Université Panthéon-Assas - Institut
Français de Presse
Mémoire du diplôme de l'IFP mention Information et
Communication
Fernanda Morozini Batista
Le traitement médiatique du crash du
vol
Rio-Paris par TF1 et
GLOBO
Paris, le 6 Septembre 2010 Sous la direction du Professeur
Mme. Hélène Eck
Sommaire
1.
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Introduction
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4
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a)
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Avant-propos
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4
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b)
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L'accident
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5
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c)
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Objectifs
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9
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d)
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Méthodologie
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10
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2.
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Résultats
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14
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a)
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Similitudes et différences de forme
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14
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b)
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Similitudes et différences de fond
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17
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3.
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Discussion
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21
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1)
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Le refuge dans la fiction
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24
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a) La fausse réalité
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24
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b) Le faux-semblant
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33
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2)
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Le refuge dans l'émotion
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40
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a) La création de la compassion
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40
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b) La création du suspense :
l'événement feuilleton
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45
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4.
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Conclusion
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51
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5.
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Annexes documentaires
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54
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6.
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Sources documentaires et Bibliographie
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57
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7.
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Table des matières
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59
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«Le réaliste, s'il est un artiste, cherchera, non
pas a nous montrer la photographie banale de la vie, mais à nous en
donner la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la
réalité même. (...) Faire vrai consiste donc a donner
l'illusion complète du vrai, suivant la logique ordinaire des faits, et
non à les transcrire servilement dans le pêle-mêle de leur
succession. J'en conclus que les réalistes de talent devraient s'appeler
plutôt des illusionnistes » (Guy de Maupassant, préface de
Pierre et Jean).
1. Introduction a) Avant-propos
Au cours de mes études d'information et communication a
l'IFP, je me suis intéressée a observer les médias
brésiliens, pays de mon origine, selon les points d'analyse
discutés en cours, qui concernaient les domaines de l'Histoire,
l'Economie, le Droit, la Sociologie et la Sémiotique des médias.
Ayant le sentiment que l'information diffusée par les médias
brésiliens n'était pas perçue de la même
façon que celle diffusé par les médias français, je
me suis donc posé la question : comment les médias gèrent
l'opinion publique, et quel est le rôle du contexte culturel dans le
traitement de l'information.
Ce mémoire vient tenter de répondre à ces
questions. Pour ce fait, le choix d'un sujet d'analyse comparative, analogue
aux deux pays, a été nécessaire. Le sujet choisit a
été l'accident du vol AF447 d'Air France entre Rio de Janeiro et
Paris, survenu dans la nuit du 1er juin 2009, sur l'Océan
atlantique.
Cet événement est intéressant pour une
analyse comparative car, premièrement, il ne s'agit pas d'un
événement de politique intérieure, qui pourrait avoir un
rapport direct avec le contexte culturel d'un pays. Deuxièmement, il
s'agit d'un événement relativement symétrique: il est
arrivé entre la France et le Brésil en eaux internationales et
les victimes étaient en nombre équivalent chez les 2 peuples (228
personnes dont 72 Français et 58 Brésiliens).
Troisièmement, c'est un événement qui n'a pas
été prévu, donc pour lequel les médias n'ont pas eu
le temps de préparer leur discours. Enfin, la collaboration entre les
deux pays pour mener les recherches et l'enquête a permis un
échange d'images d'information notable entre les journalistes des deux
pays.
Un autre détail qui rend ce sujet d'autant plus
intéressant a l'analyse est la polémique qui a été
crée autour du crash, car plus d'un an après la date de
l'accident, sa cause demeure officiellement inconnue. Dans les lignes qui
suivent je vous présenterai les faits connus jusqu'à
présent sur l'accident et oi nous en sommes au niveau de
l'enquête.
b) L'accident
I. Les faits
Selon Air France1, le vol AF447 a disparu dans
l'Océan Atlantique, après avoir quitté la zone de
contrôle aérien brésilienne, la nuit du 1er Juin
2009. A bord se trouvaient 228 personnes, dont les nationalités et
fonctions se distribuaient de la manière suivante2.
Selon le BEA3, le Bureau d'Enquêtes et
Analyses, organisme français chargé a titre officiel de
l'enquête sur l'accident, trois phases d'opération de recherche en
mer ont été menées pour retrouver des corps et
débris de l'épave, dont les boîtes noires, qui garderaient
les données suffisantes pour connaître la cause exacte de
l'accident. Au total, une vingtaine de millions d'euros a déjà
été investie dans ces trois phases de recherches. Malgré
ces efforts, les boîtes noires demeurent disparues.
La première phase, menée par les marines
française et brésilienne (la zone des débris se trouve
à proximité de l'archipel de Fernando de Noronha,
nord-est du Brésil), avec l'aide internationale de matériaux
et équipage, a retrouvé au total 51 corps et plus de 600
débris de l'avion, en plus de
1 Tous les communiques de presse publiés par
Air France peuvent être retrouvés sur
http://alphasite.airfrance.com/s01/communiques-de-presse/#communique2539
2 Source : Wikipédia en référence
aux donnés disponibles dans le website d'Air-France
3 Les rapports publiés par le BEA sur
l'accident peuvent être retrouvés sur
http://www.bea.aero/fr/enquetes/vol.af.447/vol.af.447.php
quelques bagages. Les opérations de cette première
phase de recherches se sont arrêtées le 12 juillet 2009, quand les
boîtes noires auraient cessé d'émettre des signaux
acoustiques.
Les deuxièmes et troisièmes phases de
recherches, menées pour retrouver les boîtes noires
spécifiquement, ont été sans succès. Cette
troisième phase, réalisée du 2 avril au 24 mai 2010, a
parcouru une zone 6 300 km2 de l'Océan Atlantique, dont le fond est
très accidenté arrivant a 4 000 mètres de profondeur. A
l'heure de la rédaction de ce mémoire, la reprise des recherches
n'a pas encore été décidée.
Toujours selon le BEA, le dernier échange radio entre
l'équipage et le contrôle brésilien a eu lieu à
01h35, heure de Paris, quand l'avion arrivait en limite de portée des
radars des centres de contrôle brésiliens. A 02h01,
l'équipage a essayé, sans succès, de se connecter au
contrôle de Dakar. Vingtquatre messages automatiques de maintenance ont
été reçus entre 02h10 et 02h15. Il ressort de ces messages
une incohérence des vitesses mesurées (horizontale et
verticale)4. Jusqu'au dernier point de position automatique, le vol
s'est déroulé sur la route prévue dans le plan de vol, la
situation météorologique étant conforme a celle que l'on
rencontre au mois de juin dans la zone concernée, marqué par la
présence de grandes masses nuageuses qui peuvent engendrer de fortes
turbulences.
II. Les hypothèses les plus acceptées
A l'heure actuelle, le BEA n'a pas affirmé la cause
officielle de l'accident. Selon l'organe, « l'enquête technique
n'est pas conduite de façon a établir des fautes ou a
évaluer des responsabilités individuelles ou collectives. Son
seul objectif est de tirer de cet événement des enseignements
susceptibles de prévenir de futurs accidents ou incidents5
». Dans ce contexte, des familles des victimes se sont
regroupées en associations pour chercher les responsables de l'accident.
La plus grande association française, Association AF447 Entraide et
Solidarité, qui compte sur 25 membres, accuse le BEA et la justice
française d'opacité, d'indigence et les rapports officiels
publiés d'être tendancieux et incomplets, affirmant que «
le refus de preuves accablantes de ces entités sert de prétexte
à « enterrer » l'affaire de l'AF447
»6.
4 Le rapport du BEA poursuit par la phrase suivante
« Il ressort de ces messages une incohérence des vitesses
mesurées ainsi que les conséquences associées ».
Ces conséquences ont été diffusées par les
médias comme étant : panne de l'ordinateur central et auxiliaire,
arrêt du pilote automatique et vitesse verticale de la cabine
5
http://www.bea.aero/docspa/2009/f-cp090601e2/pdf/f-cp090601e2.pdf
6
http://www.asso-af447.fr
L'association révèle la cause de l'accident
comme un enchaînement de facteurs, l'élément le plus
essentiel étant la défaillance des sondes Pitot, les
senseurs responsables de mesurer l'altitude, la vitesse et la
température de l'avion. Cette défaillance attribue la
responsabilité principale de l'accident a Thales, le fabricant
des sondes en question, à Airbus, le fabricant de l'avion et a
Air France. En résume, un givrage de ces sondes aurait engendré
des mesures de vitesse et altitude incohérentes, ce qui aurait eu par
conséquence une panne de l'ordinateur. Face à cette situation,
les pilotes auraient augmenté la poussée des réacteurs
(procédure d'urgence recommandée par Airbus), ce qui aurait
engendré une vitesse trop excessive et par conséquence la chute
de l'avion.
Cette hypothèse tient plus précisément
à un rapport publié en Octobre 2009 par deux pilotes d'Air
France, Gérard Arnoux et Henri Marnet-Cornus,
révélé par le Journal du Dimanche7. Le rapport
en question dénonce une série de négligences des
entreprises et organismes du secteur aérien, qui auraient
sous-estimé le problème d'un possible givrage des sondes.
Le rapport affirme qu'Airbus avait constaté en
décembre 1995 qui les critères de certification des sondes
étaient obsolètes8, les autorités
américaines et européennes de l'aviation civile ayant lu et
validé cette note. Cependant, cette mise à jour est devenue
obligatoire seulement après le crash de l'AF447, le 10 août 2010.
Le rapport complète que Airbus avait recommandé aux compagnies
aériennes d'installer des nouvelles sondes dans les avions de la marque,
mais Air France aurait choisit de ne pas équiper ses modèles A330
et A340, contrairement a d'autre compagnies aériennes.
Le rapport indique également que les pilotes d'Air
France n'avaient jamais été entraînés a gérer
une telle situation, et que la procédure d'urgence définie par
Airbus dans le cas d'un blocage de sondes était fort dangereuse (la
procédure d'urgence demandait l'augmentation de la poussée des
réacteurs, ce qui peut créer à haute altitude un risque de
chute verticale). Seulement quatre jours après le crash, Air France va
demander a ses pilotes de ne pas appliquer la manoeuvre d'urgence
recommandé par Airbus, et va accélérer le remplacement des
sondes Pitot sous la pression de ses pilotes.
Pour conclure, nous nous apercevons que les
intérêts individuels et collectifs sont défendus
dans chaque publication d'une nouvelle hypothèse ; les pilotes
défendent la thèse de la faille technique
7
http://www.lejdd.fr/Societe/Justice/Actualite/AF447-Le-rapport-qui-accuse-139293/
8 Depuis 1947, les sondes étaient
testées à -40 dégrées et 30 000 d'altitude, un
avion moderne peuvent arriver à -70 dégrées et 41 000
d'altitude
des sondes, pendant qu'Air France et Airbus affirment
l'hypothèse d'une erreur plutôt humaine, insistant sur le fait que
les mesures de sécurité étaient dans les normes
acceptées par les autorités américaines et
européennes de l'aviation civile. Le point de tension apparaît
justement sur la non-publication d'une cause officielle ; les familles exigent
la responsabilité juridique des entreprises aériennes, mais le
BEA tient à ne rien publier avant la récupération des
boîtes noires.
c) Objectifs
L'analyse du traitement médiatique d'un même
événement dans deux contextes culturels différents peut
servir à éclairer la question de la manière dont les
médias gèrent l'opinion publique. L'analyse des similitudes et
des différences rencontrées aideront à dépouiller
les faits qui conditionnent le traitement de l'information : contexte culturel,
cadre politique, économique, juridique, entre autres.
Dans cette optique, l'objectif premier de ce travail de
comparaison des informations diffusées sur le crash du vol AF447 au
Brésil et en France est de mettre en évidence le rôle du
contexte culturel et des autres cadres d'influence dans la gestion de l'opinion
brésilienne et française par rapport a l'accident.
Mon hypothèse de départ considère que le
contexte culturel est le plus grand facteur conditionnant le traitement de
l'information. J'imagine que la plus grande différence retrouvée
sera le traitement de la souffrance des familles des victimes du crash,
d'autant plus dramatisée au Brésil que la culture
médiatique brésilienne explore la souffrance au jour-le-jour dans
les tabloïds et autres programmes populaires ; les proches des victimes
devront pleurer et confesser leur douleur devant les caméras davantage
qu'en France.
Pour ce qui relève d'autres cadres d'influence du
traitement médiatique, je pense que les médias français
seront plus discrets que les brésiliens pour présenter la cause
de l'accident comme une faille technique, vu qu'il s'agit d'Air France, la plus
grande compagnie aérienne française. Dans le sens inverse, les
brésiliens pourraient accuser Air France de la faute de l'accident avec
moins de réserve.
Ce mémoire essayera donc de confirmer ou contredire ces
hypothèses de départ tout en recherchant d'autres facteurs
explicatifs. Au fur et à mesure que différences et similitudes
seront retrouvées dans le traitement médiatique du crash par les
deux pays, nous discuterons des cadres d'influence qui pourront être a
l'origine de ces dissemblances, dans le but d'en dégager les mouvements
conscients de formation et gestion des opinions publiques par les médias
français et brésiliens.
d) Méthodologie
I. Délimitation du corpus
Une analyse comparative complète du traitement
médiatique du crash du vol AF447 devrait concerner l'examen critique de
plusieurs médias français et brésiliens, tous supports
confondus. Le temps réduit de préparation de ce mémoire a
imposé cependant une forte contrainte dans le choix du corpus. De plus,
le fait qu'il s'agisse d'une étude comparative exige l'utilisation de
sources d'informations le plus analogues possibles ; sources parvenant d'un
même support (télévision, radio, presse ou internet), et
ayant une approche rédactionnelle le plus semblable possible.
Compte tenue de ces deux contraintes, j'ai
décidé d'analyser les journaux télévisés du
soir des chaînes privées présentant la plus grande audience
dans les deux pays : le 20 Heures de TF1 et le Jornal
Nacional de GLOBO. Cette analyse a consisté dans le
visionnage de l'intégralité des émissions, ainsi que dans
l'analyse de leurs caractéristiques de fond et de forme, parmi lesquels
la catégorisation des séquences et la mesure de leur
durée.
Le choix d'un journal télévisé se
justifie par le fait que la forme et la durée de présentation des
émissions est similaire dans les deux pays ; images des
présentateurs en studio intercalées avec reportages
éditées préalablement et interventions de reportes sur le
terrain, tout en une durée approximative de 30 à 40 minutes (40
minutes en moyenne au Brésil avec trois coupures commerciales de 60
à 90 secondes, et 35 minutes en moyenne en France, sans coupures
commerciales).
Le choix des chaînes TF1 et GLOBO se
justifie par le fait qu'elles sont les plus comparables; ces deux groupes sont
privés, ayant comme principale source de revenue la publicité et
par conséquent, dépendantes a titre égal de l'audience.
D'ailleurs, il s'agit également des chaînes avec le plus
d'audience dans leur pays (26,1% de parts d'audience nationale en 2009 pour
TF19 et approximativement 50% de parts d'audience nationale
en 2009 pour GLOBO10), ayant donc le plus d'impact sur
l'opinion publique, ce qui rend leur choix d'autant plus adapté a
l'analyse proposée dans ce mémoire.
9 Source : Médiamétrie (Médiamat
Annuel 2009, sur la base des individus âgés de 4ans et plus)
disponible sur http://www.mediametrie.fr/
10 Source : Mediadados
http://midiadados.digitalpages.com.br/home.aspx
Après avoir regardé les émissions du
20 Heures relatives aux premiers jours qui ont suivi l'accident,
disponibles a l'Inathèque de France, ainsi que les émissions du
Jornal Nacional de la même période, disponibles sur le
site internet de la chaîne11, je me suis aperçue que le
pourcentage de temps dédié au crash du vol AF447 dans les deux
journaux télévisés en question avait baissé de 80%
à 20% en moyenne après dix jours de diffusion. J'ai donc
limité mon corpus d'analyse a la période du 1er au 10
Juin 2009.
II. Catégorisation du Corpus
Au cours de l'analyse, la nécessité d'une
catégorisation des émissions m'est parue comme essentielle a la
précision de l'étude comparative, du fait que l'information
était présentée de manière nettement
différente selon son approche du sujet. Les catégories utiles
à distinguer les séquences ont été définies
telles que suit:
Information sur le vol : cette
catégorie comprend les informations sur l'avion et vol, telles que le
modèle d'avion, le nombre de personnes a bord, l'heure du départ,
le trajet prévu du vol, entre autres. Ce sont des informations qui ne
visent pas a donner une hypothèse sur la cause de l'accident, mais
seulement la description des faits.
Information sur les victimes : concerne
des informations sur l'identité des victimes, telles que nom,
prénom, âge, profession.
Hypothèses : concerne tous les
reportages portant sur les éléments de l'enquête sur la
cause de l'accident.
Recherches : concerne les informations
sur les recherches réalisées pour trouver les corps et
débris de l'avion.
Prise en charge des proches :
concerne toutes les informations sur la manière avec laquelle les
autorités françaises et brésiliennes, telles que la police
et Air France, s'occupent des proches des victimes.
Souffrance des proches : concerne la
diffusion des images et témoins des proches des victimes qui expriment
leur peine.
11
http://g1.globo.com/videos/jornal-nacional
Curiosités autour du vol :
concerne les informations telles que les témoignages de personnes qui
étaient censés de prendre le vol mais ne l'ont pas fait, les plus
grands accidents aériens de l'histoire ou le ressenti des personnes qui
prendront le vol AF447 dans les jours à venir.
III. Rede Globo
Tenant en compte le manque de familiarité des lecteurs
non-brésiliens avec GLOBO, il me paraît essentiel de
faire ici une brève présentation de la chaîne.
La Rede Globo12, plus connue par le nom
GLOBO, est le plus grand réseau média de
l'Amérique Latine, et également l'un des plus grands
réseaux de télévision au monde. Couvrant 99,5% de la
population brésilienne et présente dans 114 pays, le
réseau se prévaut d'une audience moyenne internationale de 100
millions de téléspectateurs par jour. La puissance
économique du groupe au Brésil se reparte entre la chaîne
hertzienne, 30 chaînes satellites, 9 stations radio, 5 titres de presse
national, 15 titres de presse magazine, 5 titres de BD, 2
sociétés d'édition de livres, 2 sociétés de
production sonore, 2 sociétés de production audiovisuelle, en
plus d'une participation majeure dans grands groupes de l'industrie
alimentaire, immobilière, entre autres.
Crée en 1965, un an après le coup d'Etat
militaire13, GLOBO a été conçue avec
le rôle principal de promouvoir l'idée d'une identité
nationale, la télévision étant vue comme un outil puissant
de gestion de l'opinion publique, et la formation d'une identité
nationale unique étant aperçue comme essentielle aux politiques
de nationalisation développées a l'époque. Ce rôle
va marquer la programmation de la chaîne, reposant à 90% sur sa
propre production, même après la démocratisation du pays,
cadre politique stable depuis 1985.
Un grand exemple de l'influence de la chaîne sur la
gestion de l'opinion publique brésilienne tient aux
télénovelas14, la plus grande offre
de la programmation de GLOBO. Ces télénovelas, et
plus précisément, celle diffusée au prime
time, sont connues par leur éminente influence sur l'opinion
12 Sources :
http://redeglobo.globo.com/Portal/institucional/foldereletronico/gtvglobo.html
13 JOHNSON Renata, The role of TV Globo
internacional for brazilian immigrants in south Florida and Toronto.
Thesis : Master of Arts. University of Missouri-Columbia, p. 18
14 Romans feuilletons diffusés du lundi au
samedi en chapitres de 50 minutes avec une durée moyenne de neuf mois.
La chaîne diffuse cinq télénovelas par jour, ce qui
représente plus de 20% de son temps de diffusion
publique. Mauro Porto15, brésilien docteur
en communication de l'Université de Californie et professeur à la
Tulane University, à la Nouvelle Orléans, écrit que
grâce au réalisme avec lequel elles abordent la
société brésilienne, les télénovelas de
GLOBO apparaissent comme un forum national de discussion des
problèmes sociaux et politiques du pays. Par exemple, la
télénovela Laços de Familia (2001), discutait des
problèmes sociaux liés au traitement des maladies graves,
à travers la figure d'un personnage qui soufrait de la leucémie.
Pendant la diffusion de cette fiction, le nombre de donations de la moelle
osseuse au Brésil a augmenté de 20 à 900 par mois.
Pour conclure, Il est important de préciser que
malgré sa relation historique particulière avec les Pouvoirs
Publics, GLOBO demeure une chaîne privée orientée
vers l'audience. Différemment du cadre télévise
européen, qui compte une offre notoire de chaînes publiques, le
cadre télévisé brésilien a été
inspiré du modèle politique américain,
non-interventionniste. Les trois chaînes publiques éducatives
non-payantes16 et d'autres chaînes parlementaires ne disputent
pas en termes d'audience les plus grands chaînes de
télévision brésiliennes.
15 PORTO Mauro P., Realism and Politics in Brazilian
Telenovelas. Media International Australia, Incorporating Culture &
Policy, Fevrier 2003, No. 106, pages 35-45
16 TV Brasil, TV Cultura, TV Escola
2. Résultats
L'analyse des émissions du 20 Heures de
TF1 et du Jornal Nacional de GLOBO, pendant les dix
jours qui ont suivi l'accident (du 1er au 10 Juin 2009), ont permis
de distinguer des différences et similitudes de forme et fond entre les
deux journaux télévisés. Les dissemblances de forme
relèvent de la construction de l'émission, et les dissemblances
de fond relèvent du contenu de l'information qui a été
diffusé.
a) Similitudes et différences de forme
Les deux journaux télévisés
regardés présentent très peu de différences de
forme ; leur durée, organisation et techniques de mise en récit
de l'information étant presque identiques. Les légères
différences rencontrées concernent le formalisme de leur
l'ambiance.
I. Techniques de construction de l'émission
Comme dit auparavant, la durée des émissions du
Jornal Nacional et du 20 Heures est semblable, variant de 30
à 40 minutes en moyenne. L'organisation des émissions est
également semblable ; les images des présentateurs en studio sont
intercalées avec reportages éditées préalablement
et interventions de reporters sur le terrain.
Entre les techniques de mise en récit de l'information,
de nombreuses similitudes sont également retrouvées. Les deux
émissions utilisent des reportages composés par séquences
de quinze à vingt secondes intercalant images commentées par une
voix off avec interventions de témoins, qui apportent
différents arguments au sujet présenté. Selon M.
Fréderic Lambert, professeur a l'IFP17, cet usage
relève d'une technique qui vise a mimer le débat
démocratique, engendrant ainsi un effet de réalité sur
l'information diffusée ; le fait en question est présenté
a travers d'images, ce qui donne au spectateur le sentiment de
simultanéité avec la réalité, donc l'illusion de
participer au fait réel luimême, puis ce fait est commenté
par différents individus (témoins) qui présentent points
de vue
17 Cours de Sémiotique des images d'information
et communication du Master1 Information et Communication
distincts sur le sujet, ce qui donne au spectateur le sentiment
de connaitre le fait réel dans son intégralité.
Dans le cas spécifique de l'accident du vol AF447, oi
il y a l'impossibilité de relater le fait réel par des images,
les deux émissions ont fait semblablement l'usage de schémas
3D (reproduction par ordinateur de ce qui est censé être le
fait réel). Cet usage donne au spectateur, en plus du sentiment de
maitrise de la réalité, l'idée de maitrise de la
connaissance technique sur le sujet (compréhension du mode de
fonctionnement des avions Airbus A330, des procédés de
pilotage, du fonctionnement des boites noires, entre autres).
Schéma 3D par TF1 Schéma 3D par GLOBO
Une autre technique utilisée également par les
deux émissions dans la présentation de l'accident du vol AF447
est le direct, oi un reporter parle en temps réel
d'après un lieu spécifique. Cet usage renforce le sentiment de
maitrise du fait réel par le spectateur car il le présente en
simultanéité.
Reporter de TF1 en direct du Brésil Reporter de GLOBO
en direct de Paris
L'utilisation des mêmes techniques de construction de
l'émission par le Jornal Nacional et par le 20 heures
laisse donc voir une certaine homogénéité des journaux
télévisés. Ces techniques peuvent par ailleurs être
retrouvées dans les manuels de journalisme.
II. Ambiance
En dépit du fait que les deux émissions se
prévalent des mêmes techniques de construction de
l'émission, une différence de forme apparaît dans la
formalité de l'ambiance.
Le Jornal Nacional exhibe un couple de
présentateurs (qui sont d'ailleurs un vrai couple, marié avec
trois enfants), assis derrière une table, sur une mezzanine qui donne
sur la rédaction du journal. Ce cadrage principal nous montre un
ensemble où les deux présentateurs, complices, apparaissent en
premier plan, leurs mains visibles, laissant voir d'autres journalistes
responsables pour la conception de l'émission en deuxième
plan.
Cette ambiance est plus informelle que l'ambiance du 20
Heures, qui montre une seule journaliste18 cadrée de
manière plus serré (sans que le spectateur puisse voir ses mains)
devant plusieurs petits écrans qui passent des images variées.
Cadrage principal du Jornal Nacional Cadrage principal du 20
Heures
Le moindre formalisme du Jornal Nacional par rapport
au 20 Heures est encore plus accentué par le fait que les deux
présentateurs discutent entre eux et avec les reporters qui
interviennent en direct (les présentateurs et le reporter intervenant se
saluent à chaque intervention, avec des expressions telles que «
bonjour, raconte-nous ce qui se passe à Paris »). Le mouvement
visible des mains rend également l'ambiance d'autant plus
familière. Cette situation place le spectateur brésilien dans une
situation confortable, lui donnant le sentiment de participer a
l'émission.
Plus de similitudes que de différences de forme ont
ainsi été retrouvées entre les deux journaux
télévisés. Si l'ambiance est plus formelle en France, les
techniques de construction de l'émission sont similaires.
18 Laurence Ferrari du lundi au jeudi et Claire Chazal
du vendredi et dimanche
b) Similitudes et différences de fond
L'analyse des dissemblances du contenu de l'information qui a
été diffusé sur le crash sera ici présentée
sous sa forme quantitative. Cette analyse concerne l'évolution du temps
dédié au crash par le Jornal Nacional et par le 20
Heures et la répartition de ce temps par type
d'information19.
Il est nécessaire de mentionner que, contrairement aux
émissions du 20 Heures, disponibles en entier pour visionnage a
l'INA, les émissions du Jornal Nacional ne sont pas disponibles
en entier sur le site internet de la chaine GLOBO, la totalité
des émissions étant accessible a partir d'un menu de reportages.
Cette différence essentielle d'accès aux émissions peut
avoir réduit la précision des données ici
présentées.
19 Voir données statistiques en annexe : Annexe
1, p. 53
I. L'évolution du temps dédié au
crash
Comme dit ci-dessus, le temps dédié au crash par
les deux journaux télévisés à été
réduit de 80% à 20% en moyenne du premier au dixième jour
qui a suivi l'accident. Les similitudes et différences
rencontrées dans l'évolution du temps total dédié
au sujet laissent passer peu d'informations.
Le graphique nous montre que pendant la première
semaine qui a suivi l'accident (le 1er juin étant un lundi),
le pourcentage du temps dédié au crash par les deux journaux
télévisés n'a été équivalent qu'au 4
et 5 juin, jeudi et vendredi respectivement. Le temps dédié par
le 20 Heures a été supérieur à celui du
Jornal Nacional pendant les deux premiers jours, puis au
troisième jour cette logique s'est inversée. Pendant la
deuxième semaine qui a suivi l'accident, le temps dédié au
crash par le Jornal Nacional a baissé constamment et plus vite
que celui du 20 Heures.
Il est important de préciser ici que pendant le weekend
la structure des émissions des deux journaux
télévisés change ; l'émission du samedi du
Jornal Nacional est un résumé des informations de la
semaine, alors que, le dimanche, il n'y a pas de diffusion. Pour le 20
Heures, le samedi et le dimanche correspondent à émissions
réduites comportant des commentaires sur les offres culturelles de
l'actualité. Cette différence de structure peut expliquer la
différence du temps dédié au crash par les deux
chaînes le samedi. Dans le dimanche en question, TF1 a
diffusée une édition spéciale Elections
Européennes, qui a pris toute la durée du
dépouillement des votes. Pour cette raison, j'ai choisi de ne pas
considérer l'émission du dimanche du 20 Heures dans
l'analyse.
II. La répartition du temps consacré au crash
par type d'information
Plus pertinente que l'évolution du temps total
dédié au crash, l'analyse de la répartition de ce temps
par catégorie d'information nous apporte quelques éléments
de comparaison intéressants.
Les graphiques montrent que les informations concernant les
recherches et les hypothèses ont été les plus nombreuses
dans la période analysée pour les deux journaux
télévisés. Dans le sens contraire, l'exposition de la
souffrance des proches, ainsi que les informations sur les victimes, ont
été plus nombreuses au Brésil, alors que la prise en
charge des proches par les autorités a été plus
traitée en France. Cette dernière observation confirme
l'hypothèse de départ que la souffrance des
proches des victimes serait plus abordée au Brésil,
tout en présentant la nouvelle donné que la prise en charge des
familles par les autorités est plus abordée en France.
Ces résultats nous permettent enfin de retrouver
quelques points d'analyse intéressants entre les deux journaux
télévisés. La similitude rencontrée par rapport
à la priorité de temps de diffusion accordée aux
informations concernant les hypothèses et les recherches, peut illustrer
une approche de l'accident avec le but d'attirer l'attention et d'obtenir la
fidélité du téléspectateur : l'avancement de
l'enquête sur la cause de l'accident produit du suspense, ce qui attire
le spectateur, pendant que l'addition des informations sur les recherches
(numéro de corps et débris retrouvés) raconte une
histoire, comme un roman feuilleton, ce qui produit un effet de
fidélisation de l'audience.
Le résultat de l'analyse des émissions du 20
Heures de TF1 et du Jornal Nacional de GLOBO
ont ainsi présenté plus de similitudes que de différences.
Les émissions sont construites de la même façon, utilisant
les mêmes techniques, et l'organisation du contenu diffusé sur
l'accident a donné la priorité aux mêmes informations :
enquête et recherches.
Ce constat d'une similitude prépondérante entre
les deux journaux télévisés soulève une nouvelle
hypothèse : la spécificité du sujet ; un fait dont on ne
connaît pas la réalité (donc sur lequel on a très
peu a dire) ou dont on ne peut pas parler (les médias n'ont en aucun
moment dit la vérité brutale sur la disparition des corps des
victimes : détruits et mangés par des requins et poissons) a
contribué a ce que les journalistes se fixent davantage sur les
techniques usuelles de mise en récit de l'information.
En partant de cette nouvelle hypothèse, nous discuterons
de comment TF1 et GLOBO ont contribué à
gérer l'opinion publique sur l'accident.
3. Discussion
Nous avons vu que l'analyse des émissions du Jornal
Nacional de Globo et du 20 Heures de TF1
pendant les 10 jours qui ont suivi l'accident ont présenté
plus de similitudes que de différences ; les techniques de construction
de l'émission étant similaires ainsi que les informations
priorisées : enquête et recherches. Nous avons ensuite émis
l'hypothèse que ces similitudes seraient d'autant plus accentuées
que la vérité sur le sujet est inconnue ou indicible.
Partant de cette idée que face à un sujet pour
lequel les médias n'ont pas beaucoup a dire, ou ne peuvent pas le dire,
ils s'accrochent davantage aux techniques de mise en récit de
l'information, nous discuterons des différences rencontrées entre
les deux journaux télévisés en analysant les techniques
utilisées.
Avant de nous y lancer, j'aimerais cependant vous proposer un
éclairage sur les concepts qui concernent l'idée de gestion de
l'opinion publique. Je ferai une brève présentation des concepts
d'espace communicationnel et d'opinion publique, appuyés sur les textes
d'Arnaud Mercier et Patrick de Charaudeau.
I. Espace communicationnel
Arnaud Mercier20, dans les années 90, nous
invite a repenser le modèle d'espace public proposé par l'Ecole
de Francfort, d'un « lieu privilégié de confrontation
des opinions éclairées entre l'Etat et les individus ou les
groupes sociaux », avec la présence des médias comme
relais de la discussion publique. L'auteur qualifie cette nouvelle conception
d'espace public d'espace communicationnel, où les acteurs qui
concentrent la parole sont les hommes politiques, journalistes, professionnels
de la communication, voire les chercheurs et également les sondeurs et
commentateurs de sondages, et où le peuple devient le « public
».
Les médias, dans cette logique, sont les gestionnaires
de l'accès a l'espace communicationnel, ce qui leur confère un
rôle central dans la gestion de la discussion publique, mais qui
n'implique cependant
20 MERCIER Arnaud, Le journal
télévisé: politique de l'information et information
politique, p. 135
pas un pouvoir surpuissant des médias. En effet, ce
pouvoir s'exerce en amont, au niveau de la sélection et du traitement
réservé à certaines personnes, catégories sociales
et idées. Ce rôle gestionnaire ne signifie également pas
que d'autres canaux d'influence, comme le lobbying, actions collectives
non-médiatisées, ou autres instances collectives de production du
sens social, comme la famille, l'école ou le travail, ne persistent pas.
D'ailleurs, l'émergence de l'internet vient changer la logique de
gestion de l'espace communicationnel. Or, si l'internet permet la diffusion de
la parole du plus grand nombre dans un espace public de discussion, son
accès reste encore plus faible que celui à la
télévision ; 58,1 millions est le nombre de français
équipés d'une télévision en 2009, soit 90% de la
population, tandis que le nombre d'internautes réguliers est de 19,8
millions, soit 31% de la population. Le temps moyen passé devant la
télévision est par ailleurs plus long que celui passé sur
l'internet : 3h25 contre 1h20 en 2009, malgré une augmentation du temps
passé sur internet et une baisse du temps passé devant la
télévision21.
L'accès a l'espace communicationnel géré
en grande partie par la télévision reste donc une condition
essentielle pour « se faire entendre > dans l'espace public, les
médias désignant les acteurs qui auront la parole. Mais
l'influence de l'opinion publique dans la production de l'information
médiatisée ne peut pas être négligée.
II. Opinion publique
Arnaud Mercier affirme que le « contrôle » que
le public pourrait avoir dans l'espace communicationnel serait essentiellement
« sondagier », et que les médias, en tant que relayeurs et
commentateurs des sondages, deviendraient les représentants par
excellence de cette opinion publique.
Patrick Charaudeau22, également dans les
années 90, va nous présenter une définition plus ample de
la formation de l'opinion publique ; un produit de la relation entre
la réception et la production de l'information médiatique.
21 Source : Médiamétrie :
Médiamat Annuel 2009 pour les données sur la
télévision et Communiqué Année internet 2009 pour
les données sur l'internet. Pourcentage calculé sur la base de la
population française au 1er janvier 2010, publiée par l'INSEE :
64,7 millions
22 CHARAUDEAU Patrick, Le discours d'information
médiatique. La construction du miroir social, p. 81
Selon l'auteur, la production de l'information
médiatique prend en compte les comportements de consommation
médiatique du public, mesurés à travers de «
l'audimat ~, ainsi que l'observation des effets divers produits, a travers des
« études d'impact », pour construire une information qui
influencera a son tour ces comportements et effets. Un phénomène
circulaire s'établit ainsi entre la réception et la production de
l'information médiatique ; tantôt les médias justifient
leurs stratégies prétendant qu'ils répondent aux attentes
de leur public, tantôt les médias vont influencer ces attentes.
Gestionnaires en grande partie de l'accès a l'espace
communicationnel, les médias influencent ainsi l'opinion publique. Mais
comment se passe cette influence ? Quels aspects sont pris en compte dans la
stratégie de production de l'information ?
Charaudeau nous invite à penser que les médias,
soumis à la concurrence du libre marché, réalisent un
double effort pour essayer de capter leur public ; ils prennent en compte
à la fois sa capacité intellectuelle et sa sensibilité
affective, et structurent l'information de manière a attirer leur
attention de façon rationnelle, par le biais d'un discours
crédible, et de façon non-rationnelle, par le biais de la mise en
spectacle de l'information.
Cette idée révèle la contradiction notable
auxquelles sont soumis les médias : être le plus crédible
possible tout en suscitant l'émotion du public.
Je vous propose donc de structurer notre discussion sur ces
deux contraintes majeures auxquelles ont été soumises
Globo et TF1 : être crédible et attirer
l'émotion. Nous verrons que pour donner l'information sur l'accident,
tant le Jornal Nacional que le 20 Heures se sont
refugiés dans la fiction, pour obtenir de la crédibilité,
et dans l'émotion, pour attirer le public.
1) Le refuge dans la fiction
Les résultats présentés auparavant nous
avaient montré qu'une grande partie des techniques de mise en
récit de l'information télévisée cherchent à
produire un effet de réalité sur le spectateur. Nous partagerons
ces techniques en deux groupes : les techniques couramment utilisées par
les médias, ce que nous appellerons de techniques de faux
semblant, et les techniques utilisées davantage dans le cadre du
crash, qui visaient à créer un effet de réel face a
l'ignorance ou l'impossibilité de communiquer la réalité.
Nous appellerons ces dernières : techniques de fausse
réalité.
a) La fausse réalité
Ou le recours a l'effet de réel face a
l'impossibilité de l'accès a la réalité.
I. L'information immédiate : la fausse
cause, les faux débris
L'immédiateté est une technique
régulièrement utilisée par les journaux
télévisés dans le but d'avoir de la
crédibilité, car un des arguments rationnels qui influence le
choix du spectateur sur la chaîne à regarder c'est la vitesse avec
laquelle l'information leur est fournie.
Cette technique, devenue presque une contrainte, peut nous
expliquer la plus étonnante différence observée entre le
20 Heures et le Jornal Nacional au sujet du crash :
l'hypothèse sur la cause de l'accident présentée par les
deux chaînes a été complètement différente,
voire opposée, dans le 1er jour qui a suivi l'accident.
La fausse cause
L'émission du 20 Heures du 1er Juin
2009, ainsi que celle du Jornal Nacional, ont consacré la
plupart de leur temps de diffusion aux informations relatives a la cause de
l'accident ; 30% pour TF1 contre
40% pour GLOBO23. Cependant, les
hypothèses présentées par les deux chaînes ont
été opposées ! Le 20 Heures a soutenu la cause
comme étant la foudre, pendant que le Jornal Nacional l'a
indiquée comme « inconnue jusqu'au moment ~, tout en indiquant
qu'il était très improbable que la foudre ait été a
l'origine de la disparition de l'avion.
Le générique du 20 Heures annonce
l'accident par la phrase "sans doute été foudroyé
». Selon Arnaud Mercier24, « Le
générique est le lieu d'origine de la légitimation de
l'information », il est responsable de la hiérarchisation des
nouvelles et « Il crée l'espace d'énonciation des
journalistes, il détermine le niveau d'attente du public ~. En
affirmant dans le générique que l'avion aurait été
« sans doute foudroyé », TF1 laisse donc voir son
choix rédactionnel d'affirmer la cause de l'accident comme étant
la foudre.
Le contenu de certains reportages laisse également voir
cette décision ; un reportage de deux minutes nous décrit la zone
du « pot au noir », une zone intertropicale où se produisent
souvent des orages et turbulences violentes, par oi l'avion aurait
passé, puis une interview avec Evelyne Dhéliat, la
présentatrice météo de TF1, nous explique les
conditions météorologiques auxquelles l'avion aurait
été exposé. Un reportage de trois minutes est même
consacré a l'explication de la façon dont un avion réagit
à une décharge électrique !
Le Jornal Nacional, en dépit du fait d'avoir
consacré beaucoup de son temps de diffusion aux hypothèses, ne va
pas défendre une cause spécifique. Leur générique
diffuse seulement les informations factuelles sur le vol25 et leur
choix rédactionnel nous montre encore une volonté de contredire
les médias qui avaient annoncé la foudre comme hypothèse
principale ; une intervention de Sônia Bridi, leur correspondante a
Paris, présente l'opinion des experts français comme étant
contraire a l'hypothèse de la foudre : « il est très
difficile que la foudre fasse tomber un avion », « il faut beaucoup
plus qu'une tempête pour faire tomber un avion, ceux-ci étant
construits pour résister jusqu'aux ouragans26 », puis un
reportage va renforcer cette faible possibilité de la foudre comme
origine de la disparition de l'avion.
23 Voir données statistiques en annexe : Annexe
1, p. 53
24 MERCIER Arnaud, Le journal
télévisé: politique de l'information et information
politique, p. 200
25 Nombre de victimes, trajet prévu de
l'avion et heure de la disparition : « um avião da Air France
com 228 pessoas à bordo está desaparecido há mais de 20
horas. O vôo 447 saiu do Rio de Janeiro com destino à Paris, na
França. Segundo a companhia aérea, 58 brasileiros embarcaram no
vôo »
26 « é muito dificil que um raio derrube um
avião », « é preciso mais do que uma
tempestade para derrubar uma avião », « os
aviões são construidos para enfrentar até furacões
e sairem ilesos »
Les émissions du deuxième jour qui a suivi le
crash ont consacré beaucoup moins de temps aux hypothèses ; 19%
du temps total dédié au crash pour TF1 contre 18% pour
GLOBO, par rapport à 30% et 40% la veille, respectivement. Les
deux chaînes ont également changé leurs discours en
insistant sur le fait que seules les boîtes noires permettraient de
connaître la cause précise ; le 20 Heures a par ailleurs
annoncé le changement de son discours par l'affirmation dans le
générique : « la foudre ne convient plus aux
pilotes".
L'analyse des émissions du 1er juin 2009 des
deux journaux télévisés nous illustre ainsi la contrainte
d'immédiateté auxquelles ont été soumis le
Jornal Nacional et le 20 Heures pour avoir de la
crédibilité ; les deux chaînes ont consacrée une
grande partie de leur temps de diffusion aux hypothèses sur la cause de
l'accident quand aucune information précise n'était connue sur le
sujet. Cette imprudence est d'autant plus grave dans le 20 Heures, qui
affirme la cause comme étant la foudre, information qui se
révélera fausse.
Cette même imprudence, due a
l'immédiateté, a pu être observée dans
l'émission du 2 juin 2009 du Jornal Nacional, qui a
consacré 49% de son temps de diffusion sur l'accident aux recherches,
informant que des débris de l'avion avaient été
repérés dans l'Océan Atlantique. Deux jours plus tard
cependant, ces débris se révéleront comme appartenant
à un navire cargo.
Les faux débris
Dans son émission du 2 juin 2009, le Jornal
Nacional explique qu'un avion de la force aérienne
brésilienne avait retrouvé des débris du vol 447 sur
l'océan27. Le ministre de la défense brésilien
à l'époque, M. Nelson Jobim, confirme cette découverte aux
journalistes, puis d'autres reportages sur les recherches en suivent,
expliquant en détail l'organisation des opérations de recherche
et d'analyse des débris. L'émission du même jour du 20
Heures va également mentionner la découverte
brésilienne, mais avec la réserve qu'il « reste à
confirmer qu'il s'agit des débris du vol AF447 ».
L'imprudence de la diffusion de cette (fausse) information
diffusée par le Jornal Nacional a été d'autant
plus grande qu'elle ne sera corrigée que trois jours après sa
diffusion ; les présentateurs vont annoncer que les médias
français avaient critiqué la presse brésilienne pour sa
précipitation, et
27 Une boue, une poltronne et tâches d'huile et
kérosène
vont rediffuser des images du 2 juin, où le ministre de la
défense affirmait avoir retrouvé les débris, de sorte a
déplacer l'imprudence de la rédaction sur les autorités
brésiliennes.
De toutes les différences perçues entre les deux
pays dans le traitement de l'information sur le crash, les publications d'une
fausse cause et de faux débris ont été les plus
marquantes.
Mes hypothèses sur les cadres d'influence qui ont
conduit chaque chaîne à son choix rédactionnel, concernent
la confiance dans la « parole nationale ~, le cadre économique et
d'autres faits, comme le décalage horaire.
Premièrement, la foudre a été
l'hypothèse affichée par Air France le 1er Juin 2009 ;
le fait qu'Air France soit une compagnie française peut expliquer que
TF1 y fasse plus de confiance que GLOBO. Le même
phénomène se produit pour la diffusion des faux débris,
information qui avait été annoncée par le ministre de la
défense brésilien.
Deuxièmement, il est aussi important de prendre en
compte le cadre économique dans lequel les deux chaînes sont
insérées. GLOBO est le leader du marché
brésilien entre 9 autres chaînes hertziennes28, avec
presque 50% de parts d'audience nationale en 200929, le Jornal
Nacional étant le journal télévisé le plus
regardé, avec plus d'audience que tous les autres journaux
télévisés réunis30. TF1 est
aussi leader dans le marché français, avec 26,1% de parts
d'audience nationale en 2009 mais l'audience du 20 heures n'est pas
toujours la plus élevée, son rôle de leader étant
largement disputé par le 20 Heures de France 2. Cette
domination du marché dont dispose GLOBO, peut expliquer la plus
faible nécessité d'immédiateté ; si le Jornal
Nacional n'éclaire pas les téléspectateurs sur la
cause de l'accident, pendant que d'autres journaux
télévisés le font, il est peu probable que les
Brésiliens zappent. La même situation en France est moins
vraie.
Troisièmement, il est aussi important de ne pas
négliger l'influence du décalage horaire dans la conception des
émissions ; en été, la France a cinq heures d'avance sur
le Brésil, ce qui leur laisse moins de temps pour préparer
l'information a être diffusée.
28 Rede Globo, Sistema Brasileiro de
Televisão (SBT), Rede Bandeirantes de Televisão, Rede TV!, Rede
Record de Televisão, Central Nacional de Televisão (CNT), TV
Gazeta São Paulo, MTV e Cultura (SP).
29 Source : Mediadados
http://midiadados.digitalpages.com.br/home.aspx
30 Le Jornal Nacional a eu une audience
moyenne en 2009 de 15,4%, pendant que chacun des 4 autres journaux
télévisés des chaînes hertziennes (Jornal da
Band, Jornal da Record, Rede TV News et SBT
Brasil) n'ont pas dépassé les 2%. Source : Media Workstation
IBOPE (sur la base des individus âgés de 5ans et plus)
En plus de l'identification des cadres d'influence qui ont
déterminé le traitement de l'information, un autre aspect
intéressant se dégage de cette analyse : elle nous permet de voir
que l'immédiateté auxquelles sont soumis les médias peut
finir par nuire à la crédibilité, les
procédés appliqués dans le but de construire une image
crédible aux yeux du spectateur pouvant travailler contre
eux-mêmes.
D'autres procédés utilisés dans le but
d'avoir de la crédibilité ont par ailleurs aussi
démontré un « effet contraire » : l'utilisation
d'arguments opposés.
II. L'effet d'enquête : l'utilisation d'arguments
opposés
Toujours selon Arnaud Mercier31, l'utilisation
d'arguments opposés, ou la présentation bipartite, est
l'une des constantes du journal télévisé. « Le
journaliste recherche systématiquement les points de vue contraires qui
peuvent exister, pour mettre en valeur l'objectivité du discours.
».
L'analyse de l'hypothèse de la foudre, affichée
par l'émission du 20 Heures du 1er juin 2009 comme
étant la cause principale de l'accident, peut également nous
illustrer l'utilisation d'arguments opposés comme moyen d'obtenir de la
crédibilité aux yeux du spectateur, puisque malgré le fait
que la foudre ait été annoncée dans le
générique (« sans doute été
foudroyé ») et dans certains reportages, d'autres
hypothèses ont été également
présentées au cours de l'émission.
31 MERCIER Arnaud, Le journal
télévisé: politique de l'information et information
politique, p. 201
ANNONCE RAPPEL
GENERALE GENERAL
Comme nous illustre l'image ci-dessus, l'hypothèse
(couleur verte) a été traitée quatre fois pendant
l'émission, en plus du générique (couleur blanche) : la
première fois dans un bloc d'annonce générale sur le
crash, la deuxième fois dans une série de reportages et
interviews, dont une des interviews a été reprise plus tard dans
l'émission (troisième fois) et la quatrième fois dans le
rappel général. (La couleur noire représente les
informations ne concernant pas le crash).
Dans l'annonce générale du crash, la
présence d'arguments opposés a déjà
été évidente. L'hypothèse
annoncée par le narrateur est une « cause
mystérieuse », suivi par le témoin de François
Brousse, directeur de communication d'Air France, qui affirme que « on
ne connaît pas encore la cause ». Pourtant, une question
posée ensuite par un journaliste de TF1 va laisser voir le
choix de la rédaction de confirmer l'idée de la foudre : «
c'est possible que ce soit une foudre? », sa réponse a
été « oui ».
La série sur les hypothèses, composée de
trois reportages et deux interviews, va également illustrer
l'utilisation d'arguments opposés ; les deux premiers reportages et la
première interview vont présenter des hypothèses
opposées à celle de la foudre, pendant que le troisième
reportage et la deuxième interview vont reprendre l'idée de la
cause comme étant météorologique :
Le premier reportage se concentre sur un témoin qui
affirme la cause comme étant un enchaînement de facteurs :
météo, erreur humaine, faille technique. Le deuxième
reportage vient expliquer que les avions sont construits pour supporter les
décharges électriques, et la première interview va
conclure que la foudre ne fait pas tomber un avion et que "quelque chose
d'autre s'est passé", l'hypothèse la plus acceptable
étant un enchaînement de problèmes, dont une faille
technique.
Dans le sens contraire, le troisième reportage explique
la formation de la zone du "pot au noir", concluant que l'avion aurait
passé par une zone de violents orages et turbulences, et la
deuxième interview confirme cette idée, a travers la
participation d'Evelyne Dhéliat, présentatrice de la
météo de TF1. Dhéliat rajoute par ailleurs une
autre hypothèse qui se révélera également fausse :
le givre que se serait déposé sur l'avion et qui l'aurait
alourdi.
La fin du journal va laisser l'hypothèse dans l'air,
puisque le rappel général va conclure que la foudre ne serait pas
la seule hypothèse « Plusieurs experts doutent que la foudre,
hypothèse évoquée par Air France, soit l'unique cause de
la disparition du vol ».
Les arguments opposés sur les hypothèses de la
cause de l'accident vont ainsi remplir le discours de l'émission du
20 Heures du 1er juin 2009. Or, si cette
présentation bipartite a été un choix
stratégique de TF1 dans le but de « mettre en valeur
l'objectivité du discours », elle a fini par nuire à
cette objectivité ! Arnaud Mercier rajoute que « Ce faisant,
pourtant, l'idée même d'objectivité est remise en cause,
puisqu'il il n'est pas établi de hiérarchie dans les points de
vue, qui semblent avoir la même légitimité ou le même
statut ». Une hiérarchie des arguments sur la cause du crash
est mise en évidence par le générique, mais
l'incohérente organisation de la présentation des arguments
opposés va rendre trop subtile cette hiérarchie, d'autant plus
que la rapidité avec laquelle les informations sont
présentées ne laissent pas le temps au spectateur d'y
réfléchir.
Un autre fait intéressant a cette analyse est que les
hypothèses sur la cause de l'accident seront également
opposées entre l'annonce des reportages par la présentatrice en
studio et la conclusion des mêmes reportages, ainsi qu'entre les
questions posées aux interviewés et leur réponses ! Entre
le premier et le deuxième reportage, Laurence Ferrari affirme "on
vient de le voir, la foudre pourrait être à l'origine de cette
catastrophe", quand la conclusion du reportage présentait
l'idée d'un enchaînement des causes, dont erreur humaine et faille
technique. Dans la même logique, Ferrari affirme que "les conditions
de météo ont joué un rôle prédominant dans
cet accident", après l'interview qui avait conclu que "quelque
chose d'autre s'est passé". D'ailleurs, la présentatrice va
jusqu'à affirmer par erreur que quand il y a de la foudre, le
système électrique arrête de fonctionner, et cela
après un reportage qu'expliquait que les avions sont foudroyés en
moyenne une fois par
an !32
Cette opposition entre le discours énoncé par la
présentatrice et le discours relayé par les reportages finit
par rendre l'information incohérente. Ainsi, le recours à une
présentation bipartite engendre un
32 La présentatrice va être
également corrigée par Evelyne Dhéliat en affirmant que
« les conditions météo étaient
particulièrement défavorables cette nuit dans cette zone de
l'équateur », quand en fait « Il n'y en avait pas
plus que d'habitude ». Ces failles courantes de la
présentatrice laissent imaginer qu'elle ne prend connaissance des
informations diffusées qu'au moment du tournage, ce qui signifie qu'il
n'y a pas de vérification de la cohésion de l'émission une
fois les reportages édités : autre signe de contrainte
d'immédiateté
manque de clarté du discours. Une fois de plus, un
procédé appliqué dans le but d'avoir de la
crédibilité peut produire un effet contraire.
Le Jornal Nacional va également utiliser la
technique des arguments opposés, notamment au sujet de l'enquête,
pourtant de manière moins caricaturale que TF1. Toutefois, un
exemple ne paraît pas ici nécessaire.
Un autre procédé utilisé par les deux
journaux télévisés dans le but de gagner de la
crédibilité a été le recours à la parole
technique.
III. La parole technique : l'imprécision des
informations sur l'enquête
Un troisième point intéressant à
remarquer dans cette analyse des techniques utilisées par le Jornal
Nacional et le 20 Heures dans le but de créer un effet de
réel face a l'ignorance de la réalité, est l'utilisation
de connaissances techniques que le spectateur ne maitrise pas. Comme
discuté auparavant, l'utilisation de ce recours sera encore plus utile
dans le cadre du crash, dont l'enquête révèle des
détails spécifiques tel que la compréhension du mode de
fonctionnement des avions Airbus A330, des procédés de
pilotage, du fonctionnement des boites noires, entre autres.
Le Jornal Nacional a été le premier
à se prévaloir de la parole technique pour apporter des nouveaux
éléments a l'enquête. L'émission du 3 juin 2009, le
troisième jour qui a suivi l'accident, a présenté dans son
générique et dans un reportage l'hypothèse d'une faille
des ADIRUS, « unités de référence de
données33 », présents en trois exemplaires
dans les modèles d'avion Airbus A330. Selon l'émission,
les ADIRUS seraient les pièces responsables de l'envoi
d'informations telles qu'altitude, vitesse, direction et position de l'avion a
l'ordinateur de bord. Si jamais une de ces trois pièces envoie des
informations erronées, l'ordinateur risque de suivre des mauvaises
informations. Cette explication est suivie d'images de deux autres accidents
concernant des Airbus A330 également accusés d'avoir
33 « unidades de referência de dados
»
présenté une faille des ADIRUS : l'avion
de la compagnie aérienne QANTAS, le 7 octobre 2008 en
Australie34 et l'avion de la compagnie aérienne TAM,
le 21 mai 2009 au Brésil35.
Cette explication, chargée de connaissances très
spécifiques, apporte au spectateur plus de questions que de
réponses : comment se passe l'enregistrement de ces informations ?
Pourquoi trois unités différentes ? Quelle est l'autonomie des
pilotes face a l'ordinateur de bord ? Toutefois, mentionnée pendant
quelques secondes entre la présentation d'images différentes,
l'utilisation de la parole technique est censée donner au spectateur le
sentiment de la maitrise du sujet.
Cette même utilisation de la parole technique au sujet
de l'enquête a également été appliquée par le
20 Heures, qui a choisit de parler des sondes Pitot
plutôt que des ADIRUS36. Dans l'émission du 4
juin 2009, le 20 Heures a repris des images d'un journal
brésilien37 pour annoncer l'hypothèse de panne des
ADIRUS, alors qu'aucune explication plus détaillé n'en a
été donnée. Le lendemain, un témoin informe que
l'avion aurait enregistré des informations de vitesses divergentes et
finalement, le 6 juin, l'émission va présenter l'hypothèse
d'un dysfonctionnement des capteurs de vitesse, ou sondes Pitot, mais
toujours sans explication détaillée. L'hypothèse sur le
givrage des sondes, qui est défendue jusqu'à aujourd'hui par des
spécialistes, va être diffusée seulement le 9 juin 2009,
plus d'une semaine après l'accident, dans un reportage qui utilise la
parole technique de spécialistes et schémas 3D pour expliquer le
fonctionnement des sondes, qui si elles sont gelées, peuvent «
fausser les données ».
Dans le 20 heures également, l'explication sur
le fonctionnement des sondes Pitot laisse subsister plus de questions
que de réponses : pourquoi les sondes peuvent-elles geler ? Ne
sont-elles pas conçues pour fonctionner avec une baisse de
température ? Comment marche le système sondes Pitot +
ADIRUS ? Aucune information sur ce sujet n'est donnée dans
l'émission. La parole technique ici est également utilisée
pour créer un sentiment de maitrise du sujet chez le spectateur,
malgré le fait qu'elle ne soit pas efficace pour éclairer la
vérité sur l'accident.
34 Plus d'informations sur
http://avherald.com/h?article=40de5374/0009&opt=3328
35 Plus d'informations sur
http://avherald.com/h?article=41bb988a
36 Une plus claire explication du fonctionnement des
sondes et des ADIRUS peut être retrouvée a l'adresse
suivante :
http://www.securiteaerienne.com/node/138
37 Images du site internet
www.estadao.com.br
Comme l'immédiateté et les arguments
opposés, l'utilisation de la parole technique peut produire une
information forte imprécise, ce qui nuit à sa
crédibilité. Une fois de plus, nous nous apercevons que les
techniques utilisées dans le but d'avoir de la crédibilité
peuvent engendrer l'effet contraire ! Et ce fait est d'autant plus
évident qu'il s'agit d'un sujet sur lequel les médias ne
connaissent pas la réalité...
Nous reprendrons maintenant quelques techniques usuelles de
construction de l'émission télévisée
présentées dans l'analyse des résultats. Ces techniques,
utilisées dans le but de renforcer le sentiment de maitrise de la
réalité chez le spectateur, seront ici appelées de
techniques de faux- semblant.
b) Le faux-semblant
Ou le recours a l'effet du réel tel qu'il est
utilisé couramment
I. Le recours abusif au direct
Nous avons vu dans les résultats que le recours au
direct a été utilisé par les deux journaux
télévisés ; des illustrations montraient la
présence d'un reporter de TF1 au Brésil et d'un reporter
de GLOBO en France. Selon Arnaud Mercier, « La valorisation
du direct, du duplex, ou des liaisons satellites, suffit souvent à
justifier le reportage, même si les informations ainsi fournies sont de
faible valeur » 38. Nous allons voir qu'en plus d'apporter
une information de faible valeur, le recours au direct a été
quelquefois abusif dans le traitement de l'information sur le crash, la
présence d'un reporter sur le terrain n'étant pas vraiment
justifiée.
L'émission du 3 Juin 2009 du 20 Heures a
diffusé des images d'un de leurs reporters, Tristan Waleckx, en direct
de la ville de Natal, au Brésil. Il se trouve que Natal n'était
pas la ville oi se trouvaient les structures qui coordonnaient les recherches
des corps et débris, cette structure étant placée à
Recife, capitale économique du Nord-est du Brésil,
localisée 260 km au sud de Natal. La présence du journaliste
à Natal peut être expliquée par le fait qu'il comptait
aller sur l'île de Fernando de
38 MERCIER Arnaud, Le journal
télévisé: politique de l'information et information
politique, p.205
Noronha, d'oi partaient les avions et bateaux pour les
opérations de recherches39, pourtant, sa présence dans
la ville n'apportait rien a l'enquête. L'utilisation du direct dans ce
cas n'a eu d'autre but que de donner au spectateur un faux semblant de
maîtrise de la réalité. D'ailleurs, GLOBO n'as
dans aucun moment utilisé ses correspondants à Natal, mais
seulement à Recife.
Fernando de Noronha
260 km.
Reporter de TF1en direct de Natal
*
Zoom sur le plan du nord-est du Brésil
Le même phénomène s'est produit dans
quelques interventions en direct de l'aéroport de Roissy.
L'émission du 1er juin 2009 a par exemple fini avec une
intervention de la reporter Anne-Claire Coudray, en direct de l'Aéroport
Charles de Gaulle, pour dire que Air France, dans une dernière
conférence de presse, « n'a donné aucun détail
sur les circonstances de l'accident ». Etant donné qu'une
telle information ne justifie pas la présence de la reporter sur le
terrain, nous pouvons imaginer qu'ici également, le direct a
été utilisé dans le but de créer un faux-semblant
du réel.
GLOBO s'est prévalu du recours au direct maintes
fois également, à Roissy notamment.
Une autre technique de mise en récit de l'information a
également été utilisée de façon abusive dans
le traitement médiatique du crash : l'exploitation des images.
39 Dans l'émission du lendemain, le 4 Juin,
Tristan Waleckx se trouve à Fernando de Noronha
II. Le recours abusif a l'image
La technique la plus évidente pour créer le
sentiment de maitrise de la réalité auprès du public est
l'utilisation d'images, car « dans l'imaginaire social, l'image
participe de cette illusion de « vérisme », faisant prendre ce
qui représente l'objet pour l'objet lui-même
»40. Cet usage peut être notamment
remarqué dans le cadre du crash, certaines images ont été
répétées jusqu'à l'excès, laissant voir dans
leur usage une intention plus ample que le simple fait d'illustrer la
réalité.
Un exemple clair de l'exploitation de l'image dans le traitement
médiatique du crash a été la diffusion de l'image de la
queue de l'avion, nettement identifiable par les couleurs d'Air France.
Le sujet des recherches étant devenu un point
délicat pendant la première semaine qui a suivi l'accident (en
raison des informations diffusées sur les faux débris), le jour
oi la queue de l'avion a été retrouvée, une série
de photos a été affichée par les deux journaux
télévisés plusieurs fois pendant leurs émissions,
quasiment pour exprimer leur soulagement d'avoir enfin trouvé une image
qui prouvait la réalité de leur discours.
40 SOULAGES Jean-Claude. Les mises en scène
visuelles de l'information: étude comparée France, Espagne,
États-Unis, p. 75
Images diffusés par GLOBO le 8 Juin 2009
Images diffusés par TF1 le 8 Juin 2009
Comme on le voit dans les images ci-dessus, GLOBO et
TF1 ont affiché exactement les mêmes images du
repêchage de la queue de l'avion dans l'émission du 8 Juin, mais
ce qui est le plus étonnant, c'est que les deux les ont affichés
dans le même format ! La première image a été
affichée comme support de la narration, dans une incrustation dans
l'image principale, légèrement inclinée vers la gauche,
dans le côté droit de l'écran. La deuxième image a
été diffusée pendant les génériques et le
rappel général des deux journaux, en plein écran
(l'exemple affiché pour GLOBO montre l'image qui a clos
l'émission et l'exemple affiché pour TF1 montre l'image
qui a ouvert le journal).
Les jours qui ont suivi cette publication, les journaux
télévisés ont également affiché d'autres
images de la queue de l'avion dans des formats similaires. Cet exemple
ci-dessous montre des images du transport de la queue affichées dans un
plan occupant presque tout l'écran, entouré d'un cadre noir.
GLOBO TF1
Le fait que les deux journaux télévisés
des pays différents affichent les mêmes images dans les
mêmes formats montre que l'utilisation des images dépasse leur
fonction illustrative pour devenir une technique d'usage commun pour attirer le
public.
Comme le direct et les images, les schémas 3D font partie
des recours utilisés de manière excessive par le Jornal
Nacional et le 20 Heures au sujet de l'accident.
III. Le recours abusif aux schémas 3D
La spécificité d'un journal
télévisé, par rapport a un journal écrit ou
parlé, réside dans le fait d'apporter au public une information
visuelle a laquelle s'attache, dans l'esprit du public, une
crédibilité spécifique. Face a l'absence d'images
enregistrées de la réalité (photographie et vidéo),
les journaux télévisés utilisent ainsi souvent de dessins
et schémas 3D pour répondre aux attentes du public d'une
information illustrée.
Dans le cadre du crash - un accident qui n'a pas
été enregistré et dont l'enquête relève
d'informations techniques, difficiles a comprendre - ce recours aux
illustrations figées sera évident, bien que non
nécessairement justifié.
L'Illustration utile
L'usage de dessins et schémas 3D s'avérera
approprié pour illustrer des informations telles que la position
géographique du lieu de la disparition de l'avion, la localisation, la
profondeur et l'extension des zones de recherches, l'altitude de l'avion par
rapport a la hauteur des nuages et la position des ADIRUS ou
sondes Pitot dans l'avion.
Les images ci-dessous montrent des illustrations produites par
GLOBO et TF1 dans le but de rendre plus
compréhensible au spectateur l'information sur la localisation de la
zone de recherches. Cette information a été donnée avec
plus de détails au Jornal Nacional, qui a donné le nom
de l'archipel
autour duquel ont circulé les avions et navires
chargés des opérations de recherches : Arquipélogo de
São Pedro e São Paulo41.
GLOBO TF1
Dans d'autres cas, des schémas 3D seront utilisés
d'une manière non justifiée, qui n'a apporté aucune valeur
a l'information diffusée.
L'Illustration inutile
Ainsi que le recours au direct et aux images, les schémas
3D peuvent être utilisés comme une technique de faux-semblant, qui
donne au spectateur le sentiment de maîtrise de la
réalité.
Les images ci-dessous montrent des schémas 3D qui ont
été diffusés maintes fois pour illustrer les informations
sur l'enquête. Le premier, produit par GLOBO, illustre le fait
que l'avion a envoyé des messages automatiques avant sa disparition, et
le deuxième, produit par TF1, illustre le fait que les boites
noires émettaient des signaux acoustiques. Ces deux schémas 3D
produisent un faux semblant, car ils illustrent une réalité
impossible (les signaux acoustiques ne sont pas visibles par l'oeil humain) et
ils n'apportent aucun élément qui rend l'information plus
compréhensible au spectateur.
GLOBO TF1
41 La traduction au français serait
Archipel de Saint Pierre et Saint Paul
D'ailleurs, ce schéma produit par TF1 a
été rediffusé plusieurs fois dans l'année 2010, au
sujet des recherches des boites noires, malgré le fait que
l'émission de signaux acoustiques s'est arrêtée un mois
après la disparition de l'avion.
A la différence des techniques de fausse
réalité discutées auparavant, qui ont fini par nuire
à la crédibilité du discours, l'utilisation abusive des
techniques de mise en récit de l'information ont effectivement
renforcé la crédibilité de l'information, a travers la
création d'un faux-semblant.
La discussion de la recherche de la crédibilité
par le Jornal Nacional et le 20 Heures nous a montré
très peu de différences entre les informations diffusées
dans les deux pays, les seules différences essentielles étant le
fait que le 20 Heures a indiqué précipitamment la cause
de l'accident comme étant la foudre, et que le Jornal Nacional
a affirmé précipitamment que des débris du vol avaient
été retrouvés.
Ce constat nous montre que la recherche de la
crédibilité a, en un sens, homogénéisé les
informations diffusées par les deux journaux
télévisés. Les quelques cadres d'influence
repérés (la confiance dans la « parole nationale », le
cadre économique et le décalage horaire) jouant un rôle
moins important dans la construction de l'information que les techniques de
mise en récit de l'information.
Nous verrons maintenant si la volonté d'attirer
l'émotion du public a engendré plus de différences que la
recherche de la crédibilité, et si d'autres cadres d'influence
ont contribué a la formation de l'opinion publique sur l'accident du vol
AF447 au Brésil et en France.
2) Le refuge dans l'émotion
La recherche de l'émotion dans le traitement
médiatique du crash entre le Jornal Nacional et le 20
Heures a suivi une logique différente de celle de la recherche de
la crédibilité. Pendant que cette dernière s'est
basée sur des techniques de mise en récit de l'information pour
donner au spectateur une illusion de réalité et le sentiment de
maîtrise de la même, la recherche de l'émotion s'est surtout
basée sur le choix des reportages.
Nous verrons ici que le contenu des informations
diffusées a contribué a attirer l'émotion du public de
deux manières différentes : à travers de la
création de la compassion et à travers de la
création du suspense.
a) La création de la compassion
L'analyse des résultats nous a montré, au
début de ce mémoire, une autre différence essentielle
entre les deux journaux télévisés : l'exposition de la
souffrance des proches a été un sujet plus récurrent au
Brésil (6% du temps de diffusion sur le crash a été
consacrée au sujet par le Jornal Nacional contre 3% par le
20 Heures dans le premier jour qui a suivi l'accident, 16% contre 13%
le deuxième jour et 12% contre 0% le troisième jour), alors que
la prise en charge des proches par les autorités a été
plus traitée en France (24% contre 9% le premier jour, 42% contre 0% le
deuxième et 31% contre 19% le troisième42).
Cette différence a été notamment
influencée par les cadres juridiques auquel les deux journaux
télévisés ont été soumis : contrairement au
Brésil, la loi française a interdit la diffusion d'informations
sur les victimes et la police française a privé les journalistes
du contact avec les proches.
L'analyse de la création de la compassion nous laisse voir
cependant que le cadre juridique n'a pas été le seul à
influencer ces différences ; le contexte culturel y a joué un
rôle non négligeable.
42 Le tableau de la répartition du temps
consacré au crash par type d'information est à la page 18 dont
les données statistiques sont en annexe : Annexe 1, p. 53
I. La souffrance des proches au Brésil
Au Brésil, l'exploitation de la souffrance des proches
destinée à créer de la compassion chez le public a
été évidente : informations et photos des victimes ont
été diffusées dès le premier jour qui a suivi
l'accident, accompagnées de témoignages des proches.
Le premier juin, un reportage consacré à la
souffrance des familles a déjà été
repéré au Jornal Nacional, le mot « souffrance
» étant notamment employé : images de proches a
l'aéroport en train de pleurer sont annoncées par les mots «
a chaque confirmation, la souffrance d'une famille43 ». Puis
photos et descriptions de quelques victimes brésiliennes sont
données44.
Image de proches des victimes et photo d'une victime (chef
d'orchestre Silvio Barbato) diffusées par le Jornal Nacional
Le deuxième jour qui a suivi l'accident, cette
compassion sera renforcée par plus d'informations, photos et
témoignages sur les victimes. La narration a renforcé cette
ambiance : « le souvenir de chaque passager emporte l'histoire de
l'incertitude d'un voyage et de la souffrance d'une famille45
».
Le troisième jour, un reportage va jusqu'à
filmer une école oi des adolescents de 13 ans expriment la tristesse
d'avoir perdu leur professeur de littérature, et également une
salle d'entreprise, où les collègues d'une jeune victime montrent
douloureusement aux cameras un bureau désormais vide.
En France, cette exploitation sera moins forte, encore que
présente ! Malgré les contraintes du cadre juridique
français, le 20 Heures a réussit à diffuser la
souffrance des proches en utilisant des témoignages de brésiliens
ainsi que de familles de victimes d'autres accidents aériens.
43 (( A cada confirmação, o
sofrimento de uma familia»
44 Un descendant de la famille royale portugaise,
dirigeant du groupe Michelin, un chirurgien plastique, une chanteuse,
un chef d'orchestre et un ingénieur du groupe Petrobras
45 (( A lembrança de cada passageiro traz a
história da expectativa de uma viagem e do sofrimento de uma
família. »
Le premier Juin, le 20 Heures a diffusé
témoignages de proches de victimes brésiliennes au Brésil
: images de larmes à l'aéroport international du Rio de Janeiro
sont accompagnées de mots de compassion : "les proches et les
parents ne peuvent contenir leurs larmes, la douleur est trop forte".
Images de souffrance des brésiliens diffusées
par TF1
Le 2 juin, le 20 Heures va consacrer un reportage
à la souffrance des familles de victimes d'autres catastrophes
aériennes : deux hommes dont les femmes ont été victimes
d'accidents aériens montrent des photos de leur couple et discutent du
sentiment pénible de la perte d'un être aimé, puis une
interview avec la psychiatre auteur du livre Revivre après un
choc46, va entretenir la discussion.
Le fait que TF1 ait diffusé la souffrance des
proches brésiliens et des proches de victimes d'autres catastrophes
aériennes laisse voir sa volonté de création de la
compassion à travers la diffusion de la souffrance, malgré la
contrainte du cadre juridique français. Toutefois, une différence
entre les deux journaux télévisés qui ne peut pas
être liée au cadre juridique est le fait que le Jornal
Nacional ait entretenu l'espoir de rencontrer de survivants, pendant que
le 20 Heures affirmait les chances de survie comme « infimes
».
Le 2 juin, le Jornal Nacional va diffuser un
témoignage d'un colonel qui participe aux opérations de
recherches affirmant avoir l'espoir de retrouver de survivants, puis le 6 juin,
après la découverte des premières dépouilles, cet
espoir sera éveillé par le témoignage de plusieurs proches
: un père d'une victime affirme « Qu'est-ce qu'on entendait avant ?
Que l'avion avait explosé en vol, qu'il n'y avait
46 SABOURAUD-SEGUIN Aurore.
Revivre après un choc. Odile Jacob, 2006, 179 p. Collection
Guide pour s'aider soi-même
pas de dépouilles ou des débris. Maintenant on les
a trouvés ! Comme un père, je ne peux pas penser au pire (la
mort) ~, puis une mère d'une victime affirme : « mon coeur ne sent
pas qu'il est mort »47.
Cette différence culturelle est rendue encore plus
caractéristique par les témoignages des présidents des
Républiques française et brésilienne, le premier jour qui
a suivi l'accident : au Brésil, le président
M. Lula va dire « je souhaite aux familles de victimes
beaucoup de force », «je demande à Dieu pouvoir retrouver des
survivants48 », pendant que le président
français, M. Sarkozy affirme que « les chances de retrouver des
survivants sont infimes ».
L'effort du 20 Heures pour contourner le cadre
juridique français afin de pouvoir diffuser la peine des familles de
victimes montre que le fait que la souffrance de proches ait été
plus traitée au Brésil n'est pas la conséquence du seul
contexte culturel. Néanmoins, une différence culturelle majeure a
été repérée : le fait qu'au Brésil,
contrairement à la France, l'espoir de retrouver de survivants ait
été entretenu.
Nous verrons également que cette recherche de la
compassion a trouvé d'autres moyens d'émerger, cette fois plus
traités en France qu'au Brésil : la diffusion de la prise en
charge des proches.
II. La prise en charge des proches en France
La création de la compassion à travers la diffusion
de la prise en charge des proches est rendue évidente par le 20
Heures.
Le 2 juin 2009, le 20 Heures a diffusé un
reportage sur l'entreprise CGED, productrice de matériaux
électriques. Le reportage débute par l'information que
l'entreprise avait créé une « cellule d'écoute »
pour aider les familles des dix-neuf employés partis au Brésil
dans le cadre d'une prime offerte par l'entreprise. Le reportage va ensuite
diffuser un témoignage du directeur de l'entreprise qui explique comment
les familles réagissaient a l'accident « une mère a
appelé pour demander l'enregistrement de la boîte vocale de son
fils (...) pour pouvoir entendre encore sa voix ».
47 « Qual era a noticia que nos escutavamos antes ?
Explodiu no ar, desitegrou, não tinha corpos, não tinha
pedaços de avião, agora apareceu ! Como pai, eu não posso
pensar no pior », « Não sei se estou me iludindo, mas o meu
coração não sente a morte dele »
48 «desejo às familias muita
força», «Vamos pedir a Deus para encontrar sobreviventes
»
Le même jour, une interview avec le président de
l'association des victimes de l'attentat contre le DC10 d'UTA, en Septembre
198949, va explorer également la compassion à travers
la prise en charge : le témoin va informer que les autorités
françaises avaient proposé aux proches de survoler le lieu de
l'accident, car quelques proches avaient manifesté le désire d'y
jeter des fleurs... pour « dire au revoir ».
Un autre fait, qui rend cette exploitation de la prise en
charge dans le but de créer de la compassion d'autant plus
évidente, est l'insistance sur l'idée que les familles ne
recevaient pas assez d'explications sur l'accident. Le 16 juin, le frère
d'une victime50 va apparaître au tableau du studio du 20
Heures pour se plaindre du manque de réconfort des autorités
"Nous avions avant tout besoin de réconfort et le seul
réconfort que nous avons eu c'est du CNRS, où travaillait mon
frère : c'est vraiment le seul réconfort que nous avons eu en
dehors de la famille".
Au Brésil, cette prise en charge des proches sera moins
traitée, la diffusion se concentrant surtout sur les hommages rendus aux
victimes : une messe dans la cathédrale métropolitaine de Rio de
Janeiro, où les proches « ont partagé leurs souvenirs et
prié ensemble 51», un concert réalisé en
hommage au chef d'orchestre disparu, Silvio Barbato, entre autres.
Le fait que la prise en charge des proches soit plus
traitée en France qu'au Brésil peut ainsi être entendu
comme un nouveau moyen utilisé par TF1 pour contourner les
contraintes du cadre juridique qui leur a empêché d'explorer
ouvertement la souffrance des proches.
Cette différence ne peut pourtant être
expliquée par le seul cadre juridique. Le fait que le Brésil ait
une culture moins interventionniste que la France peut également
être a l'origine de la moindre nécessité de diffuser la
prise en charge des proches par les autorités, le Brésilien
réclamant moins d'intervention de son gouvernement que le
Français.
Dans l'analyse de la prise en charge des proches, le contexte
culturel s'est révélé à nouveau un cadre
d'influence non négligeable.
49 Plus d'informations sur :
http://www.dc10-uta.org/index.htm
50 Christophe Guillot-Noel, qui a crée la
première association de familles de victimes du vol AF447
51 « compartilharam lembranças e rezaram juntos
»
Nous discuterons maintenant d'autres choix de reportages qui ont
laissé voir la recherche de l'émotion du Jornal Nacional
et du 20 Heures à travers de la création du suspense.
b) La création du suspense :
l'événement feuilleton
Un autre recours utilisé par les deux journaux
télévisés dans le but d'engager émotionnellement le
public a été la création du suspense. « Si un
locuteur doit rapporter une expérience pour édifier ceux qui
l'écoutent, ces derniers doivent autant que possible ignorer ce qu'ils
vont découvrir et être désireux de connaître la fin
de l'histoire 52».
Cet usage a été notamment remarqué a
l'occasion du comptage des dépouilles repêchées et de
l'enquête sur les causes de l'accident.
I. Le comptage des corps
Le tableau ci-dessous nous rappelle que la deuxième
semaine qui a suivi l'accident a été marquée par la
diffusion quasi exclusive des recherches et de l'enquête. Ces
informations concernant les recherches se sont appuyées sur la
découverte et le repêchage des corps des victimes, la
première dépouille ayant été découverte le 6
Juin 2009.
52 GOFFMAN Erving, Les cadres de
l'expérience, op. cit. p. 497 dans MERCIER Arnaud, Le journal
télévisé: politique de l'information et information
politique, p.170
Le samedi 6 Juin 2009, le générique des deux
journaux télévisés a affirmé « deux corps
retrouvés », puis les premiers reportages des deux émissions
ont détaillé les conditions de la découverte : deux corps
avaient été retrouvés à 900 km de l'ile de Fernando
de Noronha près d'une pochette en cuir contenant des cartes
d'enregistrement du vol 44753.
Le lundi 8 Juin54, le comptage commence. Le
générique des deux journaux télévisés
débute par l'information « seize corps retrouvés »,
puis des reportages viennent détailler les procédures de
reconnaissance des corps. Le mardi 9 juin, les génériques
affichent encore en première place le comptage des corps
repêchés (28 au 20 Heures contre 41 au Jornal
Nacional, différence due au décalage horaire de cinq
heures), suivi également de reportages explicatifs. Le mercredi 10 Juin
cette réalité se répète encore, la
découverte sommant 41 corps et 150 débris. Un changement viendra
seulement le jeudi 11 Juin, quand le nombre de corps cède la
première place du générique aux informations sur la «
grippe A » et que l'approche des reportages se réoriente vers
l'analyse des corps par des spécialistes à Recife, ainsi que sur
les procédures de recherche des boîtes noires.
Première image du générique de TF1 le 8
Juin 2009
Ce comptage des corps qui s'est poursuivi pendant quatre
émissions de manière prioritaire (c'était la
première information donnée aux génériques et
ensuite détaillée dans les reportages) a produit un effet
« d'événement feuilleton » sur les
émissions : le spectateur ignorait chaque jour le nombre de corps qui
lui serait affiché le soir, ce qui le laissait dans l'attente de
l'information.
Ainsi que le comptage de corps, un autre choix
rédactionnel a cherché à produire du suspense de
manière à engager émotionnellement le spectateur a
regarder l'émission : l'enquête.
53 La prudence ici a été assurée
par la confirmation des deux journaux télévisés de ce
qu'aucune identification n'avait encore était faite sur les
dépouilles
54 Les émissions du dimanche ont
été tenues a l'écart de l'analyse, voir explication p.
17
II. L'enquête
Compte tenu que la diffusion des informations sur le crash a
commencé bien avant qu'il y ait des hypothèses concrètes
et raisonnables sur la cause de l'accident, l'enquête a été
construite d'une façon qui a engendré du suspense : de nouvelles
informations étaient apportées chaque émission,
quelquefois en contradiction avec les informations diffusées la veille,
mais toujours en essayant de répondre à des questions en
même temps qu'en lançant de nouvelles.
Les hypothèses diffusées par les deux journaux
télévisés n'ont pas toujours été semblables,
comme nous en avions vu dans la discussion sur
l'immédiateté55. Pourtant, elles ont également
produit du suspense.
Le Jornal Nacional a été le premier a
lancer l'hypothèse d'une faille technique de l'avion. L'émission
du 3 Juin 2009 a informé que l'avion aurait envoyé des messages
automatiques avant sa chute (la première à 23h10 : « pilote
automatique éteint » et la dernière quatre minutes plus tard
: « cabine en vitesse verticale »), une faille des
ADIRUS56 étant alors mentionnée comme
l'hypothèse la plus acceptée par spécialistes.
Le 4 Juin, une nouvelle information est apportée a
l'enquête : les ADIRUS auraient enregistré une vitesse
horizontale trop haute par rapport à la vitesse pratiquée dans la
zone de turbulences où se trouvait l'avion57. L'idée
de possibles fissures qui apparaitraient sur les ailes de l'avion après
de multiples heures de vol est également mentionnée. Ces nouveaux
éléments apportés a l'enquête laissent le spectateur
sans beaucoup de réponses : pourquoi l'avion aurait pris une vitesse
trop haute ? Un avion peut-il voler avec des fissures constatées ?
Le 5 Juin, d'autres informations ont été
rajoutées a l'enquête, dont le fait qu'une vitesse trop haute dans
une zone de turbulences pourrait engendrer la désintégration de
l'avion. Cette dernière information donne enfin au spectateur une
hypothèse plus précise : l'avion aurait pris une vitesse trop
haute pour une zone de turbulence, ce qui aurait causé la
désintégration de l'appareil.
55 Page 30
56 Une information plus détaillé est
donné page 30
57 Cette information est par ailleurs
retirée du website du journal Le Monde. « Selon
LeMonde.fr, l'avion ne volait
pas à une vitesse adéquate à la zone de turbulences »
(« Segundo
LeMonde.fr, o avião
não voava com velocidade adequada na área de turbulência
»)
Cependant, d'autres questions sont lancées : les avions ne
sont pas faits pour tenir à de grandes vitesses ? Les fissures auraient
contribué à la désintégration ?
L'émission du samedi (6 Juin) a réalisé
un récapitulatif des nouvelles les plus importantes de la semaine (usage
du Jornal Nacional). Un grand reportage sur l'enquête,
nommé « Ce qui nous est connu jusqu'à présent et ce
qui nous reste découvrir 58~ a présenté
l'idée d'une « perte catastrophique des systèmes
électriques 59», débutant par un nouvel
élément apporté à l'enquête : les senseurs
qui mesurent la vitesse auraient pu être givrés ou
obstrués. Le reportage a ensuite expliqué l'enchaînement de
problèmes que l'avion aurait subi : les senseurs qui mesurent la vitesse
de l'avion auraient été givrés ou obstrués, ce qui
aurait entrainé des informations de vitesse incohérentes et par
conséquent l'arrêt du pilote automatique. L'avion aurait alors
pris une vitesse trop excessive pour la zone de turbulences où il se
trouvait, et explosé. Cette explication, bien que plus concrète
que les antérieures, demeure imprécise, et relance des questions
: les sondes ne sontelles pas construites pour résister au givre ?
Pourquoi l'avion a-t-il pris une vitesse trop excessive ?
Cet ajout constant de nouveaux éléments a
l'enquête attire et augmente l'intérêt du spectateur, qui
s'attend chaque jour a connaître la vérité sur l'accident
même si celle-ci demeure inconnue par les médias. Cet effet «
feuilleton » de l'enquête a également été
perçu au 20 Heures.
Au 20 Heures, la diffusion d'hypothèses
concernant des failles techniques a débuté le mercredi 3 Juin, un
jour plus tard qu'au Jornal Nacional. Le générique a
mentionné que les messages automatiques envoyés par l'avion
constataient une « panne du système » :
déconnexion du pilote automatique, panne de L'ADIRU
(décrit comme étant le « capteur de position horizontale
») et de L'ISIS (« capteur vitesse et altitude »),
puis panne de l'ordinateur central et auxiliaire. Ainsi qu'au Jornal
Nacional, ces informations des failles techniques ont apporté
davantage de questions que de réponses.
Le 5 Juin, une interview en studio avec un spécialiste
est venue apporter un élément de plus à l'enquête :
des mesures de vitesses divergentes auraient été
enregistrées par les dispositifs de l'avion (celle des enregistreurs et
celle transmise aux pilotes sur l'écran). Cette information, qui n'est
par ailleurs pas donnée par le Jornal Nacional, laisse
également le spectateur sans une idée concrète de la cause
de l'accident.
58 « O que ja se sabe até agora e o que ainda
falta descobrir »
59 « perda catastrofica dos sistemas elétricos
»
Le samedi 6 Juin, aucune information n'est donnée en
plus du fait que le directeur du BEA avait affirmé n'avoir que
« la pointe de l'iceberg pour l'instant »60. A la
fin de la première semaine qui a suivi l'accident, le spectateur
français a reçu une information moins complète que le
brésilien.
Images des schémas 3D diffusés par GLOBO
et TF1 au sujet de l'enquête
Cette analyse des hypothèses diffusées par le
Jornal Nacional et par le 20 Heures nous montre que, chaque
soir, les spectateurs recevaient plus d'éléments sur
l'enquête qui suscitaient chez eux encore plus de questions. Si des
différences subtiles de traitement de l'information peuvent être
retrouvées au sujet de l'enquête, les deux journaux
télévisés ont également utilisé le suspense
pour attirer et grandir l'intérêt du spectateur, qui est
demeuré dans l'ignorance de la vérité sur le sujet.
Pendant la première semaine qui a suivi l'accident, le
suspense a été garanti par l'apport constant de nouveaux
éléments a l'enquête, tandis que pendant la deuxième
semaine, cela a été surtout le comptage du nombre du corps
retrouvés qui l'a assuré. Les choix rédactionnels et le
traitement de l'information ont été ainsi similaires entre les
deux journaux télévisés, produisant l'effet d'un «
événement feuilleton ».
Les plus grandes différences retrouvées dans la
discussion de la recherche de l'émotion par le Jornal Nacional
et le 20 Heures concernent les mouvements de création de la
compassion : au Brésil la souffrance des proches a été
plus explorée et a montré l'espoir de retrouver de survivants,
tandis qu'en France la prise en charge des proches a été
priorisé. Ici uniquement nous avons trouvé des
60 Différemment du Jornal Nacional,
l'émission du samedi du 20 Heures ne donne pas le
résumé des informations les plus importantes de la semaine
influences considérables du contexte culturel sur le
traitement de l'information, en plus de l'influence du cadre juridique.
La recherche de l'émotion a ainsi moins
contribué a l'homogénéisation de l'information
diffusée sur le crash que la recherche de la crédibilité.
Si les recours utilisés pour capter l'émotion du public ont
été semblables, le choix des reportages a présenté
des différences significatives.
4. Conclusion
Les questions de départ posées par ce
mémoire concernaient la façon dont les médias
gèrent l'opinion publique et le rôle du contexte culturel dans le
traitement de l'information. Pour tenter d'y répondre, une analyse
comparative du traitement médiatique d'un même
événement dans deux contextes culturels différents a
été réalisée.
Le sujet choisi a été le crash du vol AF447
d'Air France, en raison de son caractère symétrique au
Brésil et en France. L'objectif a été de mettre en
évidence le rôle du contexte culturel et des autres cadres
d'influence possibles dans la gestion de l'opinion brésilienne et
française par rapport à l'accident. Les hypothèses de
départ considéraient le contexte culturel comme le plus grand
facteur conditionnant le traitement de l'information.
Une restriction du corpus à un seul type de
média s'est avérée nécessaire, étant
donné les contraintes de temps pour la réalisation de ce travail.
Les médias choisis ont été les journaux
télévisés 20 heures de TF1 et Jornal
Nacional de GLOBO.
L'analyse du corpus a montré plus de similitudes que de
différences dans le traitement de l'information. De ce constat, deux
hypothèses ont été dégagées : d'une part,
que le format choisi, le journal télévisé, a
contribué à rendre le traitement de l'information
homogène, car il utilise des techniques standardisées de
construction de l'émission ; d'autre part, que la
spécificité du sujet, un accident dont la vérité
est inconnue ou indicible, a aussi contribué à rendre le
traitement de l'information homogène. Les journalistes se sont davantage
appuyés sur les techniques utilisées afin d'obtenir la
crédibilité du public et engendrer l'émotion.
La discussion a ainsi proposé de dégager les
différences de traitement de l'information entre les deux journaux
télévisés en analysant les techniques utilisées. La
première partie s'est concentrée sur les techniques
utilisées dans le but de créer de la crédibilité,
dont la fausse réalité (techniques utilisées pour
créer un effet de réel face a l'ignorance ou
l'inadéquation de la réalité : l'immédiateté
de l'information, l'utilisation d'arguments opposés, et de la parole
technique) et le faux semblant (techniques utilisées dans le
but de renforcer le sentiment de maitrise de la réalité chez le
spectateur : le recours abusif au direct, a l'image et aux schémas
3D).
La deuxième partie s'est consacrée aux techniques
utilisées dans le but de créer de l'émotion, dont
la création de la compassion (le traitement de la souffrance des
proches et de la prise en charge des
proches des victimes par les autorités) et la
création du suspense (le traitement du comptage des dépouilles
retrouvées et de l'enquête).
L'analyse de la crédibilité a trouvé
très peu de différences entre les deux journaux
télévisés, les seules différences essentielles
étant le fait que le 20 Heures a annoncé
précipitamment la cause de l'accident comme étant la foudre, et
que le Jornal Nacional a affirmé précipitamment que des
débris du vol avaient été retrouvés. Ce constat
nous montre que la recherche de la crédibilité a ainsi
contribué à homogénéiser les informations
diffusées par les deux journaux télévisés.
Une observation intéressante dégagée de
l'analyse a été le fait que les techniques de fausse
réalité, utilisées davantage dans le contexte
particulier de l'événement choisi, ont présenté une
contradiction notable dans les éléments fournis au fil des jours,
ce qui a engendré une manque de clarté du discours ; les
procédés appliqués dans le but de construire une image
crédible aux yeux du spectateur ayant eu un effet contraire. Cela ne
s'est pas produit sur les techniques de faux semblant, qui ont
effectivement renforcé la crédibilité de l'information,
n'étant pas soumises a une contradiction apparente.
L'analyse de l'émotion a trouvé également
de la similitude entre les journaux télévisés dans la
création du suspense, qui pendant la première semaine a
été garanti par l'apport constant de nouveaux
éléments a l'enquête, et pendant la deuxième semaine
a été assuré par le comptage du nombre du corps
retrouvés. Toutefois, une différence majeure a été
repérée entre les moyens utilisés pour créer de la
compassion : au Brésil la souffrance des proches a été
plus explorée et a montré l'espoir de retrouver de survivants,
tandis qu'en France la prise en charge des proches a été
diffusée en priorité.
L'analyse du corpus visait à connaître les
différences de traitement de l'information pour dégager les
cadres d'influence qui sont à leur origine. Une différence
importante concerne deux grandes conséquences de l'objectif de diffuser
une information immédiate : le fait que TF1 a été
imprudente en diffusant une fausse cause de l'accident (la foudre) et que
GLOBO a été imprudente en faisant état des faux
débris de l'avion. Ces différences nous ont permis de
repérer comme cadres d'influence la confiance dans la « parole
nationale », le cadre économique et le décalage horaire.
Deux autres différences majeures ont été
repérées entre les moyens utilisés pour créer de la
compassion : au Brésil la souffrance des proches, qui s'accrochaient
à l'espoir de retrouver des survivants, a été plus
exploitée, alors qu'en France cela a été la prise en
charge des proches qui a assuré en plus grande partie l'expression de la
compassion. Cette différence peut être expliquée à
la
base par l'influence du cadre juridique (la loi
française interdit aux médias de diffuser des informations sur
les victimes ou de s'approcher des membres de leur famille, contrairement
à la loi brésilienne). La discussion nous a cependant permis de
repérer que le seul cadre juridique ne suffisait pas à expliquer
ces différences. Le fait qu'au Brésil ait subsisté
l'espoir de retrouver des survivants, contrairement à la France, est une
trace notable de l'influence du contexte culturel, ainsi que le fait que la
souffrance à la télévision est plus couramment
exploitée au Brésil qu'en France et que la France ait une culture
plus interventionniste que le Brésil.
L'influence du contexte culturel n'a ainsi concerné que
la création de la compassion, et elle a été en cela
renforcée par l'influence notable du cadre juridique. Ce constat
s'oppose a l'hypothèse de départ qui considérait le
contexte culturel comme le plus grand facteur conditionnant le traitement de
l'information.
En conclusion, le contexte culturel a joué un
rôle appréciable dans le traitement de l'information sur le crash,
mais n'as pas été le seul facteur. D'autres cadres d'influence
ont été repérés : confiance dans la parole
nationale, cadre économique, juridique et décalage horaire, mais
le facteur qui a influencé en plus grande partie l'information
diffusée a été l'utilisation des techniques de
construction de l'émission, qui ont par ailleurs contribué a
l'homogénéisation de l'information.
En dépit du caractère apparemment très
homogène du média utilisé (le journal
télévisé), l'analyse a permis de mettre en valeur les
fortes nuances des approches brésilienne et française.
Ce travail a permis de soulever le fait que l'utilisation des
techniques standardisées par les médias peut façonner le
traitement de l'information. Cette influence peut toutefois nuire à la
crédibilité de l'information, pour des observateurs avertis.
5. Annexes documentaires
Annexe 1 : Temps de diffusion
GLOBO
01 Juin - lundi
% temps crash
|
min
|
%
|
Crash AUTRES
|
21,95
8,67
|
72% 28%
|
Temps
|
30,62
|
100%
|
Type d'information
|
min
|
%
|
Hypothèses
Recherches
Information sur le vol
Curiosités autour du vol Prise en charge des proches
Souffrance des proches Information sur les victimes
|
8,70 4,42 2,70 1,92 1,87 1,28 1,07
|
40% 20% 12% 9% 9% 6% 5%
|
Temps
|
21,95
|
100%
|
|
|
|
02 Juin - mardi
|
|
|
% temps crash
|
min
|
%
|
Crash AUTRES
|
12,50 13,12
|
41% 43%
|
Temps
|
25,62
|
84%
|
Type d'information
|
min
|
%
|
Recherches
|
6,18
|
49%
|
Hypothèses
|
2,22
|
18%
|
Information sur les victimes
|
2,13
|
17%
|
Souffrance des proches
|
1,97
|
16%
|
Temps
|
12,50
|
100%
|
|
|
|
03 Juin - mercredi
|
|
|
% temps crash
|
min
|
%
|
Crash
|
9,63
|
42%
|
AUTRES
|
13,33
|
58%
|
Temps
|
22,97
|
100%
|
Type d'information
|
min
|
%
|
Hypothèses
|
4,70
|
49%
|
Prise en charge des proches
|
1,85
|
19%
|
Recherches
|
1,92
|
20%
|
Souffrance des proches
|
1,17
|
12%
|
Temps
|
9,63
|
100%
|
TF1
01 Juin - lundi
% temps crash
|
min
|
%
|
Crash AUTRES
|
35,74
8,02
|
82% 18%
|
Temps
|
43,76
|
100%
|
Type d'information
|
min
|
%
|
Hypothèses
Prise en charge des proches Information sur le vol
Recherches
Curiosités autour du vol Souffrance des proches
Information sur les victimes
|
10,75 8,53 5,32 4,87 4,67 1,14 0,46
|
30% 24% 15% 14% 13% 3% 1%
|
Temps
|
35,74
|
100%
|
|
|
|
02 Juin - mardi
|
|
|
% temps crash
|
min
|
%
|
Crash AUTRES
|
26,46 11,69
|
69% 31%
|
Temps
|
38,15
|
100%
|
Type d'information
|
min
|
%
|
Prise en charge des proches
|
11,05
|
42%
|
Hypothèses
|
4,93
|
19%
|
Recherches
|
4,87
|
18%
|
Souffrance des proches
|
3,57
|
13%
|
Curiosités autour du vol
|
2,04
|
8%
|
Temps
|
26,46
|
100%
|
|
|
|
03 Juin - mercredi
|
|
|
% temps crash
|
min
|
%
|
Crash
|
8,35
|
25%
|
AUTRES
|
24,86
|
75%
|
Temps
|
33,21
|
100%
|
Type d'information
|
min
|
%
|
Recherches
|
5,13
|
61%
|
Prise en charge des proches
|
2,59
|
31%
|
Hypothèses
|
0,63
|
8%
|
Temps
|
8,35
|
100%
|
04 Juin - jeudi
% temps crash
|
min
|
%
|
Crash AUTRES
|
9,00
20,25
|
31% 69%
|
Temps
|
29,25
|
100%
|
Type d'information
|
min
|
%
|
Hypothèses
Recherches
Prise en charge des proches Information sur les victimes
|
4,30 2,67 1,70 0,33
|
48% 30% 19% 4%
|
Temps
|
9,00
|
100%
|
|
|
|
05 Juin - vendredi
|
|
|
% temps crash
|
min
|
%
|
Crash AUTRES
|
8,67
21,38
|
29% 71%
|
Temps
|
30,05
|
100%
|
Type d'information
|
min
|
%
|
Recherches
Prise en charge des proches Hypothèses
|
4,83 2,33 1,50
|
56% 27% 17%
|
Temps
|
8,67
|
100%
|
|
|
|
06 Juin - samedi
|
|
|
% temps crash
|
min
|
%
|
Crash AUTRES
|
14,52 14,62
|
50% 50%
|
Temps
|
29,13
|
100%
|
Type d'information
|
min
|
%
|
Recherches
|
6,38
|
44%
|
Hypothèses
|
6,77
|
47%
|
Prise en charge des proches
|
0,30
|
2%
|
Souffrance des proches
|
1,07
|
7%
|
Temps
|
14,52
|
100%
|
04 Juin - jeudi
% temps crash
|
min
|
%
|
Crash AUTRES
|
9,00
22,63
|
28% 72%
|
Temps
|
31,62
|
100%
|
Type d'information
|
min
|
%
|
Hypothèses Recherches Prise en charge des proches
|
5,09 3,55 0,35
|
57% 39% 4%
|
Temps
|
9,00
|
100%
|
|
|
|
05 Juin - vendredi
|
|
|
% temps crash
|
min
|
%
|
Crash AUTRES
|
7,40
22,63
|
25% 75%
|
Temps
|
30,03
|
100%
|
Type d'information
|
min
|
%
|
Recherches
Prise en charge des proches Hypothèses
Information sur les victimes
|
3,54 2,48 0,77 0,61
|
48% 33% 10% 8%
|
Temps
|
7,40
|
100%
|
|
|
|
06 Juin - samedi
|
|
|
% temps crash
|
min
|
%
|
Crash AUTRES
|
5,74
26,87
|
18% 82%
|
Temps
|
32,61
|
100%
|
Type d'information
|
min
|
%
|
Recherches 3,90 68%
Hypothèses 1,84 32%
Temps 5,74 200%
07 Juin - dimanche
Type d'information min %
Recherches 1,43 87%
Prise en charge des proches 0,21 13%
Temps 1,63 100%
08 Juin - lundi
% temps crash min %
|
Crash AUTRES
|
7,35
17,38
|
30% 70%
|
Temps
|
24,73
|
100%
|
Type d'information
|
min
|
%
|
Recherches
Prise en charge des proches Souffrance des proches
|
5,43 1,42 0,50
|
74% 19% 7%
|
Temps
|
7,35
|
100%
|
|
|
|
09 Juin - mardi
|
|
|
% temps crash
|
min
|
%
|
Crash 3,87 13%
AUTRES 26,93 87%
Temps 30,80 100%
Type d'information min %
08 Juin - lundi
% temps crash
|
min
|
%
|
Crash
|
5,09
|
16%
|
AUTRES
|
26,92
|
84%
|
Temps
|
32,01
|
100%
|
Type d'information
|
min
|
%
|
Recherches 5,09 100%
Temps 5,09 100%
09 Juin - mardi
% temps crash min %
|
Crash
|
10,51
|
31%
|
AUTRES
|
23,57
|
69%
|
Temps
|
34,08
|
100%
|
Type d'information
|
min
|
%
|
Hypothèses 1,97 51% Recherches 6,30 60%
Recherches 1,90 49% Hypothèses 4,22 40%
Temps 3,87 100%
10 Juin - mercredi
Crash 1,83 8%
AUTRES 21,45 92%
Temps 23,28 100%
Type d'information min %
Recherches 1,83 100%
Temps 1,83 100%
Temps 10,51 100%
10 Juin - mercredi
% temps crash min %
|
Crash
|
5,60
|
17%
|
AUTRES
|
27,24
|
83%
|
Temps
|
32,85
|
100%
|
Type d'information
|
min
|
%
|
Recherches
|
2,97
|
53%
|
Hypothèses
|
2,63
|
47%
|
Temps
|
5,60
|
100%
|
6. Sources documentaires et Bibliographie
a) Centres de documentation consultés
:
Inathèque de France : http://www.ina.fr/
Bibliothèque nationale de France, Quai François
Mauriac, Paris
Bibliothèque Sainte-Barbe :
http://www.bsb.univ-paris3.fr/ 4, rue Valette, Paris
Bibliothèque Sainte-Généviève :
http://www-bsg.univ-paris1.fr
10, place du Panthéon, Paris
Bibliothèque centrale de l'Université Sorbonne
Nouvelle - Paris 3 :
http://www.univ-paris3.fr 17,
rue de la Sorbonne, Paris
b) Sources documentaires : Sources
audiovisuelles :
Emissions du journal télévisé 20
Heures de la chaîne française TF1 ayant
traité l'accident du vol AF447 : accessibles à Inathèque
de France
Emissions du journal télévisé Jornal
Nacional de la chaîne brésilienne GLOBO ayant
traité l'accident du vol AF447 : accessibles depuis les websites
http://jornalnacional.globo.com
et
http://g1.globo.com/videos/jornal-nacional
pendant une période limité.
Sources électroniques : liste des websites
consultés dans l'ordre de leur apparition dans le mémoire
http://alphasite.airfrance.com/s01/communiques-de-presse/#communique2539
http://www.bea.aero/fr/enquetes/vol.af.447/vol.af.447.php
http://www.bea.aero/docspa/2009/f-cp090601e2/pdf/f-cp090601e2.pdf
http://www.asso-af447.fr
http://www.lejdd.fr/Societe/Justice/Actualite/AF447-Le-rapport-qui-accuse-139293/
http://www.mediametrie.fr/
http://midiadados.digitalpages.com.br/home.aspx
http://redeglobo.globo.com/Portal/institucional/foldereletronico/gtvglobo.html
http://avherald.com/h?article=40de5374/0009&opt=3328
http://avherald.com/h?article=41bb988a
http://www.securiteaerienne.com/node/138
http://www.dc10-uta.org/index.htm
c) Bibliographie :
Livres :
CHARAUDEAU Patrick. Le discours d'information
médiatique : la construction du miroir social. Paris : Nathan ;
Bry-sur-Marne : Institut national de l'audiovisuel, 1997, 286 pages.
KOTTAK Conrad Phillip. Prime-time society : an
anthropological analysis of television and culture. Belmont : Wadsworth
publishing company, 1990, 247 pages.
MATTELART Michèle et Armand. Le Carnaval des images :
la fiction brésilienne. Institut national de la communication
audiovisuelle. Paris : la Documentation française, 1987, 163 pages.
Collection Audiovisuel et communication.
MERCIER Arnaud. Le journal télévisé :
politique de l'information et information politique. Paris : Presses de la
Fondation nationale des sciences politiques, 1996, 345 pages.
SOULAGES Jean-Claude. Les mises en scène visuelles de
l'information: étude comparée France, Espagne,
États-Unis. Paris : A. Colin ; Bry-sur-Marne : Institut national de
l'audiovisuel, 2005, 219 pages. Collection Médias-recherches.
SUMMA Giancarlo. Le rôle politique de la presse au
Brésil : de l'élection à la réélection de
Lula. Paris : IHEAL-CREDAL, 2008, 197 pages. Collection Chrysalides ;
n° 5.
Articles de revues scientifiques :
PORTO Mauro P. Realism and Politics in Brazilian Telenovelas.
Media International Australia, Incorporating Culture & Policy,
Fevrier 2003, No. 106, pages 35-45.
Travaux universitaires :
JOHNSON Renata. The role of TV Globo internacional for
brazilian immigrants in south Florida and Toronto. Thesis : Master of
Arts. University of Missouri-Columbia : 2006, 213 pages.
7. Table des matières
1. Introduction 4
a) Avant-propos 4
b) L'accident 5
I. Les faits 5
II. Les hypothèses les plus acceptées
6
c) Objectifs 9
d) Méthodologie 10
I. Délimitation du corpus 10
II. Catégorisation du Corpus 11
III. Rede Globo 12
2. Résultats 14
a) Similitudes et différences de forme 14
I. Techniques de construction de l'émission
14
II. Ambiance 16
b) Similitudes et différences de fond 17
I. L'évolution du temps dédié au crash
18
II. La répartition du temps consacré au crash
par type d'information 19
3. Discussion 21
I. Espace communicationnel 21
II. Opinion publique 22
1) Le refuge dans la fiction 24
a) La fausse réalité 24
I. L'information immédiate : la fausse cause, les faux
débris 24
II. L'effet d'enquête : l'utilisation d'arguments
opposés 28
III. La parole technique : l'imprécision des informations
sur l'enquête 31
b) Le faux-semblant 33
I. Le recours abusif au direct 33
II. Le recours abusif a l'image 35
III. Le recours abusif aux schémas 3D 37
2) Le refuge dans l'émotion 40
a) La création de la compassion 40
I. La souffrance des proches au Brésil 41
II. La prise en charge des proches en France 43
b) La création du suspense : l'événement
feuilleton 45
I. Le comptage des corps 45
II. L'enquête 47
4. Conclusion 51
5. Annexes documentaires 54
6. Sources documentaires et Bibliographie 57
7. Table des matières 59
|