L'advertainment est-il un exercice mythologique visant à réconcilier les marques et les consommateurs ? Etude de l'opération de «contenu de marque» et de marketing viral «The Best Job In The world»( Télécharger le fichier original )par Bruno Fradin Université Paris IV-Sorbonne / Celsa : Ecole des Hautes Etudes en Sciences de l'Information et de la Communication - Master 2 - Stratégies de marques 2010 |
IntroductionL`une des dernières grandes révolutions du monde a vingt ans. Elle a modifié radicalement l`ordonnancement du monde, avec des répercussions notamment entre pouvoir et citoyenneté, entre entreprises et sphère sociale, entres marques et consommateurs. 1989 est une année clef, où les actions de deux hommes dans des domaines distincts - Mikhaïl Gorbatchev et Tim Berners-Lee - ont fourni « les leviers de l`ouverture aux autres »1 et ainsi permis aux hommes d`inventer un nouveau rapport au monde. - Le Président Gorbatchev fut le grand réformateur de l`Union Soviétique. Ses actions politiques, Perestroïka et Glasnost, permirent de libérer l`économie, la culture et la politique de son pays et de l`ensemble du bloc de l`Est. La chute du mur de Berlin en 1989 - résultat indirect de son action - symbolise une liberté retrouvée par le peuple. - Le chercheur du CERN2 Tim Berners-Lee inventa le World Wide Web (www), un système hypertexte public qui permit à chacun (et non plus seulement à un cercle restreint d`institutions et d`entreprises) de naviguer sur l`Internet pour consulter des sites. Cette innovation technique changea profondément la façon dont chacun put désormais accéder à l`information et communiquer. Dans une conférence à l`E.N.S., Serge Soudoplatoff fait une analogie entre l`apparition de l`Internet et celle de l`alphabet vers -1500 ans avant Jésus-Christ. Il compare le long refus des Egyptiens à adopter l`alphabet, ce qui entraina vraisemblablement leur déclin, à son adoption immédiate par les Grecs, qui insuffla à cette civilisation une dynamique et une suprématie dans les domaines des sciences et de la connaissance. Dès lors, il pose cette question : « Allons-nous nous comporter comme des Grecs ou comme des Egyptiens ? »3. Internet a métamorphosé profondément et rapidement la société. Dans la chaîne des évolutions technologiques de la communication, Internet s'inscrit comme le dernier maillon fort. A travers le temps, les sociétés sont passées de la logosphère (la communication par la parole), à la graphosphère qui s'impose à partir du 17e siècle (la diffusion de l'information par l`imprimerie typographique inventée en Europe par Gutenberg au 15e siècle), à la vidéosphère au 20e siècle (quand l'image envahit la société depuis l'invention en 1895 de la technologie, puis l'exploitation commerciale de la cinématographie par les frères Lumière), avant d'ouvrir l'ère de la blogosphère, dernière évolution née de la technologie Internet inventée par Berners-Lee en 1989, et des nouveaux usages développés. Mais si les trois premières sphères de communication (logo, grapho et vidéo) étaient principalement utilisées comme outils de diffusion de l'autorité (La « bible à 42 lignes » fut d'ailleurs la première impression réalisée par Gutenberg), Internet quand à lui s'inscrit à contre-pied, et fait basculer la société d`un paradigme vertical, descendant, ordonné, hiérarchisé, directif à un paradigme horizontal, rhizomatique, réticulaire, fluide, participatif et ascendant. 1 Maillet Thierry, Génération Participation, de la Société de Consommation à la Société de Participation, 2ème édition, M21Editions, 2007 2 CERN : Organisation européenne pour la recherche nucléaire, créée en 1954. Elle assure la collaboration entre États européens pour les recherches nucléaires de caractère purement scientifique et fondamental [...]. L`Organisation s`abstient de toute activité à fins militaires et les résultats de ses travaux expérimentaux et théoriques sont publiés ou de toute autre façon rendus généralement accessibles » 3 Ecole Nationale Supérieure : « ErNeSt Conférence, 13 minutes pour changer notre vision du monde ».Conférence de S. Soudoplatoff (créateur de think-tanks tels que le Club Galilée (innovation) et Almatropie (impact d'Internet) sur « Les vraies ruptures d`Internet » le 13-02-10. Réinventer sa façon de penser et d`agir dans un univers interconnecté, c`est la mission qui incombe à la « Génération participation », fille mouvante et « e-mouvante » de l`Internet décrite dans le livre de Thierry Maillet4 dont le tribut sera de tirer le meilleur des marchés comme conversations5 pour la société toute entière, mais aussi en tant qu'employé, citoyen, et comme individu tout simplement. De ce point vue, il nous apparaît que l`opération The Best Job In The World organisée par Tourism Queensland, afin de promouvoir la région des Islands of the Great Barrier Reef, est un sujet d`étude idéal pour appréhender la nouvelle donne communicationnelle et sociétale générée par Internet, entre les marques et les individus, ainsi qu'entre les individus eux-mêmes. Début 2009, des dizaines de milliers de personnes consultant les annonces sur des sites et dans la presse ont découvert l'offre d'emploi suivante : « THE BEST JOB IN THE WORLD. ». Il s'agissait de devenir pour six mois le gardien de l`île de Hamilton, pour une rémunération alléchante de 150.000 dollars6 et un logement de fonction, dans un lieu paradisiaque au ccur de la Grande Barrière de Corail (Great Barrier Reef) dans la région du Queensland en Australie. Un véritable poste consistant à explorer les fonds sous-marins, à accorder des entretiens aux médias et à alimenter chaque semaine un blog avec photos et vidéos. Les compétences requises étant de parler couramment anglais, d`être bon nageur et un excellent communiquant. Ce job trop beau pour être vrai, était pourtant réellement proposé par Tourism Queensland, l`autorité en charge de promouvoir cette région. Les paysages de cette île inconnue sont splendides et il s'en dégage une impression onirique. Il y règne une impression d'harmonie, de calme et de nature. Ce sont ces paysages magnifiques que presque sept millions de visiteurs ont découverts quand ils se sont connectés au site dédié islandreefjob.com spécialement créé pour permettre aux volontaires de postuler. Pour ce faire, les candidats devaient créer une vidéo de 60 secondes, afin de se présenter et d`expliquer en quoi ils seraient les meilleurs pour ce travail. 36 648 candidats provenant de 201 pays ont postulé. Ils ont généré 610 heures de vidéo, pour vanter leurs compétences, leur personnalité et les charmes de la région des Islands of the Greet Barrier Reef. Au delà du travail réalisé par les candidats, il est intéressant de constater que le site - au cours des 56 jours suivants - a reçu 6,9 millions de visiteurs, qui ont consulté 47 millions de pages, pendant une moyenne de 9 minutes. Lorsque l'on questionne Google sur "best job in the world island", le moteur trouve 52 millions de lignes (475 millions aujourd'hui). 231.355 blogs sur le sujet ont été créés. Les sites sociaux Myspace, Facebook, YouTube et Twitter ont été largement utilisés. Plus encore, les médias CNN, NBC, FOX News, BBC, SKY News, TF1 ont traité cette information hors du commun. Ce qui fait qu'au total la couverture médiatique de ce sujet a été estimée à 150 millions de dollars américains7. 4 Maillet Thierry, op.cit. 5 The cluetrain manifesto, the end of business as usual » a été écrit par 4 américains Rick Levine, Christopher Locke, Doc Searls et David Weinberger en 1999 et publié en 2000 par Perseus Books (ISBN 0-7382-0431-5). Ce manifeste recense 95 évidences sur l'évolution du marché générée par l'émergence d'internet, dont les principales qui sont reprises sur la couverture du livre sont, 1 : les marchés sont des conversations, 2 : communiquer ne coûte pas cher, 3 : le silence est fatal. Désormais les gens découvrent et inventent de nouvelles façons de partager les informations qui les intéressent à une vitesse stupéfiante. Résultat, les marchés deviennent plus intelligents -- et deviennent plus intelligents plus vite que les entreprises. 6 Environ 180.000 euros, soit un salaire mensuel de 13000 euros. 7 Valeur estimée par Tourism Queensland dès le 19/3/09. A ce stade, le lecteur se demande certainement et légitimement pourquoi avoir mesuré les retombées médiatiques de cette offre de travail faite par un office de tourisme et pourquoi nous les intégrons à cette recherche ? La réponse est aussi simple que surprenante. La fonction stratégique de cette offre d'emploi - qui n`est pas une supercherie - est de faire connaître l'île à travers la planète entière, dans un temps et avec un budget très réduits. C'est l'agence de communication australienne CumminsNitro qui a pensé et mis en place cette opération de communication originale et originelle, commanditée par Queensland Tourism (Annexe 5). Originale parce qu'il s'agit d'un mode oblique et distrayant de communication. Originelle parce qu'elle marque d'un jalon fort les fondements d'un nouveau type de communication, qui tire parti du nouveau paradigme rhizomatique, ascendant, participatif que l'Internet favorise. Il s'agit pour nous d'un cas d'école parfait, car il présente à grande échelle les méthodes de communication de l'ère du Web 2.0, et l'intérêt immédiat que les entreprises peuvent y trouver. En effet, cette campagne de «présence à l'esprit» n'aurait jamais eu l'impact mondial et immédiat qu'elle a eu en recourant à des méthodes publicitaires classiques, qui plus est avec un investissement réduit de 1,2 millions de dollars8. Les trois Lions - récompenses suprêmes - obtenus au 56ème Festival International de la Publicité de Cannes9, dans les catégories Relations Publiques, Marketing Direct et Internet témoignent de la complexité, de l'envergure et de la force mythologique de cette opération. Ils montrent combien cette opération de marketing viral a frappé les esprits en s`appuyant sur de l`innovation technique, des insights consommateurs forts, et le pouvoir d`un mythe déjà existant (la possibilité de se réinventer) pour en créer un nouveau de toute pièce. Dans le dernier paragraphe de la partie théorique du livre Mythologie10, Roland Barthes indique que bien qu` « impuissants à rendre sa réalité (le réel) », nous devons nous efforcer à pratiquer un regard critique sur les objets et leurs mystifications, afin de dépasser notre « aliénation présente ». C`est l`ultime phrase de ce livre « Et pourtant c'est cela que nous devons chercher : une réconciliation du réel et des hommes, de la description et de l'explication, de l'objet et du savoir", qui nous suggère la problématique à laquelle nous essaierons de répondre dans ce mémoire, en proposant une réconciliation supplémentaire, plus pragmatique et marketing, celle des marques et des consommateurs. Dès lors la problématique à laquelle nous tenterons de répondre par ce travail est la suivante : L'advertainment est-il un exercice mythologique visant à réconcilier les marques et les consommateurs ? 8 Source http://www.cumminsnitro.com/work/best-job-in-the-world/ 9 Cannes Lions 2009, 56th International Advertising Festival, 17-21 juin 2009 10 Barthes Roland, Mythologies. Edition du Seuil, 1957, p 233 L`advertainment est un « mot valise », formé par la concaténation des mots anglais « advertising » (publicité) et « entertainment » (divertissement). Cette pratique de communication des marques relève d`une communication éditoriale reposant sur une logique de contenu et sur une séquence longue, à la différence d`une communication publicitaire qui met en avant un message précis sur une séquence courte mais répétée. Brand content, branded content, branded entertainment, marque média, marque éditoriale sont autant de terminologies qui s`apparentent à cette méthode de communication. Leur multitude est révélatrice de la jeunesse de cette technique arrivée dans les années 2000 en France, du peu de travaux théoriques disponibles et surtout du trouble produit par le mélange des genres, à savoir la remise en cause d`une frontière mentale majeure entre créateurs et marques. L`advertainment illustre parfaitement le glissement qui a conduit les marques à passer d`une communication sommaire du temps de la réclame à ce nouveau type de communication plus évolué. Cette constatation constitue le socle de notre première hypothèse : au fil du temps, les artifices stylistiques et de cryptage ont fait passer le message publicitaire de la réclame à la publicité afin de maintenir la flamme vivante d'une relation entre les marques et les consommateurs. Aujourd'hui, les marques proposent aux individus de partager, voire de générer eux-mêmes des contenus intéressants, ludiques et divertissants. Pour ce faire, le marketing optimise l'utilisation de l'Internet, dont les innovations techniques insufflent de nouveaux comportements de type collaboratif et participatif. La communication traditionnelle de masse, qui utilise un
schéma de communication direct et linéaire, susciter parfois méfiance et rejet. Même si au fil du temps, la recherche d`effets stylistiques a viséd`une part à camoufler la démarche marchande et d`autre part à insuffler de nouvelles valeurs aux marques, les consommateurs savent désormais décrypter les codes publicitaires. Cela a été mis en exergue par les mouvements consuméristes et « Anti-pub » et fait dire à Jean-Marie Dru «Les générations passent, et les audiences changent. La génération Internet a décodé toutes les facettes de la publicité. »11 La baisse de consommation des marques nationales au profit des marques de distributeurs est peutêtre symbolique de cette crise de confiance éprouvée par les consommateurs envers les messages publicitaires. Ce rejet du message publicitaire descendant et l`irruption de nouvelles pratiques de communication réticulaires (réseaux sociaux) et participatives (marketing participatif) supportées par l'Internet de plus en plus prégnant dans la vie des individus, impose aux professionnels de passer d`une communication unidirectionnelle et informative, transmise à des moments précis où les spectateurs sont préparés à les recevoir12, à une communication orchestrale et interactive en 11 Dru Jean-Marie La publicité autrement, Gallimard 2007 12 « Dans une perspective « business », soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c`est d`aider Coca Cola, par exemple, à vendre son produit(...). Or, pour qu`un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : C'est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca Cola, c`est du temps de cerveau humain disponible (...). Rien n`est plus difficile que d`obtenir cette disponibilité. C`est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher en permanence les programmes qui marchent, suivre les modes, surfer sur les tendances, dans un séquences longues. Cette prise en compte permet de créer une relation forte entre les marques et les individus et de favoriser l'engagement d'une discussion volontaire et active. Plus encore, les consommateurs vont prendre en charge une partie de la communication : c'est le crowdsourcing13. Petit à petit, la nature de la relation mute et passe du genre délibératif qui distille des conseils, au genre épidictique générateur de plaisir, qui donne une nouvelle chance aux marques de reprendre une place centrale dans l'intérêt des individus. Nous consacrerons la première partie de ce mémoire à expliquer ce changement de registre de la communication des marques, parce qu`il éclaire le choix du Tourism Queensland d`avoir investi dans l`opération de marketing viral et participatif The Best Job In The World pour faire connaître la région, plutôt que dans une campagne de communication traditionnelle - télévision, radio, affichage - en mass média. Nous mettrons en exergue les principales raisons qui - de notre point de vue - expliquent ce changement de registre, qu`elles soient sociales (sentiment de manipulation et mouvements « Anti-pub »), structurelles (pléthore de médias et convergence), culturelles (le divertissement et la génération participation), marketing (audiences fragmentées), technologiques (Internet et la téléphonie mobile). Puis nous expliquerons comment et pourquoi la communication a tendance à s`adjoindre une stratégie de « contenu » à une stratégie de « message ». Si la stratégie de message requiert une logique de couverture et de répétition (GRP) d`une information unidirectionnelle vantant les qualités d`un produit, d`un service ou d`une marque qu`une cible de consommateurs potentiels doit mémoriser, la stratégie de contenu quant-à-elle, s`intéresse à proposer une expérience intéressante ou divertissante dont l`objectif est d`impliquer et d`engager des individus dans une relation longue, affinitaire, volontaire et souvent interactive. Nous verrons que ces logiques se complètent puisqu`elles répondent à des objectifs différents et que leurs frontières sont poreuses puisqu`il existe « des messages publicitaires » " riches en contenu ", et des contenus de marques qui véhiculent des messages. »14 Nous nous appuierons sur des recherches bibliographiques telles que Les ressorts cachés du désir de Marie-Claude Sicard, No logo de Naomi Klein, Peur sur la pub de Nicolas Riou, La nouvelle communication de Yves Winkin et Brand content de Daniel Bô et Matthieu Guével. Nous ferons également appel à des notions théoriques telles que les sciences cognitives, les sciences de l`information avec l`Ecole de Francfort et de la communication avec l`Ecole de Palo Alto. contexte où l`information s`accélère, se multiplie et se banalise. » Patrick le Lay, cité dans Les Dirigeants face au changement, Paris éditions du Huitième Jour, 2004. 13 Le crowdsourcing est un néologisme conçu en 2006 par Jeff Howe et Marc Ronson, rédacteurs au Wired Magazine. Calqué sur l'outsourcing en DRH, qui consiste à externaliser des tâches, le crowdsourcing consiste à utiliser la créativité, l'intelligence et le savoir-faire des internautes, générant à la fois réduction des coûts et valeur ajoutée. 14Bô Daniel et Guével Matthieu, Brand Content, comment les marques se transforment en média, Dunod 2009, p 9 Face à la multiplicité des opportunités de communiquer (l'Internet, les milliers de chaînes de télévision dans le monde), le temps des seules campagnes marketing concentrées est révolu. Pour le marketing, le temps n`est plus uniquement une variable d`ajustement mais offre une liberté d'expression large, qualitative et continue. Au spot mono directionnel de vingt secondes à la télévision ajoute une relation interactive de plusieurs minutes. Ce temps rallongé, partagé et volontaire est un indice d`intérêt des participants. Les plans d'actions multi-média sont aujourd'hui une nécessité, afin de maintenir vivant un flot communicationnel permanent en multipliant les points de contacts entre les individus-consommateurs et les marques15. Si « le message c'est le médium »16 comme nous l`a énoncé Marshall McLuhan depuis les années 60 et que nous multiplions les canaux de communication, la question de la maîtrise de l'image se pose. Si le message est in fine la perception du récepteur, quelle est la possibilité aujourd'hui de construire une image de marque unique et commune à chacun ? Si désormais les entreprises favorisent la création de contenus originaux par les consommateurs via l'advertainment notamment, cela peut-il générer une nouvelle image de marque, différente de l'originale, comme une image projective issue d'un travail de dynamique de groupe ? L'Internet a développé un puissant désir d'expression personnelle à tel point que les marchés sont devenus des « conversations » dans des espaces de partage d'opinions et d'expériences. Plutôt que de résister à une ouverture inéluctable de leurs territoires de marques jusque là hermétiques, certaines compagnies favorisent leur irrigation par des contenus qui proviennent d'univers connexes, et facilitent une interaction avec les internautes. Cela engendre une extension du domaine des marques, ce qui modifie leur apparence, les rend protéiforme et ubiquitaire dans des systèmes mouvants. Cette transformation en direct favorise l'émergence de mythologies : cela constitue notre seconde hypothèse. Cette hypothèse sera traitée dans la seconde partie de ce mémoire. Après avoir défini ce que nous entendons par Advertainment et Mythologie, nous procéderons à une étude sémiologique du corpus de l`opération The Best Job In The World (petite annonce - concours, site web - blog de Ben, et Ben Southall - gardien de l`ile) qui nous fournira les éléments de signification nécessaires à l`étude sémiotique plus stratégique. Nous nous appuierons sur des recherches bibliographiques telles que Mythologies de Roland Barthes, Sémiotique, marketing et communication de Jean-Marie Floch, Au-delà du marché : quand le lien importe plus que le bien de Bernard Cova, La nouvelle communication d`Yves Winkin, Génération participation, de la société de consommation à la société de participation de Thierry Maillet, Brand content de Daniel Bô et Matthieu Guével et Introduction à l'analyse de l'image de Martine Joly. La conclusion sera l`occasion de reprendre les
éléments clés de notre étude, et d`évaluer
le rôle direct 15 Consumer Decision Journey ou parcours de décision du client, développé par le cabinet Mc Kinsey. Les études marketing étudient précisément les parcours possibles des consommateurs, afin de créer des actions adaptées aux lieux, aux supports et aux moments, pour permettre à la marque de communiquer auprès des consommateurs le plus habillement et logiquement possible, puisqu`elle se place dans sa logique. . Temps croissant du temps passé sur Internet. Identification des points de contacts. 16 Understanding Media: The extensions of man (comprendre les médias), 1964. C`est parce que cette évolution - du message au contenu - dans la communication des marques est aujourd`hui non seulement le sujet phare au cur de toutes les stratégies de communication, mais aussi celui des alliances possibles entre groupes de communication et agences17, que nous allons le traiter en profondeur dans cette première partie. Ce changement d`attitude des marques dans leur communication est extrêmement puissant : il soutient la logique de l`opération The Best Job In The World, que nous étudierons dans la seconde partie. La fin des 30 glorieuses marque la fin d`une période d`euphorie économique, qui avait fait entrer de plein pied les pays développés d`Europe dans la société de consommation. Les ménages en consommant découvraient les marques. Pour faire connaitre leurs produits, les marques utilisaient les médias disponibles (presse, télévision, radio) pour faire de la réclame. Le premier choc pétrolier de 1973 marque la première crise économique post seconde guerre mondiale laquelle déclenche un changement radical dans l`approche de la consommation. La désillusion entraine une méfiance vis-à-vis du capitalisme et par voie de conséquence un désamour entre les marques et les consommateurs. Les publicitaires sont contraints d`utiliser des subterfuges pour faire passer leurs messages. Ce cryptage, bientôt décrypté par les consommateurs, biaise le rapport entre les marques et les consommateurs. Au fil du temps, ces derniers perçoivent une manipulation et développent une méfiance exprimée ouvertement dans le livre No logo18 en 2001. Jusque là, le message s`inscrivait toujours dans une démarche unidirectionnelle et informative. L`intégration réelle d`Internet dans la vie des individus modifie très fortement les rapports à leur environnement. Thierry Maillet, dans son livre Génération participation, présente ce changement de paradigme qui modifie et rééquilibre les rapports à l`autorité et au pouvoir, les rapports à la connaissance et au savoir, les rapports entre consommateurs et marques. Il n`est dès lors plus question de se satisfaire d`un message traditionnel unidirectionnel et descendant, mais il convient de repenser totalement la relation marques-consommateurs. La communication des marques enrichie par du contenu spécifique est ainsi un moyen de passer d`une relation principalement transactionnelle qui repose sur un message publicitaire unidirectionnel dans une recherche de volume, à une relation émotionnelle qui repose sur une interaction longue dans une recherche de valeur. Tout ces points sont développés dans cette première partie du mémoire afin de comprendre les socles - origine et contexte - sur lesquels l`opération The Best Job In The World s`appuie. 17 L`agence Blue spécialiste de l`advertainment, créée par Luc Besson et le publicitaire Christophe Lambert, vient d`être intégrée au groupe mondial de communication Aegis. Autre exemple, Georges Mohammed-Chérif, le président de la société Buzzman évoque dans une récente interview la possibilité d`un rapprochement avec la société Endemol. 18 Klein Naomi, No logo, la tyranie des marques, Actes Sud, 2001 |
|