des bases
d'une Constitution ou de la balance des pouvoirs dans un Etat, Paris,
Delaunay, 1815, 180 p. ; Lettres sur le système de
coopération mutuelle et de la communauté de tous les biens,
d'après les plans de M.Owen, Paris, Sautelet & Cie, 1828, O
3566 ; Correspondance St-simonienne, décembre
1831-septembre 1832, T.3958 ; Appel au ralliement des
socialistes, Paris, Librairie Phalanstérienne, 1847, 15.p, in
T.3939, op.cit ; Profession de foi électorale du citoyen Joseph
Rey, ex conseiller à la Cour d'appel de Grenoble, Grenoble (30
avril 1849), 6 p., U 7915.
* 69 Réponse de
Considérant à l'Appel au ralliement des socialistes, in Rey,
Appel au ralliement des socialistes, op.cit.
* 70 Klemens von Metternich
(1773-1859) : ennemi acharné de la France révolutionnaire
tout autant que du mouvement national allemand, il se prononce en 1814 pour le
retour des Bourbons. Dés lors, diplomate au service de l'Autriche, il
impose son système de domination des Habsbourg sur l'ensemble de
l'Europe. Ecrasant tour à tour les luttes d'indépendance
nationales italiennes et allemandes, il échoue devant l'éveil
grecque (1827). Il fuira l'Autriche lorsque éclatera la
révolution de 1848.
* 71 J.L Robert, Le
XIXème siècle, (sous la dir.), collection Grand Amphi,
Bréal, Paris, 1995, p.135.
* 72 Nous avons
déjà évoqué la « ligue de la
vertu » (1808-1815), soulignons aussi l'association
« Burschenschaft », formée d'étudiants dont
la devise était « Honneur et Patrie », fondée
à Iéna en juin 1815 et dissoute après l'assassinat du
poète romantique Kotzebue en mars 1819.
* 73 Nous nous basons sur la
rétrospective effectuée par Lambert dans son chapitre (III)
consacré aux Carbonari, P-A Lambert, La Charbonnerie française
(1821-1823), op.cit, p .49 à 60. On se reportera aussi à
l'article de Daniel Ligou sur la Charbonnerie, in Daniel Ligou, Dictionnaire
de la franc-maçonnerie, PUF, 1987, p. 216.
* 74 Une
« Vente » désigne chez les Carbonari à la
fois une section où les membres se réunissaient et la
réunion même. L'organisation est empruntée aux
Francs-Maçons qui se réunissent au sein de loges et plus encore
au fonctionnement des Bons Cousins charbonniers (cf., Lambert, op.cit, chapitre
II, p.39) sûrement à l'origine des Carbonari... Pour une
présentation synthétique de l'organisation franc-maçonne,
on consultera l'ouvrage de l'initié Jack Chaboud, Les
Francs-Maçons, ces bâtisseurs du Temple intérieur,
Aubéron, Bordeaux, 1997, 219p.
* 75 Serge Hutin, Les
sociétés secrètes, collection Que sais-je ?, PUF,
127p. ; cf. chapitre IV, p.96.
* 76 Parmi les plus
célèbres brûlots de la
« littérature » professant l'existence d'un complot
« maléfique » des sociétés
secrètes, citons l'abbé Augustin de Barruel et ses
Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme, cinq
tomes, Vouillé, Diffusion de la pensée française, 2
volumes, 1973. On se reportera aussi à l'analyse de Girardet du mythe du
complot, in Raoul Girardet, op.cit, p32 ( chapitre sur le mythe de la
Conspiration). Girardet rapporte quelques propos de M.Barruel
éclaircissant la paranoïa qu'il tenta de répandre:
« Dans cette révolution française, tout,
jusqu'à ses forfaits les plus épouvantables, tout a
été prévu, médité, combiné,
résolu, statué : tout a été l'effet de la plus
profonde scélératesse, puisque tout a été
préparé, amené par des hommes qui avaient seuls le fil des
conspirations longtemps ourdies dans des sociétés
secrètes, et qui ont su choisir et hâter les mouvements propices
aux complots .». Barruel cité par Girardet, op.cit, p.33.
* 77 Joachim Murat
(1767-1815) : maréchal de France, roi de Naples. Fils d'un
aubergiste, il aide l'empereur durant la campagne d'Italie, gagnant ainsi la
main de Caroline Bonaparte dite Marie-Annonciade (1782-1839). Maréchal
(1804), prince d'Empire (1805), il devient grand duc de Clèves
(1806-1808) puis roi de Naples (1808-1815). Il abandonne Napoléon en
1814 pour rejoindre le camp autrichien. Le congrès de Vienne lui
ôte cependant ses Etats et il tente alors un temps de les
reconquérir en soutenant les Carbonari qu'il avait auparavant
écrasés...Echec de sa tentative, Murat est fusillé par les
Autrichiens le 13 octobre 1815.
* 78 Max Tacel,
Restaurations, Révolutions, Nationalités, op.cit,
p.144.
* 79 Max Tacel, ibid,
p.144.
* 80 P-A Lambert, op.cit,
p.51.
* 81 Saint-Edme (Bourg Edme
Théodore, dit), Constitution et organisation des Carbonari ou
documents exacts sur tout ce qui concerne l'existence, l'origine et le but de
cette société, Paris, Corby, 1821, 216p. ; cité
par P-A Lambert, ibid., p.51.
* 82 On trouvera une
présentation des sociétés des « Adelfi» et
« Guelfi » dans la thèse de Lambert, Les
Sociétés secrètes..., op.cit.
* 83 Serge Hutin, op.cit,
p.96.
* 84 P-A Lambert, chapitre III,
op.cit.
* 85 Mouvement philosophique
sectaire des plus mystiques, né au XVIème siècle et qui
culminera dans la Théosophie, un système philosophique reposant
sur la croyance que l'esprit , tombé de l'ordre divin dans l'ordre
naturel, cherche à travers des transformations successives, à se
dégager de la matière pour réintégrer le sein de
Dieu...
* 86 L'ordre très
secret des Illuminés de Bavière, violemment dénoncé
peu avant la Révolution française, comme une
société subversive, dangereuse pour les Etats comme pour
l'Eglise, soutenait la nécessité d'une amélioration de
l'homme par la connaissance du monde invisible, supérieur...
Fondée le 1er mai 1776 par le professeur Adam Weishaupt et
trois de ses étudiants de l'université d'Ingolstadt, cette
société secrète se développa dans toute la
Bavière dés 1778. De structure et de fonctionnement très
complexe rappelant l'organisation maçonnique, les Illuminés
totalement inoffensifs, n'avaient pas de buts politiques précis,
astreignant surtout ses adeptes à l'apprentissage du plus grand nombre
de sciences ! Cet ordre aussi nommé ordre des
« Perfectibilistes » croyait fondamentalement en la
transcendance de l'homme et de la société par un système
d'enseignement poussé (l'Idéal pédagogique),
l'organisation devenant ainsi une sorte d' « université
secrète ». Pour plus de détail sur cette étrange
société qui inspira certainement de par son usage extrême
du secret le grand maître des conspirations Philippe Buonarroti,
consulter à nouveau l'ouvrage de Lambert, op.cit, chapitre I.
* 87 P-A Lambert, op.cit,
chapitre III, p.38.
* 88 Lambert décrit
dans son chapitre consacré B*C*C les rites intéressant
d'initiation des membres, traçant un cercle sur le sol à l'aide
d'un morceau de charbon de bois, ou d'une craie à défaut...Cinq
éléments étaient évoqués lors des
cérémonies : le linge, l'eau, le feu, le sel et le Christ.
Pour toutes les questions relatives à l'ésotérisme de ces
sociétés secrètes, notamment en ce qui concerne les
procédures d'initiation, on consultera le classique ouvrage de
l'Initié René Guénon, Aperçus sur
l'Initiation, éditions traditionnelles, Paris, 1953, 303p.
Une bonne description, de
« spécialiste », des rites des Bons Cousins est
à lire dans le précieux Petit Essai sur le Carbonarisme,
signé A.F et publié par le Bulletin du Centre de
documentation du Grand Orient de France, n°9, 1958, p.45-49 ;
placé en ANNEXE.
* 89 C.f , Pierre-Arnaud
Lambert, op.cit, p.39,40.et suiv. ; et Jack Chaboud, op.cit, p.31,
chapitre II.
* 90 P-A Lambert, op.cit,
p.41
* 91 Albert Mathiez,
« L'origine franc-comtoise de la Charbonnerie italienne »,
in Annales historiques de la Révolution française,
n°5 (novembre-décembre 1928), p.551-561 ; cité par P-A
Lambert, ibid, p.41.
* 92 P-A Lambert, ibid,
p.49.
* 93 « Le
mythe politique est bien fabulation, déformation ou
interprétation objectivement récusable du réel. Mais,
récit légendaire, il est vrai qu'il exerce aussi une fonction
explicative, fournissant un certain nombre de clés pour la
compréhension du présent, constituant une grille à travers
laquelle peut sembler s'ordonner le chaos déconcertant des faits et des
événements. Il est vrai encore que ce rôle d'explication se
double d'un rôle de mobilisation : par tout ce qu'il véhicule
de dynamisme prophétique, le mythe occupe une place majeure aux origines
des croisades comme à celles des révolutions. »,
Raoul Girardet, Pour une introduction à l'imaginaire politique in
Mythes et mythologies politiques, op.cit, p.13,14.
* 94 Albert Mathiez, op.cit.
* 95 Grégoire
(abbé), Histoire des sectes religieuses qui sont nées, se sont
modifiées, se sont éteintes dans les différentes
contrées du globe, depuis le commencement du siècle dernier
jusqu'à l'époque actuelle, Paris, Baudoin frères,
1828-1829, 6 vol ; cité par Lambert, op.cit, p.50.
Cette filiation est aussi rappelée dans le Petit
Essai sur le Carbonarisme, signé A.F, op.cit ; placé en
ANNEXE., et prenant bien soin de rappeler que les origines du carbonarisme ne
sont peut-être pas aussi lointaines que celles de la
Franc-maçonnerie...
* 96 Notamment
l'étude de M.Dayet, « Pierre-Joseph Briot, Lucien Bonaparte et
les Carbonari », in Annales historiques de la Révolution
française, 1953, pp.13 et suiv.
* 97 P.A Lambert, op.cit,
p.50.
* 98 Nous nous basons sur
l'affirmation de Daniel Ligoud dans son article sur la Charbonnerie, in
Encyclopédie de la Franc-Maçonnerie, op.cit, p.217. Ligoud
y affirme aussi que Briot, personnellement membre de la Franc-Maçonnerie
aurait préféré implanté dans les provinces
napolitaines une association (les Bons Cousins Charbonniers) qui n'avait
encouru aucune interdiction pontificale expresse ; Ligoud, op.cit,
p.217.
* 99 P.A Lambert, op.cit,
50.
* 100 Il ne s'agit
là que d'une hypothèse plausible. Pour le lecteur courageux
désirant se plonger dans l'histoire complexe et inachevée de ces
réseaux conspiratifs du XIXème siècle, se
référer à l'ouvrage de référence de
Alessandro Galante Garrone, Philippe Buonarroti et les
Révolutionnaires du XIXème siècle, édition du
Champ libre, Paris, 1975, 371p.
* 101 Voir biographie de
Philippe Buonarroti en Annexe.
* 102 Nous nous reposons
là sur la notice biographique réalisée par Jean
Maîtron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier
français, op.cit, T.1, p.306.
* 103 Lucien Bonaparte
(1775-1840) : président du conseil des Cinq-Cents, il joua un
rôle important dans le coup d'Etat du 18 brumaire. Il fut prince de
Canino.
* 104 Daniel Ligoud, op.cit,
p.217.
* 105 Jean Maîtron,
op.cit, p.306.
* 106 Jean Maîtron,
op.cit, p.306.
* 107 Voir la description
par les Francs-Maçons des rites de reconnaissance des Carbonari italiens
dans le Petit essai sur le carbonarisme (A.F), op.cit, p.47. ANNEXES.
* 108 Daniel Ligou, op.cit,
p.217.N'oublions pas en ce qui concerne le caractère religieux que put
prendre l'organisation, que son origine (les B*C*C) était catholique et
qu'elle venait s'installer en Italie !
* 109 Chiffre avancé
sous caution par Ligou, ibid., p .217.
* 110 Période mal
aimée dont « le rapprochement établi parfois avec le
régime de Vichy ne souligne que trop l'origine d'un pouvoir né de
la défaite et, sinon imposé par l'ennemi, du moins permis par le
désastre militaire » selon les mots de Jean-Pierre
Chaline ; Jean-Pierre Chaline, La Restauration, Que sais-je ?,
PUF, 1998, p.3.
* 111 Le
pronunciamiento est un coup de force militaire, accompagné
généralement d'une proclamation exposant les motifs et les buts
de la prise du pouvoir. Dans le cas espagnol, soulignons que le mouvement de
1820 fut entièrement mené par les militaires ; le
libéralisme n'étant à l'époque répandu que
dans un milieu étroit d'officiers... Voir Max Tacel, Restaurations,
Révolutions, Nationalités 1815-1870, op.cit, p.150.
* 112 C.f, P.A Lambert,
op.cit, p.53.
* 113 Guglielmo Pepe
(1783-1855) : frère du patriote Florestano Pepe qui servit les
Français à Naples sous Murat et participa à la
révolution de 1820, le général Guglielmo servit Joseph
Bonaparte et dirigea l'insurrection napolitaine de 1820. Battu par les
Autrichiens à Rieti (1821), il dut s'exiler jusqu'en 1848.
* 114 Pepe désignait
même la Carbonaria par la formule d'une « aristocratie de
moralité », P-A Lambert, op.cit, p.59.
* 115 Daniel Ligoud, op.cit,
p.217.
* 116 P. A Lambert, op.cit,
p.53.
* 117 P-A Lambert, op.cit,
p.56.
* 118 Notons toujours au
sujet de l'Italie que les Carbonari inspireront plus tard des mêmes
sociétés secrètes conspiratrices comme la Jeune
Italie de Mazzini dans les années 1830, qui s'organisera aussi sous
la forme de Ventes. (cf, Lambert, op.cit, p.56).
* 119 Voir le récit
de la chute de l'Empire par Lucien Genet, Révolution, Empire
1789-1815, 3ème édition, Masson Histoire, Paris,
1994, p.187.
* 120 Rien que du 9 octobre
1813 au 15 novembre 1815, Napoléon a déjà levé 680
000 hommes, surtout parmi les ouvriers et les paysans mais aussi parmi les
bourgeois (1815), tous assez peu préparés au combat. Cf, Lucien
Genet, op.cit, p.198.
* 121 Le
député Laîné de Bordeaux osa le premier dire
à Napoléon : « Il importe de nous renfermer
dans les limites de notre territoire, de réfréner l'élan,
l'activité ambitieuse si fatale depuis vingt ans à tous les
peuples de l'Europe » ; cité par Lucien Genet, op.cit,
p.198.
* 122 Pour plus de
détails sur ses sociétés secrètes royalistes, voir
à nouveau la thèse de Lambert, Les Sociétés
secrètes...., op.cit.
* 123 Comme le note Louis
Girard : « En 1814, la France laisse l'empire
s'écrouler dans l'indifférence », fatiguée par
les guerres impériales et leurs restrictions occasionnées, Louis
Girard, Les libéraux français, op.cit, p.15.
* 124 Cette constitution
dont le projet était à l'origine de Talleyrand, laissait
déjà entrevoir deux tendances au sein de ses rédacteurs.
Pour le constitutionnaliste Lambrechts, si la Constitution rappelait le
prétendant au trône, il devait néanmoins se soumettre
à la représentation nationale, par la reconnaissance du Chambre
législative et notamment l'impératif d'indépendance des
juges. A l'inverse, pour le légitimiste Montesquiou, Lois XVIII
(Monsieur) n'avait pas à recevoir la couronne de la nation
française, la possédant en tant qu'héritier de Louis XVII.
La première tendance fut respectée et cette première
constitution sénatoriale de type
« monarcho-républicaine » devait permettre de mieux
faire accepter le retour du roi. Cf . Jean Tulard, Les vingt jours,
op.cit, p.37, 38.
* 125 Louis XVIII est le
frère de Louis XVI, quittant le pays le 20 juin 1791, le même jour
que le roi, il considère que son règne a commencé en 1795,
à la mort de « l'enfant du Temple », le fils de
Louis XVI et de Marie-Antoinette, il rejette donc tous les acquis de la
Révolution. Plus un homme de coterie ou de clan que chef de parti et
encore moins d'Etat, (selon Caron, op.cit, p.8), Louis XVIII n'en demeure pas
moins conscient des limites à ne pas dépasser, finissant par
accepter la Chartre constitutionnelle...
* 126 J-C Caron, La
France de 1815 à 1848, Armand Colin, Paris, 1993, op.cit, p.8.
* 127 Louis Girard, op.cit,
p.16.
* 128 La religion était
de nouveau déclarée « religion d'Etat »...
* 129 Les conditions
d'électorat (30 ans au moins et 300 F de contribution directe) et
d'éligibilité (40 ans au moins et 1000 F de contribution directe)
réduisaient alors le corps politique de 1814 à moins de 100 000
électeurs et à environ 15 000 éligibles. Cf, J-C Caron,
op.cit, p.9.
* 130 Par cet article, le
roi peut dissoudre la Chambre des députés à tout moment.
Notons de plus, que le gouvernement ne pouvait être sujet à aucune
critique, les ministres n'étant pas responsable devant la Chambre des
députés... ; J-C Caron, ibid, p.9.
* 131 J-C Caron, op.cit,
p.9.
* 132 Louis Girard, op.cit,
p.20.
* 133 Louis Girard, ibid,
p.20.
* 134 Notons au passage
selon Tulard, op.cit, p.54, que cette épuration laissa des traces,
« la police parut se démotiver et perdit de
l'efficacité qui avait été la sienne sous
l'empire ».
* 135 Cf, Louis Girard, ibid,
p.20.
* 136 Louis Girard, op.cit,
p.21
* 137 Louis Girard, ibid,
p.21
* 138 C.f, J-C Caron, op.cit,
p10,11.
* 139 Louis Girard, ibid,
p.22.
* 140 Cf, Louis Girard,
op.cit, p.22.
* 141 Le terme
« mode conspiratif » est emprunté à Pierre
Arnaud Lambert, op.cit...
* 142 Pierre Arnaud
Lambert, Les sociétés secrètes : de la
compagnie du Saint-Sacrement aux conspirations carbonari, essai sur le mode
conspiratif d'organisation politique, thèse de
3ème cycle en science politique soutenue à l'IEP de
Grenoble, 2 volumes, 388p. + 207 p., décembre 1984 ; chapitre VII
section 1, p.183 à 201.
* 143 André Jardin/
André-Jean Tudesq, La France des notables, t.1 L'évolution
générale 1815-1848, Points histoire, Seuil, Paris, 1973, 249
p ; p 29 à 86.
* 144 Cf, A Jardin, op.cit,
p.33.
* 145 A Jardin, op.cit,
p.34.
* 146 P-A Lambert, Les
sociétés secrètes...., op.cit, p.185
* 147 A Jardin, op.cit,
p.34.
* 148 J-C Caron, op.cit,
p.11. Fouché qui prépara la liste, avait pris soin de retirer ses
amis de la condamnation...
* 149 J-P Chaline, op.cit,
p.3.
* 150 Une des conspirations
les plus célèbre fut celle de
l' « Egalitaire » Gracchus Babeuf (1760-1797), chef de
la « conjuration des Egaux » (1796), dirigée contre
le Directoire. Babeuf fut dénoncé et exécuté,
demeurant à la postérité une figure exemplaire
d'organisateur de conspiration, notamment au sein des écoles socialistes
révolutionnaires.
* 151 « Cette
grande conspiration du libéralisme adolescent » selon les mots
de l'historien Pierre Leroux, cité par P-A Lambert, La Charbonnerie
française (1821-1823), op.cit, p.95. En ce qui concerne
l'épisode de la Charbonnerie française, le lecteur se reportera
au chapitre que Lambert lui consacre dans sa thèse, Les
sociétés secrètes..., op.cit, chapitre IX.
* 152 C.f, P-A Lambert,
Les sociétés secrètes..., op.cit,
p.187.
* 153 P-A Lambert, op.cit,
p.187.
* 154 P-A Lambert, op.cit,
p.187.
* 155 Peu d'informations
existent sur Didier tant le personnage était trouble...
* 156 P-A Lambert, op.cit,
p.188.
* 157 P-A Lambert, op.cit,
p.199.
* 158 J-C Caron, La
France de 1815 à 1848, op.cit, p.15
* 159 Les Constitutionnels
formaient un groupe composite de fidèles défenseurs de la
Constitution sénatoriale et de la Chartre originelle de 1814. Ils
incarnent donc la tendance du compromis, attachés à l'idée
de Constitution et d'une représentation nationale au sein de la Chambre.
Plutôt conservateur politiquement et socialement, ils comptent comme
figures imposantes Broglie, Serre , Pasquier, Molé, Laîné,
Decazes, Camille Jordan et le jeune Charles de Rémusat. Ils rallient les
théoriciens dits « doctrinaires », recrutés
au sein d'universitaires de renom comme Barante, Royer-Collard qui sera
à l'origine de la fondation de l'Académie des Sciences morales et
politiques, Guizot et le célèbre Victor Cousin. Plutôt de
type centre droit, ils ont su s'accommoder de l'Empire, les récompensant
à l'occasion, et s'expriment volontiers dans des journaux comme Le
Courrier ou le Journal de Paris. Ils soutiendront donc le
régime de Louis XVIII jusqu'au vote de la loi dite du double vote de
1817, pourtant inspirée par Royer-Collard et qui permettra le regain des
libéraux de gauche, représentant plus encore l'accès
des classes moyennes à la politique.
* 160 Cf, Jardin, op.cit,
p.43.
* 161 Les libéraux
de gauche ou encre appelés Indépendants à partir de 1817
forment dés 1815-1816 la troisième force politique du
régime. Disposant de moins de quinze députés aux
élections de 1815, ils sont près de 70 en 1819, grâce
à la nouvelle loi Laîné. Ils sont
caractérisés par un amour du rationalisme des Lumières, un
certain anticléricalisme et par une certaine attirance pour le
modèle constitutionnel anglais (cf., Rey). Notons comme grandes figures
libérales : Daunou, Destutt de Tracy, Benjamin Constant, Lafayette,
Casimir Perier, Paul-Louis Courier, le chansonnier Béranger et des
députés comme Manuel ou Voyer d'Argenson.
* 162 Cf J-C Caron, op.cit,
p.16 et Jardin, op.cit, p.43,44,45 et suiv...
* 163 Nous parlons ici de
« mouvement », les libéraux ne se groupant en parti
qu'en 1817.
* 164 Louis Girard, Les
libéraux français, op.cit, p25 à 101.
* 165 P-A Lambert,
Les sociétés secrètes..., op.cit,
p.214.
* 166 P-A Lambert, Les
sociétés secrètes..., op.cit, p.206.
* 167 J.Rey,
Appréciations des divers partis qui furent opposés à la
branche aînée des Bourbons après la première
Révolution, manuscrit d'environ 180 p., coté T 3939 en BM de
Grenoble et Notices historiques sur les Sociétés
secrètes qui ont existé en France pendant la Restauration,
Grenoble, Barruel, 1847, T.3926. Ces volumes furent plus
délaissés en raison d'une part de l'existence d'une
présentation déjà suffisante, réalisée par
Lambert et d'autre part de la très mauvaise lisibilité de ces
manuscrits. L'étude des volumes T. 3938 et T.3940 a été
privilégiée.
* 168 Rey venait de perdre
sa place de Président du Tribunal Civil de Rumilly, la Savoie
annexée avec la chute de l'Empire et ne pouvait retrouver une place au
sein de l'administration suite aux petits ennuis que lui avait causés sa
présomptueuse Adresse à l'Empereur (mars 1815)...avec le
retour des Bourbons.
* 169 J.Rey,
Appréciations sur les divers partis..., op.cit, T 3939, p.86.
* 170 Voir Henry Dumolard,
Joseph Rey de Grenoble (1779-1855) et ses « Mémoires
politiques », op.cit, p.78.
* 171 « Il
fallait un lien pour réunir tous les mécontents qui, ne se
connaissant pas, ignorant leur nombre, hésitaient toujours au moment
décisif. Une association secrète fut le moyen auquel on
s'arrêta pour organiser les forces libérales »,
F.Gros (unioniste lyonnais), « Lettres à M. le
Rédacteur de la Gazette du Dauphiné... », Patriote
des Alpes, 9 octobre 1841, cité par Lambert, ibid, p.209.
* 172 Alessandro Galante
Garrone dans son ouvrage Philippe Buonarroti et les Révolutionnaires
du XIXème siècle, op.cit, éd du Champ libre, Paris,
1975, p.250, désigne Rey comme un « adepte du monde des
sectes ».
* 173 J.Rey, Ma
biographie morale et politique depuis l'époque de ma naissance en 1779
jusqu'en 1820, op.cit, T.3940, p.25. N'oublions pas que Rey écrit
ses Mémoires en 1830-1835 et qu'une telle prudence n'était pas
sans justification...sous le règne de Charles X.
* 174 J. Rey, T 3940,
op.cit, p.26. Rey fut donc initié aux premières conjurations
révolutionnaires mais n'y participa pas...
* 175 J. Rey, T 3940, op.cit,
p.26.
* 176 J.Rey, T 3940, op.cit,
p.32.
* 177 Voir Annexe, gravure
d'un serment des couteaux.
* 178 J. Rey, T 3940 ,op.cit,
p. 32.
* 179 J. Rey, T 3940 op.cit,
p.32.
* 180 J.Rey, T 3939, op.cit,
p.94.
* 181 P-A Lambert, Les
sociétés secrètes..., op.cit, p.206 .
* 182 P-A Lambert, ibid,
p.206.
* 183 H.Dumolard, op.cit,
p.78.
* 184 Nous en avons
placé un exemplaire en Annexe. Ce document demeure « sous
caution », trouvé dans le dossier F7 6687 des Archives
nationales, nommé Commelli, Marozzo, Marsicono, rien n'expliquant sa
présence.... Les pistes furent-elles brouillées par Rey ?
* 185 Rey participa ainsi
avec l'Union de Grenoble à la promotion de la campagne électorale
de Grégoire à la Chambre des députés lors du
scrutin de 1819. Rey et Bérenger de la Drôme, figure importante de
la conspiration à venir, avaient même pris à Paris
l'initiative de sa candidature malgré les réticences du parti
libéral ; c.f, Georges Weill, Les Mémoires de Joseph
Rey, op.cit, p.298. Rey s'écria ainsi après l'annulation de
l'élection de Grégoire : « C'était un
véritable coup d'Etat, qui rompait ouvertement le pacte social,
puisqu'on arrachait brutalement à la législature un de ses
membres dont on avait reconnu l'élection
régulière...Dès lors les esprits les plus scrupuleux se
préparaient à l'idée qu'une autre voie deviendrait
inévitable et qu'elle serait entièrement légitime. Je me
rappelle parfaitement le résultat de toutes nos conversations intimes
à cet égard... », Rey, T.3939, op.cit, p.139.
* 186 Statuts de l'Union
libérale, article 1, en Annexe.
* 187 Préambule aux
statuts de l'Union libérale, cité par H.Dumolard, op.cit,
p.78.
* 188 L'Union comptait dans
son ensemble une trentaine de membres.
* 189 J.Rey, T 3939,
op.cit, p.90. Le faible nombre d'adhérents correspondait aussi et
surtout à la volonté de fonder une organisation d'élite.
* 190 Préambule aux
statuts de l'Union libérale, cité par Dumolard, op.cit, p.78.
* 191 Cf, Weill, op.cit,
p.297.
* 192 Statuts de l'Union
libérale, article 5.
* 193 Cf, Rey, T 3939, op.cit,
p.90.91.
* 194 Statuts de l'Union
libérale, article 8
* 195 Statuts de l'Union
libérale, article 6
* 196 Statuts de l'Union
libérale, article 2
* 197 Statuts de l'Union
libérale, article 4
* 198 Maurice Agulhon,
Le Cercle dans la France bourgeoise, étude d'une mutation de
sociabilité, op .cit, cahiers des annales n°36, Librairie
Armand Colin, 1977, voir chapitres VII et VIII.
* 199 Maurice Agulhon, op.cit,
p.61.
* 200 Maurice Agulhon,
p.60. Si Agulhon part de l'exemple des sociétés de jeux, il n'en
opère pas moins un rapprochement avec le mode de regroupement politique
de l'époque, qu'il s'agisse des salons ou des sociétés
ouvertement politiques. « Le cercle , dans le moment de la
civilisation bourgeoise qui s'épanouit au XIXème siècle et
dont il reflète quelques caractères majeurs (aisance et
loisir, joie de vivre, égalité,
laïcité, masculinité), pourrait bien
être quelque chose de plus que le moyen d'une fonction spécifique,
il pourrait être un modèle assez général de vie
collective. », Agulhon, op.cit, p.63.
* 201 Maurice Agulhon, op.cit,
p.69,70.
* 202 Comme le note
Agulhon : « Un parti (avant la lettre), ne groupe pas des
hommes individuels mais des cercles... », op.cit, p.70. Cependant, ne
résumons pas trop simplement l'essor que devait connaître le parti
républicain dans les années 1830-1840 à de vagues calculs
politiques opérés au sein de sociétés
secrètes libérales. La question des contingences historiques
à travers notamment celle de l'évolution culturelle du pays par
la conquête de la classe moyenne à la cause républicaine
est un facteur explicatif avéré : « Nous devrons
encore une fois nous contenter de présumer une liaison possible entre la
démocratie structurelle que constitue la nouvelle socialité et la
démocratie politique que constitue la gauche (libérale, puis
républicaine) qui finira par gagner la majorité de la
« classe moyenne » », Agulhon, op.cit, p.72. Pour
une histoire complète mais dense du passage d'un mouvement
libéral « élitiste » à la
structuration d'une lutte républicaine plus populaire, consulter le
classique ouvrage de George Weill, Histoire du parti républicain
en France de 1814 à 1870, Félix Alcan éditeur,
Paris, 1900, 550 p. Les premiers chapitres I,II,III et IV ont été
consultés et relatent, dans un style assez romancé, la naissance
de premières sociétés républicaines sous le
règne de Charles X et surtout au début de celui de Louis-Philippe
dans les années 1830-1832...
* 203 Cf. Georges Weill,
Les Mémoires de Joseph Rey, op.cit, p.296.
* 204 Cf, Rey, T 3939, op.cit,
p.100.
* 205 Rey, op.cit, T 3939,
« Aussitôt constituée, nous pensâmes d'abord
à profiter de la centralité de la capitale pour répandre
nos affiliations dans les départements où elles n'avaient pu
pénétrer par les soins de l'Union-mère. Nous ne
pûmes cependant que jeter çà et là quelques noyaux
dans ceux du Nord et de l'Est, mais nous prîmes plus de consistance dans
celui de la Seine inférieure, ainsi que dans les deux
départements de la Loire et de la Haute-Loire, où Lafayette et
moi avions beaucoup des relations » , p.100.
* 206 Barrot et
Mérilhou participeront activement à l'épisode du 19
août...
* 207 « Nous
ne crûmes devoir initier ni Laffitte, ni le général Foy, ni
Manuel, ni Benjamin Constant ni Casimir Périer, les trois premiers parce
que, peut-être à tort, nous les croyions plus bonapartistes ou
orléanistes qu'attachés aux principes, ni Benjamin Constant parce
qu'il avait donné trop peu de gages de sa consistance politique, enfin
Casimir Périer parce que nous le connaissions déjà comme
réunissant en lui tous les penchants du despotisme, de l'aristocratie
bourgeoise et de l'égoïsme individuel. », Rey, T
3939, op.cit, p.112.
* 208 Cf, J.Rey, T3938,
op ;cit, p.171. « Ce fut dans ce temps que je me mis en
relation avec nos amis, deux réfugiés allemands, dont l'un est
resté homme d'honneur jusqu'au bout, mais dont l'autre était ou
devint un traître, et fut cause de l'arrestation de Cousin à
Berlin en 1823 ou 1824, alors qu'il y fit un voyage avec les deux fils du duc
de Montebello, ses élèves. C'était un jeune homme, se
nommant tantôt Doering, tantôt de Witt (sic) (...) »
. Pour plus d'informations sur Witt Doering, voir la thèse de Lambert et
son chapitre consacré à l'Union.
* 209Seul Bourbon pouvant
assurer une descendance à la dynastie, le duc de Berry fut
assassiné dans la nuit du 13 au 14 février en sortant de
l'Opéra par l'ouvrier sellier Louvel. L'événement ranima
alors l'agitation des ultras qui bloqueront dés lors le gouvernement
Decazes et le mèneront à sa démission. Chateaubriand
déclara à ce sujet : « Le pied lui a
glissé dans le sang », cité par Caron, op.cit, p.17.
* 210 Cf, Georges Weill,
Les mémoires de Joseph Rey, op.cit, p. 297.
* 211 Le petit livre
à 15 sous ou la Politique de poche, par le « père
Michel »
* 212 Voir J.Rey,
Défense du père Michel, prononcée par monsieur
Tartarin, auteur ; M.Rey (de Grenoble),avocat, et M.Poulet fils,
éditeur ; précédé de la plainte rendue par M
.l'avocat du roi. Paris, Poulet, Plancher,1818,81p.
* 213 N'oublions pas que
Rey était en Allemagne, occupé à nouer des contacts pour
l'Union, lorsque éclata à Grenoble la conspiration de Didier en
mai 1816.
* 214 Joseph Rey,
Requête à M. le Garde des sceaux tendant à
décliner la juridiction du Conseil d'Etat, pour Pierre François
Régnier, et autres habitants du département de l'Isère, en
suite de la plainte par eux contre portée contre M. le Vicomte de
Donnadieu et ses complices, accusés d `
« assassinat » ; Paris, 8 juin 1819, 23p.,
coté O 3563 à la BM de Grenoble.
* 215 Rey se
défendra à nouveau de sa plume ; J.Rey,
Requête de M.Rey propriétaire à M. le procureur du roi
président le tribunal de Grenoble du 16/09/1819 sur sa radiation des
listes électorales, 2p. ; coté U 2999 à la BM de
Grenoble.
* 216 Cf, Rochas, notice sur
Rey, Biographie du Dauphiné, op.cit, p.344.
* 217 « ...il
fut convenu que nous allions désormais consacrer nos efforts à
l'extension de la société dans le coeur de la France, ainsi
qu'à la multiplication de nos moyens d'action, qui devaient surtout
consister dans notre intervention partout où il y aurait un effet
moral à produire, dans notre but, par le presse, la tribune
législative, le barreau, l'instruction publique proprement dite, la
formation de cabinets de lecture ou de bibliothèques populaires,
etc. », Rey, T 3939, op.cit, p.101.
* 218 « En
même temps, nous fîmes à Paris, sous l'influence de Cousin,
une opération des plus importantes, celle de contribuer à
l'établissement d'une loge maçonnique, sous le nom de loge des
Amis de la Vérité, dont les membres étaient choisis parmi
les plus libéraux des écoles et du commerce, et qui eut pour
conséquent, dés le principe, une direction toute politique. Cette
organisation qu'on a ensuite confondue avec le carbonarisme, dont on a vu
déjà qu'il n'existait pas encore de trace en France, explique
l'ensemble des mouvements de la jeunesse en plusieurs circonstances
postérieures ; et quoique, lors de sa création, nous
n'eussions en vue qu'un effet moral sur les classes instruites de la
société, elle devait bientôt prendre un autre
caractère par la force des choses, c'est à dire par suite de la
violence des moyens que nos adversaires ne devaient pas rader à
employer. », Rey, T 3939,op.cit, p.115. Notons au passage que
cette loge n'avait de maçonnique que le nom et qu'elle demeura aussi une
petite structure sous la direction de Cousin qui dés 1817
s'évertuait à recruter ses membres parmi ses étudiants.
* 219 Pour une
présentation détaillée de l'étrange et
célèbre Victor Cousin, on lira le chapitre que Alan.B Spitzer lui
consacre dans son ouvrage The French Generation of 1820, Princeton
University Press, 1987, 335p. ; chapitre 3 : Victor Cousin, The
Professor as Guru.
* 220 Cf, Georges Weill,
Histoire du parti républicain en France de 1815 à 1870,
op.cit., p.7,8,11 et 17.
* 221 Pour un
présentation de ces différentes associations,
sociétés libérales et/ou républicaines qui se
développeront surtout dans les années 1830-1840, consulter
l'ouvrage de Georges Weill, Histoire du parti républicain...,
ibid.
* 222 Aux
électeurs libéraux du département de l'Isère,
signé R..., Grenoble David, U 2997 ; cité par Dumolard,
Joseph Rey de Grenoble..., op.cit, p.84.
* 223 Rey, T.3939, op.cit,
p.131.
* 224 Cité par
Georges Weill, Histoire du parti républicain en France...,
op.cit, p.53.
* 225 Georges Weill, Les
Mémoires de Joseph Rey, op.cit, p.306,307
* 226 Joseph Rey,
Mémoires sur la Restauration, op.cit, T.3938. 3 paginations (
244p+218p+90p).
* 227 J.Rey, Ma
biographie morale et politique depuis l'époque de ma naissance en 1779
jusqu'en 1820, op.cit,T3940, 145p.
* 228 Il s'agit là
des chapitres 2 : « Particularités de ma vie
publique jusqu'à mon rétablissement dans la
magistrature » et 3 : « Particularités
de ma vie, depuis la chute de l'empire, jusqu'à mon intervention directe
dans le mouvement politique de la Restauration » de sa
Biographie morale et politique..., op.cit, T3940.
* 229 Rey, op.cit, T3940,
p.56
* 230 Rey, op.cit, T3940,
p.57.
* 231 Rey, ibid, T 3940,
p.57.
* 232 Rey, ibid, T 3940,
p.64
* 233 Rey, T 3940, op.cit, p.
68
* 234 Rey, T3940, op.cit,
p.68
* 235 Rey, T3940, op.cit,
p.79
* 236 Rey, T3940,op.cit,
p.81/82.
* 237 Rey, T 3940, p.84.
* 238 Rey, T 3940, p 85/86
* 239 Rey, T 3940, p.97/98
* 240 Rey, T 3940, p.99
* 241 Rey, T 3940, p.100
* 242 Rey, T. 3940, p.101
* 243 Rey, T. 3940,
p.114,115.
* 244 Rey, T 3940,
p.114,115.
* 245 Rey, T.3940,
p.116/117.
* 246 Rey, T.3940, p.117.
* 247 Rey, T.3940, p.117.
* 248 Rey, T.3940, p.118
* 249 Rey, T.3940, p.118
* 250 Rey, T.3940, p.119.
* 251 Joseph Rey, De
l'état actuel de la France sous le rapport de quelques idées
politiques, Paris, Delaunay, librairie Charles imprimeur, 1814, 23 p,
coté X.84
* 252 J.Rey, T 3940, op.cit,
p.124.
* 253 Rey, T 3940, p.126
* 254 Rey, T 3940, p.130
* 255 Cf, T 3940, p.130.
* 256 Cf, T 3940, p.130.
* 257 Joseph Rey, T 3940,
p.143/144.
* 258 Joseph Rey,
Mémoires sur la Restauration, op.cit, T.3938. Des copies
fac-similés de pages extraites de ce volume et relatant cet
épisode sont placées en annexe.
* 259 Cette loi
adoptée à la chambre sous la pression des ultras le 30 juin 1820,
établissait que 258 députés seraient élus par tous
les électeurs au scrutin d'arrondissement, et 172 au chef-lieu du
département par le quart des plus imposés d'entre eux,
assurés ainsi de pouvoir voter deux fois ; Cf., Caron, La France
de 1815 à 1848, op.cit, p.18. De même pour Louis Girard,
« il est probable que ce petit coup d'Etat a sauvé la
Restauration, au moins pour une dizaine d'année », Girard
cité par Caron, op.cit, p.18. Notons par ailleurs quelques lois
illustrant bien le verrouillage progressif du régime d 1819
à 1822 : - loi du « double vote » (30 juin
1820) ;
- loi de mars 1820 rétablissant la censure et
l'autorisation préalable à toute création de
journaux ;
- ordonnances du 5 juillet 1820 sur l'enseignement
supérieur renforçant le contrôle des autorités sur
les professeurs et les étudiants (les cours de Guizot et de Cousin
seront notamment suspendus en juin 1820) ;
- ordonnance du 27 février 1821 plaçant
l'enseignement secondaire sous la surveillance du clergé ;
- nouvelle loi sur la presse en 1822 instaurant des tribunaux
correctionnels pour les procès de presse et autorisant le gouvernement
à suspendre des journaux pour délit de tendance contraire aux
intérêts de l'Etat...
* 260
« C'était un véritable coup d'Etat, qui rompait
ouvertement le pacte social, puisqu'on arrachait brutalement à la
législature un de ses membres dont on avait reconnu l'élection
régulière...Dès lors, les esprits les plus scrupuleux se
préparaient à l'idée qu'une autre voie deviendrait
inévitable et qu'elle serait entièrement légitime. Je me
rappelle parfaitement le résultat de toutes nos conversations intimes
à cet égard... », Rey, T 3939, p.139.
* 261 Rey, T 3938.
* 262 J.Rey, T3938,
p.1 ; Rey évoque à nouveau l'invalidation de
l'élection de Grégoire en décembre 1819 et surtout son
expulsion violente de la Chambre par les députés ultras, quelques
semaines auparavant...
* 263
« J'étais un de ceux qui, malgré le reproche
d'exagération qu'on m'a si souvent adressé, conservèrent
le plus longtemps, sinon la moindre illusion sur les vues de notre adversaire,
au moins l'espérance que des causes morales nous sauveraient
peut-être de l'abyme où l'on voulait nous
enterrer. », Rey, op.cit T 3839, p.3.
* 264 J.Rey, T 3938, p.10
* 265 J.Rey, T 3938, p.12
* 266 Section 1 du tome 1,
T 3938, « Suite des antécédents de Dumoulin,
divers projets de conspiration en 1819, mon refus d'y
participer », p.9
* 267 Voir Portrait de Jean
Baptiste Dumoulin en annexe.
* 268 Aucune notice
biographique sur Dumoulin ne put être trouvée, il est ainsi absent
des dictionnaires de Rochas et de Maîtron. La présentation faite
du personnage repose donc uniquement sur la description qu'en fait Rey.
* 269 J.Rey, op.cit, T 3839,
p.4
* 270 Rey, T. 3938, p.3
* 271 Cf, Rey, T.3938,
p.5/6
* 272 Rey, T.3938, p.7
* 273 Rey, T.3938, p.8
* 274 Rey, T.3938,
p ;7
* 275 Rey, T.3938, p.9
* 276 Bérenger de la
Drôme (Alphonse-Marie Bérenger) : né à Valence
en 1785, avocat général à la Cour impériale de
Grenoble en 1811, il est d'abord bonapartiste. Elu député
à Valence en 1815, il se prononce en faveur du maintien de la dynastie
napoléonienne. Réclamant le couronnement de Napoléon II et
la proscription des Bourbons, il démissionne à leur retour. De
retour à Paris en 1818, il ouvre à l'Athénée un
« cours public de droit naturel et des gens ». Il publie la
même année De le justice criminelle en France, exposé
des abus et des arbitraires que la politique aurait fait introduire dans nos
lois criminelles. Ami de Dumoulin et donc de Rey, il intègre
l'Union en devenant le principal instigateur du complot du 19 août 1820.
Député de la Drôme en 1828 et 1830, il siège avec
les libéraux. Il arrêtera toute activité politique avec
l' « échec » de la révolution de 1848.
Meurt à Paris en février 1866. Notice biographique
réalisée à partir de la notice de Adolphe Rochas,
Biographie du Dauphiné, op.cit, T.1, p.107 ; notice
consultable en Annexe.
* 277 Rey, T.3938, p.10.
* 278 Rey, T.3938, p.9. Rey
évoque ici le « Bazar français », magasin
tenu par d'anciens militaires et situé rue Cabet à Paris,
où Rey rencontrera plus tard le capitaine Nantil qui l'aidera à
rallier plusieurs officiers pour le projet du 19 août 1820. Il s'agissait
bien d'une arrière boutique qui longtemps non-soupçonnée
par la police, sera un foyer de diverses conspirations militaires et notamment
des Charbonniers français.
* 279
« Pendant que je m'absorbais ainsi dans une mission morale, il
n'en était pas de même de plusieurs de mes amis, notamment de
Bérenger, qui avait réveillé comme on l'a
déjà vu les projets de Dumoulin. Celui-ci restant d'ailleurs
à Paris et n'ayant pas d'ailleurs en Dauphiné les relations
puissantes que pourraient donner l'Union dont il n'était pas membre, ce
fut Bérenger (qui lui était membre) qui se rendit à
Grenoble où il reprit toute la pensée du complot, en la
transformant selon les éléments qu'il avait
particulièrement à sa disposition...garantie plus efficace,
Bérenger préparait une Constitution qui était
quasi-Républicaine ...(...) Bérenger devint ainsi
désormais l'agent principal et la plupart de ses coopérateurs
ignoraient même que l'idée lui en eût été
suggéré par Dumoulin », Rey, op.cit T 3938,
p.12/13
* 280 « Je
suis persuadé qu'alors, comme plus tard, il y avait conviction dans le
coeur de Bérenger, homme sincère mais d'une faible imagination
(sic !), maintenant, voué dit-on à des idées
mystiques, dont le germe avait été vraisemblablement la cause de
son intime liaison avec Grégoire en 1819... », Rey,
T.3839, p.18.
* 281 Rey, T 3938, p.21
* 282 Rey, T 3938, p.19
* 283 Rey, T 3938, p.19
* 284 Rey, op.cit, T 3938,
p20.
* 285 Rey, T.3938, p.20
* 286 Rey, T 3938, p.20
* 287 Rey, T 3938, p.21
* 288 Rey, T 3938, p.21
* 289 Rey, T 3938, p. 22
* 290 Rey, T 3938,
p .23
* 291 Rey, T.3938, p.24
* 292 Rey, T 3938, p.24
* 293 Rey, T 3938, p.24
* 294 Rey, T 3938 ,
p.25
* 295 Rey, T 3938, p.26
* 296 Rey, T.3938, p.26
* 297 Rey, T.3938, p.26
* 298 Rey, T. 3938, p.26
* 299 Rey, T.3938, p.26.
* 300 Rey, T3938, p.28.
* 301 Parmi ces
étudiants, notons les présences de Joubert et de Duguied, qui
seront à l'origine de l'implantation de la Charbonnerie en France. Nous
prions d'ailleurs le lecteur de nous excuser de ne pas réserver une
place à l'étude de cette dernière organisation. Ce choix
fut justifié pour deux raisons : d'une part, car Joseph Rey
n'intégrera pas la Charbonnerie française, s'exilant en
Angleterre en 1820 ; d'autre part, car nous avons souhaité
privilégier selon une simple logique historique le rapport d'influence
qui a pu s'établir entre d'une part les
« révolutions » libérales espagnoles, et
italiennes sous l'influence des Carbonari et d'autre part la conspiration
à laquelle Rey et l'Union participèrent, à savoir celle du
19 août 1820.
* 302 Rey, T 3938, p.28
* 303 Rey, T 3938, p.28/29.
* 304 Cf, Rey, T 3938, p.30
* 305 Rey, T 3938, p.34.
* 306 « C'est
ainsi que dés le mois de mai 1820, on avait annoncé mon
arrestation (peut-être) pour la provoquer comme étant
impliqué dans un complot, auquel je ne songeai certainement pas et
auquel personne peut-être ne songeait en ce moment. »,
Rey, T 3938, p.35.
* 307 rappelons que ce sont
les unionistes de Paris qui le convainquirent de prendre en charge la plainte
des familles des victimes de Donnadieu alors que Rey précise bien dans
ses mémoires, comme nous l'avons vu, qu'il n'aurait pas pris part au
complot sans but de Didier : « J'y serais certainement
resté étranger, comme tous mes amis politiques de Grenoble, qui
ne le trouvaient pas dans leurs principes, et n'avaient pas confiance en leur
chef... », Rey, op.cit, Ma biographie morale et
politique..., T 3940, p.119.
* 308 Rey, T. 3938, op.cit,
p.40.
* 309 Rey, T. 3938, p.39
* 310 Rey, T.3938, p.40.
* 311 Rey, T.3938, p.40
* 312 Rey, T.3938, p.40
* 313 Gilbert Cariol et
Auguste Sautelet étaient deux brillants étudiants de Cousin,
affiliés à la Loge des Amis de la Vérité et
entièrement dévoués à la lutte contre la
répression du régime... Sautelet se suicida à l'âge
de trente ans. Pour plus d'informations sur ces fidèles de
« l'éclectique » Cousin, se reporter à
l'ouvrage de A.B Spitzer, précédemment cité, The French
Generation of 1820...
* 314 Rey, op.cit, T 3938,
p.39
* 315 Rey, op.cit, T.3938,
p.41
* 316 Rey, T 3938, p.41
* 317 Dumoulin cité par
Rey, op.cit, T.3938, p.41.
* 318 Rey, T 3938, p.42
* 319 Dumoulin cité par
Rey, op.cit, T.3938, p.41.
* 320 Rey, op.cit, T. 3938,
p.42
* 321 Pajol :
né à Briançon en 1772, servit pour la République et
l'Empire mais sera ensuite finalement élevé par Louis XVIII
à la dignité de Chevalier de St Louis. Pajol se rallie comme tant
d'autres officiers à Napoléon à son retour de l'île
d'Elbe. Pair de France, Grand Aigle de la légion d'Honneur, Pajol est
mis en inactivité le 22 octobre 1825. Il demeurera toujours un grand
ennemi des Bourbons. Dumoulin qui apprécie d'ailleurs beaucoup son
« anti-bourbonisme » l'amena à rencontrer Rey... La
demeure de Pajol fut à ce titre un lieu privilégié de
rendez-vous des officiers mécontents face au monarque ou simplement
nostalgiques de l'Empire.
* 322 Rey, T.3938, p.43
* 323 Rey, T.3938, p.43
* 324 Victor Cousin :
né à Paris, le 28 novembre 1792, fils d'un ouvrier joaillier et
d'une blanchisseuse, Cousin était l'assistant de Royer-Collard qui
appartenait au groupe des doctrinaires, se satisfaisant du
« juste-compromis » de la Charte du 4 juin. De par ses
méthodes d'enseignements qualifiées parfois d'excentriques par
ses détracteurs, Cousin exerça une grande influence sur la
jeunesse parisienne des années 1815 et plus encore des années
1830...Il fit de brillantes études au lycée Charlemagne puis
à l'Ecole normale de 1810 à 1812. En 1815, à vingt-trois
ans !, l' « enfant prodigue » (Spitzer)
succède à Royer-Collard, comme professeur de philosophie à
la Sorbonne et devient par ailleurs le précepteur des enfants du duc
de Montebello qui devait prendre la tête de l'ancienne garde nationale
lors de l'insurrection du 19 août... A l'origine de la doctrine
philosophique de « l'éclectisme », vaste ambition de
synthèse des meilleurs éléments de Vérité de
chaque philosophie, système jugé parfois brouillon.. , Cousin est
connu pour ses Fragments philosophiques et nouveaux fragments
(1828-1833) mais surtout pour la grande fascination qu'il exerçait sur
ses élèves... Sont souvent mis dos à dos les Eclectiques
et les Idéologues, ces derniers étant plus attachés
à une certaine rigueur scientifique, et se méfiant des
spéculations métaphysiques auxquelles le
« sensualisme » cousinien tend à s'adonner. Cousin
meurt en 1867 ; « la littérature y a gagné et
la philosophie n'y a rien perdu ! » ,dixit le Journal
de la France et des Français, Chronologie politique, culturelle et
religieuse de Clovis à 2000, op.cit, p.1448.
* 325 Rey, op.cit, T. 3938,
p.43/44.
* 326 Rey, T.3938, p.44
* 327 Cf, Rey, T. 3938,
p.45
* 328 C.f, Rey, T. 3938,
p.46/47
* 329 C.f, Rey, T.3938,
p.46
* 330 C.f, Rey, T.3938,
p.46
* 331 Rey, T.3938, p.46
* 332 Rey,
T.3938 ;p.45.
* 333 Rey,
T.3938 ;p.47
* 334 Rey,
T.3938 ;p.47
* 335 Rey,
T.3938 ;p.47
* 336 Rey,
T.3938 ;p.47
* 337 Rey,
T.3938 ;p.48
* 338 Cf, Rey,
T.3938 ;p.50
* 339 Ces mémoires
sont ainsi à la fois un récit historique, biographique et
politique, mêlant toujours chaque témoignage aux contingences
historiques de l'époque.
* 340 Cf carte des villes
où furent recrutés les principaux conjurés, en Annexe.
* 341 Cf, Rey, T. 3938,
p.22
* 342 Rey, T.3938, p.75. Le
Bazar français était bien un magasin ou s'exposaient des objets
d'arts et de commerce, situé au n°11 de la rue Cadet, à
Paris.
* 343 Rey, T.3938, p.76
* 344 Rey, T.3938, p.76
* 345 Cf, Rey, T.3938, p.82
* 346 Cf, Rey, T.3938, p.82
* 347 Cf, Rey, T.3938, p.64
* 348 Cf, Rey, T.3938, p.6
* 349 Rey, T.3938, p.9
* 350
« C'était surtout au nom des idées de l'Empire
qu'on avait monté l'esprit des officiers mécontents, et de toute
la masse des sous-officiers, qui constituent, lorsqu'ils sont d'accords, une si
grande force dans les régiments. », Rey, T.3938, p.49
* 351 Cf, Rey, T.3938,
p.126
* 352 Rey, T.3938, p.123
* 353 Rey, T.3938, p.123
* 354 Ses six mesures sont
situées sur des pages 124 à 129, Rey, T.3938.
* 355 Rey, T.3938, p.52
* 356 Rey, T.3938, p.48
* 357 Rey, T.3938, p.48
* 358 Rey, T.3938, p.49
* 359 Rey, T.3938, p.56
* 360 Rey, T.3938, p.138
* 361 Nantil est, selon
Rey, né à Pont à Mousson le 31 décembre 1790, d'un
père « partisan sincère et éclairé de la
Révolution » (Rey, T.3938, p.64), il reçut très
vite au collège de la ville « l'éducation patriotique
et militaire » dispensée à l'est de la France. Admis
à Polytechnique en 1807, il est nommé à dix neuf ans sous
lieutenant d'infanterie. Il s'illustre dans sa grande dévotion à
Napoléon , participant à la campagne de Russie
(blessé), prisonnier lors de la bataille de Moscou. Il enchaîne
sur la campagne de Pologne, tentant de regagner la France lorsqu'il apprend le
retour à Paris de l'empereur, il est arrêté à Dresde
où il demeurera incarcéré et finalement
libéré qu'après Waterloo...Il rentre donc trop tard en
France en 1816 et observant la colère des ultra contre les bonapartistes
accusés de « régicides » développent
à son tour sa haine des Bourbons. Ces derniers le maintiennent pourtant
dans son grade de capitaine de la légion de la Meurthe. Rey
l'apprécie beaucoup même si il regrette son esprit trop
« teinté d'absolutisme » (Rey, T.3938,
p.154/155).
* 362 Cf, Rey T.3938, p.132
* 363 Rey, T.3938, p.134
* 364 Cf, Rey, T.3938,
p.135
* 365 Cf, Rey, T.3938,
p.135
* 366 Rey, T.3938, p.137
* 367 Rey, T.3938, p.140
* 368 Rey, T.3839, p.144
* 369 Rey, T.3839, p.148
* 370 Rey, T.3839, p.148
* 371 Rey, T.3938, p.151
* 372 Rey, T.3938, p.152
* 373 Cf, Rey, T.3938, p.
163
* 374 Rey, T.3938, p.168
* 375 Rey, T.3938,
p.140-141
* 376 J.Rey, T.3938,
p.194 .
* 377 « Je
sentis de plus en plus se développer en moi le goût de
l'étude dont j'avais déjà le germe, et qui prit d'autant
plus de force dans mon esprit que j'apercevais déjà combien le
vrai savoir peut apporter de secours dans la noble mission de servir
l'humanité », Rey, Ma biographie morale et
politique..., op.cit, T.3940, p.23
* 378 « Comment
se fait-il donc, au milieu de ces dispositions favorables, de par et d'autres
que je n'obtins jamais de mon père une seule caresse ? Comment se
fait-il donc qu'il rendit mon enfance extrêmement malheureuse, et qu'il
ne connut jamais lui-même les douceurs du sentiment
paternel ? », Rey, op.cit, T.3940, p.9.
* 379 Rey, T.3940, op.cit,
p.16
* 380 Rey, T.3940, op.cit,
p.17
* 381 « ces
lectures devaient surtout contribuer, par la douceur générale du
caractère de ces ouvrages, à tempérer chez moi le
stoïcisme, parfois trop ancré des vertus grecques et romaines, ou
de celles qui devaient trouver le cours de la crise
révolutionnaire... », Rey, T.3940, p.17
* 382
« Toutes mes sympathies se tournèrent vers les
victimes...(..) ..tout fut dénaturé dans l'opinion
publique », Rey, op.cit, T.3940, p.20
* 383 « Cette
phase réactionnaire fut aussi une véritable terreur
contre-révolutionnaire, aussi compressive que la première, qui
faillit livrer la France à ses ennemis, en décimant ses plus
énergiques défenseurs », Rey, T.3940, p.18
* 384 Rey, T.3940, op.cit,
p.22
* 385 Rey, op .cit,
T.3940, p.24
* 386 Rey, op.cit, T.3940,
p.29
* 387 Rey, op.cit, T.3940,
p.35
* 388 Cf, Georges Weill,
Les mémoires de Joseph Rey, op.cit, p.303.
* 389 Il termine ainsi son
Du Perfectionnement des études légales dans l'état
actuel de la société, Paris, Treuttel, Wurtz, 1827 et
travaille à un ouvrage sur les institutions judiciaires anglaises :
Des institutions judiciaires de l'Angleterre, comparées avec celles
de la France et de quelques autres Etats anciens et modernes, Paris,
Nève, 1826, 2 volumes.
* 390 J.Rey,
Mémoires sur la Restauration, op.cit,T.3938, p.24,
2nde pagination.
* 391 Robert Owen
(1771-1858) : industriel philanthrope, Owen se passionna pour les
questions de pédagogie en promouvant notamment la création de
jardins d'enfants, et de méthodes actives d'enseignement. En 1817, il
élaborera des projets de « villages de
coopération » pour les classes les plus démunies.
Emigrant aux Etats-Unis en 1824, il tente sans succès de monter une
communauté « New Harmony ».... Multipliant les
projets de coopération sans succès, il trouvera cependant un
écho auprès de socialistes utopiques français comme Cabet
et Rey...
* 392 J.Rey, Lettres sur
le système de coopération mutuelle et de la communauté de
tous les biens, d'après les plans de M.Owen, Paris, Sautelet &
Cie, 1828.
* 393 Nous nous appuyons
ici sur le chapitre consacré à Owen de Paul Louis, Cent
cinquante ans de pensée socialiste, Librairie Marcel Rivière
et Cie, Paris, 1947, 261p. cf. le chapitre consacré à R. Owen,
p.45.
* 394 Owen,
« Idées de la communauté », extrait
cité par Paul Louis, op.cit, p.49
* 395 Owen, « Le
livre du nouveau monde moral », extrait cité par Paul Louis,
op.cit, p.53.
* 396 Cf, J.Rey,
Correspondance St-simonienne, décembre 1831-septembre 1832,
op.cit.
* 397 C.f , Serge Dupuis,
Robert Owen, un socialiste utopique (1771-1858), éd du CNRS,
octobre 1991, 361p. « Le voyage aura lieu en 1837 mais
malgré les articles enthousiastes du New Moral World, organe de
l'école, rien de notable en résultera.... », Serge
Dupuis, op.cit, p.310.
* 398 Rey, T.3938,
p.122-123, 2nde pagination.
* 399 Rey, Correspondance
communiste, lettre du 1er août 1842 ; T.3951.
* 400 Rey, Correspondance
communiste, lettre du 1er août 1842 ; T.3951
* 401 Appel au
ralliement des socialistes, Paris, Librairie Phalanstérienne, 1847,
15.p, in T.3939
* 402 Rey, Appel au
ralliement des socialistes, op.cit, p.3 à 6
* 403 Réponse de
Considérant à l'Appel au ralliement des socialistes, in Rey,
Appel au ralliement des socialistes, op.cit.
* 404 Rey,
Correspondance communiste, lettre du 26 août 1847
* 405 Profession de foi
électorale du citoyen Joseph Rey, ex conseiller à la Cour d'appel
de Grenoble, Grenoble (30 avril 1849), 6 p., U 7915.
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