0. INTRODUCTION GÉNÉRALE
0.1.
Problématique
L'homme, à en croire Aristote, est un animal social, et
donc condamné à vivre dans la société qui,
d'après Hannah Arendt, conditionne toutes les actions humaines. Si la
société est une nécessité à laquelle l'homme
ne peut échapper, elle n'est pas pour autant immédiatement
ordonnée et régulée de sorte que tous oeuvrent dans la
même direction et pour le bien commun. C'est justement ce désordre
ou, comme disait Kant, cette « insociable
sociabilité » qui rend nécessaire
l'établissement d'un gouvernement ou un organe investi du pouvoir
exécutif afin de diriger un État.
Contrairement à Epicure, pour qui l'aventure politique
est aléatoire et dangereuse - « Tiens-toi à
l'écart de la place publique », disait-il - et aux
philosophes sceptiques qui sont généralement hostiles à
toute forme d'engagement dans le domaine politique, Aristote, pour qui l'homme
est aussi un zôon politikon (animal politique), lui
conseille de s'y engager. Car, pense-t-il, c'est le seul moyen d'accéder
au bonheur véritable, au bien commun, à la justice et à la
morale. Et pour y arriver, il faut, d'après Thomas Hobbes, un souverain,
la seule personne avec qui la justice et la morale débutent dans la
société1(*).
Selon Nicolas Machiavel (1469 -1527), ce souverain doit
être un hypocrite démagogue incarnant en lui l'homme et la
bête. Le prince, comme le nomme Machiavel, doit user des lois et de la
force pour guider mais également pour conserver le pouvoir. Pour
Machiavel, tous les moyens sont efficaces quand ils sont nécessaires.
Toutefois, le prince doit toujours paraître vertueux en public. Ainsi,
pendant qu'il n'est pas nécessaire pour le prince d'avoir toutes les
vertus, il est très nécessaire pour lui de sembler les avoir.
D'où la maxime machiavélienne, « gouverner, c'est
dissimuler ».
A un ami qui nous posa la question de savoir pourquoi
ceux qui travaillent sur la politique traitent toujours de la morale, nous
répondions en citant Bruno Ntumba Muipatayi : « Ce
qui nous a poussé à réfléchir davantage sur ce
thème (morale et politique) est le contexte national et international
où la politique semble truffée de mensonge, de démagogie,
d'anarchisme et de meurtre. Dans notre culture luba, n'a-t-on pas
identifié politique et mensonge ?» 2(*). Comme quoi, la politique ne
serait rien d'autre que le mensonge. Myriam Revault D'Allones corrobore cette
pensée quand elle affirme que « L'art de gouverner est celui
de tromper les hommes»3(*). Dès lors, faut-il crédibiliser
Machiavel ? La satisfaction du bien commun et la pratique du pouvoir
peuvent-elles justifier le droit de ne pas se conformer aux exigences de la
morale ? Existe-il un droit ou un devoir de vérité en
politique ? Aujourd'hui peut-on gouverner sans dissimuler ?
0.2. Intérêt
et choix du Sujet
La théorie du « noble mensonge »
dans la République (354 av. J. C.) de Platon, la
République (54 av. J. C.) de Cicéron, le
Léviathan (1651) de Hobbes et De l'esprit des
lois (1758) de Montesquieu ne sont nullement critiqués de la
manière que l'a été, l'est, et peut-être le sera la
pensée politique de celui que Gilbert Maurin de l'Académie
Goncourt surnomme le plus grand théoricien politique, Niccolò
Machiavelli. La preuve en est que de ces quatre oeuvres citées, seule
celle de Machiavelli fut mise à l'index (le 30 décembre 1559)
avant d'être entérinée plus tard (à partir de 1564).
De ce fait, l'on pourrait d'emblée dire que s'il ne s'agissait pas d'une
hérésie, il s'agissait du moins d'une immoralité
quelconque.
Il est vrai qu'en prenant littéralement, entendez par
là « en décontextualisant », l'oeuvre
littéraire de Machiavel (Le Prince, La Mandragore, Les Discours sur
la première Décade de Tite-Live, L'Art de la guerre, Les
Histoires florentines, Vie de Castruccio Castracani ...), l'on
consentirait avec tout le monde que le machiavélisme est un mal à
bannir à tout prix. Cependant, pris dans son contexte, il nous serait
difficile de porter un jugement ni absolument positif, ni absolument
négatif. Cette cruelle alternative que les anglophones appellent
« between the devil and the deep blue
sea »4(*), nous a stimulé à examiner le
sol italien afin de comprendre adéquatement la pensée d'un de ses
plus nobles fils avant de dire si oui ou non la fin justifie les moyens. Ce
faisant, nous nous mettons à l'école de Rudyard Kippling
(1865-1936) avec l'aphorisme « n'admettez rien à priori si
vous ne pouvez le vérifier »5(*).
0.3. Approche
Méthodologique et structure du travail
Ce travail se veut une approche analytico-descriptive car,
nous nous proposerons une relecture de la philosophie de Machiavel, laquelle
relecture nous conduira à une analyse à la fois subjective et
objective. « C'est pour nous une invitation à scruter sa
méthode pour en savoir l'originalité »6(*).
Dans le premier chapitre nous tenterons d'exposer les concepts
en vogue au temps de Machiavel avant de donner le contexte d'émergence
de Le Prince. Dans le deuxième chapitre, nous
analyserons la philosophie politique de notre auteur. Dans le troisième,
chapitre nous évaluerons la philosophie machiavélienne,
surnommée « le machiavélisme », à la
lumière de l'agir politique classique, médiéval, moderne
et contemporain. Ici, notre principal but sera de détecter les
gouvernants dits « machiavéliens », et ceux
appelés « machiavéliques », et voir en
dernier lieu, s' il est possible, comme le suggère le recteur de
l'Université Saint Augustin de Kinshasa, le professeur Willy M. Okey,
dans son tout récent ouvrage7(*), de repenser la politique.
CHAPITRE PREMIER
LE CREDO
MACHIAVÉLIEN
I.0. Introduction
« Combien il est louable à un
prince de respecter ses promesses et de vivre avec intégrité, non
dans la fourberie, chacun le conçoit clairement. Cependant, l'histoire
de notre temps enseigne que seuls ont accompli de grandes choses les princes
qui ont fait peu de cas de leur parole et su adroitement endormir la cervelle
des gens ; en fin de compte ils ont triomphé des honnêtes et
des loyaux. Sachez donc qu'il existe deux manières de combattre :
l'une par les lois et l'autre par la force »8(*). A
notre avis, c'est en ces termes que se résume tout
l'enseignement de Machiavel, que nous avons nommé le credo
machiavélien. Machiavel, ce nom propre universellement connu,
évoque une époque, la Renaissance ; une nation, l'Italie,
une ville, Florence et enfin, l'homme lui-même, le bon fonctionnaire
florentin qui, en toute ignorance, et toute ignorance de l'étrange
avenir, portait ce nom, voué à la réputation la plus
éclatante et la plus équivoque.
Il est important de remarquer que dans son credo, Machiavel
commence par « combien il est louable à un prince de respecter
ses promesses et de vivre avec intégrité ». Dans la
plupart de ses oeuvres, il ne manque pas d'évoquer cet aspect qu'on
dirait éthique, le bon côté des choses : « Il est
nécessaire de faire la paix »9(*) ; « combien il est nécessaire
à un prince que son pouvoir soit établi sur de bonnes bases, sans
lesquelles il ne peut manquer de s'écrouler »10(*) ; « il serait
très beau, sans doute, et chacun en conviendra, que toutes les bonnes
qualités que je viens d'énoncer (générosité,
bienfaisance, compatissance, fidélité à sa parole,
franchise, religiosité...) se trouvassent réunies dans un
prince »11(*), etc. Cependant, devant ce titan qu'est
l'Histoire, Machiavel n'a pas le choix. S'écartant de la route commune,
il traite de la politique qui est d'ailleurs, d'après Brion, sa passion,
en s'arrêtant à la réalité des choses qu'en se
livrant à des vaines spéculations : l'histoire de notre
temps enseigne que... . La politique selon Machiavel, pourrait-on
dire, c'est « faire de l'Histoire ».
Contrairement à la plupart des traités
traditionnellement destinés à l'édification morale d'un
chef d'État, supposés l'encourager à l'usage vertueux et
juste du pouvoir, l'histoire conduit Machiavel à affirmer qu'il n'y a
pas de pouvoir vertueux s'il n'y a pas de pouvoir effectif. Aussi, la question
fondamentale posée par Le Prince n'est
pas « comment bien user du pouvoir selon les vertus morales et
chrétiennes ? » mais « comment obtenir le
pouvoir et le conserver ? » Il ne s'agit pas de se
référer à des valeurs morales transcendantes comme le
faisait Platon dans La République, ni de poursuivre une utopie.
La politique, selon Machiavel, doit s'exercer en tenant compte des
réalités concrètes. Ce qui fait nécessairement
passer la morale au second plan.
Bien que convaincu des ses croyances religieuses, Machiavel
est forcé à mettre momentanément de côté la
morale chrétienne. « La faim chasse le loup hors du
bois », dit-on. Autrement dit, la nécessité contraint
les hommes à faire les choses qui ne sont pas de leur goût. C'est,
semble-t-il, ce qui obligea ce grand stratège à trouver son
chemin de Damas. Avant d'aborder pleinement ce chapitre, il ne serait
guère charitable d'abandonner notre lecteur sans lui fournir un petit
vade mecum sur certains concepts du temps de Machiavel.
I.1. Les Médicis
Les Médicis (ou Medici, en italien)
étaient une famille de banquiers florentins, qui domina Florence
à partir de 1434, avant d'en acquérir le titre ducal en 1532. Au
début du XIIIe siècle, les Médicis ne sont
qu'une obscure famille originaire de la campagne toscane. Moins d'un
siècle plus tard, grâce au commerce et à l'industrie de la
laine, ils sont devenus l'un des clans les plus en vue de Florence et aussi
l'un des plus ambitieux. Dès cette époque, ils affichent leur
soutien au Parti Populaire, dont ils veulent faire le tremplin pour leurs
ambitions politiques. Les principaux membres de cette famille furent :
Giovanni de Médicis (futur pape Léon X), Jules de Médicis
(futur pape Clément VII), Catherine de Médicis (
dauphine et
duchesse
de Bretagne de 1536 à 1547,
reine de
France de
1547 à
1559, mère des rois
François
II,
Charles IX,
Henri III, des
reines
Élisabeth
- reine d'Espagne - et
Marguerite,
dite « la reine Margot »), Laurent Ier dit le
Magnifique, Laurent II (duc d'Urbino), Julien de Médicis,
etc12(*).
I.2. Les Condottieres13(*)
A l'aube de la Renaissance, l'Italie est fractionnée en
une multitude d'entités politiques distinctes issues de la
féodalité et de l'affaiblissement du pouvoir impérial.
Parmi celles-ci, cinq États principaux se partagent les richesses
démographiques et commerciales : les Républiques de Florence et
de Venise, le Duché de Milan, les États pontificaux et le Royaume
de Naples. Les rivalités sont nombreuses entre ces États qui se
disputent le contrôle des marchandises et des capitaux, exacerbées
par la haine qui oppose les partis Guelfes et Gibelins.
C'est dans ce cadre politique troublé que
s'élaborent les bases de la diplomatie et de la guerre modernes :
stratégies, tactiques et technologies militaires s'y développent
rapidement. Et parmi la foule d'innovations engendrées par ces conflits,
émerge une nouvelle conception de l'affrontement : la
« professionnalisation » de la guerre. Ainsi apparaissent
les Condottieri (ou Condottieres).
Du concept italien condotta qui signifie
« contrat », les Condottieres étaient souvent
d'origine étrangère mais ils incluaient aussi les nobles italiens
comme par exemple les ducs Este de Ferrara, Gozangue de Mantoue et les Sforza,
les ducs de Milan. Désireux de redorer leur blason, ces hommes mirent
leur art et leur expérience au service des États en guerre en
échange d'argent, de terres ou de titres14(*).
I.3. Les Dix
A Florence, les Dix se referaient aux dix bourgeois qui
gouvernèrent cette ville sous la présidence d'un gonfalonier. En
termes clairs, il s'agit de la chancellerie de la ville de Florence. Et on
entendait par gonfalonier, un officier de justice de cités
républicaines italiennes au Moyen âge15(*).
Après donc ce petit vade mecum passons aux
événements majeurs qui ont engendré ce que l'histoire
nommera « le machiavélisme ».
I.4. Les Circonstances
Historiques
Nous sommes à la fin du
XVè siècle, début XVIé
siècle. L'Italie n'est alors qu'un conglomérat
d'États qui se font continuellement la guerre et sur lesquels
pèse l'appétit des grandes puissances : la France, l'Espagne
et le Saint Empire germanique. Elle (l'Italie) est une belle proie pour elles.
Sur place, les personnages les plus puissants sont les légendaires
condottieres dont les plus brillants ont pris le pouvoir dans de nombreux
États : Bentivoglio à Bologne, Este à Ferrare,
Gonzague à Mantoue, les Visconti et les Sforza à Milan. La guerre
qui était pour eux un gagne-pain devient pour eux un moyen d'agrandir
leurs États et leurs fortunes. Seules les villes de Rome (appartenant au
pape), Naples (qui était entre les mains de l'Espagne) et les
cités de Venise et Florence (les deux seuls États
républicains) échappèrent à ces familles16(*). Mais Florence n'était
pas complètement épargnée car le système
républicain qui s'y trouva a été vicié par les
Médicis.
Entre temps, le jeune Machiavel, qui a hérité de
son père la littérature et de sa mère la poésie,
refuse, après ses études secondaires du deuxième cycle,
d'aller à l'université et commence à remplir quelques
petits travaux mal payés : traduction, copies, etc, jusqu'à
ce que la chance lui sourît.
C'est alors la grande époque du moine
Jérôme Savonarole (1452-1498), qui dénonce les moeurs du
temps dans ses prêches et accable les Médicis. On a souvent
essayé de l'assassiner mais « il désarme les
sbires par son regard : ses grands yeux noirs sous ses sourcils roux et
broussailleux paralysent les assassins comme ils fascinent les
fidèles ! »17(*). Il a même si bien bouleversé le roi de
France, Charles VII, que ce dernier a épargné Florence qui, sans
cela, aurait été réduite à feu et à sang.
Florence a plus peur de Savonarole que de Charles VII, « les
poètes déchirent leurs vers licencieux, les érudits
ferment leurs livres, les peintres crèvent leurs toiles, les seigneurs
commencent à mener une vie chaste »18(*). Or, l'homme comblé ne
dure pas (cf. Psaume 49, 13). Voilà qu'à la manière du
sanhédrin juif, les florentins complotent contre le pauvre pieux moine
et cherchent voies et moyens pour le faire périr. Le gouvernement
théocratique du moine va s'effondrer effectivement bientôt, au
moment précis où Machiavel entre comme fonctionnaire au palais et
devient secrétaire des Dix.
Pour avoir prêché l'austérité des
moeurs, osé invectiver la puissante famille des Médicis et voulu
bannir de la ville toute activité allant contre les préceptes de
l'Évangile, le moine dominicain, sous les hurlements de la foule,
lève les yeux au ciel, abandonnant sans regret son corps torturé
et brûlé. De la fenêtre du palais, un homme de vingt-neuf
ans, qui vient d'entrer pour la première fois dans son bureau de
fonctionnaire, regarde mourir celui que le pape appelle la
« monstrueuse idole »19(*). Ainsi, devant ce vieillard agonisant, et face au
ciel énigmatique, le plus grand théoricien de la politique,
Niccoló Machivelli, commence sa singulière carrière.
Savonarole, mort, a perdu son pari ; Machiavel s'apprête à
gagner le sien devant la prospérité. « Qu'un
homme aussi influent vint à une si misérable fin, apprit à
Machiavel une leçon précoce au sujet du pouvoir relatif des
forces du bien et du mal dans la société »20(*).
Devant une telle situation, il faut à tout prix un
libérateur, un messie qui puisse enfin incarner l'Italie et mettre fin
à ses déchirements. Ce sera alors la préoccupation de
Machiavel ; toute sa vie durant il sera à la recherche d'un
véritable chef, un guide digne de ce nom. « C'est pour cela
qu'il a tant travaillé, réfléchi, lu,
médité, écrit ; c'est pour cela qu'il entre dans
l'administration afin de perfectionner son expérience
politique ; c'est pour cela, enfin, qu'il a écrit ses
livres »21(*). Les fins aussi tragiques que sottes de
César Borgia, du pape Jules II, du pape Clément VII et de Laurent
le Magnifique sur qui Machiavel comptait énormément pour la
libération de l'Italie, ne furent qu'augmenter en lui le désir
d'un monarque. En février 1513, déjà privé de
toutes ses fonctions, il est emprisonné et torturé, car
soupçonné d'un complot. Libéré le 13 mars, il se
réfugie à la campagne. C'est dans ce contexte qu'il se met
à écrire le premier ouvrage de la politique des temps modernes,
son chef-d'oeuvre qui fît à la fois sa gloire immortelle et son
aversion perpétuelle : Le Prince, une oeuvre qu'on ne
saurait lire sans prêter attention à l'avertissement de Marie
Gaille-Nikodimov : « Lecteur, tu tiens entre tes mains un texte
mille fois lu, sans cesse traduit et infiniment commenté. Solaire et
clairvoyant pour les uns, diabolique et courtisan pour d'autres, il a
traversé les siècles avec fracas, allant conquérir des
lecteurs qui s'en considèrent les disciples, croient y voir
énoncées des recettes et veulent les appliquer, qui au politique,
qui au militaire, qui à la séduction amoureuse, qui à
l'économie du marché »22(*).
Tel a été grosso modo le sitz im
leben23(*) qui a
révolté l'homme que Spinoza appelle
« sagace », l'obligeant à remettre partiellement en
cause la morale chrétienne, foulant ainsi au pied le type d'État
proposé par Thomas d'Aquin tout en transformant les pensées
politiques d'Érasme et de Martin Luther en une base radicalement
séculière.
I.5. Présentation de
l'ouvrage
Écrit en italien, sous le titre Il
Principe24(*), cet
opuscule dont le principal motif fut l'unification de l'Italie
déchirée, fut d'abord dédié à Julien de
Médicis (1453-1478) puis à son cousin Laurent de Médicis
(1449-1492), qui, par l'éventail de ses talents, était
considéré comme l'une des plus belles incarnations de
l'idéal de l'Homme de la Renaissance. L'auteur y donne les
raisons : « Désirant donc pour ma part m'offrir à
votre Magnificence avec quelque témoignage de mon dévouement
à son égard, je n'ai rien trouvé, dans mon attirail, chose
qui me soit plus chère ou que j'estime plus que la connaissance des
actions des grands hommes, apprise par moi d'une longue expérience des
choses modernes et d'une continuelle leçon des
anciennes »25(*).
Aussi, il invite son lecteur à prendre ses directives
au sérieux car elles sont le fruit de sa longue expérience :
« Si l'on lisait ce livre, on verrait que, pendant les quinze
années où j'ai eu l'occasion d'étudier l'art du
gouvernement, je n'ai point passé mon temps à dormir ou à
jouer, et chacun devrait tenir au service d'un homme qui a su acquérir
ainsi aux dépens d'autrui tant d'expériences »26(*). Avoir de
l'expérience, disait de La Beaumelle, ce n'est pas avoir vieilli, c'est
avoir vu, et l'on voit mieux jeune que vieux. « Tout art repose sur
l'expérience et d'abord celle qu'on a acquise par la pratique
personnelle des affaires »27(*). Comment donc mettre en doute la
fidélité d'un homme qui, à l'âge de 43 ans, est
pauvre après avoir servi longtemps l'État, et qui, ayant toujours
observé jusque-là foi et loyauté, ne va maintenant pas
apprendre à trahir ?
Machiavel se veut très réaliste ; il
décrit les moyens couramment utilisés par tous les souverains
pour conserver le pouvoir. Il met à nu ce que les hommes font
vraiment, sans employer « la langue de bois » qui
camouflait cette réalité de la politique derrière le
discours religieux qui avait alors cours, et qui faisait croire que les hommes
faisaient toujours ce qu'ils devraient faire. Le gouvernement d'Athènes
n'exécuta-t-il pas l'illustre Socrate de peur de perdre contrôle
sur le peuple et le pouvoir ? Hérode ne massacra-t-il pas les
enfants innocents pour conserver son pouvoir (Matthieu 2, 16) ? Pilate
n'ordonna-t'il pas que Jésus soit crucifié de peur de perdre sa
réputation et sa confiance auprès de César (Jean 19,
12) ? Et la liste n'est pas exhaustive. C'est là le sens de la phrase de
Francis Bacon qui rend grâce à Machiavel d'avoir dit la
vérité, d'avoir dit ce que font les hommes.
Machiavel écrit sans doute pour éclairer le
peuple, comme le remarque Jean Jacques Rousseau, et non, comme on l'a cru, pour
conseiller les rois. « En feignant de donner les conseils aux Rois,
Machiavel en a donné de grands aux peuples »28(*). C'est pourquoi
en Angleterre, au XVIIIe siècle, Le Prince
était lu comme une dénonciation des pratiques tyranniques des
monarques29(*).
I.5.1. Division de
l'ouvrage
Le Prince comporte 26 chapitres. Dans le premier
chapitre, les différents États sont classés selon deux
grands types : les républiques et les monarchies, ces
dernières étant soit héréditaires, soit nouvelles.
À cette occasion, l'essai évoque les évènements
récents qui agitent l'Italie au Quattrocento, notamment les agissements
de César Borgia (1475-1507) pour s'installer en Romagne et les intrigues
des Sforza à Milan visant à évincer les Visconti.
Dans les chapitres II à XI, l'auteur étudie les
différents moyens de conquérir la Romagne et Milan et de les
conserver. Dans les chapitres XII à XIV, les questions militaires sont
abordées ; Machiavel se prononce notamment en faveur d'une
conscription nationale au détriment de l'usage de mercenaires toujours
susceptibles de causer plus de torts que de bien pour le prince.
Les chapitres XV à XXIII exposent l'essentiel de ce que
la postérité a retenu sous le nom de
« machiavélisme ». Ce sont là des conseils
qui semblent être dénués de tout moralisme et qui sont
relatifs à la conservation du pouvoir : la fin justifie les moyens
et il n'y a pas de morale qui tienne. Enfin, les chapitres XXIV à XXVI
dévoilent les intentions de l'auteur : ces conseils doivent
permettre de libérer et d'unifier sa patrie, l'Italie.
I.6. Conclusion
Somme toute, pour boucler ce premier chapitre, disons que la
condition de la pourriture morale en Italie au XVIè
siècle incita Machiavel à questionner l'efficacité du
genre de gouvernement populaire exemplifié par la République
Romaine. Étant convaincu que seuls les plus astucieux pourraient
survivre dans un art précaire de gouverner, Machiavel demanda aux
gouvernants de développer l'art de la déception. Basant sa
pensée sur une très proche inspection du comportement actuel de
ses contemporains, incluant même les papes (qui avaient souvent une
très mauvaise réputation), il conclut que penser le comportement
politique en termes moraux serait s'exposer à tous les dangers que les
malins ennemis pourraient créer. Voilà ce qui poussa le pieux
chrétien qu'était Machiavel à être
indifférent à la morale chrétienne - sans toutefois
devenir athée30(*)
- disant que cette dernière a rendu les hommes faibles et les a conduits
à devenir une proie facile aux hommes méchants. Il suffit de
penser à la fin tragique du moine dominicain Savonarole, au traquenard
organisé par le cardinal Colonna pour faire tomber Clément
VII31(*), à
l'assassinat de Julien de Médicis32(*) et aux pieux cardinaux assassinés par les
papes à cause du pouvoir, pour acquiescer à la pensée de
Machiavel.
CHAPITRE II
MACHIAVEL ET L'EXERCICE DU
POUVOIR : LE PRINCE
II. 0. Introduction
Dans le contexte de l'instabilité historique des
institutions florentines et de la faiblesse des cités de regnum
italicum (règne italien) face à l'invasion
d'étrangers, barbares certes, mais puissants, Machiavel adopte la
posture de l'histoire en temps de crise, telle que H. Arendt la
définit : « Lorsque les événements
présents ont rendu caduque la sagesse héritée du
passé et sans pertinences les observations du `sens commun', il
devient nécessaire de retrouver la portée politique du
jugement »33(*).
C'est pourquoi, convaincu que les plaies de l'Italie ne se cicatriseraient pas
à moins que celle-ci engendre un libérateur, Machiavel, en
attendant l'arrivée de ce messie politique, lui conçoit une
recette qui lui permettra de faire siennes les lois et la force, deux armes
sine qua non dans l'art de gouverner. Ainsi, une fois qu'il ait
conquis le pouvoir, le prince puisse être à mesure de le
conserver. « L'exercice du pouvoir procède de deux
manières dans Le Prince : modes de conquête et
genres de conservation »34(*). Le prince, si clairvoyant soit-il, ne peut faire
l'économie de cet effort de compréhension et de
détermination des conditions de son action.
Pour Machiavel, le prince doit écouter la parole de
« celui qui, en retrait de l'action et sans décision à
prendre, a le temps d'observer et de discerner »35(*). La valeur de son conseil
tient à sa connaissance pratique de l'Art de l'État et, de
manière générale, à une expérience acquise
pendant des années de service pour la chancellerie de Florence. Dans ce
chapitre nous analyserons l'exercice du pouvoir d'après que l'entend le
très pénétrant36(*) Nicolas Machiavel.
II. 1. Gouverner par les
lois et par la force
La notion machiavélienne de gouverner par les lois et par
la force lui semble venir de Cicéron qui, à propos de deux
manières de régler les conflits, écrit :
« Dans la République il faut avant tout observer les droits de
la guerre : il y a deux sortes de conflits qui se règlent les uns
par un débat, les autres par la violence »37(*). A son tour,
Machiavel résume l'art de gouverner en deux substantifs
évoquant typiquement Chiron le centaure38(*): les
« lois » et la « force », le premier
étant propre à l'homme et le second aux bêtes. Puisque,
maintes fois, le premier ne suffit pas, il convient au prince de recourir au
second pour guider son peuple mais également pour garder le pouvoir plus
généralement et donc se protéger lui-même :
« Avoir pour précepteur un être mi-bête, mi-homme,
cela ne veut rien dire d'autre, sinon qu'il faut qu'un prince sache user de
l'une et de l'autre nature, et l'une sans l'autre n'est pas
durable »39(*). Dans la bête, Machiavel voit deux
animaux indispensables l'un comme l'autre, le lion et le renard,
représentant la force extrême permettant au prince de garder le
contrôle sur son peuple et la ruse lui permettant d'user
d'ingéniosité pour garder ce même contrôle,
comme il le dit lui-même : « Il faut être
renard pour connaître les filets (les pièges ?) et lion pour
effrayer les loups »40(*). On se souviendra bien que la Bible nous
présente le lion comme une des figures du roi Salomon (cf. 1 R 10, 19),
que Dieu lui-même serait comme un lion (cf. Os 5, 14 ; Ez 1,
10 ; Ap.4, 7) et que Jésus appela Hérode « ce
renard » (Luc 13, 32). Ce qui sous-entend que les caractères
de lion et de renard chez les gouvernants sont bien antérieurs à
Machiavel.
II.1.1. Les lois
Dans la pensée de
Machiavel les lois renvoient à l'homme comme la force à
la bête. Parler de l'homme dans la conception du florentin, c'est parler
de l'ordre légal et des sentiments moraux. Le prince doit en tenir
compte pour mener à bon port la res publica. Puisqu'en
empruntant cette voie tous les grands de l'histoire ont réussi, le
prince doit faire autant, car « les hommes suivent
généralement les chemins frayés par d'autres, se
gouvernent par imitation (...) ; aussi un homme sage doit-il suivre
toujours les sentiers battus par les grands personnages »41(*). En revanche, le respect des
lois (constitutions, règles, coutumes...) conduira les gouvernés
à la liberté et au bien-être.
A en croire C. Rousseau, Machiavel ne fait pas de distinction
entre bonnes lois et mauvaises lois. Pour lui, toute loi est bonne à
condition qu'elle ait une emprise de la force. « Des lois quasiment
iniques ou absurdes ont de l'efficacité si la force les appuie
(...) »42(*).
II.1.2. La force : le
lion et le renard
« Étant donc dans la nécessité
de savoir bien user de la bête, un prince doit prendre de celles-ci
(sic), le renard et le lion, parce que le lion ne se défend pas
des filets, le renard ne se défend pas des
loups (...)»43(*). Pour Machiavel, comme pour Trotski, tout État
est fondé sur la force car, comme l'explique Max Weber, « s'il
n'existait que des structures sociales d'où toute violence serait
absente, le concept d'Etat aurait alors disparu et il ne subsisterait que ce
qu'on appelle au sens propre du terme,
l' ` anarchie' »44(*). « La politique est le champ des
rapports de force », ajoute M. R. D'Allonnes45(*). Or, Machiavel fait bien de
distinction entre violence et violence : « Ce n'est pas la
violence qui répare, mais la violence qui détruit qu'il faut
condamner »46(*). Il ne s'agit donc pas de la violence d'un
Napoléon, ou d'un Hitler, d'un Idi Amin ou encore d'un Eugène
Terre' Blanche, mais de la violence d'un Cavour, d'un Jules César, d'un
Kabila (père), d'une Elisabeth Ière d'Angleterre ou
encore d'un Bismarck.
II. 2. La
déontologie politique du prince et la morale
L'originalité de la pensée de Machiavel est de
ne pas conseiller pour autant au prince de mépriser toute forme de
moralité. « Il ne dit pas : sois un usurpateur, ou :
empare-toi du gouvernement par des canailleries (...). En revanche
voilà ce qu'il dit bel et bien : si jamais tu es un usurpateur, ou
si jamais tu es parvenu au gouvernement par des canailleries, il est à
tout prendre encore préférable que nous te conservions,
maintenant que nous t'avons au pouvoir, plutôt que de voir un nouvel
usurpateur ou une nouvelle canaille te succéder et susciter de nouveaux
troubles et de nouvelles canailleries (...) »47(*). Machiavel n'hésite pas
à inviter le prince à « fuir ces choses qui le rendent
haïssable et méprisable (...) »48(*). Il s'agit des actions comme
« être rapace, et d'attenter, soit au bien de ses sujets, soit
à l'honneur de leurs femmes »49(*), la dernière action étant, par-dessus
tout, ce qui rend le prince haïssable.
Aussi, pour s'assurer le soutien et l'appui de la population,
le prince devra respecter publiquement, au moins en apparence, les
règles de morale admises par son peuple, peu importe qu'en privé,
il méprise ces règles. Il devra souvent aller contre la morale
dans ses actions politiques secrètes, par exemple ne pas hésiter
à trahir sa propre parole si c'est un moyen de conserver le pouvoir,
mais publiquement il devra toujours être capable de « donner le
change » afin que son peuple ne se retourne pas contre lui.
Machiavel, disons-nous, visait le meilleur
gouvernement pour les hommes. Si l'adjectif « meilleur »
nous renvoie à l'éthique, l'on pourrait d'emblée affirmer
que la politique de Machiavel est éthique. Or, l'éthique se
distingue bien de la morale, car d'après Nicole Huybens, bien que
l'éthique, la morale et la déontologie, comme les lois,
définissent ce qui est bien, permis ou juste ou mal, défendu ou
injuste, « L'éthique dans l'action s'inspire de ces
règles générales, mais accepte les contradictions entre
les valeurs morales et oblige à faire des choix. Les éthiciens
appellent cela : `prendre la meilleure décision dans les
circonstances' et pas `prendre la bonne
décision' »50(*). Dans la même optique, Marcel Brion de
l'Académie française ajoute : « Son éthique
(celle de Machiavel) est rigoureuse, sévère, et ses lois, pour
n'être pas conformes à celles de la morale coutumière,
gardent quelque chose d'austère et de grave, qui impose le respect,
sinon toujours l'acquiescement »51(*). Cela nous rappelle le titre de
l'ouvrage de Gérard Sfez : Machiavel. La Politique du moindre
mal (1999). Si le moindre mal ici est compris comme une alternative face
au pire, alors le Prince proposé par Machiavel serait
machiavélien et non machiavélique52(*).
II. 3. Le prince face au
peuple et aux grands
Machiavel ne recherche pas la vérité de
l'être, mais la détermination des conditions de l'action du
prince. Cela passe par un discours sur les choses telles qu'elles sont, comme
le souligne le chapitre 15 centré sur l'expression de verità
effetuale (vérité effective) qui se trouve
déjà être synthétisée dans la
Dédicace : « Cette oeuvre, je ne l'ai ni ornée ni
farcie des clauses amples, des mots ampoulés et magnifiques ou de
quelque autre artifice et ornement extrinsèque avec lesquels beaucoup
ont coutume de décrire et orner leurs propres choses, parce que j'ai
voulu ou que rien ne l'honore, ou que seule la variété de la
matière et la gravité du sujet la rendent
agréable »53(*). S'il cherche à conseiller le prince, il n'est
pas prisonnier de son point de vue. Afin de mieux servir le besoin de celui-ci
de conquérir et de se maintenir à la tête d'une cité
ou d'une nation, il se montre apte à envisager et à
décrire les points de vue de tous ceux que le prince rencontre sur son
chemin : il ne pourra en effet parvenir à ses fins que s'il
comprend ces derniers et les amène à le favoriser ou du moins,
à ne pas lui nuire. Aussi comprend-on que dès la Dédicace,
Machiavel évoque à travers une comparaison entre son travail et
celui du peintre, les lieux d'où observer et connaître au mieux la
nature des princes et celle du peuple : « De même pour
bien connaître la nature des peuples, il faut être prince et pour
connaître bien celle des princes, il faut être du
peuple »54(*).
Machiavel insiste sur la nécessité de s'attirer
l'amitié du peuple : la conserver si c'est le peuple qui a
porté le prince au pouvoir, l'acquérir si ce sont les grands.
Mais le prince ne peut négliger les grands, pour des raisons
différentes : à leur égard, ce qui prévaut
n'est évidemment pas leur nombre, mais le fait qu'ils voient plus loin
et sont plus rusés que le peuple. En toute cité, Machiavel dit,
au chapitre 9, qu'il y a deux désirs : pour les grands, il s'agit
de commander, de dominer, d'opprimer et pour le peuple, de n'être pas
commandé, dominé ou opprimé, voire de détenir une
part du pouvoir. Cet antagonisme, dit Maurice Duverger, se manifeste dans
toutes les sociétés humaines55(*). Ces désirs sont cependant variables selon
l'histoire de la cité. Dans le cas d'une cité dont les membres
sont accoutumés, « le peuple désire la liberté
et revendique une part du pouvoir de délibération et de
décision »56(*). Tandis que dans le cas d'une cité
régie depuis toujours par un monarque, « le désir de
liberté est inexistant et le peuple désire pour lui-même,
alors que le désir d'opprimer des grands est extrêmement
puissant »57(*).
Entre le recours aux armes, l'exil, l'assassinat et la
création d'une loi qui permette aux grands et au peuple d'assouvir leurs
appétits ou d'une institution qui règle les conflits
spécifiques entre les grands et le peuple - comme le parlement dans le
royaume de France (chapitre 19) - le prince doit donner aux grands les
sentiments qu'ils détiennent un pouvoir de commander correspondant
à leurs prétentions et à la conception qu'ils se font de
leur rang, tout en faisant en sorte que le peuple ne se sente pas
opprimé par eux.
II. 4. Les conditions de
l'action du prince
Machiavel ne détermine pas en général
les conditions de l'action, mais plonge le prince dans de multiples analyses de
cas particuliers : les exemples. D'un usage massif dans l'humanisme
naissant, ils acquièrent avec Machiavel un statut original. Ceci nous
amène à quelques surprises. Première surprise : les
exemples ne viennent guère illustrer ou introduire un
raisonnement ; c'est dans leur exposition que Machiavel raisonne, juge,
estime, soupèse le pour et le contre, contredit, s'interroge et
discourt. Seconde surprise : l'histoire dont ils sont censés,
à première vue, rendre compte, est relatée en fonction des
fins argumentatives de Machiavel. On peut le constater en revenant à
l'histoire des empereurs romains de Marc-Aurèle à Gordien III, au
chapitre 19. Machiavel ne reprend pas l'opposition entre empereurs amollis par
l'Orient et empereurs barbares et tyranniques, mais insiste plutôt sur
les problèmes auxquels tous ont dû faire face : le rôle
essentiel des soldats pour leur pouvoir et la nécessité de se les
concilier. Afin d'étayer l'idée qu'un prince doit avant tout se
préoccuper de n'être pas haï du peuple, Machiavel analyse les
actions des différents empereurs afin d'évaluer les causes de
leur succès ou de leur échec. Troisième et dernière
surprise : loin de mettre systématiquement en lumière des
actions à imiter, les exemples de Machiavel révèlent
souvent, au contraire, les failles et les déroutes. Dans ce cas, ils
constituent des contre-exemples à des règles, des coutumes, des
conseils dont Machiavel veut récuser ou la pertinence ou l'universelle
efficacité. Ainsi, c'est contre le proverbe « qui fonde sur le
peuple fonde sur la boue » que Machiavel cite, dans le chapitre 9,
les exemples des Gracques à Rome et de Giorgio Soderini à
Florence.
Machiavel s'attache à souligner, au chapitre 3, le
contraste entre les décisions des Romains, qui les ont conduits au
succès dans leurs colonies et les mauvais choix de Louis, roi de France,
lors de son invasion du territoire italien. Les deux séries d'exemples
sont inscrites dans une comparaison rendue possible par l'identification d'un
même but - la conquête d'un pays nouveau - et de conditions
semblables, les désirs et passions des hommes, sujets ou alliés,
et les raisons de leur attachement à un prince nouveau.
Aux yeux de Machiavel, un prince s'inscrit par sa
virtù dans la lignée glorieuse des hommes
« très excellents » et, en même temps,
innove : il s'inspire de l'excellence de leurs gestes mais invente le
sien, dans un contexte qui lui est propre et peut apparaître
inédit. Dans cette perspective, la comparaison engagée au
chapitre 6 entre l'imitateur et l'archer visant sa cible plus haut que
l'endroit où elle est fixée, est importante. A travers elle,
Machiavel insiste sur deux causes de l'impossibilité de la
reproduction : on ne peut emprunter le même chemin que celui qu'on
imite et on ne peut l'égaler. En elles, la distance de l'imité
à l'imitateur est clairement indiquée et la voix est ouverte
à l'innovation.
II. 5. La combinaison des
passions : gage du maintien au pouvoir
Amitié, admiration, estime, mépris, crainte,
sont les mots à travers lesquels, dans les chapitres consacrés
à la réputation et à sa critique des forteresses (15
à 21), Machiavel appréhende la puissance d'un prince,
au-delà des ressources matérielles dont il dispose. Prince
nouveau et prince par hérédité sont d'ailleurs à
égalité à ce propos. Bien que le chapitre 2 semble
suggérer que la tâche du second est très facile, le
chapitre 24 vient contredire cette affirmation. D'abord, parce que de hauts
faits donnent au prince nouveau une grande réputation et qu'il peut se
donner les apparences d'un prince ancien ; ensuite, parce qu'un prince
paresseux et peu clairvoyant, si établi soit-il, perd ses possessions
comme le montrent les défaits des princes d'Italie. Contre la haine du
peuple et des grands il faut chercher l'amitié. Telle est la
recommandation que fait Machiavel au niveau le plus général. Mais
il est nécessaire d'analyser la relation du prince aux grands et au
peuple de manière plus spécifique. Ainsi, à trop
rechercher l'amour par de généreuses et pitoyables actions, le
prince nuit à lui-même : la crainte crée une
obligation plus forte en cas d'adversité que l'amour. Par
conséquent, le prince doit de préférence cultiver un
sentiment de crainte dans ses sujets, mais de telle sorte qu'il ne s'accompagne
pas de haine. Le chapitre 17 se conclut ainsi sur la définition de la
combinaison des passions les plus susceptibles de favoriser le maintien au
pouvoir : la crainte sans haine. « Je conclus donc que,
concernant le fait d'être craint et aimé, les hommes aimant
à leur guise et craignant à la guise du prince, un prince sage
doit se fonder sur ce qui est sien, non sur ce qui est à autrui ;
il doit seulement s'ingénier à fuir la haine, comme il est
dit »58(*).
II. 6. Comment le prince
doit procéder pour avoir le succès
Machiavel envisage pour le prince une nécessité
particulière qui n'est pas toujours en accord avec les circonstances
auxquelles il dit faire face. Ainsi, au chapitre 19, on lit que Marc et
Pertinax ont partagé avec Alexandre, la modestie, l'amour de la justice,
la bienveillance et l'humanité. Or, Marc a connu une vie et une fin
heureuse parce que, pour ses nombreuses vertus, il a hérité de
l'empire et n'en était donc pas redevable ni au peuple, ni aux soldats,
tandis que Pertinax fut malheureux car il fut fait empereur contre la
volonté des soldats accoutumés à une vie licencieuse
depuis Commode et fut méprisé à cause de son âge. A
travers cette comparaison, Machiavel indique qu'une des conditions du
succès pour un prince est de se comporter d'une manière
adaptée à son contexte d'action. Quoiqu'il conçoive une
certaine capacité d'adaptation, Machiavel reconnaît que certains
princes sont nés dans des temps où ils n'étaient pas faits
pour rencontrer le succès.
II. 7. La guerre comme art
par excellence du prince
Il ne sied guère à rappeler que Machiavel part
toujours de l'expérience des hommes depuis les temps immémoriaux.
Dans L'art de la guerre, il montre comment les princes qui se sont
montrés négligents en matière de la guerre ont perdu leur
État. Son souci primordial étant celui de la défense
nationale, Machiavel conseille qu'il faut, à l'instar de l'ancienne
Rome, créer une armée nationale que de compter sur une
armée étrangère : « l'on ne peut trouver
d'appui solide que dans ses propres armes »59(*). C'est pourquoi,
« un prince doit donc n'avoir d'autre objet ni d'autre pensée,
ni prendre autre chose pour son art, hormis la guerre
(...) »60(*).
Pour qu'on parle de bonnes lois dans un État, souligne Machiavel, on
doit parler de bonnes armes. La fin de Savonarole rappelle ainsi à tous
que les armes sont indispensables à qui veut commander une cité.
Contrairement à ce que pense le common man, Machiavel n'incite
pas à la guerre mais invite à la défense en cas d'attaque
ou de guerre61(*), et il
n'est ni le seul ni le premier à le faire. Déjà au
VIè siècle av. J.C., le philosophe chinois
Maître Sun composa un traité martial, qu'on qualifie de fondateur
de la discipline militaire : Le Sunzi bingfa ou L'art de la
guerre62(*).
Machiavel souhaite imprimer dans l'esprit du prince, les
soucis qui doivent l'absorber et le préoccuper. Ce dernier ne doit pas
d'abord être dépendant des forces qui pourraient lui nuire ;
au contraire il doit constituer des forces propres et ne compter que sur elles.
La figure de César Borgia, au chapitre 7, incarne au plus haut point le
souci de cette dépendance à l'égard des armes d'autrui. Il
s'en défait progressivement, en les anéantissant ou en cultivant
des alliances qui les empêchent de lui porter atteinte et dans le
même temps, s'attache le peuple conquis. Même si elles n'excluent
pas d'autres éléments, les forces prioritairement
évoquées dans Le Prince sont celles qui assurent la
puissance militaire. Cela implique beaucoup de choses : il en
découle le rejet des armées mercenaires qui combattent pour la
cité en vertu du salaire qu'elle leur donne, et non par amour de la
patrie qui, seul, inspire le courage aux soldats. Son propos conserve une
originalité dans le concert des critiques, en ce qu'il nomme le projet
d'une armée propre à une analyse de la manière qu'a le
prince de se lier aux grands et au peuple. La distinction entre une politique
intérieure et une politique extérieure est ici
dénuée de sens. Un prince faible du point de vue militaire, ses
sujets se montreront d'autant plus favorables au changement apporté par
la conquête d'un autre prince ou d'une république qu'ils
nourriront de la haine à son égard. Ils se montreront pour le
moins réticents à le défendre contre eux.
II. 8. A propos de
l'homme
Que la méchanceté soit pour l'homme une
caractéristique sui generis, cela est un fait pour
Machiavel ; à telle enseigne que cette méchanceté de
l'homme est le « vecteur pathogène » de la
philosophie politique de Machiavel. « Si les hommes étaient
tous bons, mon précepte serait condamnable » 63(*). Une tendance qu'on
dirait pessimiste mais qui est pour Machiavel réaliste. Ainsi, dans
les Discours sur la première décade de Tite-Live,
Machiavel conseille à quiconque veut établir la forme d'un
État et lui donner des lois, de « supposer d'abord que tous
les hommes sont méchants et disposés à faire usage de leur
perversité toutes les fois qu'ils en ont la libre
occasion »64(*).
Dans la même lignée, Bacon et Hobbes ont illustré et repris
Plante (cf Asimaria, II, 4, 88) en affirmant que homo homini
lupus (l'homme est un loup pour l'homme). Puisqu'il est ainsi de
la nature de l'homme, il est évident, selon Machiavel, qu'on ne peut pas
« être bon » pour gouverner de tels êtres, car
« ce n'est que par le péril qu'on n'échappe au
péril », c'est-à-dire le mal ne peut être
guéri que par le mal. Bien sûr, comme le remarque H. Arendt,
Machiavel « ne dit ni ne voulût dire qu'il faut apprendre aux
hommes à être mauvais »65(*), mais apprendre aux princes qu'il est utile
« de connaître l'origine des haines et des divisions, afin que,
rendus sages par le péril d'autrui, ils puissent maintenir la
concorde »66(*).
« Lorsque Machiavel dit que les hommes sont méchants, il
entend seulement dire qu'ils sont inconstants, trompeurs et soumis à
leur intérêt égoïste et
présent »67(*).
II. 9. Sur la religion
On l'a beau injurier et qualifier d'athée, pourtant
Nicolas Machiavel fut un dévot catholique. Son inhumation dans la
chapelle familiale des Machiavelli, à l'église Santa Croce,
prouve bien qu'il mourut catholique. Il assista aux sermons du moine Savonarole
qui le fascinait ; il admira la façon dont le moine établit
son pouvoir sur le peuple. Lorsque les Français organisaient un concile
à Pise où ils voulaient élire un anti-pape à Jules
II, c'est Machiavel qui est intervenu et qui a fait avorter ledit concile. Il
semblait avoir la crainte de Dieu puisqu'il conseilla au prince de ne jamais se
fier complètement aux troupes mercenaires car celles-ci
« n'ont ni crainte de Dieu ni probité à
l'égard des hommes »68(*). Il voit sa sortie de prison comme une intervention
divine quand il déclare : « J'ai été
sur le point de perdre la vie, mais Dieu et mon innocence m'ont heureusement
sauvé »69(*). L'un de ses fils, Niccolò, devint même
chanoine70(*), ce qui
prouve que ce dernier aurait reçu de son père une
éducation chrétienne.
Le Prince est plein des citations bibliques, de
l'Ancien Testament notamment. A voir la façon dont Machiavel accoste les
faits bibliques à son expérience administrative, on s'interroge
si l'accusation d'athée portée contre lui est logiquement
justifiable71(*). Plus
parlant encore est la conclusion de L'art de la guerre quand il
invite le nouveau prince italien à créer une armée
nationale pour se défendre des ennemis. Il le lui demande « au
nom de Dieu tout puissant, et de sa très glorieuse Mère, Madame
Sainte Marie toujours Vierge, et du glorieux précurseur du Christ,
Jean-Baptiste, avocat, protecteur et patron de cette République
florentine (...) »72(*). Quoique les Italiens de son époque aient
fait de la religion une mauvaise conseillère, Machiavel, tout en
étant sûr qu'il serait désastreux aux gouvernants d'adapter
leurs actes à l'éthique chrétienne, considéra tout
de même la religion comme un élément très important
pour l'unification du peuple, la paix et l'ordre.
Peut-être que ce fait n'est pas connu non plus : le
prince qu'attend Machiavel pour libérer l'Italie est un homme prudent et
vertueux, un envoyé de Dieu. « On voit qu'elle (l'Italie) prie
Dieu pour qu'il lui envoie quelqu'un qui l'affranchisse de ces cruautés
et de ces insolences barbares (...) Et on ne voit pas ici présentement
en qui elle pourrait espérer d'avantage qu'en votre73(*) illustre Maison, qui, avec sa
fortune et sa vertu, favorisée par Dieu et l'Église, dont elle
est maintenant prince, peut se faire chef de cette
rédemption »74(*).
II. 10. La fin justifie les
moyens
Comme Aristote qui mettait l'action sur la
cause finale qui, d'après lui, valorise la cause matérielle d'une
oeuvre d'art, Machiavel justifie les moyens à partir de l'objectif
poursuivi. Si pour les moralistes d'une action mauvaise ne peut découler
une bonne, pour Machiavel toute action est bonne si et seulement si elle vise
les objectifs suivants : la liberté par rapport à la
domination étrangère, la stabilité ou le règne de
la loi, la prospérité, la gloire ou l'empire. « Que le
prince songe donc uniquement à conserver sa vie et son
État : s'il y réussit, tous les moyens qu'il aura pris
seront jugés honorables et loués par tout le
monde »75(*). La
vertu au sens effectif du terme est la somme des habitudes requises pour
parvenir à cela. A quoi Leo Strauss renchérit : «
Tout ce qui est fait effectivement en vue de cette fin est bon. Cette fin
justifie tous les moyens. La vertu n'est rien d'autre que la vertu civique, le
patriotisme ou le dévouement à l'égoïsme
collectif »76(*). On ne dira donc pas que la normativité est
absente de la pensée de Machiavel. S'il entend d'abord décrire
les hommes tels qu'ils sont, la maîtrise de la nécessité
implique l'évaluation et donc le choix.
II. 11. Conclusion
La philosophie politique de Machiavel est le fruit de son
expérience et de ses lectures. Comme l'indique sans
ambiguïté le chapitre final de Le Prince, l'Italie a
besoin d'un prince qui sache la soigner de ses blessures et de bâtir aux
fondations sûres, autrement dit d'un prince à la fois
médecin et architecte. A trop définir le prince dépeint
par Machiavel - parce qu'il n'est pas un lieutenant de Dieu sur terre - on
oublie qu'il faut aussi l'envisager positivement à partir de sa
virtù, mais aussi à travers le réseau dense de
métaphores et de comparaisons qui l'apparente à un médecin
qui prévient la maladie ou la guérit, mais aussi à un
architecte et bâtisseur. Le fondateur d'un État, qu'il le
crée ou qu'il en prenne le commandement à un moment où
celui-ci est en ruine, est par excellence l'objet des louanges
machiavéliennes. Pourtant, comme Maurice Joly le fait dire à
Machiavel dans Dialogues aux enfers entre Machiavel et Montesquieu,
les hommes, ayant mal compris Machiavel, ont qualifié sa pensée
d'immorale en lui adjoignant l'adjectif
« machiavélique ». D'où « le
machiavélisme » que nous aborderons dans le chapitre
suivant.
CHAPITRE III
LE MACHIAVÉLISME
COMME RÉALISME PRAGMATIQUE
DANS L'AGIR POLITIQUE
III.0. Introduction
« L'ancien secrétaire d'État de la
République florentine n'a point encore oublié le langage des
cours. Mais que peuvent avoir à échanger ceux qui ont franchi ces
sombres rivages, si ce n'est des angoisses et des regrets ? »
Nous aimerions entamer ce voyage dans le machiavélisme avec ces deux
phrases de Montesquieu dont l'une est une assertion et l'autre une question
posée à Machiavel dans le très célèbre
dialogue de Maurice Joly, Dialogue aux enfers entre Machiavel et
Montesquieu77(*). A
en croire l'auteur, Nicolas Machiavel et Charles Montesquieu seraient descendus
aux enfers après leur trépas. Et pour cause ? Leurs
philosophies, sans doute ; puisque l'un écrivit Le Prince
et l'autre De l'Esprit des Lois, deux traités sur le pouvoir
exécutif. Cependant, comme le fait remarquer Machiavel à
Montesquieu dans le même dialogue,
« Qu'importe la mort pour ceux qui ont vécu par
la pensée, puisque la pensée ne meurt
pas ? »78(*). De fait, la pensée ne meurt pas et c'est
pourquoi, même détestée, la pensée de Machiavel est
toujours présente dans l'arène politique.
Tout au long de ce chapitre nous montrerons comment Machiavel
reste un modèle dans la politique. Il est vrai qu'aucun chef
d'État n'a harangué la foule avec un discours ayant pour
incipit : « comme le disait Machiavel», d'autant plus que
l'auteur s'est vu associer l'adjectif péjoratif
« machiavélique ». Cependant, les idées de
Machiavel sont reprises d'une façon ou d'une autre par bon nombre des
gouvernants. Il y en a même qui sont allés à
l'extrême. Au XXe siècle, par exemple, il y a eu des
dirigeants qui portèrent la pensée machiavélienne à
un extrême que Machiavel lui-même n'aurait jamais
imaginé78(*).
Faut-il parler d'une déformation ou d'une incompréhension
philosophique ? « La morale change avec les époques -
disait le théoricien politique Chinois Shang Yang - elle se conforme
à l'esprit du siècle, de même que les machines sont
conçues pour l'usage qui en est fait »79(*). D'après Meinecke,
« la dénaturation de la pensée de Machiavel en une
doctrine du machiavélisme s'explique par l'oubli, consécutif au
recul de la mentalité néo-païenne après le sac de
Rome, du but moral de sa politique, la régénération de
l'antique virtù du peuple italien (...) Le prince nouveau qui
devait reconstruire l'État et restaurer ainsi l'ancien esprit romain, se
trouva réduit à la figure de l'usurpateur et
interprété, par la suite, à travers les catégories
traditionnelles de la tyrannie »80(*).
Dégager les matériaux du machiavélisme,
étudier le machiavélisme en lui-même (à
l'état pur), le fixer, le définir, examiner comment et en quel
sens il s'est développé ou il a dévié
postérieurement, ce qu'il a produit, ce qui est né de lui,
quelles ont été, quelles peuvent être encore les oeuvres
déçues de cette oeuvre écrite, tel est l'itinéraire
que nous allons prendre dans ce chapitre où nous allons également
faire intervenir quelques philosophes. Pour ce faire, nous disséquerons
le machiavélisme en trois parties : le
« pré-machiavélisme » ou
« machiavélisme avant Machiavel », le
« machiavélisme authentique » ou
« machiavélisme de Machiavel », et le
« post-machiavélisme » ou
« machiavélisme après Machiavel ». Dans
chaque période nous étudierons certains gouvernants
machiavéliens ou machiavéliques, selon qu'ils ont gouverné
comme l'a voulu Machiavel lui-même ou qu'ils ont déformé sa
pensée. Mais tout d'abord, le concept machiavélisme.
II.1. Le
Machiavélisme
Le machiavélisme n'est pas né au pays de
Machiavel, en Italie. Il semble qu'il soit né en France. Mais en tant
qu'agir, il a toujours existé. Machiavel lui-même semble le
confirmer par le biais de Maurice Joly : « Le
Machiavélisme est antérieur à Machiavel. Moïse,
Sésostris, Salomon, Lysandre, Philippe et Alexandre de Macédoine,
Agathocle, Tarquin, Jules César, Auguste et même Néron,
Charlemagne, Théodoric, Clovis, Hugues Capet, Louis XI, Gonzalve de
Cordoue, César Borgia, voilà les ancêtres de mes
doctrines »81(*). Né, va-t-on dire, avant son
père, le machiavélisme a survécu et survit encore avec une
vraisemblable espérance d'éternité, universellement,
à la nature, à la vie, à la société et
à l'histoire des hommes. Le Dictionnaire Robert en donne cette
définition : « le recours à la perfidie et
à la ruse pour atteindre le but visé »82(*), tandis que le
Dictionnaire Sans Agent le définit comme la
« doctrine de Machiavel qui prône l'efficacité
politique au détriment de la défense de la
morale »83(*).
Après l'expansion du mot, tout devient
machiavélisme. Au XVIIe siècle, on parlait de
différentes sortes de machiavélisme : machiavélisme
médical, machiavélisme rustique, machiavélisme
théologique, machiavélisme littéraire,
machiavélisme juridique, etc. On parlait même du
machiavélisme érotique qui serait issu de L'Art d'aimer
d'Ovide, du machiavélisme marital qui aurait été
inventé par Honoré de Balzac, et du machiavélisme de
veuvage (des veufs et veuves), inventé par Tommasini84(*). Au XXe
siècle apparurent d'autres variantes : machiavélisme
traditionaliste (avec Franco et Maurras), machiavélisme
démocratique (Charles De Gaulle), machiavélisme
révolutionnaire (Lénine, Staline et Mao Ze Dong).
On comprend que, visée, touchée et
retouchée ainsi au cours de six siècles, la figure de Machiavel
ait pris des aspects très différents, les uns des autres, qui
l'ont rendue beaucoup plus sombre, beaucoup plus énigmatique, beaucoup
plus compliquée qu'elle ne le fut. Le comble est que même ceux qui
n'ont jamais lu une seule ligne de Machiavel se servent à tort et
à travers des verbes, substantifs et adjectifs tirés de son nom.
Puisqu'il n'est pas possible d'énumérer tous
les machiavélistes (machiavéliens et machiavéliques), nous
sélectionnons quelques-uns parmi ceux que nous pensons être les
plus influents.
II.1.1. Le
Pré-machiavélisme ou machiavélisme avant Machiavel
III.1.1.1. Jules
César (100 / 101 - 44 av. J.C.)85(*)
Jules César fut un grand
général et homme politique romain. En 78 av. J.C., après
la démission de Sylla, il entreprit une brillante carrière
politique : questeur en 69 av. J.C., édile curule en 65 av. J.C., puis
gouverneur en Espagne, il se joignit aux forces de Pompée et de Crassus
pour former le premier triumvirat. Au début de 49 av. J.C., il marcha
sur Rome, où il se fit nommer dictateur jusqu'à son
élection au consulat en 48 av. J.-C. Il entreprit ensuite, entre ses
campagnes, de profondes
réformes : il affaiblit le pouvoir du sénat, des
comices et celui des magistrats en multipliant le nombre de ces derniers. Sur
le plan économique, il prit des mesures en faveur des travailleurs
agricoles libres, en réduisant le nombre des esclaves, en fondant des
colonies à Carthage et à Corinthe. Sa réforme du
calendrier fournit à Rome un outil rationnel d'enregistrement du temps.
Son habileté et sa sagesse furent de s'attribuer des pouvoirs sans
partage, mais dans le respect de la légalité : il prit soin de se
faire octroyer soit la dictature, soit le consulat, soit les deux fonctions
simultanément pour une période d'abord limitée puis
à vie. Machiavel loua la libéralité et la parcimonie dont
il fit montre pour accéder à la tête de l'empire
romain : « (Jules) César était un de ceux qui
voulaient parvenir au principat de Rome ; mais si, après qu'il y
était parvenu, il eût survécu et ne se fût pas
tempéré dans ses dépenses, il aurait détruit ce
pouvoir »86(*).
II.1.1. 2. Hérode le
Grand (73 - 4 av. J. C.)87(*)
Hérode le Grand, roi de la Judée sous les
Romains et fondateur de la maison Hérodienne, joua un rôle majeur
dans les affaires du Proche-Orient au 1er siècle av. J.-C.
Mais il est probablement mieux connu comme le tyran dont le portrait se trouve
dans le Nouveau Testament. Afin d'être accepté par la dynastie
asmonéenne, au pouvoir jusque là, il épouse la princesse
Mariamne : tous les moyens sont bons pourvu qu'on ait atteint l'objectif
visé. Cependant, son alliance ne lui apportant pas le soutien
espéré, il décide de tuer la famille asmonéenne, y
compris sa femme. En 46, Sextus César le nomme stratège de
Coelé-Syrie et de
Samarie.
En 43, Hérode, appuyé par Caius Cassius Longinus, qui l'a
nommé intendant de Syrie, venge son père en faisant assassiner
Malichos près de
Tyr.
Malgré ses oeuvres grandioses (construction en Judée des
théâtres, amphithéâtres et cirques, et la
reconstruction du Temple de Jérusalem), Hérode reste un des
princes les plus machiavéliques de l'histoire.
III.1.2. Le
machiavélisme authentique ou machiavélisme de Machiavel
II. 1.2.1. César
Borgia (1475-1507)88(*)
Fils du pape Alexandre VI, César Borgia s'est rendu
fameux par ses crimes et ses perfidies. Il fit périr par le fer, la
corde ou le poison, la plupart des petits princes qui régnaient en
Italie. Outre les crimes politiques, dont il se faisait un jeu, on l'accuse
d'avoir fait assassiner son frère aîné, le duc de Gandie,
dont il était jaloux, et d'avoir entretenu un commerce incestueux avec
Lucrèce
Borgia, sa soeur. L'historien français, Marc Venard, écrivit
un dialogue dans lequel, devant la porte du paradis, l'Apôtre Pierre
reproche au pape Jules II sa violence contre César Borgia89(*).
Après avoir été emprisonné
à deux reprises, Borgia fut tué au siège de Viana, en
1507. Conformément à son règne, d'aucuns le placeraient du
côté des machiavéliques. Pourtant,
Machiavel le
présente comme le modèle du prince, parce que
« sa cruauté rétablit l'ordre, l'union, la paix et la
foi dans la Romagne (...) » 90(*); un choix que Fichte justifie en
précisant : « le point par lequel il (Machiavel) le
recommande comme modèle (dans une province totalement revenue à
l'état sauvage, il a introduit en peu de temps
tranquillité, ordre et sécurité publique, il s'est
fait accepter par ses sujets, etc.), est en effet digne d'éloge,
d'autant plus que c'était extrêmement rare à cette
époque »91(*). Ainsi, « un prince ne doit donc point
s'effrayer de ce reproche (la cruauté), quand il s'agit de contenir ses
sujets dans l'union et la fidélité »92(*).
II.1.2.2. François
Ier (
1494 -
1547)93(*)
Roi de France de 1515 à 1547, François Ier
apparaît comme un monarque de caractère, avide de gloire,
enjoué, séducteur et fougueux, mais ferme quand c'est
nécessaire. Il est considéré comme le monarque
emblématique de la période de la
Renaissance
française. Son règne permet un développement important des
arts et des lettres en France. Sur le plan militaire et politique, le
règne de François Ier est ponctué des guerres
et d'importants faits diplomatiques. C'est pendant son règne que la
collection d'oeuvres d'art des rois de France, aujourd'hui exposée au
Louvre,
commence réellement. Il favorisa le développement de l'imprimerie
en France et fonda l'Imprimerie royale dans laquelle oeuvrèrent des
imprimeurs comme
Josse Bade et
Robert Estienne.
C'est lui que Machiavel glorifie quand il dit :
« Parmi les royaumes bien ordonnés et
gouvernés de notre temps, il y a celui de France,
et on trouve en celui-ci une infinité de
bonnes constitutions, dont dépendent la liberté
et la sécurité du roi (...) parce que
celui qui ordonna le royaume, connaissant l'ambition
des puissants et leur insolence, et jugeant qu'un
frein à la bouche, qui les corrigeât,
leur était nécessaire, et connaissant
d'autre part la haine de l'ensemble du peuple
à l'égard des grands, fondée
sur la peur, et voulant les rassurer, il ne voulut pas que celle-ci
fut le souci particulier du roi, pour lui
épargner la responsabilité à avoir à l'égard
des grands, en favorisant les gens du peuple,
à l'égard des gens du peuple,
en favorisant les grands »94(*).
II.1.3. Le Post
machiavélisme ou machiavélisme après Machiavel
II.1.3.1. Otto Von Bismarck
(1815-1898)95(*)
S'il est un homme à qui l'on peut sans
conteste appliquer l'expression allemande Menschen, die Geschichte
machen (« les hommes qui font l'histoire »), c'est
bien le prince de Bismarck. Sa forte personnalité a marqué
profondément l'histoire de son temps, qu'il s'agisse de l'Allemagne ou
de l'Europe tout entière. Il s'applique à consolider le Reich
bismarckien en luttant contre ses ennemis - catholiques (Kulturkampf),
socialistes, minorités ethniques - en le dotant d'institutions communes
et surtout d'une armée puissante, une initiative que Machiavel
recommande avec insistance au prince. Doté d'une
vision politique
forte et autoritaire, il entend réunifier l'
Allemagne par «
le fer et le
sang » et confier à la
Prusse le rôle principal de
cette unification. Fin politicien, il s'allie à l'
Autriche pour conquérir
le Schleswig-Holstein, puis renie son alliée et entre en
guerre contre elle. Selon lui, la
politique n'est pas une science exacte comme se l'imaginent beaucoup de
professeurs, mais un art. Sa politique tant intérieure
qu'extérieure « sent » du machiavélisme pur.
Il doit, sans aucun doute, faire partie de ceux qui ont fait de Le
Prince leur livre de chevet.
II.1. 3.2. Adolf Hitler
(1889-1945)96(*)
L'homme qui, à la tête de l'Allemagne
nationale-socialiste, fit trembler le monde avant de se donner la mort le 30
avril 1945, à 56 ans, était destiné à laisser dans
l'histoire un long sillage d'horreur. Après le traumatisme de la
défaite allemande aggravée de la révolution
« rouge », lorsque, devenu conscient de ses dons
d'agitateur et d'orateur, Hitler s'atèle, comme Machiavel, à la
rédaction de l'ouvrage de sa vie, l'indigeste et explosif Mein Kampf
(Mon Combat, 1924-1925) qui est une bible, la bible d'un racisme grossier
(a satanic bible, diront les anglophones), mais d'autant plus efficace
le jour où les circonstances et les rapports de forces lui seront
favorables : « Mein Kampf n'est pas un traité
idéologique : c'est un guide d'action »97(*). Hitler est visiblement un
démagogue prodigieux. Même s'il dessinait, peignait et vendait ses
dessins et ses peintures à huile, sa vraie passion, son obsession
était la politique. En 1932 son parti98(*) devint le premier parti d'Allemagne grâce
à sa démagogie, sa violence, grâce aussi à sa
propagande, qui trouve un large écho dans l'opinion publique.
Ce qui frappe chez Hitler, depuis 1934 où il prit le
pouvoir, c'est son sens de l'action politique et sa démagogie. Il fut,
d'après Alan Ballock, le plus grand démagogue de l'histoire, un
de ces dirigeants qui portèrent le machiavélisme à un
extrême que Machiavel lui-même n'aurait jamais pensé. Mais
il eut d'autres maîtres que Machiavel : son idée du grand Reich
allemand fut empruntée aux pangermanistes ; celle de la
superiorité de la race germanique vient de Gobineau, Chamberlain et
Nietzche ; l'apologie de la guerre, de la violence et le culte de la force
lui viennent sans doute de E. Moritz Arendt et de Hegel. D'après Hitler,
la volonté et la force sont les deux clefs qui ouvrent la porte de la
foule (le peuple). On voit bien là une silhouette péjorative de
l'aphorisme machiavélien, « gouverner par les lois et par la
force ».
III.1. Les Leaders dits
exemplaires
En tout réalisme, on peut avouer que les moyens
employés en politique n'ont guère changé depuis Machiavel
(lesquels moyens sont d'ailleurs pré-machiavéliens, comme
indiqué supra). Les exemples où la fourberie et la force
l'emportent sur l'honnêteté et le droit, l'arbitraire sur la
justice et la démocratie, le mal sur le bien, composent jusqu'à
nous toute l'histoire. Les meurtres des honnêtes leaders tels que Mahatma
Gandhi, John Kennedy, Martin Luther King, etc, semblent confirmer ce dit de
Machiavel : « l'histoire de notre temps enseigne que
les princes qui ont fait peu de cas de leur parole et su adroitement endormir
la cervelle des gens ont en fin de compte triomphé des honnêtes et
des loyaux ». Mais, l'histoire ne peut-elle pas être
changée, surtout quand elle a pris comme le dit Myriam Revault
D'Allonnes, « non plus le visage du destin mais le visage de la
terreur »99(*)? Thomas More, Nelson Mandela, Marien Ngouabi, Julius
Nyerere, ... ont-ils gouverné par les lois et par la force ? C'est
à quelques princes de cette trempe qu'est orientée la
présente réflexion. Leur art de gouverner nous dira s'il faut
clouer au pilori Machiavel ou lui donner acte.
III.1.1. Mohandas
Karamchand Gandhi, dit Mahatma Gandhi (1869 -1948)100(*)
Le leader politique indien est pour beaucoup
un témoin lumineux pour l'humanité. On le qualifie de politicien
le plus saint. Bien que la non-violence, l'ahimsa, figurait
déjà dans les enseignements de Bouddha101(*) et dans la Bible102(*), Gandhi transforma cette
sagesse en enseignement politique et devint le premier leader à penser
la non-violence en termes de stratégie politique. Pour lui, la
non-violence est une attitude plus courageuse que la violence, un regard de
bienveillance et de bonté envers le prochain ; elle est, selon lui,
le principe de la recherche de la vérité, son
credo. I believe in the principle of non violence103(*), aimait-il dire. Selon
lui, la tolérance et la fraternité universelles sont les seuls
chemins de bonheur pour l'humanité. Une notion qu'il élabora
merveilleusement dans son vibrant Tous les hommes sont frères
(1948).
Gandhi a eu le pouvoir politique à portée de
main mais ne l'a pas pris parce qu'il est allé au bout de sa conviction,
celle d'après laquelle l'exercice du pouvoir amenait à faire
preuve de violence. Cependant, « sur les traces » de
Machiavel, Gandhi préconise la violence quand celle-ci est
préférable à la lâcheté : « Je
crois vraiment, affirme-t-il en 1920, que là où il n'y a que le
choix entre la lâcheté et la violence, je conseillerais la
violence (...) C'est pourquoi je préconise à ceux qui croient
à la violence d'apprendre le maniement des armes. Je
préférerais que l'Inde eût recours aux armes pour
défendre son honneur plutôt que de la voir par
lâcheté, devenir ou rester l'impuissant témoin de son
propre déshonneur »104(*) . Qu'un homme aussi saint que Gandhi arrive à
encenser la violence politique ajoute un plus à la pensée du
vénérable Machiavel.
III.1.2. Joseph Kasa-Vubu
(1915-1969)
Kasa-Vubu, d'abord dirigeant de l'Abako105(*) puis premier
président du Congo-Kinshasa, est sans doute un des spécimens des
chefs d'État congolais et africains. Cependant, « Sa vie,
pourtant très passionnante : son parcours politique, riche, passe
presque inaperçu ; ses idées politiques et son rôle
dans le processus de l'indépendance, pourtant déterminants sont
mis sous l'éteignoir. Son personnage, pourtant exemplaire, ne fait pas
école »106(*). Son éducation religieuse avait fait de lui
un homme de droiture, d'honnêteté, de vérité et de
simplicité en toute chose. « Les week-ends, il aimait se
rendre dans ses plantations près de Ndjili, en compagnie de Mama
Hortense et du chauffeur - car il ne conduisait pas - sans garde du
corps »107(*).
Cet amour de la terre, Machiavel en a parlé : le prince
« doit convaincre ses citoyens qu'ils peuvent tranquillement exercer
leurs métiers et dans le commerce, et dans l'agriculture et dans tout
autre métier des hommes »108(*). Et pour convaincre son peuple, le chef doit se
montrer exemplaire. Ainsi, Kasa-Vubu, dans une adresse mémorable (le 29
juin 1965), attira l'attention des Congolais pour que « tous ceux qui
assurent un mandat politique participent à la campagne pour le retour
à la terre »109(*).
Son détachement des biens matériels, sa
franchise en matière des fonds publics, restent un mystère
même parmi ses proches : « l'argent de l'État
appartient à l'État », tel était son slogan.
Toujours soucieux de l'intérêt général, comme tout
prince digne de ce nom, Kasa-Vubu n'hésitait pas à associer dans
la gouvernance de l'État ceux qu'il croyait agir dans le même sens
que lui ; ceci pour soutenir sa thèse humaniste africaine selon
laquelle, « lorsque vous allez à la chasse et que vous tuez un
gros gibier, la viande est toujours partagée entre ceux qui ont
chassé et ceux qui sont restés au village»110(*). Le Congo étant
tellement grand, il nécessitait plus que deux personnes pour le
diriger : « Lumumba et moi ne pourrions le diriger seuls. Il
faut viser l'intérêt général »111(*). A ce prix, Kasa-Vubu peut
être tenu pour sage car, d'après Machiavel, « la
première conjecture qu'on fait du cerveau d'un seigneur, est de voir les
hommes qu'il a autour de lui, et quand ils sont capables et fidèles, on
peut toujours lui donner la réputation de sage, parce qu'il a su
reconnaître leurs capacités (...) »112(*).
III.1.3. Denis Sassou
N'guesso (né en 1943)
Présenter un Mandela ou un Gandhi comme exemple d'un
chef d'État c'est mettre tout le monde à l'aise, mais faire
autant avec un Sassou c'est susciter des tensions. Tout de suite l'on va
évoquer ses dépenses somptueuses à Paris et ailleurs, son
intérêt dans la politique gabonaise, etc. Pourtant, pour
André Soussan, « l'histoire de cet enfant, Denis Sassou
Nguesso, qui rêvait d'être instituteur mais qu'une injustice
sociale écarta de l'enseignement, est exemplaire »113(*). Pour cet écrivain
franco-danois, le chef d'État congolais (République du Congo),
est un des hommes politiques pour qui l'honneur est la vertu cardinale ;
une vertu qui constitue le pivot de l'enseignement politique de Machiavel comme
le pouvoir en constitue celui de Hobbes114(*). Ainsi, Soussan classe Sassou N'guesso dans la
trempe des Ben Gourion, des Sadate, des De Klerk, des Reagan, des Mandela...
Sassou N'guesso est un homme d'un sourire franc et d'une
rectitude morale, attentif aux besoins de son peuple. Comme militaire, il
n'hésitait pas à dire non au président de la
République « quand la vie des civils innocents était en
jeu »115(*).
Comme chef d'État, il se distingua plus, au cours de son deuxième
mandat, lors de la Conférence Nationale Souveraine en 1991, avec son
fameux « J'assume », un discours dans lequel il se fit
lui-même bouc émissaire pour le bien de sa nation. « Il
ne reste donc que moi aujourd'hui, dernier chef d'État que la
démocratie pluraliste a trouvé pour répondre en leur nom
(des dirigeants passés) de la gestion de notre pays par le
système monopartite. Des compagnons de grande expérience et de
profonde conviction vous ont dit leur part de vérité et tout le
bien qu'ils ont fait. Le mal, je suis donc le seul à l'assumer et je
l'assume à titre collectif et individuel, au nom de tous les dirigeants
de ce pays qui ne sont plus »116(*).
Les propos pertinents soulevés dans son discours
d'investiture (14 août 2009), parlent exactement de ce que l'on attend
d'un prince vertueux : « Convertissez-vous à la religion
du travail bien fait. Visez tous et pour tout l'excellence. Jetez bas la
médiocrité, la tricherie et toutes les autres
anti-valeurs » ; « Qu'il soit clair pour tous que le
peuple ne veut pas et ne doit pas être conduit sur le `Chemin
d'Avenir'117(*) par des
dirigeants sans scrupule ni vertu. De même que le peuple ne veut plus et
ne doit plus être mené par des hommes qui ne donnent pas le
meilleur d'eux-mêmes pour le servir » ; « Parmi les
premières attentes de notre peuple, il y a l'espoir que s'arrête
rapidement la dérive morale qui est en train de gangrener notre
société. Je veillerai donc davantage avec rigueur à ce
que les personnes que je nomme aux différentes fonctions d'État
soient exemplaires et de bonne éthique, capables de faire respecter, au
nom de l'autorité impartiale de l'État qu'elles incarnent, les
lois et les règlements de notre pays. Tout manquement, toute faiblesse
m'amènera à en tirer les conséquences »
118(*)... Aujourd'hui, sous
sa gouvernance, la République du Congo a atteint le point
d'achèvement de l'initiative des Pays Pauvres Très
Endettés (PPTE) et il est, d'après le Club des medias
africains, l'homme politique de l'année 2009119(*). Dans les rues de certaines
villes africaines, on entend dire de lui qu'« il aime bien son
pays », tout comme aimait le dire le sagace Machiavel :
« Moi, j'aime bien ma patrie plus que mon âme
(...) »120(*).
III.2. Machiavel vu par
les autres philosophes
Nous avons pensé faire intervenir ceux à qui,
selon Platon, la direction des affaires publiques doit être
confiée : les philosophes. En vertu de leur capacité de
pénétrer les réalités et à fixer leur
connaissance dans le domaine de l'immuable et de l'éternel ; en
vertu du pouvoir qu'a leur âme de s'ouvrir sur le monde des idées
où ils voient la Justice, le Beau et le Bien dans toute leur splendeur
et être à même, tel un peintre, d'en reproduire ici-bas
l'exemplaire divin121(*), seuls les philosophes sont capables de nous
dissuader de la philosophie politique de Machiavel.
III.2.1. Spinoza
(1632-1677)
Dans son Traité politique, Spinoza reprend
sur des points essentiels les idées de Machiavel. Il partage l'avis
machiavélien selon lequel une société, où existe le
régime monarchique, où les meilleurs ont le pouvoir, doit
être instituée pour ne pas être précipitée
dans la tyrannie et pour que la paix et la liberté des citoyens
demeurent inviolées. Pour lui, la philosophie de Machiavel est efficace
du point de vue même de l'objectif visé par l'auteur
lui-même : la conquête et la conservation du pouvoir pour
l'unification de l'Italie. A travers sa pensée politique, Spinoza fait
apporter le meilleur témoignage de l'influence considérable que
Machiavel a exercée au XVIIè siècle tant sur
les philosophes qui l'ont médité, que sur les hommes
d'État qui ont appliqué plus ou moins sagement sa
philosophie : « De quels moyens un Prince omnipotent,
dirigé par son appétit de domination, doit user pour
établir et maintenir son pouvoir, le très pénétrant
Machiavel l'a abondamment montré »122(*). Selon Spinoza, Machiavel
mérite d'être honoré parce qu'il a légué
à l'humanité des propos salutaires, ainsi qu'il le dit
lui-même : « Et je suis d'autant plus disposé
à juger ainsi de ce très habile auteur qu'on s'accorde à
le tenir pour un partisan constant de la liberté et que, sur la
façon dont il faut la conserver, il a donné des avis très
salutaires »123(*).
III.2.2. Jean Jacques
Rousseau (1712-1778)
J. J. Rousseau, lui aussi, cite Machiavel à plusieurs
reprises dans Du Contrat Social. Comme tous ceux qui ont lu
Machiavel honnêtement, Rousseau sait que l'auteur du Prince
n'est pas un machiavélique. Pour lui, la philosophie de Machiavel donne
enfin au peuple l'occasion de dire ouf face au sadisme des princes :
« Leur intérêt personnel est
premièrement que le Peuple soit faible, misérable,
et qu'il ne puisse jamais leur résister. J'avoue que,
supposant les sujets
toujours parfaitement soumis, l'intérêt du
Prince serait alors que le peuple
fût puissant, afin que cette puissance étant la
sienne le rendît redoutable
à ses voisins ; mais comme cet
intérêt est secondaire et subordonné,
et que les deux suppositions sont incompatibles, il est
naturel que les
Princes donnent toujours la préférence à
la maxime qui leur est la plus
Immédiatement utile. C'est ce que Samuel
représentait fortement aux
Hébreux ; c'est ce que Machiavel a fait voir avec
évidence »124(*).
Ce qui, aux yeux de Rousseau, fait passer Machiavel
pour un républicain car, « En feignant de donner des
leçons aux Rois, il en a donné de grandes aux peuples. Le Prince
de Machiavel est le livre des républicains »125(*). Conscient de
l'incompréhension dont souffre le florentin, Rousseau lui rend
justice : « Machiavel était un honnête homme et un
bon citoyen ; mais, attaché à la maison de Médicis, il
était forcé, dans l'oppression de sa patrie, de déguiser
son amour pour la liberté. Le choix seul de son exécrable
héros manifeste assez son intention secrète ; et I'opposition des
maximes de son livre du Prince à celles de ses Discours sur
Tite-Live, et de son Histoire de Florence, démontre que ce
profond politique n'a eu jusqu'ici que des lecteurs superficiels ou
corrompus »126(*).
III.2.3. Nietzsche
(1844-1900)
« Nietzsche présente Machiavel
comme le penseur de la force et de la violence ; mais pour y
découvrir l'expression d'une volonté de puissance
créatrice, indemne du platonisme, du christianisme et de toute
dépréciation morale de la vie »127(*). Las de ceux qui, selon lui,
« ont sur la conscience l'espèce la plus malpropre et la plus
incurable du christianisme qui soit » - c'est à dire Luther et
les allemands - Nietzsche exalte Machiavelli qui, avec Le
Prince, « nous fait respirer l'air sec et subtil de Florence
et ne peut se retenir d'exposer les questions les plus graves au rythme d'un
indomptable `allegressimo', non sans prendre peut-être un malin plaisir
d'artiste à oser ce contraste : une pensée soutenue,
difficile, dure, dangereuse et un rythme galopant, d'une bonne humeur
endiablée »128(*).
Pour Nietzsche, ce qui fait la force de Machiavel est son
appartenance à « cette dernière grande moisson que
l'Europe aurait engrangée, la Renaissance », qu'il
présente comme le triomphe des valeurs aristocratiques. Nietzsche semble
considérer Le Prince comme l'une des rares exceptions au
nihilisme qui caractérise, selon lui, l'ensemble de la modernité.
Ainsi dans son Tractatus Politicus (un fragment posthume), il
déclare que le machiavélisme est indéniablement le type de
la perfection en politique, et que « le machiavélisme pur,
sans mélange, cru, vert, dans toute sa force, dans toute son
âpreté, est surhumain, divin, transcendant ; il n'est jamais
atteint par l'homme, tout juste affleuré »129(*).
III.2.4. Hannah Arendt
(1906-1975)
Pour Hannah Arendt, nul peut-être n'a plus vivement
senti le danger de faire le bien - qui est pour elle non pas seulement
impossible dans les bornes du domaine public, mais aussi l'ennemi mortel de ce
domaine - que Machiavel qui, « dans une page célèbre,
osa enseigner `à ne pas être bon' ». Pourtant, poursuit
Hannah Arendt, Machiavel ne dit ni ne voulut dire qu'il faut apprendre aux
hommes à être mauvais. Selon elle, le critère de l'action
politique de Machiavel était la gloire, comme pour l'antiquité
classique, et le mal échappe à la gloire autant que le bien. Par
conséquent, tous les moyens sont mauvais par lesquels « on
peut conquérir quelques seigneuries mais non pas
honneur »130(*).
De ce fait, Arendt loue la dissimulation
machiavélienne, dans la mesure où cette dernière
mène à des bonnes fins, notamment, ce que le géant
Aristote nomme « l'intérêt commun ». Ainsi,
d'après Hannah Arendt, si Machiavel a sapé la morale de
l'Église catholique c'est parce que celle-ci participait dans les
affaires du siècle et corrompait la politique italienne131(*). C'est bien ce que Machiavel
lui-même déclare : «L'Italie fut tranquille
jusqu'à l'avènement d'Adrien V au pontificat. Charles d'Anjou
continuait de résider à Rome, et la gouvernait en vertu de son
titre de sénateur. Le pape, ne pouvant supporter son autorité,
alla se fixer à Viterbe, et pressa l'empereur Rodolphe de venir en
Italie attaquer Charles. C'est ainsi que les papes, tantôt par
zèle pour la religion, tantôt pour satisfaire leur propre
ambition, ne cessaient d'appeler les étrangers en Italie, et d'y
susciter de nouvelles guerres »132(*).
Machiavel, pour Hannah Arendt, fut, grâce à son
courage et son zèle de la vérité, « le seul
théoricien postclassique qui, dans un effort extraordinaire pour rendre
à la politique sa dignité, entrevit l'abîme qui
sépare la calme existence familiale des dangers de la polis. Il
montra comment ` le condottiere s'élève d'une basse
condition jusqu'au premier rang', de la vie privée au principat, donc
des conditions communes à la gloire des grands
exploits »133(*) .
III. 3. Les limites de la pensée de
Machiavel
Le diplomate zélé de Florence, Machiavel, a
donné, aux dires de Spinoza, des propos salutaires. Mais il est aussi
salutaire d'avouer qu'il n'a pas laissé une philosophie
immaculée. Pour certains grands penseurs, comme Voltaire et
Merleau-Ponty, Nicolas Machiavel est l'histoire d'une grande déception,
d'une profonde diabolisation des hommes. Pour ces penseurs, Machiavel est
indéniablement lié au machiavélisme machiavélique.
« Comment le comprendrait-on ? », se demandait
Merleau-Ponty, « On s'accommoderait d'un cynique qui nie les valeurs
ou d'un naïf qui sacrifie l'action. On n'aime pas ce penseur difficile et
sans idole »134(*). Selon lui, le machiavélisme reste le monde
de la politique « en tant qu'elle est le mal ».
En préfaçant l'Anti-Machiavel de
Frédéric II, Voltaire se dit venir à la rescousse des
hommes qui ploient sous le joug de la pensée de Machiavel.
« Je crois rendre service aux hommes en publiant l'Essai de critique
sur Machiavel ». D'après lui, Machiavel s'est
écarté du chemin de l'honnête à force de suivre
l'utile. Sur ce, il ne peut être tenu pour vertueux. « Un homme
donne au monde des leçons d'assassinat et d'empoisonnement et son
traducteur ose nous parler de sa dévotion ! »135(*). Contrairement à ce
qu'a enseigné Machiavel, pour Voltaire les hommes ne sont pas
intrinsèquement méchants. En sus, oser tenir de pareils propos
tout en prétendant avoir des choses utiles à donner aux
mêmes hommes n'est rien d'autre que se contredire soi-même.
« Mon ami, toi qui ne prêches que tout le monde est né
pervers, tu m'avertis donc que tu es né tel, qu'il faut que je me
méfie de toi comme d'un renard ou d'un crocodile »136(*). Pourtant, il
reconnaît que Machiavel n'a pas entièrement tort :
« J'avertis que tous les chapitres de ce livre
(Anti-Machiavel) ne sont pas des réfections de Machiavel, parce
que cet italien ne prêche pas le crime dans tout son
livre »137(*).
Pour Frédéric II, l'objectif de son ouvrage est
d'opposer la raison et la justice à l'iniquité et au crime.
« J'ai hasardé mes réflexions sur le Prince de
Machiavel à la suite de chaque chapitre, afin que l'antidote se
trouvât auprès du poison »138(*). Gentillet, l'auteur d'un
autre Anti-Machiavel, réfute l'idée selon laquelle le
christianisme est responsable d'un affaiblissement des moeurs civiques et
militaires. Il critique sévèrement Machiavel et l'accuse de
détourner les hommes de la religion : « voilà la
maxime et les raisons que ce malheureux athéiste a vomies en ses beaux
discours pour blâmer et mettre en mépris la religion
chrétienne, nous mener à son athéisme et nous
dépouiller de notre religion, crainte de Dieu, et de toute conscience,
foi et loyauté, qui nous sont enseignés par notre religion
chrétienne »139(*). Seulement, dans la praxis du pouvoir,
Frédéric II se montra plus machiavélien
qu'anti-machiavélien : la critique est aisée, l'art est
difficile.
III. 4. Conclusion
Cette réflexion nous permet de conclure que Machiavel
ne peut être tenu pour responsable du machiavélisme
machiavélique car, celui-ci ne trouve pas sa source en Machiavel. Il n'a
dit que ce qu'il a vu : « L'époque de notre auteur :
c'est là, tout particulièrement, une donnée que, pour le
juger, on ne doit jamais perdre de vue »140(*) ; et ce qu'il a dit
c'est la vérité. Si dans l'usage, dans le langage courant, il y a
plusieurs machiavélismes, en bonne justice il ne peut et il ne doit y
avoir qu'un seul : celui de Machiavel, celui qu'a pratiqué Jules
César, François Ier, Bismarck, etc. Personne ne peut
échapper à Machiavel, même pas les gouvernants dits
exemplaires, d'ailleurs ceux-ci font partie de ceux là qui ont vraiment
compris le prophète Nicolas. En quoi sont-ils
machiavéliens ? Citons juste un ou deux aspects par
gouvernant : Gandhi, par exemple, a été machiavélien
pour avoir préféré la violence à la
lâcheté ; Kasa-Vubu a été machiavélien
pour son souci d'unité nationale et son amour de la terre ; Sassou
Nguesso est machiavélien pour son patriotisme et son profond zèle
de stabilité politique... « Faire de grandes entreprises,
donner par ses actions des rares exemples, c'est ce qui illustre un
prince »141(*). C'est ce que les politiques exemplaires ont fait et
ont toujours voulu faire.
Eu égard à ce qui précède, nous
pouvons sans ambiguïté concéder en tout réalisme que
Machiavel vivra toujours : « S'il y a un machiavélisme au
sens de Machiavel, c'est le machiavélisme
éternel »142(*). On le détestera tout haut, mais on le suivra
tout bas143(*), parce
que les « crimes »144(*) de ses disciples sont consacrés par des
grands exemples, conseillés par de grands besoins, inspirés
à de grandes âmes, justifiés par de grands succès.
Bref, tout est grand. Ce n'est pas pour rien que certains gouvernants,
malgré l'emploi excessif de la force et de la ruse ou plutôt des
lois et de la force dans leur art de gouverner, sont restés immortels
dans la cervelle de leurs gouvernés. L'on pourrait évoquer des
dictateurs comme Omar Bongo Ondimba (1935-2009), le créateur de la
première radio du continent africain (Africa N.1) et
Joseph-Désiré Mobutu alias Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za
Banga (1930-1997), celui que Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing
admiraient tant 145(*).
IV. CONCLUSION
GÉNÉRALE
Dans ce travail, nous avons voulu défendre la
philosophie authentique d'un honnête homme, Nicolas Machiavel, pour lui
rendre justice. Pour ce faire, nous avons étudié, dans le
chapitre premier, le noble florentin dans l'ambiance de son
époque ; ce qui nous a permis de mieux le comprendre et mieux le
juger car, comme le dit le Talmud juif, « ne pas juger autrui sans
se mettre à sa place ». Dans le deuxième chapitre, nous
avons exposé sommairement la philosophie politique de l'incontournable
Machiavel telle qu'il nous l'a léguée dans Le Prince,
mais aussi dans L'art de la guerre, Discours sur la première
décade de Tite-Live et Les histoires florentines. Le
troisième chapitre qui se voulait une justification vis-à-vis de
la pensée de Machiavel, nous a servi de réponse à la
problématique : la politique est inséparable de Machiavel,
et repenser la politique signifierait repenser le
« machiavélisme authentique ». Ce chapitre
nous a conduit à conclure, d'abord, que le machiavélisme comme
concept est né hors du pays de Machiavel ; ensuite, qu'il a
existé avant Machiavel et qu'il existe encore après lui
malgré toutes les critiques qu'on fait à l'homme ; enfin,
que la pensée originale de Machiavel a été
déformée par certains princes. En incluant les philosophes, nous
avons voulu accentuer ce dernier aspect tout en portant quelques critiques
à cette philosophie pour montrer avec quelle prudence l'on devra
l'aborder.
Qu'il nous soit permis de rappeler que Machiavel fait partie
de la tendance réaliste en politique, comme H. Arendt fait partie du
réalisme intégral146(*). La tendance réaliste veut, non sans raison,
que le domaine de la politique soit différent des autres (morale,
économie...) à tel point qu'une réflexion sur la politique
doit se dérouler en dehors des règles morales, religieuses,
économiques : à Dieu ce qui est à Dieu, à
l'homme ce qui est à l'homme. Encore est-il que Machiavel
n'écarte pas complètement la religion, il lui donne plutôt
sa place : « Dieu ne veut pas faire chaque chose, pour ne
pas nous ôter le libre arbitre et la part de cette gloire qui nous
revient »147(*). Ce n'est que compréhensible de voir un
homme qui ne sait pas faire la distinction entre les différentes
tendances politiques crier au diable à Machiavel. Amelot de la Houssaye
a raison de dire : « comme Machiavel est un auteur qui n'est ni
à l'usage ni à la portée de beaucoup de gens, il ne faut
pas s'étonner si le vulgaire est prévenu contre
lui »148(*).
Force est de souligner ou de rappeler que Machiavel ne
s'adressait pas (d'abord) aux Européens en général, ni aux
Asiatiques, ni aux Américains, moins encore aux Africains, mais à
ses compatriotes, les Italiens. Il n'y a qu'à lire la conclusion de son
classique pour s'en apercevoir. En s'adressant à la personne à
qui il l'avait dédicacé, Laurent de Médicis dit Le
Magnifique, Machiavel le conclut ainsi: « On ne doit donc pas laisser
passer cette occasion, afin que l'Italie voie après si
longtemps apparaître son rédempteur149(*)(...). Que votre
illustre Maison prenne donc cet engagement, avec cet esprit et cette
espérance avec lesquels on mène les entreprises justes, afin que,
sous son enseigne, cette patrie soit ennoblie, et sous ses auspices,
se vérifie ce dit de Pétrarque : `Vertu contre fureur
prendra les armes, et le combat sera court, car l'antique valeur
dans les coeurs des italiens n'est pas encore
morte »150(*).
Cependant, à lire attentivement ce chef-d'oeuvre, on
se sent à la fois éveillé et attristé. Machiavel
est un fin astucieux, un vrai stratège qui sait jouer habilement avec
les humeurs : tantôt il apparaît loyal, tantôt
déloyal ; tantôt il encourage le bien, tantôt il
prône le culte du mal ; tantôt il exhibe sa foi
chrétienne, tantôt il montre un visage pire que celui d'un
païen endurci... . Ce travail peut servir de preuve à ce paradoxe
de la philosophie de Machiavel. Cette versatilité peut nous mettre,
comme énoncé à l'introduction générale,
between the devil and the dead blue sea. Quoi qu'il en soit, une porte
doit être fermée, une autre ouverte. Un homme est dit être
vertueux lorsque de trois caractéristiques données, il
possède deux vertus et un vice ; autrement dit, lorsque la balance
se penche du côté positif.
De ce qui précède, il ne reste plus qu'à
présenter Machiavel comme souverain, à le recommander à
tous ceux qui rêvent d'un art de gouverner efficace. A ceux-là,
nous disons : Ecce homo ! Ecce celui qui, par un
souci de réalisme, entrevit de voir l'homme tel qu'il est,
passionné et avide lorsqu'il est question de politique, et refuse de le
juger mais lui donne les moyens d'être politiquement efficace.
« Mon seul crime a été de dire la vérité
aux peuples comme aux rois ; non pas la vérité morale, mais la
vérité politique ; non pas la vérité telle qu'elle
devrait être, mais telle qu'elle est, telle qu'elle sera toujours. Ce
n'est pas moi qui suis le fondateur de la doctrine dont on m'attribue la
paternité, c'est le coeur humain »151(*).
Ceci dit, s'il y a quelque chose à changer ou à
blâmer, c'est bien le coeur humain : c'est de là que viennent
tous les maux. En prime, l'histoire nous enseigne que ceux qui, en dehors du
pouvoir, critiquent un régime en place, empruntent malheureusement le
même chemin que ce régime quand ils sont élus. Lorsqu'il
était candidat, Nicolas Sarkozy avait déclaré au cours
d'un de ses meetings, en janvier 2007, qu'il ne serait jamais complice d'une
dictature. Il avait critiqué les officines sur fond d'affaire
Clearstream152(*),
Jacques Chirac et sa politique Françafrique. Or, élu
président, on se rend compte qu'il se comporte exactement comme Chirac,
allant même jusqu'à augmenter son salaire de 140 % ! Comme
quoi, « le pouvoir corrompt », et « Il n'est
point d'homme au monde qui, pouvant tout et sans contrôle, ne sacrifie la
justice à ses passions »153(*).
Résolument, si Senghor recommandait à tout
jeune qui venait à lui, déçu et las en cherchant sa voie,
de lire Teilhard de Chardin, nous recommandons à tout politique,
déçu et las, de lire Machiavel. Il est celui qui fait descendre
l'homme de son piédestal et lui rappelle qu'il n'est pas un ange.
« Tous les hommes ont en vue un même but : la gloire et
les richesses »154(*). Nonobstant, ils n'agissent pas tous de la
même manière pour y parvenir. Par conséquent, que ceux qui
veulent prendre le contre-pied fassent ainsi et qu'ils défient, s'ils en
sont à la hauteur, cet inlassable vengeur de la liberté,
Niccolò Machiavelli.
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TABLE DES MATIÈRES
Epitaphe...............................................................................................................I
Dédicace..............................................................................................................II
Avant
propos...... .................................................................................................III
Remerciements....................................................................................................IV
0. INTRODUCTION GÉNÉRALE
1
0.1. Problématique
7
0.2. Intérêt et choix du Sujet
8
0.3. Approche Méthodologique et structure du
travail
9
CHAPITRE PREMIER
10
LE CREDO MACHIAVÉLIEN
10
I.0. Introduction
10
I.1. Les Médicis
11
I.2. Les Condottieres
11
I.3. Les Dix
12
I.4. Les Circonstances Historiques
12
I.5. Présentation de l'ouvrage
14
I.5.1. Division de l'ouvrage
15
I.6. Conclusion
16
CHAPITRE II
18
MACHIAVEL ET L'EXERCICE DU POUVOIR : LE PRINCE
18
II. 0. Introduction
18
II. 1. Gouverner par les lois et par la force
18
II.1.1. Les lois
19
II.1.2. La force : le lion et le renard
20
II. 2. Déontologie politique du prince et la
morale
20
II. 3. Le prince face au peuple et aux grands
21
II. 4. Les conditions de l'action du prince
22
II. 5. La combinaison des passions : gage du
maintien au pouvoir
23
II. 6. Comment le prince doit procéder pour
avoir le succès
24
II. 7. La guerre comme art par excellence du prince
24
II. 8. A propos de l'homme
25
II. 9. Sur la religion 20
II. 10. La fin justifie les moyens
27
II. 11. Conclusion
28
CHAPITRE III
29
LE MACHIAVÉLISME COMME RÉALISME
PRAGMATIQUE
29
DANS L'AGIR POLITIQUE.
29
III.0. Introduction
29
II.1. Le Machiavélisme
30
II.1.1. Le Pré-machiavélisme
31
III.1.1.1. Jules César (100 / 101 - 44 av.
J.C.)
31
II.1.1. 2. Hérode le Grand (63 - 4 av. J. C.)
32
III.1.2. Le machiavélisme authentique
32
II. 1.2.1. César Borgia (1475-1507)
32
II.1.2.2. François Ier (1494 - 1547)
33
II.1.3. Le Post machiavélisme
33
II.1.3.1. Otto Von Bismarck (1815-1898)
33
II.1. 3.2. Adolf Hitler (1889-1945)
34
III.1. Les Leaders dits exemplaires
35
III.1.1. Mohandas Karamchand Gandhi, dit Mahatma
Gandhi (1869 -1948)
35
III.1.2. Joseph Kasa-Vubu (1915-1969)
36
III.1.3. Denis Sassou N'guesso (né en 1943)
31
III.2. Machiavel et les autres philosophes
38
III.2.1. Spinoza (1632-1677)
38
III.2.2. Jean Jacques Rousseau (1712-1778)
38
III.2.3. Nietzsche (1844-1900)
38
III.2.4. Hannah Arendt (1906-1975)
38
III. 3. Les limites de la pensée de
Machiavel.........................................................35
III. 4. Conclusion 36
IV. CONCLUSION GÉNÉRALE
38
Bibliographie..............................................................................................................................41
* 1Cf. E. S. STUMPF,
Socrates to Sartre. A History of Philosophy, New York, McGraw-Hill,
1993, p. 226.
* 2 B. MUIPATAYI Ntumba, Le
Lien entre la Politique et la Morale Chrétienne. Une étude
critique de l'interprétation de Machiavel par R. Coste,
mémoire présenté en vue de l'obtention du grade de
Licencié en Théologie, FCK, Kinshasa, Juillet 1996, p. 1.
* 3M. REVAULT D'ALLONES, Ce
que l'homme fait à l'homme. Essai sur le mal politique, Paris,
Seuil, 1991,
p. 3.
* 4 Cette expression signifie
« être entre le marteau et l'enclume ».
* 5 ANONYME, Les citations
de Rudyard KIPLING, in
http://www.dico-citations.com/n-admettez-rien-a-priori-si-vous-pouvez-le-vérifier-kipling-rudyard,
visité le 12 février 2010.
* 6 M. LAMY, Nicolas
Machiavel (1469-1527), in D. HUISMAN (dir), Dictionnaire des
philosophes, Paris, Presses Universitaires de France, 1984, p. 1680.
* 7 L'agir politique et
banalité du mal. Repenser la politique avec Hannah Arendt, Rome, IF
PRESS, 2008, 424 pges.
* 8 N. MACHIAVEL, Le
Prince, traduit de l'italien et présenté par Marie
GAILLE-NIKODIMOV, Paris, PUF, 2000. p. 56.
* 9 MACHIAVEL, op.
cit., cité par M. BRION, Machiavel, Paris, Complexe, 1983,
p. 419.
* 10 N. MACHIAVEL, op.
cit., p. 41.
* 11 Ibid.
* 12 C-M. de la
RONCIÈRE, Les Médicis, in
http://www.universalis.fr/recherche/medicis, visité le 03
février 2010.
* 13 On écrit parfois
Condottières.
* 14 Cf. ANONYME,
Les Condottieres, in http://condottiero.free.fr,
visité le 03 février 2010.
* 15 Cf. G. MAURIN, op.
cit., p. 43.
* 16 Ibid.
* 17 I. CLOULAS, Savonarole
ou la Révolution de Dieu, Paris, Fayard, 1994, p. 254.
* 18 Ibid.
* 19 G. MAURIN, op.
cit., p. 43.
* 20 E. S. STUMPF, op.
cit., p. 211- traduit par nous. Voici le texte original: «That such
an influential man came to such a miserable end taught Macchiavelli an early
lesson about the relative power of good and evil forces in society».
* 21 M. BRION, op.
cit., p. 103.
* 22 N. MACHIAVEL, op
cit, p. 5.
* 23 Terme allemand qui
explique la situation sociologique d'un genre littéraire.
* 24 D'après certains
auteurs le titre original serait De Principatibus, l'ouvrage racontant
l'histoire des principats ; d'autres auteurs parlent de De
principe.
* 25 N. MACHIAVEL, op.
cit., p. 55.
* 26 N. MACHIAVEL, op.
cit., p. 40.
* 27 M. LAMY, op.
cit., p. 1680.
* 28 J. J. ROUSSEAU, Du
contrat social, in OEuvres Complètes, Paris,
Gallimard, 1964, p. 409.
* 29 Cf. N. MACHIAVEL, op.
cit, p. 128.
* 30 Bien que dans
l'Anti-Machiavel Gentillet qualifie Machiavel d'athée
(« Voilà la maxime et les raisons que cet athéiste a
vomies en ses beaux discours... »), nous ne pensons pas qu'il le soit
devenu. Une citation comme : « Nous, italiens, devons à
l'Église de Rome et à ses prêtres notre comportement
actuel, celui d'être devenus irréligieux et mauvais »,
et certains chapitres du Prince (VI, XII) justifient notre position.
* 31 « Le cardinal
Colonna s'était proposé à organiser un traquenard
où l'on devait faire tomber Clément VII en organisant un concile
pour le déposer, ou, mieux encore, il tomberait subitement malade, ce
qui simplifierait les choses » (M. BRION, op. cit., p.
407).
* 32 En effet, Julien de
Médicis fut assassiné par la famille rivale des Pazzi - en
complicité avec le pape Sixte IV et l'archevêque de Pise Francesco
Salviati - au cours d'une messe (Cf.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Julien_de_Médicis,
visité le 03 février 2010).
* 33 H. ARENDT, Juger -
Sur la philosophie de Kant, paraphrasée par M. GAILLE-NIKODIMOV,
op. cit., p. 9.
* 34 J. D. NGAMO Dekekomo,
L'Exercice du pouvoir dans « Le Prince » de Nicolas
Machiavel, Mémoire présenté en vue de l'obtention du
titre de gradué en philosophie, Kinshasa, 2004-2005, p. 14.
* 35 N. MACHIAVEL, op.
cit., p. 9.
* 36 C'est ainsi que le
nomme Spinoza.
* 37 CICÉRON, Des
devoirs, cité par É. BRÉHIER, in Les
Stoïciens, Paris, Gallimard, 1962, p. 507.
* 38 Le centaure Chiron,
évoqué par Xénophon, dans Cyropédie, est
un monstre mythologique, fils du dieu Chronos qui éduqua Achille,
Asclépios et Jason.
* 39 N. MACHIAVEL, op.
cit., p. 128.
* 40 Ibid.
* 41 Ibid., p. 91.
* 42 C. ROUSSEAU, Le Prince
Machiavel. Analyse critique, Paris, Hatier, 1978, p. 45.
* 43 N. MACHIAVEL, op.
cit., p. 128.
* 44 M. WEBER, Le Savant
et le Politique, traduit par Julien FREUND, Paris, Plon, 1963, p. 123.
* 45 M. R. D'ALLONNES,
op. cit., p. 11.
* 46 MACHIAVEL, op.
cit., cité par M. BRION, op. cit., p. 102.
* 47 J. G. FICHTE,
Machiavel et autres écrits philosophiques et politiques de
1806-1807, traduit par Luc FERRY et Alain RENAUT, Paris, Payot, 1981, p.
42.
* 48 N. MACHIAVEL, op.
cit., p.131.
* 49 Ibid.
* 50 N. HUYBENS,
L'éthique du développement durable, in
http :www.des_repères_pour_orienter_le_monde. Com,
visité le 18 février 2010.
* 51 M. BRION, op.
cit., p. 103.
* 52 Nous nommerons
« machiavéliens » ceux qui ont suivi ou suivent
fidèlement la pensée originale de Machiavel et
« machiavéliques » ceux qui ont porté ou
portent cette pensée à l'extrême.
* 53 M. BRION, op.
cit., p. 56.
* 54 N. MACHIAVEL, op.
cit., p. 56.
* 55 Cf. M. DUVERGER,
Introduction à la politique, Paris, Gallimard, 1964, p. 29.
* 56 N. MACHIAVEL, op.
cit., p. 19.
* 57 Ibid.
* 58 N. MACHIAVEL, op.
cit., p. 127.
* 59 N. MACHIAVEL, L'art de
la guerre, in Le Prince et autres textes, présenté
par Yves LÉVY, Paris, Union Générale d'Éditions,
1962, p. 71.
* 60 IDEM, op. cit.,
p. 116.
* 61 Voici ce qu'il
dit : « Il est par conséquent nécessaire de
se préparer aux armes, pour pouvoir, avec la vertu italienne, se
défendre face aux étrangers ». (Op. cit., p.
165).
* 62 Cf. T. SUN, Le `Sunzi
bingfa' ou l'art de la guerre, in Le Point. Hors Série,
Mars-Avril 2007, n. 13, p. 82.
* 63 Ibid.,
p. 129.
* 64 N. MACHIAVEL, op.
cit, in op. cit, p. 122-123.
* 65 H. ARENDT,
Conditions de l'homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1983, p.
120.
* 66 N. MACHIAVEL, op
cit, p. 104.
* 67 M. LAMY, op. cit., p.
1681.
* 68 N. MACHIAVEL, op.
cit., p. 41.
* 69 MACHIAVEL, op.
cit., cité par G. MAURIN, op. cit., p. 53.
* 70 Cf. M. BRION, op.
cit., p. 427.
* 71 On peut prendre comme
exemple cette phrase tirée du livre de l'Exode : « Outre
cela, on voit ici des faits extraordinaires, sans exemples, conduits par
Dieu : la mer s'est ouverte, un nuage vous a escorté sur le chemin,
la pierre a versé de l'eau, ici il a plu la manne (...) ». (N.
MACHIAVEL, op. cit., p. 164)
* 72 IDEM, op.
cit., p. 102.
* 73 Il s'adresse à
Laurent de Médicis.
* 74 IDEM, op.
cit., p. 163.
* 75Ibid., op.
cit., p. 130.
* 76 L. STRAUSS, Qu'est
ce que la philosophie politique ?, Paris, PUF, 1992, p. 46.
* 77 M. JOLY, Dialogue
aux enfers entre Machiavel et Montesquieu,
Bruxelles, A Mertens et
fils,
1864, p. 2.
78Ibid.
* 78 A propos, G. Maurin
dit : « Staline et Mao Ze Dong sont sans doute, dans les moyens
mis à la conquête et à la conservation du pouvoir, les deux
hommes d'État les plus `machiavéliques' » (G. MAURIN,
op. cit., p. 58).
* 79 S. YANG, Prince,
n'ayez pas de scrupule ! La morale change avec les époques,
cité par N. ZUFFEREY, La Politique, in op.
cit., p. 95.
* 80 MEINECKE cité
par M. SENELLART, Machiavélisme et raison d'État, Paris,
PUF, p. 42-49.
* 81 M. JOLY, op.
cit., p. 3.
* 82 Le Robert,
Paris, Le Robert-Sejer, 2009, p. 429.
* 83 Dictionnaire Sans
Agent, in
http://dictionnaire.sensagent.com/machiavélisme.fr,
visité le 15 mars 2010.
* 84 Cf. C. BENOIST, Le
Machiavélisme, vol I, Paris, Plon-Nourrit, 1907, p. 6.
* 85 C. NICOLET - M.
RAMBAUD, César Jules, in The New Encyclopaedia
Britannica, Vol. 8, Knowledge in depth, 15th edition, New York,
Encyclopaedia Britannica, 1982, p. 6355-6358.
* 86 N. MACHIAVEL, op.
cit., p. 122.
* 87 G. SED-RAJNA,
Hérode le grand, in op. cit., p. 5940-5943.
* 88 M. E. MALLET,
Borgia César, in
http://www.cosmovisions.com/CesarBorgia.htm,
visité le 14 mars 2010.
* 89 Cf. M. VENARD,
Quand Jules rencontre Pierre, in LA VIE, 2006, vol 3174, p.
30-31.
* 90 N. MACHIAVEL, op.
cit, p. 123.
* 91 J.G. FICHTE, op.
cit., p. 42-43.
* 92 N. MACHIAVEL, op. cit,
p. 124..
* 93 J. MEYER,
François Ier, in
http://www.linternaute.com/biographie/francois-Ier,
visité le 04 avril 2010.
* 94 N. MACHIAVEL, op.
cit., p. 134.
* 95 M. EUDE, Bismarck Otto
Von, in
http://www.universalis.fr/encyclopedie/otto-von-bismarck/,
visité le 14 mars 2010.
* 96 J. J. CHEVALLIER,
Hitler Adolph, in Encyclopaedia Universalis, Corpus II,
Paris, 1992, p. 5943-5945.
* 97 Ibid., p.
5944
* 98 « Parti
ouvrier allemand, anticapitaliste et antisémite »,
rebaptisé « Parti national-socialiste » (nazi) par
Hitler.
* 99 M. REVAULT D'ALLONNES,
op. cit., p. 170.
* 100 C. BRUNIER,
L'héritage de Gandhi, in
membres.multimania.fr/manco/gandhi/gandhi.htm, visité le
20 avril 2010.
* 101 Cf. J. ONAOTSHO,
La philosophie orientale. Syllabus de G3 philosophie, USAKIN, 2010, p.
33.
* 102 Cf. Le sermon sur la
montagne (Mt 5 : 1 - 12).
* 103 « Je crois
au principe de la non-violence ».
* 104 M. GANDHI, La
jeune Inde, Madras, S. Ganesan Publisher, 1924, p. 132-133.
* 105 Association
culturelle des Bakongo, fondée au début des années 1950
par Edmond Nzenza Nlandu.
* 106 Le Potentiel,
Joseph Kasa-Vubu, in
http://www.laconscience.com/article.php,
visité le 23 avril 2010.
* 107 J. KASA-VUBU
M'poyo, Kasa-Vubu et le Congo indépendant (1960-1969),
Bruxelles, LE CRI, 1997, p. 118.
* 108 N. MACHIAVEL, op.
cit., p. 151.
* 109 J. KASA-VUBU M'Poyo,
op, cit., p. 117.
* 110 Ibid., 92
* 111 Ibid.
* 112 N. MACHIAVEL, op.
cit., p. 152.
* 113 A. SOUSSAN, Un
homme d'honneur. Le destin exceptionnel d'un enfant de la brousse, Paris,
Ramsay, 2001, p. 287.
* 114 Cf. M. REVAULT
D'ALLONES, op. cit., p. 115.
* 115 A. SOUSSAN, op.
cit., p. 66.
* 116
Ibid., p. 191.
* 117 Son nouveau projet de
société.
* 118 D. SASSOU N'guesso,
Disours d'investiture, Brazzaville, 29 août 2009.
* 119Cf. N. NDONG,
Denis Sassou N'guesso élu homme de l'année 2009, in
http://www.brazzaville-adiac.com,
visité le 28 avril 2010.
* 120 N. MACHIAVEL,
Lettre à Piero Vettori, cité par E. GARIN, Machiavel
entre politique et histoire, s. l., Alia, 2006, p. 53.
* 121 Cf. PLATON, La
République, livre V.
* 122 B. SPINOZA,
Traité Politique,, traduit par Charles APPUHN, Paris, Garnier
Frères, 1966, p. 39.
* 123 Ibid..
* 124 J. J. ROUSSEAU, Du
contrat social, in OEuvres complètes, s.l.,
Gallimard, 1964, p. 409.
* 125 Ibid.
* 126 Ibid.
* 127 P. CARTA,
Machiavel aux XIXe et XXe siècles, Milan,
Cedam, 2007, p.64.
* 128 F. NIETZSCHE, Par
delà bien et mal, Paris, Flammarion, 1971, p.46.
* 129 NIETZSCHE, Werke,
Nachgelassene Fragmente, traduit en français comme Fragments
Posthumes, Automne 1887 - Mars 1888, p. 268.
* 130 H. ARENDT, op.
cit., p. 121.
* 131 Cf. H. ARENDT, op.
cit., p. 120.
* 132 N. MACHIAVEL,
Histoire de Florence, in op., cit., p. 106.
* 133 Ibid.
* 134 M. MERLEAU-PONTY,
Notes sur Machiavel : Communication au congrès
`Umanesime e scienza politica', Rome-Florence, septembre 1949, repris dans
Signes, coll. Folio essais, Paris, Gallimard, 2001, p. 343-364.
* 135 FREDERIC II,
Anti-Machiavel, préfacé et publié par VOLTAIRE,
s. l., s. e., 1740, p. III.
* 136 VOLTAIRE,
Dictionnaire philosophique, chronologie et préface par
Réné POMEAU, Paris, Garmier-Flammarion, 1964, p. 278.
* 137 FREDERIC II, op.
cit., p. III
* 138 Ibid., p.
169.
* 139 GENTILET,
Anti-Machiavel, Genève, C. Eduard Rathé, 1968, p.
215-216.
* 140 J. G. FICHTE, op.
cit., p. 42.
* 141 N. MACHIAVEL, op.
cit., p. 148.
* 142 M. LAMY, op.
cit., p. 1680.
* 143Maurice Joly fait dire
à Machiavel les phrases suivantes : « Qui m'a rendu dans
votre temps un plus éclatant hommage que Frédéric II ? Il
me réfutait la plume à la main dans l'intérêt de sa
popularité et en politique il appliquait rigoureusement mes
doctrines» (Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu,
p. 3.).
* 144 D'après
l'entendement populaire. Selon nous ce sont des oeuvres.
* 145 D'après Bruno
Ben Moubamba, vice-président d'Union nationale (l'une des deux
principales formations de l'opposition gabonaise), ces deux hommes politiques
français chantaient les louanges de Mobutu, « ils pratiquaient
une forme d'autisme diplomatique tant le maréchal était
impopulaire et pillait littéralement son pays » (cf.
l'interview de Moubamba du 24 février 2010, disponible sur
http://fr.news.yahoo.com/64/20100224/,
visité le 20 avril 2010).
* 146 Cf. M. MBAMBI, Cours
de philosophie sociale, année académique 2004-2005, p.
52.
* 147 Ibid., p.
164.
* 148 N. AMELOT DE LA
HOUSSAYE, Préface à la traduction du Prince,
Volland, tome VIII, 1793, p. LV.
* 149 C'est nous qui
soulignons.
* 150N. MACHIAVEL, op.
cit., p. 166-167.
* 151 MACHIAVEL cité
par Maurice JOLY, op. cit., p. 3.
* 152 L'affaire Clearstream
2 (ou affaire
EADS-
Clearstream ou affaire
du corbeau des
frégates
de Taïwan) est une affaire
française apparue en
2004. Un petit groupe de
politiciens et d'industriels tenta de manipuler la justice afin
d'évincer des concurrents, en voulant faire croire à
l'implication de ceux-ci dans le
scandale
des frégates de Taïwan. Cette histoire comporte au moins deux
volets scandaleux: une succession de morts suspectes et le versement de
pots-de-vin faramineux, qui ont profité à de nombreux
intermédiaires, mais aussi, très vraisemblablement, à des
hommes politiques.
* 153 M. DUVERGER,
Introduction à la politique, Paris, Gallimard, 1964, p. 29.
* 154 N. MACHIAVEL, op.
cit., p. 166.
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