Conclusion
Au terme de notre présente étude il apparaIt
clairement que les Etats africains d'une maniére générale
et les pays sahéliens en particulier ont un grand profit à tirer
dans l'intensification des cultures industrielles de jatropha. Au titre des
facteurs favorables nous retenons en premier lieu le contexte international
dont la caractéristique dominante actuelle se traduit par la
mondialisation des échanges et l'approche inclusive. Cette ambiance
mondiale qui permet d'envisager des partenariats "gagnantsgagnants" (pour
reprendre l'expression récurrente) est une chance inoule pour le
développement de projets à fortes valeurs ajoutées mais
dont nos économies nationales ne sont pas prêtes pour en garantir
les financements. Ensuite la prise en charge des destinées des
populations par des acteurs de développement d'un type particulier offre
également d'heureuses perspectives. C'est ainsi que l'entrepreneuriat
social qui se déploie à travers de nombreuses ONG est un cadre
prometteur pour des projets jugés trés peu rentables par des
investisseurs classiques.
Ceci pour reconnaItre que ce n'est pas un hasard si l'immense
majorité des projets jatropha qui sont en cours sur notre continent
concernent des pays dotés de grandes capacités en terre fertiles
et bien arrosées. En effet, tel que nous l'a confié le rapport du
GEXSI les leaders africains en culture du jatropha sont Madagascar, la
Tanzanie, la Zambie, le Kenya, le Ghana, le Cameroun, le Cap Vert, la
Côte d'ivoire et dans une moindre mesure les zones climatiques
guinéennes du Sénégal. La raison est que, ces pays ont
connu une introduction massive de l'espéce par les marchands
européens pendant la période de la traite négriére.
Puis les conditions climatiques et le caractére invasif de la plante ont
fait le reste avant que des programmes dignes de l'état actuel de la
culture ne se développent.
Cependant une urgence de coordination s'impose entre ces
régions et les parties plus arides de l'Afrique afin d'éviter les
pressions sur la biodiversité et l'insécurité alimentaire.
A ce niveau on peut proposer aux grandes sociétés
bénéficiaires des filiéres déjà en place de
se lancer à l'assaut du Sahel par le biais de financement MDP. On peut
percevoir cette option comme une urgence car même les expériences
en cours dans les pays sahéliens partagent cette particularité de
se concentrer sur les régions humides à forts potentiels
agricoles. Cette tendance offre de l'eau au moulin des détracteurs du
jatropha qui y voient un obstacle à la production vivriére.
L'inquiétude est fondée d'une façon générale
mais pour ce qui est du Sahel on se doit de relativiser, car les espaces
appropriés au jatropha sont abondants et délaissés parce
que impropres pour la plupart des cultures alimentaires.
Par ailleurs du moment oü le marché des
biocarburants se trouve en plein essor, il est temps d'harmoniser les
politiques en vue de mieux canaliser les investissements qui doivent tenir
compte de la survie et de l'émancipation des plus pauvres. Il ressort
donc de notre proposition qu'une intensification des cultures industrielles de
jatropha en milieu sahélien doit se baser sur des initiatives de luttes
contre la désertification d'une part et de lutte contre la
pauvreté des populations d'autre part. Quant aux dangers
écologiques des monocultures dans certaines régions, c'est
là aussi une affaire de réglementation, d'information et
d'incitation.
C'est par manque d'information sur les marchés et sur
les opportunités que les producteurs se focalisent sur les mêmes
cultures. Une meilleure information sur l'offre et la demande, avec la
généralisation (en cours) des bourses agricoles, et la diffusion
des semences et des techniques conduiront naturellement à une plus
grande diversité des cultures. Autre épouvantail sans cesse
agité : la déforestation dans les pays en développement
qui est un problème réel, dont le remède est encore une
fois la réglementation et le contrôle public mais surtout les
reboisements massifs. Puisque les espaces cultivables encore inexploités
sont abondants au Sahel, ce risque est moindre dans la perspective de projets
Jatropha dans ce contexte.
Nous avons démontré à travers notre
étude dans l'espace sahélien, l'existence de fortes
potentialités à mettre au profit de la filière du
jatropha. Le fait que les pays du Sahel ne soient pas totalement
"sec"explique la propension des promoteurs de projets jatropha
à s'implanter d'abord dans les zones
relativement humide. A ce titre notre première
proposition consisterait à engager un plaidoyer afin que ces initiatives
s'étendent aux zones semi-arides et même arides de façon
progressive. Dans le sens que des subventions existent au niveau international
destinées à reboiser des terres incultes dans le
bénéfice des populations locales d'abord mais aussi dans une
perspective de préservation de la planète. C'est en substance ce
que nous nous apprêtons à proposer aux dirigeants du valeureux
projet de "Grande Muraille Verte" du Sahel, d'admettre le Jatropha curcas
parmi les espèces retenues dans le cadre de ce gigantesque
programme de reboisement à des fins purement environnementales et
sociales.
Enfin on doit noter que la filière Jatropha
matérialisée en système de production
énergétique à la base répond parfaitement aux
critères d'une spéculation au service du monde rural. Pour ultime
preuve nous dirons que contrairement aux nombreuses cultures jusque là
promues dans le cas de l'exploitation du Pourghère on a la latitude de
maintenir les unités de transformation dans la localité
productrice. En effet les besoins y sont largement exprimés et le cadre
local suffit à titre de débouché. On retient donc à
ce niveau que le transfert de matière première n'est pas
indispensable ni l'acheminement de produits finis sur de longues distances
comme dans les cas des systèmes industriels centralisés qu'on a
connu avec le coton ou l'arachide. A ce titre notre mot de la fin est que
l'avenir du Jatropha au Sahel sera dans le développement des
filières de proximité.
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