5.3 - Les verres à couches pour l'isolation
thermique renforcée et le contrôle solaire
5.3.1-Le verre et le rayonnement solaire
5.3.1.1- Introduction et définitions
L'énergie du rayonnement solaire reçu sur Terre
est constituée approximativement de 43% de lumière visible
(longueurs d'onde comprises entre 400nm et 800nm), de 52% de rayonnement
Infrarouge (longueurs d'onde supérieures à 800nm) et de 5%
d'Ultraviolet (longueurs d'onde inférieures à 400nm).
Figure32.puissance spectrale du rayonnement reçu sur
terre.
Pour réduire l'échauffement à
l'intérieur des locaux (et des véhicules) dû au rayonnement
solaire (surtout pendant les mois d'été) on utilise depuis
longtemps des vitrages absorbant préférentiellement le
rayonnement infrarouge (IR). C'est le cas des vitres `teintées'
utilisées dans le domaine du bâtiment mais aussi des transports.
L'absorption du rayonnement infrarouge par les verres teintés est due
aux ions Fe2+ dans la masse du verre, qui leur donne une coloration
verdâtre. L'inconvénient de cette méthode est que le verre
absorbant le rayonnement s'échauffe et, puisque sa température
s'élève, réémet un rayonnement IR vers
l'intérieur des locaux ce qui produit un échauffement
supplémentaire qui s'ajoute à celui produit par conduction et
convection dans l'air du local.
Une méthode plus efficace, qui a tendance à se
généraliser, pour contrôler le transfert d'énergie
par rayonnement à travers un vitrage est d'utiliser des verres
revêtus d'une couche à faible émissivité.
Les dépôts à faible
émissivité contribuent à l'isolation thermique
déjà obtenue grâce à la structure en doubles (et
éventuellement triples) vitrages (diminution de la conduction et de la
convection).
C'est l'isolation thermique `renforcée'. Les
caractéristiques d'un vitrage sont : - le coefficient de transmission
lumineuse (lumière visible) TL
- le facteur solaire g (ou FS)
- le coefficient de transmission énergétique U
- l'émissivité å
La valeur du coefficient U est essentiellement
déterminée par la structure du vitrage (double ou triple,
l'épaisseur des vitres et des espaces et la nature du gaz de
remplissage). Les couches à faible émissivité participent
à l'isolation thermique.
1.1.2 - Les vitrages à faible
émissivité (appelés aussi peu émissifs)
Dans le domaine du bâtiment, les couches à faible
émissivité (réfléchissant
préférentiellement l'IR mais transparents dans le domaine
visible) permettent d'éclairer une pièce par la lumière du
soleil tout en limitant l'échauffement en été ainsi que
les déperditions d'énergie en hiver.
Pour produire des vitres à faible
émissivité, on utilise généralement des verres
clairs (de type `float') qui sont revêtus d'un dépôt (soit
de type pyrolytique, soit par procédé PVD magnétron) d'un
métal ou d'un oxyde métallique qui réduit
l'émissivité du verre, ainsi :
v' dans les climats froids, la chaleur
générée par le rayonnement solaire et les appareils de
chauffage est gardée à l'intérieur.
v' dans les climats chauds, le transfert de chaleur depuis
l'extérieur est réduit.
En contribuant à la réduction de la valeur du
coefficient U (voir normes et standards), les dépôts à
faible émissivité participent aux économies
d'énergie en réduisant la consommation de chauffage en hiver et
de climatisation en été. Pour optimiser les économies
d'énergie, il faut tenir compte non seulement de
l'émissivité mais aussi du facteur solaire ainsi que du choix de
la face du vitrage (face 2 ou 3) qui doit recevoir la couche.
Les premiers vitrages à faible émissivité
ont été réalisés plutôt pour minimiser les
dépenses de chauffage. Ils présentaient un facteur solaire g et
un facteur de transmission lumineuse TL élevés. Ces vitrages des
vitrages à basse émissivité et haute transmission. Ils
devaient donc transmettre les longueurs d'onde du rayonnement solaire (visible
et proche Infrarouge, voir figure 25) mais arrêter le rayonnement
Infrarouge lointain à grandes longueurs d'onde produits par les
appareils de chauffage et autres corps terrestres (voir figure 25).
Actuellement, dans les immeubles dédiés au
secteur d'activité tertiaire (bureaux) on recherche à minimiser
les gains solaires, tout en gardant une bonne transmission lumineuse et une
bonne isolation.
Les vitrages correspondant doivent donc transmettre la
lumière visible, mais arrêter (donc réfléchir) les
Infrarouges du rayonnement solaire et les Infrarouges lointains (voir Figure
25). Il s'agit de vitrages à faible émissivité
sélectifs.
Si en outre la couche à faible émissivité
sélective est déposée sur une vitre teintée ou si
le coefficient de réflexion de la couche est augmenté, on obtient
un vitrage à basse émissivité sélectif et à
basse transmission.
1.1.3 - Mode de dépôt et
performance
Partie du spectre à grande longueur d'onde (IR). Le
dépôt à faible émissivité est un mince film
métallique ou d'oxyde métallique. Ce dépôt peut
être de type pyrolytique (CVD) ou obtenu par pulvérisation (PVD).
Le dépôt pyrolytique est plus résistant, plus commode
à manipuler et à fabriquer. Le dépôt obtenu par
pulvérisation est plus fragile mais présente de meilleures
performances. Le dépôt pyrolytique est appelé `couche dure'
et le dépôt PVD est appelé `couche tendre' ou encore
`couche douce'. Par dépôt, on obtient facilement des valeurs
d'émissivité faibles e = 0,2 (et même 0,04 pour des couches
`tendres') alors que l'émissivité d'un verre usuel non
traité est de l'ordre de 0,8 à 0,9 (typiquement 0,89).
1.1.4 - Les produits industriels
Il existe deux familles de vitrage à faible
émissivité (low-e glazing en anglais) : > Les verres
à couches classe C
La couche est déposée sous vide
(dépôt PVD magnétron). Il s'agit d'une couche dite
`tendre'. Pour obtenir un vitrage de sécurité à faible
émissivité, le verre est trempé mais la trempe doit avoir
lieu avant le dépôt de la couche afin de ne pas
détériorer celle-ci.
Ces couches sont plus performantes en termes d'isolation
thermique que les couches dites `dures' mais elles doivent être
utilisées uniquement en double vitrage car elles sont
délicates.
> Les verres à couches classe A
La couche est de type pyrolytique, déposée `en
ligne' à chaud pendant que la température du verre est encore au
voisinage de 600°C. Ce dépôt est appelé couche `dure'.
Le verre peut être trempé après le dépôt de la
couche.
La trempe thermique de ces verres classe A de type pyrolytique
est plus délicate que celle de verres classiques non traités. En
effet, la trempe thermique pose des problèmes engendrés par la
dissymétrie de rayonnement des deux faces (revêtue et non
revêtue).
La chauffe symétrique nécessaire pour éviter
une déformation du verre impose des consignes de chauffage
différenciées sur les deux faces.
De plus, pour ne pas dégrader la couche à faible
émissivité, la température atteinte avant refroidissement
ne doit pas dépasser 600°C (contre près de 650°C pour
la trempe thermique d'un verre clair classique). Il en résulte qu'un
refroidissement plus rapide s'impose pour obtenir un verre trempé.
Tableau5 : récapitulatif des propriétés
comparées des deux types de couches.
Revêtement `dur' (pyrolytique)
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Revêtement `tendre' (dépôt PVD)
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Avantages
|
Inconvénients
|
Avantages
|
Inconvénients
|
Bonne durabilité, manutention facile
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valeur de U plus élevée.
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transmission dans le visible élevée.
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fragile à la manipulation, précautions
nécessaires pendant la fabrication du vitrage
|
la vitre traitée peut être trempée
|
diffusion optique légèrement plus visible.
|
bonne clarté, peu de diffusion.
|
doit être utilisé exclusivement en double
(ou triple)
|
NB : Si un vitrage est déjà en
place sur un immeuble, il est encore possible d'obtenir un vitrage à
faible émissivité et réflecteurs en appliquant sur ce
vitrage un film plastique mince revêtu d'une couche à faible
émissivité et à contrôle solaire. Ces films sont en
principe utilisés seulement pour la rénovation.
1.1.5 - Les économies d'énergie
Près de 25% de la facture énergétique
(chauffage et rafraîchissement) sont dus à la mauvaise
qualité des vitrages en termes d'isolation thermique.
L'efficacité des vitrages en ce qui concerne l'énergie est
caractérisée par le coefficient U et le coefficient g
(appelé SHGC pour `Solar Heat Gain Coefficient' en anglais).
Le coefficient g est exprimé par un nombre compris entre 0
et 1. Un faible coefficient g signifie moins d'apport de chaleur par le
rayonnement solaire et plus d'effet d'ombrage.
Les performances d'un vitrage isolant sont
caractérisées par sa valeur U. Le coefficient U, exprimé
en W/ (m2.K) (watts par m2 et par degré) représente le niveau de
déperdition de chaleur. Ainsi la valeur U d'un simple vitrage classique
est 5,8.
La valeur U est 2,8 pour un double vitrage ordinaire et 1,9 pour
un double vitrage avec couche isolante à faible émissivité
déposée sur la face 3 (figure 2).
La valeur de U est abaissée à 1,1 si la l'air
entre les feuilles de verre est remplacée par de l'azote.
L'épaisseur totale d'un tel double vitrage est 24mm. La valeur de U pour
un triple vitrage à faible émissivité et rempli d'azote
est aussi basse que 0,65 W/ (m2.K).
Figure 33. isolation thermique
comparées d'un simple vitrage,d'un double vitrage
ordinaire et d'un double vitrage avec couches à faible
emissivité
|
|
Dans un proche avenir, les vitrages isolants thermiques auront
des performances encore meilleures. Ainsi, un double vitrage isolant où
la lame d'air intermédiaire est remplacée par du `vide' pourrait
avoir une valeur de U aussi basse que 0,6 W/ (m2.K) pour une épaisseur
totale n'excédant pas 8mm. Rappelons qu'un mur sans isolation
particulière a une valeur de U typique de l'ordre de 0,5 W/ (m2.K). Les
meilleures performances actuelles en termes d'isolation thermique sont obtenues
avec des triples vitrages composés de feuilles de verre à
dépôts peu émissifs et dont les espaces sont remplis de gaz
xénon. Si dans tous les cas on a intérêt à avoir une
valeur de U la plus faible possible, la valeur du facteur solaire g optimale
dépend du climat. Pour les pays à climats chauds (où la
dépense d'énergie en climatisation est
prépondérante), g doit être faible. Au contraire, dans les
pays à climat froid (où les dépenses de chauffage sont
prépondérantes), une valeur de g est préférable
pour profiter de l'apport d'énergie solaire.
1.1.6 - La transmission spectrale
Pour caractériser de façon simple les
performances optiques d'un vitrage, il est commode de mesurer le coefficient de
transmission spectrale, c'est à dire la transmission en fonction de la
longueur d'onde du rayonnement. La couche à faible
émissivité permet de conserver une transmission lumineuse TL
élevée tout en réfléchissant sélectivement
le rayonnement Infrarouge (grandes longueurs d'onde). Le film plastique
métallisé abaisse le coefficient de transmission lumineuse TL
jusqu'à 20%, mais surtout abaisse fortement de coefficient g en
réfléchissant fortement le rayonnement Infrarouge. Ce type de
comportement est recherché pour les immeubles administratifs
(principalement pour les façades exposées au soleil).
- Aspects théoriques
- Notions sur les transferts thermiques
La distribution du rayonnement thermique sur une surface:
La puissance incidente, caractérisée par le flux G
est absorbée, réfléchie ou transmise, ce qui
s'écrit (figure 35):
G = áG +
ñG + ôG
Avec: a = absorbance ; p =
réflectivité ; t = coefficient de transmission.
Naturellement, a + p + t =
1.
Figure 34. bilan énergétique (les fflux s'expriment
en W/m2 ).G est le flux de chaleur
incident en provenance de la source. J est le flux total
envoyé par la surface vers la source.
1.2.2 - Le problème du transfert de chaleur
à travers un vitrage
Soit à étudier le transfert de chaleur par
rayonnement à travers un vitrage (figure 36) :
Figure 35. interaction entre vitrage et rayonnement.
- venant de l'intérieur : le rayonnement infra rouge
émis par les objets présents et les appareils de chauffage. Il
s'agit d'optimiser les échanges pour avoir :
- en été : le minimum de chaleur provenant du
rayonnement extérieur
- en hiver : limiter au maximum les pertes vers
l'extérieur par rayonnement.
Des économies d'énergie sont
réalisées si on place une lame mince transparente dans le visible
et réfléchissante dans l'IR. En effet on optimise les transferts
radiatifs :
- en été, la lumière visible et surtout la
chaleur sous forme de rayonnement IR provient de l'extérieur (la
lumière solaire).
- en hiver, la source de rayonnement IR est essentiellement
située à l'intérieur.
Un vitrage à faible émissivité est donc
réalisé par un dépôt métallique de faible
épaisseur (de l'ordre de 4 nm), transparent dans le visible mais
réflecteur dans l'IR lointain.
2 - Les vitrages électrochromes
2.1 - Introduction
Les matériaux ou structures électrochromes ont la
particularité de changer de propriétés optiques (couleur
et/ou transparence lumineuse) sous l'effet d'un champ électrique
appliqué.
L'effet est réversible mais il peut être
rémanent ou non rémanent. Nous montrons ici deux exemples de
vitrages électrochromes. Ces vitrages électrochromes fonctionnent
sous basse tension et consomment une puissance électrique
extrêmement faible.
2.2 - Les vitrages `obturateurs' à cristaux
liquides
Description du fonctionnement
Le premier exemple est un vitrage apte à passer de
l'état diffusant à l'état transparent sous l'effet d'une
tension alternative de quelques dizaines de volts. Le film actif est
constitué d'une matrice polymère contenant de fines gouttelettes
de cristaux liquides (PDLC est l'acronyme de Polymer Dispersed Liquid
Crystal).
Ces vitrages, qui sont commercialisés, même avec
des dimensions importantes (plusieurs m2) sont plutôt utilisés
pour les bureaux, hôtels, hôpitaux ... Les applications domestiques
sont encore peu diffusées.
Au repos (lorsqu'aucune tension électrique n'est
appliquée) le vitrage est translucide. Le vitrage devient transparent si
la tension électrique est appliquée. Il n'y a pas d'effet
`mémoire' : le vitrage redevient translucide dès que la tension
électrique est supprimée. Le temps de réponse est
très court (inférieur au 1/10ème de seconde).
Figure 36. Vitrage électrochrome `obturateur' à
cristaux liquides.
A droite : le vitrage est opaque (pas de tension
électrique)
A gauche : le vitrage est transparent (tension électrique
appliquée)
Réalisation et structure du vitrage
obturateur
La réalisation est obtenue en plusieurs étapes.
Un liquide comprenant un mélange de molécules cristaux liquides,
de molécules polymérisables (appelées monomères) et
d'une petite quantité de billes de silice de très petit
diamètre (quelques dizaines de microns, en fait leur diamètre
correspond à l'épaisseur du film électrochrome à
former) et appelées à jouer le rôle d'espaceurs est
versée sur la face d'une vitre rendue conductrice par un
dépôt d'ITO (voir dépôt conducteur à base
d'oxyde d'étain et d'indium). Ensuite, une deuxième vitre dont la
face interne est elle aussi rendue conductrice par un dépôt d'ITO
est appliquée sur le film liquide. On obtient ainsi une structure
`sandwich' schématisée sur la figure 37.
Figure 37. Structure d'un vitrage
obturateur. L'épaisseur du film est de quelques dizaines de
micromètres.
Les `espaceurs' (en silice) maintiennent l'épaisseur du
film constante et évitent tout court-circuit entre les deux
électrodes transparentes. Ces espaceurs occupent un très petit
volume du film et sont pratiquement Invisibles. L'épaisseur totale du
vitrage est de l'ordre de 3 millimètres. La morphologie de type
`microcomposite' composée d'un film mince polymère renfermant de
fines gouttelettes (dont le diamètre est de l'ordre de la dizaine de
micromètres) de cristaux liquides est formée au moment de la
polymérisation qui provoque une séparation de phase entre
molécules de cristaux liquides et molécules monomères
formant le film polymère.
A l'intérieur d'une gouttelette, les molécules de
cristaux liquides sont orientées les unes par rapport aux autres. Une
gouttelette est donc anisotrope du point de vue optique.
Cette anisotropie est caractérisée par la
présence d'un axe optique correspondant à la direction
d'alignement des molécules de cristaux liquides dans la gouttelette. Au
repos, les axes optiques des gouttelettes sont distribués au hasard et
la lumière est diffusée (le vitrage est opaque, ou plutôt
translucide) car le film PDLC n'est pas homogène (il diffuse la
lumière à l'instar du brouillard qui est constitué de
fines gouttelettes d'eau en suspension dans l'air).
Sous l'effet d'un champ électrique, les axes optiques
des gouttelettes sont alignés. Les molécules de cristaux liquides
sont choisies de telle façon que l'indice ordinaire no des
gouttelettes soit égal à l'indice de la matrice
polymère.
Le film apparaît `homogène' au rayonnement
incident et la lumière n'est plus diffusée (le vitrage devient
transparent) comme indiqué sur la figure 3. Rappelons que l'effet est
non rémanent : le vitrage redevient translucide si la tension
électrique est supprimée.
Figure 38. Principe de fonctionnement d'un vitrage
`obturateur'.Sous l'effet d'une tension électrique alternative de
quelques volts, les molécules de cristaux liquides s'orientent.
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