Université d'Artois d'Arras, UFR des Langues
étrangères, Département des Langues.
LA MODALITÉ ÉPISTÉMIQUE EN
ANGLAIS
Mémoire présenté par Marc CAPLIEZ,
Pour l'obtention du Master 1 « Lettres, Langues et Arts
»
Parcours « Littératures, cultures et linguistique
étrangères (anglais) »
Arras, juin 2010.
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION 3
I. MODAUX A VALEUR EPISTEMIQUE ET EVALUATION PRESENTE D'UN
EVENEMENT 12
1. MAY ... 12
a. Valeur épistémique de MAY 12
b. MAY concessif 14
2. CAN 15
a. Valeur épistémique et énoncés
non-assertifs 15
b. Enoncés assertifs 17
3. MUST 18
4. WILL 19
5. SHALL, WILL et le futur 20
a. Expression du futur 20
b. WILL épistémique ou radical ? 22
II. LES MODAUX, -ED ET LE PASSE 24
1. -ED et les modaux 24
a. Valeur de -ED avec les modaux 24
b. COULD, MIGHT concessif : ambiguïtés 27
c. SHOULD et les contextes appréciatifs 28
2. Évaluation d'un fait passé 30
a. Modaux Ø + HAVE -EN 30
b. Modaux -ED + HAVE -EN 31
III. MODALITE EPISTEMIQUE : EXPRESSIONS DE MODALITE 34
1. BE LIKELY TO 34
2. OUGHT TO 36
3. BE SURE/CERTAIN TO 36
4. BE BOUND TO 38
5. BE GOING TO 38
CONCLUSION 40
BIBLIOGRAPHIE 42
INTRODUCTION
Le dictionnaire français Larousse nous offre les
définitions suivantes pour le terme de « mode » :
1. Manière particulière sous laquelle se
présente quelque chose ; forme particulière d'une action.
2. Catégorie grammaticale, relative au système
du verbe, régissant, d'une part, le statut (ou type) de la phrase et
participant, d'autre part, aux moyens qui permettent au locuteur d'exprimer son
attitude à l'égard de son message. (1997)
Le terme de « mode » provient du latin
modus, qui signifie « manière », « mesure
». C'est cette idée qui est à l'origine de la notion de
modalité. La modalité est avant tout la prise de position
concernant la valeur de vérité d'une proposition. C'est
l'attitude qu'adopte l'énonciateur par rapport à son
énoncé ; il s'agit d'apporter une modification de sens à
son contenu. Ce concept englobe un ensemble de valeurs servant à
l'expression de la subjectivité de celui qui s'exprime, c'est pourquoi
tout énoncé contient une modalité. Celle-ci inclut
plusieurs domaines, par exemple, le système d'affirmation, de
négation ou d'interrogation, l'opposition réel/irréel
(avec, par exemple, l'emploi du prétérit dit « modal »
en anglais), les subordonnées hypothétiques, les auxiliaires de
modalité, appelés « modaux », ou encore les expressions
de modalité (périphrases, adjectifs modaux, etc.). En anglais
contemporain, les modaux constituent le moyen essentiel d'exprimer la
modalité. Une des grandes difficultés pour les francophones est
de parvenir à comprendre ce système qui reflète une
façon d'appréhender les choses différente de la leur.
Contrairement au français qui combine une richesse de temps grammaticaux
avec des modes, l'anglais ne possède que deux temps, à savoir, le
passé et le non-passé. Il comporte la notion d'aspect, qui permet
d'envisager le procès exprimé par un verbe sous différents
angles (aspect perfectif, imperfectif, résultatif, etc.). Cette notion
est d'ailleurs compatible avec l'emploi des modaux, ce qui permettra à
l'énonciateur de formuler son propos comme il l'entend sans avoir besoin
de temps grammaticaux variés.
Les auxiliaires modaux (que l'on appellera modaux) sont
généralement au nombre de huit : can, dare,
may, must, need, ought, shall, et
will. Certains linguistes préfèrent toutefois ne pas
inclure need et dare, qui sont modaux uniquement aux formes
interrogative et négative, et parfois même ought, qui
diffère par le fait qu'il est suivi de to. Les modaux sont ce
qu'on appelle des verbes défectifs, c'est-à-dire qu'ils ne sont
utilisés qu'au présent et au prétérit. Par
ailleurs, comme leur nom l'indique, ce sont des auxiliaires,
ils vont donc avoir la fonction d'opérateur de prédication dans
une relation prédicative (symbolisée : S - P), c'est pourquoi ils
sont repris dans les énoncés non-assertifs (interrogations,
négations) et s'excluent entre eux ; il faut avoir recours à une
périphrase si l'on veut exprimer dans un même énoncé
deux idées contenues dans des modaux différents. Par
opérateur de prédication, l'on entend ce qui est au coeur de la
relation prédicative, elle-même définie par l'association
d'un sujet, ou ce dont on parle, et d'un prédicat, ce qu'on en dit.
Ainsi, pour schématiser, voici la place des modaux dans ce que l'on
appelle la relation S - P :
Sujet - opérateur de prédication (ici, modal) -
prédicat.
Les auxiliaires modaux sont donc la combinaison de la notion de
modalité avec celle d'auxiliaire, ce qui fait leur
singularité.
Les auxiliaires modaux comportent plusieurs
caractéristiques, parfois différentes de celles des auxiliaires
comme be, have ou do : ils ne prennent pas de -s
à la troisième personne du singulier au présent ; ils sont
automatiquement suivis d'une base verbale et ne sont donc pas (à
l'exception de ought, généralement
considéré comme un modal) suivis de to ; la
négation not se place nécessairement après eux,
peu importe sur quoi elle porte (modal ou évènement) ; ils n'ont
pas d'infinitif, ni de forme en -ING, ni de participe passé. La
particularité essentielle des modaux est que, contrairement à de
simples verbes, ils font partie du domaine du non-certain. Ils servent à
exprimer un jugement, objectif ou subjectif (d'où l'opposition entre
can/may, will/shall), et ont un
caractère virtuel. Ils ne peuvent pas exprimer la réalisation
d'un fait, et c'est en cela qu'ils s'opposent aux expressions de
modalité (have to, be able to, etc.) qui, elles, ont
un caractère factuel, font partie du domaine du certain. C'est cette
distinction qui permet de faire la différence entre des
énoncés comme :
1. He could do it
2. He was able to do it
Dans le premier cas, l'emploi du modal indique un
caractère virtuel ; le sujet (he) avait la possibilité
de réaliser l'évènement (do it), mais on ne dit
rien sur l'actualisation de celui-ci, alors que dans le deuxième
exemple, l'évènement est actualisé : la périphrase
modale be able to exprime la réalisation du fait.
En outre, les modaux sont également compatibles avec HAVE
+ V-EN, ainsi que BE + V-ING (he will have forgotten ; she must be
sleeping ; etc.).
Pour certains linguistes, chaque modal a une valeur
fondamentale, qui permet de
l'expliquer dans n'importe quel contexte, c'est pourquoi la
division de la modalité en catégories n'aurait pas lieu
d'être. Beaucoup d'ouvrages de grammaire ne font également que
lister les modaux en décrivant leurs différentes valeurs selon
les contextes. Cependant, on distingue généralement deux grandes
catégories de modaux : épistémique et radicale (on parle
également d'emploi épistémique et
non-épistémique). Il convient de souligner que, malgré les
désignations « modalité épistémique » et
« modalité radicale », qui risquent de laisser entendre que
certains modaux font partie d'une catégorie et que les autres
appartiennent à l'autre, ils peuvent tous appartenir à l'une ou
l'autre des catégories, puisqu'il ne s'agit que de différentes
valeurs des modaux. Ainsi, les termes de « valeur
épistémique » et « valeur radicale » des modaux
semblent plus appropriés.
Tout d'abord, la valeur radicale, également
appelée modalité pragmatique, modalité du sujet, ou
modalité de l'action, comprend la notion de relation intersubjective et
s'intéresse à l'action. On entend parfois dire qu'il y a
des modalités radicales. La modalité
radicale permet en effet d'exprimer l'obligation, l'interdiction, la permission
(ce que l'on appelle la modalité déontique, du grec
deon, « devoir »), mais également des
caractéristiques, comme la volonté, la capacité. On
s'intéresse donc au sujet de l'énoncé, sur lequel on
exerce une pression, une contrainte (may, must,
shall), ou alors pour exprimer sa volonté, sa capacité,
ses caractéristiques (will, can). Cette valeur des
modaux peut plus facilement permettre d'établir des
énoncés objectifs, puisqu'elle englobe des emplois qui
décrivent le sujet, même si certains peuvent servir à
imposer quelque-chose, et donc créer des énoncés plus
subjectifs. Dans le cas de cette valeur, le sujet-énonciateur a autant
d'importance que le sujet grammatical.
La modalité qui va faire l'objet de cette étude
est la modalité épistémique, parfois appelée
modalité logique, modalité de la connaissance, ou modalité
de l'évènement. Dans Les Mots de la linguistiques : lexique
de linguistique énonciative, Marie-Line Groussier et Claude
Rivière nous en offrent la définition suivante : «
Modalité dans laquelle ce qui est dit est caractérisé
comme ce que sait celui qui le dit » (1996, p.70). L'adjectif «
épistémique » vient du mot grec
épistémê, la science, la connaissance. Ainsi, ce
que l'on appelle la modalité épistémique fait
référence à l'usage de notre connaissance, de notre
savoir, afin d'évaluer la relation prédicative. Il s'agit de
l'engagement de l'énonciateur par rapport à la
vérité de l'énoncé ; il va faire appel à sa
logique, il va rassembler ses connaissances pour donner une estimation du
degré de probabilité d'un fait le long d'une échelle
où l'on trouve le certain, le probable, le vraisemblable, etc. C'est une
opération de déduction, ce qui souligne le caractère
intuitif impliqué dans cette valeur. Contrairement
à la modalité radicale, la modalité
épistémique porte toujours sur l'évènement dans la
relation prédicative, puisqu'elle va en évaluer les chances de
validation. Elle exprime donc la non-certitude par rapport à un
évènement. La relation S - P pourra être donnée pour
vraie, avec par exemple le modal will qui exprime la certitude de
l'énonciateur, et pourtant être démentie par la suite des
évènements, d'où le caractère non-certain des
modaux, et ce, malgré la conviction de celui qui s'exprime. De plus, le
seul modal à valeur épistémique porte sur l'ensemble du
bloc prédicatif. Phonétiquement, il portera donc souvent un
accent primaire, par opposition à son emploi radical, ce qui est surtout
le cas pour may, might et must :
1. He 'may be in his room.
2. You may come, if you like.
En 1, l'accentuation orale de may rend compte d'une
valeur épistémique, d'une estimation faite par celui qui parle,
puisqu'il s'agit d'une hypothèse. En ce sens, le modal à valeur
épistémique prend un sens d'adverbe, qui eux sont toujours
accentués dans un énoncé, et la phrase peut donc
être glosée ainsi : Maybe he is in his room. En 2, en
revanche, may ne sera pas accentué ; ce qui importe, dans la
modalité radicale, c'est l'action, le modal ne porte donc pas de trace
orale de mise en valeur (sauf dans des cas d'insistance particulière).
C'est pourquoi la modalité épistémique en anglais est
représentative de la prise de position dans un énoncé.
Dans le cas de must, l'accentuation ou non, selon la valeur du modal,
sera d'autant plus perceptible que le modal va être réduit :
3. It 'must be a mistake (must aura sa forme
pleine accentuée : /'m?st/)
4. You must stop smoking (must aura sa forme
réduite : /m?s/, ou /m?st/ devant voyelle).
Dans la présente étude, nous nous
intéresserons surtout aux cinq modaux fondamentaux : can,
may, must, shall, et will. Compte tenu du
manque de pertinence de dare et need, non seulement de plus
en plus rares en tant qu'auxiliaires, mais aussi principalement incompatibles
avec la valeur épistémique, ils ne feront pas l'objet d'une
étude approfondie. En revanche, il peut être intéressant
d'étudier les expressions de modalités, adjectifs modaux, etc.,
ayant une valeur épistémique, tels que be likely to,
be bound to, be sure to, afin de les comparer avec leurs
équivalents.
L'utilisation de la modalité logique pose un certain
nombre de problèmes qui méritent attention. Au vu des divers
modaux et expressions de modalité, il convient de s'interroger sur
la place de chaque modal le long de l'échelle de
probabilité des évènements. Pour cela, dans un premier
temps, l'étude de la valeur fondamentale de chacun s'avère
nécessaire et aidera à déterminer leur fonction. Prenons
les exemples suivants : There's someone at the door... 1. That
must be John. 2. That will be John. 3. That should be John.
4. That's bound to be John. 5. That's sure to be John.
En interrogeant des Anglophones, l'on se rend compte que la
différence est quasi-imperceptible. Pourtant, elle existe et peut
être élucidée par l'étude des modaux pris
séparément. En remontant jusqu'à leurs origines et en
étudiant leur étymologie, la compréhension des auxiliaires
modaux sera plus claire, dans la mesure où cela permettra
d'acquérir les bases nécessaires pour l'étude de chacun
d'entre eux. Ensuite, à partir d'exemples en contexte de modaux à
valeur épistémique, une analyse plus approfondie pourra
être effectuée. Les différents niveaux de langue
(littéraire, soutenu, courant, familier, etc.), l'époque
d'écriture, la variété d'anglais (britannique,
américain, etc.), ou tout simplement l'énonciateur et ses
caractéristiques (homme politique, enfant, adolescent, etc.), sont des
éléments qui offrent de multiples possibilités
d'interprétation des modaux épistémiques utilisés,
d'où la nécessité de travailler sur des exemples
variés. La comparaison de ces éléments, telle que l'emploi
d'un modal dans un roman de Jane Austen et celui d'un roman de Stephen King,
peut aussi aider à rendre compte de l'évolution d'un modal, de sa
fréquence, de ses nuances de sens. Par exemple, l'on entend couramment
que le modal may, aussi bien dans son emploi épistémique
que son emploi radical, est plus « poli » que can
(permission), ou plus soutenu. Pourtant, cette impression de politesse n'est
qu'un effet de sens dû à la valeur de base du modal, qui est
perçu différemment à notre époque.
Le rôle de l'adverbe not est particulier
lorsqu'il s'agit des auxiliaires modaux. Un auxiliaire étant un
opérateur de prédication, il se trouve au coeur de la relation
prédicative. Bien que not se place impérativement
après l'auxiliaire modal, la question de la portée de la
négation se pose, car il peut porter aussi bien sur le modal (it
can't be true) que sur l'évènement (it may not be
true). Il s'agira donc de déterminer, pour chaque modal, sur quoi
porte la négation. En outre, le marqueur de la négation a la
particularité de pouvoir faire passer un modal d'une valeur à une
autre. Ainsi, si l'ajout de not à can est
impératif pour lui donner une valeur épistémique, il
attribue en revanche une valeur radicale à must.
Parfois, il est difficile de déterminer si un modal a
un emploi épistémique ou radical. C'est le cas, par exemple, du
modal will lorsqu'il est à la première personne :
I'll go with you.
Dans cet exemple, l'emploi de will avec la
première personne du singulier montre certes la volonté du sujet
I, ce qui indiquerait une modalité radicale, mais il montre
également une prédiction, ce qui est plutôt de l'ordre de
la modalité épistémique.
Il arrive que des éléments permettent de
trancher. Ainsi, l'emploi de it impersonnel sera plutôt
compatible avec une valeur épistémique, tout comme le recours
à la forme en -ING, qui d'ailleurs sert souvent à neutraliser la
valeur radicale, comme nous le verrons. En revanche, il arrive que le simple
ajout d'un repère temporel, par exemple, fasse basculer une valeur vers
l'autre :
1. She must be at home.
2. She must be at home by midnight.
Le cas n°1 présente une valeur
épistémique ; l'énonciateur évalue les chances de
validation de la relation prédicative <she - be at home> en
utilisant sa logique (cf. modalité logique), tandis que dans le
second cas, l'ajout du repère temporel by midnight apporte au
modal une valeur radicale (ici, une obligation, et non plus une estimation) car
il indique que l'évènement n'a pas eu lieu.
Si la valeur fondamentale d'un modal permet de l'expliquer, il
en résulte qu'il y a des cas où la distinction entre
épistémique et radicale est difficile et discutable. Ainsi, dans
le cas du may que l'on appelle « may concessif »,
l'on verra que les deux valeurs se superposent, tout comme dans le cas de
will à la première personne. De même, le cas de
should, parfois également employé dans des propositions
introduites par un adjectif appréciatif (it is strange
that, it is natural that, etc.) ou des expressions comme so
that ou lest, sont complexes et méritent attention, afin
de déterminer si, selon l'expression employée, il s'agira d'une
valeur épistémique ou radicale. Les contextes sont la plupart du
temps d'une très grande utilité et permettront de trancher :
They should be doing their homework.
En l'absence de contexte, cette phrase peut être
ambiguë, et la forme en -ING, contrairement à ce qui a
été dit, ne peut pas aider ici à déterminer la
valeur du modal. Should peut être épistémique ; il
s'agirait d'une hypothèse émise par l'énonciateur sur la
relation <they be doing their homework> et la forme en -ING est
parfaitement courante après cette valeur. Il peut cependant être
radical et l'ajout de la forme en -ING ajouterait une nuance de reproche.
Ainsi, l'étude des contextes dans lesquels s'insèrent les
énoncés comprenant une modalité épistémique
est primordiale.
Avec la modalité épistémique,
l'énonciateur évalue la probabilité d'un
évènement. Cette évaluation peut toutefois se faire
à plusieurs niveaux : elle peut être située dans le
présent et concerner un fait présent ou futur ; elle peut
être située dans le présent, mais concerner un fait
passé ; enfin, elle peut être elle-même passée. En
anglais, la terminaison - ED, habituellement attribuée au
prétérit, indique une coupure, un décrochage par rapport
à la situation d'énonciation, « un événement
vu comme non-réel au moment présent » (P. Larreya et C.
Rivière, 1991, p.27). Ce décrochage peut être temporel ou
non, c'est pourquoi cette terminaison a plusieurs valeurs. Il peut tout d'abord
s'agir d'un -ED chronologique, ou temporel : celui-ci est utilisé pour
faire référence à un passé de narration, et sert
à former le prétérit (past tense) : He is
here > He was here. Ici, was = be + ED, et
indique un changement de temps, en faisant référence au
passé. Par extension, -ED permet également de réaliser la
concordance des temps, nécessaire pour le passage du discours direct au
discours indirect ; on parle alors de -ED de discours rapporté, ou -ED
de translation : 'We're going to get married' > They said they were
going to get married. Ensuite, il existe le -ED métalinguistique,
ou non-temporel, qui sert non plus à se référer au
passé, mais à indiquer un décrochage autre ; c'est cette
valeur qui forme, par exemple, le prétérit dit « modal
». Ainsi, dans I wish you were here, were est la
combinaison de be avec un -ED métalinguistique qui
représente non pas un repère temporel passé, mais de
l'irréel. On peut également exprimer, à l'aide de cette
valeur, des hypothèses, ou tout simplement créer un effet
d'atténuation du propos. En outre, l'on remarque que la
désignation « prétérit modal » est en
accord avec la définition de la modalité donnée plus haut
: il n'exprime plus le passé, mais la prise de position de
l'énonciateur à travers la formulation d'une hypothèse,
d'un souhait, etc. Contrairement à la valeur radicale, la valeur
épistémique n'autorise normalement pas l'ajout du -ED
chronologique lorsqu'il s'agit d'exprimer une hypothèse sur un fait
passé, hormis les cas de concordance des temps. La principale valeur qui
peut y être attribuée est la valeur métalinguistique. Le
-ED ajouté aux modaux, dans les contextes où il s'agit de
modalité épistémique, sert à exprimer un
décrochage avec la situation qui n'est pas temporel, puisqu'il peut
toujours permettre d'évaluer les chances de réalisation d'un fait
présent, voire futur. C'est pourquoi il est pertinent de
s'intéresser à la valeur de -ED lorsqu'il permet de changer
can, may, shall, et will en could,
might, should, et would. Le modal must,
quant à lui, est, de par son étymologie, déjà un
prétérit, il n'a donc pas de forme en -ED.
Si la valeur temporelle du morphème habituellement
utilisée pour désigner du prétérit,
en tant que past tense, est incompatible avec les
modaux épistémiques, il sera intéressant de voir comment
se font les références au passé. La modalité
épistémique exprime avant tout l'incertitude, c'est
peut-être ce qui explique pourquoi -ED ne permet pas une indication d'un
repère temporel passé, dans la mesure où une
hypothèse peut porter sur un fait passé mais être
elle-même située dans le présent. Lorsque
l'énonciateur souhaite évaluer dans le présent le
degré de probabilité d'un évènement passé,
le simple ajout de -ED ne convient pas ; il faut
recourir à d'autres moyens qui seront
étudiés. Enfin, pour décrire une estimation dans le
passéd'un événement, les modaux ne seront
généralement plus utilisés au profit d'autres
expressions
de modalité.
Les modaux à valeur épistémique peuvent
exprimer une estimation dans le présent sur un fait passé, mais
ne peuvent exprimer une estimation elle-même située dans le
passé (sauf dans des cas de concordance des temps). C'est pourquoi
chaque modal possède une « doublure », ou périphrase.
Certaines, cependant, ont beau avoir un sens proche de celui d'un modal, elles
ne peuvent être considérées comme des doublures exactes.
Par exemple, dans le cas de l'expression be bound to, bien qu'elle
soit assez proche de must ou will, elle ne peut être
rattachée avec certitude ni à l'une, ni à l'autre. Ces
expressions de modalité servent également à combiner deux
idées contenues dans deux modaux différents, puisque ceux-ci se
rejettent. De plus, elles peuvent être utilisées dans des
contextes où les modaux ne peuvent pas ; par exemple, may
étant peu probable dans une interrogation, il faudra recourir
à l'expression be likely to. Néanmoins, étant
donné le caractère virtuel unique aux modaux, il apparaît
logique que ces doublures ne seront pas leurs parfaits synonymes. Il sera donc
pertinent d'établir une comparaison entre les modaux et leurs
périphrases, pour ainsi déterminer la place que ces
dernières occupent sur l'échelle de probabilité
symbolisant la modalité épistémique.
Il arrive également que les expressions de
modalité soient ambiguës elles aussi ; c'est par exemple le cas de
be going to dans certains contexte où, comme will, il
peut signifier à la fois la prédiction (valeur
épistémique) et la volonté ou l'intention du sujet (valeur
radicale).
La modalité épistémique au sens large
comprend donc tout ce qui a trait à la formulation d'une estimation,
d'une déduction, d'une hypothèse, basées sur les
connaissances et la logique de l'énonciateur. Tous les
éléments permettant d'exprimer ces notions (modaux, expressions
de modalité) ont leur importance et chacun a son propre degré de
probabilité. L'ajout du marqueur de négation not, mais
également l'ajout de -ED, attribuent des nuances de
sens aux modaux, qui vont alors avoir un effet
différent. Le cas de l'ambiguïté entre les deux valeurs d'un
modal a aussi une influence vis-à-vis de l'interprétation de
l'énoncé. Ainsi, il convient de s'intéresser à la
modalité épistémique dans son ensemble et sous tous ses
angles, afin de tenter de la différencier clairement de la
modalité non-épistémique. L'analyse de son fonctionnement,
de ses effets de sens, établira une piste vers la compréhension
du système des auxiliaires modaux, difficilement cernable pour les
francophones.
I. MODAUX A VALEUR EPISTEMIQUE ET EVALUATION PRESENTE
D'UN EVENEMENT
Tous les modaux ont une valeur fondamentale qui permet d'une
manière ou d'une autre de les expliquer en contexte. Afin
d'étudier leur valeur, il convient tout d'abord de retrouver leurs
origines, qui peuvent parfois être éclairantes sur leurs emplois.
Ensuite, à partir d'exemples analysés, dans des contextes
où le modal est épistémique, la place de chacun d'entre
eux le long de l'échelle de probabilité dans le présent
d'un évènement se dégagera. Par ailleurs, l'ajout du
marqueur de négation not aura un rôle dans la valeur des
modaux, d'où la nécessité d'exemples
d'énoncés non-assertifs. Enfin, il ne faut pas négliger
les cas d'ambiguïté entre la valeur épistémique et la
valeur radicale, qui sont tout à fait courants.
1. MAY
a. Valeur épistémique de MAY
Lorsque l'on étudie la grammaire anglaise, l'on entend
fréquemment que l'auxiliaire modal may
épistémique correspond à 50% de chance que
l'évènement se réalise, et 50% de chance qu'il ne se
réalise pas. Par conséquent, le modal se situerait au milieu de
l'échelle des degrés de probabilité d'un
évènement. Étymologiquement, may provient de la
base indoeuropéenne mogh-, megh-, signifiant le
pouvoir, la capacité. Cette base a également donné en
anglais: machine, main (John Ayto, 1990). Si le modal
may fait référence au pouvoir, cela indique une
possibilité qui est au centre de sa valeur fondamentale. Dans le cas de
la modalité épistémique, il s'agit d'une
possibilité logique, qui permet d'exprimer la position
contrastée de l'énonciateur ; l'évènement a autant
de chance d'être actualisé que de ne pas l'être. Ainsi, l'on
parle d'équiprobabilité, équipossibilité, ou encore
de bilarité. La racine equi- indique une quantité
égale, d'où la valeur d'incertitude de may. L'exemple
suivant est extrait d'un roman du XIXème siècle :
I have my own reasons for thinking her a curious study,
reasons that I may impart to you some day.
Ici, may illustre parfaitement
l'équiprobabilité de la relation prédicative <I -
impart to you>. Il est possible que l'évènement (à
venir) soit actualisé, mais également qu'il ne le soit pas.
Le repère some day montre cependant un optimisme quant
à la réalisation du fait, c'est pourquoi,
en terme de pourcentage, il devient légitime d'affirmer
qu'il s'agit non plus de 50% de chance de probabilité, mais plutôt
de 52%. De la même façon, la phrase suivante permet d'observer que
des éléments du contexte jouent souvent en faveur soit de la
possibilité « positive », soit de la possibilité «
négative » :
It is very likely that he may fall in love with
one of them (c'est l'auteur qui souligne). Si l'on fait d'abord
abstraction de la formule it is very likely that, may
souligne le caractère équipossible de la relation
prédicative <he - fall in love with one of them>. Le fait que le
personnage en question puisse rencontrer une femme est possible, mais le
contraire l'est tout autant. Toutefois, l'utilisation de very likely,
ainsi que l'accentuation du modal représentée par les italiques
dans le texte d'origine, semblent le faire tendre vers une probabilité
qui vise d'avantage le positif. Les chances de validation et de non-validation
de la relation prédicative ne sont plus strictement égales ; il
apparaît un peu plus probable aux yeux de l'énonciateur que
l'évènement sera actualisé.
Grâce à ces deux premiers exemples, il est
possible de constater que may, à la différence d'autres
modaux, peut servir à émettre une hypothèse sur un fait
à venir (cf. premier exemple : some day, faisant
référence à l'avenir). En outre, ils mettent en avant le
fait que le contexte fait souvent basculer légèrement la valeur
d'équiprobabilité stricte d'un évènement. En effet,
la probabilité ne peut correspondre à une parfaite
égalité (« 50/50 »), dans la mesure où le fait
même d'exprimer un énoncé assertif a un rôle ; la
forme affirmative semble adoucir, bien que très
légèrement, les 50% de chance de non-validation de
l'évènement, et à l'inverse, la forme négative
diminue les 50% de chance de sa validation :
Search, but you may not find.
Le simple ajout de l'adverbe not ici crée un
effet quasi « pessimiste », tout comme la conjonction de coordination
but ; bien que l'équiprobabilité de may ne soit
pas affectée outre mesure, c'est le négatif qui semble l'emporter
sur le positif, indiquant la prise de position de l'énonciateur. En
outre, se pose ici la question de la portée de la négation ;
dès lors que la modalité épistémique est
exprimée avec may, la négation portera sur
l'évènement (contrairement à can). Afin
d'expliquer ce phénomène, une traduction en français peut
s'avérer éclairante : si you may find signifie il
est possible que tu trouves, you may not find signifiera il
est possible que tu ne trouves pas. En français, la négation
sera placée sur la deuxième partie de la phrase, et non sur
il est possible que : [you may] [not find]. Le
français il n'est pas possible que tu trouves serait la
traduction de you can't find.
Il convient également de s'intéresser aux
énoncés interrogatifs vis-à-vis de l'emploi de may
épistémique. L'équiprobabilité du modal
symbolise l'hypothèse et l'incertitude totale, puisque
l'énonciateur ne sait pas si la relation prédicative sera
validée. En ce sens, le rôle de may est similaire
à celui d'une question, plus particulièrement une question «
fermée » (yes/no question). C'est pourquoi il est
très peu probable que le modal soit utilisé avec une forme
interrogative. Si l'on envisage l'énoncé suivant :
(?) May she be sleeping?
L'on se rend compte que la phrase est redondante ; le fait de
poser une question correspond déjà à une incertitude sur
l'évènement, tout comme may épistémique.
Ainsi, si l'on veut insérer la valeur du modal dans un
énoncé interrogatif, il est nécessaire que l'expression de
la modalité ne soit pas normalement équivalente à une
chance de validation du fait de 50%. Il faudra avoir recours à d'autres
moyens, tels que le modal can, ou la périphrase be likely
to, qui seront étudiés par la suite.
Dans la langue courante, may est de moins en moins
employé. Parmi le corpus étudié, les romans datant du
XIXème ou du début du XXème siècles sont ceux qui
comportent le plus d'occurrences du modal, alors que dans des romans plus
contemporains, celui-ci est très rare et de plus en plus difficile
à rencontrer. Son emploi de moins en moins fréquent peut
s'expliquer de la façon suivante : si l'équiprobabilité
contenue dans le modal indique l'incertitude sur les chances mêmes de
validation de la relation S - P, il apparaît donc « inutile »
de formuler de tels énoncés. Il va sans dire qu'un
évènement est soit actualisé, soit non-actualisé.
Ainsi, il n'y a plus d'intérêt à employer une
modalité ne faisant que dire ce qui va de soi. Une question
fermée semble plus utilisée. Ceci permet également de
comprendre pourquoi might tend à remplacer may ; comme
il sera étudié, le -ED contenu dans might affaiblit
l'équiprobabilité de may, et par conséquent, son
usage apparaît moins « inutile ».
b. MAY concessif
Le cas du may appelé « may
concessif » se doit d'être étudié parmi les cas
d'ambiguïté quant à la détermination du type de
modalité. En effet, même si certaines grammaires le classent dans
la modalité épistémique, sa parenté avec la
permission, donc la modalité radicale, est présente. La
négation porte, tout comme avec la valeur épistémique, sur
l'évènement, tandis que la négation ajoutée au
may radical porte normalement sur le modal (you may not go out
= non-permission). De manière générale, le may
concessif sert à mettre
en balance deux arguments. Voici la première phrase d'un
article de journal :
The current violence in Somalia's capital may abate, but its
effects on people's lives will undoubtedly rage on for years to come.
Dans cette phrase, la relation prédicative <the
current violence in Somalia's capital - abate> peut ne pas être
validée. Il s'agirait d'une hypothèse quant à la
réalisation de cet évènement, comme le souligne l'adverbe
undoubtedly de la deuxième partie de la phrase et le modal
will, qui tous deux expriment la certitude et montrent bien le
contraste que l'énonciateur a souhaité établir avec la
première affirmation, vue comme incertaine. L'expression du doute n'est
cependant pas primordiale dans ce type d'énoncé, dans la mesure
où may est plutôt un prétexte pour annoncer un
second fait, qui correspond à un argument (its effects on people's
lives will rage on) venant contrebalancer la première affirmation
(the current violence may abate).
Prenons l'exemple suivant, tiré d'un roman
américain écrit à la première personne :
She was, obviously, one of those women whose polished words
may reflect a book club
or bridge club, or any other deadly conventionality, but
never her soul.
Ici, l'emploi de may sert non pas à dire que
les chances de validation de l'évènement sont égales aux
chances de non-validation, mais il sert à opposer cet
événement à ce qui suit but. La parenté
avec la valeur de permission de may radical est ici évidente,
puisque l'on peut reformuler la phrase ainsi : Certes (je vous
accorde que) elle était le genre de femme... May permet
également dans ce cas de mettre en balance l'affirmation avec celle de
la deuxième partie de la phrase (but they never reflect her
soul). Ainsi, le may concessif peut être rattaché
à la fois à la valeur radical, la permission, où
l'énonciateur accorde quelque-chose pour mieux mettre en avant son
propre argument, ainsi qu'à la valeur épistémique, puisque
la validation de la relation S - P est non-certaine, et c'est ce doute qui
permet à l'énonciateur de donner de la force à son
argument. Néanmoins, le may concessif exprimant clairement la
validation d'un fait est à relier davantage à la modalité
radicale, de même que les exemples où may indique que la
relation S - P n'est qu'hypothétique doivent être rattachés
à la modalité épistémique. Mais, comme l'illustrent
les différents exemples, il est souvent difficile de distinguer la
valeur, car cela dépend de la subjectivité de
l'énonciateur, sa propre perception de l'évènement.
2. CAN
a. Valeur épistémique et énoncés
non-assertifs
Lorsqu'il s'agit de la valeur épistémique, le
modal can a un rôle particulier. La valeur
fondamentale qu'on lui attribue généralement
dans ce cas est la possibilité logique, tout comme may.
Cependant, les différences sont évidentes. Étant
donné la trop grande influence de la valeur radicale de can,
à savoir, la capacité, ou la possibilité
matérielle, sa valeur de possibilité logique est
normalement incompatible avec un énoncé assertif au
présent, où il faudra utiliser may. Toutefois, dans des
assertions négatives ou interrogatives, can
épistémique est possible, car les formes négatives et
interrogatives, ou même l'ajout de -ED, donnent à la
possibilité matérielle un caractère théorique, qui
la rapproche de la possibilité logique. Le modal can remonte au
vieil anglais cunnan, et à la base indo-européenne
gn-, qui a servi à former le verbe know. Ainsi,
l'étymologie contenue dans can correspond au savoir, qui s'est
développé en savoir comment faire (know how
to), puis en be able to. La possibilité matérielle
liée au modal aura donc très souvent une influence dans son
emploi épistémique, d'où les confusions fréquentes
entre les deux valeurs, voire l'impossibilité de la valeur
épistémique. Can ne permet pas d'exprimer
l'équiprobabilité de l'actualisation d'un
événement, car il ignore, non plus légèrement comme
dans le cas de may dans les énoncés assertifs, mais
totalement le négatif. Bien que l'incertitude de can concernant
un fait soit toujours présente, elle n'est pas aussi forte qu'avec le
modal may, un degré supérieur de certitude est atteint,
d'où son association fréquente avec le modal must
(quasi-certitude), dont il est la forme retenue dans les énoncés
négatifs en anglais britannique.
A la différence de may not, la négation
ajoutée à can porte sur le modal et non sur
l'évènement (peut-être cela a-t-il une influence sur le
fait que la forme contractée mayn't est beaucoup plus rare que
le courant can't ?). Par conséquent, la traduction en
français de l'énoncé it cannot be true serait
il n'est pas possible que ce soit vrai, par opposition à it
may not be true, glosable en it may be false (il est possible
que ce ne soit pas vrai). Au présent, la valeur
épistémique de can(not) est donc principalement la
non-possibilité.
1. Pooh! You can't be silly enough to wish to leave such a
splendid place?
2. And Lucky Dick can't be one of these clever men; he must
be less intact, even faintly destroyed.
Dans ces deux exemples, l'association de can avec
l'adverbe not autorise une interprétation
épistémique du modal. En 1, le point d'interrogation renforce
l'idée d'hypothèse et d'une incertitude quant à la
réalisation de l'évènement. L'emploi de can't
pour parler de la relation <you - be silly> plutôt que may
not, qui aurait indiqué l'incertitude totale de
l'énonciateur, souligne cependant le fait que l'énonciateur
serait un peu étonné d'apprendre le contraire.
L'exemple 2 est pertinent car il montre que la valeur
épistémique de can(not) est à rapprocher
de must. Les modaux sont ici placés sur le même plan et
ont un degré de certitude par rapport à l'évènement
à peu près similaire. Néanmoins, le fait que can
épistémique reste proche de may lui donne une valeur
légèrement plus faible que must.
b. Enoncés assertifs
Il existe quelques rares cas où can dans des
énoncés assertifs peut sembler avoir une valeur
épistémique, sans qu'on ne lui ajoute directement le marqueur
not. L'exemple suivant est tiré du roman britannique Harry
Potter and the Philosopher's Stone ; le personnage principal apprend qu'il
est sorcier :
I think you must have made a mistake. I don't think I can
be a wizard. Si seule la deuxième phrase était
présentée, l'on pourrait affirmer avec quasi-certitude qu'il
s'agit d'une valeur radicale ; le personnage dit qu'il ne peut pas être
un sorcier, non pas en émettant une hypothèse mais plutôt
car cela lui semble « physiquement » impossible (cf. valeur
de capacité de can radical). Cependant, comme le montre le
modal épistémique must de la phrase
précédente, il semble qu'il s'agit d'une hypothèse sur le
degré de probabilité de la relation prédicative <I - be
a wizard> ; Harry Potter a ici des doutes sur le fait qu'il soit un sorcier,
il a du mal à croire ce qu'on lui annonce. C'est pourquoi l'association
de I don't think avec le modal can lui attribue une valeur
épistémique, même si la capacité de can
radical peut certainement y être reliée. Il s'agit
néanmoins toujours d'une probabilité négative, si ce n'est
que la négation ne porte pas directement sur can, mais sur un
autre segment. La phrase pourrait donc être glosable en : I can't be
a wizard, où la négation ajoutée au modal en fait
indéniablement un modal épistémique. De tels cas sont
ainsi discutables.
En ouvrant un courriel avec pièces jointes dans un pays
anglophone, on peut trouver l'avertissement suivant :
Attachments can contain viruses that may harm your
computer.
Ici, à nouveau, tout semble montrer qu'il s'agit d'un
can à valeur épistémique, dont la
possibilité logique serait plus forte que le may
épistémique de la proposition relative (dû à la
possibilité matérielle constamment présente avec
can), d'autant que la présence de virus ne peut être
qu'hypothétique, puisqu'imprévue. Toutefois, il ne faut pas
exclure l'hypothèse que ce can indique, par exemple, une
sporadicité, et serait donc plutôt radical (il arrive que les
pièces jointes contiennent [...]).
Même si l'on attribue à can
épistémique la valeur de possibilité logique, donc celle
de may, le fait que sa valeur radicale exprime une possibilité
fondée sur l'existence d'éléments concrets, explique
pourquoi il sert également à exprimer l'idée de
must à la forme négative. L'on peut ainsi
considérer que can augmente le degré de certitude d'un
évènement par rapport à may, mais, comme nous
allons le voir, n'est pas tout à fait au même plan que
must.
3. MUST
Parmi les cinq modaux fondamentaux en anglais (can,
may, must, shall, will), must est
le seul à ne pas avoir de prétérit, puisque, de par son
origine, il en est déjà un. En vieil anglais, il était en
effet la forme passée de mût, signifiant aujourd'hui
may, must. Néanmoins, son cas se doit d'être
étudié avec les autres valeurs fondamentales des modaux et non
pas avec la valeur de -ED ; must situe la relation prédicative
sur le même plan que les autres modaux, et non sur un plan fictif, comme
c'est souvent le cas avec l'ajout de -ED, comme nous le verrons. Cependant, son
utilisation dans le discours indirect est possible. A l'inverse du cas de
can, must n'accepte une interprétation
épistémique que dans des énoncés à la forme
affirmative, car son interprétation radicale, à savoir l'ordre
(modalité déontique), neutralise, dans les énoncés
à la forme négative, la valeur de forte probabilité qui le
caractérise. Plusieurs dialectes de l'anglais autorisent cependant une
interprétation épistémique de mustn't ; c'est
surtout l'anglais britannique qui a recours à can't en tant que
contraire de must épistémique. La valeur fondamentale du
modal dans son interprétation épistémique correspond
à une quasi-certitude, une forte probabilité,
en tant que conclusion logique d'un raisonnement. C'est pourquoi must
ne peut être utilisé pour évaluer un fait à venir,
contrairement à may ; si l'énonciateur souhaite dire
qu'un événement du futur a de grandes chances de se produire, il
faudra avoir recours à une périphrase, comme be sure to
ou be bound to, qui seront étudiées plus loin.
1. It must be really annoying.
2. Do you know how rare that must be?
3. Harry thought there must be thick trees.
En 1, le contexte est le suivant : un jeune garçon est
dans un zoo et voit le panneau « bred in captivity », qui
lui fait comprendre que l'animal a vécu toute sa vie en
captivité. Ainsi, en utilisant le modal must, il exprime une
conclusion tirée à partir de ces éléments du
contexte, sans même avoir besoin de paroles. Au vu d'un tel contexte, il
est alors très probable qu'une
telle vie soit ennuyeuse et agaçante. Il s'agit ici
d'une interprétation épistémique des plus typiques,
d'autant plus que l'on note l'utilisation du pronom it impersonnel.
Dans l'exemple 2, il s'agit également d'un must
épistémique typique et la question souligne l'incertitude
présente dans le modal, malgré une « forte
probabilité ». Le choix du pronom that, symbolisant
l'anaphore et le fléchage, renforce l'idée que must ne
peut faire référence à un événement futur,
puisqu'il donne la conclusion d'un raisonnement logique. Le troisième
exemple sert à illustrer le fait que must, étant un
ancien prétérit, peut être utilisé dans le discours
indirect (ici, introduit par Harry thought). Contrairement à
may, qui déclencherait l'emploi de might, ou
will, qui déclenche would, etc., must est
tout à fait possible dans des références au passé,
pour le discours rapporté. Toutefois, il ne suffit pas pour exprimer une
quasi-certitude dans le présent sur un fait passé et il ne
s'emploie normalement pas dans des énoncés interrogatifs. De
même, pour parler du futur d'un point de vue présent comme
passé, ce sont des périphrases qu'il faudra utiliser,
puisqu'elles peuvent être, elles, conjuguées à tous les
temps. L'on notera que dans les trois exemples proposés, le verbe qui
suit le modal est be ; en effet, si un verbe dynamique suit
must, celui-ci est automatiquement radical, alors qu'un verbe statif,
ou même une forme en -ING (puisqu'elle est formée à partir
d'un verbe statif), lèvent toute ambiguïté.
4. WILL
Si l'on met de côté pour l'instant la valeur la
plus courante de will épistémique, permettant de parler
de l'avenir, qui se doit d'être étudiée avec
shall, le modal a une valeur proche de la forte probabilité. Il
a un sens très voisin de celui de must, si ce n'est que ce
dernier exprime la quasi-certitude, une nécessité
quasi-absolue, tandis que will correspond à une
certitude, une nécessité absolue. Il donne par
conséquent à la relation prédicative un degré plus
élevé de probabilité, puisque, sans atteindre le domaine
du factuel, il exprime la certitude concernant un fait. Etant donné ce
caractère de certitude, l'événement paraîtra «
naturel », d'où l'effet d'un ton moins sec avec will,
contrairement à must, plus catégorique. Henry
Adamczewski parle ainsi de congruence ou de non-congruence des modaux (J.-R.
Lapaire et W. Rotgé, 2002) ; will offre un rapport de
congruence, l'événement paraît naturel, normal, et la
certitude qu'il exprime découle alors naturellement. L'exemple qui suit
est une réplique tirée d'un film ; le personnage principal attend
chez lui, jusqu'à ce que la sonnette retentisse :
That'll be my taxi.
La forme de will est ici réduite
('ll). L'utilisation de ce modal plutôt qu'un autre, comme
must ou should, qui auraient des sens proches dans ce
contexte, indique que l'énonciateur est certain que c'est son taxi qui
est à la porte, probablement parce qu'il n'attendait que lui. A partir
d'un raisonnement logique basé sur ses connaissances de la situation, il
peut légitimement faire une telle affirmation. Par ailleurs, la
traduction de la version française du film est pertinente. Au lieu de
recourir à un verbe tel que « devoir », qui laisserait
entendre qu'un doute subsiste, les traducteurs ont choisi : Voilà
mon taxi. Le fait d'utiliser « voilà » souligne la
certitude impliquée dans le modal will et montre que, pour
l'énonciateur, ça ne peut pas être quoi que ce soit
d'autre. La nature de la relation prédicative <that - be my taxi>
est naturelle. Ici, must ou should n'auraient pas cette
caractéristique.
All of Hardelot displays a lovely lifestyle which will
certainly surprise you.
Dans ce second exemple, une très forte
probabilité (une certitude) est annoncée ; l'adverbe
certainly rappelle cependant qu'une part de doute est
inévitablement présente, même dans les affirmations
exprimées avec will. Il convient en effet de rappeler que
will étant un modal, il fait partie du domaine du non-certain.
Il exprime la certitude, mais il est cependant toujours possible que
l'affirmation soit démentie par la suite des évènements.
Cet exemple, tiré d'une brochure touristique, montre donc que l'endroit
en question plaira très certainement, mais il y a évidemment
toujours un risque que ce ne soit pas le cas. Le choix du modal exprimant la
plus forte probabilité se justifie par un désir d'attirer des
touristes ; l'effet de surprise causé par la beauté de l'endroit
est vu comme une prédiction.
5. SHALL, WILL et le futur
a. Expression du futur
L'anglais, contrairement au français, ne possède
que deux temps : le passé et le présent (ou non-passé) et
ne comporte pas de temps futur proprement dit. Pourtant, le renvoi à
l'avenir est possible et pour cela, les auxiliaires modaux sont un moyen
essentiel. Traditionnellement, on considère le modal will comme
le modal exprimant le « futur simple » (plain future), en
double usage avec shall pour la première personne (E.S.C.
Weiner, 1985). Le futur est par définition impossible à savoir
à l'avance, c'est pourquoi le caractère non-certain et virtuel
des modaux épistémiques, qui indiquent l'hypothèse et le
doute, est parfaitement compatible avec le renvoi à l'avenir. Ainsi,
will et shall comme auxiliaires du futur seront
classés dans la
catégorie épistémique. Sans qu'il n'y ait
une quelconque influence de leur valeur radicale (volonté), will
et shall expriment une prédiction, et donc, le
plus haut degré de certitude d'un événement, c'est
pourquoi ils sont associés au futur. De la notion de modalité,
l'on passe ainsi à la notion de temps. Toutefois, ils correspondent
à une conséquence nécessaire ; ils sont toujours
liés à une condition, plus ou moins explicite. La
différence parfois faite entre will et shall est la
suivante : will renverrait au futur à toutes les personnes sauf
la première, et shall au contraire, n'exprimerait le futur
qu'à la première personne. Pourtant, will à la
première personne est possible, mais il arrive souvent qu'une
ambiguïté demeure, puisque la valeur radicale a une grande
influence (voir b). A l'inverse, shall utilisé
à la deuxième ou à la troisième personne sera
nécessairement radical (volonté imposée, avec l'exemple
des dix commandements : You shall not kill). La forme
contractée 'll commune aux deux modaux permet de ne pas se
demander s'il s'agit de shall ou will. Prenons quelques
exemples :
1. Some estimates suggest that UK charitable giving will
fall by as much as £2.
2. No need to clean the lounge; Carole will see nothing when
she comes in tomorrow.
3. If I should feel at all able to see you, I shall write to
ask you kindly to call.
4. I shall, on occasion, ask you to run an errand for
me.
5. We will stand in the corner, we shall see everything from
there.
La prédiction annoncée par les deux modaux
découle d'un raisonnement (d'où leur association avec la
modalité épistémique), d'une condition (if,
when), laquelle peut apparaitre plus ou moins clairement dans un
énoncé. En 1, comme l'indiquent le sujet estimates et le
verbe suggest, il s'agit d'une estimation, ce qui confirme la
possibilité d'une interprétation épistémique de
will ; la prévision fall by as much as £2 se
réalisera et la condition est implicite (if the estimates are
right). Dans l'exemple 2, la condition est exprimée à l'aide
de when, après lequel on remarque l'emploi du présent
simple et non pas d'un modal pour renvoyer au futur. Ceci peut s'expliquer par
le fait qu'un modal exprimant le non-certain, il est impératif que la
condition à laquelle est liée la prédiction repose sur un
fait certain, et donc, exprimé par un présent simple (qui lui
indique que l'évènement est réel au moment de
l'énonciation). Ainsi, when she comes in sert de base et est
présenté comme réel, et à partir de cela, une
prédiction en découle : Carole will see nothing. Une
explication semblable convient pour les propositions introduites par
if, après lesquelles will renvoyant au futur n'est pas
possible. En 3, la proposition avec if sert de base, de condition,
dont les conséquences sont exprimées à l'aide de
shall et seraient inévitables si cette condition se
réalisait, d'où le renvoi
au futur : I shall write. La première personne
est par ailleurs compatible avec une interprétation
épistémique de ce modal. La phrase 4 est également une
simple prédiction, et la première personne justifie l'emploi de
shall. La condition liée y est un peu moins explicite ; il
s'agit du repère on occasion, qui a en fait le même sens
qu'une proposition en when. Enfin, l'exemple 5 permet d'observer
l'alternance entre les deux modaux exprimant la prédiction à la
première personne : la différence est ici quasi-imperceptible, si
ce n'est que l'on associe souvent l'utilisation de shall avec des
actions indépendantes de notre volonté, tels que like,
etc. C'est pourquoi le verbe de perception involontaire see est
utilisable avec shall, tandis que le verbe stand est
compatible avec will. De nos jours, dans la langue courante,
will s'emploie avec tous les verbes pour exprimer la prédiction
simple. Ainsi, le rapprochement avec l'idée de logique, de raisonnement,
contenue dans la modalité épistémique ressort : si telles
conditions sont réunies, alors on peut penser que tel
évènement se produira. Néanmoins, étant
donné le caractère virtuel des modaux, la suite des
évènements pourra tout à fait venir contredire
l'affirmation exprimée par will ou shall, aussi
certaine soit-elle aux yeux du sujet.
b. WILL épistémique ou radical ?
Lorsque will est utilisé avec des verbes
dynamiques, surtout à la première personne, il devient possible
d'affirmer que la valeur épistémique et la valeur radicale se
superposent, puisqu'il est difficile de trancher en faveur de l'une ou l'autre.
Qu'il s'agisse de la volonté du sujet ou d'une prédiction, les
deux interprétations sont valables. En effet, les verbes dynamiques
décrivent des actions, d'où leur compatibilité avec la
modalité radicale (également appelée modalité de
l'action) ; c'est pourquoi lorsque l'on veut les utiliser avec une
modalité épistémique, une ambiguïté ne peut
qu'exister. Si la forme en be -ING lève toute
ambiguïté, c'est parce qu'elle est composée de be,
qui décrit un procès statif, et est donc pleinement compatible
avec une modalité épistémique. La phrase suivante est
tirée d'un contexte où une brute menace un autre enfant :
You better know, or I'll come after you.
Il s'agit d'une menace que l'on peut reformuler ainsi : If
you don't tell me, I'll come after you. Le or de la phrase
d'origine montre bien une conséquence nécessaire et
inévitable, ce qui indiquerait davantage que ce will est
épistémique et correspond à une pure prédiction.
Toutefois, au vu du contexte, il peut tout aussi s'agir de la volonté du
sujet I. Dans de tels cas, la forme en -ING écarte toute
ambiguïté ou superposition des valeurs (I'll be coming after
you). Be + ING représente l'ancrage dans une situation
particulière, d'où sa valeur courante
d'action en cours (aspect imperfectif). Si l'action est vue
comme en cours (même si ce n'est pas réellement le cas), alors il
est normal que cet aspect soit compatible avec une modalité
épistémique exprimant un jugement sur un évènement,
mais pas avec une modalité radicale, qui se focalise sur une action
à venir, non-actualisée.
Chaque modal a donc une valeur de base qui
génère parfois des confusions entre les valeurs
épistémique et radicale. Si l'on établit une
échelle des degrés de probabilité d'un
évènement dans l'ordre croissant, voici la place qu'aurait chaque
modal à valeur épistémique : may
(équipossibilité), can (possibilité),
must (quasi-certitude), will/shall (certitude).
Cependant, le degré de chacun d'entre eux peut être modifié
s'il est accompagné de -ED.
II. LES MODAUX, -ED ET LE PASSE
Les auxiliaires modaux à valeur
épistémique n'acceptent normalement pas la valeur purement
chronologique de -ED, sauf pour le discours rapporté. -ED a toutefois
une valeur de base unique qu'il convient d'étudier, puis de rattacher
aux modaux afin de constater quel effet il a sur eux. Il ne s'agira donc pas
seulement d'évaluations passées (dans les cas de concordance des
temps), mais surtout d'un effet produit par -ED. Ensuite, il conviendra de
déterminer comment se font les évaluations présentes de
faits passés, ainsi que les évaluations elles-mêmes
passées dans des cas autres que la concordance des temps.
1. -ED et les modaux
a. Valeur de -ED avec les modaux
Le suffixe -ED indique une rupture avec la situation
d'énonciation. L'évènement est vu comme non-réel,
et c'est ce qui permet d'expliquer pourquoi on l'identifie
généralement comme le prétérit, le temps du
passé. Cependant, cette rupture n'est pas nécessairement
temporelle et -ED peut avoir plusieurs valeurs : chronologique (ou temporelle),
métalinguistique (ou non-temporelle) et valeur de discours
rapporté (ou -ED de translation). Pour ce qui est des modaux à
valeur épistémique, deux cas peuvent se présenter.
Dans un premier temps, -ED permet de réaliser la
concordance des temps, utile à la formation du discours indirect (DI). A
l'exception de must, qui est étymologiquement un
prétérit et peut donc être gardé dans le DI, tous
les modaux autorisent cette valeur de -ED.
I perceived that he was agitated, and looking like death,
and he repeatedly applied his
handkerchief to his forehead; I suggested that he might be
tired, and told him that I
would call him in the morning.
Dans ce passage, il est évident que l'on a affaire
à du discours rapporté. L'expression I suggested that
sert à introduire les paroles rapportées du personnage et -ED
sera automatiquement ajouté aux modaux qui suivent. Ainsi, la
transposition au discours direct serait : I suggested: 'you may be tired, I
will call you [...]'. -ED n'ajoute aucun effet particulier, si ce
n'est qu'il permet d'opérer la concordance des temps, nécessaire
étant donné la valeur temporelle du -ED de suggested,
passé de narration. La coupure est toujours exprimée : les
paroles sont passées et vues comme non-réelles au moment
d'énonciation.
Ainsi, si l'ajout de -ED aux modaux épistémiques
signifie que l'évaluation est passée, il s'agit uniquement d'un
-ED de translation, utilisé par souci de concordance des temps, comme le
montre également l'extrait suivant :
It suddenly occurred to me it might be a good thing to arrive
at the camp earlier.
Sans que les marqueurs du discours rapporté ne soient
présents, might a aussi une fonction de remplacement de
may dû à la concordance des temps. Cet extrait
étant tiré d'un roman écrit au passé de narration,
may n'aurait pas sa place ici : en montrant à dix Anglais cette
même phrase, mais avec may au lieu de might, tous ont
eu la réaction de mettre en doute may et de proposer might
à la place. L'expression it occurred, où -ED est
temporel, a un rôle primordial dans le choix de might. Le cas de
would associé au conditionnel français semble parfois
être purement temporel. L'extrait suivant permet d'expliquer sa valeur
:
The property abutted state lands, the relator had explained,
and there would be no development in the foreseeable future.
Ici, une explication similaire à celle donnée
plus haut est possible ; le -ED ajouté à will est
nécessaire, puisque le contexte est passé (il s'agit d'un extrait
de nouvelle). C'est pourquoi on peut désigner ce -ED comme celui de
discours rapporté, mais il semble que la valeur métalinguistique
n'est pas impossible. En fait, cette impression est le résultat du fait
que -ED de translation est dérivé de -ED métalinguistique.
Dans d'autres cas, où would est utilisé dans des
contextes présents, la valeur de -ED est différente.
En second lieu, en effet, il convient de souligner que la
valeur non-temporelle de -ED est également possible avec les modaux
épistémiques. Bien que les modaux + ED soient employés
dans des narrations au passé, par souci de concordance des temps, la
valeur des modaux au prétérit se signifie pas
nécessairement qu'il y a référence au passé,
puisqu'elle peut être employée dans les mêmes contextes que
les modaux Ø évaluant dans le présent le
degré de probabilité d'un évènement, et même
faire référence à l'avenir. La coupure symbolisée
par - ED a généralement un effet d'atténuation du propos
et ne peut permettre d'évaluer dans le présent un
évènement passé.
'I thought you might perhaps know something of it.'
Malgré la présence de I thought, verbe
souvent utilisé comme introduction du DI, il s'agit ici d'un -ED qui a
un effet d'atténuation, aussi bien dans le cas du verbe think
que du modal may. L'adverbe perhaps vient renforcer
l'attitude hésitante de l'énonciateur ; le rôle de -ED est
donc d'atténuer l'affirmation, de prendre du recul, ce qui donne un
effet de politesse, tout comme le
français utilise les temps du passé (je
m'étais dit que peut-être [...]), et sans qu'il n'y ait de
référence à une situation effectivement passée. La
valeur non-temporelle est donc également compatible avec des
éléments autres que les modaux, tels que des verbes lexicaux
(thought), lesquels ne seront donc plus assimilés à un
passé de narration. Cette valeur métalinguistique permet en
réalité non pas réellement d'atténuer un propos,
mais de placer les modaux sur un autre plan, d'où cet effet
d'atténuation :
'Promise me only to stay a week.'
'I had better not pass my word: I might be obliged to break
it.'
L'impératif contenu dans la première partie de
ce dialogue indique qu'il s'agit d'une situation présente, tout comme le
discours direct. Ainsi, might ne fait nullement
référence à un évènement passé, mais
il a une valeur semblable à celle de may sans -ED. Même
s'il est tentant de dire que l'équiprobabilité y est
atténuée et que les chances de validation de la relation S - P
sont passées de 50% à 30%, le -ED a plutôt pour fonction de
faire passer l'affirmation sur un plan fictif, d'où cet impression
d'atténuation du propos. Par ailleurs, si l'évènement se
retrouve sur un autre plan que s'il avait été exprimé par
may, cela explique pourquoi might peut faire
référence au futur ; ici, il établit une hypothèse
sur un fait à venir, à savoir, l'éventualité de
rompre une promesse. De même, les exemples suivants soulignent l'effet de
prise de recul provoqué par l'ajout de -ED métalinguistique :
1. The 'guénel' is a lantern embedded in a beet.
[...] This mysterious word could mean 'gai Noël'.
2. We should be at Briceland by dinner time.
3. That would be very kind of you.
Dans chaque cas, la valeur du modal de base est
présente, mais -ED place les modaux sur un autre plan. Bien que
l'impression qui en résulte soit une probabilité plus faible, il
s'agit en fait uniquement d'une différence d'angle sous lequel on
envisage le propos. En 1, l'emploi de could n'est pas explicable de la
même façon que may (dont on se sert pour la comparaison,
étant donné que can épistémique est peu
probable) ; ceci est renforcé par l'adjectif mysterious, qui
annonce que ce qui suit n'est que pure hypothèse, non pas émise
directement, comme dans le cas des modaux Ø, mais sur un plan fictif qui
sert à prendre le maximum de recul. Souvent, l'on entend dire que cet
emploi de could est très proche de celui de might. La
différence est que, tout comme can garde une valeur radicale
dans des énoncés assertifs, could semble être
attribué à des évènements plus fondés sur
l'existence d'une possibilité matérielle concrète
(valeur radicale), tandis que might garde la valeur
de base d'équiprobabilité et donc, d'incertitude quant à
une situation (on parle de contrefactualité). L'exemple 2
apparaît comme une nécessité logique, déduite
à partir d'un raisonnement. Contrairement à must, la
déduction est nettement moins confiante et contrairement à
shall, qui donne une prédiction, le plan fictif sur lequel se
trouve should entraîne l'impression d'une probabilité
beaucoup plus faible qu'une prédiction. On est dans l'ordre du
vraisemblable. Would, quant à lui, peut être un
passé de discours indirect pour la valeur de certitude de will
(That'll be my taxi), la certitude est alors
atténuée, puisque sur un plan fictif, ou il peut être un
passé de discours indirect pour sa valeur de pure prédiction.
Dans la phrase 3, en revanche, -ED ajouté à will fait
basculer la certitude exprimée dans le fictif. Nous l'avons vu, ce modal
est toujours lié à une condition. Ici, par effet de politesse,
l'énonciateur considère la condition comme hypothétique,
et si celle-ci s'avérait être remplie, alors les
conséquences en seraient : that would be very kind of you. La
valeur de certitude, de prédiction, n'a cependant pas disparu ; c'est
uniquement le plan sur lequel se trouve l'énoncé qui
diffère par rapport à un énoncé exprimé par
will Ø. La phrase that will be very kind of you
apparaît plus directe, alors qu'avec -ED, l'affirmation exprime les
conséquences certaines d'une condition vue comme hypothétique.
b. COULD, MIGHT concessif : ambiguïtés
En ajoutant l'opérateur -ED aux modaux
épistémiques, les ambiguïtés et les superpositions
des valeurs épistémique et radicale ne disparaissent pas pour
autant. Ainsi, bien que l'on puisse normalement attribuer à
could une valeur épistémique, la valeur radicale est
toujours présente.
People could get seriously hurt in rockfights; a kid could
get his skull spit.
Les deux could de cette phrase peuvent à
premier abord être définis comme épistémiques. Il
s'agit d'une hypothèse quant aux conséquences d'un tel acte de
violence (rockfights). L'emploi de ce modal plutôt que might
sert à ne viser que la réalisation du procès, en
ignorant la nonréalisation, car might exprime une
contrefactualité. Cela correspond à une possibilité, non
une équipossibilité. Pourtant, cette impression est en fait
reliée à la valeur radicale de can ; la
possibilité matérielle impliquée constamment avec ce modal
est rendue fictive par l'opérateur -ED, d'où un rapprochement
avec une possibilité logique.
De la même façon, il existe une superposition des
deux valeurs dans l'emploi de might concessif, et -ED a soit une
valeur métalinguistique qui place le propos sur un plan fictif, soit
il permet de réaliser la concordance des temps :
Sexism might sell, but we're not buying.
Il y a ici clairement référence au futur, avec
BE + ING, ce qui indique que -ED n'exprime pas un passé. Tout comme pour
may Ø concessif, une interprétation
épistémique est d'abord possible : la relation prédicative
<sexism - sell> est mise en doute, ce qui permet d'introduire un argument
: we're not buying. Cependant, l'interprétation radicale est
aussi légitime, et may +ED se rapprocherait de la permission ;
la relation S - P <sexism - sell> est « accordée »
(Certes, le sexisme se vend, mais [...]), ce qui permet d'introduire
un argument avec autant de poids.
c. SHOULD et les contextes appréciatifs
Souvent, should est utilisé dans des
complétives introduites par that et traduit ainsi le subjonctif
français. C'est le cas lorsqu'il est employé dans des contextes
directifs, et il sera alors radical (it is important that you should tell
you mother what happened), ainsi que dans des contextes
appréciatifs, souvent introduits par des adjectifs (It is strange
that, it is natural that, etc.). Prenons trois exemples
:
1. I thought it strange he should get up and dress so
late.
2. It is intolerable that a child should be so
ill-mannered.
3. She could not bear it that the bride should arrive, and
no groom.
Dans les trois cas, should permet d'exprimer un
jugement en mettant la proposition à distance. La relation S - P ne va
pas de soi pour l'énonciateur, c'est pourquoi on attribue au modal une
valeur contrefactuelle, portée par l'opérateur -ED (on dit
également que should indique une non-congruence). L'idée
de norme est donc toujours présente avec l'emploi de should,
qui montre que la réalisation de la relation prédicative a ou
aurait un certain effet sur l'énonciateur, selon l'adjectif ou la
formule choisis. Ainsi, en 1, l'actualisation de la relation <he - get up
and dress so late> a surpris l'énonciateur qui utilise l'adjectif
strange, et l'association de shall et -ED souligne
l'étonnement de la part de I. De même, dans l'exemple 2,
c'est l'adjectif intolerable qui marque le jugement de
l'énonciateur face à l'éventuelle réalisation de la
relation <a child - be so ill-mannered> ; que cette dernière soit
actualisée ou reste hypothétique, l'impression serait la
même, et shall permet d'introduire une idée de norme
d'après l'énonciateur, tandis que -ED porte la valeur de
contrefactualité. La phrase 3 donne un autre exemple de jugement cette
fois indiqué par l'expression cannot bear au
prétérit. Même
si le procès est actualisé, should est
employé, non pas pour signaler une hypothèse ou par concordance
des temps, mais pour mettre à distance le propos afin d'introduire
l'opinion de l'énonciateur. Des explications similaires de la valeur de
should sont possibles dans des contextes qui ne sont pas
nécessairement appréciatifs, mais cette fois purement
hypothétiques, tout en gardant la notion de contrefactualité et
de norme de should :
4. 'Dancing in public with a troop of country hoydens -
suppose we should be seen!' Cette phrase ne contient pas réellement
de jugement ou d'appréciation, mais l'idée de norme contenue dans
should est pleinement perceptible ; la relation prédicative
<we - be seen>, malgré son rejet de la part de
l'énonciateur, est vue comme hypothétique, comme le souligne le
terme suppose ; sa réalisation ne va pas de soi.
Si l'idée de norme est présente dans tous ces
emplois de should, alors la notion de logique inhérente
à la modalité épistémique est également
liée ; l'énonciateur aura sa propre idée de la norme,
c'est pourquoi tel ou tel événement lui apparaîtra ou non
comme logique.
Ainsi, les modaux +ED ne signifient pas nécessairement
que le contexte est passé ; ils peuvent simplement ajouter une valeur
aux modaux Ø, tout comme ils peuvent se trouver dans des récits
au passé, par souci de concordance des temps (les narrations se faisant
généralement au passé en anglais). Dans chaque cas, il
s'agit du plan sur lequel les modaux se trouvent qui change ; il est de l'ordre
du fictif avec -ED. L'extrait qui suit offre un aperçu de la gradation
des modaux +ED :
I walked fast through the room: I stopped, half
suffocating with the thoughts that rose faster than I could receive,
comprehend, settle them - thoughts of what might, could, would and should
be.
Comme nous l'avons vu pour les modaux simples, l'ordre
croissant de la probabilité des chances de la réalisation d'un
évènement est comme suit : may, can,
must, will/shall. Ici, l'ajout de -ED dans chaque cas vient
confirmer cette échelle. Néanmoins, habituellement,
should est de l'ordre du vraisemblable et devrait se situer entre
could et would. Le fait qu'il soit après le modal
exprimant la certitude (would) s'explique par le fait que, comme nous
l'avons vu avec les contextes appréciatifs, should comporte
davantage de subjectivité (cf. notion de norme aux yeux de
l'énonciateur). C'est pourquoi le placer en dernière position
accentue l'implication de l'énonciateur. Bien que tous les modaux
montrent ici une évaluation
subjective, should permet de souligner davantage la
prise de position.
Si l'énonciateur souhaite procéder à une
évaluation présente d'un fait passé, le modal ne portera
aucune trace. Le fait qu'il soit simple ou avec -ED n'aura que pour seuls
effets ceux précédemment évoqués :
l'évaluation en elle-même est mise sur un plan fictif.
2. Évaluation d'un fait passé
Si l'opérateur -ED ne peut pas exprimer
l'évaluation d'un fait passé, il convient alors de recourir
à d'autres moyens si l'on veut évaluer dans le présent les
chances de réalisation d'un évènement passé. Pour
cela, c'est l'infinitif parfait HAVE -EN qu'il faut utiliser. En effet, les
modaux, qu'ils soient ou non complétés par -ED, indiqueront que
l'évaluation est située dans le présent (fictif ou
atténué avec -ED), et le participe passé (-EN) soulignera
le fait que l'évènement est passé.
a. Modaux Ø + HAVE -EN
L'estimation présente portant sur un
évènement passé se construit à l'aide de
l'infinitif parfait ; le modal signale le plan sur lequel se trouve
l'évaluation, tandis que la forme HAVE -EN indique que
l'évènement est passé. En effet, have signifie
que quelque-chose est acquis et le participe-passé (-EN) insiste sur
l'action achevée. C'est pourquoi l'association de l'infinitif parfait
avec les modaux est la seule solution pour évaluer les chances de
validation d'un fait situé dans le passé.
1. I will protect you by every means in my power, dearest
love, whatever you may have done or may not have done!
2. 'If I didn' know better, I'd say he'd lost control of his
broom... but he can't have...'
3. He bent his great, shaggy head over Harry and gave him
what must have been a very cratchy, whiskery kiss.
4. My calendar is getting confused. That must have been
around August 15, 1947. Comme l'illustre l'exemple 1, grâce au
modal will, l'estimation faite à l'aide de may
(not) est située dans le présent. Le recours
à have done sert à signaler que ce qu'a pu faire le
sujet you est passé. May a donc sa valeur de base
d'équipossibilité, puisque l'énonciateur est
dans l'incertitude totale concernant ce qu'a pu faire you, ses
propos sont hypothétiques, d'où l'utilisation à la fois
de may seul et de may not. Le mot whatever confirme
par ailleurs
l'ignorance de I : ce que you a pu faire ou
ne pas faire, cela importe peu à l'énonciateur, qui tiendra sa
promesse (I will protect you [...]). La phrase 2 introduit une
hypothèse (if, I'd say), que
l'énonciateur même rejette et décrit comme étant peu
probable. Le recours à can't est donc justifié, car il
est ici la négation de la forte probabilité exprimée par
must, bien qu'un léger doute subsiste. L'hypothèse
formulée concerne un fait passé (he'd lost), ce qui
explique have après le modal ; cette formule elliptique reprend
toute la proposition précédente. 3 illustre le fait que
l'association des modaux et de l'infinitif parfait peut être
employée dans des récits au passé (bent,
gave), dans la mesure où l'incertitude demeure toujours ;
must traduit une forte probabilité, mais le doute subsiste,
même si la relation prédicative <it - be a very scratchy,
whiskery kiss> est passée, puisque décrite par have
been. Au contraire, la phrase 4 est au présent (is
getting), l'estimation présente symbolisée par must
s'inscrit donc logiquement ; c'est la relation prédicative <that - be
around August 15, 1947> qui est vue comme passée, mais sur laquelle
porte l'estimation.
Si -ED est ajouté aux modaux suivis de l'infinitif
parfait, il garde sa valeur de base, mais les effets de sens peuvent être
différents de l'emploi des modaux Ø + HAVE -EN.
b. Modaux -ED + HAVE -EN
Dans tous les cas, -ED signifie un décrochage avec la
situation d'énonciation. Mise à part la valeur de -ED permettant
de réaliser la concordance des temps, la valeur métalinguistique
de celui-ci comporte différentes interprétations : Paul Larreya
et Claude Rivière soulignent en effet la distinction entre la
présupposition irréelle et la présupposition non-certaine
(1991, p.29-30), qui sont les effets produits par la valeur de base de
l'opérateur. C'est ce qui est à l'origine de la
possibilité d'une double interprétation des modaux +ED avec
l'infinitif parfait : s'il s'agit d'une présupposition irréelle,
l'énonciateur sait que l'évènement n'a pas eu lieu
(l'évènement est irréel), tandis que dans le cas d'une
présupposition non-certaine, l'énonciateur émet des doutes
et l'incertitude subsiste dans le présent. Seul le contexte permettra de
déterminer la valeur.
1. What could he have been thinking of?No one knew.
2. He would have been much better in a lodging-house, or
hotel.
3. No one of them waved back. They might have done so, but
they didn't.
4. The idea was so strong that for a moment he thought he
might have spoken it aloud.
5. Five minutes more of that death-like hush, and I should
have forced the lock like a
burglar.
Tout d'abord, l'exemple 1 comporte une occurrence de can
+ED où cet opérateur effectue la concordance des temps,
ainsi que le montre le passé knew. Il s'agit d'un extrait de
roman au passé, et could se justifie pleinement. L'infinitif
parfait montre quant à lui l'antériorité de
l'évènement be thinking. Si -ED n'a ici que sa valeur de
translation, alors la valeur du modal ne diffère pas de can
Ø dans les contextes présents : la relation
prédicative passée <he - be thinking> est soumise à
hypothèse toujours pas résolue au moment d'énonciation,
comme le souligne no one knew. Cela dit, cette même question
(What could he have been thinking of?) pourrait être
prononcée dans un contexte présent, et le -ED de can
aurait alors sa valeur métalinguistique qui place l'estimation sur
un plan fictif ; il y aurait présupposition noncertaine. Au contraire,
dans l'énoncé 2, le -ED de would est effectivement
métalinguistique, dans la mesure où cette phrase pourrait
très bien être dite dans un contexte présent. L'infinitif
parfait sert cette fois-ci non pas à signaler un fait passé, mais
un fait hypothétique. La combinaison de -ED métalinguistique avec
l'infinitif parfait signalant un évènement irréel offre un
équivalent du conditionnel passé français ; la relation
prédicative hypothétique donne lieu à une
évaluation hypothétique. Il est « trop tard » pour que
<he - be much better in a lodging house> se réalise. Il y a
présupposition irréelle.
Les exemples 3 et 4 sont à mettre en regard l'un de
l'autre. En effet, dans l'une des phrases, il y a présupposition
irréelle, et dans l'autre, il y a présupposition non-certaine. En
3, il s'agit d'un cas similaire à l'énoncé 2 ; la relation
prédicative <they - do so>, grâce à l'infinitif
parfait, est vue comme hypothétique et l'estimation à laquelle
elle est soumise (might) est composée de
l'équiprobabilité de may et de -ED
métalinguistique. En outre, la fin de la phrase but they didn't
rappelle qu'il s'agit d'une présupposition irréelle, tout
comme le début no one of them waved back. En revanche, 4 est
plus proche de l'exemple 1 ; le contexte est passé et le -ED de
might se justifie par l'emploi du passé de narration. Ainsi, la
valeur est identique à celle de may dans un contexte
présent ; il y a évaluation de la relation <he - have spoken
it aloud>. Dans un contexte présent, l'on pourrait garder might
sans réellement modifier le sens, c'est-àdire en conservant
la présupposition non-certaine et sans nécessairement basculer
dans la présupposition irréelle. En ce sens, le Guide to
Contemporary English Usage explique : « If uncertainty about the
action or state denoted by the perfect infinitive remains, i.e at the
time of speaking or writing the truth of the event is still unknown, then
either may or might is acceptable » (E.S.C. Weiner,
1985). La seule différence entre may et might serait
alors celle
précédemment évoquée, à
savoir, que -ED place l'évaluation sur un plan fictif.
Enfin, en 5, il y a à nouveau présupposition
irréelle, puisque l'évènement force the lock like a
burglar n'a pas eu lieu ; la relation prédicative est, à
l'instar de l'évaluation qui en est faite, hypothétique.
Should, associé à la première personne, est
épistémique et indique une prédiction (cf. I. 5.)
déclenchée par la condition ici explicite : Five minutes more
of that death-like hush.
Ainsi, les modaux suivis de -ED permettent de réaliser
la concordance des temps et donc de placer l'évaluation dans un contexte
passé. Ils servent également à placer l'évaluation
sur un plan fictif, c'est pourquoi l'évaluation présente d'un
fait passé exige le recours à l'infinitif parfait. Toutefois,
s'il n'est pas question de concordance des temps, une évaluation
passée portant sur un fait qui lui est antérieur ou futur, se
fait non plus grâce aux auxiliaires modaux, mais avec d'autres
expressions de modalité, telles que les périphrases.
III. MODALITE EPISTEMIQUE : EXPRESSIONS DE
MODALITE
Les modaux ne peuvent être utilisés qu'au
présent et au prétérit. Par ailleurs, comme nous l'avons
vu, l'évaluation dans le passé des chances de validation d'une
relation prédicative ne se fait avec les modaux qu'en cas de concordance
des temps. C'est pourquoi les expressions de modalité, à savoir
les périphrases, doublures, adjectifs modaux, etc., sont essentielles si
l'on souhaite faire une estimation dans des contextes où les modaux ne
le peuvent pas (par exemple, mettre une estimation sur un plan futur), ou
encore exprimer dans une même phrase deux idées contenues dans
deux modaux différents ; par exemple, une équiprobabilité
(may, qui deviendra be likely to) dans le futur
(will). Les expressions de modalité sont en effet basées
sur un verbe lexical ou l'auxiliaire be, qui ne sont pas défectifs.
Néanmoins, il convient de préciser que de par leur nature, elles
ne sont pas complètement synonymes avec les modaux, qui ont un
caractère virtuel. Elles ont, comme n'importe quel verbe, un
caractère factuel. En outre, bien que l'on utilise parfois le terme de
« doublures », la synonymie parfaite étant quasi-inexistante,
elles exprimeront des degrés de probabilité d'un
évènement nécessairement différents de ceux
exprimés par les modaux. A l'inverse, certaines expressions auront des
points communs avec les modaux, comme l'ambiguïté entre la valeur
épistémique et la valeur radicale ; c'est principalement le cas
de be going to.
Il est important de rappeler que, tout comme les modaux
épistémiques, les expressions de modalité servent à
faire une estimation, elles portent par conséquent sur le noeud
prédicatif. Ainsi, dans le cas de be sure to, ce n'est pas
parce que l'on a he is sure to win que sure qualifie he
; ici, be sure to fonctionne comme un ensemble qui permet
d'évaluer les chances de la relation <he - win>. Le mot sure
n'attribue nullement une caractéristique au sujet grammatical.
1. BE LIKELY TO
Étymologiquement, likely vient de
lîkam, qui signifie « apparence », « forme
». L'on retrouve d'ailleurs la racine commune avec la préposition
like, qui sert à établir une comparaison. Cette
expression de modalité est en général associée au
modal may. Toutefois, elle n'exprime pas une
équiprobabilité stricte, mais le vraisemblable, qui
résulte d'un
raisonnement de la part de l'énonciateur face à
ce qu'il constate (cf. « apparence »,
étymologiquement). Elle est par conséquent également
proche de can épistémique, car elle ne dit pas qu'il y a
égalité avec la non-réalisation de la relation
prédicative. Be likely to est composé de l'auxiliaire
be et de l'adjectif modal likely, c'est pourquoi l'expression
a une double caractéristique : elle ne contient pas la même
subjectivité que les modaux, mais elle permet tout de même
d'évaluer une relation prédicative :
The men who whispered in the little cafés of Berne and
Geneva were likely to be diamond salesmen or commercial travellers.
Cet exemple montre la valeur de be likely to, qui est
le possible ; l'énonciateur n'affiche pas une incertitude totale, mais
il dit ce qu'il pense être plausible, à savoir, la relation
<the men who whispered in the little cafés of Berne and Geneva - be
diamond salesmen or commercial travellers>. Il s'agit du
prétérit, compatible avec be, ce qui montre que les
expressions de modalité peuvent être mises au passé dans
des narrations. Cet énoncé peut très bien correspondre au
présent [they] may be diamond salesmen [...] ou
[they] are likely to [...], et il sert à mettre
l'évaluation sur un plan passé. Dans l'exemple, remplacer par
[they] may have been présenterait une estimation
présente d'un fait passé ; ce serait également
différent, non pas uniquement parce que le modal exprime une
équiprobabilité stricte des chances de réalisation du
fait, mais surtout parce qu'il exprime l'avis subjectif de
l'énonciateur. Au contraire, ici, be likely to est plus neutre.
De la même façon, remplacer par might ne semble pas
correspondre au contexte car, même s'il peut parfois lui aussi mettre
l'évaluation au passé, ce modal permet plus souvent
d'évaluer dans le présent une relation S - P, et ici, il n'y a
pas lieu non plus à une concordance des temps.
Mis à part le caractère factuel et non subjectif
de be likely to, sa différence d'utilisation avec le modal est
donc que son emploi n'est pas restreint, car cette expression est basée
sur l'auxiliaire be, qui n'est pas défectif ; elle peut
être mise (et donc, l'estimation peut être mise) à
l'infinitif, au futur (will be likely to est possible, tandis que
*will may ou *is going to may sont impossibles) ou même
dans des questions puisqu'elle n'équivaut pas à une question
fermée (nous avons vu que ? May he be asleep? est très
peu probable, car may revient à formuler une question
fermée). Par ailleurs, étant donné qu'il est difficile
d'utiliser can dans des énoncés assertifs, c'est be
likely to qui peut exprimer le possible dans de tels cas, sans tomber dans
l'équiprobabilité.
2. OUGHT TO
Ought to est classé comme un semi-modal car il
partage avec les modaux plusieurs caractéristiques ; par exemple, il ne
prend pas de -s a la troisième personne, il n'a pas d'infinitif et il
est repris dans les énoncés non-assertifs. Néanmoins, il
est suivi de to. Ought était à l'origine le
prétérit du verbe owe. Si l'on considère à
présent la formation de should, l'on se rend compte du lien
entre les deux expressions : shall provient de la base germanique
skal-, qui signifie également owe, et -ED est
ajouté. Il existe par conséquent un lien fort entre les deux
termes ; tout comme should, ought indique donc une
nécessité logique, une vraisemblance, et la seule
différence est qu'il évalue une relation prédicative de
façon objective. En outre, il ne peut pas remplacer should dans
les cas évoqués en II. 1, c. Prenons un exemple :
`I am astonished,' said Miss Bingley, `that my father should
have left so small a
collection of books. What a delightful library you have at
Pemberley, Mr. Darcy!'
`It ought to be good,'he replied, `it has been the work of
many generations.'
Dans la première phrase, should ne pourrait
pas être remplacé par ought to ; il s'agit ici d'un
contexte appréciatif, et le modal sert à souligner
l'étonnement de l'énonciateur (I am astonished).
Ought to n'a pas cet usage. En revanche, it ought to be good
peut très bien devenir it should be good, et sans changer
le sens. Le modal et le semi-modal ont tous deux la même valeur, à
savoir, l'évaluation de la relation <it - be good> comme
vraisemblable. Le raisonnement effectué par l'énonciateur est
explicite : it has been the work of many generations, et la conclusion
est exprimée par ought to. Cependant, étant donné
qu'un semi-modal n'a pas exactement les mêmes caractéristiques
qu'un modal, l'estimation portée par ought to est vue comme
objective, dépendant de circonstances extérieures.
Should, à l'inverse, mettrait en avant la subjectivité
de l'énonciateur. Enfin, à la différence de be likely
to, par exemple, ought to étant un semi-modal, il peut
avoir une valeur radicale.
3. BE SURE/CERTAIN TO
Sur bien des plans, l'expression be sure to est proche
du modal must. En effet, dans les
deux cas, la réalisation de la relation
prédicative est vue comme très probable, quasi-certaine. 1.
He was not in the frequent habit of entering the schoolroom, but I had the
impression that he was sure to visit it that day.
2. Do you like this sunrise, Jane? That sky with its high and
light clouds which are sure to melt away as the day waxes warm.
Afin de comprendre la différence d'emploi de
l'expression be sure to et des modaux, il convient d'effectuer
quelques manipulations. Tout d'abord, dans les deux exemples, l'estimation
porte sur un évènement à venir. En 1, puisque la relation
<he - visit it> n'est pas encore actualisée au moment
d'énonciation, le fait sur lequel porte l'estimation est vu comme
à venir, par rapport à la situation d'énonciation qui est
passée. C'est pourquoi remplacer par must est impossible, car
l'hypothèse concerne un fait futur (visit it that day), et
must ne permet pas d'effectuer ce genre d'hypothèses,
contrairement à may. De même, en 2, même si le
contexte est présent, l'évaluation porte sur un fait futur, comme
le montre as the day waxes warm ; [the clouds] are sure
to melt away ne peut pas devenir they must melt away sans changer
le sens. En effet, vu qu'il s'agit de verbes dynamiques dans les deux cas
(visit et melt away), remplacer par must, ou
même will (would pour la concordance des temps) qui
exprime la certitude, leur attribuerait une valeur radicale (l'obligation avec
le premier, et la volonté avec le second), les procès dynamiques
associés à ces deux modaux déclenchant soit, comme c'est
souvent le cas, une ambiguïté dans le cas de will
(cf. I. 5), soit nécessairement la valeur radicale dans le
cas de must. Remplacer par may (might au
passé) est cependant également impossible ici, même si
may autorise l'évaluation des chances de réalisation
d'un fait à venir. Be sure to indique en effet une certitude et
non une équiprobabilité. L'on remarque ainsi que cette expression
de modalité, bien que très proche de must, s'utilise
différemment. Le modal exprime une quasi-certitude d'un fait en cours
(he must be asleep) ou passé (he must have been
asleep) au moment d'énonciation ; cette quasi-certitude est
généralement présente, ou passée dans les cas de
concordance des temps. Be sure to, à l'inverse, peut concerner
un fait à venir, aussi bien dans une situation d'énonciation
présente (am/is/are sure to) que
passée (was/were sure to). Il devient alors possible
d'affirmer que les emplois de be sure to complètent ceux de
must, puisque ceux-ci ne peuvent se substituer à
ceux-là, et vis versa. Pour ce qui est de la comparaison avec
will/would, certes le modal, tout comme be sure to,
évalue un fait à venir, mais il établit un rapport de
congruence à travers la prédiction, tandis qu'avec be sure
to, une incertitude demeure, et le ton est bien plus neutre. Enfin, avec
des verbes dynamiques, aucune ambiguïté n'est possible puisque
be sure to n'a qu'une valeur épistémique, d'où la
possibilité de l'utiliser dans des narrations au passé.
4. BE BOUND TO
Cette expression provient du verbe lexical bind
(prétérit et participe-passé : bound), ce
qui implique que sémantiquement, en tant qu'expression de
modalité, elle signale que deux éléments sont
liés. De la même façon que be sure to,
l'expression be bound to peut être mise en parallèle avec
must, mais elle exprime l'évaluation de la probabilité
d'un évènement à venir, aussi bien d'un point de vue
présent (am/is/are bound to) que passé
(was/were bound to). En ce sens, comme il s'agit d'un fait
à venir, l'expression est proche de will/would, qui
servent aussi à parler de l'avenir. Toutefois, comme nous avons pu le
constater avec les manipulations effectuées en 3., dans les cas
où nous sommes en présence de verbes dynamiques, une
ambiguïté quant à la valeur épistémique ou
radicale du modal apparaît. C'est pourquoi be bound to, tout
comme be sure to, va neutraliser la valeur radicale. Cependant, cette
expression sert à traduire non pas exactement la certitude, mais plus
précisément l'inéluctabilité d'un
évènement.
1. Petrol is bound to run out in strike.
Petrol stations will run dry over the weekend causing havoc
for motorists if a tanker drivers' strike goes ahead.
2. The banned dog that was bound to attack again.
L'exemple 1 est un titre d'article suivi de la première
phrase de cet article. Mis à part le jeu de mots avec « banned
», l'expression is bound to sert ici à marquer le
caractère inévitable de la relation <petrol - run out in
strike>, qui n'est pas encore actualisée au moment
d'énonciation. C'est d'ailleurs ce que confirme la phrase suivante, avec
le modal will, qui indique cette fois une pure prédiction. Il
s'agit donc d'une estimation portant sur un fait à venir, tout comme
dans l'exemple 2 qui est aussi un titre d'article. En effet, was bound to
montre qu'au moment d'énonciation, la relation <the banned dog -
attack again> était inévitable, et elle est aujourd'hui
actualisée dans la mesure où l'estimation est passée ;
l'actualisation était inéluctable dans le passé (au moment
d'énonciation), c'est pourquoi dans le présent, l'on devine
qu'elle s'est réalisée, d'où le fait d'en écrire un
article. Ainsi, cette expression complète également must
et/ou will, tout en étant différente, puisqu'elle
n'a pas les propriétés des modaux.
5. BE GOING TO
Il convient de dresser un parallèle entre le modal
will et l'expression be going to. En
effet, même s'ils ont une valeur très proche, ils
ne sont nullement synonymes. Dans sa valeur épistémique, cette
expression exprime une prédiction, mais contrairement à will
qui indique que la relation prédicative sera validée si
d'autres conditions sont remplies, ici le mouvement est déjà en
cours (BE -ING) vers la réalisation d'une action (TO). Be going to
fait partie du domaine de l'assertion.
He knew everything was going to start hurting.
Dans cet exemple, le verbe know est
révélateur car il montre qu'il s'agit d'une certitude, et donc
d'une prédiction. L'utilisation de be going to souligne la
certitude totale concernant la réalisation de <everything - start
hurting>, alors que will (ou would, étant
donné le temps employé ici : was going to) impliquerait
des conditions qui ne sont pas encore remplies. Cette impression de certitude
est due au fait que, grâce à la forme BE -ING, l'action est vue
comme déjà en germe au moment d'énonciation ; les
conditions sont déjà existantes. Il arrive cependant que, tout
comme avec will, les conditions ne sont pas encore remplies :
`You got to get away, Mikey, or something's going to
happen.'
Dans cet extrait, will est possible, mais avec be
going to, la réalisation de la relation <something - happen>
parait plus certaine, d'autant qu'il s'agit d'une menace.
Par ailleurs, tout comme will, une
ambiguïté peut exister concernant la valeur
épistémique (prédiction) ou radicale (intention du sujet).
Be going to peut, certes, indiquer une prédiction, mais parfois
également une intention :
I'm going to talk to him tomorrow.
Cette phrase est bien une prédiction, mais elle traduit
également l'intention du sujet I, ce qui correspond a une
modalité radicale. Lorsque le sujet grammatical est neutre, comme dans
le premier exemple (something), il s'agira en général
d'une modalité épistémique. Étant donné le
caractère factuel de be going to par rapport à
will, cette expression de modalité semble donc être celle
exprimant le degré de certitude d'un évènement le plus
élevé.
CONCLUSION
La modalité épistémique est
principalement exprimée à l'aide des modaux, mais d'autres
expressions de modalité sont également utilisées,
même si c'est différemment. C'est pourquoi le degré de
certitude de chacune des expressions de la modalité
épistémique (modaux, périphrases, etc.) sera unique et
deux expressions parfaitement synonymes sont impossibles à trouver. Les
modaux Ø placent l'estimation sur un plan différent des modaux -
ED et les autres expressions de modalité sont également sur un
plan différent, puisqu'elles n'ont pas les mêmes
caractéristiques que les modaux. En conclusion, il n'est pas pertinent
d'établir une échelle des degrés de probabilité
d'un évènement en incluant tous les éléments dans
le même classement.
Tout d'abord, les modaux Ø ont un caractère virtuel
et peuvent être classés dans cet ordre :
MAY - CAN - MUST - WILL / SHALL.
Pour ce qui est des modaux +ED, comme nous l'avons vu, ils se
situent sur un plan fictif et, en dehors des cas de concordance des temps, ils
ne permettent pas de faire une évaluation passée. C'est
l'infinitif parfait qu'il faut utiliser dans ces cas. Leurs places sur
l'échelle de probabilité d'un fait est assez proche que
précédemment :
MIGHT - COULD - SHOULD - WOULD.
Nous n'incluons pas must ici, car il n'a pas de
prétérit et il ne comporte pas la valeur que -ED ajoute aux
modaux, c'est-à-dire le plan fictif. Seul lorsqu'il y a concordance des
temps, must peut être inclus dans cette liste, laquelle
correspond alors tout simplement à celle établie pour les modaux
Ø :
MIGHT - COULD - MUST - WOULD / SHOULD.
Enfin, les autres expressions de modalité
(périphrases, adjectifs modaux, etc.) expriment une estimation objective
et à caractère factuel :
BE LIKELY TO - OUGHT TO - BE SURE / CERTAIN TO - BE BOUND TO -
BE GOING TO.
Cette étude n'a pas traité d'autres
éléments qui traduisent aussi la modalité
épistémique, tels que les adverbes (perhaps,
undoubtedly, etc.). L'estimation du degré de certitude plus ou
moins élevé d'un évènement peut en fait s'exprimer
de bien des façons, tout en apportant un degré de
subjectivité plus ou moins grand, mais les auxiliaires modaux comportent
des caractéristiques particulières qui offrent la
possibilité d'évaluer une relation prédicative de
manière unique. Compte tenu des valeurs de base de
chaque modal, il est important de garder à l'esprit que ceux-ci servent
également à exprimer une modalité radicale qui parfois
permet de mieux comprendre le fonctionnement d'un modal à valeur
épistémique. C'est pourquoi il est possible de se demander si les
deux principales modalités ne devraient pas être traitées
ensemble, voire s'il n'y a pas qu'une seule modalité, mais
différentes interprétations.
BIBLIOGRAPHIE
Livres du corpus
AUSTEN, Jane. Pride and Prejudice. 1813. Penguin
Classics. Londres : Vivien Jones, 1996.
Ce roman du XIXème siècle est écrit dans
un anglais littéraire, ce qui permet d'étudier l'emploi des
modaux dans la langue soignée de l'époque. De plus, il est
possible d'établir une comparaison entre le niveau de langue
utilisé et celui d'aujourd'hui, et ainsi constater d'éventuelles
différences de valeurs des modaux, voire de fréquence d'emploi
d'un modal. Par ailleurs, le roman étant écrit en anglais
britannique soutenu, il est intéressant de le comparer avec d'autres
romans plus contemporains, ou même américains, et de s'attarder
sur les dialogues.
BRONTË, Charlotte. Jane Eyre. 1847. Norton Critical
Edition. New York : Richard J. Dunn, 2001.
L'auteur du roman a choisi d'écrire l'histoire à
la première personne du singulier afin de créer une
autobiographie fictive. L'anglais utilisé est littéraire et
l'emploi de la première personne permet de comprendre le fonctionnement
des modaux à l'époque, puisqu'il met en valeur la
subjectivité de la narratrice. Par ailleurs, cette oeuvre, toujours
étudiée dans les pays anglophones aujourd'hui, présente un
personnage qui expose constamment sa pensée et auquel l'on peut
s'identifier ou se comparer. Le style gothique récurrent dans le roman
joue également un rôle dans l'affectation du style et la mise en
valeur de l'esprit du personnage, c'est pourquoi cela pourra avoir une
influence sur l'analyse de la valeur et l'utilisation des modaux, qui expriment
la modalité, donc l'état d'esprit de l'énonciateur.
FITZERALD, F. Scott. Tender Is the Night. 1934. Penguin
Popular Classics. New York : Penguin Classics, 1997.
L'histoire de ce roman se déroule au début du
XXème siècle et offre différents points de vue concernant
la langue, puisque l'on trouve aussi bien de l'anglais britannique, de
l'anglais américain, ainsi qu'un Français s'exprimant en anglais.
Il peut être intéressant de constater les divers emplois des
modaux selon chaque cas, mais également selon le style
général du texte, raconté à partir de la vision
d'un personnage précis.
HARDY, Thomas. Tess of the D'Urbervilles. 1891. New York
: Penguin Classics, 2003.
Il s'agit d'un autre roman littéraire. Le point de vue
adopté, à l'instar de Jane Eyre, est celui d'une jeune
fille, mais qui cependant appartient à une famille modeste, ce qui peut
rendre compte d'un langage à la fois soigné et rural. Encore une
fois, la subjectivité du texte permettra d'établir une
comparaison avec l'emploi des modaux à notre époque, pour ainsi
en voir l'évolution. Les dialogues entre la jeune fille modeste et
l'homme riche sont également pertinents.
KING, Stephen. It. 1986. New English Library. Londres :
Hodder & Stoughton, 1987.
Ce roman fantastique américain du XXème
siècle est intéressant dans la mesure où il repose sur un
jeu de flashbacks. Tout au long de l'histoire, il y a des allers-retours entre
l'époque de l'énonciation (les années 80), où les
personnages principaux, un groupe d'amis, sont adultes, et l'enfance de ces
derniers (les années 50). Ainsi, l'on a droit à de l'anglais
américain plus ou moins contemporain et familier à travers les
dialogues des adolescents, puis à de l'anglais américain un peu
plus récent et soigné à travers les adultes et autres
personnages. Par ailleurs, le style de la narration reste très simple,
puisque l'auteur garde le langage de tous les jours de son époque
(1986). L'étude comparative des modaux dans ce roman avec leur emploi en
anglais britannique ou littéraire peut être pertinente.
KING, Stephen. Pet Sematary. 1983. Mass Market
Paperback. New York : Pocket Books, 2001.
Même auteur que précédemment, ce roman est
beaucoup plus concentré sur l'aspect fantastique que sur le point de vue
d'un groupe d'amis. L'auteur insiste ici sur les éléments
mystérieux, cherchant ainsi à susciter la peur chez le lecteur.
L'emploi de la modalité en anglais étant inévitable, les
mystères et éléments surnaturels de l'histoire engendrent
un certain nombre d'hypothèses et de tentatives d'explications selon la
logique, ce qui est au coeur même de l'étude de la modalité
épistémique.
LAWRENCE, D. H. Women in Love. 1920. Penguin Modern
Classics. Londres : Penguin Books, 2000.
Cette histoire d'amour, comme son nom l'indique, est
située à une époque légèrement plus
récente que les précédentes (Pride and Prejudice,
Jane Eyre). Elle met en scène plusieurs
relations de différents types, qui nous exposent
à chaque fois une vision différente des choses. Ainsi, la
subjectivité présente lorsqu'un certain personnage est mis en
avant, servira à comprendre le fonctionnement et la cause de l'emploi de
tel ou tel modal. Dans le roman, la vision des femmes comme celle des hommes
est mise en avant.
ROWLING, J. K. Harry Potter and the Philosopher's
Stone. 1997. Londres : Bloomsbury, 2000.
Ce roman fantastique a connu un grand succès. Il est
rédigé en anglais britannique contemporain, dans un langage de
tous les jours, d'autant plus qu'il est plutôt destiné à la
jeunesse. Ainsi, il est intéressant d'étudier l'usage des modaux
dans ce roman, afin de voir éventuellement s'il diffère de celui
des romans plus anciens, ou même des romans américains
contemporains. Par ailleurs, l'intérêt de ce livre dans
l'étude de la modalité en anglais repose aussi sur son aspect de
livre destiné à un jeune public, qui permet de voir comment les
jeunes emploient et perçoivent les modaux dans leur langue.
SAROYAN, William. The Human Comedy. 1943. New York :
Dell Publishing Company, 1971.
Il s'agit d'un roman américain dont le point de vue
présenté est celui d'un jeune garçon illettré.
C'est pourquoi l'emploi des modaux peut être différent non
seulement en raison de la variété d'anglais et de l'époque
d'écriture, mais aussi en raison du choix d'un tel personnage, ce qui
peut permettre de déterminer si le niveau ou l'âge de
l'énonciateur joue un rôle dans l'emploi de la modalité. Il
s'agit également du contexte de la seconde guerre mondiale, et le jeune
garçon délivre des messages de tout type à des personnes
de tout type également, donnant ainsi un aperçu du langage
utilisé dans chaque cas.
STEINBECK, John. Of Mice and Men. 1937. New Ed.
Londres : Penguin Classics, 2000.
A l'instar de The Human Comedy, il s'agit d'un roman
américain d'à peu près la même époque.
Cependant le point de vue est autre, puisque l'on suit les mêmes
personnages, un homme adulte et son ami simple d'esprit, tout au long de
l'histoire. Ce dernier utilise un langage très simple, voire incorrect,
ce qui aide à établir un lien entre l'emploi de la
modalité avec celui des romans plus littéraires. Par ailleurs, le
discours direct est très présent dans le roman et facilite
l'analyse des modaux dans le langage parlé.
TREVOR, William. The Oxford Book of Irish Short Stories.
Oxford University Press. Londres : William Trevor, 2001.
Ce recueil de nouvelles irlandaises offre un large choix dans
la mesure où les nouvelles sont d'époques variées, et les
histoires, différentes. Il s'agit, comme son nom l'indique, d'anglais
irlandais, et l'association de ce critère avec celui du registre donne
une grande possibilité d'études de la modalité. De plus,
plusieurs styles sont présents, du conte fantastique, voire merveilleux,
à la comédie. Le point de vue interne est souvent adopté,
permettant une étude des modaux et de leur utilisation dans le discours
indirect libre, reflet de la pensée des personnages, et donc pertinent
pour la modalité épistémique.
Articles de périodiques
« Charity Begins - And Ends? ». The Connexion,
juillet 2009, n°81.
Il s'agit d'un journal mensuel en anglais dont les
informations concernent exclusivement la France. Les paroles rapportées
sont souvent celles de personnes françaises qui ont été
traduites, et des personnalités importantes sont également
citées. Il convient de s'intéresser à l'utilisation des
modaux à valeur épistémique en anglais britannique
contemporain, sérieux et formel.
« The Banned Dog That Was Bound to Attack Again ».
The Guardian, 11 septembre 2007. En ligne : <
http://www.guardian.co.uk/uk/2007/sep/11/ukcrime
>
Ce journal célèbre offre des titres d'articles
accrocheurs qui, bien souvent, se veulent semblables à la langue de tous
les jours chez les lecteurs britanniques. L'on constate ainsi beaucoup
d'auxiliaires modaux à valeur épistémique, non seulement
dans les fameux titres accrocheurs, mais également dans les paroles
rapportées, et donc parfois plus sérieuses, de
personnalités politiques, par exemple. Dans cet article, il s'agit d'un
fait divers banal, et le langage ne sera donc pas particulièrement
formel.
BARNETT, Louise. « Petrol Is Bound to Run Out in Strike
». The Daily Express, 11 juin 2008. En ligne : <
http://www.dailyexpress.co.uk/posts/view/47827>
Dans cet article, l'analyse mérite réflexion car
le thème de la grève peut s'avérer
propice à l'emploi de modaux à valeur
épistémique. Le titre même de l'article offre une
expression de la modalité épistémique qui n'est pas un
auxiliaire modal, et qui peut ainsi faire l'objet d'une comparaison avec
d'autres contextes similaires où un modal est cette fois utilisé.
A nouveau, il s'agit d'un style journalistique, et donc, assez courant.
PEARCE, Fred. « Fred's Pearce Greenwash ». The
Guardian, 30 juillet 2009. En ligne : <
http://www.guardian.co.uk/environment/2009/jul/30/greenwash-patio-heaters>
Tout comme les deux exemples précédents, il
s'agit d'un journal britannique en ligne sur internet. Les rubriques sont
variées et attirent toutes sortes de lecteurs, c'est pourquoi un langage
courant est employé. Dans cette rubrique, le rédacteur se veut
proche des lecteurs et par conséquent les modaux
épistémiques méritent attention, puisque leur emploi
représente un usage courant, et la subjectivité présente
dans l'article favorise ce type de modalité.
Sites Internet
« News ». WFP, 24 mai 2007. En ligne :
<
http://www.wfp.org/node/7758>
Ce site internet est écrit dans un langage
journalistique et donne des informations diverses sur l'actualité.
D'après les extraits choisis, la combinaison des auxiliaires de
modalité épistémique avec des adverbes aide à
rendre compte de la valeur d'un modal, ou éventuellement à
introduire un paradoxe.
WOLFRUM, William K. « Sexism might sell, but we're not
buying ». Shakesville, 24 mai 2008. En ligne : <
http://shakespearessister.blogspot.com/2008/05/>
Le langage courant, parfois familier de ce site offre la
possibilité de dresser d'éventuels parallèles entre
l'usage d'un modal dans la langue d'aujourd'hui et celui d'avant. Le titre de
l'article en question apporte déjà un élément
important, puisqu'il s'agit d'une valeur du modal may qui fait l'objet
d'un désaccord parmi les linguistes et ouvrages de grammaire, quant
à son classement dans la modalité épistémique ou
dans la modalité radicale.
Autres
Le Boulonnais, Naturally. Brochure touristique.
Cette brochure touristique destinée à un public
anglophone présente les atouts de la ville en question, mais donne
également des informations sur son Histoire. C'est pourquoi l'on y
trouve plusieurs occurrences de modaux à valeur
épistémique qui montrent les hypothèses possibles et
d'éventuels éléments sans réponse concernant
l'Histoire, ce qui peut attirer l'attention des lecteurs. L'emploi de ces
modaux devrait être étudié pour souligner l'importance de
la valeur épistémique de la modalité dans l'expression de
l'hypothèse.
Bridget Jones's Diary. Film de Sharon Maguire
Cette comédie britannique met en scène un
personnage original et amusant, qui a recours à un langage courant,
voire familier. Ainsi les expressions employées sont d'usage dans la vie
de tous les jours et donnent la possibilité d'étudier l'anglais
britannique courant et moderne. Par ailleurs, lors de certains passages
pertinents pour leurs occurrences de modaux épistémiques,
l'étude de la traduction dans la version française du film peut
aider à faire avancer l'analyse.
Ouvrages de linguistique
BERLAND-DELEPINE, Serge. La grammaire anglaise de
l'étudiant. Ophrys. Paris, 1989.
Cette grammaire constitue l'outil de travail principal dans
l'apprentissage de la grammaire anglaise lors du premier cycle universitaire.
Elle est donc la base des connaissances en linguistique pour l'étudiant
en anglais. Contrairement à d'autres grammaires, celle-ci reste dans le
descriptif, c'est pourquoi il convient de s'en servir comme base pour
approfondir l'étude par des grammaires plus explicatives. Toutefois,
l'on y remarque très peu d'allusions à la distinction entre les
différents types de modalités (épistémique,
etc.).
CHUQUET, Hélène, PAILLARD, Michel. Approche
linguistique des problèmes de traduction anglais-français.
Ophrys. Paris, 1987.
Bien que normalement consacré à la traduction, cet
ouvrage offre de très intéressantes
analyses de la modalité. Par ailleurs, il est plus
centré sur l'étude des différents types de
modalité, et, contrairement à d'autres grammaires universitaires,
les modaux ne sont pas répertoriés sous forme de simple liste.
Ainsi, c'est un ouvrage qui permet de mieux comprendre le concept
général de la modalité, ainsi que sa typologie.
GROUSSIER, Marie-Line, RIVIERE, Claude. Les mots de la
linguistique : lexique de linguistique énonciative. Ophrys. Paris,
1996.
Il s'agit d'un glossaire de termes utilisés en
linguistique, dans lequel la définition de la modalité
épistémique est complète et permet une meilleure
compréhension de cette notion. Elle servira notamment à
élaborer dès la problématique un contraste entre les deux
types de modalité.
LAPAIRE, Jean-Rémi, ROTGE, Wilfrid. Linguistique et
grammaire de l'anglais. Presses Universitaires du Mirail. Toulouse,
2002.
Cet ouvrage offre une étude en profondeur de la
modalité, et son analyse de la modalité épistémique
est particulièrement pertinente. Sont également
présentés les différents points de vues des linguistes
quant à la question de la dichotomie de la modalité en anglais.
Enfin, les exemples choisis permettent parfaitement de suivre le cours de
l'analyse.
LARREYA, Paul, RIVIERE, Claude. Grammaire explicative de
l'anglais. Longman France. Paris, 1991.
Également un outil de travail nécessaire pour
l'étudiant de premier cycle, la grammaire de Larreya et Rivière
est, comme son nom l'indique, plus explicative. Même si les termes
précis de linguistique ne sont pas abondants, les explications sont
très précises et détaillés. A l'instar de la
grammaire de Berland-Delépine, les modaux sont listés, et bien
que les deux types de modalités soient évoqués, ils ne
sont pas utilisés dans l'analyse des valeurs des modaux.
WEINER, E.S.C. Guide to Contemporary English Usage.
Sphere Books Ltd. Londres : Oxford University Press, 1985.
Ce livre est composé d'une grammaire de l'anglais riche,
mais également de problèmes de vocabulaire et de
phonétique. Il évoque surtout ce qui pose habituellement des
problèmes
aux Anglophones eux-mêmes pour ce qui est de la langue,
c'est pourquoi il n'analyse pas aussi en détails le fonctionnement de la
modalité. Pourtant, les explications qu'il fournit sur les
différences entre certains modaux (par exemple, entre may et
might) méritent attention.
Dictionnaires
Larousse, dictionnaire de la langue française.
Larousse-Bordas. Évreux, 1997.
Le dictionnaire de la langue française reste un outil
de base indispensable à consulter afin de définir des
termes-clés et ainsi faire progresser l'analyse. Les définitions
de « épistémique », « modalité », etc.
ont leur importance dans l'étude de ces notions.
AYTO, John. Bloomsbury Dictionary of Word Origins.
Bloomsbury Publishing Limited. Londres, 1990.
Il s'agit d'un dictionnaire sur l'étymologie des mots.
Dans l'étude des auxiliaires modaux, l'étude de l'origine de
ceux-ci peut s'avérer d"une importance précieuse, puisque cela
donne la possibilité de mieux comprendre le fonctionnement du modal en
question. Ce dictionnaire apporte des précisions sur la naissance de
chaque modal, puis leur évolution, ce qui aura une grande utilité
dans l'analyse des emplois des modaux. De plus, en connaître
l'étymologie permet également de faire un éventuel
rapprochement des deux valeurs des modaux (épistémique et
radicale).
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