Les comportements sexuels et reproductifs des femmes vivant sous antirétroviraux au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Moustapha Mohammed Nsangou Mbouemboue Université Yaoundé I - Master en sociologie 2010 |
CHAPITRE II : ELIGIBILITE AU TRAITEMENT ET PRISE EN CHARGE.................64DEUXIEME PARTIE : COMPORTEMENTS SEXUELS ET REPRODUTIFS DES FEMMES SOUS TRAITEMENT ANTIRETROVIRAL : RECOMMANDATIONS ET INCIDENCES.............................................................................................88 CHAPITRE III : LES COMPORTEMENTS SEXUELS DES FEMMES SEROPOSITIVES SOUS TRAITEMENT..............................................................................................90 CHAPITRE IV : LES COMPORTEMENTS REPRODUCTIFS DES FEMMES SOUS TRAITEMENT ANTIRETROVIRAL AU CAMEROUN........................................113 CONCLUSION..........................................................................................143BIBILIOGRAPHIE......................................................................................155 ANNEXES...............................................................................................164 TABLE DES MATIERES..............................................................................175 INTRODUCTIONI - PROBLEMEDans la plupart des pays du monde entier, le VIH/SIDA constitue un sérieux défi de santé publique et de développement socio-économique. Selon les données de l'ONUSIDA1(*), parmi les 42.000.000 de personnes qui sont infectées dans le monde, 26.000.000 d'entre elles sont des travailleurs dont 18.000.000 vivent en Afrique. Depuis le début de la pandémie dès les années 1980, environ 65.000.000 de personnes dans le monde ont été infectées du VIH/SIDA. Les prévisions de nouvelles victimes sont estimées à des millions d'autres personnes à la fin de la décennie si rien n'est fait. En fin 2006, on estimait à 39.500.000 le nombre de personnes infectés dans le monde et parmi elles, près de 3.000.000 sont mortes de causes connexes au SIDA2(*). Par ailleurs, si les taux de prévalence ne sont pas maîtrisés, la force de travail de 29 pays africains sera réduite d'au moins 12 % à cause de ce fléau d'ici 20203(*). En plus d'être une question de santé publique, la pandémie VIH/SIDA présente des défis politiques, économiques, sociaux et scientifiques dans les pays du monde entier4(*). Les chiffres interpellent d'autant plus que, 5.000.000 de nouvelles infections sont enregistrées chaque année et près de 12.000.000 d'enfants orphelins.5(*) Par ailleurs, un constat en termes de féminisation de la maladie mérite d'être fait. Sur près de 40.000.000 de PVVIH (personnes vivant avec le VIH/SIDA), environ 60% d'entre elles sont des femmes. On estime également que les jeunes de moins de 25 ans comptent pour la moitié de toutes les nouvelles infections du VIH/SIDA à l'échelle mondiale. Au Cameroun, la maladie a connu entre 1985 et 2002 une évolution inquiétante touchant principalement les jeunes, les femmes enceintes, les prostituées, les transporteurs qui sont devenus par ailleurs les catégories les plus prisées dans la définition des groupes cibles au niveau des institutions en charge de la question. La pandémie fait son entrée au Cameroun au début des années 1980.Mais c'est en 1985 que le premier cas de SIDA est diagnostiqué suite aux tests pratiqués au Centre Pasteur de Yaoundé sur des malades présentant des symptômes cliniques suspects6(*) . De la découverte de la maladie à nos jours, les chiffres des personnes infectées vont grandissant. Estimé à environ 0,5% en 1987, ce taux passera à 12% en 2002 ; d'après les sources sentinelles, qui ont été dans un premier temps, l'instrument pour la surveillance épidémiologique. Cependant, d'après les données de la dernière enquête démographique et de santé7(*), des données représentatives de la réalité sanitaire et socio démographique nationale ont montré que ce taux est de 5% pour les adultes (15 - 49 ans) avec les spécificités suivantes pour quelques catégories sociales : - le taux de prévalence est plus élevé chez les femmes 6,8 % contre 4,1% chez les hommes d'où la féminisation de la maladie ; - Le milieu urbain présente un risque d'infection nettement plus élevé que les zones rurales, mais les comportements sexuels et les phénomènes de la discrimination et de la stigmatisation sont assez récurrents dans le monde rural. Dans l'attente d'une probable découverte d'un vaccin contre ce qui a été appelé « le mal du siècle », le phénomène SIDA a dépassé le cadre de la seule expertise médicale ou sanitaire pour devenir un problème de société. Il nécessite désormais des politiques publiques qui ne se contentent pas d'élaborer des messages de prévention portant sur la promotion du préservatif, l'abstinence ou la fidélité mais qui visent l'accès des personnes infectées au traitement. Le Cameroun est l'un des pays qui a affiché une politique volontariste en matière d'élargissement de l'accès aux ARV (antirétroviraux) dans la perspective de « 3 by 5 »8(*). De ce fait, il est un des pays ayant bénéficié des financements les plus significatifs des différents bailleurs de fonds internationaux notamment le FMI (Fond Monétaire International) et la Banque Mondiale. La prise en charge des personnes vivant avec le VIH, comprenant les ARV, a été incluse dans le plan stratégique national de lutte contre le SIDA (2000 - 2005), conduit par le conseil national de lutte contre le SIDA. Ainsi grâce à un autre plan stratégique 2004 - 2006, prônant la mise de plus de la moitié des PVVIH sous ARV, une décision de création des unités de prise en charge (UPEC) au sein de 60 des 155 hôpitaux de district du pays a été prise en septembre 20049(*). Le Cameroun sera donc l'un des premiers pays africains à tester à large échelle une montée en puissance de l'accès des ARV par leur diffusion à un niveau relativement décentralisé du système de soin. Cependant, la mise sous traitement des ARV est, comme la maladie du SIDA, porteuse d'enjeux multiples pour les patients et leurs entourages. Les patients soumis au traitement antirétroviral sont tiraillés par deux registres normatifs présentant chacun un certain nombre d'enjeux pour eux : les normes traditionnelles en matière de sexualité et de procréation qui suscitent un modèle de comportement sociodémographique de type nataliste, donc anti contraceptif d'une part, et les dispositions thérapeutiques prescrites par le personnel médical et paramédical qui incitent à « faire l'économie de l'utérus10(*) »ou « à faire la grève de ventre »11(*) et à utiliser les nouvelles technologies de reproduction. En outre, l'observance du traitement du SIDA est génératrice d'un certain nombre de changements dans la vie du patient, notamment au niveau de l'organisation quotidienne de sa vie professionnelle12(*), familiale13(*) mais également au niveau de leur vie reproductive et génésique. Comme le montre l'histoire d'une femme séropositive à Abidjan, racontée par KEROUEDAN, D: « Etre infectée par le VIH a des répercussions sur la vie sexuelle mais aussi sur les choix de procréation 14(*)». Les enjeux soulevés par les modèles de comportements témoignent de la complexité des liens entre l'épidémie du SIDA, les différents domaines de la santé de reproduction et de l'intérêt pour les sciences sociales en général et de la sociologie en particulier. Ces personnes infectées, notamment les femmes séropositives sous ARV, doivent faire face à un contexte où décider de ne plus avoir d'enfants les expose à plusieurs risques, notamment celui d'être rejetées par le partenaire qui désire avoir des enfants (pour celles qui sont mariées ou celles qui vivent une relation avec des partenaires). Certaines femmes séropositives choisissent délibérément de cacher leur sérologie positive à leurs maris et continuent à chercher de nouvelles grossesses pour poursuivre leur quota d'enfants pour celles qui en ont encore besoin. Ainsi elles cherchent non seulement, à ne pas perdre leurs maris (ceci à travers de nouvelles naissances), si elles n'avaient pas atteint un nombre suffisant, mais aussi à résoudre l'équation de la belle famille. Car en Afrique subsaharienne, malgré le recul du taux de fécondité qui s'observe (6,7 enfants/femme en1985, 6,1 entre 1990 - 1994 et 5,4 entre 2000-2004), la demande d'enfants reste élevée dans la zone contrairement à l'Asie (2,8 enfants/femme) contre 3,0 en Afrique du Nord15(*). Ainsi, l'enfant, malgré certains changements sociaux demeure une préoccupation sociale. Même si les professionnels de santé interdisent, à l'accouchement, de ne plus allaiter le nouveau né au lait maternel pour celles qui ont un enfant, une autre contrainte sociale ne sera pas réellement évacuée. Dans le contexte africain, une femme qui n'allaite pas est stigmatisée, elle est étiquetée comme sorcière ou malade. Le lait maternel est valorisé et a une portée symbolique, il inscrit l'enfant dans la parenté et lui apporte une « force sociale » particulière. * 1 ONUSIDA, Aids epidemic update, 2006. * 2 ibid. * 3 http//www.camerounaids. * 4 http://www.globalhealthreporting.org. * 5 U.OLANGUENA AWONO, Le SIDA en terre Africaine : l'audace des ruptures, Toulouse, éd. Privat, 2006, p.15. * 6 F. EBOKO et C.RENAUDIN, « la lutte contre le SIDA au Cameroun : collusion entre perspectives internationales et dynamiques d'un Etat fragile » in terroir, n° SIDA 1-2, 2005, p.203. * 7 Source : EDSC III 2004. * 8 3 by 5 : une politique qui a été mise en place en 2004 par l'ONUSIDA permettant de placer au moins 3personnes infectées sur 5 sous antirétroviraux à travers un fond international ; le programme 3/5 fut en fait un projet qui permettait de fournir les antirétroviraux à trois millions de personnes infectées au VIH à l'horizon 2005. * 9 MINSANTE, Plan stratégique de lutte contre le VIH/SIDA/IST du secteur de santé au Cameroun 2004-2006, novembre 2004. * 10 H. MIMCHE et al, « Les enjeux sexuels et reproductifs de la mise sous ARV des PVVS au Cameroun », 5e conférence sur la population africaine, Arusha, 2007, p.2. * 11 J-M. ELA, Afrique, L'irruption des pauvres. Société contre ingérence, pouvoir et argent, Paris, L'harmattan, 1994, p.64. * 12 -Source : UNESCO 1990 * 13 L. LAURINDO DA SILVA, Vivre avec le SIDA en phase avancée, étude sociologique de la maladie au Brésil, Paris, L'Harmattan, 1999. * 14 D.KEROUEDAN, « Christine, jeune femme séropositive. Réflexion sur la prévention et la prise en charge du SIDA de la mère en Cote d'Ivoire » in D.KEROUEDAN et F.EBOKO, Politiques publiques du SIDA en Afrique, CAEN Bordeaux n 61-62, 1999, pp.3-8. * 15 D. TABUTIN (dir), Population et sociétés en Afrique au Sud du Sahara, Paris, L' Harmattan, 1988. |
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