1.2.3 Les travaux empiriques sur le developpement du
secteur prive :
Dans le but d'ceuvrer pour l'amelioration
significative de la competitivite de leurs economies respectives et pour
l'accroissement massif des investissements interieurs et des investissements
directs etrangers, plusieurs nations africaines a l'instar du Benin ont
developpe des strategies economiques fondees sur les privatisations des
entreprises d'Etat dont la plupart etait en faillite et sur la mise en place
d'un cadre favorable au developpement du secteur prive. Ainsi, les nombreux
travaux empiriques realises sur l'etat des lieux des politiques de
developpement du secteur prive, sont alles dans le sens de l'analyse du bilan
des privatisations, de la justification des privatisations, de l'examen de la
politique de
l'investissement, de l'évaluation du climat des
investissements, de l'analyse du cadre réglementaire et institutionnel
d'incitation aux initiatives privées ~ travers des enquêtes sur le
climat des affaires et enfin de l'analyse des contraintes majeures au
développement du secteur privé telles que : la
prédominance du secteur informel, la corruption, les difficultés
d'accés aux crédits etc.9.
A propos de la privatisation, elle se définit
comme le processus suivant lequel la propriété d'une entreprise
préalablement détenue dans les girons de l'Etat est
transférée aux opérateurs économiques
privés. Cette définition traduit un désengagement de
l'Etat du systéme de production. Pour justifier l'opportunité
d'une telle mesure et lever l'équivoque sur les controverses entourant
l'efficacité des secteurs public et privé, des travaux ont
été réalisés par plusieurs économistes dans
le monde. Ainsi, en comparant les performances des secteurs privé et
public dans le domaine de la collecte des ordures ménagéres dans
83 villes du Midwest américain, Petrovic et Jaffee (1977) sont
arrivés a la conclusion suivant laquelle le coat de la collecte des
ordures ménagéres par les entreprises publiques est 15% plus
élevé que celui des firmes privées. De pareilles
recherches ont été initiées quelques années plus
tard par Boardman et Vining (1989). Ils ont ainsi procédé a la
comparaison de la performance de prés de 500 entreprises privées,
mixtes et publiques a l'échelle internationale dans les pays
industrialisés (a l'exception des Etats-Unis). Les conclusions issues de
ces recherches révélent que les sociétés d'Etat
sont moins efficaces, moins rentables et productives que les autres formes
d'entreprises. Ces travaux justifient en effet la nécessité pour
l'Etat de se désengager de la gestion des activités
économiques pour favoriser la croissance économique a travers le
développement du secteur privé. Plusieurs pays de l'Afrique
Subsaharienne se sont donnés a cet exercice avec une trés grande
ampleur. Au bilan, les réalités différent d'un pays a
l'autre et d'un secteur d'activités a l'autre. En évaluant
l'impact des privatisations sur la performance et l'efficacité
micro-économique des entreprises privatisées au Bénin,
Hachimi Sanni Yaya (2005) est arrivé a une conclusion
générale moins reluisante : les résultats induits par la
privatisation sur la
performance des sociétés d'Etat en
Afrique 0ccidentale notamment au Bénin, sont mitigés. Les
résultats du test réalisé sur un échantillon de
douze entreprises privatisées indiquent que l'augmentation de la
performance de ces diverses entreprises privatisées en termes de
rentabilité n'est pas significative. Sur l'échantillon total,
seulement 38,26% ; 41,08% et 45,12% des entreprises sont parvenues a
améliorer leur performance, respectivement en termes de rendement sur
les ventes (R0S), de rendement sur les actifs (R0A) et en termes de rendement
sur les capitaux propres (R0E). Cependant, meme si cette derniere these vient
relancer le débat sur l'opportunité de la privatisation
intégrale, la littérature économique s'accorde sur le fait
que la privatisation reste un préalable important dans la politique de
développement du secteur privé.
Par ailleurs, une étude de la Banque Mondiale
réalisée au Bénin en 2005 sur un échantillon de 320
entreprises formelles du secteur manufacturier, du tourisme, de la construction
et du commerce, a révélé que le secteur privé
béninois exerce ses activités dans un assez bon cadre
macroéconomique marqué par une croissance moyenne d'environ 4,9%
notée sur la période 1994-2004. Néanmoins, le climat des
affaires au Bénin en 2004/2005 n'est globalement pas favorable au
secteur privé, quels que soient les secteurs. En effet, l'environnement
macroéconomique favorable n'est pas arrivé a contrer le manque de
compétitivité du secteur privé qui demeure
confronté a des faiblesses structurelles persistantes. Les faiblesses
identifiées dans le cadre de cette étude sont entre autres la
corruption qui constitue un motif sérieux d'inquiétude pour 83,9%
des entrepreneurs du secteur manufacturier ; les contraintes
réglementaires notamment en ce qui concerne les taux d'imposition et
leur administration et les défaillances du systéme judiciaire. A
ce niveau, l'équipe de la Banque Mondiale a noté qu'environ deux
tiers des entrepreneurs ont peu confiance dans la cohérence du cadre
réglementaire et judiciaire puisque ils trouvent que
l'interprétation et l'application par les fonctionnaires des
réglements et lois qui affectent leur établissement sont
incohérentes et imprévisibles. Les disfonctionnements du
marché financier, l'accés biaisé et trés couteux
aux crédits bancaires, les difficultés dans la
fourniture de l'energie electrique et le manque de
competitivite du Port Autonome de Cotonou constituent egalement des contraintes
majeures identifiees dans le cadre de l'enque-te pour l'Evaluation du Climat
des Investissements (ECI) de la Banque Mondiale en 2005.
En utilisant les indicateurs de « Doing Business
N, l'Indice de Liberte Economique de Heritage Foundation et l'indicateur
risque-pays de la Compagnie Frangaise d'Assurance pour le Commerce Exterieur,
la DGAE a procede en 2008 a l'analyse diagnostique du climat des affaires au
Benin. Les resultats issus de cette analyse indiquent que le climat des
affaires actuel beninois n'est pas des plus attractifs. Il se caracterise par
des procedures de creation d'entreprise longues et couteuses pour les
promoteurs ; une fiscalite elevee ; un systeme judiciaire peu specialise dans
le domaine des affaires ; des droits de propriete peu exerces ; un faible
developpement financier qui se traduit par un acces difficile et couteux au
credit ; une administration peu performante ; un acces limite en qualite et a
moindre couts aux facteurs de production et une fragilite des performances
economiques.
Dans le processus de creation par l'Etat d'un cadre
propice au developpement du secteur prive, certains economistes ont defendu la
mise en place d'infrastructures publiques susceptibles d'attirer les
investisseurs prives. C'est le cas d'Easterly et Rebelo (1993). Dans un
echantillon compose de cent pays, ils mettent en evidence le role important des
infrastructures (specialement les transports et la communication), dans la
croissance de la production d'un pays. Ils estiment que les infrastructures
jouent un role trés crucial dans la productivite des entreprises
privees. Dans le me-me ordre d'idee, J-C Dumont et S. Mesple-Somps
(2000) ont analyse l'impact des infrastructures publiques sur la competitivite
et la croissance de l'economie senegalaise avec un modéle d'Equilibre
General Calculable. Ils sont parvenus a montrer que l'expansion des
infrastructures publiques avait des effets importants sur les performances
commerciales des secteurs manufacturiers. A travers l'adoption d'une politique
de promotion du secteur prive, l'Etat entend faire accroitre l'investissement
prive y compris les investissements
directs etrangers. Des lors, l'investissement prive
devient un element fondamental qui renseigne sur la nature du climat des
affaires dans l'economie. En procedant aux estimations des donnees provenant de
Heritage Foundation, la DGAE (2008) est arrivee a la conclusion selon laquelle
l'amelioration du climat des affaires entraine une hausse des investissements
prives. Plus specifiquement, le renforcement de la lutte contre la corruption
et l'amelioration de l'exercice des droits de propriete augmentent positivement
et significativement (seuil de 5%) l'investissement prive. Les travaux realises
en 2003 par T. Lyssenko a partir d'un echantillon de 26 pays de l'Europe et
d'Asie centrale, confirment cette realite avec des chiffres a l'appui : une
amelioration de l'environnement des affaires de 0,5 point se traduirait par une
augmentation du taux d'investissement de 5%. Ainsi, la politique de
developpement du secteur prive pourrait être jugee par rapport a
l'evolution de l'investissement prive dans l'economie.
Lorsque la politique de l'Etat en matiere de promotion
du secteur prive manque d'efficacite, cela entraine une persistance des
entraves au developpement des activites economiques et des faiblesses
remarquables au sein du secteur prive. S'il y a une veritable difficulte a
laquelle se retrouvent confrontes les operateurs economiques prives, elle
serait relative a l'obtention des credits bancaires necessaires pour le
financement des differents projets d'investissement. Dans une approche
macroeconomique, Emilio Sacerdoti (2009) propose une analyse des problematiques
de financement du secteur prive en Afrique Sub-saharienne. Les conclusions de
cette analyse publiees dans un article intitule g Credit et secteur prive en
Afrique : evolution et enjeux N, Secteur privé et
Développement, n°1, pp. 9-13, stipulent que l'Afrique
Sub-saharienne reste toujours tres en retard par rapport aux autres regions en
developpement en matiere de volume de credit accorde au secteur prive. En
dehors de l'Afrique du Sud et de l'Ile Maurice, dans la quasi-totalite des pays
d'Afrique Sub-saharienne, la part des credits octroyes par les banques au
secteur prive n'a tourne qu'autour de 20 et 25% maximum du PIB en 2007. Les
raisons evoquees pour justifier cet etat de chose concernent le niveau
relativement eleve des taux d'interêt,
l'importance des garanties exigées et la
complexité des procédures prévues a cet effet.
Le dilemme qu'impose la prédominance de
l'économie informelle dans les pays sous développés a
également fait l'objet de plusieurs travaux. Faisant une analyse du
poids du secteur informel dans l'évolution des IDE au Bénin,
Laurent Akpo et Raoufou Souleymane (2009) ont conclu que le secteur informel
constitue le premier frein a l'implantation des investisseurs dans les secteurs
productifs orientés vers la consommation de masse. Allant dans le
même sens, Morillon et Afouda (cités par Akpo et Souleymane, 2009)
ont indiqué a titre illustratif que le secteur informel pétrolier
qui est emblématique du dualisme économique au Bénin,
demeure la première entrave a l'installation quantitative et qualitative
des firmes de distribution voir d'extraction pétrolière au
Bénin. Pour résoudre le problème, ces différents
auteurs préconisent l'intervention de l'Etat dans la prise de mesures
adéquates visant une intégration progressive du secteur informel
au tissu économique formel. Une enquête sur le secteur informel
réalisée en juin 2008 par le LARES et dirigée par le
professeur John 0. Igué a révélé a ce propos que
70% des enquêtés souhaitent une formalisation de leurs
activités a condition que des solutions idoines soient apportées
a deux de leurs préoccupations majeures : la pression fiscale et les
lourdeurs administratives notées dans la création des
entreprises. Ils souhaitent tous une fiscalité simplifiée et 60%
d'entre eux sont favorables au guichet unique pour les formalités de
création d'entreprises.
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