UNIVERSITÉ DE
YAOUNDÉ I
UNIVERSITY OF YAOUNDE I
DÉPARTEMENT DE FRANÇAIS
DEPARTMENT OF FRENCH
FACULTÉ DES ARTS,
LETTRES ET SCIENCES
HUMAINES
FACULTY OF ARTS, LETTERS AND SOCIAL
SCIENCES
ÉTUDE DE LA CONSÉQUENCE EN
FRANÇAIS CONTEMPORAIN :
LE CAS DE TROIS OEUVRES D'ÉMILE
ZOLA.
UNE PERSPECTIVE PRAGMATIQUE. LINGUISTIQUE DANS
Mémoire pour l'obtention du Diplôme
d'Etudes
Approfondies (D.E.A) de Langue
Française
Présenté par
Lysette NANDA
Maître de Langue
Française
Sous la Direction de
Germain Moïse EBA'A
Chargé de Cours
Année universitaire 2007/2008
DÉDICACE
A Marius et à
Rolande, nos enfants.
REMERCIEMENTS
Avant toute chose, nous tenons à exprimer notre
gratitude à tous ceux qui nous ont soutenue et inspirée au cours
de ce travail.
Nous remercions notre Directeur, Monsieur EBA'A Germain
Moïse, pour la qualité de l'encadrement dont nous avons
bénéficié notamment ses lectures attentives, ses
observations perspicaces, ses conseils précieux, sa
générosité et ses encouragements.
Nous ne saurions oublier le Groupe d'Etudiants et Chercheurs
en Grammaire (GRECG) dont la documentation nous a été d'un apport
précieux.
Notre gratitude s'adresse également à Madame
MBOUNGUE Anne pour son assistance morale et matérielle.
Enfin, nous tenons à exprimer notre reconnaissance
à nos amis et à notre famille : en particulier à
notre Soeur NGUIMBOUD Tabitha et nos enfants qui nous ont constamment
encouragée et aidée dans d'innombrables tâches domestiques,
concours sans lequel ce travail n'aurait pas été possible.
A tous ceux qui ont contribué de près comme de
loin à la réalisation de ce travail, nous disons
simplement : merci !
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1. DÉFINITION DU
SUJET
Il peut paraître superflu d'envisager une étude
de l'expression de la conséquence en français car les grammaires
ont déjà exploré tous les aspects de cette notion. Elles
ont notamment rendu commune l'idée selon laquelle la conséquence
est exprimée par des formes bien répertoriées et
communément admises. Ces formes grammaticales pour l'essentiel,
sont : de telle sorte que, de sorte que, en sorte que, de telle
manière que, de manière que, au point que, si bien que, si...que,
tellement... que, à tel point que, de peur que, jusqu'à ce que,
tant que, trop... pour que, assez... pour que, sans que, à telle
enseigne que, tant et si bien que, il en résulte, il s'ensuit que,
ça fait que, etc. La conséquence est également
exprimée dans des phrases simples par les
expressions : de façon à, de manière à, au
point de, assez...pour, trop...pour suivies de l'infinitif. Cependant,
suivant le contexte, certaines conjonctions (et, donc) et adverbes de
liaison (alors, ainsi, aussi, par conséquent, du coup, partant, par
suite, en conséquence, de ce fait, par suite, etc.) peuvent
exprimer la conséquence. Dans l'un ou l'autre cas, ces marqueurs ont
pour rôle d'établir le lien logique entre un fait et le
résultat qu'il entraîne. Les grammaires mettent de ce fait au
même pied d'égalité les différents moyens
d'expression de la consécution.
Cependant, la langue subit, dans son évolution, des
influences qui remettent en cause son système. Certains faits sont donc
appelés à disparaître alors que de nouveaux suscitent une
attention particulière par la complexité de leur application. Il
faut ajouter à cela les modifications syntaxiques, morphologiques et
même sémantiques qui compliquent davantage l'étude de la
langue française. Sur ce point, nombre de travaux visent à rendre
cette langue accessible à tous. La maîtrise de la langue par le
locuteur ne se limitant plus simplement à un agencement
contrôlé des différents éléments de la phrase
comme le veut les grammaires, il importe aussi de prendre en compte un ensemble
de paramètres énonciatif, sémantique et même
pragmatique qui accompagnent chaque prise de parole. Du coup, les outils
d'analyse du discours s'adaptent en mettant à la disposition des
utilisateurs de la langue de nouveaux instruments efficaces, des appareils
d'étude susceptibles de relever l'ensemble des paramètres qui
entrent dans la production d'un discours. C'est pourquoi, Plantin
(1990 :40) pense que
[...] le langage courant n'offre pour définir la
cause que des notions d'une complexité au moins égale. Pour
approcher ce concept, on dispose d'une famille de termes dont le degré
d'équivalence ne peut s'apprécier que contextuellement.
Nous sommes tenté d'ajouter et selon la visée du
discours.
2.
MOTIVATION
Lors de la soutenance de mon mémoire en cycle de
maîtrise, il y a deux ans, j'ai été interpellée par
un membre du jury pour justifier l'emploi de la conjonction de coordination
et dans une phrase. Sur le champ, j'ai réalisé que
et était en attaque de phrase. Sa valeur était difficile
à déterminer alors qu'il n'y avait pas de faute de construction.
Voyant mon embarras, le président de jury m'a invitée à
poursuivre la recherche de la valeur de et. Et c'est dans cette
perspective que j'ai découvert que j'ai utilisé et, de
manière intuitive, pour exprimer la conséquence. Ce qui m'a
amenée à préconiser qu'il y a plusieurs formes
d'expression de la conséquence que j'ai appréhendée comme
une notion à la fois fonctionnelle et notionnelle.
Sur le plan fonctionnel, la conséquence est
exprimée, selon les grammaires, à travers le complément
circonstanciel de conséquence (CCC). Cette forme ne représente,
dans notre étude, qu'un des divers moyens susceptibles d'exprimer ce
concept. Sous cette forme, elle se présente sous une étiquette
globalisante de complément circonstanciel qui est apparue au
Moyen-Âge. La grammaire de cette époque entrevoyait
déjà l'expression du complément dans l'étude de la
notion de rection. A ce sujet, Linacre commenté par Chevalier
(1968 :163) parle de complémentation secondaire. Il donne l'adverbe
pour exemple et déclare : les adverbes appartiennent aux verbes
et servent à établir un fait ou à répondre à
une question suscitée par un fait, et à exprimer le temps, la
place, la manière ou tout autre circonstance par rapport à ce
fait. Au XVIIème siècle, l'abbé
Girard également glosé par Chevalier (op cit : 685)
reconnaît que dans la phrase, chaque mot concourt à l'expression
du sens bien que cela ne soit pas de la même manière ;
les uns étant en régime dominant, les autres en régime
assujetti, et les troisièmes en régime libre, selon la fonction
qu'ils y font. Le complément circonstanciel, déjà
reconnu par l'abbé Girard comme l'élément de la phrase qui
est en régime libre, n'a donc pas été
inventé au XIXème par la grammaire scolaire, comme le
déclare Petiot (2000 : 57-58). D'ailleurs, l'auteur souligne que ce
constituant existe depuis le 1er siècle avant J.C. sous un
aspect plutôt rhétorique. Elle le signifie en ces termes :
c'est à Quintilien qu'on doit le terme circumstantiae
qui regroupe temps, lieu, personnes, choses, motif, finalité,
moyen. Dans son évolution cependant, la notion
subit un changement au niveau de son appellation et de la catégorie du
discours qui le représente. En effet, l'auteur ajoute à la
même page qu'
en fait jusqu'à l'entrée des
compléments circonstanciels dans la grammaire scolaire du
XIXè siècle, c'est l'adverbe qui est
la catégorie apte à exprimer la circonstance : au
XVIIIè siècle, Dumarsais propose le terme de
complément adverbiale, ce qui souligne son
caractère périphérique par rapport au noyau propositionnel
qui est un « objet grammatical »
Toutefois, il s'agit d'une révolution sur le plan
pédagogique qui est liée à la compréhension et
à l'écriture du texte. Et ce changement a renforcé la
classification amorcée par la grammaire antique. C'est de cette
révolution que nous tenons aujourd'hui le complément
circonstanciel de cause, de but, de concession, de conséquence, etc. Cet
étiquetage se fonde sur le contenu de l'information que
véhiculent les compléments circonstanciels.
Pour Wagner et Pinchon (1962), Chevalier et alii (1964) et
même Grevisse (1969), comme pour Leeman (1998 :58), le CCC, tout
comme n'importe quel complément circonstanciel,
complète l'idée exprimée par le verbe
en indiquant les conditions, les circonstances dans lesquelles se trouve le
sujet, ou s'accomplit l'action du sujet. Il indique donc la manière, le
but, le lieu, la cause, etc. dans lesquels se déroule l'action du
verbe.
Pour Tomassone (2002 :181), il ne sert à rien de
multiplier les désignations et d'identifier les fonctions si tout cela
ne permet pas de mettre en évidence le fonctionnement des unités
dans les phrases ou, ajoutons-nous, de reconnaître l'apport du sujet
parlant. Quel que soit le cas, cette brève revue synchronique permet de
constater que le complément circonstanciel connaît beaucoup de
difficultés tant au niveau de la délimitation de ses bornes que
de son fonctionnement. D'où l'intérêt de découvrir
ce qu'en disent les grammaires.
Les Le Bidois (1938 : 446) ne définissent pas la
conséquence, ils reconnaissent tout de même qu'elle se
dévoile dans deux propositions liées par des subordonnants qui
traduisent le lien de conséquence. Brunot et Bruneau (1949 : 551)
ne donnent pas non plus de définition à la notion que nous
étudions. Les efforts de ces auteurs sont concentrés sur la
distinction entre le but et la conséquence. Pour cela, ils
déclarent que toute proposition introduite par une conjonction
de « manière » (de sorte que, de façon que,
etc.) qui présente le mode de subjonctif doit donc être
considérée comme une proposition de but.
Quant à Wagner et Pinchon (1962 :
591-594), ils pensent qu'en plus du fait que le contenu des propositions
subordonnées de conséquence est présenté comme la
conséquence ou le résultat du contenu de la proposition qui leur
sert de support, le mode varie suivant ce que veut exprimer le locuteur. Ainsi,
dans une phrase complexe, le verbe de la dépendante est à
l'indicatif quand on actualise la conséquence - qu'elle soit
réelle ou éventuelle - et au subjonctif si la conséquence
fait l'objet d'une interprétation. Dans ce cas, nous pensons qu'une
étude en contexte de la conséquence serait très
intéressante.
Chevalier et alii (1964 : 149-151), partagent
entièrement plutôt le point de vue de Brunot et Bruneau lorsqu'ils
ajoutent que l'étude de la conséquence ne peut se faire que par
opposition à la cause parce que la relation de consécution
comporte deux termes comme la relation de cause. En effet, ils estiment que
dans la subordination causale, on met en dépendance la
cause [alors que] dans la subordination consécutive, on met en
dépendance l'effet. Le mode qui exprime une attitude du sujet
parlant à l'égard de son énoncé semble
déterminant dans l'expression de la conséquence.
En effet, Chuilon (1986 :81) affirme que l'emploi du
subjonctif permet de présenter la conséquence comme un
état à atteindre. On peut alors avoir à faire
à une conséquence souhaitée, voulue, irréelle...
Chuilon rejoint ainsi Wagner et Pinchon malgré la distance qui existe
entre ces générations.
La notion de conséquence présente des liens si
complexes, si diversifiés, si délicats à identifier et si
subtils à décrire que Grevisse et Goosse (1993 :1630) ont
dit qu'il ne [leur] a pas paru nécessaire de définir [cette]
catégorie qui emprunte sa dénomination à la langue
ordinaire. Cette affirmation témoigne non seulement de la
difficulté que les grammaires ont à donner une explication
à la notion qui nous intéresse, mais aussi l'embarras qu'on
éprouve lorsqu'il faut clarifier, de manière précise, les
outils susceptibles d'exprimer la conséquence. Ce constat est
réel, d'ailleurs Riegel et alii (1996 :516) eux aussi ne
définissent pas la notion, ils reconnaissent simplement que la
conséquence est subordonnée syntaxiquement et
sémantiquement.
Ainsi, la grammaire ne perçoit la conséquence
qu'à travers les CCC. Elle donne donc une liste figée des outils
qui introduisent la notion en jeu tout en considérant les
différentes formes d'expression de la conséquence comme
étant synonymes. Elle ne montre pas clairement la place du sujet parlant
encore moins le sens qui sous-tend l'utilisation de chaque outil de
conséquence.
3.
PROBLÉMATIQUE
Ce travail contribue à apporter une
réponse à la question centrale suivante :
Quelles sont les différentes valeurs argumentatives des
divers moyens d'expression de la conséquence ?
Ou encore :
Quelle est l'intention du locuteur lorsqu'il emploie, dans son
énoncé, une forme particulière pour traduire la
conséquence ?
En fait, il est établi que la conséquence
traduit le rapport entre un évènement et la suite logique qui en
découle. Sur le plan notionnel, elle est définie par diverses
formes linguistiques qui n'introduisent forcément pas le CCC, et chacune
d'elles peut être dotée d'un sens spécifique et d'une
motivation particulière. Ainsi les marqueurs de consécution sont
devenus, dans le discours, des connecteurs discursifs ou en pragmatique des
connecteurs argumentatifs. Aux marqueurs originels de conséquence se
sont ajoutées d'autres formes circonstancielles. Il s'agit des
conjonctions comme et, donc, des adverbes comme du coup,
aussi ou de l'interjection eh bien ! etc. qui ne peuvent se
comprendre que relativement à l'acte de langage qu'ils décrivent
et modifient. Ce travail va donc au-delà d'un simple inventaire des
différentes formes d'expression de la conséquence ; il veut
apporter une réponse à la question axiale donc découlent
les questions subsidiaires suivantes :
- quelles sont, dans le discours, les valeurs
spécifiques de diverses formes d'expression de la
conséquence ? ;
- quelles sont sur le plan syntaxique, les valeurs des formes
d'expression de la conséquence ? ;
- quelles relations existe-t-il entre la conséquence et
les autres catégories de la causalité ?
4.
HYPOTHÈSES
Pour répondre à ces questions,
nous partirons des hypothèses ci-dessous:
- les marques d'expression de la conséquence sont
hétéroclites ;
- les formes d'expression de la conséquence ont des
valeurs spécifiques ;
- les formes morphosyntaxiques de la conséquence
dégagent des valeurs semblables à celles induites par les
formes morphologiques ;
- la conséquence a des rapports avec d'autres relations
logiques.
Par ce travail, nous envisageons de rappeler aux utilisateurs
de la langue les différents moyens que la langue française met en
oeuvre pour exprimer la conséquence ; focaliser leur attention sur
la force de la fonction consécutive sur le plan argumentatif. Dans
cette optique, nous allons décrire d'une part, les valeurs des
différents marqueurs de consécution et, d'autre part,
établir à l'attention des usagers de cette langue les effets de
sens qu'ils produisent selon le contexte.
5.
CORPUS
Pour vérifier ces hypothèses, nous avons choisi
comme corpus trois oeuvres d'Emile Zola. Il s'agit de :
1- La bête humaine (Lbh) qui symbolise le
progrès de l'humanité et la complexité de la justice
assujettie à la politique.
2- Nana (Na), l'héroïne asservit la
classe bourgeoise par la prostitution qui tourne à la folie.
3- Germinal (Ge), un tableau de la misère des
mineurs, de l'insolence des bourgeois et de la grève ratée des
premiers. L'oeuvre se ferme toutefois sur une note d'espoir et de prise de
conscience.
Auteur prolixe, il a écrit dans plusieurs genres :
le roman (policier, naturaliste, souvenirs comme prisonnier de guerre),
l'essai, la chronique, le théâtre, etc. Quel que soit le
thème abordé ou le genre, l'essentiel est de savoir, comme le
déclare Tisset (2000 :62), que la narration permet de
regarder comment se fait l'acte illocutoire qui la sous-tend, à qui
s'adresse le discours du narrateur et quels effets perlocutoires sont produits
sur l'allocutaire.
La volumineuse oeuvre de Zola peut fournir la matière
pour notre étude. En outre, Zola est un locuteur natif de la langue
française, donc nous ne serons pas confrontée aux
difficultés liées aux interférences linguistiques et
sa fécondité nous permettra également de travailler sur un
corpus homogène.
6. CADRE THÉORIQUE
Nous avons vu que les grammaires étudient les faits de
langue dans des phrases isolées. Ce qui ne permet pas de percevoir
l'impact du contexte dans une analyse du discours. En fait, pour Grawitz (1990
: 345) cité par Barry (2005 :1) toutes les recherches sur l'analyse
du discours
(...) partent néanmoins du principe que les
énoncés ne se présentent pas comme des phrases ou des
suites de phrases mais comme des textes. Or un texte est un mode d'organisation
spécifique qu'il faut étudier comme tel en le rapportant aux
conditions dans lesquelles il est produit. Considérer la structure d'un
texte en le rapportant à ses conditions de production, c'est l'envisager
comme discours.
En fait, toute phrase, même si elle se résume
à un sujet, un verbe et un complément, est porteuse d'un message
qui la dépasse, compte tenu du contexte et de la façon dont elle
est émise. Elle contient certes une information, mais elle participe
simultanément à la communication, ce qui implique au moins deux
personnes, et par conséquent l'intervention de celui qui émet et
de celui qui reçoit. Pour Elfie (2006 :12), l'intérêt
d'une approche pragmatique de la littérature tient à ce que la
projection de
la vie humaine sur la scène romanesque permet non
seulement de retracer avec objectivité et distance critique la nature
réciproque et relationnelle du langage, à savoir
l'efficacité du discours en situation, mais elle permet aussi d'observer
dans la durée, c'est-à-dire tout au long de
l'itinéraire romanesque, la force illocutoire et perlocutoire des actes
de parole, autrement dit les effets pragmatiques engendrés sur
l'imaginaire des personnages romanesques et sur le contexte communicationnel
qui leur est propre.
Et l'apport de la théorie des actes de langage est donc
de montrer que les énoncés que nous formulons ne sont pas
seulement porteurs d'informations, mais qu'ils peuvent aussi désigner
l'objectif du locuteur au moment où il énonce son propos.
Nølke (2008 : 1) renforce la perception d'Elfie lorsqu'il note que
les connecteurs pragmatiques servent à structurer le discours. Ils
combinent et précisent les relations discursives qui
s'établissent entre les différents segments du texte, oral ou
écrit, monologal ou dialogal, et parfois même du non-dit. La
pragmatique donne de ce fait les moyens d'étudier l'intention du
locuteur et de parler de la cohérence du texte. A ce titre, l'approche
de Moeschler et de Reboul (1992,1998) nous paraît plus appropriée.
Pour ces auteurs, la phrase, à elle seule, constitue le discours qui est
une succession de phrases. Dès lors, l'analyse du discours prend en
compte simultanément les aspects grammatical et sémantique
auxquels elle associe l'approche contextuellement. Ils (les auteurs) s'appuient
par ailleurs sur la théorie de la pertinence de Speiber et Wilson.
L'étude en contexte du discours se distingue fort bien de l'approche
grammaticale qui étudie les phénomènes dans des phrases
isolées.
7.
MÉTHODOLOGIE
Dans la conduite de ce travail, nous avons exploité
plusieurs ouvrages de grammaire et de pragmatique. Ce qui nous a
permis de revisiter les études déjà faites sur la
conséquence et de constituer nos occurrences sur la base d'un corpus. De
ce corpus, nous avons relevé 2500 occurrences que nous avons
analysées. Cette analyse a permis d'une part, de classer les occurrences
suivant les types de conséquence : réelle, irréelle,
éventuelle, niée, ambiguë ; de jauger la
permutabilité des différents connecteurs de
conséquence ; d'autre part, d'opérer un rapprochement entre
certaines des formes qui expriment la conséquence et d'étudier le
rapport entre la conséquence et les autres catégories de la
causalité.
8. PLAN
DU TRAVAIL
Notre étude comporte quatre chapitres. Le premier fait
un état de la question sur l'approche fonctionnelle de la
conséquence et débouche sur l'exposé du cadre
théorique. Le deuxième chapitre présente les marqueurs
morphologiques de la conséquence et leur portée argumentative. Le
troisième chapitre met en lumière l'approche syntaxique de la
notion en jeu notamment ses caractéristiques et ses valeurs. Le
quatrième retrace les rapports entre la conséquence et les autres
relations logiques.
CHAPITRE 1
L'APPROCHE FONCTIONNELLE
DE LA CONSÉQUENCE
L'approche fonctionnelle de la conséquence se
préoccupe de l'étude du CCC, forme que la grammaire
reconnaît comme moyen d'expression de la conséquence. Pour elle
(la grammaire), le CCC, tout comme n'importe quel complément
circonstanciel, est un constituant de phrase dont la présence dans la
phrase est facultative. Toutefois, sa fonction est d'apporter des informations
non sur les circonstances dans lesquelles se déroule l'action
exprimée par le verbe, mais sur l'effet produit par le fait
décrit dans la première proposition. A ce titre, il peut ne pas
faire partie du noyau verbal et sa suppression est sans dégât
réel sur le sens de la phrase. Pour Wagner et Pinchon (1962 :
591-594) le contenu [des] propositions subordonnées de
conséquence est présenté comme la conséquence ou le
résultat du contenu de la proposition qui leur sert de support.
Cette définition dévoile que le rapport susceptible d'exister
entre le contenu de la proposition support et celui de la subordonnée de
conséquence est un rapport logique. Cependant, ce rapport est introduit,
au niveau grammatical, par des outils grammaticaux. Et, selon l'une des
hypothèses de ce travail, les moyens d'expression de la
conséquence sont hétéroclites. Aussi allons-nous
consacrer ce premier chapitre à l'étude rétrospective des
différentes perceptions de la notion en grammaire. Dans cette
perspective, ce chapitre a pour objectif l'identification des moyens
d'expression de la conséquence à travers les théories
grammaticales. Cet inventaire va nous aider à vérifier
l'opérationnalité de la théorie qui nous servira
d'instrument d'analyse des différentes catégories de la
conséquence.
Pour la commodité et la cohérence de notre
analyse, nous allons classer les moyens d'expression de la conséquence
selon les époques : époque classique et époque
structurale. Cet aperçu des catégories de la conséquence
va être suivi de la présentation de la pragmatique linguistique.
1.
L'approche classique du CCC
Le complément circonstanciel de
conséquence est, comme nous venons de le souligner, le résultat
du procès exprimé par le verbe. Et pour exprimer ce
phénomène, la grammaire traditionnelle utilise plusieurs classes
de marqueurs qui se déploient essentiellement dans deux types de
structures : la conséquence simple ou pure et la conséquence
subordonnée.
1.1.
La conséquence simple
La conséquence simple est celle qui est
exprimée, selon les Le Bidois (1938 :445), dans les
subordonnées de conséquence sans ligature. Les schèmes les
plus usuels sont la juxtaposition, la coordination, l'apposition et le groupe
prépositionnel.
1.1.1.
La juxtaposition
La juxtaposition est un procédé syntaxique qui
consiste à poser une proposition à côté de l'autre,
les deux étant reliées par un rapport de logique ou de sens et la
proposition de conséquence se plaçant toujours en fin de phrase.
A ce propos, Wagner et Pinchon (1962 :19) déclarent que les termes
juxtaposés sont solidaires dans un rapport
d'égalité comme nous le relevons dans [1]
1a. Oui, elle s'est enragée de n'avoir jamais rien
surpris entre eux, elle
en est morte (Lbh, p355) ;
1b. Cependant, l'hôtel n'était pas
entièrement meublé que Nana, un soir
où elle avait prodigué à Muffat
les sentiments de fidélité les plus énergiques, retint le
comte Xavier de Vandeuvre, qui [...] lui faisait une cour assidue de visite et
de fleur. Elle céda [...]. (Lbh, p301) ;
1c. « Veux-tu venir, ou je te fous sur la voie comme
l'autre ! » Il était
remonté, il me poussait, brutal, fou. Et je
me retrouvai dehors
(Lbh, p 255) ;
1d. Zoé courut chez le jardinier, qui avait fait une
soupe aux choux [...].
On eut donc une soupe aux choux avec un morceau de
lard
(Na, p 182).
[1a] montre que la mort de Mme Dabodie est la
conséquence du fait qu'elle n'a pas pu surprendre son voisin avec Mlle
Guichonet, occasion que la première attendait pour troubler le foyer de
la voisine qu'elle détestait. En [1b], la cour que Vandeuvres faisait
à Nana a amené celle-ci à céder. Le fait qu'elle
ait trompé Muffat traduit le résultat qu'espérait le
comte. La relation de conséquence, non marquée dans ces phrases,
peut être exprimée effectivement par un marqueur comme on peut le
voir dans [1'] :
1a'. Oui, elle s'est enragée de n'avoir jamais rien
surpris entre eux, au point
qu'elle en est morte ;
1b'. Cependant, l'hôtel n'était pas
entièrement meublé que Nana, un soir où elle avait
prodigué à Muffat les sentiments de fidélité les
plus énergiques, retint le comte Xavier de Vandeuvre, qui [...] lui
faisait une cour assidue de visite et de fleur au point
qu' elle céda.
La juxtaposition est une forme que la rhétorique nomme
asyndète. Elle se manifeste par l'absence de connecteur entre deux
énoncés. Seule la logique permet d'établir le lien de
cause à effet, donc de conséquence.
Cependant, la notion de juxtaposition, telle que
définie, pose deux problèmes essentiels. Primo, le rapport qui
existe entre les deux énoncés ne semble pas être un rapport
d'égalité puisque le premier énoncé appelle le
second de manière inévitable dans une relation logique. Secundo,
cette définition ne semble se limiter qu'aux énoncés [1a
et 1b]. En effet, le Goffic (1993 :8) définit la phrase comme
une séquence autonome dans laquelle un énonciateur (locuteur)
met en relation deux termes, un sujet et un prédicat. Il s'agit
là de la définition d'une phrase-type,
c'est-à-dire un modèle de référence, la phrase
canonique. Quant à la proposition, Gaillard et Colignon (2005 :146)
affirment qu'on parle de proposition lorsque le noyau est un verbe
conjugué à un mode personnel, [...]. Ainsi, la proposition
peut avoir la dimension d'une phrase dans le cas de la phrase simple. Et dans
le cas de la phrase complexe, la proposition y apparaît comme un
sous-ensemble, puisque, d'une manière générale, on se sert
d'une proposition pour former une phrase qui peut en compter plusieurs. Du
coup, le rapport de juxtaposition s'étend au-delà de la
proposition pour atteindre le cadre de la phrase ou même du texte ;
et la grammaire se trouve bien limitée dans l'étude de
l'expression des relations logiques comme celle de la conséquence.
Par ailleurs, les grammairiens n'expliquent pas le vouloir
dire du locuteur à l'heure où celui-ci préfère
la juxtaposition comme forme d'expression de la conséquence, en lieu et
place de la coordination par exemple.
1.1.2.
La coordination
La coordination exprime l'action de lier les mots ou groupes
de mots de même fonction syntaxique. Elle se manifeste par la
conjonction de coordination et l'adverbe conjonctif.
1.1.2.1. La conjonction de coordination
Les conjonctions de coordination, traditionnellement au nombre
de sept (mais, ou, et, donc, or, ni, car), assurent la coordination des
éléments de la phrase. Pour Bonnard (1992 :108), elles
permettent d'associer les idées sans instituer entre elles de
dépendance syntaxique. Dans l'expression de la conséquence,
le rapport de coordination joint deux propositions dont l'une énonce la
cause et l'autre l'effet. Les marqueurs de la coordination de
consécution sont donc et et. Ce rôle
apparaît dans les énoncés suivants :
2a. Tous connaissaient bien le père Quandieu, le
doyen des porions de Montsou, un vieux tout blanc de peau et de poils, qui
allait sur ces soixante dix ans, [...]. « Qu'est ce que vous venez
fiche par ici, tas de galvaudeux ? » cria-t-il. La bande
s'arrêta. Ce n'était plus un patron, c'était un
camarade ; et un respect les retenait devant
ce vieil ouvrier. (Ge, p. 315) ;
2b. Il régnait là une chaleur moite, la chaleur
enfermée de toute une nuit, alourdie par la bouche du calorifère,
restée ouverte ; et il (M. Hennebeau)
fut pris aux narines, [...] (Ge, p327) ;
2c. [...], on égorgeait sa fille, on rasait sa maison,
c'était donc vrai que ces mineurs pouvaient lui en
vouloir, parce qu'il vivait en brave homme de leur travail ? (Ge,
p348) ;
[2a] décrit la manifestation de la grève ;
dans leur rage à tout casser, les mineurs rencontrent un vieux mineur
qui inspire le respect, le père Quandieu, chargé de garder la
fosse d'une mine voisine à celle de Montsou. Et c'est justement parce
qu'il est respecté pour son âge et pour sa fidélité
qu'il est choisi pour assumer cette tâche. L'ordre qu'il donne
représente une force morale suffisante pour empêcher les jeunes
mineurs de poser leur acte de destruction. La conjonction et en gras
dans l'énoncé [2a] introduit la conséquence qui, dans ce
cas, ne vient pas d'un acte, mais d'un état de chose décrit dans
le premier énoncé. En [2b], Hennebeau est étourdi par
l'odeur que dégage le calorifère, conséquence de
l'excès de parfum dans l'air de la chambre qui a abrité une nuit
d'amour entre sa femme et son neveu.
En outre, Gaillard et Colignon (2005 : 237) soulignent
que la conjonction de coordination, par son sens, établit un lien
logique entre les deux éléments : et (addition), ou (choix),
car (explication)... Le principal lien logique que la grammaire
traditionnelle reconnaît à la conjonction de coordination
et étant celui d'addition, il y a lieu de se demander ce que ce
mot additionne dans les exemples ci-dessus. Ce qui amène à
réexaminer la relation de coordination notamment la place du coordonnant
et ses valeurs lorsqu'il est connecteur discursif ou argumentatif.
1.1.2.2. L'adverbe conjonctif
Un adverbe est un mot invariable qui modifie ou précise
le sens d'un verbe, d'un adjectif ou d'un autre adverbe. Cependant, lorsqu'on
parle d'adverbe conjonctif, il s'agit d'adverbe de liaison qui joue le
même rôle que la conjonction de coordination. C'est pourquoi,
notent Wagner et Pinchon (1962 :424), ces adverbes servent à
établir une liaison entre la proposition ou le terme de la proposition
qu'ils déterminent et une proposition précédente.
D'ailleurs Bonnard (1992: 108) souligne qu'ils sont diversifiés
(aussi, alors, c'est pourquoi, partant, par suite, voilà pourquoi,
ainsi, en conséquence, du coup, etc.). Nous avons quelques
échantillons dans [3] :
3a. Quand on s'embête chez soi, [...], on va se
distraire dehors. Puisque tu ne
m'aimes plus.[...] Alors
fous-moi la paix [...]. (Lbh, p 272) ;
3b. L'affaire était arrangée
déjà avec le maître porion et l'ingénieur, qui se
montraient très contents du jeune homme.
Aussi Etienne n'eut-il qu'à
accepter ce rapide avancement, [...].
(Ge, p.142) ;
3c. Pas un des hommes n'avait eu un sourire. Sans
soute, reprit la vieille dame,
et même cette personne est arrivée
hier soir à la Mignotte, [...], j'ai appris ce
matin avec le jardinier. Du
coup, ces messieurs ne purent cacher une très
réelle surprise. (Na, p 185).
Dans chacun de ses énoncés, les marqueurs en
gras mettent effectivement en relation un fait et une conséquence.
L'énoncé [3a] est de Roubeaud, mari de Séverine ;
c'est parce qu'elle ne l'aime plus qu'elle doit lui foutre la paix. Le
problème qui se pose surtout est de savoir si ces connecteurs qui
assurent tous le rôle de ligature et expriment la conséquence sont
interchangeables. Si oui, leur permutation conserve-t-elle à la phrase
de base la même valeur ? En clair peut-on dire en [3']
3a*. Quand on s'embête chez soi, [...], on va
se distraire dehors. Puisque tu ne m'aimes plus.[...] Du
coup, fous-moi la paix ;
3b'. ( ?). L'affaire était arrangée
déjà avec le maître porion et l'ingénieur, qui se
montraient très contents du jeune homme.
Alors, Etienne n'eut-il qu'à accepter ce
rapide avancement, [...]. (Ge, p.142)
Si grammaticalement l'interchangeabilité est possible,
[3b] est-il identique à [3b'] ? Qu'est-ce qui justifie
l'inacceptabilité de [3a*] ? Qu'est-ce qui explique la
spécificité de chaque adverbe conjonctif ? Quelle est
l'intension du locuteur qui sous-tend le choix d'un connecteur de
conséquence ? Ces questions qui relèvent du domaine de
compétence de l'énonciation et de la pragmatique sont celles que
nous nous proposons d'éclairer dans la suite de ce travail. Parmi les
diverses méthodes qui expriment la conséquence simple, on
relève également l'apposition.
1.1.3.
L'apposition
L'apposition est l'action d'apposer, de placer un terme
à côté d'un autre, le second désignant toujours le
même être ou la même chose que le nom auquel il se rapporte.
Cela est la distinction fondamentale qui existe entre l'apposition et la
juxtaposition. Le terme apposé est généralement
séparé du nom auquel il se rapporte par une ponctuation, en
l'occurrence la virgule à l'écrit et la pause à l'oral. A
propos, Tomassone (2002: 240) mentionne que l'apposition indique
la fonction des groupes qui déterminent un nom (ou
un pronom, mais en sont détachés par une pause à l'oral et
par des virgule à l'écrit) ; ils sont donc extérieurs
au groupe nominal auquel ils se rattachent.
En position d'apposition, la relative et le participe
présent peuvent exprimer la conséquence.
1.1.3.1. Le participe présent
Le participe présent est une forme verbale que les
grammaires ne définissent pas véritablement. Néanmoins,
Wagner et Pinchon (1962 : 320) déclarent que le groupe
agent-participe, construit en position détachée, a une fonction
circonstancielle, entre autres la conséquence. Toutefois, il est
à noter que, dans le cas de l'expression de la conséquence, on ne
peut pas parler de groupe agent-participe, car le participe n'est pas
directement précédé de l'agent. Certains auteurs comme
Bonnard (1992 :336) reconnaissent qu'il en existe deux formes : le
participe présent et le participe passé. Le participe
présent qui nous intéresse est un mode non personnel et non
temporel qui, en tant que forme du verbe, implique un agent
représenté par un SN. L'action de cet agent provoque une
conséquence qui est traduite par le participe présent, ainsi que
le présentent ces énoncés :
4a. Peu à peu, Nana avait pris possession du public, et
maintenant chaque homme la subissait. Le rut qui montait d'elle, [...],
s'était épandu toujours davantage, emplissant la salle.
(Na, p 54) ;
4b. De nouveau, les averses battaient les tuiles rouges,
coulaient dans les
tonneaux, [...]. Dans chaque maison, le feu ne
refroidissait pas, chargé de houille, empoisonnant la salle
close. (Ge, p.167) ;
4c. Des lueurs errantes couraient au ras du sol, des vapeurs
chaudes, empoisonnant l'ordure et la sale cuisine du diable, fumaient
continuellement. (Ge, p 290).
Dans l'énoncé [4a] par exemple, c'est parce que
le rut s'était épandu et non parce qu'il
montait de Nana qu'il emplissait la salle. Mais, sachant que l'auteur
pouvait dire par exemple en
4a'. Peu à peu, Nana avait pris possession du public,
et maintenant chaque homme la subissait. Le rut qui montait d'elle, [...],
s'était épandu toujours davantage, au point d'emplir la
salle.
Il y a lieu de s'interroger sur sa visée argumentative.
Est-ce pour varier et éviter la redondance ? Est-ce un souci
d'esthétique ? Voilà autant de situations qui
méritent d'être étayées.
1.1.3.2. La relative détachée
Les propositions relatives sont introduites par un pronom
relatif (qui, que, etc.). Elles ont ordinairement un support qui
représente leur antécédent. Il existe la relative
déterminative et la relative détachée. Encore
appelée relative explicative, la relative détachée suit le
groupe nominal, objet de l'action décrite et source de la
conséquence qu'elle exprime. La position détachée lui
confère certains privilèges. Ce qui a amené Riegel et alii
(1996 : 484) à reconnaître que
La relative explicative peut aussi faire l'objet d'un
commentaire particulier. Ce qui montre son indépendance vis-à-vis
du reste de l'énoncé. N'ayant pas de rôle
référentiel, les relatives explicatives sont disponibles pour
exprimer toutes sortes de nuances circonstancielles.
A partir de là, la relative apposée peut
exprimer la conséquence comme dans les phrases suivantes:
5a. Dehors, un vent d'orage s'était levé, soufflant
de grandes poussières noires, qui aveuglaient le monde et
grésillaient dans les poêles de friture. (Ge,
p.152)
5b. Rose était désolée, elle
tombait depuis un mois sur des filles
inexpérimentées, qui la mettait dans des
embarras continuels. (Na,p.418) ;
5c. [...], après avoir essoufflé la
rédaction, disloqué l'administration, elle
(Nana) contenta un gros caprice, un jardin d'hivers dans
un coin de son
hôtel, qui emporta l'imprimerie. ( Na,
p.408).
En effet, l'énoncé [5a] nous apprend que c'est
la poussière noire qui aveuglait parce que soufflée par un vent
d'orage. A la suite du participe présent et de la relative
détachée, la préposition est également
comptée parmi les moyens d'expression de la conséquence.
1.1.4.
La préposition
La préposition est une partie du discours qui
appartient à la catégorie des mots de liaison. Elle est un mot
invariable qui relie un constituant de la phrase à un mot ou à la
phrase entière. Grevisse et Goosse (1993 :369) définissent
la préposition comme un mot invariable qui sert ordinairement
à introduire un élément qu'il relie et subordonne, par tel
ou tel rapport, à un autre élément de la phrase. Pour
Mauger (1968 : 329 et 400), les structures suivantes sont possibles :
un nom précédé d'une préposition, un infinitif
précédé d'une préposition.
1.1.4.1. Un nom précédé d'une
préposition
Diverses prépositions sont utilisées dans la
relation de conséquence. Il s'agit entre autres de : à,
pour, avec, sans, jusqu'à, de façon à. Les
occurrences comportant pour et avec sont de Mauger car nous
n'en avons pas trouvé dans notre corpus.
6a. Son frisson ancien le reprenait : l'aimait-il donc,
était-ce donc celle-là
qu'il pourrait aimer, [...]
sans un monstrueux désir de
destruction
(Lbh, p.151) ;
6b. Les paupières battirent, les yeux se
détournèrent, dans une gêne
subite, un malaise allant
jusqu'à la souffrance (Lbh, p
82) ;
6c. Et, quand je l'ai trouvé en bas, il m'a
parlé encore, il m'a répété qu'il
m'aimait à mourir
(Lbh, p.335) ;
6d. Pour le malheur de la
France, Charles VI devint fou (Mauger,
1968 :329)
6e. Travailler avec profit
(Mauger, 1968 :329)
La préposition relie les termes pour les
intégrer dans une construction plus vaste. En [6a], Jacques, le
machiniste est hanté par un besoin permanent de tuer, surtout les
femmes, à telle enseigne qu'il redoute chaque fois qu'il a un penchant
pour une femme. Lorsqu'il tombe amoureux de sa cousine, l'envie de tuer surgit.
La préposition sans exprime cette conséquence qui,
normalement a lieu toutes les fois que le machiniste aime une fille. Mais
compte tenu de la valeur négative que cache le sens de cette
préposition, il y a lieu de se demander si elle introduit une
conséquence ordinaire. Si nous passons aux occurrences [6a-c], une
autre préoccupation naît ; en effet, sachant que la
conséquence est le résultat d'un fait initial, peut-on voir dans
ces énoncés une conséquence, le fait est-il réel,
éventuel ou nié ? Les auteurs n'en parlent pas.
1.1.4.2. Un infinitif précédé d'une
préposition
Cette forme est exprimée par les locutions, en
sorte de, assez...pour, suffire... pour etc., suivies de l'infinitif.
Elle est illustrée dans les cas de figure suivants:
7a. De la broderie, on lui en fichera ! Est-ce que tu me
crois assez bête
pour ne pas comprendre
[...] ? (Lbh, p.195) ;
7b. Aussi n'était-il pas fâché de lui
faire sentir [...] sa toute puissance,
l'absolu pouvoir qu'il avait sur la liberté de
tous, au point de changer
d'un mot un témoin en prévenu,
[...]. (Lbh, p 139) ;
7c.Cherche, cherche ! Rien que le plaisir de voir son nez
s'allonger, ça me suffirait
pour prendre patience (Lbh, p.86) ;
La question en [7a] n'appelle en réalité pas une
réponse. L'auteur semble plutôt attirer l'attention sur le fait
qu'il n'est en fait pas bête, dans ce cas sommes-nous en présence
d'une conséquence au même titre que celle qui est
manifestée en [7b] ?
Il ressort de tout ce qui précède d'une part,
que les moyens d'expression de la conséquence simple sont variés
en grammaire classique : juxtaposition, coordination, syntagmes
prépositionnelles, apposition, d'autre part, que le mode censé
revêtir la subordonnée de consécution est l'indicatif. Il
est à relever d'ores et déjà que cet aspect du sujet
divise tant et si bien les auteurs que nous y reviendrons dans la suite de
notre étude. Brunot et Bruneau (1949 : 551) affirment sans
équivoque que le mode de la conséquence est l'indicatif, le
subjonctif exprimant le but. Wagner et Pinchon (1962 : 591-594) ne
partagent pas la vision de Brunot et Bruneau, encore moins celui de Chevalier
et alii (1964 : 149-151). Pour les seconds, le mode varie suivant ce que
veut exprimer le locuteur. Ainsi, dans une phrase complexe,
le verbe de la dépendante est à l'indicatif quand on
actualise la conséquence - qu'elle soit réelle ou
éventuelle - et au subjonctif si la conséquence fait
l'objet d'une interprétation. Dans ce débat, la vision de
Chevalier et alii est plutôt proche de celle de Brunot et Bruneau,
malgré la différence de génération de ces auteurs.
Le mode de la conséquence, à travers les époques, est une
question à controverse. La conception de Chevalier et alii est traduite
par les exemples suivants :
8a. Il a donc vécu à sa guise, sans que je
me mêle en rien de son existence (Lbh, p.145) ;
8b. Et il hochait la tête, il avait une haine de
l'eau-de-vie, la haine du dernier enfant d'une race d'ivrognes, qui souffrait
dans sa chaire de toute cette ascendance trempée, [...], au point
que la moindre goutte en était
devenue pour lui un poison (Lbh, p 47) ;
8c. Vous savez que Steiner commence à avoir de Rose
par-dessus la tête, aussi le mari ne le lâche-t-il plus d'une
semelle, de peur qu'il ne file. (Na, p 35).
Or, Grevisse et Gosse (1993 :565) estiment que
les modes expriment l'attitude prise par un sujet à
l'égard de l'énoncé ; ce sont les diverses
manières dont ce sujet conçoit et présente l'action, selon
qu'elle fait l'objet d'un énoncé pur et simple ou quelle est
accompagnée d'une interprétation.
Ainsi perçu, nous pensons que l'expression des modes
dans l'énonciation est une question purement subjective. Et ce
problème est l'objet d'un grand débat entre les grammairiens
à travers les âges. Les effets de ce débat transparaissent,
avec Grevisse et Goose, dans [9] ci-après :
9a. Ce jour-là pourtant, [...], il était
rentré se jeter sur son lit. De sorte que Séverine
l'aurait attendu vainement,[...] (Lbh, p.113) ;
9b. Ils se gâtaient ensemble, c'était lui qui
l'avait jetée sur Séverine, au point que, pour l'avoir
à la maison, elle l'aurait fait arrêter sur
l'heure.
(Lbh, p 141) ;
9c. Et il y eut ainsi, en août et en septembre des nuits
adorables d'une telle douceur, qu'ils se seraient
laisser surprendre par le soleil, si le réveil de la gare ne les avait
séparés. (Lbh, p 206).
Il ne s'agit ni d'une question de concordance de temps comme
l'estiment certaines grammaires, ni d'une règle grammaticale, mais des
angles de perception. Même s'ils n'ont fait que l'évoquer, Wagner
et Pinchon reconnaissent que la conséquence a des nuances : elle
peut être réelle ou éventuelle, et c'est le contexte qui
déterminerait cette nuance. Si l'on relève, dans chaque
énoncé la présence d'un marqueur morphologique de
conséquence, le conditionnel, que traduit la forme en
rais des verbes, apporte à la conséquence une
nuance qu'il serait intéressant d'élucider.
Par ailleurs, la grammaire traditionnelle reconnaît
aussi la subordonnée consécutive, seulement nous
préférons aborder cet aspect de la notion avec l'approche
structurale de la conséquence puisque la grammaire structurale explique
mieux le phénomène de l'enchâssement, source de la
subordination.
2. Le
CCC en grammaire structurale
La grammaire structurale naît à la suite de la
linguistique structurale qui remonte au début du XXe siècle,
et dont l'ambition est de rendre compte de la structure des langues avec plus
d'efficacité. Elle a de ce fait donné une nouvelle impulsion
à l'activité grammaticale par l'introduction des méthodes
capables de décrire le fonctionnement réel des langues. Les
écoles linguistiques qui en découlent ont donné naissance
à diverses tendances grammaticales. La grammaire structurale se
préoccupe donc tout particulièrement de l'organisation des mots
et des constituants de phrase. Elle subordonne, sans le négliger, le
sens à la syntaxe. C'est dans ce sens que Onguéné Essono
Ch. (2001 :132) mentionne que le structuralisme explique
la cohésion sémantique entre les
unités puisque la fonction grammaticale est consécutive à
une formulation particulière de ce rapport sémantique grâce
à un mode de combinaison précis des unités.
A ce propos, il apparaît opportun de présenter
successivement les démarches de la grammaire générative et
transformationnelle, de la grammaire dépendancielle et de la grammaire
prédicative.
2.1.
La Grammaire Générative et Transformationnelle (GGT)
Pour Noam Chomky (1969), la syntaxe est l'étude des
principes et des processus selon lesquels les phrases sont construites dans les
langues particulières. La GGT tente de construire une théorie
générale formalisée de la structure linguistique et d'en
explorer les fondements. Son ambition est donc d'exposer un modèle
syntaxique applicable à toutes les langues naturelles. Aussi
l'étude syntaxique d'une langue donnée a-t-elle pour objet la
construction d'une grammaire pouvant être considérée comme
une sorte de mécanisme qui produit les phrases de la langue soumise
à l'analyse. Chomsky fonde donc sa théorie sur trois
modèles : le modèle simple basé sur la théorie
de communication, le modèle de l'analyse en constituants
immédiats et le modèle transformationnel. Les deux derniers
modèles nous intéressent tout particulièrement.
Le modèle syntagmatique consiste en la
décomposition de la phrase en constituants immédiats. Il permet
de présenter les constituants et l'ordre dans lequel ils apparaissent
dans une phrase. De manière graphique, le modèle syntagmatique
est représenté sous la forme d'arbres syntaxiques dont Roberge
(2002 :3) présente ci-dessous une forme simplifiée :
W : représente la phrase
X, Y, Z : représentent les noeuds
T, U : représentent les branches,
c'est-à-dire les syntagmes qui sont une projection de la
catégorie. Ce modèle est cependant adéquat aux objectifs
de la description linguistique comme le constate Chomsky (1969 :15). En
effet, l'auteur reconnaît que ce modèle s'applique avec
lourdeur, c'est-à-dire que toute grammaire construite sur
cette théorie fort complexe, [...], est non révélatrice
[...], surtout qu'en décrivant la structure de la phrase en
constituants immédiats, le modèle syntagmatique peut aboutir
à la formation des énoncés agrammaticaux.
Parlant du modèle transformationnel, il s'agit des
opérations qui convertissent un couple en une phrase unique et pour
Ruwet (1972 :173), les transformations
généralisées appartiennent à deux grandes
catégories qui correspondent en gros à la distinction classique
entre coordination et subordination. Ruwet distingue ainsi deux types de
transformation : la coordination et la subordination.
Au sujet des compléments circonstanciels, Ruwet dit
qu'ils sont dus à l'enchâssement, ils insèrent une
phrase à l'intérieur d'une phrase. Il s'agit de
l'enchâssement de (TQU-) où T représente
l'antécédent et QU le relatif pour l'enchâssement. Cette
opération convertit QU + SN en qui s'il s'agit d'un SN sujet,
et en que, s'il est question d'un SN objet. Pour ce qui est des
transformations circonstancielles, Le Galliot (1975 :67) affirme que la
GGT introduit dans la complexité des subordinations circonstancielles,
un ordre simplificateur :
la proposition subordonnée circonstancielle
correspond à l'enchâssement d'une suite E2 à la place d'un
constituant SP de la suite E1, quelles que soient évidemment les nuances
logiques et sémantiques qui intéressent le contenu de la
proposition.
De manière concrète cela se démontre dans
les exemples ci-après :
10a. Toutes les femmes bientôt les connurent, [...]
sans que personne
pût citer une source exacte (Na, p
426) ;
10b. Sans doute, dans la réparation des pistons et des
tiroirs, elle (la
machine) avait perdu de son âme, ce
mystérieux équilibre de vie,
dû au hasard du montage. Il (Jacques) en
souffrait. Cette
déchéance tournait à une amertume
chagrine, au point qu'il
poursuivait ses supérieurs de plaintes
déraisonnables. (Lbh, p 279) ;
10c. [...] l'oeil aux aguets, ils inscrivaient des
paris, sur un geste, sur un
clignement de paupières,
si rapidement, que des
curieux, béants,
les regardaient sans comprendre. (Na,
p.345) ;
10d. Les jours où, de colère, elle oubliait ses
intérêts, elle jurait de lui
faire une telle saleté,
qu'il ne pourrait remettre les pieds chez
elle.
(Na, p.403).
La phrase [10a] renvoie aux deux phrases sous-jacentes
a) toutes les femmes bientôt les connurent sans SN
b) personne put citer une source exacte
La phrase principale (a) présente la structure SN +
V+SP. Nous n'allons pas entrer en détail dans les démonstrations
de la GGT. Nous soulignons tout simplement que cette grammaire n'accorde aucune
place au sujet parlant ; elle ne permet pas non plus de distinguer une
subordonnée causale d'une subordonnée consécutive, deux
concepts qui relèvent de la sémantique. En fait, la GGT est une
grammaire de phrase et non de texte, ses concepts ne peuvent par
conséquent pas être opératoires pour une analyse du
discours. Que dire de la théorie de Lucien Tesnière ?
2.2.
La Grammaire dépendancielle
La théorie dépendancielle décrit les
fonctions syntaxiques dans un énoncé pour indiquer le
réseau de dépendance qui existe entre les éléments
de cet énoncé. Ce réseau de dépendance marque la
connexion, c'est-à-dire le lien susceptible d'unir les unités
d'une phrase : le verbe et son sujet, le verbe et son complément
par exemple. Cette grammaire se fonde sur les principaux
concepts suivants: la connexion, la translation et la jonction.
Tesnière (1988 :11) représente ces relations par un arbre
qu'il appelle stemma. Il reconnaît que la phrase est un ensemble
organisé dont les constituants sont des mots. Dans la phrase, il
étudie les diverses relations à deux niveaux : une relation
du premier niveau entre le prédicat et ses subordonnés (ou
dépendants) et une relation du deuxième niveau avec les
circonstants.
Comme les autres circonstants, la proposition
consécutive est le résultat de la translation qui est, pour
Tesnière (1988 :17), le fait de transférer un mot plein
d'une catégorie grammaticale dans une autre catégorie
grammaticale, c'est-à-dire, transformer une espèce de mot en
une autre espèce. La proposition consécutive est alors une
circonstancielle transférée en adverbe de
conséquence ; et dont le translatif en français est de
sorte que avec les variantes à peu près synonymes de
manière que, de façon que, si bien que, locutions
translatives qui se construisent toutes avec l'indicatif. Par cette affirmation
tranchante, l'auteur refuse les diverses nuances que peuvent apporter une
étude approfondie des différents modes dans l'expression de la
consécution.
Par ailleurs, le circonstant qui traduit, comme son nom
l'indique, les circonstances de l'action décrite par le prime actant,
représente le SN mobile de la phrase, c'est pourquoi il n'est pas
représenté dans le stemma, Tesnière reconnaît qu'il
ne fait pas partie de la valence du verbe, il n'est donc pas obligatoire et
peut être supprimé sans causer de dommage à la syntaxe de
la phrase. Et [11a et 11a'] l'attestent bien :
11a. Elle vaporisait si bien,
qu'elle faisait en effet de grosses économies
de charbon (Lbh, p.181) ;
11a'. Elle vaporisait si bien
11b. La mère Victoire avait dû couvrir le feu de
sa poêle d'un tel poussier,
que la chaleur était suffocante (Lbh,
p. 56) ;
11c. Mais le Président [...] et elle-même avait
une telle distinction,
que longtemps Roubaud s'était
contenté de la désirer de loin (Lbh, p.58) ;
11d. Que s'était-il passé ?
tant de versions ont circulé,
qu'il est difficile de le dire (Lbh,
p.146).
Toutefois, l'on remarque que la notion de structure chez
Tesnière ne repose pas sur des constructions théoriques. Mais
elle est conçue comme une étude appliquée,
expérimentale. C'est le mérite de cette théorie qui,
malheureusement ne voit dans le CCC qu'une simple fonction syntaxique. Ce
faisant, elle occulte un aspect important de ce constituant de phrase. En
revanche, les notions d'enchâssement et d'actant ou de valence verbale
qu'introduisent les deux grammaires ouvrent la voie à la grammaire
prédicative.
2.3.
L'approche prédicative de la notion de conséquence
La grammaire prédicative, encore appelée
grammaire dérivationnelle, se fixe pour objectif d'étudier le
processus de formation des SN, SP et des subordonnés. Dans la
terminologie de cette tendance grammaticale, Muller parle de structure
prédicative. En effet, déclare Muller (1996 :6), le
point de vue adopté est celui de la formation des énoncés,
plutôt que celui de leur interprétation. Toutefois, compte
tenu de la perception un peu singulière de la subordination par cet
auteur, il s'avère nécessaire d'en parler brièvement, ce
qui mène tout droit sur la conséquence en grammaire
dérivationnelle.
2.3.1.
La subordination en grammaire prédicative
La subordination est la dépendance d'une chose à
l'égard d'une autre. Elle s'opère à partir de la
conjonction que qui est, pense Muller (1996 :97) soit
une marque de hiérarchisation marquant la dépendance
du verbe ; soit une marque d'intégration morphologique faisant
d'une proposition un nom. En grammaire prédicative la
présence de la conjonction pronominale que est liée
à celle d'un verbe à un temps fini. Pour le moment, Muller veut
explorer les mécanismes de la subordination en français, pour
ressortir le point commun entre les complétives, les relatives et les
circonstancielles qui
utilisent toutes, dit Muller (1996 :1), à des
degrés divers une petite famille de marques caractéristiques,
tel, si, quel, qui sont les vestiges en français d'un
vieux système corrélatif indo-européen.
L'auteur fait donc une étude comparative entre les
structures qui sont formées par corrélation et c'est le
système tel quel qui sert de fil d'Ariane à cette
étude. Nous relevons les occurrences dans
[12],
12a. Estelle, depuis son mariage, ne voyait plus son
père ; chez cette fille plate et insignifiante, une femme d'une
volonté de fer avait brusquement paru, si
absolue, que Daguenet tremblait devant
elle ; [...]. (Na, p.402) ;
12b. [...], le père avait reçu une
telle secousse qu'il
en fut malade d'une grosse fièvre. (Ge, p 188) ;
12c. A Jean-Bart Catherine roulait depuis une heure
déjà, poussant la berline jusqu'au relais ; et elle
était trempée d'un tel flot de sueur,
qu'elle s'arrêta un instant pour s'essuya
la face. (Ge, p291).
L'indéfini tel étant un
caractérisateur universel, il représente les marqueurs si,
tel, telle dans ces exemples. On peut rapprocher tel de T dans
(TQU-) où T représente
l'antécédent et QU- le relatif pour l'enchâssement
comme on l'a vu avec la GGT. Dans la structure de l'énoncé,
il constitue le premier des mots qui composent la locution conjonctive.
Eloigné des suivants, ce premier mot est en quelque sorte lancé
à l'avant-poste dans la proposition principale, et le pronom neutre
quel dans la subordonnée, aussi les nomme-t-on
corrélatifs. Des différents systèmes
corrélés abordés par Muller, nous allons nous
préoccuper de la consécutive qui est l'objet de notre
étude.
2.3.2.
La consécutive en grammaire précative
Dès le début de son étude relative
à la conséquence, Muller explique qu'il ne se préoccupe
que des subordonnées consécutives. En effet, l'auteur veut
montrer que la conséquence est aussi une relative, que
Onguéné Essono L.M (2000 :11) définit comme
une subordonnée dont un des éléments
rappelle un terme de la principale. Il s'agit de l'antécédent,
entendu comme unité lexicale et sémantique et forcément
reprise, en subordonnée, par un conséquent : le pronom
relatif.
Il en résulte une extension de la notion de proposition
relative, surtout qu'une forme de base en tel...quel explique tous les
phénomènes de subordination, y compris ceux de la
consécutive. Nous n'entrerons pas dans ce grand débat.
Toutefois, il convient de relever que Muller (1996 :141) distingue deux
classes de consécutives syntaxiques : les consécutives
quantifiées et les non quantifiées. Les premières sont
introduites par les marqueurs d'intensité (si, tant, tellement,
tel) et les secondes ne comportent pas de quantification, c'est le cas des
locutions si bien que, de manière que, de sorte que,
etc.
Nous constatons que Muller arrive à la même
conclusion que ses pairs : la conséquence s'exprime dans la
subordonnée. La construction des énoncés est une mise en
oeuvre progressive de la construction des schèmes de phrase, ou plus
simplement la dérivation. En somme, le point de départ
de la production d'un énoncé étant le besoin de
communiquer, la grammaire dérivationnelle y fonde un certain nombre de
principes. Sans prétention aucune de mener une étude approfondie
sur les principes de la grammaire dérivationnelle nous ne pensons pas
moins que leur présentation succincte est éclairante à
tous les niveaux, sur la formation de l'énoncé et tout
particulièrement sur la formulation de la consécutive. Ainsi dans
l'expression de la conséquence, comme dans tout autre expression
linguistique, le locuteur se soumet à un certain nombre de contraintes
selon l'orientation qu'il donne à son discours. Il s'agit entre
autres : du choix, de la motivation, du contrôle et du
prédicat.
2.3.2.1. Le choix
Un choix est une préférence, une
sélection, un triage opéré entre plusieurs alternatives.
En linguistique, le choix est multiple. Il est rhétorique,
énonciatif, syntaxique, sémantique voire lexical. La prise en
compte de tous ces paramètres empêche de penser qu'au
départ de toute construction phrastique se trouvent des règles
abstraites. Cette perception fondamentale éloigne la vision de la
grammaire prédicative de celle de la GGT. En fait, au début de
toute production d'énoncé, existe un choix lexical ou
sémantique qui doit commander l'adjonction des différents actants
qui seront associés. Ce choix est tributaire des intensions du
locuteur.
2.3.2.2. La motivation
La motivation est la visée discursive, le mobile
psychologique poursuivie par un énoncé, le vouloir dire
du locuteur. L'intension du locuteur peut être de convaincre, de
persuader, de promettre, etc. Muller (2002 : 24) reconnaît donc
à la suite d'Austin et Searle, une visée illocutoire et une
visée perlocutoire.
2.3.2.3. Le contrôle
Contrôler, c'est examiner. Le choix des mots par le
sujet parlant est lié au contrôle qu'il exerce permanemment sur
son énonciation. Pour Muller (1994 :5) repris par
Onguéné Essono L.M (op cit :3), il y a un contrôle
permanent du sujet parlant sur son énonciation : choix des mots ou
des locutions, syntaxe, corrections éventuelles, choix d'une
rhétorique argumentative si nécessaire. Ce contrôle
est donc à la source des différents choix qui se situent à
la base de toute production de l'énoncé.
2.3.2.4. Le prédicat en grammaire
prédicative
De manière générale, le prédicat
est ce qu'on dit d'un sujet ou d'un objet. En effet, la grammaire
traditionnelle faisait de la phrase une répartition bipartite :
thème/prédicat, le thème étant le sujet (ce dont on
parle) et le prédicat (ce qui est dit), ceci représente le
verbe et son complément. Cette définition traditionnelle
connaît une revalorisation de son sens avec la grammaire structurale et
précisément la grammaire prédicative. Le prédicat
est désormais défini structurellement et non
sémantiquement. Onguéné Essono L.M. (2000 :3) exprime
dans un langage très simple cette notion.
Le prédicat, dit-il, est une tête
placée au sommet d'une hiérarchie de microstructure qu'il domine
comme des valences dont il est le foyer. Chaque foyer ou valence
secondaire, dépendant de ce schème premier, est lui-même
susceptible de dominer de nouvelles encore, auxquelles il va servir de
prédicat.
C'est un ensemble, un schème syntaxique, un noyau
prédicatif qui demande une syntaxe particulière. Le
prédicat primaire, tête du syntagme est le noyau lexical qui
détermine les arguments secondaires. Le verbe reste cependant
l'élément principal de la structure supérieure à
laquelle viennent se connecter d'autres structures prédicatives.
Cette connexion n'est pas arbitraire. Des nombreux choix
qu'opère le locuteur, celui des syntagmes qui vont occuper la position
d'actants sont imposés par le verbe principal. En guise d'exemple, le
verbe manger appelle deux actants, l'objet mangé et le mangeur
dans Jacques mange une banane. On comprend pourquoi Muller met un
accent sur le processus de formation des énoncés. La syntaxe,
elle-même, n'échappe pas à ces principes.
L'approche structuraliste, basée sur la syntaxe,
s'avère donc elle aussi insuffisante. En effet, la conséquence
est tout d'abord une fonction sémantique, elle ne semble pas tout
à fait épanouie à travers les bornes que lui
fixe la grammaire; ce qui rend son étude fort complexe lorsqu'on
passe d'une étude phrastique vers un cadre macrostructural
qu'est le discours. Alors, la grammaire devient inopérante. Cependant,
la perception de la grammaire prédicative, qui ouvre un pan sur la
sémantique et la pragmatique, s'avère intéressante. En
effet, elle reconnaît que les nombreux choix qu'opère le locuteur
aboutissent à la structure syntaxique souhaitée. Pour Muller, il
existe donc une corrélation entre la syntaxe, la sémantique et la
pragmatique. Même si l'auteur ne s'attarde pas sur les différentes
valeurs de tel quel, elle revalorise à travers ses principaux
principes, les approches que la pragmatique a perçues un siècle
plutôt.
3. Le
cadre théorique : la pragmatique linguistique
Le terme pragmatique est un terme difficile à
définir à cause de ses origines divers. Ceci est souligné
par Blanchet (1995 :12-13) de même que Paveau et Safarti
(2003 :208). En effet, affirment ces derniers, le terme
pragmatique est ambigu, son domaine d'étude n'est pas
spécifié à priori d'où le problème de
terminologie. En effet,
l'expression pragmatique
philosophique, soulignent ces auteurs,
désigne soit le fait que la pragmatique dérive
historiquement de la philosophie, [...], soit les projets de refondation des
grandes questions de la philosophie (connaissance, morale, politique...)
à partir des acquis de la philosophie analytique, [tandis que]
l'expression pragmatique linguistique désigne
l'ensemble des théories élaborées, dans le cadre de la
linguistique, à partir de l'intégration des concepts et
perspectives de travail de la philosophie du langage ordinaire.
Il faut entendre par langage ordinaire, la parole dans les
situations concrètes de la vie de tous les jours. Cette petite mise au
point terminologique permet de justifier le choix de la pragmatique
linguistique comme outil de l'analyse dans le travail à faire, le
matériau de travail étant un texte littéraire.
Du grec `pragma', c'est-à-dire action, la pragmatique
est une sous- discipline de la
linguistique qui
s'intéresse aux éléments du langage dont la signification
ne peut être comprise qu'en contexte. Dans ce sens, soutiennent
Charaudeau et Maingueneau (2002 :454), la pragmatique aujourd'hui
désigne
le composant qui traite des processus
d'interprétation des énoncés en contexte : qu'il
s'agisse de la référence des embrayeurs ou des
déterminants du nom, qu'il s'agisse de la force illocutoire de
l'énoncé, de sa prise en charge par le locuteur, [...], des
implicites qu'il libère, des connecteurs, etc.
Il s'agit de l'étude de l'usage du langage. Aussi, une
approche pragmatique du roman, un texte mixte, alliant dialogue et
récit, est-elle justifiée. Tout en étudiant l'usage que
les interlocuteurs en situation de communication peuvent faire de la langue, la
pragmatique se préoccupe des conditions de la communication. Cette
discipline est née au XIXème siècle aux
Etats-Unis mais a commencé à se développer surtout
après la seconde guerre mondiale. Parlant de la motivation de la
naissance de la pragmatique, Moeschler et Reboul (1998 :26) rappellent que
la pragmatique d'Austin vise à
mettre en cause un des fondements de la philosophie
analytique anglo-saxonne de l'époque, selon lequel le langage a
principalement pour but de décrire la réalité et toutes
les phrases (mis à part les questions, les phrases impératives et
les exclamations) peuvent être évaluées comme vraies ou
fausses.
En fait, Austin veut montrer que, loin d'être
utilisées pour décrire la réalité, certaines
phrases sont employées pour la modifier : ces phrases ne disent
rien de l'état présent ou passé du monde, elles le
changent ou cherchent à le changer. Aussi la pragmatique
s'intéresse-t-elle au discours, d'une part, pour étudier les
phénomènes de dépendances contextuelles propres aux termes
indexicaux, à
l'instar de ceux qui, comme je, ici ou maintenant, ont leur
référence
déterminée par les
paramètres du
contexte d'énonciation et, d'autre part, pour élaborer une
théorie des
inférences que
l'on tire des énoncés linguistiques sur la base de nos
connaissances générales sur le monde et d'
hypothèses sur les
intentions des locuteurs. L'aspect inférentiel est, de ce fait,
significatif dans cette étude parce que la conséquence est
également introduite par les conjonctions donc, alors, ainsi, aussi,
par conséquent, ainsi, qui sont, dans le discours, ce que
Anscombre et Ducrot (1988) appellent connecteurs argumentatifs tandis
que Hybertie (1996 : 5) parlera de marqueurs de raisonnement.
Comme illustrations, l'énoncé [13a] ci-dessous, représente
la réaction d'une jeune prostituée (Nana). En effet, celle-ci
congédie mufe, diminutif de Muffat, un vieux comte qui
l'entretient habituellement. Mais, pour peu qu'il se trouve démuni, il
n'a plus d'importance aux yeux de la fille. Ainsi,
alors, qui traduit une relation
consécutive entre P1 (tu n'as pas la monnaie) et P2 (mon
petit mufe, retourne d'où tu viens,...), reprend la situation
créée par l'énonciation de P1, légitime celle de P2
de même que l'acte illocutoire (l'impératif) qui renvoie
mufe. Aussi, on déduit que lorsque l'homme n'a pas la
monnaie, ne peut-il prétendre aux faveurs d'une prostituée.
13a. « Je n'ai pas non plus l'optimisme de mon oncle,
reprit-il. Je crains de graves désordres...
Ainsi, monsieur Grégoire, je vous
conseille de verrouiller la Piolaine » (Ge, p 202) ;
13b. Hein ? tu n'as pas la monnaie....
Alors, mon petit mufe, retourne d'où tu
viens, et plus vite que ça ! (Na, p.402).
Quant à [13a], de graves désordres
présuppose qu'il peut y avoir de pillages, d'où la
conséquence qu'introduit ainsi, doublée d'un ordre
modulé par la structure je vous conseille de...
La pragmatique se démarque ainsi de la grammaire
traditionnelle qui évacuait de ses préoccupations les sujets
parlants. Toutefois, la pragmatique linguistique s'appuie sur la
sémantique héritée de la grammaire traditionnelle et sur
la syntaxe acquise de la grammaire moderne pour étudier l'apport du
sujet parlant dans un texte. Elle s'appuie, en particulier, sur la distinction
introduite par le philosophe américain
Paul Grice entre le sens
pour le locuteur et le sens proprement linguistique des énoncés,
et en France, à peu près à la même époque,
Oswald
Ducrot développait des idées comparables. En
s'intéressant ainsi à l'usage du langage, la pragmatique devient
le complément naturel de la linguistique, qui, elle, s'intéresse
au langage.
Plusieurs théoriciens se sont intéressés
à la pragmatique. Ce qui incite à évaluer ses
méthodes et ses finalités. Pour y parvenir, il est
nécessaire de présenter les fondements et les concepts de cet
outil d'analyse du discours.
3.1.
Le fondements de la pragmatique
Nés de la confluence de plusieurs disciplines, les
concepts de la pragmatique empruntent plusieurs directions. La pragmatique est
loin de se constituer en discipline autonome et unifiée car aucun
consensus n'a été trouvé par les chercheurs quant à
sa délimitation, ses hypothèses et même sa terminologie.
Elle constitue cependant un riche carrefour interdisciplinaire pour linguistes,
logiciens, sémioticiens, philosophes, psychologues et sociologues. La
diversité des courants qui l'ont alimentée fonde en même
temps sa richesse. Il en résulte que, déclare Barry
(2005 :28), vouloir présenter une théorie
générale de la pragmatique au point de tenter une synthèse
s'avère très difficile. C'est pour cette raison que nous
nous contenterons, ici, de donner quelques repères utiles.
Certains entendent par pragmatique, surtout «la
praxis», c'est-à-dire la tâche d'intégration du
comportement langagier dans une théorie de l'action. C'est-à-dire
du langage agissant, du signe linguistique ayant un pouvoir d'action. Dans
cette perception se situe la philosophie pragmatique développée
dès 1867-1868 et dont Charles Sanders Peirce est l'un des fondateurs.
L'auteur privilégie l'étude du signe en situation et en action. A
ce sujet, déclare Darras (2005 : 28) qui reprend Peirce
(1932 : 113),
un signe ou Representaman est un Premier qui entretient
avec un Second, appelé son Objet, une telle véritable relation
triadique qu'il est capable de déterminer un Troisième,
appelé son Interprétant, pour que celui-ci assume la même
réaction triadique à l'égard du dit Objet que celle entre
le Signe et l'Objet.
Il ressort que chez l'auteur, le signe est une relation
à trois termes : ce qui provoque le processus d'enchaînement,
son objet, et l'effet que le signe produit ou l'interprétant. Pour
Peirce, souligne Darras (2005 : 30), l'homme pense par les signes car
la seule pensée que nous connaissons est la pensée des signes;
mieux, elle est signe. Peirce a mis l'accent sur l'activité
sémiotique de l'homme, donc l'emploi des signes. Le signe ne fonctionne
donc plus dans une relation binaire comme le préconisait Saussure mais
plutôt dans une relation triadique.
Le second aspect remarquable de l'activité
sémiotique de Peirce, ce sont ses classifications des
variétés de signes. En effet, il distingue les signes iconiques,
des signes indiciels et des signes symboliques. Il posait par là les
fondements sémiotiques de la pragmatique.
D'autres l'appréhendent dans un rapport avec la
communication, voire toute espèce d'interaction entre les organismes
vivants. C'est le cas de Morris (1938), qui donne de cette discipline la
définition suivante reprise par Armengaud (1993 : 5) : La
pragmatique est une partie de la sémiotique qui traite du rapport entre
les signes et les usagers. Morris précise qu'étant
donné que la plupart des signes ont pour interprètes des
organismes vivants, on pourrait assigner à la pragmatique l'étude
des aspects biotiques de la sémiotique. Il entend par là des
phénomènes psychologiques, biologiques et sociologiques qui sont
liés au fonctionnement des signes. Toujours selon Morris, la
pragmatique présuppose la syntaxe et la sémantique car c'est
parce qu'on envisage l'étude de la relation entre les signes d'une part,
et d'autre part entre les signes et les choses qu'on appréhende les
rapports qui unissent les signes aux interprètes. Avec Morris, repris
par Caelen (2001 :26) la relation entre la syntaxe, la sémantique
et la pragmatique est hiérarchisée. Ainsi, la sémantique
étudie ce que la syntaxe a déjà assemblé et la
pragmatique ajuste l'interprétation à l'usage que l'on veut faire
du langage. Cette relation est irréversible, l'inverse n'est pas
possible. Pour Morris, La pragmatique étudie l'utilisation du langage
dans le discours et les marques spécifiques qui, dans la langue,
attestent sa vocation discursive. Dans ce cas, le sens renvoie non au contenu
mais à l'usage. La pragmatique recueille donc l'héritage de la
linguistique de l'énonciation développée par Benveniste.
Il montre que la parole ne s'analyse pas seulement en termes grammaticaux et
logiques, elle s'analyse aussi en terme d'influence, de la manière
d'agir sur l'autre. Par conséquent, les trois types fondamentaux de
phrases à savoir l'assertion, l'interrogation et l'impératif sont
trois attitudes devant le langage visant trois types de contact avec
l'allocutaire. Pour Benveniste (1966 :130), ces trois
modalités ne font que refléter les trois comportements
fondamentaux de l'homme parlant et agissant par le discours sur
l'interlocuteur. Benveniste (op cit: 242) renforce sa perception en
définissant le discours comme toute énonciation supposant un
locuteur et un auditeur et chez le premier l'intension d'influencer l'autre en
quelque manière. Si l'effet illocutoire à des marques
linguistiques, l'effet perlocutoire est post-linguistique. Néanmoins le
second se sert de ces marques linguistiques pour explorer les effets
secondaires de l'acte de parole sur l'interlocuteur. Il s'agit, dans
l'expression de la conséquence de montrer de quelle manière
l'emploi du connecteur influence l'interlocuteur dans l'énoncé
[14] ci-après,
14a. Un matin qu'il vit Foucarmont sortir de chez elle, à
une heure singulière, il lui fit une scène. Du coup, elle se
fâcha, fatiguée de jalousie. [...] il l'assommait avec son
entêtement à ne pas comprendre les femmes ; et elle fut
brutale.
- Eh bien! oui, j'ai couché
avec Foucarmont. (Na, p.401);
Le connecteur eh bien peut traduire un agacement, une
invite faite par Nana, une jeune prostituée, à son amoureux
jaloux Muffat à se décider, soit à accepter des rivaux,
soit à se séparer d'elle, soit aussi pour lui signifier qu'elle
ne l'aime pas vraiment. L'interprétation est inférentielle, elle
est déclenchée de manière conventionnelle par la
présence du connecteur eh bien : il s'agit là d'une
implicature conventionnelle. Nous retrouvons ici les maximes de conversation et
leur exploitation. Ainsi, il existe autant d'hypothèses sur les
intensions du locuteur que des connaissances générales qu'on a du
monde et la pragmatique à donc pour tâche de sonder toutes les
hypothèses qui sont susceptibles de motiver l'expression de la
conséquence. La pragmatique linguistique définit donc le sens
d'un acte de langage par sa fonction communicative, elle donne une image du
sens centrée sur sa fonction énonciative. Il ressort que l'acte
de parole est un acte de nature particulière, qui est l'acte
d'énonciation.
Toutefois, historiquement, selon Moeschler et
Reboul (1998), on peut considérer que la pragmatique naît en 1955
à Harvard, lorsque John Austin y donne les conférences
William James et introduit la notion nouvelle d'actes de
langage. La pragmatique prend ainsi racine dans les travaux d'un
philosophe qui s'élève contre la tradition dans laquelle il a
été éduqué et selon laquelle le langage sert
principalement à décrire la réalité. Austin (1970),
en opposition avec cette conception vericonditionnaliste de la
fonction du langage, qu'il appelle l'illusion descriptive,
défend une vision beaucoup plus opérationnaliste selon
laquelle le langage sert à accomplir des actes. Il fonde sa
théorie du langage et de son usage sur l'examen d'énoncés
de forme affirmative, à la première personne du singulier de
l'indicatif présent, voix active, énoncés qui ont pour
caractéristiques de ne rien décrire, et de correspondre à
l'exécution d'une action.
Austin veut montrer par là que, loin d'être
utilisées pour décrire la réalité, certaines
phrases sont utilisées pour la modifier. Ainsi, en même temps
qu'il a un sens, le langage a une force illocutoire à laquelle, parfois,
se réduit toute sa signification. Aussi reconnaît-il que le
discours remplit trois fonctions :
- une fonction propositionnelle qui représente la
structure phonique, morphologique et syntaxique de l'énoncé.
C'est l'acte locutoire ;
- une fonction illocutoire : ce que l'on fait par les
mots : accuser, ordonner, demander une information, etc.;
- une fonction perlocutoire, c'est-à-dire le but
visé par le discours, agir ou chercher à agir sur
l'interlocuteur. L'énoncé peut susciter la peur, le silence, etc.
Dans la perspective d'une approche pragmatique de la conséquence, le
locuteur opère un choix, une sélection parmi la somme des formes
d'expression de la conséquence et chacune d'elles peut susciter une
interprétation particulière. L'originalité de l'approche
pragmatique réside dans ses concepts fondamentaux qui ne relèvent
ni à proprement parler de la linguistique, ni de la philosophie.
3.2.
Les concepts fondamentaux de la pragmatique
Un concept est l'ensemble des termes qu'un auteur utilise pour
fixer sa théorie. Il s'agit des termes techniques comme contexte,
performance, argumentation, acte.
3.2.1.
Le concept de contexte
Le contexte, c'est la situation concrète dans
laquelle le discours est émis. Pour Eba'a (2003 :157), le contexte
est perçu comme l'ensemble des principes qui déterminent la
situation de communication et qui motivent la production de l'acte
d'énonciation dans un discours. Avec Kerbrat-Orécchioni
(2005 :72-73), on entend par contexte, d'abord le cadre extérieur
au dialogue proprement dit, cadre dont les divers ingrédients ont fait
l'objet de descriptions également diverses. De ces ingrédients
figurent entre autres les connecteurs discursifs qui introduisent
différentes nuances de discours, la conséquence comprise. Dans
l'étude de ce fait, le connecteur qui l'introduit dans le discours est
analysée non pas isolément, mais en tenant compte du
contexte ; et pour cela, l'auteur pense que le contexte d'un
élément X étant défini très largement comme
ce qui entoure X et exerce une influence sur X, il comprend de nombreuses
composantes, [...]. Une composante interne qui représente la
relation entre les séquences d'un même discours, l'auteur parle de
contexte séquentiel ou intra-interactionnel ou encore
cotexte ; et pour le contexte externe, cela va de la
situation, c'est-à-dire de l'environnement immédiat, à
la société dans son entier. Il englobe donc tout ce qui est
extérieur au langage et qui, pourtant, fait partie d'une situation
d'énonciation. L'objet de la pragmatique serait de traiter des rapports
les plus généraux entre l'énoncé et
l'énonciation, entre les phrases et leurs contextes de production. Le
contexte englobe les individus existant dans le monde réel. C'est
l'identité des interlocuteurs, leur environnement physique et social, le
lieu et le temps où les propos sont tenus. Aussi Maingueneau (1997:3)
déclare-t-il
qu'il y a pragmatique linguistique si l'on
considère que l'utilisation du langage, son appropriation par un
énonciateur s'adressant à un allocutaire dans un contexte
déterminé, ne s'ajoute pas de l'extérieur à un
énoncé en droit autosuffisant, mais que la structure du langage
est radicalement conditionnée par le fait qu'il est mobilisé par
des énoncés singuliers et produits un effet à
l'intérieur d'un certain contexte, verbal ou non-verbal.
Le langage est donc considéré dans sa force
agissante à travers ses réalisations concrètes. Les
interlocuteurs s'en servent pour s'influencer mutuellement dans une situation
de communication.
3.2.2.
Le concept de performance
Austin constate que dans la société, le
langage ne se contente pas de décrire. Par performance donc, il faut
entendre l'accomplissement de l'acte en contexte. Les énoncés
performatifs sont ceux qui accomplissent des actions. A cet effet, Austin
(1970 :84) précise que pour qu'il y ait énonciation
performative, [...] il faut que cette énonciation effectue une
action. Dans ces conditions, parler, c'est agir. L'énoncé
performatif est donc un énoncé qui pose un acte, qui agit sur
l'allocutaire pour modifier ses comportements. A propos, certains verbes sont
appelés performatifs parce qu'ils disent ce qu'ils font, à la
condition que l'énoncé soit dit à la première
personne et au présent de l'indicatif. C'est le cas des verbes comme
remercier, féliciter, promettre, maudire, etc. En disant je
vous remercie d'être venu, le locuteur n'est ni entrain de
décrire une situation, ni d'affirmer qu'il remercie, mais il pose l'acte
de remercier. Cela amène Austin (1970 : 41) à relever
qu'il semble clair qu'énoncer la phrase (dans les circonstances
appropriées, évidemment), ce n'est ni décrire ce qu'il
faut reconnaître que je suis en train de faire en parlant ainsi, ni
affirmer que je le fais : c'est le faire. Mais dans notre travail,
les verbes comme entraîner, provoquer, inciter, suffire,
résulter, etc., expriment la conséquence dans le
contexte du récit. Toutefois, certains actes doivent être
prononcés dans les circonstances adéquates et par des personnes
appropriées.
3.2.3.
Le concept d'acte
Il s'agit, dans le cadre de notre étude, de l'acte de
langage qui est un moyen mis en oeuvre par un locuteur pour agir sur son
environnement par ses mots. De ce fait, il cherche à informer, inciter,
demander, convaincre, aviser, etc. son ou ses interlocuteurs par ce moyen.
L'acte de langage désigne aussi l'objectif du locuteur au moment
où il formule son propos. En effet, le langage ne sert ni simplement, ni
seulement à représenter le réel, mais à accomplir
des actes. Il en existe deux types : l'acte de langage direct et
l'acte de langage indirect.
Les actes de langage directs sont des énoncés
dans lesquels le locuteur ne prend aucun détour pour exprimer son
message. Parlant d'acte de langage direct, Austin (1970 : 37) pense que,
pendant longtemps, les philosophes ont supposé que le but d'une
affirmation ne pouvait être que de décrire un état de chose
ou d'affirmer un fait, dans ce sens l'affirmation devait être soit vraie,
soit fausse ; ce que rectifie l'auteur lorsqu'il fait observer :
On est venu à voir que bon nombre de mots fort
embarrassants insérés dans des affirmations apparemment
descriptives ne servent pas à indiquer un caractère
supplémentaire et particulièrement étrange de la
réalité qui est rapportée, mais à indiquer [...]
les circonstances dans lesquelles l'affirmation est faite, ou les
réserves auxquelles elle est sujette ou la façon dont il faut la
prendre [...].
Donc, pour Austin, un individu s'adresse à un autre
dans l'idée de faire quelque chose. On peut alors modéliser
l'acte de langage comme n'importe quel autre type d'
acte: il a un but (aussi
appelé intention communicative), un corps (c'est-à-dire une
réalisation) et un effet. Les actes de langage directs englobent les
actes locutoires, illocutoires, perlocutoires.
Quant aux actes de langage indirects, ce sont des
énoncés qui disent une chose pour en signifier une autre. C'est
le lieu par excellence du langage détourné. En guise d'exemple,
un acte d'injonction peut se retrouver dans un acte d'interrogation et
vice-versa comme l'exprime cet énoncé Peux-tu me passer du
sel ? En fait cette question n'est qu'apparente ; le sens
réel de l'énoncé est passe-moi du sel !
C'est une injonction. Il existe donc une différence entre la
signification littérale d'un énoncé et la signification
que l'on peut attribuer à son énonciation. C'est le domaine par
excellence de l'implicite (ou implicature) comme les présuppositions et
les sous-entendus. Pour marquer la différence entre les deux types
d'actes, Riegel et alii (1996 :588) relèvent que :
Alors que les actes de langage directs utilisent la forme
linguistique associée par convention à l'acte de langage
spécifique, les actes de langage indirects sont accomplis au moyen d'un
énoncé contenant une forme associée conventionnement
à un acte que celui qu'il vise à accomplir.
Dans l'un ou l'autre cas, l'identification d'un acte de
langage conditionne largement l'interprétation du message
délivré, au-delà de la compréhension de son contenu
sémantique. Par exemple, la motivation de l'énoncé
J'ai appris que tu as obtenu ton diplôme peut être de
féliciter son destinataire, de s'excuser d'avoir douté de sa
réussite, ou simplement de l'informer du fait rapporté. Cette
conception met en avant les effets que les discours exercent sur les auditeurs.
A ce niveau l'attention est focalisée sur la dimension interactive et
interactionnelle que toute production langagière présuppose. La
pragmatique a donc deux tâches : définir les actes de langage,
c'est-à-dire caractériser les traits du contexte,
déterminer quelle proposition est exprimée par un
énoncé donné.
Le problème des actes de langage est de trouver les
conditions nécessaires et suffisantes pour la réussite, ou
simplement l'accomplissement normal d'un acte de langage.
Les exemples ci-après expliquent bien ces propos :
15a. - Avoue que tu as couché avec, [....]
- Eh
bien ! oui, c'est vrai [...] (Lbh, p. )
15b. Jamais, mon chéri, je ne t'ai dit que ma
mère m'avait laissé cette
bague. Du
coup, Roubaud la dévisagea,
pâlissait lui aussi (Lbh, p.67)
15c. Le cabaretier s'était mis à marcher, en
sifflant d'un air dédaigneux. [...]. Non, c'était trop
bête, cette grève. Alors, pour la première fois, des
paroles aigres furent échangées entre ces deux hommes,
[...]. (Ge, p.172).
Comment montrer que les connecteurs en gras introduisent une
conséquence ? L'étude tiendra compte de tous les concepts
opératoires qui doivent être pris en compte simultanément
pour que le résultat soit probant.
Ainsi pour les énoncés [15a-15b], on soulignera
qu'il s'agit d'un dialogue entre Roubaud, le mari jaloux et sa femme
Séverine. Pour comprendre la conséquence qui est introduite par
les groupes de mots en gras, il faut prendre en compte, dans l'analyse de ce
fragment de discours, du contexte macrostructurale, de l'identité de ces
personnages, du lieu qui est ici une chambre d'auberge. C'est cette mise en
commun qui permettra de justifier le fonctionnement de l'interjection eh
bien (réaction de l'interlocuteur) et de l'adverbe du
coup, deux catégories de discours bien différentes des
subordonnants originels de la conséquence.
La théorie des actes de langage se fonde donc sur une
opposition à l'illusion descriptiviste qui veut que le langage
ait pour fonction première de décrire la réalité et
que les énoncés affirmatifs soient toujours vrais ou faux. Pour
cette théorie au contraire, la fonction du langage est tout autant
d'agir sur la réalité et de permettre à celui qui produit
un énoncé d'accomplir, ce faisant, une action. Dans cette
optique, les énoncés ne sont ni vrais ni faux.
En partant de l'idée que parler, c'est d'une
certaine manière, agir sur l'auditeur, la pragmatique linguistique
permet de mieux observer la façon dont un orateur exerce de
l'autorité sur ses auditeurs au moyen de son discours. Une étude
pragmatique de l'expression de la conséquence s'avère
intéressante parce qu'elle révélerait la force qu'a cette
fonction dans l'argumentation.
3.2.4.
L'argumentation
L'argumentation est l'action d'argumenter et
argumenter, c'est vouloir convaincre, persuader, ou délibérer. Si
argumenter consiste à soutenir ou à contester une opinion, cette
tentative vise aussi dans le même temps à agir sur le destinataire
en cherchant à le convaincre ou à le persuader. Cela permet
d'affirmer que l'argumentation tire sa substance de la rhétorique de la
Grèce antique. Pour ce faire Blanchet (1995 :9-10) constate qu'il
existe le principe de réalité agissante au coeur de la
pragmatique qui constitue un mode d'approche des phénomènes. Ce
qui fait des premiers rhétoriciens des pragmaticiens. En effet, pour
Blanchet, ils abordèrent depuis Platon et Aristote jusqu'à
Sénèque, Cicéron et Quintilien un modèle classique
fondé sur la connaissance des passions et des moeurs. Pour ces
anciens, le discours ne s'adresse pas un être humain abstrait, amorphe,
réduit à l'état de sujet partageant le code linguistique
de son interlocuteur, mais à un homme réel capable de
faculté de jugement. La rhétorique décrit et explique les
modalités selon lesquelles un discours oral ou écrit tente d'agir
sur le public. La rhétorique décrit et explique les
modalités selon lesquelles un discours oral ou écrit tente d'agir
sur le public. Pour Amossy (op. cit : 3), la rhétorique
conçue par Aristote
apparaît comme une parole destinée à
un auditoire qu'elle tente d'influencer en lui soumettant des positions
susceptibles de lui paraître raisonnable. Elle s'exerce dans tous les
domaines humains où il s'agit d'adopter une opinion, de prendre une
décision, et non sur la base de quelque vérité absolue
nécessairement hors de portée, mais se fondant sur ce qui est
plausible.
En d'autres termes, toute étude sur l'argumentation
s'interroge sur la nature des moyens que mobilise l'orateur pour persuader son
auditeur. Mais avant toute chose il est utile de voir ce que pensent les
théoriciens de l'argumentation.
Pour Grice (1979) l'argumentation est définie
schématiquement. Elle est perçu par l'auteur comme un ensemble
des stratégies discursives d'un orateur A qui s'adresse à un
auditeur B en vue de modifier, dans un sens donné, le jugement de B dans
une situation S. Perelman (1977 :23) pense que par
l'argumentation le locuteur veut provoquer ou accroître l'adhésion
des esprits aux thèses qu'il présente. Reprenant Saint Augustin
(1887 :13), Perelman note que l'auditeur ne sera persuadé que
s'il est conduit par vos promesses et effrayé par
vos menaces, s'il rejette ce que vous condamnez et embrasse ce que vous
recommandez ; s'il se lamente devant ce que vous présentez comme
lamentable, et se réjouisse de ce vous présentez comme
réjouissant ; [...].
En conséquence, pour parvenir à ce
résultat, il faut mettre en oeuvre un ensemble de procédés
discursifs que nous nous proposons d'étudier. L'approche discursive est
toutefois contestée par Anscombre et Ducrot (1988 :8) pour qui
un locuteur fait une argumentation lorsqu'il présente un
énoncé E1 [...] destiné à en faire admettre un
autre E2. La structuration de l'énoncé (E1 vers E2) passe
par plusieurs types de relations selon que le locuteur sollicite ou non
l'emploi d'un connecteur. Dans le premier cas, l'analyse des différents
procédés de marquage et d'articulation renvoie essentiellement
à l'étude de l'emploi des connecteurs argumentatifs, qui
représentent dans notre étude les formes morphologiques de la
conséquence. Les auteurs pensent que l'argumentation n'est pas un
ensemble de stratégies verbales visant à persuader ; elle
consiste donc en une relation entre un ou des arguments et une conclusion.
Ainsi perçue, le terme conclusion recouvre plusieurs valeurs :
conséquence, résultat, résumé, finalité,
etc. De toutes les façons, ces auteurs prennent l'argumentation pour un
fait de langue et non un fait de discours ; cela peut se justifier par le
fait qu'ils sont les partisans de la pragmatique sémantique.
L'argumentation est donc nécessaire, voire
indispensable en pragmatique dans la mesure où elle n'utilise pas
seulement des arguments logiques validés, mais aussi des
procédés rhétoriques dans le but de persuader. En plus, si
la pragmatique est la science qui étudie le langage en situation et en
action, alors il devient évident qu'elle ne peut se passer de
l'argumentation au cours de ses réflexions multiples sur les
interactions conversationnelles dans leurs contextes. En effet, qu'il s'agisse
d'un monologue, d'un dialogue, d'un trilogue ou d'un polylogue, la pragmatique
analysera :
- le dispositif d'énonciation qui se préoccupe
de savoir qui parle ; à qui et dans quelle situation de
discours ;
- la dynamique interactionnelle qui étudie la logique
et les stratégies de l'échange entre les partenaires ;
- les données institutionnelles, sociales,
historiques car toute parole est située dans un espace social dont les
règles varient selon les cultures et les époques.
Par ailleurs, une argumentation, pour être efficace,
doit être organisée ; il ne suffit pas d'aligner les
arguments les uns derrière les autres, et cela indéfiniment.
Chaque discours a une ampleur déterminée, variable selon les
circonstances. Les arguments sont présentés dans un ordre qui
leur donne le plus d'efficacité, car, au fur et à mesure que le
discours se déroule, l'auditoire se transforme sous son influence. En
clair, dans ce fragment de discours de notre corpus,
16. Il (Jeanlin) tenait un bloc de houille entre ses cuisses, il
le débarrassait, à coups de marteau, des fragments de
schistes ; et une fine poudre le noyait d'un tel
flot de suie, que jamais le jeune homme ne
l'aurait reconnu, [..]. (Ge, p499).
La conséquence arrive dans un ordre effectivement
chronologique. En fait, si Etienne ne voyait pas Jeanlin, c'est parce que ce
dernier était noyé dans le flot de suie. L'inverse ici
n'est pas possible. Argumenter ne revient donc pas à démontrer la
vérité d'une assertion, ni à indiquer le caractère
logiquement valide d'un raisonnement, mais il revient à donner des
raisons pour telle ou telle conclusion. Ces raisons constituent autant
d'arguments.
Moeschler et alii (1985 :18) propose d'analyser le
rapport entre les faits argumentatifs et les faits conversationnels. Il
déclare donc que :
Toute interaction verbale, dont le lieu de
réalisation est la conversation, définit un cadre de coaction et
d'argumentation. A savoir, un espace où certaines action étant
engagées, ou certaines conclusions visées, les interlocuteurs
sont obligés de débattre, perdre ou gagner la face, [...].
L'analyse du discours conversationnel aura donc pour objectif de mettre
à jour les coactions et argumentations qui interviennent dans les
interactions verbales.
Pour atteindre donc cet objectif, l'analyse du discours
combine l'aspect syntaxique et sémantique auquel elle associe
l'étude des valeurs en contexte des unités linguistiques comme
l'adverbe, la conjonction etc. Dans ce sens Moeschler et Reboul
(1992 :37) : déclarent que
Le traitement syntaxique précède le
traitement sémantique, qui précède le traitement
pragmatique. En d'autres termes la sortie de la syntaxe constitue
l'entrée de la sémantique, et la sortie de la sémantique
constitue l'entrée de la pragmatique. Quant à la sortie de la
pragmatique, elle décrit la valeur de l'action.
Dans l'étude de la conséquence, il se
révèle que tous les concepts sont opératoires, d'ailleurs,
ils sont indissociables. L'approche des auteurs nous semble plus
appropriée parce qu'une telle combinaison autorise beaucoup plus de
flexibilité dans la description et permet l'intégration de
dimensions (syntaxiques, sémantiques) souvent séparées
dans les autres approches.
Sur le plan fonctionnel, la grammaire distingue deux
principales formes d'expression de la conséquence : la
conséquence simple et la conséquence subordonnée. Sur le
plan notionnel au contraire, il existe plusieurs autres manières de
l'exprimer. Et les connecteurs qui impliquent la conséquence
n'introduisent pas toujours un CCC. Quelle soit classique ou structurale, la
grammaire ne se préoccupe que de la phrase qui est le résultat de
l'acte d'énonciation, sans remonter en amont de la production de
l'énoncé. Elle n'exploite, en outre, que des phrases extraites
des corpus éparpillés, ce qui ne peut favoriser une étude
en contexte des énoncés choisis. Pour pallier ces insuffisances
qu'accuse la grammaire, la pragmatique crée les conditions propices
à l'étude de l'intension de l'auteur, de la visée du
discours et de la cohérence du texte. Ces différentes approches
de l'énoncé montrent que la parole ne s'analyse pas seulement en
termes grammaticaux et logiques, mais qu'elle est aussi examinée en
terme d'influence, de la manière d'agir sur l'autre. L'approche
pragmatique envisage donc diverses manières pour traduire la
conséquence, entre autres les moyens morphologiques dont l'étude
constitue l'objet du prochain chapitre.
CHAPITRE 2
LES MARQUEURS MORPHOLOGIQUES
DE CONSEQUÉNCE ET LEUR PORTÉE
ARGUMENTATIVE
Le premier chapitre a révélé que le
français offre divers moyens d'expression du rapport logique de cause
à conséquence. Il a aussi établi que la grammaire
distingue deux principales manières pour exprimer la conséquence.
Hybertie (1996 :2) met en lumière, selon les opérations de
pensée relatives à l'établissement d'une relation
consécutive, deux types de marqueurs couramment utilisés pour
décrire ce lien logique. Il s'agit des marqueurs de
consécution factuelle et de raisonnement. Ces deux types
de connecteurs expriment la conséquence explicite ; l'une des deux
importantes catégories de la conséquence. Quel que soit le cas,
Reboul et Moeschler (1998 : 77) définissent un connecteur
pragmatique comme
une marque linguistique, appartenant à des
catégories grammaticales variées (conjonctions de coordination,
conjonctions de subordination, adverbes, locutions adverbiales), qui : a)
articule des unités linguistiques maximales ou des unités
discursives quelconques ; b) donne des instructions sur la manière
de relier ces unités ; c) impose de tirer de la connexion
discursive des conclusions qui ne seraient pas tirées en son absence.
Pour appuyer les propos de ces auteurs, Nølke
(2008 :1-2) affirme que les connecteurs pragmatiques précisent non
seulement les relations discursives, mais aussi sont susceptibles
d'introduire des structures souvent très complexes et, notamment, ils
introduisent un jeu polyphonique assez subtil. Les formes d'expression
introduisant la relation logique de cause à conséquence
étant fort nombreux et leur utilisation délicate, ce chapitre se
fixe pour objectif, d'abord, de les décrire, ensuite de dégager
leurs valeurs en langue et les différents effets de sens en discours,
enfin de mettre en évidence la visée discursive qui sous-tend
chaque emploi. Pour y parvenir, nous irons de l'étude de la
conséquence réelle à celle de la conséquence
irréelle pour aboutir à l'examen de la conséquence
manquée.
1. La
conséquence réelle
Ce qui est réel est concret, palpable, évident.
La conséquence réelle est donc celle qui s'est effectivement
produite comme l'illustrent les énoncés ci-après :
1a. [...], jamais les débits n'avaient eu moins de
clients. Aussi Mme Rasseneur, immobile au
comptoir, gardait-elle un silence irrité.
(Ge, p380) ;
1b. Déballée de sa couverture, elle grelottait sous
cette lueur vacillante, d'une maigreur d'oiseau agonisant dans la neige,
si chétive qu'on
ne voyait plus que sa bosse (Ge, p379) ;
1c. Les mioches rentraient avec la faim, ils voulaient manger
[...] et ils grognèrent, se traînèrent, finirent par
écraser les pieds de leur soeur mourante, qui eut un
gémissement (Ge, p378) ;
1d. Mais Etienne, la nuit suivante désespéra de
nouveau. La compagnie
avait les reins trop forts
pour qu'on les lui cassât si
aisément,
(Ge, p362).
La conséquence réelle a cependant deux
caractéristiques : la conséquence réelle attendue et
la conséquence réelle inattendue.
1.1.
La conséquence réelle attendue
Ce qui est attendu est souhaité, calculé,
prévu. On parle de conséquence attendue lorsqu'elle est
sollicitée. Ducrot et alii (1980 :164) parlent de
conséquence voulue. C'est le cas des énoncés [2] :
2a. Le coron des Deux-Cent-Quarante ne devait être
payé que vers quatre heures. Aussi les
hommes ne se pressaient-ils pas, [...]. (Ge, p.169) ;
2b. Mais sa voix se perdit au milieu d'un tumulte
si épouvantable,
qu'il dut quitter de nouveau la
fenêtre, [...].(Ge, p408) ;
2c. Une cage l'attendait, on l'appelait avec colère, en la
menaçant d'une amende. Alors, elle se
décida, elle lui serra la main. (Ge, p498) ;
2d. Dans les estaminets, on se fâchait tout haut, la
colère séchait tellement les gosiers,
que le peut d'argent touché restait sur
les comptoirs. (Ge, p 177).
Ce type de conséquence est introduit par des marqueurs
de relation inférentielle et les marqueurs de conséquence
factuelle.
1.1.1.
Les marqueurs de relation inférentielle
Un marqueur, encore appelé connecteur, est un mot de
liaison qui établit entre les éléments reliés une
relation logique et une nuance de sens. Avec les connecteurs pragmatiques, le
locuteur donne à son propos une orientation argumentative que seul le
contexte permet d'évaluer. A ce sujet, Hybertie (1996 :5) parle, de
marqueurs de raisonnement qu'elle définit comme ceux qui
ont plus spécifiquement pour fonction de mettre en relation les
différents moments d'un raisonnement, qu'il s'agisse ou non d'une
inférence. Et Nølke et Olsen (2000a :47-48) de
schématiser de la sorte : dans la séquence X
donc Y, l'argument véhiculé par Y
est présenté comme la conséquence de X, qui est
trouvée par un raisonnement.
De ce fait, inférer, c'est partir d'un fait pour en
déduire les conclusions. Réboul et Moeschler (1998 : 57)
perçoivent l'inférence comme un processus logique qui,
à partir d'un certain nombre d'informations, connues (les
prémisses), en dérive de nouvelle (la [ou les]
conclusion[s]). L'inférence traduit donc une opération de
pensée qui, à partir d'un fait donné dans
l'expérience du locuteur, permet de déduire l'existence d'un
autre fait non donné dans son expérience. Et les marqueurs de
conséquence inférentielle sont les traces de cette
inférence. Pour Hybertie en tout cas, les connecteurs les plus
utilisés sont : donc, alors, ainsi, aussi, par
conséquent.
1.1.1.1. Le connecteur donc
Initialement perçu par la grammaire comme l'un des sept
conjonctions de coordination, le connecteur donc occupe aujourd'hui
une place de choix dans la construction du discours. En effet,
l'étymologie de donc est riche en informations ; cette
richesse suscite des hypothèses divergentes quant à la
genèse même de ce connecteur. Il est tantôt
dérivé du latin dunc, tantôt de dum. Dans l'un ou l'autre
cas, Hybertie (op cit : 8) tranche en définissant ce marqueur comme
une particule temporelle marquant la simultanéité de deux actions
qui se déroulent. Par ailleurs, l'auteur
signale que cette particule a évolué, et est passée
d'une simultanéité constatée à l'expression d'une
causalité considérée comme existant en
dehors du discours qui la représente, et sur laquelle se fonde la
relation établie en discours. En guise d'exemple,
dans les énoncés [3] ci-après:
3a. Des camarades, les premiers, étaient sortis ;
il n'y avait donc
pas d'échelles cassées (Ge, p
302) ;
3b. C'est qu'il y a d'ennuyeux, dans ces machines-là,
c'est que ce
sont toujours les mêmes femmes...Il faudrait du
nouveau.
Tachez donc d'en inviter une.
(Na, p238) ;
3c. Des éboulements menaçaient partout, les voies
avaient tellement
souffert, qu'il fallait raccommoder les
boisages sur des longueurs de
plusieurs centaines de mètres.
En bas, on formait donc des équipes
de dix hommes, chacune sous la conduite
d'un porion ; (Ge, p442).
En [3a], le connecteur donc exprime une relation de
causalité entre les faits être sortis et n'avoir pas
d'échelles cassées. Parlant des valeurs des connecteurs dans
les énoncés, Medina (2001 :192) reconnaît que les
instructions procédurales, c'est-à-dire, l'emploi en contexte des
connecteurs consécutifs comme donc, en conséquence, par
conséquent provoque deux types d'informations. Il déclare
à cet effet :
1) dados dos enunciados, A, B, el enlace presenta B como
implicación de A (A>B) ; y 2) la relación A>B como
relación de presupuesta.
(entre deux énoncés donnés A, B,
le connecteur présente B comme la déduction de A (A>B) ;
et 2) la relation A>B comme la relation préconstruite).
Ce que Medina note A>B est une relation de cause à
effet, où A représente la cause (ou prémisse, origine,
source, évènement) et B, l'effet ou la conclusion que l'on tire
de A. Ainsi, l'énoncé [3a], présente A : Des
camarades, les premiers, étaient sortis comme origine de
l'évènement énoncé en B : il n'y avait pas
d'échelles cassées. La relation consécutive
s'établit donc entre deux termes orientés, où l'un sert
d'argument, c'est-à-dire l'acte subordonné, et l'autre la
conclusion, ou acte directeur introduit par le connecteur. A propos de l'acte
directeur, il s'agit de l'information essentielle qui motive
l'énonciation de B. Dans le cas précis, étant dans la
fosse (les mines), il est évident que si les échelles qui
assurent la liaison entre le monde souterrain et l'extérieur se cassent,
la sortie de la fosse est quasi impossible. En conséquence, il peut ne
pas s'agir ici de donner l'information selon laquelle les camarades sont
sortis, mais également de chercher à dissiper les
inquiétudes de ceux qui sont encore dans la fosse et qui s'interrogent
sur leur sort. Le connecteur permet alors d'établir la relation de
concomitance préconstruite entre les deux faits qui sont décrits.
De ce fait, on interfère la conséquence y non
donnée dans l'expérience du sujet de la cause x. Le
locuteur présente les arguments de sorte que la conséquence soit
justifiée par l'argument de x. Ainsi, en [3a], le connecteur
donc ne dit pas seulement qu'un fait x a produit ou
causé un autre fait y, mais que x et y
correspondent, et donc permet de légitimer la validation de
y (n'avoir pas d'échelles cassées) à partir du
moment où x (être sortis) est elle-même
validée. La sortie des camarades de la fosse se présente comme
une évidence l'assertion de il n'y a pas d'échelles
cassées. L'énoncé peut être modulée de
la manière suivante : x j'affirme que y. Aussi, dans la
réalisation des deux mouvements argumentatifs qui donnent lieu à
une relation d'implication, la vérité de y est-elle
rendue incontestable, parce qu'elle est suggérée par celle de x
qui est censée être déjà acceptée.
En établissant donc une relation logique de cause
à effet, le connecteur donc permet au locuteur de
présenter les prémisses comme vrai et, déclare
Rossari (1996 :271), de prétendre à
l'objectivité que garantit le mouvement consécutif en
tant que procédure argumentative. Soulignons que l'auteur parle de
prétention à l'objectivité et non de certitude de
l'objectivité. Il s'agit donc d'une aspiration du locuteur à la
vérité de son propos. Cela justifie l'emploi de donc
qui vient renforcer l'acte illocutoire d'assertion et guide le
co-énonciateur dans l'inférence de y. La relation
x donc y ne concerne plus la stricte
causalité, l'enchaînement qu'établit le connecteur donc
exprimant la logique argumentative qui impose de voir en la conclusion
y l'explication de x en [3a et 3c] et sa
nécessité en [3b]. Comme marqueur d'explication,
donc peut être commuté par de ce fait, par
conséquent, voilà pourquoi, c'est pourquoi. Dans la
perspective de l'utilisation du même cadre d'analyse, que
révèle l'emploi de alors ?
1.1.1.2. Le Marqueur alors
Le mot alors fait partie de la classe des adverbes.
Un adverbe est traditionnellement défini comme un mot invariable capable
d'assumer une fonction dans la phrase. Si la grammaire pense aux fonctions
grammaticales, dans la structuration du discours, alors, comme bien
d'autres adverbes, joue le rôle de connecteur, d'une part, par le lien
qu'il établit entre deux phases d'un même énoncé et,
d'autre part, par la propriété qu'il a d'impliquer une relation
temporelle stable. A ce propos, souligne Nølke (1990 :15),
sont considérés comme connecteurs tous les adverbes temporels
qui associent à la relation temporelle une relation d'un autre type,
logico-pragmatique - une relation de discours. C'est dans ce sens que l'on
peut dire que le marqueur alors établit deux types de rapports
généralement considérés comme ses valeurs :
une valeur temporelle et une valeur consécutive.
1.1.1.2. 1. La valeur temporelle de alors
La valeur temporelle est historiquement perçue comme la
valeur première du marqueur alors. Dans ce sens, il reprend
l'expression temporelle d'une localisation et signifie à ce moment
là, en ce temps là, à cette époque là,
à cette heure là. Nous avons des échantillons dans
les énoncés suivants :
4a. Aussi ne se pardonnait-il pas la bêtise d'avoir dit
autrefois qu'on, devait bannir la politique de la question sociale. Il
(Etienne) ne savait rien alors, et depuis, il avait lu, il
avait étudié. (Ge, p231) ;
4b. Comprenez donc, elle était gamine, pas quatorze ans
encore, quand je suis revenu de là-bas
(prison)...Alors, tout le monde me fuyait.
(Lbh, p153) ;
4c. Il fallut que l'un des cochers leur montrât du bout
de son fouet les ruines de l'ancienne abbaye de Chamont, perdues dans les
arbres : [...]. Vrai, ça ne valait pas la peine de faire deux
heures. Le cocher leur indiqua alors le château dont
le parc commençait près de l'abbaye, [...] (Na, p199).
Dans [4a], deux évènements qui se
suivent sont relatés : le moment où Etienne avait dit
qu'on devait bannir la politique de la question sociale,
c'est-à-dire autrefois, et celui où il avait
lu. Alors reprend de manière anaphorique, le
repère temporel (autrefois) de l'énoncé
antérieur pour en faire le repère temporel de
l'énoncé qu'il introduit. Son emploi dans ce cas est conforme
à sa valeur d'origine qui est la valeur temporelle. Il est
équivalent à à cette époque là,
à ce moment là. La même analyse est valable pour
[4b] où alors reprend un repère temporel qui est
marqué par une structure plus complexe introduite par le marqueur
temporel quand (quand je suis revenu de là-bas) et qui
peut vouloir dire à cette époque là. Dans ces
usages, écrit Hybertie (1996 :24), il (alors) assure une
concomitance stricte entre les deux états de choses décrits dans
l'énoncé, c'est-à-dire les deux sont
présentés comme ayant le même repère temporel, comme
se présentant et se déroulant en même temps.
Avec l'énoncé [4c], par contre, on note
l'absence de tout repère temporel donné dans
l'énoncé antérieur. Le repère temporel subsiste.
Tout laisse penser que alors, utilisé dans ce contexte, a le
même sens que ensuite. Dans ce cas, le connecteur
alors reprend la situation qui valide x pour en faire le
repère de y ; en d'autres termes, dans les emplois
temporels, le repère qui situe l'évènement décrit
dans x devient également le cadre temporel de celui
décrit dans y. Dans [4c] par contre, c'est au moment où
les touristes s'indignent de l'inutilité de leur voyage (x) que
le cocher leur indique le château dont le parc commençait
près de l'abbaye (y), raison de leur
déplacement.
Ainsi, l'emploi temporel de alors présente
deux cas de figure : l'un où l'énoncé
antérieur comporte un repère temporel et celui où il n'en
comporte pas. Toutefois, tout en assurant une relation de succession temporelle
entre les évènements dont il assure la liaison, alors
dans l'énoncé [4c], présente le moment où
l'inquiétude des touristes se manifeste comme celui qui pousse le cocher
à montrer l'objet de curiosité (le château d'abbaye). On
est donc en face de l'évolution sémantique de alors qui
lui permet d'assumer pleinement son rôle de connecteur en introduisant
quelquefois, dans son emploi temporel une nuance logico-sémantique de
conséquence.
1.1.1.2.2. La valeur consécutive
Le connecteur alors, dans son emploi
consécutif, exprime une relation de cause à conséquence
entre deux évènements, ou entre deux énonciations :
le moment de l'énonciation de x étant déterminant
du moment de l'énonciation de y qui précède. Cela
est illustré par des exemples ci-dessous :
5a. Une pluie rouge rayait les ténèbres, la
plaie de la gorge, [...], baillait comme une entaille faite à la hache.
Alors, il ne lutta plus [...] (Lbh,
p258).
5b. Les Tuileries se scandalisaient de la conduite du
chambellan, depuis qu'il s'affichait.
Alors, [...], il venait de rompre. (Na,
p.338) ;
5c. - Qu'as-tu ce matin ? [...]
- Ma mère est morte hier soir, [...]
- Oh ! ma pauvre Flore ! il fallait s'y attendre
depuis longtemps, mais c'est si dur tout de même !
Alors, elle est là, je peux la voir,
[...] (Lbh, p308) ;
5d- Ecoute donc, c'est une lettre qu'elle a dû trouver
dans la poche de Fauchery, une lettre écrite à cette rosse de
Fauchery par la comtesse Muffat. Et, dame ! Là-dedans, c'est clair,
ça y est en plein... Alors, Rose veut
envoyer la lettre au comte, pour se venger de lui et de toi. (Na,
p.340)
L'énoncé [5a] n'a pas de repère temporel
dans l'énoncé antérieur. Alors qui pourtant
signifie à ce moment là, n'est plus uniquement la
marque d'une simultanéité réduite entre les
évènements décrits dans les deux
énoncés. En effet, ils n'ont pas un déroulement
strictement contemporain l'un de l'autre. Ce marqueur met aussi en relation
deux étapes d'un déroulement temporel et dérive vers une
consécution, dans le sens d'une succession d'évènements,
sans que cette succession soit simple comme c'est souvent le cas de
puis et ensuite. Avec ces marqueurs, la seule relation entre
les évènements est celle de se succéder dans la
durée. En [5a], Roubeaud lutte avec son beau-père et rival, le
premier a réussi à assassiner le second ; le décor
tel que décrit dans x : Une pluie rouge rayait les
ténèbres, la plaie de la gorge [...] baillait comme une entaille,
à l'heure-là, la victime cessa de lutter. Le rapport
logico-sémantique est celui de la conséquence. Le premier
évènement provoque le second qui est le résultat du
premier. Avec alors, ce résultat est même
prévisible, souhaité, attendu. Pendant la lutte, Roubeaud tranche
le cou de son rival pour le mettre hors de course. Ce rôle ne peut pas
être assumé par puis ou ensuite comme nous le
constatons dans
5a*. Une pluie rouge rayait les ténèbres, la
plaie de la gorge, démesurée, baillait comme une entaille faite
à la hache. Puis/ensuite, il ne lutta plus
Il n'y a pas seulement eu un premier évènement
suivi d'un second comme semble le faire croire ces deux marqueurs, mais
l'état de chose en P1 (premier énoncé) est cause de
l'état de chose en P2 (deuxième énoncé). Ceci
amène Hybertie (1996 :25) à noter que
alors construit une
séquence d'évènements temporellement ordonnés. Il
indique que les états de choses exprimés respectivement en P1 et
P2 sont ordonnés selon un ordre de succession temporelle qui est
lié à un ordre logique de déroulement des faits, faisant
apparaître le premier comme la condition de la réalisation du
second.
Ainsi, lorsque alors marque une relation de cause
à effet entre les faits comme [5a], il peut être
paraphrasé, selon Hybertie (op cit: 29), par de ce fait, en
conséquence, si bien que, etc.
Pour ce qui est de [5b], alors marque une relation de
cause à effet entre des états inférentiels, donc de
l'information donnée dans l'expérience du sujet parlant en P1
(Les Tuileries se scandalisaient de la conduite du chambellan), il
déduit la conséquence P2 (il venait de rompre). P1 et P2
représentent deux états des choses : le premier exprime une
situation, une attitude, une condition qui permet d'envisager la validation de
l'état des choses dans P2. Dans le cas de l'inférence, le fait
qu'un état de chose soit réalisé entraîne
l'énonciation de P2 et sa validation. Il (alors) peut
être paraphrasé par dans ce cas.
En ce qui concerne l'énoncé [5c], le connecteur
apparaît en situation interdiscursive, c'est-à-dire, entre deux
énonciations. En effet, il est question d'un dialogue entre Flore dont
la maman est décédée la veille de la conversation et son
cousin Jacques qui est mécanicien du train Express. Alors est
paraphrasé dans cet emploi par dans ces conditions. Il
présente l'énonciation de P2 : elle est là, je
peux la voir, comme découlant, de manière légitime,
de l'énonciation de P1 : Ma mère est morte hier
soir. Pour mieux exprimer cette relation, l'énonciation de P2 et
l'acte illocutoire qu'elle réalise, affirme Hybertie (op.cit. :
31), apparaît comme la conséquence de l'énonciation au
cours de laquelle P1 est présentée comme assertée.
Ainsi, l'énonciation de P1 constitue les conditions qui rendent P2
énonciable, de là peut naître la glose suivante :
maintenant que tu m'apprends le décès de ta mère, je
peux te dire que je monte la voir. Le fait qu'il y ait eu assertion de P1
constitue la condition qui permet d'énoncer P2. D'ailleurs, en
affirmant à Jacques que sa mère est morte, Flore, le locuteur de
l'assertion s'attend effectivement à ce que celui-ci aille voir le
corps, vu le type de lien qui existe entre eux. Cette réflexion est
valable pour [5d]. L'inférence que alors introduit
présente une situation prévisible que le locuteur de P1,
énonce lui-même. La construction du discours ou
schématisation selon Grize (1982) cité par Chanet (2001 :44)
est un simulacre de l'image du monde qu'il note Im(M),
c'est-à-dire que
alors signale que l'état
de la schématisation, et particulièrement l'état de Im(M),
permet, aux yeux de L (locuteur), la réalisation d'une certaine
action/opération discursive signalée comme une conséquence
possible de cet état de Im(M).
Le concept image du monde représente
l'activité discursive de reconstruction que les interactants se font,
c'est-à-dire que, chacun d'eux élabore sa propre
représentation de ce qui se passe dans le discours. Mais comme c'est le
locuteur qui oriente le premier la conversation, il met des indices ou des
informations qui favorisent la conclusion ou la conséquence à
tirer soit par lui-même, soit par l'autre. A titre d'exemple, [5c]
fournit les indices de temps (ce matin et hier soir) tandis
que [5d] insinue une relation sous-jacente à l'énonciation, il
s'agit de la situation de rivalité qui existe entre deux femmes du
monde : Rose et Nana. Ces femmes se disputent et les amants et la gloire.
Alors, Rose qui vient de perdre son amant, le comte Muffat, arraché par
Nana, et qui a découvert une lettre écrite à Fauchery par
la comtesse Muffat, veut l'envoyer au comte pour se venger et de lui, et de sa
rivale. Cette schématisation de l'histoire permet de percevoir
alors, qui introduit P2, comme le signe d'une conséquence
voulue. Le locuteur, qui n'est autre que le mari de Rose, donc qui
maîtrise bien le drame, sait que sa femme veut expédier la lettre
dans le but de se venger. Cette image du monde, bien connue du locuteur, lui
permet de tirer une conclusion, surtout que alors, admet Riegel et
alii (1996 :621), indique en outre que cette conclusion est
prévisible.
En conséquence, on constate que, tout en
établissant un lien de cause à conséquence, alors
conserve toutefois sa valeur première qui est la valeur
temporelle ; en fait, dans l'enchaînement discursif, la relation
temporelle est celle autour de laquelle l'énonciation d'un fait est
possible, c'est-à-dire la condition ou la situation qui permet
d'envisager la validation du second état de chose est tributaire du
temps à partir duquel le premier évènement est
validé. Néanmoins, alors présente le second fait
comme prévisible alors que donc le présente comme
nécessaire.
1.1.1.3. Le Connecteur ainsi
L'adverbe ainsi connaît plusieurs acceptions. Il sert
tantôt à reprendre ce qui vient d'être dit tantôt
à introduire ce qui va être dit. Dans ce cas, il signifie:
de cette manière. Il sert aussi à introduire une
conclusion et entre de ce fait dans la catégorie des marqueurs de
consécution au même titre que par conséquent, aussi,
alors, donc. Plus précisément, Hybertie (1996 : 44)
note qu'il marque une opération de repérage, soit contextuel,
soit énonciatif, et indique la conformité avec ce qui vient
d'être dit [ou va être dit], ou alors ce que l'on constate dans la
situation d'énonciation. Cependant, nous nous attarderons sur
l'étude de ainsi consécutif. Dans les emplois
consécutifs, ainsi n'est pas paraphrasable par de cette
manière, mais par pour cette raison comme le montrent ces
énoncés :
6a. Je n'ai pas non plus l'optimisme de mon oncle, reprit-il.
Je crains de graves désordres... Ainsi,
monsieur Grégoire, je vous conseille de verrouiller la Piolaine.
On pourrait vous piller. (Ge, p 202) ;
6b. Lorsque les Maheu et les autres avaient
digéré trop vite leur soupe d'eau claire, ils montaient
ainsi dans un demi vertige, l'extase d'une vie
meilleure qui jetait les martyrs aux bêtes. (Ge, p 218) ;
6c. Le parti le plus sage, quand on ne voulait pas se casser
le nez, c'était de marcher droit, [...].
Ainsi, lui se faisait fort, s'il s'en occupait,
d'amener la Compagnie à des meilleurs sentiments ; [...] (Ge,
p 229) ;
6d. Oh ! Moi, je comprends ces sentiments... Mais un coup
d'oeil lui a suffit, il s'est conduit en homme du
monde...Ainsi, ne t'inquiète plus,
tout est fini, il va tranquilliser ta maman (Na, p.306).
Dans [6a], il est question de la grève des
mineurs ; les bourgeois sont menacés ; P1 : je crains
de graves désordres et P2 : je vous conseille de
verrouiller la Piolaine ont un même énonciateur qui analyse
une situation et donne son point de vue. Le connecteur ainsi, en
attaque du deuxième énoncé, n'établit pas qu'une
connexion directe avec l'énoncé précédent comme on
peut le croire ; il reprend l'état de chose décrit dans
P1 pour donner une orientation à P2. Tout en
structurant le discours, le connecteur ainsi crée plutôt
une relation d'identification entre les termes qu'il met en relation. Le
rapport de causalité n'est donc pas justifié par la
présence de ce marqueur, même s'il est relevé que les
évènements qu'il met en relation dans des énoncés
entretiennent entre eux des rapports de cause à conséquence au
niveau factuel. Son rôle ne consiste pas véritablement à
introduire la conséquence d'un fait mais, surtout, nous le pensons,
à présenter le jugement de l'énonciateur des faits ;
jugement qui apparaît comme la preuve de l'énonciation. A ce
sujet, on peut dire que l'acte illocutoire, qui est celui de conseiller, est
issu de l'évaluation que le locuteur se fait de la situation
d'écrite dans P1. En revanche, ce qui permet de voir la causalité
entre ces deux énoncés, c'est le fait de verrouiller la
Piolaine qui est la conséquence de la grève que craint
Négrel, neveux de M. Hennebeau. Cette observation permet de nuancer la
position de Le Bidois (1971 : 246) qui souligne que
ainsi se révèle on ne plus voisin
pour le sens de donc de conséquence. L'affinité
sémantique qu'il y a entre les deux mots fait qu'on les unit
volontiers. Pourtant, dans l'énoncé [7]
ci-dessous :
Tiens ! c'est toi, dit-il en reconnaissant la Mouquette.
Aide-moi donc, il faudrait lui faire boire quelque
chose. (Ge. P243).
La Mouquette doit aider Etienne à réanimer une
vieille femme qui a perdu connaissance des suites des affres de la famine.
Etienne avait besoin de quelqu'un pour l'aider dans cette tâche et
à ce moment arrive la Mouquette, une charbonnière que le locuteur
(Etienne) connaît bien, d'où l'énonciation de [7]. D'une
part, la vue de la Mouquette provoque chez Etienne un raisonnement logique du
genre « j'ai besoin d'une aide et ta présence me permet de
l'avoir ». L'emploi de donc lui permet de renforcer son
assertion et de présenter sa conclusion comme nécessaire. Le
rapport de cause à conséquence dans ce cas est un rapport de
différenciation. En effet, donc ne reprend pas, comme le fait
ainsi, le fait décrit en P1 d'où s'origine P2, mais
c'est le contenu propositionnel de P1 qui conditionne l'inférence d'un
autre fait P2 (distinct de celui de P1), qui est cependant la
conséquence de P1. Le rapport de différenciation est donc une
qualité inhérente à la causalité. C'est pourquoi la
commutation par ainsi n'est pas possible comme on peut le constater
dans [7*]
Tiens ! c'est toi, dit-il en reconnaissant la Mouquette.
Aide-moi ainsi, il faudrait lui faire boire quelque
chose
Ceci permet de tirer avec Hybertie (1996 :49) la
conclusion selon laquelle le marqueur ainsi joue plus un rôle de
cohésion discursive en tant que marqueur d'opération d'anaphore,
en assurant la reprise de la cause ou de la raison de P2, et non celui d'un
connecteur logique. Cette observation nous permet de nous interroger sur le
lien entre ainsi et alors, également anaphorique.
Comme présenté supra, alors anaphorique
joue également un rôle de connecteur entre deux propositions. Il
ne reprend pas, à la manière de ainsi, un
élément du contenu de P1, mais la situation pour laquelle P1 est
validée et qui permet d'envisager la validation de P2. Aussi alors
est-il à la fois anaphore et connecteur tandis que ainsi
n'est qu'un marqueur anaphorique. La valeur anaphorique de alors est
disjonctive alors que celle de ainsi est assimilative. Dans la
même optique, nous en venons à l'étude du connecteur
aussi.
1.1.1.4. Le marqueur aussi
Pour le dictionnaire Latin-Français (1959 : 34,
618), aussi vient du latin aliud qui signifie
autre chose et de sic : ainsi. Dans ses divers
emplois, il connaît plusieurs acceptions. Il sert par exemple
à indiquer la répartition d'un fait semblable ou d'une
éventualité envisagée et peut signifier
pareillement. En corrélation avec la conjonction que,
il sert à exprimer la comparaison ou la concession selon le cas.
Comme adverbe conjonctif, il peut permettre d'indiquer que ce
qui va être annoncé représente la conséquence de ce
qui vient d'être annoncé. Comme connecteur consécutif, il
sert à introduire l'énonciation d'une conséquence comme
nous le relevons dans les occurrences suivantes :
8a. Comme il le disait, il fallait des
vérités ; aussi voulut-il,
[...], procéder à une perquisition nouvelle, [...] (Lbh.
P361) ;
8b. [...] dans notre position, nous avons besoin d'eux. Ce
n'est guère adroit de refuser leurs politesses ; [..].
Aussi n'ai-je cessé de te pousser à
accepter [...] (Lbh. P162) ;
8c. Il fallait au plus vite couper le membre gangrené.
Aussi, de nouveau, défilèrent dans le
cabinet du juge le personnel de la gare du Havre (Lbh. p369) ;
8d. Elle (Flore) connaissait chaque recoin du pays ; elle
défiait bien dès lors les gendarmes de la prendre si on se
lançait à sa poursuite. Aussi
cessa-t-elle brusquement de courir, [...] (Lbh p322).
Comme avec les autres connecteurs (donc, alors,
ainsi), avec aussi, on est en présence de deux
énoncés qui se suivent : P1 et P2 reliés par une
relation de causalité où P1 exprime la cause et P2 l'effet. En
structurant le discours, ce connecteur ne reprend ni le contenu de P1 comme
donc, ni la situation temporelle comme alors. Il n'assure pas
non plus une reprise comme c'est le cas de ainsi. Sa valeur
anaphorique permet tout simplement de référer P2 par rapport
à P1 en établissant une relation avec une valeur
consécutive.
En effet, dans [8a] par exemple, le locuteur commente la
réflexion d'un vieux policer à la retraite, à qui on vient
de confier les enquêtes d'une affaire criminelle dont les
présumés coupables sont dans sa localité.
L'énonciation de P1 : il fallait des vérités
est la raison de l'énonciation de P2 : voulut-il, [...],
procéder à une perquisition nouvelle. Comme indicateur de P2
par rapport à P1, le connecteur n'accomplit pas un mouvement de
raisonnement au terme duquel il pose la conséquence ou la conclusion
d'un énoncé. En d'autres termes, pour que aussi soit
perçu comme connecteur inférentiel au même titre que
donc et alors, il faut que ce connecteur exprime un
raisonnement au terme duquel il pose une conclusion ou une conséquence.
Il additionne par contre les informations qu'il met en relation ; c'est ce
qui justifie l'inversion du sujet dans la plupart de nos occurrences. En fait,
cette inversion fait intervenir un sujet clitique qui rend plus neutre
l'assertion, surtout lorsqu'il est à la troisième personne. En
revanche, dans l'énoncé [8b], le sujet parlant est
représenté par le déictique je, donc le
référent normalement est Séverine, l'épouse de
tu (Roubeau), cependant, le locuteur présente les faits comme
une succession de raisons qui va rendre vital l'énonciation qu'introduit
aussi. Ainsi, l'énonciation de n'ai-je cessé de te
pousser à accepter apparaît comme un ajout d'information
à celle émise dans P1 : Ce n'est guère adroit de
refuser leurs politesses. Avec aussi, la structure
argumentative des énoncés amène les
évènements ou les états de chose décrits ou
présentés à établir la vérité de la
relation. C'est pourquoi, déclare Hybertie (1996 :57),
grâce à une connaissance sur le monde, et
plus précisément sur un état particulier du monde, on dit
que le fait exprimé dans P1 entraîne le fait exprimé dans
P2, que l'on ne peut poser l'un sans poser l'autre, parce que tels sont les
faits, tel est l'ordre des choses. [...], l'énonciateur se soumet
à l'ordre réel des faits, sans prendre en charge la relation
consécutive établie, ni même l'assertion de P2 ; tout
se passe ici comme si c'étaient les faits eux-mêmes qui validaient
l'une et l'autre, avec pour conséquence, l'inversion du sujet, non
obligatoire, [d'ailleurs].
Toutefois, au sujet de la valeur d'adjonction du connecteur
aussi, Medina (2001 :189), déclare:
La ausencia de estos operadores origina un sentido
puramente aditivo en les secuencias A, B. La presencia, en cambio, impone la
interpretación de B como explicación de A. La diferencia entre
ausencia y presencia representa une oposición entre une función
de adición y une función de explicación.
(l'absence de ces opérateurs est à l'origine du
sens additif dans les séquences A, B (P1 et P2 dans notre étude).
Leur présence, au contraire, impose l'interprétation de B comme
explication de A. La différence entre absence et présence
représente une opposition entre une fonction d'addition et une fonction
d'explication).
Pour Medina, on ne saurait parler d'une simple addition en ce
qui concerne un connecteur. Son absence dans un énoncé permet une
interprétation nettement différente de l'énoncé
dont la présence est marquée. De ce fait, dans [8'] :
8a'.Comme il le disait, il fallait des
vérités ; il voulut, [...], procéder à une
perquisition nouvelle, [...];
8b'. [...] dans notre position, nous avons besoin d'eux. Ce
n'est guère adroit de refuser leurs politesses ; [..]. je n'ai
cessé de te pousser à accepter [...]
8c'. Il fallait au plus vite couper le membre gangrené.
Les personnels de la gare de Havre défilèrent .... ;
8d'.Elle (Flore) connaissait chaque recoin du pays ; elle
défiait bien dès lors les gendarmes de la prendre si on se
lançait à sa poursuite. Elle cessa brusquement de
courir.
L'absence de aussi permet de voir en ces
énoncés juxtaposés, une simple addition. Alors qu'avec la
présence du connecteur, P2 apparaît comme une explication de
P1. On note de ce fait que la notion d'explication dans l'expression de la
conséquence n'est pas facile à détecter comme dans
l'expression de la cause. En effet, Charaudeau (1992 :539) définit
l'explication causale comme un mouvement de pensée qui part de A2
pour remonter à son origine, c'est-à-dire A1. A2 sert à
expliquer A1 et se met en relation de subordination causale avec A1.
Ainsi, l'existence de A1 représente le point de départ de A2.
Cette relation est introduite par parce que et ses synonymes pour
ce que, de ce que, du fait que, etc. Ces outils de subordination
introduisent une cause simple et établit une relation de cause à
effet dans une phrase où la base est l'effet et le complément la
cause. Il se dégage un constat réel : dans l'expression de
la conséquence, il n'est pas dit que tel ou tel autre connecteur
exprime l'explication, on réalise qu'il faut, à chaque moment, se
référer au contexte d'emploi pour tirer des valeurs qui peuvent
changer d'un emploi à l'autre. D'ailleurs, Médina affirme qu'il
est difficile de montrer l'existence d'un sens naturel aux connecteurs.
C'est-à-dire un sens non contextuel, qui ne dépend pas de la
situation du discours. Cela est la preuve que, pour une analyse pertinente des
connecteurs, il faut prendre en compte le contexte d'émission du
discours.
Dans l'ensemble donc, l'on constate que les connecteurs
inférentiels renforcent l'argumentation du locuteur et lui permet
d'orienter la conclusion à tirer. Ainsi avec donc et
aussi, la conclusion peut être explicative ou
justificative ; alors quant à lui annonce une conclusion
prévisible, tandis que ainsi présente le point de vue du
locuteur. Toutefois, malgré ces diverses nuances liées à
la visée discursive, ces connecteurs expriment également une
conséquence factuelle.
1.1.2. Les marqueurs de consécution factuelle
Les marqueurs de conséquence factuelle sont ceux qui
expriment un lien de cause à effet entre deux faits auxquels
réfèrent les énoncés, et ne peuvent pas être
utilisés pour marquer une inférence. Il en existe deux
catégories : les marqueurs qui expriment la conséquence par
l'intensité et ceux qui expriment la conséquence par la
manière.
1.1.2.1. L'expression de la conséquence par
l'intensité
Parler de l'expression de la conséquence par
l'intensité revient à admettre que l'accomplissement de la
conséquence est tributaire de l'atteinte d'une certaine
intensité. Ce seuil est considéré comme le degré de
force, de tension ou d'activité. En grammaire, il est exprimé par
des adverbes d'intensité. Il désigne le degré plus ou
moins haut qu'atteint une qualité, un état, un sentiment, etc.
C'est pourquoi Riegel et alii (1996 :361) relèvent que dans son
organisation de la réalité, le français distingue deux
échelles, selon que la variation est considérée en
elle-même ou en rapport avec un élément
extérieur. L'approche énonciative présente les
adverbes intensifs comme ceux qui montrent que l'avènement de la
conséquence est conditionné par l'atteinte d'une certaine
intensité. Sur le plan sémantique, Romero (2005 :2) pense
que l'intensité d'un phénomène X se définit
comme la différence ou l'écart entre deux états x1 et x2
relatifs à ce phénomène. Cette définition
parait très abstraite ; néanmoins, nous relevons que
l'écart dont parle l'auteur peut constituer à la fois un
contraste (avec la comparaison par exemple) ou une quantité. C'est sur
l'aspect quantitatif de l'intensité que nous nous attarderons ici. En
fait, pour l'appréhender vraiment, nous revenons à la notion
d'échelle déjà notée par Riegel et alii. Quel que
soit le cas, un groupe de marqueurs, à savoir si...que, tant que,
tellement que à un (tel) point (tel) que, à ce point, à
tel point, au point que, forment les systèmes corrélant
l'intensité et la consécution. Dans ce sens, Hybertie
(1996 :73) reconnaît que
l'énonciateur construit sur le prédicat de
P1 une propriété différentielle, propriété
qui consiste dans le fait qu'une qualité ou un
processus possèdent une intensité telle qu'ils peuvent
être tenus comme une cause efficiente de la conséquence
représentée.
Par ailleurs, l'élément de P1 susceptible
d'être déterminé par l'intensité peut soit
être un verbe, soit un adjectif, soit un autre adverbe ou même un
nom. Dans ce sens, on parle d'incidence, c'est-à-dire que l'adverbe
intensif apporte une précision supplémentaire au mot auquel il
adjoint et on note dans les échantillons suivants :
9a. Lorsqu'il sut qu'on le mariait
enfin, Zacharie se mit à rire si fort
qu'il
en étranglait. (Ge,
p.155) ;
9b. Elle (Flore) avait tant souffert,
qu'un soir, elle s'était cachée,
voulant écrire à la justice. (Lbh. p.301) ;
9c. Elle continuait, jurant, se soulageant, au milieu de la
saleté du ménage, abandonné depuis
si longtemps déjà,
qu'une odeur insupportable s'exhalait du
carreau. (Ge, p 251 ;
9d. J'ai travaillé au fond pendant vingt tans, j'y ai
sué tellement de misère et de fatigue,
que je me suis juré d'obtenir des douceurs
pour les pauvres bougres [...]. (Ge, p 228) ;
9e.Elle (Séverine) devenait farouche, elle l'accusait
d'avoir gâté son existence, à ce point
que la vie était désormais impossible
côte à côte. (Lbh p283).
Dans [9], la relation de cause à conséquence
établie par les marqueurs est présentée comme une
condition déterminée par l'atteinte d'un niveau
d'intensité conduisant à la réalisation du processus de
cause à effet. Le processus représenté dans P1
(fort) représenté dans [9a] doit connaître un
accroissement quantitatif pour permettre la réalisation de l'effet
projeté dans P2 : il en étranglait. Voilà
pourquoi Hybertie (1996 :75) déclare que
la valeur propre des systèmes qui corrèlent
intensité et consécution est donc d'exprimer que la relation
consécutive n'est pas validée pour toute occurrence de P1, mais
seulement pour une sous-classe d'occurrence du prédicat.
[9a] exprime l'attitude de Zacharie, jeune mineur, dont
l'annonce de son mariage réjouit. Toutefois, dans l'univers habituel, il
est difficile de penser que le fait de rire puisse être la
cause du fait que l'on s'étrangle, même la force liée au
fait n'est pas suffisante pour déclencher la conséquence. Ainsi,
la relation prédicative, étrangler pour avoir ri fort ne
s'explique que si on adjoint à l'assertion de la qualité fort
une notion d'intensité, notion qui rend compréhensible et
réalisable la conséquence. Ainsi, l'emploi de l'adverbe
d'intensité si se présente comme devant atteindre un
certain seuil, une certaine échelle pour déclencher la
conséquence. Cette analyse est valable pour tous ces adverbes. Parlant
d'échelle, Romero (op cit:2) dit qu'il s'agit d'un ensemble
d'éléments totalement ordonnés dont un plus
petit. Les adverbes si, tellement, tant,
à ce point que, etc. renforcent l'assertion de P2 et lui donnent un
caractère objectif. En deçà de cette échelle que
représente cette intensité, l'interprétation de ces
énoncés sera différente comme il est question en
[9'] :
9a'. Lorsqu'il sut qu'on le mariait enfin, Zacharie se mit
à rire fort, il en
étranglait ;
9b'. Elle (Flore) avait souffert, un soir, elle
s'était caché, voulant écrire à la justice
;
9c'. Elle continuait, jurant, se soulageant, au milieu de la
saleté du ménage, abandonné depuis longtemps
déjà, une odeur insupportable s'exhalait du
carreau ;
9d'. J'ai travaillé au fond pendant vingt tans / ans / ,
j'y ai sué de misère et de fatigue, je me suis juré
d'obtenir des douceurs pour les pauvres bougres ;
9e'. Elle (Séverine) devenait farouche, elle l'accusait
d'avoir gâté son
existence, la vie était désormais
impossible côte à côte.
Les énoncés sont juxtaposés.
L'intensité est au degré zéro. On pourrait voir en cette
disposition une addition qui favorise la description des faits. La
conséquence devient ici inférentielle, car c'est par un calcul
interprétatif que l'allocutaire doit la déduire. Aucune condition
n'est à remplir pour que le fait conséquence se réalise ou
soit validée si ce n'est celle de la relation primitive de
causalité. L'absence du marqueur de l'intensité atténue la
force argumentative et ôte à l'énonciation les effets
pragmatiques escomptés. Pour ce faire, au sujet de la présence
des adverbes intensifs dans l'énoncé, Roméro (2005 :
5) déclare qu'ils servent à introduire une conséquence
qui, de par sa nature, est à même d'augmenter la force assertive
que l'on veut donner à la cause, [...]. L'effet pragmatique que
vise le locuteur se situe donc au niveau de cette force, qui est une condition
à la réalisation de la conséquence voulue.
1.1.2.2. L'expression de la conséquence par la
manière
Les systèmes corrélant manière et
consécution sont formés des locutions dont l'un des constituants
est un lexème qui évoque l'idée de manière. Il est
question des locutions ci-après : d'une telle
manière/façon/que, de telle manière/façon/que, de
manière/façon/que, de telle sorte que, en sorte que et de sorte
que. L'adverbe de manière exprime la façon dont le
procès se déroule. Ces locutions contiennent toutes, les
lexèmes (manière, sorte, façon) qui expriment la
manière. Elles (les locutions) expriment la consécution en
faisant dépendre l'avènement de la conséquence d'un mode
particulier de réalisation du procès cause exprimé dans la
principale P1. Cela se vérifie dans les exemples [10] :
10a. Depuis qu'il était là, il apercevait à
une fenêtre de sa maison, sur la façade en retour de sa maison, la
chétive silhouette de sa femme, [...], sans doute elle regardait arriver
les coups, de son air muet de pauvre être battu. Au-dessus, il y avait un
hangar, placé de telle sorte
que, du jardin, on pouvait y monter [...]. (Ge,
p350) ;
10b. [...], devant la crise les camarades étaient
certainement montés, [...], jusque dans les tailles les plus hautes,
de sorte qu'ils se trouvaient sans doute
acculés au bout de quelque voie supérieure. (Ge,
p458) ;
10c. [...] la lapine courait devant les trois galopins, tirant la
cuisse, déhanchant d'une
façon si lamentable
que jamais ils n'avaient tant ri. (Ge,
p267).
Dans [10a], le hangar était placé d'une
manière spécifique, l'intention était de le faire voir
afin d'y monter dès le jardin. La relation consécutive entre les
deux processus exprimés respectivement dans P1et P2 n'est donc pas
validable pour toute occurrence de la relation prédicative P1 il y
avait un hangar. Dans ce cas, dit Hybertie (1996 :91), la
relation consécutive n'est validable que pour une sous-classe
d'occurrences de P1, celle qui est construite par l'opération de
détermination marquée par de façon à ce QP2 sur le
prédicat de P1.
Pour ce qui est de [10b], la locution conjonctive de sorte
que comme son semblable en sorte que ne corrèle pas la
manière et la consécution, malgré la présence du
lexème sorte. Ceci parce que ce lexème a perdu son
sémantisme. Toutefois, elles mettent simplement en relation P1 et P2 en
exprimant le rapport logique de causalité tout en présentant la
conséquence comme un fait objectif. Il pourrait dans ce cas être
commuté avec si bien que dans [10b'] :
[...], devant la crise, les camarades étaient
certainement montés, [...], jusque dans les tailles les plus hautes,
si bien qu'ils se trouvaient sans doute
acculés au bout de quelque voie supérieure
Il y existe néanmoins une nuance de sens. En effet,
dans l'occurrence originale, la conséquence est présentée
comme conditionnée par un mode particulier d'accumulation. En revanche,
dans l'occurrence avec si bien que, c'est l'assertion de monter
jusque dans les tailles les plus hautes qui est source de la
conséquence. Dans l'un ou l'autre cas, le lien commun existant entre les
deux connecteurs est leur aptitude à exprimer une conséquence
réelle et objective. Ils sont également analysables en deux
constituants. Les adverbes tellement, si, tant, et le morphème
que pour la première relation ; et les
morphèmes sorte et façon associés
à que pour la seconde relation. L'expression de la notion de
conséquence s'étend néanmoins au-delà des
connecteurs inférentiels et factuels pour atteindre les mots.
1.1.3.
Les marqueurs lexicaux de conséquence
Les marqueurs lexicaux de la conséquence sont des mots
employés dans l'expression de cette notion. Il peut être question
des verbes, ou même des groupes nominaux.
1.1.3.1. Le verbe
Un verbe est un mot qui se conjugue, c'est-à-dire qui
peut se combiner avec d'autres classes grammaticales tels que le mode, le
temps, la voix, la personne. Cette définition grammaticale ne laisse pas
entrevoir le pouvoir que ce mot peut avoir dans l'organisation discursive.
C'est le cas des verbes comme suffire, finir, achever/entraîner.
1.1.3.1.1. Suffire
Le verbe suffire établit que la condition est
suffisante à l'accomplissement de l'action de la subordonnée. Ce
qui pousse les Le Bidois (1938 :478) à affirmer que il
suffit énonce que l'action est portée à
un degré suffisant, on ne peut plus suffisant pour produire un certain
effet. Son sémantisme exprime donc le degré au même
titre que l'intensité. Et cela se constate dans les
énoncés [11] ci-après :
11a. Mais un coup d'oeil lui a suffi, il
s'est conduit en homme du monde
( Na, p.306) ;
11b L'Amérique, en cessant ses commandes de fer et de
fonte, a porté un rude coup à nos hauts fourneaux. Tout se tient,
une secousse lointaine suffit à
ébranler le monde. (Ge, p 200) ;
10b. Il examinait chaque lettre d'invitation, dévisageait
les gens ; beaucoup, d'ailleurs, pénétraient sans lettre, il
suffisait qu'il les connût, pour
qu'on leur ouvrît la porte. (Ge, p235)
Dans [11a], le syntagme un coup d'oeil a suffi
prévoit en fait, la réalisation d'un effet, d'un
résultat. Toutefois avec le verbe suffire, on a affaire
parfois à une structure de corrélation où sont mis en
relation un élément (suffire) avec la préposition (pour,
à) ou la locution conjonctive pour que suivi de l'indicatif
pour exprimer un fait réel. Dans l'énoncé [11a], le second
élément est sous-entendu : un coup d'oeil a suffi
pour qu'il se conduise en homme du monde.
L'élément corrélé indique tout simplement
l'arrivée de l'effet annoncé dans P1. Quelle que soit la
structure du syntagme, c'est le sémantisme du lexème
suffire qui conditionne la suite des évènements. Ce qui
ne semble pas tout à fait être le cas de finir.
1.1.3.1.2. Finir par
Le lexème finir signifie achever,
parachever. Mais ce sens ne permet pas à finir
d'introduire une conclusion que s'il est corrélé à la
préposition par qui introduit la conclusion d'un fait ou d'un
évènement. Dans ces exemples :
12a. Elle (la Compagnie) fut si frappée, qu'une fois
encore elle sentit le besoin du silence. [...]. D'ailleurs, elle ne
soupçonna pas le vrai coupable, elle
finissait par croire
à une armée de complices, ne pouvant admettre q'une seul
homme eût trouvé l'audace et la force d'une telle besogne ;
[...]. (Ge, p456) ;
12b. Mais, quand les Grégoire furent descendus, avec les
paquets, ils frappèrent vainement, ils finirent
par taper à coups de poings dans la porte, sans
obtenir davantage de réponse [...]. (Ge, p466) ;
12c. Etienne racontait ses courses inutiles depuis une
semaine ; il fallait donc mourir de faim ? bientôt les routes
seraient pleines de mendiants. Oui, disait le vieillard, ça
finirait pas (sic) mal tourner, car il n'était pas Dieu
permis de jeter tant de chrétiens à la rue. (Ge, p10).
Nous n'avons pas trouvé des études sur la
locution verbale finir par. Cependant, l'environnement contextuel et
l'univers référentiel permettent qu'on puisse tirer de
l'étude de cette locution une conséquence. En s'appuyant sur
l'énoncé [12a], dans l'univers référentiel,
lorsqu'on ne parvient pas à trouver le coupable ou, si l'on a eu
à se faire beaucoup d'ennemis, alors en présence d'une
difficulté, comme c'est le cas dans cet exemple, il est difficile de
penser à un seul individu. C'est pourquoi la Compagnie n'arrive pas
à soupçonner le coupable, mais elle pense plutôt à
une armée de complices, c'est-à-dire à tous les mineurs
qui sont en grève, le raisonnement qu'a fait la compagnie l'a conduit
à tirer cette conclusion. Or, si la conclusion d'un fait est
perçue comme la décision finale, l'action de conclure
apparaît aussi comme une conséquence tirée d'un
raisonnement ; il n'y a donc pas de cloison étanche entre la
conclusion et la conséquence. C'est en effet parce que la compagnie n'a
pas pu trouver le coupable que, malgré elle, elle a conclu que les
saboteurs de la fosse devaient être une armée de complices.
En [12b], les Grégoire veulent absolument offrir, par compassion, des
cadeaux à la famille Maheud, ils frappent à la porte, mais
vainement, c'est la rage de ne pouvoir pas accomplir leur acte qui les
amène à taper à coups de poings dans la porte. En
revanche, l'énoncé [12c], n'accepte pas la même analyse. De
là on se demande si l'adverbe de négation pas, à
la place de la préposition par, n'est pas à l'origine de
cette inacceptation, et si cette impossibilité d'interpréter
l'énoncé n'est pas due à sa structure agrammaticale.
Par l'emploi de finir par, le locuteur amène
l'allocutaire à tirer la conclusion qui est prévisible.
Pour cela finir par est commutable par alors, pourvu que le
verbe (croire) se mette à un temps qui concorde avec le verbe de P1,
comme nous le voyons dans [12a'] :
Elle (la Compagnie) fut si frappée, qu'une fois encore
elle sentit le besoin du silence. [...]. D'ailleurs, elle ne soupçonna
pas le vrai coupable, alors elle crut à une armée de
complices, ne pouvant admettre q'une seul homme eût trouvé
l'audace et la force d'une telle besogne ; [...].
Par cette occurrence, on note qu'une étude de
l'expression de la conséquence impose certaines contraintes par exemple
celui du temps. Cette étude promet d'être très
intéressante. Notre approche ne nous donnant pas la latitude de nous y
attarder nous y reviendrons si l'opportunité nous est donnée dans
le cadre d'une autre étude. D'autres verbes entrent dans la construction
de la causalité. C'est le cas notamment du verbe
entraîner qui signifie mener à terme, provoquer,
déclencher, etc. dans l'échantillon [13] :
Tout se tenait, le fléau soufflait de loin, une chute en
entraînait une autre, les industries se culbutaient en
s'écrasant, [...]. (Ge, p361).
Le sémantisme de ce verbe est assez significatif pour
permettre qu'il puisse provoquer la conséquence réelle,
également introduite par le groupe prépositionnel
jusqu'à + GN.
1.1.3.2. Le groupe prépositionnel Jusqu'aux + GN
Le groupe prépositionnel jusqu'aux + GN
indique que la conséquence est manifestée dans le groupe nominal.
Cette composition est reconnue par Mauger (1968 :331) et peut être
vérifiée dans ces énoncés :
14a. Même, ils élargissaient le malheur de la terre,
ils feraient un jour hurler jusqu'aux chiens du
désespoir [...].Ge, p338
14b. Cette fois, elle finit Steiner, elle le rendit au
pavé, sucé jusqu'aux
moelles, si vidé, qu'il resta même incapable
d'inventer une coquinerie nouvelle. (Na, p.408)
Dans l'énoncé [14a], P1 : ils feraient
un jour hurler la situation qui prépare P2 est hurler,
verbe qui a, dans son sémantisme, la notion d'exagération, il
traduit un excès de cris. C'est ce mot qui crée les conditions
nécessaires à la réalisation de P2 : chiens du
désespoir. Cependant, l'aspect stylistique, c'est-à-dire
l'hyperbole qu'on relève dans la séquence chiens du
désespoir ne permet pas, à notre humble avis, à la
conséquence d'être effective, donc réelle. Le locuteur
attire l'attention sur le caractère inhumain que représente la
condition de mineurs. La structure prépositive telle que perçue
dans ces énoncés peut être rapprochée de
l'expression de la conséquence par l'intensité. Il s'avère
donc que l'expression de la conséquence englobe plusieurs domaines dont
une étude fouillée serait également intéressante
pour la compréhension du fonctionnement de la notion à l'ordre du
jour.
1.2.
La conséquence inattendue
Quelque chose d'inattendue est accidentel, brusque,
inopiné. La conséquence réelle inattendue est celle qui
s'est réellement réalisée, mais dont la réalisation
crée chez l'allocutaire un effet de surprise. Ducrot et alii.
(1980 :165) parlent de conséquence étonnante et
significative. Cette catégorie de la conséquence est
introduite par les connecteurs : eh bien et du coup.
1.2.1.
Le connecteur eh bien
Le groupe eh bien composé d'une interjection
eh et d'un adverbe bien, est perçu comme une
interjection par les grammaires. Pour Maingueneau (1997: 66-67), en effet,
le marqueur eh bien ! se présente comme une interjection
qui associe une fonction phatique (fonction qui établit ou maintient le
contact avec le co-énonciateur) et une fonction argumentative.
S'agissant de la fonction argumentative,
ce marqueur, dit l'auteur, souligne
théâtralement la pertinence de l'énonciation qu'il
introduit contre les attentes d'un destinataire qui jugerait plus pertinente
une autre énonciation. Dans ce cas, on peut proposer
l'analyse suivante : 1) le locuteur réagit à une situation
S, explicitée ou non, en produisant un énoncé Q introduit
par eh bien ! Cet énoncé Q est présenté comme
une suite inattendue de S, eu égard aux croyances prêtées
au destinataire ou à un tiers. On désignera par Q' ce qui
était attendu à la place de Q ; 2) le locuteur signale
l'enchaînement S Q pour suggérer au destinataire une
conclusion C, contraire à la conclusion attendue C'.
Nous allons illustrer cette affirmation pour plus de
clarté :
15a. Un matin qu'il vit Foucarmont sortit de chez elle, à
une heure singulière, il lui fit une scène. Du coup, elle se
fâcha, fatiguée de jalousie. [...] il l'assommait avec son
entêtement à ne pas comprendre les femmes ; et elle fut
brutale.
- Eh bien! oui, j'ai couché
avec Foucarmont. (Na, p.401) ;
15b. Tiens ! un seul exemple, ils voulaient tous
m'épouser. Hein ? une idée propre ! Oui, mon cher,
j'aurais été vingt fois comtesse ou baronne, si j'avais consenti.
Eh bien ! j'ai refusé, parce que
j'étais raisonnable.( Na, p.421) ;
15c. - Rose veut envoyer la lettre au comte, pour se venger de
lui et de toi.
- Qu'est-ce que ça me fiche ! répéta
Nana. C'est drôle, ça... Ah ! ça y est, avec Fauchery.
Eh bien ! tant mieux, elle
m'agaçait. (Na, p.340).
S représente la situation, Q
l'énoncé qu'introduit le marqueur eh bien ! [15a]
est une conversation entre le comte Muffat et Nana, la prostituée. Un
matin donc, en venant chez la jeune fille, Muffat surprend un autre homme en
train de sortir de la chambre à coucher de Nana. La situation
S : Muffat manifeste la jalousie ; surtout qu'il estime
qu'il est le financier de la jeune fille. La suite inattendue Q, c'est
la réplique que donne Nana : j'ai couché avec
Foucarmont. Alors qu'on pourrait s'attendre plutôt à une
suite Q' énonçant le contraire -ne serait-ce que pour voiler
la face-. Dans cet énoncé le mouvement argumentatif est
clair : la description de l'attitude de Nana : elle se
fâcha, fatiguée de jalousie, et elle fut brutale, souligne
l'effet inattendu de Q et justifie le caractère surprenant de
l'enchaînement. Le travail qu'effectue le connecteur eh
bien ! sur le plan argumentatif amène Ducrot et alii (1980:
161), à relever que dans la perspective d'une théorie des
actes de langage, l'interjection ne peut plus être
considérée comme un phénomène marginal ou
insignifiant. Elle acquiert un statut central : c'est le lieu
privilégié où se marque l'interaction des individus.
Cette observation peut être également valable pour du
coup.
1.2.2.
Le marqueurs du coup
Du coup est présenté par la grammaire
comme un adverbe susceptible de marquer ou d'expliciter une relation de
conséquence entre deux propositions, tout comme donc,
alors, par conséquent, de ce fait ou
aussi et surtout eh bien. Rossari et Jayez
(2001) pensent que le connecteur du coup, relie deux
situations s et q. Avec du coup, le schéma est
à-peu-près le même qu'avec eh bien.
S : situation qui engendre Q, et Q
(énoncé inattendu) introduit dans S par le connecteur
du coup ; P est la conclusion vers laquelle
l'énonciateur oriente le co-énonciateur ; conclusion qui est
implicite. En clair, cette situation se présente de la manière
suivant dans [16] :
16a. Justement ce jour-là, comme Nana sommeillait vers
deux heures, Zoé se permit de frapper à la porte de la chambre.
[...] Elle (Nana) ouvrit les yeux, elle demanda :
- Qui est-ce ? [...]
Daguenet, forçant l'entrée, s'annonça
lui-même. Du coup, elle s'accouda sur
l'oreiller, [...]. (Na, p.381) ;
16b. « [...]. Vas, montre-lui ta viande ! il
n'est pas dégoûté, ton salaud de logeur ! ».
Du coup, Etienne voulut gifler le camarade.
(Ge, p 223) ;
16c. Un matin qu'il vit Foucarmont sortir de chez elle, à
une heure singulière, il lui fit une scène. Du
coup, elle se fâcha, fatiguée de jalousie.
(Na, p.401).
[16a] décrit une situation : nana, la
maîtresse de maison, prend un somme ; elle-même a
laissé des consignes aux domestiques de ne pas la distraire. Ces
consignes ont toutefois été enfreintes par Zoé, la femme
de chambre. La situation S : zoé se permit de frapper
a la porte ; Q : elle s'accouda sur
l'oreiller, résultat contraire à celui attendu qui aurait
pu, compte tenu des consignes de départ, être soit de
réprimer Zoé, soit de renvoyer Daguenet, l'ancien amant de nana.
Le connecteur du coup a donc pour rôle de relier ces situations,
et de mettre en relief le caractère inattendu du résultat produit
par la suite Q. C'est ce qu'expriment Rossari et Jayez
(2001 : 14) en ces termes :
Une forme sémantique X du coup Y est
appropriée chaque fois qu'elle est interprétée dans un
contexte tel qu'il existe une situation particulière, correspondant
à un état d'information S, où la mise à jour avec Q
serait normalement omise par s si le résultat de la mise à jour
avec P était omis par s.
Cependant, on constate qu'il n'est pas possible de commuter
eh bien et du coup. Le connecteur eh bien introduit
une réaction du co-énonciateur alors que du coup
entraîne une description. Rossari et Jayez (1997 : 231-233) a
déjà soulevé ce problème pour dire qu'on ne peut
pas étudier un connecteur sans tenir compte de l'approche syntaxique et
sémantique, deux aspects à associer obligatoirement à
l'analyse pragmatique d'un connecteur, deux aspects qui permettent aussi de
percevoir la spécificité de chaque marqueur. Ceci rejoint ce que
pense Mossberg (2006 :32) au sujet des connecteurs pragmatiques :
les constituants connectés peuvent être de
nature différente. Ainsi, les connecteurs peuvent instaurer un lien non
seulement entre des contenus propositionnels, mais aussi entre des actes de
langage, entre des segments thématiques, ou avec des
éléments extra-textuels ou extralinguistiques présents
dans la situation énonciative, tels des connaissances et des valeurs
partagées, des attitudes du locuteur ou de l'interlocuteur [...].
L'auteur montre par là que la portée discursive
d'un connecteur est très étendue. Nous l'avons déjà
souligné dans l'analyse des connecteurs inférentiels. Il est de
ce fait difficile de décrire les connecteurs uniquement en terme
logico-sémantique sans se référer à leur fonction
en contexte pragmatique. Faire donc une étude de la portée
discursive, c'est-à-dire étudier les types de segments que les
connecteurs relient avant de rendre compte de manière efficace de la
commutation de ces connecteurs, devient un impératif.
2. La
conséquence irréelle
L'irréel représente ce qui n'est pas effectif
et ne peut même pas l'être. Il s'oppose donc au réel et au
potentiel. Pour Riegel et alii (996 :318), l'énoncé qui
exprime l'irréel dénote un état du monde possible mais
qui est ou a déjà été annihilé par le
réel. La grammaire offre une diversité de moyens d'exprimer
l'irréel. Il existe aussi, sur le plan linguistique, d'autres moyens
pour traduire la même notion, et qui varient suivant le contexte. On peut
donc avoir : l'adverbe d'intensité, le groupe
prépositionnel.
2.1.
L'adverbe
Parmi les outils d'expression de la conséquence
figurent les adverbes trop ....pour, assez ....pour. Toutefois,
suivant le sens de l'adjectif sur lequel porte l'adverbe trop ou
assez, la conséquence peut, dit Mauger (1968 : 331-332),
être réalisable ou irréalisable. Le second cas est
celui qui nous intéresse ici et dont les échantillons se trouvent
dans ces exemples :
17a. Mais Etienne, la nuit suivante désespéra de
nouveau. La compagnie avait les reins trop forts
pour qu'on les lui cassât si
aisément, [...]. (Ge, p362) ;
17b. Mangeons, tant pis ! ....Ils sont
assez grand pour
s'égarer. [...].
(Ge, p117).
Dans l'expérience qu'on a du monde, il est rare sinon
impossible de voir un plus faible s'attaquer de manière frontale
à un plus fort et à plus forte raison le vaincre. Ainsi les
mineurs en grève ne pouvaient aisément ébranler la
Compagnie. L'adverbe d'intensité trop indique que la
qualité (forts) a atteint le degré suffisant pour que la
conséquence ne soit pas réelle. On peut gloser la séquence
par la compagnie avait les reins si forts qu'on ne pouvait les lui
casser.... Il en va de même de [17b], l'intensité atteint par
la qualité grand est suffisante pour rendre la
conséquence s'égarer irréelle. Ainsi
perçue la conséquence irréelle dans ces exemples sont
semblables à la conséquence négative. On ne sait pas s'il
en va de même avec le groupe prépositionnel.
2.2.
Le groupe prépositionnel
La notion de conséquence irréelle est si
délicate à cerner que, devant certains cas introduits par la
préposition, l'interprétation n'est pas du tout aisée.
Voyons les exemples suivants :
18a. Ce pauvre diable d'ouvrier, perdu sur les routes,
l'intéressait. Lorsqu'il le quitta, il dit aux autres :
« Hein ! on pourrait être comme
ça...Faut pas se plaindre, tous n'ont pas du travail à
crever. » (Ge, p30)
18b. Négrel, énervé, dit très
haut au surveillant :
« Mais faites-les donc taire ! C'est
à mourir de chagrin. Nous ne les avons pas, les
noms. » (Ge, p450) ;
En définissant la conséquence
réelle comme celle qui s'est effectivement déroulée, il
est difficile de percevoir comme nous le dit Mauger (1968 : 329) une
conséquence réelle dans ces occurrences. En effet, à
crever de [18a], conséquence de la cause travail n'est
pas, à notre humble avis, présentée comme effective, ou
même éventuelle. Il en est de même pour [18b], à
mourir conséquence de chagrin. On a tendance à
prendre ces suites (à crever et à mourir) comme
des locutions verbales qui expriment une figure de style, en l'occurrence
l'hyperbole. Alors, le locuteur affirme-t-il que l'intensité du travail
est capable de provoquer le fait crever ? Or, comme le dit
Moignet (1981 : 65) l'infinitif donne une image du temps en pur
accomplissement, sans rien en elle d'accompli, et que designer un
verbe par sa forme d'infinitif n'est pas une convention sans fondement ;
c'est utiliser, pertinement (sic), la forme qui inaugure le verbe et contient
en puissance la totalité du défilé de ses formes. En
somme dans le discours donc, au moment de l'énonciation, le locuteur
fait de ce verbe à l'infinitif ce qu'il veut. Il peut décider de
conserver la forme infinitive. Tout dépend de ce qu'il veut exprimer.
C'est la raison pour laquelle les énoncés supra ne sont pas
faciles à interpréter. Chaque sens est possible :
l'éventualité, l'irréalité et la
réalité. Autant de raisons qui ne militent pas en faveur d'une
décision. L'infinitif est donc une forme mitigée qui permet au
locuteur de camoufler ses pensées.
3. La
conséquence niée
La négation est l'action de nier, de refuser. Dans la
logique, l'opération de négation inverse la valeur de
vérité d'une proposition. Cependant, le concept de
négation n'est pas si facile à définir. D'ailleurs Muller
(1991 : 16-17) fait une revue de la littérature de cette notion, il
conclut qu'on ne peut définir la négation ni par
l'altérité comme le disait Platon, ni par l'absence comme le veut
Katz car, pense Muller,
la négation n'est pas autre chose que ce qu'elle
dit, et que la sémantique ne peut formuler qu'en recourant à
elle : qu'un « énoncé n'est pas adéquat,
qu'un ordre n'est pas accepté, qu'une situation n'est pas
réalisée.
Pour ce faire, la négation n'est pas une notion
opératoire, c'est-à-dire qu'elle ne permet pas d'effectuer des
raisonnements logiques ; dans ce cas, dit Muller, écartons tout
d'abord les tentatives faites pour donner à la négation un
contenu substantiel. Pour ce qui est de la conséquence
manquée ou niée, Mauger (1968 : 339), affirme qu'elle
désigne celle qui n'a pas eu lieu. Elle est exprimée de
différentes façons : la préposition sans, la
locution conjonctive sans que.
3.1.
La préposition sans
La préposition sans traduit le manque, la
privation, l'exclusion. Elle établit un rapport d'un terme à un
autre. Brunot (1965 :615) repris par Hybertie (op cit.: 103) note que
sans établit qu'une réalisation a eu lieu
alors que l'autre ne s'est pas produit. Dans ce sens Muller
(1991 :403) souligne que sans est un négatif inverse
pouvant être remplacé par le gérondif ; négatif
inverse parce que l'opérateur de négation inverse la valeur de
vérité de ce qui est affirmé ; de ce fait le
connecteur sans est un mot négatif, conclut Muller. Feigenbaum
(1996), donne à sans le titre de connecteur parce qu'il
établit un rapport entre les termes en y joignant une nuance de sens.
Comme marqueur de conséquence manquée, sans crée
deux structures : Sans + infinitif et sans + GN.
3.1.1.
Sans + infinitif
Dans la structure sans suivi de l'infinitif, le
connecteur vient nier le procès que représente l'infinitif pour
les verbes qui sont favorables à la valence, c'est-à-dire qu'ils
(les verbes) représentent, comme l'affirme Peirce
(1965 : 278) repris par Feigenbaum (1996 :295), un
évènement qui est normalement accompagné, suivi ou
précédé d'un autre évènement. Nous
rencontrons ces cas dans les énoncés suivants :
19a. C'était imbécile d'avoir un si gros
désir, l'un de l'autre, sans jamais se
contenter. (Ge, p167) ;
19b. Cela (l'alcool) remuait en lui tout un inconnu
d'épouvante, le mal héréditaire, la longue
hérédité de soûlerie, ne tolérant plus une
goutte d'alcool sans tomber à la fureur
homicide. (Ge, p357) ;
19c. Maintenant, vous allez rester là cinq minutes,
sans vous retourner ... nom de Dieu !
si vous vous retournez, il y aura des bêtes qui vous mangeront. (Ge, p
258).
Dans l'énoncé [19a], l'énonciation de
P1 : avoir un si gros désir prévoit une
conséquence -P2 se contenter : cependant le connecteur
sans établit un rapport de P1 à P2 : se
contenter, affirme la fausseté de P2, c'est-à-dire
l'évènement qui est normalement attendu ne se réalise pas.
Pour une interprétation pragmatique, il faut recourir aux connaissances
du monde. En effet, dans l'univers référentiel, lorsque deux
personnes se désirent, l'action la plus attendue est de les voir
contenter leur désir. Or dans le cas présent cette
conséquence n'a pas eu lieu, le désir est comme suspendu. C'est
dans ce sens qu'on parle de conséquence niée que Feigenbaum
(1996 : 293) représenterait par le schéma suivant :
« (+A) avoir (-B) se contenter) le signe (-) devant B
signifie que B n'a pas été réalisée. Ainsi
reconnaît l'auteur il existe une affinité sémantique
entre A et B, qui est conservée hors texte. C'est cette
affinité sémantique conservée hors texte qui
permet de parler de conséquence niée. Cet aspect de l'analyse
permet de distinguer la conséquence manquée du complément
de manière.
En effet, dans l'énoncé [19c]
l'évènement aller rester là
décrit dans P1, n'induit pas automatiquement
l'évènement sans se retourner de P2. Le locuteur
décrit la manière, c'est-à-dire l'attitude que doivent
adopter les enfants. Le même phénomène est observé
dans la structure avec GN.
3.1.2.
Sans + GN
Dans la structure sans suivi du
groupe nominal, le connecteur nie plutôt l'action que décrit le
groupe nominal. C'est dans ce sens que ces exemples nous semblent
pertinents :
20a. Son frisson ancien le reprenait :
L'aimait-il donc, était-ce donc celle-là qu'il
pourrait aimer, [...] sans un monstrueux
désir de destruction ? (Lbh, p151) ;
20b. Les hommes, pour éviter d'aller au cabaret,
dormaient la journée entière ; les femmes [...] devenaient
raisonnables [...] ; et jusqu'aux bandes d'enfants qui avaient l'air de
comprendre, d'une telle sagesse, qu'elles couraient pieds nus et se griffaient
sans bruit. (Ge, p 202) ;
20c. [...], nous qui vivons sans
fracas, [...], qui nous contentons de vivre sainement avec ce que nous
avons, en faisant la part des pauvres ! (Ge, p 216).
Les évènements P1 : pouvoir aimer
et P2 : monstrueux désir de destruction décrit dans
[20a], ne permettent pas d'établir facilement un lien logique de
consécution. Seulement, le contexte d'emploi de sans favorise
l'interprétation de P2 comme une conséquence manquée. En
fait, Jacques, l'agent dont les pensées sont indirectement
exprimées par le locuteur, est issu d'une famille éthylique.
Alors, lorsqu'il se trouvait en face d'une fille, il n'avait qu'une seule
envie, celle de tuer. Le locuteur s'interroge si en aimant Séverine, ce
serait sans conséquence : sans avoir le monstrueux désir
de tuer. En revanche, dans l'exemple [20b], la séquence sans
bruit est, selon notre point de vue, une séquence ambiguë qui
ne peut s'interpréter que selon le contexte. En effet, si l'on s'attend
au cri, après les griffes, alors on a affaire à une
conséquence manquée ; par contre la même
séquence peut être interprétée comme la
manière si le locuteur exprime la façon de se griffer.
3.1.3.
Le connecteur Sans que
Le connecteur sans que est composé de la
préposition sans et de la conjonction que. Il est
classé comme sans, parmi les connecteurs plurifonctionnels,
donc équivoques. En effet, Wagner et Pichon (1962) le classent parmi les
connecteurs de cause. Pendant ce temps, Mauger (1968 :339) infirme
l'approche de ces auteurs en relevant que sans que induit une
conséquence manquée. A ce propos, Riegel et alii (1996 :
512) relèvent que : une orientation négative unit sans
que qui marque la négation d'un procès concomitant ou
consécutif, tandis que Jazé Zanfack (2005 :46)
reconnaît qu'avec sans que,
le locuteur commence par admettre une idée, [...],
puis énonce un contre argument qui vient modérer la
vérité admise. Ainsi la relation sémantique qui
existe entre la principale et la subordonnée peut être
identifiée comme une conséquence inopérante ou
absente.
Toujours dans le même sens GONTSOK ASSAMA (2006 :
18) déclare que : sans que marque la cause fausse,
c'est-à-dire la cause alléguée par un autrui et
rejetée par le locuteur.
Dans l'un ou l'autre cas, les échantillons qui suivent
permettront de vérifier ces équivoques.
21a. Les revendications pratiques de Rasseneur se mêlaient
en lui aux violences destructrices de Souvarine ; et, quand il sortait du
cabaret de l'Avantage, [...], il assistait à la
régénération radicale des peuples, sans
que cela dût coûter une vitre cassée ni
une goutte de sang. (Ge, p.160) ;
21b. Pendant quinze années, le ménage habita la
même ville de province, sans qu'un
évènement rompît la monotonie de son existence, [...].
(Ge, p 192) ;
21c. Georges ce soir-là restait pâle, [...]. Au
sortir de table, il avait entendu Philippe plaisanter avec la jeune
femme ; et, maintenant, c'était Philippe, ce n'était pas lui
qui se trouvait près d'elle. Toute sa poitrine se gonflait et
s'éclatait, sans qu'il sût pourquoi. (Na,
p.319).
Ainsi dans [21a], P1 : il assistait à la
régénération radicale des peuples, et la
vérité admise qui est modérée par P2 :
cela dût coûter une vitre cassée ni une goutte de
sang. Ce qui arrive généralement dans une situation de
grève est la casse. Le fait décrit n'est pas encore réel
ni pour P1, ni pour P2. Le locuteur décrit un état mental, celui
du héro (Etienne) qui a hâte de voir non seulement le
déroulement de la grève, mais son issue qu'il espère
heureuse. L'énonciation de [21a] n'est qu'une prolepse qui permet au
lecteur de partager l'enthousiasme des mineurs et du héro. Toutefois
cela permet de voir qu'il s'agit dans P2 d'une conséquence niée.
En revanche, cette analyse n'est pas possible avec les
énoncés [21b], nous avons deux situations P1 : pendant
quinze années, le ménage habita la même ville de
province, et P2 : un évènement rompît la monotonie
de son existence. Sans que introduit ici la cause car, dans
l'expérience du monde, ce qui rompt la monotonie est la cause. Or,
sans que signifie que cette cause n'a pas eu lieu ; c'est
pourquoi la monotonie demeure.
La valeur d'emploi des connecteurs sans et sans
que dépend du contexte d'utilisation et même de
l'environnement extralinguistique. Pour ce faire, Muller note que la
négation est pleine de supposition pendant que Riegel et alii parlent de
polémique et Feigenbaum d'affinité sémantique
conservée hors texte. Quelle que soit la terminologie, cela
réside dans l'intention de l'auteur qui n'est pas clairement
exprimée. Le rôle primordial des connecteurs étant de
guider l'interlocuteur dans son parcours interprétatif comme le pense
Gary-Prieur (1999 :17), ces deux marqueurs ne souscrivent pas à
cette fonction principale puisqu'ils ne permettent pas au co-locuteur de
minimiser ses efforts cognitifs.
Ce chapitre consacré à l'étude des
marqueurs morphologiques de la conséquence et à
l'évaluation de leurs impacts sur le plan argumentatif a mis en
lumière leur rôle d'indicateur de la conséquence explicite.
Tout en exprimant la conséquence, le locuteur la présente comme
une suite réelle ou objective, irréelle, manquée. Il
apporte aussi d'autres précisions à la conséquence
réelle qui peut être un fait attendu ou inattendu. Certains
marqueurs inférentiels tout comme les marqueurs factuels introduisent la
conséquence factuelle. Les marqueurs inférentiels jouent en
commun le rôle de structuration du discours, mais avec une visée
spécifique pour chaque connecteur. Et, l'interchangeabilité qu'on
observe entre certains connecteurs n'est qu'apparente. En dehors de ces
considérations générales, le fait marquant que nous avons
dégagé est que le groupe prépositionnel à
l'infinitif exprime une conséquence mitigée et peut permettre
à l'énonciateur de dissimuler la signification exacte de son
propos ; le groupe prépositionnel nominal est une tournure
stylistique qui est en l'occurrence l'hyperbole. Il peut, à ce titre,
être rapprochée de la forme d'expression de la conséquence
par l'intensité, selon notre perception. Par ailleurs, nous
considérerons la locution finir par comme un outil d'expression
de la conséquence à l'instar de suffire.... pour que, achever
de, entraîner etc.
Dans la perspective, d'élucider toutes les nuances dont
un connecteur pragmatique est chargé, l'allocutaire recourt à
l'environnement contextuel du connecteur et à l'univers
extralinguistique. L'étude de la position de ces outils de liaison dans
les énoncés s'avère donc nécessaire.
La conséquence étant une relation à la
fois morphologique, syntaxique et sémantique, il est nécessaire
de se pencher également sur le deuxième aspect pour voir comment
se comporte cette notion sur le plan morphosyntaxique ainsi que les valeurs
qu'elle dégage. C'est l'objet du prochain chapitre.
CH APITRE 3
LA CONSÉQUENCE MORPHOSYNTAXIQUE :
PROPRIÉTÉS ET VALEURS
L'analyse des outils morphologiques de la conséquence
nous a permis de constater deux éléments :
premièrement, la classe des connecteurs pragmatiques ne forment pas une
classe unique et homogène, ils forment donc une classe ouverte. Ce que
Nølke (1993 : 22) a déjà relevé de même
que Zufferey (2007 : 250) ; deuxièmement, les connecteurs
pragmatiques introduisent la conséquence explicite avec plusieurs
valeurs. Les connecteurs inférentiels qui sont à la source de la
plupart de ces valeurs n'ont pas de position fixe dans les
énoncés. Ce qui, d'une part, explique le caractère
éventuel de leur commutation et d'autre part, met en lumière les
relations qu'ils établissent entre les unités linguistique et
discursive de divers niveaux. Ceci amène Plantin (2002a : 1-2)
à relever que :
Dans le discours, les énoncés
succèdent aux énoncés [...] et les thèmes
discursifs ou conversationnels se succèdent en fonction des
intérêts, des phobies et des histoires des locuteurs,
partagés ou non : un contenu qui en implique un autre, un champ
sémantique qui développe son isotopie, une idée
reçue qui en convoque une autre, des constructions syntaxiques qui, en
parallèle ou en opposition, se complètent, des sonorités
et des rythmes qui s'appellent et s'organisent en formes globales.
Un constat se fait : la seule
présence d'un connecteur dans un énoncé ne peut pas
permettre de déterminer les différentes visées qui
accompagnent l'utilisation d'une forme d'expression de la conséquence.
L'aspect pragmatique étant marqué dans le discours par des formes
liées tant à la syntaxe qu'à la morphologie, voire
à la stylistique, ce chapitre se propose de se pencher sur l'aspect
morphosyntaxique de la notion pour en étudier les structures qui entrent
dans l'expression de la conséquence. Pour cela, nous commencerons par
l'étude des structures implicites de la conséquence pour arriver
à l'analyse des types et valeurs de relations de cause à effet,
en passant par le rapport entre la consécution et les
modalités de phrase.
1. La
conséquence implicite
L'implicite représente ce qui est contenu dans ce qui
a été exprimé, non pas en termes formels, mais de telle
sorte qu'il en découle. Pour Charaudeau et Maingueneau (2002 :304),
il y a implicite lorsque les énoncés représentent, en
plus de leur contenu explicite, un ou plusieurs contenus implicites, qui
viennent se greffer sur le précédent, et peuvent même le
détourner à leur profit [...]. La conséquence
implicite est donc celle qui découle de l'interprétation
naturelle des énoncés. Elle se manifeste sur le plan
morphosyntaxique par la juxtaposition et l'apposition.
1.1.
La juxtaposition
La juxtaposition relève de la parataxe. Celle-ci
s'applique traditionnellement à des énoncés où se
trouvent couplées au moins deux constructions prédicatives, en
l'absence de tout lien entre elles. Le lien causal peut être
marqué par une pause forte, une pause faible ou un point virgule. C'est
dans ce sens que Riegel et alii (1996 :469) déclarent :
il y a juxtaposition lorsque la phrase complexe est
formée d'une suite de deux ou plusieurs propositions qui pourraient
être considérées chacune comme une phrase autonome, qui
sont généralement séparées à l'oral par une
pause et à l'écrit par un signe de ponctuation, mais le rapport
n'est pas explicitement marqué par un mot de relation.
Cependant, les énoncés juxtaposés sont
parfois complexes, la démarche que propose Danlos (1998 :98) permet
de démêler les ambiguïtés que suscite ce type de
structure. On peut donc avoir affaire soit à une causalité
directe, soit à une causalité indirecte.
1.1.1.
La causalité directe
On parle de causalité directe lorsque les
éventualités impliquées sont contiguës,
c'est-à-dire qu'entre les états de chose ou les
évènements qui sont juxtaposés, la distance est faible
entre la cause et le résultat. Parlant de causalité directe,
l'auteur affirme qu'elle est une action effectuée par un agent
humain H ; cette action affecte directement une entité X qui
représente un humain ou un objet concret ; le résultat est
le changement d'état physique pour l'entité X. Deux ans plus
tard, l'auteur lui-même rectifie sa perception. Ainsi, Danlos
(2000 :1) qualifie de causalité directe, celle qui est
conceptuellement définie de la façon suivante : le
résultat est un changement d'état physique ou matériel
pour une entité X, la cause décrit une situation ayant
directement causé ce changement d'état. Il reconnaît
que la cause peut être un être humain ou une situation. Dans l'un
ou l'autre cas, les échantillons de la relation causale directe
s'observent dans [1] :
1a. - Son frère a volé, il est en prison,
dit la mère durement. (Na, p.399) ;
1b. Luc a cogné la carafe contre l'évier. Il
l'a cassée (Danlos 2000 :1).
Dans [1a], la conséquence est introduite par la
séquence il est en prison qui n'est pas reliée à
la cause exprimée par la séquence son frère a
volé par un outil de liaison. La cause est directe,
c'est-à-dire, c'est l'action de voler qui est la cause immédiate
de celle d'être en prison. Telle que la phrase est structurée, la
conséquence est obtenue par inférence qui représente une
interprétation naturelle de l'énoncé. Néanmoins,
pour une meilleure compréhension de la relation et de l'intention de
l'auteur, cet énoncé mérite d'être
désambiguïsée. Pour cela, Danlos (2004 : 2-3), propose
de vérifier s'il existe une relation de coréférence
événementielle, c'est-à-dire le type de rapport qui existe
entre l'argument de P1 et celui de P2. En clair, l'auteur veut savoir à
quoi réfère le groupe nominal son frère de
voler et le pronom personnel il de être en
prison. En fait, l'occurrence [1a] est prononcée par la mère
de Philippes, frère de Georges, ces deux enfants qui se sont
entichés de Nana, la prostituée. Le GN son frère
est coréférent à il et les deux arguments
représentent Philippes. C'est donc Philippes qui a volé et c'est
lui qui est en prison.
Toutefois, il ne s'agit pas, pour la mère de Philippes,
d'informer Nana, mais surtout de lui faire comprendre que c'est à cause
d'elle que son fils est en prison. En fait Nana est une prostituée,
avide d'argent, qui met sur le carreau tous ceux qui tournent autour d'elle. Et
Philippes, officier de l'armée, de bonne moralité avant sa
rencontre avec la jeune fille, est l'une des proies de la prostituée.
Parce qu'il a voulu plaire à cette dernière, il a trempé
la main dans la caisse de l'Etat, d'où la prison. Pour la maman qui
connaissait bien son fils, Nana a ensorcelé son fils, elle est donc
responsable de sa déchéance. En exprimant de manière
directe la relation causale, le locuteur rend son argumentation
cohérente et favorise également le décodage du message
dans sa profondeur. C'est dans ce sens que Moeschler et alii (2006 :245)
soulignent :
Notre compréhension des relations causales entre
évènements est directement liée à notre
capacité à construire des chaînes causales et plus les
liens entre les événements / ou les états sont proches sur
une même chaîne causale, plus la relation causale est accessible et
le discours interprétable.
Ce qui n'est pas le cas pour la relation causale indirecte.
1.1.2.
La causalité indirecte
On parle de causalité indirecte lorsque
l'interprétation de l'événement décrit
explicitement dans P1 ne constitue pas la cause efficiente de l'effet
décrit dans P2. La cause directe est implicite. Ce type de juxtaposition
ne permet pas une interprétation aisée de la causalité.
Par exemple, les énoncés [2] sont ambigus :
2a. Enfin, le président eut l'idée d'un vote par
acclamation. Les bras se levèrent, [...] (Ge, p 241) ;
2b. Entré un des premiers, il (Jeanlin) avait
gambillé au travers de la cohue, enchanté de cette bagarre,
cherchant ce qu'il pouvait faire de mal ; et l'idée lui
était venue de tourner les robinets de décharge, pour
lâcher la vapeur. Les jets partirent avec la violence d'un coup de
feu [...] (Ge, p310) ;
2c. Mais un coup d'oeil lui a suffit, il s'est conduit en
homme du monde...
(Na, p.306).
En [2b], il n'est pas facile d'établir une relation
directe entre les bras qui se lèvent et l'idée d'un
vote par acclamation. Il est donc nécessaire d'inférer
d'abord une cause qui est implicite dans l'énoncé. En effet,
après avoir eu l'idée d'un vote par acclamation, il a fallu
exposer son idée à l'assistance pour que les camarades mineurs
puissent lever leurs bras pour voter. Il en est de même avec [2c]
où il faut que Jeanlin concrétise son idée par exemple, en
ouvrant les vannes pour que la conséquence : Les jets partirent
avec la violence d'un coup de feu, puisse avoir lieu. Pour qu'il y ait une
logique dans la déduction de la conséquence, il faut d'abord que
le co-locuteur infère la cause. Il s'agit, pense Danlos (2000 :
2), de la forme elliptique d'une chaîne causale plus longue ;
forme qui augmente la distance entre la cause et la conséquence. La
maxime de quantité qui veut que le locuteur livre une quantité
suffisante d'informations n'est pas respectée par ce dernier. La
causalité est ici indirecte ou sous-entendue.
Le sous-entendu représente toute information qu'un
énoncé véhicule, mais dont l'extraction du contexte
énonciatif est révélatrice de sens. Pour
Kerbrat-Orecchioni (1986 :36), les sous-entendus regroupent
les informations qui sont susceptibles d'êtres
véhiculées par un énoncé donné mais dont
l'actualisation reste tributaire de certaines particularités du
contexte énonciatif. Si un locuteur dit à son interlocuteur
adonné à la tabagie : Jacques a cessé de fumer, cette
phrase est un sous-entendu : tu devrais cesser de fumer, toi aussi.
Sur le plan énonciatif, l'expression de la
conséquence par la cause indirecte permet au locuteur de faire une sorte
d'économie dans son propos et oblige le co-énonciateur à
fournir plus d'effort dans le décodage du message. Economie qui opacifie
la pertinence du discours ; pertinence que Reboul et Moeschler
(1998 :91), perçoivent comme une question d'équilibre
entre efforts cognitifs et effets contextuels : plus
l'énoncé demande d'efforts cognitifs, moins il est
pertinent : plus l'énoncé produit d'effets contextuels, plus
il est pertinent. Moeschler et alii (2006 :245) renforcent cette
position en reconnaissant que l'augmentation de la distance sur une même
chaîne causale rend la connexion moins accessible et le jugement de
cohérence ou d'acceptabilité du discours négatif.
Zufferey (2007 : 259-260) va plus loin pour signaler que dans l'analyse
du discours, le connecteur assure juste la connexion entre deux
énoncés alors dans l'analyse de la pertinence :
Les connecteurs pragmatiques sont désormais
considérés comme des marques procédurales qui ont un
rôle à jouer dans le traitement des informations au niveau du
système central de la pensée, donc au niveau pragmatique. Ils
vont notamment servir à déterminer les effets contextuels de
l'énoncé et à faciliter le traitement de l'information en
minimisant les efforts cognitifs. En résumé, leur rôle
n'est plus de lier des éléments mais de guider
l'interprétation des énoncés en donnant des instructions
sur la manière de construire le contexte et de tirer des implications
contextuelles.
Ainsi avec les connecteurs, l'effort de traitement de
l'information est minimisé parce que, comme nous l'avons vu au chapitre
précédent, les connecteurs indiquent les informations à
connecter ainsi que les manières dont elles doivent être
traitées. Malgré cela, on note tout simplement qu'il s'agit d'un
choix de stratégie discursive qui se manifeste à travers la
disposition des énoncés qui, d'ailleurs, n'est pas gratuite comme
l'a déjà noté Eba'a (2003 :163). L'étude de la
juxtaposition dans l'expression de la causalité dévoile qu'il
existe entre la cause et l'effet une relation bien plus complexe que ce qu'on
voit habituellement.
Cependant en plus du contexte et de la connaissance du monde
qui favorisent une inférence causale ou consécutive, leur
interprétation est guidée par la prosodie et l'intonation, ce qui
amène Bonnard (1992 :310) à souligner que l'intonation
et la marque des deux points peuvent suffire à marquer une relation de
cause. Ces points lient deux phrases : l'apodose qui constitue la
partie ascendante et la protase, la partie montante ; et c'est la
protase qui exprime la conséquence. Pour vérifier cela, les
marques de ponctuations peuvent être remplacées par des
connecteurs consécutifs comme dans ces énoncés :
1a'. Son frère a volé si bien que / de
sorte qu'il est en prison.... ;
2c'. Mais un coup d'oeil lui a suffit,
et il s'est conduit en homme du monde...
Le constat fait montre que les connecteurs factuels semblent
mieux s'intégrer dans les énoncés traduisant une
causalité directe tandis que les connecteurs inférentiels
semblent s'adapter aux énoncés marquant une relation
inférentielle. Malgré l'intérêt que suscite cette
observation, nous ne pouvons pas nous attarder sur cet aspect de peur de diluer
l'objet de notre travail. Le locuteur préfère la forme
paratactique parce qu'elle est proche de la conséquence
inférentielle.
Parlant de la conséquence inférentielle, nous
avions vu que c'est le locuteur qui décidait de l'orientation à
donner à son propos, elle est subjective. La même conclusion peut
être tirée de la conséquence implicite. La juxtaposition,
en effet, permet au locuteur de faire une économie de son propos. Cette
économie le met à l'abri de tout jugement critique autre que
celui qu'il souhaite. Et, si son propos suscite une critique, il peut toujours
nier et se cacher derrière le sens littéral de son propos. C'est
donc à dessein que le locuteur choisit, pour certaines
énonciations, soit le connecteur inférentiel, soit la
juxtaposition des énoncés ; il évite ainsi les
connecteurs factuels qui donnent une certaine objectivité à son
énonciation et l'expose à une éventuelle contestation. Ce
cas peut être vérifié dans [1a], en effet, aux accusations
de la mère de Philippes, Nana peut toujours se défendre en
répliquant qu'elle n'a contraint personne ni à lui faire la cour
ni à lui promettre de l'argent. En assombrissant donc son message pour
échapper à toute critique du lecteur ou du co-locuteur, le
locuteur donne à son interlocuteur, peut-être sans se rendre
compte, les moyens de se défendre si d'aventure il se sent
indexé. De toutes les façons, l'énonciateur se trouve
être le meilleur bénéficiaire de la controverse autour de
la notion de vérité.
Du terme vérité on retient qu'il
représente la conformité de ce qu'on dit, de ce qu'on pense avec
ce qui est vrai. Il existe divers types de vérités :
philosophique, scientifique, littéraire, etc. Ce dernier aspect est
celui qui nous intéresse, la vérité littéraire est
le sens que le récepteur a d'un texte. A ce sujet, Barthes (1966 :
56) reconnaît qu'une oeuvre est un chef-d'oeuvre
non parce qu'elle impose un sens à des hommes
différents, mais parce qu'elle suggère des sens différents
à un homme unique, qui parle toujours la même langue symbolique
à travers des temps multiples : l'oeuvre propose, l'homme dispose.
Ainsi, le locuteur ou l'auteur écrit et l'allocutaire
ou le lecteur interprète. Dans le même esprit, Todorov
(1968 : 17) souligne que le sens du texte n'est pas unique comme la
lecture linéaire d'un texte : de gauche à droite et
de haut en bas, mais il est comme la lecture qui disjoint le contigu et
rassemble l'éloigné, qui constitue précisément
le texte en espace et non en linéarité. Le sens linéaire
d'un texte est unique, mais le texte n'a pas un sens référentiel
unique ; il (le texte) n'est plus la parole d'un individu, parce qu'il
échappe à son contexte d'origine. La fonction symbolique de la
langue donne à l'oeuvre une vie parce que la première permet
à la deuxième de s'intégrer dans chaque époque, et
même dans chaque contexte. Ceci peut faire croire que
l'auteur donne ainsi une licence dangereuse à la
surinterprétation et à la mésinterprétation,
c'est-à-dire à l'exercice intempérant d'un type
d'interprétation qui se croit tout permis, mais il s'agit d'une
liberté consciente. Pour comprendre l'oeuvre, le récepteur doit
la réinventer, mais en collaboration avec l'auteur ou
l'énonciateur. Il doit exister entre eux une sorte de connivence. C'est
pourquoi, pour mieux comprendre la position de Barthes, il faut aller en amont
pour examiner le point de vue d'Umberto (1965 : 25). L'auteur souligne en
fait que :
ici encore, « ouverture » ne signifie
pas « indétermination » de la communication,
« infinies » possibilités de la forme,
liberté d'interprétation. Le lecteur a simplement à sa
disposition un éventail de possibilités soigneusement
déterminées, et conditionnées de façon que la
réaction interprétative n'échappe jamais au contrôle
de l'auteur.
Ainsi, non seulement pour l'interprétation, l'auteur
laisse expressément dans le texte des indices et les vides à
remplir par l'interprète pour obtenir le sens de l'énoncé,
il a même l'opportunité de choisir la forme à donner
à son énoncé. D'ailleurs relèvent Todorov et
Bakhtine (1981 : 88), il n'y a pas de message tout fait, remis par A
à B. Il se forme dans le processus de communication entre A et B.
Ensuite il n'est pas transmis par l'un à l'autre, mais construit entre
eux comme un pont idéologique. Si nous convenons avec Barthes
qu'un texte possède plusieurs sens, il serait donc contradictoire de
penser que le locuteur a plusieurs intentions. C'est pour cela qu'il est
possible de dire que le sens de l'énoncé, c'est celui qu'en donne
le locuteur. C'est dans ce sens que Compagnon (1999 : 4) affirme que
l'oeuvre répond à la question : Quelle valeur à
ce texte ? En d'autre termes : quelle signification à ce
texte ? Or l'auteur dit que la signification désigne ce qui
change dans la réception d'un texte, c'est le lieu de toutes les
contingences qui caractérisent les différentes
interprétations faites sur un livre. Ce sens, le locuteur le dissimule
très bien à travers l'implicite, pour ce qui est de l'expression
de la conséquence. Et, pense Compagnon (1999 :1), le travail de
l'analyste consiste à vulgariser le vouloir-dire de l'écrivain,
c'est-à-dire son intention claire et lucide, seul
critère de validité d'une interprétation. Il est
possible de nuancer la position de Compagnon, en disant qu'il ne s'agira pas de
l'intension claire et lucide de l'auteur, mais d'une
interprétation jugée plus proche du vouloir-dire du locuteur,
tout ceci n'empêche toutefois pas Gary-Prieur (1999 :20) de
reconnaître que l'interprétation peut conduire à une
infinité de sens. Et Kerbrat-Orécchioni (2005 :81) de
souligner que le sens ne se donne pas à voir, il doit être extrait
de son enveloppe qui est la forme selon un processus complexe et
tâtonnant. Pour y parvenir, les co-locuteurs tout comme l'analyste
du discours doivent construire, à propos d'un segment donné
une hypothèse interprétative. Etant donc conscient de la
multiplicité d'interprétations que peut connaître un
énoncé, le locuteur veille sur la forme de son
énoncé. C'est dans ce sens que, souligne Nølke
(1993 : 32-33) :
le locuteur dispose en effet d'une gamme de moyens
linguistiques pour indiquer comment il faut interpréter son texte, et,
plus particulièrement, pour préciser quels sont les fils qui
tissent la toile qu'est le texte. On peut inventorier ces moyens. Il s'agit
notamment des anaphores, des isotopies, de la structure thématique, de
la structure polyphonique.
Autant d'éléments qui militent en faveur de
l'exploration de l'autre aspect de la causalité morphosyntaxique qu'est
l'apposition.
1.2.
L'apposition
L'apposition représente généralement un
terme placé à coté d'un autre et désignant la
même chose que celui-ci. Ainsi perçue, la relation
morphosyntaxique entre les termes juxtaposés est symétrique.
Voilà pourquoi, relève Scheppers (2000 :7), les
constituants impliqués appartiennent prototypiquement à la
même catégorie morphosyntaxique, et sont interprétés
comme ayant la même fonction par rapport à la structure
matrice. Dans ce sens, deux structures sont recensées comme pouvant
exprimer la conséquence : la relative apposée et le
participe présent.
1.2.1. La relative
apposée
Cette notion a déjà été
abordée au premier chapitre de ce travail. Nous y revenons pour montrer
l'effet pragmatique qui sous-tend l'emploi de cette forme linguistique pour
exprimer la conséquence. Dans cette optique, il convient de rappeler que
la valeur explicative est la valeur première attachée à la
relative apposée. Cette valeur est destinée à faire
comprendre le terme auquel elle est liée, c'est-à-dire son
antécédent. Les valeurs circonstancielles qu'elle dégage
sont secondaires. Ces valeurs peuvent relever de la cause, du but, de
l'opposition de la conséquence, etc. La relative apposée est donc
chronologiquement soumise à la principale. C'est ce qui fait dire
à Kerbrat-Orecchioni (op cit. :175)
lorsque deux faits sont présentés comme
étant en relation de succession chronologique (ou de coexistence), on a
souvent tendance à établir entre eux une relation logique de
cause à conséquence ou de conséquence à cause.
En d'autres termes, l'auteur parle du principe post hoc
ergo propter hoc, qui veut dire littéralement après
cela, par conséquent, après s'ajoute, ainsi donc. Nous
notons cela dans [3] ci-dessous :
3a. Le genièvre ressuscita la vieille, qui
[...] mordit au pain, goulûment.
(Ge, p 243) ;
3b. [...], il lui sortait de la peau un charme, un tremblement de
désir, qui la rendait rose et toute jeune. (Ge, p
244) ;
3c. [...], tandis que le gros cheval jaune repartait tout seul,
tirait pesamment entre les rails, sous une nouvelle bourrasque, qui lui
hérissait les poils. (Ge, p9).
Dans l'énoncé [3a], il s'agit d'une vielle femme
qui a perdu connaissance, tourmentée par la famine, et qui a repris ses
sens après avoir bu un peu d'alcool. Sur le plan chronologique donc,
l'énoncé pose comme P1 : la genièvre ressuscita
la vieille, qui explique P2 : qui [...] mordit au pain,
goulûment. Pour Kerbrat-Orecchioni, il est question d'une
inférence consécutive, c'est-à-dire d'une
déduction, d'un calcul interprétatif que le locuteur doit
établir entre le genièvre qui ressuscite une vielle femme et
mordre au pain goulûment. Il lui faut situer l'énoncé dans
son contexte et même faire un rapprochement avec ses connaissances des
réalités du monde, qui montrent que l'alcool permet de ramener
à la vie un homme qui est en voie de sombrer. On peut déceler le
même rôle dans le fonctionnement du participe présent.
1.2.2. Le participe présent
Le participe présent, considéré comme une
forme du verbe, implique un agent qui provoque une conséquence comme le
présentent ces énoncés :
4c. D'un effort suprême, Price venait de jeter Nana au
poteau, battant Spirit d'une longueur de tête. (Na,
p.353) ;
4b. Ce fut comme la clameur montante d'une marée.
Nana ! Nana ! Nana ! Le cri roulait, grandissait, avec une
violence de tempête, emplissant peu à peu l'horizon,
[...]. (Na, p.353) ;
4c. Tout le train passa avec son roulement de foudre, coupant
le souffre, balayant l'air ; [...].
Comme nous l'avons vu avec la relative apposée, aucun
signe morphologique ne marque la relation de cause à conséquence.
Celle-ci est déduite, elle est inférée. La même
conclusion est tirée, l'absence de connecteur consécutif marque
la subjectivité du locuteur. Ceci justifie pourquoi nous avons
perçu l'apposition comme l'une des formes morphosyntaxiques de la
conséquence implicite.
En guise de résumé de ce point, on peut dire que
l'implicite est une forme du dire qui est ambiguë ; la valeur
réelle ne peut se percevoir qu'en contexte. En choisissant l'implicite
comme forme d'expression de la conséquence, le locuteur impose à
l'allocutaire un surplus de travail interprétatif. Par l'implicite,
l'auteur reste prudent dans son propos, c'est pourquoi nous convenons avec
Maingueneau (1999 :81) que
souvent le passage par l'implicite permet
d'atténuer la force de l'agression d'une énonciation en
déchargeant partiellement l'énonciateur de l'avoir dite. Ce
dernier peut toujours se réfugier derrière le sens
littéral.
Il ressort de cette observation de l'auteur que l'effort pour
le décryptage de ce que le locuteur dit entre les lignes, de ces
sous-entendus et ces arrière-pensées qui constituent en quelque
sorte la partie immergée de son énonciation, peut même
faire l'objet de contestation. Un fait réel se dégage, il se pose
un problème de réception d'un texte littéraire. Ce
débat est si vieux et si actuel que, pour ne pas perdre de vue l'objet
de notre étude, il importe de le clore pour passer à
l'étude des types et des valeurs de la relation de cause à effet.
2. Les types et les valeurs de la
relation de cause à effet
L'étude des types et des valeurs de la relation de
cause à effet consiste, d'une part, à préciser la nature
des éléments ou des syntagmes que le discours met en oeuvre pour
introduire la conséquence, et, d'autre part, à veiller sur la
portée de ces éléments sur l'expression de la
causalité. Dans nos occurrences, nous avons relevé que ce type de
relation se capitalise dans les constructions détachées et les
autres formes linguistiques.
2.1.
Les constructions détachées
Les constructions détachées sont des
constructions dont la place est libre, qui sont séparées du reste
de la phrase par une virgule, qui ont, généralement, une
relation de coréférence avec le sujet de la phrase et qui forment
une valeur prédicative. C'est dans ce sens que Havu (2002 :1)
souligne que les constructions détachées sont
considérées par de nombreux linguistes comme des appositions
puisqu'elles
forment une prédication seconde apportant une
information supplémentaire au terme support qui constitue une composante
de la prédication première ; (ii) sont relativement mobiles
et peuvent occuper la place initiale, (iii) [peuvent] être placées
après leur support ; (iv) sont séparées du reste de
la phrase, le plus souvent par une virgule, mais aussi par deux points, des
tirets, des parenthèses, ou simplement par une pause, dans le discours
oral [...].
Par ailleurs, dans la construction détachée,
l'élément apposé ne joue pas un rôle semblable
à celui de l'épithète qui complète un nom, mais il
introduit plutôt dans l'énoncé, une nouvelle structure
prédicative en créant les circonstances ou les conditions du
déroulement de l'action du verbe. A propos, pense Tomassone
(2002 :241), les constructions détachées ont toutes un
même rôle en ce qui concerne l'apport d'information dans
l'énoncé : elles introduisent une nouvelle information
nouvelle, [...].Toutefois, dans l'expression de la relation causale,
certaines structures détachées, peuvent présenter des
relations asymétriques, avec un support clos sur le plan
morphosyntaxique, mais qui sont d'un apport prédicatif significatif tel
que le démontre ces exemples :
5a. Effrayée devant le malaise
général, la Compagnie, en diminuant son extraction
et en affamant ses mineurs, s'était fatalement trouvée,
dès la fin de décembre, sans un morceau de charbon sur le
carreau de ses fosses. (Ge, p360) ;
5b. Furieux, il (Chaval)
descendit, [...]. (Ge, p295) ;
5c. Cecile, toute rose de santé, heureuse
de respirer l'air si pur, s'égayait, plaisantait, [...].(Ge,
p465).
Il n'est pas question dans [5] de relation de symétrie,
encore moins de duplication. Qu'il soit intra ou extraphrastique, l'adjectif
qualificatif mis en apposition en [5b et c] ou la participiale apposée
en [5a] fonctionnent comme des structures indépendantes par rapport
à leur contexte. La valeur circonstancielle qu'a l'élément
apposé vient de sa prédicativité. Dans [5b],
furieux ne duplique pas il (Chaval), mais l'adjectif
apposé est une structure libre, il est donc indépendant. Le sens
que dégage ce prédicat est celui de l'explication. L'adjectif
qualificatif furieux explique le comportement ou l'attitude de l'agent
du fait décrit dans P2. L'énoncé peut donc être
glosé ainsi qu'il suit : parce qu'il était furieux, il
descendit... Furieux constitue à lui seul une phrase. Aussi
Scheppers (2002 :6) souligne que : est prédicatif tout
constituant morphosyntaxique dont la structure sémantique
prévoit, de par le noeud supérieur de sa représentation
sémantique, une position libre.
De ce fait, les mots en position de détachement
constituent des structures prédicatives et leurs apports
prédicatifs ne s'interprètent pas comme des reformulations de
leurs supports, mais comme des apports structurellement indépendants par
rapport à leur contexte. C'est pourquoi, explique Délechelle
(2004 :129),
De part sa position initiale, l'identification et donc la
construction de la valeur référentielle du terme source, fonde la
relation prédicative, puisque c'est en tant que qu'occurrence de la
notion repère que le terme source est mis en rapport avec le
prédicat.
La structure apposée forme une prédication
seconde apportant une information supplémentaire au terme support qui
constitue une composante de la prédication première. Du coup, la
définition de l'apposition mérite d'être revue ; en
fait si les constructions détachées peuvent être des
appositions, il peut ne pas exister entre le terme apposé et le terme
source une relation de symétrie ou d'identité, ce que montrent
les occurrences [5]. Dans tous les cas, les constructions
détachées sont de natures diverses : un groupe nominal, un
adjectif, un adverbe, une conjonction.
2.1.1.
L'adjectif apposé
L'adjectif qualificatif peut être
épithète, attribut ou apposé. En position
détachée, le participe passé en emploi adjectival a valeur
de complément circonstanciel de cause. Mais, comme la cause
précède généralement la conséquence, il
n'est pas étonnant que la valeur causale soit teintée
d'idée de succession temporelle. C'est le lieu de le vérifier
dans [6]
6a. Effrayé, il l'avait retenue sur son
coeur. (Ge, p488) ;
6b. Catherine,
résignée, avait appuyé contre la
veine sa tête endolorie, [...]. (Ge, p483) ;
6c. Dès le premier voyage, Catherine,
effrayée, revint en disant qu'il n'y avait plus
personne au plan incliné. (Ge, p442) ;
6d. Au jour, M. Hennebeau anxieux attendait Négrel.
« Eh bien, quoi ? »
demanda-t-il.
Mais l'ingénieur,
étranglé, ne parlait point. (Ge,
p448).
L'interprétation tient compte des critères
morphosyntaxique (ce sont des propositions participes) et des critères
sémantiques (absence des liens de marque logique explicite avec la
principale). Tout en exprimant la cause, les adjectifs apposés
décrivent un état qui explique ou justifie
l'évènement décrit dans la conséquence. Dans [6a'],
le locuteur fait comprendre ceci:
Etant effrayé / parce qu'il
(Etienne) était effrayé, il l'avait retenu sur son coeur.
Ainsi il se dégage que lorsque la construction
détachée contient une valeur causale, il doit exister une
relation de causalité entre elle et le contenu de la proposition
principale. Cependant, cette relation de causalité est implicite et,
selon Havu (2002 :394), elle dépend pour une
grande partie de l'interprétation subjective du lecteur et de sa vision
du monde. En fait, dans une culture où par exemple un amoureux sert sa
petite amie sur son coeur lorsqu'il est effrayé, l'interprétation
de la construction détachée est causale et celle de la principale
est consécutive, cela explique bien la structure de [6a'].
Sur le plan pragmatique, par l'adjectif détaché,
le locuteur oriente le co-énonciateur afin qu'il puisse identifier les
paramètres nécessaires à un ancrage discursif
adéquat du contenu de la proposition qui suit. Il fournit une
information qui doit être validée telle quelle, pour ensuite
pouvoir affirmer la proposition qui suit. Cela dit, elle peut exprimer, comme
on peut le constater dans les exemples susmentionnés des informations
nouvelles pour l'interlocuteur (qui ne sont pas introduites
préalablement dans le contexte antérieur du discours, et dont
l'interlocuteur peut ne pas être au courant). Nous parlons des
informations nouvelles, parce qu'il est difficile de dire ou de prévoir
que, chaque fois que le fait décrit par la participiale se produit ou se
produira, la même conséquence se produit ou se produira. Cette
attitude morale est une information nouvelle que le locuteur vient d'introduire
dans le discours, et qui décrit le comportement d'un personnage. En plus
de l'information, le locuteur restreint l'univers du discours, en d'autres
termes, rien ne prouve que le personnage d'Etienne n'a ce comportement que
lorsqu'il est effrayé. En clair, en commutant le lexème
effrayé par les lexèmes du même paradigme
(effaré, inquiet, troublé, etc.), on est pas certain d'avoir les
mêmes effets.
Dans tous les cas nous pensons que l'orientation que donne le
locuteur vise à faire admettre au co-locuteur qu'il n'y a que cette
circonstance qui produit la conséquence énoncée. Il limite
le domaine de validité de l'information qui suit. Par ailleurs, Havu (op
cit.) fait observer qu'avec la valeur causale, la construction
détachée peut être glosée par comme.
2.1.2.
Le connecteur comme
Les grammaires scolaires tiennent comme pour une
conjonction assurant la subordination des propositions circonstancielles de
comparaison. Au sujet de comme, Le Goffic (1993 :484) pense qu'il
est adverbe de phrase. Selon Bonnard (1992 :165), comme est une
conjonction de subordination à côté de quand, si,
que et les composés de que. Pour distinguer les
conjonctions de leurs homonymes, Bonnard (op.cit.) note que la conjonction
marque le début d'une proposition subordonnée à
l'intérieur de laquelle il n'assume aucune fonction. Pour l'auteur
les quatre conjonctions sus-citées se trouvent être homonymes de
mots appartenant à d'autres classes grammaticales (quand
adverbe interrogatif, comme et si adverbes exclamatif,
que pronom relatif ou interrogatif) ; il convient d'ajouter que
la conjonction comme, à l'intérieur de la même
classe grammaticale, sert aussi à exprimer d'autres circonstances. En
début de phrase, elle présente deux effets de sens
particuliers : la valeur temporelle et la valeur causale. C'est ce second
aspect qui fait l'objet de notre préoccupation. Et nous le
démontrons dans les occurrences [7] :
7a. Comme il n'y avait pas de bancs autour du
bal, Catherine, après chaque danse, se reposait à la table de
son père. (Ge, p.153) ;
7b. Comme il faisait très beau, elle
renvoya sa voiture [...]. (Na, p.313) ;
7c. Puisque le bon Dieu était mort,
la justice allait assurer le bonheur
des hommes, en faisant régner
l'égalité et la fraternité. (Ge, p.164) ;
7d. Mais, puisque tu ne peux souffrir personne
à ton côté, j'agirai
désormais tout seul... (Ge, p 232).
Dans sa valeur causale, le connecteur comme permet de
justifier ce que l'on vient de dire. La conjonction comme est
employée quand la cause est connue. Il a alors une valeur logique et se
met toujours en début de phrase. La valeur causale de comme,
pense Gontsok Assama (2006 :63), implique une certaine
solidarité entre les faits, parce que la relation entre le
premier et le fait principal est une relation de suite naturelle, de
prolongement. En fait, en [7a], la subordonnée en
comme : il n'y avait pas de bancs autour du bal. Il
s'agit de la description qui justifie l'état de chose exprimé par
la séquence : Catherine se reposait à la table de son
père. Nous faisons la même lecture avec l'adjectif en
position détachée, d'ailleurs Havu (op cit. 390-392), reprenant
Combettes (1998 :42,46) repartit les constructions détachée
en deux catégories principales : celles qui sont uniquement
descriptives et qui correspondent surtout à une proposition relative, et
celles qui ont des valeurs circonstancielles. Pour départager ces deux
valeurs, l'interprétation doit être linguistique, contextuelle,
voire même extralinguistique. L'auteur relève sept valeurs
circonstancielles : temporelle, causale, conditionnelle, concessive,
restriction (en tant que X, quant à sa carrière comme
X), opposition (qu'il s'agisse de X ou d'Y), ajout (en plus
d'être). Qu'il soit donc adjectif apposé ou conjonction en
construction détachée, Havu (op cit : 395) note que,
Dans les cas où la construction
détachée peut avoir une valeur causale sans nuance temporelle
d'antériorité, elle décrit un état inhérent
ou un état transitoire de longue durée qui forme un
arrière-plan à l'action décrite dans la phrase
principale.
Il ajoute que c'est le cas de comme, parce que
et puisque dans [7c et d], pourvu qu'il y ait possibilité
de paraphraser les constructions étudiées par une
subordonnée contenant le verbe être. Ainsi, [7b et c] devient en
[7b' et c'] :
7b'. Le temps étant très beau, elle renvoya sa
voiture [...]. (Na, p.313) ;
7c'. Le bon Dieu étant mort, la justice allait assurer
la bonheur des
hommes, ...
A notre humble avis, l'emploi de ces connecteurs en attaque de
phrase, permet au locuteur d'orienter la conséquence à tirer par
le co-locuteur puisque la subordonnée annonce et entraîne le fait
principal comme un engrenage. Toutefois, le connecteur quand
semble connaître une autre lecture.
2.1.3.
Le connecteur quand/lorsque
Quand et lorsque sont deux connecteurs qui
occupent une place de choix dans le système des connecteurs temporels.
Pekba-Anderson et Pekba (2007 :50) souligne :
Etant particulièrement fréquents aussi bien
à l'écrit qu'à l'oral, quand et
lorsque se caractérisent par une grande richesse
sémantique intrinsèque qui fait d'eux les connecteurs les plus
polyfonctionnels parmi les connecteurs de la simultanéité.
De fait, leur sens général de
base : au moment où, dans le temps que, à
l'époque où, permet à ces connecteurs d'exprimer
toutes une palette de relations temporelles, allant de la relation de
simultanéité à la relation d'antériorité.
Nous n'avons pas d'occurrence avec le marqueur lorsque
extraphrastique. Toutefois, pour illustrer le fonctionnement de ces deux
connecteurs, nous allons nous servir des exemples ci-après :
8a. Quand elle le vit bouleversé,
elle tâcha de se retenir. (Na, p.389) ;
8b. Quand on a une gueule comme la tienne,
on paie les femmes qui veulent bien vous tolérer... (Na,
p.402) ;
8c. Quand ni sa femme ni son neveu ne
l'animaient du bruit de leur existence, la maison semblait vide.
[...]. (Ge, p325).
La relation qui existe entre la subordonnée
détachée et la principale est, selon Pekba-Anderson et Pekba (op
cit. : 62), une relation de coïncidence-antériorité,
qui consiste à construire pour le discours [8a], une première
représentation mentale, le voir bouleversé, puis un
deuxième, tâcher de se retenir. Le deuxième
évènement n'étant validé qu'à la suite de la
validation de l'évènement subordonnée. Dans cette
relation, ce n'est pas l'évènement décrit dans la
principale qui conditionne la réalisation de l'évènement
décrit dans la subordonnée, mais l'inverse.
L'élément décrit dans la subordonnée est
nécessaire pour que soit validée l'élément
décrit dans la principale. C'est ce que dit Saussure (2003 :209)
que cite Pekba-Anderson et Pekba (op cit. : 66), si ß ne peut
être le cas sans que á soit la cause de ß, alors la relation
causale est nécessaire. Pour le locuteur, il ne s'agit pas de
mettre l'accent sur la nuance de cause qui se dégage du discours ;
en spécifiant que l'évènement P1 (quand + elle le vit
bouleversé), est la raison de l'existence de P2 (elle
tâcha de se retenir), l'énonciateur privilégie
l'aspect temporel : c'est à un moment précis décrit
par quand ou lorsque que s'est produit
l'événement x qui a occasionné un autre
évènement y. La coïncidence en [8a] est telle que
le lecteur ou le co-locuteur, n'est pas certain qu'après ou avant ce
moment, il y aurait eu le même effet. Cependant, il faut relever que les
rapports associatifs que les évènements entretiennent entre eux
sont plus déterminants dans la relation de causalité entre P1 et
P2. C'est pourquoi, notent les auteurs, son rôle (du connecteur
temporel quand ou lorsque) consiste à fournir la direction temporelle
nécessaire permettant de générer les
représentations mentales des évènements. On peut
discuter ce point de vue en arguant que les temps verbaux jouent le même
rôle, mais nous avons vu que le connecteur donne la force à
l'argumentation. Ce qu'expliquent Pekba-Anderson et Pekba (op. cit. 52) en ces
termes l'ordre des énoncés, les temps verbaux et les
informations conceptuelles déclenchent des traits faibles. En revanche,
les connecteurs et les informations contextuelles portent des traits
forts. Ceci nous autorise à nous éloigner un peu de Havu
pour qui les structures détachées sont classées parmi les
implicites.
En effet, si la remarque de Havu est pertinente pour ce qui
est de l'adjectif apposé, nous pensons par contre que le connecteur,
qu'il soit temporel ou logique ne donne plus de voir la conséquence
comme un fait implicite parce que ce connecteur donne à
l'énonciation de la cause une force assertive qui rend évidente
la conséquence.
Malgré ces quelques points d'appui et les analyses
effectuées au cours de ce travail, nous constatons que
l'interprétation des constructions détachées n'est pas
évidente, parce qu'elle demande non seulement des compétences
linguistiques, mais aussi des compétences extralinguistiques. Cette
évidence est notée par Havu (op. cit.) en ces termes :
Ces constructions ressemblent un peu aux oeuvres
d'art : on peut soit les appréhender sans comprendre exactement ce
que l'artiste a voulu dire, soit les paraphraser sans savoir vraiment si
l'artiste aurait été du même avis.
Comme nous l'avons déjà souligné avec
les structures implicites, les constructions détachées sans
connecteur sont également des formes équivoques d'expression de
la conséquence ; les formes avec connecteurs sont quant à
elles proches de l'inférence avec des connecteurs inférentiels.
On déduit donc que l'auteur utilise les constructions
détachées pour exprimer une situation discutable, donc
l'objectivité n'est pas établie. Les formes morphosyntaxique
d'expression de la conséquence étant tout aussi variées,
il est nécessaire de voir ce que réservent les autres structures
linguistiques que nous avons recensées.
2.2. Les autres formes linguistiques
Ce que nous désignons sous l'appellation autres
formes linguistiques ici comprend un ensemble de structures morphosyntaxiques
qui expriment les nuances de la conséquence. Il s'agit de l'aspect, de
la modalité, de l'hypothèse, du verbe de connaissance et de la
double corrélation.
2.2.1.
L'aspect
D'une manière générale, un verbe
auxiliaire est celui qui porte les marques de temps, de personnes, de
mode, d'aspect, alors que le verbe principal, celui qui sélectionne le
sujet et les compléments, est affecté d'une désinence de
participe passé. Petiot (2000 :169) perçoit l'aspect comme
la façon dont le « procès du verbe » est
envisagé. L'aspect concerne donc la manière dont se
développe le procès dans le temps. Il existe des
catégories aspectuelles qui sont inscrit dans la morphologie verbale. En
français, ces catégories sont à la source de l'opposition
entre forme la simple et la forme composée qui s'interprètent en
termes d'accompli qui est l'antonyme de l'inaccompli. Dans certains cas, la
morphologie du verbe ne permet pas de traduire tous les détails et les
nuances liés aux différents aspects du déroulement d'un
procès. Pour remédier à cette faiblesse, la langue a donc
recours aux moyens lexicaux pour apporter ces détails et ces nuances.
Les verbes qui permettent d'apporter ces nuances sont appelés les
auxiliaires d'aspect. Ceux-ci entrent dans la sous-catégorie
d'auxiliaire d'aspect que Bronckard (1985 :150) définit comme
sous-catégorie d'auxiliaire indiquant un moment du
déroulement de l'action. Comme échantillons d'auxiliaires
d'aspect on a : achever de, commencer à, finir par, etc.
Cette sous-catégorie d'auxiliaires n'est pas limitative puisque ces
auxiliaires d'aspect s'observent mieux dans la syntaxe des
énoncés :
9a. Une cage bientôt fut hors d'usage,
défoncée, ne glissant plus entre les guides, rompus sans doute.
L'autre frottait tellement, que le câble allait
casser, bien sûr. (Ge,
p445) ;
9b. Furieux, il (Chaval) descendit, il courut avec sa lampe
si violemment qu'il faillit buter dans le corps
de la herscheuse [...]. (Ge, p295) ;
9c. On approchait du niveau, la pluie battait si fort
qu'elle menaçait d'éteindre les lampes.
(Ge, p302).
Dans [9a], le verbe de P1 (frottait) est
à l'imparfait, et P2 a pour structure : le câble
allait casser. La périphrase Aller + infinitif traduit
l'aspect, il s'agit du caractère de l'action considérée
dans son développement, l'angle particulier sous lequel le
déroulement de cette action est envisagé, l'indication de la
phase à laquelle elle est dans son déroulement. La
périphrase présente la phase antérieure à
l'accomplissement du procès. Il se situe dans un futur plus ou moins
lointain. Dans l'exemple [9a], malgré la présence du marqueur
tellement que, qui exprime en fait la conséquence
réelle, la consécutive est présentée par le
locuteur comme un fait en voie d'être accomplie. Malgré la
présence de l'adverbe bien sûr dans P2, avec le sens de
sûrement, les énoncés ne laissent pas envisager la
conséquence comme réelle. Cette forme de périphrase est
notée dans l'ensemble de ces énoncés : faillit
buter en [9b] et menaçait d'étendre en [9c]. Aucune
de ces expressions ne présente l'action comme accomplie, malgré
la présence des marqueurs de conséquence factuelle dans chaque
énoncé. Or, dans l'expression de la conséquence, la
validation de la relation de cause à effet est essentiellement
liée à celle de la validation du fait cause. On note donc que les
fantaisies du discours nous amènent à constater que la validation
du fait cause n'est toujours pas la garantie de la validité du fait
conséquence. Du coup, on se pose la question de savoir si le locuteur a
voulu présenter une conséquence inaccomplie ou manquée. Au
même moment que l'auteur affirme que l'état de chose décrit
en P1 a atteint une certaine intensité : intensité qui
normalement doit rendre la réalisation de la conséquence
réelle, il module son dire par l'emploi des formes verbales qui brisent
la logique du discours. Ce qui pose une autre difficulté au niveau
didactique : la conséquence étant décrite comme le
résultat d'un fait, c'est-à-dire une suite logique qui
découle de l'état de chose précédemment
présenté, peut-on encore parler de conséquence dans ces
conditions ? ou faudrait-il revoir la définition du terme
conséquence ?
2.2.2.
La modalité
Dans la communication, le locuteur peut s'adresser à
quelqu'un de différentes manières, selon la façon dont il
veut agir sur lui. Il s'agit de la relation de l'énonciateur à
l'énoncé. Il y a donc dans l'énoncé deux
éléments : ce qui est dit, le contenu propositionnel, et la
modalité qui est la position du locuteur par rapport à ce
contenu. En effet, la présence de l'émetteur dans son
énoncé ne se voit pas qu'à travers l'utilisation des
pronoms liés à cet émetteur (je, nous, mon, notre...). Il
peut aussi exprimer sa subjectivité en indiquant, par des indices, ses
sentiments ou son avis par rapport à ce qu'il dit. On appelle
modalisation l'ensemble de ces indices qui peuvent être des verbes
modaux, des adverbes, etc. Au sujet des modalités
d'énoncé, Riegel et alii (1996 :579)
déclarent qu'elles renvoient au sujet de
l'énonciation en marquant son attitude vis-à-vis du contenu de
l'énoncé. [...] Elles expriment la manière dont
l'énonciateur apprécie le contenu de l'énoncé.
Il peut donc s'agir du doute, de la certitude, du souhait. La
modalisation s'apprécie mieux en contexte et cette notion englobe
diverses perceptions que Meunier (1974 :8) cité par Vion
(2007 :194), ressort ainsi :
le terme modalité est saturé
d'interprétations qui ressortissent, explicitement ou non, selon les
linguistiques qui l'utilisent, de la logique, de la sémantique, de la
psychologie, de la syntaxe, de la pragmatique ou de la théorie de
l'énonciation.
Le subjonctif fait partie des différents moyens
d'expression de la modalité, et aussi de ce que la tradition
grammaticale appelle mode. Elle en distingue quatre : l'indicatif, le
conditionnel, l'impératif et le subjonctif. Ces différents modes
traduisent, chacun à sa manière, des nuances de sens.
Voilà pourquoi Grevisse et Gosse (1993 :565) reconnaissent qu'ils
expriment l'attitude prise par un sujet à
l'égard de l'énoncé ; ce sont les diverses
manières dont ce sujet conçoit et présente l'action, selon
qu'elle fait l'objet d'un énoncé pur et simple ou quelle est
accompagnée d'une interprétation.
Ainsi, la modalisation n'est pas un fait innocent. En
contexte, la conséquence éventuelle se manifeste sous
différentes formes : de sorte que + sans doute et pouvoir +
verbe.
2.2.2.1. La conjonction De sorte que + sans doute
L'adverbe sans doute est composé de la
préposition sans et du morphème doute, marque
de l'incertitude. Avec l'adjonction de la préposition, l'adverbe marque
traditionnellement l'absence de doute, c'est-à-dire la certitude.
Cependant, dans certains emplois, on est en présence de
l'éventualité comme il est question dans [10] :
10. [...], devant la crise les camarades étaient
certainement montés, [...], jusque dans les tailles les plus hautes,
de sorte qu'ils se trouvaient
sans doute acculés au bout de quelque voie
supérieure. (Ge, p458).
Dans cet énoncé, le mode du verbe
conjugué est l'indicatif, mode du réel. Mais
l'environnement contextuel comporte des indices qui empêchent
l'état de chose décrit dans P1 : devant la crise les
camarades étaient certainement
montés, de rendre effective la conséquence dans
P2 : ils se trouvaient sans doute acculés au
bout de quelque voie supérieure. L'adverbe de modalité
sans doute dans P2, reconstruit son repère à partir de
certainement de P1. Sans doute renforce l'incertitude
déjà manifestée par le locuteur par l'emploi de
certainement. Garde Tamine (1998 : 71) parle des marqueurs de la
modalité déontique, celle qui est relative à la
valeur de vérité de la proposition. Vion (2007 :201) va plus
loin pour reconnaître que l'effet du modalisateur
certainement, en dépit de son sens littéral, va
provoquer un brouillage sémantique conduisant l'énoncé
à comporter, tout au plus, une modalité de forte
probabilité. Malgré la présence d'un marqueur de
consécution (de sorte que), les adverbes d'énonciation
(certainement et sans doute) modalisent la conséquence
et laissent transparaître l'hésitation, le doute qui animent le
locuteur au moment de son énonciation. Dans ce sens Maingueneau
(1996 : 45) souligne que le locuteur
situe son énoncé par rapport au vrai et au
faux, au possible et à l'impossible, au nécessaire et au
contingent, au permis et au défendu, il manifeste en termes de vouloir,
de souhait... sa distance à l'égard de la réalisation du
procès.
Ainsi le locuteur porte des jugements, des
appréciations sur ce procès à l'aide de ces deux
adverbes ; dans ce sens ils peuvent commuter avec les adverbes
probablement, peut-être, etc. Ils supposent une rupture entre
l'énoncé et la situation d'énonciation,
c'est-à-dire que le locuteur prend un recul par rapport à ce
qu'il énonce. Ce qui amène Vion (op cit. : 203) à
dire au sujet du modalisateur sans doute, qu'il contribue à
établir une distanciation vis-à-vis des énoncés.
Cette distanciation est provoquée par le dédoublement
énonciatif du locuteur et par le caractère réflexif du
commentaire. Ainsi, mentionne l'auteur, l'image d'un sujet
dédoublé qui prend de la distance par rapport à son dire
provoque une opacité du sens de l'énoncé qui peut aller,
dans le cas présent, jusqu'à une relative incertitude et à
l'existence du doute. Cette affirmation conforte notre point de vue selon
lequel en modulant son énonciation, le locuteur se met à l'abri
de toute contradiction par l'interlocuteur, on peut penser qu'il agit ainsi par
prudence puisque l'opacification peut lui conférer une certaine
autoprotection ; surtout que ce qui est éventuel est
hypothétique, douteux, incertain, aléatoire. La
conséquence éventuelle est celle dont certaines conditions
doivent être remplies pour qu'elle ait lieu. C'est donc en fonction du
contexte et parfois de l'intonation que le co-énonciateur peut
reconstruire un sens.
2.2.2.2. La conjonction Si...que + un verbe d'opinion
Le verbe croire, verbe de
connaissance ou d'opinion selon Le Goffic (1993 : 251) permet
d'éprouver une sensation. Dans l'occurrence suivante,
11. [...] et elle voyait clair, de grandes tâches jaunes
volaient devant ses yeux, si larges,
qu'elle se croyait dehors,
près du canal. (Ge, p487) ;
Catherine est affaiblie par la dureté du travail
d'extraction des mines. Ce qu'elle ressent est une hallucination parce qu'elle
s'est évanouie. Mais avant cela, lorsqu'elle a senti le malaise, elle
éprouvait déjà le besoin de se retrouver près du
canal où l'air est plus vivable. Le modalisateur qu'est le verbe
croire confirme que l'on est loin de la réalité et
même du potentiel. Cette notion vient contrer l'intensité pourtant
atteinte par la qualité large pour rendre la conséquence
réelle. Aussi, on se rend compte qu'il n'est pas toujours évident
de détecter les intensions du locuteur, il y a de ce fait encore du
chemin à faire pour rendre cette étude complète.
2.2.3.
L'hypothèse
Le système hypothétique en français peut
exprimer la condition ou l'éventualité ; et la
conjonction si est l'élément qui sert
à introduire les phrases dans ce système. Il existe plusieurs
moyens d'exprimer l'hypothèse par exemple la juxtaposition
d'énoncés au conditionnel, au présent ou à
l'imparfait. De toutes les façons Cohen (1965 : 53) déclare
que
dans les phrases hypothétiques à deux
propositions jointes, l'une des
deux seulement exprime la condition avec un caractère
plus ou moins
positif ou éventuel, l'autre peut exprimer ou non
l'éventualité dans le
résultat de la condition exprimée.
Pour ce qui est de la conjonction si, Culioli et alii
(1987 :112-114) en distinguent sept emplois: si standard,
si déductif, si explicatif, si austinien,
si concessif, si adversatif, si dialectique. Pour
ces auteurs, une telle représentativité suppose
un principe général de déformation inhérent au
fonctionnement du langage. Ces auteurs soulignent par là l'aisance
avec laquelle le discours manipule les éléments que la langue met
à sa disposition. La démarche est que les auteurs travaillent
à contexte constant, c'est-à-dire que la structure contextuelle
retenue est MARQUEUR + PROTASE + APODOSE : si p, q. Ils affirment
eux-mêmes que certains contextes sont exclus de l'étude,
sans toutefois spécifier lesquels. Cependant, dans cette structure
P représente la subordonnée introduite par si
pour marquer la condition à laquelle est soumise la
réalisation d'une action ou pour exprimer son
éventualité. Dans ce cas, affirment Niquet et alii
(1989 :231), les locutions à la condition que
peut être remplacée par si pour la subordonnée
conditionnelle, tandis que au cas où le remplace dans
l'expression de l'éventualité.
Sur le plan discursif et parlant du système si...
alors, il pourrait donc être glosé, souligne Hybertie (op
cit.: 35) par au cas où P1 serait vraie, dans ce cas, P2 peut
être validée. De manière concrète [12a'], glose
de [12a] serait : au cas où tu ne la lâches pas,
alors je t'étrangle. Etienne et Chaval se
disputent une fille ; ce dernier choque son rival en forçant la
fille à l'embrasser en sa présence, d'où
l'énonciation de [12a]. La validité de P1 est simplement
envisagée, elle est éventuelle, ce qui rend également
éventuelle la validité de P2. Alors reprend le
repère fictif construit par si de P1 : si tu ne la
lâches pas, pour en faire le repère de P2. Le locuteur pose
P1 sans se prononcer sur sa validité. Cette nuance de sens peut
être liée à la position de la protase comme c'est le cas
dans [13a-c] ci-dessous :
12a. Mais Etienne, les lèvres blanches, criait :
« Si tu ne la lâches pas,
alors je t'étrangle ». (Ge,
p480) ;
12b. Et vous rentrerez ensuite tout droit, et
si Bébert touche à Lydie, [...], je
vous ficherai des claques. ( Ge, p 258 ) ;
12c. Mais il lui faisait trop peur. Si
elle montait devant lui tout le temps, il la brutaliserait. (Ge,
p299) ;
D'une manière générale, P1 pose un cadre
dans lequel une autre proposition peut être validée. Avec la
locution au cas où, on est dans le domaine de la supposition
qui consiste, dit Ducrot (1972 :167), à demander à
l'auditeur d'accepter pour un temps une certaine proposition p qui devient
provisoirement le cadre du discours, et notamment de la proposition principale
q. Cependant, dans leur étude sur alors, Culioli et alii
(1987 : 24) reconnaissent la structure si p alors q avec la
possibilité que le connecteur alors ne soit pas marqué
comme dans [12b et c]. Les auteurs reconnaissent, par ailleurs, que si
n'admet la combinaison avec alors que dans des utilisations
spécifiques : si standard, si déductif, si
explicatif. Il est à souligner en passant que le si
standard peut selon l'emploi, devenir déductif ou explicatif.
Alors est, comme le disent Culioli et alii (op.cit.26-28), le
marqueur d'une double opération de connexion et de disjonction entre le
repère construit par la protase et celui construit par l'apodose.
Connexion parce qu'il joint deux énoncés liés par
une relation logique de cause à effet et disjonction parce
qu'il signifie que l'état de chose décrit dans P1 présage
ce qui va se passer dans P2, l'évènement de P2 étant
toutefois distinct de celui de P1. Mais la conjonction si vient
empêcher la réalisation effective de la conséquence, et la
présente comme éventuelle. Alors se pose la question de
savoir si la locution si...alors autorise encore une inférence.
Toutefois, à l'issue de nos investigations sur alors, il
apparaît que l'emploi de ce marqueur permet d'interpréter une
situation comme prévisible. Cette connaissance que l'on a du monde et la
position de la protase favorisent l'interprétation de P2 comme
conséquence éventuelle, possible de P1.
Dans [12c], nous avons affaire au conditionnel qui exprime des
faits dont la réalisation dépend de certaines conditions. C'est
aussi le mode du verbe exprimant une possibilité contingente, une
affirmation atténuée, un souhait. Ce qui mène Bonnard
(1992 :194-195) à relever le contraste qui existe entre le
conditionnel, l'indicatif et le subjonctif. A ce sujet, l'auteur
écrit l'indicatif énonce un fait en le donnant pour
réel. Le subjonctif énonce un fait sans considérer sa
réalité. Le conditionnel énonce un fait en le donnant pour
imaginaire. N'ayant pas eu d'occurrence dans notre corpus, nous avons
emprunté l'occurrence ci-après à l'auteur :
13. Tu serais un lion et je
t'aurais blessé d'une
flèche. (Bonnard, 1992 : 194)
Dans cette phrase, par l'emploi du conditionnel au lieu de
l'indicatif, le locuteur affirme qu'il ne donne pas pour vrai le fait qu'il
exprime ; il demande qu'on l'imagine, qu'on le suppose vrai pendant un
certain temps ; le fait est fictif, c'est-à-dire imaginaire :
le verbe serais exprime un état présent imaginaire. Le
verbe aurais blessé exprime une action passée
imaginaire. Conclusion, quand le fait est imaginé dans le
présent ou le passé, dit Bonnard (op cit), il apparaît
très nettement comme irréel, puisqu'il est démenti par la
réalité. La valeur spécifique du conditionnel est
donc de créer une situation imaginaire. La conjonction de coordination
et, compris parmi les connecteurs inférentiels de
conséquence, infère ici une conséquence imaginaire, donc
irréelle.
2.2.4.
La double corrélation
La corrélation en syntaxe représente le rapport
qui existe entre deux propositions. Deux termes sont dits corrélatifs
d'une manière générale quand ils sont entre eux dans un
rapport de dépendance ; plus spécialement on appelle
corrélatif celui qui est l'antécédent du second dit
relatif : tellement par rapport à que. Pour Stage
(2005 :1), c'est une construction binaire dont les deux parties (A+B)
sont unies comme les doigts de la main ou des soeurs siamoises. Ainsi, la
construction est composée de deux séquences P1 et P2 solidaires
et exprime une relation causale. Cependant la définition de Stage
s'applique mieux aux structures juxtaposées. Dans les exemples que nous
étudions, le rapport qui unit les deux énoncés est
marqué par les morphèmes de corrélation qui, dans certains
emplois, sont doublés soit en « tel », soit en
« quel ».
Dans le système
corrélatif en effet, l'indéfini tel représente,
selon Muller (1996 :1), une petite famille de marques
caractéristiques tel, si, quel, qui sont les vestiges en
français d'un vieux système corrélatif
indo-européen. Cette petite famille de marques constitue
l'antécédent de la conjonction que comme il est question
dans :
14a. Les galeries d'approche ne s'étaient heureusement pas
éboulées, à la suite du coup de grisou ; seulement,
l'air y brûlait, si lourd et
si vicié qu'il
avait fallu installer d'autres ventilateurs. (Ge, p464) ;
14b. Maintenant, c'était en lui un
tel calme, une guérison
si complète de ses doutes,
qu'il s'entêtait, en homme sauvé par
hasard. (Ge, p438) ;
14c. Leur fille adorée, cette fille désirée
si longtemps, comblée ensuite de tous leurs biens,
qu'il allait regarder dormir sur la pointe des
pieds, qu'ils ne trouvaient jamais assez
bien nourrie, jamais assez grasse ! (Ge, p470).
Dans [14a], l'antécédent tel est de
même nature. Il s'agit de l'adverbe d'intensité si,
alors que dans [14b] tel est de nature différente. Ces deux
marqueurs font partie des marqueurs factuels de la conséquence.
Marqueurs qui expriment, une conséquence objective. Or,
l'énonciation est la production d'un énoncé avec tout ce
que cela comporte notamment l'intention de l'auteur, la production d'un
énoncé résultant de plusieurs éléments comme
le dit Muller (2002 :23-27) : la motivation, le contrôle, les
choix syntaxiques, rhétoriques, sémantiques et lexicaux. Alors,
si le système à corrélation simple traduit une
conséquence objective, devons-nous tirer la même conclusion avec
le système complexe de double corrélation tel que le montre
[14] ? Le locuteur cherche-t-il à montrer que l'intensité
d'un seul fait n'est pas suffisante pour produire la conséquence
réelle ? Quelle est la motivation du locuteur dans le choix de
cette syntaxe complexe ?
3. La relation entre la
conséquence et les modalités de phrase
Nous avons déjà parlé de modalisation
à la section 2 de ce chapitre. Nous avons constaté que le
connecteur donc, en plus de la conséquence
inférentielle, s'allie aux modalités de phrase pour exprimer la
conséquence. S'agissant des modalités d'
énonciation
ou modalités de phrase, il en existe quatre types et toute phrase
appartient au moins à l'une de ces modalités : la phrase
déclarative, la phrase exclamative, la
phrase
interrogative et la phrase impérative (ou injonctive). C'est
pourquoi cette étude ne retrace que la place de ce connecteur avec les
types de phrase.
3.1.
Donc marquant une interrogation
L'interrogation est une des
modalités
d'énonciation qui correspond à une attitude
énonciative non thétique parce que le locuteur demande une
information ou une validation, et un acte de langage qui est celui de la
question. Il existe une interrogation totale et une interrogation partielle.
Dans tous les cas, Le Goffic (op.cit. : 106) pense que
Dans l'interrogation, le locuteur, parcourant la classe de
toutes les valeurs possibles (dans le domaine des substances, du temps, du
lieu, de la manière, etc.) remet à son interlocuteur la
tâche indispensable et urgente de choisir la bonne valeur, celle pour
laquelle le prédicat (ou le reste du prédicat) est valide.
Pour ce qui est de la conséquence les exemples relatifs
à l'interrogation ci-dessous l'illustrent à suffisance :
15a. - C'est moi que tu vas épouser...Je viens pour
ça.
- Hein ? comment ? toi aussi ! cria-t-elle, c'est
donc un mal de
famille ? [...].(Na, p395) ;
15b. Puis quand Maheu y eut enfermé leurs sabots, leurs
bas, ainsi que le paquet d'Etienne, il s'impatienta brusquement :
- Que fait-il donc, cette rosse de
Chaval ? (Ge, p32)
15c. Etienne l'avait laissé parler, la parole
coupée par l'indignation. Puis, il cria : « Nom de
Dieu ! tu n'as donc pas de sang dans les
veines ? » (Ge, p229)
En [15a], donc est incident à une
interrogation totale. En effet, le fait que dans une même famille, le
grand frère et le petit frère demandent en mariage une même
fille, relève de la folie. C'est ce que Nana se dit et donc
fait entendre la question comme une demande de confirmation de la
conséquence ou de la conclusion que la jeune prostituée tire des
données contextuelles. De ce fait Hybertie (1996 :19) souligne
qu'avec l'interrogation totale, les interrogations comportant donc ne sont
pas de vraies interrogations, elles s'apparentent, du point de vue du sens,
à une demande de confirmation d'une déduction faite par
l'énonciateur à partir des données contextuelles ou
situationnelles. L'effet de sens est dans ce cas aussi similaire à
l'assertion. L'auteur a recours à autrui pour fournir une validation
à la conséquence qu'il pressent pourtant. Sur le plan
pragmatique, on peut penser que c'est par pudeur et délicatesse que
l'émetteur ne le dit pas lui-même. Venue de quelqu'un d'autre, la
conséquence est adoucie tout comme si l'énonciateur avait
utilisé les adverbes peut-être, sans doute ou
l'implicite.
S'agissant de l'occurrence [15b], les mineurs ont pour
habitude de descendre dans la fosse en équipe, et Chaval fait partie de
celle que dirige Maheu. Un matin, Chaval est arrivé plus tôt et
est descendu sans attendre les autres membres de son équipe. Ceux-ci
sont arrivés après et Maheu s'indigne de ne pas voir ce membre de
son équipe, ils l'attendent pensant à un retard de Chaval
d'où l'énonciation de [15b]. Il s'agit d'une interrogation
partielle qui porte sur le terme Chaval qui forme le sujet de
l'énoncé. Comme nous l'avons vu avec l'intensité,
quoi a plusieurs sous-classes d'occurrences possibles : Chaval
est-il en train de dormir, de déjeuner, d'arriver ? Ce sont
là les occurrences possibles, qui échappent cependant au
locuteur. Celui-ci fait donc appel à autrui pour donner à
quoi un contenu pertinent. C'est dans ce sens que
l'énonciateur, précise Hybertie (op cit),
parcourt toute la classe des occurrences dont [quoi] est le
représentant, et dans l'impossibilité qu'il a d'en
sélectionner une susceptible d'instancier la place (), [dans Chaval fait
()], il a recours au co-énonciateur pour l'attribution d'une valeur
stable au parcours.
La fonction de donc est de présenter le
recours à l'autre pour procurer un aboutissement à ce parcours,
comme conséquence de ce parcours jusque-là sans issue. Le
locuteur évite un risque, celui de se tromper et d'être
accusé ; il laisse par conséquent le soin à l'autre
de prendre ce risque et d'endosser la responsabilité. On se demande
toujours si on a affaire à une conséquence accomplie ou non.
3.2.
Donc marquant une injonction
L'injonction est l'action d'enjoindre, c'est un commandement,
un ordre qui peut se manifester dans le mode impératif, elle est donc la
valeur fondamentale de la phrase impérative. Elle présente un
état de chose à accomplir en mettant sa réalisation
à la charge du co-locuteur. Voilà pourquoi Riegel et alii
(1996 :388) déclarent que le type impératif ou
injonctif est associé habituellement à un acte d'intimation ou
d'injonction. L'ordre ou le commandement est bien évidemment
intimé non pas à soi mais à son vis-à-vis.
16a. Taisez-vous donc, nom de
Dieu !, V'là les gendarmes. (Ge, p 240).
16b. « Vous voulez cinq centimes, et j'accorde que la
besogne les vaut. Seulement, je ne puis pas vous les donner. Si je vous les
donnais, je serais simplement fichu...Comprenez donc qu'il
faut que je vive, moi d'abord, pour que vous viviez. » (Ge,
p286) ;
16b. « Ecoute, dit la Maheude à son homme,
puisque tu vas à Montsou pour la paie, rapporte-moi
donc une livre de café et un kilo de
sucre. » (Ge, p168).
A l'impératif, l'énoncé présente
une opération de parcours sur deux représentations que Hybertie
(op cit :21) désigne par P et P'. L'auteur définit P comme
la relation prédicative de l'énoncé positif, et P' la
relation prédicative munie de sa valeur négative. En effet,
lorsque l'énonciateur intime un ordre au co-énonciateur, le
premier se représente l'idée que le second n'a pas l'intention de
le faire par lui-même (P'), soit parce qu'il n'est pas conscient de ce
qu'il doit faire, soit parce qu'il ne veut pas le faire. Dans les
énoncés [16a], l'ordre se présente donc comme état
de chose visé par le locuteur et construit comme à valider par le
co-locuteur. Cette validation passe par l'obéissance à cet ordre.
Lorsque le locuteur (M. Deneulin, patron d'une mine) dit dans [16b],
comprenez donc que....., il part d'un constat, celui selon lequel les
mineurs ne sont par eux-mêmes conscients qu'il faut d'abord que le patron
vive à travers la vie de la mine, pour qu'ils (les mineurs) puissent
survivre. En fait si ceux-ci comprenaient cela, ils n'allaient pas exiger une
augmentation au moment ou le patron réfléchit sur comment payer
les dettes contactées pour aménager les fosses. Et l'emploi
de donc, pense l'auteur, a pour effet de construire le co-locuteur en support
de la représentation P', et de présenter l'énonciation de
l'ordre comme la conséquence du fait que le locuteur prête au
co-locuteur la représentation de P'. Le connecteur donc
vient en appui de l'énonciation de P et la présente comme
nécessaire ; ce faisant, le locuteur aide, ou encourage le
co-émetteur à tirer la conséquence voulue par
l'énonciateur ; le co-énonciateur devient par là le
complice (bon gré mal gré) de l'émetteur parce qu'il entre
dans le jeux de ce dernier.
3.3.
Donc associé à une intonation exclamative
L'exclamation est une forme d'expression
pouvant exprimer la joie, l'admiration, la surprise. Il s'agit d'exprimer un
haut degré. Toutefois soulignent Riegel et alii (op cit :388),
le type exclamatif ne manifeste que la subjectivité du locuteur et
réalise la fonction expressive du langage. L'exclamation se
distingue de l'assertion parce que le deuxième type décrit un
état de chose susceptible d'être niée, tandis que l'autre
présente une réaction émotive du locuteur. Les
énoncés [17] représentent un échantillon de ces
états :
17a. Zacharie, qui arrivait avec Philomène, bouscula
Etienne, comme celui-ci sortait. Et il ricana, méchamment.
« Tiens ! il engraisse, ça nourrit
donc la peau des
autres ! »(Ge,p424) ;
17b. L'idée qu'il rencontrerait là-haut, ceux de
Montsou, s'il sortait, lui engourdissait les jambes. Elle était
donc venue, cette bande qu'il croyait aux mains des
gendarmes ! (Ge, p298) ;
17c. Eh quoi ! il (Chaval) avait juré avec eux, la
veille, et on le trouvait au fond, en compagnie des autres ?
C'était donc pour se foutre du monde !
(Ge, p311).
Dans [17a], il est question de Zacharie, le jeune Maheu, qui
constate l'échec de la grève. Et, puisque c'est Etienne qui en
est l'instigateur, il est devenu la risée de tous, et est sujet aux
attaques à tous les niveaux. Dans ce scénario, Zacharie a
trouvé Etienne qui loge chez les Maheud où règne une
misère absolue. L'exclamation dans l'ensemble de ces
énoncés traduit plus l'expression de la surprise teintée
de mépris dans [17a]. En effet, Zacharie est surpris de constater
qu'Etienne a encore le courage de se faire loger et nourrir par ses parents
après l'échec de la grève. Il part d'un fait
exprimé dans P1 : il engraisse, apparemment Etienne se
porte bien, le jeune Maheud en déduit que la grève le nourrit et
le connecteur donc, comme nous l'avons vu précédemment,
renforce l'effet de la surprise. Par contre, dans l'assertion de P2 :
elle est donc venue,... La vérité est que Chaval
n'espérait pas voir la bande de mineurs en grève. Il les avait
trahis aux gendarmes, en traître, il était donc convaincu qu'il ne
serait pas inquiété, les grévistes étant
supposés être aux mains des forces de l'ordre. Entre P (l'effet de
surprise que produit la vérité) et P' (l'état de non
inquiétude que procure le fait de savoir que les mineurs sont aux mains
des forces de l'ordre) le connecteur donc produit un effet de
renforcement qui rend l'indignation que tire le locuteur
inévitable ; et c'est l'évidence de cette conclusion qui
produit l'indignation que traduit le point d'exclamation. D'ailleurs, pense
Maingueneau (1999 :59), dans l'exclamation le co-énonciateur
n'est pas appelé à répondre ; il est pris à
témoin de l'expression d'un affect.
3.4.
Les adverbes d'intensité si, tellement, tant associés à
une
intonation exclamative
Associée à l'intensité, la description
de l'énoncé exclamative se décline
légèrement de celle associée au connecteur donc.
Nous n'en avons pas trouvé beaucoup d'occurrences dans notre corpus.
Nous l'étayons néanmoins par l'énoncé [18]
« Partons », dit Mme Hennebeau, en se
dirigeant vers sa voiture.
Jeanne et Lucie s'écrièrent. Comment,
si vite ! Et le dessin qui n'était pas fini !
(Ge, p466).
Il y a prédication d'une propriété sur
l'adverbe vite, le degré de l'intensité si est
le résultat comme le dit Hybertie (op cit :22) d'une
opération de parcours sur tous les degrés envisageables d'une
propriété sans qu'on puisse s'arrêter à un seul,
c'est cette incapacité de déterminer un degré, donc une
limite, qui fonde la valeur de l'exclamation.
Dans l'énoncé [18], la séquence
comment, si vite ! vient en réaction à
l'impératif partons. En effet, les Hennebeau sont allés
visiter la fosse qui s'est écroulée sous la force de
l'inondation ; leurs filles aiment dessiner, elles se sont mises à
faire un schéma des lieux, mais l'horreur qu'elles ont de la fosse en
décrépitude pousse leur mère à abréger leur
séjour, d'où l'énonciation de [18]. L'intensité
si qui précède l'adverbe de mouvement vite
traduit que sur l'échelle du degré, l'intensité a
atteint un niveau qui surprend le co-locuteur. En effet, la visite est courte
et ne permet pas au co-locuteur de réaliser entièrement son
programme. Pour cela, Hybertie (op cit. :120) signale que faute de
repère externe, toutes les valeurs sont envisageables, de même
d'ailleurs que toutes les conséquences sont également
envisageables. La séquence si vite ! apparaît, dans
cet énoncé, comme la conséquence qui est définie
parmi les conséquences envisagées.
Il ressort de cette étude des valeurs des
propriétés morphosyntaxiques de la conséquence que le
locuteur exploite l'implicite et les constructions détachées pour
exprimer la conséquence ambiguë, la pensée du locuteur est
donc opaque pour l'allocutaire et subtile pour l'énonciateur. La
modulation de l'énonciation par les signes modaux laisse
transparaître plusieurs nuances de la conséquence :
conséquence éventuelle, irréelle. Ces formes se
manifestent à travers l'aspect, l'hypothèse, la modalité.
Certaines constructions détachées et même l'interrogation
totale sont également rapprochées de l'implicite par leurs
valeurs argumentatives. Pour ce qui est du système corrélatif, il
ne permet pas de dégager clairement les motivations de son utilisation.
En somme, un constat se dégage :
l'expression de la conséquence touche divers niveaux : grammatical,
stylistique, linguistique et extralinguistique, et les outils morphologiques
qui l'introduisent sont également polyvalents, ce qui nous convie
à étudier l'analogie entre la conséquence et d'autres
relations de discours.
CHAPITRE
4
LA CONSÉQUENCE ET
LES AUTRES RÉLATIONS LOGIQUES
La conséquence, rappelons-le, exprime une relation
logique entre un fait et son résultat ou son effet. Pour Plantin
(1990 :40, 214), on parle de conséquence lorsque
l'évènement A est « cause » de
l'évènement effet, conséquence B ; A produit
B ; B se produit « à cause » de A. il
s'agit donc d'une relation de cohérence établie entre deux ou
plusieurs évènements. Au sujet de la cohérence, elle est
comprise comme une liaison logique, un rapport d'idées qui s'accordent
entre elles ; une absence de contradiction. Cependant, la
cohérence des textes est un phénomène bien plus complexe
que ne laisse entrevoir cette définition. Toujours parlant de la
cohérence, Reboul et Moeschler (1998 : 59) soulignent que
la cohérence est la propriété
définitoire du discours comme la grammaticalité est la
propriété définitoire de la phrase, [...] la
cohérence se définit par le respect de l'ensemble de
règles régissant l'organisation discursive des unités du
discours dans une langue donnée.
La relation de cohérence est diversement perçue
par les auteurs. Elle peut être établie implicitement, par
inférence, ou par le contexte. Mais elle peut aussi être
signalée explicitement par la présence d'un connecteur. Chaque
relation logique est marquée en outre par plusieurs types de marqueurs
qui sont d'usage plurifonctionnel. Dans l'étude de la
conséquence, nous nous sommes rendue compte qu'il existe des formes
linguistiques exprimant, en plus de la conséquence, la comparaison, le
but et même la concession. C'est pourquoi ce chapitre se propose de faire
une étude comparative entre la conséquence et ces autres
catégories de la causalité. Dans cette perspective, nous
envisageons de partir de l'étude du rapport entre la conséquence
et la finalité pour aboutir à celle de la conséquence et
la concession en passant par celle de la conséquence et de la
comparaison.
1. La
relation consécution et finalité
Encore appelée but, la finalité
représente un objectif ou un résultat qu'on veut atteindre.
Ainsi, Descourbes et alii (1993 :187) soutiennent ce que pense Popin
(1993 : 122) de la notion de but. En effet, pour ce dernier, les
finales marquent le but, qui fait l'objet d'une visée et
d'une intention du sujet, si bien qu'elles sont modalisées au
subjonctif, porteur de valeurs potentielles. La finalité est, en
outre, exprimée par de nombreuses locutions qui traduisent
également la conséquence. Il s'agit de : d'une
manière telle que, d'une façon telle que, de telle manière
que, de telle façon que, de manière telle que, de façon
telle que, de manière que, de façon que, de telle sorte que, de
sorte et en sorte que. Ainsi les deux relations en question se
rejoignent dans la pratique linguistique par certains connecteurs et par le
mode, deux aspects communs dont l'étude gagne à être
menée simultanément.
1.1.
Les locutions conjonctives
A propos des locutions conjonctives, nombre de grammairiens
entre autres, Wagner et Pinchon (1962 :592), Chevalier et alii (1964),
Riegel et alii (1996 :516), voient en ces locutions des marqueurs
originels de la conséquence. Ainsi, pour Brunot (1965 :849),
cité par Hybertie (op cit : 104) ces locutions constituent une
adaptation à la finalité de locutions marquant d'autres
rapports, et sont employées chaque fois que le but à
atteindre est considéré comme devant être atteint, si
l'action ou l'état prend un certain caractère. Il se
dégage que les locutions qui se construisent avec des mots
(façon, manière, sorte) qui comportent dans leur
sémantisme l'idée de manière, peuvent exprimer aussi bien
la conséquence que la finalité. Toutefois, il s'avère que
cette proximité de la finalité avec la conséquence
constitue une véritable source de confusions. Par ailleurs, si les
locutions conjonctives qui expriment et la conséquence et le but
comportent dans leur sémantisme l'idée de manière, il est
évident qu'il faudrait montrer, d'une part, le lien entre la
finalité et la conséquence, et voir, d'autre part, ce qui
rassemble la manière, la consécution et le but.
Tout comme la conséquence, la finalité fait
partie de la catégorie de la causalité. La finalité est
inscrite au nombre des faits qui sont provoqués par un autre fait
appelé cause ; il existe donc un lien causal entre la cause et la
finalité. A ce propos, déclare Hybertie (op cit : 104),
selon la représentation commune, dans le monde
physique, tout fait qui advient est produit par un autre fait, l'un est cause
et l'autre conséquence. Dans le monde humain, raison et volonté
font que certaines actions sont produites en vue d'une fin, qu'elles sont des
motifs ou des raisons, [...].
Cette explication de l'auteur fait ressortir un point
essentiel : il existe un rapport étroit entre, d'une part, la
cause, et d'autre part, la conséquence et la finalité. Au sujet
de la terminologie cause finale, elle exprime la cause qui a trait à
l'acte volontaire, c'est-à-dire à l'humain ; elle s'oppose
donc à la cause efficiente, qui représente celle qui provoque,
c'est-à-dire celle qui constitue la source de la conséquence.
Ainsi cause finale, but et fin sont diverses dénominations d'une seule
et même réalité ; la cause finale étant la
finalité pour laquelle une action est posée tels que le
soulignent ces énoncés :
1a. Nous comprenons qu'il n'y a pas d'amélioration
possible pour nous, tant que les choses iront comme elles vont, et c'est
même à cause de ça que les ouvrier finiront [...], par
s'arranger de façon à ce qu'elles
aillent autrement. (Ge, p213) ;
1b. Le vieux, c'était le grand-père, Bonnemort,
qui, travaillant la nuit, se couchait au jour, de sorte
que le lit ne se refroidissait pas. (Ge, p20).
Dans ces énoncés, le rapport entre les
propositions est effectivement marqué par les locutions qui traduisent
à la fois la consécution et le but. Les locutions de
façon à ce que et de manière à ce que
sont des variantes de de façon que et de manière
que. Pour Brunot (1965 : 849) encore mentionné par Hybertie
(op. cit.) les locutions marquant la manière interviennent donc dans
l'expression des intensions. L'effet de sens que construit le subjonctif
fait de la subordonnée non une conséquence simple, mais une
conséquence intensionnelle. Pour cela, pense Cohen (1965 :56),
il (le subjonctif) peut aussi marquer de manière autonome une nuance
d'éventualité et donc avoir une valeur modale. Le subjonctif
fait donc partie des différents moyens d'expression de la
modalité, et aussi de ce que la tradition grammaticale appelle mode.
Elle en distingue quatre : l'indicatif, le conditionnel,
l'impératif et le subjonctif. Ces différents modes traduisent,
chacun à sa manière, des nuances de sens.
Ainsi, dans [1a], l'état de chose
représenté par la subordonnée est
présenté non pas comme une simple conséquence mais comme
une conséquence intentionnelle. Le subjonctif modal exprimant l'attitude
prise par un sujet à l'égard de l'énoncé, il est
évident qu'il permet de construire un point de vue subjectif,
distinguant ainsi la conséquence visée de la conséquence
factuelle. En clair, la cause finale étant le but pour lequel une action
est entreprise, elle peut aussi être perçue, non plus d'un point
de vue antérieur à sa réalisation, c'est-à-dire,
comme motif ou mobile, raison pour laquelle une action est produite, mais d'un
point de vue postérieur à sa réalisation, autrement dit
comme effet escompté. Ainsi, dans [1a], le pronom nous et le
mot ouvriers renvoient à une seule réalité, et la
situation qui est décrite en P1 : il n'y a pas
d'amélioration possible pour nous, tant que les choses iront comme elles
vont, est la cause de l'action future décrite dans P2 :
les ouvriers finiront [...], par s'arranger de façon
à ce qu'elles aillent autrement.
P2 constitue la conséquence voulue, intentionnelle,
souhaitée par les ouvriers ; et P1, la cause efficiente. Le
point de vue présenté dans [1a] est donc celui de l'agent
(ouvriers). L'emploi du futur ne change rien à la conséquence qui
est présentée comme une certitude à venir, comme
validable, une possibilité envisagée dans le futur. Ici, le
subjonctif permet de présenter l'agent du procès de P1 comme le
support de visée, c'est-à-dire la source de
l'intentionnalité inhérente tant à la réalisation
du processus cause qu'à celui de la conséquence. Il
s'avère donc que seul le subjonctif permet d'établir la
différence entre la conséquence voulue et la conséquence
factuelle. Quel que soit le moment où les processus cause et
conséquence sont réalisés, l'état de chose
décrite dans P2 par le subjonctif, est présenté comme
n'étant pas atteint, mais comme visé. L'emploi du subjonctif le
présente comme non actualisé par rapport à un moment
choisi comme repère, celui de la réalisation intentionnelle du
processus cause. En d'autres termes, le procès de P2 est vu en fonction
de celui de P1, et antérieurement à une réalisation qui
produirait ses effets : P2 est perçu comme ce pourquoi le processus
de P1 est enclenché. Le but participe ainsi de deux formes de
causalité : à l'intentionnalité s'ajoute la cause
efficiente qui est la causalité inscrite dans les faits. Ceci parce que,
note Hybertie (op cit :105),
la volonté humaine serait vaine et son action
inefficace si elle ne se subordonnait pas à la causalité
factuelle. Elle est, si elle veut aboutir, obligée de se soumettre
à l'ordre du monde ; autrement dit la conséquence voulue ne
peut être réalisée que moyennant des conditions d'ordre
physique.
En effet, la conséquence visée n'aurait pas de
sens ou n'existerait pas si, par exemple, P1 était : il y a une
amélioration possible ou en vue. Le fait que la finalité
s'inscrive d'abord dans la causalité factuelle justifie que certaines
locutions puissent servir aussi bien à exprimer la finalité que
la conséquence.
Dans l'énoncé [1b], le mode est l'indicatif,
mode de l'actualisé, il représente celui de la relation
consécutive. En effet, exprimées à l'indicatif, la cause
et la conséquence sont posées comme atteintes.
L'énonciateur décrit les faits qu'il observe de
l'extérieur et les présente avec objectivité. En
narratologie, on parlerait de narrateur extradiégétique qui,
comme le pense Tisset (2000 :185), est la position du narrateur quand
il est en dehors de l'univers de fiction. Le niveau
extradiégétique correspond à la position standard du
narrateur. Cette position lui permet d'exercer sa fonction essentielle qui est
celle de narrer. Comme narrateur, il est absent de l'histoire qu'il raconte. Il
n'est pas mis en scène par l'auteur ; il est donc
extra-diégétique : hors de la diégèse.
Hybertie (op cit) renforce cette perception en reconnaissant que la relation
cause-conséquence, à l'indicatif, présente les faits comme
si le locuteur embrassait d'un seul regard la chaîne de
causalités. Pour décrire en fait, avec tant de détails et
d'assurance les habitudes de la famille Maheud, l'énonciateur doit
nécessairement être un narrateur omniscient. Ainsi, P1 :
Le vieux [...] se couchait au jour entraîne P2 : le lit
ne se refroidissait pas. P1 est la cause et P2 la conséquence.
L'emploi de l'indicatif permet de présenter les faits avec
objectivité ; et parlant de la conséquence factuelle, nous
avons vu que l'emploi des connecteurs factuels donnait au
phénomène de causalité un caractère objectif. Ce
constat se renforce d'autant plus qu'en [1b'] :
Le vieux, [...], se couchait au jour, de
sorte que le lit ne se refroidît pas.
On aurait affaire à une finale parce que la
conséquence qui, avec l'indicatif était présentée
comme objective, a subi un effet d'intentionnalité avec le
sémantisme du subjonctif. Ainsi, la différence entre la
conséquence et la finalité induite par la différence entre
le mode indicatif et le mode subjonctif, correspond donc, pour Hybertie (op
cit. : 107) à un choix différent du point de vue
à partir duquel le monde est représenté. En
conséquence, deux différences fondamentales distinguent la
conséquence de la finale : premièrement, le point de vue est
celui de l'énonciateur dans l'expression de la conséquence, et
celui de l'agent du procès de P1 dans l'expression du but ;
deuxièmement, pendant que la finalité exprimée par le
subjonctif se révèle être subjective, la
consécution, à l'indicatif présente les faits
objectivement, un peu comme si la relation consécutive relevait, elle,
du déterminisme, pour qui tout dans le monde arrive
nécessairement selon la loi de cause à effet. Le mérite du
narrateur est tout simplement de les présenter tels qu'ils sont, sans
état d'âme.
Cependant, le subjonctif modal censé établir la
différence entre la conséquence et la finale, parce qu'exprimant
l'intention du locuteur, c'est-à-dire sa subjectivité
vis-à-vis de son énoncé, soulève quand même
un problème. En effet, si on considère la visée comme la
direction de la vue vers un but, celle de l'énonciateur, il y a lieu de
se demander dans quelle catégorie l'exemple [2] doit être
classé :
[...], sur la voie de Dieppe en réparation, stationnait
un train en ballast, que son ami Ozil venait d'y aiguiller ; et, dans une
illumination subite, elle trouva, arrêta un plan ; empêcher
simplement l'aiguilleur de remettre l'aiguille sur la voie du Havre,
de sorte que, l'express irait se
briser contre le train de ballast. (Lbh, p303).
L'évènement décrit dans cette
séquence est celui de l'agent (Catherine). Celle-ci est rongée
par la jalousie, elle aime en effet Jacques, le cheminot qui en aime une autre.
Catherine envisage donc de commettre un crime, elle veut dévier le train
de Jacques des rails dans l'intention de tuer le couple qui voyage ensemble. Le
conditionnel apparaît dans la subordonnée et la principale est
à l'infinitif, mode de l'action en puissance, et comme le dit Moignet
(1981 :65) la forme qui inaugure le verbe et contient en puissance la
totalité du défilé de ses formes. Rien ne dit donc que
l'action ne sera pas effectuée, dans ce cas, elle est soutenue par une
intention, celle de tuer. Par ailleurs, la visée décrite dans
l'énoncé est bien celle de l'agent du procès. Alors,
où devons-nous classer la subordonnée, dans la consécution
hypothétique ou la finalité hypothétique ?
Par ailleurs, on peut voir dans les subordonnées en [3a
et b], des finales à cause de la présence de pour que et
du subjonctif. Pourtant, des indices phrastiques permettent
d'interpréter P2 comme des conséquences.
3a. Mais un mot de lui a suffi,
pour que toute la vie du travail
reprenne. (Ge, p285) ;
3b. L'idée qu'il suffisait d'un regard,
entre les planches de cette porte disjointe, pour
qu'on les massacrât, la glaçait.
(Ge, p334).
En effet, [3a] est formé de deux
séquences : P1 : mais un mot de lui a suffi et
P2 : toute la vie du travail reprenne. P1 et P2 sont
reliées par la locution pour que, laquelle exprime aussi la
finalité. Toutefois dans ce contexte, il se note que certaines
conditions doivent être remplies pour que la conséquence ait lieu.
Dans la séquence
il a suffi, souligne Diffo
(2005 :58), il y a une prévision à la réalisation
d'un effet, d'un résultat. Il a suffi est une condition
suffisante à l'accomplissement de l'action de la
subordonnée.
Ainsi, l'énoncé [3a], exprime la
conséquence malgré la présence au sein de
l'énoncé du subjonctif. Il ressort que pour départager les
deux types de relation logique, il faut s'appuyer sur la relation qui lie les
faits décrits. Dans la conséquence, la séquence P1 aboutit
à l'accomplissement de la séquence P2 alors que dans la
finalité, on envisage un fait à partir d'un fait premier, celui
de P1.
1.2.
La consécution, la finalité et la manière
Le terme manière exprime une façon
d'être, d'agir. Nous n'étudions pas ici la manière en tant
que constituant de phrase qui exprime cette fonction ; nous en parlons
parce que le sémantisme des locutions qui énoncent la
finalité et la conséquence exprime également la
manière comme nous l'avons déjà signalé. Cela se
vérifie dans les échantillons ci-après :
4a. Alors, avec son vilebrequin, il desserra les vis des
équerres, de façon à ce
qu'une dernière poussée pût les arracher
toutes. (Ge, p435) ;
4b. Catherine avait échappé à la
surveillance du gardien ce soir-là et s'était avancée au
milieu du tunnel, en tenant la gauche, d'une manière telle
que tout train arrivant de face pût passer à sa
droite [...] ; (Lbh, p302) ;
4c. Dix minutes plus tard, il (Jacques) était en route
pour la Croix-de-Maufras, après avoir enjambé cette
fenêtre, sans être vu, en ayant bien soin de repousser les volets
[...], de façon qu'il pût rentrer
par là, secrètement. (Lbh, p342).
4d. Quand les interrogatoires furent terminés,
l'affaire était jugée, tellement le président les avait
menés avec adresse de façon que
Roubaud et Cabuche, [...], parussent s'être livrés
eux-mêmes. (Lbh, p372) ;
Dans [4a], ce n'est pas le fait de desserrer les vis des
équerres qui peut permettre à une poussée de les arracher,
mais une façon spécifique, particulière de les
dévisser. La relation consécutive entre les deux processus
exprimés respectivement dans P1et P2 n'est donc pas validable pour
toute occurrence de la relation prédicative P1 il desserra les vis
des équerres. Il a desserré les vis avec une intention
spécifique ; laquelle le pousse à procéder d'une
manière spéciale, tout dépend ici de la qualité,
c'est-à-dire du soin que l'agent de l'action décrite dans P1 met
dans le fait décrit. Le but visé se traduit linguistiquement par
le subjonctif. Dans l'énoncé [4b], ce qui caractérise le
déplacement de Catherine dans le tunnel se fonde sur la manière
dont ce déplacement s'effectue. De cela dépend l'aboutissement de
la visée. Son mouvement s'effectue d'une manière
particulière, celle qui permet que la raison finale, à savoir que
tout train arrivant en face puisse passer à sa droite, soit atteinte.
C'est dans ce sens qu'Hybertie (op cit : 109) mentionne que
si la propriété différentielle est
présentée comme celle qui permet à la visée
d'aboutir, elle suppose la mise en oeuvre d'un mode particulier d'agir qui
permette effectivement d'atteindre la fin visée.
En outre, l'intentionnalité de la conséquence
suppose forcément l'intentionnalité de la cause. Il faut agir
d'une certaine manière pour obtenir l'effet visé. Si Catherine
veut que tout train qui arrive en face passe à sa droite, alors, il lui
faut marcher d'une certaine manière. Il en est de même pour [4b et
4c], si Jacques ne veut pas être vu à son retour, il doit
repousser les volets d'une certaine manière. Nous constatons que, de
tous les marqueurs de consécution, seuls ceux qui sont susceptibles de
corréler manière et consécution sont communs à
l'expression du but et à celle de la conséquence. En commutant
[4c] en fait par si bien que, et afin que nous obtenons,
4c*. Dix minutes plus tard, il (Jacques) était en route
pour la Croix-de-Maufras, après avoir enjambé cette
fenêtre, sans être vu, en ayant bien soin de repousser les volets
[...] si bien qu'il pouvait rentrer par
là, secrètement ;
4c'. Dix minutes plus tard, il (Jacques) était en route
pour la Croix-de-Maufras, après avoir enjambé cette
fenêtre, sans être vu, en ayant bien soin de repousser les volets
[...] afin qu'il pût rentrer par là,
secrètement.
Nous avons vu dans l'étude de la consécution
factuelle que le marqueur si bien que introduit une conséquence
pure. Or, le procès décrit dans P1 : en ayant bien soin
de repousser les volets, est susceptible de connaître
différents modes de réalisation et dont la conséquence
exprimée en P2 n'en est qu'un aspect. C'est pourquoi la commutation avec
si bien que n'est pas possible. En effet, dans l'environnement
contextuel de la locution si bien que, on note la structure en
ayant bien soin de ... et secrètement qui induisent
l'objectif de l'agent de l'acte décrit dans l'énoncé.
C'est dans ce sens que nous nous disons que la commutation avec afin
que est possible. Tout le dispositif discursif que nous avons
relevé ne présente qu'un ensemble des moyens spéciaux mis
en oeuvre par l'agent pour atteindre son but ; afin que qui
exprime également l'intentionnalité, énonce que, puisque
le processus réalisé l'est en vue d'une conséquence, cela
exige obligatoirement que l'on mette en oeuvre un mode particulier d'agir.
Aussi, la possibilité d'un enchaînement comme [4c'] ne peut-elle
être expliquée qu'à partir des affinités entre
manière et consécution. Et Hybertie (op. cit : 112) de dire,
l'expression de la finalité véhicule en même temps
l'expression d'une manière, pour le processus cause, d'être
réalisé. L'auteur renchérit plus loin et à la
même page,
des faits de cet ordre manifestent l'affinité
étroite existant entre manière et finalité, et cette
affinité permet de comprendre que les locutions corrélant
manière et consécution puissent aussi servir à exprimer la
finalité.
En revanche, dans les systèmes corrélatifs,
Hybertie (1996 :112) ne pense pas que toutes les expressions
corrélées soient capables d'exprimer la finalité. C'est le
cas avec les expressions corrélant intensité et
consécution. Dans les exemples suivants empruntés à
l'auteur :
5a. Il a crié à tel point qu'il l'a
réveillé ;
5b. Il a crié tellement qu'il l'a
réveillé ;
5c. Il a crié de manière à le
réveiller.
Nous avons vu au chapitre deux que l'intensité est une
question de quantité, d'échelle, de degré. Nous voyons ici
que la manière relève de la façon de faire ou
d'être, donc de la qualité. Mettre en oeuvre un processus
d'augmentation quantitative pour produire l'effet voulu, c'est agir d'une
certaine façon, c'est accorder au fait cause la qualité
suffisante pour produire la conséquence voulue. Pour l'auteur, le but
n'est exprimé que dans [5c] qui comporte la locution de
manière à, expression de la finalité. Cependant,
nous pensons que tout dépendant de l'interprétation et de la
situation de l'énonciation qui peut varier d'une lecture à une
autre, la situation contextuelle étant d'un apport
très précieux dans l'interprétation d'un
énoncé. En guise d'exemple, si le locuteur en [5a] porte une
accusation sur il pour expliquer que c'est l'intensité de ses
cris qui est à l'origine du réveil du bébé, et
qu'il l'a fait dans ce but (celui de faire du mal en réveillant
l'enfant), P2 introduit par à tel point que cache
l'intention de l'agent du cri : celle d'atteindre un degré de cris
capable de réveiller l'enfant qui dort ; vue sous cet angle,
l'intensité peu induire une finalité. Les énoncés
[5a et b] sont donc ambivalents. Si l'intention n'est pas linguistiquement
marquée, l'effet pragmatique est donc capable de favoriser
l'interprétation d'une notion.
En définitive, il apparaît que la
conséquence et le but sont proches aussi bien au niveau factuel que par
leur expression linguistique. Et que la différence entre ces deux
notions ne se situe qu'au niveau de la visée qui sous-tend l'expression
de la finalité et qui se traduit linguistiquement par la
présence, dans P2 du subjonctif, mode du possible, du virtuel et marque
de la subjectivité. Pour ce qui est de la visée, elle
dépend de l'agent de l'action décrite dans P1. On en vient
à dire que la finalité se manifeste par certaines locutions et
que, dire que le subjonctif est la seule façon d'exprimer la
finalité avec les connecteurs afin que et pour que,
etc. constitue une vision réductrice de la question. Pour une meilleure
lecture de la notion de but, l'analyste du discours gagne à prendre en
compte l'aspect pragmatique. Là, on verrait que les
locutions exprimant l'intensité peuvent également traduire le
but. Toutefois, la prise en compte de certains éléments
contextuels est aussi nécessaire pour éviter des cas
d'ambiguïté.
2. Le
rapport consécution et comparaison
Faire une comparaison, c'est rapprocher un fait d'un autre
pour en souligner soit la ressemblance soit la différence. Dans ce sens,
déclarent Niquet et alii (1989 :316) la comparaison est un
procédé par lequel on rapproche, au moyen d'une construction
grammaticale, deux éléments pour les comparer,
c'est-à-dire pour en établir un rapport. La relation de
comparaison comporte deux termes reliés par un outil comparatif, qui
peut être une préposition, une conjonction de subordination, un
adjectif, un adverbe, un verbe... Et dans l'étude de la
conséquence, il s'est trouvé que des locutions conjonctives
si ... que, tant ....que et tel... que peuvent, dans certains
emplois, exprimer la comparaison.
2.1.
Le cas de si et de tant comparatif
La conjonction si peut, dans certains emplois,
corréler intensité et comparaison comme nous le voyons dans
[6] :
6a. Les regards de sa tante ne sont pas
si pressants que le
jeune homme l'imagine. (Ge, p204) ;
6b. La paie de quinzaine était justement tombée la
veille. Ils ne se souvenaient pas d'un pareil régal. Même à
la dernière Sainte-Barbe, [...], le lapin n'avait pas été
si gras ni si tendre. (Ge,
p144) ;
6c. La lapine courait devant les trois galopins, tirant la
cuisse, déhanchant d'une si lamentable façon que jamais
ils n'avaient tant ri. (Ge, p267) ;
Dans l'énoncé [6a], l'intensité est
incidente à un adjectif, mot qui exprime une qualité qui est ici
attribuée au regard de la tante. Le locuteur affirme que la
détermination de l'intensité de cette qualité n'a pas
atteint, sur l'échelle des différentes valeurs de cette
qualité, le degré suffisant pour permettre la validation de
l'état de chose décrite par l'énoncé. Cependant,
cette interprétation peut être valable tant pour la
conséquence que pour la comparaison. En effet le mode verbal de la
consécutive négative est le subjonctif, ainsi dans
l'énoncé [6a], le verbe imaginer étant un verbe
du premier groupe, il y a homophonie entre les verbes du premier groupe
à l'indicatif et au subjonctif, ce qui constitue un facteur réel
susceptible de brouiller l'interprétation des énoncés
produits.
Pour interpréter la comparative, on a recours à
une assertion de la relation prédicative les
regards-être-pressants, et négation du degré
attribué à la qualité représentée. En
d'autres termes, la négation porte sur l'intensité de la
qualité (pressants), le locuteur reconnaît que sur
l'échelle des différentes valeurs de cette qualité,
l'intensité atteinte par cette propriété ne peut permettre
la validation de P2. La mesure de l'intensité se fait à la
dimension de la comparaison. Aussi Hybertie (op cit : 116)
souligne-t-elle que l'intensité niée est
déterminée soit par un repérage avec la
subordonnée, lorsqu'elle est réalisée (Les regards de sa
tante ne sont pas si pressants que le jeune
homme l'imagine), soit par repérage avec un discours
antérieur, ce qui correspond à la glose : Les
regards de sa tante ne sont pas pressants comme on dit qu'ils sont pressants.
L'intensité n'a pas atteint le degré susceptible de
favoriser ce qu'on dit. Le système comparatif négatif
connaît donc le même circuit descriptif que le système
consécutif.
Sur le plan discursif, la comparaison tout comme la
consécutive se situe du coté de la co-énonciation. En
fait, l'énonciation de [6a] ne peut être possible que dans des
contextes mettant en jeu la co-énonciation, c'est-à-dire que
l'assertion de les regards de sa tante ne sont pas si
pressants apparaît comme une négation de la relation
prédicative validée par le co-locuteur : les regards de
sa tante sont pressants et le locuteur réagit en disant pas si
pressant que... Par ailleurs, une autre ambiguïté se
situe au niveau de l'absence de réalisation de la subordonnée
comme le montre [6b et c]. En fait, ces énoncés peuvent
connaître chacun une réalisation soit par une subordonnée
consécutive, soit par une subordonnée comparative ; tout se
passe comme si le soin était laissé au co-énonciateur de
la déterminer. Si on se rappelle que les locutions qui corrèlent
intensité et consécution attestent que la relation
consécutive est validée pour une sous-classe d'occurrences de P1,
sous-classe dont dépend l'avènement de la conséquence, il
y a lieu de se demander si l'avènement d'aucune relation n'est
établi parce qu'aucune sous-classe d'occurrences de P1 n'est
validée. En disant le lapin n'avait pas été
si gras ni si tendre, le locuteur
reconnaît que le lapin est gras, seulement c'est l'intensité
incidente à la qualité prédiquée qui est
niée, seulement on ne sait à quoi aboutit cette négation.
Toutes les valeurs sont envisageables tant pour la conséquence que pour
la comparaison, c'est là la source de l'équivoque.
Reléguées désormais à la compétence de
l'interprétation, c'est-à-dire du co-locuteur, les
séquences suivantes sont possibles :
6b'. La paie de quinzaine était justement tombée la
veille. Ils ne se souvenaient pas d'un pareil régal. Même à
la dernière Sainte-Barbe, [...], le lapin n'avait pas été
si gras ni si tendre
qu'aujourd'hui ;
6b''. La paie de quinzaine était justement tombée
la veille. Ils ne se souvenaient pas d'un pareil régal. Même
à la dernière Sainte-Barbe, [...], le lapin n'avait pas
été si gras ni
si tendre que ça.
Cette analyse est valable pour [6c] avec l'adverbe
d'intensité tant. Avec l'adverbe çà, il
y a encore ambiguïté sur la nature de ce mot. Que se passe-t-il
avec la locution tel...que ?
2.2.
La locution tel...que comparatif
D'un point de vue syntaxique, la locution conjonctive
tel...que est analysable en deux morphèmes : le
morphème tel et la conjonction que. Hors
système corrélé, le lexème tel a deux
valeurs. Il est soit adjectif, soit pronom. Comme pronom, il désigne
quelqu'un de façon indéterminée, d'où l'appellation
traditionnelle pronom indéfini que lui attribue la
grammaire ; et comme adjectif qualificatif, il exprime
l'indétermination. C'est cet aspect qui nous intéresse dans notre
étude. Le nom est présenté par tel dans sa valeur
la plus générale, ce qui le rapproche de l'article
indéfini un toutefois avec une nuance : il donne un
semblant d'identité au nom. Comme tout adjectif qualificatif, le
lexème tel participe à la construction de la valeur
référentielle du nom auquel il est incident, c'est-à-dire
qu'il désigne une qualité liée au substantif, sans
pourtant préciser la nature de cette qualité. C'est pour cela que
Chevalier et alii (1964 :278) disent qu'il fonctionne comme un
proadjecif qualificatif. Dans le cas de tel, l'opération
de détermination référentielle ne peut se faire qu'au
moyen des marques ou repères qui sont soit contextuel, soit
énonciatif.
En repérage contextuel, le morphème tel
peut référer soit au contexte antérieur, soit au contexte
postérieur comme il est question dans [7] :
7a. Un jour, après lui avoir promis formellement dix
mille francs, il avait osé se présenter les mains vides, à
l'heure convenue. Un tel manque de parole, tant de gentillesses
perdues, la jetèrent dans une rage de grossièretés.
Elle était toute blanche. (Na, p.402).
7b. Jamais un tel gala n'avait mis en l'air la grande
maison patriarcale et
cossue. (Ge, p426).
Il ne construit aucune valeur référentielle du
nom manque de [7a]. Avec tel, l'indétermination est
moins forte ; dans l'énoncé susmentionné, tout se
passe comme s'il y avait une sélection de la valeur
référentielle du nom auquel tel est incident. Il s'agit
d'un manque particulier, unique, parmi tous les manques possibles,
cependant tel ne détermine pas avec netteté
l'occurrence, qui est appropriée, du nom. Dans l'énoncé
[7a], tel renvoie à la promesse de donner de l'argent à
Nana, promesse faite par Muffa, son amant. Dans cet emploi, tel
signifie un tel N (des N) de cette nature. L'étymologie de
tel est révélatrice, selon le dictionnaire
Latin-Français (1959 :667), tel vient du latin
talis signifiant de cette manière, de cette nature, de
cette qualité, de ce genre, il traduit, selon l'expression de
Hybertie (op cit),
un type d'opération d'anaphore particulier qui
entraîne que prédéterminant + tel + N signifie : un N
ou des N du genre, de la nature de ceux dont il a été question
antérieurement, de ceux qui ont été antérieurement
déterminés.
En glosant l'énoncé [7a], on pourrait avoir
à peu près ceci : un manque de parole de la nature de
celui que connaît Nana / ayant les mêmes caractéristiques
que celui que Nana connaît... La combinatoire de un tel ne
peut cependant pas être commutée par le démonstratif ce
parce que ce denier exige, pour une bonne interprétation, un
recours à l'univers extralinguistique.
En repérage énonciatif, l'instruction
attachée à l'emploi de tel mérite qu'on se
réfère à la situation d'énonciation pour avoir la
référence du nom comme dans cet
énoncé emprunté à Hybertie (op cit :
66) :
8. Avec un tel chapeau, t'as bonne
mine
Tel suivi de que peut aussi être
employé pour
marquer la
conséquence, le
rapport ou la
ressemblance de
deux
choses que l'on
compare
ensemble. Si cette
locution nous intéresse dans cette étude, c'est parce que comme
le déclare Hybertie, les opérations que traduit
tel...que sont corrélatives de la valeur
générale de tel.
Dans le cas de la conséquence, la relation entre
tel s'établit avec la proposition consécutive comme il
est question dans [9] :
9a. Les porions ne suffisaient pas au raccommodage, les bois
cassaient de toutes les parts, [...]. Bientôt les désastres
étaient tels,
qu'il devait nécessiter de long mois de
réparation, avant que l'abattage pût être repris. (
Ge, p 245) ;
9b. A cette minute, la confusion devint telle,
qu'il se produisit un de ces faits d'affolement qui restent
inexplicable. (Ge, p344) ;
9c. C'était, cette fois, une course de cinq grands
kilomètres. Un élan tel les (sic)
charriait, qu'ils ne sentaient pas la fatigue
atroce, leurs pieds brisés et meurtris. (Ge, p318) ;
9d. Dès le premier voyage, Catherine, effrayée,
revint en disant qu'il n'y avait plus personne au plan incliné. Le
saisissement n'était pas tel, que
les dix hommes l'avait cru, [...]. (Ge, p443).
Pour supposer la valeur référentielle de
tel, il faut attendre l'accomplissement de la conséquence.
Ainsi [9a], par exemple, peut être paraphrasé de la manière
suivante : les désastres étaient tellement lourds /
accentués qu'il devait nécessiter de long mois de
réparation ... Nous parlons de supposer parce que, selon
l'opération de parcours dont nous parlons depuis dans notre
étude, tel construit une sous-classe d'occurrences du nom,
sous-classe qui peut être réduite à un ou plusieurs
éléments, dont, affirme Hybertie (op cit :67), le trait
définitoire est de posséder la propriété qui
permette l'avènement de la conséquence exprimée par la
consécutive. On note que le choix d'un élément du
paradigme de l'adjectif n'est possible qu'à travers l'expression de la
conséquence. En d'autres termes, parmi les désastres, il y en a
qui ont la propriété qui fait qu'on mette de long mois de
réparation. Mais avec la structure un + N + tel de
l'occurrence [9c], la détermination de tel devient difficile,
même avec la réalisation de la conséquence. Avec N
intercalé entre un et tel, il devient pénible
de dire à quoi tel est incident. De là une interrogation
pèse sur la grammaticalité ou l'acceptabilité d'une telle
construction.
Parlant maintenant de la comparaison avec tel, nous
avons la même description qu'avec si et tant. En
glosant [9d], on obtient : ... Le saisissement n'était pas
tel, que les dix hommes croyaient que le
saisissement était / le saisissement n'était
pas tel, que les dix hommes le disaient.
La détermination de la propriété du nom auquel
réfère tel dans le contexte reste
indéterminée parce que cela relève du préconstruit.
C'est également ce que souligne Hybertie (op cit : 115) lorsqu'elle
déclare :
on peut remarquer que lorsque si et
tant forment un système comparatif, le verbe de P2 est
toujours soit un verbe de parler, soit un verbe de penser, [...]. Il s'agit
donc toujours d'une représentation relevant du
préconstruit.
Le préconstruit renvoie à ce qui est construit
ou conçu avant l'acte d'énonciation. Pour Charaudeau et
Maingueneau (2002 : 464),
le préconstruit peut être approché
comme la trace, dans l'énoncé, d'un discours
antérieur ; il s'oppose donc à ce qui est construit au
moment de l'énonciation. Un sentiment d'évidence s'attache au
préconstruit parce qu'il a été
« déjà dit » et qu'on a oublié qui en
était l'énonciateur.
Les verbes de parole ou de pensée sont les indices qui
déclenchent cet effet discursif. En effet, dire, penser, imaginer,
croire, présumer, etc. font partie des verbes dont parlent Hybertie
et en guise d'exemple, pour qu'un locuteur énonce un fait comme
celui-ci : Même à la dernière Sainte-Barbe, [...],
le lapin n'avait pas été si gras ni
si tendre qu'on l'eût pensé, il faut au
préalable que lui ou le co-locuteur ait conçu que le lapin
était gras ou tendre. Ceci est valable pour les énoncés
avec tant et tel également. Et avec l'adverbe de
négation, le locuteur nie ce qui a été d'abord
conçu par autrui. C'est sans doute pour cela qu'on note que leur emploi
en système corrélé est exclusivement réduit
à des contextes mettant en jeu la co-énonciation comme c'est le
cas des situations spécifiques suivantes :
6b'''. [...], le lapin avait-il été
si gras et si tendre qu'on
l'avait pensé ?
6c'. [...], avaient-ils tant ri
qu'ils le prétendaient ?
9d'. [...] Le saisissement était-il
tel, que les dix hommes l'avait
cru ?
Dans la consécutive tout comme dans la comparative,
l'introduction de la négation dans P1 ne produit pas la négation
pure et simple de la propriété sur laquelle porte la
détermination du niveau d'intensité, mais seulement la
négation de l'intensité déterminée par le
repère supposé nécessaire. En effet, dans
l'énoncé le lapin n'avait pas été
si gras ni si tendre qu'on l'avait
pensé, qu'on eût à avaler sans mâcher, le
locuteur nie le degré d'intensité déterminé par la
représentation que l'on prête au co-énonciateur.
Linguistiquement, cette représentation peut prendre soit la forme d'une
consécutive, qu'on eût à avaler sans mâcher,
soit la forme d'une comparative : qu'on l'avait pensé,
sans nier la propriété être gras ou être
tendre. Quant à l'interrogation, le locuteur laisse le soin au
co-locuteur de trancher soit pour affirmer, soit pour infirmer. Dans [6c'], il
s'agit d'une interrogation totale, l'unique type d'interrogation susceptible de
fonctionner avec l'intensité.
En outre, nous constatons que dans le cas de la
conséquence, si le degré d'intensité est nié et ne
peut entraîner la conséquence, il est toutefois possible que cette
conséquence puisse être possible pour peu que l'intensité
atteint une échelle pouvant rendre la conséquence
effective ; ce qui n'est pas le cas avec la comparaison puisque ce qui est
nié c'est l'assertion du degré d'intensité produite par le
co-énonciateur.
3. La
relation consécution et concession
Le terme concession exprime, d'une part, l'action
d'accorder, de concéder quelque chose, et d'autre part, l'abandon, le
désistement, le renoncement. Pour Popin (1993 : 120), la relation
de concession développe un fait réel, fonctionnant comme une
cause qui n'entraîne pas les conséquences qu'elle devrait avoir,
il s'agit pour l'auteur d'une cause dévalorisée, d'où
l'emploi du subjonctif. Quant à Descourbes et alii (1999 :204), la
concession et l'opposition se confondent si bien qu'on les regroupe
habituellement sous le terme d'opposition. Quelle que soit la nature du
discours, nous convenons avec Dassi (2005 : 7) que la
concession va s'apprécier comme une relation
sémantique interpropositionnelle ou interséquentielle ; la
séquence étant, de part son étendue, égale ou
supérieure à la phrase achevée. Il existe cependant
plusieurs types de relation concessive introduite par certains outils
linguistiques plurifonctionnels comme, si....que, sans que,
sans, si qui introduisent également la
conséquence. Pour Oualid (2005 :74), ces connecteurs sont à
l'origine de la concession négative, la concession hypothétique
et la concession argumentative.
3.1.
La concession négative
Dans la concessive négative, le connecteur exprime
l'exclusion ou la négation du procès concomitant. Le terme
concomitant ici n'a pas, à notre humble avis, le sens de
simultané, c'est-à-dire d'un fait qui se produit en même
temps que l'autre mais dans le sens de se suivre immédiatement. La
nuance réside au niveau de l'écart ou du temps mis par P2 pour se
réaliser. La concessive négative se construit avec les
connecteurs sans que et sans qui marquent, comme nous l'avons
déjà vu, l'absence de cause, de conséquence et maintenant
de concession. Mais Riegel et alii (1996 :512), notent que si sans
que exprime la négation d'une relation concomitante ou
consécutive, c'est non que qui énonce une relation de
cause niée ou manquée. L'essentiel est de savoir ce qui motive ou
ce qui spécifie chaque emploi de ce connecteur. Les
énoncés ci-après permettront de mieux analyser la
concessive négative.
10a. [...], en six mois, elle eut chez son couturier une note de
cent vingt mille francs. Sans qu'elle eût
augmenté son train, [...].(Na, p387) ;
10b. Il ne veillait point, la quarantaine approchait,
sans que le roux ardent de ses cheveux
frisés eût pali. (Lbh, p56) ;
10c. Debout, Maheu parlait, sans
qu'on pût distinguer un seul mot.
(Ge, p240) ;
10d. Les parents étaient là, et il gardait en outre
pour elle un sentiment d'amitié et de rancune, qui l'empêchait de
la traiter en fille qu'on désire, au milieu des abandons de leur vie
devenue commune, à la toilette, aux repas, pendant le travail,
sans que rien d'eux ne leur restât
secret, [...].(Ge, p158).
En [10a], en fait, la note du couturier qui
s'élève devrait être la conséquence réelle de
l'augmentation du train de vie de Nana ; l'emploi de sans que
causale exprime plutôt une cause qui n'a pas eu lieu comme l'aurait
exigé la logique. Dans le monde référentiel en fait, pour
que la note soit élevée, il faut qu'il y ait eu plus de commandes
de marchandises ou tout autre fait, générateur de
dépenses. Or l'énoncé exprime que P1 n'est pas le motif
qui détermine P2, ce que traduit le connecteur sans que P2. En
toute logique, rien ne justifie plus P1, car la relation qui est censée
l'induire est rejetée, ce qu'exprime bien la locution non que,
10a'. [...], en six mois, elle eut chez son couturier une note de
cent vingt mille francs. Non qu'elle eût augmenté son train,
[...]
On est dans l'expression de la logique contraire ou
de la cause inverse ; la cause n'est pas valorisée parce
qu'elle n'a pas abouti, il s'agit d'une fausse cause. Le subjonctif,
ordinairement mode de la virtualité, vient renforcer ce trait
négatif de la cause. Et les Le Bidois (1935 : 463) de dire
la causale amenée par non que ou
ce n'est pas que est au subjonctif. Ces locutions supposent en
effet une intervention de la sensibilité : le locuteur ne se
contente pas de nier la causalité, plus ou moins énergiquement,
il nie ou conteste la réalité même du fait, et ce nisus de
la pensée s'exprime alors par le mode de l'énergie psychologique.
Dès que reparaît la locution parce que, le mode
de l'expression logique reparaît en même temps. Et l'indicatif
s'impose même quand parce que est suivi de
non. L'esprit ne proteste plus, il se borne à
expliquer, tranquillement, que la cause énoncée n'est pas
vraie.
Sur le plan argumentatif, le locuteur veut montrer que la
justification au fait asserté se trouve ailleurs. Et ceci peut
être implicite ou présenté dans le contexte et laisser
à l'appréciation du lecteur. Dans le cas de [10a], en effet, la
cause réelle de la note élevée (cent vingt mille francs)
se trouve dans cet énoncé :
11. [...] Julien exigeait des remises chez les fournisseurs, les
vitriers ne remettaient pas un carreau de trente sous, sans qu'il en
fît ajouter vingt pour lui [...]. (Na, p.387).
On peut donc comprendre que c'est parce que Julien, le
cuisinier, surfacturait les livraisons ou les réfections que la note
était élevée. Dans ces conditions, [10a'] peut être
complété tout naturellement par [11] : en six mois, elle
eut chez son couturier une note de cent vingt mille francs. Non qu'elle
eût augmenté son train, [...], mais parce
que Julien exigeait des remises chez les fournisseurs, les
vitriers ne remettaient pas un carreau de trente sous, sans qu'il en fît
ajouter vingt pour lui. On constate tout simplement que sans que
causal est moins contraignant, le locuteur s'en remet aux connaissances
encyclopédiques et épistémiques du co-locuteur. En
d'autres termes, avec sans que, la justification n'est pas
nécessaire pour que le sens de l'énoncé soit
complet ; l'explication est implicite. Le locuteur ne veut prendre aucun
risque, en fournissant une explication qui peut être contestée. Il
laisse au co-locuteur la charge de la chercher ou de la formuler.
En revanche, dans [10b], l'expérience montre que plus
l'homme avance en âge, plus son aspect physique change. C'est ainsi que
les rides peuvent apparaître, les cheveux grisonnent. Avec l'emploi de
sans que concessif le sémantisme de la négation que
contient la locution lui permet de nier le résultat logiquement
attendue ; par là le locuteur dédit la relation
argumentative. En outre, pour lever l'ambiguïté que provoque
l'emploi de sans que, on peut le commuter, dans l'expression de la
concession, par alors que ne pas, comme le signale Muller
(1991 : 403), avec une modification au niveau du temps verbal de la
subordonnée :
10b'. Il ne veillait point, la quarantaine approchait,
alors que le roux ardent de ses cheveux
frisés n'avait pas pâli.
10b''. Il ne veillait point, la quarantaine approchait,
bien que / quoique le roux ardent de ses cheveux
frisés n'eût (pas)
pâli.
L'adverbe de négation permet d'établir que la
conclusion attendue n'a pas été tirée. La commutation avec
le marqueur bien que associé à l'adverbe de
négation ne pas, montre que la concession négative fait
partie de la concession logique qui est introduite par bien que.
Relation logique que Morel (1996 : 6-7) perçoit comme une
vision préétablie de la relation entre les éléments
mis en présence, ou du moins un accord tacite entre les locuteurs sur
cette relation. Ce qui se vérifie bien avec la relation
décrite dans l'énoncé [10b]. En effet, entre A/B1 :
la quarantaine approchait et B / non B : le roux ardent
de ses cheveux frisés eût pali. Le connecteur vient nier la
conséquence qui aurait dû normalement avoir lieu. La relation
normale, sous-jacente, était de voir les cheveux porter le poids de
l'âge. Le recours à la concession dit Morel (op cit) permet donc
au locuteur d'imposer la relation implicite qui lie les deux
énoncés en présence. En permutant sans que par
non que dans [10b], l'énoncé n'est plus recevable comme
on le constate :
10b*. Il ne veillait point, la quarantaine approchait,
non que le roux ardent de ses cheveux
frisés eût pâli.
10b'''. Il ne veillait point, la quarantaine approchait,
non parce que le roux ardent de ses cheveux
frisés avait pâli, mais....
La cause manquée introduite par le connecteur non
que est inadaptée dans cet emploi ; ce n'est en effet pas,
parce que P2 : le roux ardent de ses cheveux frisés ne
pâlissait pas que l'effet dans P1 : la quarantaine
approchait a eu lieu. L'inacceptabilité de cet énoncé
vient, nous le pensons, du fait que la cause qui devait même être
suivie de l'effet n'est pas logique ; avec l'emploi de la
locution conjonctive non que, l'on s'attend toujours à une
justification qui vient pallier celle qui est récusée par non
que, comme nous l'avons vu avec [10a et 11]. Nous pouvons déduire
que sans que dans [10b] introduit une conséquence
manquée.
La même analyse est valable pour [10c], il est en effet
incompréhensible, dans le monde référentiel, que l'on
puisse parler sans qu'aucun mot ne soit distingué. Sur le plan
dialectique, on parle non seulement pour que les mots soient distingués,
mais surtout pour se faire comprendre. Par le connecteur sans que, le
locuteur admet qu'il existe un obstacle ou une opposition à la
réalisation d'un fait, sans que cette opposition annule la
réalité du fait exprimé. Cependant, en remplaçant
sans que par un connecteur factuel de conséquence suivie de la
négation, comme c'est le cas dans [10c' et c''] :
10c'. Debout, Maheu parlait de manière
qu'on ne pût (pas)
distinguer un
seul mot ;
10c''. Debout, Maheu parlait bien
que/quoiqu'on ne pût (pas) distinguer
un seul mot.
on constate une altération du premier sens. La
subordonnée exprime déjà le but ou la conséquence
voulue dans [10c'], bien que le fait de départ soit le même. Il
s'agit dans ce cas, non plus de montrer que le fait présenté n'a
pas connu l'issue souhaitée, mais de montrer que la visée de
départ, c'est-à-dire la façon de parler ou encore la
qualité associé au parler de l'agent du fait décrit
était d'empêcher la fin d'avoir lieu, donc cette intention
était déjà conçue par l'agent du procès
décrit dans P1. Pour ce faire, notent les Le Bidois ( 1935 : 463)
la conséquentielle, peut selon les cas, impliquer
elle aussi une intension (ou une tension) vers un résultat
recherché ou n'impliquer au contraire qu'une conséquence
où la volonté n'a aucune part, et qui dépend seulement de
la nature des faits. Aussi le mode de la conséquentielle est-il fonction
de la pensée : le subjonctif, quant le résultat est voulu,
intentionnel, l'indicatif, quand aucune idée de finalité ne se
mêle à l'idée de conséquence.
Quelle que soit la désignation :
conséquence voulue ou but, le problème ne se pose pas au niveau
de la terminologie pour le moment, on constate tout simplement que la
concession en sans que est plus proche de la conséquence que de
la cause, c'est ce qui se dégage avec l'énoncé [10c'']. Le
même énoncé exprime la concession pure, le subjonctif ici
étant le mode de la concession, il ne s'agit nullement d'une quelconque
visée. Cette commutation est possible parce que nous pensons que l'agent
de l'évènement décrit dans P1 étant un humain, il
peut manifester une volonté comme dans [9c'] alors
que [9c''] apparaît comme une description objective des faits.
En revanche, la commutation de sans que par la
locution conjonctive comme c'est le cas dans [10b'*]
Il ne veillait point, la quarantaine approchait,
de sorte que le roux ardent de ses cheveux
frisés ne pâlissait pas.
Rend l'énoncé inacceptable parce que,
logiquement on ne voit pas le rapport direct entre le fait décrit en
P1 : la quarantaine approchait et celui de P2 le roux ardent
de ses cheveux ne palissait pas. Donc sans que dans cet usage
n'exprime pas une conséquence nié, mais une concession pure comme
le démontre la permutation avec les connecteurs, bien que /quoique
dans [10b'']. Nous dégageons de cette analyse un constat
réel : la locution conjonctive sans que est l'unique connecteur
capable d'exprimer toutes ces trois notions : cause, conséquence et
concession. Pour une interprétation cohérente du texte donc la
cohésion est faite par le connecteur sans que, le
co-énonciateur tout comme le lecteur s'approprie le texte et,
grâce à sa culture générale et à ses
connaissances scientifiques, il sait à quel moment interpréter
les marqueurs sans que ou sans comme pour exprimer une nuance
de la causalité. C'est pourquoi Rossari et Jayez (1997 :233)
affirment que les emplois des connecteurs peuvent être
déterminés soit à partir d'un noyau sémantique dont
on essaie de les dériver, soit à partir d'un système de
contraintes mutuellement indépendantes. Ces auteurs reconnaissent
explicitement que l'étude des connecteurs de conséquence requiert
la combinaison de plusieurs approches : syntaxique, sémantique et
pragmatique. Le danger que nous pressentons réside justement au niveau
de cette interprétation qui a une connotation subjective, Nølke
(1993 : 36) Aussi la cohérence peut-elle être diversement
appréciée selon qu'on est auteur, lecteur, ou analyste du
discours. En d'autres termes, il appert que les connecteurs sans que
et sans, connecteurs suspects comme nous venons de le constater, sont
employés à dessein par le locuteur. Ils lui permettent, tout
comme l'implicite de brouiller ses pensées et de prévenir des
interprétations osées.
Par ailleurs, Oualid (2005 :74) relève que lorsque
les sujets sont coréférentiels, sans que cède sa
place au connecteur sans qui est suivi de l'infinitif. Pour Morel
(1996 :87), il existe deux types de construction infinitive avec
sans : avec le premier type, le groupe prépositionnel est
antéposé au sujet de la proposition principale et est
paraphrasable par une subordonnée introduite par bien que ou par
même si ; le deuxième type présente un groupe
prépositionnel postposé à la principale où le
sens de la relation concessive est variable. Dans ce cas, la paraphrase
dépend de la nuance concessive qui se dégage de
l'interprétation de l'énoncé. Si l'on est en face d'une
concession logique, c'est la première proposition qui est paraphrasable
par une subordonnée, ou le groupe prépositionnel lui-même
dans le cas d'une concession rectificative. Cependant l'auteur souligne
qu'il est parfois impossible de trancher.
Nous n'avons toutefois pas d'occurrence du premier type dans
notre corpus ; par contre l'énoncé [12] nous permet
d'illustrer notre propos pour ce qui est du deuxième type :
[...], la Régie n'osant plus faire la
sourde oreille, deux des régisseurs avaient daigné venir
pour une enquête, mais d'un air de regret, sans paraître
s'inquiéter du dénouement [...]. (Ge, p362).
L'énoncé présente l'attitude de la
Régie, instance dirigeante des Compagnies minières. Depuis la
grève des mineurs, elle ne s'était gênée ni pour
trouver une solution à la grève ni pour mener les
enquêtes puisqu'elle avait la ferme conviction qu'elle aurait
encore le dessus. Cependant, ce mouvement d'humeur perdure et la Régie
se voit obligée de se remuer, ne serait-ce que pour la forme. En toute
logique, les régisseurs devaient prendre cela au sérieux, et
s'inquiéter de la tournure persistante que prend la grève. Ce qui
transparaît donc lorsqu'on paraphrase la première proposition par
la subordonnée comme suit :
12'. [...] bien que deux des
régisseurs eurent daigné venir pour une
enquête, [...], ils ne paraissaient pas
s'inquiéter du dénouement ;
12*. La Régie n'osant plus faire la sourde oreille,
deux des régisseurs avaient daigné venir pour une enquête,
mais d'un air de regret, de façon à
ne pas paraître s'inquiéter du
dénouement.
Selon la grille d'approche de l'auteur, cette concession est
logique. La locution conjonctive unit deux propositions et cette
association selon Morel (op cit : 24)
marque doublement le fait que l'énonciateur n'est
pas à l'origine du jugement énoncé dans la
subordonnée, mais qu'il y apporte malgré tout son assentiment, en
tant qu'argument destiné à faire ressortir la thèse qu'il
va soutenir dans la proposition principale qui suit.
Ainsi les deux propositions sont le fruit d'une seule
énonciation. Mais la concessive est présentée comme ayant
fait l'objet d'une assertion préalable par un autre énonciateur,
assertion à laquelle l'énonciateur principal souscrit puisque la
subordonnée garde le même support énonciatif que la
principale. Sans toutefois revenir sur la valeur de l'infinitif qui a
déjà fait l'objet d'une analyse au chapitre II, nous rappelons
tout de même qu'il permet de ne présenter du procès qu'une
image virtuelle sans l'actualiser. Combiner à la préposition
négative sans, le groupe prépositionnel exprime une
concession négative, tout comme sans que, et la concessive
négative est celle qui démontre que la logique n'est pas
respectée.
3.2.
La concession hypothétique
Au sujet du système hypothétique, nous avons vu
que c'est la conjonction si qui permet d'introduire les propositions
dans ce système. Le conditionnel ayant pour valeur principale de
créer une situation imaginaire à laquelle le locuteur traduit son
adhésion, et comme dit Oualid (2005 :79), qu'il donne comme
faisant partie de son actualité vécue, [avec le conditionnel] le
repère du procès se présente dans une actualité
décalée par rapport au moment de l'énonciation. Ainsi
dans l'énoncé suivant :
13. [...], si les usines rouvraient une à
une, l'état de guerre n'en restait pas moins déclaré,
[...]. (Ge, p501).
L'énonciation de [13] explique la fin de la
grève, une fin plus apparente que réelle. Les mineurs ont perdu
puisque leurs revendications n'ont pas été satisfaites. La
réouverture des usines devait en fait être la victoire du patronat
et par conséquent plus d'état de guerre. Or, par
l'emploi de la concession, le locuteur est précisément entrain
d'affirmer que P1 : les usines rouvraient une à une, n'a
pas connu l'implication attendue, mais plutôt une non
P2 : l'état de guerre restait déclaré.
Cette négation est déclinée dans P2 par l'emploi de la
locution ne ...pas moins qui, non seulement exprime la négation
du fait, rend également l'implication fausse. Comme marqueur de
concession argumentative, Morel (op cit : 35) dit que si peut
prendre la valeur de il est vrai que. La concession
hypothétique n'est donc qu'une nuance de la concession argumentative.
Nuance qui est également rendue par l'adverbe d'intensité
si. Nous n'avons trouvé aucune occurrence dans notre corpus,
néanmoins nous empruntons un exemple à Oualid (op cit) :
14a. Ce jour-là, il y eut une tempête
si rude dans l'hôtel,
que tous les domestiques baissaient le nez,
[...]. (Na, p.310).
14b. Si intelligent soit-il, il risque de ne
pas réussir (Oualid, op cit ).
L'énoncé [14a] représente le
système consécutif, système dans lequel l`adverbe
d'intensité si est incident à l'adjectif rude.
L'intensité étant une question d'échelle, le locuteur
montre que, sur le parcours que représentent les différentes
valeurs de l'adjectif, l'adverbe d'intensité si permet à
l'adjectif d'atteindre un degré d'intensité
indéterminé, mais suffisant, pour la réalisation de la
conséquence. Parlant de parcours Hybertie (op cit : 138)
énonce qu'il constitue une opération consistant
à parcourir la classe de toutes les occurrences
d'une notion, sans pourvoir / vouloir s'arrêter à une seule, ce
qui signifie qu'il est impossible d'attribuer une valeur
référentielle stable à un terme de
l'énoncé.
Le parcours est une opération abstraite qui se fait sur
la classe des occurrences de la notion, dans le cas présent de
l'adjectif. Pour ce qui est de l'énoncé [14b], la séquence
introduite par si concessif explique que l'opération de
parcours opérée sur la classe de la notion (intelligent), bien
que tendant toujours vers le haut degré sur l'échelle
d'intensité ne permet pas, comme le dit Morel (op cit : 103),
de limiter l'accroissement quantitatif. Ainsi dans le
système concessif, l'intensité est privée du repère
qui, dans le système consécutif favorise la réalisation de
la conséquence. C'est dans ce sens que la concession présente une
conséquence niée.
Du reste, la relation concessive révèle qu'il
n'y a pas toujours de rapport étroit entre les idées
présentées dans un texte si l'on le considère d'un point
de vue purement logique, dans ce cas, pour que la cohérence d'un texte
se maintienne, dit Mossberg (2006 :26), on s'aperçoit que le
lecteur semble accepter un grand nombre de contradictions et de confusions sans
que sa conception de la cohérence du texte soit perturbée.
Cependant la concession biculturelle semble plus facile à concilier
comme le montre Dassi (2005 :2) que la conciliation entre deux
propositions qui se repoussent en discours.
En percevant en fait la concession comme un mouvement
argumentatif en deux temps où le locuteur premièrement
reconnaît la validité d'un argument, pour ensuite émettre
un contre-argument qui vient en restreindre la portée ou le
détruire, Morel (op cit :5) met en valeur l'essentiel de la
relation sémantique qui unit la principale à la
subordonnée. En choisissant de présenter quelque chose comme
inattendu par rapport à autre chose, la relation concessive
apparaît, nous semble-t-il, comme une relation d'abord objective.
L'énoncé est présenté comme une description, on a
l'impression que le locuteur observe et décrit les faits sans
s'impliquer, le regard est extérieur. En clair, dans
l'énoncé [14b], la conclusion implicite : l'état
de guerre n'est pas déclaré suscitée par
l'état de chose décrit en P1 : les usines rouvraient une
à une, repose sur une certaine conception de la norme. Il est donc
objectivement logique qu'on infère que les usines ne rouvrent pas quand
l'état de guerre est déclaré (conclusion niée par
la concession). Mais l'emploi du connecteur (ne....pas moins) se
révèle ici être comme étant l'élément
qui introduit la griffe personnelle du locuteur, c'est-à-dire
l'orientation qu'il donne à son énoncé. C'est
l'introduction de ce connecteur qui rend, à notre humble avis, la
relation de concession subjective.
En somme, la distinction qui existe entre la
conséquence et la finalité lorsque ces relations empruntent les
mêmes marques linguistiques se situe au niveau du mode : l'indicatif
pour la conséquence et le subjonctif pour le but.
Pour nous il ne s'agit que d'un simple
problème d'interprétation, la conséquence avec
l'intensité étant aussi capable d'exprimer le but pour peu qu'on
mette en valeur l'aspect pragmatique.
Pour ce qui est de la conséquence et de la
comparaison, les outils linguistiques communs présentent la
conséquence comme niée avec la possibilité de voir la
conséquence se réaliser, si l'intensité exprimée
par tant, si ou tel atteint un certain seuil, ce qui
n'est pas le cas avec la comparaison. En ce qui concerne le rapport
conséquence - concession, l'intensité de la concessive bien que
tendant vers un degré paroxystique, présente toujours la
conséquence comme manquée, alors que avec la conséquence
l'intensité la plus élevée conduit inévitablement
à la réalisation de la relation. En dehors de ces conclusions
d'ordre général, nous sommes parvenue à ce résultat
singulier : les connecteurs sans que et sans sont les
seuls capables d'exprimer à la fois la conséquence, la cause et
la concession.
Sur le plan argumentatif, cette aptitude permet qu'on
les regarde comme les connecteurs subjectifs avec les mêmes valeurs
argumentatives que celles que dégage l'implicite dans l'expression de la
conséquence.
CONCLUSION GÉNÉRALE
Au terme de ce travail portant sur les différentes
marques d'expression de la conséquence et sur leurs valeurs
argumentatives, il ressort de manière générale, que
lorsqu'on parle, on ne décrit pas seulement la réalité, on
exprime aussi ses opinions profondes. La langue foisonne de moyens explicites
et implicites pour exprimer directement ou indirectement le point de vue du
locuteur. L'utilisation de ces procédés d'expression repose
principalement sur les convictions et les attentes du locuteur par rapport aux
évènements décrits. La plupart des expressions
langagières sont donc empreintes d'une certaine subjectivité.
L'objectif de ce travail est de rechercher les motivations qui
sous-tendent les divers moyens dont se sert un locuteur pour exprimer la
conséquence, établir les rapports entre chaque marqueur et
la raison de son emploi et relever, s'il y a lieu, les difficultés
inhérentes à l'utilisation de ces différentes formes
d'expression de la conséquence.
Le premier chapitre repose sur la vérification de
l'hypothèse selon laquelle les marques d'expression de la
conséquence constituent un vaste éventail. Dans la perspective de
cette analyse, nous avons fait une étude rétrospective de la
notion de conséquence de la grammaire classique à la grammaire
structurale. A travers le fonctionnement du CCC, il s'est avéré
que la grammaire ne reconnaît que deux principales formes d'expression de
la conséquence : la conséquence simple et la
conséquence subordonnée. Ce chapitre nous a enfin donné
l'opportunité de présenter la pragmatique linguistique, grille
d'approche que nous avons choisie pour éclairer la problématique.
L'inventaire des moyens d'expression de la conséquence nous a permis de
réaliser qu'il existe une multiplicité de marques qui traduisent
la conséquence. Nous les avons classées en deux groupes selon
leur nature : les marqueurs morphologiques et les marqueurs
morphosyntaxiques.
Au deuxième chapitre, l'hypothèse à
vérifier énonce que les différents connecteurs de
conséquence ont des valeurs spécifiques. La vérification
de cette hypothèse a nécessité la classification des
outils morphologiques de la conséquence en trois
sous-catégories : les connecteurs inférentiels, les
connecteurs factuels et les marqueurs lexicaux. Les connecteurs
inférentiels sont en nombre illimité et leur liste reste
ouverte. Le contexte est la condition idéale de leur
observation ; ils présentent la conséquence qui
relève de la subjectivité du locuteur.
L'interchangeabilité qu'on note entre ces connecteurs est, pour
certains, apparente. Ainsi, pour une commutation efficace des connecteurs
inférentiels, il est nécessaire qu'une étude approfondie
des types d'arguments qu'ils relient soit faite pour regrouper les connecteurs
par affinité. Les marqueurs factuels de conséquence ne
présentent pas cette difficulté parce qu'ils introduisent la
conséquence objective. Les marqueurs lexicaux se découvrent
à travers le sémantisme du mot qui entraîne la
conséquence. Les constats majeurs que nous avons dégagés
sont :
- le connecteur, quelle que soit sa nature exprime la
conséquence explicite et renforce l'argumentation du locuteur en lui
permettant d'orienter la conclusion à tirer ;
- l'émetteur, par des outils morphologiques, montre une
conséquence comme réelle avec une nuance d'attendue ou
d'inattendue, irréelle, manquée ;
- la structure prépositive avec l'infinitif
présente une conséquence ambiguë tandis qu'avec le groupe
nominale, la conséquence s'assimile à l'hyperbole.
La conséquence étant une relation qui allie
à la fois la morphologie et la syntaxe, nos investigations se sont
étendues à l'approche morphosyntaxique.
L'hypothèse du chapitre trois énonce que les
formes morphosyntaxiques de la conséquence recouvrent des valeurs
semblables à celles induites par les formes morphologiques. Pour la
vérifier, il nous a fallu recenser les moyens que la syntaxe exploite
pour exprimer la conséquence : l'implicite, les types de relation
de cause à effet. L'implicite se manifeste à travers deux
structures à savoir la juxtaposition et l'apposition. Ces deux formes et
les structures détachées, avec ou sans connecteurs, introduisent
la conséquence inférentielle tout comme les marqueurs
inférentiels. Il ressort dans l'ensemble les résultats
suivants :
- le choix syntaxique et lexical est tributaire de la
motivation du locuteur ;
- l'implicite présente la conséquence comme
ambiguë, la pensée du locuteur est opaque pour l'allocutaire et
précautionneuse pour l'énonciateur ;
- la modulation de l'énonciation par les signes modaux
permet à l'énonciateur de présenter la conséquence
comme éventuelle, irréelle ou équivoque.
Cette hypothèse n'est pas entièrement
validée. Sa vérification est entravée par la distinction
qui est faite entre la conséquence irréelle et la
conséquence manquée. Les outils morphologiques qui introduisent
la relation de cause à effet sont polyfonctionnels. Ils engagent donc
plusieurs catégories de la causalité.
Le quatrième chapitre s'est préoccupé de
vérifier l'hypothèse qui reconnaît des rapports entre la
conséquence et les autres catégories de la causalité.
Aussi les investigations ont-elles porté sur les rapports
conséquence-finalité, conséquence-comparaison et
conséquence-concession.
Pour ce qui est du rapport conséquence-finalité,
nous l'avons examiné en deux points : étude des locutions
conjonctives d'une part et analyse de la relation qui unit la
conséquence, la manière et le but d'autre part. Il en est
résulté que la différence entre la finalité et la
conséquence ne se situe qu'au niveau de la visée qui sous-tend
l'expression de la finalité et qui se traduit linguistiquement par la
présence, dans P2 du subjonctif, mode du possible, du virtuel et marque
de la subjectivité. La visée dans la conséquence
dépend du locuteur alors qu'elle dépend de l'agent de l'action
décrite dans P1 pour le but.
En ce qui concerne le rapport entre la conséquence et
la comparaison, nous avons organisé son examen en deux phases :
d'abord la comparaison par les adverbes si et tant, et
ensuite par l'adjectif tel. L'adjectif tel connaît la
même description que les adverbes si et tant. Il
s'ensuit que la négation porte sur l'intensité de la
propriété à laquelle elle est incidente. Ce qui met en
lumière les résultats suivants :
- la comparaison est niée parce que l'intensité
n'a pas atteint le degré suffisant pour permettre sa
réalisation ;
- les outils linguistiques communs présentent la
conséquence et la comparaison comme niée avec la
possibilité, si l'intensité atteint un certain seuil, de voir la
conséquence se réaliser, ce qui n'est pas le cas avec la
comparaison ;
- seuls certains types de phrase (la négation,
l'interrogation) partagent les mêmes outils linguistiques pour exprimer
la conséquence et la comparaison.
Quant au rapport entre la conséquence et la concession,
son étude a permis de dégager les connecteurs sans, sans
que et si qui introduisent deux valeurs de la concessive :
la concessive négative et la concessive hypothétique. La
concessive négative est favorisée par les deux premiers
connecteurs. La commutation de sans que par bien que ... ne
pas nous a conduit à classer cette nuance de la concession comme
une concession logique. Avec la concession hypothétique,
l'intensité de la concessive, bien que tendant vers un degré plus
élevé, présente toujours la concession comme
manquée, alors que avec la conséquence, l'intensité
présente la relation comme réalisée. En dehors de ces
conclusions d'ordre général, nous sommes parvenue à ces
résultats spécifiques :
- Les connecteurs sans que et sans sont les
seuls capables d'exprimer à la fois la conséquence, la cause et
la concession. Sur le plan argumentatif, cette aptitude permet qu'on les
regarde comme les connecteurs subjectifs avec les mêmes valeurs
argumentatives que celles que dégagent l'implicite et l'inférence
dans l'expression de la conséquence.
- L'expression de la conséquence touche divers
niveaux : grammatical, stylistique, linguistique et extralinguistique.
Nous comprenons pourquoi les grammaires hésitent encore tant à se
prononcer, de manière claire et précise, sur ce fait de langue.
- L'étude de la locution finir par nous a
amené à constater qu'elle exprime, dans son emploi
consécutif, une conséquence prévisible et qu'elle est
même commutable par le connecteur alors. C'est dans ce sens
qu'il nous paraît opportun qu'elle soit intégrée parmi les
outils d'expression de la conséquence au même titre que les
locutions suffire... pour que, achever de et les
lexèmes entraîner, provoquer, etc.
Dans la perspective d'approfondir les conclusions de ce
travail, une étude systématique des types d'arguments que lie un
connecteur s'avère nécessaire pour clarifier les conditions que
chacun d'eux doit remplir pour rendre possible la commutation. Par ailleurs, la
diversité des marqueurs de conséquence en français incite
à envisager une étude constrastive des marqueurs de
conséquence dans nos langues nationales.
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97- PEKBA-ANDERSON, T. et PEKBA, E.-P., (2007) « Les
Connecteurs Temporels de
simultanéité : Description de
quand/lorsque coïncidence-antériorité » In
Revue électronique internationale de
sciences du language, Sudlangues,
N°7 in URL :
http://www.sudlangues.sn.
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98- ROBERGES, Y., (2002) Une brève introduction aux
concepts de la syntaxe
générative, Université
de Toronto URL :
http ://www.chass.
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99- ROMERO, Cl., (2005) L'expression de l'intensité
par la conséquence ou la cause,
Vol. 3, n°2. In URL:
http://www.edel.univ-poitiers.fr/corela/document.
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100- SCHEPPERS, F., (2000) Thème, apposition,
prédication seconde : une
approche ultra-lexicaliste et
ultra-sémantique in URL :
http://www.ucm.es/ info/circulo/n°9/
scheppers /htm, Vrije, Universiteit Brussel, pp. 1-16.
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101- STAGE, L., (2005) Les constructions
siamoises : Etude sur les comparatives
corrélatives, CBS Copenhague
in
http://www.ruc.dk/cuid/ publikationer/
publikationer/XVI-SRK-Pub/JUS/JUS06-Stage/.ù
|
TABLE DES MATIÈRES
DÉDICACE
II
REMERCIEMENTS
III
INTRODUCTION GÉNÉRALE
I
1. DÉFINITION DU SUJET
1
2. MOTIVATION
2
3. PROBLÉMATIQUE
5
4. HYPOTHÈSES
6
5. CORPUS
7
6. CADRE THÉORIQUE
8
7. MÉTHODOLOGIE
9
8. PLAN DU TRAVAIL
9
CHAPITRE
1 :
L'APPROCHE
FONCTIONNELLE
DE LA CONSÉQUENCE
10
1. L'approche classique du CCC
11
1.1. La conséquence simple
11
1.1.1. La juxtaposition
11
1.1.2. La coordination
13
1.1.2.1. La conjonction de coordination
13
1.1.2.2. L'adverbe conjonctif
14
1.1.3. L'apposition
15
1.1.3.1. Le participe présent
16
1.1.3.2. La relative détachée
17
1.1.4. La préposition
17
1.1.4.1. Un nom précédé d'une
préposition
18
1.1.4.2. Un infinitif précédé
d'une préposition
19
2. Le CCC en grammaire structurale
21
2.1. La Grammaire Générative et
Transformationnelle (GGT)
21
2.2. La Grammaire dépendancielle
24
2.3. L'approche prédicative de la notion de
conséquence
25
2.3.1. La subordination en grammaire
prédicative
25
2.3.2. La consécutive en grammaire
précative
27
2.3.2.1. Le choix
28
2.3.2.2. La motivation
28
2.3.2.3. Le contrôle
28
2.3.2.4. Le prédicat en grammaire
prédicative
28
3. Le cadre théorique : la pragmatique
linguistique
30
3.1. Le fondements de la pragmatique
32
3.2. Les concepts fondamentaux de la
pragmatique
36
3.2.1. Le concept de contexte
36
3.2.2. Le concept de performance
37
3.2.3. Le concept d'acte
38
3.2.4. L'argumentation
41
CHAPITRE 2 :
LES MARQUEURS
MORPHOLOGIQUES
DE CONSEQUÉNCE ET LEUR
PORTÉE ARGUMENTATIVE
46
1. La conséquence réelle
47
1.1. La conséquence réelle
attendue
47
1.1.1. Les marqueurs de relation
inférentielle
48
1.1.1.1. Le connecteur donc
48
1.1.1.2. Le Marqueur alors
51
1.1.1.2. 1. La valeur temporelle de alors
51
1.1.1.2.2. La valeur consécutive
53
1.1.1.3. Le Connecteur ainsi
56
1.1.1.4. Le marqueur aussi
59
1.1.2. Les marqueurs de consécution
factuelle
62
1.1.2.1. L'expression de la conséquence par
l'intensité
62
1.1.2.2. L'expression de la conséquence par
la manière
65
1.1.3. Les marqueurs lexicaux de
conséquence
67
1.1.3.1. Le verbe
67
1.1.3.1.1. Suffire
67
1.1.3.1.2. Finir par
68
1.1.3.2. Le groupe prépositionnel Jusqu'aux
+ GN
69
1.2. La conséquence inattendue
70
1.2.1. Le connecteur eh bien
70
1.2.2. Le marqueurs du coup
72
2. La conséquence irréelle
73
2.1. L'adverbe
74
2.2. Le groupe prépositionnel
74
3. La conséquence niée
75
3.1. La préposition sans
76
3.1.1. Sans + infinitif
76
3.1.2. Sans + GN
77
3.1.3. Le connecteur Sans que
78
CH APITRE 3 :
LA CONSÉQUENCE
MORPHOSYNTAXIQUE : PROPRIÉTÉS ET VALEURS
I
1. La conséquence implicite
83
1.1. La juxtaposition
83
1.1.1. La causalité directe
83
1.1.2. La causalité indirecte
85
1.2. L'apposition
91
1.2.1. La relative apposée
91
1.2.2. Le participe présent
92
2. Les types et les valeurs de la relation de cause
à effet
93
2.1. Les constructions détachées
93
2.1.1. L'adjectif apposé
95
2.1.2. Le connecteur comme
97
2.1.3. Le connecteur quand/lorsque
99
2.2. Les autres formes linguistiques
101
2.2.1. L'aspect
101
2.2.2. La modalité
103
2.2.2.1. La conjonction De sorte que + sans
doute
104
2.2.2.2. La conjonction Si...que + un verbe
d'opinion
106
2.2.3. L'hypothèse
106
2.2.4. La double corrélation
109
3. La relation entre la conséquence et les
modalités de phrase
111
3.1. Donc marquant une interrogation
111
3.2. Donc marquant une injonction
113
3.3. Donc associé à une
intonation exclamative
114
3.4. Les adverbes d'intensité si,
tellement, tant associés à une
115
CHAPITRE
4 :
LA CONSÉQUENCE ET LES AUTRES
RÉLATIONS LOGIQUES
I
1. La relation consécution et
finalité
118
1.1. Les locutions conjonctives
118
1.2. La consécution, la finalité et
la manière
124
2. Le rapport consécution et comparaison
127
2.1. Le cas de si et de tant
comparatif
128
2.2. La locution tel...que comparatif
130
3. La relation consécution et concession
134
3.1. La concession négative
135
3.2. La concession hypothétique
142
CONCLUSION GÉNÉRALE
I
BIBLIOGRAPHIE
151
TABLE DES MATIÈRES
I