b) La création du suspense :
l'événement feuilleton
Un autre recours utilisé par les deux journaux
télévisés dans le but d'engager émotionnellement le
public a été la création du suspense. « Si un
locuteur doit rapporter une expérience pour édifier ceux qui
l'écoutent, ces derniers doivent autant que possible ignorer ce qu'ils
vont découvrir et être désireux de connaître la fin
de l'histoire 52».
Cet usage a été notamment remarqué a
l'occasion du comptage des dépouilles repêchées et de
l'enquête sur les causes de l'accident.
I. Le comptage des corps
Le tableau ci-dessous nous rappelle que la deuxième
semaine qui a suivi l'accident a été marquée par la
diffusion quasi exclusive des recherches et de l'enquête. Ces
informations concernant les recherches se sont appuyées sur la
découverte et le repêchage des corps des victimes, la
première dépouille ayant été découverte le 6
Juin 2009.
52 GOFFMAN Erving, Les cadres de
l'expérience, op. cit. p. 497 dans MERCIER Arnaud, Le journal
télévisé: politique de l'information et information
politique, p.170
Le samedi 6 Juin 2009, le générique des deux
journaux télévisés a affirmé « deux corps
retrouvés », puis les premiers reportages des deux émissions
ont détaillé les conditions de la découverte : deux corps
avaient été retrouvés à 900 km de l'ile de Fernando
de Noronha près d'une pochette en cuir contenant des cartes
d'enregistrement du vol 44753.
Le lundi 8 Juin54, le comptage commence. Le
générique des deux journaux télévisés
débute par l'information « seize corps retrouvés »,
puis des reportages viennent détailler les procédures de
reconnaissance des corps. Le mardi 9 juin, les génériques
affichent encore en première place le comptage des corps
repêchés (28 au 20 Heures contre 41 au Jornal
Nacional, différence due au décalage horaire de cinq
heures), suivi également de reportages explicatifs. Le mercredi 10 Juin
cette réalité se répète encore, la
découverte sommant 41 corps et 150 débris. Un changement viendra
seulement le jeudi 11 Juin, quand le nombre de corps cède la
première place du générique aux informations sur la «
grippe A » et que l'approche des reportages se réoriente vers
l'analyse des corps par des spécialistes à Recife, ainsi que sur
les procédures de recherche des boîtes noires.
Première image du générique de TF1 le 8
Juin 2009
Ce comptage des corps qui s'est poursuivi pendant quatre
émissions de manière prioritaire (c'était la
première information donnée aux génériques et
ensuite détaillée dans les reportages) a produit un effet
« d'événement feuilleton » sur les
émissions : le spectateur ignorait chaque jour le nombre de corps qui
lui serait affiché le soir, ce qui le laissait dans l'attente de
l'information.
Ainsi que le comptage de corps, un autre choix
rédactionnel a cherché à produire du suspense de
manière à engager émotionnellement le spectateur a
regarder l'émission : l'enquête.
53 La prudence ici a été assurée
par la confirmation des deux journaux télévisés de ce
qu'aucune identification n'avait encore était faite sur les
dépouilles
54 Les émissions du dimanche ont
été tenues a l'écart de l'analyse, voir explication p.
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