Les comportements sexuels et reproductifs des femmes vivant sous antirétroviraux au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Moustapha Mohammed Nsangou Mbouemboue Université Yaoundé I - Master en sociologie 2010 |
II. FEMMES SEROPOSITIVES : ENTRE CONTRAINTES AFFECTIVES, FAMILIALES, CULTURELLES ET RELIGIEUSESII.1. Les contraintes affectives et familialesDans la situation de séropositivité, les femmes sont confrontées à plusieurs contraintes qui sont d'ordre affectif et familial. Ces contraintes se font de plus en plus ressentir en fonction du statut matrimonial de celles-ci. Car, elles ne vont pas se présenter de la même manière, mais vont dépendre de leur statut vis-à-vis des hommes. C'est pour cette raison que ces contraintes se présentent avec une assez grande hétérogénéité qui est aussi fonction du statut matrimonial de ces femmes. II.1.1.Cas des femmes mariées ou ayant un (des) partenaire(s) sexuel(s)De cette enquête, il en est ressorti que les femmes en général ont le souci de vivre dans le mariage ou d'avoir à leur côté un homme. Parce que c'est le mariage qui garantit acceptabilité et responsabilité de la femme. Etant donné que la seule et unique règle de pratique des rapports sexuels en situation de VIH/SIDA reste l'usage systématique du préservatif, certaines femmes sont confrontées à plusieurs contraintes. Le premier problème est que le préservatif conduit à un modèle de restriction de naissance. Pour cela, il n'est pas accepté par tous les partenaires. Son acceptabilité dépend avant tout du niveau d'instruction203(*) et de compréhension du partenaire. En ce sens que plusieurs d'entre eux voient en cet instrument un indicateur d'infidélité de leur partenaire. Comme nous a relaté madame Pasma AHMADOU, que lorsque les personnels de santé lui ont recommandé le préservatif comme instrument devant régir ses rapports sexuels, elle a commencé à voir naître des problèmes dans son ménage. Elle continue en disant : J'étais la seule à savoir pourquoi j'insistais sur le port du préservatif à mon mari parce que je ne lui avais pas au préalable annoncé la nouvelle. Mais cependant, il m'a soupçonné et m'a traité d'infidèle. Je n'avais pas le choix que de subir ses menaces.204(*) Certaines femmes choisissent de sauver leur foyer, leur mariage au détriment de leur santé. Car, elles estiment qu'étant déjà séropositives, si elles sont abandonnées par leurs maris ou leurs partenaires, elles risquent ne plus en trouver surtout qu'actuellement au Cameroun, nombreux sont les hommes qui demandent à faire le test de dépistage du VIH/SIDA avant tout mariage. Malgré les résistances de certains camerounais vis-à-vis du dépistage, nombreux sont ceux qui n'échappent pas à cette règle. Pour certaines femmes, leurs maris, même leurs partenaires comptent beaucoup pour elles, il est donc difficile pour elles de les voir partir. Surtout que dans plusieurs ménages, malgré les transformations sociales qui s'opèrent au Cameroun, l'homme reste le pourvoyeur important des ressources. C'est lui qui assure le loyer, la nutrition, et la santé...dans le ménage. Cependant, à côté des femmes qui choisissent de préserver leur réseaux affectifs, familiaux et sociaux, il ya une autre catégorie de femmes qui préfère sauvegarder leur santé car, elle la juge primordiale. Dans le désir de préserver leur santé, certaines femmes perdent parfois le côté affectif ou familial. En ce sens qu'en essayant d'exiger le préservatif à leurs partenaires ou à leurs maris, ces derniers les abandonnent souvent pour ceux qui ne sont pas compréhensifs. C'est le cas de madame 470/03 qui affirme : Lorsque j'ai incité mon mari de porter le préservatif, il a choisi sortir de la chambre conjugale et trois mois après, il a demandé l'affectation pour Bafoussam, me laissant avec trois enfants à Yaoundé. Heureusement que grâce à mon petit boulot, je me débrouille à payer le loyer, de nourrir les enfants et d'assurer leur scolarité205(*) . Cependant, certaines partenaires qui ont au préalable été informées et qui ont choisi de continuer avec leurs partenaires dans le cas de la sérodiscordance où les femmes sont infectées, les femmes subissent les caprices de leurs partenaires. C'est le cas de madame 00670/00 qui affirme que son mari lui a dit qu'ils continuent à rester ensemble à condition que la femme accepte d'avoir une autre rivale, car pour son mari, il a de temps en temps besoin des rapports naturels qui procurent un autre type de plaisir. De même, dans certains ménages ou certains couples où les hommes ne sont pas informés du statut sérologique de leurs partenaires ou de leurs femmes, celles-ci sont généralement victimes des violences sexuelles206(*). Les hommes abusent d'elles en allant contre leur gré ou en entretenant des rapports non protégés avec elles. Surtout qu' « environ 80% des africains ont des rapports sexuels dans l'obscurité. La lumière est éteinte et les partenaires sont sous la couverture 207(*)». Ce qui fait qu'il est facile à ces hommes qui n'ont pas la culture du préservatif d'abuser de la confiance de leurs partenaires en enlevant le préservatif. Comme nous a attesté Mme 299/09, 25 ans, lorsqu'elle affirmait que : Mon partenaire a des problèmes avec le préservatif. Nous nous sommes toujours disputés à propos de son usage. Parfois il le porte mais pendant que nous passons à l'acte, il l'enlève. Il a déjà fait cela au moins trois fois et j'ai peur de l'infecter voilà pourquoi quand il me veut j'ai toujours peur. Il me dit très souvent que faire l'amour avec le préservatif ce n'est pas vraiment faire l'amour. Pour lui c'est agréable de faire l'amour sans préservatif. Mais malheureusement il ne connait pas mon statut208(*). Dans la même lancée, certains hommes créent des problèmes avec le préservatif en disant que « ça empêche la nature de suivre son cours » surtout quand ils sont ivres précise Mme SIM Judith, 39 ans, veuve. Ainsi, le traitement ARV influence la nature et l'intensité des rapports sexuels lorsque les deux partenaires sont informés de leur statut sérologique mais dans le cas où l'un des partenaires n'est pas au courant, certaines femmes continuent de dissimuler leur statut en pratiquant des rapports sexuels non protégés. Cette contrainte ne se présente pas de la même manière chez les femmes célibataires. * 203 - G. LANGUE MENYE et al, op.cit. 1999 p.11. * 204 Entretien, août 2009. * 205 Entretien, septembre 2009. * 206 Des études ont montré que des rapports sexuels forcés sont récurrents dans nombreux foyers. * 207 PEMPELANI MUFUNE, op. cit. in Revue...op. cit. p.751. * 208 Entretien, septembre 2009. |
|