Les comportements sexuels et reproductifs des femmes vivant sous antirétroviraux au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Moustapha Mohammed Nsangou Mbouemboue Université Yaoundé I - Master en sociologie 2010 |
I.2. Perception de l'acte sexuelPar perception, il faut entendre la représentation qu'un individu se fait d'une chose. Dans ce contexte, c'est la représentation qu'un individu se fait de l'acte sexuel. Cette image tire source de la société des représentations sociales de la maladie car « quand on dit cancer, oh la pauvre, elle n'a pas eu de chance, mais quand on dit SIDA, oh peut être qu'elle a eu un passé, voilà ça y est, c'est bien fait179(*) ». Ce qui montre que le SIDA apparait dans la société comme d'abord une maladie vénérienne. Etant donné qu'en Afrique, le mode le plus connu dans la transmission du VIH est la voie sexuelle, La séropositivité affecte l'image de soi à travers la perception de son propre corps considéré comme dangereux. La peur apparait doublement : la peur de soi du fait de son statut sérologique, et celle de contaminer l'autre. Si la peur peut être mise à distance dans les autres moments de la vie quotidienne, les rapports sexuels la rappellent toujours180(*). Cette perception de l'acte sexuel, va entrainer chez certaines personnes infectées une culpabilisation voire même une distanciation vis-à-vis du sexe aux premières heures de la séropositivité. Des entretiens que nous avons eus avec ces femmes, nombreuses sont celles qui ont affirmé qu'après l'annonce de leur statut, il en est suivi un arrêt provisoire ou définitif des relations sexuelles. Pour le PR KAPTUE cité par RENAUDIN, c'est « une période de relâchement et de ressaisissement dans les comportements sexuels 181(*)» surtout pour des femmes célibataires et veuves. Ce relâchement s'explique parce que, Devenir séropositives entraine des altérations importantes de l'image de soi. La plupart des personnes séropositives éprouvent un sentiment de perte d'estime de soi, la sensation d'être devenus sales et dangereux. Elles se considèrent comme indignes d'être aimées. (...) Apprendre que l'on est séropositif incite à se définir soi-même en fonction des représentations sociales relatives à l'épidémie et des ruptures que celles-ci introduisent dans les normes qui sous tendent le déroulement de la vie amoureuse182(*). Pour les femmes en union ou en mariage et qui n'ont pas partagé l'information avec leur partenaires, elles ne peuvent pas le faire sans motifs valable sous peine de développer des suspicions contre elles. Des propos des femmes interviewées, l'on peut retenir les plus signifiants : « Depuis que j'ai découvert ma sérologie en 2008, j'ai arrêté les rapports sexuels parce que c'est à cause de cela que je suis dans cette situation183(*) ». « J'ai complètement arrêté, surtout avec la mort de mon mari car je dois vivre longtemps pour éduquer mes enfants. J'ai déjà un nombre suffisant donc inutile de courir des risques qui vont me faire partir et laisser mes enfants 184(*)». « Il faut que je m'occupe d'abord de ma santé ; le reste vient après185(*) ». « J'ai fait sept ans sans coucher avec un homme, je les fuyais mais aujourd'hui j'ai repris mon activité avec modération 186(*)». De ces propos, il ressort que la période de l'annonce de la séropositivité s'accompagne dans la plupart des cas d'une diminution de l'intensité des rapports sexuels. Il devient parfois nul chez certaines femmes qui sont veuves et ont un âge relativement élevé surtout lorsque le partenaire lui-même est mort de SIDA. Certaines femmes par contre, qui ont des enjeux sociaux à préserver préfèrent continuer à se livrer à la pratique sexuelle. C'est le cas des femmes qui sont en union et qui n'ont pas signalé leur statut à leur partenaire. Ce qui fera qu'on assiste à des rapports sexuels de nature hétérogène qui sous tendent des enjeux multiples. * 179 Entretien d'une femme citée par I. THERY, « Une femme comme les autres » séropositivité, sexualité et féminité » in op. cit. pp.116-136. * 180 F. LERT et Y. SOUTENAUD, op. cit. p. 7. * 181 C. RENAUDIN, op. cit. p.89. * 182 G. MEYSTRE AGUSTONI, « Prises de risque chez les personnes vivant avec le VIH/SIDA » in op. cit. pp.103-104. * 183 Entretien avec madame 0044/08,33 ans, élève institutrice rencontrée à l'UPEC du CMPY, septembre 2009. * 184 Entretien avec madame 0064/08, 47 ans, veuve, rencontrée à l'UPEC du CMPY, août 2009. * 185 Entretien avec madame Agnès, 41 ans, veuve, rencontrée au CTA de l'HMY, novembre 2009. * 186 Entretien avec Mme 022/07, 43 ans, rupture d'union, rencontrée au CTA de l'HDJ, septembre 2009. |
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