Chapitre 5 : Discussions
Le présent travail nous a permis de représenter
la structure actuelle de la subéraie en Kroumirie, de dégager les
principaux facteurs qui influencent la répartition des individus de
peuplements purs de chêne-liège en classes de diamètres et
de donner une idée sur l'évolution de chaque classe de
diamètres durant la période (1983-2008).
L'étude de la structure diamétrique actuelle
des peuplements de chêne-liège en Kroumirie nous permet de
conclure à une grande diversité au sein d'une même station
et d'une station à une autre.
Selon les résultats obtenus, la distribution
diamétrique actuelle du peuplement de la subéraie est
marquée par une très forte proportion dans les classes de
diamètres D1 soient 65,78 %.
Par contre, elle est définie par des densités
faibles au niveau des classes D2, D3 et D4, respectivement 4 %, 5 % et 6,80 %.
La classe D5, représente, quant à elle, 18,42 %.
L'étude comparative entre la structure actuelle de la
subéraie en Kroumirie par rapport aux autres structures définies
par les deux inventaires périodiques (1995 et 2005) et les
données de Hasnaoui, 1983, montre que la structure des peuplements
(1983) est semblable à celle du peuplement actuel. Les deux inventaires
1995 et 2005 présentent des structures différentes.
Les résultats du premier inventaire (1995) montrent
que, la distribution diamétrique est marquée par une très
forte densité dans les classes de diamètres D3 et D4, soient
44,07 % et 24,50 %, les deux classes D2 et D5 étant moins
représentées, soient 14,82 % et 16,60 %.
L'étude du deuxième inventaire (2005) montre
que, la distribution diamétrique du peuplement de la subéraie est
définie par des effectifs élevés pour la classe de
diamètres D3 (59,12 % de l'ensemble) et assez faibles pour D4 (16,78 %).
Les classes D2 et D5 présentent, respectivement, des taux d'effectifs de
13,87 % et 10,21 %. Dans les deux inventaires, les jeunes semis, D1, ne sont
pas représentés.
Nos résultats conformes à ceux trouvés
par Hasnaoui (1992) qui a souligné que la subéraie tunisienne est
caractérisée par deux strates ; une strate arborescente
comprenant les individus adultes ou semenciers et la strate des plantules.
Entre les deux on ne rencontre que de rares sujets appartenant aux stades
intermédiaires (fourrées, gaulis, perchis).
Ce même auteur a montré que l'étude de la
structure diamétrique des populations des différents chênes
présents en Kroumirie, nous permet de conclure que celle-ci est loin
d'être satisfaisante car elle montre, en particulier, une rupture nette
de la croissance des jeunes plantules issues de semis, ce qui permet de
prévoir un avenir plutôt inquiétant de ces chênaies.
Les causes de cette situation peuvent être multiples : propres
à l'essence étudiée dans certains milieux, liées
à la nature et à la composition du groupement
végétal, et enfin, marquées par l'impact humain direct ou
indirect.
La variation de la structure diamétrique au sein d'une
même station ou d'une station à une autre est le résultat
de l'interaction des facteurs d'ordres orographiques (pente, altitude,
exposition) et anthropiques (distance par rapport aux douars les proches).
Les résultats des analyses statistiques de l'effet de
l'altitude sur la densité et la structure diamétrique montrent
que les zones alticoles (supérieurs à 250 m) contiennent des
effectifs des jeunes plantules et des semenciers plus importantes que dans les
sites de basses altitudes.
De même, la densité des différentes
classes de diamètres varie aussi avec l'exposition, nos résultats
montrent que les versants Nord (humides) sont les plus denses.
Sur les versants Sud, où la chaleur et la
sécheresse sont plus accentuées, la densité des semis et
des arbres de chêne-liège est faible.
Selon les analyses statistiques de l'effet de la pente sur la
densité des différentes classes de diamètres, les fortes
densités sont enregistrées sur les terrains de faibles ou
moyennes pentes.
Les pentes très fortes ne permettent l'installation que
d'un effectif très faible de semis, parce que les glands relativement
lourds, sous l'action de la pesanteur et de l'eau, sont charriés vers le
bas où ils vont trouver des conditions meilleures de sol et
d'humidité pour germer.
Nos résultats confirment ceux trouvés par
Khanfouci (2005), l'altitude rend le milieu plus humide ou plus sec par une
augmentation ou diminution des précipitations et des
températures. Selon ce même auteur, les zones alticoles assurent
les meilleures conditions favorables à la germination et le
développement des plantes.
Selon Block et Treter (2001), les facteurs environnementaux
influent sur la régénération des plantes et sur leurs
structures diamétriques.
Nos résultats confirment aussi ceux trouvés par
d'autres auteurs : Nsibi et al 2006, Ezzahari et al 2000, Ben Brahim et al
2004, Durand et al 2002, Hasnaoui (1998), Arnold et al 1989 et Khanfouci
(2005).
Nsibi et al (2006) ont montré qu'un versant
orienté vers le sud reçoit, à surface égale, plus
de radiation qu'un versant exposé au nord. Par suite de cette forte
insolation, la lumière est plus intense, la chaleur est plus grande,
l'évaporation plus considérable et l'air plus sec. Inversement,
le versant exposé au nord est moins éclairé, moins chaud
et l'air y est plus humide.
Selon Ben Brahim et al (2004), l'exposition et la forme des
versants ont également une influence importante : à une
altitude donnée les caractéristiques climatiques peuvent
être très différentes entre un versant exposé vers
le nord et un autre exposé vers le sud.
Ezzahiri et al (2000) ont montré que les stations
exposées à l'Ouest et au Nord-ouest offrent des conditions
favorables à la germination des graines, les expositions Sud sont
généralement les plus chaudes et la germination des graines est
précoce. Dans cette situation, la chaleur estivale, trop
élevée, fait disparaître les jeunes plantules les plus
exposées au soleil.
Messaoudène et al (1998) ont montré que les
expositions chaudes et ensoleillées et à basses altitudes
apparaissent plus favorables à l'installation des semis de
chêne-liège que les stations à expositions froides et
à hautes altitudes.
Hasnaoui (1998) a noté que les pentes fortes sont
défavorables à l'installation des glands et même s'ils
arrivent à germer il leur sera difficile de survivre à cause du
manque de la rétention de l'eau par le sol, et à cause de la
pauvreté de ce sol. Dans les bas fonds, le sol est
généralement riche, profond, meuble et humide.
D'après Durand et al (2002), les terrains à
drainage vertical se montrent plus favorables que les terrains à
drainage latéral superficiel pour la répartition des classes
diamètres.
Selon Arnold et al (1989), plus la pente est rapide, plus
l'eau érodera le sol. L'érosion hydrique augmente aussi avec la
longueur de la pente à cause de l'augmentation du ruissellement. Les
répercussions de l'érosion des sols vont au-delà de la
perte du sol de la couche arable. La levée des plantes, leur croissance
et leur rendement sont directement affectés par la perte
d'éléments nutritifs du sol et des engrais éventuels qui y
sont appliqués. La semence et les plantes peuvent être
dérangées ou totalement transportées hors du lieu
où se produit l'érosion. Le sol érodé,
déposé au bas des pentes, peut empêcher ou retarder
l'émergence de la semence, enterrer les jeunes pousses.
Nsibi et al (2006) ont montré que les fortes pentes ont
une influence marquée sur la répartition des semis à cause
de l'érosion active. Les glands, en tombant ne trouvent pas les
conditions favorables pour germer et s'exposent aux risques de destruction
(déprédation et desséchement). En revanche, dans les
classes à pentes faibles, les semis naturels de chêne-liège
bénéficient d'un supplément d'eau pluviale et
d'élément nutritifs provenant du ruissellement de l'amont.
Ainsi, Khanfouci (2005), a indiqué que les terrains en
pente, exposés vers le Sud et à basses altitudes sont les
stations les moins arrosées et qui sont extrêmement
défavorables au maintien du développement des jeunes plantules.
En effet, les stations à expositions Nord, à
pentes modérées ou faibles et à hautes altitudes sont les
stations les plus fertiles, plus denses et les plus arrosées.
L'action des distances des peuplements par rapport aux douars
les plus proches (facteurs anthropiques), a un effet très grave sur la
structure de la subéraie et sa stabilité.
En effet, la densité des semis est très
élevée au niveau des stations les plus éloignées
des douars.
Les analyses statistiques (analyse de variance) de l'effet des
distances des douars les plus proches sur la densité des peuplements de
chêne-liège (toutes classes de diamètres confondues), pour
chaque station, montrent que les effectifs élevés sont
enregistrés sur les placettes les plus éloignées des
douars.
D'après ces résultats, la densité
régresse en se rapprochant des douars, Or les placettes proches des
habitations sont très fréquentées par les animaux
domestiques (bovins, ovins, caprins, etc.).
L'action des facteurs anthropiques est très forte dans
les stations de Hamdia I, Mekna II et Ain Bacouch. Ces trois stations sont
caractérisées par une grande extension des parcours à
cause des effectifs élevés du cheptel.
Au niveau des stations de Tbeinia, Souiniet et Ain Zena III,
nous avons souligné que l'intensité des coupes de bois de
chauffage et de carbonisation surtout dans les peuplements les plus proches.
La pauvreté des habitants des clairières
forestières et des zones limitant des forêts a un impact direct
sur la structure de la subéraie. En effet, la satisfaction de leurs
besoins nécessite l'extension de leur terre agricole au
déterminent de la végétation naturelle
(défrichement) et entraine une pression de plus en plus forte sur
l'écosystème forestier en pratiquant des
prélèvements de bois, de glands, de feuillage et en coupant les
arbres pour la carbonisation. Tous ces facteurs rendent les possibilités
de sauvegarde et de reconstitution de la subéraie en Kroumirie
très difficile.
Des résultats similaires furent rapportés par
Hasnaoui (1998), Beltrain (2002), Boussaidi (2005), Ben Jemâa et al
(2006), Bendaanoun (1998), Benchekroun (1998), Yacoubi (2000) et Ben Brahim et
al 2004 .
Selon Hasnaoui (1998), l'homme agit par l'intermédiaire
de ses animaux domestiques ou en perturbant le milieu forestier par la coupe de
maquis et même d'arbres pour ses différents usages ; bois de
chauffage, carbonisation, confection de clôture.
Beltrain (2002) a démontré que les
ébranchages ont été abusifs. Les «élagages
excessifs » sont néfastes pour le développement de
l'arbre, l'affaiblissant et le rendant plus sensible à la
sécheresse, et aux maladies. De plus, la forte éclaircie des
houppiers entraîne une invasion du sous étage par des
espèces héliophiles qui dégradent la subéraie.
Pour Bendaanoun (1998), les troupeaux, par leur action
sélective, ont tendance à éliminer la flore la plus
palatable au profit des taxons toxiques et très peu
appétés, ce qui constitue un déséquilibre au niveau
des structures de la végétation à chêne-liège
et un frein pour la régénération.
Selon Boussaidi (2005), à long terme le
surpâturage provoque la dégradation de la pâture mais
à court terme, un pâturage excessif diminue la production en
réduisant la repousse.
Ben Brahim et al 2004 confirme que l'action anthropique a
ouvert les massifs montagneux et collinaires rifains et pré rifains
à la dégradation de l'environnement en délimitant les
espaces forestiers.
D'après Ben Jemâa et al (2006), la poussée
démographiques et sans doute le principal facteur de la
dégradation de la subéraie en Kroumirie. Les densités des
populations sont parmi les plus élevées des pays : 100
habitants au km² et par fois plus.
Selon Yacoubi (2000), la poussée démographique
et sans doute le principal facteur de dégradation de la subéraie
en Kroumirie. Les densités des populations sont très
élevées : 96 habitants au Km² en 1994, leur ressource
principale est l'exploitation du milieu environnant en pratiquant l'agriculture
vivrière et l'arboriculture dans les limites de leurs clairière
et en expliquant leur droit d'usage dans la forêt par le biais du
pastoralisme et le prélèvement du bois (par différents
usages) et d'autres menu produits.
Benchekroun (1998) a confirmé que l'explosion de la
population et son besoin annuel en bois de feu, la surexploitation et le
problème de disponibilité sont les causes de la régression
des subéraies.
De même, Ezzahiri et al 2001 ont montré que les
actions de la mutilation, l'absence de la régénération et
le dessèchement localisé et même
généralisé dans certains endroits sont probablement dus
à des sécheresses prolongés et
répétées.
La sécheresse, la chaleur, le froid, la
sénescence et les défoliations répétées sont
des facteurs qui affaiblissent les arbres et favorisent l'installation des
insectes xylophages et des pathogènes conduisant au
dépérissement des arbres et à leur mortalité (El
Abidine (2003)).
D'après Hasnaoui (2008), dans la forêt de la
Kroumirie la période de sécheresse estivale est assez longue (3
à 5 mois), la perte d'eau par ruissellement due à la texture
légère est accentuée par le dommage du sol provoqué
par le surpâturage.
L'affaiblissement des peuplements, évoluant vers un
dépérissement grave au sein des arbres, résulte de la
diminution des réserves en eau du sol suite à la
sécheresse prolongée.
Pour la subéraie pure de la Kroumirie, le taux de
dépérissement le plus fort est enregistré dans zones de
basses altitudes (27 %). Dans les zones alticoles (à partir de 250 m
d'altitude), le dépérissement est moins représenté
et va en diminuant (taux de dépérissement moyen de 20 à 14
%). L'altitude a un effet sur l'état phytosanitaire des arbres (par le
bais de l'humidité et de la température). Cet état est de
plus en plus dégradé pour les peuplements à basse
altitude.
Ce même auteur montre que, les placettes en pentes
exposées au Sud (Sud, Sud - Est et Sud - Ouest) présentent des
taux de dépérissement importants, respectivement 25, 26 et 31
%.
Les autres expositions (Nord - Ouest, Nord - Est, Nord, Ouest
et Est) présentent des taux de dépérissement plus
faibles.
Concernant l'effet de la pente, Hasnaoui (2008) montre que
l'état sanitaire des arbres de chêne-liège s'affaiblit pour
les terrains en pente forte (supérieur à 30 %) avec un taux de
dépérissement moyen de 26 %. Cet état s'améliore
lorsque la pente devient modérée à faible avec un taux de
dépérissement moyen (inférieur à 20 %).
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