INTRODUCTION GENERALE
La présente introduction générale de
notre étude s'articule autour de six points à savoir :
problématique, hypothèse, choix et intérêt du sujet,
délimitation du sujet, méthodologie et canevas du travail.
I. Problématique de l'étude
Depuis le déclenchement de la crise économique
et financière au milieu des années 1990, les conditions de vie
des populations congolaises ne cessent de se dégrader. En effet, les
programmes d'ajustement structurel mis en oeuvre pour faire face à cette
crise ont été caractérisés entre autres par
l'arrêt des recrutements, la réduction des effectifs de la
fonction publique et la réduction des salaires de plus ou moins
30%1. Cette situation a conduit à l'effritement du pouvoir
d'achat et surtout à la paupérisation des ménages dans la
mesure où la fonction publique occupe une grande partie de la population
active et chaque fonctionnaire a en moyenne huit personnes à
charge2.
Après les multiples dévaluations de la monnaie
nationale et les événements sociopolitiques que le pays a connus
et continue à connaître ont aggravé cette situation
occasionnant ainsi de nombreuses pertes en vies humaines, la destruction des
logements et des unités de production. Le rapport national du Programme
des Nations Unies pour le Développement publié en 2002 estime
à 71,1% le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de
pauvreté. Sur le plan alimentaire, il ressort du rapport conjoint de FAO
et PAM sur l'état de l'insécurité alimentaire dans le
monde, qu'en 2000 à 2002 il y avait 36,6 millions de nombre de personnes
sous-alimentées et de 2004 à 2006 une proportion de 75% de
personnes sous-alimentées dans la population totale. Cette situation
dont l'une des conséquences est la mortalité
1 SHEPHERD A. et FAROLFI S, Libéralisation
du secteur des cultures d'exportation en Afrique, Rome, 1999, p.7
2 PNUD : Rapport de développement humain
2008
infantile estimée à 92%o est surtout
préoccupante dans les zones rurales3. La malnutrition
protéine énergétique avec une Disponibilité
Energétique Alimentaire (DEA) estimée à 1.701 kcal/jour
par habitat, l'anémie nutritionnelle, l'avitaminose A et les maladies
par carence en iode sont les problèmes les plus graves en matière
de nutrition dans le pays.
Dans le secteur agricole, l'insistance des réformes
à caractère libéral dans le contexte actuel de
mondialisation a amené l'Etat à se désengager sans
même que les conditions ait en été réunies à
cet effet. Plus dramatique, le retrait de l'Etat ne s'est pas accompagné
d'une relève pour le secteur privé qui est encore embryonnaire et
qui a du mal à jouer le rôle de premier plan qui lui est
dévolu. Cette situation a aggravé la dégradation de la
situation dans le secteur agricole qui faisait déjà face à
la faillite des offices de commercialisation des produits vivriers et des
cultures de rente.
En effet, malgré une population active agricole
estimée à 74,4%, des superficies cultivables environ 97% et des
conditions naturelles favorables, les activités agricoles ne couvrent
que 10% d'hectares de terres cultivables4. Les techniques
utilisées restent rudimentaires et les exportations agricoles
(café, l'huile de palme, le coton, le cacao...) sont quasiment nulles.
La production vivrière est inférieure à la demande
intérieure et le déficit est comblé par l'importation
massive des produits alimentaires estimée à 675,0 milliers de
tonnes soit 25,5 millions de dollars US et une aide alimentaire environ de 72,4
milliers de tonnes entre 2004 à 20085.
A propos de ces importations massives, Jean-Pierre
Bertrand et Guillermo Hillcoat affirment que les
importations alimentaires sont soumises aux mêmes risques
d'instabilité que les recettes d'exportation6. Si les
céréales
3 Action Contre la Faim(ACF), Rapport d'enquête
nutritionnelle 2004
4 YUNG J.M et BOSC P.M, Le développement
agricole au sahel, tome IV, Paris, 1992, p.44
5 Banque Mondiale, Indicateurs de développement
de l'Afrique 2004
6 BERTRAND (J.P) et HILLCOAT (Guillermo),
Brésil et Argentine : la compétitivité agricole et
agro-
alimentaire en question, INRA et l'harmattan, Paris,
1996, p.34
importées constituent une ressource bon marché,
rien n'assure que ce phénomène sera durable. Le prix du
blé a doublé entre 1987 et 1988 à la suite du gel des
terres aux Etats-Unis et de la sécheresse. Le marché mondial du
riz est étroit (4% de la production mondiale), ce qui rend son prix
très volatile : une simple baisse de 1% de la production chinoise
entraînerait une baisse de 10% des exportations et stimulerait les prix
à la hausse. Pourtant les importations alimentaires comme
relèvent Jean-Gilbert Theissen et Roland Pierrot jouent
un rôle sécuritaire devant le déficit de la production
nationale et surtout permettent de nourrir la population à faible
coût dans le contexte de baisse des revenus et de bas prix relatifs des
céréales sur le marché international7.
Les importations alimentaires massives n'ont pas seulement
pour origine la défaillance du secteur agricole mais aussi de deux
causes supplémentaires qui méritent d'être relevées
; Il s'agit de préférence implicite pour la ville dans les
politiques de développement et la référence à une
situation où la découverte et l'exploitation d'une ressource
naturelle entraîne une éviction des autres secteurs de
l'économie (l'agriculture par exemple). La préférence se
manifeste de nombreuses façons (politiques des prix, politique
d'investissement...). Ainsi pour des raisons sociales et politiques, dans le
but de protéger le niveau de vie des consommateurs urbains, les biens
alimentaires importés ne sont généralement pas
taxés ou ne le sont que faiblement.
Les offices de commercialisation ont malgré tout eu une
influence sur le marché, cette influence a joué dans le sens du
maintien de prix bas, au détriment des paysans et au
bénéfice des consommateurs habitants les villes. Avec la
mondialisation des échanges sous la férule de l'OMC8,
s'organise ainsi à marche forcée et extrêmement violente,
une spécialisation de la
7 THEISSEN (Jean) et PIERROT (Roland), Protection
des cultures alimentaires en Afrique de L'Ouest et Centrale, Paris, 1994,
p.30
8 OMC signifie Organisation Mondiale de Commerce
production à l'échelle de la planète au
bénéfique des régions qui peuvent exporter le moins cher,
le plus souvent à coup de subventions directes ou indirectes pour
assurer le revenu de leurs producteurs soi-disant compétitifs. Cette
logique permet en pièces les volontés de souveraineté
alimentaire des autres régions de la planète, détruit
l'équilibre ville-campagne en poussant à l'exode vers des
bidonvilles sans emploi de larges portions de la paysannerie.
Jacques Berthelot dans son analyse sur les
effets de la mondialisation sur l'agriculture pose la question de savoir ;
« comment parler sérieusement d'économie au service de
l'homme quand le prix payé pour le travail paysan se fait par la
référence à des pratiques de dumping sur des
marchés mondiaux complètement déconnectés de toute
réalité sociale et environnementale?»9.
C'est pourquoi aujourd'hui, du niveau local jusqu'à
celui des échanges internationaux, le peuple congolais doit lutter pour
la souveraineté alimentaire, pour le droit de choisir son alimentation
en quantité, qualité et contenu culturel, c'est-à-dire
selon ses traditions alimentaires.
Cette revendication fondamentale n'a rien d'abstrait. Elle
passe pour la définition de priorités comme le maintien et le
développement des produits vivrières culturellement inscrites
dans le marché intérieur, par l'adoption de prix
rémunérateurs pour que les paysans puissent vivre dignement de
leur travail, par des pratiques agricoles durables et, si nécessaire,
pour la maitrise des volumes intérieurs de production.
Dans cette optique, Jean Coussy constate que
l'explosion urbaine en Afrique modifie les consommations, elle crée des
ruptures dans les modes anciens de satisfaction des besoins et elle oblige les
autorités à répondre à la demande croissante par un
recours aux importations10. Il y a mimétisme des
modèles ou des styles alimentaires et diffusion des modèles
occidentaux par
9 BERTHELOT (Jacques), L'agriculture talon
d'Achille de la mondialisation, l'harmattan, Paris, 2004, p.7
10 NDINGA Mathias, Evaluation des importations et des
aides alimentaires par rapport à l'appui au développement de
l'agriculture : cas du Congo-Brazzaville, Brazzaville, 2004, p.4
les canaux de la publicité, de l'aide ou des effets de
démonstration des groupes occidentalisés.
Fort de ce constat, il nous a semblé avantageux
d'étudier dans ce travail ; l'incidence des importations et
aides alimentaires sur l'agriculture congolaise de manière à
protéger l'agriculture locale contre la concurrence
étrangère.
|