ILLINGER Benoît
DEA Economie et Politiques Internationales
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Intérêts et enjeux économiques de
l'intégration à l'Union européenne
d'un point de vue turc.
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Mémoire de DEA
Sous la direction de M. Améziane FERGUENE
(Maître de conférences en Sciences Economiques)
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Université Pierre Mendès France (Grenoble
II Sciences Sociales)
2001-2002
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Je remercie Améziane FERGUENE, pour sa confiance, le
temps qu'il m'a consacré et pour les conseils qu'il m'a prodigués
durant toute l'élaboration de ce travail.
Résumé
La première partie du travail répond aux
questions : La Turquie doit-elle s'ouvrir ? Dans
l'intérêt de qui ? Nous commençons par montrer que le
choix optimal d'un pays (la Turquie), selon les théories du commerce
international, est de pratiquer l'ouverture commerciale. Ce gain est encore
supérieur dans le cas de l'ouverture d'un pays économiquement en
retard à un pays avancé. Donc jusque-là,
théoriquement, la Turquie à intérêt à
s'ouvrir à l'UE.
Néanmoins, le gain de bien-être du pays est
à relativiser dans la mesure où il y a toujours des groupes qui
retirent des bénéfices de l'ouverture et d'autres qui en
pâtissent. Sans redistribution des gains (ce qui est le cas de la
Turquie), les groupes de « perdants » voient leur situation
se dégrader. L'amélioration du bien-être globale est donc
sujet à discussion. (section 2)
En gardant la même approche théorique de
l'économie politique du protectionnisme, nous cherchons par la
suite à qui, en Turquie, bénéficie économiquement
l'intégration à l'Union européenne. Nous constatons alors
que si la Turquie intègre l'UE, c'est l'intérêt des
travailleurs non-qualifiés qui semble s'imposer. (section 3)
La deuxième partie du travail tente de faire le bilan
de l'intégration déjà réalisée et de ses
perspectives si celle-ci se poursuivait. Nous dressons dans cette optique le
bilan de l'union douanière que la Turquie a réalisé avec
l'UE. En terme statique ( détournement - création de commerce) le
bilan est négatif. (section 1) En terme dynamique (prise en compte
d'hypothèse de la nouvelle économie internationale) cela
semble s'équilibrer. Le bilan reste donc globalement mitigé.
Cependant, comme les effets positifs dynamiques augmentent avec
l'intégration, il faut que la Turquie approfondisse celle-ci afin d'en
tirer les bénéfices. (section 2)
Nous finissons par montrer que la réussite de
l'intégration dépend de la capacité de la Turquie à
disposer d'un plus grand stock de capital qui sera obtenu par une recherche
accrue d'IDE. (section 3)
En conclusion, on retient de ce travail que la Turquie a
intérêt économiquement à adhérer à
l'UE à deux conditions : il faut d'une part que
l'intégration dépasse le stade de l'union douanière (pour
bénéficier d'effets dynamiques croissants) et, d'autre part, que
la Turquie bénéficie d'un accroissement de son stock de capital.
De surcroît, pour éviter que tous les gains aillent aux même
individus, la Turquie doit nécessairement disposer d'un système
de redistribution sociale efficace.
Sommaire
Introduction
1
CHAPITRE 1 -
Optimalité théorique de l'ouverture commerciale et
répartition des gains
23
SECTION 1 Les vertus du libre-échange
théorique
25
1.1 Les effets de l'ouverture commerciale sur
les structures productives
25
1.2 Modèle à facteur
spécifique de Samuelson et Jones
27
1.3 Le théorème
Heckscher-Ohlin-Samuelson (HOS)
30
SECTION 2 Déterminants du choix entre
« protection et ouverture commerciale »
37
2.1 Problématique de l'économie
politique du protectionnisme
38
2.2 L'explication factorielle
39
2.3 D'autres pistes d'explications.
46
SECTION 3 Synthèse et application
à la Turquie.
52
3.1 Démarche et hypothèses
52
3.2 Tableau de synthèse des
Explications de la protection appliquées à la Turquie
56
3.3 Enseignements
57
CHAPITRE 2
Optimalité de l'Union douanière réalisée
entre la Turquie et l'Union européenne et perspectives de
dépassement.
61
SECTION 1 Analyse statique
65
1.1 Le modèle de J. VINER
65
1.2 Application à la Turquie
68
SECTION 2 Analyse des effets dynamiques
76
2.1 Présentation
78
2.2 Effets dynamiques pour l'Union
douanière UE-Turquie
83
SECTION 3 Conditions nécessaires
à la réussite d'une intégration dépassant l'Union
douanière
98
3.1 Mouvements migratoires de
main-d'oeuvre
99
3.2 Mouvements de capitaux
102
Conclusion
110
Définitions des sigles
112
Table des matières
113
Annexes
115
Bibliographie
137
Introduction
Le 10 août de cette année, le
très populaire ministre de l'économie turque Kemal DERVIS, ancien
vice-président de la Banque mondiale, principal artisan du projet de
réformes destiné à mettre fin à la crise
économique turque, a démissionné de manière
inattendue du gouvernement de Bulent ECEVIT. Il va tenter de fonder un
pôle pro-occidental en vue des élections de novembre.
En effet, Kemal DERVIS a décidé de s'unir avec
l'ancien ministre des Affaires étrangères Ismaïl CEM,
pro-européen et fondateur du « parti de la
Nouvelle Turquie ». Les deux hommes annonçaient qu'ils
souhaitent désormais créer une alliance des forces
libérales pro-occidentales afin de barrer la route aux islamistes
modérés du parti AK1(*). Leur alliance serait résolument tournée
vers l'Union européenne.
Effectivement, malgré différentes
difficultés dont des crises récurrentes, la République de
Turquie peut prétendre à l'adhésion car elle peut
prétendre au rattrapage. Elle connaît un rythme de croissance
rapide avec un PIB élevé. Ces points positifs sont
néanmoins couplés à un fort déficit
budgétaire et une inflation élevée persistante2(*). Pourtant si ce pays qui
comptait plus de 66 millions d'habitants en 2002 réussissait à
sortir du cercle vicieux de l'endettement dangereux et réussissait son
rattrapage, il représenterait un marché attrayant. L'Union
européenne (UE) a donc vu la Turquie comme un pays
périphérique immédiat « au potentiel de
croissance élevé »3(*). En 1997, elle était devenue le
6ème client et le 12ème fournisseur de
l'UE. Sa part relative dans les échanges extra-communautaires a
doublé sur la période 1988-1998 et montre bien le dynamisme de la
Turquie en tant que partenaire commercial. C'est pour ces raisons qu'il semble
important de s'intéresser à l'hypothétique
intégration de la Turquie à l'UE.
À l'heure actuelle, la Turquie fait partie des pays
candidats à l'adhésion à l'UE. La volonté
d'adhérer n'est pas nouvelle et il y a un véritable engagement
pour un processus de rapprochement vers les standards européens
conformément aux préconisations tant économiques que
politiques de l'Union européenne (critères de Copenhague de
1993). De plus, si d'une part cet Etat doit consacrer ses efforts à
l'intégration de l'acquis communautaire (PNAA : programme national
de l'adoption de l'acquis communautaire), d'autre part, elle doit mobiliser une
partie importante de l'activité du Gouvernement et du Parlement (dit
« grande assemblée nationale turque ») afin de
palier aux problèmes économiques et financiers.
Pourtant, il semble que tous les membres de l'U.E ne soient
pas prêts à accueillir cette nation au sein de leur
« club » ou du moins pas à n'importe quelle
condition. Il est alors pertinent de se demander si la Turquie a
réellement un intérêt à cette adhésion.
Est-ce que, pour un pays ayant un niveau de développement moindre,
l'ouverture à un ensemble régional plus avancé est
optimale ou simplement le cantonne-t-il, à terme, à une
spécialisation peu avantageuse qui ne bénéficie
qu'à certains groupes dans la société?
Nous verrons dans un premier temps de cette introduction, pour
appréhender correctement notre travail, l'histoire qui unit la Turquie
et l'Europe afin de tisser la toile de fond. Nous chercherons ensuite à
définir, en précisant quelques notions, l'objectif de notre
exposé et pourquoi il nous intéresse. Nous terminerons en
annonçant la démarche que nous suivrons pour répondre
à notre problématique.
« Une relation
tumultueuse » ( bref historique)
Il semble que pour pouvoir appréhender notre sujet
correctement, il est préférable de connaître les relations
que la Turquie entretient et a entretenu avec la CEE puis l'Union
européenne4(*).
Aussi, nous allons tenter de résumer rapidement cette relation souvent
qualifiée de « tumultueuse5(*) » en mettant en exergue les
hésitations turque et européenne à unir leurs
destinés6(*).
Tout d'abord, la Turquie fut tiraillée pendant des
siècles entre les intérêts mais aussi les cultures
occidentales et orientales. Elle bénéficie alors des influences
des uns et des autres sans vraiment choisir de « camp ».
Au XIXème siècle les écarts entre les
deux continents croissent rapidement du fait de progrès techniques et
sociaux du côté occidental. Après une période
d'attente et du fait de quelques conflits, la Turquie va
irréversiblement pencher pour le modèle européen. Elle va
procéder à un certain nombre d'importations techniques militaires
puis elle nouera de réelles alliances politiques et militaires. Se
développeront alors de manière croissante les échanges
commerciaux et culturels avec l'Europe. La politique d'occidentalisation est
enclenchée mais pas de manière continue et rectiligne comme
l'histoire l'aura montrée.
Malgré cette orientation, l'Empire ottoman ne parvient
pas à s'adapter au monde occidental moderne et sa perte de vitesse par
rapport aux autres pays partenaires le conduit progressivement à son
démembrement. Après la défaite des Empires centraux, le
sultan MEHMET VI est contraint d'accepter le contrôle des Alliés
et de ratifier le traité de Sèvres du 10 août 1920 qui est
loin d'être favorable à son pays. Mustapha Kemal
ATATüRK7(*) s'oppose
à ce traité et renverse alors le sultanat et tente d'instaurer de
manière personnelle et autoritaire un Etat national turc.
La République sera fondée en 1923. Elle entame
un certain nombre de réformes en direction de l'occident (abandon de
l'alphabet arabo-persan pour la graphie latine, laïcisation...). En
proclamant « paix dans le pays, paix dans le
monde », ATATüRK pose de plus le principe fondamental de la
politique extérieure qui va être suivi par ses successeurs
jusqu'à aujourd'hui8(*). Même durant la seconde guerre mondiale, le
successeur d'ATATüRK, le général Ismet INÖNü use
habilement de la démocratie pour rester neutre. Dans ces conditions de
neutralité, il semble que la Turquie soit plus encline à
s'intéresser à son intégration à l'Europe car elle
ne cherche pas à s'affirmer seule.
De surcroît, c'est à cette époque que
l'URSS dénonce le traité de neutralité et d'amitié
entre les deux pays dans un double but : récupérer les
régions de Kars et de Ardahan et modifier le statut des détroits.
La Turquie intensifie alors sa politique
« d'occidentalisation » initiée dès les
dernières décennies de l'Empire ottoman et bascule
définitivement dans le camp occidental.
En 1948, la Turquie bénéficie de l'aide du plan
Marshall et adhère à l'OECE9(*). Elle devient membre du Conseil de l'Europe en 1950 et
de l'OTAN en 1952. Sa volonté européenne semble
irréversible. De plus, en 1959, la Turquie réaffirme
officiellement sa vocation européenne et formule sa première
demande pour devenir membre de l'UE.
Durant la guerre froide, la Turquie joue un rôle
géostratégique important car elle est le seul membre de l'OTAN
avec la Norvège à posséder une frontière commune
avec l'URSS.
C'est dans ce contexte que la Turquie opère avec
l'Europe et notamment avec l'Allemagne un rapprochement10(*). Et à la suite de
nombreuses négociations, en 1963 le traité de l'Accord
d'Association dit accord d'Ankara sera signé.
Cet accord prévoit deux grands objectifs : tout d'abord
l'instauration d'une Union douanière puis la préparation de
l'éventualité d'une adhésion à part entière
de la Turquie à la Communauté européenne. L'association
était conçue en trois étapes : une phase
préparatoire de cinq ans, une seconde phase de consolidation et de
transition vers l'Union douanière et une phase finale de rapprochement
et d'harmonisation des politiques économiques fiscales et de
concurrence11(*).
Le fonctionnement de ce régime d'association
était fondé sur la projection d'un échange où la
Turquie exporterait des produits agricoles et des produits textiles et
habillements et importerait des produits industriels. Elle comblerait alors son
déficit commercial vis-à-vis de la Communauté par un
excédent dans les mouvements de facteurs de production, notamment
grâce aux envois de fonds des travailleurs turcs émigrés et
une assistance financière croissante de la part de la Communauté.
Mais dans les faits les relations d'association n'ont pas exactement
évolué selon ces prévisions (TURUNÇ [1999]).
Par ailleurs, durant les années soixante, la Turquie a
« refroidi » ses relations diplomatiques avec les
Etats-Unis sous la pression de l'opinion publique et dans le but de recentrer
sa politique étrangère sur ses voisins :
réconciliation avec l'URSS et avec les pays du Moyen-Orient. Dans ces
circonstances, ces derniers deviennent les premiers partenaires commerciaux de
la Turquie et cela durera jusqu'en 1986.
Ce recentrage de la politique étrangère ainsi
que de l'économie turque éloigne le pays de l'Europe. Cet
éloignement s'accentuera d'autant plus dans les années
soixante-dix, sous les gouvernements de coalition dirigés par le
Cumhuriyet Halk Partisi (Le Parti Républicain du Peuple, parti
du centre gauche) et le Milli Selamet Partisi (le Parti du Salut
National, parti conservateur-religieux, ancêtre des islamistes actuels)
qui privilégient les relations avec leurs voisins directs pour traverser
la crise économique, politique et sociale qui ébranle le pays. De
plus, durant cette période, le ralentissement de l'activité
économique a conduit à l'adoption de politiques protectionnistes
contraires à l'esprit d'association. C'est la seule fois, dans la
période récente que le processus
d' « occidentalisation » et d'intégration
à l'Europe est interrompu.
La situation intérieure, politique et
économique, conduit tout droit au coup d'Etat de 1980 qui ne facilitera
pas les relations turco-communautaires qui resteront alors au plus bas jusqu'en
1987.
À cette date, un nouveau rapprochement est
matérialisé dans sa demande d'adhésion à la CEE.
Néanmoins, cette demande n'est pas acceptée comme telle par
l'Europe qui, consciente du poids d'un refus catégorique sur la Turquie,
ne s'empressera pas de donner une réponse. Cette fois, ce n'est pas la
Turquie qui freine le processus mais plutôt les pays européens qui
se sentent en position de force.
En effet, le 18 décembre 1989, la CEE rendra enfin un
avis sur l'adhésion de la Turquie12(*) énonçant l'inutilité d'entamer
les négociations d'adhésion mais affirmant la
nécessité de développer une coopération
bilatérale.
La décennie suivante verra encore apparaître un
changement du statut de la Turquie. Durant la guerre froide, elle constituait
le flanc sud de l'OTAN. Sa fonction principale était de jouer le
rôle de frontière du bloc occidental. Mais la fin du bloc
soviétique, qui, en modifiant la carte de l'Europe avec la
création de nouveaux Etats indépendants, et la mise en place d'un
nouvel ordre mondial avec de nouvelles mesures de sécurité, place
désormais la Turquie dans une situation de puissance régionale
incontournable. Si l'on empreinte la typologie de Dominique DAVID, la Turquie
devient alors un Etat provincial dont l'influence s'étend
à sa province du monde, c'est un Etat de
référence pour l'organisation de la région13(*). Avec notamment la guerre du
golfe, la guerre de l'ex-Yougoslavie et la dislocation de l'Union
soviétique, la position géostratégique de la Turquie, qui
fut oubliée un temps, reprend toute son importance au niveau
régional voire mondial.
Du fait de ce nouveau statut, les années 1990 voient
la dynamique de rapprochement entre l'Union européenne et la Turquie se
poursuivre et prendre forme. En juin 1992, à Lisbonne, le Conseil
européen propose d'établir un « partenariat
stratégique » par lequel l'UE reconnaît à la
Turquie le rôle de stabilisateur, de modérateur dans une
région caractérisée par une instabilité
préoccupante. C'est dans le cadre d'une politique
euro-méditéranéenne visant à la constitution d'une
zone de libre échange (ZLE) qu'est envisagée cette nouvelle
approche.
Pour appuyer encore cette nouvelle approche, l'Accord d'Union
douanière est signé en 1995 (deuxième phase de l'Accord
d'association de 1963). Le processus d'intégration européenne en
cours depuis 1963 s'approfondit donc par ce biais mais n'en présage pas
plus. La Turquie devient uniquement par cette signature le partenaire
économique le plus proche de l'Union européenne mais demeure
paradoxalement en marge de l'Union14(*). Ce nouveau régime comprend trois
volets :
- Le volet économique qui est
fondé sur la libre circulation des produits industriels sans droit de
douane, l'adoption d'un tarif douanier commun de la Communauté pour les
importations turques en provenance des pays tiers (avec des dérogations
particulières), la suppression du prélèvement du Fond pour
le logement appliqué aux produits industriels et l'harmonisation par la
Turquie de ses législations avec celles de la communauté.
- Le volet politique qui comprend des
mécanismes de coopérations prévoyant notamment des
rencontres entre le Premier ministre turc et le Conseil de l'UE.
- Le volet financier qui prévoit de
renforcer la coopération dans ce domaine et ceci notamment avec la
reprise de l'aide financière interrompue depuis le coup d'Etat de
1980.
Il faut néanmoins garder à l'esprit que cet
accord ne garantit pas à terme l'adhésion complète de la
Turquie à l'UE. D'ailleurs, lors du lancement du processus
d'élargissement de l'Union en décembre 1997, le Conseil
européen de Luxembourg n'a pas cité la Turquie parmi les pays
admis officiellement à engager des négociations sur leurs
conditions d'admission à cause du veto grec mais aussi à cause de
la mauvaise volonté de plusieurs autres pays de l'Europe du Nord.
À propos de la Turquie, le Conseil annonce que les
conditions politiques et économiques pour entamer les
négociations ne sont une fois de plus pas réunies. Cela
déçoit énormément l'opinion publique turque qui
était favorable à l'adhésion à l'UE.
Ces conditions non respectées sont celles
définies par l'Union européenne lors du Conseil européen
de Copenhague de 1993 et connues sous le nom de « Critères
de Copenhague ». Il s'agit de trois critères
préalables à l'adhésion:
i) De disposer d'institutions stables garantissant la
démocratie, la primauté de droit, les droits de l'homme, le
respect des minorités et leur protection ;
ii) D'être pourvu d'une économie de marché
viable capable d'affronter la pression concurrentielle à
l'intérieur de l'Union ;
iii) D'être capable d'assumer les obligations, et
notamment de souscrire aux objectifs de l'Union européenne,
c'est-à-dire de reprendre « l'acquis
communautaire ».
C'est dans l'expectative que la Turquie réponde
à ces critères que l'Union européenne a mis son
adhésion en attente. Néanmoins, il semble pour certains que ces
critères ne soient qu'un prétexte pour bloquer la Turquie non
désirée aux portes de l'Union européenne car ils n'ont
jamais constitué de réels obstacles à l'entrée des
autres candidats passés ou même des autres candidats
actuels15(*).
Néanmoins, le 11 décembre 1999, suite à
la levée du veto grec au sommet d'Helsinki, l'UE reconnaît
officiellement à la Turquie le statut de candidat à
l'adhésion. Le lendemain certains journaux turcs titraient :
« Nous sommes le premier candidat musulman à
l'Europe ! ».
Le Conseil européen d'Helsinki prévoit de plus
l'institution d'un partenariat sur la base des Conclusions des Conseils
européens précédents. Il prévoit deux volets de
critères-préparatifs à l'adhésion
(économique et politique) auxquelles la Turquie doit satisfaire.
La Turquie adopte alors son programme national pour
l'adoption de l'acquis communautaire (PNAA) en mars 2001 afin d'intensifier les
travaux visant à aligner la législation et les pratiques turques
sur celles de l'UE.
En conclusion, on peut dire que le processus
d'adhésion de la Turquie à l'UE est avancé mais incomplet.
Cependant, si son avancement confère pour l'instant des contraintes
à la Turquie, il ne lui permet pas pour autant de
bénéficier du droit de participer aux décisions.
« En résumé, la Turquie se trouve
actuellement dans la situation particulière d'être le premier pays
à avoir réalisé une Union douanière avec l'UE, sans
en devenir pour autant un membre à part entière, comme ce fut le
cas lors de précédents élargissements. »
(AKAGüL D. [1999])
En effet, la situation de la Turquie vis-à-vis de l'UE
limite sa marge de manoeuvre en terme de politique commerciale sans pour autant
lui accorder le droit de participer à l'élaboration de celle-ci.
De plus, avec l'Union douanière, la possibilité pour la Turquie
de négocier d'autres accords commerciaux préférentiels
s'est réduite.
Or, la Turquie avait la volonté de développer
une stratégie de diversification géographique de ses partenaires
commerciaux et notamment avec ses voisins de la mer Noire. Elle a même
été jusqu'à la prise d'initiatives dans l'instauration
d'une coopération économique régionale avec la Zone de
Coopération Economique de la mer Noire (ZCEMN). Cette stratégie
ne peut toutefois être considérée uniquement comme une
volonté de diversifier géographiquement ses partenaires pour se
prémunir contre une mise à l'écart par l'UE16(*). Elle est également mue
par des considérations structurelles. En effet, du fait que
l'économie turque occupe une position intermédiaire dans la
division internationale du travail, elle doit avoir, d'une part, des
partenaires moins avancés pour exporter des biens de consommation et,
d'autre part, des partenaires plus avancés en l'occurrence de
l'UE17(*) lui fournissant
ses importations de biens intermédiaires et de biens
d'équipement. Ainsi il semble que le développement de ses
échanges commerciaux avec ses pays voisins ne soit pas au
détriment de ses relations avec l'Union européenne bien au
contraire. Pourtant, la Turquie n'a pu élaborer de stratégie
commerciale avancée avec ses voisins de la mer Noire car l'UE le lui
interdisait18(*).
Aussi, pour certains il est nécessaire de continuer
l'intégration afin d'adhérer
« complètement »19(*) à l'Union et de bénéficier des
avantages qui en découlent. Mais qu'est-ce que cela inclue ?
Quels sont les intérêts économiques et quels sont
les enjeux de l'adhésion à l'Union européenne pour la
Turquie ?
Nous allons donc maintenant voir les étapes de
l'intégration pour pouvoir comprendre et répondre à ce
type d'interrogations.
Adhérer
« complètement » à l'Union
européenne ?
Ainsi, au vu de la « coopération
tumultueuse » qui lie la Turquie à l'Europe, il est
légitime de se poser la question de la justification de cette
volonté d'adhésion toujours plus poussée. Mais, avant
tout, il faut définir ce qu'est une intégration plus
poussée.
Pour éclairer ce point, nous allons utiliser la
Typologie de BALASSA.20(*)
Le recours à celle-ci s'applique dans notre cas d'espèce car nous
sommes bien dans le cas d'une adhésion à l'Union
européenne. En effet, les critiques adressées à l'encontre
de cette typologie ne sont en général valables que lorsque
celle-ci est appliquée à d'autres ensembles régionaux que
l'Europe car elle a été créée pour et en fonction
de l'Europe.
La typologie de B. BALASSA est basée sur une
distinction établie en fonction de deux critères : le
degré d'intégration économique et l'avancement du
transfert de souveraineté. Ainsi, BALASSA dresse une typologie
progressive des accords régionaux en quatre catégories :
L'accord de libre échange ou zone de
libre échange (ZLE). C'est un traité qui vise à abaisser
ou éliminer les barrières aux échanges entre pays
signataires. Cet accord ne suppose aucun abandon de souveraineté
nationale.
L'Union douanière. Selon la typologie
de Balassa, il s'agit ici d'un traité qui suppose une
l'intégration entre les États et un transfert de
souveraineté puisqu'il s'agit d'une ZLE assortie d'une politique
commerciale commune face aux pays tiers. Elle met en place un tarif
extérieur commun vis-à-vis des importations du reste du monde et
procède au partage des recettes douanières selon des
règles préétablies. Dans l'UE, ces recettes sont
transférées au budget communautaire.
Le marché commun ou communauté
économique (CE). Ce traité est une Union douanière mais ne
concerne plus seulement le marché des produits (biens et services). Il
englobe aussi le marché des facteurs (capital et travail). Ainsi, un tel
accord suppose une mise en commun des instruments de régulation sur
l'ensemble des marchés.
L'union économique. L'ambition de ce
traité est beaucoup plus large que la précédente. La
souveraineté de chaque État signataire en matière
économique est presque totalement abandonnée au profit d'une
entité supérieure. En effet en plus d'un marché commun,
l'accord suppose la communautarisation de la politique
macro-économique.21(*)
Comme nous l'avons exposé plus haut, l'Union
douanière entre la Turquie et l'UE a été
réalisée mais elle n'est sensé représenter qu'une
des étapes de l'intégration. Ce n'est pas sa phase finale.
L'étape suivante est le marché commun, qui nécessite en
plus de l'Union douanière la libre circulation des personnes et des
capitaux22(*). Notre
questionnement se situe précisément à ce niveau car en
continuant à s'intégrer, ce sont les effets de cette ultime
étape que la Turquie va ressentir ou plutôt, vu sous un autre
angle, ce sont les effets que la Turquie ne ressentira pas si elle ne poursuit
pas son intégration.
Avec la réalisation de l'Union douanière
l'essentiel de la libéralisation commerciale dans le domaine industriel
a été accompli23(*). À première vue, l'adhésion plus
poussée aura alors sans doute peu d'effets directs sur les
échanges commerciaux. L'objectif est donc maintenant autre.
Quelles sont alors les raisons qui poussent les pays à
adhérer à l'UE et donc atteindre un niveau
d'intégration dépassant le stade de l'Union douanière?
Lors des élargissements précédents, les pays
adhérents avaient deux motivations principales (KINSKY F.
[2001])24(*) :
- La Communauté européenne était devenue
leur premier partenaire commercial. La levée des obstacles à la
libre circulation des marchandises et des capitaux, ainsi que pour certaines
celles des personnes et des services, était dans leur
intérêt.
- Ils ont dû constater l'obligation qu'ils avaient
d'adopter un bon nombre de règles communautaires chez eux sans
même participer au processus décisionnel de Bruxelles. Dans ces
circonstances, il vaut mieux adhérer et participer activement à
la législation communautaire, quitte à bloquer les
décisions jugées contraires aux intérêts nationaux,
plutôt que de se laisser imposer des législations non
arrangeantes.
On constate que ces deux motivations existent
également pour la Turquie. En effet, d'une part, la Communauté
européenne est son premier partenaire commercial (elle
représentait 52% des exportations et 54 % des importations en 1997 -
voir Annexe 8 : Ventilation Géographique des échanges de la
Turquie). D'autre part, ainsi que le soulève D. AKAGüL[1999], la
Turquie, n'étant pas membre de l'Union européenne,
« subit » la législation communautaire à
l'élaboration de laquelle elle ne participe pas.
« (...) si la situation actuelle limite sa marge
de manoeuvre [de la Turquie] dans le cadre de la politique commerciale
commune, elle ne lui accorde pas pour autant le droit de participer à
l'élaboration de cette politique commerciale commune. »
(AKAGüL D. [1999], p. 84)
La Turquie est donc dans une position identique à celle
des pays qui ont décidé de s'intégrer de manière
complète à l'Union européenne. Or en continuant son
intégration, la Turquie va former le marché commun nommé
Marché unique en Europe. L'objectif principal du Marché unique
est :
« (...) de supprimer les obstacles
réglementaires à la concurrence pour permettre aux entreprises
d'opérer sur un marché élargi et d'exploiter les
économies d'échelle, sans accroître leur pouvoir
monopolistique. Ceci doit aboutir à des gains de productivité et
à une maîtrise des coûts et des prix. En outre une plus
grande différentiation des produits le PMU [Programme de
Marché Unique] apportera des gains complémentaires
liés à l'élargissement du choix pour le
consommateur. » (BUIGUES P.-A. et MARTINEZ-MONGAY C.[1999],
p.85)
Ce sont donc essentiellement ces effets qui nous
intéresseront par la suite.
L'étape suivante que la Turquie atteindrait en poussant
encore son intégration serait l'union économique. A cette fin, la
Turquie devra néanmoins abandonner une partie de sa souveraineté
en matière économique. Or, comme pour l'instant la Turquie a une
économie « éloignée » de la moyenne
européenne, cette régulation risquerait d'être difficile
dans un premier temps. En effet, cela introduirait des contraintes pour la
régulation de l'économie (qui ne répondrait pas de la
même manière aux chocs) car la Turquie renoncerait, par exemple,
aux variations de parité entre devises en se pliant à la
politique monétaire commune. Aussi, nous ne nous questionnerons pas sur
le passage à cette étape qui semble encore lointaine. Nous avons
néanmoins mis en annexe 16 un aparté sur la
notion de zone monétaire optimale (ZMO) qui a été
développée dans les années 60 par MUNDELL afin de mettre
en évidence les exigences et les conséquences de l'introduction
d'une monnaie commune dans un espace économique (si la Turquie
dépassait le stade de l'Union douanière, à terme, la
question de la monnaie unique se poserait et cette approche de ZMO serait
utile).
Selon cette approche, une Union monétaire n'est
concevable qu'entre pays économiquement proches de façon à
ce que tout choc asymétrique soit absorbable sans modifier les taux de
change. Dans une zone monétaire optimale on absorbera les chocs par le
biais de variations de prix et/ou de salaire, ou par des mouvements de capitaux
et/ou de main-d'oeuvre. En conséquence se pose donc au préalable
la question du marché commun.
En conclusion, nous traiterons essentiellement des
effets de l'Union douanière déjà
réalisée et de la pertinence de la dépasser pour
réaliser un marché commun.
Néanmoins, il nous arrivera de dépasser parfois
le strict cadre du questionnement du marché commun en s'interrogeant sur
l'intégration « complète » de la Turquie
à l'Union européenne. Ceci se justifiera par l'opposition entre,
d'une part, le choix de rester au stade de l'union douanière et donc
dans un processus de coopération25(*) de libre-échange qui n'a pas
pour but de s'approfondir (la Turquie reste un
« associé »); et, d'autre part, le choix de
continuer le processus d'intégration économique26(*) dans laquelle le
marché commun n'est qu'une étape (la Turquie devient un membre
à part entière avec des droits et des obligations ).
Par ailleurs, il faut garder à l'esprit que lorsque
nous parlons d'adhésion à l'Union européenne, nous prenons
en compte un certain nombre d'implications pour la Turquie que
nous avons conceptualisées, par la suite, en deux parties distinctes
pour faciliter notre analyse. Il y a donc :
- D'un côté une politique
commerciale régionale libre-échangiste (qui représente la
suppression réciproque des droits de douanes avec l'Europe ainsi que la
mise en place des tarifs extérieurs communs dans le cadre de l'Union
douanière, la libre-circulation des facteurs dans le cadre du
marché commun...) ainsi que les effets liés à cette
ouverture (économie d'échelle, attraction plus marquée des
IDE...) ;
- Et de l'autre côté, toutes les
réformes qu'exige l'adhésion en plus de la politique commerciale
ouverte ainsi que toutes les subventions et politiques spécifiques
à l'Union européenne (Fonds structurels, PAC...).
Dans notre raisonnement et surtout pour le premier chapitre,
nous ne prendrons essentiellement en compte que les premières
implications pour ne pas noyer l'analyse. Nous ferons néanmoins
succinctement référence aux secondes implications pour ne pas
s'éloigner trop de la réalité mais ils ne constitueront
jamais d'arguments décisifs. En effet, si l'on considère les
fonds structurels (fonds de cohésion, FEOGA...) il semble qu'ils ne
soient nullement garantis pour les nouvelles adhésions à l'Union
européenne et ne peuvent donc pas entrer en compte dans le choix
d'adhésion. (Nous y ferons pourtant allusion dans notre dernière
section mais justement dans le but de montrer que ces transferts ne peuvent
entrer en compte)
Choix et
Intérêt du sujet
Le sujet qui sera donc traité est la pertinence ou
plutôt l'optimalité économique de la volonté de
s'intégrer à l'Union européenne (en passant par la phase
d'Union douanière)
Le travail s'intitule
« Intérêts et enjeux économiques de
l'intégration à l'Union européenne d'un point de vue
turc » car en effet nous ne nous intéressons
qu'à la perspective turque. Nous faisons abstraction des
intérêts et enjeux européens ainsi que de la
cohérence globale de l'ensemble qui se forme. En quelque sorte nous ne
nous posons que la question qui semble préalable à tous
débats concernant cette adhésion : « la Turquie
a-t-elle intérêt à s'intégrer à
l'UE ? »
L'intérêt et le choix du sujet résident
dans plusieurs points.
La première raison qui m'a poussée à me
poser une telle problématique est plutôt personnelle. Dans mon
proche entourage, il existait un intérêt particulier
porté à l'adhésion de la Turquie à l'Union
européenne et notamment aux motivations des rejets de la candidature
turque à l'UE aboutissant à un mécontentement et un
énervement de cette relation ambiguë qui dure depuis près de
50 ans. Aussi pour moi, il semblait, préalablement à de tels
développements, nécessaire de vérifier le fondement de
cette volonté d'adhésion. Et en tant qu'économiste le
fondement serait recherché d'un point de vue économique.
Ensuite, et ce point rejoint en quelque sorte le
précédent, le cas de la Turquie vis-à-vis de l'Union
européenne est intéressant dans le sens où la Turquie,
pourtant « Etat fier » désirant s'affirmer
politiquement, est prête à demander et redemander une place au
sein de l'Union européenne. Elle est prête à accorder
beaucoup des concessions exigées par ses partenaires potentiels pour
atteindre son but. Aussi il semble intéressant en tant
qu'économiste de tenter de recenser ces bénéfices
économiques théoriques et les bénéfices
escomptés de l'ouverture à l'Union européenne, de tenter
de faire le bilan de l'intégration déjà
réalisée et dresser les perspectives attendues d'une
intégration plus avancée.
De plus, il y a une forte asymétrie entre la Turquie et
l'UE, tant au niveau du poids économique que politique. Cette
asymétrie se retrouve également dans l'implication dans le
commerce mondial. En effet, il ne faut pas perdre de vue que pour la Turquie
adhérer à l'Union européenne signifie entrer dans le
mouvement d'intégration régionale27(*) avec des partenaires économiquement plus
avancés à l'instar du Mexique qui s'ouvre
préférentiellement aux Etats-Unis et au Canada par le biais de
l'ALENA.
Or, en terme de stratégie commerciale, la Turquie
craint d'être marginalisée face à ce
phénomène de régionalisation qui marque l'évolution
du commerce international.
On peut alors se demander s'il est viable pour
l'économie turque, économie en développement, de former un
marché intégré avec l'Europe. Cette question est d'autant
plus pertinente au vu des expériences passées d'adhésion
à l'Union européenne. En effet, le cas espagnol d'une part, qui
depuis la sortie de la période franquiste, montre un exemple
réussi d'insertion au sein de la démocratie européenne et
des réseaux économiques internationaux et, d'autre part,
l'exemple moins probant de la Grèce, on peut légitimement se
demander si la Turquie réussira à développer son
économie dans une nouvelle donne européenne. Va-t-elle
réussir à préserver un tissu industriel
déprotégé de la concurrence européenne ?
Arrivera-t-elle à dynamiser de nouveaux créneaux exportateurs et
à s'insérer dans une division européenne du travail
profitable à tous les pays ? Arrivera-t-elle tout simplement
à en retirer un gain ?
L'objectif initial de ce travail était assez
précis. Il se fixait de montrer qu'un pays en développement en
général, et la Turquie en particulier, n'avait pas toujours
intérêt à adhérer à un groupement
régional de libre-échange formé par des pays plus
avancés sur le plan économique, surtout si les concessions qu'il
devait fournir étaient exagérées par rapport aux
concessions de l'autre partie. L'ouverture commerciale est-elle
bénéfique pour des pays inégalement
développés ?
Néanmoins, et comme il était prévisible
intuitivement aux vues des théories du commerce international classiques
et plus modernes, cet objectif s'est vite avéré illusoire. Aussi,
la conclusion tirée du cas précis de la Turquie vis-à-vis
de l'Union européenne est inverse à celle envisagée au
départ.
Certes, un certain nombre de « mises en
garde » et d'écueils à éviter sont mis en
exergue, il n'en reste pas moins que, autant d'un point de vue théorique
que d'un point de vue empirique pour la Turquie aux portes de l'UE,
l'adhésion plus poussée que celle existante est
recommandée à un pays pour stimuler son économie.
En effet, au fur et à mesure des recherches, la
conclusion du travail a évolué :
- au départ avec l'étude des théories
d'économie internationale sur le libre-échange, il semblait que
l'ouverture allait améliorer la situation globale du pays mais que les
gains seraient inégalement distribués donc pourraient
dégrader la situation de certains ;
- ensuite, à la vue du bilan statique de l'Union
douanière, il ne semblait pas pertinent pour la Turquie
d'intégrer l'Union européenne car cela engendrait plus de
détournements que de créations de commerce ;
- enfin, en étudiant la nouvelle économie
internationale et les effets dynamiques liés à
l'intégration qui se produisent, essentiellement en dépassant le
stade de l'Union douanière, la conclusion a évolué vers le
nécessaire prolongement de l'intégration (mais en soulignant que
celui-ci doit nécessairement s'accompagner d'un afflux de capitaux)
En conclusion, la thèse que nous défendons est
que la Turquie a intérêt à s'intégrer à
l'Union européenne si elle arrive à dépasser le stade de
l'Union douanière en attirant suffisamment de capitaux et si elle
indemnise les groupes « perdants » à l'ouverture.
Par ailleurs, ce travail semblait difficile pour plusieurs
raisons. Tout d'abord, au vu des auteurs principaux sur ce sujet, il semblait
évident que les raisons d'ordre non-économique occupaient une
place déterminante dans l'orientation régionaliste28(*). Aussi il serait difficile de
dissocier « l'économique » du
« non-économique ».
Ensuite, il semblait également difficile de faire
abstraction de la réalité pour simplifier la question.
C'est-à-dire de faire abstraction d'une part des comportements et des
préférences de l'Union européenne du fait que nous nous
placions d'une perspective turque et, d'autre part, faire abstraction de
l'avancement de l'intégration déjà réalisée
pour se demander si la Turquie avait intérêt à
réaliser l'Union douanière.
Nous avons tenté de dépasser ces
difficultés pour arriver à la construction suivante.
Construction.
Le travail est constitué de deux parties relativement
distinctes.
Le premier chapitre se pose la question de
l'optimalité de l'ouverture commerciale.
La première section présente la
théorie pure du commerce international qui démontre la
supériorité du libre-échange. Nous effectuons alors des
aller-retour entre ce que ces théories affirment et le cas de la
Turquie. Nous montrons alors que ce qu'il y a d'optimal pour un pays (la
Turquie), c'est de pratiquer l'ouverture commerciale et que cela est encore
plus vrai dans le cas de l'ouverture d'un pays économiquement en retard
à un pays avancé. Nous observons donc la
supériorité du libre-échange international par rapport
à l'autarcie et, en se posant comme cadre la Turquie et l'UE, nous
observons l'efficacité de l'ouverture de ce pays à cet ensemble
régional. Donc théoriquement, la Turquie à
intérêt à s'ouvrir à l'UE. (section 1)
Néanmoins, les gains de bien-être liés
à l'ouverture sont à relativiser pour le pays dans la mesure
où il y a toujours des groupes à qui bénéficie
cette ouverture et d'autres groupes qui en pâtissent. Cela signifie que
sans redistribution (ce qui est le cas de la Turquie) nous ne nous dirigeons
pas vers un équilibre parétien29(*) car la situation de certains se dégrade.
Ainsi, c'est l'intérêt de certains qui s'impose aux autres et par
conséquent l'amélioration du bien-être globale est sujet
à discussion. Aussi, nous exposerons dans la seconde section ce qui
détermine la volonté de fermeture ou d'ouverture pour un
pays et en l'occurrence la volonté d'ouverture à un ensemble
régional. Pour cela, nous exposerons les théories de
l'économie politique du protectionnisme (section 2).
Ensuite, la troisième section, gardant la même
approche théorique de l'économie politique du
protectionnisme, cherchera à savoir à qui, en Turquie,
bénéficie économiquement l'intégration à
l'Union européenne. Nous trouvons alors que si la Turquie
s'intègre à l'UE, c'est théoriquement
l'intérêt des travailleurs non-qualifiés qui semble
s'imposer. (section 3)
Le premier chapitre permettra donc de montrer que,
théoriquement, la Turquie a intérêt à s'ouvrir
à l'Union européenne et que cette ouverture permettra une
amélioration de la situation de classes laborieuses. Néanmoins,
il faut tout de même effectuer une certaine redistribution pour ne pas
léser les groupes « perdants » à
l'ouverture.
La deuxième partie du travail tentera de faire le bilan
de l'intégration déjà réalisée et des
perspectives si celle-ci se poursuivait.
Pour cela nous dresserons dans les deux premières
sections, le bilan de l'Union douanière qu'elle a réalisé
avec l'UE. Nous montrerons, à l'aide de la théorie classique des
arrangements régionaux qui ne prend en compte que les effets statiques
des accords de commerce régionaux sur le bien-être
général ( détournement - création de commerce), que
le bilan est négatif (Section 1). Nous montrerons ensuite, à
l'aide de la nouvelle économie internationale, qu'en terme dynamique
(prise en compte d'hypothèse de la nouvelle économie
internationale) le bilan devient moins clair. Néanmoins, nous verrons
que comme les effets positifs dynamiques augmentent avec l'intégration,
il faut continuer celle-ci pour que la Turquie ait entièrement raison de
s'intégrer à l'Union européenne. (Section 2) Aussi
semblera-t-il inconcevable de ne point continuer à frapper aux portes de
l'Union. L'ancien Empire ottoman a intérêt à poursuivre son
intégration vu qu'il a déjà payé la majorité
de son coût et qu'il n'en retirera plus que des effets positifs.
Néanmoins, cette réflexion nous emmènera
à exposer les mécanismes d'ajustements qui sont
nécessaires à la poursuite de l'intégration. Nous finirons
alors par montrer que les effets bénéfiques de
l'intégration à l'UE dépendent de la capacité de la
Turquie à disposer d'un plus grand stock de capital nécessitant
une recherche accrue d'IDE. (section 3)
Durant toute cette démarche, nous ne prendrons pas en
compte l'intérêt et l'attitude de l'Union européenne. Notre
questionnement s'arrêtera d'un point de vue turc et se basera sur
l'hypothèse que seule la Turquie prend la décision
d'adhérer ou non.
Ce travail montrera donc que la Turquie a intérêt
économiquement à adhérer à l'UE mais à
certaines conditions. Elle doit dépasser le stade de l'Union
douanière qui a un bilan mitigé. Elle doit réussir
à accroître son stock de capital. Enfin, pour éviter que
tous les gains aillent aux même individus, la Turquie devra mettre en
place un système efficace de redistribution sociale.
CHAPITRE 1 -
Optimalité théorique de l'ouverture commerciale et
répartition des gains
Avant de pouvoir se poser la question de
savoir s'il était optimal pour la Turquie d'adhérer
à l'Union douanière et s'il est optimal de poursuivre cette
intégration afin d'adhérer complètement
à l'Union européenne et, en simplifiant les faits, d'ouvrir
préférentiellement son commerce à un ensemble
régional, il convient de se questionner sur le libre-échange en
général ainsi que sur le processus par lequel le choix de son
application s'impose.
Nous exposerons donc dans ce chapitre les théories
du commerce internationales. Et cela pour trois raisons :
- tout d'abord il sera utile de revoir ces théories
pour la compréhension de certains développements du chapitre
suivant,
- ensuite, elles nous permettent de démontrer que
l'optimum pour un pays et de surcroît pour un pays économiquement
« en retard » est l'ouverture commerciale,
- enfin elles servent d'étape préliminaire au
développement de la théorie de l'économie politique du
protectionnisme que nous développerons pour comprendre à qui
bénéficie l'ouverture de la Turquie.
Dans ce chapitre, le cadre de notre exposé
évoluera et il faut y prêter une grande attention. En effet, pour
exposer la théorie pure du commerce international le cadre est
le libre-échange mondial (l'ouverture commerciale au reste du monde) et
donc les comparaisons relatives se font entre le pays étudié et,
en général, un autre pays.
Par contre pour préparer notre section 3
(Synthèse et application à la Turquie), lorsque nous appliquerons
les théories au cas de la Turquie, le cadre utilisé sera l'Europe
des 15. La situation dans ce contexte est, en fait, une comparaison entre une
situation d'autarcie pour la Turquie et une situation d'ouverture commerciale
envers l'Union européenne.
Le cheminement que nous suivrons dans ce chapitre sera tout
d'abord, la présentation dans une première section de la
théorie pure du commerce international qui démontre la
supériorité du libre-échange (section
1) ; par la suite nous chercherons à savoir ce qui
détermine la volonté de fermeture ou d'ouverture pour un
pays et en l'occurrence la volonté d'ouverture à un ensemble
régional. Pour cela nous exposerons les théories de
l'économie politique du protectionnisme (section
2). Nous terminerons par appliquer ces théories au cas de la
Turquie vis-à-vis de son ouverture à l'UE pour tenter de
déterminer à qui elle bénéficierait si elle
était effective (section 3).
SECTION 1 Les vertus du
libre-échange théorique
Un pays a-t-il intérêt à pratiquer une
politique de libre-échange même s'il est « moins
efficace » que les autres pays ? En 1817, David RICARDO a
été le premier à répondre par oui à cette
question. À cette époque la révolution industrielle avait
creusé un fossé toujours plus profond entre les pays les plus
avancés technologiquement (l'Angleterre dans le contexte), et donc de
plus en plus efficaces dans la production de tous les biens, et le reste du
monde de plus en plus en retard. Cette situation n'est pas sans rappeler celle
actuelle où l'on se demande si des PED peuvent participer au
libre-échange mondial ou à des unions régionales de
commerce préférentiel avec de pays plus avancés
économiquement. L'Union européenne, avancée
technologiquement, et la Turquie peuvent-elles pratiquer le
libre-échange entre elles ? Ce dernier pays a-t-il
intérêt à ouvrir ses frontières aux produits des
pays les plus développés, ou doit-il attendre d'avoir atteint le
même niveau de développement technologique et économique
que ces derniers pour envisager une telle politique ?
La théorie du commerce international repose sur un
corpus théorique « majestueux ». On pourrait
remonter loin en exposant en détail tout ce corpus théorique qui
permet d'aboutir aux conclusions du théorème Stolper-Samuelson.
Néanmoins nous n'allons exposer que brièvement les principales
théories afin de consacrer plus de temps au sujet qui nous
intéresse.
1.1 Les effets de l'ouverture commerciale sur les structures
productives
RICARDO (1772-1823) traite, dans Principes de
l'économie politique et de l'impôt (1817), des
échanges internationaux et montre les avantages du libre-échange,
en remplaçant les avantages absolus de SMITH par les avantages
comparatifs qui structureront toutes les théories du commerce
international.
Le modèle qu'il développe, appelé par la
suite modèle ricardien, se base sur l'échange
entre deux pays ayant un facteur de production. Les différences de
productivités relatives permettent de motiver l'échange et
définissent ainsi les spécialisations nationales. Dans un tel
contexte, RICARDO montre que l'échange international est avantageux pour
toutes les nations qui se spécialisent (en y affectant leur facteur de
production -la force de travail) dans le secteur où elles ont une
productivité relative avantageuse. Ainsi, selon RICARDO, comme le
travail (unique facteur de production de son modèle) est parfaitement
mobile, le changement de secteur se fait à l'avantage de tous.
L'échange permettra à la productivité mondiale et à
la production mondiale d'augmenter. Tous les pays ont donc un gain à
l'échange, personne ne sera désavantagé et même
à l'intérieur du pays, chaque individu bénéficiera
d'une meilleure situation30(*). La politique de libre échange reste la
meilleure alternative à la politique d'autarcie.
Si le monde réel était conforme à ce
modèle31(*), d'un
point de vue économique, la Turquie aurait intérêt, sans
faire aucun autre calcul, à entrer dans l'UE plutôt que de rester
en autarcie. Néanmoins dans le monde réel les gains
engendrés par l'échange sont souvent repartis de manière
inégale aussi il faut approfondir l'analyse pour arriver à des
conclusions sur lesquelles on puisse s'appuyer.
En avançant dans l'analyse, on s'aperçoit que
les nations tirent théoriquement des bénéfices du commerce
international, mais il s'avère possible que certains groupes
particuliers à l'intérieur du pays y perdent. Ceci s'explique par
le fait que le commerce international (dans le sens entre nations) exerce dans
la réalité, à l'intérieur d'un pays, des effets
puissants sur la distribution du revenu pour deux raisons principales :
d'une part certains facteurs de production ne peuvent se déplacer
instantanément et sans coût d'une industrie à l'autre (
Modèle à facteur spécifique de
SAMUELSON et JONES - 1.2) et d'autre part le commerce peut aussi
transformer la répartition des revenus et entre grands
groupes tels que propriétaires de capital et travailleurs (modèle
Hecksher-Olhin-Samuelson - 1.3 ) du fait de la variation de la
demande relative de leur utilisation.
1.2 Modèle à facteur spécifique de
Samuelson et Jones
Au début des années 1970, Paul SAMUELSON et
Ronald JONES32(*)
développent un modèle incluant des facteurs
spécifiques d'une part et mobiles d'autre part et supposant une
productivité marginale du travail décroissante. L'enseignement
principal que l'on retient du modèle est que le libre-échange est
efficient car il élargit les choix des économies et il permet
à chaque pays de consommer une quantité supérieure de
chaque bien33(*). En effet
dans ce modèle, l'échange international est motivé par la
différence des prix relatifs des biens, elle-même issue d'une
offre relative différente dans les pays. L'offre relative
différente provient soit de l'inégale dotation en facteurs soit
de technologie de production différente.
Dans notre cas d'étude, le cas Europe-Turquie, la
différente offre relative provient des deux raisons. La technologie est
différente (écart de développement notable34(*)) et la Turquie possède
une dotation en main-d'oeuvre peu qualifiée plus élevée
qu'en Europe. Ainsi nous avons donc une très grande différence
entre les entités et donc une grande complémentarité
potentielle.
Avec l'échange, les prix relatifs des pays vont se
confondre autour du prix mondial. Les consommateurs bénéficieront
alors d'un prix relatif inférieur pour le bien
nécessitant pour sa production le facteur rare du pays. Le pays devient
alors importateur de ce bien (car il en augmente sa consommation par le biais
de l'importation) et exportateur du second bien.
Au plein emploi, la production varie uniquement par le biais
d'une utilisation différente du facteur mobile dans sa conception qui se
déplace alors d'un secteur à l'autre.
Le commerce a donc différents effets :
i) il bénéficie au facteur spécifique du
secteur exportateur,
ii) il coûte au facteur spécifique du secteur
concurrencé par les importations et,
iii) il a des effets ambigus sur le facteur mobile.
Dans ce modèle le libre-échange n'est pas
optimal au sens de PARETO car il bénéficie à un groupe au
détriment d'un autre. L'équilibre peut devenir pareto-optimal
s'il y a redistribution des gains car, comme nous l'avons déjà
souligné, globalement il y a gain.
On peut tirer comme enseignement de ce modèle qu'il
peut y avoir des gagnants et des perdants car il n'y a pas
nécessairement redistribution et que celle-ci est nécessaire pour
atteindre un équilibre pareto-optimal.
Si nous prenons l'exemple de la Turquie et que nous posons
d'une part que la terre et le capital sont des facteurs spécifiques.
D'autre part nous posons que le travail, dont la Turquie est richement
dotée35(*) est
mobile. Dans ces circonstances, si nous observons par exemple un accroissement
de la quantité du facteur capital à la suite de la signature d'un
accord de commerce privilégié avec des pays voisins36(*), il y aurait alors une
augmentation de la demande de travail dans le secteur intensif en capital et
donc un transfert de la main-d'oeuvre du secteur intensif en terre (
l'agriculture ) vers le secteur intensif en capital (l'industrie). Il y aurait
donc une augmentation de la production de biens industriels
bénéficiant d'intrants (travail et capital) quantitativement
supérieur.
Cette schématisation simplificatrice semble
corroborée par les faits. On constate en effet que depuis que la Turquie
cherche à participer à l'UE sa part de produits agricoles dans
ses exportations est passée de 75% en 1965 à seulement 10% en
1996. De surcroît, la contre-partie de cette chute vertigineuse est la
hausse régulière des exportations de produits manufacturiers qui
atteignaient près de 80% des exportations en 199637(*) (dont plus de la moitié
dans le secteur textile et habillement).
Néanmoins dans cet exemple, un point vient ternir la
théorie car celle-ci manque certainement d'hypothèses
restrictives. Si la redistribution des revenus issus des gains de
l'échange est inégalement accomplie - et c'est le cas38(*) -, les détenteurs de
capital seraient les perdants et auraient donc intérêt au
protectionnisme. Paradoxalement, on constate qu'en Turquie le groupe de
pression TUSIAD39(*),
très actif, représentant les intérêts des
capitalistes et chefs d'entreprises, milite pour l'ouverture rapide et
complète au monde et à l'Europe (Nous reviendrons sur cette
contradiction de la théorie et des faits plusieurs fois encore car au
fil de nos investigations des théories du commerce international nous
retomberons sur celle-ci).
Aussi, il semble que ce modèle de Paul SAMUELSON et
Ronald JONES ne s'applique que dans une certaine mesure à notre exemple
car il reste trop simplificateur. Nous en retiendrons seulement deux
points :
- d'une part qu'avec l'ouverture et un afflux de capitaux, la
main-d'oeuvre se déplace du secteur de l'agriculture à celui de
l'industrie
- d'autre part, qu'il existe un gain potentiel à
l'échange mais que celui-ci nécessite redistribution.
Nous allons continuer notre étude en exposant le
Modèle Heckscher-Ohlin et sa suite, le théorème
Stolper-Samuelson qui expliquent plus précisément les effets de
l'ouverture commerciaux sur la répartition des revenus.
1.3 Le théorème Heckscher-Ohlin-Samuelson
(HOS)
Nous allons maintenant exposer la théorie
d'Heckscher-Ohlin qui s'imbrique avec le théorème
Stolper-Samuelson.
· Le modèle
Heckscher-Ohlin
La théorie d'Heckscher-Ohlin stipule que les avantages
à l'échange reposent sur la différence dans les dotations
relatives de facteurs de production possédés par chaque pays (et
non plus sur des différentes technologies comme chez RICARDO - les pays
ont ici accès aux mêmes techniques (fonctions) de production).
Contrairement à certaines idées reçues,
cette théorie ne contredit pas celle de RICARDO mais la complète
en démontrant, dans un cas différent de celui
étudié par le modèle de RICARDO, que le
libre-échange est la politique optimale. Ainsi ce modèle montre
qu'un pays :
« (...) peut être tout à la fois
ricardien dans ses échanges avec les pays en développement (parce
que ce commerce est dominé par les différences dans les
technologies de production employées) et Hecksher-ohlinien dans son
commerce avec des pays industrialisés (parce que ce dernier est surtout
composé de biens produits par des technologies de production
communes). » (MESSERLIN P. A. [1998], p.89.)40(*)
La démonstration initiale de ce théorème
Heckscher-Ohlin (dit HO) reposait sur le cas de deux pays, deux produits et
deux facteurs mais par la suite des études ont élargi et
généralisé la proposition à plus de deux pays, plus
de deux produits et plus de deux facteurs.
Sous certaines hypothèses41(*) le modèle HO que nous
n'approfondirons pas, montre que le passage de la protection à
l'ouverture commerciale amène inéluctablement le pays à se
spécialiser (totalement ou partiellement) dans sa production
(exportatrice) des biens qui utilisent relativement le plus de facteur abondant
et importe alors les biens intensifs en facteurs rares42(*). En effet comme le facteur
relativement abondant à un prix relativement bas (sous
l'hypothèse de concurrence), la production du bien utilisant le plus de
ce facteur doit être relativement peu coûteuse et par
conséquent, dans le cas du commerce international, le pays ayant cette
configuration se place alors en exportateur. Le raisonnement est le même
pour le pays étranger qui se place alors lui aussi en exportateur dans
le domaine où il possède un avantage car intensif en facteur
abondant dans le pays.
Les échanges entre pays se feront donc sur la base de
rareté relative des facteurs de production dans ces pays. Ces
échanges sont une bonne chose car ils permettent de palier, en partie au
moins, à ces raretés. De surcroît, dans la mesure où
les prix sont eux-même des indicateurs de rareté, le
libre-échange entre pays a pour conséquences que les prix
relatifs tendent à s'égaliser d'un pays à l'autre.
Certaines critiques remettent néanmoins le
théorème en cause. On ne s'attardera ni sur la critique empirique
du modèle HOS (paradoxe de LEONTIEF qui propose lui-même une
explication pour ne pas « anéantir » le
Théorème HO), ni sur la critique de l'égalisation du prix
des facteurs qui ne semble pas fonctionner dans les faits (une fois de plus
à cause des imperfections du marché).
Le théorème HO n'est pas étudié
plus en détail et nous accepterons globalement sa
preuve de la supériorité du
libre-échange43(*) par rapport à l'autarcie même
s'il existe les critiques que nous avons soulevés.
De surcroît c'est surtout pour l'enchaînement
logique qu'il appelle, que nous allons maintenant aborder, que le
théorème HO nous intéresse pour notre exposé.
· Les effets de l'ouverture commerciale sur la
répartition des revenus
Le théorème Stolper-Samuelson s'imbrique
logiquement à la suite du théorème d'Hecksher-Ohlin. Comme
nous l'avons brièvement montré, sous les hypothèses de
mobilité parfaite des facteurs entre branches à
l'intérieur des pays et d'immobilité totale entre pays, les
facteurs de production s'utilisent dans la branche (en croissance) qui utilise
relativement plus de facteurs abondants. Dans cette configuration, les prix
tendent à évoluer à la hausse pour le facteur abondant et
à la baisse pour le rare. Il y a ainsi une modification de la
répartition en faveur des possesseurs du facteur relativement abondant
au détriment de ceux du rare.
Cette analyse est souvent considérée comme
relativement bien adaptée pour traiter de l'échange entre
pays inégalement développés.
Dans ce modèle, il existe en effet un lien
mécanique entre les dotations factorielles et le niveau de
développement dès lors que celui-ci est approché par la
productivité du travail. Puisque les techniques de production sont
identiques entre pays et que les productivités marginales des facteurs
sont considérées comme décroissantes, la plus faible
productivité du travail constatée dans le pays en
« retard économiquement », s'explique par son
utilisation plus intensive dans la production. Cette combinaison plus intensive
en travail est cohérente avec un prix relatif moins élevé
qui est lui-même la conséquence de sa relative abondance. Une
distinction entre travail qualifié et non qualifié nous
amène aux mêmes résultats : un pays « moins
avancés » comme la Turquie, mieux doté en travail non
qualifié que les pays européen
« avancés », aura une rémunération de
ce facteur initialement plus faible (relativement au prix du travail
qualifié ou du capital) ce qui lui permettra de bénéficier
d'un avantage comparatif dans les biens utilisant le plus intensément ce
facteur. Notons que, théoriquement, la rémunération
relative des autres facteurs devrait au contraire être plus
élevée dans les pays moins développés comme la
Turquie.
Par construction donc, ces approches conduisent à la
conclusion que :
« (...) l'ouverture crée davantage de
gains mutuels entre pays inégalement développés, qu'entre
pays économiquement proches, puisque les réallocations de
ressources sont, à priori, plus importantes. »
(SIROËN J.-M. [1996], L'intégration entre pays
inégalement développés dans la régionalisation de
l'économie mondiale. Une analyse comparative, Etude pour le
Commissariat Général du plan, novembre, p. 39)
Cette approche est donc relativement bien adaptée
à notre cas d'espèce. Néanmoins elle comporte certaines
limites lorsque nous l'appliquons à des pays inégalement
développés :
- la validité des mécanismes du modèle
impliquerait que la hausse de la rémunération du travail
qualifié s'accompagne dans les pays développés, d'une
hausse de la part du travail non qualifié dans l'ensemble des secteurs.
Or, il n'existe pas de preuve empirique de ce mouvement.
- Une autre limite est issue de l'identification même de
l'origine des différences entre pays et de leur corrélation avec
le niveau de développement. Les écarts s'expliquent-ils par
l'abondance relative de la main-d'oeuvre et donc de la population ou par
l'inégal accès aux techniques de production ?
De même, des différences dans les fonctions de
consommation, vraisemblables dans des pays situés à des niveaux
de développements différents influencent les
spécialisations dès lors qu'elles contribuent à modifier
la structure des prix relatifs. De ce point de vue, la célèbre
proposition de LEAMER44(*) : « a pure factor-proportions
model would not be very useful for studying the free-trade agreement between
Canada and the United States... [but] would capture most of the
effects of including Mexico in a North American free-trade
area. » pourrait être inverse. En effet le modèle
factoriel ne s'appliquerait-il pas mieux entre le Canada et les Etats-Unis qui
ont un accès comparable aux technologies et qui ont le même type
de consommation mais qui ont comme différence une dotation factorielle
initialement différente.
On peut donc conclure que le recours au modèle HOS
pour apprécier les relations commerciales entre pays inégalement
développés permet certes de mettre en exergue des
différences essentielles du type « niveau de qualification de
la main-d'oeuvre » mais il doit recourir à des
hypothèses formelles fortes et trop peu réalistes.
Revenons à la conclusion générale du
théorème en l'acceptant. Elle affirme que les prix tendent
à évoluer à la hausse pour le facteur abondant et à
la baisse pour le rare provoquant alors une modification de la
répartition en faveur des possesseurs du facteur relativement abondant
au détriment de ceux du rare.
Le point essentiel à retenir ici pour la suite est le
fait que la modification de la répartition des revenus n'est pas
seulement relative. Il y en terme absolu une augmentation de
la rémunération du facteur abondant et une diminution de celle du
facteur rare.
Il y a donc de réelles oppositions
d'intérêts qui proviennent de pertes/gains en terme absolu
à la suite de l'application du libre-échange. Le
libre-échange est donc par nature conflictuel.
Une fois de plus, pour résoudre ce conflit il est
nécessaire d'avoir recours à une redistribution
équitable des gains c'est-à-dire à une
indemnisation des perdants par les gagnants. Ainsi aucun groupe ne serait
perdant au libre-échange car ce dernier, sous les hypothèses
habituelles, procure une augmentation réelle du revenu national global
permettant donc non seulement d'indemniser les perdants mais aussi
d'enregistrer un gain net.
On peut donc considérer que le libre-échange est
« optimal au sens de Pareto » sous condition de
redistribution.
Néanmoins cette indemnisation compensatoire pose une
série de questions politiques : comment faut-il mettre en place les
mécanismes distributifs permettant les compromis sociaux ? est-il
judicieux de pratiquer l'ouverture si la redistribution des richesses n'est pas
appliquée ? La théorie économique ne répond
pas à ces questions qui s'éloignent de son domaine de
compétence (Kebabdjian [1999]).
« Le problème est celui des choix
politiques en démocratie et de la formation d'une volonté
collective autour d'un projet commun face à la
mondialisation. » (KEBABDJIAN [1999], p. 56.)
Si l'on se focalise à nouveau sur notre cas
d'espèce et que l'on observe alors les revenus en Turquie, on constate
qu'il existe déjà de grandes disparités45(*). De surcroît les
écarts de revenu se ressentent non seulement entre classes sociales mais
aussi entre les régions et entre les zones rurales et urbaines. Les
écarts portent aussi bien sur le revenu par habitant que sur
l'accès aux infrastructures de base (accès à l'eau ou au
réseau routier) ou à la santé. À titre d'exemple,
on retiendra que lorsque le PNB turc augmentait en moyenne de 22% entre 1987 et
1994, celui de l'Anatolie (voir carte en annexe 1) connaissait une croissance
de seulement 10% sur la même période. Le PNB de la région
de Marmara était en 1994 alors 3,5 fois plus élevé que
celui de l'Anatolie de l'Est et ne cesse depuis de s'accroître.
(source : Agenda 2000)
À ces inégalités s'ajoute le fait que le
système social de redistribution est peu
développé46(*).
En conclusion on retient que selon la théorie, le
libre-échange est profitable sous réserve qu'il ne produise pas
trop d'inégalités ou que celles-ci soient estompées par
l'existence d'un système de redistribution. Or, en Turquie il existe de
grandes disparités et aucun système de redistribution digne de ce
nom vient entraver celles-ci.
Aussi, on peut conclure que globalement la Turquie à
intérêt au libre-échange puisque celui-ci est l'optimum
à atteindre. Mais actuellement dans le cas précis de l'ouverture
turque qui crée certainement des disparités encore accrues (qui
ne semblent donc pas à première vue être compensées
par des systèmes redistributions), on peut se demander si celle-ci est
réellement optimale ?
Si ce n'est pas le cas alors qu'est-ce qui la motive ?
Cette démarche se réalise-t-elle au profit et au détriment
de qui ? De quel groupe social47(*)?
Pour répondre à ces questions nous allons
étudier dans la section suivante « l'économie politique
du protectionnisme » qui cherche à expliquer les
déterminants du choix entre protection et ouverture.
SECTION 2 Déterminants du choix entre
« protection et ouverture commerciale »
L'économie politique du protectionnisme s'est
développée depuis vingt ans en réponse à
l'incapacité de la théorie pure du commerce international
à rendre compte du décalage entre la prétendue
supériorité théorique du libre-échange et les
politiques nationales effectivement appliquées. Elle s'intéresse
aux déterminants du choix entre protection et ouverture commerciale. Ce
domaine est l'un des rares concernant des questions d'économie
internationale qui fait l'objet d'une approche d'économie politique.
Pour notre part, cette approche nous intéresse, non pas
dans la mesure où elle permet d'expliquer la non-ouverture mais
plutôt dans la mesure où elle nous permet de mettre en exergue que
l'ouverture (dans notre cas l'ouverture n'est que régionale) est
appliquée non-pas pour atteindre un optimum parétien mais pour
l'intérêt de certains.
Nous avons montré dans une première partie que
le libre-échange est bénéfique pour tous seulement s'il y
a redistribution et que ce n'est pas la principale caractéristique de la
Turquie. Aussi en étudiant les analyses dites d'économie
politique du protectionnisme nous cherchons à comprendre pourquoi la
Turquie cherche alors à s'ouvrir à l'Europe.
Pour traiter de ce sujet nous commencerons par rappeler la
problématique de l'approche standard de l'économie politique du
protectionnisme (2.1). Nous verrons ensuite l'explication factorielle (2.2)
puis nous verrons qu'il existe des apports complémentaires dans les
explications sectorielles et institutionnelles (2.3). Nous chercherons tout au
long de ces explications théoriques quels sont les enseignements que
l'on en retire quant à l'orientation d'ouverture régionale de la
Turquie et tenterons de le synthétiser dans la section suivante
2.1 Problématique de l'économie politique du
protectionnisme
Pour les économistes néoclassiques, le
thème du commerce extérieur a toujours été
récurant car semble-t-il non achevé. En effet, il existe la
théorie « vénérable » issue de SMITH
et RICARDO que nous avons brièvement exposée et qui vante les
bénéfices de l'ouverture commerciale. Face à cela,
paradoxalement on observe un monde réel où les mesures
mercantilistes et protectionnistes dominent et prolifèrent, où
l'on s'oriente vers du libre-échange régional plutôt que
mondial.
En réponse à cet écart entre
théorie et réalité s'est développé
l'économie politique de la protection. Dans les
analyses de ce courrant et bien qu'adoptant une optique nationale, l'esprit est
typique d'une économie politique dans le sens où s'articulent des
déterminants économiques et politiques à l'échelon
national, échelon où se nouent les compromis sociaux. Les
études cherchent à montrer d'une part quels sont les
déterminants du comportement des décideurs étatiques et
leurs préférences dans le domaine étatique (point
important pour notre travail car nous cherchons à savoir ce qui
détermine le choix turc concernant l'ouverture à l'Europe) et
d'autre part à analyser les politiques commerciales en observant les
stratégies des opérateurs étatiques et les demandes des
groupes de pression privés.
La question de la protection peut se décliner et se
décline en général en trois questions analytiques :
pourquoi certains secteurs sont-ils plus protectionnistes que d'autres ?
Pourquoi certains pays ont-ils plus de barrières à
l'entrée que d'autres ? Et pourquoi, selon les époques
l'économie internationale est plus ou moins ouverte ? Dans notre
cas, seule la première question nous intéresse car nous
étudions le choix d'un seul pays à un moment précis.
Pour répondre à cette question il faut s'appuyer
sur les bases théoriques que nous avons exposées et qui
expliquent les avantages du libre-échange. Ensuite il faut chercher
pourquoi ce dernier reste alors l'exception plutôt que la règle.
Pour cela nous allons procéder en deux temps :
tout d'abord nous mettrons l'accent sur la demande de
protection avec les explications factorielles et sectorielles puis
nous observerons le côté de l'offre avec
l'explication institutionnelle.
Nous nous attarderons néanmoins relativement plus sur
l'explication factorielle à l'instar de KEBABDJIAN [1999] et
considèrerons les autres explications comme complémentaires et
moins déterminantes.
2.2 L'explication factorielle
Comme nous l'avons vu, avec l'ouverture extérieure,
chaque pays doit se spécialiser dans la production la plus intensive en
facteurs relativement abondants et importer la production intensive en facteurs
relativement rares. Le théorème Stolper-Samuelson démontre
sur cette base que les groupes sociaux propriétaires du facteur
abondant ont tout intérêt au libre-échange, tandis que ceux
propriétaires du facteur rare seront favorables au protectionnisme.
L'approche factorielle cherche à expliquer la
protection48(*) par le
comportement des groupes sociaux propriétaires du facteur relativement
rare qui vise à la préservation des revenus. C'est une
explication en termes de conflits de classe.
Sous sa forme simple à deux facteurs, l'explication ne
couvre aucunement l'ensemble des cas de figure possibles dans la
réalité. Néanmoins pour parfaire à cette lacune, il
existe deux extensions qui ont été mobilisées en plus de
cette analyse :
- Une extension politique qui prend en compte les institutions
politiques à travers lesquelles se rencontrent les offres et demandes
sociétales de protection (et de libre-échange).
- La généralisation économique, qui pour sa
part reste dans le cadre de la logique factorielle, consistant à
élargir le nombre de facteurs retenus49(*).
Pour comprendre cette approche factorielle, nous allons voir
successivement l'analyse de Rogowski qui s'intéresse à la
dimension domestique des politiques commerciales puis nous élargirons
en exposant succinctement l'analyse de BRAWLEY qui s'intéresse pour sa
part, plus à la dimension comparative entre les pays.
2.2.1 Le modèle de Rogowski
ROGOWSKI [1989] tente d'expliquer le choix de la protection
ou du libre-échange par le biais de coalisation entre groupes sociaux
détenteurs des facteurs rares ou abondants. Dans son modèle
à trois groupes, les groupes qui se coalisent imposeront leur
volonté protectionniste (s'ils sont détenteurs de facteurs rares)
ou libre-échangiste (s'ils sont détenteurs de facteurs abondants)
au groupe seul. Ainsi à chaque type de coalition correspond un type de
conflit.
Pour mieux comprendre ces coalitions, il compose une maquette
permettant d'appréhender les différents types de
configurations.
La maquette utilisée originellement par ROGOWSKI
retient trois facteurs : capital, travail et terre pour analyser les
configurations historiques.
Quand ce sont les facteurs rares qui s'allient face au facteur
abondant, la politique commerciale est de type protectionniste. Ainsi à
chaque type de coalition, correspond un type de conflits :
- Un conflit de classes quand la terre et le capital sont
simultanément abondants ou rares
- Un conflit ville-campagne quand le capital et le travail
sont simultanément abondants ou rares.
ROGOWSKI propose par ailleurs, dans la conclusion de son
travail l'éventualité d'utiliser une maquette avec d'autres
facteurs plus appropriés à la période actuelle qui
seraient alors : le capital, le travail qualifié et le travail non
qualifié (c'est cette maquette que nous présentons figure 1
ci-dessous). Cette grille d'analyse semble en effet plus pertinente pour la
période actuelle car en règle générale la terre est
devenue un facteur de production marginal (lorsqu'un pays se modernise, la part
de son agriculture dans le PIB et dans l'occupation de la main-d'oeuvre diminue
significativement).
Pour des raisons de commodité, nous limiterons
l'analyse, comme ce qui est fait en général, à quatre
configurations en faisant l'hypothèse qu'un pays ne peut être
simultanément riche en travail qualifié et
non-qualifié50(*).
En croisant la possibilité que le ratio travail
non-qualifié/travail qualifié soit élevé ou faible
avec la possibilité pour que le ratio capital/travail
non-qualifié soit également élevé ou faible (cas
typiques de l'économie dite « avancée » et de
l'économie dite « retardée ») nous obtenons
quatre configurations.
Ratio Travail non qualifié/travail qualifié
|
Elevé
|
Faible
|
Ratio capital/travail non qualifié
|
Elevé
(économie dite
« avancée »)
|
I
- Capital et travail non-qualifié
abondants (pour ouverture)
- Travail qualifié rare (pour
protectionnisme)
Exemple : NPI.
|
II
- Capital et travail qualifié abondants
(pour ouverture)
- Travail non-qualifié rare (pour
protectionnisme)
Exemple : France.
|
Faible
(économie dite
« retardée »)
|
III
- Travail non-qualifié abondant (pour
ouverture)
- Capital et Travail qualifié rares (pour
protectionnisme)
Exemple : PED.
|
IV
- Travail qualifié abondant (pour
ouverture)
- Capital et Travail non-qualifié rares
(pour protectionnisme)
Exemple : Pays de l'Est.
|
Figure 1 : Types de dotations factorielles dans un
modèle de ROGOWSKI à facteurs : travail qualifié, non
qualifié et capital.
Si l'on cherche à placer la Turquie, dans cette
matrice, fidèle à l'application contemporaine de l'analyse de
ROGOWSKI, il semble qu'elle se situerait dans la case III51(*).
En effet il semble que la Turquie soit (comparativement
aux autres pays européens52(*)) :
- abondamment dotée en main-d'oeuvre non
qualifiée et cette affirmation peut être
corroborée par le fait qu'elle en exporte une part importante vers
l'Europe comme le rappelle Deniz AKAGüL dans son article sur les
migrations de mains-d'oeuvre turques vers le reste du monde53(*).
- non abondamment doté en capital (en
confondant les deux types de capital productif et financier) relativement aux
autres pays européens. En effet, l'abondance des IDE entrant par rapport
à ceux sortant54(*)
laisse peu de place aux tergiversations. Si l'on estime que l'abondance (la
rareté) du facteur capital se juge au solde de la balance des capitaux,
la Turquie avant ouverture de son compte de capital était rarement
dotée en capital.
- en ce qui concerne le travail
qualifié, juger de son abondance (rareté) est moins
aisé. En effet, on constate que d'une part la Turquie voit une certaine
fuite de ses jeunes diplômés ou apte à le devenir mais
d'autre part il s'avère que les IDE entrants sont souvent
accompagnées de main-d'oeuvre qualifiée. Il est difficile de
mettre ces faits en balance. Néanmoins en abordant la question sous
l'angle de la comparaison entre pays et non plus du solde de la Turquie, il
semble que, relativement à la structure des autres pays, la Turquie soit
rarement dotée en main-d'oeuvre qualifiée55(*).
Ainsi si l'on se limite à trois facteurs, la Turquie se
trouverait dans la position représentée par la case III de la
figure 1. Cela signifie qu'il y aurait théoriquement en
Turquie une coalition entre capitalistes et travailleurs qualifiés pour
le protectionnisme. Et que cette coalition empêcherait la
réalisation de l'optimum (le libre-échange intégral) dans
une perspective mondiale ou elle empêcherait la réalisation de
l'optimum libre-échange régional dans le cas d'une perspective
européenne.
Cette affirmation n'est ni entièrement
corroborée, ni entièrement infirmée par les faits. En
effet la Turquie tente de se diriger vers le libre-échange avec l'Europe
mais parfois on peut remarquer qu'elle manque de détermination (voir
notamment la période 1970-1980 dans le bref aperçu historique de
la Turquie en introduction).
Néanmoins malgré ces hésitations et comme
notre bref historique en introduction l'a rappelé, la Turquie a
déjà accompli une grande partie de son intégration
à l'Union européenne. Aussi il ne semble pas
vérifié qu'une coalition travail qualifié-capital ait
influé sur le choix de la Turquie. De plus nous sommes à nouveau
confrontés au problème soulevé plus tôt entre la
préférence théorique des capitalistes et leurs actions
concrètes en faveur de l'ouverture.
On peut alors adopter différents types de comportements
face à ces résultats :
- Soit on estime que l'analyse à la ROGOWSKI est
pertinente pour notre cas mais que la coalition n'a pas eu lieu ou n'a pas eu
le poids nécessaire pour influer (on estime qu'il faut juste affiner ces
résultats en les complétant par d'autres types d'explications
expliquant le non aboutissement des « désirs » de
ces groupes) ;
- Soit on applique une matrice avec d'autres
facteurs ;
- Soit on rejette ce type d'analyse et on recherche alors
d'autres types d'explications.
Pour notre part, nous adopterons le premier comportement et
rechercherons à compléter notre analyse.
Nous retirerons tout de même comme enseignement de cette
analyse qu'en Turquie les intérêts des capitalistes et des
travailleurs qualifiés s'opposent à ceux des travailleurs
non-qualifiés (représentent représente, en y incluant les
travailleurs non-qualifiés de l'agriculture, la majorité du
pays). Et donc que, quelque soit l'issue de l'affrontement, il y aura un des
deux groupes lésé et donc on conclu encore une fois que
sans redistribution un des deux groupes verra sa situation se
dégrader ; on ne s'orientera donc pas vers un optimum
parétien.
2.2.2 Approche factorielle comparative de BRAWLEY
Pour comprendre l'intérêt de l'analyse de BRAWLEY
[1993]56(*) il faut
rappeler et mettre en exergue le fait que dans l'approche de ROGOWSKI, la
politique commerciale adoptée par un pays était
exclusive. En d'autre terme les décideurs politiques
appliquaient à tous les domaines la politique commerciale exigée
par la coalition des deux groupes partageant les même
intérêts en matière d'ouverture commerciale.
Dans la réalité, comme les faits peuvent le
montrer, il n'y a pas soit ouverture complète, soit fermeture
complète. La politique commerciale est différente selon les
secteurs57(*).
Aussi, dans une démarche similaire à celle de
ROGOWSKI mais cette fois en ne prenant en compte que deux facteurs de
production (capital et travail), BRAWLEY propose, la possibilité d'une
« mixité attendue des politiques
commerciales »58(*) en faisant l'hypothèse que les
décideurs politiques recherchent en premier lieu un soutien politique.
Et cette recherche les contraint à considérer les
intérêts de tous (libre échangiste pour les possesseurs du
facteur abondant et protectionniste pour ceux du facteur rare).
Ensuite, BRAWLEY regroupe les pays selon leur dotation
factorielle dans une classification en trois catégories
comprenant :
- Le libéral
leadership : il est abondamment doté en capital
et notamment en capital financier ce qui lui permet de supporter les
coûts qui incombent à son statut d'hégémon.
- Les
supporters : ils ont une dotation
factorielle différentes de celle du libéral leadership mais
celle-ci lui est complémentaire.
- Les economics
competitors : Ce groupe de pays est
caractérisé par une dotation factorielle identique à celle
du leader.
Nous ne nous attarderons pas plus sur cette classification de
BRAWLEY qui méritait juste d'être souligné à titre
informatif. En effet, mis à part le fait qu'elle nous permette de situer
la Turquie, tout comme les autres nouveaux candidats dans le groupe des
supporters alors que les membres actuelles de l'Union
Européenne sont plutôt des economics
competitors, la classification ne nous est pas utile pour notre
exposé.
2.3 D'autres pistes d'explications.
Nous allons voir dans cette partie successivement deux types
d'explications qui justifient d'une part le non libre-échange total et
qui nous sert d'autre part à comprendre le mécanisme de
décision de la politique commerciale nationale. Elles peuvent
être, dans une certaine mesure, complémentaires à
l'explications factorielle.
La première explication se base sur les agissements des
groupes de pression (théorie du lobbying) et la seconde se base
sur les mécanismes de décision des législateurs et des
gouvernants (théorie du public choice).
2.3.1 L'explication sectorielle
Contrairement à l'explication factorielle de la
protection qui suppose la parfaite mobilité de deux facteurs sur trois
(capital et travail) entre secteurs, l'explication sectorielle part de
l'hypothèse que les facteurs de production sont immobiles ou que leur
mobilité est sujette à des coûts élevés.
Cette explication se situe donc dans la continuité du modèle
à facteur spécifique de Paul SAMUELSON et Ronald JONES
(présenté à la section précédente ).
Dans ce contexte, les coalitions n'ont plus lieu d'être
entre les classes, mais sont alors transversales, c'est-à-dire que les
intérêts peuvent être opposés ou divergés au
sein même de classe et converger entre membres de classes
différentes. Une multitude de nouvelles possibilités de
coalitions apparaît alors.
À partir de cette hypothèse, l'explication
sectorielle de la protection consiste à voir la protection comme
l'aboutissement des agissements de groupes de pressions59(*) qui agissent à partir
de secteur d'activité. En quelque sorte il n'y a pas une politique
protectionniste ou libre-échangiste qui représente le
bien-être national : il y a seulement des désirs d'individus
qui sont plus ou moins bien reflétés dans les objectifs du
gouvernement. Ces analyses sont également connues comme analyse par la
théorie du Lobbying.
Comme le rappelle KEBABDJIAN [1999], la source de ces
analyses se trouve dans l'application de la théorie de l'action
collective d'OLSON60(*)
à une « économie industrielle en économie
ouverte ».
Les problèmes d'action collective opposent le groupe
des producteurs qui sont toujours les bénéficiaires de la
protection aux consommateurs à qui l'ouverture procurerait un gain
globalement plus important61(*).
Dans la théorie du lobbying62(*), le groupe des capitalistes et
des travailleurs (qualifiés, non qualifiés ou les deux) adoptent
tous la même position protectionniste puisqu'ils sont tous producteurs
alors que dans l'explication factorielle présentée au
précédent point ces groupes auraient eu des positions
opposées (dans le cas de la Turquie, le groupe des capitalistes aurait
été pour le protectionnisme et les travailleurs
non-qualifiés pour l'ouverture).
C'est pourquoi, sur ce point, l'explication factorielle semble
mieux représenter la réalité car on observe en
général que le groupe des industriels et des syndicats sont
favorables à la protection.
En effet dans le cas de la Turquie on observe que jusque
récemment63(*) la
population (travailleurs), consommatrice, soutenait ardemment
l'adhésion de son pays à l'union européenne. Bien qu'il
peut-être contestable de considérer cette volonté comme
motivée par les gains apportés par le libre-échange
régional, il n'en reste pas moins que l'homo economicus turc a
agi dans le sens du libre échange. Ce comportement conforte la
théorie du lobbying.
Par contre, pour le groupe des industriels,
nous avons encore le même problème d'opposition entre
théorie et empirisme.
En effet, le groupe des industriels est, comme en
témoignent les interventions de TÜSIAD (TüRK SANAYICILER VE
ISADAMLARI DERNEGI, association des hommes d'affaires et industriels turcs
équivalant du MEDEF pour la Turquie) en faveur de l'adhésion
à l'Union européenne et donc pour l'ouverture. Ce fait
contrevient donc à l'explication sectorielle mais ne conforte
néanmoins pas pour autant l'explication factorielle comme nous l'avons
précédemment souligné. Cette dernière suppose
également les possesseurs du facteur rare (les possesseurs de capital)
comme opposés à l'ouverture. Ainsi il semblerait qu'il faille
chercher l'explication de ce comportement des industriels dans un autre type
d'explication ou poser d'autres hypothèses pour réconcilier la
théorie avec les faits réels.
Par ailleurs, l'interprétation sectorielle paraît
difficilement compatible avec l'explication factorielle. En effet :
- soit on admet que les facteurs de production sont mobiles
entre secteurs car c'est la condition de validité du
théorème Stolper-Samuelson et on accepte alors une explication
factorielle de la protection
- soit on admet que les facteurs sont immobiles pour valider
la théorie sectorielle.
En quelque sorte, en exposant l'acceptation de la
mobilité ou de l'immobilité des facteurs de production en ces
termes, il faut « choisir son camp ». Néanmoins, en
imaginant un cadre d'analyse plus large il est possible de réconcilier
ces deux analyses et d'en faire une synthèse par deux moyens :
- Une possibilité est ouverte par le modèle
à mobilité partielle (certains facteurs fixes et d'autres non).
Ainsi dans un tel modèle, deux types de demande s'expriment : les
demandes factorielles et les demandes sectorielles. C'est-à-dire que
dans une classe comme les travailleurs (facteur), il pourrait y avoir des
demandes contradictoires selon le positionnement sectoriel (secteur) : Les
travailleurs non-qualifiés du textile se positionnent en faveur de
l'ouverture de la Turquie à l'Europe du fait de leur
compétitivité alors que les travailleurs non-qualifiés du
secteur des cosmétiques64(*) protégé, ne sont pas en faveur de cette
ouverture.
- L'autre possibilité de synthèse passe par
l'acceptation d'un horizon temporel identique de long terme. Cette
réconciliation des deux approches est en effet possible si l'on accepte
qu'à long terme tous les facteurs sont mobiles, même ceux qui
étaient considérés comme immobiles à court terme.
Ainsi l'explication sectorielle expliquerait le court et le moyen terme alors
qu'elle serait compatible et complémentaire théoriquement de
l'explication factorielle sur un terme plus long65(*).
En conclusion ces deux explications peuvent ne pas être
contradictoires et même, selon les deux angles présentés,
être complémentaires. Il n'en reste pas moins que l'une comme
l'autre pose le problème du filtre politique : il s'agit alors de
comprendre et d'expliquer l'articulation des demandes de protection avec
l'offre politique. C'est l'explication « institutionnelle »
de la protection qui explore ce champ.
2.3.2 L'explication institutionnelle
L'explication dite « institutionnelle » de
la protection se base sur les mécanismes de décision des
législateurs et des gouvernants. La littérature du Public
choice part de l'observation de l'imperfection des marchés
politiques pour expliquer pourquoi les policy makers offrent une
politique protectionniste (globalement sous-optimale) aux électeurs
plutôt qu'une politique libre-échangiste66(*). Dans ces analyses partant de
l'hypothèse d'un comportement des agents égoïstes et
rationnels, le policy makers, à l'instar d'un entrepreneur qui
crée une entreprise pour minimiser les coûts de transaction,
créé un parti politique qui vend une politique commerciale pour
minimiser les coûts de transaction des électeurs.
Les résultats de cette approche permettent d'expliquer
un certain nombre de points que les deux approches précédentes
laissent encore inexpliqués et notamment la protection des entreprises
en déclin et l'offre de protection par le biais de barrières non
tarifaires sous-optimales. Cependant ce côté de l'offre de
protection doit être relié à la demande de protection
présentée par les approches factorielles et sectorielles.
Si l'on suppose que chaque gouvernement veut maximiser le bien
être de sa population, sa mission serait simple dans le cas d'une
population homogène : il choisirait une politique donnant à
l'individu représentatif la meilleure situation possible. Dans cette
économie homogène, la liberté du commerce international
serait sans doute adéquate aux objectifs du gouvernement.
Néanmoins, dans la réalité, les individus
ne sont pas semblables et leurs intérêts divergent. Le
gouvernement a alors un rôle plus complexe car il doit peser les gains
des uns par rapports aux pertes des autres. On note qu'il existe de nombreuses
raisons pour se préoccuper plus d'un groupe de population que d'un
autre. Une des plus contraignante est que certains groupes sont
déjà au départ relativement pauvres et donc il s'ensuit
qu'en général on ne fera pas subir de perte à ce groupe
même si le gain en contrepartie pour un autre groupe est
substantiel67(*). Ainsi,
les entreprises en déclins, fortement sensible à l'ouverture,
recevront plus de protections car le profit électoral que
représente une offre politique de protection à leur égard
est substantielle.
Une autre raison qui peut pousser à l'offre de
protection (ou d'ouverture) est la corruption. Il existe à ce sujet, un
certain nombre d'articles mais nous ne développerons pas ce
point68(*).
En ce qui concerne l'offre de protection, l'explication
institutionnelle permet d'expliquer pourquoi elle se matérialise souvent
en barrière non-tarifaire alors qu'il a été
démontré, et les décideurs le savent pertinemment, que
cette protection est moins efficace que celle offerte par le biais de
barrières tarifaires. En effet, on constate que la protection
non-tarifaire, contrairement aux barrières tarifaires standards,
possède une :
«(...) plus grande lisibilité sociale pour les
populations et est donc plus payante politiquement » (
KEBABDJIAN [1999], p. 66).
Il reste néanmoins à essayer de combiner cette
offre de protection avec la demande de protection identifiée par les
approches fonctionnelle et factorielle exposées plus haut. Cette tache
n'est pas aisée et KEBABDJIAN [1999] nous rappelle d'ailleurs que ce
point est encore à l'état de la recherche et que les
modèles le traitant ne se sont pour l'instant que limités
à des spécifications simples pour le côté de la
demande.
SECTION 3 Synthèse et application à la
Turquie.
Nous avons à l'aide des théories
présentées dans cette section tenté de dresser une
synthèse des explication de la protection (ouverture) à la
Turquie.
Nous commencerons par expliquer la démarche et les
hypothèses (3.1) qui nous ont amenés à la construction du
tableau (1.2) puis nous exposerons les conclusions que l'on peut en tirer
(1.3)
3.1 Démarche
et hypothèses
Dans ce tableau de synthèse, nous ne prenons en compte
que l'aspect « ouverture » de l'adhésion à
l'Union européenne. C'est à dire que nous analysons le
comportement des différents groupes face à l'ouverture
commerciale à l'Europe (incluant donc une baisse des droits de douanes
face au « deuxième pays » de l'analyse
traditionnelle) et ceci en estimant qu'avant ce moment donné , il
n'existe aucune relation commerciale entre ces deux entités. Cette
simplification permet de mieux appréhender les comportements. Nous
gagnons donc en compréhension pour deux raisons :
- d'une part nous n'étudions que l'ouverture (et pas
les autres mesures liées à l'adhésion) Ce qui nous permet
d'éviter un certains nombre d'écueils. Dans le cas des
agriculteurs par exemple, si nous avions pris en compte la globalité des
effets d'adhésion à l'Union européenne, nous aurions
été confrontés à mettre en balance les pertes
liées à l'ouverture (destructions et pertes de revenu en analyse
factoriel considérant la terre comme facteur abondant en autarcie) et
les gains probables liés à l'adhésion à la PAC et
donc à l'octroi de certaines aides et par conséquent d'un calcul
différent de rentabilité pour les exploitations agricoles
- D'autre part car nous comparons une situation d'autarcie
à une situation de libre-échange total. Cette hypothèse
nous permet d'éviter les écueils liés aux situations de
départ mal définies et à l'existence de différentes
barrières non-tarifaires qui existent encore après ouverture mais
qui sont difficilement identifiables et quantifiables.
Nous avons donc effectué une simplification qui nous
éloigne de la situation réelle mais celle-ci nous permet de mieux
identifier les intérêts de chacun.
Un des problèmes qui peut-être rencontré
quand on tente de synthétiser les différentes analyses
factorielles et sectorielle est celui de l'incompatibilité des
hypothèses. En effet, comme nous l'avons déjà
souligné, alors que les approches factorielles font l'hypothèse
de mobilité parfaite des facteurs de production à
l'intérieur des pays, les approches sectorielles font l'hypothèse
d'une mobilité différente selon les facteurs
considérés. Par conséquent, :
« les coalitions n'ont plus lieu entre les
classes sociales, mais sont transversales, c'est à dire que les
intérêts peuvent diverger entre les membres d'une même
classe et converger entre les membres de classes différentes, ce qui
modifie les possibilités de coalitions. 69(*)»
Néanmoins un certains nombres d'auteurs estiment
qu'avec un horizon temporel assez long ce problème est
éludé. Ce que nous accepterons.
Aussi pour éviter le plus possible ce type de
situation, notre analyse prend en compte cinq groupes sociaux
définis très globalement. Au départ nous avions
simplement considéré les trois groupes (capitaliste, travailleur
qualifié et non-qualifié) de l'analyse factorielle que recommande
ROGOWSKI pour la période contemporaine.
Néanmoins nous avons rapidement dû y ajouter le
groupe des agriculteurs (propriétaire de la
terre) car ceux-ci occupent en Turquie encore une place considérable
même si, comme nous l'avons rappelé, cette catégorie
diminue70(*). Nous aurions
pu les regrouper avec le groupe des capitalistes en considérant qu'ils
possèdent du capital productif ; néanmoins, au vu du nombre
de propriétaires exploitants et de leur taille individuelle71(*), il semble que cette
simplification aurait trop diluer l'analyse, la rendant alors abusivement
schématique pour être lisible.
Nous avons également effectué une
séparation au sein du groupe des capitalistes
pour permettre une plus grande cohérence. En effet sans cette
séparation il est impossible de déterminer à quel terme ce
facteur été mobile. De surcroît nous ajoutons ici une
hypothèse qui consiste à supposer que dans le cadre de l'analyse
sectorielle, les propriétaires de capital financier se rapprochent plus
de l'image traditionnelle du rentier et sont donc, à l'inverse des
capitalistes détenteurs de capital productif (entrepreneur
« à la SMITH »), considérés comme
consommateurs (et non producteur- ils sont « rentier »).
Néanmoins cette distinction au sein du groupe des
capitalistes, n'aboutissant pas à des résultats probants
(indétermination), ne s'avère pas indispensable à notre
tableau synthétique et c'est d'ailleurs pourquoi nous avons seulement
sous divisé le groupe plutôt que d'en faire deux groupes distincts
comme c'est le cas pour les travailleurs.
Par ailleurs, nous estimons que les travailleurs
qualifiés dont les intérêts face à
l'ouverture divergent entre leur position de détenteur de facteur rare
qui est alors selon l'analyse factorielle protectionniste et leur position de
consommateur qui les pousse à préférer le
libre-échange, se positionnent en faveur du protectionnisme car
accordent plus d'importance à leur « non-perte » en
cas de protectionnisme (identifiée à l'aide de l'approche
factorielle) qu'à leur potentiel gain de consommateur (identifié
à l'aide de l'approche sectorielle).
Nous avons effectué ce choix en analogie avec l'analyse
institutionnelle présentée précédemment ou avec une
analyse de KRUGMAN P. ET OBSTFELD M. [2001] qui juge que les pertes
liées à l'ouverture des groupes déjà
« mal en point » sont plus considérées par
les décideurs de politiques que les gains récoltés par les
groupes déjà prospères. Ainsi nous estimons que le groupe
des travailleurs qualifié est globalement protectionniste et ceci
même s'il semble difficile de juger si cette position est
économiquement fondée car pour cela il faudrait déterminer
précisément les pertes de salaire et les gains de consommation
engendrés par le libre-échange et effectuer une mise en balance
monétaire (alors qu'il semble que marginalement une unité
monétaire peut en valoir plus qu'une autre)72(*).
Par ailleurs, nous n'estimons pas que certains groupes sociaux
ont plus de poids face aux décideurs politiques (cf. théorie du
Public choice) pour ne pas compliquer la synthèse et
éviter de faire entrer trop de données subjectives.
3.2 Tableau de synthèse des
Explications de la protection appliquées à la Turquie
Position DEMANDE par groupe dans le cas d'une explication selon
la théorie :
|
Explication
Groupes
(Appliqués à la
Turquie)
|
Factorielle
|
Sectorielle
(immobilité des facteurs)
|
Synthèse
|
Capitalistes
Traditionnellement Producteurs considéré comme les
détenteurs du capital, facteur rare.
|
Détenteur de Capital productif73(*)
(immobile à court terme)
|
Protectionniste
|
Protectionniste74(*)
|
Protectionniste
|
Détenteur de Capital Financier
(mobile à tous termes75(*))
considéré plus comme consommateur que
producteur
|
Protectionniste
|
Libre-échangiste
|
Nécessite une analyse plus précise
|
Travailleurs qualifiés
Traditionnellement consommateurs
Détenteurs d'un facteur rare.
|
Immobile à court terme
|
Protectionniste
|
Libre-échangiste
|
Protectionniste
|
Travailleurs non-qualifiés
Traditionnellement consommateurs Détenteurs d'un facteur
abondant.
|
Mobile à tous termes
|
Libre-échangiste
|
Libre-échangiste
|
Libre-échangiste
|
Agriculteurs76(*)
Traditionnellement producteurs
Détenteur de la Terre, facteur
abondant77(*).
|
Immobile à tous termes
|
Libre-échangiste
|
Protectionniste
|
Protectionniste
|
Tableau de Synthèse des Explications de la protection
appliquées à la Turquie.
3.3
Enseignements
Au terme de cette synthèse très caricaturale
qui, rappelons le encore, ne prend en compte que les effets de l'ouverture
commerciale à l'Europe, on se rend compte que
théoriquement et globalement (colonne de droite):
- trois groupes sur cinq ont
intérêt au protectionnisme,
- un à l'ouverture
commerciale à l'Union européenne,
- un reste
indéterminé.
La conclusion que l'on peut donc tirer de cette approche n'est
pas évidente pour différentes raisons :
- Tout d'abord, il reste le problème des capitalistes
(assimilés au groupe TüSIAD) que nous avons déjà
soulevé et qu'aucune analyse ne permet d'intégrer. Ce groupe a
une grande importance d'une part car il représente un
« poids » important du point de vue électoral et
d'autre part car si l'on montre qu'il est théoriquement en faveur de
l'ouverture, alors les désirs se rééquilibrent (nous avons
deux groupes pour et deux groupes contre l'ouverture) et l'application de
l'ouverture devient plus compréhensible en terme de coalition.
- Ensuite, le statut des travailleurs du secteur agricole pose
problème dans la mesure où c'est l'hypothèse de
départ qui les classe indépendamment ou parmi les travailleurs
non-qualifiés qui fera de ce dernier groupe le plus nombreux ou non.
- Enfin, il ne semble pas être du ressort de
l'économiste de juger si le gain de certains compense la perte d'autres
(et de surcroît de voir si le bien-être marginal engendré
par le gain est supérieur au bien-être marginal détruit par
une perte).
Il en reste tout de même que de s'ouvrir à
l'Union européenne semble satisfaire moins de groupes que le fait de
rester en autarcie. En prenant en compte les explications factorielles et
sectorielles, la Turquie devrait donc théoriquement
rester fermée à l'UE. Aussi il se peut que prendre en compte le
côté de l'offre de protection soit pertinent car on constate alors
que la demande « exaucée » est celle du groupe qui
tend à représenter la majorité de la population78(*) soit, à peu de chose
près (dans une république démocratique comme la Turquie)
la majorité des électeurs.
De surcroît, si l'on considère qu'à la
marge le gain de bien être lié à l'amélioration des
revenus est décroissante, le choix d'ouverture semble rester optimal
dans la mesure où le groupe appelé à
bénéficier d'un gain ( les travailleurs non-qualifiés) est
le groupe originellement « défavorisé ».
Nous avons donc montré dans ce chapitre que
l'idéal théorique est le libre-échange (ouverture au monde
dans un cadre mondial et ouverture à l'UE dans un cadre
européen). De plus nous avons vu qu'à priori plus les pays sont
différents et plus l'intégration favorise la
spécialisation des économies et donc une utilisations plus
efficaces des ressources.
Le libre-échange entre pays inégalement
développés est donc bénéfique et donc
l'intégration de la Turquie à l'UE devrait théoriquement
être bénéfique.
Nous avons néanmoins relativisé cette conclusion
théorique en montrant que toutes les décisions profitent plus
à certains groupes (voire même dégrade la situation
d'autres) s'il n'y a pas de redistribution
Dans cette perspective nous avons cherché dans le cas
de la Turquie, théoriquement quels étaient les
intérêts suivis par le biais de la politique régionaliste
européenne et aussi au détriment de qui s'imposaient-ils. Et nous
avons estimé que l'ouverture à l'Europe permettrait aux
travailleurs non-qualifiés d'être
bénéficiaire d'un gain au détriment des autres groupes.
Néanmoins ce choix semble rester optimal dans la mesure où ce
groupe est appelé à être le plus lourd quantitativement et
que nous estimons qu'à la marge un gain pour ce groupe
« défavorisé » est largement supérieur
à la perte à la marge des autres groupes.
En conclusion, l'ouverture commerciale à l'UE
semble être optimale dans l'optique d'étude de ce premier
chapitre.
-
CHAPITRE 1 CHAPITRE 2 Optimalité de l'Union
douanière réalisée entre la Turquie et l'Union
européenne et perspectives de dépassement.
L'intégration régionale lie
des pays proches géographiquement ayant des flux de commerce importants.
Les accords passés favorisent encore plus le commerce régional
mais engendrent aussi une intensification des flux d'investissement direct, de
capitaux financiers... Une pression s'exerce alors pour stabiliser les taux de
change. On recherche des changes fixes ou on va comme en Europe jusqu'à
l'Union monétaire.
Les intégrations régionales se multiplient et
s'accélèrent depuis la fin des années 1980 : en
Amérique du Sud apparaît le MERCOSUR, en Asie l'ASEAN et autour
des États-Unis, l'ALENA. Chaque pays développe autant que faire
se peut des accords préférentiels avec ses voisins. La Turquie
joue elle aussi sur plusieurs tableaux. En effet, elle est engagée
à un certain degré dans l'Union européenne et cherche
d'autres liens privilégiés avec ses autres voisins79(*). Une analyse attentive
révèle que la Turquie développe différents liens
économiques de manière complémentaire et non comme
substitut à l'UE. Ces liens sont établis en fonction de deux
facteurs :
- Tout d'abord il s'agit de répondre à
l'objectif d'accroissement des exportations devenu prioritaire avec le passage
d'une stratégie de croissance à orientation interne à une
stratégie de croissance à orientation externe.
- Ensuite, il s'agit de se prémunir contre les
éventuels ralentissements de la demande extérieure dans certaine
zones (une sorte de diversifications géographique des risques). Et ceci
pour mieux exploiter ses avantages comparatifs et de bénéficier
des atout que lui procure sa position géographique sur les
marchés non protégés situés à sa
proximité, comme en témoigne la position intermédiaire que
la Turquie occupe dans la hiérarchie da la division internationale du
travail. En effet alors qu'en 1995, la Turquie dispose d'un avantage
comparatif80(*) pour 23
produits sur 62 toutes zones confondues, ce chiffre passe à 18 si l'on
ne l'applique qu'à la zone de l'UE, à 22 vis-à-vis du CAEM
et 57 vis-à-vis du Moyen-Orient81(*). Ces caractéristiques confirment la
complémentarité et la diversification géographique par
rapport à l'intégration européenne.
Néanmoins l'essentiel des flux commerciaux de la
Turquie se passe avec l'UE dans le cadre de l'union douanière.
On peur tirer deux réflexion de cette orientation
régionaliste de la Turquie :
D'une part, on peut se demander s'il
peut-être optimal théoriquement de suivre une politique de
libre-échange régionale à l'heure actuelle pour la
Turquie sachant que le libre-échange généralisé
à tous les pays (ouverture multilatérale) permet de plus se
rapprocher de l'optimum parétien que le libre-échange
régionale (ouverture préférentielle à un groupe de
pays)?
Rappelons que dans le premier chapitre nous avions
présenté distinctement que, d'une part le libre-échange
conduisait à l'allocation optimale des ressource et un gain de
bien-être par rapport à la situation d'autarcie dans un cadre
multinational, et que d'autre part nous acceptions ce même raisonnement
pour le libre-échange régionale versus la fermeture commerciale
du pays. Nous n'avions par contre pas comparé ces deux situations.
Or, si l'on met en balance les gains du libre-échange
régionale face à ceux du libre-échange régional, il
existe un débat. Certains voient dans ce mouvement d'intégration
régionale une opposition ou une alternative à la dynamique de la
mondialisation, une échappatoire à une évolution
semble-t-il inéluctable depuis la fin du monde bipolaire. D'autres,
à l'opposé, pensent déceler dans ces accords
régionaux une démarche libérale82(*) qui est partie
intégrante de la mondialisation et qui n'est donc pas contraire aux
démarches multilatérales poursuivie au sein de l'OMC et qui ne va
donc pas à l'encontre des effets bénéfiques du
libre-échange décris dans notre premier chapitre.
Par ailleurs, l'analyse économique n'admet pas que la
voie de l'intégration régionale procure un bien-être
général égal ou supérieur à celui atteint
par un libre échange mondial non discriminatoire. Au mieux certaines
théories admettront que le régionalisme puisse élever le
bien-être de ses participants ou même du monde mais ce sera
toujours un optimum de second rang. Dans cette optique, il semble alors que
pour notre cas d'espèce, la Turquie ne devrait théoriquement pas
s'intéresser au libre-échange régional et concentrer
uniquement ses forces sur le libre-échange multilatérale par le
biais de l'Organisation Mondiale du Commerce puisqu'elle a ratifié les
accords du GATT dès 1951 et qu'elle est membre de l'OMC.
Néanmoins, la Commission européenne admet que :
« (...) avec l'entrée en vigueur de
l'union douanière le 31 décembre 1995, la Turquie a aboli les
droits de douane et les charges d'effet équivalent, les restrictions
quantitatives ainsi que les mesures d'effets équivalent sur les produits
industriels importés en Turquie en provenance de la Communauté.
Elle a déjà rempli la plus grande partie de ces obligations
concernant l'harmonisation et la législation douanière, y compris
le tarif extérieur commun. Selon un rapport récent de l'OMC,
l'entrée en vigueur de l'union douanière a, en
général, amélioré l'accès au marché
turc pour les pays tiers. » (Agenda 2000 Elargissement -rapport
régulier 1998 de la commission sur les progrès
réalisés par la Turquie sur la voie de l'Adhésion.)
De ce point de vue donc on ne peut pas reprocher à
l'adhésion turque à l'Union douanière d'éloigner la
Turquie de ses engagements au sein de l'OMC, bien au contraire. Il ne semble
donc pas que l'intégration à l'UE soit un substitut au
libre-échange multilatéral. Elle permettrait même
d'accélérer l'ouverture commerciale de la Turquie au reste du
monde.
D'autre part, comme nous l'avons
déjà souligné en introduction la participation à
l'Union douanière confère un certain nombre de contraintes
à la Turquie dont celle de ne pas passer d'autres accords commerciaux
préférentiels. En effet, la Turquie n'a pu voir aboutir sa
stratégie commerciale avancée avec ses voisins de la mer Noire
car ces accords avec l'UE l'en empêchaient.
L'idée est donc de savoir si la Turquie pourra retirer
un bilan positif de son adhésion à l'UE.
Nous verrons pour vérifier l'intérêt du
régionalisme (et l'intérêt probable de la Turquie
vis-à-vis de l'U.E qui en découle), dans un premier temps la
théorie classique des arrangements régionaux qui ne prend en
compte que les effets statiques des accords de commerce régionaux sur le
bien-être général, c'est à dire leur impact sur le
niveau de richesse (section 1). Nous verrons ensuite que la nouvelle
économie internationale a montré qu'il existe un certains nombre
d'effets dynamiques c'est à dire des effets qui n'influent pas une fois
pour toutes sur le niveau de bien-être mais qui provoquent durablement un
changement de rythme de croissance, qui peuvent changer les conclusions des
conséquences des accords de commerce régionaux et ceci notamment
dans le cas de notre question quant à l'a poursuite de l'adhésion
turque à l'UE (section 2). Enfin, cette réflexion nous
emmènera à exposer les mécanismes d'ajustements qui sont
nécessaires pour que la poursuite de l'intégration engendre les
effets positifs escomptés (section 3).
SECTION 1 Analyse
statique
Pour évaluer les coûts ou
bénéfices de l'Union douanière réalisé entre
l'UE et la Turquie en terme statique nous allons évaluer s'il y a
détournement ou création de commerce. C'est cette théorie
de Jacob VINER qui prend en compte les effets de création et de
détournement de commerce que nous commencerons par exposer (1.1). Nous
tenterons d'en faire le bilan pour la Turquie par le biais d'un modèle
afin de déterminer que dans ce cas précis, il y a effectivement
détournement de commerce.
1.1 Le modèle de J. VINER
Historiquement les accords d'intégration
régionale ont été considérés longtemps comme
des accords de libre-échange et donc la question de savoir s'il
était cohérent de passer de tels accords, ne se posait pas. Par
exemple la volonté « libre échangiste » du
XIXème siècle est souvent illustrée dans les ouvrages
généralistes, par l'accord Cobden-Chevalier82(*) qui n'est autre qu'un accord
commercial préférentiel entre pays voisins.
Par la suite, conséquemment à la crise des
années 1930, les grandes puissances se sont repliées sur leurs
empires coloniaux en passant, dans un certain nombre de cas, des accords
préférentiels. Cette
« hérésie » fut dénoncée dans
l'après-guerre par le multilatéralisme affirmé par les
accords de Bretton Woods de 1944 puis par la clause de la nation la plus
favorisée (NPF) du GATT. A cette époque, il fallait
empêcher les pays de renouer avec les accords préférentiels
et atteindre par tous les moyens l'optimum libre-échangiste de la
théorie néoclassique dans un cadre international, exposée
dans le premier chapitre. Mais la guerre froide, en projetant une menace
communiste sur l'Europe, permettra aux accords de libre-échange et
d'Union douanière de subsister en les insérant dans une clause
d'exception (article XXIV du GATT).
C'est pourtant à cette même époque que se
développa la théorie de l'intégration commerciale dite
« moderne » qui affirmait que du fait de leur
caractère préférentiel et donc discriminatoire les accords
régionaux de libre-échange étaient néfastes pour le
reste du monde. Elle allait même jusqu'à assurer que
l'amélioration de la zone qui se formait n'était pas certaine.
En effet, c'est au milieu du vingtième siècle,
que l'analyse devenue classique, le modèle de Jacob VINER [1950],
démontra que les accords entre nations voisines83(*) en plus d'être
« créateurs » de commerce à
l'intérieur des zones, engendraient des
« destructions » de commerce. Cette remarque de VINER
est toujours à la base de l'analyse critique des accords de commerce
préférentiels. Elle vaut donc la peine d'être
exposée pour comprendre si la Turquie a intérêt à
adhérer à l'Union européenne.
Le modèle de VINER repose sur la théorie
conventionnelle des avantages comparatifs que nous avons exposés,
avantages qui justifient le libre échange par le gain des
consommateurs : les importations poussent les économies à se
spécialiser et donc, la spécialisation engendrant la
compétitivité, à commencer à exporter. La balance
entre importations et exportations s'étant équilibrée, il
ne reste du libre-échange qu'une baisse générale des prix
bénéficiant à tous les consommateurs quel que soit leurs
pays d'origine. Et plus il y a de sources d'approvisionnement, plus le pays se
spécialisera et donc plus ces gains seront importants.
Appliqué à une comparaison entre une situation
initiale de protection générale du marché et une situation
d'Union douanière, le modèle démontre deux points
importants :
- Premièrement, les zones de libre échange
seront toujours moins efficaces au niveau économique
que le libre-échange mondial. En effet, intuitivement si l'on compare
les gains pour les consommateurs d'un échange sans entrave à deux
et donc d'une spécialisation limitée, ils seront moindres que
dans le cas d'échange sans entrave entre tous les pays et avec une
spécialisation accrue.
- Deuxièmement, VINER affirme que l'issue d'une
Union douanière est incertaine car les effets de
« détournement de commerce » peuvent
être équivalents ou supérieurs aux
« créations ». Il entend par
création de commerce, le fait que l'on passe à une source
d'approvisionnement dont le coût est moindre, suite à la
suppression des droits de douanes entre deux États dans le cadre
d'accords préférentiels. Alors que le détournement des
échanges signifie que l'accord a incité les pays à se
fournir, non plus auprès de pays non-membre compétitifs mais
auprès de pays membres moins efficaces. Ces pays sont
« choisis » car leur prix est moindre
consécutivement aux différences de taxation douanière. Le
détournement des courants d'échange est donc globalement une
dégradation des termes de l'échange due au changement des sources
d'approvisionnements.
Donc selon ces définitions, l'accord de commerce
régional va pouvoir engendrer deux situations
différentes :
- i) Si au niveau des blocs régionaux, les
échanges supplémentaires qui ont lieu constituent, en
majorité, une création de commerce (il y a prédominance
de la création sur le détournement) alors, ou l'un des membres du
groupe doit en tirer profit, ou les deux peuvent en tirer profit. Globalement
le groupe et le monde entier dégagent un bénéfice net.
Mais le reste du monde y perd.
- ii) Par contre, dans l'autre situation où au niveau
des blocs régionaux, les échanges supplémentaires qui ont
lieu ne sont pas créateurs de commerce mais remplacent plutôt un
commerce existant au détriment de pays extérieurs au bloc
(détournement de commerce), on constate que l'efficacité
économique dans le monde diminue. De plus, VINER nous montre que dans ce
cas l'établissement du libre-échange entre les deux nations
conservant une protection douanière à l'égard des autres
pays, c'est à dire provocant en général des
détournements conséquents, peut appauvrir ces mêmes nations
prises globalement au lieu de les enrichir. En effet, la conclusion de Viner
est sans appel :
« Si le détournement des courants
d'échanges est prédominant, l'un des membres au moins, y perds
forcément, les deux pris ensemble auront une perte nette, et le reste du
monde ainsi que le monde tout entier y perdront »84(*)
En conclusion, on peut se dire que si la Turquie est dans la
première situation -i (plus de création que de
détournement) alors l'intégration est
« égoïstement » bénéfique et
souhaitable pour son pays alors que dans la seconde situation -
ii ( plus de détournement que de création)
l'intégration régionale à de forte chance d' être
à proscrire car soit la Turquie, soit l'UE, ou soit les deux ont une
perte nette.
Nous allons donc chercher maintenant plus
précisément dans quel cas se trouve la Turquie.
1.2 Application
à la Turquie
Nous allons pour cela tenter d'appliquer ce modèle
à la Turquie dans le cas de son adhésion à l'Union
douanière.
Pour mieux appréhender le bénéfice ou la
perte nette de l'intégration en terme d'effet statique on propose un
modèle à deux pays85(*) (TURUNÇ G. [2001]) : T (Turquie) et E
(ensemble des pays de l'Union européenne). M représentera le
reste du monde. T étant importateur net des exportations de E ou M .
Di et Si, i = T, E, T+E,
désignent les fonctions de demande et d'offre.
T+E représente l'Union douanière formée
par T et E.
L'égalité de la consommation et de la production
mondiale nécessite que :
CT + CE + CM = QT
+ QE + QM avec Ci
représentant la consommation du pays i et Qi la production du
pays i (i = T, E, M)
1.2.1 Situation de
libre-échange intégrale (sans tarif douanier)
Les offres d'exportations et les importations se
déterminent comme suit :
- à partir de l'excès d'offre par rapport à
la demande étrangère :
EXPE = QE - CE = CD (voir
graphique 1.)
- à partir de l'excès de la demande par rapport
à l'offre étrangère :
IMPT = CT - QT = AB
L'égalisation de la consommation et de la production
mondiale implique lors qu'il y ait égalisation des importations de T et
des exportations de E et de M vers T :
CT + CE + CM = QT +
QE + QM IMPT = EXPE +
EXPM
Graphiquement, cela donne que si le prix mondial est PM, la
demande de T+E est servi pour une part par l'union
(représenté par le segment EF - graphique 1. page suivante)
Et pour une autre part par le reste du monde ( segment FG)
source : TURUNÇ G. [2001]
Graphique 1. Détermination de la
fonction d'exportation et d'importation dans un monde sans et avec tarifs
douaniers
1.2.2 Situation
avec la mise en place d'un tarif douanier.
Si la Turquie instaure un tarif douanier t alors le prix des
quantités importables passera de PM à P(1+t) et les
quantités échangées diminueront car la demande de T sera
plus faible.
1.2.3 Situation
d'une Union douanière avec tarif pour le reste du monde.
La Turquie met en place un tarif douanier envers les
importations en provenance du reste du monde M mais pas envers l'Europe avec
qui elle forme désormais une Union douanière.
Dans ce cas on observe une suppression des importations en
provenance du reste du monde M au profit d'une augmentation de celles en
provenance de E. La consommation de l'Union augmente :
E''G'' > E'G' (voir Graphique 2.)
La production de E augmente de manière à
compenser ce que M n'exporte plus vers T :
E''G'' > E'F' (voir Graphique 2.)
On constate une perte de revenu douanier équivalente
à EGG'E'.
Si l'on augmente le tarif t appliqué par la Turquie
à M (et pas à E) alors le coût de l'union est important. En
effet dans ces circonstances la demande pour le produit qui voit son coût
accru par le tarif douanier ne donne pas de recettes suffisantes pour compenser
la perte du surplus généralisé (surface GG''I)
Il existe donc des pertes potentielles à l'Union
douanière pour la Turquie puisque, comme nous l'avons déjà
souligné celle-ci réalise déjà plus de la
moitié de son commerce avec l'Europe86(*). Les pertes annuelles pour le gouvernement seraient
estimées entre 2,6 et 3 milliards de dollars (TURUNÇ G. [2001]).
En conséquence si l'on se limite à une approche
en terme de statique comparative à la Viner en ne prenant en compte que
les effets de créations et de détournement de commerce, il
semble que théoriquement l'Union
douanière ne représenterait aucun attrait pour la
Turquie et devrait même être proscrite. Cette conclusion
s'explique en vertu du fait que l'annulation totale des tarifs douaniers
à l'encontre des produits européens procurerait aux producteurs
de ces derniers une rente substantielle liée au détournement de
commerce.
1.2.4 Enseignements
Empiriquement, les chiffres du commerce
turco-européen récents confirment cette conclusion87(*). L'accord a globalement
profité aux pays européens dans la mesure où il a
impulsé une forte croissance des exportations intra-européenne
vers la Turquie sans pour autant provoquer une hausse du même ordre des
exportations turques vers l'UE. Entre 1994 et 1998 la part des importations
turques en provenance de l'Europe a augmenté de 5,6 points passant de
46,9% à 52,5%. En revanche la part des exportations à destination
communautaire a cru dans une moindre proportion en passant de 47,7% à
50% du total des exportations. En valeur absolue, cette progression est encore
plus marquante puisqu'on voit alors nettement le solde se creuser : les
importations turques en provenance de l'UE ont augmenté de 13
242 millions de dollars l'an (passant de 10 667 en 1994 à 24
108 millions de dollars en 1998) alors que ses exportations n'ont
progressé que de 4 803 millions de dollars l'an
(passant de 8637 en 1994 à 13 440 millions de dollars en 1998).
Néanmoins une large part de ce phénomène
de déséquilibre s'explique simplement par le fait que sur la
période considérée se sont les concessions tarifaires
turques qui se sont appliquées alors que celles de la communauté
avaient déjà produit leurs effets par le passé lors de
leur application88(*).
Mais globalement on retient d'une telle analyse que si l'on
prolonge la tendance observée, l'Union douanière entre l'Europe
et la Turquie est intenable sur le long terme dans la mesure
où la progression des importations sera beaucoup plus forte que celle
des exportations et la dépréciation réelle produite par la
suppression des tarifs douaniers restera insuffisante pour contenir la
dégradation du solde courant provoquée par le
service de la dette extérieure qui continuera ainsi d'augmenter.
Cette conclusion est corroborée par diverses
sources :
- Par la commission européenne qui fait remarquer dans
son rapport sur l'Union douanière en 199889(*) que, compte tenu de
l'adaptation des producteurs turcs face à la concurrence d'origine
communautaire sur leur marché, l'effet de création de trafic
paraissait relativement faible et l'augmentation des importations turques en
provenance de l'UE semblait plus être le fait de détournement de
trafic. De surcroît, et à la défaveur de l'économie
turque, les exportations en provenance de Turquie n'ont pas
bénéficié dans la même proportion de cet effet
d'éviction (de détournement de commerce).
- Par Deniz AKAGüL [1999] qui émet
néanmoins un bémol. Pour lui, cet accroissement du déficit
commercial provient essentiellement de deux facteurs90(*) : l'impact du
détournement de trafic d'une part et d'autre part l'existence
d'un déficit de nature structurelle lié au décalage de
développement de l'économie turque par rapport à celles de
l'UE.
En effet, le rapport de la commission sur l'évolution
des relations avec la Turquie deux ans après l'entrée en vigueur
de l'Union douanière met en exergue qu'une partie non négligeable
du déficit commercial est structurelle. L'augmentation des importations
turques serait imputable à son besoin croissant de biens
d'investissement et donc servirait directement la croissance de
l'économie à long terme. C'est à dire qu'il existe
un déficit structurel lié au retard de
développement de la Turquie mais celui-ci n'est ni
néfaste ni dangereux car il reflète le développement. Il
pose néanmoins la question de son financement et dans ce sens il peut
représenter un danger.
Ainsi on ne peut imputer tout le déficit commercial
turc aux effets de détournements de commerce provoqués par
l'Union douanière. Néanmoins il est évident qu'ils y ont
contribué en grande partie.
Des modèles de structure plus complexes (non
appliqués à la Turquie) et portant sur un plus grand nombre de
produits ont été construits, et on a pu constater que la
réalisation d'un accord commercial régional peut avoir un certain
nombre d'autres conséquences qui peuvent l'emporter sur le
détournement des courants d'échanges. MEADE [1955]91(*), par exemple, quelques
années après VINER, a complexifié l'analyse statique
à la VINER en y incluant des effets de consommation. A partir de
là, il conclut que même un détournement des échanges
est avantageux pour le consommateur92(*) qui bénéficie de
produits à moindre prix.
Il existe donc théoriquement une certaine
ambiguïté quant à la conclusion de l'analyse en termes
d'effets statiques. Mais appliquée à la Turquie elle semble nous
indiquer que les échanges Turquie-UE engendrés par l'Union
douanière sont plus des détournements que des créations de
trafic et que donc le bilan en terme de bien-être est négatif.
A l'aide de cette analyse on affirme donc que si la Turquie
n'avait pas encore entamé son intégration au sein de l'UE et
qu'elle ne cherchait qu'à atteindre le stade de l'Union
douanière, cet objectif lui serait
déconseillé.
Cependant, il faut garder à l'esprit que la
littérature traditionnelle que nous avons utilisée étudie
les réductions des droits à l'importation. Par exemple VINER
étudie les effets de l'Union douanière. Or notre question
concernant la Turquie consiste aussi à savoir si elle à raison de
s'intégrer plus profondément avec l'UE sachant qu'elle a
déjà atteint le stade de l'Union douanière.
L'intégration plus poussée consistera alors essentiellement en
l'élimination de barrières non-tarifaires (venant de normes
techniques et sanitaires, ou des possibilités d'action antidumping.
« Bien que, comme le montre BALDWIN et
VENABLES93(*), l'évaluation économique des
barrières non tarifaires puisse s'analyser à travers une lecture
de l'approche traditionnelle revisitée, l'économie de
l'intégration [dans le cas du dépassement de l'Union
douanière] doit être abordée à travers ses
effets sur la concurrence et les approches analytiques basées sur la
concurrence imparfaite. » (BUIGUES P.-A. et MARTINEZ-MONGAY
C.[1999], p.84)
L'analyse en terme dynamique devient donc incontournable pour
s'interroger sur l'optimalité d'une intégration plus aboutie que
l'Union douanière.
Cette analyse montre en effet qu'il existe des effets qui
n'influent pas instantanément et une fois pour toutes sur le niveau de
bien-être mais provoquent un changement durable du rythme de croissance
et prend donc en compte les effets d'une intégration qui dépasse
le stade de l'Union douanière.
Nous poursuivons donc notre analyse en abordant ce type
d'effet provoqué par l'intégration que nous avons regroupé
sous le nom « d'effets dynamiques ».
SECTION 2 Analyse
des effets dynamiques
Le développement de la « nouvelle
économie internationale94(*) » a permis sinon d'identifier des gains
nouveaux à l'échange, du moins de mieux identifier leur mode de
formation et leurs conséquences.
« La littérature qualifie souvent les
gains attendus de la « nouvelle » économie
internationale de gains de « dynamiques ». Ils
s'ajouteraient aux gains « statiques » de la théorie
néoclassique fondée sur une spécialisation des
économies en fonction de leur avantage comparatif. »
(SIROËN [2000], p. 41)
A partir de la prise en compte de conséquences
dynamiques apparaissant par le biais de l'intégration et du fait que le
modèle de VINER repose sur des hypothèses restrictives voire
« méthodologiquement contestable95(*) », la nouvelle
économie propose donc dans les années 1980 un nouvel examen des
effets de l'intégration régionale. Ces nouveaux modèles
réévaluent à la hausse les gains engendrés. (ce
changement s'explique notamment par le fait que les nouvelles analyses prennent
en compte, les nouveaux éléments que nous
présenterons : les économies d'échelle, la remise en cause
des monopoles et oligopoles... )
Elle considère donc que les accords régionaux ne
sont pas néfastes, bien au contraire. Il se pourrait donc que pour la
Turquie notre premier bilan statique basé sur la création et le
détournement de commerce s'avère modifié.
Néanmoins nous rappellerons que ces modèles qui
réhabilitent les zones d'intégration régionale, en
réévaluant leurs bénéfices et en minimisant leurs
effets négatifs, sont toujours en concurrence avec un courant
opposé96(*) qui les
considère toujours moins attrayants que le libre-échange
multilatéral.
A ce propos, Christian AUBIN et Philippe NOREL se posent
la question :
« Vaut-il mieux encourager des avancées
rapides mais géographiquement limitées ou privilégier des
stratégies multilatéralistes plus lourdes à mettre en
oeuvre mais qui évitent le recours à des mesures discriminatoires
entre pays ? » (AUBIN C. et NOREL P. [2000], p.120)
Pour répondre à cette question, ils empruntent
l'approche normative de KEMP et WAN (1976, 1993) qui affirme que la formation
d'Union douanière, comme celle passée entre l'UE et la Turquie,
est compatible avec un progrès vers l'optimum parétien si
celle-ci réunit les trois caractéristiques suivantes :
o La situation d'aucun membre de l'union ne se dégrade
suite à l'accord.
o Aucun pays (adhérent ou non à l'union) ne voit
ses échanges net s'avilir par rapport à la situation initiale.
o Le revenu douanier net de l'union est au moins aussi
élevé que les compensations versées aux membres de
l'union.
Ces conclusions montrent qu'en théorie un accord
régional de libre-échange peut contribuer à se rapprocher
de l'optimum parétien et si c'est le cas, l'accord est alors à
réaliser sans se poser d'autres questions. Mais il semble que dans les
faits, ces conditions sont rarement réunies.
Aussi nous allons voir que les effets de l'Union
douanière présentés jusqu'ici sont à nuancer
lorsque l'on prend en compte des hypothèses plus proche de la
réalité (2.1) et que dans le cas de l'Union douanière
entre la Turquie et l'union européenne il semble bien que cela soit
le cas (2.2).
2.1 Présentation
Il existe un grand nombre de facteurs qui sont à
l'origine des effets dynamiques. Ils sont issus du relâchement des
hypothèses du modèle HOS présenté en
première partie (Rendement d'échelle non croissant, concurrence
pure et parfaite, fixité des facteurs de production entre pays,
homogénéité des produits) En général on
retient principalement 3 effets (BENAROYA F. [1995]) :
i) Un marché plus large qui engendre des
économies d'échelle et une meilleure diffusion technologique, ce
qui permettra dans un second temps d'être plus à même
d'affronter la compétition internationale ;
ii) Une concurrence renforcée qui pousse à plus
de productivité, à une meilleure efficacité productive,
iii) Une attraction plus marquée pour les IDE car ceux
-ci deviennent plus « sûrs »97(*).
A ces trois points on peut en ajouter un quatrième
à l'instar de certains auteurs (SIROËN [1996], p. 43) :
iv) la préférence pour
la diversité des produits et des techniques. En effet, les consommateurs
qui ont une satisfaction croissante avec le nombre de variétés
proposées98(*),
accroîtront leur bien-être dans une zone régionale
intégré car la quantité de variétés
proposées aura augmenté.
Cet argument reste « subjectif et donc
difficilement quantifiable » (SIROËN [2000], p. 39) c'est
pourquoi nous ne nous attarderons pas sur lui.
Nous noterons ici que le tableau en annexe 15
récapitulant les effets escomptés du marché unique
s'applique bien à notre analyse des effets de l'Union douanière.
Il ajoute néanmoins une distinction que nous ne retiendrons pas pour
notre part : Il sépare les effets proconcurrentiels (i et ii) et
l'augmentation de la diversité (iv) de la croissance des
investissements (iii) car les premier ( i, ii et iv) sont issus de la nouvelle
théorie du commerce international et les seconds (iii) de la
théorie de la croissance endogène.
Nous allons maintenant voir plus en détails l'origine
et la portée de ces effets en rappelant que même si les approches
de la nouvelle économie internationale ont
privilégié les relations entre pays économiquement
proches, voir semblables en terme de dotations factorielles relatives, de
technique (et donc de coûts) de production, de préférence
de consommation, il n'en reste pas moins que certains aspects de ces approches
peuvent être relativement bien adaptés à des pays
différents par leur niveau de développement ou par leur
dimension. Dans la mesure où la « taille »
économique d'un pays, telle qu'elle peut être
évaluée par son PNB dépend non seulement de variables
démographiques mais aussi du niveau de développement, une
assimilation, certes approximative, mais commode sera quelquefois faite entre
la taille et le niveau de
développement.
· Rendement d'échelle
croissant
Le premier point (i) s'explique par le fait
que si l'industrie bénéficie d'économie d'échelle,
c'est à dire que les coûts moyens diminuent avec le volume de
production (une augmentation des quantités de facteurs de production
engendrera une augmentation plus que proportionnelle du volume de production)
alors l'ouverture des marchés étrangers permettra d'en augmenter
la portée.
De plus certaines industries peuvent bénéficier
d'économies dites externes, liées à la taille du secteur
et qui profitent à l'ensemble des firmes. Développer un secteur
permet en effet de former des compétences spécifiques, de
construire et développer un réseau, ce qui permet de
réduire les coûts. Les effets d'apprentissage jouent
également un rôle déterminant dans un certain nombre de
productions, car le coût moyen de production diminue alors avec le volume
de production cumulé. Et tous ces effets positifs sont croissant avec la
dimension du marché.
· Concurrence renforcée
Le deuxième point (ii) s'explique par
le fait que la libéralisation des échanges met en concurrence les
firmes nationales qui pouvaient être protégées par leur
pouvoir de monopole ou d'oligopole.
« L'ouverture remet en cause les rentes des
firmes qui se trouvaient en position dominante avant l'échange. Elle
réduit la perte sociale relative à des structures de
marché non concurrentielles où les prix, comme les coûts
sont trop élevés. Elle favorise l'amélioration de la
qualité. » (Siroën J.-M. [2000], p.40)
La concurrence au niveau régionale permet donc de
réduire les rentes monopolistiques des producteurs mais en plus elle
pousse à réduire leurs coûts en supprimant des
inefficiences ou en accélérant l'incorporation d'innovation.
· Mouvement de facteur capital
entre pays (Attraction des IDE)
Le troisième point (iii)
prévoit une attraction accrue des investissements directs à
l'étranger. Or une des questions souvent posée par la
théorie économique est celle de la substituabilité ou de
la complémentarité entre le commerce et l'investissement. Dans
les théories standards du commerce international, l'échange de
biens se substitue au mouvement de facteurs, notamment du capital. Depuis, la
théorie économique a démontré qu'il se pouvait que
deux types de flux puissent se compléter.
Or, les IDE peuvent être stimulés par
l'intégration régionale et susciter ainsi un gain durable de bien
être dans la zone. Il faut donc prendre en compte les effets
provoqués par les IDE.
Les IDE engendrent des effets positifs pour l'économie
pour diverses raisons :
- Tout d'abord car ils sont réalisés pour
influencer la gestion d'une entreprise étrangère : ils
accompagnent donc des mouvements de biens et favorisent l'exportation de
composants ou de biens. Ils permettent également le transfert de
compétences et de technologie et sont dans cette perspective
accompagnés d'un savoir-faire.
- Ensuite, car les IDE sont des transferts de capitaux. Or un
transfert de capital permet de changer la dotation factorielle du pays. Et
comme nous le verrons par la suite cela peut-être bénéfique
si l'on considère qu'il existe une différentiation verticale des
produits engendrant des spécialisations plus ou moins
avantageuses99(*).
D'autre part, les IDE ont différents types d'impacts
sur les exportations et les importations du pays d'accueil et peuvent donc
accroître le bien-être du pays en rééquilibrant son
solde commercial qui, déficitaire sur le long terme, entraînait
des déséquilibres macroéconomiques dangereux.
Il existe des effets directs qui augmentent les exportations
(MUCCHIELLI J.-L. [2002]):
- effet de plate-forme de réexportation
(réexportation vers pays d'origine de la firme ou exploitation de
marchés tiers)
- effet conquête de nouveaux marchés
(implantation est utilisée pour entrer sur un marché plus vaste
vers lequel il y aura des exportations)
Ainsi que des effets indirects :
- effet de concurrence ou de promotion à
l'exportation (la concurrence engendrée par l'IDE sur les
entreprises locales les ont contraintes à devenir compétitives
internationalement et donc apte à exporter sur d'autres
marchés)
De plus les IDE peuvent aussi engendrer des diminutions
d'importations et ceci notamment par le biais d'effets directs :
- effet de substitution aux importations ( la
production locale se substitue à l'importation en provenance du pays
d'origine)
- effet de substitution financière (l'IDE se
substitue à un investissement national ; cet effet peut par
ailleurs être nul.)
Néanmoins il existe certains effets indirects
provoqués par les IDE sur les importations qui jouent en sens inverse et
notamment l'effet de complémentarité de produits
semi-finis.
Ces trois points (i, ii et iii) sont difficilement
quantifiables et de surcroît leurs quantifications aboutissent à
des résultats qui diffèrent très grandement d'une
étude à l'autre lorsqu'elles existent100(*). Néanmoins il
s'avère que les simulations destinées à évaluer les
effets attendus d'un approfondissement des accords d'intégration
régionale conduisent toutes à réévaluer les gains
relatifs à l'échange et donc les effets de création. La
simulation pour le marché unique (rapport CECCHINI 1988) par la prise en
compte des effets de concurrence et des économies d'échelle
double les gains attendus de l'échange par rapport à une
estimation en terme statique.
En conclusion, le fait de prendre en compte les effets
dynamiques de la « nouvelle » économie
internationale conduit à réévaluer les gains relatifs
à l'échange et donc les effets de création
Dans le point suivant (2.2) nous allons tenter
d'appréhender des effets dynamiques réellement provoqués
par l'Union douanière pour la Turquie. Nous n'avons malheureusement
trouvé aucune estimation globale satisfaisante (2.2.1).
Néanmoins, en ce qui concerne le point iii, bien que
sachant la théorie économique standard muette sur le fait de
savoir si une Union douanière permettra de provoquer un retournement
significatif dans les flux d'entrées de capitaux, nous pouvons retenir
un certain nombre d'informations plus précises et récentes pour
la Turquie (2.2.2). Enfin, cette réflexion sur les IDE nous
amènera à réfléchir sur les effets de la
crédibilité et de la confiance (2.2.3). Nous
tenterons alors de dresser un bilan global de l'Union douanière.
2.2 Effets dynamiques pour l'Union douanière
UE-Turquie
Pour le cas de la Turquie et l'UE, selon TURUNÇ G, la
création l'Union douanière devrait se traduire comme nous l'avons
vu par des gains de bien-être et ceci grâce à quatre
points (TURUNÇ G. [2001]) auxquels nous ajouterons un dernier (en
conséquence de ce que nous avons présenté dans le 2.1)
:
i) - La suppression des droits de douane va entraîner
une baisse du prix des intrants en provenance de l'UE et donc une baisse de
prix des productions destinées au marché national et/ou à
l'exportation101(*).
ii) - Incitation des producteurs locaux à
améliorer la qualité et à réduire les coûts
par le biais des gains de productivité générés par
la protection.
iii) - La non-émergence de monopoles domestiques
réducteurs de bien-être.
iv) - La lutte contre les activités improductives
(disparition des firmes les moins compétitives) et contre le
rent-seeking (recherche de rentes).
Ces effets peuvent être « globalement
significatifs » et donc faire pencher le bilan de la création
de l'Union douanière mais ceci uniquement si au moins
deux conditions sont présentes :
- Il faut qu'il y ait un accompagnement du
démantèlement douanier par une politique macro-économique
adéquate et efficace ;
- Il faut que l'économie du pays candidat à
l'Union douanière entame une reconversion réussie, c'est à
dire qu'elle anticipe les chocs et qu'elle mute dans le sens de la construction
d'avantages comparatifs dynamiques sur la base des potentiels de connaissance
et de technologie qui lui fourniront la croissance et la
compétitivité nécessaire viabilité de son
adhésion à long terme.
Or ces deux conditions tentent d'être respectées
par la Turquie dans le cas de son PNAA.
De surcroît l'Union douanière devrait permettre
comme identifié au point 2.1 :
v) - Un accroissement des IDE. Ce phénomène peut
s'expliquer par deux facteurs :
- les échanges seront encore plus intensifs entre les
partenaires et donc ceci avantagera les productions implantées en
Turquie ;
- les investissements locaux s'adressent à des
marchés plus vastes et donc ils sont plus rentables et
nécessitent d'être plus nombreux.
Nous allons maintenant présenter ces différents
points ce qui nous amènera à voir l'effet de
crédibilité qu'entraîne un accord d'Union
douanière.
2.2.1 Des effets
difficilement quantifiables (i, ii, iii et iv)
Les points i), ii) et iii) ne seront pas plus
détaillés car leur quantification est très difficile.
TURUNÇ G. ([2001], lui-même, les mentionne sans les quantifier.
Il en reste que selon ce que nous avons présenté
au point précédent et suivant les analyses précises
effectuées sur d'autres pays dont notamment le Mexique vis-à-vis
de l'ALENA on peut en retenir que ces effets jouent bénéfiquement
sur le bilan.
Il existe en effet un grand nombre de tests sur les effets
attendu de l'ALENA sur le Mexique et tous les tests basés sur des
modèles dynamiques d'EGC (équilibre
général comparé) réévalue
énormément les gains comparativement aux résultats
basés sur un modèle statique d'EGC.
A ce propos concernant le Mexique dans l'ALENA, J.-M.
SIROËN souligne que :
« La prise en compte de
« nouveaux » effets (économie d'échelle et
concurrence) conduit, en général, à
réévaluer les gains relatifs à l'échange (BALDWIN,
1992 ; RICHARDSON, 1989 ; LLOYD, 1992 ; EMERSON et alii,
1989). » (SIROËN [1996], p. 48)
Cette conclusion peut être extrapolée à
l'Union douanière Turquie - UE car la comparaison UE - Turquie /
Etats-Unis - Mexique est pertinente pour au moins deux raisons :
- Le PNB/habitant de la Turquie représente 8% du
PNB/habitant du pays le plus riche de l'Union européenne et ce
même ratio est de 15% pour le Mexique dans l'ALENA102(*). Nous considérons que
ces deux ratios sont du même ordre de grandeur et donc que le même
type d'effet est à attendre lorsqu'un pays aussi décalé
économiquement rejoint un ensemble de libre-échange
régional.
- L'accord d'Union douanière Turquie-UE n'est pas plus
ambitieux que L'Accord de Libre-échange Nord-Américain et se
cantonne essentiellement à la libre circulation des
marchandises103(*).
En ce qui concerne le point iv), la lutte
contre les activités improductive et rent-seeking, on peut
mentionner qu'il est vrai qu'avant l'ouverture régionale, il existe des
restrictions commerciales qui donnent libre court à la recherche de
rente ou rent-seeking (KRUEGER [1974]).
Ce sont les tarifs douaniers, les licences et quotas
d'importation qui sont responsables de l'existence de telles rentes et qui
incitent donc certains à pratiquer des activités de lobbying pour
en profiter (voir chapitre 1).
Si la Turquie s'ouvre à l'Europe, un grand nombre des
effets pervers de la non-ouverture vont être évités et de
surcroît les activités de lobbying perdront de leur
efficacité car l'échelle européenne diminuera leur poids
et les confrontera à d'autres lobbying jouant en sens inverse. En effet,
il semble qu'au niveau européen ces activités de lobbying perdent
de leur efficacité et donc leur raison d'exister.
Par exemple, le lobby des producteurs de noisettes (dont la
Turquie est largement exportatrice), qui arrivait à
« imposer » ses préférences à l'Etat
turc, se retrouvera dans l'UE face au lobby des producteurs de pâte de
noisette et ne pourra plus « imposer » ses
préférences inefficiente pour l'ensemble.
2.2.2 Accroissement
des IDE
Il semble que dans l'Union douanière, les
investissements directs sont favorisés à court
terme parce qu'il n'existe plus d'entrave aux échanges mais par
contre il existe encore une différence de prix des facteurs encore
très marqués qui motive l'implantation des IDE.
Les investissements directs seront encore plus
favorisés à long terme dans la mesure où
les entraves aux mouvements de capitaux seront complètement
levées.
Ainsi il se peut que le taux de croissance des IDE soit
supérieur à celui du PIB. Les expérience de l'Espagne et
du Portugal viennent corroborer cette évaluation dans la mesure
où leurs adhésions ont été accompagnées d'un
accroissement substantiel des flux d'investissement direct qui s'est
avéré à certaine période supérieur à
l'augmentation de leur PIB .
La participation à l'Union douanière avec l'UE
est-elle susceptible d'attirer les IDE en Turquie comme les dirigeants de
celle-ci l'espèrent ? Ce qui est estimé c'est que
précédent des IDE américains, fortement attirés par
la CEE lors de sa création, plaide en faveur d'une réponse
positive, tout comme celui de l'élargissement à l'Espagne et au
Portugal (ANDREFF W. [2001]) ou encore comme l'afflux des IDE au Mexique suite
à la signature de l'ALENA.
Pourtant, empiriquement, on constate que les IDE sont
restés, selon le rapport régulier de 1998 de la Commission
européenne sur la Turquie, depuis le début des années 90,
relativement faibles (environ 950 millions de dollars par an soit moins de 4%
du PIB). La majeure partie du capital investi est d'origine
européenne.
Ceci peut s'expliquer par le fait que :
- le niveau d'imposition sur les bénéfices est
relativement élevé en Turquie (30%) par rapport aux autres pays
émergents. De plus la complexité du système fiscal et le
fait que la législation évolue souvent avec l'instauration de
nouveaux impôts à effets rétroactifs ne motive pas les
investisseurs étrangers à s'installer en Turquie.
- Il existe encore des secteurs non totalement ouverts aux
investisseurs étrangers (il existe des restrictions dans le secteurs de
la finance, du transport et de l'énergie mais semble-t-il que de
manière transitoire.) A ce propos la commission européenne
soulignait :
« Dans celui [le domaine] de la libre
circulation des capitaux, des restrictions importantes persistent en ce qui
concerne les IDE dans divers secteurs.104(*) »
On retiendra quand même qu'avant l'Union
douanière et à la suite d'avancée effectuées par la
Turquie durant la décennie 80 en ce qui concerne l'ouverture
financière105(*)
pour attirer des capitaux, l'afflux de ces derniers est resté faible
comparativement au potentiel d'IDE que l'appartenance au marché commun
procure. Si l'on regarde les IDE à destination des pays du sud de l'UE
(Espagne, Portugal et Grèce), ils représentent environ 1,5% de
leur PIB, alors qu'à la même période, ils avoisinent,
malgré leur croissance, à peine les 0,3% pour la Turquie.
L'effet stimulant de l'Union douanière ne s'est donc
pas fait sentir autant qu'escompté en ce qui concerne la Turquie mais il
tout de même permis une croissance plus élevé qu'avant la
création de l'Union douanière.
Nous pouvons donc estimer tout de même que, sans
l'Union douanière, la Turquie aurait bénéficié
d'encore moins d'IDE. Et que ces IDE ont des effets bénéfiques
sur la croissance du pays.
« La croissance annuelle a
bénéficié d'une reprise rapide des investissements en
partie liée aux opportunités nouvelles crées par la mise
en oeuvre de l'Union douanière ainsi que par l'ouverture des PECO et des
pays issus de l'ex-union soviétique. » (Agenda 2000 -
Commission des Communautés européennes [1998] Rapport
régulier 1998 sur les progrès réalisés par la
Turquie sur la voie de l'adhésion )
De surcroît, depuis le printemps 1999 un nouvel article
permet aux investisseurs étrangers de recourir à l'arbitrage
international en cas de différend. Aussi on peut affirmer que même
si la Turquie n'est pas totalement ouverte au capitaux, elle fait les efforts
nécessaire pour le devenir.
Quoi qu'il en soit, l'augmentation même restreinte de
l'attraction des IDE joue également positivement sur la
Turquie pour deux types de raison.
- Premièrement, les entreprises disposants de capitaux
étrangers jouent un rôle plus important que ne le suggère
la seul place des IDE dans la balance des paiements. En effet on recense 113
entreprises à capitaux étrangers parmi les 500 premières
en CA106(*). En 2000 ces
113 entreprises ont assuré 28 % des ventes, 37% des exportations, et 20%
de l'emploi des 500 premières.
Ces données sont pourtant à mettre entre
parenthèses car nous n'avons pas déterminé quelle est la
variable explicative ( y-a-t-il des capitaux étrangers investis car
l'entreprise est dynamique ou est-elle dynamique du fait de l'origine
étrangère de ses capitaux ?) Néanmoins on explique en
général ce fait par un transfert de technologie et de
savoir-faire.
- Deuxièmement, on notera un point qui dépasse
le cadre strict de effets de l'Union douanière. Ce point est rarement
souligné mais il a une importance capitale : l'accession de la
Turquie au statut de membre à l'UE lui confèrera un certain
nombre d'obligations pour libéraliser complètement les IDE dont
celui de diminuer/supprimer La Direction Générale de
l'Investissement Etranger (DGIE), organisme de contrôle opaque dit
« guichet unique », souvent sujet aux accusations de
corruption. Aussi, non seulement l'adhésion complète permettra
une augmentation en quantité des IDE, mais facilitera également
leur qualité et réduira l'existence de fonctionnaires corrompus
empêchant le bon fonctionnement des marchés.
Il existe néanmoins des effets
indésirables à l'entrée des IDE avec notamment
l'effet de complémentarité de produits semi-finis
(présenté au point précédent).
Dans un article sur l'intégration des PECO à
l'UE LEMOINE F. [2001] affirme qu'en plus de contribuer à la croissance
les IDE ont un impact macro-économique important dans la mesure
où ils contribuent également à financer le déficit
de la balance des paiements et donc ils constituent, de ce point de vue, une
forme beaucoup moins volatile d'entrée de capitaux que les
investissements de portefeuille. Néanmoins l'auteur souligne
également et c'est là où nous voulions en venir, que ces
IDE en augmentant la présence de filiales étrangères
accroît aussi la dépendance de ces pays à
l'importation car leurs productions font largement appel à des
produits intermédiaires importés. Leur activité peut alors
se solder par un solde déficitaire de leur échange avec
l'étranger.
Dans le cas de la Turquie, en effet, depuis la
création de l'Union douanière, les IDE d'une part et les
importations d'autre part, ont augmenté. Néanmoins il serait
fortuit d'affirmer que ces deux variables sont liées et il faudrait
effectuer une analyse de l'activité des firmes étrangères
sur le sol turc ainsi que de leurs flux commerciaux pour conclure clairement ce
point.
On conclura donc que, pour l'instant, et du fait de leur
« timidité » et de leurs effets ambiguë les IDE
ne jouent que peu sur le bilan de l'Union douanière mais nous voyons
déjà se profiler un potentiel dans le cas d'une
intégration plus avancée.
On note en effet que dans une logique de libre-échange,
les accords bilatéraux favorisent les investissements dans les pays de
l'Union européenne au détriment des investissements dans les pays
satellites (BALDWIN R. E. [1994]107(*)). Il est donc important dans le cadre d'une
recherche accrue d'investissements étrangers et/ou locaux de passer
à la vitesse supérieure d'intégration. Le passage à
l'intégration supérieur de la Turquie majorerait l'investissement
comparativement à ce qu'il a été dans le cadre d'accords
d'association ou de ce qu'il est actuellement dans l'Union douanière.
Cette affirmation peut-être corroborée par
l'empirie. En effet, la Grèce, très proche économiquement
mais bien plus petite que la Turquie attire plus d'IDE que cette
dernière (OPPENCHAIM S. [2000]). De surcroît en prenant l'exemple
de l'année 1999, la Grèce attire essentiellement des IDE
européens qui se destinent à divers secteurs industriels mais
aussi bancaire alors que pour la Turquie leur origine est plus
diversifiée (d'origine européenne et nord-américaine) mais
ne s'intéresse qu'a l'industrie. Pour l'instant donc la Turquie ne
figure pas encore sur la « Short-List » des pays
les plus attractif108(*)
Il y a donc un réel intérêt en ce qui
concerne l'attraction des IDE à dépasser l'Union
douanière.
De plus les problèmes pour les investisseurs
étrangers liés aux législations devraient
disparaître avec l'harmonisation qu'appelle l'intégration plus
avancée.
Néanmoins, les conséquences par exemple du
Marché unique sur les flux d'investissements directs étrangers
sont encore peu évidents (WINTERS [1996]109(*))
« Reste à savoir si une intégration
plus avancée peut stimuler les flux de capitaux vers la Turquie, comme
ce fut le cas pour l'Espagne ; la question reste ouverte. »
(AKAGüL D. [1995], p.126)
2.2.3 Accroissement
de la crédibilité et de la sécurité
Les gains potentiels d'une Union douanière dans les
travaux récents font très souvent référence au
rôle de la crédibilité. Aussi les gains
d'efficacité et de croissance attendus d'une politique de
libéralisation et d'ouverture commerciale ne se produiront et ne seront
effectifs que si le gouvernement en question semble engagé de
manière crédible dans ces politiques. Il faut que le processus
soit enclenché pour que les effets positifs se produisent. Une ouverture
commerciale irréversible serait un signal précis au secteur
privé pour annoncer que le gouvernement va suivre une politique
d'ajustement macro-économique (RODRICK [1989]) qui corresponde aux
prescriptions des institutions financières internationales ; ainsi
les investisseurs internationaux seraient plus enclin à
s'intéresser au pays.
L'engagement de la Turquie dans l'Union douanière est
bien plus crédible que son engagement au sein de l'OMC. En effet, la
Turquie est bien plus « enclenché » qu'il n'y parait
avec l'Europe car l'Union douanière dans ces termes actuels engage la
Turquie :
- d'une part dans l'ouverture commerciale et donc envoie le
signal aux investisseurs que l'ouverture est irréversible ;
- et d'autre part elle devrait garantir la solvabilité
de la Turquie grâce à l'aide financière accordée
dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen.
Même si l'aide financière escomptée n'a
pas toujours était assurée110(*) il n'en reste pas moins que sur ce point les effets
bénéfiques pour la Turquie sont plus enclins à se produire
dans le cadre de son intégration à l'Union européenne
qu'à l'OMC. Même si théoriquement l'ouverture
multilatérale devrait plus rapprocher la Turquie de l'optimum
parétien, c'est le processus d'intégration communautaire qui
semble le plus efficace, car même si sa crédibilité peut
être remise en cause elle en reste plus irréversible.
Par exemple on peut présenter le fait que, selon
certains spécialistes de l'économie turque, c'est la note de
risque attribuée à la Turquie par les agences de cotation en 1994
qui a sans conteste provoqué une dépression, l'une des plus
profondes de l'histoire économique de la Turquie (AKAGüL D.
[2000]). Ainsi dans ce cas, si la Turquie avait eu à cette époque
plus de certitudes quant à son adhésion à l'UE, cette
dernière aurait eut une note moins défavorable. L'adhésion
à l'UE permet par conséquent plus de stabilité et donc
d'éviter ou d'amoindrir les crises.
Dans le même sens, l'enclenchement crédible de
l'adhésion à l'UE, permettrait à la Turquie de
bénéficier de meilleurs taux d'intérêt pour ses
emprunts internationaux. En effet, Pour se sortir de la crise incessante qui
plonge les gouvernements successifs dans la dilemme
« stabilité-croissance » il s'agit entre autre de
sortir du cercle vicieux de la dette publique qui étouffe le potentiel
de croissance de l'économie111(*) (voir annexe 14). Ce cercle vicieux pourrait
être atténué ou brisé si la Turquie accédait
au stade de membre à part entière de l'Union européenne.
En effet comme ce n'est pas le stock de la dette112(*) qui pose problème
mais sa charge qui représente 15% du PNB soit près de 60% des
recette budgétaire ! Et comme la Turquie bénéficie,
à cause de l'incertitude crée par ces politiques
économiques, de taux d'intérêt réels excessivement
élevés (de l'ordre de 30% pour la dette à court terme qui
représente 68% du total de la dette) le rétablissement est
difficile.
L'affaiblissement de l'incertitude politique ayant pour
corollaire le rétablissement de la confiance, l'intégration plus
avancée (passage du statut d'associé à celui de membre)
permettrait à la Turquie de bénéficier de taux
d'intérêt bien plus attractif qui lui permettrait de ce sortir du
cercle vicieux. Aussi, l'accession au statut de membre de l'UE en verrouillant
l'orientation politique turque permettrait un retour de la confiance qui
enclencherait alors un « cercle vertueux ».
En résumé, la crédibilité fournie
par l'intégration à l'UE par le biais de l'Union douanière
devrait donc permettre d'augmenter le flux des prêts tout en limitant les
primes de risques pour la Turquie, donc les coûts de financement.
La sécurité joue
également un rôle important. En effet comme nous l'avons
rappelé c'est un des critère pour figurer sur la
« Short List » des pays les plus attractifs. Or la
participation à l'Union douanière est un élément
« sécurisant » qui amène donc son lot
d'avantages.
L'exemple des investissements réalisés dans le
cadre du GAP (Güneydogu Anadolu Projesi - le projet Sud-Est de l'Anatolie
qui comporte 21 barrages, 17 centrales hydroélectriques et de nombreux
système d'irrigation sur une surface égale à deux fois et
demi la Belgique) illustre la question de la sécurité pour les
investisseurs étrangers. En effet ce colossal investissement national
n'a pas provoqué le décollage économique escompté
et ceci en partie car le climat d'insécurité qui régnait
à cause du PKK a découragé l'investissement privé
(AKAGüL D. [2000]). Or, le fait d'adhérer à la
Communauté oblige la Turquie a réglé le problème
récurant de la minorité kurde. Selon certaines estimations
modérées, la confrontation armée avec le PKK aurait
engendré une perte sèche (comprenant dépenses militaires,
destructions de biens et ralentissement de la production) de l'ordre de 65
milliards de dollars depuis l'entrée en action de cette organisation en
1984.113(*)
Or, si l'Union douanière n'a pu régler ce type
de problème l'intégration plus poussée nécessite le
respect des critères de Copenhague de 1993. Le premier de ces
critères stipule que le candidat doit disposer d'institutions stables
garantissant la démocratie, la primauté de droit, les droits de
l'homme, le respect des minorités et leur protection. Aussi, la Turquie
deviendra une terre d'accueil plus « sûre » en
poursuivant son intégration et donc répondra plus aux
caractéristiques pour faire parti de la « Short
List ».
2.2.4 Influences des effets dynamiques dans une perspective
d'intégration plus poussée.
Les effets dynamiques décrits sont donc en
majorité liés au niveau d'intégration de la région.
La théorie montre que plus le degré d'intégration
régionale est élevé, plus ces effets en terme dynamique
seront marqués. Par exemple si l'abolition des barrières est
totale (on ne se contente pas que de supprimer les droits de douanes) alors les
firmes multinationales ont un contrôle moins coûteux de la
production réalisée dans les autres pays membres ; si
l'intégration régionale a atteint le stade du Marché
commun il y aura afflux d'IDE, si elle atteint le stade de la monnaie unique,
les coûts de transaction sont supprimés, ... Il y a donc une
multitude d'effets dynamiques positifs, croissant avec le degré
d'intégration. C'est pourquoi dans le cas de la Turquie il semble
déterminant de dépasser le stade de l'Union douanière afin
d'augmenter encore les effets dynamiques positifs.
Il est en effet admis114(*) que ces effets ont à long terme une plus
grande importance que les effets statiques, et qu'ils ne
bénéficient pas qu'au membres de l'accord régional ;
ils bénéficient également par effets d'entraînement
à tous les partenaires commerciaux de l'ensemble.
L'importance des effets dynamiques par rapport aux effets
statiques rejoint un autre constat : l'augmentation de la
compétitivité des firmes locales ne se passe plus en
procédant à une augmentation des barrières afin de les
préserver de la concurrence étrangère mais en leur
apportant les moyens d'accroître leur efficacité.
Il semble donc que les accords de libre-échange
régionaux sont, toutes choses égal par ailleurs
bénéfique à une nation qui les pratiques puisque au total
(effets statiques et dynamiques) les accords ont un bilan nettement positif.
Néanmoins, au vue de certain tests, une relativisation
de notre conclusion peut être nécessaire. Selon COLECCHIA A.
[1999] :
« L'intégration économique peut
influer sur la croissance de différentes manières, notamment par
les économies d'échelle qui accompagnent l'élargissement
des marchés ou par une progression des échanges intra-sectoriels
d'inputs intermédiaires, qui se traduit par une production plus
efficiente. Ce dernier canal peut se révéler
particulièrement pertinent pour une Union européenne où
les échanges intra-sectoriels sont particulièrement
développés, entre Etats membres. »
Après avoir détaillé sa démarche
pour calculer l'impact réel de l'intégration européenne
l'auteur arrive à deux conclusions dont une qui peut nous
interpeller pour notre cas d'espèce :
« (...) l'ouverture au sens multilatéral
semble favoriser dans l'ensemble la croissance en Europe, alors que le seul
effet de l'intégration régionales semble être celui
généralement dû à l'exploitation des économie
d'échelle. »
Ainsi cette étude peut mettre un bémol aux
conclusions affirmant que les effets positifs de l'adhésions à
l'Union européenne ne seraient en fait essentiellement que les effets du
libre-échange multilatéral. C'est l'ouverture
générale plutôt que les échanges
intra-régionaux qui a favorisé la croissance de l'économie
européenne115(*).
Et donc par extension on peut penser que l'intégration de la Turquie
à l'UE lui apporte également essentiellement des économies
d'échelles.
Pourtant cette limite peut être éliminée
ou du moins nuancée dans notre cas qui prend en compte
l'intégration d'un pays « moins
développé » dans une zone plus avancée. Il
semble en effet que les échange entre la Turquie et l'Union
européenne, vu l'écart de développement, soit en
majorité de nature inter-branche et non intra-branche. Aussi la
conclusion de COLECCHIA A. ne s'avère pour l'instant pas adaptée
et ne sera valable que dans un terme plus lointain.
Au vu de ce que nous avons exposé jusqu'ici, il semble
donc que la Turquie n'ait pas de raison de rejeter les accords régionaux
sous prétexte qu'ils risqueraient d'engendrer des détournement de
trafics et donc de diminuer l'efficacité économique
De surcroît le bilan des accords régionaux, qui
dans un premier temps de l'intégration pourrait pencher
négativement aux vues des effets statiques de détournement de
commerce, changerai au fur et à mesure du processus d'intégration
car celui-ci engendre des effets dynamiques croissants et penche en fin de
compte du coté bénéfique car améliore la situation
globale. En effet même dans le modèle statique que nous avons
présenté ces conclusions étaient perceptibles.
En définitive, la Turquie n'a non seulement pas de
raison de rejeter le régionalisme (l'Union douanière
déjà réalisée) mais en plus, elle a tout
intérêt à poursuivre son intégration au sein de
l'Union Européenne puisqu'ainsi, elle accroîtrait les effets
dynamiques inhérents au processus. En effet, si l'intégration
régionale a un bilan incertain dans ces premières étapes,
plus celle-ci avance plus les effets dynamiques croissent et donc son bilan est
nettement positif dans le cas d'une intégration complète.
Nous considèrerons donc, aux vues de notre
exposé jusqu'ici, que la Turquie a un intérêt certain
à poursuivre son intégration dans l'union européenne car
même si son intégration a pu jusqu'alors au pire l'éloigner
de l'optimum parétien, il n'en reste pas moins que la poursuite de cette
construction amènera son lot d'effets dynamiques (puisque nous avons vu
que ceux-ci sont croissants avec le degré d'intégration)
compensant plus que les désagréments de l'Union
douanière.
SECTION 3
Conditions nécessaires à la réussite d'une
intégration dépassant l'Union douanière
Jusqu'à présent nous avons vu que la Turquie
à un intérêt théorique au libre-échange
même si celui-ci n'est que régional. Nous avons également
vu que le bilan de l'Union douanière déjà
réalisé est mitigé : d'une part en observant les
effets statiques on conclue que la Turquie est perdante dans la constitution de
l'Union douanière et d'autre part en tentant de réaliser un bilan
dynamique basé sur des hypothèses plus proche de la
réalité, il semble que le bilan puisse devenir positif mais il
est difficile de l'affirmer clairement car ces derniers effets sont
difficilement quantifiables. Par ailleurs, nous avons observé que ces
effets dynamiques sont également croissants avec le degré
d'intégration. Aussi, il semble donc que la Turquie ait
intérêt à dépasser le stade de l'Union
douanière et poursuivre son intégration pour profiter de ces
effets stimulants.
En ce qui concerne une intégration plus
poussée, lors du passage de l'Union douanière au marché
unique la commission européenne et les pays y participant se sont
questionnés pour connaître les avantages d'une intégration
plus poussée. Ils ont alors estimé que le passage de l'Union
douanière au marché unique devait dynamiser la croissance de
l'Union européenne116(*). Les gains d'efficacité entraînant une
hausse de revenu, les investissements et la croissance en seront
stimulés. En plus, comme les coûts de production et de diffusion
de l'innovation sont amortis sur un marché plus vaste, il y aura
croissance accrue sur le long terme. Enfin, du fait que l'environnement
réglementaire soit prévisible et homogène d'une part, et
que l'accès au marché est plus aisé d'autre part, le
marché est plus attractif pour les IDE. On peut donc conclure que cette
constatation est également valable pour le passage de la Turquie de son
actuelle Union douanière avec l'Europe à une intégration
plus poussée.
D'ailleurs, en suivant un raisonnement classique, sur le long
terme, la Turquie va, en poursuivant son intégration au sein de l'UE,
accomplir des changements structurels durant sa période de rattrapage
par rapport aux autres pays de l'UE. En effet, le rattrapage se traduit dans
les faits par des gains de productivité et donc des hausses de revenus.
Cette mutation se réalisera par le biais soit :
- des variables monétaires (taux change, taux
d'intérêt)
- de la sortie de facteur travail (migration de
main-d'oeuvre)
- de l'entrée de facteur capital (investissements
directs).
Par le passé se sont les deux premières
possibilités qui ont dominé. On note en particulier les
mouvements migratoires de la main-d'oeuvre qui ont joué le plus grand
rôle. Ce que nous allons maintenant voir.
3.1 Mouvements migratoires de main-d'oeuvre
Les mouvements de main-d'oeuvre turque vers l'UE ont eu une
importance cruciale durant la première phase d'association (1965-1972).
En effet selon Deniz AKAGüL [1999] 117(*) les mouvements de main-d'oeuvre auraient
joué :
« (...) un rôle important dans les
équilibre macroéconomiques en Turquie, en atténuant non
seulement les tensions exercées sur le marché de l'emploi mais
aussi la contrainte extérieure par les fonds qu'ils ont
engendrés. »
En ce qui concerne les tensions sur le marché de
l'emploi et selon les calculs de ce même auteur (AKAGüL D. [1995]),
les flux migratoires aurait résorbé un cinquième du
surplus de main-d'oeuvre « officiellement
recensé » en Turquie. Il y a certes eu, dans ce mouvement
migratoire, une sortie de main-d'oeuvre qualifié qui manque
certainement au pays ; néanmoins cette migration a joué
positivement sur le plan quantitatif118(*).
De plus, ces travailleurs, une fois expatriés, ont
envoyé des fonds à leurs proches en Turquie. Ces envois de fond
ont certainement joué un rôle important en ce qui concerne la
diminution de la contrainte extérieure car ils représentaient
environ 2% du PNB durant la décennie 80. Ils ont donc compensé
une part du déficit d'épargne interne, en permettant à la
Turquie de financer son déficit commercial vis-à-vis de l'UE.
(à ce sujet pour des données chiffrées voir annexe 12).
En conclusion, les mouvements de main-d'oeuvre turque ont
joué un rôle déterminant pour deux raisons : ils ont
permis la diminution du facteur travail et ils ont engendré une
entrée de facteur capital.
En 1988, le premier ministre turc de l'époque, Turgut
ÖZAL, indiquait déjà que :
« Si nous entrons dans le marché commun -
(...) qui est l'un des buts de la CEE - notre industrie
connaîtra des problèmes et nos importations augmenteront. Cela
devrait être compensé par le libre mouvement des travailleurs
turcs. Le traité de Rome prévoit que trois éléments
doivent circuler librement dans l'Europe unie : les biens, le capital et
la Force de travail, afin de créer un large marché des
marchandises et du travail qui doit déboucher sur une situation
économique beaucoup plus saine. Si l'on interdisait la libre circulation
aux Turcs, cela déboucherait sur le contraire : l'augmentation des
importations ne serait pas contrebalancée 119(*)».
Turgut ÖZAL était lucide en tenant ces propos qui
restent d'actualité. La situation économique de la Turquie
dépend des mouvements de facteur. Or l'ajustement par les migrations de
main-d'oeuvre est remis en cause depuis le milieu des année 70 car
l'augmentation du chômage dans les pays européen les a conduit
à fermer leurs frontières à la main-d'oeuvre
étrangère et même à remettre en cause la libre
circulation des personnes avec la Turquie envisagée dans le
traité d'Ankara à une époque où les principaux pays
de l'UE connaissaient une pénurie de main-d'oeuvre.
En effet un avis de la Commission indique que :
« l'accès de la main-d'oeuvre turque au
marché du travail de la Communauté qui devait intervenir,
même si ce n'est qu'au terme d'une période transitoire, suscite
des appréhensions, en particulier tant que le niveau élevé
du chômage persistera dans la communauté120(*) ».
Il semble donc sur ce point que si la Turquie pouvait
bénéficier du même statut que les autres pays membres et
notamment sur la libre circulation de la main-d'oeuvre, elle pourrait
atténuer une partie du coût du rattrapage par le biais de
l'ajustement par l'émigration de travailleurs.
Mais même en poursuivant son intégration il est
peu probable qu'une libre-circulation effective de la main d'oeuvre soit
appliquée. Il existe déjà des problèmes au sein de
l'Union européenne pour réussir à appliquer cette libre
circulation des travailleurs entre pays de niveau de développement
égal alors nous pouvons difficilement projeter celle-ci entre pays
inégalement développés.
Nous signalerons au passage qu'à l'aide d'une analyse
en terme d'équilibre général « à la
HOS » (présenté dans le premier chapitre) si l'on tient
compte des modifications éventuelles dans les dotations factorielles de
l'économie turque alors on tire certaines conclusions. En effet, s'il y
a d'une part une diminution de main- d'oeuvre suite au flux migratoire permis
par le passage au marché commun avec d'autre part un stock de
capital constant, alors le prix des produits intensifs en
main-d'oeuvre augmenteront relativement car le salaire de la main-d'oeuvre aura
augmenté121(*).
Or la Turquie est compétitive sur des secteurs comme le
textile-habillement intensif en main-d'oeuvre. Ainsi, la perte de
compétitivité prix qui résulterait de la fuite de
main-d'oeuvre réduirait de manière considérable le nombre
de secteurs compétitifs. Mais ce sont les spécialisations souvent
qualifiées de « non-avantageuses » qui
disparaîtraient alors.
Et comme une conclusion inverse peut être établie
en considérant un afflux de capitaux (IDE) consécutif au passage
supérieur d'intégration ou un afflux de capitaux provenant des
fonds structurels européens, la Turquie pourrait alors devenir
compétitive dans des secteurs à haute technologie. C'est ce que
nous allons voir dans le point suivant.
3.2 Mouvements de capitaux
Nous venons de souligner le fait qu'un afflux de capitaux
(IDE) consécutif au passage supérieur d'intégration ou une
aide substantielle de l'UE permettrait à la Turquie de devenir
compétitive dans des secteurs de haute technologie ou du moins de se
spécialiser dans des domaines plus intensifs en Recherche et
Développement (RD)122(*).
Une augmentation du stock de capital renforcerait ainsi
substantiellement la compétitivité prix de l'économie
turque. Selon certaines études123(*) une augmentation de 10% du stock de capital, toutes
choses égales par ailleurs, permettrait de doubler le nombre de secteurs
compétitifs par rapport à l'UE.
Ainsi l'un des enseignements que l'on retire d'une analyse en
terme d'équilibre général est la nécessité
des capitaux (investissements ou aides communautaires) pour augmenter, si ce
n'est maintenir, le nombre de secteurs viables face à la concurrence
européenne et surtout permettre à l'économie turque, comme
cela est le cas dans les PECO124(*), de se spécialiser dans des secteurs plus
porteurs. Et ces investissements doivent être d'autant plus
élevés qu'il faut résorber le surplus de main-d'oeuvre et
faire face à un accroissement démographique galopant.
En effet, TURUNÇ G. ([2001], p.64) pour sa part en
tentant de dresser le bilan des coûts et bénéfices de
l'Union douanière Euro-Turque, nous rappelle que le bilan statique est
négatif et que :
« Seule une politique compensatoire efficace et
des entrées importantes de capitaux seront en mesure de rendre le bilan
positif. »
Pour notre part nous ne sommes pas aussi affirmatifs.
3.2.1 Augmentation des IDE
Empiriquement, l'ajustement par les mouvement de
capitaux est difficilement envisageable s'il reste au niveau actuel.
En effet, comme nous l'avons déjà souligné, bien que la
Turquie ait effectué d'énormes avancées durant la
décennie 1980 en ce qui concerne l'ouverture financière125(*) pour attirer des capitaux,
l'afflux de ces derniers est resté faible comparativement au potentiel
d'IDE que l'appartenance au marché commun procure. Si l'on regarde les
IDE à destination des pays du sud de l'UE (Espagne, Portugal et
Grèce), ils représentent environ 1,5% de leur PIB, alors
qu'à la même période, ils avoisinent, malgré leur
croissance, à peine les 0,3% pour la Turquie. L'effet
« revigorant » de l'Union douanière ne s'est donc
pas produit dans la mesure des espoirs en ce qui concerne la Turquie. Et ceci
s'explique pour certains par le non-ancrage de la livre turque à
l'euro126(*).
Néanmoins celui-ci aurait été difficilement tenable.
Plus que les IDE, ce sont les investissements de portefeuille
qui se sont développés avec l'ouverture financière et donc
avec eux leur coté négatif : leur volatilité . Et
c'est ce fait qui a affaiblit la maîtrise des agrégats
monétaires et qui a contribué à l'instabilité
macroéconomique qui s'est soldée par de multiple crises127(*).
Mais comme nous l'avons démontré, le
prolongement de l'intégration au sein de l'UE augmenterait l'afflux
d'IDE. En effet, la Turquie bénéficierait alors de l'effet de
confiance et de l'effet de sécurité.
Ainsi il semble que l'approfondissement de
l'intégration dépende paradoxalement du rythme de
développement de l'économie turque (qui lui-même
dépend en partie de son intégration). En effet le
développement permettrait au moins une amélioration sur deux
point cruciaux : il réduirait les pressions à
l'émigration de la main-d'oeuvre turque que craignent les pays
limitrophe de l'UE, et encouragerait les IDE européens attirés
par un grand marché solvable et « sûr ».
3.2.2 Question des transferts
budgétaires européens
Un autre moyen d'augmenter le stock de capital en Turquie
peut se réaliser par le biais d'octrois d'aides communautaires.
Les fonds structurels sont, de surcroît, un moyen
d'accélérer la convergence entre les différentes
régions de l'Europe vers une moyenne communautaire et donc
d'améliorer la cohésion. Les investissement
réalisés par le biais des fonds structurels en dépenses
d'infrastructures améliorent la croissance pour deux raisons : tout
d'abord simplement car ils provoquent des externalités positives
(amélioration du réseaux d'infrastructures physiques ou humaines)
et ensuite, car ces investissements bénéficient de l'effet du
multiplicateur keynésien.
Si la Turquie était membre à part entière
de l'UE, d'une part elle contribuerait au budget communautaire mais d'autre
part elle recevrait également une part de celui-ci sous forme de ces
fonds structurels.
En général si l'on se pose la question de
l'adhésion de la Turquie à l'UE, la question du niveau de la
contribution et de la distribution des fonds structurels est importante. Les
auteurs qui se sont penché sur ce point ont trouvé des
résultats non identique mais proches.
· D'après une étude du Centre
d'étude turques d'Essen, si la Turquie était membre de
l'Union européenne, elle aurait versé au budget européen
(pour l'année 1996 dans l'étude en question) une contribution de
1,3 milliards d'écus mais en aurait reçu 11,7 milliards128(*) (soit une contribution
d'environ 1,5% et une récupération d'environ 10%).
Néanmoins cette étude rappelle qu'en matière d'aide
financière, il existe un grand décalage entre la
réalité et les attentes.
· AKAGüL Deniz [1999] a
estimé pour 1998 que la Turquie contribuerait à hauteur de 3% au
budget communautaire (3,8 Milliard d'écus) et recevrait 10% de celui-ci
(12,1 milliards)129(*) .
· TURUNÇ Garip [2001], pour
sa part procède différemment130(*) : Tout d'abord il considère que
globalement les fonds structurels aujourd'hui versés à l'Espagne,
la Grèce, l'Irlande et le Portugal répondent à un ensemble
de finalités et de critères sont définis par le niveau de
PIB par tête (car ce dernier constitue un résumé pertinent
des critères d'attributions pratiqués par l'UE).Ensuite il estime
que dans le cadre de l'intégration de la Turquie, les politiques
communes seront appliquées dans les mêmes termes et avec les
mêmes critères que ceux actuellement en vigueur pour ces quatre
pays.
A partir de là pour estimer les fonds structurels qui
seraient alors destinés à la Turquie, TURUNÇ Garip se
réfère d'une part au rapport entre les fonds structurels
reçus chaque année par ces quatre pays et leur PIB et d'autre
part au montant moyen par habitant qu'ils ont reçu au titre de fonds
structurels. On en retire alors les deux scénarios possibles :
- si le montant alloué à la Turquie est
pratiquement équivalent aux montants reçus par les pays
actuellement bénéficiaires ( 212 euros par habitants et par an)
alors la Turquie bénéficierait du fonds de cohésion d'un
montant de 13,4 milliards d'euro par an ;
- si les fonds structurels sont plafonnés à 2,3%
du PNB (comme pour les autres pays bénéficiant du Fonds de
cohésion) alors la Turquie bénéficierait de 9,3
milliards d'euro par an.
TURUNÇ Garip prévoit ensuite découlant de
ces deux scénarios, un certain nombre de possibilités selon
divers taux de croissance estimés pour la Turquie.
En résumé, quelque soit le scénario
retenu la Turquie bénéficierait d'une aide substantielle lui
permettant de couvrir une partie du coût des mutations structurelles.
Cela implique plusieurs
remarques supplémentaires :
- tout d'abord, le montant net de transfert dont
bénéficierait la Turquie si elle était membre à
part entière de l'UE peut justifier une partie de l'immobilisme
européen pour faire avancer l'adhésion turque. Néanmoins
nous omettrons volontairement la question de savoir si une telle
adhésion augmentant jusqu'à 20% les dépenses
budgétaires de l'Union dans le scénario le plus
généreux serait souhaité par les membres de l'Union
européenne131(*),
car la n'est pas notre angle de questionnement ;
- ensuite, si ces transferts étaient réellement
effectués, cela changerait substantiellement la situation de
l'économie turque. En effet les transferts représenteraient, si
l'on se réfère aux estimations de Deniz AKAGüL, environ 5%
du PNB turc soit un peu plus que le déficit courant de la Turquie par
rapport à l'UE. Ainsi, les transferts de l'UE vers la Turquie
permettraient non seulement de combler le déficit global courant mais
aussi ils permettraient de rembourser la dette à long terme. Ainsi la
Turquie effectuerait un « bond en avant » sans
précédent. Nous pouvons alors conclure que du point de vue de la
redistribution des fonds structurels, la Turquie a tout intérêt
à continuer de frapper aux portes de l'Union.
Mais, quoi qu'il en soit, et même si l'on ne se pose
pas la question de la « volonté »
européenne, il semble que ce transfert soit utopiste dans le sens
où il représenterait 0,12%du PNB de l'UE et que le plafond des
contributions est fixé à 1,27% du même PNB depuis le sommet
européen d'Edimbourg de 1992 et que la marge inutilisée du budget
est de 0,15% prévu pour l'élargissement à l'est.
Ainsi, il semble peu probable que la Turquie
bénéficie de ces transferts pour différents types de
raisons :
- tout d'abord, la faiblesse croissante des transfert à
l'intérieur de l'Union actuelle semble présager un
relâchement encore plus marqué de la solidarité entre
pays ;
- ensuite, la solidarité budgétaire est souvent
fonction de la proximité culturelle qui ne semble par être de mise
dans le cas de la Turquie ;
- et enfin, bien que la Turquie réponde qualitativement
mieux que d'autres prétendants, elle est quantitativement trop lourde
à supporter tant sur le plan de sa population qu'au niveau de son
PNB.
On peut donc conclure sur ce point des fonds structurels que
la Turquie ne doit pas mettre en balance des hypothétiques fonds dans
son choix de continuer son processus d'adhésion car ces derniers sont
loin d'être acquis.
De surcroît, les fonds structurels ne comportent pas
que les avantages présentés au début de ce point mais
peuvent provoquer certains inconvénients :
Ces inconvénients s'apparentent au Dutch
Disease : effets pervers favorisant la concentration
régionale, perturbation des équilibres macro-économiques
par le biais de la balance des paiements, surestimation du taux de change
(diminue la compétitivité et retarde l'ajustement structurel) et
évidemment risques de corruption liés à l'ampleur des
sommes.
Un autre point qui peut être considéré
comme négatif est le principe dit de
l'additionnalité : Les Etats qui bénéficient
des fonds structurels dégagent des ressources publiques additionnelles.
Ainsi plus les fonds structurels seront importants, plus il faudra
dégager des ressources publiques à des fins de politiques
régionales et donc augmenter les dépenses. Les pressions sur le
budget de la Turquie seront considérables.
Aussi la question de savoir si la Turquie doit se diriger
vers l'intégration complète à l'Union Européenne ne
doit en aucun cas être motivé par l'attrait des redistributions
des fonds structurels communautaires car d'une part ceux-ci ne sont pas
garantis car trop substantiels dans le cas de la Turquie et d'autre part car
leur effets peuvent être négatifs.
En conclusion de cette dernière section, on peut
affirmer que si la Turquie continue son intégration au sein de l'UE (ce
qui lui est recommandé suite aux enseignements tirés des sections
précédentes), il va falloir qu'elle augmente son stock de capital
car sa main-d'oeuvre ne pourra vraisemblablement pas migrer massivement. Or,
nous avons montré que l'augmentation de l'investissement par
l'augmentation du capital ne pourra pas être financée par la
solidarité de l'Union européenne. Il faut donc que la Turquie
réussisse à attirer des capitaux étrangers productifs. Par
ailleurs nous avons montré qu'une intégration à l'UE
dépassant le stade de l'Union douanière engendre un afflux d'IDE.
Aussi, il semble qu'une certaine synergie entre intégration et afflux de
capitaux puisse s'opérer. Mais il faut que la Turquie réussisse
à assainir son économie pour que cette synergie puisse se
produire. En effet, à l'heure actuelle avec les crises
financières redondantes et une inflation difficilement "bridable", les
investisseurs étrangers sont réticents en ce qui concerne la
Turquie.
La Turquie doit donc tenter de figurer sur la
« Short-List » des pays les plus attractifs de
MICHALET que nous avons déjà mentionnée.
D'ailleurs la Turquie possède déjà pour
attirer les IDE de bonnes conditions (grand marché en croissance,
main-d'oeuvre peu onéreuse et présence d'un tissu industriel
local relativement performant). Elle n'a par conséquent encore besoin,
pour être « attractive », que d'une stabilité
de son régime politique, d'une stabilité économique, et
d'un certain « climat » autours des investissements
(règles, traditions...). Or, les critères d'adhésion de
Copenhague lui imposent de réaliser ces points pour passer au stade
d'intégration supérieur.
Cependant, MICHALET [1999] suggère qu'en plus de cela,
les pays qui souhaitent attirer des IDE prouvent leur crédibilité
et améliorent leur visibilité auprès de la
communauté des investisseurs globaux. Aussi, pour chaque Etat-Nation, il
est nécessaire de mettre en place des politiques de promotion
des investissements étrangers par le biais d'une Agence Pour
Investissement (API). Cette promotion comprend d'une part, la construction de
l'image à véhiculer pour attirer les investisseurs qui est
complexe à mettre en place et surtout coûteuse, et d'autre part
des services aux investisseurs leur permettant de minimiser leurs coûts
de transactions.
Il est donc possible et important pour la Turquie de
créer sa propre attractivité.
Conclusion
Nous avons, tout au long de ce travail, montré que la
Turquie avait un intérêt économique à
adhérer à l'UE mais à condition, d'une part, qu'elle
dépasse le stade de l'Union douanière (pour
bénéficier d'effets dynamiques croissants), d'autre part,
qu'elle bénéficie d'un accroissement de son stock de capital et
enfin qu'elle dispose d'un système de redistribution afin
d'éviter que tous les gains aillent aux mêmes individus.
Nous noterons néanmoins deux limites à cette
conclusion, somme toute très théorique.
Premièrement, nous mettons en exergue
le fait que notre recommandation de redistribution sociale semble illusoire. En
effet, on sait que l'intégration de la Turquie à l'Union
européenne suppose une convergence
« réelle », c'est-à-dire la modification de
sa structure vers un modèle européen. A cet effet, elle doit
respecter trois points importants : mettre aux normes son économie,
augmenter le niveau de vie de sa population et conduire une politique
économique qui s'inscrit dans la philosophie de l'UE à savoir
avoir des déficits limités pour assurer une certaine
stabilité de la zone. Or, il semble que ces trois objectifs soient
difficilement compatibles. Le triangle
« réformes-croissance-orthodoxie » se
révèle porteur de redoutables contradictions (MENIER N. [2001]).
En effet, la mise aux normes des différents secteurs économiques
sera, par exemple, coûteuse en termes sociaux. Comme nous l'avons
montré lors du premier chapitre, l'ouverture nécessite une
redistribution pour indemniser les « perdants ». Pourtant
les dépenses de l'Etat, qu'il s'agisse de subventions ou d'aides
sociales, conduisent à un accroissement du déficit. De
surcroît, la nécessité d'attirer les IDE bloque
également un certain nombre de réformes allant dans un sens
socialement égalitaire. La course à
l'attractivité est souvent antinomique d'Etat providence.
La vente d'entreprises d'Etat ou l'utilisation de la
« planche à billets » a certes pu limiter la
fracture sociale dans un premier temps mais la restructuration de
l'économie se poursuivant, l'Etat ne dispose plus de moyen
d'indemnisation des « perdants ». Aussi, il est judicieux
de se poser la question de savoir si, en Turquie, il n'y aura pas quelques
générations sacrifiées. Ces derniers se
désintéresseront alors du processus d'intégration qui
pourtant à long terme leur serait bénéfique.
Deuxièmement, la question des gains
de l'intégration à l'Union Européenne ne recouvre pas
celle de la convergence132(*) des économies
intégrées. Les gains, même positifs et mutuels, peuvent
accentuer la divergence s'ils sont principalement captés par les pays
les plus développés (ou la réduire dans le cas contraire).
Or, cette analyse a essentiellement démontré que
l'intégration de la Turquie à l'UE lui apporterait, en se
poursuivant, des effets positifs. Nous n'avons par ailleurs pas comparé
l'intensité de ces gains par rapport à ceux engendrés pour
les autres pays de l'Union. En conséquence, nous ne pouvons pas savoir
si la Turquie entamerait une réelle convergence ou si, au contraire,
l'écart entre les pays s'accentuerait, cantonnant la Turquie au statut
de pays le moins développé de l'UE.
Pour répondre à la question soulevée il
faudrait donc entamer un travail sur les gains économiques que l'UE
engrangerait en accueillant la Turquie en son sein et procéder à
une comparaison afin d'observer si l'intégration mènerait
à la convergence des économies comme se fut le cas pour
l'Espagne.
Cette question de la convergence est importante dans le sens
où, s'il n'y a pas convergence à long terme, l'Union avec la
Turquie ne serai pas tenable. Alors, même si les recommandations que nous
faisons dans ce travail sont fondées, elles n'en deviendraient que les
garantes de la « moins pire » des options.
Définitions des sigles
ACMD
|
ACCORD DE COOPÉRATION MUTUELLE SUR LA DÉFENSE
|
ALENA
|
ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE NORD-AMÉRICAIN
|
CAEM
|
CONSEIL D'AIDE ÉCONOMIQUE ET MILITAIRE (OU COMECON)
|
CE
|
COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE
|
CEE
|
COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE
|
EGC
|
EQUILIBRE GÉNÉRAL COMPARÉ
|
FMI
|
FOND MONÉTAIRE INTERNATIONAL
|
GATT
|
GENERAL AGREEMENT OF TARIFFS AND TRADE
|
IDE
|
INVESTISSEMENTS DIRECTS À L'ÉTRANGER
|
OCDE
|
ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT
ÉCONOMIQUE
(OECD EN ANGLAIS)
|
OCDR
|
ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT
ÉCONOMIQUE
|
OCE
|
ORGANISATION DE COOPÉRATION ÉCONOMIQUE
|
OMC
|
ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE
|
PAC
|
POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE
|
PECO
|
PAYS D'EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE
|
PHARE
|
POLOGNE HONGRIE AIDE À LA RECONCTRUCTION
ÉCONOMIQUE
|
PNAA
|
PROGRAMME NATIONALEDE L'ADOPTION DE L'ACQUIS COMMUNAUTAIRE
|
PKK
|
PARTIYA KARKERÊN KURDISTAN ( PARTI DES TRAVAILLEURS DU
KURDISTAN)
|
TÛSIAD
|
TüRK SANAYICILER VE ISADAMLARI DERNEGI
(association des hommes d'affaires et industriels turcs)
|
UE
|
UNION EUROPÉENNE
|
UEM
|
UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE
|
ZCEMN
|
ZONE DE COOPÉRATION ÉCONOMIQUE DE LA MER NOIRE
|
ZLE
|
ZONE DE LIBRE ÉCHANGE
|
Table
des matières
Sommaire ... III
Introduction
1
« Une relation tumultueuse » (
bref historique)
2
Adhérer
« complètement » à l'union
européenne ?
11
Choix et Intérêt du sujet
16
Construction.
19
CHAPITRE 1 -
Optimalité théorique de l'ouverture commerciale et
répartition des gains
23
SECTION 1 Les vertus du libre-échange
théorique
25
1.1 Les effets de l'ouverture commerciale sur
les structures productives
25
1.2 Modèle à facteur
spécifique de Samuelson et Jones
27
1.3 Le théorème
Heckscher-Ohlin-Samuelson (HOS)
30
· Le modèle Heckscher-Ohlin
30
· Les effets de l'ouverture commerciale
sur la répartition des revenus
32
SECTION 2 Déterminants du choix entre
« protection et ouverture commerciale »
37
2.1 Problématique de l'économie
politique du protectionnisme
38
2.2 L'explication factorielle
39
2.2.1 Le modèle de Rogowski
40
2.2.2 Approche factorielle comparative de
BRAWLEY
45
2.3 D'autres pistes d'explications.
46
2.3.1 L'explication sectorielle
46
2.3.2 L'explication institutionnelle
50
SECTION 3 Synthèse et application
à la Turquie.
52
3.1 Démarche et hypothèses
52
3.2 Tableau de synthèse des
Explications de la protection appliquées à la Turquie
56
3.3 Enseignements
57
CHAPITRE 2
Optimalité de l'Union douanière réalisée
entre la Turquie et l'Union européenne et perspectives de
dépassement.
61
SECTION 1 Analyse statique
65
1.1 Le modèle de J. VINER
65
1.2 Application à la Turquie
68
1.2.1 Situation de libre-échange
intégrale (sans tarif douanier)
69
1.2.2 Situation avec la mise en place d'un
tarif douanier.
70
1.2.3 Situation d'une Union douanière
avec tarif pour le reste du monde.
71
1.2.4 Enseignements
73
SECTION 2 Analyse des effets dynamiques
76
2.1 Présentation
78
· Rendement d'échelle
croissant
80
· Concurrence renforcée
80
· Mouvement de facteur capital entre
pays (Attraction des IDE)
81
2.2 Effets dynamiques pour l'Union
douanière UE-Turquie
83
2.2.1 Des effets difficilement quantifiables
(i, ii, iii et iv)
85
2.2.2 Accroissement des IDE
87
2.2.3 Accroissement de la
crédibilité et de la sécurité
92
2.2.4 Influences des effets dynamiques dans
une perspective d'intégration plus poussée.
95
SECTION 3 Conditions nécessaires
à la réussite d'une intégration dépassant l'Union
douanière
98
3.1 Mouvements migratoires de
main-d'oeuvre
99
3.2 Mouvements de capitaux
102
3.2.1 Augmentation des IDE
103
3.2.2 Question des transferts
budgétaires européens
104
Conclusion
110
Définitions des sigles
112
Table des matières
113
Annexes
115
Bibliographie
137
· Ouvrages
138
· Articles
139
· Autres périodiques et
divers :
142
Annexes
Sommaire des annexes
· Annexe 1 : Carte de la Turquie et
des pays environnants
117
· Annexe 2 : Chronologie des
principaux évènements
118
· Annexe 3 : Listes des accords
d'associations et forums de coopération économique auxquels la
Turquie participe :
119
· Annexe 4 : Population et PIB de
certains pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne
(1997)
120
· Annexe 5 : Phases de
l'Association CE-Turquie
121
· Annexe 6 : Structure par produits
des exportations turques
122
· Annexe 7 : Taux de couverture
(exportations/Importations)
123
· Annexe 8 : Ventilation
Géographique des échanges
124
· Annexe 9 : Aide à
l'Agriculture (en Turquie et dans l'UE)
126
· Annexe 10 : répartition du
PIB turc par secteur
127
· Annexe 11 :Commerce
extérieur et balance des paiements
128
· Annexe 12 : mouvement de capitaux
vers la Turquie en % du PNB (de 1965 à 1997)
129
· Annexe 13 : Chômage et
inflation (1980 - 2000)
130
· Annexe 14 : Besoin de financement
du secteur public
131
· Annexe 15 : Effets
escomptés du marché unique
132
· Annexe 16 : La Notion de zone
monétaire optimale
134
·
Annexe 1 : Carte de la Turquie et des pays environnants
Source : Dictionnaire Hachette
multimédia Encyclopédique 99 v.4 (1998).
· Annexe 2 : Chronologie des
principaux évènements
|
|
1924
|
Abolition du califat par Mustapha Kemal ATATüRK
|
1945
|
La Turquie devient membre de l'ONU.
|
1948
|
Bénéficie du Plan Marshall et
Crée avec 16 autres pays l'Organisation
Européenne de Coopération Economique (OECE) qui deviendra pas la
suite l'OCDE.
|
1949
|
Adhésion au Conseil de l'Europe.
|
1951
|
Ratification des accords du GATT
|
1952
|
Adhésion à l'Alliance Atlantique.
|
1963
(12 septembre)
|
Signature de l'accord d'association avec la communauté
dit traité d'Ankara.
(entrée en vigueur le 1er décembre
1964)
|
1987
|
Demande d'adhésion à la Communauté
européenne.
|
1995
|
Signature de l'accord d'Union douanière.
|
1999
(10 Décembre)
|
Annonce de la candidature officielle à l'Union
européenne à Helsinki.
|
|
|
|
|
|
|
·
Annexe 3 : Listes des accords d'associations et forums de
coopération économique133(*) auxquels la Turquie participe :
( Cette liste est non-exhaustive. Elle ne fait mention que des
accords et forums mentionnés dans le présent travail)
Zone de Coopération économique de la mer
Noire (ZCEMN): issue de sa propre initiative.
Crée en février 1992, officialisée le 25
juin 1992 à Istanbul par onze chefs d'Etats : turc, azérie,
arménien, russe, ukrainien, roumain, bulgare, moldave, géorgien,
grec et albanais.
But : « créer un marché et une
interdépendance économique dans la région qui
amèneraient une stabilité politique qui, à leur tour,
serviraient à maintenir la Russie hors de la
région. »134(*)
Les Etats membres en plus de la Turquie sont au premier janvier
1996 : L'Albanie, L'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Bulgarie, la
Géorgie, la Grèce, la Moldavie, la Roumanie, la Russie, et
l'Ukraine.
Association à l'Organisation de
coopération économique (OCE) réactivée
par Téhéran en 1991-1992, liant en outre le Pakistan, et
s'ouvrant aux républiques centrasiatiques
Remplace dès 1985 l'OCDR. Ces objectifs en 1985 se
cantonnent à un accord de préférences tarifaires et
à la constitution d'une Banque d'investissement et de
développement.
Organisation de Coopération et de
Développement économique (OCDR) :
Fondée en 1964 par la Turquie, l'Iran et le Pakistan.
Parmi les cinq objectifs de l'OCDR fondée parallèlement à
l'organisation militaire Cebto (Central Treaty Organization) figuraient la
libéralisation des échanges et la réalisation de projets
d'infrastructures. Néanmoins les résultats n'ont pas
été à la hauteur des ambitions. Remplacée en 1985
par l'OCE
Comité de coopération économique
et commerciale : initié par la Turquie au sein de la
conférence islamique, à laquelle elle avait adhéré
en 1976. La Turquie préside ce Comité depuis 1981.
On notera ici qu'en ce qui concerne la coopération avec
les républiques turcophone, la Turquie privilégie les relations
bilatérales avec chacune d'entre elles « pour ne pas trop
irriter la Russie dont elle craint la puissance
militaire »135(*). C'est pourquoi ceux-ci ne figurent pas sur notre
liste d'accords multipartites (plus de deux parties).
·
Annexe 4 : Population et PIB de certains pays candidats à
l'entrée dans l'Union européenne (1997136(*))
Pays
|
Nombre d'habitants
(en millions)
|
PIB par habitant
(en euros)
|
PIB par habitant
(en % de la moyenne de l'UE)
|
Union
européenne
|
375
|
19 800
|
(1)
|
(2)
|
100
|
100
|
Chypre
|
0,7
|
14 800
|
74,7
|
83
|
Slovénie
|
2
|
13 700
|
69,2
|
72
|
Pologne
|
38,7
|
7800
|
39,4
|
39
|
TURQUIE
(chiffre entre parenthèse correspond à
l'année 2000)
|
63,4
(65,3)
|
6400
(6400)
|
32,3
|
29
|
Roumanie
|
22,7
|
5500
|
27,8
|
27
|
Bulgarie
|
8,4
|
4600
|
23,2
|
24
|
Source : Banque mondiale et OCDE in TURUNÇ Garip
[2001]
et Banque mondiale, World developpement indicators 2001
in DE MONTBRIAL (sous la dir.) [2001] Ramsès 2002, IFRI,
Dunod, Paris
et Eurostat in Commission européenne [2001] Rapport de la
Commission européenne sur les progrès réalisés par
chacun des candidats sur la voie de l'adhésion, Bruxelles.
|
(1) calcule de TURUNÇ Garip pour l'année 1997.
(2) calcule de la Commission européenne pour
l'année 2000.
|
·
Annexe 5 : Phases de l'Association CE-Turquie137(*)
Phases de l'association CE-Turquie prévues
|
Phases
|
Traités
|
Entrée en vigueur
|
Objectifs
|
Préparatoire
|
Accords d'Association Accords intermédiaire
|
01/12/1964
|
Renforcement des relations commerciales138(*)
|
Transitoire
|
Protocole additionnel
|
01/01/1973
|
Libre circulation des marchandises
Libre circulation des personnes139(*)
Libre circulation des capitaux
Rapprochement des politiques économiques
|
Définitive
|
|
01/01/1985
|
Union douanière (1995)
Coordination des politiques économiques
Adhésion éventuelle de la Turquie
|
Source : AKAGüL Deniz [1995] p.113.
Nous noterons au passage que ce calendrier des différentes
phases d'association entre la Turquie et la communauté européenne
n'a en général pas pu être suivi.
- Le 25 décembre 1976, la Turquie gelait ses engagements
et obligations commerciales sous le couvert de la clause de
sauvegarde140(*), pour les reprendre seulement le
1er janvier 1988.
- La communauté européenne utilisa quant à
elle cette même clause de sauvegarde tout d'abord en limitant les
exportations textiles turques (sous couvert que celles-ci mettaient en
péril son industrie textile) puis surtout en décembre 1986 en
suspendant la libre circulation des personnes.
- Enfin, le troisième Protocole financier de 600 millions
d'Ecu (prévu pour la période 1980-1986) est demeuré
suspendu.
|
·
Annexe 6 : Structure par produits des exportations turques en 1990, 1995
et 2000.
|
Source : OCDE in FAURE F. [2002]
|
Selon l'Ambassade de Turquie aux Etats-Unis, les principaux
produits d'exportations sont :
Services :
|
Construction - transport - communication.
|
Industrie manufacturière :
|
Textile et habillement - acier - chimie - verrerie et
céramique - machine outil - électroniques - automobile - tapis -
bijou or - machine électrique - énergie.
|
Agriculture :
|
Noisettes et fruits secs - poisson - productions
végétales - agro-industrie.
|
Ressources naturelles :
|
Pétrole - métaux (fer et acier)
|
Source :
www.turkishembassy.org :
Major Export & Imports
· Annexe 7 : Taux de
couverture (exportations/Importations)
Source : Institut National des statistiques, Secrétariat
au Trésor, Banque centrale et Office nationale de la planification in
AKAGüL Deniz [2000], « L'économie turque au tournant de
l'an 2000 », Revue de l'institut International de
Géopolitique, n°69 : « La Turquie »,
avril, puf..
·
Annexe 8 : Ventilation Géographique des échanges de la
Turquie en 1994 et 1997.
Ventilation géographique des échanges
(1997)
|
Exportations en Mds de $
|
Importations en Mds
de $
|
|
1994
|
1997
|
1994
|
1997
|
Afrique
|
0,85
|
1,21
|
0,86
|
2,07
|
Moyen-Orient
|
2,09
|
2,32
|
2,53
|
3,00
|
Pays européens non membres de l'OCDE
|
0,27
|
4,15
|
0,55
|
4,38
|
Autres pays de l'OCDE
|
1,84
|
2,25
|
3,86
|
8,39
|
Pays européens membres de l'OCDE
|
8,63
|
12,72
|
10,91
|
25,49
|
Autres
|
4,39
|
2,05
|
4,53
|
2,77
|
TOTAL
|
18,1
|
24,70
|
23,27
|
46,10
|
Source :TURUNÇ [2001] et OCDE (
www.oecd.org)
(graphique de la ventilation géographique des
échanges en pourcentage page suivante)
· Annexe 9 : Aide à l'Agriculture (en
Turquie et dans l'UE)
Source : OCDE, Direction de l'alimentation, de l'agriculture et
des pêches.
·
Annexe 10 : répartition du PIB turc par secteur
|
PIB par habitant (2001 en USD) :
PIB par habitant (2000 PPA en USD) :
|
2160
6000
|
Source : DREE [Ambassade de France en
Turquie - mission économique (
www.dree.org)] indicateurs
économiques et Financiers -17/04/2002
et Commission des Communautés
européennes [2001] Rapport régulier 2001 sur les
progrès réalisés par la Turquie sur la voie de
l'adhésion, SEC (2001) 1756, Bruxelles, 13/11.
|
|
Source : ambassade de Turquie (
www.turkishembassy.org )
· Annexe 11 : Commerce
extérieur et balance des paiements
Commerce extérieur et
balance des paiements
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
Exportations (% PNB)
|
13%
|
14%
|
13%
|
14%
|
14%
|
24%
|
Importation (% PNB)
|
24%
|
25%
|
22%
|
22%
|
27%
|
27%
|
Solde commercial (% PNB)
|
-11%
|
-12%
|
-9%
|
-8%
|
-13%
|
4%
|
Bal. Courante (% PNB)
|
-1%
|
1%
|
1%
|
-1%
|
-5%
|
2%
|
· Annexe 12 : mouvement de
capitaux vers la Turquie en % du PNB (de 1965 à 1997)
|
|
|
|
|
|
1965 - 1969
|
1970 - 1979
|
1980 - 1989
|
1990-1997
|
Envoie de fonds de travailleurs turcs à
l'étranger
|
0,2
|
2
|
2,2
|
1,6
|
Investissements directs (sans bénéfices
réinvestis)
|
0
|
1,2
|
0,2
|
0,5
|
Investissement de portefeuilles
|
0
|
0
|
0,7
|
0,9
|
Autres capitaux
|
0,3
|
1
|
0,4
|
0,2
|
sources : Institut National des statistiques, Main Economic
Indicators et Banque Centrale de Turquie in
AKAGüL D. [1999]
|
· Annexe 13 :
Chômage et inflation (1980 - 2000)
Source : Institut National des statistiques,
Secrétariat au Trésor, Banque centrale et Office nationale de la
planification in AKAGüL [2000], « L'économie turque au
tournant de l'an 2000 », Revue de l'institut International de
Géopolitique, n°69 : « La Turquie »,
avril, puf.
· Annexe 14 : Besoin de
financement du secteur public (1980 -2000)
Source : Institut National des statistiques,
Secrétariat au Trésor, Banque centrale
et Office nationale de la planification in AKAGüL [2000],
« L'économie turque au
tournant de l'an 2000 », Revue de l'institut
International de Géopolitique,
n°69 : « La Turquie », avril,
puf.
· Annexe 15 : Effets
escomptés du marché unique
( résumé de la littérature par BUIGUES
P.-A. et MARTINEZ-MONGAY C.[1999] )
Cadre Théorique (1)
|
Effet
|
Impact sur les Etats membres
|
Approche traditionnelle
|
Création de commerce
|
Positif : La production domestique à
coût élevé est remplacée par des importations intra
UE à bas coût.
|
Détournement de trafic
|
Négatif : les importations extra-UE
à bas coût provenant de pays tiers sont remplacées par des
importations intra-UE à coût élevé.
|
Absence de détournement de trafic
|
Positif : Création de commerce.
|
Effet prix
|
Positif : amélioration des termes de
l'échange.
|
Changement des barrières externes
|
Création externe de commerce
|
Positif : La production domestique à
coût élevé est remplacée par des importations
extra-UE à bas coût.
|
Détournement externe de trafic
|
Positif : Les importations intra-UE
à coût élevé sont remplacées par des
importations extra-UE à bas coût.
|
Suppression de trafic
|
Négatif : les importations à
bas coût sont remplacées par des productions domestiques à
coût élevé.
|
La nouvelle théorie du commerce
international
|
Effet pro concurrentiel :
- gains d'efficacité
- Réduction des marges
- Exploitation des économies d'échelle
|
Positif : réduction des prix.
|
La diversité augmente
|
Positif : le bien être des
consommateurs s'améliore.
|
Croissance endogène
|
Croissance et investissement accrus
IDE
|
Positif
|
(1) le cadre théorique :
· L'approche traditionnelle est
fondée sur la théorie classique de l'avantage comparatif avec
marché parfaitement concurrentiel.
· L'approche fondée sur la nouvelle
théorie du commerce international introduit les effets
proconcurrentiels du commerce en mesurant la concurrence et la
contestabilité des marchés.
· L'approche fondée sur les apports de la
théorie de la croissance endogène se concentre sur les
effets dynamiques du commerce sur la croissance économique et
l'investissement.
Notons que dans notre exposé nous utilisons les termes
effets statiques pour décrire les effets de l'approche
traditionnelle et effets dynamiques pour les effets de
l'approche fondée sur la nouvelle théorie du commerce
internationale et de l'approche fondée sur les apports de la
théorie de la croissance endogène.
· Annexe 16 : La Notion de
zone monétaire optimale
( résumé DE POLLIN J.-P. [2000]
)
La notion de zone monétaire optimale (ZMO) a
été développée par MUNDELL dans les années
1960 dans le but de mettre en exergue les exigences et les conséquences
de l'introduction d'une monnaie commune dans un espace économique
donné. Selon lui, une Union monétaire n'est concevable qu'entre
pays économiquement proches de façon à ce que tout choc
asymétrique soit absorbable sans modifier les taux de change. Dans une
zone monétaire optimale on absorbera les chocs par le biais de variation
de prix et/ou de salaire, ou par des mouvements de capitaux et/ou de
main-d'oeuvre.
Un espace économique constitue une zone
monétaire optimale si l'on peut montrer qu'il se prête à
l'utilisation d'une seule monnaie. Pour le montrer, il faut mettre en balance
les avantages et les coûts :
- Les avantages sont intuitivement connus : plus une
monnaie est utilisée et sur une zone vaste, plus elle est facilement
convertible et acceptée/désirée par tous. De plus en
utilisant une monnaie commune on élimine les aléas des taux de
change.
- Les coûts sont en revanche plus difficiles à
appréhender. Globalement on peut dire que l'introduction de la monnaie
commune engendre une contrainte pour la régulation de l'économie
car on renonce aux variations de parité entre devises en se pliant
à la politique monétaire commune.
Quelles asymétries dans le comportement des
économies européennes ?
Il existe des différences de performance entre les
économies européennes (cf. Taux de croissance et taux
d'inflation). À partir de ces différences on peut classer les
pays en deux groupes à conjoncture sensiblement identique : les
pays du coeur de l'Europe et les pays périphériques.
Néanmoins une synchronisation des conjonctures entre
certains pays peut être uniquement le résultat d'alignement
volontariste et difficilement tenable sur le pays leader. Les écarts de
performances, quant à eux, peuvent être le résultat d'un
rattrapage économique. Aussi il faut être prudent lorsque l'on
observe les données économiques pour voir si des pays
appartiennent à une zone monétaire optimale.
L'endogénéité des chocs
asymétriques
Le plus souvent l'origine des asymétries entre
économies se trouve au coeur même de celles-ci. En effet de part
le fait qu'en s'intégrant les économies se spécialisent,
elles ressentent alors différemment les chocs selon cette
spécialisation. P. Krugman a même montré que la mise en
place d'une union douanière allait accroître la polarisation des
activités et donc l'hétérogénéité de
l'espace économique européen. Ainsi l'instauration d'une monnaie
unique renforce la spécialisation économique des régions
et donc leurs différentes sensibilités aux chocs.
Mais d'un autre côté, l'Union monétaire
inclue également la fixation irréversible des parités
entre les devises des pays membres. Et la flexibilité des changes qui
disparaît enlève l'avantage d'amortir les chocs
asymétriques qui poussaient chaque industrie à se regrouper dans
un même espace. Donc la suppression des taux de change aura tendance
à rendre moins avantageux ces regroupements, assurant ainsi une
répartition plus équilibrée sur l'ensemble de la zone
diminuant ainsi l'asymétrie des chocs.
En résumé, il est difficile de savoir lesquels
de ces divers effets auront le plus d'importance.
Asymétrie des chocs ou des
comportements ?
Toutefois, ce qui importe pour nous c'est plutôt la
façon dont réagissent les économies à des chocs qui
les touchent collectivement. En effet réagir différemment
à un même choc peut rendre coûteuse l'appartenance à
une politique monétaire commune et donc à la renonciation des
ajustements de parité.
Par exemple, on sait qu'il est plus difficile d'être
price maker (imposer ses prix) sur des produits standards que sur des
produits spécifiques. Et souvent ces produits standards ont des prix
fixés en dollar. Aussi une dépréciation du dollar aura
plus d'incidence sur certaines régions européennes (en
particulier celles du Sud) spécialisées dans la production de
biens exposés à la concurrence que sur des régions
spécialisées en service haut de gamme. Il y aura donc un
même choc (dépréciation du dollar) qui engendrera des
effets dissemblables.
Quels substituts aux ajustements de
change ?
On a vu que les
hétérogénéités entre pays européens
les soumettent à des chocs asymétriques. Mais ceci ne suffit pas
pour affirmer que l'Union européenne n'est pas une zone monétaire
optimale car la gestion de ces asymétries ne passent pas uniquement par
l'utilisation de l'outil monétaire. Il existe d'autres variables ou
politiques d'ajustement qui permettent de compenser la perte de la politique
monétaire ou plutôt son partage.
Nous allons donc maintenant voir ces différents autres
mécanismes et essayer d'en évaluer leur efficacité dans le
cas européen.
1 - Les Ajustements de prix et de
salaires.
Si les prix et les salaires étaient totalement
flexibles, le problème des asymétries n'aurait aucune importance
car les variations des prix et salaires tiendraient le rôle d'ajustement
qu'avaient les variations de taux de change : les variations des prix
entre pays remplaceraient les ajustements par le taux de change.
Mais cette situation est fort éloignée de la
réalité dans laquelle l'imperfection des ajustements nominaux
(issus des viscosités institutionnelles mais aussi de l'information
incomplète) fonde l'efficacité de la régulation
monétaire.
Ainsi les observations réalisées en Europe sur
la formation des salaires montrent que ceux-ci sont peu flexibles. Ils ne sont
pas ou très peu sensibles aux taux de chômage régionaux et
répercutent peu sur eux les gains de productivité. Ainsi il
semble qu'en Europe les ajustements de salaires (mais aussi des prix) ne
constituent pas un mécanisme efficace pour la résorption des
chocs asymétriques.
Il reste néanmoins que ceci ne montre pas que la
politique monétaire nationale aurait résolu ces problèmes
plus efficacement. En effet si les salaires sont indexés aux prix
à la consommation, une dévaluation engendrera une augmentation
des prix d'importation et donc une hausse des salaires. Donc plus le pays sera
ouvert (et donc fort importateur) plus la dévaluation sera
inefficace.
De plus les politiques de dévaluations engendrent une
perte de crédibilité qui semble-t-il est plus coûteuse que
le gain retiré de la dévaluation.
2 - Les Mouvements de facteurs de
production.
Pour Mundell c'est la mobilité des facteurs de
production et particulièrement la mobilité du travail qui
constitue le critère majeur de la définition d'une zone
monétaire optimale.
Face à un choc asymétrique et si les prix sont
fixes, une migration de main-d'oeuvre rééquilibre les
marchés du travail. Un raisonnement semblable peut s'appliquer aux
capitaux.
On notera néanmoins que cet ajustement ne semble
valable que dans le cas de chocs de long ou moyen terme car la mobilité
demande du temps. Mais dans ces termes l'affirmation s'est
vérifiée notamment entre régions américaines dans
les années 70.
En ce qui concerne l'Europe, elle est différente. En
effet toutes les études montrent que la main-d'oeuvre y est largement
moins mobile et que l'effacement des frontières n'y a presque rien
changé et ceci certainement à cause de barrières
culturelles (mode de vie, langues, diplômes...).
Ainsi si l'on juge une zone monétaire optimale à
la mobilité de ses facteurs (travail et capital) l'Europe n'en est
certainement pas une et tout laisse à penser que les progrès dans
ce sens seront très lents.
Néanmoins si l'on se tient à ces critères
chaque économie européenne prise indépendamment n'est pas
une Zone monétaire optimale pour sa propre monnaie. Mais nationalement,
il existe un mode de gestion des asymétries qui consiste à
effectuer des transferts entre régions.
3 - Les transferts interrégionaux.
Si les effets des asymétries ne sont que de court
terme un bon moyen d'action est le transfert de ressources par le bais
d'emprunt ou de redistribution entre régions.
On notera d'une part qu'il semble qu'en Europe
l'intégration des marchés financiers soit avancée.
Toutefois cet argument est limité car les banques n'aiment pas
prêter aux régions en déclin.
Et d'autre part la capacité de redistribution du budget
communautaire est très limitée
En Conclusion
L'Europe n'est pas une zone monétaire optimale.
Néanmoins il est difficile d'évaluer précisément
quelles en sont les conséquences.
On sait juste que les économies des pays partenaires
sont trop différentes pour qu'on puisse les soumettre sans coûts
à une politique monétaire commune et ni la flexibilité des
prix, ni la mobilité des facteurs ne semble suffisant pour les
résorber.
En fait, seule la mise en place de politiques
budgétaires coordonnées ou d'un fédéralisme
budgétaire est capable de répondre au problème
posé.
Bibliographie
· Ouvrages
138
· Articles
139
· Autres périodiques et
divers :
142
· Ouvrages
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Faits, théories et politiques, le seuil, Paris.
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européenne, Manuel, Ed. Economica, Paris.
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Turquie, l'Harmattan, Paris.
BILLON Didier (sous la dir.) [1995] Le rôle
géostratégique de la Turquie, IRIS (Institut de Relation
Internationales) Presse éditeur, Paris.
ELMAS Hasan [1998], Turquie - Europe : une relation
ambiguë, syllapse, coll. Points cardinaux, Paris.
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économique, La découverte, Paris.
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3ème édition, Dunod, Paris.
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une coopération tumultueuse, l'harmattan, Paris.
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· Articles
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La Turquie et l'Europe, une coopération tumultueuse,
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Général du plan, novembre. (Document disponible au 20/07/2002 sur
le site :
www.dauphine.fr/ceresa/websiroen/plan1.pdf
)
* 1 Ces derniers sont
néanmoins et pour l'instant donnés favoris dans les sondages avec
20% des intentions de vote (Le Monde, 17 août ) On apprendra que,
finalement, Kemal Dervis fondera fin août un autre parti mais qu'il
restera résolument pro-européen.
* 2 voir annexe
13 : chômage et inflation et annexe
14 : besoin de financement du secteur public.
* 3 CCE [1994], renforcement
de la politique méditerranéenne de l'Union
européenne : établissement d'un partenariat
euro-méditerranéen, COM (94) 427 final, Bruxelles, 19/10/94.
* 4 Par la suite nous
emploierons indifféremment Union européenne à la place de
CEE pour faciliter l'exposé. Il convient de rappeler que lors du
traité de Maastricht de 1992 la CEE a perdu sa qualification purement
économique et est devenue la Communauté Européenne,
gardant la CEE à l'intérieur du
« paquet » regroupant d'autres domaines qui ne nous
concernent pas pour notre exposé essentiellement économique.
Aussi, nous ne ferons la distinction et préciserons plus exactement que
lorsque cela s'avérera nécessaire pour notre
développement.
* 5 Nous faisons ici
notamment référence au sous-titre du recueil résumant le
colloque « La Turquie et l'Europe » du 6 et 7
novembre 1997 qui est « une coopération
tumultueuse ». (INSEL A. (sous la dir.) [1999])
* 6 On retrouvera en
annexe 2 une chronologie des principaux
évènements pour faciliter la vision globale du lecteur par la
suite.
* 7 Mustafa Kemal
ATATüRK (1881 - 1938) est considéré comme le fondateur de la
République de Turquie. Le 19 mai 1919, quatre jours après
l'invasion de Smyrne par les Grecs, ATATüRK débuta un mouvement
nationaliste populaire de résistance qui sortira vainqueur de la guerre
d'indépendance en 1922. Après une série de victoires tant
militaires que politiques, il abolit le sultanat le premier novembre 1922
et fonde la République Turque. L'Assemblée nationale ratifie le
texte à l'unanimité et proclame la naissance de la
République le 29 octobre 1923. Atatürk en sera le premier
président, pendant 15 années. Fondateur du Parti
républicain du peuple, Atatürk a décidé de faire
sortir son pays des vieilles ornières ottomanes pour se tourner vers
l'Occident, vers le progrès. De ses victoires politiques, on peut noter:
l'abolition de la polygamie et l'instauration du mariage civil obligatoire en
1925 ; la séparation de l'Islam et de l'État en 1928; le droit de
vote qu'il accorde aux femmes dès 1934 (10 ans avant la France),
l'instauration de la graphie latine à la place de l'alphabet
arabo-persan... Atatürk signifie le Père des Turcs. C'est le
patronyme proclamé par le Parlement pour avoir instauré
officiellement en 1935 le nom de famille pour les Turcs. Il reste le symbole de
la République turque, son buste, son portrait se trouvent partout dans
les maisons, écoles, lieux de travail. Des monuments publics sont
dressés sur toutes les places à son effigie.
* 8 ELAL Serpil [2000].
* 9 OECE (Organisation
Européenne de Coopération Economique) est depuis devenue l'OCDE
(Organisation Coopération Développement Economique).
* 10 On note
néanmoins que, suite à la mort de Staline en 1953, l'URSS avait
renoncé à ses prétentions territoriales vis-à-vis
de la Turquie et désirait alors renouer des liens
privilégiés avec elle. Mais la Turquie ne répondra
à cet appel qu'en 1964, lorsqu'elle est marginalisée pour son
comportement dans l'affaire chypriote. C'est à ce moment que le
processus de rapprochement avec l'Europe et l'Occident va se figer pendant une
période. En effet, la Turquie prendra alors conscience des dangers que
lui faisaient courir sa dépendance excessive envers les Etats-Unis et
comprendra avec la détente des années 60 qu'elle ne peut plus
rester un pion dans la stratégie des grandes puissances et qu'elle doit
affirmer sa propre politique étrangère en se dirigeant alors vers
l'Europe.
* 11 Pour plus de
détail voir Annexe 5 : Phases de l'Association CE-Turquie
* 12 Certains auteurs
constatent d'ailleurs que l'année 1989 est une année
charnière qui couple le premier rejet officiel de la candidature turque
et la chute du monde bipolaire. Aussi, ces auteurs se demandent si l'attrait de
la Turquie n'est pas réduit du fait de la fin de sa position
stratégique entre les deux camps. (voir notamment BILLON D. [1997]).
* 13 L'ouverture au monde
pousse à hiérarchiser les Etats en fonction de potentiels et
d'environnement redéfinis. Dominique DAVID établit alors une
typologie à quatre niveaux : Au niveau élémentaire
prolifèrent les Etats de fait dont l'espace est limité
à celui de sa survie. Au niveau supérieur, niveau qui nous
intéresse, on retrouve l'Etat provincial dont l'influence,
comme nous l'avons rappelé, s'étend à sa province du
monde : à des degré divers l'Afrique du Sud ou la Turquie
sont des Etats de référence pour l'organisation politique de leur
région. Aux niveaux supérieurs, il y a d'abord les Etats
mi-globaux et ensuite l'Etat global. Les premiers ont une
influence qui dépasse leur région pour une raison ou une autre
(puissance, militaire, démographique, économique...), ils sont
les éléments irrécusables de toute décision
internationale. Le second est un statut aujourd'hui uniquement attribué
aux Etats-Unis qui possède les éléments classiques de la
puissance : économiques, diplomatiques, cultuels, technologiques,
militaires et ils peuvent les projeter sur tous les théâtres
stratégique de la planète. (DAVID D. [2001] La mondialisation
et le militaire in De Montbrial (2001) RAMSES 2002, Dunod, Paris.)
La Turquie, du fait de sa puissance démographique et
militaire, ainsi que du potentiel de son économie, aurait pu avoir le
statut d'Etat mi-global. Nous lui avons pourtant attribué le
deuxième échelon de cette typologie l'Etat provincial
car le niveau supérieur incluait dans sa définition que
l'état soit «un élément irrécusable de toute
décision internationale » ce qui n'est pas exactement le
cas. Néanmoins, à certaines périodes cette
classification aurait été pertinente.
* 14 Voir notamment à
ce sujet l'article de AKAGüL D. [1999] « La Turquie et
l'économie européenne : vers l'intégration ou la
coopération ? » in INSEL A. (sous la dir.) [1999] qui
reproche à l'Union européenne d'offrir à la Turquie une
position qui lui confère un certain nombre d'obligations
désavantageuses sans lui fournir de contreparties.
* 15 Voir à ce sujet
le mémoire de DEA de ANT Kiymet [2002] La conditionnalité
politique et l'adhésion de la Turquie à l'Union
européenne, CUREI, UPMF, Grenoble. Voir également
TURUNÇ [2001] qui, pour sa part, en se
questionnant :« Pourquoi hésite-t-on à entamer
les négociations d'adhésion avec un pays qui a conclu un accord
d'association avec l'Union depuis 1963 et achevé son union
douanière avec elle ? » (TURUNÇ Garip [2001]
p.103) répond que c'est essentiellement l'objection culturelle qui est
retenue. Nous ne porterons pour notre part aucun jugement sur ce point car nous
ne nous poserons pas ce type de questions et nous cantonnerons à la
perspective turque.
* 16 Dès 1991, le
président de la République, T. ÔZAL, témoignait de
cette crainte de mise à l'écart par l'UE :
« Au point ou nous en sommes, nous ne devons pas perdre de vue
d'autres alternatives. La Turquie ne peut pas mettre toutes ces
possibilités dans le même panier. Je ne dis pas cela pour
défier la CE ou l'Europe. Ce n'est pas du tout cela. Mais nous devons
prendre en considération toutes les alternatives. » -
Allocution du 5 novembre 1991, Tûrkiye'nin stratjik ôncelikleri
(les priorités stratégiques de la Turquie), Ankara, 5Ronéo
pp.17-18. cité in AKAGüL Deniz [1995].
* 17 Voir à ce sujet
AKAGüL Deniz [1998] qui traite des orientations du commerce
extérieur turc suite aux évènements politiques
internationaux.
* 18 La Commission a
précisément fait part de son désaccord quant à la
participation de la Grèce et de la Turquie à la zone de libre
échange de la mer Noire car ces pays dépendent de la politique
commerciale commune de l'UE et ne peuvent donc participer en leur nom propre
à des accords de libre-échange préférentiel
régionaux. - CCE Coopération régionale dans la
région de la mer Noire : état de la situation, cadre pour
une action de l'UE visant à favoriser son développement
ultérieur, COM (1997) 597 final, Bruxelles, 14/11/97.
* 19 Lorsque nous employons
le terme « complète» ou « à part
entière » à propos de l'adhésion turque nous
faisons référence à la typologie de Balassa et nous
parlons donc du marché commun et de l'Union
économique. Ce point est développé dans les
paragraphes suivants.
* 20 Présentée
dans BALASSA B. [1961] The Theory of Economic Integration, Georges
Allen & Unwin Ltd., London.
* 21 A ces quatre niveaux
d'intégration certains peuvent ajouter un premier palier
d'intégration régionale encore moins avancé : le
groupement de commerce préférentiel (concerne uniquement une
réduction partielle des mesures protectionnistes sur les échanges
commerciaux entre pays membres- voir C. AUBIN et P. NOREL [2000], p113.) que
SIROËN J.-M. [2000] nomme pour sa part Association et forum de
coopération économique. Mais ce niveau ne nous concerne pas
dans la mesure où la Turquie l'a déjà
dépassé.
* 22 Rappelons
néanmoins que l'Union douanière qui est l'un des objectifs
fixés par l'accord d'Ankara (1964) et par le protocole additionnel
(1973) aurait du voir le jour, selon ce même Accord, en même temps
ou après que la libre circulation des personnes et des capitaux soit
réalisée. (voir Annexe 5 sur les Phases de l'Association
CE-Turquie) Mais cela n'a pas été le cas. La Turquie semble
suivre étape par étape la Typologie que l'on vient d'exposer.
* 23 En effet, concernant
l'Union douanière, le rapport régulier 2001 sur les
progrès réalisés par la Turquie sur la voie de
l'adhésion concluait qu'avec l'alignement sur le tarif douanier commun
des « produits sensibles » le nouveau code des douanes turc
était presque entièrement aligné sur l'acquis.
* 24 KINSKY Ferdinand
[2001], « L'élargissement de l'Union
européenne », l'Europe en formation, n°322,
automne 2001, p. 9.
* 25 « La
coopération se limite à une alliance dont la durée de vie
dépend des intérêts mutuels » AKAGüL D.
[1999].
* 26 « (...)
l'intégration économique dans sa phase finale débouche
inévitablement sur l'union politique. » AKAGüL D.
[1999].
* 27 L'intégration
régionale peut être définie comme un processus
qui « lie des pays géographiquement proches entre
lesquels les relation économiques tendent à s'affranchir des
frontières politiques pour favoriser la formation de marchés
intégrés. » SIROËN J.-M. [2000],p.3.
* 28 La grande
majorité des ouvrages traitant de la Turquie vis-à-vis de l'Union
européenne sont des ouvrages de politologues. Ils ne voient en
général comme bénéfice turque à
l'adhésion essentiellement qu'un gain de démocratie (voir
notamment S.ELEKAD) et n'accordent qu'une part réduite aux gains
économiques. On notera néanmoins que certains politologues
reconnaissent que la volonté turque d'adhésion à l'Union
européenne est d'ordre économique dans la mesure où le
développement économique réalisé permettrait, en
engendrant un développement des infrastructures, en provoquant
l'effacement du secteur public, de moderniser le pays et donc toutes sortes de
gains non exclusivement économiques (Hamit BOZARSLAN [2001])
* 29
« Affectation des ressources d'une société parmi
ses membres telle qu'il n'existe pas d'autre affectation qui lui soit
préférée selon le critère de Pareto. Par
conséquent, à un optimum de Pareto, il n'est pas possible
d'améliorer la situation d'un individu -quel qu'il soit- sans
détériorer la situation d'au moins un autre
individu ». GUERRIEN B. [1997] Dictionnaire d'analyse
économique, Dictionnaire repères, La Découverte,
Paris.
* 30 Le modèle
ricardien appuie en effet sur le fait que comme le travail est le seul
facteur de production et qu'il est supposé mobile d'un secteur
à l'autre, il n'est pas possible que des individus soient
lésés par les échanges. Aucun individu ne voit sa
situation se détériorer en raison de l'échange dans un tel
modèle. De plus, on notera néanmoins qu'user d'un seul facteur de
production a pour conséquence que le modèle ricardien n'a pas les
moyens d'analyser la répartition des gains à
l `échange entre les différents facteurs de production du
pays.
* 31 Qui, malgré ses
hypothèses de départ ( un seul facteur de production, plein
emploi de celui-ci, rendements d'échelles constants dans la production
des deux biens, marchés régis par la concurrence pure) peut
être généralisé à plus de deux pays, deux
biens sans pour autant mettre « en danger la prescription de la
politique optimale de l'ouverture unilatérale des échanges, ni la
nécessité de la spécialisation pour
bénéficier des gains à l'échange »
(MESSERLIN P. A. [1998])
* 32 SAMUELSON P. (1971)
Olin Was Right, Swedish Journal of Economics, 73 et JONES R.W. (1971) A
Three-Factor Model in Theory, Trade and History, in BHAGWATI J. et al. (1971)
Eds, Trade, Balance of Payments and Growth, Amsterdam, North Holland.
* 33 On notera qu'on est ici
en présence d'un gain supérieur potentiel pour
tous. Que chacun puisse gagner plus à l'échange international ne
signifie malheureusement pas que chacun le fasse en fait. Dans la
réalité, l'existence de gagnants et de perdants suite au commerce
international est une des raisons les plus importantes pour lesquelles ce
commerce n'est pas libre. Ce point sera plus approfondi par la suite.
* 34 Selon Jean-Marc
SIROËN : « (...) la part de la population
employée dans l'agriculture est un indicateur pertinent des
écarts de développement » (SIROËN J.-M.
1996], p. 55). Or selon les donnée de l'OCDE la population agricole
représente 47,4 % de la population active civile en Turquie alors
qu'elle n'est que de 5,1 % en France par exemple. De surcroît si l'on
pense que ces l'écart de PIB par habitant qui est l'indicateur
d'écart de développement, en comparant les PIB/tête moyen,
on constate qu'en Turquie celui-ci ne représentait par exemple que 8% en
1993 (avant l'Union douanière) de celui de l'UE. Aussi on peut affirmer,
sans hésitation, qu'il y a un écart de développement
notable entre la Turquie et les pays de l'UE.
* 35 L'emploi total est de
2,9 millions en 1997 (donnée Agenda 2000). Le taux de chômage
oscille entre 6% et 10% entre 1980 et 2000 (OCDE -
www.oecd.org et voir annexe 13 :
taux de chômage). Ceci signifie que le chômage n'est pas que
conjoncturel ou de friction. Nous estimons que cela montre qu'il y a un vivier
de main d'oeuvre disponible et que donc par extension cela signifie que la
Turquie en est abondamment doté.
* 36 Dans une logique de
libre-échange les accords bilatéraux avec l'Union
européenne favorisent les investissements dans les pays signataires au
détriment des investissements dans les pays satellites (BALDWIN R. E.
[1994]). Il semblerait-donc que la Turquie, à l'instar du Mexique
vis-à-vis des Etats-Unis, soit appelée à accueillir des
IDE productifs. Nous développerons ce point plus en détails dans
le chapitre suivant.
* 37 Données Agenda
2000.
* 38 En 1994 le revenu par
tête variait de 803$ pour les 5% les plus pauvres à 22344$ pour
les 5% les plus riches de la population. La Turquie n'ayant ni les moyens, ni
la volonté, ne se dote pas de mécanisme plus sérieux de
redistribution, si bien que les inégalités vont en exacerbant les
pressions dans le sens d'une accélération du rythmes de
croissance à court terme car ce biais est la seule manière
d'améliorer le niveau de vie des catégorie sociales les plus
défavorisées (AKAGüL D. [2000]).
* 39 Voir le site officiel
de TUSIAD où l'on peut trouver tous leurs documents officiels traduits
en anglais :
www.tusiad.org/english -
dont notamment le TÜSIAD Quarterly Economic Survey.
* 40 Bien que cette
situation s'applique au cas d'un pays développé elle est
également valable dans le cas d'un PED à la différence
près qu'elle deviendrait alors : un pays en
développement peut être tout à la fois ricardien dans ses
échanges avec les pays plus développé (parce que ce
commerce est dominé par les différences dans les technologies de
production employées) et Hecksher-ohlinien dans son commerce avec des
pays identique.
* 41 Il existe un certain
nombre d'hypothèses à admettre pour permettre d'aboutir aux
conclusions du théorème HOS. Les principales hypothèses,
qui ont néanmoins, pour certaines, été
démontré « relaxable » depuis, sont : la
concurrence parfaite sur les marchés des produits et des facteurs, la
parfaite mobilité des facteurs de production ainsi que le plein emploi
des facteurs à l'intérieur de chaque économie, plein
emploi des facteurs et même conditions de production et de demande entre
les économies. Nous mettrons ici en exergue que le modèle stipule
la « FIXITE » des facteurs de productions entre pays. C'est
cette « imperfection » qui est à l'origine du
commerce internationale. Or lorsqu'un pays s'intègre
régionalement et qu'il dépasse le stade de l'Union
douanière (relativement à la typologie de BALASSA), les facteurs
de production deviennent théoriquement mobile donc une hypothèse
décisive du modèle disparaît.
* 42 En 1933, OHLIN prenait
l'exemple de l'Australie pour illustrer cette théorie. En effet ce pays
vendait de la laine et du blé et achetait des produits
manufacturés car il était bien pourvu en terres fertiles mais
manquait relativement de main d'oeuvre. Pour notre part si on appliquait cette
théorie à la Turquie contemporaine, par le biais d'une
simplification réductrice, on observerait alors que le pays vend ses
produits textiles et ses biens industriels à l'étranger ( en
1996, 80% des exportations sont constituées de produits
manufacturés dont la moitié dans le secteur traditionnel du
textile et de l'habillement) car il est bien pourvu dans le facteur travail
(non qualifié).
* 43 A l'instar de GUERRIEN
B. [1997] qui écrit : « Comme il est difficile de ne
pas avoir de théorie du tout - ou d'en proposer une autre, qui risque
d'être tout autant infirmée par les faits -, la position
communément admise est que les analyses ricardiennes et HOS ont leur
part de vérité, mais qu'il faut les aménager, en modifiant
certaines de leur hypothèses de base. »
* 44 LEAMER [1993] in
SIROËN [1996], p. 39.
* 45 Comme nous l'avons
déjà souligné en foot-note n°38 p. 29.
* 46 A titre d'exemple, on
relève que le gouvernement turc a des dépenses de santé
publique et d'éducation qui représentent environ 6% du PNB. Ces
dépenses permettent de couvrir par le régime de
sécurité sociale à peine plus de la moitié de la
population active. (chiffres issus de l'Agenda 2000). De surcroît, sous
la pression du FMI, auquel la Turquie est largement redevable, l'Etat
providence déjà faible, tend encore à réduire son
rôle.
* 47 Un groupe
social désigne tout ensemble d'individus formant une
unité sociale durable, caractérisée par des liens internes
- directs ou indirects - plus ou moins intenses, une situation et/ou
des activités communes, une conscience collective plus
ou moins affirmée (sentiment d'appartenance, représentations
propres) ; cette unité est reconnue comme telle par les autres.
(C.-D. ECHAUDEMAISON [1993] Dictionnaire d'économie,
Nathan.)
* 48 Pour notre
raisonnement, nous cherchons à expliquer l'ouverture limitée de
la Turquie au régionalisme mais notre démarche est identique
à celle des théories qui expliquent au départ pourquoi
« tout n'est pas du libre-échange ». Nous estimons
pour notre part qu'elles expliquent par extension quelles sont les raisons qui
poussent dans une direction - dans notre cas le régionalisme - qui est
plus ouvert que l'autarcie et moins libre-échangiste que le
libre-échange intégral et multilatéral.
* 49 Le nombre de facteurs
retenus doit rester inférieur au nombre de secteurs pour que la
validité du théorème Stolper-Samuelson persiste. Quoi
qu'il en soit, un trop grand nombre de facteurs dilue l'analyse et
empêche d'en tirer des conclusions claires. Aussi il semble qu'un
modèle à trois facteurs se révèle efficace et
suffisant.
* 50 Il est improbable ou
alors « transitoire » qu'un pays soit dépourvu ou
soit abondant dans les trois facteurs en même temps (LEAMER E. [1984],
Sources of International Comparative Advantage, Cambridge, The MIT
Press.in PEYTRAL P.-O.[2002]) Par ailleurs on estime qu'il est improbable qu'un
pays soit simultanément doté abondamment de travail
qualifié et non-qualifié.
* 51 Il est
intéressant de procéder à cette analyse pour la suite car
il apparaît clairement que la place de la Turquie est
représenté par la case III alors que les pays de l'est candidats
à l'UE (les PECO) correspondent plus à la case IV. Aussi, ces
derniers ne sont donc pas confrontés aux mêmes types de conflits
et cela nous met en garde contre les comparaisons trop rapides et simplistes.
Par contre la situation du Mexique correspond à la même case, donc
la comparaison Turquie/UE - Mexique/ALENA peut-être pertinente dans
certains cas.
* 52 Comme notre analyse
cherche à trouver les déterminant du choix du
libre-échange vis-à-vis de l'UE, la dotation factorielle
s'apprécie relativement aux autre pays de l'UE.
* 53 Voir AKAGüL D.
[1995] Emigration de la main-d'oeuvre turque : approche économique,
Turc d'Europe et d'ailleurs, Institut National des Langues et Civilisations
Orientales, Paris.
* 54 A titre d'exemple on
notera que durant l'année 1999, la Turquie a effectué à
l'extérieur cinq opérations financières (en Albanie,
Bulgarie, Roumanie et Italie) alors que sur la même période un des
pays européen non réputé pour l'abondance de son capital,
la Grèce, en effectuait 18. ( OPPENCHAIM S. [2000])
* 55 On notera pour appuyer
le fait que la main d'oeuvre est surtout non-qualifiée qu'en 1995 la
Turquie comptait encore parmi sa population environ 28% d'illettrés chez
les femmes et 8% chez les hommes et que malgré les efforts accomplis, en
août 1997, la durée de l'enseignement obligatoire n'est
passé que de 5 à 8 ans.
* 56 BRAWLEY M. R. [1993],
Liberal Leadership : Great Power and their Challengers in Peace and
War, Ithaca, Cornell University Press in PEYTRAL [2002]
* 57 Par exemple la Turquie
possède des droits de douanes très disparates entre
produits : En 1997, la protection douanière des produits
industriels turcs est de l'ordre de 14% en moyenne avec des pics tarifaires
dans certains secteurs de l'ordre de 20% à 40%. (données issues
de ELMAS H. B. [1997])
* 58 BRAWLEY [1993, p.14]
cité dans PEYTRAL P.-O. [2002]
* 59 Un groupe de pression
ou «groupe d'influence » ou encore « lobby »
désigne « un regroupement de personnes physiques ou
morales autour d'un intérêt spécifique commun et qui
s'organisent pour orienter les décisions des pouvoirs publics dans le
sens favorable à celui-ci . » (C.-D. ECHAUDEMAISON
[1993] Dictionnaire d'économie, Nathan.)
* 60 OLSON M [1965], The
Logic of Collective Action, Cambridge, Harvard University Press. Dans cet
ouvrage Mancur OLSON montre que l'activité politique en faveur d'un
groupe est un bien public ; les avantages d'une telle activité
retombent sur tous les membres du groupe de manière diffuse et non
simplement sur l'individu qui exécute l'activité. Aussi pour les
consommateurs individuellement l'activité politique peut avoir un
coût plus élevé que les bénéfices par
personne qu'ils en retireraient. Dans ce cas, il y a un problème
d'action collective. Alors que c'est l'intérêt du groupe dans sa
globalité de faire pression en faveur de politiques favorables, il n'est
de l'intérêt de personne de le faire individuellement. OLSON
montre alors que ce problème d'action collective peut-être plus
facilement résolu lorsque le groupe est petit ou bien
organisé.
* 61 Un exemple
célèbre de ce contraste entre les positions pro et contre
l'ouverture des consommateurs et des producteurs est celui de l'industrie du
sucre aux Etats-Unis. Le gouvernement de ces derniers a limité les
importations de sucre si bien que les consommateurs américains ont eu un
prix du sucre deux fois supérieurs aux prix mondiaux. La plupart des
estimations chiffrent le coût de cette limitation aux importations pour
les consommateurs américains à plus de deux milliards de dollar
l'an (soit 8$/habitant par an). Pourtant les gains de ce prix artificiellement
haut représentent moins de la moitié des pertes. Le fait
remarquable est que les consommateurs ne s'organisent pas pour défendre
leurs intérêts car 8$ l'an n'en valent pas la peine et surtout que
cette somme est dispersé dans tous les aliments sucrés
achetés dans l'année alors que les producteurs de sucre gagnent
des milliers de dollar suite aux quotas d'importations et les défendent
alors par le biais d'associations et coopératives professionnelles.
(KRUGMAN P., OBSTFELD M. [2001] Economie Internationale, 3ème
édition, De Boeck, Bruxelles. pp.67-68)
* 62 Les articles qui
traitent de ce sujet (Voir le Survey de BALDWIN [1996]. BALDWIN [1996],
« The Political Economy of Trade Policy: Integrating the perspectives
of Economists and Political Scientists» in FEENSTRA R.C., GROSSMAN G. M.,
IRWIN D. A. (ed.) The Political Economy of Trade Policy, Cambridge,
The MIT Press, P. 147-173.) prennent comme variables soit, pour une part, les
caractéristiques de l'industrie - comprenant alors les
déterminants de l'immobilité des facteurs, les avantages
comparatifs...- soit, pour une autre part, la variable est la propension et la
capacité des groupes d'acteurs à imposer leurs choix.
* 63 Actuellement, cette
position des consommateurs est pourtant controversée du fait des
successifs ralentissements de l'intégration européenne et du
passage au niveau supérieur de l'intégration des PECO avant la
Turquie.
* 64 La
réglementation dans le domaine des cosmétiques a pris une
orientation contraire à celle de l'acquis ce qui permet de
protéger le secteur par le biais de barrières non-tarifaires. En
effet comme le remarque le Rapport régulier 2001 sur les
progrès réalisés par la Turquie sur la voie de
l'adhésion (Commission des Communautés européennes
[2001], p. 55) « La Turquie a développé une
catégorie de produits (les
« cosméceutiques ») qui n'est pas prévue dans
l'acquis communautaire. » Aussi les travailleurs de ce secteurs
ne sont pas pour une intégration plus poussée à l'UE qui
les ferait entrer en concurrence avec d'autres firmes.
* 65 Voir KEBABDJIAN [1999,
p. 65].
* 66 Ou dans notre cas ce
qui explique que les policy makers offre une politique de
libre-échange régionale plutôt qu'autarcique ou de
libre-échange multilatéral.
* 67 Cela ne signifie pas
pour autant que les économistes conseillent le libre échange
uniquement dans les cas où il ne nuit pas aux plus pauvres. Ils restent
en faveur d'une liberté plus ou moins grande des échanges car il
existe au moins trois raisons principales pour lesquelles les
économistes ne mettent pas en avant les effets des échanges en
matière de distribution de revenu :
- Les effets de revenu ne sont pas spécifiques au
libre-échange. Le progrès technique ou tout autre changement dans
une économie nationale peut avoir les même conséquences.
- Il est toujours préférable de permettre au
commerce international de compenser ceux qui y perdent plutôt que de
l'interdire.
- Ceux qui sont en situation de perdre sont typiquement mieux
organisés que ceux qui doivent retirer les gains. Ce
déséquilibre crée une déviation dans le
système politique qui doit être réajusté par les
économistes en rappelant les gains du libre-échange.
Ainsi la plupart des économistes reconnaissent que le
commerce international a des effets de distribution de revenu. Ils croient
pourtant plus important d'insister sur les gains potentiels résultant de
ce commerce que sur les pertes possibles pour certains groupes à
l'intérieur du pays.
* 68 Voir notamment dans la
revue de Semih VANER « Cahiers d'études sur la
méditerranée orientale et monde turco-iranien ».
* 69 PEYTRAL P.-O. [2002]
* 70 la population
occupée dans l'agriculture est passé de 48% de la population
active civile à 45% de 1989 à 1999 (données : OCDE -
www.oecd.org )
* 71 Voir répartition
du nombre exploitations agricole selon leur superficie disponible sur le
www.die.gov.tr/english .
* 72 On peut de
surcroît supposer en quittant un instant le cadre de notre
hypothèse restrictive principale (nous considérons uniquement
l'ouverture commerciale à l'union européenne) que les pertes
comme les gains dans le cas de la Turquie adhérant à l'Union
Européenne seront très faible car l'essentiel du
« choc » de l'ouverture s'est déjà produit
durant tout le processus d'Union douanière. Aussi il semble que le
groupe des travailleurs qualifiés n'a pas à avoir de position
tranchée quant à l'aboutissement de l'adhésion turque
à la l'Union Européenne car celui-ci n'influera pas sur son
bien-être.
* 73 le capital (productif)
est considéré, à l'instar des analyses à facteurs
spécifiques de Samuelson et Jones (SAMUELSON P. [1971] JONES R.W.
[1971].), comme immobile entre branches sur le court terme.
* 74 Les
intérêts des détenteurs de capital productif sont
fonctions, selon une étude de MILNER [1987] de leur positionnement
vis-à-vis de l'extérieur. Elles effectuent leur choix en
calculant les coûts/bénéfices qu'elles retireraient de
l'ouverture selon leur degré de multinationalité avant ouverture.
Dans le cas de la Turquie nous considérons que, au vu du nombre de firme
multinationales turques, globalement ce groupe non-homogène est en
faveur du protectionnisme.
* 75 On ne prend pas en
compte la mobilité internationale du capital qui ne serait pas toujours
vérifiée à court terme du fait des taux de change. On ne
prend en compte que la mobilité intersectorielle nationale.
* 76 Par commodité
nous considérons que le groupe des agriculteurs est
propriétaire de ses terres. Si ce n'est pas le cas alors nous avons
affaire à des travailleurs non-qualifiés.
* 77 On considère que
relativement à la moyenne européenne, la Turquie peut-être
considérée comme abondamment doté en facteur
« terre » .
* 78 Pourtant il est vrai
que le groupe des travailleurs non-qualifiés n'est pas le plus nombreux
que le groupe des agriculteurs. Néanmoins, d'une part on peut
considérer comme nous l'avons déjà mentionné qu'il
y a, parmi le groupe des agriculteurs, une grande part d'hommes dont la
situation est comparable en nos terme à celle des travailleurs
non-qualifié, et d'autre part car l'exode rural est entamé ( en
un quart de siècle la population urbaine est passé de 38%
à 61% et cette tendance se poursuit - BEAU N. [1995]) et qu'on constate
donc que peu à peu la population travaillant dans le secteur primaire
tend à rejoindre le groupe des « travailleurs
non-qualifiés ».
* 79 Voir Annexe 3 :
Listes des accords d'associations et forums de coopération
économique auxquels la Turquie participe.
* 80 Selon LAFAY
Gérard [1987]
* 81 AKAGüL Deniz
([1995] p.119)
* 82 L'adjectif
« libéral » associé aux accords
d'intégration régionale ne semble pas approprié car, comme
nous le verrons, la théorie de l'économie internationale ne
considère pas que la régionalisation puisse atteindre l'optimum
parétien. Par sa définition même l'accord régional
est préférentiel, donc discriminant à l'encontre des pays
non-membre. Ainsi on ne pourra qu'atteindre, au mieux, un optimum de second
rang. Néanmoins nous utilisons cet adjectif dans le but de souligner
l'orientation générale.
* 82 L'accord
Cobden-Chevalier de 1860 est un accord de libre-échange entre la France
et l'Angleterre. Dans un ouvrage généraliste comme
l'encyclopédie hachette sur Cdrom, on note que cet accord fut
« le couronnement de la croisade pour le
libre-échange » de Richard Cobden (1804-1865).
* 83 Parmi les
différentes formes d'intégration régionale, Viner a
basé son analyse sur une étude des unions douanières
(comme le firent plus tard la majorité des économistes). Aussi il
semble que ces analyses conviennent parfaitement à une application au
stade actuel d'intégration de la Turquie à l'U.E. et nous
permettent donc plus simplement de tirer des
« leçons » pour notre cas d'espèce.
* 84 VINER J.
[1950] The custom unions Issu, New York : Carnegie Endowment
for international Peace, p. 44. Traduction de P.J. LLOYD [1992],
Régionalisation et commerce mondial, Revue économique de
l'OCDE, N°18, printemps.
* 85 La modélisation
utilisée est celle de TURUNÇ G. [2001] qui s'applique à la
Turquie mais s'inspire d'un article de G.CHEIKBOSSIAN et M. MAUREL [1996] qui
l'appliquée aux PECO. (CHEIKBOSSIAN G. et M. MAUREL [1996]
« Le coût de la désintégration du CAM et les
perspectives du commerce intra-Peco in LE CACHEUX J. [1996] Europe la
nouvelle vague, Presse de la fondation nationale de sciences politiques,
Paris.)
* 86 Voir annexe 8 sur la
ventilation des échanges de la Turquie.
* 87 Voir annexe 8 et
noter la différence de ventilation des échanges de la Turquie
entre 1994 et 1997. On voit alors très nettement que la part des pays
européens membre de l'OCDE passe e moins de 50% (graphique nord-est)
à plus de 50% (graphique sud-est).
* 88 De plus, la progression
légère des exportations turque vers l'UE est à
relativiser car elle représente en fait une progression
importante pour les pays de l'UE. En effet, si l'on
considère le cas de la France en particulier vis-à-vis de la
Turquie on remarque le fait que bien que les importations françaises en
provenance de la Turquie ont cru à un rythme incomparablement moins
élevé que ses exportations à même destinations sur
la même période, cet accroissement des importations est trois fois
plus important que l'accroissement moyen des importations françaises. En
conséquence il semble que l'accroissement des importations a
été élevé dans la mesure du possible pour des pays
« avancés » à importations d'origine
diversifiée.
* 89 CCE [1998] Sur
l'évolution des relations avec la Turquie depuis l'entrée en
vigueur de l'Union douanière, COM [1998] 147, Bruxelles, 04/03/98.
* 90 Selon AKAGüL, il
existe également une partie de l'accroissement du déficit
commerciale turc qui provient du décalage conjoncturel entre leur
économie et celle de l'UE néanmoins cela n'a que peu
d'importance pour notre démonstration.
* 91 MEADE J. [1955] The
theorie of custom unions, Amsterdam, North Holland in P.J. LLOYD [1992],
Régionalisation et commerce mondiale, Revue économique
de l'OCDE, N°18, printemps.
* 92 Il est important de
souligner que le bénéfice est pour le consommateur car cela nous
renvoi à notre développement du premier chapitre.
* 93 BALDWIN et VENABLES
[1995], « Regional Economic Integration », dans BUIGUES
P.-A. et MARTINEZ-MONGAY C.[1999].
* 94 Nous employons le terme
de nouvelle économie internationale comme dans les manuels par
référence aux travaux de LANCASTER, KRUGMAN, HELPMAN, GROSSMAN,
BALDWIN, VENABLES, MARKUSEN...
* 95 Certains auteurs
critiquent le modèle de VINER en affirmant qu'il repose sur des
hypothèses « méthodologiquement
contestables ». Ils critiquent par-là les
hypothèses de : Petit pays, équilibre partiel, statique
comparative...
* 96 Pour FRANKEL et Alii
par exemple, grâce aux progrès des techniques les coûts de
transport ont tellement baissé que la distance n'est plus à
prendre en compte. Ainsi, les zones de libre-échange dites
« super-naturelles » (Terme utilisé par
référence et en opposition aux zones
« naturelles » de Paul KRUGMAN) n'ont pas de raisons
d'être car elles n'augmentent pas le bien-être conformément
au modèle Vinérien.
* 97 L'exemple
emblématique de ce troisième effet est que dans le cas de
l'ALENA, les investisseurs se sont intéressés d'autant plus au
Mexique qu'ils ne craignaient plus de voir revenir les politiques mexicaines
anciennes les spoliant.
Il peut en aller de même pour la Turquie. A.
BÉNASSY-QUÉRÉ, L. FONTAGNÉ, A LAHRÈCHE-REVIL
[2001] montre d'ailleurs dans un modèle étudiant l'influence
d'un ancrage à l'euro ou au dollar de certains PSEM sur leur stock d'IDE
entrant, que par le passé un ancrage de la livre turque à l'euro
aurait nettement augmenté le flux d'IDE entrant car aurait
rassuré les investisseurs quant à la
« sécurité » de leur investissement. Ainsi,
une adhésion complète de la Turquie stimulerait certainement
l'afflux des IDE.
* 98 Les consommateurs
disposent avec l'augmentation de l'offre consécutive à
l'ouverture, en moyenne d'une variété plus proche de la
variété qu'ils considèrent subjectivement
« idéale » (LANCASTER[1979]) ou alors simplement le
fait d'élargir la gamme de choix accroît la satisfaction du
consommateur (DIXIT et STIGLITZ [1977]).
* 99 Voir à ce sujet
la foot-note n° 124 p.101.
* 100 HARRIS R. et COX
D. (HARRIS R. et COX D [1985], « Trade liberalization and industrial
Organisation : some Estimates for Canada», Journal of Political
Economy, 93 (1) fevrier. in Siroën [1996] ) estiment par exemple que la
prise en compte des effets de concurrence et de rationalisation conduisent
à quadrupler les gains estimés de la zone de libre-échange
Etats-Unis - Canada (ALE), alors que d'autres études n'estimait qu'un
doublement. Il existe donc effectivement de grandes différences
d'estimation.
Il faut néanmoins rappeler que dans notre cas l'ordre
de grandeur des effets à prendre en compte est moindre qu'un triplement
car notre étude concerne un PED. Or comme nous l'avons souligné
les effets dynamiques se manifestent moins dans notre cas qu'entre pays
développés.
* 101 Ce point n'est pas
à proprement parler un effet dynamique, néanmoins
TURUNÇ l'intègre parmi eux. Aussi nous effectuerons le même
découpage.
* 102 Le calcule porte sur
des donnés de 1993 (l'ALENA est signé en août 1992 donc il
a encore eut très peu d'effet) : à cette époque la
Turquie a un PNB/habitant de 2970$ ce qui représente 8% de PNB/habitant
du Luxembourg ( pays ayant le PNB/habitant le plus élevé de l'UE)
qui s'élève à 37100$. Le Mexique a lui un PNB/habitant de
3730$ qui équivaut à 15,1% de celui des Etats-Unis (24780$).
(Banque Mondiale, world data 1995 in SIROËN [1996], PNB/habitant
calculé à partir de la méthode Atlas)
* 103 L'Accord de
Libre-échange Nord-Américain (ALÉNA en français et
NAFTA en anglais) qui est une zone de libre-échange liant
États-Unis, Canada et Mexique signé en août 1992. Il
prévoit l'établissement progressif sur quinze ans d'une zone de
libre-échange en matière de marchandise, de service et
d'investissements. Il n'est nullement question de politiques communes ou de
tarif extérieur commun, ni surtout de liberté de circulation des
personnes.
* 104 Commission
européenne [2001] Rapport de la Commission européenne sur les
progrès réalisés par chacun des candidats sur la voie de
l'adhésion, Bruxelles.
* 105 La
libéralisation du code d'investissement direct étranger au
début 1980, la libéralisation financière interne (1984),
la réouverture de la bourse d'Istanbul (1986), et l'ouverture
financière extérieure avec la convertibilité de la livre
turque (1989) ont nettement contribué à l'entrée de
capitaux étrangers non générateur de dettes.
* 106 Et 13 parmi les 50
premières ( source :Ambassade de France en Turquie - mission
économique [DREE] -
www.dree.org )
* 107 BALDWIN R. E. [1994],
Towards an Integration Europe, Center of Economic Policy Research -
CEPR -, London.
* 108 Nous utilisons le
terme de « short list » en référence
à l'ouvrage de MICHALET [1999]. Pour figurer sur la
« short-list » des pays les plus attractifs, un ensemble de
conditions préalables et un ensemble de conditions nécessaires
doivent être remplis. (MICHALET C.-A. [1999])
Les conditions préalables recouvrent le besoin de
stabilité du régime politique, de stabilité
économique, du « climat » autours des
investissements (règles, traditions...).
Les conditions nécessaires pour leur part se divisent
en quatre groupes concernant le marché (il doit être grand et en
croissance), les infrastructures (les réseaux de communication et
télécommunication doivent être efficaces et bon
marché), la main d'oeuvre (elle doit être relativement
qualifiée sans pour autant être trop onéreuse) et le tissus
industriel local (il doit exister et être performant).
* 109 WINTERS [19996] in
BUIGUES P.-A. et MARTINEZ-MONGAY C.[1999].
* 110 L'Union
européenne n'a pas respecté ses engagements du traité
d'Ankara aussi cela a entaché la crédibilité de l'UE face
à la Turquie. Izzetin DOGAN de l'université de Galatasaray
soulignait à ce sujet :« Quant à l'UE, elle
n'a jamais réalisé ses engagements financiers et continue de se
cacher derrière un petit Etat européen [la Grèce]
pour ne pas les honorer. » (DOGAN I. [1999], «Les
engagements de l'accord d'Ankara, 35 après » in INSEL A
[1999].
Néanmoins la Turquie bénéficie depuis
2000 de l'aide « Pré-adhésion ».
* 111 De surcroît, les
inégalités importantes qui caractérisent la
répartition du revenus en Turquie alimente le dilemme
« stabilité-croissance ». (AKAGüL D.
[2000]).
* 112 Le stock de la dette
représentait en 2000 moins de 60% du PNB. Ce ratio est à titre
d'exemple dans la même ordre de grandeur pour les Etats-Unis et
l'Allemagne. (source OCDE, Perspectives économique, juin 2001)
* 113 Sans ce manque
à gagner l'économie turque aurait augmenté de 1,5 point
son rythme de croissance passant ainsi de 5% par an à 6,5% ce qui aurait
permis une croissance plus accrue du PIB par tête chaque année
conduisant à une différence cumulée de 22% (AKAGüL D.
[2000]).
* 114 BOURGUINAT H. [1992]
l'émergence contemporaine des zones et blocs régionaux in
MUCHELLI J.-L. et F. CELIMENE [1992] Mondialisation et
régionalisation : un défi pour l'Europe, Economica.
* 115 Néanmoins plus
sur la période étudiée de 1970-1995, COLECCHIA A. observe
que compte tenu de la forte hétérogénéité
entre les pays l'ampleur estimée (augmentation de 0,09 point de PIB pour
1% d'ouverture supplémentaire) est à envisager avec
circonspection.
* 116 Selon ALLEN C.B. et
al. [1996] Competitiveness Impact and The Quantification of Trade Diversion Due
to The SMP, commission européenne in BUIGUES P.-A. et MARTINEZ-MONGAY
C.[1999].
* 117 AKAGüL Deniz
[1999] La Turquie et l'économie européenne : vers
l'intégration ou la coopération ? in INSEL Ahmet (sous la
dir.) (1999) La Turquie et l'Europe, une coopération tumultueuse,
l'harmattan, Paris, p86-87. et voir également AKAGüL Deniz [1995]
Emigration de la main-d'oeuvre turque : approche économique, Turc
d'Europe et d'ailleurs, Institut National des Langues et Civilisations
Orientales, Paris.
* 118 Il y a, à l'heure
actuelle, près de 4 millions de ressortissants turques vivent dans
l'Union européenne (dont 2,5 millions en Allemagne et 350 000 en France
)
* 119 Le Monde, 13
décembre 1986 p.11 In AKAGüL Deniz [1995].
* 120 CE [1989] Avis de
la commission sur la demande d'adhésion de la Turquie à la
Communauté, SEC (89) final, Bruxelles, 18 décembre, p. 7 in
AKAGüL Deniz [1995].
* 121 Et en effet Deniz
AKAGüL [1995] corrobore nos affirmations en estimant (pour 1995) qu'
« (...) une diminution de 12% de l'emploi du facteur travail pour
un niveau initial du stock de capital se traduit par une augmentation de 30% du
prix relatif au travail. »
* 122 Bien que nous ayons
éludé jusque-là la question de la spécialisation
intra-branche fondée sur la différentiation des produits, il
semble que celle-ci exerce des effets ambigus sur la répartition des
gains à l'échange (SIROËN J.-M. [1996]). En effet, dans des
analyses en terme de nouvelle économie internationale ( de type HELPMAN
et KRUGMAN [1995]), il est fréquent de distinguer d'une part un secteur
peu intensif en RD et en capital, qui produit à rendement
d'échelle non croissant et, d'autre part, un secteur
« moderne » spécialisé dans les produits
nouveaux, différentiés et à haut niveau de
développement technologique, bénéficiant de rendements
d'échelle internes ou externes croissants. Les économies externes
que génèrent ces secteurs introduisent un cercle cumulatif
d'accroissant de productivité et donc des niveaux de vie qui favorisent
l'accumulation du capital humain. Cet avantage est encore amplifié si
les marchés d'exportations bénéficient de structures de
marché imparfaites et permettent ainsi la captation d'une rente sur les
marchés internationaux.
* 123 Okan AKTAN [1987]
« The competitive structure of Turkish economy » in
Gülten KAZGAn (ed.) [1987], Prospects for Turkey's Acession to the
community, SIAR, Istanbul in Deniz AKAGüL [1995].
* 124 Françoise
LEMOINE soulignait en effet dans un article de sociétal :
« L'intégration des pays d'Europe centrale et orientale
à l'économie de l'union est largement réalisée,
à la fois par les échanges et par les investissements directs des
entreprises ouest-européennes. Une répartition des
spécialisations se dessine. Mais chez les candidats les plus
avancés, les avantages comparatifs ne reposent plus seulement sur le
niveau des salaires : l'offre évolue vers des secteurs à
haute technologie, où l'écart de productivité avec l'ouest
se réduit rapidement ». (LEMOINE F. [2001], p.63)
* 125 La
libéralisation du code d'investissement direct étranger au
début 1980, la libéralisation financière interne (1984),
la réouverture de la bourse d'Istanbul (1986), et l'ouverture
financière extérieure avec la convertibilité de la livre
turque (1989) ont nettement contribué à l'entrée de
capitaux étrangers non générateur de dettes.
* 126 A ce sujet voir
Bénassy-Quéré A., Fontagné L.,
Lahrèche-Revil A. [2001] Change et investissements directs en
Méditerranée, Revue d'économie du
développement, n°4 décembre 2001. Les auteurs concluent
à la fin de leur article qu'en ce qui concerne la Turquie et
contrairement au cas d'autre pays (Israël par exemple), par le
passé, un ancrage à la monnaie communautaire aurait
augmenté les IDE sur leur territoire et aurait très fortement
baissé leur volatilité sans pour autant entamer la
compétitivité du pays.
* 127 Crises des changes de
1994 et Crises financière de 1999, novembre 2000 et février
2001.
* 128 D'après
Cumhuriet Hafta, 20 février 1998 in VANER S. [2001].
* 129 Calcule à
partir des chiffres de l'Office National de planification, impact de
l'adhésion turque sur le budget de l'UE, Ankara, 1998, p.111. in
AKAGüL Deniz [1999].
* 130 Il utilise une
méthodologie analogue à celle que BESNAINOU [1995] avait
utilisé pour évaluer les besoins des fonds structurels des PECO.
* 131 A titre de
comparaison, on peut estimer le coût de l'entrée de la Turquie
pour les pays « créditeurs » de l'Union comme
équivalent à celui de la Grèce, l'Irlande, l'Espagne et le
Portugal réunis !
* 132 « D'une
manière générale, la convergence peut être
définie comme étant la diminution des écarts de
performances économiques relatifs à plusieurs pays. »
ECHINARD Y. [1997].
* 133 Les
associations et forums de coopération économique
sont définis par SIROËN J.-M. [2000, p.13] comme
« l'association de pays, fondée sur une logique
régionale et, plus souvent, interrégionale. Elle vise à
organiser une coopération entre Etats sur des questions
économiques au sens large : coordination de politique
macroéconomique, commerce, investissement, normes, politiques de la
concurrence, environnement, etc. »
* 134 ORAN Baskin [1995] La
politique turque dans les Balkans et le Caucase, in BILLON Didier (sous la
dir.) [1995] Le rôle géostratégique de la Turquie,
IRIS (Institut de Relation Internationales) Presse éditeur, Paris,
p.34.
* 135 VANER Semih [1995] La Turquie et
le « sommet turc » in BILLON Didier (sous la dir.) [1995],
P49.
* 136 Les chiffres sont
issus de l'ouvrage de Turunç Garip [2001] qui ne précise pas la
date de son tableau néanmoins elle semble correspondre à 1997
d'après DE MONTBRIAL (sous la dir.) [1999] Ramses 2000, IFRI,
Dunod, Paris
* 137 C'est l'Accord
d'Ankara du 12 septembre 1963, JOCE n°182 du 12 décembre
1963 et la décision du Conseil du 23 décembre 1963 qui porte
la conclusion de l'accord d'association entre la CEE et la Turquie, JOCE 29
décembre 1964. Ils ont été complétés et
modifiés avec notamment :
- le règlement CEE n°2760/72 du Conseil du 19
décembre 1972, portant conclusion du protocole additionnel ainsi que du
protocole financier annexé à l'accord d'Ankara signé
à Bruxelles le 23 novembre 1970, JOCE 29 décembre 1972 n°
L293/1 ;
- le règlement de la CEE n°305/74 du Conseil du 4
février 1974 portant modification de l'article 7 de l'annexe 6 du
protocole additionnel, JOCE 7 février 1974 n° L34/7.
* 138 L'article 28 de
l'accord stipule que « lorsque le fonctionnement de l'accord
aurap permis d'envisager l'acceptation par la Turquie des obligations
découlant du traité instituant la communauté, les Parties
contractantes examineront la possibilité d'une adhésion de la
Turquie à la communauté. » (Accord d'Ankara in
TURUNÇ Garip [2001])
* 139 La libre
circulation des travailleurs qui devait entrer en vigueur au plus tard
en 1986, conformément aux articles 12 et 36 respectivement de l'accord
d'Ankara et du protocole additionnel ne s'est jamais réalisée.
* 140 La clause de
sauvegarde est une clause du Protocole additionnel de 1973 qui
prévoit dans son article 60 que : « si des
perturbations sérieuses se produisent dans le secteur de
l'activité économique ou compromettent sa stabilité
financière extérieure, ou si des difficultés surgissent,
se traduisant par l'altération de la situation économique d'une
de ces régions, le pays considéré peut prendre les mesures
de sauvegarde nécessaires ».
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