SECTION II- UN DEPLOIEMENT REDUIT.
De façon générale, la solidarité
internationale du Cameroun semble se porter davantage vers des catastrophes
sociales c'est-à-dire celles résultant des confrontations
violentes ou de l'action des hommes notamment les réfugiés
(paragraphe I) et les étrangers sinistrés (paragraphe II).
Paragraphe I- La prise en charge des
réfugiés au Cameroun.
Ilot de paix dans une zone de conflits et de turbulences, le
Cameroun est une <<destination convoitée des
réfugiés de la sous région »59. C'est sans
nul doute conscient de cette réalité que le Cameroun a
adopté la Loi N° 2005/006 du 27 Juillet portant statut des
réfugiés au Cameroun qui définit le cadre institutionnel
et les modalités de prise en charge des réfugiés (A) dont
les enjeux sont considérables (B).
57 Stéphane Christel NOAH L'initiative
pays pauvres très endettés et la réduction de la
pauvreté au Cameroun, entre promesses et réalité. Vers une
approche critique du <<post ajustement », Mémoire de DESS
en Relations internationales, Yaoundé, IRIC, Juillet 2006, P48.
58 BABISSAKANA << Limites du nouveau
programme avec le FMI et la Banque mondiale : Repères critiques et
prioritaires de politique économique pour le Cameroun », Les
débats économiques du Cameroun et d'Afrique BABISSAKANA,
ABISSAMA ONANA, Yaoundé, Prescriptor, Tome I, PP 453-492.
59 Dieudonné ZOGNONG << Le Cameroun et
les réfugiés : les dangers d'un vide juridique » in
Gouvernance Alert N° 6 cité par Jean Daniel BOMO La Loi
N°2005/006 du 27 Juillet 2005 portant statut des réfugiés au
Cameroun : Analyse politico-juridique, RSD, Yaoundé ? IRIC,
2007-2008, 47P.
A- Les modalités de prise en charge des
réfugiés au Cameroun.
Aux termes de l'article 2 de la Loi N° 2005/006 du 27
Juillet 2005 portant statut des réfugiés au Cameroun, <<
Est considérée comme << réfugiée >>
(...) toute personne qui craignant avec raison d'être
persécutée à cause de sa race, de sa religion, de sa
nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de
ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la
nationalité et qui ne peut plus, ou du fait de cette crainte, ne veut se
réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a pas de
nationalité et se trouve hors du pays où elle avait sa
résidence habituelle, à la suite de tels
évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y
retourner ; toute personne qui, du fait d'une agression, d'une occupation
extérieure, d'une domination étrangère ou
d'évènements troublant gravement l'ordre public dans une partie
ou dans la totalité de son pays d'origine ou du pays dont elle a la
nationalité, est obligée de quitter sa résidence
habituelle pour chercher refuge dans un autre endroit à
l'extérieur de son pays d'origine ou pays dont elle a la
nationalité. >>60.
L'encadrement des réfugiés est une longue
tradition découlant de la situation géographique du Cameroun et
des circonstances. Comme le note M. Dieudonné ZOGNONG61
<< le Cameroun est l'un des rares havres de paix dans une Afrique
centrale minée par les conflits de toutes sortes,
générateurs de réfugiés. Il y'a exactement vingt
ans que le phénomène des réfugiés tchadiens fuyant
la guerre civile entre nordistes et sudistes arrivent à Kousséri
ou est crée un camp pour mieux gérer les arrivants tchadiens. De
même, les crises rwandaises et burundaises, les tensions ethno
religieuses au Soudan, les coups d'Etat en Sierra Léone, la longue
guerre au Libéria, l'intolérance en Guinée Equatoriale,
les mutineries congolaises et centrafricaines et la guerre civile en Angola
vont créer un déferlement impressionnant des
réfugiés au Cameroun. Au total donc, selon le HCR le Cameroun
compte presque cinquante mille réfugiés parmi lesquels six mille
sous sa <<protection >>. >>. La Loi N° 2005/006 du 27
Juillet 2005 subordonne la reconnaissance du statut de réfugié et
dont la prise en charge à une identification et un enregistrement
préalables. Une fois répertorié, le réfugié
bénéficie des droits consacrés à l'article 9 de la
Loi du 27 Juillet 2005 : non discrimination, droit de pratiquer sa religion
librement, droit à la propriété, liberté
d'association, droit d'ester en justice, droit au travail, droit à
l'éducation, droit au logement, droit à l'assistance sociale
et
60 Le législateur camerounais a opté
pour une définition qui combine l'approche de la Convention de
Genève du 28 Juillet 1951 relative au statut des réfugiés
telle que amendée par le Protocole de New York du 31 Janvier 1967 et
celle de la Convention de l'OUA régissant les aspects propres aux
problèmes des réfugiés en Afrique signée à
Addis-Abeba le 10 Septembre 1969.
61 Op. Cit.
publique, liberté de circulation, droit d'obtenir des
titres, de l'identité et des documents de voyages, droit au transfert
des avoirs, droit à la naturalisation.
Pour illustration de cette solidarité camerounaise, on
peut apprécier le déploiement des pouvoirs publics lors de
l'afflux massif de réfugiés tchadiens dans le nord du pays au
début du mois de Février 2008. Dès le début de la
crise, il a été mis sur pied un comité mixte de crise
auprès du Préfet du département du Logone et Chari qui
s'est chargé de l'accueil et du regroupement des réfugiés
dans des sites de recasement identifiés. A sa demande, un budget
d'avance de onze millions quatre cent cinquante mille francs (11 450 000) a
été octroyé au Préfet du Logone et Chari pour faire
face à cet afflux. Spontanément, les femmes des arrondissements
de Kousséri et Makary offraient d'importants dons de vivres tandis
qu'étaient pris en charge les réfugiés malades du Sida qui
ont obtenu chacun un stock d'antirétroviraux pour une durée d'un
an environ. Parallèlement, cent vingt blessés étaient
accueillis à l'hôpital de district de Kousséri ainsi que
les enfants souffrant de malnutritions sévères tandis que les
pouvoirs publics élaboraient de concert avec l'ONG Action AID DDEB du
Logone et Chari un programme d'enseignements pour les enfants
scolarisés. Le 08 Février 2008, le chef de l'Etat camerounais a
dépêché une mission interministérielle à
Kousséri pour transmettre aux sinistrés son message de
réconfort afin également d'évaluer avec le comité
mixte local de crise le dispositif de réponse envisagé pour faire
face à l'urgence en vue d'édicter les mesures de renforcement
complémentaires, et enfin remettre aux sinistrés l'aide d'urgence
ordonnée en leur faveur. Avec l'aide et de concert avec les agences
spécialisées des Nations Unies et des organisations humanitaires,
le Cameroun a octroyé aux réfugiés des denrées de
première nécessité, la distribution des non vivres et du
matériel de couchage, l'organisation d'une campagne de vaccination
contre la rougeole et la poliomyélite, le rétablissement de biens
familiaux.
Cette prise en charge effective des réfugiés n'a
pas laissé d'intriguer certains citoyens camerounais qui se sont
interrogés sur l'intérêt de cette solidarité qui
parfois s'est avérée dangereuse pour l'ordre public
interne62.
62 Une manifestation des réfugiés a
en effet causé de nombreux dommages et pertes matériels et
humains. Tensions dues selon le représentant du HCR à des
mauvaises et fausses informations au sujet de la délocalisation des
réfugiés pour le site de Pitoa pourtant désigné
comme l'endroit le plus approprié répondant aux critères
de sécurité, de logistique et de réhabilitation rapide.
Les réfugiés réclament également une revue à
la hausse de la ration alimentaire distribuée par le HCR sur la base
universellement acquise de 2100 kilocalories par jour, une revue de la
qualité du stock des produits notamment le haricot, et déplorent
la mauvaise qualité de l'accueil et surtout le manque de
professionnalisme du personnel de la FICR.
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