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Intérêts et enjeux économiques de l'intégration à  l'Union Européenne d'un point de vue turc

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par Benoit ILLINGER
Université Pierre Mendès France (Grenoble II Sciences Sociales) - DEA Economie et Politiques Internationales 2002
  

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ILLINGER Benoît

DEA Economie et Politiques Internationales

 

Intérêts et enjeux économiques de l'intégration à l'Union européenne

d'un point de vue turc.

 

Mémoire de DEA

Sous la direction de M. Améziane FERGUENE

(Maître de conférences en Sciences Economiques)

 
 

Université Pierre Mendès France (Grenoble II Sciences Sociales)

2001-2002

Je remercie Améziane FERGUENE, pour sa confiance, le temps qu'il m'a consacré et pour les conseils qu'il m'a prodigués durant toute l'élaboration de ce travail.

Résumé

La première partie du travail répond aux questions : La Turquie doit-elle s'ouvrir ? Dans l'intérêt de qui ? Nous commençons par montrer que le choix optimal d'un pays (la Turquie), selon les théories du commerce international, est de pratiquer l'ouverture commerciale. Ce gain est encore supérieur dans le cas de l'ouverture d'un pays économiquement en retard à un pays avancé. Donc jusque-là, théoriquement, la Turquie à intérêt à s'ouvrir à l'UE.

Néanmoins, le gain de bien-être du pays est à relativiser dans la mesure où il y a toujours des groupes qui retirent des bénéfices de l'ouverture et d'autres qui en pâtissent. Sans redistribution des gains (ce qui est le cas de la Turquie), les groupes de « perdants » voient leur situation se dégrader. L'amélioration du bien-être globale est donc sujet à discussion. (section 2)

En gardant la même approche théorique de l'économie politique du protectionnisme, nous cherchons par la suite à qui, en Turquie, bénéficie économiquement l'intégration à l'Union européenne. Nous constatons alors que si la Turquie intègre l'UE, c'est l'intérêt des travailleurs non-qualifiés qui semble s'imposer. (section 3)

La deuxième partie du travail tente de faire le bilan de l'intégration déjà réalisée et de ses perspectives si celle-ci se poursuivait. Nous dressons dans cette optique le bilan de l'union douanière que la Turquie a réalisé avec l'UE. En terme statique ( détournement - création de commerce) le bilan est négatif. (section 1) En terme dynamique (prise en compte d'hypothèse de la nouvelle économie internationale) cela semble s'équilibrer. Le bilan reste donc globalement mitigé. Cependant, comme les effets positifs dynamiques augmentent avec l'intégration, il faut que la Turquie approfondisse celle-ci afin d'en tirer les bénéfices. (section 2)

Nous finissons par montrer que la réussite de l'intégration dépend de la capacité de la Turquie à disposer d'un plus grand stock de capital qui sera obtenu par une recherche accrue d'IDE. (section 3)

En conclusion, on retient de ce travail que la Turquie a intérêt économiquement à adhérer à l'UE à deux conditions : il faut d'une part que l'intégration dépasse le stade de l'union douanière (pour bénéficier d'effets dynamiques croissants) et, d'autre part, que la Turquie bénéficie d'un accroissement de son stock de capital. De surcroît, pour éviter que tous les gains aillent aux même individus, la Turquie doit nécessairement disposer d'un système de redistribution sociale efficace.

Sommaire

Introduction 1

CHAPITRE 1 - Optimalité théorique de l'ouverture commerciale et répartition des gains 23

SECTION 1 Les vertus du libre-échange théorique 25

1.1 Les effets de l'ouverture commerciale sur les structures productives 25

1.2 Modèle à facteur spécifique de Samuelson et Jones 27

1.3 Le théorème Heckscher-Ohlin-Samuelson (HOS) 30

SECTION 2 Déterminants du choix entre « protection et ouverture commerciale » 37

2.1 Problématique de l'économie politique du protectionnisme 38

2.2 L'explication factorielle 39

2.3 D'autres pistes d'explications. 46

SECTION 3 Synthèse et application à la Turquie. 52

3.1 Démarche et hypothèses 52

3.2 Tableau de synthèse des Explications de la protection appliquées à la Turquie 56

3.3 Enseignements 57

CHAPITRE 2 Optimalité de l'Union douanière réalisée entre la Turquie et l'Union européenne et perspectives de dépassement. 61

SECTION 1 Analyse statique 65

1.1 Le modèle de J. VINER 65

1.2 Application à la Turquie 68

SECTION 2 Analyse des effets dynamiques 76

2.1 Présentation 78

2.2 Effets dynamiques pour l'Union douanière UE-Turquie 83

SECTION 3 Conditions nécessaires à la réussite d'une intégration dépassant l'Union douanière 98

3.1 Mouvements migratoires de main-d'oeuvre 99

3.2 Mouvements de capitaux 102

Conclusion 110

Définitions des sigles 112

Table des matières 113

Annexes 115

Bibliographie 137

Introduction

Le 10 août de cette année, le très populaire ministre de l'économie turque Kemal DERVIS, ancien vice-président de la Banque mondiale, principal artisan du projet de réformes destiné à mettre fin à la crise économique turque, a démissionné de manière inattendue du gouvernement de Bulent ECEVIT. Il va tenter de fonder un pôle pro-occidental en vue des élections de novembre.

En effet, Kemal DERVIS a décidé de s'unir avec l'ancien ministre des Affaires étrangères Ismaïl CEM, pro-européen et fondateur du « parti de la Nouvelle Turquie ». Les deux hommes annonçaient qu'ils souhaitent désormais créer une alliance des forces libérales pro-occidentales afin de barrer la route aux islamistes modérés du parti AK1(*). Leur alliance serait résolument tournée vers l'Union européenne.

Effectivement, malgré différentes difficultés dont des crises récurrentes, la République de Turquie peut prétendre à l'adhésion car elle peut prétendre au rattrapage. Elle connaît un rythme de croissance rapide avec un PIB élevé. Ces points positifs sont néanmoins couplés à un fort déficit budgétaire et une inflation élevée persistante2(*). Pourtant si ce pays qui comptait plus de 66 millions d'habitants en 2002 réussissait à sortir du cercle vicieux de l'endettement dangereux et réussissait son rattrapage, il représenterait un marché attrayant. L'Union européenne (UE) a donc vu la Turquie comme un pays périphérique immédiat « au potentiel de croissance élevé »3(*). En 1997, elle était devenue le 6ème client et le 12ème fournisseur de l'UE. Sa part relative dans les échanges extra-communautaires a doublé sur la période 1988-1998 et montre bien le dynamisme de la Turquie en tant que partenaire commercial. C'est pour ces raisons qu'il semble important de s'intéresser à l'hypothétique intégration de la Turquie à l'UE.

À l'heure actuelle, la Turquie fait partie des pays candidats à l'adhésion à l'UE. La volonté d'adhérer n'est pas nouvelle et il y a un véritable engagement pour un processus de rapprochement vers les standards européens conformément aux préconisations tant économiques que politiques de l'Union européenne (critères de Copenhague de 1993). De plus, si d'une part cet Etat doit consacrer ses efforts à l'intégration de l'acquis communautaire (PNAA : programme national de l'adoption de l'acquis communautaire), d'autre part, elle doit mobiliser une partie importante de l'activité du Gouvernement et du Parlement (dit « grande assemblée nationale turque ») afin de palier aux problèmes économiques et financiers.

Pourtant, il semble que tous les membres de l'U.E ne soient pas prêts à accueillir cette nation au sein de leur « club » ou du moins pas à n'importe quelle condition. Il est alors pertinent de se demander si la Turquie a réellement un intérêt à cette adhésion. Est-ce que, pour un pays ayant un niveau de développement moindre, l'ouverture à un ensemble régional plus avancé est optimale ou simplement le cantonne-t-il, à terme, à une spécialisation peu avantageuse qui ne bénéficie qu'à certains groupes dans la société?

Nous verrons dans un premier temps de cette introduction, pour appréhender correctement notre travail, l'histoire qui unit la Turquie et l'Europe afin de tisser la toile de fond. Nous chercherons ensuite à définir, en précisant quelques notions, l'objectif de notre exposé et pourquoi il nous intéresse. Nous terminerons en annonçant la démarche que nous suivrons pour répondre à notre problématique.

« Une relation tumultueuse » ( bref historique)

Il semble que pour pouvoir appréhender notre sujet correctement, il est préférable de connaître les relations que la Turquie entretient et a entretenu avec la CEE puis l'Union européenne4(*). Aussi, nous allons tenter de résumer rapidement cette relation souvent qualifiée de « tumultueuse5(*) » en mettant en exergue les hésitations turque et européenne à unir leurs destinés6(*).

Tout d'abord, la Turquie fut tiraillée pendant des siècles entre les intérêts mais aussi les cultures occidentales et orientales. Elle bénéficie alors des influences des uns et des autres sans vraiment choisir de « camp ».

Au XIXème siècle les écarts entre les deux continents croissent rapidement du fait de progrès techniques et sociaux du côté occidental. Après une période d'attente et du fait de quelques conflits, la Turquie va irréversiblement pencher pour le modèle européen. Elle va procéder à un certain nombre d'importations techniques militaires puis elle nouera de réelles alliances politiques et militaires. Se développeront alors de manière croissante les échanges commerciaux et culturels avec l'Europe. La politique d'occidentalisation est enclenchée mais pas de manière continue et rectiligne comme l'histoire l'aura montrée.

Malgré cette orientation, l'Empire ottoman ne parvient pas à s'adapter au monde occidental moderne et sa perte de vitesse par rapport aux autres pays partenaires le conduit progressivement à son démembrement. Après la défaite des Empires centraux, le sultan MEHMET VI est contraint d'accepter le contrôle des Alliés et de ratifier le traité de Sèvres du 10 août 1920 qui est loin d'être favorable à son pays. Mustapha Kemal ATATüRK7(*) s'oppose à ce traité et renverse alors le sultanat et tente d'instaurer de manière personnelle et autoritaire un Etat national turc.

La République sera fondée en 1923. Elle entame un certain nombre de réformes en direction de l'occident (abandon de l'alphabet arabo-persan pour la graphie latine, laïcisation...). En proclamant « paix dans le pays, paix dans le monde », ATATüRK pose de plus le principe fondamental de la politique extérieure qui va être suivi par ses successeurs jusqu'à aujourd'hui8(*). Même durant la seconde guerre mondiale, le successeur d'ATATüRK, le général Ismet INÖNü use habilement de la démocratie pour rester neutre. Dans ces conditions de neutralité, il semble que la Turquie soit plus encline à s'intéresser à son intégration à l'Europe car elle ne cherche pas à s'affirmer seule.

De surcroît, c'est à cette époque que l'URSS dénonce le traité de neutralité et d'amitié entre les deux pays dans un double but : récupérer les régions de Kars et de Ardahan et modifier le statut des détroits. La Turquie intensifie alors sa politique « d'occidentalisation » initiée dès les dernières décennies de l'Empire ottoman et bascule définitivement dans le camp occidental.

En 1948, la Turquie bénéficie de l'aide du plan Marshall et adhère à l'OECE9(*). Elle devient membre du Conseil de l'Europe en 1950 et de l'OTAN en 1952. Sa volonté européenne semble irréversible. De plus, en 1959, la Turquie réaffirme officiellement sa vocation européenne et formule sa première demande pour devenir membre de l'UE.

Durant la guerre froide, la Turquie joue un rôle géostratégique important car elle est le seul membre de l'OTAN avec la Norvège à posséder une frontière commune avec l'URSS.

C'est dans ce contexte que la Turquie opère avec l'Europe et notamment avec l'Allemagne un rapprochement10(*). Et à la suite de nombreuses négociations, en 1963 le traité de l'Accord d'Association dit accord d'Ankara sera signé. Cet accord prévoit deux grands objectifs : tout d'abord l'instauration d'une Union douanière puis la préparation de l'éventualité d'une adhésion à part entière de la Turquie à la Communauté européenne. L'association était conçue en trois étapes : une phase préparatoire de cinq ans, une seconde phase de consolidation et de transition vers l'Union douanière et une phase finale de rapprochement et d'harmonisation des politiques économiques fiscales et de concurrence11(*).

Le fonctionnement de ce régime d'association était fondé sur la projection d'un échange où la Turquie exporterait des produits agricoles et des produits textiles et habillements et importerait des produits industriels. Elle comblerait alors son déficit commercial vis-à-vis de la Communauté par un excédent dans les mouvements de facteurs de production, notamment grâce aux envois de fonds des travailleurs turcs émigrés et une assistance financière croissante de la part de la Communauté. Mais dans les faits les relations d'association n'ont pas exactement évolué selon ces prévisions (TURUNÇ [1999]).

Par ailleurs, durant les années soixante, la Turquie a « refroidi » ses relations diplomatiques avec les Etats-Unis sous la pression de l'opinion publique et dans le but de recentrer sa politique étrangère sur ses voisins : réconciliation avec l'URSS et avec les pays du Moyen-Orient. Dans ces circonstances, ces derniers deviennent les premiers partenaires commerciaux de la Turquie et cela durera jusqu'en 1986.

Ce recentrage de la politique étrangère ainsi que de l'économie turque éloigne le pays de l'Europe. Cet éloignement s'accentuera d'autant plus dans les années soixante-dix, sous les gouvernements de coalition dirigés par le Cumhuriyet Halk Partisi (Le Parti Républicain du Peuple, parti du centre gauche) et le Milli Selamet Partisi (le Parti du Salut National, parti conservateur-religieux, ancêtre des islamistes actuels) qui privilégient les relations avec leurs voisins directs pour traverser la crise économique, politique et sociale qui ébranle le pays. De plus, durant cette période, le ralentissement de l'activité économique a conduit à l'adoption de politiques protectionnistes contraires à l'esprit d'association. C'est la seule fois, dans la période récente que le processus d' « occidentalisation » et d'intégration à l'Europe est interrompu.

La situation intérieure, politique et économique, conduit tout droit au coup d'Etat de 1980 qui ne facilitera pas les relations turco-communautaires qui resteront alors au plus bas jusqu'en 1987.

À cette date, un nouveau rapprochement est matérialisé dans sa demande d'adhésion à la CEE. Néanmoins, cette demande n'est pas acceptée comme telle par l'Europe qui, consciente du poids d'un refus catégorique sur la Turquie, ne s'empressera pas de donner une réponse. Cette fois, ce n'est pas la Turquie qui freine le processus mais plutôt les pays européens qui se sentent en position de force.

En effet, le 18 décembre 1989, la CEE rendra enfin un avis sur l'adhésion de la Turquie12(*) énonçant l'inutilité d'entamer les négociations d'adhésion mais affirmant la nécessité de développer une coopération bilatérale.

La décennie suivante verra encore apparaître un changement du statut de la Turquie. Durant la guerre froide, elle constituait le flanc sud de l'OTAN. Sa fonction principale était de jouer le rôle de frontière du bloc occidental. Mais la fin du bloc soviétique, qui, en modifiant la carte de l'Europe avec la création de nouveaux Etats indépendants, et la mise en place d'un nouvel ordre mondial avec de nouvelles mesures de sécurité, place désormais la Turquie dans une situation de puissance régionale incontournable. Si l'on empreinte la typologie de Dominique DAVID, la Turquie devient alors un Etat provincial dont l'influence s'étend à sa province du monde, c'est un Etat de référence pour l'organisation de la région13(*). Avec notamment la guerre du golfe, la guerre de l'ex-Yougoslavie et la dislocation de l'Union soviétique, la position géostratégique de la Turquie, qui fut oubliée un temps, reprend toute son importance au niveau régional voire mondial.

Du fait de ce nouveau statut, les années 1990 voient la dynamique de rapprochement entre l'Union européenne et la Turquie se poursuivre et prendre forme. En juin 1992, à Lisbonne, le Conseil européen propose d'établir un « partenariat stratégique » par lequel l'UE reconnaît à la Turquie le rôle de stabilisateur, de modérateur dans une région caractérisée par une instabilité préoccupante. C'est dans le cadre d'une politique euro-méditéranéenne visant à la constitution d'une zone de libre échange (ZLE) qu'est envisagée cette nouvelle approche.

Pour appuyer encore cette nouvelle approche, l'Accord d'Union douanière est signé en 1995 (deuxième phase de l'Accord d'association de 1963). Le processus d'intégration européenne en cours depuis 1963 s'approfondit donc par ce biais mais n'en présage pas plus. La Turquie devient uniquement par cette signature le partenaire économique le plus proche de l'Union européenne mais demeure paradoxalement en marge de l'Union14(*). Ce nouveau régime comprend trois volets :

- Le volet économique qui est fondé sur la libre circulation des produits industriels sans droit de douane, l'adoption d'un tarif douanier commun de la Communauté pour les importations turques en provenance des pays tiers (avec des dérogations particulières), la suppression du prélèvement du Fond pour le logement appliqué aux produits industriels et l'harmonisation par la Turquie de ses législations avec celles de la communauté.

- Le volet politique qui comprend des mécanismes de coopérations prévoyant notamment des rencontres entre le Premier ministre turc et le Conseil de l'UE.

- Le volet financier qui prévoit de renforcer la coopération dans ce domaine et ceci notamment avec la reprise de l'aide financière interrompue depuis le coup d'Etat de 1980.

Il faut néanmoins garder à l'esprit que cet accord ne garantit pas à terme l'adhésion complète de la Turquie à l'UE. D'ailleurs, lors du lancement du processus d'élargissement de l'Union en décembre 1997, le Conseil européen de Luxembourg n'a pas cité la Turquie parmi les pays admis officiellement à engager des négociations sur leurs conditions d'admission à cause du veto grec mais aussi à cause de la mauvaise volonté de plusieurs autres pays de l'Europe du Nord.

À propos de la Turquie, le Conseil annonce que les conditions politiques et économiques pour entamer les négociations ne sont une fois de plus pas réunies. Cela déçoit énormément l'opinion publique turque qui était favorable à l'adhésion à l'UE.

Ces conditions non respectées sont celles définies par l'Union européenne lors du Conseil européen de Copenhague de 1993 et connues sous le nom de « Critères de Copenhague ». Il s'agit de trois critères préalables à l'adhésion:

i) De disposer d'institutions stables garantissant la démocratie, la primauté de droit, les droits de l'homme, le respect des minorités et leur protection ;

ii) D'être pourvu d'une économie de marché viable capable d'affronter la pression concurrentielle à l'intérieur de l'Union ;

iii) D'être capable d'assumer les obligations, et notamment de souscrire aux objectifs de l'Union européenne, c'est-à-dire de reprendre « l'acquis communautaire ».

C'est dans l'expectative que la Turquie réponde à ces critères que l'Union européenne a mis son adhésion en attente. Néanmoins, il semble pour certains que ces critères ne soient qu'un prétexte pour bloquer la Turquie non désirée aux portes de l'Union européenne car ils n'ont jamais constitué de réels obstacles à l'entrée des autres candidats passés ou même des autres candidats actuels15(*).

Néanmoins, le 11 décembre 1999, suite à la levée du veto grec au sommet d'Helsinki, l'UE reconnaît officiellement à la Turquie le statut de candidat à l'adhésion. Le lendemain certains journaux turcs titraient : «  Nous sommes le premier candidat musulman à l'Europe ! ».

Le Conseil européen d'Helsinki prévoit de plus l'institution d'un partenariat sur la base des Conclusions des Conseils européens précédents. Il prévoit deux volets de critères-préparatifs à l'adhésion (économique et politique) auxquelles la Turquie doit satisfaire.

La Turquie adopte alors son programme national pour l'adoption de l'acquis communautaire (PNAA) en mars 2001 afin d'intensifier les travaux visant à aligner la législation et les pratiques turques sur celles de l'UE.

En conclusion, on peut dire que le processus d'adhésion de la Turquie à l'UE est avancé mais incomplet. Cependant, si son avancement confère pour l'instant des contraintes à la Turquie, il ne lui permet pas pour autant de bénéficier du droit de participer aux décisions.

« En résumé, la Turquie se trouve actuellement dans la situation particulière d'être le premier pays à avoir réalisé une Union douanière avec l'UE, sans en devenir pour autant un membre à part entière, comme ce fut le cas lors de précédents élargissements. » (AKAGüL D. [1999])

En effet, la situation de la Turquie vis-à-vis de l'UE limite sa marge de manoeuvre en terme de politique commerciale sans pour autant lui accorder le droit de participer à l'élaboration de celle-ci. De plus, avec l'Union douanière, la possibilité pour la Turquie de négocier d'autres accords commerciaux préférentiels s'est réduite.

Or, la Turquie avait la volonté de développer une stratégie de diversification géographique de ses partenaires commerciaux et notamment avec ses voisins de la mer Noire. Elle a même été jusqu'à la prise d'initiatives dans l'instauration d'une coopération économique régionale avec la Zone de Coopération Economique de la mer Noire (ZCEMN). Cette stratégie ne peut toutefois être considérée uniquement comme une volonté de diversifier géographiquement ses partenaires pour se prémunir contre une mise à l'écart par l'UE16(*). Elle est également mue par des considérations structurelles. En effet, du fait que l'économie turque occupe une position intermédiaire dans la division internationale du travail, elle doit avoir, d'une part, des partenaires moins avancés pour exporter des biens de consommation et, d'autre part, des partenaires plus avancés en l'occurrence de l'UE17(*) lui fournissant ses importations de biens intermédiaires et de biens d'équipement. Ainsi il semble que le développement de ses échanges commerciaux avec ses pays voisins ne soit pas au détriment de ses relations avec l'Union européenne bien au contraire. Pourtant, la Turquie n'a pu élaborer de stratégie commerciale avancée avec ses voisins de la mer Noire car l'UE le lui interdisait18(*).

Aussi, pour certains il est nécessaire de continuer l'intégration afin d'adhérer « complètement »19(*) à l'Union et de bénéficier des avantages qui en découlent. Mais qu'est-ce que cela inclue ? Quels sont les intérêts économiques et quels sont les enjeux de l'adhésion à l'Union européenne pour la Turquie ?

Nous allons donc maintenant voir les étapes de l'intégration pour pouvoir comprendre et répondre à ce type d'interrogations.

Adhérer « complètement » à l'Union européenne ?

Ainsi, au vu de la « coopération tumultueuse » qui lie la Turquie à l'Europe, il est légitime de se poser la question de la justification de cette volonté d'adhésion toujours plus poussée. Mais, avant tout, il faut définir ce qu'est une intégration plus poussée.

Pour éclairer ce point, nous allons utiliser la Typologie de BALASSA.20(*) Le recours à celle-ci s'applique dans notre cas d'espèce car nous sommes bien dans le cas d'une adhésion à l'Union européenne. En effet, les critiques adressées à l'encontre de cette typologie ne sont en général valables que lorsque celle-ci est appliquée à d'autres ensembles régionaux que l'Europe car elle a été créée pour et en fonction de l'Europe.

La typologie de B. BALASSA est basée sur une distinction établie en fonction de deux critères : le degré d'intégration économique et l'avancement du transfert de souveraineté. Ainsi, BALASSA dresse une typologie progressive des accords régionaux en quatre catégories :

L'accord de libre échange ou zone de libre échange (ZLE). C'est un traité qui vise à abaisser ou éliminer les barrières aux échanges entre pays signataires. Cet accord ne suppose aucun abandon de souveraineté nationale.

L'Union douanière. Selon la typologie de Balassa, il s'agit ici d'un traité qui suppose une l'intégration entre les États et un transfert de souveraineté puisqu'il s'agit d'une ZLE assortie d'une politique commerciale commune face aux pays tiers. Elle met en place un tarif extérieur commun vis-à-vis des importations du reste du monde et procède au partage des recettes douanières selon des règles préétablies. Dans l'UE, ces recettes sont transférées au budget communautaire.

Le marché commun ou communauté économique (CE). Ce traité est une Union douanière mais ne concerne plus seulement le marché des produits (biens et services). Il englobe aussi le marché des facteurs (capital et travail). Ainsi, un tel accord suppose une mise en commun des instruments de régulation sur l'ensemble des marchés.

L'union économique. L'ambition de ce traité est beaucoup plus large que la précédente. La souveraineté de chaque État signataire en matière économique est presque totalement abandonnée au profit d'une entité supérieure. En effet en plus d'un marché commun, l'accord suppose la communautarisation de la politique macro-économique.21(*)

Comme nous l'avons exposé plus haut, l'Union douanière entre la Turquie et l'UE a été réalisée mais elle n'est sensé représenter qu'une des étapes de l'intégration. Ce n'est pas sa phase finale. L'étape suivante est le marché commun, qui nécessite en plus de l'Union douanière la libre circulation des personnes et des capitaux22(*). Notre questionnement se situe précisément à ce niveau car en continuant à s'intégrer, ce sont les effets de cette ultime étape que la Turquie va ressentir ou plutôt, vu sous un autre angle, ce sont les effets que la Turquie ne ressentira pas si elle ne poursuit pas son intégration.

Avec la réalisation de l'Union douanière l'essentiel de la libéralisation commerciale dans le domaine industriel a été accompli23(*). À première vue, l'adhésion plus poussée aura alors sans doute peu d'effets directs sur les échanges commerciaux. L'objectif est donc maintenant autre.

Quelles sont alors les raisons qui poussent les pays à adhérer à l'UE et donc atteindre un niveau d'intégration dépassant le stade de l'Union douanière? Lors des élargissements précédents, les pays adhérents avaient deux motivations principales (KINSKY F. [2001])24(*) :

- La Communauté européenne était devenue leur premier partenaire commercial. La levée des obstacles à la libre circulation des marchandises et des capitaux, ainsi que pour certaines celles des personnes et des services, était dans leur intérêt.

- Ils ont dû constater l'obligation qu'ils avaient d'adopter un bon nombre de règles communautaires chez eux sans même participer au processus décisionnel de Bruxelles. Dans ces circonstances, il vaut mieux adhérer et participer activement à la législation communautaire, quitte à bloquer les décisions jugées contraires aux intérêts nationaux, plutôt que de se laisser imposer des législations non arrangeantes.

On constate que ces deux motivations existent également pour la Turquie. En effet, d'une part, la Communauté européenne est son premier partenaire commercial (elle représentait 52% des exportations et 54 % des importations en 1997 - voir Annexe 8 : Ventilation Géographique des échanges de la Turquie). D'autre part, ainsi que le soulève D. AKAGüL[1999], la Turquie, n'étant pas membre de l'Union européenne, « subit » la législation communautaire à l'élaboration de laquelle elle ne participe pas.

« (...) si la situation actuelle limite sa marge de manoeuvre [de la Turquie] dans le cadre de la politique commerciale commune, elle ne lui accorde pas pour autant le droit de participer à l'élaboration de cette politique commerciale commune. » (AKAGüL D. [1999], p. 84)

La Turquie est donc dans une position identique à celle des pays qui ont décidé de s'intégrer de manière complète à l'Union européenne. Or en continuant son intégration, la Turquie va former le marché commun nommé Marché unique en Europe. L'objectif principal du Marché unique est :

« (...) de supprimer les obstacles réglementaires à la concurrence pour permettre aux entreprises d'opérer sur un marché élargi et d'exploiter les économies d'échelle, sans accroître leur pouvoir monopolistique. Ceci doit aboutir à des gains de productivité et à une maîtrise des coûts et des prix. En outre une plus grande différentiation des produits le PMU [Programme de Marché Unique] apportera des gains complémentaires liés à l'élargissement du choix pour le consommateur. » (BUIGUES P.-A. et MARTINEZ-MONGAY C.[1999], p.85)

Ce sont donc essentiellement ces effets qui nous intéresseront par la suite.

L'étape suivante que la Turquie atteindrait en poussant encore son intégration serait l'union économique. A cette fin, la Turquie devra néanmoins abandonner une partie de sa souveraineté en matière économique. Or, comme pour l'instant la Turquie a une économie « éloignée » de la moyenne européenne, cette régulation risquerait d'être difficile dans un premier temps. En effet, cela introduirait des contraintes pour la régulation de l'économie (qui ne répondrait pas de la même manière aux chocs) car la Turquie renoncerait, par exemple, aux variations de parité entre devises en se pliant à la politique monétaire commune. Aussi, nous ne nous questionnerons pas sur le passage à cette étape qui semble encore lointaine. Nous avons néanmoins mis en annexe 16 un aparté sur la notion de zone monétaire optimale (ZMO) qui a été développée dans les années 60 par MUNDELL afin de mettre en évidence les exigences et les conséquences de l'introduction d'une monnaie commune dans un espace économique (si la Turquie dépassait le stade de l'Union douanière, à terme, la question de la monnaie unique se poserait et cette approche de ZMO serait utile).

Selon cette approche, une Union monétaire n'est concevable qu'entre pays économiquement proches de façon à ce que tout choc asymétrique soit absorbable sans modifier les taux de change. Dans une zone monétaire optimale on absorbera les chocs par le biais de variations de prix et/ou de salaire, ou par des mouvements de capitaux et/ou de main-d'oeuvre. En conséquence se pose donc au préalable la question du marché commun.

En conclusion, nous traiterons essentiellement des effets de l'Union douanière déjà réalisée et de la pertinence de la dépasser pour réaliser un marché commun.

Néanmoins, il nous arrivera de dépasser parfois le strict cadre du questionnement du marché commun en s'interrogeant sur l'intégration « complète » de la Turquie à l'Union européenne. Ceci se justifiera par l'opposition entre, d'une part, le choix de rester au stade de l'union douanière et donc dans un processus de coopération25(*) de libre-échange qui n'a pas pour but de s'approfondir (la Turquie reste un « associé »); et, d'autre part, le choix de continuer le processus d'intégration économique26(*) dans laquelle le marché commun n'est qu'une étape (la Turquie devient un membre à part entière avec des droits et des obligations ).

Par ailleurs, il faut garder à l'esprit que lorsque nous parlons d'adhésion à l'Union européenne, nous prenons en compte un certain nombre d'implications pour la Turquie que nous avons conceptualisées, par la suite, en deux parties distinctes pour faciliter notre analyse. Il y a donc :

- D'un côté une politique commerciale régionale libre-échangiste (qui représente la suppression réciproque des droits de douanes avec l'Europe ainsi que la mise en place des tarifs extérieurs communs dans le cadre de l'Union douanière, la libre-circulation des facteurs dans le cadre du marché commun...) ainsi que les effets liés à cette ouverture (économie d'échelle, attraction plus marquée des IDE...) ;

- Et de l'autre côté, toutes les réformes qu'exige l'adhésion en plus de la politique commerciale ouverte ainsi que toutes les subventions et politiques spécifiques à l'Union européenne (Fonds structurels, PAC...).

Dans notre raisonnement et surtout pour le premier chapitre, nous ne prendrons essentiellement en compte que les premières implications pour ne pas noyer l'analyse. Nous ferons néanmoins succinctement référence aux secondes implications pour ne pas s'éloigner trop de la réalité mais ils ne constitueront jamais d'arguments décisifs. En effet, si l'on considère les fonds structurels (fonds de cohésion, FEOGA...) il semble qu'ils ne soient nullement garantis pour les nouvelles adhésions à l'Union européenne et ne peuvent donc pas entrer en compte dans le choix d'adhésion. (Nous y ferons pourtant allusion dans notre dernière section mais justement dans le but de montrer que ces transferts ne peuvent entrer en compte)

Choix et Intérêt du sujet

Le sujet qui sera donc traité est la pertinence ou plutôt l'optimalité économique de la volonté de s'intégrer à l'Union européenne (en passant par la phase d'Union douanière)

Le travail s'intitule « Intérêts et enjeux économiques de l'intégration à l'Union européenne d'un point de vue turc » car en effet nous ne nous intéressons qu'à la perspective turque. Nous faisons abstraction des intérêts et enjeux européens ainsi que de la cohérence globale de l'ensemble qui se forme. En quelque sorte nous ne nous posons que la question qui semble préalable à tous débats concernant cette adhésion : « la Turquie a-t-elle intérêt à s'intégrer à l'UE ? »

L'intérêt et le choix du sujet résident dans plusieurs points.

La première raison qui m'a poussée à me poser une telle problématique est plutôt personnelle. Dans mon proche entourage, il existait un intérêt particulier porté à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne et notamment aux motivations des rejets de la candidature turque à l'UE aboutissant à un mécontentement et un énervement de cette relation ambiguë qui dure depuis près de 50 ans. Aussi pour moi, il semblait, préalablement à de tels développements, nécessaire de vérifier le fondement de cette volonté d'adhésion. Et en tant qu'économiste le fondement serait recherché d'un point de vue économique.

Ensuite, et ce point rejoint en quelque sorte le précédent, le cas de la Turquie vis-à-vis de l'Union européenne est intéressant dans le sens où la Turquie, pourtant « Etat fier » désirant s'affirmer politiquement, est prête à demander et redemander une place au sein de l'Union européenne. Elle est prête à accorder beaucoup des concessions exigées par ses partenaires potentiels pour atteindre son but. Aussi il semble intéressant en tant qu'économiste de tenter de recenser ces bénéfices économiques théoriques et les bénéfices escomptés de l'ouverture à l'Union européenne, de tenter de faire le bilan de l'intégration déjà réalisée et dresser les perspectives attendues d'une intégration plus avancée.

De plus, il y a une forte asymétrie entre la Turquie et l'UE, tant au niveau du poids économique que politique. Cette asymétrie se retrouve également dans l'implication dans le commerce mondial. En effet, il ne faut pas perdre de vue que pour la Turquie adhérer à l'Union européenne signifie entrer dans le mouvement d'intégration régionale27(*) avec des partenaires économiquement plus avancés à l'instar du Mexique qui s'ouvre préférentiellement aux Etats-Unis et au Canada par le biais de l'ALENA.

Or, en terme de stratégie commerciale, la Turquie craint d'être marginalisée face à ce phénomène de régionalisation qui marque l'évolution du commerce international.

On peut alors se demander s'il est viable pour l'économie turque, économie en développement, de former un marché intégré avec l'Europe. Cette question est d'autant plus pertinente au vu des expériences passées d'adhésion à l'Union européenne. En effet, le cas espagnol d'une part, qui depuis la sortie de la période franquiste, montre un exemple réussi d'insertion au sein de la démocratie européenne et des réseaux économiques internationaux et, d'autre part, l'exemple moins probant de la Grèce, on peut légitimement se demander si la Turquie réussira à développer son économie dans une nouvelle donne européenne. Va-t-elle réussir à préserver un tissu industriel déprotégé de la concurrence européenne ? Arrivera-t-elle à dynamiser de nouveaux créneaux exportateurs et à s'insérer dans une division européenne du travail profitable à tous les pays ? Arrivera-t-elle tout simplement à en retirer un gain ?

L'objectif initial de ce travail était assez précis. Il se fixait de montrer qu'un pays en développement en général, et la Turquie en particulier, n'avait pas toujours intérêt à adhérer à un groupement régional de libre-échange formé par des pays plus avancés sur le plan économique, surtout si les concessions qu'il devait fournir étaient exagérées par rapport aux concessions de l'autre partie. L'ouverture commerciale est-elle bénéfique pour des pays inégalement développés ?

Néanmoins, et comme il était prévisible intuitivement aux vues des théories du commerce international classiques et plus modernes, cet objectif s'est vite avéré illusoire. Aussi, la conclusion tirée du cas précis de la Turquie vis-à-vis de l'Union européenne est inverse à celle envisagée au départ.

Certes, un certain nombre de « mises en garde » et d'écueils à éviter sont mis en exergue, il n'en reste pas moins que, autant d'un point de vue théorique que d'un point de vue empirique pour la Turquie aux portes de l'UE, l'adhésion plus poussée que celle existante est recommandée à un pays pour stimuler son économie.

En effet, au fur et à mesure des recherches, la conclusion du travail a évolué :

- au départ avec l'étude des théories d'économie internationale sur le libre-échange, il semblait que l'ouverture allait améliorer la situation globale du pays mais que les gains seraient inégalement distribués donc pourraient dégrader la situation de certains ;

- ensuite, à la vue du bilan statique de l'Union douanière, il ne semblait pas pertinent pour la Turquie d'intégrer l'Union européenne car cela engendrait plus de détournements que de créations de commerce ;

- enfin, en étudiant la nouvelle économie internationale et les effets dynamiques liés à l'intégration qui se produisent, essentiellement en dépassant le stade de l'Union douanière, la conclusion a évolué vers le nécessaire prolongement de l'intégration (mais en soulignant que celui-ci doit nécessairement s'accompagner d'un afflux de capitaux)

En conclusion, la thèse que nous défendons est que la Turquie a intérêt à s'intégrer à l'Union européenne si elle arrive à dépasser le stade de l'Union douanière en attirant suffisamment de capitaux et si elle indemnise les groupes « perdants » à l'ouverture.

Par ailleurs, ce travail semblait difficile pour plusieurs raisons. Tout d'abord, au vu des auteurs principaux sur ce sujet, il semblait évident que les raisons d'ordre non-économique occupaient une place déterminante dans l'orientation régionaliste28(*). Aussi il serait difficile de dissocier « l'économique » du « non-économique ».

Ensuite, il semblait également difficile de faire abstraction de la réalité pour simplifier la question. C'est-à-dire de faire abstraction d'une part des comportements et des préférences de l'Union européenne du fait que nous nous placions d'une perspective turque et, d'autre part, faire abstraction de l'avancement de l'intégration déjà réalisée pour se demander si la Turquie avait intérêt à réaliser l'Union douanière.

Nous avons tenté de dépasser ces difficultés pour arriver à la construction suivante.

Construction.

Le travail est constitué de deux parties relativement distinctes.

Le premier chapitre se pose la question de l'optimalité de l'ouverture commerciale.

La première section présente la théorie pure du commerce international qui démontre la supériorité du libre-échange. Nous effectuons alors des aller-retour entre ce que ces théories affirment et le cas de la Turquie. Nous montrons alors que ce qu'il y a d'optimal pour un pays (la Turquie), c'est de pratiquer l'ouverture commerciale et que cela est encore plus vrai dans le cas de l'ouverture d'un pays économiquement en retard à un pays avancé. Nous observons donc la supériorité du libre-échange international par rapport à l'autarcie et, en se posant comme cadre la Turquie et l'UE, nous observons l'efficacité de l'ouverture de ce pays à cet ensemble régional. Donc théoriquement, la Turquie à intérêt à s'ouvrir à l'UE. (section 1)

Néanmoins, les gains de bien-être liés à l'ouverture sont à relativiser pour le pays dans la mesure où il y a toujours des groupes à qui bénéficie cette ouverture et d'autres groupes qui en pâtissent. Cela signifie que sans redistribution (ce qui est le cas de la Turquie) nous ne nous dirigeons pas vers un équilibre parétien29(*) car la situation de certains se dégrade. Ainsi, c'est l'intérêt de certains qui s'impose aux autres et par conséquent l'amélioration du bien-être globale est sujet à discussion. Aussi, nous exposerons dans la seconde section ce qui détermine la volonté de fermeture ou d'ouverture pour un pays et en l'occurrence la volonté d'ouverture à un ensemble régional. Pour cela, nous exposerons les théories de l'économie politique du protectionnisme (section 2).

Ensuite, la troisième section, gardant la même approche théorique de l'économie politique du protectionnisme, cherchera à savoir à qui, en Turquie, bénéficie économiquement l'intégration à l'Union européenne. Nous trouvons alors que si la Turquie s'intègre à l'UE, c'est théoriquement l'intérêt des travailleurs non-qualifiés qui semble s'imposer. (section 3)

Le premier chapitre permettra donc de montrer que, théoriquement, la Turquie a intérêt à s'ouvrir à l'Union européenne et que cette ouverture permettra une amélioration de la situation de classes laborieuses. Néanmoins, il faut tout de même effectuer une certaine redistribution pour ne pas léser les groupes « perdants » à l'ouverture.

La deuxième partie du travail tentera de faire le bilan de l'intégration déjà réalisée et des perspectives si celle-ci se poursuivait.

Pour cela nous dresserons dans les deux premières sections, le bilan de l'Union douanière qu'elle a réalisé avec l'UE. Nous montrerons, à l'aide de la théorie classique des arrangements régionaux qui ne prend en compte que les effets statiques des accords de commerce régionaux sur le bien-être général ( détournement - création de commerce), que le bilan est négatif (Section 1). Nous montrerons ensuite, à l'aide de la nouvelle économie internationale, qu'en terme dynamique (prise en compte d'hypothèse de la nouvelle économie internationale) le bilan devient moins clair. Néanmoins, nous verrons que comme les effets positifs dynamiques augmentent avec l'intégration, il faut continuer celle-ci pour que la Turquie ait entièrement raison de s'intégrer à l'Union européenne. (Section 2) Aussi semblera-t-il inconcevable de ne point continuer à frapper aux portes de l'Union. L'ancien Empire ottoman a intérêt à poursuivre son intégration vu qu'il a déjà payé la majorité de son coût et qu'il n'en retirera plus que des effets positifs.

Néanmoins, cette réflexion nous emmènera à exposer les mécanismes d'ajustements qui sont nécessaires à la poursuite de l'intégration. Nous finirons alors par montrer que les effets bénéfiques de l'intégration à l'UE dépendent de la capacité de la Turquie à disposer d'un plus grand stock de capital nécessitant une recherche accrue d'IDE. (section 3)

Durant toute cette démarche, nous ne prendrons pas en compte l'intérêt et l'attitude de l'Union européenne. Notre questionnement s'arrêtera d'un point de vue turc et se basera sur l'hypothèse que seule la Turquie prend la décision d'adhérer ou non.

Ce travail montrera donc que la Turquie a intérêt économiquement à adhérer à l'UE mais à certaines conditions. Elle doit dépasser le stade de l'Union douanière qui a un bilan mitigé. Elle doit réussir à accroître son stock de capital. Enfin, pour éviter que tous les gains aillent aux même individus, la Turquie devra mettre en place un système efficace de redistribution sociale.

CHAPITRE 1

CHAPITRE 1 - Optimalité théorique de l'ouverture commerciale et répartition des gains

Avant de pouvoir se poser la question de savoir s'il était optimal pour la Turquie d'adhérer  à l'Union douanière et s'il est optimal de poursuivre cette intégration afin d'adhérer complètement  à l'Union européenne et, en simplifiant les faits, d'ouvrir préférentiellement son commerce à un ensemble régional, il convient de se questionner sur le libre-échange en général ainsi que sur le processus par lequel le choix de son application s'impose.

Nous exposerons donc dans ce chapitre les théories du commerce internationales. Et cela pour trois raisons :

- tout d'abord il sera utile de revoir ces théories pour la compréhension de certains développements du chapitre suivant,

- ensuite, elles nous permettent de démontrer que l'optimum pour un pays et de surcroît pour un pays économiquement « en retard » est l'ouverture commerciale,

- enfin elles servent d'étape préliminaire au développement de la théorie de l'économie politique du protectionnisme que nous développerons pour comprendre à qui bénéficie l'ouverture de la Turquie.

Dans ce chapitre, le cadre de notre exposé évoluera et il faut y prêter une grande attention. En effet, pour exposer la théorie pure du commerce international le cadre est le libre-échange mondial (l'ouverture commerciale au reste du monde) et donc les comparaisons relatives se font entre le pays étudié et, en général, un autre pays.

Par contre pour préparer notre section 3 (Synthèse et application à la Turquie), lorsque nous appliquerons les théories au cas de la Turquie, le cadre utilisé sera l'Europe des 15. La situation dans ce contexte est, en fait, une comparaison entre une situation d'autarcie pour la Turquie et une situation d'ouverture commerciale envers l'Union européenne.

Le cheminement que nous suivrons dans ce chapitre sera tout d'abord, la présentation dans une première section de la théorie pure du commerce international qui démontre la supériorité du libre-échange (section 1) ; par la suite nous chercherons à savoir ce qui détermine la volonté de fermeture ou d'ouverture pour un pays et en l'occurrence la volonté d'ouverture à un ensemble régional. Pour cela nous exposerons les théories de l'économie politique du protectionnisme (section 2). Nous terminerons par appliquer ces théories au cas de la Turquie vis-à-vis de son ouverture à l'UE pour tenter de déterminer à qui elle bénéficierait si elle était effective (section 3).

SECTION 1 Les vertus du libre-échange théorique

Un pays a-t-il intérêt à pratiquer une politique de libre-échange même s'il est « moins efficace » que les autres pays ?  En 1817, David RICARDO a été le premier à répondre par oui à cette question. À cette époque la révolution industrielle avait creusé un fossé toujours plus profond entre les pays les plus avancés technologiquement (l'Angleterre dans le contexte), et donc de plus en plus efficaces dans la production de tous les biens, et le reste du monde de plus en plus en retard. Cette situation n'est pas sans rappeler celle actuelle où l'on se demande si des PED peuvent participer au libre-échange mondial ou à des unions régionales de commerce préférentiel avec de pays plus avancés économiquement. L'Union européenne, avancée technologiquement, et la Turquie peuvent-elles pratiquer le libre-échange entre elles ? Ce dernier pays a-t-il intérêt à ouvrir ses frontières aux produits des pays les plus développés, ou doit-il attendre d'avoir atteint le même niveau de développement technologique et économique que ces derniers pour envisager une telle politique ?

La théorie du commerce international repose sur un corpus théorique « majestueux ». On pourrait remonter loin en exposant en détail tout ce corpus théorique qui permet d'aboutir aux conclusions du théorème Stolper-Samuelson. Néanmoins nous n'allons exposer que brièvement les principales théories afin de consacrer plus de temps au sujet qui nous intéresse.

1.1 Les effets de l'ouverture commerciale sur les structures productives

RICARDO (1772-1823) traite, dans Principes de l'économie politique et de l'impôt (1817), des échanges internationaux et montre les avantages du libre-échange, en remplaçant les avantages absolus de SMITH par les avantages comparatifs qui structureront toutes les théories du commerce international.

Le modèle qu'il développe, appelé par la suite modèle ricardien, se base sur l'échange entre deux pays ayant un facteur de production. Les différences de productivités relatives permettent de motiver l'échange et définissent ainsi les spécialisations nationales. Dans un tel contexte, RICARDO montre que l'échange international est avantageux pour toutes les nations qui se spécialisent (en y affectant leur facteur de production -la force de travail) dans le secteur où elles ont une productivité relative avantageuse. Ainsi, selon RICARDO, comme le travail (unique facteur de production de son modèle) est parfaitement mobile, le changement de secteur se fait à l'avantage de tous. L'échange permettra à la productivité mondiale et à la production mondiale d'augmenter. Tous les pays ont donc un gain à l'échange, personne ne sera désavantagé et même à l'intérieur du pays, chaque individu bénéficiera d'une meilleure situation30(*). La politique de libre échange reste la meilleure alternative à la politique d'autarcie.

Si le monde réel était conforme à ce modèle31(*), d'un point de vue économique, la Turquie aurait intérêt, sans faire aucun autre calcul, à entrer dans l'UE plutôt que de rester en autarcie. Néanmoins dans le monde réel les gains engendrés par l'échange sont souvent repartis de manière inégale aussi il faut approfondir l'analyse pour arriver à des conclusions sur lesquelles on puisse s'appuyer.

En avançant dans l'analyse, on s'aperçoit que les nations tirent théoriquement des bénéfices du commerce international, mais il s'avère possible que certains groupes particuliers à l'intérieur du pays y perdent. Ceci s'explique par le fait que le commerce international (dans le sens entre nations) exerce dans la réalité, à l'intérieur d'un pays, des effets puissants sur la distribution du revenu pour deux raisons principales : d'une part certains facteurs de production ne peuvent se déplacer instantanément et sans coût d'une industrie à l'autre ( Modèle à facteur spécifique de SAMUELSON et JONES - 1.2) et d'autre part le commerce peut aussi transformer la répartition des revenus et entre grands groupes tels que propriétaires de capital et travailleurs (modèle Hecksher-Olhin-Samuelson - 1.3 ) du fait de la variation de la demande relative de leur utilisation.

1.2 Modèle à facteur spécifique de Samuelson et Jones

Au début des années 1970, Paul SAMUELSON et Ronald JONES32(*) développent un modèle incluant des facteurs spécifiques d'une part et mobiles d'autre part et supposant une productivité marginale du travail décroissante. L'enseignement principal que l'on retient du modèle est que le libre-échange est efficient car il élargit les choix des économies et il permet à chaque pays de consommer une quantité supérieure de chaque bien33(*). En effet dans ce modèle, l'échange international est motivé par la différence des prix relatifs des biens, elle-même issue d'une offre relative différente dans les pays. L'offre relative différente provient soit de l'inégale dotation en facteurs soit de technologie de production différente.

Dans notre cas d'étude, le cas Europe-Turquie, la différente offre relative provient des deux raisons. La technologie est différente (écart de développement notable34(*)) et la Turquie possède une dotation en main-d'oeuvre peu qualifiée plus élevée qu'en Europe. Ainsi nous avons donc une très grande différence entre les entités et donc une grande complémentarité potentielle.

Avec l'échange, les prix relatifs des pays vont se confondre autour du prix mondial. Les consommateurs bénéficieront alors d'un prix relatif inférieur pour le bien nécessitant pour sa production le facteur rare du pays. Le pays devient alors importateur de ce bien (car il en augmente sa consommation par le biais de l'importation) et exportateur du second bien.

Au plein emploi, la production varie uniquement par le biais d'une utilisation différente du facteur mobile dans sa conception qui se déplace alors d'un secteur à l'autre.

Le commerce a donc différents effets :

i) il bénéficie au facteur spécifique du secteur exportateur,

ii) il coûte au facteur spécifique du secteur concurrencé par les importations et,

iii) il a des effets ambigus sur le facteur mobile.

Dans ce modèle le libre-échange n'est pas optimal au sens de PARETO car il bénéficie à un groupe au détriment d'un autre. L'équilibre peut devenir pareto-optimal s'il y a redistribution des gains car, comme nous l'avons déjà souligné, globalement il y a gain.

On peut tirer comme enseignement de ce modèle qu'il peut y avoir des gagnants et des perdants car il n'y a pas nécessairement redistribution et que celle-ci est nécessaire pour atteindre un équilibre pareto-optimal.

Si nous prenons l'exemple de la Turquie et que nous posons d'une part que la terre et le capital sont des facteurs spécifiques. D'autre part nous posons que le travail, dont la Turquie est richement dotée35(*) est mobile. Dans ces circonstances, si nous observons par exemple un accroissement de la quantité du facteur capital à la suite de la signature d'un accord de commerce privilégié avec des pays voisins36(*), il y aurait alors une augmentation de la demande de travail dans le secteur intensif en capital et donc un transfert de la main-d'oeuvre du secteur intensif en terre ( l'agriculture ) vers le secteur intensif en capital (l'industrie). Il y aurait donc une augmentation de la production de biens industriels bénéficiant d'intrants (travail et capital) quantitativement supérieur.

Cette schématisation simplificatrice semble corroborée par les faits. On constate en effet que depuis que la Turquie cherche à participer à l'UE sa part de produits agricoles dans ses exportations est passée de 75% en 1965 à seulement 10% en 1996. De surcroît, la contre-partie de cette chute vertigineuse est la hausse régulière des exportations de produits manufacturiers qui atteignaient près de 80% des exportations en 199637(*) (dont plus de la moitié dans le secteur textile et habillement).

Néanmoins dans cet exemple, un point vient ternir la théorie car celle-ci manque certainement d'hypothèses restrictives. Si la redistribution des revenus issus des gains de l'échange est inégalement accomplie - et c'est le cas38(*) -, les détenteurs de capital seraient les perdants et auraient donc intérêt au protectionnisme. Paradoxalement, on constate qu'en Turquie le groupe de pression TUSIAD39(*), très actif, représentant les intérêts des capitalistes et chefs d'entreprises, milite pour l'ouverture rapide et complète au monde et à l'Europe (Nous reviendrons sur cette contradiction de la théorie et des faits plusieurs fois encore car au fil de nos investigations des théories du commerce international nous retomberons sur celle-ci).

Aussi, il semble que ce modèle de Paul SAMUELSON et Ronald JONES ne s'applique que dans une certaine mesure à notre exemple car il reste trop simplificateur. Nous en retiendrons seulement deux points :

- d'une part qu'avec l'ouverture et un afflux de capitaux, la main-d'oeuvre se déplace du secteur de l'agriculture à celui de l'industrie

- d'autre part, qu'il existe un gain potentiel à l'échange mais que celui-ci nécessite redistribution.

Nous allons continuer notre étude en exposant le Modèle Heckscher-Ohlin et sa suite, le théorème Stolper-Samuelson qui expliquent plus précisément les effets de l'ouverture commerciaux sur la répartition des revenus.

1.3 Le théorème Heckscher-Ohlin-Samuelson (HOS)

Nous allons maintenant exposer la théorie d'Heckscher-Ohlin qui s'imbrique avec le théorème Stolper-Samuelson.

· Le modèle Heckscher-Ohlin

La théorie d'Heckscher-Ohlin stipule que les avantages à l'échange reposent sur la différence dans les dotations relatives de facteurs de production possédés par chaque pays (et non plus sur des différentes technologies comme chez RICARDO - les pays ont ici accès aux mêmes techniques (fonctions) de production).

Contrairement à certaines idées reçues, cette théorie ne contredit pas celle de RICARDO mais la complète en démontrant, dans un cas différent de celui étudié par le modèle de RICARDO, que le libre-échange est la politique optimale. Ainsi ce modèle montre qu'un pays :

« (...) peut être tout à la fois ricardien dans ses échanges avec les pays en développement (parce que ce commerce est dominé par les différences dans les technologies de production employées) et Hecksher-ohlinien dans son commerce avec des pays industrialisés (parce que ce dernier est surtout composé de biens produits par des technologies de production communes). » (MESSERLIN P. A. [1998], p.89.)40(*)

La démonstration initiale de ce théorème Heckscher-Ohlin (dit HO) reposait sur le cas de deux pays, deux produits et deux facteurs mais par la suite des études ont élargi et généralisé la proposition à plus de deux pays, plus de deux produits et plus de deux facteurs.

Sous certaines hypothèses41(*) le modèle HO que nous n'approfondirons pas, montre que le passage de la protection à l'ouverture commerciale amène inéluctablement le pays à se spécialiser (totalement ou partiellement) dans sa production (exportatrice) des biens qui utilisent relativement le plus de facteur abondant et importe alors les biens intensifs en facteurs rares42(*). En effet comme le facteur relativement abondant à un prix relativement bas (sous l'hypothèse de concurrence), la production du bien utilisant le plus de ce facteur doit être relativement peu coûteuse et par conséquent, dans le cas du commerce international, le pays ayant cette configuration se place alors en exportateur. Le raisonnement est le même pour le pays étranger qui se place alors lui aussi en exportateur dans le domaine où il possède un avantage car intensif en facteur abondant dans le pays.

Les échanges entre pays se feront donc sur la base de rareté relative des facteurs de production dans ces pays. Ces échanges sont une bonne chose car ils permettent de palier, en partie au moins, à ces raretés. De surcroît, dans la mesure où les prix sont eux-même des indicateurs de rareté, le libre-échange entre pays a pour conséquences que les prix relatifs tendent à s'égaliser d'un pays à l'autre.

Certaines critiques remettent néanmoins le théorème en cause. On ne s'attardera ni sur la critique empirique du modèle HOS (paradoxe de LEONTIEF qui propose lui-même une explication pour ne pas « anéantir » le Théorème HO), ni sur la critique de l'égalisation du prix des facteurs qui ne semble pas fonctionner dans les faits (une fois de plus à cause des imperfections du marché).

Le théorème HO n'est pas étudié plus en détail et nous accepterons globalement sa preuve de la supériorité du libre-échange43(*) par rapport à l'autarcie même s'il existe les critiques que nous avons soulevés.

De surcroît c'est surtout pour l'enchaînement logique qu'il appelle, que nous allons maintenant aborder, que le théorème HO nous intéresse pour notre exposé.

· Les effets de l'ouverture commerciale sur la répartition des revenus

Le théorème Stolper-Samuelson s'imbrique logiquement à la suite du théorème d'Hecksher-Ohlin. Comme nous l'avons brièvement montré, sous les hypothèses de mobilité parfaite des facteurs entre branches à l'intérieur des pays et d'immobilité totale entre pays, les facteurs de production s'utilisent dans la branche (en croissance) qui utilise relativement plus de facteurs abondants. Dans cette configuration, les prix tendent à évoluer à la hausse pour le facteur abondant et à la baisse pour le rare. Il y a ainsi une modification de la répartition en faveur des possesseurs du facteur relativement abondant au détriment de ceux du rare.

Cette analyse est souvent considérée comme relativement bien adaptée pour traiter de l'échange entre pays inégalement développés.

Dans ce modèle, il existe en effet un lien mécanique entre les dotations factorielles et le niveau de développement dès lors que celui-ci est approché par la productivité du travail. Puisque les techniques de production sont identiques entre pays et que les productivités marginales des facteurs sont considérées comme décroissantes, la plus faible productivité du travail constatée dans le pays en « retard économiquement », s'explique par son utilisation plus intensive dans la production. Cette combinaison plus intensive en travail est cohérente avec un prix relatif moins élevé qui est lui-même la conséquence de sa relative abondance. Une distinction entre travail qualifié et non qualifié nous amène aux mêmes résultats : un pays « moins avancés » comme la Turquie, mieux doté en travail non qualifié que les pays européen « avancés », aura une rémunération de ce facteur initialement plus faible (relativement au prix du travail qualifié ou du capital) ce qui lui permettra de bénéficier d'un avantage comparatif dans les biens utilisant le plus intensément ce facteur. Notons que, théoriquement, la rémunération relative des autres facteurs devrait au contraire être plus élevée dans les pays moins développés comme la Turquie.

Par construction donc, ces approches conduisent à la conclusion que :

« (...) l'ouverture crée davantage de gains mutuels entre pays inégalement développés, qu'entre pays économiquement proches, puisque les réallocations de ressources sont, à priori, plus importantes. » (SIROËN J.-M. [1996], L'intégration entre pays inégalement développés dans la régionalisation de l'économie mondiale. Une analyse comparative, Etude pour le Commissariat Général du plan, novembre, p. 39)

Cette approche est donc relativement bien adaptée à notre cas d'espèce. Néanmoins elle comporte certaines limites lorsque nous l'appliquons à des pays inégalement développés :

- la validité des mécanismes du modèle impliquerait que la hausse de la rémunération du travail qualifié s'accompagne dans les pays développés, d'une hausse de la part du travail non qualifié dans l'ensemble des secteurs. Or, il n'existe pas de preuve empirique de ce mouvement.

- Une autre limite est issue de l'identification même de l'origine des différences entre pays et de leur corrélation avec le niveau de développement. Les écarts s'expliquent-ils par l'abondance relative de la main-d'oeuvre et donc de la population ou par l'inégal accès aux techniques de production ?

De même, des différences dans les fonctions de consommation, vraisemblables dans des pays situés à des niveaux de développements différents influencent les spécialisations dès lors qu'elles contribuent à modifier la structure des prix relatifs. De ce point de vue, la célèbre proposition de LEAMER44(*) : « a pure factor-proportions model would not be very useful for studying the free-trade agreement between Canada and the United States... [but] would capture most of the effects of including Mexico in a North American free-trade area. » pourrait être inverse. En effet le modèle factoriel ne s'appliquerait-il pas mieux entre le Canada et les Etats-Unis qui ont un accès comparable aux technologies et qui ont le même type de consommation mais qui ont comme différence une dotation factorielle initialement différente.

On peut donc conclure que le recours au modèle HOS pour apprécier les relations commerciales entre pays inégalement développés permet certes de mettre en exergue des différences essentielles du type « niveau de qualification de la main-d'oeuvre » mais il doit recourir à des hypothèses formelles fortes et trop peu réalistes.

Revenons à la conclusion générale du théorème en l'acceptant. Elle affirme que les prix tendent à évoluer à la hausse pour le facteur abondant et à la baisse pour le rare provoquant alors une modification de la répartition en faveur des possesseurs du facteur relativement abondant au détriment de ceux du rare.

Le point essentiel à retenir ici pour la suite est le fait que la modification de la répartition des revenus n'est pas seulement relative. Il y en terme absolu une augmentation de la rémunération du facteur abondant et une diminution de celle du facteur rare.

Il y a donc de réelles oppositions d'intérêts qui proviennent de pertes/gains en terme absolu à la suite de l'application du libre-échange. Le libre-échange est donc par nature conflictuel. 

Une fois de plus, pour résoudre ce conflit il est nécessaire d'avoir recours à une redistribution équitable des gains c'est-à-dire à une indemnisation des perdants par les gagnants. Ainsi aucun groupe ne serait perdant au libre-échange car ce dernier, sous les hypothèses habituelles, procure une augmentation réelle du revenu national global permettant donc non seulement d'indemniser les perdants mais aussi d'enregistrer un gain net.

On peut donc considérer que le libre-échange est « optimal au sens de Pareto » sous condition de redistribution.

Néanmoins cette indemnisation compensatoire pose une série de questions politiques : comment faut-il mettre en place les mécanismes distributifs permettant les compromis sociaux ? est-il judicieux de pratiquer l'ouverture si la redistribution des richesses n'est pas appliquée ? La théorie économique ne répond pas à ces questions qui s'éloignent de son domaine de compétence (Kebabdjian [1999]).

« Le problème est celui des choix politiques en démocratie et de la formation d'une volonté collective autour d'un projet commun face à la mondialisation. » (KEBABDJIAN [1999], p. 56.)

Si l'on se focalise à nouveau sur notre cas d'espèce et que l'on observe alors les revenus en Turquie, on constate qu'il existe déjà de grandes disparités45(*). De surcroît les écarts de revenu se ressentent non seulement entre classes sociales mais aussi entre les régions et entre les zones rurales et urbaines. Les écarts portent aussi bien sur le revenu par habitant que sur l'accès aux infrastructures de base (accès à l'eau ou au réseau routier) ou à la santé. À titre d'exemple, on retiendra que lorsque le PNB turc augmentait en moyenne de 22% entre 1987 et 1994, celui de l'Anatolie (voir carte en annexe 1) connaissait une croissance de seulement 10% sur la même période. Le PNB de la région de Marmara était en 1994 alors 3,5 fois plus élevé que celui de l'Anatolie de l'Est et ne cesse depuis de s'accroître. (source : Agenda 2000)

À ces inégalités s'ajoute le fait que le système social de redistribution est peu développé46(*).

En conclusion on retient que selon la théorie, le libre-échange est profitable sous réserve qu'il ne produise pas trop d'inégalités ou que celles-ci soient estompées par l'existence d'un système de redistribution. Or, en Turquie il existe de grandes disparités et aucun système de redistribution digne de ce nom vient entraver celles-ci.

Aussi, on peut conclure que globalement la Turquie à intérêt au libre-échange puisque celui-ci est l'optimum à atteindre. Mais actuellement dans le cas précis de l'ouverture turque qui crée certainement des disparités encore accrues (qui ne semblent donc pas à première vue être compensées par des systèmes redistributions), on peut se demander si celle-ci est réellement optimale ?

Si ce n'est pas le cas alors qu'est-ce qui la motive ? Cette démarche se réalise-t-elle au profit et au détriment de qui ? De quel groupe social47(*)?

Pour répondre à ces questions nous allons étudier dans la section suivante « l'économie politique du protectionnisme » qui cherche à expliquer les déterminants du choix entre protection et ouverture.

SECTION 2 Déterminants du choix entre « protection et ouverture commerciale »

L'économie politique du protectionnisme s'est développée depuis vingt ans en réponse à l'incapacité de la théorie pure du commerce international à rendre compte du décalage entre la prétendue supériorité théorique du libre-échange et les politiques nationales effectivement appliquées. Elle s'intéresse aux déterminants du choix entre protection et ouverture commerciale. Ce domaine est l'un des rares concernant des questions d'économie internationale qui fait l'objet d'une approche d'économie politique.

Pour notre part, cette approche nous intéresse, non pas dans la mesure où elle permet d'expliquer la non-ouverture mais plutôt dans la mesure où elle nous permet de mettre en exergue que l'ouverture (dans notre cas l'ouverture n'est que régionale) est appliquée non-pas pour atteindre un optimum parétien mais pour l'intérêt de certains.

Nous avons montré dans une première partie que le libre-échange est bénéfique pour tous seulement s'il y a redistribution et que ce n'est pas la principale caractéristique de la Turquie. Aussi en étudiant les analyses dites d'économie politique du protectionnisme nous cherchons à comprendre pourquoi la Turquie cherche alors à s'ouvrir à l'Europe.

Pour traiter de ce sujet nous commencerons par rappeler la problématique de l'approche standard de l'économie politique du protectionnisme (2.1). Nous verrons ensuite l'explication factorielle (2.2) puis nous verrons qu'il existe des apports complémentaires dans les explications sectorielles et institutionnelles (2.3). Nous chercherons tout au long de ces explications théoriques quels sont les enseignements que l'on en retire quant à l'orientation d'ouverture régionale de la Turquie et tenterons de le synthétiser dans la section suivante

2.1 Problématique de l'économie politique du protectionnisme

Pour les économistes néoclassiques, le thème du commerce extérieur a toujours été récurant car semble-t-il non achevé. En effet, il existe la théorie « vénérable » issue de SMITH et RICARDO que nous avons brièvement exposée et qui vante les bénéfices de l'ouverture commerciale. Face à cela, paradoxalement on observe un monde réel où les mesures mercantilistes et protectionnistes dominent et prolifèrent, où l'on s'oriente vers du libre-échange régional plutôt que mondial.

En réponse à cet écart entre théorie et réalité s'est développé l'économie politique de la protection. Dans les analyses de ce courrant et bien qu'adoptant une optique nationale, l'esprit est typique d'une économie politique dans le sens où s'articulent des déterminants économiques et politiques à l'échelon national, échelon où se nouent les compromis sociaux. Les études cherchent à montrer d'une part quels sont les déterminants du comportement des décideurs étatiques et leurs préférences dans le domaine étatique (point important pour notre travail car nous cherchons à savoir ce qui détermine le choix turc concernant l'ouverture à l'Europe) et d'autre part à analyser les politiques commerciales en observant les stratégies des opérateurs étatiques et les demandes des groupes de pression privés.

La question de la protection peut se décliner et se décline en général en trois questions analytiques : pourquoi certains secteurs sont-ils plus protectionnistes que d'autres ? Pourquoi certains pays ont-ils plus de barrières à l'entrée que d'autres ? Et pourquoi, selon les époques l'économie internationale est plus ou moins ouverte ? Dans notre cas, seule la première question nous intéresse car nous étudions le choix d'un seul pays à un moment précis.

Pour répondre à cette question il faut s'appuyer sur les bases théoriques que nous avons exposées et qui expliquent les avantages du libre-échange. Ensuite il faut chercher pourquoi ce dernier reste alors l'exception plutôt que la règle.

Pour cela nous allons procéder en deux temps : tout d'abord nous mettrons l'accent sur la demande de protection avec les explications factorielles et sectorielles puis nous observerons le côté de l'offre avec l'explication institutionnelle.

Nous nous attarderons néanmoins relativement plus sur l'explication factorielle à l'instar de KEBABDJIAN [1999] et considèrerons les autres explications comme complémentaires et moins déterminantes.

2.2 L'explication factorielle

Comme nous l'avons vu, avec l'ouverture extérieure, chaque pays doit se spécialiser dans la production la plus intensive en facteurs relativement abondants et importer la production intensive en facteurs relativement rares. Le théorème Stolper-Samuelson démontre sur cette base que les groupes sociaux propriétaires du facteur abondant ont tout intérêt au libre-échange, tandis que ceux propriétaires du facteur rare seront favorables au protectionnisme.

L'approche factorielle cherche à expliquer la protection48(*) par le comportement des groupes sociaux propriétaires du facteur relativement rare qui vise à la préservation des revenus. C'est une explication en termes de conflits de classe.

Sous sa forme simple à deux facteurs, l'explication ne couvre aucunement l'ensemble des cas de figure possibles dans la réalité. Néanmoins pour parfaire à cette lacune, il existe deux extensions qui ont été mobilisées en plus de cette analyse :

- Une extension politique qui prend en compte les institutions politiques à travers lesquelles se rencontrent les offres et demandes sociétales de protection (et de libre-échange).

- La généralisation économique, qui pour sa part reste dans le cadre de la logique factorielle, consistant à élargir le nombre de facteurs retenus49(*).

Pour comprendre cette approche factorielle, nous allons voir successivement l'analyse de Rogowski qui s'intéresse à la dimension domestique des politiques commerciales puis nous élargirons en exposant succinctement l'analyse de BRAWLEY qui s'intéresse pour sa part, plus à la dimension comparative entre les pays.

2.2.1 Le modèle de Rogowski

ROGOWSKI [1989] tente d'expliquer le choix de la protection ou du libre-échange par le biais de coalisation entre groupes sociaux détenteurs des facteurs rares ou abondants. Dans son modèle à trois groupes, les groupes qui se coalisent imposeront leur volonté protectionniste (s'ils sont détenteurs de facteurs rares) ou libre-échangiste (s'ils sont détenteurs de facteurs abondants) au groupe seul. Ainsi à chaque type de coalition correspond un type de conflit.

Pour mieux comprendre ces coalitions, il compose une maquette permettant d'appréhender les différents types de configurations.

La maquette utilisée originellement par ROGOWSKI retient trois facteurs : capital, travail et terre pour analyser les configurations historiques.

Quand ce sont les facteurs rares qui s'allient face au facteur abondant, la politique commerciale est de type protectionniste. Ainsi à chaque type de coalition, correspond un type de conflits :

- Un conflit de classes quand la terre et le capital sont simultanément abondants ou rares

- Un conflit ville-campagne quand le capital et le travail sont simultanément abondants ou rares.

ROGOWSKI propose par ailleurs, dans la conclusion de son travail l'éventualité d'utiliser une maquette avec d'autres facteurs plus appropriés à la période actuelle qui seraient alors : le capital, le travail qualifié et le travail non qualifié (c'est cette maquette que nous présentons figure 1 ci-dessous). Cette grille d'analyse semble en effet plus pertinente pour la période actuelle car en règle générale la terre est devenue un facteur de production marginal (lorsqu'un pays se modernise, la part de son agriculture dans le PIB et dans l'occupation de la main-d'oeuvre diminue significativement).

Pour des raisons de commodité, nous limiterons l'analyse, comme ce qui est fait en général, à quatre configurations en faisant l'hypothèse qu'un pays ne peut être simultanément riche en travail qualifié et non-qualifié50(*).

En croisant la possibilité que le ratio travail non-qualifié/travail qualifié soit élevé ou faible avec la possibilité pour que le ratio capital/travail non-qualifié soit également élevé ou faible (cas typiques de l'économie dite « avancée » et de l'économie dite « retardée ») nous obtenons quatre configurations.

Ratio Travail non qualifié/travail qualifié

Elevé
Faible
Ratio capital/travail non qualifié

Elevé

(économie dite « avancée »)

I

- Capital et travail non-qualifié abondants (pour ouverture)

- Travail qualifié rare (pour protectionnisme)

Exemple : NPI.

II

- Capital et travail qualifié abondants (pour ouverture)

- Travail non-qualifié rare (pour protectionnisme)

Exemple : France.

Faible

(économie dite « retardée »)

III

- Travail non-qualifié abondant (pour ouverture)

- Capital et Travail qualifié rares (pour protectionnisme)

Exemple : PED.

IV

- Travail qualifié abondant (pour ouverture)

- Capital et Travail non-qualifié rares (pour protectionnisme)

Exemple : Pays de l'Est.

Figure 1 : Types de dotations factorielles dans un modèle de ROGOWSKI à facteurs : travail qualifié, non qualifié et capital.

Si l'on cherche à placer la Turquie, dans cette matrice, fidèle à l'application contemporaine de l'analyse de ROGOWSKI, il semble qu'elle se situerait dans la case III51(*).

En effet il semble que la Turquie soit (comparativement aux autres pays européens52(*)) :

- abondamment dotée en main-d'oeuvre non qualifiée et cette affirmation peut être corroborée par le fait qu'elle en exporte une part importante vers l'Europe comme le rappelle Deniz AKAGüL dans son article sur les migrations de mains-d'oeuvre turques vers le reste du monde53(*).

- non abondamment doté en capital (en confondant les deux types de capital productif et financier) relativement aux autres pays européens. En effet, l'abondance des IDE entrant par rapport à ceux sortant54(*) laisse peu de place aux tergiversations. Si l'on estime que l'abondance (la rareté) du facteur capital se juge au solde de la balance des capitaux, la Turquie avant ouverture de son compte de capital était rarement dotée en capital.

- en ce qui concerne le travail qualifié, juger de son abondance (rareté) est moins aisé. En effet, on constate que d'une part la Turquie voit une certaine fuite de ses jeunes diplômés ou apte à le devenir mais d'autre part il s'avère que les IDE entrants sont souvent accompagnées de main-d'oeuvre qualifiée. Il est difficile de mettre ces faits en balance. Néanmoins en abordant la question sous l'angle de la comparaison entre pays et non plus du solde de la Turquie, il semble que, relativement à la structure des autres pays, la Turquie soit rarement dotée en main-d'oeuvre qualifiée55(*).

Ainsi si l'on se limite à trois facteurs, la Turquie se trouverait dans la position représentée par la case III de la figure 1. Cela signifie qu'il y aurait théoriquement en Turquie une coalition entre capitalistes et travailleurs qualifiés pour le protectionnisme. Et que cette coalition empêcherait la réalisation de l'optimum (le libre-échange intégral) dans une perspective mondiale ou elle empêcherait la réalisation de l'optimum libre-échange régional dans le cas d'une perspective européenne.

Cette affirmation n'est ni entièrement corroborée, ni entièrement infirmée par les faits. En effet la Turquie tente de se diriger vers le libre-échange avec l'Europe mais parfois on peut remarquer qu'elle manque de détermination (voir notamment la période 1970-1980 dans le bref aperçu historique de la Turquie en introduction).

Néanmoins malgré ces hésitations et comme notre bref historique en introduction l'a rappelé, la Turquie a déjà accompli une grande partie de son intégration à l'Union européenne. Aussi il ne semble pas vérifié qu'une coalition travail qualifié-capital ait influé sur le choix de la Turquie. De plus nous sommes à nouveau confrontés au problème soulevé plus tôt entre la préférence théorique des capitalistes et leurs actions concrètes en faveur de l'ouverture.

On peut alors adopter différents types de comportements face à ces résultats :

- Soit on estime que l'analyse à la ROGOWSKI est pertinente pour notre cas mais que la coalition n'a pas eu lieu ou n'a pas eu le poids nécessaire pour influer (on estime qu'il faut juste affiner ces résultats en les complétant par d'autres types d'explications expliquant le non aboutissement des « désirs » de ces groupes) ;

- Soit on applique une matrice avec d'autres facteurs ;

- Soit on rejette ce type d'analyse et on recherche alors d'autres types d'explications.

Pour notre part, nous adopterons le premier comportement et rechercherons à compléter notre analyse.

Nous retirerons tout de même comme enseignement de cette analyse qu'en Turquie les intérêts des capitalistes et des travailleurs qualifiés s'opposent à ceux des travailleurs non-qualifiés (représentent représente, en y incluant les travailleurs non-qualifiés de l'agriculture, la majorité du pays). Et donc que, quelque soit l'issue de l'affrontement, il y aura un des deux groupes lésé et donc on conclu encore une fois que sans redistribution un des deux groupes verra sa situation se dégrader ; on ne s'orientera donc pas vers un optimum parétien.

2.2.2 Approche factorielle comparative de BRAWLEY

Pour comprendre l'intérêt de l'analyse de BRAWLEY [1993]56(*) il faut rappeler et mettre en exergue le fait que dans l'approche de ROGOWSKI, la politique commerciale adoptée par un pays était exclusive. En d'autre terme les décideurs politiques appliquaient à tous les domaines la politique commerciale exigée par la coalition des deux groupes partageant les même intérêts en matière d'ouverture commerciale.

Dans la réalité, comme les faits peuvent le montrer, il n'y a pas soit ouverture complète, soit fermeture complète. La politique commerciale est différente selon les secteurs57(*).

Aussi, dans une démarche similaire à celle de ROGOWSKI mais cette fois en ne prenant en compte que deux facteurs de production (capital et travail), BRAWLEY propose, la possibilité d'une « mixité attendue des politiques commerciales »58(*) en faisant l'hypothèse que les décideurs politiques recherchent en premier lieu un soutien politique. Et cette recherche les contraint à considérer les intérêts de tous (libre échangiste pour les possesseurs du facteur abondant et protectionniste pour ceux du facteur rare).

Ensuite, BRAWLEY regroupe les pays selon leur dotation factorielle dans une classification en trois catégories comprenant :

- Le libéral leadership : il est abondamment doté en capital et notamment en capital financier ce qui lui permet de supporter les coûts qui incombent à son statut d'hégémon.

- Les supporters : ils ont une dotation factorielle différentes de celle du libéral leadership mais celle-ci lui est complémentaire.

- Les economics competitors : Ce groupe de pays est caractérisé par une dotation factorielle identique à celle du leader.

Nous ne nous attarderons pas plus sur cette classification de BRAWLEY qui méritait juste d'être souligné à titre informatif. En effet, mis à part le fait qu'elle nous permette de situer la Turquie, tout comme les autres nouveaux candidats dans le groupe des supporters alors que les membres actuelles de l'Union Européenne sont plutôt des economics competitors, la classification ne nous est pas utile pour notre exposé.

2.3 D'autres pistes d'explications.

Nous allons voir dans cette partie successivement deux types d'explications qui justifient d'une part le non libre-échange total et qui nous sert d'autre part à comprendre le mécanisme de décision de la politique commerciale nationale. Elles peuvent être, dans une certaine mesure, complémentaires à l'explications factorielle.

La première explication se base sur les agissements des groupes de pression (théorie du lobbying) et la seconde se base sur les mécanismes de décision des législateurs et des gouvernants (théorie du public choice).

2.3.1 L'explication sectorielle

Contrairement à l'explication factorielle de la protection qui suppose la parfaite mobilité de deux facteurs sur trois (capital et travail) entre secteurs, l'explication sectorielle part de l'hypothèse que les facteurs de production sont immobiles ou que leur mobilité est sujette à des coûts élevés. Cette explication se situe donc dans la continuité du modèle à facteur spécifique de Paul SAMUELSON et Ronald JONES (présenté à la section précédente ).

Dans ce contexte, les coalitions n'ont plus lieu d'être entre les classes, mais sont alors transversales, c'est-à-dire que les intérêts peuvent être opposés ou divergés au sein même de classe et converger entre membres de classes différentes. Une multitude de nouvelles possibilités de coalitions apparaît alors.

À partir de cette hypothèse, l'explication sectorielle de la protection consiste à voir la protection comme l'aboutissement des agissements de groupes de pressions59(*) qui agissent à partir de secteur d'activité. En quelque sorte il n'y a pas une politique protectionniste ou libre-échangiste qui représente le bien-être national : il y a seulement des désirs d'individus qui sont plus ou moins bien reflétés dans les objectifs du gouvernement. Ces analyses sont également connues comme analyse par la théorie du Lobbying.

Comme le rappelle KEBABDJIAN [1999], la source de ces analyses se trouve dans l'application de la théorie de l'action collective d'OLSON60(*) à une « économie industrielle en économie ouverte ».

Les problèmes d'action collective opposent le groupe des producteurs qui sont toujours les bénéficiaires de la protection aux consommateurs à qui l'ouverture procurerait un gain globalement plus important61(*).

Dans la théorie du lobbying62(*), le groupe des capitalistes et des travailleurs (qualifiés, non qualifiés ou les deux) adoptent tous la même position protectionniste puisqu'ils sont tous producteurs alors que dans l'explication factorielle présentée au précédent point ces groupes auraient eu des positions opposées (dans le cas de la Turquie, le groupe des capitalistes aurait été pour le protectionnisme et les travailleurs non-qualifiés pour l'ouverture).

C'est pourquoi, sur ce point, l'explication factorielle semble mieux représenter la réalité car on observe en général que le groupe des industriels et des syndicats sont favorables à la protection.

En effet dans le cas de la Turquie on observe que jusque récemment63(*) la population (travailleurs), consommatrice, soutenait ardemment l'adhésion de son pays à l'union européenne. Bien qu'il peut-être contestable de considérer cette volonté comme motivée par les gains apportés par le libre-échange régional, il n'en reste pas moins que l'homo economicus turc a agi dans le sens du libre échange. Ce comportement conforte la théorie du lobbying.

Par contre, pour le groupe des industriels, nous avons encore le même problème d'opposition entre théorie et empirisme.

En effet, le groupe des industriels est, comme en témoignent les interventions de TÜSIAD (TüRK SANAYICILER VE ISADAMLARI DERNEGI, association des hommes d'affaires et industriels turcs équivalant du MEDEF pour la Turquie) en faveur de l'adhésion à l'Union européenne et donc pour l'ouverture. Ce fait contrevient donc à l'explication sectorielle mais ne conforte néanmoins pas pour autant l'explication factorielle comme nous l'avons précédemment souligné. Cette dernière suppose également les possesseurs du facteur rare (les possesseurs de capital) comme opposés à l'ouverture. Ainsi il semblerait qu'il faille chercher l'explication de ce comportement des industriels dans un autre type d'explication ou poser d'autres hypothèses pour réconcilier la théorie avec les faits réels.

Par ailleurs, l'interprétation sectorielle paraît difficilement compatible avec l'explication factorielle. En effet :

- soit on admet que les facteurs de production sont mobiles entre secteurs car c'est la condition de validité du théorème Stolper-Samuelson et on accepte alors une explication factorielle de la protection

- soit on admet que les facteurs sont immobiles pour valider la théorie sectorielle.

En quelque sorte, en exposant l'acceptation de la mobilité ou de l'immobilité des facteurs de production en ces termes, il faut « choisir son camp ». Néanmoins, en imaginant un cadre d'analyse plus large il est possible de réconcilier ces deux analyses et d'en faire une synthèse par deux moyens :

- Une possibilité est ouverte par le modèle à mobilité partielle (certains facteurs fixes et d'autres non). Ainsi dans un tel modèle, deux types de demande s'expriment : les demandes factorielles et les demandes sectorielles. C'est-à-dire que dans une classe comme les travailleurs (facteur), il pourrait y avoir des demandes contradictoires selon le positionnement sectoriel (secteur) : Les travailleurs non-qualifiés du textile se positionnent en faveur de l'ouverture de la Turquie à l'Europe du fait de leur compétitivité alors que les travailleurs non-qualifiés du secteur des cosmétiques64(*) protégé, ne sont pas en faveur de cette ouverture.

- L'autre possibilité de synthèse passe par l'acceptation d'un horizon temporel identique de long terme. Cette réconciliation des deux approches est en effet possible si l'on accepte qu'à long terme tous les facteurs sont mobiles, même ceux qui étaient considérés comme immobiles à court terme. Ainsi l'explication sectorielle expliquerait le court et le moyen terme alors qu'elle serait compatible et complémentaire théoriquement de l'explication factorielle sur un terme plus long65(*).

En conclusion ces deux explications peuvent ne pas être contradictoires et même, selon les deux angles présentés, être complémentaires. Il n'en reste pas moins que l'une comme l'autre pose le problème du filtre politique : il s'agit alors de comprendre et d'expliquer l'articulation des demandes de protection avec l'offre politique. C'est l'explication « institutionnelle » de la protection qui explore ce champ.

2.3.2 L'explication institutionnelle

L'explication dite « institutionnelle » de la protection se base sur les mécanismes de décision des législateurs et des gouvernants. La littérature du Public choice part de l'observation de l'imperfection des marchés politiques pour expliquer pourquoi les policy makers offrent une politique protectionniste (globalement sous-optimale) aux électeurs plutôt qu'une politique libre-échangiste66(*). Dans ces analyses partant de l'hypothèse d'un comportement des agents égoïstes et rationnels, le policy makers, à l'instar d'un entrepreneur qui crée une entreprise pour minimiser les coûts de transaction, créé un parti politique qui vend une politique commerciale pour minimiser les coûts de transaction des électeurs.

Les résultats de cette approche permettent d'expliquer un certain nombre de points que les deux approches précédentes laissent encore inexpliqués et notamment la protection des entreprises en déclin et l'offre de protection par le biais de barrières non tarifaires sous-optimales. Cependant ce côté de l'offre de protection doit être relié à la demande de protection présentée par les approches factorielles et sectorielles.

Si l'on suppose que chaque gouvernement veut maximiser le bien être de sa population, sa mission serait simple dans le cas d'une population homogène : il choisirait une politique donnant à l'individu représentatif la meilleure situation possible. Dans cette économie homogène, la liberté du commerce international serait sans doute adéquate aux objectifs du gouvernement.

Néanmoins, dans la réalité, les individus ne sont pas semblables et leurs intérêts divergent. Le gouvernement a alors un rôle plus complexe car il doit peser les gains des uns par rapports aux pertes des autres. On note qu'il existe de nombreuses raisons pour se préoccuper plus d'un groupe de population que d'un autre. Une des plus contraignante est que certains groupes sont déjà au départ relativement pauvres et donc il s'ensuit qu'en général on ne fera pas subir de perte à ce groupe même si le gain en contrepartie pour un autre groupe est substantiel67(*). Ainsi, les entreprises en déclins, fortement sensible à l'ouverture, recevront plus de protections car le profit électoral que représente une offre politique de protection à leur égard est substantielle.

Une autre raison qui peut pousser à l'offre de protection (ou d'ouverture) est la corruption. Il existe à ce sujet, un certain nombre d'articles mais nous ne développerons pas ce point68(*).

En ce qui concerne l'offre de protection, l'explication institutionnelle permet d'expliquer pourquoi elle se matérialise souvent en barrière non-tarifaire alors qu'il a été démontré, et les décideurs le savent pertinemment, que cette protection est moins efficace que celle offerte par le biais de barrières tarifaires. En effet, on constate que la protection non-tarifaire, contrairement aux barrières tarifaires standards, possède une :

«(...) plus grande lisibilité sociale pour les populations et est donc plus payante politiquement » ( KEBABDJIAN [1999], p. 66).

Il reste néanmoins à essayer de combiner cette offre de protection avec la demande de protection identifiée par les approches fonctionnelle et factorielle exposées plus haut. Cette tache n'est pas aisée et KEBABDJIAN [1999] nous rappelle d'ailleurs que ce point est encore à l'état de la recherche et que les modèles le traitant ne se sont pour l'instant que limités à des spécifications simples pour le côté de la demande.

SECTION 3 Synthèse et application à la Turquie.

Nous avons à l'aide des théories présentées dans cette section tenté de dresser une synthèse des explication de la protection (ouverture) à la Turquie.

Nous commencerons par expliquer la démarche et les hypothèses (3.1) qui nous ont amenés à la construction du tableau (1.2) puis nous exposerons les conclusions que l'on peut en tirer (1.3)

3.1 Démarche et hypothèses

Dans ce tableau de synthèse, nous ne prenons en compte que l'aspect « ouverture » de l'adhésion à l'Union européenne. C'est à dire que nous analysons le comportement des différents groupes face à l'ouverture commerciale à l'Europe (incluant donc une baisse des droits de douanes face au « deuxième pays » de l'analyse traditionnelle) et ceci en estimant qu'avant ce moment donné , il n'existe aucune relation commerciale entre ces deux entités. Cette simplification permet de mieux appréhender les comportements. Nous gagnons donc en compréhension pour deux raisons :

- d'une part nous n'étudions que l'ouverture (et pas les autres mesures liées à l'adhésion) Ce qui nous permet d'éviter un certains nombre d'écueils. Dans le cas des agriculteurs par exemple, si nous avions pris en compte la globalité des effets d'adhésion à l'Union européenne, nous aurions été confrontés à mettre en balance les pertes liées à l'ouverture (destructions et pertes de revenu en analyse factoriel considérant la terre comme facteur abondant en autarcie) et les gains probables liés à l'adhésion à la PAC et donc à l'octroi de certaines aides et par conséquent d'un calcul différent de rentabilité pour les exploitations agricoles

- D'autre part car nous comparons une situation d'autarcie à une situation de libre-échange total. Cette hypothèse nous permet d'éviter les écueils liés aux situations de départ mal définies et à l'existence de différentes barrières non-tarifaires qui existent encore après ouverture mais qui sont difficilement identifiables et quantifiables.

Nous avons donc effectué une simplification qui nous éloigne de la situation réelle mais celle-ci nous permet de mieux identifier les intérêts de chacun.

Un des problèmes qui peut-être rencontré quand on tente de synthétiser les différentes analyses factorielles et sectorielle est celui de l'incompatibilité des hypothèses. En effet, comme nous l'avons déjà souligné, alors que les approches factorielles font l'hypothèse de mobilité parfaite des facteurs de production à l'intérieur des pays, les approches sectorielles font l'hypothèse d'une mobilité différente selon les facteurs considérés. Par conséquent, :

« les coalitions n'ont plus lieu entre les classes sociales, mais sont transversales, c'est à dire que les intérêts peuvent diverger entre les membres d'une même classe et converger entre les membres de classes différentes, ce qui modifie les possibilités de coalitions69(*)»

Néanmoins un certains nombres d'auteurs estiment qu'avec un horizon temporel assez long ce problème est éludé. Ce que nous accepterons.

Aussi pour éviter le plus possible ce type de situation, notre analyse prend en compte cinq groupes sociaux définis très globalement. Au départ nous avions simplement considéré les trois groupes (capitaliste, travailleur qualifié et non-qualifié) de l'analyse factorielle que recommande ROGOWSKI pour la période contemporaine.

Néanmoins nous avons rapidement dû y ajouter le groupe des agriculteurs (propriétaire de la terre) car ceux-ci occupent en Turquie encore une place considérable même si, comme nous l'avons rappelé, cette catégorie diminue70(*). Nous aurions pu les regrouper avec le groupe des capitalistes en considérant qu'ils possèdent du capital productif ; néanmoins, au vu du nombre de propriétaires exploitants et de leur taille individuelle71(*), il semble que cette simplification aurait trop diluer l'analyse, la rendant alors abusivement schématique pour être lisible.

Nous avons également effectué une séparation au sein du groupe des capitalistes pour permettre une plus grande cohérence. En effet sans cette séparation il est impossible de déterminer à quel terme ce facteur été mobile. De surcroît nous ajoutons ici une hypothèse qui consiste à supposer que dans le cadre de l'analyse sectorielle, les propriétaires de capital financier se rapprochent plus de l'image traditionnelle du rentier et sont donc, à l'inverse des capitalistes détenteurs de capital productif (entrepreneur « à la SMITH »), considérés comme consommateurs (et non producteur- ils sont « rentier »).

Néanmoins cette distinction au sein du groupe des capitalistes, n'aboutissant pas à des résultats probants (indétermination), ne s'avère pas indispensable à notre tableau synthétique et c'est d'ailleurs pourquoi nous avons seulement sous divisé le groupe plutôt que d'en faire deux groupes distincts comme c'est le cas pour les travailleurs.

Par ailleurs, nous estimons que les travailleurs qualifiés dont les intérêts face à l'ouverture divergent entre leur position de détenteur de facteur rare qui est alors selon l'analyse factorielle protectionniste et leur position de consommateur qui les pousse à préférer le libre-échange, se positionnent en faveur du protectionnisme car accordent plus d'importance à leur « non-perte » en cas de protectionnisme (identifiée à l'aide de l'approche factorielle) qu'à leur potentiel gain de consommateur (identifié à l'aide de l'approche sectorielle).

Nous avons effectué ce choix en analogie avec l'analyse institutionnelle présentée précédemment ou avec une analyse de KRUGMAN P. ET OBSTFELD M. [2001] qui juge que les pertes liées à l'ouverture des groupes déjà « mal en point » sont plus considérées par les décideurs de politiques que les gains récoltés par les groupes déjà prospères. Ainsi nous estimons que le groupe des travailleurs qualifié est globalement protectionniste et ceci même s'il semble difficile de juger si cette position est économiquement fondée car pour cela il faudrait déterminer précisément les pertes de salaire et les gains de consommation engendrés par le libre-échange et effectuer une mise en balance monétaire (alors qu'il semble que marginalement une unité monétaire peut en valoir plus qu'une autre)72(*).

Par ailleurs, nous n'estimons pas que certains groupes sociaux ont plus de poids face aux décideurs politiques (cf. théorie du Public choice) pour ne pas compliquer la synthèse et éviter de faire entrer trop de données subjectives.

3.2 Tableau de synthèse des Explications de la protection appliquées à la Turquie

Position DEMANDE par groupe dans le cas d'une explication selon la théorie :

Explication

Groupes

(Appliqués à la

Turquie)

Factorielle

Sectorielle

(immobilité des facteurs)

Synthèse

Capitalistes

Traditionnellement Producteurs considéré comme les détenteurs du capital, facteur rare.

Détenteur de Capital productif73(*)

(immobile à court terme)

Protectionniste

Protectionniste74(*)

Protectionniste

Détenteur de Capital Financier

(mobile à tous termes75(*))

considéré plus comme consommateur que producteur

Protectionniste

Libre-échangiste

Nécessite une analyse plus précise

Travailleurs qualifiés

Traditionnellement consommateurs

Détenteurs d'un facteur rare.

Immobile à court terme

Protectionniste

Libre-échangiste

Protectionniste

Travailleurs non-qualifiés

Traditionnellement consommateurs Détenteurs d'un facteur abondant.

Mobile à tous termes

Libre-échangiste

Libre-échangiste

Libre-échangiste

Agriculteurs76(*)

Traditionnellement producteurs

Détenteur de la Terre, facteur abondant77(*).

Immobile à tous termes

Libre-échangiste

Protectionniste

Protectionniste

Tableau de Synthèse des Explications de la protection appliquées à la Turquie.

3.3 Enseignements

Au terme de cette synthèse très caricaturale qui, rappelons le encore, ne prend en compte que les effets de l'ouverture commerciale à l'Europe, on se rend compte que théoriquement et globalement (colonne de droite):

- trois groupes sur cinq ont intérêt au protectionnisme,

- un à l'ouverture commerciale à l'Union européenne,

- un reste indéterminé.

La conclusion que l'on peut donc tirer de cette approche n'est pas évidente pour différentes raisons :

- Tout d'abord, il reste le problème des capitalistes (assimilés au groupe TüSIAD) que nous avons déjà soulevé et qu'aucune analyse ne permet d'intégrer. Ce groupe a une grande importance d'une part car il représente un « poids » important du point de vue électoral et d'autre part car si l'on montre qu'il est théoriquement en faveur de l'ouverture, alors les désirs se rééquilibrent (nous avons deux groupes pour et deux groupes contre l'ouverture) et l'application de l'ouverture devient plus compréhensible en terme de coalition.

- Ensuite, le statut des travailleurs du secteur agricole pose problème dans la mesure où c'est l'hypothèse de départ qui les classe indépendamment ou parmi les travailleurs non-qualifiés qui fera de ce dernier groupe le plus nombreux ou non.

- Enfin, il ne semble pas être du ressort de l'économiste de juger si le gain de certains compense la perte d'autres (et de surcroît de voir si le bien-être marginal engendré par le gain est supérieur au bien-être marginal détruit par une perte).

Il en reste tout de même que de s'ouvrir à l'Union européenne semble satisfaire moins de groupes que le fait de rester en autarcie. En prenant en compte les explications factorielles et sectorielles, la Turquie devrait donc théoriquement rester fermée à l'UE. Aussi il se peut que prendre en compte le côté de l'offre de protection soit pertinent car on constate alors que la demande « exaucée » est celle du groupe qui tend à représenter la majorité de la population78(*) soit, à peu de chose près (dans une république démocratique comme la Turquie) la majorité des électeurs.

De surcroît, si l'on considère qu'à la marge le gain de bien être lié à l'amélioration des revenus est décroissante, le choix d'ouverture semble rester optimal dans la mesure où le groupe appelé à bénéficier d'un gain ( les travailleurs non-qualifiés) est le groupe originellement « défavorisé ».

Nous avons donc montré dans ce chapitre que l'idéal théorique est le libre-échange (ouverture au monde dans un cadre mondial et ouverture à l'UE dans un cadre européen). De plus nous avons vu qu'à priori plus les pays sont différents et plus l'intégration favorise la spécialisation des économies et donc une utilisations plus efficaces des ressources.

Le libre-échange entre pays inégalement développés est donc bénéfique et donc l'intégration de la Turquie à l'UE devrait théoriquement être bénéfique.

Nous avons néanmoins relativisé cette conclusion théorique en montrant que toutes les décisions profitent plus à certains groupes (voire même dégrade la situation d'autres) s'il n'y a pas de redistribution

Dans cette perspective nous avons cherché dans le cas de la Turquie, théoriquement quels étaient les intérêts suivis par le biais de la politique régionaliste européenne et aussi au détriment de qui s'imposaient-ils. Et nous avons estimé que l'ouverture à l'Europe permettrait aux travailleurs non-qualifiés d'être bénéficiaire d'un gain au détriment des autres groupes. Néanmoins ce choix semble rester optimal dans la mesure où ce groupe est appelé à être le plus lourd quantitativement et que nous estimons qu'à la marge un gain pour ce groupe « défavorisé » est largement supérieur à la perte à la marge des autres groupes.

En conclusion, l'ouverture commerciale à l'UE semble être optimale dans l'optique d'étude de ce premier chapitre.

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CHAPITRE 2

CHAPITRE 1 CHAPITRE 2 Optimalité de l'Union douanière réalisée entre la Turquie et l'Union européenne et perspectives de dépassement.

L'intégration régionale lie des pays proches géographiquement ayant des flux de commerce importants. Les accords passés favorisent encore plus le commerce régional mais engendrent aussi une intensification des flux d'investissement direct, de capitaux financiers... Une pression s'exerce alors pour stabiliser les taux de change. On recherche des changes fixes ou on va comme en Europe jusqu'à l'Union monétaire.

Les intégrations régionales se multiplient et s'accélèrent depuis la fin des années 1980 : en Amérique du Sud apparaît le MERCOSUR, en Asie l'ASEAN et autour des États-Unis, l'ALENA. Chaque pays développe autant que faire se peut des accords préférentiels avec ses voisins. La Turquie joue elle aussi sur plusieurs tableaux. En effet, elle est engagée à un certain degré dans l'Union européenne et cherche d'autres liens privilégiés avec ses autres voisins79(*). Une analyse attentive révèle que la Turquie développe différents liens économiques de manière complémentaire et non comme substitut à l'UE. Ces liens sont établis en fonction de deux facteurs :

- Tout d'abord il s'agit de répondre à l'objectif d'accroissement des exportations devenu prioritaire avec le passage d'une stratégie de croissance à orientation interne à une stratégie de croissance à orientation externe.

- Ensuite, il s'agit de se prémunir contre les éventuels ralentissements de la demande extérieure dans certaine zones (une sorte de diversifications géographique des risques). Et ceci pour mieux exploiter ses avantages comparatifs et de bénéficier des atout que lui procure sa position géographique sur les marchés non protégés situés à sa proximité, comme en témoigne la position intermédiaire que la Turquie occupe dans la hiérarchie da la division internationale du travail. En effet alors qu'en 1995, la Turquie dispose d'un avantage comparatif80(*) pour 23 produits sur 62 toutes zones confondues, ce chiffre passe à 18 si l'on ne l'applique qu'à la zone de l'UE, à 22 vis-à-vis du CAEM et 57 vis-à-vis du Moyen-Orient81(*). Ces caractéristiques confirment la complémentarité et la diversification géographique par rapport à l'intégration européenne.

Néanmoins l'essentiel des flux commerciaux de la Turquie se passe avec l'UE dans le cadre de l'union douanière.

On peur tirer deux réflexion de cette orientation régionaliste de la Turquie :

D'une part, on peut se demander s'il peut-être optimal théoriquement de suivre une politique de libre-échange régionale à l'heure actuelle pour la Turquie sachant que le libre-échange généralisé à tous les pays (ouverture multilatérale) permet de plus se rapprocher de l'optimum parétien que le libre-échange régionale (ouverture préférentielle à un groupe de pays)?

Rappelons que dans le premier chapitre nous avions présenté distinctement que, d'une part le libre-échange conduisait à l'allocation optimale des ressource et un gain de bien-être par rapport à la situation d'autarcie dans un cadre multinational, et que d'autre part nous acceptions ce même raisonnement pour le libre-échange régionale versus la fermeture commerciale du pays. Nous n'avions par contre pas comparé ces deux situations.

Or, si l'on met en balance les gains du libre-échange régionale face à ceux du libre-échange régional, il existe un débat. Certains voient dans ce mouvement d'intégration régionale une opposition ou une alternative à la dynamique de la mondialisation, une échappatoire à une évolution semble-t-il inéluctable depuis la fin du monde bipolaire. D'autres, à l'opposé, pensent déceler dans ces accords régionaux une démarche libérale82(*) qui est partie intégrante de la mondialisation et qui n'est donc pas contraire aux démarches multilatérales poursuivie au sein de l'OMC et qui ne va donc pas à l'encontre des effets bénéfiques du libre-échange décris dans notre premier chapitre.

Par ailleurs, l'analyse économique n'admet pas que la voie de l'intégration régionale procure un bien-être général égal ou supérieur à celui atteint par un libre échange mondial non discriminatoire. Au mieux certaines théories admettront que le régionalisme puisse élever le bien-être de ses participants ou même du monde mais ce sera toujours un optimum de second rang. Dans cette optique, il semble alors que pour notre cas d'espèce, la Turquie ne devrait théoriquement pas s'intéresser au libre-échange régional et concentrer uniquement ses forces sur le libre-échange multilatérale par le biais de l'Organisation Mondiale du Commerce puisqu'elle a ratifié les accords du GATT dès 1951 et qu'elle est membre de l'OMC. Néanmoins, la Commission européenne admet que :

« (...) avec l'entrée en vigueur de l'union douanière le 31 décembre 1995, la Turquie a aboli les droits de douane et les charges d'effet équivalent, les restrictions quantitatives ainsi que les mesures d'effets équivalent sur les produits industriels importés en Turquie en provenance de la Communauté. Elle a déjà rempli la plus grande partie de ces obligations concernant l'harmonisation et la législation douanière, y compris le tarif extérieur commun. Selon un rapport récent de l'OMC, l'entrée en vigueur de l'union douanière a, en général, amélioré l'accès au marché turc pour les pays tiers. » (Agenda 2000 Elargissement -rapport régulier 1998 de la commission sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'Adhésion.)

De ce point de vue donc on ne peut pas reprocher à l'adhésion turque à l'Union douanière d'éloigner la Turquie de ses engagements au sein de l'OMC, bien au contraire. Il ne semble donc pas que l'intégration à l'UE soit un substitut au libre-échange multilatéral. Elle permettrait même d'accélérer l'ouverture commerciale de la Turquie au reste du monde.

D'autre part, comme nous l'avons déjà souligné en introduction la participation à l'Union douanière confère un certain nombre de contraintes à la Turquie dont celle de ne pas passer d'autres accords commerciaux préférentiels. En effet, la Turquie n'a pu voir aboutir sa stratégie commerciale avancée avec ses voisins de la mer Noire car ces accords avec l'UE l'en empêchaient.

L'idée est donc de savoir si la Turquie pourra retirer un bilan positif de son adhésion à l'UE.

Nous verrons pour vérifier l'intérêt du régionalisme (et l'intérêt probable de la Turquie vis-à-vis de l'U.E qui en découle), dans un premier temps la théorie classique des arrangements régionaux qui ne prend en compte que les effets statiques des accords de commerce régionaux sur le bien-être général, c'est à dire leur impact sur le niveau de richesse (section 1). Nous verrons ensuite que la nouvelle économie internationale a montré qu'il existe un certains nombre d'effets dynamiques c'est à dire des effets qui n'influent pas une fois pour toutes sur le niveau de bien-être mais qui provoquent durablement un changement de rythme de croissance, qui peuvent changer les conclusions des conséquences des accords de commerce régionaux et ceci notamment dans le cas de notre question quant à l'a poursuite de l'adhésion turque à l'UE (section 2). Enfin, cette réflexion nous emmènera à exposer les mécanismes d'ajustements qui sont nécessaires pour que la poursuite de l'intégration engendre les effets positifs escomptés (section 3).

SECTION 1 Analyse statique 

Pour évaluer les coûts ou bénéfices de l'Union douanière réalisé entre l'UE et la Turquie en terme statique nous allons évaluer s'il y a détournement ou création de commerce. C'est cette théorie de Jacob VINER qui prend en compte les effets de création et de détournement de commerce que nous commencerons par exposer (1.1). Nous tenterons d'en faire le bilan pour la Turquie par le biais d'un modèle afin de déterminer que dans ce cas précis, il y a effectivement détournement de commerce.

1.1 Le modèle de J. VINER

Historiquement les accords d'intégration régionale ont été considérés longtemps comme des accords de libre-échange et donc la question de savoir s'il était cohérent de passer de tels accords, ne se posait pas. Par exemple la volonté « libre échangiste » du XIXème siècle est souvent illustrée dans les ouvrages généralistes, par l'accord Cobden-Chevalier82(*) qui n'est autre qu'un accord commercial préférentiel entre pays voisins.

Par la suite, conséquemment à la crise des années 1930, les grandes puissances se sont repliées sur leurs empires coloniaux en passant, dans un certain nombre de cas, des accords préférentiels. Cette « hérésie » fut dénoncée dans l'après-guerre par le multilatéralisme affirmé par les accords de Bretton Woods de 1944 puis par la clause de la nation la plus favorisée (NPF) du GATT. A cette époque, il fallait empêcher les pays de renouer avec les accords préférentiels et atteindre par tous les moyens l'optimum libre-échangiste de la théorie néoclassique dans un cadre international, exposée dans le premier chapitre. Mais la guerre froide, en projetant une menace communiste sur l'Europe, permettra aux accords de libre-échange et d'Union douanière de subsister en les insérant dans une clause d'exception (article XXIV du GATT).

C'est pourtant à cette même époque que se développa la théorie de l'intégration commerciale dite « moderne » qui affirmait que du fait de leur caractère préférentiel et donc discriminatoire les accords régionaux de libre-échange étaient néfastes pour le reste du monde. Elle allait même jusqu'à assurer que l'amélioration de la zone qui se formait n'était pas certaine.

En effet, c'est au milieu du vingtième siècle, que l'analyse devenue classique, le modèle de Jacob VINER [1950], démontra que les accords entre nations voisines83(*) en plus d'être « créateurs » de commerce à l'intérieur des zones, engendraient des « destructions » de commerce. Cette remarque de VINER est toujours à la base de l'analyse critique des accords de commerce préférentiels. Elle vaut donc la peine d'être exposée pour comprendre si la Turquie a intérêt à adhérer à l'Union européenne.

Le modèle de VINER repose sur la théorie conventionnelle des avantages comparatifs que nous avons exposés, avantages qui justifient le libre échange par le gain des consommateurs : les importations poussent les économies à se spécialiser et donc, la spécialisation engendrant la compétitivité, à commencer à exporter. La balance entre importations et exportations s'étant équilibrée, il ne reste du libre-échange qu'une baisse générale des prix bénéficiant à tous les consommateurs quel que soit leurs pays d'origine. Et plus il y a de sources d'approvisionnement, plus le pays se spécialisera et donc plus ces gains seront importants.

Appliqué à une comparaison entre une situation initiale de protection générale du marché et une situation d'Union douanière, le modèle démontre deux points importants :

- Premièrement, les zones de libre échange seront toujours moins efficaces au niveau économique que le libre-échange mondial. En effet, intuitivement si l'on compare les gains pour les consommateurs d'un échange sans entrave à deux et donc d'une spécialisation limitée, ils seront moindres que dans le cas d'échange sans entrave entre tous les pays et avec une spécialisation accrue.

- Deuxièmement, VINER affirme que l'issue d'une Union douanière est incertaine car les effets de « détournement de commerce » peuvent être équivalents ou supérieurs aux « créations ». Il entend par création de commerce, le fait que l'on passe à une source d'approvisionnement dont le coût est moindre, suite à la suppression des droits de douanes entre deux États dans le cadre d'accords préférentiels. Alors que le détournement des échanges signifie que l'accord a incité les pays à se fournir, non plus auprès de pays non-membre compétitifs mais auprès de pays membres moins efficaces. Ces pays sont « choisis » car leur prix est moindre consécutivement aux différences de taxation douanière. Le détournement des courants d'échange est donc globalement une dégradation des termes de l'échange due au changement des sources d'approvisionnements.

Donc selon ces définitions, l'accord de commerce régional va pouvoir engendrer deux situations différentes :

- i) Si au niveau des blocs régionaux, les échanges supplémentaires qui ont lieu constituent, en majorité, une création de commerce (il y a prédominance de la création sur le détournement) alors, ou l'un des membres du groupe doit en tirer profit, ou les deux peuvent en tirer profit. Globalement le groupe et le monde entier dégagent un bénéfice net. Mais le reste du monde y perd.

- ii) Par contre, dans l'autre situation où au niveau des blocs régionaux, les échanges supplémentaires qui ont lieu ne sont pas créateurs de commerce mais remplacent plutôt un commerce existant au détriment de pays extérieurs au bloc (détournement de commerce), on constate que l'efficacité économique dans le monde diminue. De plus, VINER nous montre que dans ce cas l'établissement du libre-échange entre les deux nations conservant une protection douanière à l'égard des autres pays, c'est à dire provocant en général des détournements conséquents, peut appauvrir ces mêmes nations prises globalement au lieu de les enrichir. En effet, la conclusion de Viner est sans appel :

« Si le détournement des courants d'échanges est prédominant, l'un des membres au moins, y perds forcément, les deux pris ensemble auront une perte nette, et le reste du monde ainsi que le monde tout entier y perdront »84(*)

En conclusion, on peut se dire que si la Turquie est dans la première situation -i (plus de création que de détournement) alors l'intégration est « égoïstement » bénéfique et souhaitable pour son pays alors que dans la seconde situation - ii ( plus de détournement que de création) l'intégration régionale à de forte chance d' être à proscrire car soit la Turquie, soit l'UE, ou soit les deux ont une perte nette.

Nous allons donc chercher maintenant plus précisément dans quel cas se trouve la Turquie.

1.2 Application à la Turquie

Nous allons pour cela tenter d'appliquer ce modèle à la Turquie dans le cas de son adhésion à l'Union douanière.

Pour mieux appréhender le bénéfice ou la perte nette de l'intégration en terme d'effet statique on propose un modèle à deux pays85(*) (TURUNÇ G. [2001]) : T (Turquie) et E (ensemble des pays de l'Union européenne). M représentera le reste du monde. T étant importateur net des exportations de E ou M .

Di et Si, i = T, E, T+E, désignent les fonctions de demande et d'offre.

T+E représente l'Union douanière formée par T et E.

L'égalité de la consommation et de la production mondiale nécessite que :

CT + CE + CM = QT + QE + QM avec Ci représentant la consommation du pays i et Qi la production du pays i (i = T, E, M)

1.2.1 Situation de libre-échange intégrale (sans tarif douanier)

Les offres d'exportations et les importations se déterminent comme suit :

- à partir de l'excès d'offre par rapport à la demande étrangère :

EXPE = QE - CE = CD (voir graphique 1.)

- à partir de l'excès de la demande par rapport à l'offre étrangère :

IMPT = CT - QT = AB

L'égalisation de la consommation et de la production mondiale implique lors qu'il y ait égalisation des importations de T et des exportations de E et de M vers T :

CT + CE + CM = QT + QE + QM IMPT = EXPE + EXPM

Graphiquement, cela donne que si le prix mondial est PM, la demande de T+E est servi pour une part par l'union (représenté par le segment EF - graphique 1. page suivante)

Et pour une autre part par le reste du monde ( segment FG)

source : TURUNÇ G. [2001]

Graphique 1. Détermination de la fonction d'exportation et d'importation dans un monde sans et avec tarifs douaniers

1.2.2 Situation avec la mise en place d'un tarif douanier.

Si la Turquie instaure un tarif douanier t alors le prix des quantités importables passera de PM à P(1+t) et les quantités échangées diminueront car la demande de T sera plus faible.

1.2.3 Situation d'une Union douanière avec tarif pour le reste du monde.

La Turquie met en place un tarif douanier envers les importations en provenance du reste du monde M mais pas envers l'Europe avec qui elle forme désormais une Union douanière.

Dans ce cas on observe une suppression des importations en provenance du reste du monde M au profit d'une augmentation de celles en provenance de E. La consommation de l'Union augmente :

E''G'' > E'G' (voir Graphique 2.)

La production de E augmente de manière à compenser ce que M n'exporte plus vers T :

E''G'' > E'F' (voir Graphique 2.)

On constate une perte de revenu douanier équivalente à EGG'E'.

Si l'on augmente le tarif t appliqué par la Turquie à M (et pas à E) alors le coût de l'union est important. En effet dans ces circonstances la demande pour le produit qui voit son coût accru par le tarif douanier ne donne pas de recettes suffisantes pour compenser la perte du surplus généralisé (surface GG''I)

Il existe donc des pertes potentielles à l'Union douanière pour la Turquie puisque, comme nous l'avons déjà souligné celle-ci réalise déjà plus de la moitié de son commerce avec l'Europe86(*). Les pertes annuelles pour le gouvernement seraient estimées entre 2,6 et 3 milliards de dollars (TURUNÇ G. [2001]).

En conséquence si l'on se limite à une approche en terme de statique comparative à la Viner en ne prenant en compte que les effets de créations et de détournement de commerce, il semble que théoriquement l'Union douanière ne représenterait aucun attrait pour la Turquie et devrait même être proscrite. Cette conclusion s'explique en vertu du fait que l'annulation totale des tarifs douaniers à l'encontre des produits européens procurerait aux producteurs de ces derniers une rente substantielle liée au détournement de commerce.

1.2.4 Enseignements

Empiriquement, les chiffres du commerce turco-européen récents confirment cette conclusion87(*). L'accord a globalement profité aux pays européens dans la mesure où il a impulsé une forte croissance des exportations intra-européenne vers la Turquie sans pour autant provoquer une hausse du même ordre des exportations turques vers l'UE. Entre 1994 et 1998 la part des importations turques en provenance de l'Europe a augmenté de 5,6 points passant de 46,9% à 52,5%. En revanche la part des exportations à destination communautaire a cru dans une moindre proportion en passant de 47,7% à 50% du total des exportations. En valeur absolue, cette progression est encore plus marquante puisqu'on voit alors nettement le solde se creuser : les importations turques en provenance de l'UE ont augmenté de 13 242 millions de dollars l'an (passant de 10 667 en 1994 à 24 108 millions de dollars en 1998) alors que ses exportations n'ont progressé que de 4 803 millions de dollars l'an (passant de 8637 en 1994 à 13 440 millions de dollars en 1998).

Néanmoins une large part de ce phénomène de déséquilibre s'explique simplement par le fait que sur la période considérée se sont les concessions tarifaires turques qui se sont appliquées alors que celles de la communauté avaient déjà produit leurs effets par le passé lors de leur application88(*).

Mais globalement on retient d'une telle analyse que si l'on prolonge la tendance observée, l'Union douanière entre l'Europe et la Turquie est intenable sur le long terme dans la mesure où la progression des importations sera beaucoup plus forte que celle des exportations et la dépréciation réelle produite par la suppression des tarifs douaniers restera insuffisante pour contenir la dégradation du solde courant provoquée par le service de la dette extérieure qui continuera ainsi d'augmenter.

Cette conclusion est corroborée par diverses sources :

- Par la commission européenne qui fait remarquer dans son rapport sur l'Union douanière en 199889(*) que, compte tenu de l'adaptation des producteurs turcs face à la concurrence d'origine communautaire sur leur marché, l'effet de création de trafic paraissait relativement faible et l'augmentation des importations turques en provenance de l'UE semblait plus être le fait de détournement de trafic. De surcroît, et à la défaveur de l'économie turque, les exportations en provenance de Turquie n'ont pas bénéficié dans la même proportion de cet effet d'éviction (de détournement de commerce).

- Par Deniz AKAGüL [1999] qui émet néanmoins un bémol. Pour lui, cet accroissement du déficit commercial provient essentiellement de deux facteurs90(*) : l'impact du détournement de trafic d'une part et d'autre part l'existence d'un déficit de nature structurelle lié au décalage de développement de l'économie turque par rapport à celles de l'UE.

En effet, le rapport de la commission sur l'évolution des relations avec la Turquie deux ans après l'entrée en vigueur de l'Union douanière met en exergue qu'une partie non négligeable du déficit commercial est structurelle. L'augmentation des importations turques serait imputable à son besoin croissant de biens d'investissement et donc servirait directement la croissance de l'économie à long terme. C'est à dire qu'il existe un déficit structurel lié au retard de développement de la Turquie mais celui-ci n'est ni néfaste ni dangereux car il reflète le développement. Il pose néanmoins la question de son financement et dans ce sens il peut représenter un danger.

Ainsi on ne peut imputer tout le déficit commercial turc aux effets de détournements de commerce provoqués par l'Union douanière. Néanmoins il est évident qu'ils y ont contribué en grande partie.

Des modèles de structure plus complexes (non appliqués à la Turquie) et portant sur un plus grand nombre de produits ont été construits, et on a pu constater que la réalisation d'un accord commercial régional peut avoir un certain nombre d'autres conséquences qui peuvent l'emporter sur le détournement des courants d'échanges. MEADE [1955]91(*), par exemple, quelques années après VINER, a complexifié l'analyse statique à la VINER en y incluant des effets de consommation. A partir de là, il conclut que même un détournement des échanges est avantageux pour le consommateur92(*) qui bénéficie de produits à moindre prix.

Il existe donc théoriquement une certaine ambiguïté quant à la conclusion de l'analyse en termes d'effets statiques. Mais appliquée à la Turquie elle semble nous indiquer que les échanges Turquie-UE engendrés par l'Union douanière sont plus des détournements que des créations de trafic et que donc le bilan en terme de bien-être est négatif.

A l'aide de cette analyse on affirme donc que si la Turquie n'avait pas encore entamé son intégration au sein de l'UE et qu'elle ne cherchait qu'à atteindre le stade de l'Union douanière, cet objectif lui serait déconseillé.

Cependant, il faut garder à l'esprit que la littérature traditionnelle que nous avons utilisée étudie les réductions des droits à l'importation. Par exemple VINER étudie les effets de l'Union douanière. Or notre question concernant la Turquie consiste aussi à savoir si elle à raison de s'intégrer plus profondément avec l'UE sachant qu'elle a déjà atteint le stade de l'Union douanière. L'intégration plus poussée consistera alors essentiellement en l'élimination de barrières non-tarifaires (venant de normes techniques et sanitaires, ou des possibilités d'action antidumping.

« Bien que, comme le montre BALDWIN et VENABLES93(*), l'évaluation économique des barrières non tarifaires puisse s'analyser à travers une lecture de l'approche traditionnelle revisitée, l'économie de l'intégration [dans le cas du dépassement de l'Union douanière] doit être abordée à travers ses effets sur la concurrence et les approches analytiques basées sur la concurrence imparfaite. » (BUIGUES P.-A. et MARTINEZ-MONGAY C.[1999], p.84)

L'analyse en terme dynamique devient donc incontournable pour s'interroger sur l'optimalité d'une intégration plus aboutie que l'Union douanière.

Cette analyse montre en effet qu'il existe des effets qui n'influent pas instantanément et une fois pour toutes sur le niveau de bien-être mais provoquent un changement durable du rythme de croissance et prend donc en compte les effets d'une intégration qui dépasse le stade de l'Union douanière.

Nous poursuivons donc notre analyse en abordant ce type d'effet provoqué par l'intégration que nous avons regroupé sous le nom « d'effets dynamiques ».

SECTION 2 Analyse des effets dynamiques

Le développement de la « nouvelle économie internationale94(*) » a permis sinon d'identifier des gains nouveaux à l'échange, du moins de mieux identifier leur mode de formation et leurs conséquences.

« La littérature qualifie souvent les gains attendus de la « nouvelle » économie internationale de gains de « dynamiques ». Ils s'ajouteraient aux gains « statiques » de la théorie néoclassique fondée sur une spécialisation des économies en fonction de leur avantage comparatif. » (SIROËN [2000], p. 41)

A partir de la prise en compte de conséquences dynamiques apparaissant par le biais de l'intégration et du fait que le modèle de VINER repose sur des hypothèses restrictives voire « méthodologiquement contestable95(*) », la nouvelle économie propose donc dans les années 1980 un nouvel examen des effets de l'intégration régionale. Ces nouveaux modèles réévaluent à la hausse les gains engendrés. (ce changement s'explique notamment par le fait que les nouvelles analyses prennent en compte, les nouveaux éléments que nous présenterons : les économies d'échelle, la remise en cause des monopoles et oligopoles... )

Elle considère donc que les accords régionaux ne sont pas néfastes, bien au contraire. Il se pourrait donc que pour la Turquie notre premier bilan statique basé sur la création et le détournement de commerce s'avère modifié.

Néanmoins nous rappellerons que ces modèles qui réhabilitent les zones d'intégration régionale, en réévaluant leurs bénéfices et en minimisant leurs effets négatifs, sont toujours en concurrence avec un courant opposé96(*) qui les considère toujours moins attrayants que le libre-échange multilatéral.

A ce propos, Christian AUBIN et Philippe NOREL se posent la question :

« Vaut-il mieux encourager des avancées rapides mais géographiquement limitées ou privilégier des stratégies multilatéralistes plus lourdes à mettre en oeuvre mais qui évitent le recours à des mesures discriminatoires entre pays ? » (AUBIN C. et NOREL P. [2000], p.120)

Pour répondre à cette question, ils empruntent l'approche normative de KEMP et WAN (1976, 1993) qui affirme que la formation d'Union douanière, comme celle passée entre l'UE et la Turquie, est compatible avec un progrès vers l'optimum parétien si celle-ci réunit les trois caractéristiques suivantes :

o La situation d'aucun membre de l'union ne se dégrade suite à l'accord.

o Aucun pays (adhérent ou non à l'union) ne voit ses échanges net s'avilir par rapport à la situation initiale.

o Le revenu douanier net de l'union est au moins aussi élevé que les compensations versées aux membres de l'union.

Ces conclusions montrent qu'en théorie un accord régional de libre-échange peut contribuer à se rapprocher de l'optimum parétien et si c'est le cas, l'accord est alors à réaliser sans se poser d'autres questions. Mais il semble que dans les faits, ces conditions sont rarement réunies.

Aussi nous allons voir que les effets de l'Union douanière présentés jusqu'ici sont à nuancer lorsque l'on prend en compte des hypothèses plus proche de la réalité (2.1) et que dans le cas de l'Union douanière entre la Turquie et l'union européenne il semble bien que cela soit le cas (2.2).

2.1 Présentation

Il existe un grand nombre de facteurs qui sont à l'origine des effets dynamiques. Ils sont issus du relâchement des hypothèses du modèle HOS présenté en première partie (Rendement d'échelle non croissant, concurrence pure et parfaite, fixité des facteurs de production entre pays, homogénéité des produits) En général on retient principalement 3 effets (BENAROYA F. [1995]) :

i) Un marché plus large qui engendre des économies d'échelle et une meilleure diffusion technologique, ce qui permettra dans un second temps d'être plus à même d'affronter la compétition internationale ;

ii) Une concurrence renforcée qui pousse à plus de productivité, à une meilleure efficacité productive,

iii) Une attraction plus marquée pour les IDE car ceux -ci deviennent plus « sûrs »97(*).

A ces trois points on peut en ajouter un quatrième à l'instar de certains auteurs (SIROËN [1996], p. 43)  :

iv)  la préférence pour la diversité des produits et des techniques. En effet, les consommateurs qui ont une satisfaction croissante avec le nombre de variétés proposées98(*), accroîtront leur bien-être dans une zone régionale intégré car la quantité de variétés proposées aura augmenté.

Cet argument reste « subjectif et donc difficilement quantifiable » (SIROËN [2000], p. 39) c'est pourquoi nous ne nous attarderons pas sur lui.

Nous noterons ici que le tableau en annexe 15 récapitulant les effets escomptés du marché unique s'applique bien à notre analyse des effets de l'Union douanière. Il ajoute néanmoins une distinction que nous ne retiendrons pas pour notre part : Il sépare les effets proconcurrentiels (i et ii) et l'augmentation de la diversité (iv) de la croissance des investissements (iii) car les premier ( i, ii et iv) sont issus de la nouvelle théorie du commerce international et les seconds (iii) de la théorie de la croissance endogène.

Nous allons maintenant voir plus en détails l'origine et la portée de ces effets en rappelant que même si les approches de la nouvelle économie internationale ont privilégié les relations entre pays économiquement proches, voir semblables en terme de dotations factorielles relatives, de technique (et donc de coûts) de production, de préférence de consommation, il n'en reste pas moins que certains aspects de ces approches peuvent être relativement bien adaptés à des pays différents par leur niveau de développement ou par leur dimension. Dans la mesure où la « taille » économique d'un pays, telle qu'elle peut être évaluée par son PNB dépend non seulement de variables démographiques mais aussi du niveau de développement, une assimilation, certes approximative, mais commode sera quelquefois faite entre la taille et le niveau de développement.

· Rendement d'échelle croissant

Le premier point (i) s'explique par le fait que si l'industrie bénéficie d'économie d'échelle, c'est à dire que les coûts moyens diminuent avec le volume de production (une augmentation des quantités de facteurs de production engendrera une augmentation plus que proportionnelle du volume de production) alors l'ouverture des marchés étrangers permettra d'en augmenter la portée.

De plus certaines industries peuvent bénéficier d'économies dites externes, liées à la taille du secteur et qui profitent à l'ensemble des firmes. Développer un secteur permet en effet de former des compétences spécifiques, de construire et développer un réseau, ce qui permet de réduire les coûts. Les effets d'apprentissage jouent également un rôle déterminant dans un certain nombre de productions, car le coût moyen de production diminue alors avec le volume de production cumulé. Et tous ces effets positifs sont croissant avec la dimension du marché.

· Concurrence renforcée

Le deuxième point (ii) s'explique par le fait que la libéralisation des échanges met en concurrence les firmes nationales qui pouvaient être protégées par leur pouvoir de monopole ou d'oligopole.

«  L'ouverture remet en cause les rentes des firmes qui se trouvaient en position dominante avant l'échange. Elle réduit la perte sociale relative à des structures de marché non concurrentielles où les prix, comme les coûts sont trop élevés. Elle favorise l'amélioration de la qualité. » (Siroën J.-M. [2000], p.40)

La concurrence au niveau régionale permet donc de réduire les rentes monopolistiques des producteurs mais en plus elle pousse à réduire leurs coûts en supprimant des inefficiences ou en accélérant l'incorporation d'innovation.

· Mouvement de facteur capital entre pays (Attraction des IDE)

Le troisième point (iii) prévoit une attraction accrue des investissements directs à l'étranger. Or une des questions souvent posée par la théorie économique est celle de la substituabilité ou de la complémentarité entre le commerce et l'investissement. Dans les théories standards du commerce international, l'échange de biens se substitue au mouvement de facteurs, notamment du capital. Depuis, la théorie économique a démontré qu'il se pouvait que deux types de flux puissent se compléter.

Or, les IDE peuvent être stimulés par l'intégration régionale et susciter ainsi un gain durable de bien être dans la zone. Il faut donc prendre en compte les effets provoqués par les IDE.

Les IDE engendrent des effets positifs pour l'économie pour diverses raisons :

- Tout d'abord car ils sont réalisés pour influencer la gestion d'une entreprise étrangère : ils accompagnent donc des mouvements de biens et favorisent l'exportation de composants ou de biens. Ils permettent également le transfert de compétences et de technologie et sont dans cette perspective accompagnés d'un savoir-faire.

- Ensuite, car les IDE sont des transferts de capitaux. Or un transfert de capital permet de changer la dotation factorielle du pays. Et comme nous le verrons par la suite cela peut-être bénéfique si l'on considère qu'il existe une différentiation verticale des produits engendrant des spécialisations plus ou moins avantageuses99(*).

D'autre part, les IDE ont différents types d'impacts sur les exportations et les importations du pays d'accueil et peuvent donc accroître le bien-être du pays en rééquilibrant son solde commercial qui, déficitaire sur le long terme, entraînait des déséquilibres macroéconomiques dangereux.

Il existe des effets directs qui augmentent les exportations  (MUCCHIELLI J.-L. [2002]):

- effet de plate-forme de réexportation (réexportation vers pays d'origine de la firme ou exploitation de marchés tiers)

- effet conquête de nouveaux marchés (implantation est utilisée pour entrer sur un marché plus vaste vers lequel il y aura des exportations)

Ainsi que des effets indirects :

- effet de concurrence ou de promotion à l'exportation (la concurrence engendrée par l'IDE sur les entreprises locales les ont contraintes à devenir compétitives internationalement et donc apte à exporter sur d'autres marchés)

De plus les IDE peuvent aussi engendrer des diminutions d'importations et ceci notamment par le biais d'effets directs :

- effet de substitution aux importations ( la production locale se substitue à l'importation en provenance du pays d'origine)

- effet de substitution financière (l'IDE se substitue à un investissement national ; cet effet peut par ailleurs être nul.)

Néanmoins il existe certains effets indirects provoqués par les IDE sur les importations qui jouent en sens inverse et notamment l'effet de complémentarité de produits semi-finis.

Ces trois points (i, ii et iii) sont difficilement quantifiables et de surcroît leurs quantifications aboutissent à des résultats qui diffèrent très grandement d'une étude à l'autre lorsqu'elles existent100(*). Néanmoins il s'avère que les simulations destinées à évaluer les effets attendus d'un approfondissement des accords d'intégration régionale conduisent toutes à réévaluer les gains relatifs à l'échange et donc les effets de création. La simulation pour le marché unique (rapport CECCHINI 1988) par la prise en compte des effets de concurrence et des économies d'échelle double les gains attendus de l'échange par rapport à une estimation en terme statique.

En conclusion, le fait de prendre en compte les effets dynamiques de la  « nouvelle » économie internationale conduit à réévaluer les gains relatifs à l'échange et donc les effets de création

Dans le point suivant (2.2) nous allons tenter d'appréhender des effets dynamiques réellement provoqués par l'Union douanière pour la Turquie. Nous n'avons malheureusement trouvé aucune estimation globale satisfaisante (2.2.1).

Néanmoins, en ce qui concerne le point iii, bien que sachant la théorie économique standard muette sur le fait de savoir si une Union douanière permettra de provoquer un retournement significatif dans les flux d'entrées de capitaux, nous pouvons retenir un certain nombre d'informations plus précises et récentes pour la Turquie (2.2.2). Enfin, cette réflexion sur les IDE nous amènera à réfléchir sur les effets de la crédibilité et de la confiance (2.2.3). Nous tenterons alors de dresser un bilan global de l'Union douanière.

2.2 Effets dynamiques pour l'Union douanière UE-Turquie

Pour le cas de la Turquie et l'UE, selon TURUNÇ G, la création l'Union douanière devrait se traduire comme nous l'avons vu par des gains de bien-être et ceci grâce à quatre points (TURUNÇ G. [2001]) auxquels nous ajouterons un dernier (en conséquence de ce que nous avons présenté dans le 2.1) :

i) - La suppression des droits de douane va entraîner une baisse du prix des intrants en provenance de l'UE et donc une baisse de prix des productions destinées au marché national et/ou à l'exportation101(*).

ii) - Incitation des producteurs locaux à améliorer la qualité et à réduire les coûts par le biais des gains de productivité générés par la protection.

iii) - La non-émergence de monopoles domestiques réducteurs de bien-être.

iv) - La lutte contre les activités improductives (disparition des firmes les moins compétitives) et contre le rent-seeking (recherche de rentes).

Ces effets peuvent être « globalement significatifs » et donc faire pencher le bilan de la création de l'Union douanière mais ceci uniquement si au moins deux conditions sont présentes :

- Il faut qu'il y ait un accompagnement du démantèlement douanier par une politique macro-économique adéquate et efficace ;

- Il faut que l'économie du pays candidat à l'Union douanière entame une reconversion réussie, c'est à dire qu'elle anticipe les chocs et qu'elle mute dans le sens de la construction d'avantages comparatifs dynamiques sur la base des potentiels de connaissance et de technologie qui lui fourniront la croissance et la compétitivité nécessaire viabilité de son adhésion à long terme.

Or ces deux conditions tentent d'être respectées par la Turquie dans le cas de son PNAA.

De surcroît l'Union douanière devrait permettre comme identifié au point 2.1 :

v) - Un accroissement des IDE. Ce phénomène peut s'expliquer par deux facteurs :

- les échanges seront encore plus intensifs entre les partenaires et donc ceci avantagera les productions implantées en Turquie ;

- les investissements locaux s'adressent à des marchés plus vastes et donc ils sont plus rentables et nécessitent d'être plus nombreux.

Nous allons maintenant présenter ces différents points ce qui nous amènera à voir l'effet de crédibilité qu'entraîne un accord d'Union douanière.

2.2.1 Des effets difficilement quantifiables (i, ii, iii et iv)

Les points i), ii) et iii) ne seront pas plus détaillés car leur quantification est très difficile. TURUNÇ G. ([2001], lui-même, les mentionne sans les quantifier.

Il en reste que selon ce que nous avons présenté au point précédent et suivant les analyses précises effectuées sur d'autres pays dont notamment le Mexique vis-à-vis de l'ALENA on peut en retenir que ces effets jouent bénéfiquement sur le bilan.

Il existe en effet un grand nombre de tests sur les effets attendu de l'ALENA sur le Mexique et tous les tests basés sur des modèles dynamiques d'EGC (équilibre général comparé) réévalue énormément les gains comparativement aux résultats basés sur un modèle statique d'EGC.

A ce propos concernant le Mexique dans l'ALENA, J.-M. SIROËN souligne que :

« La prise en compte de « nouveaux » effets (économie d'échelle et concurrence) conduit, en général, à réévaluer les gains relatifs à l'échange (BALDWIN, 1992 ; RICHARDSON, 1989 ; LLOYD, 1992 ; EMERSON et alii, 1989). » (SIROËN [1996], p. 48)

Cette conclusion peut être extrapolée à l'Union douanière Turquie - UE car la comparaison UE - Turquie / Etats-Unis - Mexique est pertinente pour au moins deux raisons :

- Le PNB/habitant de la Turquie représente 8% du PNB/habitant du pays le plus riche de l'Union européenne et ce même ratio est de 15% pour le Mexique dans l'ALENA102(*). Nous considérons que ces deux ratios sont du même ordre de grandeur et donc que le même type d'effet est à attendre lorsqu'un pays aussi décalé économiquement rejoint un ensemble de libre-échange régional.

- L'accord d'Union douanière Turquie-UE n'est pas plus ambitieux que L'Accord de Libre-échange Nord-Américain et se cantonne essentiellement à la libre circulation des marchandises103(*).

En ce qui concerne le point iv), la lutte contre les activités improductive et rent-seeking, on peut mentionner qu'il est vrai qu'avant l'ouverture régionale, il existe des restrictions commerciales qui donnent libre court à la recherche de rente ou rent-seeking (KRUEGER [1974]).

Ce sont les tarifs douaniers, les licences et quotas d'importation qui sont responsables de l'existence de telles rentes et qui incitent donc certains à pratiquer des activités de lobbying pour en profiter (voir chapitre 1).

Si la Turquie s'ouvre à l'Europe, un grand nombre des effets pervers de la non-ouverture vont être évités et de surcroît les activités de lobbying perdront de leur efficacité car l'échelle européenne diminuera leur poids et les confrontera à d'autres lobbying jouant en sens inverse. En effet, il semble qu'au niveau européen ces activités de lobbying perdent de leur efficacité et donc leur raison d'exister.

Par exemple, le lobby des producteurs de noisettes (dont la Turquie est largement exportatrice), qui arrivait à « imposer » ses préférences à l'Etat turc, se retrouvera dans l'UE face au lobby des producteurs de pâte de noisette et ne pourra plus « imposer » ses préférences inefficiente pour l'ensemble.

2.2.2 Accroissement des IDE

Il semble que dans l'Union douanière, les investissements directs sont favorisés à court terme parce qu'il n'existe plus d'entrave aux échanges mais par contre il existe encore une différence de prix des facteurs encore très marqués qui motive l'implantation des IDE.

Les investissements directs seront encore plus favorisés à long terme dans la mesure où les entraves aux mouvements de capitaux seront complètement levées.

Ainsi il se peut que le taux de croissance des IDE soit supérieur à celui du PIB. Les expérience de l'Espagne et du Portugal viennent corroborer cette évaluation dans la mesure où leurs adhésions ont été accompagnées d'un accroissement substantiel des flux d'investissement direct qui s'est avéré à certaine période supérieur à l'augmentation de leur PIB .

La participation à l'Union douanière avec l'UE est-elle susceptible d'attirer les IDE en Turquie comme les dirigeants de celle-ci l'espèrent ? Ce qui est estimé c'est que précédent des IDE américains, fortement attirés par la CEE lors de sa création, plaide en faveur d'une réponse positive, tout comme celui de l'élargissement à l'Espagne et au Portugal (ANDREFF W. [2001]) ou encore comme l'afflux des IDE au Mexique suite à la signature de l'ALENA.

Pourtant, empiriquement, on constate que les IDE sont restés, selon le rapport régulier de 1998 de la Commission européenne sur la Turquie, depuis le début des années 90, relativement faibles (environ 950 millions de dollars par an soit moins de 4% du PIB). La majeure partie du capital investi est d'origine européenne.

Ceci peut s'expliquer par le fait que :

- le niveau d'imposition sur les bénéfices est relativement élevé en Turquie (30%) par rapport aux autres pays émergents. De plus la complexité du système fiscal et le fait que la législation évolue souvent avec l'instauration de nouveaux impôts à effets rétroactifs ne motive pas les investisseurs étrangers à s'installer en Turquie.

- Il existe encore des secteurs non totalement ouverts aux investisseurs étrangers (il existe des restrictions dans le secteurs de la finance, du transport et de l'énergie mais semble-t-il que de manière transitoire.) A ce propos la commission européenne soulignait :

« Dans celui [le domaine] de la libre circulation des capitaux, des restrictions importantes persistent en ce qui concerne les IDE dans divers secteurs.104(*) »

On retiendra quand même qu'avant l'Union douanière et à la suite d'avancée effectuées par la Turquie durant la décennie 80 en ce qui concerne l'ouverture financière105(*) pour attirer des capitaux, l'afflux de ces derniers est resté faible comparativement au potentiel d'IDE que l'appartenance au marché commun procure. Si l'on regarde les IDE à destination des pays du sud de l'UE (Espagne, Portugal et Grèce), ils représentent environ 1,5% de leur PIB, alors qu'à la même période, ils avoisinent, malgré leur croissance, à peine les 0,3% pour la Turquie.

L'effet stimulant de l'Union douanière ne s'est donc pas fait sentir autant qu'escompté en ce qui concerne la Turquie mais il tout de même permis une croissance plus élevé qu'avant la création de l'Union douanière.

Nous pouvons donc estimer tout de même que, sans l'Union douanière, la Turquie aurait bénéficié d'encore moins d'IDE. Et que ces IDE ont des effets bénéfiques sur la croissance du pays.

« La croissance annuelle a bénéficié d'une reprise rapide des investissements en partie liée aux opportunités nouvelles crées par la mise en oeuvre de l'Union douanière ainsi que par l'ouverture des PECO et des pays issus de l'ex-union soviétique. » (Agenda 2000 - Commission des Communautés européennes [1998] Rapport régulier 1998 sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'adhésion )

De surcroît, depuis le printemps 1999 un nouvel article permet aux investisseurs étrangers de recourir à l'arbitrage international en cas de différend. Aussi on peut affirmer que même si la Turquie n'est pas totalement ouverte au capitaux, elle fait les efforts nécessaire pour le devenir.

Quoi qu'il en soit, l'augmentation même restreinte de l'attraction des IDE joue également positivement sur la Turquie pour deux types de raison.

- Premièrement, les entreprises disposants de capitaux étrangers jouent un rôle plus important que ne le suggère la seul place des IDE dans la balance des paiements. En effet on recense 113 entreprises à capitaux étrangers parmi les 500 premières en CA106(*). En 2000 ces 113 entreprises ont assuré 28 % des ventes, 37% des exportations, et 20% de l'emploi des 500 premières.

Ces données sont pourtant à mettre entre parenthèses car nous n'avons pas déterminé quelle est la variable explicative ( y-a-t-il des capitaux étrangers investis car l'entreprise est dynamique ou est-elle dynamique du fait de l'origine étrangère de ses capitaux ?) Néanmoins on explique en général ce fait par un transfert de technologie et de savoir-faire.

- Deuxièmement, on notera un point qui dépasse le cadre strict de effets de l'Union douanière. Ce point est rarement souligné mais il a une importance capitale : l'accession de la Turquie au statut de membre à l'UE lui confèrera un certain nombre d'obligations pour libéraliser complètement les IDE dont celui de diminuer/supprimer La Direction Générale de l'Investissement Etranger (DGIE), organisme de contrôle opaque dit « guichet unique », souvent sujet aux accusations de corruption. Aussi, non seulement l'adhésion complète permettra une augmentation en quantité des IDE, mais facilitera également leur qualité et réduira l'existence de fonctionnaires corrompus empêchant le bon fonctionnement des marchés.

Il existe néanmoins des effets indésirables à l'entrée des IDE avec notamment l'effet de complémentarité de produits semi-finis (présenté au point précédent).

Dans un article sur l'intégration des PECO à l'UE LEMOINE F. [2001] affirme qu'en plus de contribuer à la croissance les IDE ont un impact macro-économique important dans la mesure où ils contribuent également à financer le déficit de la balance des paiements et donc ils constituent, de ce point de vue, une forme beaucoup moins volatile d'entrée de capitaux que les investissements de portefeuille. Néanmoins l'auteur souligne également et c'est là où nous voulions en venir, que ces IDE en augmentant la présence de filiales étrangères accroît aussi la dépendance de ces pays à l'importation car leurs productions font largement appel à des produits intermédiaires importés. Leur activité peut alors se solder par un solde déficitaire de leur échange avec l'étranger.

Dans le cas de la Turquie, en effet, depuis la création de l'Union douanière, les IDE d'une part et les importations d'autre part, ont augmenté. Néanmoins il serait fortuit d'affirmer que ces deux variables sont liées et il faudrait effectuer une analyse de l'activité des firmes étrangères sur le sol turc ainsi que de leurs flux commerciaux pour conclure clairement ce point.

On conclura donc que, pour l'instant, et du fait de leur « timidité » et de leurs effets ambiguë les IDE ne jouent que peu sur le bilan de l'Union douanière mais nous voyons déjà se profiler un potentiel dans le cas d'une intégration plus avancée.

On note en effet que dans une logique de libre-échange, les accords bilatéraux favorisent les investissements dans les pays de l'Union européenne au détriment des investissements dans les pays satellites (BALDWIN R. E. [1994]107(*)). Il est donc important dans le cadre d'une recherche accrue d'investissements étrangers et/ou locaux de passer à la vitesse supérieure d'intégration. Le passage à l'intégration supérieur de la Turquie majorerait l'investissement comparativement à ce qu'il a été dans le cadre d'accords d'association ou de ce qu'il est actuellement dans l'Union douanière.

Cette affirmation peut-être corroborée par l'empirie. En effet, la Grèce, très proche économiquement mais bien plus petite que la Turquie attire plus d'IDE que cette dernière (OPPENCHAIM S. [2000]). De surcroît en prenant l'exemple de l'année 1999, la Grèce attire essentiellement des IDE européens qui se destinent à divers secteurs industriels mais aussi bancaire alors que pour la Turquie leur origine est plus diversifiée (d'origine européenne et nord-américaine) mais ne s'intéresse qu'a l'industrie. Pour l'instant donc la Turquie ne figure pas encore sur la « Short-List » des pays les plus attractif108(*)

Il y a donc un réel intérêt en ce qui concerne l'attraction des IDE à dépasser l'Union douanière.

De plus les problèmes pour les investisseurs étrangers liés aux législations devraient disparaître avec l'harmonisation qu'appelle l'intégration plus avancée.

Néanmoins, les conséquences par exemple du Marché unique sur les flux d'investissements directs étrangers sont encore peu évidents (WINTERS [1996]109(*))

« Reste à savoir si une intégration plus avancée peut stimuler les flux de capitaux vers la Turquie, comme ce fut le cas pour l'Espagne ; la question reste ouverte. » (AKAGüL D. [1995], p.126)

2.2.3 Accroissement de la crédibilité et de la sécurité

Les gains potentiels d'une Union douanière dans les travaux récents font très souvent référence au rôle de la crédibilité. Aussi les gains d'efficacité et de croissance attendus d'une politique de libéralisation et d'ouverture commerciale ne se produiront et ne seront effectifs que si le gouvernement en question semble engagé de manière crédible dans ces politiques. Il faut que le processus soit enclenché pour que les effets positifs se produisent. Une ouverture commerciale irréversible serait un signal précis au secteur privé pour annoncer que le gouvernement va suivre une politique d'ajustement macro-économique (RODRICK [1989]) qui corresponde aux prescriptions des institutions financières internationales ; ainsi les investisseurs internationaux seraient plus enclin à s'intéresser au pays.

L'engagement de la Turquie dans l'Union douanière est bien plus crédible que son engagement au sein de l'OMC. En effet, la Turquie est bien plus « enclenché » qu'il n'y parait avec l'Europe car l'Union douanière dans ces termes actuels engage la Turquie :

- d'une part dans l'ouverture commerciale et donc envoie le signal aux investisseurs que l'ouverture est irréversible ;

- et d'autre part elle devrait garantir la solvabilité de la Turquie grâce à l'aide financière accordée dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen.

Même si l'aide financière escomptée n'a pas toujours était assurée110(*) il n'en reste pas moins que sur ce point les effets bénéfiques pour la Turquie sont plus enclins à se produire dans le cadre de son intégration à l'Union européenne qu'à l'OMC. Même si théoriquement l'ouverture multilatérale devrait plus rapprocher la Turquie de l'optimum parétien, c'est le processus d'intégration communautaire qui semble le plus efficace, car même si sa crédibilité peut être remise en cause elle en reste plus irréversible.

Par exemple on peut présenter le fait que, selon certains spécialistes de l'économie turque, c'est la note de risque attribuée à la Turquie par les agences de cotation en 1994 qui a sans conteste provoqué une dépression, l'une des plus profondes de l'histoire économique de la Turquie (AKAGüL D. [2000]). Ainsi dans ce cas, si la Turquie avait eu à cette époque plus de certitudes quant à son adhésion à l'UE, cette dernière aurait eut une note moins défavorable. L'adhésion à l'UE permet par conséquent plus de stabilité et donc d'éviter ou d'amoindrir les crises.

Dans le même sens, l'enclenchement crédible de l'adhésion à l'UE, permettrait à la Turquie de bénéficier de meilleurs taux d'intérêt pour ses emprunts internationaux. En effet, Pour se sortir de la crise incessante qui plonge les gouvernements successifs dans la dilemme « stabilité-croissance » il s'agit entre autre de sortir du cercle vicieux de la dette publique qui étouffe le potentiel de croissance de l'économie111(*) (voir annexe 14). Ce cercle vicieux pourrait être atténué ou brisé si la Turquie accédait au stade de membre à part entière de l'Union européenne. En effet comme ce n'est pas le stock de la dette112(*) qui pose problème mais sa charge qui représente 15% du PNB soit près de 60% des recette budgétaire ! Et comme la Turquie bénéficie, à cause de l'incertitude crée par ces politiques économiques, de taux d'intérêt réels excessivement élevés (de l'ordre de 30% pour la dette à court terme qui représente 68% du total de la dette) le rétablissement est difficile.

L'affaiblissement de l'incertitude politique ayant pour corollaire le rétablissement de la confiance, l'intégration plus avancée (passage du statut d'associé à celui de membre) permettrait à la Turquie de bénéficier de taux d'intérêt bien plus attractif qui lui permettrait de ce sortir du cercle vicieux. Aussi, l'accession au statut de membre de l'UE en verrouillant l'orientation politique turque permettrait un retour de la confiance qui enclencherait alors un « cercle vertueux ».

En résumé, la crédibilité fournie par l'intégration à l'UE par le biais de l'Union douanière devrait donc permettre d'augmenter le flux des prêts tout en limitant les primes de risques pour la Turquie, donc les coûts de financement.

La sécurité joue également un rôle important. En effet comme nous l'avons rappelé c'est un des critère pour figurer sur la « Short List » des pays les plus attractifs. Or la participation à l'Union douanière est un élément « sécurisant » qui amène donc son lot d'avantages.

L'exemple des investissements réalisés dans le cadre du GAP (Güneydogu Anadolu Projesi - le projet Sud-Est de l'Anatolie qui comporte 21 barrages, 17 centrales hydroélectriques et de nombreux système d'irrigation sur une surface égale à deux fois et demi la Belgique) illustre la question de la sécurité pour les investisseurs étrangers. En effet ce colossal investissement national n'a pas provoqué le décollage économique escompté et ceci en partie car le climat d'insécurité qui régnait à cause du PKK a découragé l'investissement privé (AKAGüL D. [2000]). Or, le fait d'adhérer à la Communauté oblige la Turquie a réglé le problème récurant de la minorité kurde. Selon certaines estimations modérées, la confrontation armée avec le PKK aurait engendré une perte sèche (comprenant dépenses militaires, destructions de biens et ralentissement de la production) de l'ordre de 65 milliards de dollars depuis l'entrée en action de cette organisation en 1984.113(*)

Or, si l'Union douanière n'a pu régler ce type de problème l'intégration plus poussée nécessite le respect des critères de Copenhague de 1993. Le premier de ces critères stipule que le candidat doit disposer d'institutions stables garantissant la démocratie, la primauté de droit, les droits de l'homme, le respect des minorités et leur protection. Aussi, la Turquie deviendra une terre d'accueil plus « sûre » en poursuivant son intégration et donc répondra plus aux caractéristiques pour faire parti de la « Short List ».

2.2.4 Influences des effets dynamiques dans une perspective d'intégration plus poussée.

Les effets dynamiques décrits sont donc en majorité liés au niveau d'intégration de la région. La théorie montre que plus le degré d'intégration régionale est élevé, plus ces effets en terme dynamique seront marqués. Par exemple si l'abolition des barrières est totale (on ne se contente pas que de supprimer les droits de douanes) alors les firmes multinationales ont un contrôle moins coûteux de la production réalisée dans les autres pays membres ; si l'intégration régionale a atteint le stade du Marché commun il y aura afflux d'IDE, si elle atteint le stade de la monnaie unique, les coûts de transaction sont supprimés, ... Il y a donc une multitude d'effets dynamiques positifs, croissant avec le degré d'intégration. C'est pourquoi dans le cas de la Turquie il semble déterminant de dépasser le stade de l'Union douanière afin d'augmenter encore les effets dynamiques positifs.

Il est en effet admis114(*) que ces effets ont à long terme une plus grande importance que les effets statiques, et qu'ils ne bénéficient pas qu'au membres de l'accord régional ; ils bénéficient également par effets d'entraînement à tous les partenaires commerciaux de l'ensemble.

L'importance des effets dynamiques par rapport aux effets statiques rejoint un autre constat : l'augmentation de la compétitivité des firmes locales ne se passe plus en procédant à une augmentation des barrières afin de les préserver de la concurrence étrangère mais en leur apportant les moyens d'accroître leur efficacité.

Il semble donc que les accords de libre-échange régionaux sont, toutes choses égal par ailleurs bénéfique à une nation qui les pratiques puisque au total (effets statiques et dynamiques) les accords ont un bilan nettement positif.

Néanmoins, au vue de certain tests, une relativisation de notre conclusion peut être nécessaire. Selon COLECCHIA A. [1999] : 

« L'intégration économique peut influer sur la croissance de différentes manières, notamment par les économies d'échelle qui accompagnent l'élargissement des marchés ou par une progression des échanges intra-sectoriels d'inputs intermédiaires, qui se traduit par une production plus efficiente. Ce dernier canal peut se révéler particulièrement pertinent pour une Union européenne où les échanges intra-sectoriels sont particulièrement développés, entre Etats membres. »

Après avoir détaillé sa démarche pour calculer l'impact réel de l'intégration européenne l'auteur arrive à deux conclusions dont une qui peut nous interpeller pour notre cas d'espèce :

« (...) l'ouverture au sens multilatéral semble favoriser dans l'ensemble la croissance en Europe, alors que le seul effet de l'intégration régionales semble être celui généralement dû à l'exploitation des économie d'échelle. »

Ainsi cette étude peut mettre un bémol aux conclusions affirmant que les effets positifs de l'adhésions à l'Union européenne ne seraient en fait essentiellement que les effets du libre-échange multilatéral. C'est l'ouverture générale plutôt que les échanges intra-régionaux qui a favorisé la croissance de l'économie européenne115(*). Et donc par extension on peut penser que l'intégration de la Turquie à l'UE lui apporte également essentiellement des économies d'échelles.

Pourtant cette limite peut être éliminée ou du moins nuancée dans notre cas qui prend en compte l'intégration d'un pays « moins développé » dans une zone plus avancée. Il semble en effet que les échange entre la Turquie et l'Union européenne, vu l'écart de développement, soit en majorité de nature inter-branche et non intra-branche. Aussi la conclusion de COLECCHIA A. ne s'avère pour l'instant pas adaptée et ne sera valable que dans un terme plus lointain.

Au vu de ce que nous avons exposé jusqu'ici, il semble donc que la Turquie n'ait pas de raison de rejeter les accords régionaux sous prétexte qu'ils risqueraient d'engendrer des détournement de trafics et donc de diminuer l'efficacité économique

De surcroît le bilan des accords régionaux, qui dans un premier temps de l'intégration pourrait pencher négativement aux vues des effets statiques de détournement de commerce, changerai au fur et à mesure du processus d'intégration car celui-ci engendre des effets dynamiques croissants et penche en fin de compte du coté bénéfique car améliore la situation globale. En effet même dans le modèle statique que nous avons présenté ces conclusions étaient perceptibles.

En définitive, la Turquie n'a non seulement pas de raison de rejeter le régionalisme (l'Union douanière déjà réalisée) mais en plus, elle a tout intérêt à poursuivre son intégration au sein de l'Union Européenne puisqu'ainsi, elle accroîtrait les effets dynamiques inhérents au processus. En effet, si l'intégration régionale a un bilan incertain dans ces premières étapes, plus celle-ci avance plus les effets dynamiques croissent et donc son bilan est nettement positif dans le cas d'une intégration complète.

Nous considèrerons donc, aux vues de notre exposé jusqu'ici, que la Turquie a un intérêt certain à poursuivre son intégration dans l'union européenne car même si son intégration a pu jusqu'alors au pire l'éloigner de l'optimum parétien, il n'en reste pas moins que la poursuite de cette construction amènera son lot d'effets dynamiques (puisque nous avons vu que ceux-ci sont croissants avec le degré d'intégration) compensant plus que les désagréments de l'Union douanière.

SECTION 3 Conditions nécessaires à la réussite d'une intégration dépassant l'Union douanière

Jusqu'à présent nous avons vu que la Turquie à un intérêt théorique au libre-échange même si celui-ci n'est que régional. Nous avons également vu que le bilan de l'Union douanière déjà réalisé est mitigé : d'une part en observant les effets statiques on conclue que la Turquie est perdante dans la constitution de l'Union douanière et d'autre part en tentant de réaliser un bilan dynamique basé sur des hypothèses plus proche de la réalité, il semble que le bilan puisse devenir positif mais il est difficile de l'affirmer clairement car ces derniers effets sont difficilement quantifiables. Par ailleurs, nous avons observé que ces effets dynamiques sont également croissants avec le degré d'intégration. Aussi, il semble donc que la Turquie ait intérêt à dépasser le stade de l'Union douanière et poursuivre son intégration pour profiter de ces effets stimulants.

En ce qui concerne une intégration plus poussée, lors du passage de l'Union douanière au marché unique la commission européenne et les pays y participant se sont questionnés pour connaître les avantages d'une intégration plus poussée. Ils ont alors estimé que le passage de l'Union douanière au marché unique devait dynamiser la croissance de l'Union européenne116(*). Les gains d'efficacité entraînant une hausse de revenu, les investissements et la croissance en seront stimulés. En plus, comme les coûts de production et de diffusion de l'innovation sont amortis sur un marché plus vaste, il y aura croissance accrue sur le long terme. Enfin, du fait que l'environnement réglementaire soit prévisible et homogène d'une part, et que l'accès au marché est plus aisé d'autre part, le marché est plus attractif pour les IDE. On peut donc conclure que cette constatation est également valable pour le passage de la Turquie de son actuelle Union douanière avec l'Europe à une intégration plus poussée.

D'ailleurs, en suivant un raisonnement classique, sur le long terme, la Turquie va, en poursuivant son intégration au sein de l'UE, accomplir des changements structurels durant sa période de rattrapage par rapport aux autres pays de l'UE. En effet, le rattrapage se traduit dans les faits par des gains de productivité et donc des hausses de revenus. Cette mutation se réalisera par le biais soit :

- des variables monétaires (taux change, taux d'intérêt)

- de la sortie de facteur travail (migration de main-d'oeuvre)

- de l'entrée de facteur capital (investissements directs).

Par le passé se sont les deux premières possibilités qui ont dominé. On note en particulier les mouvements migratoires de la main-d'oeuvre qui ont joué le plus grand rôle. Ce que nous allons maintenant voir.

3.1 Mouvements migratoires de main-d'oeuvre

Les mouvements de main-d'oeuvre turque vers l'UE ont eu une importance cruciale durant la première phase d'association (1965-1972). En effet selon Deniz AKAGüL [1999] 117(*) les mouvements de main-d'oeuvre auraient joué :

« (...) un rôle important dans les équilibre macroéconomiques en Turquie, en atténuant non seulement les tensions exercées sur le marché de l'emploi mais aussi la contrainte extérieure par les fonds qu'ils ont engendrés. »

En ce qui concerne les tensions sur le marché de l'emploi et selon les calculs de ce même auteur (AKAGüL D. [1995]), les flux migratoires aurait résorbé un cinquième du surplus de main-d'oeuvre « officiellement recensé » en Turquie. Il y a certes eu, dans ce mouvement migratoire, une sortie de main-d'oeuvre qualifié qui manque certainement au pays ; néanmoins cette migration a joué positivement sur le plan quantitatif118(*).

De plus, ces travailleurs, une fois expatriés, ont envoyé des fonds à leurs proches en Turquie. Ces envois de fond ont certainement joué un rôle important en ce qui concerne la diminution de la contrainte extérieure car ils représentaient environ 2% du PNB durant la décennie 80. Ils ont donc compensé une part du déficit d'épargne interne, en permettant à la Turquie de financer son déficit commercial vis-à-vis de l'UE. (à ce sujet pour des données chiffrées voir annexe 12).

En conclusion, les mouvements de main-d'oeuvre turque ont joué un rôle déterminant pour deux raisons : ils ont permis la diminution du facteur travail et ils ont engendré une entrée de facteur capital.

En 1988, le premier ministre turc de l'époque, Turgut ÖZAL, indiquait déjà que :

« Si nous entrons dans le marché commun - (...) qui est l'un des buts de la CEE - notre industrie connaîtra des problèmes et nos importations augmenteront. Cela devrait être compensé par le libre mouvement des travailleurs turcs. Le traité de Rome prévoit que trois éléments doivent circuler librement dans l'Europe unie : les biens, le capital et la Force de travail, afin de créer un large marché des marchandises et du travail qui doit déboucher sur une situation économique beaucoup plus saine. Si l'on interdisait la libre circulation aux Turcs, cela déboucherait sur le contraire : l'augmentation des importations ne serait pas contrebalancée 119(*)».

Turgut ÖZAL était lucide en tenant ces propos qui restent d'actualité. La situation économique de la Turquie dépend des mouvements de facteur. Or l'ajustement par les migrations de main-d'oeuvre est remis en cause depuis le milieu des année 70 car l'augmentation du chômage dans les pays européen les a conduit à fermer leurs frontières à la main-d'oeuvre étrangère et même à remettre en cause la libre circulation des personnes avec la Turquie envisagée dans le traité d'Ankara à une époque où les principaux pays de l'UE connaissaient une pénurie de main-d'oeuvre.

En effet un avis de la Commission indique que :

« l'accès de la main-d'oeuvre turque au marché du travail de la Communauté qui devait intervenir, même si ce n'est qu'au terme d'une période transitoire, suscite des appréhensions, en particulier tant que le niveau élevé du chômage persistera dans la communauté120(*) ».

Il semble donc sur ce point que si la Turquie pouvait bénéficier du même statut que les autres pays membres et notamment sur la libre circulation de la main-d'oeuvre, elle pourrait atténuer une partie du coût du rattrapage par le biais de l'ajustement par l'émigration de travailleurs.

Mais même en poursuivant son intégration il est peu probable qu'une libre-circulation effective de la main d'oeuvre soit appliquée. Il existe déjà des problèmes au sein de l'Union européenne pour réussir à appliquer cette libre circulation des travailleurs entre pays de niveau de développement égal alors nous pouvons difficilement projeter celle-ci entre pays inégalement développés.

Nous signalerons au passage qu'à l'aide d'une analyse en terme d'équilibre général « à la HOS » (présenté dans le premier chapitre) si l'on tient compte des modifications éventuelles dans les dotations factorielles de l'économie turque alors on tire certaines conclusions. En effet, s'il y a d'une part une diminution de main- d'oeuvre suite au flux migratoire permis par le passage au marché commun avec d'autre part un stock de capital constant, alors le prix des produits intensifs en main-d'oeuvre augmenteront relativement car le salaire de la main-d'oeuvre aura augmenté121(*). Or la Turquie est compétitive sur des secteurs comme le textile-habillement intensif en main-d'oeuvre. Ainsi, la perte de compétitivité prix qui résulterait de la fuite de main-d'oeuvre réduirait de manière considérable le nombre de secteurs compétitifs. Mais ce sont les spécialisations souvent qualifiées de « non-avantageuses » qui disparaîtraient alors.

Et comme une conclusion inverse peut être établie en considérant un afflux de capitaux (IDE) consécutif au passage supérieur d'intégration ou un afflux de capitaux provenant des fonds structurels européens, la Turquie pourrait alors devenir compétitive dans des secteurs à haute technologie. C'est ce que nous allons voir dans le point suivant.

3.2 Mouvements de capitaux

Nous venons de souligner le fait qu'un afflux de capitaux (IDE) consécutif au passage supérieur d'intégration ou une aide substantielle de l'UE permettrait à la Turquie de devenir compétitive dans des secteurs de haute technologie ou du moins de se spécialiser dans des domaines plus intensifs en Recherche et Développement (RD)122(*).

Une augmentation du stock de capital renforcerait ainsi substantiellement la compétitivité prix de l'économie turque. Selon certaines études123(*) une augmentation de 10% du stock de capital, toutes choses égales par ailleurs, permettrait de doubler le nombre de secteurs compétitifs par rapport à l'UE.

Ainsi l'un des enseignements que l'on retire d'une analyse en terme d'équilibre général est la nécessité des capitaux (investissements ou aides communautaires) pour augmenter, si ce n'est maintenir, le nombre de secteurs viables face à la concurrence européenne et surtout permettre à l'économie turque, comme cela est le cas dans les PECO124(*), de se spécialiser dans des secteurs plus porteurs. Et ces investissements doivent être d'autant plus élevés qu'il faut résorber le surplus de main-d'oeuvre et faire face à un accroissement démographique galopant.

En effet, TURUNÇ G. ([2001], p.64) pour sa part en tentant de dresser le bilan des coûts et bénéfices de l'Union douanière Euro-Turque, nous rappelle que le bilan statique est négatif et que :

« Seule une politique compensatoire efficace et des entrées importantes de capitaux seront en mesure de rendre le bilan positif. »

Pour notre part nous ne sommes pas aussi affirmatifs.

3.2.1 Augmentation des IDE

Empiriquement, l'ajustement par les mouvement de capitaux est difficilement envisageable s'il reste au niveau actuel. En effet, comme nous l'avons déjà souligné, bien que la Turquie ait effectué d'énormes avancées durant la décennie 1980 en ce qui concerne l'ouverture financière125(*) pour attirer des capitaux, l'afflux de ces derniers est resté faible comparativement au potentiel d'IDE que l'appartenance au marché commun procure. Si l'on regarde les IDE à destination des pays du sud de l'UE (Espagne, Portugal et Grèce), ils représentent environ 1,5% de leur PIB, alors qu'à la même période, ils avoisinent, malgré leur croissance, à peine les 0,3% pour la Turquie. L'effet « revigorant » de l'Union douanière ne s'est donc pas produit dans la mesure des espoirs en ce qui concerne la Turquie. Et ceci s'explique pour certains par le non-ancrage de la livre turque à l'euro126(*). Néanmoins celui-ci aurait été difficilement tenable.

Plus que les IDE, ce sont les investissements de portefeuille qui se sont développés avec l'ouverture financière et donc avec eux leur coté négatif : leur volatilité . Et c'est ce fait qui a affaiblit la maîtrise des agrégats monétaires et qui a contribué à l'instabilité macroéconomique qui s'est soldée par de multiple crises127(*).

Mais comme nous l'avons démontré, le prolongement de l'intégration au sein de l'UE augmenterait l'afflux d'IDE. En effet, la Turquie bénéficierait alors de l'effet de confiance et de l'effet de sécurité.

Ainsi il semble que l'approfondissement de l'intégration dépende paradoxalement du rythme de développement de l'économie turque (qui lui-même dépend en partie de son intégration). En effet le développement permettrait au moins une amélioration sur deux point cruciaux : il réduirait les pressions à l'émigration de la main-d'oeuvre turque que craignent les pays limitrophe de l'UE, et encouragerait les IDE européens attirés par un grand marché solvable et « sûr ».

3.2.2 Question des transferts budgétaires européens

Un autre moyen d'augmenter le stock de capital en Turquie peut se réaliser par le biais d'octrois d'aides communautaires.

Les fonds structurels sont, de surcroît, un moyen d'accélérer la convergence entre les différentes régions de l'Europe vers une moyenne communautaire et donc d'améliorer la cohésion. Les investissement réalisés par le biais des fonds structurels en dépenses d'infrastructures améliorent la croissance pour deux raisons : tout d'abord simplement car ils provoquent des externalités positives (amélioration du réseaux d'infrastructures physiques ou humaines) et ensuite, car ces investissements bénéficient de l'effet du multiplicateur keynésien.

Si la Turquie était membre à part entière de l'UE, d'une part elle contribuerait au budget communautaire mais d'autre part elle recevrait également une part de celui-ci sous forme de ces fonds structurels.

En général si l'on se pose la question de l'adhésion de la Turquie à l'UE, la question du niveau de la contribution et de la distribution des fonds structurels est importante. Les auteurs qui se sont penché sur ce point ont trouvé des résultats non identique mais proches.


· D'après une étude du Centre d'étude turques d'Essen, si la Turquie était membre de l'Union européenne, elle aurait versé au budget européen (pour l'année 1996 dans l'étude en question) une contribution de 1,3 milliards d'écus mais en aurait reçu 11,7 milliards128(*) (soit une contribution d'environ 1,5% et une récupération d'environ 10%). Néanmoins cette étude rappelle qu'en matière d'aide financière, il existe un grand décalage entre la réalité et les attentes.


· AKAGüL Deniz [1999] a estimé pour 1998 que la Turquie contribuerait à hauteur de 3% au budget communautaire (3,8 Milliard d'écus) et recevrait 10% de celui-ci (12,1 milliards)129(*) .


· TURUNÇ Garip [2001], pour sa part procède différemment130(*) : Tout d'abord il considère que globalement les fonds structurels aujourd'hui versés à l'Espagne, la Grèce, l'Irlande et le Portugal répondent à un ensemble de finalités et de critères sont définis par le niveau de PIB par tête (car ce dernier constitue un résumé pertinent des critères d'attributions pratiqués par l'UE).Ensuite il estime que dans le cadre de l'intégration de la Turquie, les politiques communes seront appliquées dans les mêmes termes et avec les mêmes critères que ceux actuellement en vigueur pour ces quatre pays.

A partir de là pour estimer les fonds structurels qui seraient alors destinés à la Turquie, TURUNÇ Garip se réfère d'une part au rapport entre les fonds structurels reçus chaque année par ces quatre pays et leur PIB et d'autre part au montant moyen par habitant qu'ils ont reçu au titre de fonds structurels. On en retire alors les deux scénarios possibles :

- si le montant alloué à la Turquie est pratiquement équivalent aux montants reçus par les pays actuellement bénéficiaires ( 212 euros par habitants et par an) alors la Turquie bénéficierait du fonds de cohésion d'un montant de 13,4 milliards d'euro par an ;

- si les fonds structurels sont plafonnés à 2,3% du PNB (comme pour les autres pays bénéficiant du Fonds de cohésion) alors la Turquie bénéficierait de 9,3 milliards d'euro par an.

TURUNÇ Garip prévoit ensuite découlant de ces deux scénarios, un certain nombre de possibilités selon divers taux de croissance estimés pour la Turquie.

En résumé, quelque soit le scénario retenu la Turquie bénéficierait d'une aide substantielle lui permettant de couvrir une partie du coût des mutations structurelles.

Cela implique plusieurs remarques supplémentaires :

- tout d'abord, le montant net de transfert dont bénéficierait la Turquie si elle était membre à part entière de l'UE peut justifier une partie de l'immobilisme européen pour faire avancer l'adhésion turque. Néanmoins nous omettrons volontairement la question de savoir si une telle adhésion augmentant jusqu'à 20% les dépenses budgétaires de l'Union dans le scénario le plus généreux serait souhaité par les membres de l'Union européenne131(*), car la n'est pas notre angle de questionnement ;

- ensuite, si ces transferts étaient réellement effectués, cela changerait substantiellement la situation de l'économie turque. En effet les transferts représenteraient, si l'on se réfère aux estimations de Deniz AKAGüL, environ 5% du PNB turc soit un peu plus que le déficit courant de la Turquie par rapport à l'UE. Ainsi, les transferts de l'UE vers la Turquie permettraient non seulement de combler le déficit global courant mais aussi ils permettraient de rembourser la dette à long terme. Ainsi la Turquie effectuerait un « bond en avant » sans précédent. Nous pouvons alors conclure que du point de vue de la redistribution des fonds structurels, la Turquie a tout intérêt à continuer de frapper aux portes de l'Union.

Mais, quoi qu'il en soit, et même si l'on ne se pose pas la question de la « volonté » européenne, il semble que ce transfert soit utopiste dans le sens où il représenterait 0,12%du PNB de l'UE et que le plafond des contributions est fixé à 1,27% du même PNB depuis le sommet européen d'Edimbourg de 1992 et que la marge inutilisée du budget est de 0,15% prévu pour l'élargissement à l'est.

Ainsi, il semble peu probable que la Turquie bénéficie de ces transferts pour différents types de raisons :

- tout d'abord, la faiblesse croissante des transfert à l'intérieur de l'Union actuelle semble présager un relâchement encore plus marqué de la solidarité entre pays ;

- ensuite, la solidarité budgétaire est souvent fonction de la proximité culturelle qui ne semble par être de mise dans le cas de la Turquie ;

- et enfin, bien que la Turquie réponde qualitativement mieux que d'autres prétendants, elle est quantitativement trop lourde à supporter tant sur le plan de sa population qu'au niveau de son PNB.

On peut donc conclure sur ce point des fonds structurels que la Turquie ne doit pas mettre en balance des hypothétiques fonds dans son choix de continuer son processus d'adhésion car ces derniers sont loin d'être acquis.

De surcroît, les fonds structurels ne comportent pas que les avantages présentés au début de ce point mais peuvent provoquer certains inconvénients :

Ces inconvénients s'apparentent au Dutch Disease : effets pervers favorisant la concentration régionale, perturbation des équilibres macro-économiques par le biais de la balance des paiements, surestimation du taux de change (diminue la compétitivité et retarde l'ajustement structurel) et évidemment risques de corruption liés à l'ampleur des sommes.

Un autre point qui peut être considéré comme négatif est le principe dit de l'additionnalité : Les Etats qui bénéficient des fonds structurels dégagent des ressources publiques additionnelles. Ainsi plus les fonds structurels seront importants, plus il faudra dégager des ressources publiques à des fins de politiques régionales et donc augmenter les dépenses. Les pressions sur le budget de la Turquie seront considérables.

Aussi la question de savoir si la Turquie doit se diriger vers l'intégration complète à l'Union Européenne ne doit en aucun cas être motivé par l'attrait des redistributions des fonds structurels communautaires car d'une part ceux-ci ne sont pas garantis car trop substantiels dans le cas de la Turquie et d'autre part car leur effets peuvent être négatifs.

En conclusion de cette dernière section, on peut affirmer que si la Turquie continue son intégration au sein de l'UE (ce qui lui est recommandé suite aux enseignements tirés des sections précédentes), il va falloir qu'elle augmente son stock de capital car sa main-d'oeuvre ne pourra vraisemblablement pas migrer massivement. Or, nous avons montré que l'augmentation de l'investissement par l'augmentation du capital ne pourra pas être financée par la solidarité de l'Union européenne. Il faut donc que la Turquie réussisse à attirer des capitaux étrangers productifs. Par ailleurs nous avons montré qu'une intégration à l'UE dépassant le stade de l'Union douanière engendre un afflux d'IDE. Aussi, il semble qu'une certaine synergie entre intégration et afflux de capitaux puisse s'opérer. Mais il faut que la Turquie réussisse à assainir son économie pour que cette synergie puisse se produire. En effet, à l'heure actuelle avec les crises financières redondantes et une inflation difficilement "bridable", les investisseurs étrangers sont réticents en ce qui concerne la Turquie.

La Turquie doit donc tenter de figurer sur la « Short-List » des pays les plus attractifs de MICHALET que nous avons déjà mentionnée.

D'ailleurs la Turquie possède déjà pour attirer les IDE de bonnes conditions (grand marché en croissance, main-d'oeuvre peu onéreuse et présence d'un tissu industriel local relativement performant). Elle n'a par conséquent encore besoin, pour être « attractive », que d'une stabilité de son régime politique, d'une stabilité économique, et d'un certain « climat » autours des investissements (règles, traditions...). Or, les critères d'adhésion de Copenhague lui imposent de réaliser ces points pour passer au stade d'intégration supérieur.

Cependant, MICHALET [1999] suggère qu'en plus de cela, les pays qui souhaitent attirer des IDE prouvent leur crédibilité et améliorent leur visibilité auprès de la communauté des investisseurs globaux. Aussi, pour chaque Etat-Nation, il est nécessaire de mettre en place des politiques de promotion des investissements étrangers par le biais d'une Agence Pour Investissement (API). Cette promotion comprend d'une part, la construction de l'image à véhiculer pour attirer les investisseurs qui est complexe à mettre en place et surtout coûteuse, et d'autre part des services aux investisseurs leur permettant de minimiser leurs coûts de transactions.

Il est donc possible et important pour la Turquie de créer sa propre attractivité.

Conclusion

Nous avons, tout au long de ce travail, montré que la Turquie avait un intérêt économique à adhérer à l'UE mais à condition, d'une part, qu'elle dépasse le stade de l'Union douanière (pour bénéficier d'effets dynamiques croissants), d'autre part, qu'elle bénéficie d'un accroissement de son stock de capital et enfin qu'elle dispose d'un système de redistribution afin d'éviter que tous les gains aillent aux mêmes individus.

Nous noterons néanmoins deux limites à cette conclusion, somme toute très théorique.

Premièrement, nous mettons en exergue le fait que notre recommandation de redistribution sociale semble illusoire. En effet, on sait que l'intégration de la Turquie à l'Union européenne suppose une convergence « réelle », c'est-à-dire la modification de sa structure vers un modèle européen. A cet effet, elle doit respecter trois points importants : mettre aux normes son économie, augmenter le niveau de vie de sa population et conduire une politique économique qui s'inscrit dans la philosophie de l'UE à savoir avoir des déficits limités pour assurer une certaine stabilité de la zone. Or, il semble que ces trois objectifs soient difficilement compatibles. Le triangle « réformes-croissance-orthodoxie » se révèle porteur de redoutables contradictions (MENIER N. [2001]). En effet, la mise aux normes des différents secteurs économiques sera, par exemple, coûteuse en termes sociaux. Comme nous l'avons montré lors du premier chapitre, l'ouverture nécessite une redistribution pour indemniser les « perdants ». Pourtant les dépenses de l'Etat, qu'il s'agisse de subventions ou d'aides sociales, conduisent à un accroissement du déficit. De surcroît, la nécessité d'attirer les IDE bloque également un certain nombre de réformes allant dans un sens socialement égalitaire. La course à l'attractivité est souvent antinomique d'Etat providence.

La vente d'entreprises d'Etat ou l'utilisation de la « planche à billets » a certes pu limiter la fracture sociale dans un premier temps mais la restructuration de l'économie se poursuivant, l'Etat ne dispose plus de moyen d'indemnisation des « perdants ». Aussi, il est judicieux de se poser la question de savoir si, en Turquie, il n'y aura pas quelques générations sacrifiées. Ces derniers se désintéresseront alors du processus d'intégration qui pourtant à long terme leur serait bénéfique.

Deuxièmement, la question des gains de l'intégration à l'Union Européenne ne recouvre pas celle de la convergence132(*) des économies intégrées. Les gains, même positifs et mutuels, peuvent accentuer la divergence s'ils sont principalement captés par les pays les plus développés (ou la réduire dans le cas contraire). Or, cette analyse a essentiellement démontré que l'intégration de la Turquie à l'UE lui apporterait, en se poursuivant, des effets positifs. Nous n'avons par ailleurs pas comparé l'intensité de ces gains par rapport à ceux engendrés pour les autres pays de l'Union. En conséquence, nous ne pouvons pas savoir si la Turquie entamerait une réelle convergence ou si, au contraire, l'écart entre les pays s'accentuerait, cantonnant la Turquie au statut de pays le moins développé de l'UE.

Pour répondre à la question soulevée il faudrait donc entamer un travail sur les gains économiques que l'UE engrangerait en accueillant la Turquie en son sein et procéder à une comparaison afin d'observer si l'intégration mènerait à la convergence des économies comme se fut le cas pour l'Espagne.

Cette question de la convergence est importante dans le sens où, s'il n'y a pas convergence à long terme, l'Union avec la Turquie ne serai pas tenable. Alors, même si les recommandations que nous faisons dans ce travail sont fondées, elles n'en deviendraient que les garantes de la « moins pire » des options.

Définitions des sigles

ACMD

ACCORD DE COOPÉRATION MUTUELLE SUR LA DÉFENSE

ALENA

ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE NORD-AMÉRICAIN

CAEM

CONSEIL D'AIDE ÉCONOMIQUE ET MILITAIRE (OU COMECON)

CE

COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

CEE

COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE

EGC

EQUILIBRE GÉNÉRAL COMPARÉ

FMI

FOND MONÉTAIRE INTERNATIONAL

GATT

GENERAL AGREEMENT OF TARIFFS AND TRADE

IDE 

INVESTISSEMENTS DIRECTS À L'ÉTRANGER

OCDE

ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

(OECD EN ANGLAIS)

OCDR

ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

OCE

ORGANISATION DE COOPÉRATION ÉCONOMIQUE

OMC

ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE

PAC

POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

PECO

PAYS D'EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE

PHARE

POLOGNE HONGRIE AIDE À LA RECONCTRUCTION ÉCONOMIQUE

PNAA

PROGRAMME NATIONALEDE L'ADOPTION DE L'ACQUIS COMMUNAUTAIRE

PKK

PARTIYA KARKERÊN KURDISTAN ( PARTI DES TRAVAILLEURS DU KURDISTAN)

TÛSIAD

TüRK SANAYICILER VE ISADAMLARI DERNEGI

(association des hommes d'affaires et industriels turcs)

UE

UNION EUROPÉENNE

UEM

UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE

ZCEMN

ZONE DE COOPÉRATION ÉCONOMIQUE DE LA MER NOIRE

ZLE

ZONE DE LIBRE ÉCHANGE

Table des matières

Sommaire ... III

Introduction 1

« Une relation tumultueuse » ( bref historique) 2

Adhérer « complètement » à l'union européenne ? 11

Choix et Intérêt du sujet 16

Construction. 19

CHAPITRE 1 - Optimalité théorique de l'ouverture commerciale et répartition des gains 23

SECTION 1 Les vertus du libre-échange théorique 25

1.1 Les effets de l'ouverture commerciale sur les structures productives 25

1.2 Modèle à facteur spécifique de Samuelson et Jones 27

1.3 Le théorème Heckscher-Ohlin-Samuelson (HOS) 30

· Le modèle Heckscher-Ohlin 30

· Les effets de l'ouverture commerciale sur la répartition des revenus 32

SECTION 2 Déterminants du choix entre « protection et ouverture commerciale » 37

2.1 Problématique de l'économie politique du protectionnisme 38

2.2 L'explication factorielle 39

2.2.1 Le modèle de Rogowski 40

2.2.2 Approche factorielle comparative de BRAWLEY 45

2.3 D'autres pistes d'explications. 46

2.3.1 L'explication sectorielle 46

2.3.2 L'explication institutionnelle 50

SECTION 3 Synthèse et application à la Turquie. 52

3.1 Démarche et hypothèses 52

3.2 Tableau de synthèse des Explications de la protection appliquées à la Turquie 56

3.3 Enseignements 57

CHAPITRE 2 Optimalité de l'Union douanière réalisée entre la Turquie et l'Union européenne et perspectives de dépassement. 61

SECTION 1 Analyse statique 65

1.1 Le modèle de J. VINER 65

1.2 Application à la Turquie 68

1.2.1 Situation de libre-échange intégrale (sans tarif douanier) 69

1.2.2 Situation avec la mise en place d'un tarif douanier. 70

1.2.3 Situation d'une Union douanière avec tarif pour le reste du monde. 71

1.2.4 Enseignements 73

SECTION 2 Analyse des effets dynamiques 76

2.1 Présentation 78

· Rendement d'échelle croissant 80

· Concurrence renforcée 80

· Mouvement de facteur capital entre pays (Attraction des IDE) 81

2.2 Effets dynamiques pour l'Union douanière UE-Turquie 83

2.2.1 Des effets difficilement quantifiables (i, ii, iii et iv) 85

2.2.2 Accroissement des IDE 87

2.2.3 Accroissement de la crédibilité et de la sécurité 92

2.2.4 Influences des effets dynamiques dans une perspective d'intégration plus poussée. 95

SECTION 3 Conditions nécessaires à la réussite d'une intégration dépassant l'Union douanière 98

3.1 Mouvements migratoires de main-d'oeuvre 99

3.2 Mouvements de capitaux 102

3.2.1 Augmentation des IDE 103

3.2.2 Question des transferts budgétaires européens 104

Conclusion 110

Définitions des sigles 112

Table des matières 113

Annexes 115

Bibliographie 137

· Ouvrages 138

· Articles 139

· Autres périodiques et divers : 142

Annexes

Sommaire des annexes

· Annexe 1 : Carte de la Turquie et des pays environnants 117

· Annexe 2 : Chronologie des principaux évènements 118

· Annexe 3 : Listes des accords d'associations et forums de coopération économique auxquels la Turquie participe : 119

· Annexe 4 : Population et PIB de certains pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne (1997) 120

· Annexe 5 : Phases de l'Association CE-Turquie 121

· Annexe 6 : Structure par produits des exportations turques 122

· Annexe 7 : Taux de couverture (exportations/Importations) 123

· Annexe 8 : Ventilation Géographique des échanges 124

· Annexe 9 : Aide à l'Agriculture (en Turquie et dans l'UE) 126

· Annexe 10 : répartition du PIB turc par secteur 127

· Annexe 11 :Commerce extérieur et balance des paiements 128

· Annexe 12 : mouvement de capitaux vers la Turquie en % du PNB (de 1965 à 1997) 129

· Annexe 13 : Chômage et inflation (1980 - 2000) 130

· Annexe 14 : Besoin de financement du secteur public 131

· Annexe 15 : Effets escomptés du marché unique 132

· Annexe 16 : La Notion de zone monétaire optimale 134

· Annexe 1 : Carte de la Turquie et des pays environnants

Source : Dictionnaire Hachette multimédia Encyclopédique 99 v.4 (1998).

· Annexe 2 : Chronologie des principaux évènements
 
 

1924

Abolition du califat par Mustapha Kemal ATATüRK

1945

La Turquie devient membre de l'ONU.

1948

Bénéficie du Plan Marshall et

Crée avec 16 autres pays l'Organisation Européenne de Coopération Economique (OECE) qui deviendra pas la suite l'OCDE.

1949

Adhésion au Conseil de l'Europe.

1951

Ratification des accords du GATT

1952

Adhésion à l'Alliance Atlantique.

1963

(12 septembre)

Signature de l'accord d'association avec la communauté dit traité d'Ankara.

(entrée en vigueur le 1er décembre 1964)

1987

Demande d'adhésion à la Communauté européenne.

1995

Signature de l'accord d'Union douanière.

1999

(10 Décembre)

Annonce de la candidature officielle à l'Union européenne à Helsinki.

 
 
 
 
 
 
· Annexe 3 : Listes des accords d'associations et forums de coopération économique133(*) auxquels la Turquie participe :

( Cette liste est non-exhaustive. Elle ne fait mention que des accords et forums mentionnés dans le présent travail)

Zone de Coopération économique de la mer Noire (ZCEMN): issue de sa propre initiative.

Crée en février 1992, officialisée le 25 juin 1992 à Istanbul par onze chefs d'Etats : turc, azérie, arménien, russe, ukrainien, roumain, bulgare, moldave, géorgien, grec et albanais.

But : « créer un marché et une interdépendance économique dans la région qui amèneraient une stabilité politique qui, à leur tour, serviraient à maintenir la Russie hors de la région. »134(*)

Les Etats membres en plus de la Turquie sont au premier janvier 1996 : L'Albanie, L'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Bulgarie, la Géorgie, la Grèce, la Moldavie, la Roumanie, la Russie, et l'Ukraine.

Association à l'Organisation de coopération économique (OCE) réactivée par Téhéran en 1991-1992, liant en outre le Pakistan, et s'ouvrant aux républiques centrasiatiques

Remplace dès 1985 l'OCDR. Ces objectifs en 1985 se cantonnent à un accord de préférences tarifaires et à la constitution d'une Banque d'investissement et de développement.

Organisation de Coopération et de Développement économique (OCDR) :

Fondée en 1964 par la Turquie, l'Iran et le Pakistan. Parmi les cinq objectifs de l'OCDR fondée parallèlement à l'organisation militaire Cebto (Central Treaty Organization) figuraient la libéralisation des échanges et la réalisation de projets d'infrastructures. Néanmoins les résultats n'ont pas été à la hauteur des ambitions. Remplacée en 1985 par l'OCE

Comité de coopération économique et commerciale : initié par la Turquie au sein de la conférence islamique, à laquelle elle avait adhéré en 1976. La Turquie préside ce Comité depuis 1981.

On notera ici qu'en ce qui concerne la coopération avec les républiques turcophone, la Turquie privilégie les relations bilatérales avec chacune d'entre elles « pour ne pas trop irriter la Russie dont elle craint la puissance militaire »135(*). C'est pourquoi ceux-ci ne figurent pas sur notre liste d'accords multipartites (plus de deux parties).

· Annexe 4 : Population et PIB de certains pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne (1997136(*))

Pays

Nombre d'habitants

(en millions)

PIB par habitant

(en euros)

PIB par habitant

(en % de la moyenne de l'UE)

Union européenne

375

19 800

(1)

(2)

100

100

Chypre

0,7

14 800

74,7

83

Slovénie

2

13 700

69,2

72

Pologne

38,7

7800

39,4

39

TURQUIE

(chiffre entre parenthèse correspond à l'année 2000)

63,4

(65,3)

6400

(6400)

32,3

29

Roumanie

22,7

5500

27,8

27

Bulgarie

8,4

4600

23,2

24

Source : Banque mondiale et OCDE in TURUNÇ Garip [2001]

et Banque mondiale, World developpement indicators 2001 in DE MONTBRIAL (sous la dir.) [2001] Ramsès 2002, IFRI, Dunod, Paris

et Eurostat in Commission européenne [2001] Rapport de la Commission européenne sur les progrès réalisés par chacun des candidats sur la voie de l'adhésion, Bruxelles.

(1) calcule de TURUNÇ Garip pour l'année 1997.

(2) calcule de la Commission européenne pour l'année 2000.

· Annexe 5 : Phases de l'Association CE-Turquie137(*)

Phases de l'association CE-Turquie prévues

Phases

Traités

Entrée en vigueur

Objectifs

Préparatoire

Accords d'Association Accords intermédiaire

01/12/1964

Renforcement des relations commerciales138(*)

Transitoire

Protocole additionnel

01/01/1973

Libre circulation des marchandises

Libre circulation des personnes139(*)

Libre circulation des capitaux

Rapprochement des politiques économiques

Définitive

 

01/01/1985

Union douanière (1995)

Coordination des politiques économiques

Adhésion éventuelle de la Turquie

Source : AKAGüL Deniz [1995] p.113.

Nous noterons au passage que ce calendrier des différentes phases d'association entre la Turquie et la communauté européenne n'a en général pas pu être suivi.

- Le 25 décembre 1976, la Turquie gelait ses engagements et obligations commerciales sous le couvert de la clause de sauvegarde140(*), pour les reprendre seulement le 1er janvier 1988.

- La communauté européenne utilisa quant à elle cette même clause de sauvegarde tout d'abord en limitant les exportations textiles turques (sous couvert que celles-ci mettaient en péril son industrie textile) puis surtout en décembre 1986 en suspendant la libre circulation des personnes.

- Enfin, le troisième Protocole financier de 600 millions d'Ecu (prévu pour la période 1980-1986) est demeuré suspendu.

· Annexe 6 : Structure par produits des exportations turques en 1990, 1995 et 2000.

 

Source : OCDE in FAURE F. [2002]

Selon l'Ambassade de Turquie aux Etats-Unis, les principaux produits d'exportations sont :

Services :

Construction - transport - communication.

Industrie manufacturière :

Textile et habillement - acier - chimie - verrerie et céramique - machine outil - électroniques - automobile - tapis - bijou or - machine électrique - énergie.

Agriculture :

Noisettes et fruits secs - poisson - productions végétales - agro-industrie.

Ressources naturelles :

Pétrole - métaux (fer et acier)

Source : www.turkishembassy.org : Major Export & Imports

· Annexe 7 : Taux de couverture (exportations/Importations)

Source : Institut National des statistiques, Secrétariat au Trésor, Banque centrale et Office nationale de la planification in AKAGüL Deniz [2000], « L'économie turque au tournant de l'an 2000 », Revue de l'institut International de Géopolitique, n°69 : « La Turquie », avril, puf..

· Annexe 8 : Ventilation Géographique des échanges de la Turquie en 1994 et 1997.

Ventilation géographique des échanges (1997)

Exportations en Mds de $

Importations en Mds

de $

 

1994

1997

1994

1997

Afrique

0,85

1,21

0,86

2,07

Moyen-Orient

2,09

2,32

2,53

3,00

Pays européens non membres de l'OCDE

0,27

4,15

0,55

4,38

Autres pays de l'OCDE

1,84

2,25

3,86

8,39

Pays européens membres de l'OCDE

8,63

12,72

10,91

25,49

Autres

4,39

2,05

4,53

2,77

TOTAL

18,1

24,70

23,27

46,10

Source :TURUNÇ [2001] et OCDE ( www.oecd.org)

(graphique de la ventilation géographique des échanges en pourcentage page suivante)

 
 
 
 
· Annexe 9 : Aide à l'Agriculture (en Turquie et dans l'UE)

Source : OCDE, Direction de l'alimentation, de l'agriculture et des pêches.

· Annexe 10 : répartition du PIB turc par secteur

 

PIB par habitant (2001 en USD) :

PIB par habitant (2000 PPA en USD) :

2160

6000

Source : DREE [Ambassade de France en Turquie - mission économique ( www.dree.org)] indicateurs économiques et Financiers -17/04/2002

et Commission des Communautés européennes [2001] Rapport régulier 2001 sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'adhésion, SEC (2001) 1756, Bruxelles, 13/11.

 

 
 
 

Source : ambassade de Turquie ( www.turkishembassy.org )

· Annexe 11 : Commerce extérieur et balance des paiements

Commerce extérieur et

balance des paiements

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Exportations (% PNB)

13%

14%

13%

14%

14%

24%

Importation (% PNB)

24%

25%

22%

22%

27%

27%

Solde commercial (% PNB)

-11%

-12%

-9%

-8%

-13%

4%

Bal. Courante (% PNB)

-1%

1%

1%

-1%

-5%

2%

· Annexe 12 : mouvement de capitaux vers la Turquie en % du PNB (de 1965 à 1997)

 
 
 
 
 
 

1965 - 1969

1970 - 1979

1980 - 1989

1990-1997

Envoie de fonds de travailleurs turcs à l'étranger

0,2

2

2,2

1,6

Investissements directs (sans bénéfices réinvestis)

0

1,2

0,2

0,5

Investissement de portefeuilles

0

0

0,7

0,9

Autres capitaux

0,3

1

0,4

0,2

sources : Institut National des statistiques, Main Economic Indicators et Banque Centrale de Turquie in

AKAGüL D. [1999]

· Annexe 13 : Chômage et inflation (1980 - 2000)

Source : Institut National des statistiques, Secrétariat au Trésor, Banque centrale et Office nationale de la planification in AKAGüL [2000], « L'économie turque au tournant de l'an 2000 », Revue de l'institut International de Géopolitique, n°69 : « La Turquie », avril, puf.

· Annexe 14 : Besoin de financement du secteur public (1980 -2000)

Source : Institut National des statistiques, Secrétariat au Trésor, Banque centrale

et Office nationale de la planification in AKAGüL [2000], « L'économie turque au

tournant de l'an 2000 », Revue de l'institut International de Géopolitique,

n°69 : « La Turquie », avril, puf.

· Annexe 15 : Effets escomptés du marché unique

( résumé de la littérature par BUIGUES P.-A. et MARTINEZ-MONGAY C.[1999] )

Cadre Théorique (1)

Effet

Impact sur les Etats membres

Approche traditionnelle

Création de commerce

Positif : La production domestique à coût élevé est remplacée par des importations intra UE à bas coût.

Détournement de trafic

Négatif : les importations extra-UE à bas coût provenant de pays tiers sont remplacées par des importations intra-UE à coût élevé.

Absence de détournement de trafic

Positif : Création de commerce.

Effet prix

Positif : amélioration des termes de l'échange.

Changement des barrières externes

Création externe de commerce

Positif : La production domestique à coût élevé est remplacée par des importations extra-UE à bas coût.

Détournement externe de trafic

Positif : Les importations intra-UE à coût élevé sont remplacées par des importations extra-UE à bas coût.

Suppression de trafic

Négatif : les importations à bas coût sont remplacées par des productions domestiques à coût élevé.

La nouvelle théorie du commerce international

Effet pro concurrentiel :

- gains d'efficacité

- Réduction des marges

- Exploitation des économies d'échelle

Positif : réduction des prix.

La diversité augmente

Positif : le bien être des consommateurs s'améliore.

Croissance endogène

Croissance et investissement accrus

IDE

Positif

(1) le cadre théorique :


· L'approche traditionnelle
est fondée sur la théorie classique de l'avantage comparatif avec marché parfaitement concurrentiel.


· L'approche fondée sur la nouvelle théorie du commerce international
introduit les effets proconcurrentiels du commerce en mesurant la concurrence et la contestabilité des marchés.


· L'approche fondée sur les apports de la théorie de la croissance endogène
se concentre sur les effets dynamiques du commerce sur la croissance économique et l'investissement.

Notons que dans notre exposé nous utilisons les termes effets statiques pour décrire les effets de l'approche traditionnelle et effets dynamiques pour les effets de l'approche fondée sur la nouvelle théorie du commerce internationale et de l'approche fondée sur les apports de la théorie de la croissance endogène.

· Annexe 16 : La Notion de zone monétaire optimale

( résumé DE POLLIN J.-P. [2000] )

La notion de zone monétaire optimale (ZMO) a été développée par MUNDELL dans les années 1960 dans le but de mettre en exergue les exigences et les conséquences de l'introduction d'une monnaie commune dans un espace économique donné. Selon lui, une Union monétaire n'est concevable qu'entre pays économiquement proches de façon à ce que tout choc asymétrique soit absorbable sans modifier les taux de change. Dans une zone monétaire optimale on absorbera les chocs par le biais de variation de prix et/ou de salaire, ou par des mouvements de capitaux et/ou de main-d'oeuvre.

Un espace économique constitue une zone monétaire optimale si l'on peut montrer qu'il se prête à l'utilisation d'une seule monnaie. Pour le montrer, il faut mettre en balance les avantages et les coûts :

- Les avantages sont intuitivement connus : plus une monnaie est utilisée et sur une zone vaste, plus elle est facilement convertible et acceptée/désirée par tous. De plus en utilisant une monnaie commune on élimine les aléas des taux de change.

- Les coûts sont en revanche plus difficiles à appréhender. Globalement on peut dire que l'introduction de la monnaie commune engendre une contrainte pour la régulation de l'économie car on renonce aux variations de parité entre devises en se pliant à la politique monétaire commune.

Quelles asymétries dans le comportement des économies européennes ?

Il existe des différences de performance entre les économies européennes (cf. Taux de croissance et taux d'inflation). À partir de ces différences on peut classer les pays en deux groupes à conjoncture sensiblement identique : les pays du coeur de l'Europe et les pays périphériques.

Néanmoins une synchronisation des conjonctures entre certains pays peut être uniquement le résultat d'alignement volontariste et difficilement tenable sur le pays leader. Les écarts de performances, quant à eux, peuvent être le résultat d'un rattrapage économique. Aussi il faut être prudent lorsque l'on observe les données économiques pour voir si des pays appartiennent à une zone monétaire optimale.

L'endogénéité des chocs asymétriques

Le plus souvent l'origine des asymétries entre économies se trouve au coeur même de celles-ci. En effet de part le fait qu'en s'intégrant les économies se spécialisent, elles ressentent alors différemment les chocs selon cette spécialisation. P. Krugman a même montré que la mise en place d'une union douanière allait accroître la polarisation des activités et donc l'hétérogénéité de l'espace économique européen. Ainsi l'instauration d'une monnaie unique renforce la spécialisation économique des régions et donc leurs différentes sensibilités aux chocs.

Mais d'un autre côté, l'Union monétaire inclue également la fixation irréversible des parités entre les devises des pays membres. Et la flexibilité des changes qui disparaît enlève l'avantage d'amortir les chocs asymétriques qui poussaient chaque industrie à se regrouper dans un même espace. Donc la suppression des taux de change aura tendance à rendre moins avantageux ces regroupements, assurant ainsi une répartition plus équilibrée sur l'ensemble de la zone diminuant ainsi l'asymétrie des chocs.

En résumé, il est difficile de savoir lesquels de ces divers effets auront le plus d'importance.

Asymétrie des chocs ou des comportements ?

Toutefois, ce qui importe pour nous c'est plutôt la façon dont réagissent les économies à des chocs qui les touchent collectivement. En effet réagir différemment à un même choc peut rendre coûteuse l'appartenance à une politique monétaire commune et donc à la renonciation des ajustements de parité.

Par exemple, on sait qu'il est plus difficile d'être price maker (imposer ses prix) sur des produits standards que sur des produits spécifiques. Et souvent ces produits standards ont des prix fixés en dollar. Aussi une dépréciation du dollar aura plus d'incidence sur certaines régions européennes (en particulier celles du Sud) spécialisées dans la production de biens exposés à la concurrence que sur des régions spécialisées en service haut de gamme. Il y aura donc un même choc (dépréciation du dollar) qui engendrera des effets dissemblables.

Quels substituts aux ajustements de change ?

On a vu que les hétérogénéités entre pays européens les soumettent à des chocs asymétriques. Mais ceci ne suffit pas pour affirmer que l'Union européenne n'est pas une zone monétaire optimale car la gestion de ces asymétries ne passent pas uniquement par l'utilisation de l'outil monétaire. Il existe d'autres variables ou politiques d'ajustement qui permettent de compenser la perte de la politique monétaire ou plutôt son partage.

Nous allons donc maintenant voir ces différents autres mécanismes et essayer d'en évaluer leur efficacité dans le cas européen.

1 - Les Ajustements de prix et de salaires.

Si les prix et les salaires étaient totalement flexibles, le problème des asymétries n'aurait aucune importance car les variations des prix et salaires tiendraient le rôle d'ajustement qu'avaient les variations de taux de change : les variations des prix entre pays remplaceraient les ajustements par le taux de change.

Mais cette situation est fort éloignée de la réalité dans laquelle l'imperfection des ajustements nominaux (issus des viscosités institutionnelles mais aussi de l'information incomplète) fonde l'efficacité de la régulation monétaire.

Ainsi les observations réalisées en Europe sur la formation des salaires montrent que ceux-ci sont peu flexibles. Ils ne sont pas ou très peu sensibles aux taux de chômage régionaux et répercutent peu sur eux les gains de productivité. Ainsi il semble qu'en Europe les ajustements de salaires (mais aussi des prix) ne constituent pas un mécanisme efficace pour la résorption des chocs asymétriques.

Il reste néanmoins que ceci ne montre pas que la politique monétaire nationale aurait résolu ces problèmes plus efficacement. En effet si les salaires sont indexés aux prix à la consommation, une dévaluation engendrera une augmentation des prix d'importation et donc une hausse des salaires. Donc plus le pays sera ouvert (et donc fort importateur) plus la dévaluation sera inefficace.

De plus les politiques de dévaluations engendrent une perte de crédibilité qui semble-t-il est plus coûteuse que le gain retiré de la dévaluation.

2 - Les Mouvements de facteurs de production.

Pour Mundell c'est la mobilité des facteurs de production et particulièrement la mobilité du travail qui constitue le critère majeur de la définition d'une zone monétaire optimale.

Face à un choc asymétrique et si les prix sont fixes, une migration de main-d'oeuvre rééquilibre les marchés du travail. Un raisonnement semblable peut s'appliquer aux capitaux.

On notera néanmoins que cet ajustement ne semble valable que dans le cas de chocs de long ou moyen terme car la mobilité demande du temps. Mais dans ces termes l'affirmation s'est vérifiée notamment entre régions américaines dans les années 70.

En ce qui concerne l'Europe, elle est différente. En effet toutes les études montrent que la main-d'oeuvre y est largement moins mobile et que l'effacement des frontières n'y a presque rien changé et ceci certainement à cause de barrières culturelles (mode de vie, langues, diplômes...).

Ainsi si l'on juge une zone monétaire optimale à la mobilité de ses facteurs (travail et capital) l'Europe n'en est certainement pas une et tout laisse à penser que les progrès dans ce sens seront très lents.

Néanmoins si l'on se tient à ces critères chaque économie européenne prise indépendamment n'est pas une Zone monétaire optimale pour sa propre monnaie. Mais nationalement, il existe un mode de gestion des asymétries qui consiste à effectuer des transferts entre régions.

3 - Les transferts interrégionaux.

Si les effets des asymétries ne sont que de court terme un bon moyen d'action est le transfert de ressources par le bais d'emprunt ou de redistribution entre régions.

On notera d'une part qu'il semble qu'en Europe l'intégration des marchés financiers soit avancée. Toutefois cet argument est limité car les banques n'aiment pas prêter aux régions en déclin.

Et d'autre part la capacité de redistribution du budget communautaire est très limitée

En Conclusion

L'Europe n'est pas une zone monétaire optimale. Néanmoins il est difficile d'évaluer précisément quelles en sont les conséquences.

On sait juste que les économies des pays partenaires sont trop différentes pour qu'on puisse les soumettre sans coûts à une politique monétaire commune et ni la flexibilité des prix, ni la mobilité des facteurs ne semble suffisant pour les résorber.

En fait, seule la mise en place de politiques budgétaires coordonnées ou d'un fédéralisme budgétaire est capable de répondre au problème posé.

Bibliographie

· Ouvrages 138

· Articles 139

· Autres périodiques et divers : 142

· Ouvrages

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PEYTRAL P.-O. [2002], L'économie Politique du Protectionnisme: la mixité des politiques commerciales, à paraître.

SIROËN J.-M. [1996], L'intégration entre pays inégalement développés dans la régionalisation de l'économie mondiale. Une analyse comparative, Etude pour le Commissariat Général du plan, novembre. (Document disponible au 20/07/2002 sur le site : www.dauphine.fr/ceresa/websiroen/plan1.pdf )

* 1 Ces derniers sont néanmoins et pour l'instant donnés favoris dans les sondages avec 20% des intentions de vote (Le Monde, 17 août ) On apprendra que, finalement, Kemal Dervis fondera fin août un autre parti mais qu'il restera résolument pro-européen.

* 2 voir annexe 13 : chômage et inflation et annexe 14 : besoin de financement du secteur public.

* 3 CCE [1994], renforcement de la politique méditerranéenne de l'Union européenne : établissement d'un partenariat euro-méditerranéen, COM (94) 427 final, Bruxelles, 19/10/94.

* 4 Par la suite nous emploierons indifféremment Union européenne à la place de CEE pour faciliter l'exposé. Il convient de rappeler que lors du traité de Maastricht de 1992 la CEE a perdu sa qualification purement économique et est devenue la Communauté Européenne, gardant la CEE à l'intérieur du  « paquet » regroupant d'autres domaines qui ne nous concernent pas pour notre exposé essentiellement économique. Aussi, nous ne ferons la distinction et préciserons plus exactement que lorsque cela s'avérera nécessaire pour notre développement.

* 5 Nous faisons ici notamment référence au sous-titre du recueil résumant le colloque « La Turquie et l'Europe » du 6 et 7 novembre 1997 qui est « une coopération tumultueuse ». (INSEL A. (sous la dir.) [1999])

* 6 On retrouvera en annexe 2 une chronologie des principaux évènements pour faciliter la vision globale du lecteur par la suite.

* 7 Mustafa Kemal ATATüRK (1881 - 1938) est considéré comme le fondateur de la République de Turquie. Le 19 mai 1919, quatre jours après l'invasion de Smyrne par les Grecs, ATATüRK débuta un mouvement nationaliste populaire de résistance qui sortira vainqueur de la guerre d'indépendance en 1922. Après une série de victoires tant militaires que politiques, il abolit le sultanat  le premier novembre 1922 et fonde la République Turque. L'Assemblée nationale ratifie le texte à l'unanimité et proclame la naissance de la République le 29 octobre 1923. Atatürk en sera le premier président, pendant 15 années.  Fondateur du Parti républicain du peuple, Atatürk a décidé de faire sortir son pays des vieilles ornières ottomanes pour se tourner vers l'Occident, vers le progrès. De ses victoires politiques, on peut noter: l'abolition de la polygamie et l'instauration du mariage civil obligatoire en 1925 ; la séparation de l'Islam et de l'État en 1928; le droit de vote qu'il accorde aux femmes dès 1934 (10 ans avant la France), l'instauration de la graphie latine à la place de l'alphabet arabo-persan... Atatürk signifie le Père des Turcs. C'est le patronyme proclamé par le Parlement pour avoir instauré officiellement en 1935 le nom de famille pour les Turcs. Il reste le symbole de la République turque, son buste, son portrait se trouvent partout dans les maisons, écoles, lieux de travail. Des monuments publics sont dressés sur toutes les places à son effigie.

* 8 ELAL Serpil [2000].

* 9 OECE (Organisation Européenne de Coopération Economique) est depuis devenue l'OCDE (Organisation Coopération Développement Economique).

* 10 On note néanmoins que, suite à la mort de Staline en 1953, l'URSS avait renoncé à ses prétentions territoriales vis-à-vis de la Turquie et désirait alors renouer des liens privilégiés avec elle. Mais la Turquie ne répondra à cet appel qu'en 1964, lorsqu'elle est marginalisée pour son comportement dans l'affaire chypriote. C'est à ce moment que le processus de rapprochement avec l'Europe et l'Occident va se figer pendant une période. En effet, la Turquie prendra alors conscience des dangers que lui faisaient courir sa dépendance excessive envers les Etats-Unis et comprendra avec la détente des années 60 qu'elle ne peut plus rester un pion dans la stratégie des grandes puissances et qu'elle doit affirmer sa propre politique étrangère en se dirigeant alors vers l'Europe.

* 11 Pour plus de détail voir Annexe 5 : Phases de l'Association CE-Turquie

* 12 Certains auteurs constatent d'ailleurs que l'année 1989 est une année charnière qui couple le premier rejet officiel de la candidature turque et la chute du monde bipolaire. Aussi, ces auteurs se demandent si l'attrait de la Turquie n'est pas réduit du fait de la fin de sa position stratégique entre les deux camps. (voir notamment BILLON D. [1997]).

* 13 L'ouverture au monde pousse à hiérarchiser les Etats en fonction de potentiels et d'environnement redéfinis. Dominique DAVID établit alors une typologie à quatre niveaux : Au niveau élémentaire prolifèrent les Etats de fait dont l'espace est limité à celui de sa survie. Au niveau supérieur, niveau qui nous intéresse, on retrouve l'Etat provincial dont l'influence, comme nous l'avons rappelé, s'étend à sa province du monde : à des degré divers l'Afrique du Sud ou la Turquie sont des Etats de référence pour l'organisation politique de leur région. Aux niveaux supérieurs, il y a d'abord les Etats mi-globaux et ensuite l'Etat global. Les premiers ont une influence qui dépasse leur région pour une raison ou une autre (puissance, militaire, démographique, économique...), ils sont les éléments irrécusables de toute décision internationale. Le second est un statut aujourd'hui uniquement attribué aux Etats-Unis qui possède les éléments classiques de la puissance : économiques, diplomatiques, cultuels, technologiques, militaires et ils peuvent les projeter sur tous les théâtres stratégique de la planète. (DAVID D. [2001] La mondialisation et le militaire in De Montbrial (2001) RAMSES 2002, Dunod, Paris.)

La Turquie, du fait de sa puissance démographique et militaire, ainsi que du potentiel de son économie, aurait pu avoir le statut d'Etat mi-global. Nous lui avons pourtant attribué le deuxième échelon de cette typologie l'Etat provincial car le niveau supérieur incluait dans sa définition que l'état soit «un élément irrécusable de toute décision internationale » ce qui n'est pas exactement le cas. Néanmoins, à certaines périodes cette classification aurait été pertinente.

* 14 Voir notamment à ce sujet l'article de AKAGüL D. [1999] « La Turquie et l'économie européenne : vers l'intégration ou la coopération ? » in INSEL A. (sous la dir.) [1999] qui reproche à l'Union européenne d'offrir à la Turquie une position qui lui confère un certain nombre d'obligations désavantageuses sans lui fournir de contreparties.

* 15 Voir à ce sujet le mémoire de DEA de ANT Kiymet [2002] La conditionnalité politique et l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, CUREI, UPMF, Grenoble. Voir également TURUNÇ [2001] qui, pour sa part, en se questionnant :« Pourquoi hésite-t-on à entamer les négociations d'adhésion avec un pays qui a conclu un accord d'association avec l'Union depuis 1963 et achevé son union douanière avec elle ? » (TURUNÇ Garip [2001] p.103) répond que c'est essentiellement l'objection culturelle qui est retenue. Nous ne porterons pour notre part aucun jugement sur ce point car nous ne nous poserons pas ce type de questions et nous cantonnerons à la perspective turque.

* 16 Dès 1991, le président de la République, T. ÔZAL, témoignait de cette crainte de mise à l'écart par l'UE : « Au point ou nous en sommes, nous ne devons pas perdre de vue d'autres alternatives. La Turquie ne peut pas mettre toutes ces possibilités dans le même panier. Je ne dis pas cela pour défier la CE ou l'Europe. Ce n'est pas du tout cela. Mais nous devons prendre en considération toutes les alternatives. » - Allocution du 5 novembre 1991, Tûrkiye'nin stratjik ôncelikleri (les priorités stratégiques de la Turquie), Ankara, 5Ronéo pp.17-18. cité in AKAGüL Deniz [1995].

* 17 Voir à ce sujet AKAGüL Deniz [1998] qui traite des orientations du commerce extérieur turc suite aux évènements politiques internationaux.

* 18 La Commission a précisément fait part de son désaccord quant à la participation de la Grèce et de la Turquie à la zone de libre échange de la mer Noire car ces pays dépendent de la politique commerciale commune de l'UE et ne peuvent donc participer en leur nom propre à des accords de libre-échange préférentiel régionaux. - CCE Coopération régionale dans la région de la mer Noire : état de la situation, cadre pour une action de l'UE visant à favoriser son développement ultérieur, COM (1997) 597 final, Bruxelles, 14/11/97.

* 19 Lorsque nous employons le terme « complète» ou « à part entière » à propos de l'adhésion turque nous faisons référence à la typologie de Balassa et nous parlons donc du marché commun et de l'Union économique. Ce point est développé dans les paragraphes suivants.

* 20 Présentée dans BALASSA B. [1961] The Theory of Economic Integration, Georges Allen & Unwin Ltd., London.

* 21 A ces quatre niveaux d'intégration certains peuvent ajouter un premier palier d'intégration régionale encore moins avancé : le groupement de commerce préférentiel (concerne uniquement une réduction partielle des mesures protectionnistes sur les échanges commerciaux entre pays membres- voir C. AUBIN et P. NOREL [2000], p113.) que SIROËN J.-M. [2000] nomme pour sa part Association et forum de coopération économique. Mais ce niveau ne nous concerne pas dans la mesure où la Turquie l'a déjà dépassé.

* 22 Rappelons néanmoins que l'Union douanière qui est l'un des objectifs fixés par l'accord d'Ankara (1964) et par le protocole additionnel (1973) aurait du voir le jour, selon ce même Accord, en même temps ou après que la libre circulation des personnes et des capitaux soit réalisée. (voir Annexe 5 sur les Phases de l'Association CE-Turquie) Mais cela n'a pas été le cas. La Turquie semble suivre étape par étape la Typologie que l'on vient d'exposer.

* 23 En effet, concernant l'Union douanière, le rapport régulier 2001 sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'adhésion concluait qu'avec l'alignement sur le tarif douanier commun des « produits sensibles » le nouveau code des douanes turc était presque entièrement aligné sur l'acquis.

* 24 KINSKY Ferdinand [2001], « L'élargissement de l'Union européenne », l'Europe en formation, n°322, automne 2001, p. 9.

* 25 «  La coopération se limite à une alliance dont la durée de vie dépend des intérêts mutuels » AKAGüL D. [1999].

* 26 « (...) l'intégration économique dans sa phase finale débouche inévitablement sur l'union politique. » AKAGüL D. [1999].

* 27 L'intégration régionale peut être définie comme un processus qui « lie des pays géographiquement proches entre lesquels les relation économiques tendent à s'affranchir des frontières politiques pour favoriser la formation de marchés intégrés. » SIROËN J.-M. [2000],p.3.

* 28 La grande majorité des ouvrages traitant de la Turquie vis-à-vis de l'Union européenne sont des ouvrages de politologues. Ils ne voient en général comme bénéfice turque à l'adhésion essentiellement qu'un gain de démocratie (voir notamment S.ELEKAD) et n'accordent qu'une part réduite aux gains économiques. On notera néanmoins que certains politologues reconnaissent que la volonté turque d'adhésion à l'Union européenne est d'ordre économique dans la mesure où le développement économique réalisé permettrait, en engendrant un développement des infrastructures, en provoquant l'effacement du secteur public, de moderniser le pays et donc toutes sortes de gains non exclusivement économiques (Hamit BOZARSLAN [2001])

* 29 « Affectation des ressources d'une société parmi ses membres telle qu'il n'existe pas d'autre affectation qui lui soit préférée selon le critère de Pareto. Par conséquent, à un optimum de Pareto, il n'est pas possible d'améliorer la situation d'un individu -quel qu'il soit- sans détériorer la situation d'au moins un autre individu ». GUERRIEN B. [1997] Dictionnaire d'analyse économique, Dictionnaire repères, La Découverte, Paris.

* 30 Le modèle ricardien appuie en effet sur le fait que comme le travail est le seul facteur de production et qu'il est supposé mobile d'un secteur à l'autre, il n'est pas possible que des individus soient lésés par les échanges. Aucun individu ne voit sa situation se détériorer en raison de l'échange dans un tel modèle. De plus, on notera néanmoins qu'user d'un seul facteur de production a pour conséquence que le modèle ricardien n'a pas les moyens d'analyser la répartition des gains à l `échange entre les différents facteurs de production du pays.

* 31 Qui, malgré ses hypothèses de départ ( un seul facteur de production, plein emploi de celui-ci, rendements d'échelles constants dans la production des deux biens, marchés régis par la concurrence pure) peut être généralisé à plus de deux pays, deux biens sans pour autant mettre « en danger la prescription de la politique optimale de l'ouverture unilatérale des échanges, ni la nécessité de la spécialisation pour bénéficier des gains à l'échange » (MESSERLIN P. A. [1998])

* 32 SAMUELSON P. (1971) Olin Was Right, Swedish Journal of Economics, 73 et JONES R.W. (1971) A Three-Factor Model in Theory, Trade and History, in BHAGWATI J. et al. (1971) Eds, Trade, Balance of Payments and Growth, Amsterdam, North Holland.

* 33 On notera qu'on est ici en présence d'un gain supérieur potentiel pour tous. Que chacun puisse gagner plus à l'échange international ne signifie malheureusement pas que chacun le fasse en fait. Dans la réalité, l'existence de gagnants et de perdants suite au commerce international est une des raisons les plus importantes pour lesquelles ce commerce n'est pas libre. Ce point sera plus approfondi par la suite.

* 34 Selon Jean-Marc SIROËN  : « (...) la part de la population employée dans l'agriculture est un indicateur pertinent des écarts de développement » (SIROËN J.-M. 1996], p. 55). Or selon les donnée de l'OCDE la population agricole représente 47,4 % de la population active civile en Turquie alors qu'elle n'est que de 5,1 % en France par exemple. De surcroît si l'on pense que ces l'écart de PIB par habitant qui est l'indicateur d'écart de développement, en comparant les PIB/tête moyen, on constate qu'en Turquie celui-ci ne représentait par exemple que 8% en 1993 (avant l'Union douanière) de celui de l'UE. Aussi on peut affirmer, sans hésitation, qu'il y a un écart de développement notable entre la Turquie et les pays de l'UE.

* 35 L'emploi total est de 2,9 millions en 1997 (donnée Agenda 2000). Le taux de chômage oscille entre 6% et 10% entre 1980 et 2000 (OCDE - www.oecd.org et voir annexe 13 : taux de chômage). Ceci signifie que le chômage n'est pas que conjoncturel ou de friction. Nous estimons que cela montre qu'il y a un vivier de main d'oeuvre disponible et que donc par extension cela signifie que la Turquie en est abondamment doté.

* 36 Dans une logique de libre-échange les accords bilatéraux avec l'Union européenne favorisent les investissements dans les pays signataires au détriment des investissements dans les pays satellites (BALDWIN R. E. [1994]). Il semblerait-donc que la Turquie, à l'instar du Mexique vis-à-vis des Etats-Unis, soit appelée à accueillir des IDE productifs. Nous développerons ce point plus en détails dans le chapitre suivant.

* 37 Données Agenda 2000.

* 38 En 1994 le revenu par tête variait de 803$ pour les 5% les plus pauvres à 22344$ pour les 5% les plus riches de la population. La Turquie n'ayant ni les moyens, ni la volonté, ne se dote pas de mécanisme plus sérieux de redistribution, si bien que les inégalités vont en exacerbant les pressions dans le sens d'une accélération du rythmes de croissance à court terme car ce biais est la seule manière d'améliorer le niveau de vie des catégorie sociales les plus défavorisées (AKAGüL D. [2000]).

* 39 Voir le site officiel de TUSIAD où l'on peut trouver tous leurs documents officiels traduits en anglais : www.tusiad.org/english - dont notamment le TÜSIAD Quarterly Economic Survey.

* 40 Bien que cette situation s'applique au cas d'un pays développé elle est également valable dans le cas d'un PED à la différence près qu'elle deviendrait alors : un pays en développement peut être tout à la fois ricardien dans ses échanges avec les pays plus développé (parce que ce commerce est dominé par les différences dans les technologies de production employées) et Hecksher-ohlinien dans son commerce avec des pays identique.

* 41 Il existe un certain nombre d'hypothèses à admettre pour permettre d'aboutir aux conclusions du théorème HOS. Les principales hypothèses, qui ont néanmoins, pour certaines, été démontré « relaxable » depuis, sont : la concurrence parfaite sur les marchés des produits et des facteurs, la parfaite mobilité des facteurs de production ainsi que le plein emploi des facteurs à l'intérieur de chaque économie, plein emploi des facteurs et même conditions de production et de demande entre les économies. Nous mettrons ici en exergue que le modèle stipule la « FIXITE » des facteurs de productions entre pays. C'est cette « imperfection » qui est à l'origine du commerce internationale. Or lorsqu'un pays s'intègre régionalement et qu'il dépasse le stade de l'Union douanière (relativement à la typologie de BALASSA), les facteurs de production deviennent théoriquement mobile donc une hypothèse décisive du modèle disparaît.

* 42 En 1933, OHLIN prenait l'exemple de l'Australie pour illustrer cette théorie. En effet ce pays vendait de la laine et du blé et achetait des produits manufacturés car il était bien pourvu en terres fertiles mais manquait relativement de main d'oeuvre. Pour notre part si on appliquait cette théorie à la Turquie contemporaine, par le biais d'une simplification réductrice, on observerait alors que le pays vend ses produits textiles et ses biens industriels à l'étranger ( en 1996, 80% des exportations sont constituées de produits manufacturés dont la moitié dans le secteur traditionnel du textile et de l'habillement) car il est bien pourvu dans le facteur travail (non qualifié).

* 43 A l'instar de GUERRIEN B. [1997] qui écrit : « Comme il est difficile de ne pas avoir de théorie du tout - ou d'en proposer une autre, qui risque d'être tout autant infirmée par les faits -, la position communément admise est que les analyses ricardiennes et HOS ont leur part de vérité, mais qu'il faut les aménager, en modifiant certaines de leur hypothèses de base. »

* 44 LEAMER [1993] in SIROËN [1996], p. 39.

* 45 Comme nous l'avons déjà souligné en foot-note n°38 p. 29.

* 46 A titre d'exemple, on relève que le gouvernement turc a des dépenses de santé publique et d'éducation qui représentent environ 6% du PNB. Ces dépenses permettent de couvrir par le régime de sécurité sociale à peine plus de la moitié de la population active. (chiffres issus de l'Agenda 2000). De surcroît, sous la pression du FMI, auquel la Turquie est largement redevable, l'Etat providence déjà faible, tend encore à réduire son rôle.

* 47 Un groupe social désigne tout ensemble d'individus formant une unité sociale durable, caractérisée par des liens internes - directs ou indirects - plus ou moins intenses, une situation et/ou des activités communes, une conscience collective plus ou moins affirmée (sentiment d'appartenance, représentations propres) ; cette unité est reconnue comme telle par les autres. (C.-D. ECHAUDEMAISON [1993] Dictionnaire d'économie, Nathan.)

* 48 Pour notre raisonnement, nous cherchons à expliquer l'ouverture limitée de la Turquie au régionalisme mais notre démarche est identique à celle des théories qui expliquent au départ pourquoi « tout n'est pas du libre-échange ». Nous estimons pour notre part qu'elles expliquent par extension quelles sont les raisons qui poussent dans une direction - dans notre cas le régionalisme - qui est plus ouvert que l'autarcie et moins libre-échangiste que le libre-échange intégral et multilatéral.

* 49 Le nombre de facteurs retenus doit rester inférieur au nombre de secteurs pour que la validité du théorème Stolper-Samuelson persiste. Quoi qu'il en soit, un trop grand nombre de facteurs dilue l'analyse et empêche d'en tirer des conclusions claires. Aussi il semble qu'un modèle à trois facteurs se révèle efficace et suffisant.

* 50 Il est improbable ou alors « transitoire » qu'un pays soit dépourvu ou soit abondant dans les trois facteurs en même temps (LEAMER E. [1984], Sources of International Comparative Advantage, Cambridge, The MIT Press.in PEYTRAL P.-O.[2002]) Par ailleurs on estime qu'il est improbable qu'un pays soit simultanément doté abondamment de travail qualifié et non-qualifié.

* 51 Il est intéressant de procéder à cette analyse pour la suite car il apparaît clairement que la place de la Turquie est représenté par la case III alors que les pays de l'est candidats à l'UE (les PECO) correspondent plus à la case IV. Aussi, ces derniers ne sont donc pas confrontés aux mêmes types de conflits et cela nous met en garde contre les comparaisons trop rapides et simplistes. Par contre la situation du Mexique correspond à la même case, donc la comparaison Turquie/UE - Mexique/ALENA peut-être pertinente dans certains cas.

* 52 Comme notre analyse cherche à trouver les déterminant du choix du libre-échange vis-à-vis de l'UE, la dotation factorielle s'apprécie relativement aux autre pays de l'UE.

* 53 Voir AKAGüL D. [1995] Emigration de la main-d'oeuvre turque : approche économique, Turc d'Europe et d'ailleurs, Institut National des Langues et Civilisations Orientales, Paris.

* 54 A titre d'exemple on notera que durant l'année 1999, la Turquie a effectué à l'extérieur cinq opérations financières (en Albanie, Bulgarie, Roumanie et Italie) alors que sur la même période un des pays européen non réputé pour l'abondance de son capital, la Grèce, en effectuait 18. ( OPPENCHAIM S. [2000])

* 55 On notera pour appuyer le fait que la main d'oeuvre est surtout non-qualifiée qu'en 1995 la Turquie comptait encore parmi sa population environ 28% d'illettrés chez les femmes et 8% chez les hommes et que malgré les efforts accomplis, en août 1997, la durée de l'enseignement obligatoire n'est passé que de 5 à 8 ans.

* 56 BRAWLEY M. R. [1993], Liberal Leadership : Great Power and their Challengers in Peace and War, Ithaca, Cornell University Press in PEYTRAL [2002]

* 57 Par exemple la Turquie possède des droits de douanes très disparates entre produits : En 1997, la protection douanière des produits industriels turcs est de l'ordre de 14% en moyenne avec des pics tarifaires dans certains secteurs de l'ordre de 20% à 40%. (données issues de ELMAS H. B. [1997])

* 58 BRAWLEY [1993, p.14] cité dans PEYTRAL P.-O. [2002]

* 59 Un groupe de pression ou «groupe d'influence » ou encore « lobby » désigne « un regroupement de personnes physiques ou morales autour d'un intérêt spécifique commun et qui s'organisent pour orienter les décisions des pouvoirs publics dans le sens favorable à celui-ci . » (C.-D. ECHAUDEMAISON [1993] Dictionnaire d'économie, Nathan.)

* 60 OLSON M [1965], The Logic of Collective Action, Cambridge, Harvard University Press. Dans cet ouvrage Mancur OLSON montre que l'activité politique en faveur d'un groupe est un bien public ; les avantages d'une telle activité retombent sur tous les membres du groupe de manière diffuse et non simplement sur l'individu qui exécute l'activité. Aussi pour les consommateurs individuellement l'activité politique peut avoir un coût plus élevé que les bénéfices par personne qu'ils en retireraient. Dans ce cas, il y a un problème d'action collective. Alors que c'est l'intérêt du groupe dans sa globalité de faire pression en faveur de politiques favorables, il n'est de l'intérêt de personne de le faire individuellement. OLSON montre alors que ce problème d'action collective peut-être plus facilement résolu lorsque le groupe est petit ou bien organisé.

* 61 Un exemple célèbre de ce contraste entre les positions pro et contre l'ouverture des consommateurs et des producteurs est celui de l'industrie du sucre aux Etats-Unis. Le gouvernement de ces derniers a limité les importations de sucre si bien que les consommateurs américains ont eu un prix du sucre deux fois supérieurs aux prix mondiaux. La plupart des estimations chiffrent le coût de cette limitation aux importations pour les consommateurs américains à plus de deux milliards de dollar l'an (soit 8$/habitant par an). Pourtant les gains de ce prix artificiellement haut représentent moins de la moitié des pertes. Le fait remarquable est que les consommateurs ne s'organisent pas pour défendre leurs intérêts car 8$ l'an n'en valent pas la peine et surtout que cette somme est dispersé dans tous les aliments sucrés achetés dans l'année alors que les producteurs de sucre gagnent des milliers de dollar suite aux quotas d'importations et les défendent alors par le biais d'associations et coopératives professionnelles. (KRUGMAN P., OBSTFELD M. [2001] Economie Internationale, 3ème édition, De Boeck, Bruxelles. pp.67-68)

* 62 Les articles qui traitent de ce sujet (Voir le Survey de BALDWIN [1996]. BALDWIN [1996], « The Political Economy of Trade Policy: Integrating the perspectives of Economists and Political Scientists» in FEENSTRA R.C., GROSSMAN G. M., IRWIN D. A. (ed.) The Political Economy of Trade Policy, Cambridge, The MIT Press, P. 147-173.) prennent comme variables soit, pour une part, les caractéristiques de l'industrie - comprenant alors les déterminants de l'immobilité des facteurs, les avantages comparatifs...- soit, pour une autre part, la variable est la propension et la capacité des groupes d'acteurs à imposer leurs choix.

* 63 Actuellement, cette position des consommateurs est pourtant controversée du fait des successifs ralentissements de l'intégration européenne et du passage au niveau supérieur de l'intégration des PECO avant la Turquie.

* 64 La réglementation dans le domaine des cosmétiques a pris une orientation contraire à celle de l'acquis ce qui permet de protéger le secteur par le biais de barrières non-tarifaires. En effet comme le remarque le Rapport régulier 2001 sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'adhésion (Commission des Communautés européennes [2001], p. 55) « La Turquie a développé une catégorie de produits (les « cosméceutiques ») qui n'est pas prévue dans l'acquis communautaire. » Aussi les travailleurs de ce secteurs ne sont pas pour une intégration plus poussée à l'UE qui les ferait entrer en concurrence avec d'autres firmes.

* 65 Voir KEBABDJIAN [1999, p. 65].

* 66 Ou dans notre cas ce qui explique que les policy makers offre une politique de libre-échange régionale plutôt qu'autarcique ou de libre-échange multilatéral.

* 67 Cela ne signifie pas pour autant que les économistes conseillent le libre échange uniquement dans les cas où il ne nuit pas aux plus pauvres. Ils restent en faveur d'une liberté plus ou moins grande des échanges car il existe au moins trois raisons principales pour lesquelles les économistes ne mettent pas en avant les effets des échanges en matière de distribution de revenu :

- Les effets de revenu ne sont pas spécifiques au libre-échange. Le progrès technique ou tout autre changement dans une économie nationale peut avoir les même conséquences.

- Il est toujours préférable de permettre au commerce international de compenser ceux qui y perdent plutôt que de l'interdire.

- Ceux qui sont en situation de perdre sont typiquement mieux organisés que ceux qui doivent retirer les gains. Ce déséquilibre crée une déviation dans le système politique qui doit être réajusté par les économistes en rappelant les gains du libre-échange.

Ainsi la plupart des économistes reconnaissent que le commerce international a des effets de distribution de revenu. Ils croient pourtant plus important d'insister sur les gains potentiels résultant de ce commerce que sur les pertes possibles pour certains groupes à l'intérieur du pays.

* 68 Voir notamment dans la revue de Semih VANER « Cahiers d'études sur la méditerranée orientale et monde turco-iranien ».

* 69 PEYTRAL P.-O. [2002]

* 70 la population occupée dans l'agriculture est passé de 48% de la population active civile à 45% de 1989 à 1999 (données : OCDE - www.oecd.org )

* 71 Voir répartition du nombre exploitations agricole selon leur superficie disponible sur le www.die.gov.tr/english .

* 72 On peut de surcroît supposer en quittant un instant le cadre de notre hypothèse restrictive principale (nous considérons uniquement l'ouverture commerciale à l'union européenne) que les pertes comme les gains dans le cas de la Turquie adhérant à l'Union Européenne seront très faible car l'essentiel du « choc » de l'ouverture s'est déjà produit durant tout le processus d'Union douanière. Aussi il semble que le groupe des travailleurs qualifiés n'a pas à avoir de position tranchée quant à l'aboutissement de l'adhésion turque à la l'Union Européenne car celui-ci n'influera pas sur son bien-être.

* 73 le capital (productif) est considéré, à l'instar des analyses à facteurs spécifiques de Samuelson et Jones (SAMUELSON P. [1971] JONES R.W. [1971].), comme immobile entre branches sur le court terme.

* 74 Les intérêts des détenteurs de capital productif sont fonctions, selon une étude de MILNER [1987] de leur positionnement vis-à-vis de l'extérieur. Elles effectuent leur choix en calculant les coûts/bénéfices qu'elles retireraient de l'ouverture selon leur degré de multinationalité avant ouverture. Dans le cas de la Turquie nous considérons que, au vu du nombre de firme multinationales turques, globalement ce groupe non-homogène est en faveur du protectionnisme.

* 75 On ne prend pas en compte la mobilité internationale du capital qui ne serait pas toujours vérifiée à court terme du fait des taux de change. On ne prend en compte que la mobilité intersectorielle nationale.

* 76 Par commodité nous considérons que le groupe des agriculteurs est propriétaire de ses terres. Si ce n'est pas le cas alors nous avons affaire à des travailleurs non-qualifiés.

* 77 On considère que relativement à la moyenne européenne, la Turquie peut-être considérée comme abondamment doté en facteur « terre » .

* 78 Pourtant il est vrai que le groupe des travailleurs non-qualifiés n'est pas le plus nombreux que le groupe des agriculteurs. Néanmoins, d'une part on peut considérer comme nous l'avons déjà mentionné qu'il y a, parmi le groupe des agriculteurs, une grande part d'hommes dont la situation est comparable en nos terme à celle des travailleurs non-qualifié, et d'autre part car l'exode rural est entamé ( en un quart de siècle la population urbaine est passé de 38% à 61% et cette tendance se poursuit - BEAU N. [1995]) et qu'on constate donc que peu à peu la population travaillant dans le secteur primaire tend à rejoindre le groupe des « travailleurs non-qualifiés ».

* 79 Voir Annexe 3 : Listes des accords d'associations et forums de coopération économique auxquels la Turquie participe.

* 80 Selon LAFAY Gérard [1987]

* 81 AKAGüL Deniz ([1995] p.119)

* 82 L'adjectif « libéral » associé aux accords d'intégration régionale ne semble pas approprié car, comme nous le verrons, la théorie de l'économie internationale ne considère pas que la régionalisation puisse atteindre l'optimum parétien. Par sa définition même l'accord régional est préférentiel, donc discriminant à l'encontre des pays non-membre. Ainsi on ne pourra qu'atteindre, au mieux, un optimum de second rang. Néanmoins nous utilisons cet adjectif dans le but de souligner l'orientation générale.

* 82 L'accord Cobden-Chevalier de 1860 est un accord de libre-échange entre la France et l'Angleterre. Dans un ouvrage généraliste comme l'encyclopédie hachette sur Cdrom, on note que cet accord fut « le couronnement de la croisade pour le libre-échange » de Richard Cobden (1804-1865).

* 83 Parmi les différentes formes d'intégration régionale, Viner a basé son analyse sur une étude des unions douanières (comme le firent plus tard la majorité des économistes). Aussi il semble que ces analyses conviennent parfaitement à une application au stade actuel d'intégration de la Turquie à l'U.E. et nous permettent donc plus simplement de tirer des « leçons » pour notre cas d'espèce.

* 84 VINER J. [1950] The custom unions Issu, New York : Carnegie Endowment for international Peace, p. 44. Traduction de P.J. LLOYD [1992], Régionalisation et commerce mondial, Revue économique de l'OCDE, N°18, printemps.

* 85 La modélisation utilisée est celle de TURUNÇ G. [2001] qui s'applique à la Turquie mais s'inspire d'un article de G.CHEIKBOSSIAN et M. MAUREL [1996] qui l'appliquée aux PECO. (CHEIKBOSSIAN G. et M. MAUREL [1996] « Le coût de la désintégration du CAM et les perspectives du commerce intra-Peco in LE CACHEUX J. [1996] Europe la nouvelle vague, Presse de la fondation nationale de sciences politiques, Paris.)

* 86 Voir annexe 8 sur la ventilation des échanges de la Turquie.

* 87 Voir annexe 8 et noter la différence de ventilation des échanges de la Turquie entre 1994 et 1997. On voit alors très nettement que la part des pays européens membre de l'OCDE passe e moins de 50% (graphique nord-est) à plus de 50% (graphique sud-est).

* 88 De plus, la progression légère des exportations turque vers l'UE est à relativiser car elle représente en fait une progression importante pour les pays de l'UE. En effet, si l'on considère le cas de la France en particulier vis-à-vis de la Turquie on remarque le fait que bien que les importations françaises en provenance de la Turquie ont cru à un rythme incomparablement moins élevé que ses exportations à même destinations sur la même période, cet accroissement des importations est trois fois plus important que l'accroissement moyen des importations françaises. En conséquence il semble que l'accroissement des importations a été élevé dans la mesure du possible pour des pays « avancés » à importations d'origine diversifiée.

* 89 CCE [1998] Sur l'évolution des relations avec la Turquie depuis l'entrée en vigueur de l'Union douanière, COM [1998] 147, Bruxelles, 04/03/98.

* 90 Selon AKAGüL, il existe également une partie de l'accroissement du déficit commerciale turc qui provient du décalage conjoncturel entre leur économie et celle de l'UE néanmoins cela n'a que peu d'importance pour notre démonstration.

* 91 MEADE J. [1955] The theorie of custom unions, Amsterdam, North Holland in P.J. LLOYD [1992], Régionalisation et commerce mondiale, Revue économique de l'OCDE, N°18, printemps.

* 92 Il est important de souligner que le bénéfice est pour le consommateur car cela nous renvoi à notre développement du premier chapitre.

* 93 BALDWIN et VENABLES [1995], « Regional Economic Integration », dans BUIGUES P.-A. et MARTINEZ-MONGAY C.[1999].

* 94 Nous employons le terme de nouvelle économie internationale comme dans les manuels par référence aux travaux de LANCASTER, KRUGMAN, HELPMAN, GROSSMAN, BALDWIN, VENABLES, MARKUSEN...

* 95 Certains auteurs critiquent le modèle de VINER en affirmant qu'il repose sur des hypothèses « méthodologiquement contestables ». Ils critiquent par-là les hypothèses de : Petit pays, équilibre partiel, statique comparative...

* 96 Pour FRANKEL et Alii par exemple, grâce aux progrès des techniques les coûts de transport ont tellement baissé que la distance n'est plus à prendre en compte. Ainsi, les zones de libre-échange dites « super-naturelles » (Terme utilisé par référence et en opposition aux zones « naturelles » de Paul KRUGMAN) n'ont pas de raisons d'être car elles n'augmentent pas le bien-être conformément au modèle Vinérien.

* 97 L'exemple emblématique de ce troisième effet est que dans le cas de l'ALENA, les investisseurs se sont intéressés d'autant plus au Mexique qu'ils ne craignaient plus de voir revenir les politiques mexicaines anciennes les spoliant.

Il peut en aller de même pour la Turquie. A. BÉNASSY-QUÉRÉ, L. FONTAGNÉ, A LAHRÈCHE-REVIL [2001] montre d'ailleurs dans un modèle étudiant l'influence d'un ancrage à l'euro ou au dollar de certains PSEM sur leur stock d'IDE entrant, que par le passé un ancrage de la livre turque à l'euro aurait nettement augmenté le flux d'IDE entrant car aurait rassuré les investisseurs quant à la « sécurité » de leur investissement. Ainsi, une adhésion complète de la Turquie stimulerait certainement l'afflux des IDE.

* 98 Les consommateurs disposent avec l'augmentation de l'offre consécutive à l'ouverture, en moyenne d'une variété plus proche de la variété qu'ils considèrent subjectivement « idéale » (LANCASTER[1979]) ou alors simplement le fait d'élargir la gamme de choix accroît la satisfaction du consommateur (DIXIT et STIGLITZ [1977]).

* 99 Voir à ce sujet la foot-note n° 124 p.101.

* 100 HARRIS R. et COX D. (HARRIS R. et COX D [1985], « Trade liberalization and industrial Organisation : some Estimates for Canada», Journal of Political Economy, 93 (1) fevrier. in Siroën [1996] ) estiment par exemple que la prise en compte des effets de concurrence et de rationalisation conduisent à quadrupler les gains estimés de la zone de libre-échange Etats-Unis - Canada (ALE), alors que d'autres études n'estimait qu'un doublement. Il existe donc effectivement de grandes différences d'estimation.

Il faut néanmoins rappeler que dans notre cas l'ordre de grandeur des effets à prendre en compte est moindre qu'un triplement car notre étude concerne un PED. Or comme nous l'avons souligné les effets dynamiques se manifestent moins dans notre cas qu'entre pays développés.

* 101 Ce point n'est pas à proprement parler un effet dynamique, néanmoins TURUNÇ l'intègre parmi eux. Aussi nous effectuerons le même découpage.

* 102 Le calcule porte sur des donnés de 1993 (l'ALENA est signé en août 1992 donc il a encore eut très peu d'effet) : à cette époque la Turquie a un PNB/habitant de 2970$ ce qui représente 8% de PNB/habitant du Luxembourg ( pays ayant le PNB/habitant le plus élevé de l'UE) qui s'élève à 37100$. Le Mexique a lui un PNB/habitant de 3730$ qui équivaut à 15,1% de celui des Etats-Unis (24780$). (Banque Mondiale, world data 1995 in SIROËN [1996], PNB/habitant calculé à partir de la méthode Atlas)

* 103 L'Accord de Libre-échange Nord-Américain (ALÉNA en français et NAFTA en anglais) qui est une zone de libre-échange liant États-Unis, Canada et Mexique signé en août 1992. Il prévoit l'établissement progressif sur quinze ans d'une zone de libre-échange en matière de marchandise, de service et d'investissements. Il n'est nullement question de politiques communes ou de tarif extérieur commun, ni surtout de liberté de circulation des personnes.

* 104 Commission européenne [2001] Rapport de la Commission européenne sur les progrès réalisés par chacun des candidats sur la voie de l'adhésion, Bruxelles.

* 105 La libéralisation du code d'investissement direct étranger au début 1980, la libéralisation financière interne (1984), la réouverture de la bourse d'Istanbul (1986), et l'ouverture financière extérieure avec la convertibilité de la livre turque (1989) ont nettement contribué à l'entrée de capitaux étrangers non générateur de dettes.

* 106 Et 13 parmi les 50 premières ( source :Ambassade de France en Turquie - mission économique [DREE] - www.dree.org )

* 107 BALDWIN R. E. [1994], Towards an Integration Europe, Center of Economic Policy Research - CEPR -, London.

* 108 Nous utilisons le terme de « short list » en référence à l'ouvrage de MICHALET [1999]. Pour figurer sur la « short-list » des pays les plus attractifs, un ensemble de conditions préalables et un ensemble de conditions nécessaires doivent être remplis. (MICHALET C.-A. [1999])

Les conditions préalables recouvrent le besoin de stabilité du régime politique, de stabilité économique, du « climat » autours des investissements (règles, traditions...).

Les conditions nécessaires pour leur part se divisent en quatre groupes concernant le marché (il doit être grand et en croissance), les infrastructures (les réseaux de communication et télécommunication doivent être efficaces et bon marché), la main d'oeuvre (elle doit être relativement qualifiée sans pour autant être trop onéreuse) et le tissus industriel local (il doit exister et être performant).

* 109 WINTERS [19996] in BUIGUES P.-A. et MARTINEZ-MONGAY C.[1999].

* 110 L'Union européenne n'a pas respecté ses engagements du traité d'Ankara aussi cela a entaché la crédibilité de l'UE face à la Turquie. Izzetin DOGAN de l'université de Galatasaray soulignait à ce sujet :« Quant à l'UE, elle n'a jamais réalisé ses engagements financiers et continue de se cacher derrière un petit Etat européen [la Grèce] pour ne pas les honorer. » (DOGAN I. [1999], «Les engagements de l'accord d'Ankara, 35 après » in INSEL A [1999]. 

Néanmoins la Turquie bénéficie depuis 2000 de l'aide « Pré-adhésion ».

* 111 De surcroît, les inégalités importantes qui caractérisent la répartition du revenus en Turquie alimente le dilemme « stabilité-croissance ». (AKAGüL D. [2000]).

* 112 Le stock de la dette représentait en 2000 moins de 60% du PNB. Ce ratio est à titre d'exemple dans la même ordre de grandeur pour les Etats-Unis et l'Allemagne. (source OCDE, Perspectives économique, juin 2001)

* 113 Sans ce manque à gagner l'économie turque aurait augmenté de 1,5 point son rythme de croissance passant ainsi de 5% par an à 6,5% ce qui aurait permis une croissance plus accrue du PIB par tête chaque année conduisant à une différence cumulée de 22% (AKAGüL D. [2000]).

* 114 BOURGUINAT H. [1992] l'émergence contemporaine des zones et blocs régionaux in MUCHELLI J.-L. et F. CELIMENE [1992] Mondialisation et régionalisation : un défi pour l'Europe, Economica.

* 115 Néanmoins plus sur la période étudiée de 1970-1995, COLECCHIA A. observe que compte tenu de la forte hétérogénéité entre les pays l'ampleur estimée (augmentation de 0,09 point de PIB pour 1% d'ouverture supplémentaire) est à envisager avec circonspection.

* 116 Selon ALLEN C.B. et al. [1996] Competitiveness Impact and The Quantification of Trade Diversion Due to The SMP, commission européenne in BUIGUES P.-A. et MARTINEZ-MONGAY C.[1999].

* 117 AKAGüL Deniz [1999] La Turquie et l'économie européenne : vers l'intégration ou la coopération ? in INSEL Ahmet (sous la dir.) (1999) La Turquie et l'Europe, une coopération tumultueuse, l'harmattan, Paris, p86-87. et voir également AKAGüL Deniz [1995] Emigration de la main-d'oeuvre turque : approche économique, Turc d'Europe et d'ailleurs, Institut National des Langues et Civilisations Orientales, Paris.

* 118 Il y a, à l'heure actuelle, près de 4 millions de ressortissants turques vivent dans l'Union européenne (dont 2,5 millions en Allemagne et 350 000 en France )

* 119 Le Monde, 13 décembre 1986 p.11 In AKAGüL Deniz [1995].

* 120 CE [1989] Avis de la commission sur la demande d'adhésion de la Turquie à la Communauté, SEC (89) final, Bruxelles, 18 décembre, p. 7 in AKAGüL Deniz [1995].

* 121 Et en effet Deniz AKAGüL [1995] corrobore nos affirmations en estimant (pour 1995) qu'  « (...) une diminution de 12% de l'emploi du facteur travail pour un niveau initial du stock de capital se traduit par une augmentation de 30% du prix relatif au travail. »

* 122 Bien que nous ayons éludé jusque-là la question de la spécialisation intra-branche fondée sur la différentiation des produits, il semble que celle-ci exerce des effets ambigus sur la répartition des gains à l'échange (SIROËN J.-M. [1996]). En effet, dans des analyses en terme de nouvelle économie internationale ( de type HELPMAN et KRUGMAN [1995]), il est fréquent de distinguer d'une part un secteur peu intensif en RD et en capital, qui produit à rendement d'échelle non croissant et, d'autre part, un secteur « moderne » spécialisé dans les produits nouveaux, différentiés et à haut niveau de développement technologique, bénéficiant de rendements d'échelle internes ou externes croissants. Les économies externes que génèrent ces secteurs introduisent un cercle cumulatif d'accroissant de productivité et donc des niveaux de vie qui favorisent l'accumulation du capital humain. Cet avantage est encore amplifié si les marchés d'exportations bénéficient de structures de marché imparfaites et permettent ainsi la captation d'une rente sur les marchés internationaux.

* 123 Okan AKTAN [1987] « The competitive structure of Turkish economy » in Gülten KAZGAn (ed.) [1987], Prospects for Turkey's Acession to the community, SIAR, Istanbul in Deniz AKAGüL [1995].

* 124 Françoise LEMOINE soulignait en effet dans un article de sociétal : « L'intégration des pays d'Europe centrale et orientale à l'économie de l'union est largement réalisée, à la fois par les échanges et par les investissements directs des entreprises ouest-européennes. Une répartition des spécialisations se dessine. Mais chez les candidats les plus avancés, les avantages comparatifs ne reposent plus seulement sur le niveau des salaires : l'offre évolue vers des secteurs à haute technologie, où l'écart de productivité avec l'ouest se réduit rapidement ». (LEMOINE F. [2001], p.63)

* 125 La libéralisation du code d'investissement direct étranger au début 1980, la libéralisation financière interne (1984), la réouverture de la bourse d'Istanbul (1986), et l'ouverture financière extérieure avec la convertibilité de la livre turque (1989) ont nettement contribué à l'entrée de capitaux étrangers non générateur de dettes.

* 126 A ce sujet voir Bénassy-Quéré A., Fontagné L., Lahrèche-Revil A. [2001] Change et investissements directs en Méditerranée, Revue d'économie du développement, n°4 décembre 2001. Les auteurs concluent à la fin de leur article qu'en ce qui concerne la Turquie et contrairement au cas d'autre pays (Israël par exemple), par le passé, un ancrage à la monnaie communautaire aurait augmenté les IDE sur leur territoire et aurait très fortement baissé leur volatilité sans pour autant entamer la compétitivité du pays.

* 127 Crises des changes de 1994 et Crises financière de 1999, novembre 2000 et février 2001.

* 128 D'après Cumhuriet Hafta, 20 février 1998 in VANER S. [2001].

* 129 Calcule à partir des chiffres de l'Office National de planification, impact de l'adhésion turque sur le budget de l'UE, Ankara, 1998, p.111. in AKAGüL Deniz [1999].

* 130 Il utilise une méthodologie analogue à celle que BESNAINOU [1995] avait utilisé pour évaluer les besoins des fonds structurels des PECO.

* 131 A titre de comparaison, on peut estimer le coût de l'entrée de la Turquie pour les pays « créditeurs » de l'Union comme équivalent à celui de la Grèce, l'Irlande, l'Espagne et le Portugal réunis !

* 132 « D'une manière générale, la convergence peut être définie comme étant la diminution des écarts de performances économiques relatifs à plusieurs pays. » ECHINARD Y. [1997].

* 133 Les associations et forums de coopération économique sont définis par SIROËN J.-M. [2000, p.13] comme « l'association de pays, fondée sur une logique régionale et, plus souvent, interrégionale. Elle vise à organiser une coopération entre Etats sur des questions économiques au sens large : coordination de politique macroéconomique, commerce, investissement, normes, politiques de la concurrence, environnement, etc. »

* 134 ORAN Baskin [1995] La politique turque dans les Balkans et le Caucase, in BILLON Didier (sous la dir.) [1995] Le rôle géostratégique de la Turquie, IRIS (Institut de Relation Internationales) Presse éditeur, Paris, p.34.

* 135 VANER Semih [1995] La Turquie et le « sommet turc » in BILLON Didier (sous la dir.) [1995], P49.

* 136 Les chiffres sont issus de l'ouvrage de Turunç Garip [2001] qui ne précise pas la date de son tableau néanmoins elle semble correspondre à 1997 d'après DE MONTBRIAL (sous la dir.) [1999] Ramses 2000, IFRI, Dunod, Paris

* 137 C'est l'Accord d'Ankara du 12 septembre 1963, JOCE n°182 du 12 décembre 1963 et la décision du Conseil du 23 décembre 1963 qui porte la conclusion de l'accord d'association entre la CEE et la Turquie, JOCE 29 décembre 1964. Ils ont été complétés et modifiés avec notamment :

- le règlement CEE n°2760/72 du Conseil du 19 décembre 1972, portant conclusion du protocole additionnel ainsi que du protocole financier annexé à l'accord d'Ankara signé à Bruxelles le 23 novembre 1970, JOCE 29 décembre 1972 n° L293/1 ;

- le règlement de la CEE n°305/74 du Conseil du 4 février 1974 portant modification de l'article 7 de l'annexe 6 du protocole additionnel, JOCE 7 février 1974 n° L34/7.

* 138 L'article 28 de l'accord stipule que « lorsque le fonctionnement de l'accord aurap permis d'envisager l'acceptation par la Turquie des obligations découlant du traité instituant la communauté, les Parties contractantes examineront la possibilité d'une adhésion de la Turquie à la communauté. » (Accord d'Ankara in TURUNÇ Garip [2001])

* 139 La libre circulation des travailleurs qui devait entrer en vigueur au plus tard en 1986, conformément aux articles 12 et 36 respectivement de l'accord d'Ankara et du protocole additionnel ne s'est jamais réalisée.

* 140 La clause de sauvegarde est une clause du Protocole additionnel de 1973 qui prévoit dans son article 60 que :  « si des perturbations sérieuses se produisent dans le secteur de l'activité économique ou compromettent sa stabilité financière extérieure, ou si des difficultés surgissent, se traduisant par l'altération de la situation économique d'une de ces régions, le pays considéré peut prendre les mesures de sauvegarde nécessaires ».






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