Dans la sphère juridique, "l'information" est une
construction. "Ouvrir une information", c'est préparer la constitution
d'un dossier, entamer un long travail de quête de renseignements, de
témoignages, c'est extraire un fait de la masse des
événements. D'après une étude menée par
Gilbert Varetdans des listes bibliographiques parfois
très anciennes, ce sens est encore "très vivant, voire toujours
prépondérant" dans la langue espagnole, où il
désigne un type de publication particulier, "dossiers reproduisant in
extenso des pièces ou documents classés dans un ordre
raisonné, et qui viennent à l'appui d'une argumentation
auprès d'un tribunal."
On notera que le terme "document" possède lui aussi une
origine juridique puisqu'il signifie au départ "écrit qui sert de
preuve".
D'une certaine manière la pratique du journaliste peut
apparaître comme archétypique en ce qui concerne la production
d'informations. Le journaliste a précisément pour tâche
d'extraire des événements qui constituent la
réalité quotidienne une cohérence qui, mise en forme et
commentée, fournit "l'information".
Il est d'ailleurs à noter que, à ses origines, la
presse moderne se concevait quasi
exclusivement comme un organe de formation de l'opinion,
alors qu'à partir des années 1860-80, industrialisation aidant,
elle se présente avant tout comme un vecteur "d'information", pour un
large public, déconnecté des intérêts
particuliers.
Au passage se forme ainsi la fiction d'une information
neutre, objective, dont le journaliste serait le garant, indépendamment
de ses opinions ou de celle de son public, dont la distinction est toujours
renouvelée, dans les écoles de journalisme et parfois dans la
mise en page des publications, entre le "fait" et le commentaire.
Cette distinction a aussi son pendant sur le plan national. Il
est fréquent d'opposer la presse d'information anglo-saxonne à la
presse d'opinion française. Il peut sembler paradoxal que toute une
frange des métiers du traitement de l'information ne se reconnaisse pas
dans la figure du journaliste, alors qu'à bien des égards il peut
prétendre constituer un modèle dans la production de
l'information.
En effet, il est de l'essence de son métier de traduire
en information des événements, d'extraire des faits de la
réalité courante et de les porter à la connaissance
d'autrui. Il est donc de ce point de vue un fournisseur essentiel de cette
matière première qu'est l'information. Cependant cette
information doit faire l'objet d'une formalisation adaptée. C'est le
rôle du journal par rapport à la dépêche.
Lorsque le professionnel de l'information se situe dans une
perspective de collecte, d'harmonisation, d'agencement, de description, de
commentaire d'une matière première, il est effectivement en aval
des métiers du journalisme proprement dit.
En revanche, il peut être amené lui-même
à collecter les faits et les mettre en forme, comme dans le cas de
l'activité de veille, et/ou à formaliser des informations. Dans
les deux cas, les techniques qu'il emploie sont en grande partie similaires
à celles employées par le journaliste (par exemple les techniques
de recoupement de la veille, et les techniques rédactionnelles dans le
domaine de la diffusion de l'information). En fait, la grande différence
entre les deux acteurs est que la sphère du journalisme est parfaitement
identifiée, depuis longtemps à travers un produit qui est le
média "presse", alors que les produits issus du traitement de
l'information sont multiples (journaux d'entreprise, revues de presse,
dossiers, synthèses, banques de données, rapports
d'étonnement, produits de la veille stratégiques, etc.) et
échappent souvent encore à une pure logique de marché.